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Culture générale et expression

BTS 2e année

PARIS, VILLE CAPITALE ?


Activité 3 – Les visages de Paris.
Architecture et urbanisme
Cours

Séquence 1 – Présenter le thème et sa problématique

Laure Belhassen

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SOMMAIRE

SÉQUENCE 1 PRÉSENTER LE THÈME ET SA PROBLÉMATIQUE


ACTIVITÉ 3 Les visages de Paris. Architecture et urbanisme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 3
1.  Le Paris du Moyen Âge . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 3
A.  Paris malfamé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 3
B.  La Ville sous le feu des critiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 8
C.  Paris, « ville-tombeau » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 9
2.  Le Paris d’Haussmann . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 12
A.  Les grands travaux du baron Haussmann . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 12
B.  Un bilan critiqué . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 15
Ce qu'il faut retenir . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 17

Cned / Cours / Paris, ville capitale / Séquence 1 – Activité 3 / Culture générale et expression – 2e année 2 / 17
SÉQUENCE 1 PRÉSENTER LE THÈME
ET SA PROBLÉMATIQUE

ACTIVITÉ 3 Les visages de Paris. Architecture et urbanisme

Objectifs

Cette activité vous permet de travailler les compétences suivantes pour l’épreuve :
  repérer les idées essentielles d’un texte ;
  reformuler une idée ;
  confronter des idées ;
  faire preuve de concision ;
  rédiger un paragraphe de synthèse ;
  rédiger une introduction de synthèse ;
  analyser un document iconographique ;
  comprendre l’essentiel d’un texte littéraire ;
  enrichir sa culture personnelle.

1.  Le Paris du Moyen Âge


Entre le XVIIe et le XVIIIe siècles, dans une période de pauvreté endémique et de famine, le vagabondage et la
mendicité sont fortement criminalisés. La pauvreté apparaît alors comme l’expression de la fainéantise et
devient un sujet d’indignation et d’inquiétude ; les Cours des Miracles sont les lieux emblématiques de ce Paris
miséreux.
Henri Sauval (1623-1676) et Victor Hugo (1802-1885) ont abondamment décrit ce Paris du Moyen Âge et ses
Cours des Miracles. Difficilement accessibles, quasi secrets, ces lieux ont fertilisé l’imaginaire d’un Paris
extraordinairement dangereux dans lequel l’horreur voisine avec la misère.

A.  Paris malfamé


La cour des Miracles d’Henri Sauval
Né à Paris et mort dans sa ville natale, Henri Sauval est présenté comme un historien. Il a laissé derrière lui
de nombreux manuscrits portant sur la capitale. La plupart de ses travaux ont été édités bien après sa mort.
Histoire et recherches des antiquités de la ville de Paris, publié en 1724, est un vaste ensemble documentaire mêlant
l’histoire de Paris à l’actualité du XVIIe siècle. L’extrait suivant traite des « Cours de Miracles ».

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Document 1

Cours de Miracles
Pour les Cours de Miracles se retirent les gueux ou les mauvais pauvres, elles sont peut-être aussi anciennes à Paris que les gueux
et la gueuserie. […]
De tant de Cours des miracles, il n’y en a point de plus célèbre que celle qui conserve encore, comme par excellence, ce nom. Elle
consiste en une place d’une grandeur très considérable, et en un très grand cul-de-sac puant, boueux, irrégulier, qui n’est point
pavé. Autrefois, il confinait aux dernières extrémités de Paris, à présent, il est situé dans l’un des quartiers des plus mal bâtis, des
plus sales et des plus reculés de la ville, entre la rue Montorgueil, le couvent des Filles-Dieu et la rue neuve Saint-Sauveur, comme
dans un autre monde. Pour y venir, il se faut souvent égarer dans de petites rues, vilaines, puantes, détournées ; pour y entrer, il
faut descendre une assez longue pente de terre, tortueuse, raboteuse, inégale. J’y ai vu une maison de boue à demi enterrée, toute
chancelante de vieillesse et de pourriture, qui n’a pas quatre toises en carré et où logent néanmoins plus de cinquante ménages
chargés d’une infinité d’enfants légitimes, naturels et dérobés. On m’assura que dans ce logis et les autres, habitaient plus de cinq
cents [grosses] familles entassées les unes sur les autres. […].
On s’y nourrissait de brigandages, on s’y engraissait dans l’oisiveté, dans la gourmandise, et dans toutes sortes de vices et de
crimes ; là, sans aucun soin de l’avenir, chacun jouissait à son aise du présent, et mangeait le soir avec plaisir ce qu’avec bien de
la peine, et souvent avec bien des coups, il avait gagné tout le jour ; car on y appelait gagner ce qu’ailleurs on appelle dérober ; et
c’était une des lois fondamentales de la Cour des miracles de ne rien garder pour le lendemain. Chacun y vivait, dans une grande
licence ; personne n’y avait ni foi ni loi ; on n’y connaissait ni baptême, ni mariage, ni sacrements.

Henri Sauval, Histoire et recherches des antiquités de la ville de Paris. Tome I. pp.511-512

À vous de chercher
Objectif : enrichir sa culturelle personnelle ; faire preuve de concision
« Cour des Miracles » est une expression passée dans le langage courant. Que désigne-t-elle ? À la première
ligne du texte, on peut lire la formule « mauvais pauvre ». Quel regard Sauval porte-t-il sur le monde qu’il
décrit (vous pouvez relever des adjectifs concernant sa population) ?
Formulez vos réponses en un seul paragraphe.

Reprenons ensemble

Passée dans le langage courant, l’expression « Cour des Miracles » désigne un endroit mal famé où se regroupe
une population inquiétante de mendiants et vagabonds vivant en marge de la société. À en croire Henri Sauval,
les « mauvais pauvres » peuplant ces cours auraient constitué un antimonde hiérarchisé selon ses propres lois
et fondé sur le crime organisé. Le regard de l’historien sur cette société est très sévère : oisifs et gourmands, les
« résidents » des Cours de Miracles forment la lie de la société.

