Vous êtes sur la page 1sur 64

Andromaque

Racine

Livret pédagogique
Établi par Monique EMOND-BONETTO
et Marie-Laure BOUCHAND,
professeurs en collège

HACHETTE
Éducation
Conception graphique
Couverture et intérieur : Médiamax

Mise en page
Médiamax

Illustration
Harvey Stevenson

Le Code de la propriété intellectuelle n’autorisant, aux termes des articles L.122-4 et


L.122-5, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage
privé du copiste et non destinées à une utilisation collective », et, d’autre part, que « les
analyses et les courtes citations » dans un but d’exemple et d’illustration, « toute repré-
sentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur
ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite ».
Cette représentation ou reproduction par quelque procédé que ce soit, sans l’autorisa-
tion de l’éditeur ou du Centre français de l’exploitation du droit de copie (20, rue des
Grands-Augustins, 75006 Paris), constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les
articles 425 et suivants du Code pénal.

© Hachette Livre, 2000.


43, quai de Grenelle, 75905 PARIS Cedex 15.
ISBN : 2.01.167950.8
S O M M A I R E

RÉPONSES AU X Q U E S T I O N S 4

La dédicace et les deux Préfaces . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4


Acte I, scène 1. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
Acte I, scène 4 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
Acte II, scène 2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
Acte II, scène 5 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
Acte III, scène 4 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26
Acte III, scène 8 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30
A c t e I V, s c è n e 3 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36
A c t e I V, s c è n e 5 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40
A c t e V, s c è n e 1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45
A c t e V, s c è n e s 2 à 5 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 50

Retour sur l’œuvre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56

DES I D É E S P O U R D E S I N F O R M AT I O N S , E T C . 59

PROPOSITIONS DE SÉQUENCES DIDACTIQUES 60

E X P L O I TAT I O N DU GROUPEMENT DE TEXTES 63

BIBLIOGRAPHIE C O M P L É M E N TA I R E 64

3
RÉPONSES AUX QUESTIONS

Avertissement
Nous ne proposons pas systématiquement de réponses aux questions des
rubriques suivantes : « À vos plumes ! », « Mise en scène » et « Lire l’image ».
En effet, nous considérons que ces trois rubriques, relevant avant tout d’un
travail personnel, ne peuvent faire l’objet d’une correction type.
Les indications de pages accompagnant les numéros d’acte et de scène
renvoient aux questionnaires du livre de l’élève.

L A D É D I C A C E E T D E U X P R É FA C E S ( p . 2 2 )

N AVEZ - VOUS BIEN LU ?


1. Le générique et les indications du paratexte transportent le spectateur aux
temps mythiques de la guerre de Troie, lorsque les guerriers ont regagné leur
palais (ici, Pyrrhus à Buthrote). Le lieu est unique, les règles du genre l’exi-
gent. C’est un lieu clos où convergent les personnages et c’est le lieu du pou-
voir, l’espace de Pyrrhus. La tragédie française du XVIIe siècle déplace vers
l’intérieur le décor de la tragédie antique qui représente la façade d’un palais.
L’action se développe dans un huis-clos absolu.
Les personnages sont cités par ordre d’importance dans la société : les quatre
premiers appartiennent à des familles royales ou princières. C’est un des
impératifs, de mettre en scène des représentants de la plus haute noblesse. En
premier, on trouve Andromaque, personnage éponyme, personnage central
par les sentiments qu’elle fera naître chez les autres. Les quatre personnages
suivants sont secondaires mais chacun est attaché à un personnage principal
par des liens d’affection.
2. Andromaque est la veuve du meilleur des guerriers troyens, Hector, fils du
roi Priam, tué par Achille en combat singulier. Après la prise de Troie, elle
fait partie du butin que se partagent les vainqueurs et échoit à Pyrrhus.
3. On peut supposer des tensions entre Pyrrhus et Andromaque, dans leurs
rapports de vainqueur à vaincue (ordre du pouvoir) et dans les liens amoureux,
le maître éprouvant souvent un désir pour sa captive (ordre du sentiment).
Hermione, fiancée de Pyrrhus, pourrait prendre ombrage de la présence
d’Andromaque auprès de Pyrrhus (ordre du sentiment).

4
La dédicace et les deux Préfaces

N É TUDIER LE DISCOURS
Dédicace
4. C’est l’auteur Racine qui parle en particulier à Madame, femme du duc
d’Orléans et plus généralement aux lecteurs de sa pièce dont doivent faire
partie les critiques du temps, propres à juger de la valeur d’une pièce.

N É TUDIER LE GENRE
Dédicace
5. Des lectures dans les salons des œuvres en cours de rédaction étaient
d’usage à cette époque. Elles y étaient discutées et l’auteur tenait compte des
critiques. Étant donné la dédicace, une lecture a certainement été faite par
Racine chez Henriette d’Angleterre, épouse de Monsieur, frère du Roi. Elle
passait pour l’arbitre du bon goût. Avoir son approbation était déterminant
pour l’avenir de l’œuvre.
Le gazetier Robinet écrit le 22 décembre 1668 : « Tous les auteurs les plus
brillants / Tremblent en portant leurs talents / Au fameux polissoir de sa [d’Henriette
d’Angleterre] belle ruelle. »
D’autre part, les émotions des gens, des hommes comme des femmes,
s’expriment facilement par des pleurs au XVIIe siècle.
6. Ce sont les unités de lieu, de temps, d’action.
L’action doit tenir le spectateur en haleine, et dans les dernières scènes, le
dénouement doit répondre à toutes les questions que l’on a pu se poser au
cours de la pièce.
Les héros de la tragédie doivent être nobles : rois, reines, princesses. Mais, afin
d’émouvoir le spectateur en lui inspirant de la crainte et de la pitié, ils ne doi-
vent être ni être tout à fait bons ni tout à fait méchants.
Mais la règle essentielle est de plaire au public. « Et nous qui travaillons pour
plaire au public, nous n’avons plus que faire de demander aux savants si nous tra-
vaillons selon les règles. La règle souveraine est de plaire à Votre Altesse Royale. »
Boileau rappelle ces règles dans L’Art poétique, chant III :
« Qu’en un lieu, qu’en un jour, un seul fait accompli
Tienne jusqu’à la fin le théâtre rempli.
Que le trouble toujours croissant de scène en scène
À son comble arrivé, se débrouille sans peine
Des héros de roman fuyez les petitesses
Toutefois aux grands cœurs donnez quelques faiblesses. »

5
RÉPONSES AUX QUESTIONS

Première et deuxième Préfaces


7. Racine a puisé le sujet de sa tragédie dans l’Antiquité grecque et latine :
la tragédie d’Euripide Andromaque et le poème épique de Virgile l’Énéide.
Suivant, sur ce point, les principes des écrivains de la Renaissance, les auteurs
du XVIIe siècle prennent les Anciens comme modèles privilégiés, car leurs
œuvres sont passées à la postérité en raison de leur perfection. Par ailleurs,
elles offrent de nombreux développements aux grands mythes et les enri-
chissent d’une réflexion sur les actions humaines.
8. Dans la mesure du possible, Racine essaie de conserver les caractères des
personnages connus. Celui d’Andromaque est conforme à sa destinée :
Andromaque épouse bien Pyrrhus, mais contrairement à la légende, elle n’entre
pas « dans le lit du vainqueur » et ne donne pas de fils à ce nouveau mari.
La violence du personnage de Pyrrhus a été rejetée dans le passé : « Toute la liberté
que j’ai prise, ç’a été d’adoucir un peu la férocité de Pyrrhus ». Il est alors susceptible
d’inspirer la pitié : « ... on n’a point pitié d’un scélérat. » À l’opposé, Racine refuse
de faire de lui un héros précieux comme Céladon, type de l’amoureux parfait
dans le roman L’Astrée et représentant des « hommes impeccables ». Il instaure
un équilibre entre violence et délicatesse. Pyrrhus redevient un humain avec ses
faiblesses en qui le spectateur du XVIIe siècle peut s’identifier.
Le personnage d’Hermione, tel qu’il est présenté dans Euripide, semble satis-
faire Racine et l’on retrouvera dans cette pièce sa jalousie maladive souvent
dissimulée sous le masque de la raison.
Les modifications apportées par Racine obéissent aux exigences des bien-
séances. Il suit les goûts du public de l’époque et ne doit pas choquer sa
sensibilité marquée par les théories précieuses : « On ne croit point qu’elle
[Andromaque] doive aimer ni un autre mari ni un autre fils ». De même, la vio-
lence de Pyrrhus en accord avec le climat sanglant des tragédies latines ne
saurait plaire au XVIIe siècle. Cette exigence de noble discrétion va obliger
Racine à apporter aussi des modifications à l’histoire des héros mais il se place
sous l’autorité d’Euripide, d’Homère, de Sophocle, qui n’ont pas hésité à
modifier la « fable » dans leurs œuvres.
Ce respect des bienséances renforce la vraisemblance exigée par les théori-
ciens de la tragédie classique : « J’ai cru en cela me conformer à l’idée que nous
avons maintenant de cette princesse. ». Voir l’abbé d’Aubignac : « Synesius a fort
bien dit que la poésie et les autres arts qui ne sont fondés qu’en imitation ne suivent
pas la vérité, mais l’opinion et le sentiment ordinaire des hommes. »

6
Acte I, scène 1

A C T E I , S C È N E 1 (p. 23)
1. Les liens qui unissent Oreste et Pylade sont ceux d’une indissoluble
amitié : « un ami si fidèle » (v. 1) ; « Prêt à suivre partout le déplorable Oreste, […]
Et de moi-même enfin me sauver tous les jours. » (v. 46 à 48). Oreste, si résigné,
reprend espoir à sa simple vue.
Pylade se montre très attaché à Oreste, confiant sa détresse d’être séparé de
lui dans le passé (voir champ lexical du chagrin des vers 13 à 16). Et surtout,
il se veut un précieux auxiliaire du jeune homme en lui donnant des nou-
velles précises de la cour de Pyrrhus. Cette image « d’homme impeccable »,
comme dirait Racine, a valu au nom de Pylade de devenir un substitut du
nom commun « ami ».
À noter que Pylade est suffisamment proche d’Oreste – ils sont cousins –
pour lui faire des remontrances et mettre en lumière son aveuglement. Pylade
se comporte en protecteur et la dernière scène de la pièce, faisant écho à la
première, montrera le dévouement dont il est capable.
2. Pylade a été le témoin de la naissance de l’amour d’Oreste pour
Hermione. La décision de Ménélas de donner sa fille comme épouse à
Pyrrhus qui avait joué un rôle essentiel dans la reconquête de son épouse
Hélène, l’a désespéré. Pour l’oublier, il est alors parti sur les mers, et son fidèle
ami Pylade l’a accompagné. Apprenant qu’Hermione prodiguait ses charmes
à Pyrrhus, il crut qu’il allait la haïr. Revenu en Grèce, il apprend que les Grecs
se révoltent contre Pyrrhus ; ils lui reprochent de protéger le fils d’Hector,
Astyanax, qu’Andromaque a sauvé en trompant Ulysse, et de retarder sans
cesse son mariage avec Hermione. Oreste se réjouit en secret : il croit se sen-
tir vengé, mais sent bientôt renaître son amour. Il obtient des Grecs d’être
leur ambassadeur auprès de Pyrrhus. Officiellement, il vient pour obtenir que
ce dernier lui livre Astyanax. En fait, son but est d’enlever Hermione ou de
mourir à ses yeux.
3. Réclamer le fils d’Hector. Pyrrhus déclenche une guerre avec les Grecs s’il
refuse. « Je viens voir [...] tant d’États : » (v. 91-92)
4. « J’aime : je viens chercher Hermione en ces lieux, / La fléchir, l’enlever, ou mou-
rir à ses yeux. » (v. 99-100) et « Heureux si je pouvais, dans l’ardeur qui me presse, /
Au lieu d’Astyanax lui ravir ma princesse ». Oreste se montre un bien piètre
ambassadeur, préférant faire triompher son propre intérêt rigoureusement
contraire à l’intérêt des Grecs. Mais il rejoint ainsi le désir secret de Pyrrhus.

7
RÉPONSES AUX QUESTIONS

5. Hermione :
Elle éprouve de la passion pour Pyrrhus :
« Elle pleure en secret le mépris de ses charmes. » (v. 130)
Elle est indécise :
«Toujours, prête à partir et demeurant toujours, » (v. 131)
Elle est prête à utiliser l’amour d’Oreste :
« Quelquefois elle appelle Oreste à son secours. » (v. 132)
Pyrrhus :
Il confond amour et politique :
« Mon rival porte ailleurs son cœur et sa couronne ; » (v. 78)
C’est un homme de pouvoir qui peut se montrer cruel :
« De son fils, qu’il lui cache, il menace la tête, » (v. 113)
Il est plein de contradictions :
« Et chaque jour [...] arrête. » (v. 111 à 114).
« Il peut, Seigneur, il peut, dans ce désordre extrême,
Épouser ce qu’il hait, et punir ce qu’il aime. » (v. 121-122)
Il est prêt à utiliser les sentiments d’autrui pour ses propres fins :
« Et de ses vœux […] rage. » (v. 117-118)
Andromaque :
Elle éprouve de la haine pour Pyrrhus :
« […] Mais enfin cette veuve inhumaine
N’a payé jusqu’ici son amour que de haine ; » (v. 109-110)
C’est une mère courageuse et rusée :
« J’apprends que [...] trépas. » (v. 73 à 76)
6. « Pressez, demandez tout, pour ne rien obtenir. » (v. 140)
Pylade conseille une attitude qui fera fi de toute diplomatie propre à la fonc-
tion d’ambassadeur et qui vise clairement l’échec de la mission d’Oreste.
Racine fait déjà entrevoir au spectateur toute la duplicité du langage chez les
personnages.

N É TUDIER LE VOCABULAIRE
7. Le champ lexical est celui du malheur : « vos malheurs » (v. 14), « cette mélan-
colie » (v. 17), « un malheureux » (v. 38), « mon désespoir » (v. 43), « mes ennuis »
(v. 44).
C’est « le déplorable Oreste » qui se croit le jouet du destin : « Mais admire avec
moi le sort dont la poursuite / Me fait courir alors au piège que j’évite. » (v. 65-66)

8
Acte I, scène 1

et qui n’est que l’esclave de sa passion (voir les images du prisonnier pour
évoquer son amour, v. 33 et 44).
Oreste est un personnage tragique, inspirant d’emblée la pitié du spectateur.
Ce ne sont plus les dieux qui écrasent l’homme, mais c’est sa propre passion.
8. Le mode employé le plus souvent est l’impératif. Pylade fait preuve d’au-
torité ; il a un certain ascendant sur Oreste qui mettra ses conseils en pratique
en présence de Pyrrhus. Pylade soumet à Oreste une stratégie ingénieuse et
retorse qui permet d’agir en apparence conformément aux désirs des Grecs
mais qui, en réalité, ruine leurs espoirs.

N É TUDIEZ LE DISCOURS
9. Oreste narre un long récit dont les marques sont :
– le temps du passé simple : « Tu vis naître », « quand je me souvins »... auquel
s’ajoutent des passages au présent de narration : « J’entends de tous côtés »,
« J’apprends que... » ;
– une succession d’actions dont Oreste est le héros : « J’y courus », « je brigue
le suffrage », « On m’envoie à Pyrrhus... » ;
– différents lieux dans lesquels le personnage se déplace : « de mers en mers »,
« dans la Grèce », « en ces lieux ».
Le récit rend compte d’événements qui se déroulent ou se sont déroulés
hors-scène. Il permet une échappée vers l’extérieur qui ne peut être repré-
sentée ici, en vertu de la règle d’unité de lieu.
10. Les métaphores utilisées pour caractériser le sentiment amoureux sont
empruntées au vocabulaire galant de la Préciosité. L’amour est représenté
comme une « flamme » (v. 40), des « feux » (v. 86). Bien que très souvent
employée, l’image, ici, exprime la vivacité d’une passion toujours prête à
renaître lorsqu’on la croit morte.
La séduction de la femme aimée est qualifiée de « charme » qui envoûte et
retient prisonnier l’amoureux : « Pouvez-vous consentir à rentrer dans ses fers ? »
(v. 32). Oreste n’est pas maître de lui, son sort est lié à la volonté d’Hermione.

N É TUDIER LA PLACE DE LA SCÈNE DANS L’ ŒUVRE


11. L’exposition Voir les réponses 1 à 7.
L’acte I est l’acte de l’exposition qui a pour objet de présenter le plus rapi-
dement possible aux spectateurs, les personnages, l’action dans laquelle ils

9
RÉPONSES AUX QUESTIONS

sont engagés et le lieu où elle se passe, afin de capter immédiatement leur


attention.
Boileau le dit dans L’Art poétique :
« Que dès les premiers vers l’action préparée
Sans peine du sujet aplanisse l’entrée
[...]
Que le lieu de la scène y soit fixe et marqué
[...] »
12. L’action est déjà engagée quand commence la pièce (voir le récit
d’Oreste). L’auteur choisit un moment de crise proche de la catastrophe
finale (en grec, le mot signifie « dénouement »).

La double énonciation
13. Ce sont les personnages eux-mêmes qui informent le spectateur. L’auteur
imagine de les placer dans une situation où ils peuvent de la façon la plus
naturelle informer à la fois un personnage et le public : ici, Oreste et Pylade,
séparés par une tempête, échangent les nouvelles que chacun a recueillies.
14. Pyrrhus fiancé à Hermione
n’aime pas
Pyrrhus aime Andromaque
retient prisonnière
Oreste aime Hermione
Oreste est ambassadeur auprès de Pyrrhus
est rival en amour de
Hermione est indifférente à Oreste
Hermione aime Pyrrhus

NÀ VOS PLUMES !
15. Ce sont des alexandrins, vers de douze syllabes.
Les rimes sont suivies : aa, bb, cc.

N L IRE L’ IMAGE
16. Pylade est à gauche. Il offre son bras à Oreste qui l’agrippe d’un geste
nerveux. Pylade, tête inclinée, écoute avec déférence les confidences
d’Oreste.

10
Acte I, scène 4

A C T E I , S C È N E 4 (p. 38)

N Q UE S ’ EST - IL PASSÉ ENTRE TEMPS ?