La Cour des Miracles de Victor Hugo


La description d’Henri Sauval s’est frayé un chemin dans la littérature. On la retrouve presque deux siècles plus
tard dans un chapitre de Notre-Dame de Paris, célèbre roman de Victor Hugo.

Document 2

La Cour des Miracles


Le pauvre poète jeta les yeux autour de lui. Il était en effet dans cette redoutable Cour des Miracles, où jamais honnête homme
n’avait pénétré à pareille heure ; cercle magique où les officiers du Châtelet et les sergents de la prévôté qui s’y aventuraient
disparaissaient en miettes ; cité des voleurs, hideuse verrue à la face de Paris ; égout d’où s’échappait chaque matin, et où revenait
croupir chaque nuit ce ruisseau de vices, de mendicité et de vagabondage toujours débordé dans les rues des capitales ; ruche
monstrueuse où rentraient le soir avec leur butin tous les frelons de l’ordre social ; hôpital menteur où le bohémien, le moine
défroqué, l’écolier perdu, les vauriens de toutes les nations, espagnols, italiens, allemands, de toutes les religions, juifs, chrétiens,
mahométans, idolâtres, couverts de plaies fardées, mendiants le jour, se transfiguraient la nuit en brigands ; immense vestiaire, en

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un mot, où s’habillaient et se déshabillaient à cette époque tous les acteurs de cette comédie éternelle que le vol, la prostitution et
le meurtre jouent sur le pavé de Paris.
C’était une vaste place, irrégulière et mal pavée, comme toutes les places de Paris alors. Des feux, autour desquels fourmillaient
des groupes étranges, y brillaient çà et là. Tout cela allait, venait, criait. On entendait des rires aigus, des vagissements d’enfants,
des voix de femmes. Les mains, les têtes de cette foule, noires sur le fond lumineux, y découpaient mille gestes bizarres. Par
moments, sur le sol, où tremblait la clarté des feux, mêlée à de grandes ombres indéfinies, on pouvait voir passer un chien qui
ressemblait à un homme, un homme qui ressemblait à un chien. Les limites des races et des espèces semblaient s’effacer dans
cette cité comme dans un pandémonium. Hommes, femmes, bêtes, âge, sexe, santé, maladie, tout semblait être en commun parmi
ce peuple ; tout allait ensemble, mêlé, confondu, superposé ; chacun y participait de tout. Le rayonnement chancelant et pauvre
des feux permettait à Gringoire de distinguer, à travers son trouble, tout à l’entour de l’immense place, un hideux encadrement
de vieilles maisons dont les façades vermoulues, ratatinées, rabougries, percées chacune d’une ou deux lucarnes éclairées, lui
semblaient dans l’ombre d’énormes têtes de vieilles femmes, rangées en cercle, monstrueuses et rechignées, qui regardaient le
sabbat en clignant des yeux. C’était comme un nouveau monde, inconnu, inouï, difforme, reptile, fourmillant, fantastique.

V. Hugo, Notre-Dame de Paris (1831-32), Livre Deuxième, VI « La cruche cassée »

À vous de chercher
Objectif : enrichir sa culture personnelle ; rédiger un paragraphe de synthèse ; rédiger une introduction de synthèse
1. Q
 u’est-ce qu’un pandémonium ? Aidez-vous d’un dictionnaire pour répondre à cette question, par exemple,
celui du Centre national de ressources lexicales et textuelles (CNTRL) 1.
2. P
 ourquoi, selon Sauval et Hugo, parle-t-on de « Miracles » ?
3. R
 esituez les deux œuvres par rapport au gouvernement de leur époque et rédigez un court paragraphe sur ce
contexte historique et politique.
a. La description de Sauval est rédigée du temps de :
Louis XIV – Louis XV – Louis XVI – Napoléon Bonaparte – Louis XVIII – Charles X – Louis Philippe 1er – Napoléon III
b. La description de Victor Hugo est rédigée du temps de :
Louis XIV – Louis XV – Louis XVI – Napoléon Bonaparte – Louis XVIII – Charles X – Louis Philippe 1er – Napoléon III

Reprenons ensemble

1. C
 ’est la « capitale imaginaire des Enfers où les esprits démoniaques se rassemblent autour de Satan »
(définition du CNTRL).
2. L
 e terme « Miracles » renvoie à l’aptitude supposée de ces mendiants à simuler différentes infirmités,
lesquelles disparaissaient « comme par miracle » sitôt leur repaire retrouvé ; l’aveugle y recouvrait la vue, le
boiteux était subitement capable de marcher, la femme enceinte retrouvait un ventre plat… Mendiants le jour,
les habitants des Cours des Miracles étaient supposés se transformer en brigands la nuit.
3. 
a. La description de Sauval est rédigée du temps de Louis XIV (1643-1715). La Révolution française est encore
loin ! Louis XIV nomme un lieutenant de police pour assurer la sécurité de Paris. Nicolas de La Reynie fait
raser certains quartiers, dispersant la population qui occupe les Cours. Une politique d’emprisonnement
systématique est menée à l’encontre de ces « indésirables ». Vagabonds et mendiants sont enfermés dans des
Hôpitaux généraux ou dans des dépôts de mendicité. Selon les termes du philosophe Michel Foucault, c’est la
période du « grand renfermement ». On peut supposer que la Cour des Miracles relève en grande partie du
fantasme et que la peur suscitée par ces lieux de pauvreté a justifié une politique particulièrement coercitive.
b. La description de Victor Hugo est rédigée pendant le règne de Louis Philippe 1er (1830-1848). Napoléon III lui
succède après un coup d’État et proclame le Second Empire, devenant Empereur des Français de 1852 à 1870.
Victor Hugo, Académicien depuis 10 ans et personnalité politique très en vue a appelé à la résistance armée.
Il préfère devancer le bannissement décrété contre lui et s’exile pendant 20 ans, d’abord à Bruxelles puis à
Jersey et Guernesey.

1. https://www.cnrtl.fr/

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À vous de chercher
Objectif : rédiger une introduction de synthèse
Après Sauval (document 1) et Hugo (document 2), Rétif de la Bretonne (document 3) et Eugène Sue (document 5)
viennent compléter le portrait de ce Paris du Moyen Âge (les documents 3 et 5 figurent ci-dessous).
Rédigez une introduction de synthèse pour cet ensemble de documents, comme vous avez appris à le faire en
première année. Vous présenterez les documents dans votre introduction.