Scènes 2 et 3
1. Depuis un an que la guerre est finie, les Grecs ont compté leurs morts et
pris conscience des lourdes pertes que chaque famille a subies du fait
d’Hector. Ils ont reporté leur rancœur sur son fils et veulent sa mort. « Et dans
toute la Grèce il n’est point de familles qui ne demandent compte à ce malheureux fils »
(v. 158-159). Ils ont peur qu’un jour ce fils prenne les armes et relève Troie.
« Et qui sait ce qu’un jour ce fils peut entreprendre ? ». On peut dire qu’Oreste
est porteur d’un ultimatum. Si Pyrrhus ne livre pas Astyanax, c’est la guerre :
« Et jusque dans l’Épire il les peut attirer. » (v. 228).
2. Andromaque est captive depuis un an.
« Pourquoi d’un an entier l’avons nous différée ? » (v. 206)
3. Astyanax fait partie de son butin, et il est seul à pouvoir décider de son
sort. « Et seul de tous les Grecs ne m’est-il pas permis / D’ordonner d’un captif que
le sort m’a soumis ? » (v. 183-184).
Troie est entièrement détruite et Astyanax n’est qu’un enfant. Le risque d’une
vengeance est bien improbable et bien éloignée dans le temps. « Je ne sais point
prévoir les malheurs de si loin. [...] Je ne vois que des tours [...] venger » (v. 196 à 204).
Si les Grecs voulaient faire disparaître Astyanax, il fallait le faire dans le feu de
la bataille et non, un an après, à froid. « Ah ! si [...] l’Épire sauvera ce que Troie
a sauvé » (v. 205 à 220).

N AVEZ - VOUS BIEN LU ?


Scène 4
4. Pyrrhus annonce à Andromaque la volonté des Grecs de faire périr son
fils, sans lui dire qu’il a refusé de le leur livrer. Il espère qu’ainsi Andromaque,
affolée, le suppliera de le défendre.
5. Pyrrhus, dans l’élan de sa passion, trahit son camp et fait deux propositions
à Andromaque. D’abord, il lui offre une alliance défensive : il sera le gardien
de son fils en échange de son amitié : « Je ne balance point, je vole à son
secours : / Je défendrai sa vie aux dépens de mes jours. » (v. 287-288).
Après le refus d’Andromaque, il pratique la surenchère et offre une alliance
offensive : il se pose en champion de la cause troyenne, en substitut d’Hector,

11
RÉPONSES AUX QUESTIONS

car il projette de relever Troie et d’y installer Astyanax comme roi. C’est exac-
tement ce que redoutent les Grecs : « Votre Ilion encor peut sortir de sa cendre ; /
Je puis, en moins de temps que les Grecs ne l’ont pris, / Dans ses murs relevés
couronner votre fils. » (v. 330 à 332).
Pyrrhus mêle, dans la première partie de son discours, l’humilité du soupirant
qui ne demande que peu de choses (« un regard », « un regard moins sévère ») et
la fougue du guerrier valeureux.Voir l’usage des présents à valeur de futur pour
mettre en lumière la rapidité de ses actions : « Je vous rends votre fils, et je lui sers
de père ; » (v. 326) ; « Animé d’un regard, je puis tout entreprendre : » (v. 329).
6. Certes, Andromaque aime son fils, mais à travers lui, c’est Troie, c’est son
père, c’est surtout son époux, Hector, qu’elle retrouve. Elle ne l’aime pas pour
ce qu’il est.
« Le seul bien qui me reste et d’Hector et de Troie, » (v. 262) « Il m’aurait tenu lieu
d’un père et d’un époux ; » (v. 279).
7. 1er argument : les propositions de Pyrrhus portent atteinte à sa dignité
car il se montre faible et son attitude n’est pas désintéressée comme il
conviendrait chez un grand héros. C’est sa réputation qui est en jeu.
2e argument : il ne saurait être séduit par une femme qui se présente
comme une captive, donc une ennemie, et comme une veuve habitée par le
chagrin. Et en même temps, elle ne saurait oublier que son malheur présent
est dû à Pyrrhus et à son père Achille.
3e argument : une action généreuse à son égard et sans contrepartie aug-
menterait sa gloire et le rendrait l’égal de son père.
Ces arguments seraient irréfutables si Pyrrhus se plaçait dans la perspective
d’une morale héroïque, mais toutes les valeurs qui la composent sont niées
au profit de l’assouvissement de la passion. Quant aux larmes que verse
Andromaque, elles sont un attrait supplémentaire de sa personne (voir
l’amour de Néron pour Junie dans Britannicus : « J’aimais jusqu’à ses pleurs que
je faisais couler », v. 402).
8. Si Andromaque ne cède pas à la demande de Pyrrhus, Astyanax mourra ;
« Le fils me répondra des mépris de la mère. » (v. 370).
C’est l’amour-passion : Pyrrhus ne respecte pas Andromaque. Il veut la pos-
séder à n’importe quel prix, ici, un affreux chantage.
9. Dans un premier temps, Andromaque souhaite vivre en exil, avec son fils,
loin des Grecs et de Pyrrhus. « [... / ...] C’est un exil que mes pleurs [...] époux. »
(v. 338 à 340).

12
Acte I, scène 4

Mais, plutôt que de céder à Pyrrhus, elle accepte l’idée de la mort de son fils,
y voyant la fin de ses propres ennuis, puisqu’elle pourra rejoindre son époux
en se donnant la mort. « Hélas ! il mourra donc [...] père. » (v. 373 à 378)
Dans cette scène il semble que sa fidélité à Hector soit un sentiment plus fort
que son amour maternel. C’est du moins ainsi qu’elle doit apparaître à Pyrrhus.
Est-ce un jeu de sa part, ou l’expression de ses sentiments réels ?
10. Devant la constance d’Andromaque qui reste inébranlable en acceptant
la mort prochaine de son fils et en faisant entrevoir son propre suicide,
Pyrrhus laisse sa décision en suspens, pour engager sa captive à la réflexion,
mais surtout pour éviter de la perdre. Pyrrhus agit ainsi par égoïsme et aussi
parce qu’il n’a pas le choix : c’est Andromaque qui mène le jeu.
11. Comment Oreste va-t-il être accueilli par Hermione ?
Andromaque va-t-elle persister dans son refus et accepter la mort de son fils ?
Que pourrait-elle tenter pour le sauver ?
Repoussé par Andromaque, Pyrrhus va-t-il revenir sur sa décision de sauver
Astyanax ? Va-t-il épouser Hermione ?

N É TUDIER LE VOCABULAIRE
12. L’expression : « chargé de fers » est prise dans son sens figuré et montre,
par un subtil renversement de la réalité, que Pyrrhus est non le vainqueur
mais le « vaincu », non le maître, mais le prisonnier de ses remords. Ici appa-
raît le tempérament désabusé du héros qui démystifie la gloire obtenue sur le
champ de bataille. Le mot « feux », au centre de l’alexandrin est pris dans son
sens figuré dans le premier hémistiche et dans son sens propre dans le
deuxième hémistiche. L’amour devient une brûlure vive et douloureuse ; il
ne grandit pas le héros qui l’éprouve. Ce sont toutes les valeurs chevale-
resques qui sont mises à mal, dans ces images, par Racine. Le héros devient
un être pitoyable.

N É TUDIER L’ ÉCRITURE
13. À cinq vers d’intervalle, Racine construit un chiasme par les pronoms
« vous » et « elle ». Pyrrhus instaure un nouvel ordre des choses dans son palais,
générateur de scandale : la captive devient reine, la fiancée, représentante de la

13
RÉPONSES AUX QUESTIONS

loi grecque, perd tout pouvoir sur Pyrrhus. Par ailleurs, chaque vers est formé
de deux antithèses qui mettent en valeur l’antagonisme des deux femmes.
14. Ce sont des périphrases pour désigner dans l’ordre Astyanax, Oreste,
Pyrrhus, Hermione.
La périphrase, plusieurs mots mis à la place d’un seul, a pour objectif de
mettre en valeur une qualité.
Astyanax est très précieux pour Andromaque, puisqu’il est à la fois le rappel
de son époux chéri et de sa patrie.
C’est la terreur que devrait apporter à Andromaque, non pas Oreste, mais le
fils du chef militaire qui a dirigé la coalition des Grecs contre Troie et qui l’a
réduite en cendres.
Achille a accepté de rendre le corps d’Hector à son père Priam, et
Andromaque attend de son fils la même grandeur d’âme.
Il est naturel que Pyrrhus scelle, par une union avec la fille d’Hélène, la
coalition qui s’était formée pour reprendre Hélène aux Troyens, coalition
dans laquelle il a joué un rôle essentiel.

N É TUDIER UN THÈME : LA CRUAUTÉ


15. Les plaintes d’Andromaque dissimulent souvent une attaque d’une
cruauté subtile :
– elle oppose à Pyrrhus l’image d’Hector dont il n’est que l’ombre ; seul, son
mari aurait pu relever Troie. Son nom est brandi dans ses fins de phrases :
« son père » (v. 334), « mon Hector » (v. 336) ;
– elle touche le fils à travers le père et amoindrit la gloire d’Achille par une
affirmation orgueilleuse qui rehausse son époux : « Sa mort seule a rendu votre
père immortel. / Il doit au sang d’Hector tout l’éclat de ses armes, / Et vous n’êtes
tous deux connus que par mes larmes. » (v. 360 à 362) ;
– elle ne saurait aimer son bourreau : « Troie, Hector, contre vous révoltent-ils son
âme ? » (v. 357) ;
– Pyrrhus ne peut lui être d’aucune aide ; au contraire, l’intérêt qu’il lui porte
représente un danger pour son fils : « Votre amour contre nous allume trop de
haine : » (v. 341) ;
– elle lui rappelle ses engagements auprès d’Hermione, faisant ressortir son
infidélité à sa fiancée et lui rappelant un nom qu’il voudrait chasser de sa
mémoire : « Retournez, retournez à la fille d’Hélène, » (v. 342).
Noter le ton péremptoire des impératifs.

14
Acte II, scène 2

N L IRE L’ IMAGE
17. Andromaque embrassant Astyanax.
Au centre, Andromaque et son fils. Elle est dans une attitude d’adoration, les
yeux plongés dans ceux d’Astyanax, échappé des bras d’une servante. Elle se
lamente devant le portrait vivant de son mari, Hector. Dans l’ombre, Pyrrhus
accompagné de Phœnix. Il semble le prendre à témoin et déplorer l’ingrati-
tude d’Andromaque. Peut-être, Céphise, derrière Andromaque, contemple-
t-elle ce touchant tableau.

A C T E I I , S C È N E 2 (p. 52)

N Q UE S ’ EST - IL PASSÉ ENTRE TEMPS ?


1. Oreste a suivi les conseils de Pyrrhus : « Vous pouvez cependant voir la fille
d’Hélène » (v. 245). Il a demandé une entrevue à sa cousine Hermione.
Scène 1
2. Ménélas, qui avait promis sa fille au vengeur de sa famille lui enjoint de
quitter Buthrote, si Pyrrhus refuse la mort d’Astyanax (v. 406).
3. Hermione est prisonnière de son indécision ; les contradictions et les
voltes-faces que révèle son discours montrent qu’Hermione est écartelée
entre sa passion pour Pyrrhus et sa volonté de le quitter. Hermione tente de
prendre de fermes décisions : « Cléone, avec horreur je m’en veux séparer. »
(v. 420) ; « Tu veux que je le fuie. Hé bien ! rien ne m’arrête : / Allons. » (v. 433-434).
Mais ces déclarations d’intentions sont précédées ou suivies d’arguments
destinés à la maintenir dans l’illusion de sa propre haine ou de l’amour de
Pyrrhus pour retarder son départ : « Ah ! laisse à ma fureur le temps de croître
encore ; » (v. 418). « Fuyons... Mais si l’ingrat rentrait dans son devoir ! » (v. 436).
Le désir d’Hermione est de rester auprès de Pyrrhus ; elle l’avoue à Cléone
dans un moment de lucidité : « Je crains de me connaître en l’état où je suis. / De
tout ce que tu vois tâche de ne rien croire ; » (v. 428-429).
4. C’est Hermione qui a suscité la colère des Grecs : « J’ai déjà sur le fils attiré
leur colère ; » (v. 445). On voit ici que les actes politiques sont guidés par des
pulsions d’amour bafoué. Hermione n’est pas décidée à souffrir seule ; elle
trouve sa consolation dans le mal qu’elle peut faire à autrui, emportant avec

15
RÉPONSES AUX QUESTIONS

elle dans le malheur ceux qu’elle a voués à sa vindicte : « Je veux qu’on vienne
encor lui demander la mère. / Rendons-lui les tourments qu’elle me fait souffrir : »
(v. 446-447).Voir le personnage d’Ériphile dans Iphigénie aux vers 516 à 520.

N AVEZ - VOUS BIEN LU ?


Scène 2
5. On trouve la réponse dans les paroles d’Oreste qui concluent le récit de
ses mésaventures après ses adieux à Hermione qui partait pour l’Épire :
« voilà, depuis un an le seul soin qui m’anime ».
6. Oreste annonce à Hermione l’échec de son ambassade auprès de Pyrrhus
(v. 512 à 514). Cet événement politique est en même temps la manifestation
de la trahison amoureuse de Pyrrhus. Hermione l’a compris : « L’infidèle ! »
(v. 515).
7. Oreste est conforté dans l’idée qu’Hermione ne l’aime toujours pas dans
des instants où la jeune fille abandonne son rôle et lui révèle son infortune.
Ce sont d’abord des éloges laborieux et des paroles empreintes d’une com-
misération blessante : « Vous que mille vertus me forçaient d’estimer ; / Vous que
j’ai plaint, enfin que je voudrais aimer. » (v. 535-536).
8. Vers 477 : « Le croirai-je, Seigneur, qu’un reste de tendresse » où elle l’invite,
avec coquetterie à lui renouveler l’expression de sa passion alors qu’elle sait
qu’elle ne le paiera jamais de retour.
Vers 510 et 511 où elle déplace brutalement le sujet de l’entretien, marquant
que l’important pour elle, n’est pas Oreste, mais le succès de sa mission.
Vers 536, où elle lui dit son incapacité à l’aimer.
9. Dans les vers 529 et suivants, Oreste fait preuve d’une ironie amère : « sou-
haité de me voir... ». Oreste n’est pas dupe. Par la suite, il remarque que ce n’est
que lorsqu’elle se sent abandonnée de Pyrrhus qu’elle se tourne vers lui, ce
qui déclenche finalement sa colère : « Et vous le haïssez ? Avouez-le, Madame,
/ L’amour n’est pas un feu qu’on renferme en une âme : » (vers 573-574).
10. Derrière le langage galant, Oreste analyse lucidement un amour qui le
pousse à agir contre sa volonté : « Tel est de mon amour l’aveuglement funeste. »
(v. 481). Il est ressenti comme une fatalité et une déchéance. Oreste avoue la
faiblesse de sa volonté : « Je le sais et j’en rougis ». Son propos n’est pas dénué
d’ironie envers lui-même.

16
Acte II, scène 2

11. Hermione ordonne à Oreste de soulever les Grecs contre Pyrrhus qui
s’est délibérément placé dans le camp de l’ennemi troyen. Le destin de
l’Épire doit être celui de Troie : « Qu’on fasse de l’Épire un second Ilion. »
(v. 564).Oreste poursuit son idée : soustraire Hermione à Pyrrhus et il la met
au défi d’accomplir elle-même son projet : « Madame, faites plus, et venez-y
vous-même. » (v. 566).
12. Le duc de Buckingham, ambassadeur du Royaume d’Angleterre auprès
de la cour du roi de France, Louis XIII, avait courtisé la reine de France, Anne
d’Autriche. Alexandre Dumas le raconte dans Les trois Mousquetaires.
13. Hermione renvoie Oreste auprès de Pyrrhus pour une mission où la
défense des intérêts politiques de la Grèce double la revendication de l’amou-
reuse blessée : « De la part de mon père [...] faites-le décider ; » (v. 585 à 587).
Hermione cherche simplement à gagner du temps : elle espère encore que
Pyrrhus lui reviendra et aussi qu’elle sera dégagée provisoirement des
demandes pressantes d’Oreste.

N É TUDIER LA GRAMMAIRE : LA VALEUR DES TEMPS


ET DES MODES
14. Dans le premier hémistiche, le passé composé de l’indicatif exprime la
réalité du sentiment qui anime Hermione : la pitié, ce qui ne saurait satisfaire
Oreste qui ne souhaite être plaint que par amour. Le deuxième verbe est au
conditionnel présent : il exprime un souhait qui ne peut se réaliser. Il faut le
comprendre comme un irréel du présent. Hermione signifie hypocritement
à Oreste qu’elle ne peut, malgré ses efforts, aller plus haut que la pitié dans
l’échelle des sentiments.
15. Impératif et subjonctif qui ont une valeur d’ordre chez Hermione et une
valeur de prière chez Oreste.

N É TUDIER LE GENRE DU TEXTE


Les rimes
16. funeste / Oreste : vers 5-6, 389-390, 481-482 ;
joie / Troie : 145-146, , 229-230, 465-466 ;
coups / vous : 147-148, 239-240, 503-504 ;
proie / Troie : 185-186, 217-218, 317-318.
L’association répétée de l’adjectif « funeste » à Oreste rappelle son destin tragique.

17
RÉPONSES AUX QUESTIONS

Le mot « joie » qui donne une connotation heureuse au mot « Troie », lui est
toujours associé par ses vainqueurs.
C’est Pyrrhus qui associe les mots « proie » et « Troie » à un moment où il
regrette les actes de violence qu’il a commis pendant le sac de Troie.
17. Quand on lit des tragédies du XVIIe siècle, on est frappé de retrouver
d’une pièce à l’autre des rimes, voire des expressions, et même des vers
entiers, identiques. Chaque genre a un code linguistique particulier ; la
tragédie utilise un lexique noble, elle est écrite en alexandrins où « le jeu
des rimes appelle pendant cent cinquante ans des associations quasi automatiques,
alarmes/larmes, rang/sang, foi/loi, murailles/batailles, ... et que la mesure du
vers impose, quasiment incontournables, des locutions, des hémistiches, voire des vers
entiers d’un écrivain à l’autre, ... » (in C. Delmas, La Tragédie de l’Âge Classique
(1553-1770), p. 86).
Selon les élèves, possibilité d’un rapprochement avec l’épopée, L’Iliade et
l’Odyssée, par exemple.
Noter aussi que la notion de propriété intellectuelle est relativement
moderne.

N É TUDIER L’ ÉCRITURE
18. Ce mélange des sentiments apparaît d’abord dans le discours. Oreste met
en parallèle haine et amour, non pas pour les opposer dans une antithèse, mais
pour les unir dans un même vers ou dans deux vers consécutifs sous forme
d’oxymore, car il sait bien que chez Hermione, quoi qu’elle en dise, « ... la
haine est un effort d’amour ». Voir le vers 540 : « Je vous haïrais trop. / Vous
m’en aimeriez plus. » ; v. 544 « Vous m’aimeriez, Madame, en me voulant haïr. » ;
les vers 573-574 : « Et vous le haïssez ? Avouez-le, Madame, / L’amour n’est pas
un feu qu’on renferme en une âme : ».
La confusion des sentiments apparaît aussi dans les intentions d’Hermione
qui ne peut soulager sa souffrance qu’en faisant souffrir l’objet de son amour.
La vengeance est sa consolation. C’est pourquoi, cette jeune fille délaissée se
révèle fort dangereuse pour Pyrrhus : « Allez contre un rebelle armer toute la
Grèce ; » (v. 562).
Hermione, pénétrée de l’orgueil de sa caste, ne conçoit pas de s’effacer pour
le bonheur de l’autre. Son amour est trop égoïste, il ignore le sublime et le
sacrifice de soi.

18
Acte II, scène 2

19. Oreste instaure un rapport étroit entre la férocité des Scythes et l’indif-
férence d’Hermione. Ce parallélisme précieux est développé tout le long de
sa tirade. Les mots « sang », « cruels », sont pris au sens propre : Oreste a
risqué réellement sa vie chez les barbares. Mais sa vie est davantage menacée
auprès d’Hermione. Les termes « victime », « coups » sont pris au sens figuré.
Le propos galant atteint un raffinement supplémentaire quand Oreste sou-
ligne le paradoxe suivant : les barbares l’ont épargné mais la descendante
d’Atrée le plongera dans la mort.
La comparaison proclame la toute-puissance de la femme aimée, femme
fatale à qui l’amant offre sa vie. La mort est dispensée par le regard ,arme
redoutable car il est le véhicule des sentiments. Voir aux vers 498 à 500 :
« Ils n’ont qu’à [...] une fois / […] ».
Hermione ne peut que se sentir flattée par un amant qui se livre à elle corps
et âme.

N É TUDIER UN THÈME
Le masque de la raison
20. Hermione se présente comme une princesse, pleine d’autorité et gar-
dienne des volontés des chefs de la Grèce. Hermione rappelle froidement
Oreste à son rôle d’ambassadeur, ce qui lui permet de déplacer le sujet de
l’entretien : des mésaventures et de la mort d’Oreste qui ne l’intéressent pas,
elle passe à l’objet de sa mission, qui, lui, est le centre de ses préoccupations,
puisque c’est elle qui en est l’instigatrice. Elle substitue au problème senti-
mental, un problème politique.
Non seulement la loi grecque s’incarne en elle mais aussi l’obéissance à cette
loi. Hermione tente de faire croire qu’elle reste en Épire parce qu’elle est aux
ordres des hommes qui ont décidé de son sort et le mot « devoir » revient
dans sa bouche comme un leitmotiv : « Mon devoir m’y retient , et je n’en puis
partir / Que mon père ou Pyrrhus ne m’en fasse sortir. » v. 583-584. En réalité son
père l’a déjà libérée de son engagement (voir acte II, scène 1). Elle doit aussi
rester, dit-elle, pour empêcher un Grec, Pyrrhus, de nouer une alliance avec
une barbare : « [...] Songez quelle honte pour nous / Si d’une Phrygienne il deve-
nait l’époux ! » (v. 571-572). Noter l’emploi du pronom « nous » qui repré-
sente tous les Grecs. Enfin, elle veut faire œuvre de juge en condamnant un
traître à son peuple.
Ton froid et cruel : impératifs, interrogations brutales.

19
RÉPONSES AUX QUESTIONS

21. Hermione révèle ses sentiments lorsqu’elle se sent blessée par les paroles
d’Oreste. Cest d’abord la confirmation de son infortune amoureuse. Elle
laisse alors échapper un cri douloureux : « L’infidèle ! » , au début du vers 515,
qu’elle n’a pas la force d’achever.
Ensuite, elle est touchée dans son amour-propre par la cruelle attaque
d’Oreste « Car enfin il vous hait... » (v. 549). Sa vive répartie interrompt la
phrase d’Oreste puis son discours prend la forme d’interrogations indignées.
Leur facture traduit l’émotion d’un cœur révolté : construction disloquée du
vers 550 (emploi du pronom neutre « l’ » annonçant le complément « qu’il
me méprise ») ; doublement du sujet au vers 551.
Enfin, elle se découvre dans toute sa naïveté de jeune fille prise au piège lors-
qu’elle laisse échapper la question « Mais, Seigneur, cependant s’il épouse
Andromaque ? » (v. 570), juste avant de se reprendre et de revêtir le masque
de la raison aux vers 571-572.
Hermione, fille d’Hélène, ne peut souffrir de lui être inférieure dans le domaine
de l’amour. Son échec auprès de Pyrrhus est d’autant plus mal vécu qu’il se
double de la conscience d’une lignée qui n’est plus à la hauteur du mythe.

NÀ VOS PLUMES !
22. On pourra à cette occasion lire quelques extraits du Lutrin de Boileau.

N L IRE L’ IMAGE
24. Hermione est en position dominante : debout, la main sur le front
d’Oreste dans un geste de caresse ou plutôt d’asservissement. Elle ne regarde
pas Oreste et semble le faire souffrir. Oreste se soumet à genoux mais à son
corps défendant ; le geste de la main est une faible défense contre le pouvoir
d’Hermione.

A C T E I I , S C È N E 5 (p. 62)

N Q UE S ’ EST - IL PASSÉ ENTRE TEMPS ?


Scène 3
1. Oreste s’imagine qu’il pourra employer la même manœuvre que dans
l’entrevue précédente, c’est-à-dire réclamer avec insistance Astyanax pour
que Pyrrhus s’enferme dans son intention de le défendre pour l’amour

20
Acte II, scène 5

d’Andromaque. Sa confiance dans son stratagème se traduit par la négation res-


trictive « ne… que » et par la dernière formule qui anticipe sur le résultat final.
Scène 4
2. Pyrrhus annonce d’abord qu’il va livrer Astyanax aux Grecs (v. 614)
puis – et ceci en est la conséquence logique – qu’il est décidé à épouser
Hermione le lendemain. Il se montre cruel :
– par la façon brutale dont il annonce sa décision d’épouser Hermione à
celui dont il connaît l’amour ;
– par l’ironie avec laquelle il l’en rend, au fond responsable, « Il semblait qu’un
spectacle si doux / N’attendît en ces lieux qu’un témoin tel que vous » (v. 619-620) ;
– par l’obligation qu’il lui fait de l’accompagner lui-même au temple ;
– et enfin, cruauté suprême, par l’ordre qu’il lui donne, d’aller lui-même
annoncer sa décision à Hermione ! « Dites lui que demain / J’attends, avec la
paix, son cœur de votre main. » (v. 623-624), alors que c’est Pyrrhus lui-même
qui aurait dû faire cette annonce à Hermione et non en charger une personne
étrangère à la cour, et qui plus est, son cousin qui l’aime depuis toujours. Ce
dernier ordre trahit, outre son peu d’empressement à la voir, son secret espoir
qu’Oreste, amoureux fou, tente une action qui retarde ou empêche ce
mariage non désiré. Rappelons-nous les mots qu’il prononçait acte I, scène 4,
vers 253 : « Ah ! qu’ils s’aiment, Phœnix : j’y consens. Qu’elle parte. »
3. On peut supposer que la faveur accordée à Andromaque de rejoindre son
fils n’a pas entamé l’intransigeance de celle-ci.
4. Ces paroles constituent un renversement de situation puisque Pyrrhus se
décide à renier tout ce qu’il s’était engagé à faire (voir acte I, scènes 2 et 3).
Pyrrhus, soumis à ses impulsions, est capable de changer brusquement d’avis.
Il ignore la constance et la fermeté. Il est bien tel que l’a décrit Pylade aux
vers 121-122 : « Il peut, Seigneur, il peut, dans ce désordre extrême, / Épouser ce
qu’il hait, et punir ce qu’il aime. »
C’est pourquoi cette volte-face n’étonne guère le spectateur qui, par ailleurs,
a constaté l’échec de son entrevue avec Andromaque. Mais c’est un véritable
coup de théâtre si l’on se place du point de vue d’Oreste, si sûr des réponses
de Pyrrhus dans la scène précédente. Les rôles sont alors inversés : si Pyrrhus
épouse ce qu’il hait, Oreste prend la défense de celui qu’il veut voir mourir :
« C’est acheter la paix du sang d’un malheureux. » (v. 616). L’ironie tragique se
manifeste dans ces paroles qui changent au gré des désirs.

21
RÉPONSES AUX QUESTIONS

Scène 5

N AVEZ - VOUS BIEN LU ?


5. Pyrrhus raconte l’entrevue d’Andromaque et de son fils. Pyrrhus a
contemplé ce spectacle probablement au début de l’acte II, pendant
qu’Oreste et Hermione s’entretenaient. Sa déception l’a alors poussé à aban-
donner la cause troyenne ; il est prêt à l’annoncer à Oreste, dans la scène 4.
6. Pyrrhus a pris conscience que c’est Hector qu’Andromaque aime à travers
son fils.
7. « Attend-elle en ce jour / Que je lui laisse un fils pour nourrir son amour ? »
On peut dire que c’est par jalousie vis à vis d’Astyanax, image d’Hector, que
Pyrrhus a décidé de le livrer aux Grecs. En aucune façon pour une raison
politique.
Le spectateur se rend compte que, si Pyrrhus a changé d’avis, ce n’est pas à la
suite d’une réflexion où il aurait examiné ce qu’exigeait sa dignité de roi et
ce qu’il perdait à persister dans sa passion. Ce n’est pas l’exercice de la raison
qui entraîne sa décision, mais le sentiment d’avoir été bafoué dans son amour.
Contrairement au héros cornélien qui franchit les difficultés en obéissant aux
valeurs les plus hautes, le héros racinien s’abandonne aux caprices de son
cœur. C’est pourquoi la décision ne délivre pas le héros : il ne gagne pas en
sérénité mais reste dans le tourment.
8. Un demi vers, et encore sous forme interrogative : « Faut-il voir Hermione ? ».
Comment Racine aurait-il pu mieux traduire la parfaite indifférence de
Pyrrhus à son égard !
9. Pyrrhus trahit sa passion avec une grande naïveté et Phœnix n’en est pas
dupe. D’abord, ses paroles révèlent ses pensées obsédantes. Il ne cesse d’en-
tretenir son confident d’Andromaque même si c’est pour la dénigrer.
D’ailleurs le spectateur s’aperçoit qu’il n’écoute pas son interlocuteur, par
exemple lorsqu’il interrompt la réplique de Phœnix : « Tu l’as vu, comme elle
m’a traité. ». Ainsi, il détruit, dès le début, les illusions de son gouverneur qui
va suivre ses propos dans la stupeur et l’irritation. Tout est bon à l’amant pour
parler de l’être aimé. Son propos ne progresse pas mais tourne en rond. (Voir
v. 658, 669, 674, 685.) Pyrrhus se croit délivré de ses fers, il se ment à lui-
même et sa fausse tranquillité d’esprit l’autorise à verser de nouveau dans sa
passion. Après avoir assuré Phœnix de sa fermeté (« Je la verrais aux miens,
Phœnix, d’un œil tranquille. », v. 661), il saisit le prétexte de sa haine pour avoir

22
Acte II, scène 5

l’occasion de retrouver Andromaque (« Elle ignore à quel point je suis son


ennemi. / Retournons-y. », v. 676-677). Pyrrhus, en voulant parfaire sa victoire,
court au désastre. Il apparaît pitoyable et fragile.
10. Pyrrhus parle à Phœnix, mais c’est lui-même qu’il essaie de convaincre
en énumérant tous les maux qu’il vient d’éviter en décidant de ne pas
épouser Andromaque : vers 633 à 640.
11. Le spectateur hésite. Certes, Pyrrhus vient de décider d’épouser
Hermione, mais il ne parle que d’Andromaque. Va-t-il rester ferme sur sa
décision ?
On connaît la passion d’Oreste pour Hermione et il a déjà parlé de son
projet de l’enlever.
Ne va-t-il pas mettre son projet à exécution ?
Certes, Andromaque a refusé d’épouser Pyrrhus, mais elle aime Hector, à travers
son fils, sa seule raison de vivre : « Je prolongeais pour lui ma vie et ma misère ».
Ne tentera-t-elle pas quelque chose pour le sauver ?

N É TUDIEZ LE DISCOURS
La situation de communication
12. Phœnix, attaché à la famille d’Achille, est le gouverneur de Pyrrhus, il a
été chargé de son éducation, propre à inculquer au prince les devoirs qui sont
ceux de sa charge. Phœnix joue de tous les registres pour influencer son pro-
tégé : celui de la fierté que lui inspire la décision de Pyrrhus, puis celui de
l’autorité et enfin de la colère et de l’ironie pour lui faire reconnaître claire-
ment sa passion (v. 685) et lui faire honte : « Allez, Seigneur, vous jeter à ses pieds
[…] » (v. 680 à 682).
Pour Pyrrhus, il est un confident qui doit reconnaître les efforts qu’il déploie :
« […] Hé bien, Phœnix, l’amour est-il le maître ? / Tes yeux refusent-ils encor de
me connaître ? » (v. 625-626).
D’abord Pyrrhus n’écoute pas son interlocuteur, puis, pendant le reste de
l’entretien, il cherche à combattre le reflet que son gouverneur lui renvoie et,
finalement, il cède à ses instances mais comme un jeune homme déconte-
nancé et perdu. (Voir les interrogations finales.)
Les deux personnages ne peuvent s’entendre. Phœnix appartient à un monde qui
n’est pas tragique. Sa mission est d’ordre social : façonner un prince digne de son
père et capable des plus grands exploits. Pyrrhus, obéit à ses pulsions et ses déci-
sions y sont subordonnées. Il appartient complètement à l’univers tragique.

23
RÉPONSES AUX QUESTIONS

13. Emploi de très nombreux points d’exclamation et points d’interrogation


(vers 625-626,655-656, 668, 670 à 673, 686 à 689,692 à 697, 700, 701, 703,
706) qui traduisent émotions et interrogations.
Pyrrhus ne répond pas à Phœnix, ou lui coupe la parole (vers 644, 658, 669,
674, 708), ce qui montre qu’il est ému, incapable d’attacher son esprit à un
autre sujet que celui qui l’occupe tout entier : Andromaque.
Des points de suspension qui marquent le temps d’un retour en arrière où
Pyrrhus se laisse envahir par son amour pour Andromaque au milieu d’un
discours où il essaie de se convaincre qu’il a raison de ne pas l’épouser.
Des impératifs, par lesquels Phœnix met Pyrrhus face à ses contradictions, ou
le presse d’accomplir ce qu’il a décidé, ou encore par lesquels Pyrrhus essaie
de se donner du courage.
14. Phœnix a assisté à l’entrevue entre Pyrrhus et Andromaque ; c’est donc
à lui-même et au public que ces paroles sont destinées.

N É TUDIER L’ ÉCRITURE
L’hypotypose
15. Pyrrhus choisit de restituer, pour lui-même et non pour Phœnix qui était
présent, le tableau qu’il a contemplé. Il le fait parce que ce moment l’a par-
ticulièrement marqué. C’est une scène qui l’a révolté ; les gestes, les paroles
d’Andromaque l’ont fait brûler de jalousie pour Hector. La scène est encore
présente dans les yeux et le cœur de Pyrrhus. Et la description qu’il en fait la
rend présente aussi pour les spectateurs.
Pyrrhus dit ce qu’il voit : Andromaque, en pleurs, serrant son fils dans ses
bras et lui-même rejeté hors de cette sphère de tendresse : « Vainement à
son fils j’assurais mon secours » (v. 651). Il dit ce qu’il entend en reproduisant
au style direct les paroles exactes d’Andromaque : « ses yeux, sa bouche, son
audace, c’est lui-même » (v. 653-654). Il découvre qu’elle n’aime Astyanax que
pour son pouvoir à évoquer Hector. Et l’illusion devient un instant totale :
Hector prend la place d’Astyanax : « C’est toi, cher époux que j’embrasse »
(v. 654).
Pyrrhus sent que c’est Hector qu’Andromaque aime à travers son fils, parce
qu’il est l’image de son époux disparu, qu’elle n’aime pas Astyanax pour ce
qu’il est, dans sa singularité.

24
Acte II, scène 5

16. L’attitude d’Andromaque ne laisse pas d’intriguer ; le personnage com-


porte sa part d’ombre. En parlant comme elle le fait devant Pyrrhus, sait-elle
qu’elle met son fils en danger de mort ? Voir les récurrences des noms dési-
gnant Hector et des marques d’affection ; au vers 654, le changement de pro-
nom pour désigner l’époux et qui le rend matériellement présent pour rece-
voir ses embrassements. Il semble que le souvenir d’Hector soit à ce point
obsédant qu’il occulte la présence de Pyrrhus. On s’aperçoit qu’Astyanax, en
tant que personne, est nié par tous les personnages. Pour Pyrrhus, c’est un
moyen de pression, pour Andromaque, c’est le reflet d’Hector.
17. « Attend-elle en ce jour / Que je lui laisse un fils pour nourrir son amour ? »
(v. 655-656). On peut dire que c’est par jalousie vis-à-vis d’Astyanax, image
d’Hector, que Pyrrhus a décidé de le livrer aux Grecs. En aucune façon pour
raison politique.

N É TUDIER UN THÈME
Le sentiment amoureux
18. Le sentiment amoureux est perçu comme un asservissement et une alié-
nation par les deux personnages : « Ce n’est plus le jouet d’une flamme servile : »
(v. 629) ; « Et mon cœur, aussi fier que tu l’as vu soumis, » (v. 635). C’est aussi une
maladie qui affaiblit les volontés et qui conduit à la déchéance : « Quelle foule
de maux l’amour traîne à sa suite, » (v. 638) ; « Je trouvais du plaisir à me perdre pour
elle. » (v. 642). Ce genre d’amour ne correspond en rien à celui du héros
cornélien comme le Cid ou du héros courtois que l’amour pousse à se
surpasser.
19. Hermione et Pyrrhus se ressemblent dans la façon dont ils aiment et
réagissent aux événements qui contrarient cet amour.
– Leur amour-propre leur fait confondre amour et haine.
– Ils sont sourds aux paroles de leur interlocuteur car habités par la pensée de
l’autre.
– Leur naïveté et leur détresse affleurent lorsqu’ils abandonnent leur rôle :
« Mais, Seigneur, cependant s’il épouse Andromaque ? » (v. 570). « Crois-tu, si je
l’épouse, / Qu’Andromaque en son cœur n’en sera pas jalouse ? » (v. 669-670).
– L’humiliation qu’ils reçoivent les porte à la cruauté et à la vengeance envers
l’être aimé.