Rétif de la Bretonne et ses Nuits de Paris


Rétif de la Bretonne (1734-1806) est une figure littéraire très singulière. C’est une « mouche », c’est-à-dire un
indicateur de la police parisienne. Doté d’une cape et armé d’un pistolet, il a investi la vie souterraine et nocturne
de la capitale sous le surnom de « Hibou ». Ces Nuits sont inspirées de rapports qu’il devait rédiger sur le monde
interlope de l’Île de la Cité et forment des récits qui s’apparentent à des reportages où se mêlent meurtres,
accidents et délits en tous genres.

Remise en contexte du document 3


En plein cœur de Paris, à deux pas de la prestigieuse avenue des Champs-Élysées, Félix Mornand n’en croit
pas ses yeux en découvrant « une masure en planches et menaçant de ruine, d’un seul rez-de-chaussée fort
bas et pouvant bien avoir de sept ou huit pieds en tous sens […] divisée en deux chambres, ouvrant sur une cour
marécageuse d’une étendue à peu près double et toute chargée d’immondices, où becquetaient une nourriture
fétide deux ou trois douzaines de poules. » Le contraste est terrible avec l’opulence de la « riante » avenue des
Élysées voisine. D’ailleurs, l’homme recule « de dégoût et d’horreur ».

Document 3

XIX Nuit. La chiffonnière.


Dans la rue Pavée, presque vis-à-vis de l’hôtel de Lamoignon, j’aperçus à terre quelque chose de noir, qui se mouvait : cela
ressemblait à un gros chien. Je redoute cet animal, depuis que j’en ai été mordu dans mon enfance. Je tressaillis.
Un cri plaintif et profond, mais moins effrayant pour moi, que l’aboiement d’un chien, me fit présumer que c’était une créature
humaine. Je m’approchai, les cheveux hérissés de terreur. C’était une vieille chiffonnière ivre d’eau-de-vie, couchée par terre, la tête
appuyée sur un sac, où étaient enfermés quelques chiens et quelques chats, qu’elle avait assommés, pour en avoir la chair et la
peau. Je l’éveillai. - Allons, la Mère, levez-vous, votre sommeil doit vous avoir rafraîchie ! Où demeurez-vous ?
Elle s’éveilla un peu… - Pas moins de douze sous le gros Matou ! Je le guette depuis trois soirs : il appartient à une dévote, il est
gras à lard ; la peau est belle -. Et elle le tira du sac ; il remuait encore - Levez-vous ! - Les deux petits chiens ? Ils n’ont que six
mois : c’est tendre comme rosée ! On m’en a fait manger à la Maison blanche pour du lapin de garenne. Le pâtissier du Faubourg
en fait son hachis, le charcutier de la Barrière en bonifie ses cervelas -. Elle les étala. - Ma bonne ! je ne suis ni guinguetier 1, ni
pâtissier, ni marchand de cochon.
- Qu’es-tu donc, pour me tirer les vers du nez ? Passe ton chemin ! - Et elle voulut m’allonger un coup de crochet. Je fus obligé de
me retirer.

1. Tenancier d’une guinguette (cabaret populaire)

Rétif de la Bretonne, Les Nuits de Paris, ou Le spectateur nocturne. Tome I, p 198-199. Date d’édition 1788-1794

Pour aller plus loin


Pour en savoir plus sur l’œuvre de Rétif de la Bretonne, rendez-vous sur Gallica 1.

1. https://gallica.bnf.fr/essentiels/retif-bretonne/nuits-paris

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Document 4

À la suite de la représentation d’une pièce de Félix Pyat, en 1841, [Eugène Sue] découvre la misère sociale, la pauvreté et les
difficultés des classes dites « dangereuses ». Il se tourne alors vers un socialisme utopique et rédempteur, sans trop se préoccuper
des moyens de ce changement. C’est une commande du Journal des Débats, journal conservateur, qui lui permet de rédiger Les Mystères
de Paris, qui vont s’étaler sur seize mois (19 juin 1842-15 octobre 1843). Il y invente le roman de la ville moderne, dépeignant la misère
qui entraîne dépravation et crime, au sein d’un monde fangeux, grouillant de malfrats, d’exploiteurs mais aussi de gens honnêtes et
industrieux. Ce titre n’est pas un succès, c’est un triomphe absolu, le texte français le plus lu au XIXe siècle !

Présentation de l’œuvre par Roger Musnik sur le blog de Gallica

Pour aller plus loin


Pour en savoir plus sur l’œuvre d’Eugène Sue, rendez-vous sur Gallica 1.

1. https://gallica.bnf.fr/blog/13102021/eugene-sue-1804-1857?mode=desktop

Document 5

Les Mystères de Paris, chapitre 1 – Le Tapis-franc 1

Le 13 décembre 1838, par une soirée pluvieuse et froide, un homme d’une taille athlétique, vêtu d’une mauvaise blouse, traversa le pont au
Change et s’enfonça dans la Cité, dédale de rues obscures, étroites, tortueuses, qui s’étend depuis le Palais de Justice jusqu’à Notre-Dame.
Le quartier du Palais de Justice, très circonscrit, très surveillé, sert pourtant d’asile ou de rendez-vous aux malfaiteurs de Paris. N’est-il
pas étrange, ou plutôt fatal, qu’une irrésistible attraction fasse toujours graviter ces criminels autour du formidable tribunal qui les
condamne à la prison, au bagne, à l’échafaud !
Cette nuit-là, donc, le vent s’engouffrait violemment dans les espèces de ruelles de ce lugubre quartier ; la lueur blafarde, vacillante, des
réverbères agités par la bise, se reflétait dans le ruisseau d’eau noirâtre qui coulait au milieu des pavés fangeux.
Les maisons, couleur de boue, étaient percées de quelques rares fenêtres aux châssis vermoulus et presque sans carreaux. De noires,
d’infectes allées conduisaient à des escaliers plus noirs, plus infects encore, et si perpendiculaires, que l’on pouvait à peine les gravir à
l’aide d’une corde à puits fixée aux murailles humides par des crampons de fer.
Le rez-de-chaussée de quelques-unes de ces maisons était occupé par des étalages de charbonniers, de tripiers ou de revendeurs de
mauvaises viandes.
Malgré le peu de valeur de ces denrées, la devanture de presque toutes ces misérables boutiques était grillagée de fer, tant les marchands
redoutaient les audacieux voleurs de ce quartier.