25
RÉPONSES AUX QUESTIONS

A C T E I I I , S C È N E 4 (p. 76)

N Q UE S ’ EST - IL PASSÉ ENTRE TEMPS ?


Scène 1
1. Oreste s’apprête à enlever Hermione la nuit même, car elle épouse
Pyrrhus, le lendemain : « Il faut que je l’enlève, ou bien que je périsse. » (v. 714).
Ce vers fait écho au vers 100, acte II, scène 2 : « La fléchir, l’enlever ou mourir
à ses yeux. ».
2. Vers 730 : « Du coup dont ma raison vient d’être confondue ? », comme si
Oreste pressentait sa folie.
Vers 733 : « Ah ! plutôt cette main dans le sang du barbare... ». Oreste, en effet,
deviendra bien le responsable de la mort de Pyrrhus.

Scènes 2 et 3
3. Oreste veut vérifier une dernière fois son infortune en posant la question :
« Et votre âme à ses vœux ne sera pas rebelle ? » (v. 809). Puis il affecte le calme
et offre à Hermione le visage du renoncement. Il lui dit ce qu’elle veut
entendre, que Pyrrhus l’aime et qu’elle n’est critiquable en rien. Il adopte la
stratégie recommandée par Pylade et tâche de n’éveiller aucun soupçon chez
Hermione qui connaît son caractère impétueux. Oreste se conduit avec elle
en ennemi qu’il faut vaincre par la ruse et la violence. Voir les paroles de
Pylade, dans la scène précédente : « Et cette nuit, sans peine, une secrète voie /
Jusqu’en votre vaisseau conduira votre proie. » (v. 793-794).
4. Hermione, confortée par les paroles perfides d’Oreste, s’enfonce dans son
aveuglement et refuse de prendre en compte la personnalité complexe de
Pyrrhus : « Non, Cléone, il n’est point ennemi de lui-même ; / Il veut tout ce qu’il
fait ; et s’il m’épouse, il m’aime. » (v. 845-846.) Elle élimine avec raison le motif
politique : la crainte des Grecs qu’elle accable de son mépris, suivant en cela
l’opinion de Pyrrhus : « Des peuples qui dix ans ont fui devant Hector, » (v. 840).
Mais sa lucidité achoppe sur le rôle d’Andromaque. À aucun moment, elle
n’évoque le personnage. Elle semble l’avoir enfoui dans les profondeurs de
son subconscient. Et lorsque son arrivée est annoncée, elle ne songe qu’à fuir :
« Sortons : que lui dirais-je ? » (v. 858).

26
Acte III, scène 4

N AVEZ - VOUS BIEN LU ?


Scène 4
5. Andromaque n’a pas reparu depuis la fin de l’acte I, bien qu’elle occupe
tous les esprits. Elle a probablement compris à quel point son attitude et ses
paroles, dans ses épanchements, ont blessé Pyrrhus. Elle a appris son revire-
ment et n’a plus d’autre recours que de s’adresser à sa rivale. Elle sait proba-
blement que les exigences des Grecs concernant son fils ont été suscitées par
Hermione.
6. Hermione n’a pas écouté sa rivale, elle invoque des raisons qui ne sont que
des prétextes dont elle a déjà usé avec Oreste. Elle met en avant son impuis-
sance en arguant de ses devoirs d’obéissance envers son père.
Puis, se plaçant dans une stricte logique, elle renvoie Andromaque à Pyrrhus,
l’auteur direct de ses maux : « Faites-le prononcer : j’y souscrirai, Madame. »
(v. 886).
7. Hermione lance bien imprudemment un défi à Andromaque. Cela montre
son aveuglement sur les raisons de la décision de Pyrrhus, son manque
d’expérience, son orgueil juvénile.

N É TUDIER LE VOCABULAIRE ET LA GRAMMAIRE


La polysémie
8. Le premier sens du mot est métonymique et désigne le sentiment amou-
reux par un élément physique, siège des sentiments. Le second sens semble le
sens propre du mot : « […] j’ai vu percer / Le seul […] » (v. 663-664). Il évoque
le moment cruel de la mort de son mari. Mais la suite du discours montre
que le sens métonymique vient se superposer à l’autre : « Le seul où mes regards
prétendaient s’adresser. » (v. 864).
Ces variations montrent bien que la personne même d’Hector disparaissant
a entraîné en même temps l’amour d’Andromaque avec elle.
Expression de l’interrogation
9. Andromaque utilise l’interrogation directe : vers 858 à 860 et 877 :
– présence du mot interrogatif en tête de phrase ;
– inversion du sujet ;
– présence du point d’interrogation en fin de phrase.

27
RÉPONSES AUX QUESTIONS

Elle utilise aussi l’interrogation indirecte vers 867 à 870 :


– interrogation contenue dans une subordonnée complément de verbes
comme « Vous saurez » et « vous ne saurez pas » ;
– mot interrogatif en tête de la subordonnée à l’intérieur de la phrase ;
– le sujet n’est pas forcément inversé ;
– pas de point d’interrogation.
Dans les interrogations directes, le ton est abrupt, c’est celui de l’apostrophe
et il révèle le reproche et l’ironie. Les interrogations indirectes perdent
presque le sens interrogatif, pour prendre le ton de la confidence dévoilée par
une femme déjà mère à une jeune fille qui ne connaît pas encore cet état.

N É TUDIER LE DISCOURS
L’argumentation
10. Andromaque construit une solide argumentation pour convaincre
Hermione.
Vers 858 à 860 : Exorde. Elle montre l’humilité de la suppliante devant une
princesse toute puissante. Andromaque souligne par une périphrase, « la veuve
d’Hector », son ancienne qualité de princesse. En se mettant en position de
suppliante, cette princesse souligne son actuelle faiblesse devant Hermione,
ce qui valorise cette dernière et devrait flatter son orgueil.
Vers 861 à 880 : argumentation.
Vers 861 à 866 : elle s’adresse à l’amoureuse pour la rassurer. Andromaque qui
connaît l’amour d’Hermione pour Pyrrhus, veut d’abord la rassurer en affir-
mant qu’elle n’est pas une rivale, son seul amour étant Hector. Mais en même
temps, elle rappelle discrètement qu’elle a su un jour séduire un héros.
Vers 867 à 872 : elle s’adresse à la femme qui un jour sera mère, pour lui pré-
senter l’objet de sa requête : son fils, son bien le plus précieux. Elle tente ainsi
d’instaurer une solidarité qui tient à la nature de leur sexe et de faire naître
la compassion chez sa rivale « [...] Vous saurez quelque jour, / Madame, pour un
fils, jusqu’où va notre amour ; » (v. 867-868).
Vers 873 à 876 : elle s’adresse à la fille d’Hélène qu’elle a su faire protéger par
son mari lors de la guerre de Troie. Elle se place sur un plan politique deman-
dant un geste en échange de cette protection. Argument qui n’est pas sans
force si l’on songe aux alliances qui pouvaient se nouer, dans la Grèce
archaïque, entre des héros de nations étrangères et qui étaient fondées sur des
échanges de dons et de services.

28
Acte III, scène 4

Enfin, elle la flatte, semblant ne pas douter de son pouvoir sur Pyrrhus.
Vers 877 à 880 : requête finale. Dans les derniers vers, Andromaque minimise
le danger que peut être le maintien en vie de son fils, et exprime
l’objet précis de sa requête : qu’on les laisse se cacher tous les deux dans une
île déserte.

N É TUDIER LE GENRE DU TEXTE


La tirade
11. Chez Andromaque, il y a l’absolue nécessité d’attirer l’attention de l’autre
pour persuader par des arguments et inspirer en même temps la pitié. Il lui
faut du temps pour convaincre. Chez Hermione, la nécessité est contraire, il
s’agit de se débarrasser d’Andromaque. Sa réplique de six vers est une fin de
non-recevoir.

N L’ EXPRESSION POÉTIQUE DE L’ AMOUR


12. Le héros Hector est toujours mis en valeur dans le vers, soit à la césure
(v. 860, 865, 875), soit en rejet (v. 864 : « Le seul). De même son substitut, le
fils, est à la césure aux vers 867 et 868.
L’amour que lui porte Andromaque est un amour malheureux et les asso-
nances en « en », « on », « ou », associées à un rythme ample donnent à sa
passion la marque de la douleur.
Emploi à deux reprises (v. 863, 873) de l’interjection « hélas ! ».
13. Emploi de termes abstraits : « je conçois », « devoir austère », « prononcer »,
« j’y souscrirai ».
Phrases courtes et sèches.
Sonorités dures : k, t, d.
Hermione, n’a pas du tout été touchée par la plaidoirie d’Andromaque, elle
n’a entendu ni sa demande, ni sa proposition. Indifférence, orgueil et cruauté
d’Hermione.

N É TUDIER LA PLACE DE LA SCÈNE DANS L’ ŒUVRE


14. Cette rencontre occupe une place centrale dans la pièce, elle ne fait pas
avancer l’action, mais constitue un pivot, car Andromaque ne va pas tarder à
reprendre l’avantage. C’est la seule scène où ces personnages se rencontrent
et elle n’en a que plus de force. Chacun aura par la suite un destin opposé et
inattendu.

29
RÉPONSES AUX QUESTIONS

N L IRE L’ IMAGE
15. Le metteur en scène a choisi de théâtraliser l’antagonisme des deux
femmes par des oppositions très tranchées. Robe blanche et lisse pour
Andromaque, robe noire et très plissée pour Hermione. Âme pure contre
âme noire et tourmentée.
Les deux femmes sont face à face et se jugent. Andromaque supplie
Hermione mais n’a, en aucune manière, une attitude de suppliante.

N M ISE EN SCÈNE
16. Ce travail peut être l’occasion d’une recherche passionnante sur les
masques de théâtre : masques des tragédies grecques, de la Commedia d’el arte,
masques des théâtres orientaux. Leurs formes, leurs couleurs, leur utilité, leur
symbolique.
Exposés, expositions, jeux dramatiques (comparaison : jouer la même scène
avec masques et sans masques), etc.

A C T E I I I , S C È N E 8 (p. 87)

N Q UE S ’ EST - IL PASSÉ ENTRE TEMPS ?


Scènes 5 et 6
1. Céphise a conseillé à Andromaque de parler à Pyrrhus. L’idée est venue
d’Hermione qui ne l’avait suggérée à Andromaque que pour l’écraser davan-
tage de son mépris. Céphise ne comprend pas la fidélité d’Andromaque à
Hector qui est mort depuis un an. Elle souhaite qu’elle épouse Pyrrhus, ce
qui lui permettrait de redevenir reine et de sauver Astyanax.
Dans la scène 5 de l’acte II, Phœnix a engagé Pyrrhus à voir Hermione :
« Oui, voyez-la, Seigneur, et par des vœux soumis / Protestez-lui… » (v. 707-708).
Pyrrhus l’avait interrompu par une formule ambiguë : « Faisons tout ce que j’ai
promis. » (v. 708). Pyrrhus lui a obéi et s’il rencontre Andromaque au lieu
d’Hermione, c’est parce que celle-ci l’a fuie. Ironie du sort propre aux tragé-
dies et en même temps chassé-croisé propre aux comédies amoureuses.
2. Andromaque et Céphise ne se situent pas sur le même niveau. Céphise
conseille la résignation au nom de l’amour maternel, elle voit l’intérêt immé-
diat. Andromaque, si elle le voit aussi, respecte sa qualité de veuve fidèle et de
reine d’un peuple qui a été anéanti par celui qui veut l’épouser.

30
Acte III, scène 8

Phœnix est la voix de la raison d’État : Pyrrhus, allié des Grecs, doit épouser
Hermione et livrer Astyanax, fils de son ennemi.
La présence des confidents souligne la grandeur ou la démesure du héros.
3. Andromaque reconnaît que sa condition de captive aurait pu être plus
mal ressentie auprès d’un autre maître : « J’ai fait plus : je me suis quelquefois
consolée / Qu’ici, plutôt qu’ailleurs, le sort m’eût exilée ; » (v. 933-934). Elle admet
aussi la grandeur d’âme de son ennemi : « Je n’ai pu soupçonner ton ennemi d’un
crime ; / Malgré lui-même enfin je l’ai cru magnanime. » (v. 941-942). En s’adres-
sant ainsi à l’âme d’Hector, elle met, pour la première fois, les deux hommes
sur un pied d’égalité en ce qui concerne leur valeur. Elle finit par toucher
Pyrrhus en s’adressant à ce qui l’enorgueillit, sa lignée et sa valeur guerrière.
Andromaque apparaît ici sous un jour plus humain, elle est enfin sensible aux
risques que Pyrrhus prend pour elle, mais elle reconnaît aussi en lui un
orgueil et un courage semblables aux siens. Il y a une sorte de solidarité de
caste qui s’instaure et peut-être aussi l’aveu étouffé d’un amour scandaleux.
Le personnage d’Andromaque devient complexe.
4. Andromaque demande comme une faveur à Pyrrhus de rejoindre son
époux. Elle déclenche une réaction immédiate de Pyrrhus. En renvoyant
Phœnix, il renonce déjà à épouser Hermione. Le parti de la raison est défi-
nitivement vaincu.
Scène 7
5. Pyrrhus implore d’abord Andromaque, il essaie de la convaincre de ne pas
le repousser encore une fois, en lui redisant son amour, son désir de l’épouser
à la place d’Hermione, sa détermination à sauver Astyanax. Mais il se fait aussi
menaçant en lançant un ultimatum prononcé avec une clarté tranchante :
« Je vous le dis, il faut ou périr ou régner.» (v. 968) et « Et là vous me verrez, sou-
mis ou furieux, / Vous couronner, Madame, ou le perdre à vos yeux. » (v. 975-976).
C’est donc la dernière offre de Pyrrhus et la réponse ne souffre aucun retard.
Astyanax est en position d’otage destiné à emporter l’adhésion
d’Andromaque.

N AVEZ - VOUS BIEN LU ?


Scène 8
6. Andromaque est devant un choix difficile :
Épouser Pyrrhus et sauver son fils, mais cela revient à trahir la fidélité qu’elle

31
RÉPONSES AUX QUESTIONS

s’est jurée à l’époux défunt et à renier les souffrances de son peuple (« Quoi ?
je lui donnerais Pyrrhus pour successeur ? », v. 984).
Renoncer à cette solution qu’elle envisage avec horreur ne peut qu’entraî-
ner la mort de son fils et d’elle-même (« Non, je ne serai point complice de ses
crimes ; / Qu’il nous prenne, s’il veut, pour dernières victimes. », v. 1009-1010 et
« Mais cependant, mon fils, tu meurs, si je n’arrête / Le fer que le cruel tient levé sur
ta tête. », v. 1033-1034).
7. Andromaque remonte dans ses souvenirs à la guerre de Troie. Elle évoque
d’abord le plus récent et le plus traumatisant, celui de la prise de la ville et du
massacre du peuple. Ensuite, c’est le souvenir d’Hector qui occupe son esprit,
au moment, où, la neuvième année du siège de la ville, le héros vient lui faire
ses adieux, avant son combat fatal contre Achille : « Hélas ! je m’en souviens, le
jour que son courage / Lui fit chercher Achille, ou plutôt le trépas, » (v. 1018-1019).
Ces souvenirs profondément ancrés dans sa mémoire rappellent à
Andromaque les valeurs auxquelles elle doit continuer d’obéir : la fidélité à
l’époux et la fidélité à la cause troyenne.
8. Andromaque semble prendre sa décision lorsqu’elle dit au vers 1036 :
« Non, tu ne mourras point : je ne le puis souffrir. ». C’est au nom de sa fidélité à
Hector qu’elle accepte la proposition de Pyrrhus car sauver son fils, c’est aussi
sauver ce qui lui reste de son mari.
9. Andromaque se résout à suivre les conseils de Céphise, mais avec des
réticences qui se traduisent dans son discours :
– répétition de l’impératif « allons » qui traduit l’effort qu’Andromaque fait sur
elle-même pour prendre une décision qui sauvera Astyanax, mais chaque fois
l’horreur que lui inspire cet hymen la fait reculer, et elle trouve un prétexte
pour ne pas l’accomplir tout de suite : « Allons trouver Pyrrhus. Mais non, chère
Céphise, / Va le trouver pour moi. » (v. 1038). Elle agit exactement comme Pyrrhus
qui avait envoyé Oreste annoncer à Hermione qu’il l’épousait.
« Allons... / Allons sur son tombeau... ». Là encore, elle gagne du temps en remet-
tant à plus tard une décision que Céphise et le spectateur croyaient bien qu’elle
avait prise. « Dis-lui que de mon fils […] Ô mon fils […] » (v. 1039 à 1046) ;
– questions qui la ramènent à des moments où elle n’avait pas à prendre de
décision (v. 1040-1041 et 1044) ;
– phrases inachevées qui montrent qu’elle ne peut formuler complètement
sa décision (v. 1039 et 1043).

32
Acte III, scène 8

10. Oreste, hors de lui, se prépare à enlever Hermione, avec l’aide de son ami
Pylade. Sa passion égoïste commande tous ses actes.
Hermione, orgueilleuse, égoïste et cruelle, est tout à la joie de son futur
mariage avec Pyrrhus. On devine qu’un nouveau contretemps déclencherait
en elle des réactions terribles.
Aucun des deux ne sait que Pyrrhus est revenu sur sa décision d’épouser
Hermione et qu’il attend la réponse d’Andromaque.
Andromaque hésite, partagée entre le souvenir d’Hector, sa dignité de prin-
cesse troyenne et l’amour de son fils. On la sait habile. L’avenir de tous les
acteurs de cette tragédie dépend de sa décision.
11. Que va décider Andromaque ?
Si Pyrrhus épouse Andromaque, que va faire Hermione ?
Si Pyrrhus épouse Hermione, que va faire Oreste ?