1. Taverne, cabaret mal famé où se réunissaient les malfaiteurs.

Eugène Sue, Les Mystères de Paris, 1842-1843

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Reprenons ensemble
Proposition d’introduction
Ce corpus est consacré à Paris et porte plus précisément sur le cœur de la capitale tel qu’il se présentait avant
les travaux d’Haussmann. Avec ses rues sinueuses et son habitat délabré, le Paris du Moyen Âge ressemble dans
ce corpus à un coupe-gorge occupé par des individus dangereux. Henri Sauval dans son Histoire et recherches des
antiquités de la ville de Paris, paru en 1724, offre une description des Cours des Miracles reprise en 1831 par Victor
Hugo dans « La cruche cassée », un chapitre de Notre-Dame de Paris. Rétif de La Bretonne sillonne l’Île de la Cité
et relate les rencontres inquiétantes qu’il y fait dans ses Nuits de Paris, ouvrage paru en 1788. Eugène Sue plonge
lui aussi dans les entrailles malfamées de l’Île de la Cité avec Les Mystères de Paris (1842) pour en faire le haut
lieu du crime organisé. Quelle représentation de la ville est convoyée par la littérature ? Nous nous intéresserons
dans un premier temps à la description des quartiers du Paris du Moyen Âge puis nous nous pencherons sur les
représentations de cette population marginale, telle que la perçoivent les auteurs.

B.  La ville sous le feu des critiques


Les auteurs précédents ont contribué à forger l’imaginaire du Paris des bas-fonds sur fond de criminalité. Les
textes suivants émanent respectivement d’un philosophe suisse très célèbre, Jean-Jacques Rousseau, et d’une
romancière anglaise, Frances Trollope. À un siècle d’intervalle, si la critique de ces deux étrangers porte sur
l’insalubrité de la Ville, elle diffère nettement dans la sensibilité exprimée.

Document 6

Jean-Jacques Rousseau a 19 ans quand il arrive à Paris, en marchant.


Combien l’abord de Paris démentit l’idée que j’en avais ! La décoration extérieure que j’avais vue à Turin, la beauté des rues, la
symétrie et l’alignement des maisons me faisaient chercher, à Paris, autre chose encore. Je m’étais figuré une ville aussi belle que
grande, de l’aspect le plus imposant, où l’on ne voyait que de superbes rues, des palais de marbre et d’or. En entrant par le faubourg
Saint-Marceau, je ne vis que de petites rues sales et puantes, de vilaines maisons noires, l’air de la malpropreté, de la pauvreté,
des mendiants, des charretiers, des ravaudeuses, des crieuses de tisane et de vieux chapeaux. Tout cela me frappa d’abord à tel
point, que tout ce que j’ai vu depuis à Paris de magnificence réelle n’a pu détruire cette première impression, et qu’il m’en est resté
toujours un secret dégoût pour l’habitation de cette capitale. Je puis dire que tout le temps que j’y ai vécu dans la suite ne fut
employé qu’à y chercher des ressources pour me mettre en état d’en vivre éloigné.

Jean-Jacques Rousseau, Les Confessions, livre IV, 1782

Un siècle après Rousseau, Frances Trollope (1780-1863) publie un tableau de Paris et des Parisiens qui diffère
dans sa sensibilité tout en offrant des similarités avec celui du philosophe.

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Document 7

Obscurité.
Ma dernière lettre traitait d’un sujet qui m’inspirait tant de motifs d’admiration, qu’aujourd’hui, quand ce ne serait que pour varier
un peu, je laisserai prévaloir la veine de la critique. Telle étant donc mon humeur, ou si vous voulez, ma mauvaise humeur, je vais
l’exhaler en vous apprenant ce que je pense de la police des rues de Paris.
[…] Dans cette saison de l’année, on ne peut traverser aucune rue de Paris, quelque distingué que soit le quartier où elle est située
ou la société qui la fréquente, sans être à chaque instant obligé de se détourner de son chemin pour ne pas heurter plusieurs
femmes couvertes de poussière, et probablement aussi d’insectes dégoûtants. L’occupation de ces femmes consiste à défaire les
matelas au milieu de la rue, à carder, retourner et secouer la laine sur tous les passants, qui font en vain un long et sale détour pour
ne pas avaler la poussière qui en sort.
Il n’y a pas plus d’une demi-heure qu’en venant du boulevard des Italiens, j’ai passé devant la salle de l’Opéra, où j’ai vu une vieille
femme occupée de cette dégoûtante opération.
Elle y passera sans doute la journée entière, et enlèvera son lit tout juste à temps pour permettre au duc d’Orléans de descendre de
voiture et d’entrer à l’Opéra sans la heurter, mais certainement pas assez tôt pour l’empêcher de recevoir sur ses habits une portion
des superfluités animées et inanimées que, pendant tout ce temps, elle a répandue dans l’air.

Frances Trollope, Paris et les Parisiens. Tome I, 1835

À vous de chercher
Objectif : confronter des idées ; rédiger un paragraphe de synthèse
Comment apparaissent les rues de Paris dans la description de Rousseau et dans celle de Frances Trollope ?
Établissez les points communs. Quel est le problème relevé par Trollope ? Fait-elle preuve d’humanisme dans
les reproches qu’elle exprime ? Répondez en un court paragraphe.

Reprenons ensemble
Proposition de paragraphe de synthèse.
Tant dans les Confessions de Jean-Jacques Rousseau que dans l’ouvrage de Frances Trollope, la rue parisienne
est le théâtre d’une activité professionnelle bouillonnante, à ciel ouvert. À un siècle d’intervalle, la rue est
occupée par de nombreux artisans qui se consacrent à leur travail à même le trottoir. Si les deux écrivains
expriment leur dégoût pour l’insalubrité, Madame Trollope s’inquiète plutôt pour sa santé et fait preuve de
véhémence dans sa critique de la cardeuse de matelas. Rousseau exprime quant à lui plutôt son dégoût de
l’habitat. Ainsi, Frances Trollope considère que la police devrait réprimer ces femmes et leur travail alors que
Rousseau semble pour sa part plus soucieux de la misère des habitants.

C.  Paris, « ville-tombeau »


Le lien entre insalubrité et maladie a tardé mais les épidémies de choléra, fréquentes et particulièrement
ravageuses dans les quartiers pauvres de la capitale au cours de la première moitié du XIXe siècle, révèlent une
véritable géographie de la maladie. C’est au point qu’à l’instar de Frances Trollope, les riches vont soupçonner les
pauvres de les infecter délibérément. En retour, les pauvres vont s’inquiéter d’être la cible d’empoisonnements.
Telle qu’elle est conçue, la ville du Moyen Âge, avec ses égouts à ciel ouvert et ses rues obscures et sinueuses,
est une aubaine pour les maladies et épidémies. Paris acquiert la réputation de « ville-tombeau ».

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Document 8

Histoire : 1832, le choléra arrive en France


En 1832, le choléra fait sa première apparition en France : l’épidémie touche d’abord le nord-est du pays puis en mars, les premiers
cas sont signalés à Paris […] alors que des médecins affirment que la France est désormais à l’abri de toute épidémie meurtrière,
compte tenu des progrès de l’hygiène et des mesures de prévention mises en place aux frontières et dans les ports.
De mars à septembre 1832, l'infection (une bactérie) provoque la mort de 18 400 personnes à Paris, faisant passer le nombre des
décès enregistrés annuellement de 25 500 à plus de 44 000. Sur l'ensemble du territoire français, plus de 100 000 personnes sont
fauchées par le choléra. […]
En 1846, un nouveau foyer d'épidémie mondiale se déclare en Chine : le choléra arrive en Europe par l'Angleterre et en France,
par le port de Dunkerque en novembre 1848. Le « vibrion cholérique » qui n'a pas encore été découvert, se propage à travers
les départements du Pas-de-Calais, de la Somme et du Nord. Ce sont des soldats déjà atteints et déplacés de Lille à Paris, qui
apportent la contagion en région parisienne.
Le choléra dévaste la capitale
Rapidement le choléra touche la banlieue nord de la capitale : le premier décès est officiellement enregistré à Paris, le 7 mars
1849. La mort qui survient dans la moitié des cas, est constatée dans les quarante-huit heures suivant l'apparition des premiers
symptômes. La mortalité s'intensifie fortement en mai, connaît des sommets en juin au moment de grosses chaleurs ; l'épidémie
cesse dans le courant du mois d'octobre. On dénombre à Paris, 19 184 décès dus au choléra dont 10 950 à domicile ; les personnes
atteintes représentent environ 3,5 % de la population parisienne. Comme en 1832, toutes les classes d'âge sont concernées mais
les jeunes enfants et les vieillards courent plus de risques. La médecine est dans l'incapacité d'enrayer l'évolution de la maladie et
d'en limiter les effets.
À Paris, mais cela reste valable partout où le choléra frappe, le caractère social de l'épidémie paraît évident : la comptabilisation
des décès par quartiers indique des taux de mortalité nettement plus élevés dans les quartiers populaires que dans les secteurs
aisés. Même constatation qu'en 1832 : les études sur les ravages de l'épidémie, montrent que les pauvres meurent plus que les
riches ; la géographie du choléra se confond avec celle de la pauvreté. En 1832, les classes sociales s'accusent mutuellement : les
bourgeois dénoncent une maladie du peuple qui les menace par contagion et les ouvriers accusent les autorités et le gouvernement
de tentative d'empoisonnement visant à les éliminer. […]
Contagion ou infection ?
[…] La pandémie de choléra qui se propage dès 1830, provoque une polémique chez les médecins à propos de la contagion ou de
l'infection. L'idée retenue de « miasmes » proliférant dans l'air et contaminant des sujets prédisposés à contracter le choléra, va se
développer rapidement. Le débat est d'autant plus vif que la nouvelle théorie, peu crédible sur le plan scientifique, permet de lever
toutes les mesures protectionnistes (en particulier aux frontières) qui entravent le commerce international. Elle permet également
d'éviter toute ségrégation entre classes aisées et pauvres.
L’insalubrité, cause d’infection ?
Lors de l'épidémie de 1832, les statistiques relatives au choléra dans Paris, révèlent une véritable géographie de la maladie et
affirment le lien entre misère et mort. Ces constatations rejoignent les craintes des médecins « hygiénistes » sur l'insalubrité des
habitations. Le médecin français Louis Villermé reconnait comme une majorité de ses confrères, que la propagation des « miasmes »
est favorisée par le manque d'hygiène (existence des taudis) et le surpeuplement. La bonne santé des populations passe donc par
une bonne hygiène de vie dans un logement suffisamment aéré, où la propreté corporelle doit être la règle, ainsi qu'une nourriture
suffisante et saine. De telles conditions de vie supposent une aisance et une éducation qui font justement défaut dans les quartiers
insalubres !
Le diagnostic semble posé et les demandes de réponse politique deviennent pressantes ; les médecins dénoncent la menace des
taudis mais l'assainissement d'autorité de quartiers entiers n'est pas réalisable. De nombreuses enquêtes sont effectuées sur
les logements ouvriers à l'initiative des médecins hygiénistes qui visitent les grandes villes françaises. Louis Villermé (dans son
Tableau de l'état physique et moral des ouvriers employés dans les manufactures de coton, de laine et de soie, paru en 1840) va laisser de
percutants témoignages sur les conditions de vie des ouvriers. Leur situation tragique, à laquelle des œuvres de charité privées
tentent de porter remède, est une révélation pour la population aisée.