N É TUDIER LE VOCABULAIRE ET LA GRAMMAIRE


Le discours rapporté
12. Andromaque utilise le discours direct pour reproduire fidèlement les
paroles d’Hector :
– le discours est introduit par un verbe de déclaration situé ici dans une pro-
position incise : « dit-il » (v. 1021) ;
– les personnes ( je, tu, me, mon) et le temps (présent) de la situation d’énon-
ciation d’origine sont gardés.
Céphise et Andromaque usent également du discours indirect qui transmet
l’idée mais non la forme exacte des paroles :
– le discours est rapporté dans une proposition subordonnée complétive
introduite par « que » et complément d’un verbe de déclaration : « Je vous
l’avais prédit » (v. 977) ou « Dis-lui » (v. 1039) ;
– les personnes et les temps sont choisis par rapport à la situation d’énoncia-
tion où le discours est rapporté.Voir « vous seriez », conditionnel correspon-
dant à un futur dans la situation d’énonciation d’origine.
13. Le discours rapporté au style direct rend la scène présente et montre à
quel point elle a marqué Andromaque qui voyait son mari pour la dernière
fois. Qu’Andromaque se souvienne de ses paroles, mot pour mot, montre
qu’elle n’a rien oublié, qu’Hector est toujours vivant dans son esprit. Le
discours émeut le spectateur en faisant revivre le grand héros de Troie dans
une scène intimiste inspirée de L’Iliade.

33
RÉPONSES AUX QUESTIONS

N É TUDIER LE GENRE DU TEXTE


Le rôle du confident
14. Les interventions de Céphise sont destinées avant tout à servir sa
maîtresse. Elle l’engage à céder à Pyrrhus. Mais, ce faisant, elle ne fait qu’ex-
primer une morale qui est celle du peuple. Il ne lui semble pas honteux de
déroger à certains principes, pourvu qu’on y trouve le bonheur : « Madame, à
votre époux c’est être assez fidèle : / Trop de vertu pourrait vous rendre criminelle. »
(v. 981-982). Sa morale, comme celle de nombreux confidents, est celle de la
médiocrité.

N É TUDIER L’ ÉCRITURE
L’anaphore
15. Les anaphores, ici, sont la reprise à la même place en début de vers du
pronom relatif « qui ». Quatre propositions relatives se suivent en une énu-
mération bien martelée et sont toutes les expansions du même groupe
nominal « un roi victorieux ». Elles sont destinées à montrer toutes les preuves
d’amour que le roi a données à Andromaque et qui toutes sont des trahisons
de son camp.
16. Par la répétition de « Voilà..., Voilà..., enfin voilà l’époux » qui rapproche
l’image d’un Pyrrhus assassin de toute sa famille et auteur du sac de Troie à
celle d’époux.

Le ton épique
17. Les verbes employés par Andromaque pour inviter Céphise à se souve-
nir avec elle du passé sont les verbes à l’impératif « songe », répété deux fois
au vers 997 puis au vers 1003. Leur martèlement en début de vers ou en
début d’hémistiche montre à quel point les images évoquées sont obsédantes.
On trouve aussi « Figure-toi » (v. 999) et « Peins-toi » (v. 1005).
Ce genre de tableau particulièrement évocateur et chargé de toute l’émotion
du narrateur est une hypotypose.
18. Le récit d’Andromaque veut susciter un sentiment d’horreur. Il contient
des procédés qui sont ceux du poème épique : accent mis sur le réalisme de
scènes insoutenables (corps d’Hector traîné sur le sol, assaillants piétinant des
cadavres) ; appel aux sensations visuelles où l’association des couleurs, jaune de

34
Acte III, scène 8

l’incendie et rouge du sang, fait de ce tableau une véritable hallucination ;


appel aux sensations auditives qui traduisent toutes des agonies ; usage du
champ lexical de la mort ; procédés poétiques comme les anaphores et des
parallélismes qui soulignent l’obsession d’Andromaque et comme les asso-
nances en an, ou, on, qui font du récit une longue plainte ou les allitérations
en t qui rythment la violence des agresseurs.

N É TUDIER LA PLACE ET LA FONCTION


DE LA SCÈNE DANS L’ ŒUVRE
19. C’est le moment où le sort de tous les personnages va se dessiner en
étant soumis à la décision imminente d’Andromaque. Il y a impossibilité de
revenir en arrière, la proposition de Pyrrhus est la dernière faveur qu’il lui
accordera. Elle a valeur d’ultimatum : « Je vous le dis, il faut ou périr ou régner. »
(v. 968 et 975-976). De plus, il ne lui est plus loisible de tergiverser :
« Madame, il va bientôt revenir en furie. » (v. 1042).
Le dernier vers de la scène annonce un début de dénouement qui s’accom-
plira dans la folie et le sang.

N M ISE EN SCÈNE
21. Les personnages étaient censés avoir entre 15 et 20 ans, sans doute un
peu plus pour Andromaque. La très grande différence d’âge n’empêcha pas
les acteurs de faire croire aux personnages et de bouleverser le public.
On peut d’abord remarquer qu’aujourd’hui comme hier, un grand acteur n’a
pas d’âge, ni de sexe : son attitude, ses gestes, ses mimiques, les intonations de
sa voix lui permettent de faire croire à n’importe quel personnage. De plus,
au XVIIe siècle, les acteurs jouaient en respectant certaines conventions de
théâtre : telle attitude, tel port de tête, telle position du bras, tel jeu de doigts,
tel regard, avaient une valeur symbolique : sincérité, douleur, colère, etc.
L’intonation dans les déclamations était aussi codée et Racine faisait travailler
les acteurs vers par vers. Les vêtements, la façon de se déplacer, les attitudes
et les intonations campaient donc mieux un personnage qu’une ressemblance
physique.

35
RÉPONSES AUX QUESTIONS

A C T E I V, S C È N E 3 ( p . 1 0 2 )

N Q UE S ’ EST - IL PASSÉ ENTRE TEMPS ?


Scènes 1 et 2
1. Durant l’entracte, l’action continue. Ce sont les personnages eux-mêmes
qui informent le spectateur par le procédé de la double énonciation :
– Andromaque s’est recueillie sur le tombeau d’Hector et a pris une ferme
décision : épouser Pyrrhus. Voir Céphise aux vers 1049-1050 : « Ah ! je n’en
doute point : c’est votre époux, Madame, / C’est Hector qui produit ce miracle en votre
âme. » ;
– Pyrrhus a dû en être informé et protège Astyanax comme s’il était son fils.
Voir Céphise : « Le soin de votre fils le touche autant que vous : », (v. 1060) ;
– Pyrrhus fait préparer la cérémonie du mariage. Voir Céphise : « Mais tout
s’apprête au temple, et vous avez promis. » (v. 1063.). Auparavant il a sans doute
annoncé la nouvelle, Hermione la connaît. Voir Cléone : « Il l’épouse : »
(v. 1137).
2. Ces événements constituent des coups de théâtre ou renversements de
situation. La personnalité de Pyrrhus et l’impuissance d’Andromaque à lui
échapper expliquent des décisions qui vont changer le cours des choses et
amorcer le dénouement.
3. Andromaque annonce à Céphise qu’elle va se suicider mais seulement
après son mariage (v. 1072 et 1093-1094).
4. Andromaque obéit à un code de l’honneur qui ne souffre aucune com-
promission. En se sacrifiant ainsi, elle résout son problème de conscience et
ne trahit aucune valeur :
– elle reste fidèle à Hector ;
– elle sauve son fils ;
– elle considère, de façon spécieuse, qu’elle a satisfait aux désirs de Pyrrhus.
Voir l’oxymore du vers 1097 « innocent stratagème » ;
– elle est en accord avec elle-même (voir v. 1095-1096).
5. Andromaque demande à Céphise de ne pas l’accompagner dans la mort
et de veiller sur son fils. Elle doit l’éduquer non comme le fils de Pyrrhus
mais comme le descendant d’une illustre famille (v. 1114-1115.) Cependant,
elle doit le faire renoncer à des prétentions légitimes et à la haine de Pyrrhus :
« Il est du sang d’Hector, mais il en est le reste ; » (v. 1122) et « Nous lui laissons

36
A c t e I V, s c è n e 3

un maître, il le doit ménager. » (v. 1120). Andromaque, comme Pyrrhus, souhaite


que s’éteignent la violence et le désir de vengeance. Astyanax doit faire
preuve de dignité et de modération.
Céphise est aussi chargée d’entretenir Pyrrhus dans le souvenir
d’Andromaque afin de le bien disposer à l’égard d’Astyanax : « Veille auprès de
Pyrrhus ; fais-lui garder sa foi : / S’il le faut, je consens qu’on lui parle de moi. »
(v. 1107-1108).
6. Hermione est saisie de stupéfaction et sous l’empire d’une froide colère.
Cela se traduit par un mutisme qui effraie sa confidente : « Ah ! que je crains,
Madame, un calme si funeste ! » (v. 1141). Sa seule parole (« Fais-tu venir Oreste ?
») révèle qu’elle est déjà absorbée par un projet de vengeance et sourde au
discours de Cléone. Sa violence contenue va trouver un exutoire dès qu’elle
sera en présence d’Oreste qui sera le bras de sa vengeance. Hermione s’est
déjà servie de lui en II, 2 en l’envoyant parlementer avec Pyrrhus.

N AVEZ - VOUS BIEN LU ?


7. Oreste, par des interrogations dénuées d’ironie, s’imagine qu’Hermione
s’intéresse enfin à lui, puis sa naïveté devient pathétique lorsqu’il se voit répé-
tant en compagnie de sa maîtresse le grand événement de la guerre de Troie
– la quête de la femme enlevée : « Prenons, en signalant mon bras et votre nom,
/ Vous, la place d’Hélène, et moi, d’Agamemnon. » (v. 1159-1160).
8. Au vers 1172, Hermione enjoint à Oreste de tuer Pyrrhus : « Courez au
temple. Il faut immoler… [qui ?] Pyrrhus. ». Le vers entrecoupé par l’interro-
gation d’Oreste révèle la difficulté qu’elle éprouve à sacrifier l’homme
qu’elle aime. Néanmoins, elle va jusqu’au bout et finit par prononcer le nom
fatidique, dans un souffle, à la rime.
9. Hermione emploie des arguments qui, bien souvent, n’en sont pas. Tout
d’abord, elle signifie que sa volonté est une raison suffisante pour qu’il lui
obéisse. Cela vaut un impératif catégorique (v. 1188).
Ensuite, elle se place sur un plan politique : en s’unissant à une barbare,
Pyrrhus bafoue l’alliance avec ses alliés dont Hermione était le gage : « Ma
honte est confirmée et son crime achevé. » (v. 1216) et « Il me trahit, vous trompe, et
nous méprise tous. » (v. 1224).
Elle n’hésite pas surtout à user de torture morale envers Oreste et à pratiquer
le chantage en lui laissant entendre qu’en cas de refus elle pourrait soit par-
donner à Pyrrhus (« S’il ne meurt aujourd’hui, je puis l’aimer demain. » (v. 1200),

37
RÉPONSES AUX QUESTIONS

soit le tuer elle-même et se suicider ensuite (« Et, tout ingrat qu’il est, il me sera
plus doux / De mourir avec lui que de vivre avec vous. », v. 1247-1248).
10. Hermione fait appel à deux sentiments chez Oreste et elle fait mouche.
C’est d’abord l’orgueil national qui est sollicité et Oreste reconnaît que
Pyrrhus est désormais dans le camp adverse : « Soyons ses ennemis, et non ses
assassins ; » (v. 1180). Devant les hésitations d’Oreste, Hermione réveille sa
jalousie maladive en évoquant l’image d’un couple uni dans la mort. Oreste
se lance donc dans l’action sans espoir de rien recevoir. Son action sera une
action par défaut : « Non, je vous priverai de ce plaisir funeste, » (v. 1249).
11. Oreste est incapable de résister à la volonté d’Hermione. Mais il connaît
sa passion pour Pyrrhus qu’elle vient de lui confirmer, et doute, malgré sa
promesse, « Revenez tout couvert du sang de l’infidèle ; / Allez : en cet état soyez
sûr de mon cœur. » (v. 1230-1231), qu’elle le suive loin de l’Épire : « Et vous
reconnaîtrez mes soins, si vous voulez. » (v. 1252) sont ses dernières paroles avant
de partir accomplir sa tragique mission.

N É TUDIER LA GRAMMAIRE
12. Le discours d’Hermione est saturé de marques différentes de l’ordre :
– mode impératif, expression de l’ordre : « Vengez-moi » (v. 1157), « demeurons »
(v. 1163), etc. ;
– mode subjonctif, précédé de la conjonction « que » et remplaçant l’impé-
ratif aux personnes manquantes : « Et que tous vos vaisseaux soient prêts pour
notre fuite. » (v. 1254) ;
– tournure impersonnelle « il faut » + infinitif : « Il faut immoler… » v. 1172,
« il ne faut que les laisser frapper. » (v. 1228) ;
– phrase complexe formée d’une principale avec un verbe de volonté et
d’une subordonnée complétive introduite par « que » : « Je veux qu’à mon
départ toute l’Épire pleure. » (v. 1169).

N É TUDIER LE DISCOURS
13. Hermione marque son agacement et son indignation par des interro-
gations directes parfois construites en anaphore : « Ne vous suffit-il pas que
je l’ai condamné ? / Ne vous suffit-il pas que ma gloire offensée » (v. 1188-1189) ;
« Enfin qu’attendez-vous ? » (v. 1217) ; l’interrogation peut aussi être chargée
d’ironie : « Hé quoi ? votre haine chancelle ? » (v. 1173).

38
A c t e I V, s c è n e 3

Elle substitue à la 2e personne la 3e personne pour s’adresser à Oreste qui est


objectivé (figure de l’énallage). Le ton devient brusque et ironique : « J’ai
voulu vous donner les moyens de me plaire, / Rendre Oreste content ; mais enfin je
vois bien / Qu’il veut toujours se plaindre, et ne mériter rien. » (v. 1234 à 1236).

N É TUDIER L’ ÉCRITURE
14. L’émotion se marque ;
– par la ponctuation : nombreux points d’interrogation qui montrent qu’il
hésite à comprendre ce que veut Hermione (v. 1148 à 1150, 1172-1173,
1182-1183, 1202 à 1204) ;
– par le rythme de l’alexandrin qui se fait haletant. Pas de coupe à l’hémis-
tiche (v. 1153 à 1155, 1179 à 1182, 1185, 1201-1202, 1208) ;
– par des phrases inachevées (v. 1202) ;
– par l’emploi d’impératifs lancés en tête de vers : « Mettons, Prenons, Partons »
(v. 1158, 1159 et 1163) ;
– par l’utilisation de l’anaphore « Vous voulez » (v. 1206 à 1207).

N É TUDIER UN THÈME
Hermione, un personnage racinien
15. Dans cette scène, Hermione se montre :
– égocentrique. Elle n’écoute pas Oreste qui vient se jeter à ses pieds et le
considère comme son instrument : « Je veux savoir, Seigneur, si vous m’aimez. »
(v. 1152) et « Vengez-moi, je crois tout. » (v. 1157) ;
– dotée d’un immense orgueil qui va jusqu’au délire et annihile toute
réflexion. Voir l’hypertrophie du moi dans les vers 1188 à 1190 (« je », « ma
gloire », « à moi seule », énallage « Qu’Hermione est le prix… ») ;
– manipulatrice. Elle exerce sur Oreste un chantage destiné à exacerber sa
jalousie et à le pousser à l’action ;
– cruelle. Outre ses réparties ironiques destinées à blesser, elle ne donne rien
à Oreste mais exige tout de lui, en lui faisant croire qu’il n’en fait encore pas
assez. (Voir v. 1232 à 1240.)
Hermione est un personnage blessé, enfermé dans sa douleur et marchant
inéluctablement à la catastrophe par impossibilité de trouver une issue rai-
sonnable. Comme nombre de personnages raciniens, elle obéit à ses impul-
sions. Racine propose ici au spectateur l’image d’une « humanité sans gloire et
sans vertu » (P. Bénichou, in Morales du Grand Siècle).

39
RÉPONSES AUX QUESTIONS

N É TUDIER LA PLACE DE L’ EXTRAIT DANS L’ ŒUVRE


16. Cette scène qui est une réponse au coup de théâtre du début de l’acte
constitue une approche du dénouement. La rage d’Hermione et la faiblesse
d’Oreste précipitent les événements et scellent leur destin et ceux des autres
personnages.
On a pu faire remarquer deux choses, d’abord que les conflits, chez Racine
ne sont pas dénoués mais tranchés. Son théâtre est un théâtre de la violence.
Ensuite que le dénouement n’est pas préparé par le surgissement d’évé-
nements extérieurs, mais par le désordre moral dans lequel sont plongés les
personnages.

N L IRE L’ IMAGE
18. Oreste tourne le dos à Hermione. Il semble s’être résigné, il a perdu ses
illusions et rumine de sombres pensées. Il va aller là où Hermione le pousse,
mais sans espoir de la reconquérir.

A C T E I V, S C È N E 5 ( p . 1 1 0 )

N Q UE S ’ EST - IL PASSÉ ENTRE TEMPS ?


Scène 4
1. Oreste, en frappant Pyrrhus, doit lui signifier que le coup part d’Hermione
et non des Grecs. Il doit mourir en sachant que sa culpabilité n’est pas d’ordre
politique mais amoureux : « Ma vengeance est perdue s’il ignore en mourant que
c’est moi qui le tue. » (v. 1269-1270).
Ce faisant, Hermione agit par pur sadisme ; le meurtre par procuration doit non
seulement la venger mais lui procurer du plaisir : « Quel plaisir de venger moi-
même mon injure, / De retirer mon bras teint du sang du parjure, » (v. 1261-1262).
Voir Émilie dans Cinna : « Sa perte que je veux me deviendrait amère, / Si
quelqu’un l’immolait à d’autres qu’à mon père ; / Et tu verrais mes pleurs couler
pour son trépas, / Qui le faisant périr , ne me vengerait pas. » (v. 101-104).
Voir aussi dans Thémistocle de Du Ryer « Il est mort, il est vrai ; mais pour m’ôter
de peine, / Il fallait que sa mort fût un coup de ma haine [...] / Que ma main ache-
vât, qu’il mourut à ma vue, / Et qu’il sût en mourant que c’est moi qui le tue. »

40
A c t e I V, s c è n e 5

2. L’arrivée inattendue du roi déclenche une réaction immédiate d’Hermione


qui contredit ses ordres précédents. Son revirement est complet : « Ah ! cours
après Oreste ; […] / Qu’il n’entreprenne rien sans revoir Hermione. » (v. 1273-1274).
Hermione tremble à l’idée que Pyrrhus soit assassiné, le possessif « ma » devant
Cléone ne dit-il pas toute la tendresse qui tout à coup envahit Hermione à l’ar-
rivée de Pyrrhus ?
Ce revirement laisse entrevoir soit un renversement de situation (annulation
du projet de meurtre), soit une suspension provisoire du projet. Hermione
peut avoir l’espoir qu’une fois de plus, Pyrrhus revienne sur sa décision. Cet
espoir va rendre encore plus rude pour elle l’annonce brutale par Pyrrhus, à
la fois de son manque d’amour pour elle, et de son mariage avec Andromaque.

N AVEZ - VOUS BIEN LU ?


Scènes 5 et 6
3. Pyrrhus vient annoncer son mariage avec Andromaque et la rupture des
engagements qu’ils avait pris auprès d’Hermione.
4. Pyrrhus ne veut rien laisser dans l’ombre et il fait un clair état des lieux.
Il résume les événements passés qui l’ont conduit dans une impasse (v. 1275
à 1296), puis il définit la situation présente acceptée comme un pis-aller :
« Mais cet amour l’emporte » (v. 1297 à 1300) et enfin il accepte la colère
prochaine que sa décision entraînera chez Hermione (v. 1301 à 1308).
5. Il s’accuse, il parle sans détour, annonçant clairement sa décision, et
reconnaissant ses torts : il se reconnaît doublement traître, traître à ses alliés,
traître à Hermione. « J’épouse une Troyenne. Oui, Madame, et j’avoue / que je
vous ai promis la foi que je lui voue. » (v. 1281-1282). Il accepte aussi la
colère d’Hermione qu’il considère comme légitime : « Donnez-moi tous les
noms destinés aux parjures : » (v. 1305).
Mais il s’excuse en même temps, car il reconnaît le combat inégal que se
livrent en lui son amour et sa volonté. Il y a une dichotomie très forte entre
les mots qu’il applique à Hermione (« sans amour », « je voulus y souscrire »,
« je voulus m’obstiner ». Le choix du verbe « s’obstiner » marque l’incapacité
de Pyrrhus à éprouver le moindre sentiment pour Hermione, et partant
l’absence totale de charme d’Hermione à ses yeux) et les mots qu’il applique
à Andromaque (« ardeur nouvelle », « cet amour l’emporte », « un amour immortel »).
Par prétérition et avec une certaine mauvaise foi, il lui rappelle que son union
avec elle a été décidée sans leur consentement : « Un autre vous dirait que

41
RÉPONSES AUX QUESTIONS

dans les champs troyens / Nos deux pères sans nous formèrent ces liens, »
(v. 1283-1284).
Pyrrhus apparaît lucide sur ses propres sentiments, sur ceux d’Andromaque,
mais aveugle à ceux d’Hermione.
6. Le couple que Pyrrhus forme avec Andromaque est marqué par la fatalité
et le malheur. C’est l’association de deux âmes antagonistes.Voir les paradoxes
formés par le rapprochement de certaines expressions : « Andromaque
m’arrache un cœur qu’elle déteste. » (v. 1298) et « Nous jurer, malgré nous, un amour
immortel. » (v. 1300). Pyrrhus court à son malheur avec une conscience claire.
7. Hermione lance, sur un ton constamment ironique et de froideur étudiée,
une série d’accusations. Pyrrhus est :
– criminel car il a commis un parjure. Pyrrhus l’a avoué mais elle ne lui
accorde aucune circonstance atténuante : « Vous vous abandonniez au crime en
criminel. » (v. 1312) ;
– cruel car il cherche à faire souffrir Hermione (v. 1316, 1327 à 1329). La
cruauté suprême, dans son esprit dérangé, serait qu’Andromaque soit associée
à l’humiliation qu’il lui fait subir : « Pour aller dans ses bras rire de ma douleur. »
(v. 1328) ;
– inconstant. Elle souligne ce défaut par des parallélismes en 1318 et 1320, par
un chiasme en 1322 (« Immoler Troie aux Grecs, au fils d’Hector la Grèce ? »), par
une énumération de verbes antonymes en 1319 (« Me quitter, me reprendre et
retourner encore […] »), l’utilisation de périphrases pour désigner Andromaque
et Hermione ;
– sanguinaire. Hermione sait qu’elle va blesser Pyrrhus qui cherche à oublier
les meurtres qu’il a commis à Troie. Elle cite ses actions les plus révoltantes,
le meurtre de Priam et le sacrifice de Polyxène sur la tombe d’Achille.
Elle a oublié à quel point elle avait admiré ses exploits lorsqu’elle se croyait
encore aimé de lui.Voir acte III, scène 3, v. 853 : « Intrépide, et partout suivi de
la victoire, … ». Selon les sentiments que l’on éprouve pour une personne, le
portrait qu’on en fait est différent.
8. Pyrrhus décide de recevoir le discours d’Hermione comme si l’ironie
n’était pas présente. Il essaie de minimiser les accusations qu’elle lui a lancées.
Il reconnaît ses crimes lors du sac de Troie, mais en même temps il lui en fait
porter la responsabilité : c’est pour venger sa mère que la guerre a eu lieu. Il
passe ainsi habilement de la position d’accusé à celle d’accusateur. Le ton est
froid : « je consens » verbe abstrait.

42
A c t e I V, s c è n e 5

Ensuite, il se donne bonne conscience en présentant Hermione indifférente :


« Je rends grâces au ciel que votre indifférence / De mes heureux soupirs m’apprenne
l’innocence, » (v. 1345-1346). Mieux, il se donne le beau rôle en allant jusqu’à
supposer qu’il lui rend service en la libérant d’un devoir censé lui peser :
« J’ai craint de vous trahir, peut-être je vous sers. » (v. 1352).
9. La colère d’Hermione se manifeste à l’idée que Pyrrhus puisse lui dire
qu’elle ne l’aime pas (1345-1346 et 1355). C’est la seule chose qui compte
pour elle et la nier, c’est nier sa personne même.
10. Hermione prononce une tirade qui est le reflet de sa personnalité
déchirée :
– vers 1356 à 1368 : une déclaration d’amour passionnée (bilan aux temps du
passé). Elle évoque les sacrifices consentis, les actions où elle a exposé sa
pudeur et sa dignité, ses espérances déçues, la force de son amour dans une
phrase à la construction très ramassée (v. 1365) ;
– vers 1369 à 1374 : transition (les heures à venir). La dernière tentative
(« Différez-le d’un jour… ») ;
– vers 1375 à 1379 : constat de l’indifférence de Pyrrhus ;
– vers 1380 à 1386 : la malédiction, appel à témoin des dieux, anaphores
« Va », chute de la tirade sur le mot Hermione mis en relief par la diérèse.
La déclaration d’amour se termine par une menace de mort.
Scène 6
11. « Andromaque m’attend. Phœnix garde son fils », réponse d’un amant impa-
tient de retrouver celle qu’il aime. Il sacrifie sa sécurité à celle de son fils.
Cette attitude imprudente de Pyrrhus rend compte de l’état d’aveuglement
dans lequel le met sa passion. « Préparé par Corneille », écrit Subligny, cet acte
aurait été « une marque d’intrépidité, au lieu qu’il n’y a personne qui ne le prenne
pour une bévue insupportable.»
Certains y voient aussi une attitude suicidaire. Car Pyrrhus est en pleine
contradiction. Roi d’Épire, il sait bien qu’il doit épouser Hermione, mais
amoureux d’Andromaque, il ne peut résister à sa passion. Et ce rejet doulou-
reux de « sa gloire » le conduit à la brutalité face à Andromaque, et pourquoi
pas, face à lui-même. Serait-il suicidaire ? comme pour se punir d’avoir
sacrifié le devoir politique à l’amour ?
12. Pyrrhus, Hermione et Oreste oublient leur rôle politique pour n’agir
qu’en vue de leurs intérêts privés. Ils n’aiment qu’eux-mêmes.

43
RÉPONSES AUX QUESTIONS

Pyrrhus se prépare à épouser Andromaque. Le roi s’expose au danger : il va


au temple sans sa garde. Il ne joue pas bien son rôle de roi. Tout à son amour,
il néglige ses responsabilités politiques.
Hermione, ivre d’amour et de haine mêlés, est sans doute sur le point d’en-
voyer Cléone auprès d’Oreste pour un nouveau contre ordre : assassiner
Pyrrhus.
Oreste, malheureux, se prépare à assassiner Pyrrhus, conscient de bafouer son
rôle d’ambassadeur, au profit de ses intérêts privés. Il est hésitant. Il espère,
sans y croire vraiment, la reconnaissance d’Hermione.
Enfin, Andromaque se prépare à la mort qu’elle va se donner après la céré-
monie : douleur de se séparer d’Astyanax, mais conscience de se sacrifier pour
sauver Astyanax et de respecter par cet acte et Hector, et elle-même. Elle se
distingue des autres : c’est la seule qui n’agisse pas pour elle-même, mais pour
sauver autrui.
13. Dans les trois premiers actes, la suite des événements dépendait de la déci-
sion d’Andromaque : allait-elle accepter d’épouser Pyrrhus ou non ? À la fin
de l’acte IV, le dénouement dépend essentiellement d’Hermione, puisque l’on
sent bien qu’Oreste est sous son influence et fera vraisemblablement ce qu’elle
lui aura ordonné : décidera-t-elle de faire assassiner Pyrrhus ?

N É TUDIER LE DISCOURS
L’ironie
14. L’ironie est constamment présente dans les paroles d’Hermione sous
forme :
– d’antiphrases : v. 1313-1314, 1323 « Tout cela part d’un cœur toujours maître de
soi, », v. 1325-1326 et 1340 « … ces généreux coups ? » ;
– de la permission (« exhortation à persévérer dans l’erreur » in Morier,
Dictionnaire de poétique et de rhétorique), v. 1381 « Va lui jurer la foi… », v. 1382
« Va profaner… » ;
– de modalisateurs : « J’aime à voir que », « Est-il juste, après tout… », « Quoi… »,
« Non, non… », « peut-être » ;
– d’intonations : nombreuses interrogations directes.

N É TUDIER LE GENRE
15. Les deux personnages se parlent sous la forme de tirades. Pyrrhus ressent
la nécessité de s’expliquer longuement et cherche à se justifier tout en

44
A c t e V, s c è n e 1

s’accusant. Hermione a accumulé de lourds griefs que l’attente a exacerbés ;


elle se laisse aller à sa colère.

N É TUDIER L’ ÉCRITURE
16. Hermione utilise le tu dans les moments d’intense émotion, lorsqu’il y a
irruption du sentiment et lorsque l’homme Pyrrhus vient supplanter la figure
royale. Le pronom « tu » surgit quand elle avoue son amour ou quand elle
accable Pyrrhus de sa colère. Toute convention sociale est alors balayée.
Hermione est hors d’elle-même.
Elle revient au pronom vous lorsqu’elle tente une dernière supplique. C’est
alors la princesse qui formule une demande à un roi tout puissant. Elle rentre
en elle-même.

N É TUDIER LA PLACE DE LA SCÈNE DANS L’ ŒUVRE


17. Hermione et Pyrrhus se rencontrent tardivement à la fin de la pièce.
Racine obéit à la vérité psychologique : Pyrrhus n’aime pas Hermione, sa pré-
sence au palais lui est devenue pénible depuis que sa passion pour
Andromaque a éclaté. Voir acte I, scène 3, vers 253 (« Ah ! qu’ils s’aiment,
Phœnix : j’y consens. Qu’elle parte. ») à 256. Pyrrhus n’avait consenti à voir
Hermione que sur les instances de son gouverneur mais le hasard lui a fait
rencontrer Andromaque et non Hermione à l’acte III, scène 6.
Racine ménage aussi un enchaînement logique de l’intrigue : c’est le
moment où Pyrrhus met fin à son indécision, brise la chaîne de son alliance
avec les Grecs. Il décide alors de signifier sa décision à celle qu’il abandonne.
18. Durant la scène 5, le projet criminel d’Hermione est seulement sus-
pendu. Le moment est fatidique car c’est Pyrrhus lui-même qui, par sa
conduite et ses paroles, va sceller son destin. On est arrivé à un moment de
tension extrême avant que tout ne bascule.

A C T E V, S C È N E 1 ( p . 1 1 5 )

N Q UE S ’ EST - IL PASSÉ ENTRE TEMPS ?


1. Pyrrhus et Andromaque se sont rendus au temple où la cérémonie du
mariage est en train de se dérouler. Une foule dense les entoure, mélange des

45
RÉPONSES AUX QUESTIONS

sujets du Roi et des Grecs de l’entourage d’Hermione, de la suite de Pylade


et de la suite d’Oreste qui sont tous deux présents. Phœnix, responsable de la
garde de Pyrrhus est resté, avec elle, sur son ordre, auprès d’Astyanax.
Hermione après son entrevue avec Pyrrhus a envoyé Cléone porteuse d’un
nouveau contre ordre demandant à Oreste d’assassiner Pyrrhus, ou peut-être
a-t-elle donné elle-même l’ordre à Oreste. Sa décision, loin de l’apaiser, la
plonge dans une agitation angoissée : « Où suis-je ? Qu’ai-je fait ? Que dois-je
faire encore ? » (v. 1393).

N AVEZ - VOUS BIEN LU ?


2. Hermione est en plein désarroi, sous le coup d’une violente émotion et
cela se répercute sur son comportement : elle parle seule, et court au hasard
dans le palais : « Errante, et sans dessein, je cours dans ce palais. » (v. 1395).
3. Hermione vient de donner l’ordre de tuer Pyrrhus et elle se présente,
quelques instants plus tard, contradictoirement « errante et sans dessein ».
Hermione voit bien à quel point sa haine et son amour sont mêlés. Ces deux
sentiments contradictoires sont réunis dans un même vers, soit sous forme
d’une alternative ressentie comme un dilemme (« Ah ! ne puis-je savoir si
j’aime, ou si je hais ? », v. 1396), soit dans un parallélisme soulignant l’antithèse
(« Et prête à me venger, je lui fais déjà grâce ? », v. 1406), soit dans une tournure
où l’amour se substituant à la haine entraîne paradoxalement les mêmes
conséquences (« Sa mort sera l’effet de l’amour d’Hermione ? », v. 1422).
Tous ces vers sont de type interrogatif et expriment non seulement un désir
de clarifier des sentiments, mais aussi un grand étonnement face à un tel
désordre.
4. Hermione essaie de maintenir sa volonté de tuer et de résister à ses accès
de passion en se représentant Pyrrhus dans ses actes et dans ses pensées. Elle
se remémore l’entrevue précédente en n’en retenant que les moments les
plus blessants, ceux où il s’est montré indifférent, par exemple, v. 1401 « Muet
à mes soupirs, tranquille à mes alarmes, ». Elle essaie aussi de l’imaginer dans le
moment présent. Elle construit toute une représentation mentale de Pyrrhus
où elle lui prête les pensées les plus blessantes pour elle. Voir les débuts de
vers « Il pense », « Il croit », « Il juge », « Il me laisse ».
Afin de se donner du courage, Hermione noircit le personnage de Pyrrhus,
fait de lui un être cruel et pervers (« Le perfide triomphe, et se rit de ma rage : »,
v. 1409).

46
A c t e V, s c è n e 1

Hermione finit par atténuer sa responsabilité en la reportant sur Pyrrhus.


Pour elle, Pyrrhus, par ses provocations, par sa décision scandaleuse, cherche
la mort (« Qu’il meure, puisqu’enfin il a dû le prévoir, », v. 1419). Il semble
d’ailleurs qu’elle ait vu juste car Pyrrhus est bien conscient de l’affront qu’il
inflige aux Grecs, mais aussi du malheur attaché à une passion non partagée
(« L’un par l’autre entraînés, nous courons à l’autel / Nous jurer, malgré nous,
un amour immortel. », v. 1299-1300). Pyrrhus se suiciderait-il par personne
interposée ?
La deuxième excuse que se donne Hermione est que sa décision ne peut être
que la suite logique des actions et surtout de l’indifférence de Pyrrhus (« Et
puisqu’il m’a forcée enfin à le vouloir. » v. 1420). Réaction de petite fille qui
voudrait se faire remarquer par tous les moyens : « […] il ne s’informe pas / Si
l’on souhaite ailleurs sa vie ou son trépas. » (v. 1415-1416).

5. Il n’y a pas progression du discours mais plutôt ressassement. Hermione


oscille entre des épanchements de son amour et des tentatives de légitimer
son projet de meurtre. « Ah ! ne puis-je savoir si j’aime, ou si je hais ? » (v. 1396).
Elle s’emploie ensuite, de manière croisée, à développer ces sentiments. C’est
pourquoi, on retrouve en plusieurs endroits des expressions voisines pour
exprimer, par exemple :
– l’humiliation subie : « Le cruel ! de quel œil il m’a congédiée ! » (v. 1397) ;
« Le perfide triomphe, et se rit de ma rage : » (v. 1409) et aussi les mots « perfide »
(v. 1414), « Triomphant » (v. 1415) ;
– sa volonté de faire mourir Pyrrhus : « Non, … / Qu’il périsse ! »
(v. 1407-1708) ; « Non, non, […] / Qu’il meure… » (v. 1418-1419) ;
– sa passion pour Pyrrhus : « Mon cœur, mon lâche cœur s’intéresse pour lui ? »
(v. 1404) ; « Ce prince, dont mon cœur se faisait autrefois / Avec tant de plaisir redire
les exploits, » (v. 1423-1424).
Malgré le caractère désordonné du propos, malgré les retours en arrière, le
discours d’Hermione est d’une grande unité, celle du sentiment. Il est une
illustration de la passion malheureuse.

6. Hermione révèle, aux vers 1425-1426, que son amour pour Pyrrhus est
né avant que leur famille n’ait songé à les réunir pour resserrer les liens entre
les peuples alliés. Ainsi, Hermione nous informe qu’elle est la femme d’un
seul amour et que cet amour a occupé toute sa jeune vie. C’est donc son rêve
de toujours qui est en train d’être détruit.

47
RÉPONSES AUX QUESTIONS

Enfin, on comprend quelle blessure a pu lui infliger Pyrrhus lorsque, voulant


diminuer sa faute, il lui a rappelé qu’ils avaient été promis l’un à l’autre sans
qu’ils le veuillent (acte IV, scène 5).
7. Le spectateur s’attend à un nouveau renversement de situation. Racine
maintient le suspens. Hermione semble se reprendre à la fin de son mono-
logue et mesurer la gravité de sa décision. Dans les derniers vers, son cœur
parle ; elle se laisse envahir par des souvenirs qui restaurent l’image héroïque
du roi. Hermione s’apprête à accorder un nouveau sursis à Pyrrhus lorsque
l’arrivée de Cléone interrompt son propos.