Isabelle Bernier, historienne, Futura Sciences, 12 mai 2022

Cned / Cours / Paris, ville capitale / Séquence 1 – Activité 3 / Culture générale et expression – 2e année 10 / 17
À vous de chercher
Objectif : reformuler des idées
Quelle phrase (1,2,3) reformule objectivement l’information contenue dans la première colonne (A, B).
A. « À Paris, mais cela reste valable partout où le choléra frappe, le caractère social de l’épidémie paraît
évident : la comptabilisation des décès par quartiers indique des taux de mortalité nettement plus élevés dans
les quartiers populaires que dans les secteurs aisés. »
1. Les populations défavorisées sont plus contagieuses que les populations aisées.
2. Il y a davantage de victimes du choléra dans les quartiers défavorisés.
3. La population des secteurs aisés est en meilleure santé.
B. « La bonne santé des populations passe donc par une bonne hygiène de vie dans un logement suffisamment
aéré, où la propreté corporelle doit être la règle, ainsi qu’une nourriture suffisante et saine. De telles
conditions de vie supposent une aisance et une éducation qui font justement défaut dans les quartiers
insalubres ! »
4. Les conditions pour enrayer l’épidémie de choléra ne sont pas réalisables dans les quartiers insalubres.
5. Pour enrayer l’épidémie, il faudrait une meilleure hygiène.
6. Le manque d’éducation est une cause majeure de la propagation du choléra.

Reprenons ensemble
A. 2. Il y a davantage de victimes du choléra dans les quartiers défavorisés.
B. 4. Les conditions pour enrayer l’épidémie de choléra ne sont pas réalisables dans les quartiers insalubres.

Document 10

Philippe Auguste Jeanron, Scène de Paris ,1833 ; musée des Beaux-Arts de Chartres. © RMN - Grand Palais / Philippe Bernard.

Cned / Cours / Paris, ville capitale / Séquence 1 – Activité 3 / Culture générale et expression – 2e année 11 / 17
De 1830 à 1848 le régime politique de la France est celui d’une monarchie constitutionnelle, sous l’égide de
Louis-Philippe 1er. Cette monarchie dite « de Juillet », tire son nom des émeutes parisiennes des 27, 28, 29 juillet
1830 dites des « Trois Glorieuses » qui renversèrent Charles X. Philippe Auguste Jeanron est un peintre
républicain de la première heure. Sa déception de la Monarchie de Juillet est lisible dans cette scène.

Pour aller plus loin


Pour en savoir plus sur ce tableau et son contexte, rendez-vous sur le site L’Histoire par l’image (HPI) 1.

1. https://histoire-image.org/etudes/espoirs-decus-monarchie-juillet"https://histoire-image.org/etudes/espoirs-decus-monarchie-juillet

2.  Le Paris d’Haussmann


En 1850, on compte dans la capitale environ un million d’habitants et dans certains quartiers du centre, la densité
est phénoménale : un habitant pour 3 mètres carrés ! Les conditions d’hygiène sont quasi inexistantes : égouts à
ciel ouvert, rues sinueuses et étroites… La mortalité, notamment infantile y est si terrible qu’on surnomme Paris
« la ville-tombeau ».

A.  Les grands travaux du baron Haussmann


Napoléon III expose en 1852 son projet de transformation de Paris au député bonapartiste du Gers Cassagnac.

Document 11

La transformation de Paris est le complément nécessaire du réseau de chemins de fer dont je veux couvrir la France [...]. Et puis,
peut-on songer à attirer les étrangers à Paris, pour leur montrer des quartiers infects, sans air et sans soleil ? [...] il faut qu’on se
plaise à Paris. Je ferai de vastes parcs bien aménagés, bien arrosés, bien percés, avec les bois embroussaillés et poussiéreux de
Boulogne et de Vincennes ; je sèmerai des squares à travers la ville, et je ferai un parterre des Champs Élysées. Je sais que l’on
critiquera, que l’on se plaindra. [...] Quand mon œuvre sera achevée, on me rendra justice ; et, si les partis m’attaquent dans le
présent, les chemins de fer de la province et les monuments de Paris me défendront dans l’avenir. [...]. Lorsque, après avoir médité
son projet, l’Empereur chargea M. Haussmann de l’exécuter, il lui remit un plan de Paris, sur lequel il avait tracé lui-même les voies
à ouvrir, les squares à créer, les avenues à percer, les arbres à planter, les fontaines à élever. En principe, la transformation de Paris
est donc son œuvre.

A. Granier de Cassagnac, Souvenirs du Second Empire, Tome 2, 1881

Cned / Cours / Paris, ville capitale / Séquence 1 – Activité 3 / Culture générale et expression – 2e année 12 / 17
Document 12
Entre 1853 et 1870, la ville est un vaste chantier où 80 000 ouvriers s’activent de jour comme de nuit. Création des réseaux d’eau potables
et usées, percement des rues et avenues, éclairage au gaz, aménagement des parcs, édification de bâtiments prestigieux… La capitale
sort métamorphosée de ces 17 années de travaux.