N É TUDIEZ LE VOCABULAIRE ET LA GRAMMAIRE


Les relations logiques
8. Il y a un rapport de cause à conséquence entre ces deux parties de la
phrase. C’est parce que Pyrrhus est absorbé par la conquête enfin réalisée
d’Andromaque qu’il en oublie non seulement Hermione, mais encore sa
propre sauvegarde. Pyrrhus est « ravi » au sens propre du terme.
9. Le lien qui s’établit entre la principale et les subordonnées est un lien
d’argumentation. « Puisque » introduit des arguments qui se donnent comme
admis par tous et ne souffrant aucune contestation. Hermione s’estime donc
dans son plein droit en décidant la mort de Pyrrhus.

N É TUDIER LE GENRE DU TEXTE


Le monologue
10. Chez les auteurs tragiques, le monologue est placé dans des moments de
tension extrême lorsqu’un personnage, acculé, doit prendre une décision
importante.
Ici, le monologue d’Hermione a deux intérêts : un intérêt psychologique, car
il permet d’approfondir la personnalité du personnage et d’étudier les effets
de la passion malheureuse sur son esprit, et un intérêt dramatique, car on peut
mesurer la solitude du personnage tragique confronté à une difficulté qu’il
juge insurmontable et attendre que ce moment fasse rebondir l’action.
À noter que ce monologue n’est pas ici une simple convention de théâtre.
Il ne heurte pas la vraisemblance. Au contraire, l’état de très grand trouble
dans lequel se trouve Hermione se traduit naturellement par un monologue
à voix haute.

48
A c t e V, s c è n e 1

N É TUDIER L’ ÉCRITURE
11. Le désarroi d’Hermione se marque :
– par la ponctuation. Nombreux points d’exclamation et d’interrogation
(anaphore de la forme interrogative) qui traduisent l’émotion et l’angoisse de
ne plus savoir où on en est : elle a perdu la conscience claire du lieu où elle
se trouve, de ce qu’elle a fait. Elle est incapable de faire une analyse lucide de
ce qu’elle ressent. Hermione exprime son angoisse dans des questions qui se
pressent. Qu’elle soit sujet d’une action (« Qu’ai-je fait ? Que dois-je faire… »)
ou objet de l’action (« Quel transport me saisit ? Quel chagrin me dévore ?), tout
échappe à son raisonnement ;
– par le rythme haletant donné par plusieurs césures dans le vers, et rythmé
par la récurrence de la consonne q qui traduit un esprit prisonnier d’émo-
tions contradictoires, incapable de raisonner ;
– par des impératifs et des subjonctifs qui montrent l’effort pour mettre fin à
cette situation intolérable et prendre enfin une décision ;
– par le passage du je au nous qui marque un effort pour prendre de la
distance, et en même temps l’emploi du singulier et du pluriel dans une
même phrase (v. 1407) qui montre le désarroi ;
– par l’autonomination, comme si elle se dédoublait, une partie d’elle-même
ne se reconnaissant plus dans les décisions prises par l’autre partie.
12. On entend la rage d’Hermione par l’allitération en « R », « le peRfide
tRiomphe et se Rit de ma Rage », comme un chat qui grogne prêt à griffer.

N É TUDIER UN THÈME
Les manifestations de la passion
13. L’étude de ce monologue, entre autres, peut être prolongée par celle des
textes du groupement proposé à la fin du volume.
La passion revêt différents caractères : elle est vécue comme un désordre et
une dépossession de soi. Toute tentative pour faire surgir la lucidité et la
raison est anéantie par la violence du sentiment.
Elle est ressentie comme malheureuse car elle unit deux sentiments contra-
dictoires, la haine et l’amour qui déchirent le personnage.
La passion est liée étroitement à l’amour-propre (voir aussi La
Rochefoucauld : « Il y a dans la jalousie plus d’amour-propre que d’amour », in
Maxime 324). Hermione ne connaît pas le sacrifice. Au contraire, sa haine se
nourrit de ses blessures d’amour-propre (voir vers 1409, par exemple).

49
RÉPONSES AUX QUESTIONS

N M ISE EN SCÈNE
15. Vers 1395 : « Errante, […] je cours dans ce palais ». Les déplacements
incessants et apparemment désordonnés de l’actrice doivent rendre tangible
l’extrême égarement de son esprit.

A C T E V, S C È N E S 2 À 5 ( p . 1 2 9 )
Scène 2
1. Cléone tient des propos maladroits qui attisent la jalousie d’Hermione.
Elle montre le bonheur triomphant de Pyrrhus et de son peuple : voir le
champ lexical de la joie et l’emploi de termes hyperboliques (« comble de ses
vœux », « s’enivrer », « le plus fier », « le plus amoureux »).
D’autre part, elle décrit un Pyrrhus totalement oublieux d’Hermione : « […]
Son salut et sa gloire / Semblent être avec vous sortis de sa mémoire. » (v. 1449-1450).
L’indifférence de Pyrrhus, c’est ce qui peut le plus faire souffrir Hermione.
2. Cléone fait le portrait d’un Oreste hésitant, partagé entre son désir de
satisfaire Hermione, et l’horreur que lui inspire cet acte. Tout le pousse à ne
pas tuer Pyrrhus : le respect dû à un roi, le respect dû à un héros, fils de héros,
la crainte de la réaction des Grecs dont il est l’ambassadeur, la crainte des
dieux, la crainte de ne pas être en accord avec soi-même, de ne plus se voir
que comme un assassin. Ses hésitations font de lui un héros tragique digne
de pitié. De plus elles maintiennent l’intérêt du spectateur en éveil : que va
finalement décider Oreste ?
3. Hermione décide d’abord de ne pas revenir sur sa décision de faire mou-
rir le roi : « Le perfide ! Il mourra. » (v. 1458).
Elle envisage ensuite de tuer Pyrrhus, elle-même : « Allons : c’est à moi seule à
me rendre justice. » (v. 1485). Elle enveloppe Oreste dans sa furieuse colère car,
à ses yeux, il est coupable de lâcheté et il lui montre ainsi que son charme est
loin d’avoir les pouvoirs de ceux de sa mère : « Tout me sera Pyrrhus, fût-ce
Oreste lui-même. » (v. 1490).
De plus elle dit clairement son désir de mourir : « Je mourrai ; mais au moins
ma mort me vengera.» (v. 1491).
Scène 3
4. Vers 1513-1514 : « À ces mots [...] nos Grecs n’ont répondu que par un cri de
rage ; ». C’est donc pour une raison politique que Pyrrhus est mort. C’est non

50
A c t e V, s c è n e s 2 à 5

seulement le mariage du roi avec une ennemie qui choque les Grecs mais
surtout son attitude volontairement provocatrice, rendue encore plus pré-
sente par le discours direct. Pyrrhus est coupable :
– d’une mésalliance, il épouse une barbare ;
– de trahison, il change de camp ;
– de l’adoption d’Astyanax ;
– de la restauration de Troie à travers la reconnaissance de l’enfant comme roi
des Troyens.
Oreste n’a pas participé au meurtre. Ce n’est pas ce qu’Hermione avait
souhaité.
5. Hermione est atterrée : elle ne voulait pas vraiment la mort de Pyrrhus.
(Voir acte V, scène 1.)
Oreste imagine que sa douleur vient simplement du regret que ce ne soit pas
lui qui l’ait tué de ses propres mains, que Pyrrhus n’ait pas su qu’il mourait
pour Hermione.
6. Hermione est hors d’elle-même.
Elle rejette la faute entière sur Oreste : « n’impute qu’à toi ». Elle l’insulte :
« perfide », « barbare », « cruel » « traître », « monstre » sont les mots dont elle
l’affuble, lui qui a pourtant fait ce qu’elle lui avait, en apparence, dit de faire.
Elle lui reproche de ne pas avoir montré plus de sagesse qu’elle. Pour cela,
elle oppose volonté et passion, parole et sentiment : « Et ne voyais-tu pas, dans
mes emportements, / Que mon cœur démentait ma bouche à tous moments ? »
(v. 1547-1548). (Voir Roland Barthes pour qui, dans l’être aimé, la bouche
est « le lieu des faux signes ».)
Elle embellit la figure de Pyrrhus : « une si belle vie ».
Elle oublie qu’elle a donné l’ordre (v. 1541) et surtout le cri « Qui te l’a dit ? »
(v. 1543).
Elle accuse Oreste de lui avoir porté malheur.
Hermione est entrée dans un délire qui la fait se dédoubler ; elle a banni sa
haine, il ne reste que la femme amoureuse qui aurait préféré être la dupe de
Pyrrhus plutôt que de le perdre.

N AVEZ - VOUS BIEN LU ?


Scène 4
7. Oreste est en état de choc après la réaction d’Hermione et il doute un
instant de la réalité des choses et des êtres « Que vois-je ? est-ce Hermione ?

51
RÉPONSES AUX QUESTIONS

Et que viens-je d’entendre ? » (v. 1565), tant il ne s’attendait pas à une telle
réaction.
Mais en même temps ce choc provoque une prise de conscience, conscience
qu’il a atteint le comble de l’absurde. Il essaie de se retrouver en reprenant le
fil des événements et en analysant les raisons de ses actes. Il devient alors par-
faitement lucide. Lucide sur lui-même : chacun de ses actes l’a rapproché du
désastre. Lucide sur Hermione dont il a bien compris que jamais elle ne serait
à lui. Il touche le fond du malheur. Oreste ne va pas pouvoir supporter cette
vision de lui-même.
Scène 5
8. Toutes les nouvelles qu’apporte Pylade ont un grand intérêt dramatique.
D’abord, la nouvelle que le peuple d’Épire veut venger la mort de son roi en
se retournant contre les Grecs. Ils mettent en danger Oreste et son escorte, à
l’intérieur du palais. Andromaque, elle, se comporte comme la veuve
d’un roi assassiné, elle est reconnue comme souveraine légitime et ordonne
que l’on venge Pyrrhus. C’est un comportement que les spectateurs du
XVIIe siècle comprennent bien. En épousant un roi, la femme se devait
d’épouser les intérêts du pays dont elle devenait reine. D’où les mariages
politiques. Louis XIII a épousé Anne D’Autriche, en 1615, Louis XIV, Marie-
Thérèse d’Espagne, en 1660.
Ensuite, Pylade annonce le suicide d’Hermione sur la dépouille de Pyrrhus.
Ces nouvelles maintiennent une forte tension jusqu’à la fin.
9. L’accès de folie d’Oreste est déclenché par un traumatisme consécutif à
son entrevue avec Hermione. Les paroles de celle-ci lui ont fait perdre tout
repère et ont ébranlé jusqu’à la conscience de soi : « Est-ce Pyrrhus qui meurt ?
et suis-je Oreste enfin ? » (v. 1568).
Ensuite, la nouvelle de la mort d’Hermione dont il est le responsable indirect
achève de troubler l’esprit d’Oreste.

N É TUDIER LE DISCOURS
10. Oreste s’adresse à Pylade et à ses compagnons, puis aux dieux, au spectre
de Pyrrhus, et enfin aux Érynies.
11. Jusqu’au vers 1612, Oreste s’adresse à Pylade et à ses compagnons. Encore
lucide, il les informe de son intention de rester avec Hermione : « Non, non,
c’est Hermione, amis, que je veux suivre. » (v. 1597).

52
A c t e V, s c è n e s 2 à 5

Jusqu’au vers 1624, un changement se produit. Oreste ne voit plus ses amis,
s’adresse aux dieux et se pose en victime : « Oui, je te loue, ô ciel, de ta persé-
vérance. » (v. 1614).
Jusqu’à la fin, Oreste plonge dans la folie. Il apostrophe le spectre de Pyrrhus
qu’il cherche à frapper, puis les Érynies, déesses de la vengeance.
Peu à peu, Oreste s’est détaché du monde réel pour atteindre le surnaturel.

N É TUDIER LE GENRE
Le confident
12. Pylade, double inversé d’Oreste, est celui qui le sauve et lui permet
d’échapper à la colère du peuple : « Ménageons les moments que ce transport nous
laisse. / Sauvons-le… » (v. 1646-1647). Ses actions sont en parfaite conformité
avec sa personnalité, telle que l’a décrite Oreste, à l’acte I, scène 1 : « Prêt à
suivre partout le déplorable Oreste, / Toujours de ma fureur interrompre le cours, / Et
de moi-même enfin me sauver tous les jours. » (v. 46 à 48).
Contrairement à Oreste, constamment accablé par la fatalité qu’il porte en lui,
Pylade n’est pas paralysé dans l’action. Il est capable de changer la destinée de
son ami et, en le faisant sortir du palais, il le fait sortir de l’espace tragique.
Le récit
13. Les récits permettent :
– de respecter l’unité de lieu tout en permettant au spectateur de bénéficier
d’une échappée vers l’extérieur du palais (à ses portes et sur le chemin du
temple) ;
– de faire se rejoindre deux temps, celui que vivent les personnages présents
sur scène et celui que vivent tous ceux qui sont à l’extérieur. Le temps n’est
pas suspendu à l’extérieur. Les événements qui s’y produisent imposent leur
loi aux protagonistes ;
– de respecter la règle des bienséances. Tout acte violent est rejeté dans le
hors-scène ;
– de dénouer rapidement l’intrigue.
Racine ne nous montre ni le mariage de Pyrrhus, ni son meurtre. Non
seulement pour des questions de bienséance, mais pour des raisons pratiques :
au XVIIe siècle, les salles étaient étroites, les comédiens peu nombreux, les com-
bats, les mouvements de foule impossibles à représenter. Que Racine choisisse
le récit laisse à l’imagination de chacun le soin de se représenter

53
RÉPONSES AUX QUESTIONS

les scènes dans toute leur grandeur, dans toute leur horreur. De plus, le récit
est fait du point de vue d’Oreste qui nous donne ainsi son état d’âme, il est
fait à Hermione dont le spectateur connaît immédiatement les réactions.

N É TUDIER L’ ÉCRITURE
14. « […] Filles d’EnFer... / Pour qui Sont ces Serpents qui SiFFlent Sur vos
têtes ? » (v. 1637-1638). Ces allitérations créent une harmonie imitative, celle
du sifflement des serpents. La vision gagne en force et par là-même aussi la
souffrance d’Oreste.

N É TUDIER UN THÈME
La peinture de la folie
15. Racine propose un tableau très vraisemblable d’un état pathologique
d’égarement. Les symptômes en sont :
– des troubles physiques : détérioration de la vue conduisant à un sentiment
d’angoisse (« Mais quelle épaisse nuit tout à coup m’environne ? », v. 1625) ; puis
ce sont des frissons (v. 1626) ;
– des hallucinations morbides et insoutenables : « ruisseaux de sang », spectres
de Pyrrhus et d’Hermione, cortège des Érynies. Les images des serpents et la
dévoration sont récurrents dans les cauchemars ;
– un comportement violent et dangereux pour autrui.
Euripide, que Racine a beaucoup lu, nous propose un tableau similaire dans
Héraklès, lorsque le héros, pris de folie, massacre ses enfants.
Le destin
16. Oreste est bien le funeste Oreste.
C’est bien lui, comme le dit Hermione, qui, par son ambassade a précipité les
événements, forçant Pyrrhus à prendre une décision qu’il remettait depuis
un an. « C’est toi dont l’ambassade, ... » (v. 1557).
C’est lui qui n’a pas compris l’ambiguïté de l’ordre d’Hermione, et qui a
commis l’irréparable en tuant Pyrrhus, v. 1545 (« Ah ! fallait-il en croire une
amante insensée ?... ») à 1548.
Il est devenu assassin, parricide, presque malgré lui, et surtout pour rien
« j’étouffe... plaire » (v. 1569 à 1582).
C’est lui qui est la cause du suicide rapide d’Hermione.

54
A c t e V, s c è n e s 2 à 5

C’est lui qui est responsable d’une guerre qui démarre entre les Épirotes et
les Grecs.
C’est lui qui a fait son propre malheur ; il sombre dans la folie, quand ce
malheur, c’est-à-dire la conscience de l’inutilité de tous ses actes, est devenu
par trop insupportable.
C’est le fatum que de nombreuses légendes grecques décrivent (voir la
légende d’Œdipe, par exemple) : l’homme est déterminé dès avant sa nais-
sance et quoi qu’il fasse, son destin se déroulera tel que les Parques l’ont tissé.
Ceci nous renvoie à l’image de la faiblesse de l’homme dans l’univers, en
accord avec le pessimisme de la pensée janséniste : sans la grâce que Dieu
accorde arbitrairement, l’homme ne peut pas faire son salut.

N É TUDIER LA PLACE DE CES SCÈNES DANS L’ ŒUVRE


Le dénouement
17. Andromaque est un personnage étonnant, elle n’apparaît pas sur scène
dans cet acte, mais elle en sort encore grandie. On la voit se comporter en
veuve fidèle à un homme qu’elle dit abhorrer. Sa conduite s’explique par une
certaine reconnaissance envers celui qui les a protégés, elle et son fils. « Je sais
quel est Pyrrhus. Violent, mais sincère, / Céphise, il fera plus qu’il n’a promis de
faire. » (v. 1085-1086).
Elle trouve aussi, dans la vengeance de Pyrrhus, une occasion de venger les
malheurs subis par Troie. Elle reste fidèle à Hector et à son peuple, mais en
même temps, en assumant la royauté, elle gagne sa liberté.

La dernière image d’Hermione est une image pathétique. Son dernier geste
le montre : « Mais du haut de la porte enfin nous l’avons vue, / Un poignard à la
main, sur Pyrrhus se courber, / Lever les yeux au ciel, se frapper et tomber. » (v. 1610
à 1612). Il illustre aussi toute l’ambiguïté du personnage : le poignard levé,
va-t-elle se frapper ou frapper Pyrrhus ? C’est l’amour qui l’emporte.
Dans la vision d’Oreste, Hermione devient un être monstrueux, tout entier
du côté de la mort puisqu’elle surpasse les Érynies elles-mêmes dans l’art
de torturer : « … laissez faire Hermione : / L’ingrate mieux que vous saura me
déchirer ; » (v. 1642-1643).
Oreste accomplit une destinée qu’il pressentait dès le début de la pièce (voir
acte I, scène 1, v. 98 « Je me livre en aveugle au destin qui m’entraîne. »). Il se pré-
sente comme une victime des dieux qu’il accable de son ironie : « Oui, je te

55
RÉPONSES AUX QUESTIONS

loue, ô ciel, de ta persévérance. » (v. 1614). Il se voit même, à la fin, en nouveau


Prométhée déchiré par l’Érynie Hermione.
Mais il n’a rien fait pour échapper à l’injustice des dieux. Il s’est jeté dans le
malheur dès le début (voir vers 775 à 778 « De quelque part sur moi que je
tourne les yeux, / Je ne vois que malheurs qui condamnent les Dieux. / Méritons leur
courroux, justifions leur haine… »). Gide parle ainsi de lui : « Il y a quelque
satisfaction d’orgueil à culminer fût-ce dans la détresse et l’horreur ; à se voir un
“modèle accompli”, fût-ce du malheur. Sursaut d’énergie pour rire de soi, de son propre
désespoir. Je ne puis imaginer les vers qui suivent dits autrement qu’avec une ironie
sarcastique et que, dans une sorte d’éclat de rire cruellement triomphal ».