Contraint de quitter la France en 1815, [Napoléon] avait observé, lors de ses exils londoniens, les équipements nécessaires à
une métropole moderne. Depuis son enfermement au fort de Ham, en 1840, il étudie l’entrelacs parisien, dessinant son plan rêvé
d’aménagement, plan qu’il a en main en débarquant du train, plan qu’il affiche dans son cabinet de travail des Tuileries, plan qu’il
soumet à Haussmann dès sa prise de fonction : « L’Empereur était pressé de me montrer une carte de Paris, sur laquelle on voyait
tracées par Lui-même, en bleu, en rouge, en jaune et en vert, les voies nouvelles qu’Il proposait de faire exécuter. » Le 10 décembre
1850, à l’occasion d’un banquet à l’Hôtel de Ville, le président précise son projet : « Ouvrons des rues nouvelles, assainissons
les quartiers populaires qui manquent d’air et de jour, et que la lumière bienfaisante du soleil pénètre partout dans nos cœurs. »
Les grands travaux visent à métamorphoser la capitale en nouvelle Rome, référence obsessionnelle. Lors de l’inauguration du
boulevard de Sébastopol, en avril 1858, l’empereur compare les « ouvrages gigantesques » engagés (églises, écoles, mairies, halles
centrales, hôpitaux, égouts…) aux « travaux qui existent dans l’ancienne Rome ». Le préfet Haussmann, mué en quasi-ministre de
Paris, accomplit avec énergie, sinon brutalité, cette rénovation sans s’encombrer des préoccupations budgétaires (recours massif à
l’emprunt) […]
Les critères du Paris haussmannien : circuler et embellir
À travers trois réseaux successifs, le programme vise à faciliter la circulation non seulement à travers les douze arrondissements
initiaux, mais entre Paris et les communes suburbaines, situées du mur des Fermiers généraux aux fortifications de Thiers, annexées
en 1860 pour dessiner les 20 arrondissements actuels. Les « embarcadères » (les gares) sont les portes de la capitale, et les points
d’aboutissement des rues. Le principe de la percée, voie dessinée au milieu du bâti, est retenu, au détriment de l’élargissement des
rues existantes. Un cadre législatif novateur, adopté en mars 1852, facilite les expropriations par îlots entiers, afin de recomposer
l’espace au-delà des voies à viabiliser. Rapprocher le centre des extrémités, faciliter les échanges de biens et la circulation des
hommes sont les critères du progrès. La ville est comparée à un organisme vivant, dont la circulation est indice de santé. Les
voies nouvelles sont assimilées par Napoléon III à « de grandes artères favorables au développement de la ville » (inauguration du
boulevard de Sébastopol, en avril 1858)[…] . Restituer à la ville son caractère monumental (dégagement des abords de l’Hôtel de
Ville, de Notre-Dame, du Louvre et des Tuileries…) permet d’organiser les quartiers autour d’une construction d’ampleur (Opéra,
inauguré après la chute de l’Empire, fontaine de la place Saint-Michel ou arc de triomphe de l’Étoile, achevé par la monarchie de
Juillet).[…]
Les critères du Paris haussmannien : assainir
Un programme ambitieux d’assainissement vise à favoriser l’hygiène. L’eau pompée dans les rivières est affectée au service
public de nettoyage des rues et d’arrosage des jardins. Des aqueducs acheminent l’eau de source (la Dhuys, la Vanne) stockée
dans d’immenses réservoirs, à Ménilmontant ou Montsouris, pour desservir un service privé d’approvisionnement. Un réseau de
galeries souterraines évacue les eaux usées, pluviales et ménagères mêlées, rejetées dans la Seine en aval, à Asnières. En 1870,
plus de 500 km d’égouts sont réalisés à travers des conduites d’évacuation structurées en douze types de collecteurs, entretenus
par des bateaux-vannes et des boules de curage. Le XIXe siècle a l’obsession des miasmes méphitiques, rendus responsables des
propagations épidémiques. La ville est aérée par des parcs, des squares, des promenades plantées : le bois de Boulogne, Vincennes,
les Buttes-Chaumont, Montsouris sont destinés à offrir des espaces verts accessibles à tous. Les becs de gaz et réverbères
transforment Paris, à l’occasion des expositions universelles de 1855 et 1867, en « ville-lumière ». Le mobilier urbain (colonnes
Morris, kiosques, bancs…) parachève l’unité de la rue, qui s’anime tel un décor de théâtre.

Juliette Glikman, « Le Paris d’Haussmann, la transformation d’une ville », Napoleon.org, le site d’histoire de la fondation Napoléon, juin 2019

Cned / Cours / Paris, ville capitale / Séquence 1 – Activité 3 / Culture générale et expression – 2e année 13 / 17
Document 13

Gustave Caillebotte, Jour de pluie à Paris, au croisement des rue de Turin et rue de Moscou,1877. Collection de l’Art Institute of Chicago.

À vous de chercher
Objectif : confronter des idées ; analyser un document iconographique
En quoi le tableau de Caillebotte illustre-t-il la réussite des ambitions napoléoniennes ? Analysez-le en le
confrontant aux descriptions du Paris du Moyen Âge étudiées dans la première partie de l’activité.

Reprenons ensemble
Proposition d’analyse
Le Paris du Moyen Âge décrit par Eugène Sue, Victor Hugo, Rétif de la Bretonne ou encore Rousseau se
caractérisait par des rues sinueuses et étroites, sombres et boueuses. Celles-ci pouvaient s’apparenter à
des coupe-gorges et fertilisaient un imaginaire macabre. Le tableau de Caillebotte illustre les grands travaux
d’Haussman et montre de larges rues pavées et dotées de trottoirs. Les passants, des bourgeois, déambulent
paisiblement sous la pluie, abrités sous leur parapluie noir. L’alignement des façades, les perspectives dégagées,
la symétrie des rues donnent une impression de calme et d’équilibre. Si le soleil est absent et les couleurs très
sobres, la scène n’en est pas moins lumineuse, les pavés mouillés produisant un reflet. Bien qu’elle semble
banale pour l’observateur contemporain, cette rue parisienne conçue pour la circulation des personnes, de l’air
et de la lumière est une nouveauté pour l’époque et illustre bien les ambitions de Napoléon III. À ce titre, elle
aurait sans doute fait la joie de Madame Trollope qui se plaignait en 1832 de croiser des cardeuses de matelas en
pleine rue. Avec Haussmann, cette population, expropriée, a disparu.

Cned / Cours / Paris, ville capitale / Séquence 1 – Activité 3 / Culture générale et expression – 2e année 14 / 17
Pour aller plus loin
Pour vous rendre compte de l’ampleur des travaux, rendez-vous sur le site de la BNF et découvrez les travaux d’Haussmann en
images. 1

1. https://passerelles.essentiels.bnf.fr/fr/album/0bfae111-c48a-493c-ace2-e1fd99401a8b-travaux-haussmann

B.  Un bilan critiqué


Les critiques anticipées par Napoléon III (document 11) ne se sont pas fait attendre. Les 3 documents suivants
exposent, parmi d’autres, les griefs à l’encontre d’Haussmann.