N L IRE L’ IMAGE
18. Pyrrhus est environné de dangers. À l’arrière-plan, on aperçoit des piques
levées. Est-ce sa garde ou une partie des Grecs ? S’il s’agit de sa garde, elle est
impuissante à protéger le roi des personnages du premier plan qui cherchent
à dissimuler leurs intentions.
19. Oreste est entré dans un délire qui le met en danger, lui et ses compa-
gnons. Pylade se montre à la fois protecteur (bras entourant Oreste, main
dans les cheveux) et ferme car il tente de le maîtriser dans sa folie.

NÀ VOS PLUMES
20. On pourra lire un extrait de La Franciade.

N M ISE EN SCÈNE
21. La fin de la pièce doit être montrée dans toute sa violence. Oreste et
Pylade ne sont pas statiques. C’est sans doute Pylade qu’Oreste prend pour
Pyrrhus dans son délire. Il se jette sur lui pour le frapper : « Tiens, tiens,
voilà le coup que je t’ai réservé. » (v. 1632). Voir aussi, chez Euripide, Héraklès
frappant ses enfants qu’il prend pour ceux d’Eurysthée.
Pylade doit esquiver le coup puis tenter de maîtriser Oreste à l’aide de ses
compagnons, avant de l’entraîner vers les nefs.

R E T O U R S U R L’ Œ U V R E ( p . 1 3 1 )
1. Résumé truqué : Les dix erreurs
trois ans © un an ; Sparte © Buthrote ; Pâris © Hector ; Agamemnon ©
Ménélas ; amoureuse d’Oreste © indifférente à Oreste ; émue par sa détresse,

56
Retour sur l’œuvre

lui promet de l’aider © insensible à sa détresse, la renvoie devant Pyrrhus ;


convaincue par sa confidente, Céphise © ayant consulté l’âme de son époux ;
furieux de l’échec de sa mission © poussé par Hermione ; tue de sa main ©
a été devancé par ses compagnons dans le meurtre de Pyrrhus ; accompagné
d’Hermione © Hermione s’est suicidée.

2. Le style noble
1) – b) ; 2) – a) ; 3) – f) ; 4) – d) + f) ; 5) – d) ; 6) – c) ; 7) – e) ; 8) – a) ;
9) – g) ; 10) – f) ; 11) – d).

3. Les images dans Andromaque


• Image mythologique :
« Hé bien ! filles d’enfer, vos mains sont-elles prêtes ?
Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes ? » (v. 1637-1638)
• Paysage :
« Je ne vois que des tours que la cendre a couvertes » (v. 200)
« Nos vaisseaux sont tout prêts, et le vent nous appelle.
Je sais de ce palais tous les détours obscurs ;
Vous voyez que la mer en vient battre les murs ; » (v. 791 à 793)
• Image hallucinatoire :
« Mais quelle épaisse nuit [...] après soi. » (v. 1625 à 1636)
• Image tendre :
« Il demanda son fils, et le prit dans ses bras :
“Chère épouse, dit-il en essuyant mes larmes, » (v. 1020-1021)
• Images sanglantes, images de guerre :
« J’ai vu mon père mort et nos murs embrasés
Et mon époux sanglant traîné dans la poussière » (v. 928 à 930)
« Dois-je oublier son père à mes pieds renversé,
Ensanglantant l’autel qu’il tenait embrassé ? » (v. 995-996)
« Figure-toi Pyrrhus […] éperdue » (v. 999 à 1005)
« Je l’ai vu dans leurs mains quelque temps se débattre,
Tout sanglant à leurs coups vouloir se dérober ;
Mais enfin à l’autel il est allé tomber. » (v. 1518 à 1520)
« Mais du haut de la porte enfin nous l’avons vue,
Un poignard à la main, sur Pyrrhus se courber,
Lever les yeux au ciel, se frapper et tomber. » (v. 1610 à 1612)
« Dieux quels ruisseaux de sang coulet autour de moi ! » (v. 1628)

57
RÉPONSES AUX QUESTIONS

4. Le rôle des confidents


Scènes avec un confident : acte I, scènes 1 et 3 ; acte II, scènes 1 et 5 ;
acte III, scènes 1, 3, 5 et 8 ; acte IV, scènes 3 et 5 ; acte V, scène 3.
Les scènes avec les confidents permettent aux spectateurs, et d’une façon
moins artificielle que les monologues, de pénétrer dans l’âme des héros. Les
confidents opposent aux héros une autre vision de la situation. Andromaque
et Céphise ne se situent pas au même niveau. Céphise voit l’intérêt immé-
diat. Phœnix est la voix de la raison d’État. Pylade et Cléone donnent des
conseils de prudence. La présence des confidents souligne la grandeur ou la
démesure du héros. Ces scènes sont « le rythme cardiaque » de la tragédie
(Patrick Dandrey). Après « la secousse centrale de la scène 6 de l’acte III » où
Pyrrhus remet en cause sa décision d’épouser Hermione, elles sont plus nom-
breuses et donnent à la représentation un rythme qui se précipite, en har-
monie avec les émotions et les actions tragiques des héros.
5. Les événements rapportés
• Lieux où vit Astyanax : Andromaque s’y rend tous les jours.
Acte I : « lieux où l’on garde mon fils » ; « Allons voir mon fils ».
• Palais : rencontres entre les personnages : Pyrrhus et Andromaque, Pylade et
Hermione. C’est du haut de sa porte que Pylade assiste au suicide d’Hermione.
« Je sais de ce palais tous les détours obscurs ».
• Tombeau d’Hector : Andromaque va s’y recueillir.
« Allons sur son tombeau consulter mon époux. »
• Temple : le mariage y est célébré ; c’est près de l’autel que Pyrrhus est assassiné.
Acte IV : « tout s’apprête au temple » ; « Porte au pied des autels » ; « Pyrrhus rend
à l’autel une infidèle vie ». Acte V : « je l’ai vu vers le temple […] Troie ».
• Port : les vaisseaux de Pylade et d’Oreste y sont ancrés et prêts pour leur fuite
Acte III : « Nos vaisseaux sont tout prêts et le vent nous appelle » ; « Et que tous
vos vaisseaux soient prêts pour notre fuite ».
• Les rues de Buthrote : la foule se presse pour fêter le mariage du Roi et
d’Andromaque. Hermione y court vers Pyrrhus porté par des soldats et s’y
suicide : « sans gardes, sans défense, il marche à cette fête » ; « Du peuple épouvanté
j’ai traversé la presse » ; « qui courait vers le temple ».
Le respect de la règle de l’unité de lieu veut que beaucoup d’actions soient rap-
portées. Et les règles de la bienséance veulent que l’on ne montre pas d’actions
violentes sur scène. Cela permet au spectateur d’imaginer les actions dans toute
leur grandeur ou leur horreur, bien mieux que les pauvres moyens d’alors
auraient pu le faire sur la scène.

58
DES IDÉES POUR
DES INTRODUCTIONS , ETC .

1. Remue-méninges
Écrire Racine, ou tragédie, ou Andromaque au tableau selon son projet,
et inviter les élèves à dire tous les mots qui leur viennent immédiatement à
l’esprit, sans qu’il y ait la moindre censure.
Les écrire au fur et à mesure tous au tableau, sans aucun commentaire.
Quand le tableau est rempli, et surtout quand les élèves n’ont plus aucune
idée, leur dire qu’il va falloir maintenant faire un tri et ne garder que les mots
qui ont un rapport avec l’auteur Racine, ou la tragédie classique, ou la pièce
Andromaque, leur étude étant l’objectif de la séquence.
Le professeur reprend alors systématiquement un à un, tous les mots écrits au
tableau et demande aux élèves, pour chacun si on doit le garder et surtout
pourquoi. Il intervient pour préciser, corriger, compléter les commentaires
des élèves.
À la fin de la séance, ne restent plus au tableau que les seuls mots, supports
de faits ou de notions qui ont un rapport avec le sujet choisi. Tous les élèves
savent pourquoi l’on a supprimé certains mots et gardé les autres.
L’introduction s’est faite avec leurs connaissances, enrichies de quelques
compléments du professeur. Le professeur est au clair sur ce que ses élèves
savent et peut bâtir les séances suivantes en partant de là. Il aura ainsi toutes
les chances d’être en phase avec eux.
2. Des lectures, comme au temps de Racine...
Rappeler d’abord que les auteurs de théâtre du XVIIe siècle, et Racine comme
les autres, avant de faire jouer leur pièce par une troupe dans un théâtre, en
donnaient souvent des lectures dans des salons. Racine dans sa dédicace à
Madame, fait allusion à la lecture qu’il a faite d’Andromaque dans son salon,
et aux larmes qu’elle a laissé couler. Racine était réputé pour très bien lire.
Il a guidé les actrices pour lesquelles il a écrit des rôles, la Du Parc pour
Andromaque, par exemple. Le roi l’appréciait aussi et Racine a souvent été
convoqué pour lui faire des lectures.
Soit en début d’étude de la pièce, soit à la fin, les élèves, divisés en groupes
– cinq groupes – chacun responsable d’un acte, sont invités à choisir de larges
extraits, à imaginer de petits textes qui fassent le lien entre ces différents
extraits, et à organiser une lecture.

59
PROPOSITION DE
SÉQUENCE DIDACTIQUE

ACTE 1 1re séance : l’acte d’exposition

AXES DE LECTURE OUTILS DE LANGUE ÉCRITURE


• Dédicace et Préfaces : • La situation • L’argumentation
un manifeste de la tragédie d’énonciation (question 4) Présenter une thèse
classique (questions 5 à 8) • Les champs lexicaux présenter une défense.
• Le générique : les horizons • La phrase interrogative
d’attente (questions 1 à 3) • Le langage poétique : Sujets :
• La situation au début métaphore et périphrase. 1. Présentez sous forme
de la pièce : (I, 1, question 10 ; d’une lettre à un
la double énonciation I, 4, questions 12 et 14). supérieur un projet ou
(I, 1, questions 13 et 14) une théorie qui vous
• Mise en place de tient à cœur.
l’intrigue : les enjeux. 2. Présentez la défense
(I, 1, questions 1 à 5 ; d’une personne
I, 4, questions 1 à 5, 8, injustement accusée.
10 et 11) Utilisez interrogations
• Les personnages, véritables et interrogations
leurs relations : oratoires.
(I, 1, questions 7, 8 et 14 ;
I, 4, questions 6, 7, 9 et 15)
• Le vers : l’alexandrin.
(I,1 questions 15)

60
PROPOSITION DE SÉQUENCE DIDACTIQUE

ACTE II 2e séance : les forces en présence

AXES DE LECTURE OUTILS DE LANGUE ÉCRITURE


• Fin de l’exposition • L’expression de l’ordre • Exercices d’appropriation
(II, 2, questions 1, 2, 5 et 6) (II, 2, question 14) de l’antithèse et
• Mise en place • Valeur temporelle de l’oxymore.
des antagonismes et valeur modale • Un procédé : relation
(II, 2, questions 7 à 9) (II, 2, question 15) d’un événement passé,
• Les paradoxes de la • Des procédés : l’hypotypose.
passion amoureuse : amour l’antithèse et
et haine, instinct et raison. l’oxymore Sujet : faites part à un ami
(II, 2, questions 3, 11, 13, (II, 2, question 18) d’une scène qui vous a
14 et 18 à 21 ; • Une forme de récit : particulièrement frappé.
II, 5, questions 17 et 18) l’hypotypose Faites passer vos émotions
• Pyrrhus, pivot de la pièce. (II, 5, questions 15 et 16) dans les mots.
(II, 5, questions 2 à 4 et
6 à 10)
• Le rôle du confident
(II, 5, questions 12 et 13)

ACTE III 3e séance : nœud de l’action. Le triomphe d’Hermione


AXES DE LECTURE OUTILS DE LANGUE ÉCRITURE
• Andromaque, La polysémie • L’argumentation :
personnage tragique (III, 4, question 8) renverser une opinion
(III, 4, questions 5 à 10 ; • La désignation des Sujet : Vous avez une faveur
III, 8, questions 3, 4 personnes à obtenir d’une personne
et 6 à 9) • L’interrogation directe avec laquelle vous êtes en
• Le poids du passé : et indirecte conflit. Après avoir très
la tragédie de Troie (III,4 question 9) brièvement décrit les
(III, 4, question 12 ; • Le discours rapporté circonstances de ce conflit,
III, 8, question 7) (III, 8, questions 12 imaginez votre demande en
• Les conflits : et 13) vous inspirant du discours
argumentation et chantage • La tonalité épique : d’Andromaque dans la
(III, 4, question 10 ; vocabulaire et procédés scène 4. Imaginez aussi
III, 8, question 5) (III, 8, questions 17 la réponse et donnez le
• Le rôle du confident : et 18) dénouement de l’histoire
approfondissement en une ou deux phrases.
(III, 8, questions 1, 2 et 14) • Un procédé :
l’anaphore
(III, 8, questions 15 et 16)
Rédigez un texte publicitaire
rythmé par la reprise
d’un mot en anaphore.

61
PROPOSITION DE SÉQUENCE DIDACTIQUE

ACTE IV 4e séance : la crise tragique


AXES DE LECTURE OUTILS DE LANGUE ÉCRITURE
• Le personnage • La modalité • Expression
d’Hermione : jussive (II) : de la volonté
raison et déraison La subordonnée dans le dialogue
(IV, 3, questions 6, 8 à 10 complétive
et 13 ; La tournure Sujet : Rédigez un
IV, 5, questions 1 et 2) impersonnelle dialogue dans lequel un
• Passion et cruauté (IV, 3, question 12) personnage autoritaire
La violence : moteur • Quelques procédés (parent, professeur,
de l’intrigue de l’ironie : l’antiphrase, représentant de l’ordre)
(IV, 5, questions 3 à 10) les modalisateurs veut obliger un adolescent
• Andromaque et les (IV, 5, question 14) à accomplir une action
valeurs héroïques qu’il redoute ou qu’il
(IV, 3, questions 3 à 5) déteste. (Utilisez des
• Oreste, instrument tournures variées pour
du destin exprimer cette obligation.)
(IV, 3, questions 7, 11 et 14) • Expression
de l’ironie

ACTE V 5e séance : le dénouement

AXES DE LECTURE OUTILS DE LANGUE ÉCRITURE


• Le dénouement • Les relations logiques. • L’argumentation :
sur scène L’explicite et l’implicite les pièges de la raison
et hors-scène (V, 1, questions 8 et 9) Sujet : Imaginez la défense
(fonction des récits) • Désignation que pourrait vous opposer
(V, 4, questions 1, 4, 12, des personnes. un camarade que vous
15 et 16) Les valeurs de « on » auriez pris en faute.
• La fatalité : folie et mort • La situation Construisez son propos en
(V, 1, question 4 ; d’énonciation (II) y introduisant des arguments
V, 4, questions 2, 3, 10, 11, (V, 4, questions 10 et 11) apparemment irréfutables.
15 et 16) • Procédés poétiques : • L’expression
• Le monologue : signe l’allitération des sentiments
d’une émotion intense (V, 1, question 11 ; Sujet :Vous vous êtes trouvé
(V, 1, question 10 ; V, 4, question 15) dans une situation où vous
V, 4, question 7) avez été submergé par
• Caractères de la passion l’angoisse. Faites le récit de
(V, 1, questions 2 à 7, 11 et cet épisode et décrivez, de
12 ; V, 4, questions 5 et 6) façon précise, les sensations
• État final des personnages et les sentiments
(V, 4, question 17) que vous avez éprouvés.

62
E X P LO I TAT I O N
DU GROUPEMENT DE TEXTES

La lecture des textes du groupement permettra aux élèves, au cours ou à


l’issue de l’étude d’Andromaque, de parcourir le champ de la passion amou-
reuse et d’en relever la complexité.
Ces textes offrent d’abord matière à analyser les manifestations de la passion :
– la passion comme émotion violente, engendrant troubles physique et
psychologique ;
– la passion comme nœud de sentiments contradictoires : douleur et joie,
amour et haine, amour et cruauté, bonheur et malheur ;
– la passion comme oubli de soi et anéantissement dans l’autre.

N Différents motifs peuvent aussi être étudiés avec profit :


– Passion et fatalité : la passion est irrésistible. La passion mène à la mort (voir
Tristan et Iseult ; Carmen).
– Passion et faute : ou bien la passion se dégage de la notion de péché (voir
Tristan et Iseult), ou bien la passion est marquée par le péché (voir La Faute de
l’abbé Mouret).
N Il est possible aussi de lire ces textes sous l’angle des genres littéraires :
genre poétique, genre romanesque, genre épistolaire. Pour chaque genre, il
existe des procédés différents propres à peindre la passion amoureuse.

63
BIBLIOGRAPHIE
COMPLÉMENTAIRE

N É DITION
Théâtre de Racine. G. Forestier, Paris, Gallimard, coll. « La Pléiade », 1999.

N S UR R ACINE ET SON ŒUVRE


– Lucien Goldmann, Le Dieu caché, étude sur la vision tragique dans les Pensées
de Pascal et dans le théâtre de Racine, Paris, Gallimard, 1955.
– Raymond Picard, La Carrière de Jean Racine, Paris, Gallimard, 1961.
– Roland Barthes, Sur Racine, Paris, Le Seuil, coll. « Points Seuil », 1979.
– Alain Niderst, Racine et la tragédie classique, Paris, PUF, coll. « Que sais-je ? »,
n° 1753, 1986.
– Alain Viala, Racine, la stratégie du caméléon, Paris, Seghers, 1990.
– Jean Rohou, Jean Racine, entre sa carrière, son œuvre et son dieu, Paris, Fayard,
1992.

N M ILIEU LITTÉRAIRE , GENRE TRAGIQUE


– Antoine Adam, Histoire de la littérature française au XVIIe siècle, Paris, Domat,
1958.
– Jacques Truchet, La Tragédie classique en France, Paris, PUF, coll. « Sup-
Littératures modernes », 1976.
– Paul Bénichou, Morales du grand siècle, Paris, Gallimard, coll. « Folio essais »,
1990.
– Colette et Jacques Scherer, Le Théâtre classique, Paris, PUF, coll. « Que sais-
je ? », 1993.

64

Vous aimerez peut-être aussi