Document 14
Entre 1867 et 1868, l’avocat républicain Jules Ferry livre une série d’articles pamphlétaires contre Haussmann.
En clin d’œil aux Contes fantastiques d’Hoffmann, il les rassemble sous le titre Comptes fantastiques
d’Haussmann.

Avant d’entrer en matière, permettez-moi, Messieurs, de bien poser la question qui s’agite, à cette heure, entre M. le préfet de
la Seine et la population qu’il régente, impose, endette, triture depuis quinze ans, sans mesure et sans contrôle. Les Parisiens
ne disent pas qu’il n’y eût rien à faire dans l’ancien Paris, au moment où M. le préfet a commencé son office destructeur ; ils ne
disent pas non plus que M. le préfet n’ait rien accompli d’utile ou de nécessaire. Nous reconnaissons qu’on a fait du nouveau Paris
la plus belle auberge de la terre et que les parasites des deux mondes ne trouvent rien de comparable. Nous tenons compte de ce
qu’exigeait l’aménagement indispensable d’une grande ville, qui est la tête de ligne de tous les chemins de fer. Nous n’avons garde
de dire que tout soit absolument mauvais dans ces innombrables trouées qui, dépeçant obliquement et dans tous les sens la vieille
capitale, donnent à la nouvelle l’aspect déplaisant d’un casse-tête chinois. Nous le trouvons laid, pour notre compte, mais nous
convenons que le mauvais goût de M. le préfet a ici pour complice le mauvais goût des architectes et d’une portion notable du public
de ce temps-ci.

Jules Ferry, Les Comptes fantastiques d’Haussmann. Lettre adressée à MM. les membres de la commission du Corps législatif chargés d’examiner le nouveau
projet d’emprunt de la ville de Paris, Paris, Le Chevallier, 1868

Document 15
Dans un article intitulé « Les squares » paru en 1867, Émile Zola critique les squares haussmanniens.

Dès que la pioche des démolisseurs de M. Haussmann a changé tout un quartier en une vaste place nue et blanche de plâtre, des
jardiniers arrivent avec du terreau et des mottes de gazon dans des brouettes : on apporte des arbres et des rochers, on creuse une
mare, on trace des allées qu’on borde de pots de fleurs enfoncés dans le sol ; et, huit jours après, on livre aux promeneurs un jardin
étroit, poussé comme par enchantement, et que les machinistes de l’Opéra-Comique semblent être venus poser là (…) Aussi Paris se
voit-il forcé de créer un gazon à son usage, un gazon de luxe, un gazon propre et civilisé (…).

Émile Zola, Contes et nouvelles, Bibliothèque de la Pléiade

Cned / Cours / Paris, ville capitale / Séquence 1 – Activité 3 / Culture générale et expression – 2e année 15 / 17
Document 16

Déménagement des habitants de la Butte-des-Moulins, 1876.


BnF, Estampes et Photographie, Va 232 a. © Bibliothèque nationale de France

À vous de chercher
Objectif : confronter des idées ; analyser un document iconographique ; rédiger un paragraphe de synthèse
Dans son article intitulé « Le Paris d’Haussmann, la transformation d’une ville » paru sur le site Napoleon.org en
juin 2019 (document 12), Juliette Glikman signale qu’« un cadre législatif novateur, adopté en mars 1852, facilite
les expropriations par îlots entiers, afin de recomposer l’espace au-delà des voies à viabiliser ». En quoi le
document 16 illustre-t-il cette information ?
Quelles critiques sont formulées à l’encontre des travaux d’Haussmann dans les documents 14 et 15 ?
Rédigez deux paragraphes de synthèse en réponse aux questions.

Cned / Cours / Paris, ville capitale / Séquence 1 – Activité 3 / Culture générale et expression – 2e année 16 / 17
Reprenons ensemble
Proposition de paragraphes
Sous l’impulsion du baron Haussmann, la ville est entièrement réaménagée. Les nouveaux plans d’urbanisme
impliquent d’immenses percées et la destruction de centaines d’immeubles, voire d’îlots entiers. Juliette
Glikman rappelle que, pour adapter ces projets à la loi, un nouveau cadre législatif, adopté dès mars 1852,
a facilité les expropriations. L’estampe datant de 1876 illustre les effets du cadre législatif en montrant le
déménagement des habitants de la Butte-des-Moulins, expropriés pour permettre le prolongement de l’avenue
de l’Opéra, comme l’indique la légende. Trois diligences, des meubles entassés pêle-mêle dans les gravats : les
travaux d’Haussmann ont bouleversé l’organisation socio-spatiale.
Si Jules Ferry reconnaît dans un premier temps la nécessité de moderniser la ville, il critique avec virulence
son résultat ; la ville ressemble à un « casse-tête ». Elle est en outre devenue « laide ». Émile Zola partage ce
sentiment et se moque de son côté de l’artificialité des squares, espaces entravés où la nature est factice.

Ce qu'il faut retenir


Sur le plan technique
  Pouvoir extraire les idées essentielles d’un texte et savoir les confronter.
  Pouvoir rédiger un paragraphe avec ces idées en faisant preuve de concision.
  Savoir reformuler les idées retenues sans les recopier.
  Savoir analyser un document iconographique.

Sur le plan des connaissances culturelles


Du Paris du Moyen Âge au Paris d’Haussmann, la transformation de la capitale a été radicale. Cette radicalité a permis à la capitale
de gagner son titre de « ville lumière » et de rayonner à l’échelle mondiale. Si le Paris du Moyen Âge a été très inspirant comme
objet littéraire, il n’en reste pas moins que les conditions de vie dans le cœur de la capitale étaient terribles. Pour venir à bout des
épidémies et de l’insalubrité, de nouvelles constructions étaient nécessaires. Cependant, si l’on ne peut pas contester le bien-fondé
des travaux haussmanniens, il faut retenir que ceux-ci ont abouti à une nouvelle appropriation de l’espace urbain, les pauvres étant
rejetés vers les périphéries à la suite des expropriations, massives.

Cned / Cours / Paris, ville capitale / Séquence 1 – Activité 3 / Culture générale et expression – 2e année 17 / 17

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