Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
NOUVELLE REVUE
TOME cvU.
La Nouvelle revue
1/ Les contenus accessibles sur le site Gallica sont pour la plupart des reproductions numériques d'oeuvres tombées
dans le domaine public provenant des collections de la BnF. Leur réutilisation s'inscrit dans le cadre de la loi n°78-
753 du 17 juillet 1978 :
- La réutilisation non commerciale de ces contenus ou dans le cadre d’une publication académique ou scientifique
est libre et gratuite dans le respect de la législation en vigueur et notamment du maintien de la mention de source
des contenus telle que précisée ci-après : « Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France » ou « Source
gallica.bnf.fr / BnF ».
- La réutilisation commerciale de ces contenus est payante et fait l'objet d'une licence. Est entendue par réutilisation
commerciale la revente de contenus sous forme de produits élaborés ou de fourniture de service ou toute autre
réutilisation des contenus générant directement des revenus : publication vendue (à l’exception des ouvrages
académiques ou scientifiques), une exposition, une production audiovisuelle, un service ou un produit payant, un
support à vocation promotionnelle etc.
2/ Les contenus de Gallica sont la propriété de la BnF au sens de l'article L.2112-1 du code général de la propriété
des personnes publiques.
- des reproductions de documents protégés par un droit d'auteur appartenant à un tiers. Ces documents ne peuvent
être réutilisés, sauf dans le cadre de la copie privée, sans l'autorisation préalable du titulaire des droits.
- des reproductions de documents conservés dans les bibliothèques ou autres institutions partenaires. Ceux-ci sont
signalés par la mention Source gallica.BnF.fr / Bibliothèque municipale de ... (ou autre partenaire). L'utilisateur est
invité à s'informer auprès de ces bibliothèques de leurs conditions de réutilisation.
4/ Gallica constitue une base de données, dont la BnF est le producteur, protégée au sens des articles L341-1 et
suivants du code de la propriété intellectuelle.
5/ Les présentes conditions d'utilisation des contenus de Gallica sont régies par la loi française. En cas de
réutilisation prévue dans un autre pays, il appartient à chaque utilisateur de vérifier la conformité de son projet avec
le droit de ce pays.
6/ L'utilisateur s'engage à respecter les présentes conditions d'utilisation ainsi que la législation en vigueur,
notamment en matière de propriété intellectuelle. En cas de non respect de ces dispositions, il est notamment
passible d'une amende prévue par la loi du 17 juillet 1978.
NOUVELLE REV Il E
DIX-NEUVIÈME ANNÉE
Juillet-Aoùt
PARIS
ADMINISTRATION ET RÉDACTION
28, RUE DE RICHELIEU, 28
1897
DIALOGUESSUR L'RT ET LA SCIENCE
CALLIAS. PAMPHILE
CALLIAS (lisant)
«
A la fin d'un repas chez le peintre anglais Haydon, le poète
John Keats leva son verre en proposant le toast suivant « Hon-
nie soit la mémoire de Newton » Les assistants furent assez
étonnés et Wordsworth, avant de boire demanda une expli-
cation. Keats répondit « Parce qu'il a détruit la poésie de l'arc-en-
ciel en le réduisant à un prisme )'. Et l'on but à la confusion de
Newton. » (1).
Ceci se passait, cher Pamphile, au commencement du siècle
avant les chemins de fer, les bateaux à vapeur, le télégraphe élec-
trique, le téléphone, la photographie et la bicyclette. Que ne
dirait-il pas aujourd'hui l'idéaliste Keats? Et ce qu'on pouvait
prendre, il y a peu de temps encore, pour la boutade d'un esprit
blessé ne vous apparaît-il pas aujourd'hui comme l'expressionde la
simple vérité ?
En présence de la marche envahissante des sciences à notre épo-
que, il me semble déjà voir poindre le jour où se réalisera la som-
bre prédiction de Renan il viendra un temps où le grand artiste
sera chose vieillie presqu'inutile le savant, au contraire, vaudra
toujours de plus en plus. L'avènementde la scienceverra la fin du
règne de la beauté.
Comment voulez-vous, en effet, qu'il n'y ait pas antagonisme et
PAMPHILE
Voilà, certes, mon cher Callias, un sujet bien digne des médita-
tions de tout homme qui s'intéresse aux progrès de l'esprit humain.
Vous savez que je ne partage point les idées que vous venez d'émet-
tre. Et vous avez tout l'air de me porter un défi. Eh bien je l'ac-
cepte, et je vais essayer de vous montrer que la Science n'est pas
la grande coupable que vous dites, et que l'antinomie de l'Art et
de la Science existe plus à la surface que dans le fond des choses.
CALLIAS
PAMPHILE
Je veux v ous faire voir tout d'abord qu'il n'y a pas entre l'Art
et la Science, entre les artistes et les savants, l'antagonisme que
vous pensez.
Au point de vue psychologique, par exemple, il existe les plus
grandes analogies entre l'esprit scientifique et l'esprit artistique-
C'est une vérité bien établie aujourd'hui que l'œuvre scientifique
exige, chez son auteur, l'intervention des facultés créatrices de
l'esprit, de l'imagination et de l'invention, tout comme l'œuvre
d'art. Les exemples abondent. Je ne vous parlerai pas de Galilée,
de Newton, de Képler et de bien d'autres dont les immortelles
découvertes sont le fruit de ces facultés créatrices de l'esprit. Nous
en avons des exemples plus près de nous et tout d'actualité pour
ainsi dire. Examinez de près l'œuvre du grand homme de science
de notre époque, de Pasteur, et vous verrez quelle part dans ses
découvertes revient à un véritable instinct de divination absolu-
ment semblable à celui du poète.
J'ai eu l'occasion de voir longtemps et de près un autre savant
trop tôt enlevé à la science neurologique qu'il a pour ainsi dire
fondée en notre pays, l'illustre Charcot, et celui-là aussi, je puis
vous l'affirmer, dans sa méthode, dans son enseignement, dans ses
goûts et jusque dans sa personne, était un artiste dans toute
l'acception du mot.
CALLIAS
Je vois bien par là tous les services que l'Art peut rendre à la
Science, mais il n'en résulte pas qu'il y ait réciprocité et que
l'artiste puisse gagner quelque chose à devenir un savant.
PAMPHILE
CALLIAS
CALLIAS
P:IbiPIiILE
CALLIAS
PAMPHILE
CALLIAS
Il me semble, mon cher Pampliile, que votre belle démonstra-
tion porte un peu à faux. Certes, je vous l'accorde, l'artiste n'est
rien, ne peut rien sans la nature. Mais pour la comprendre et la
copier est-il besoin d'être si grand clerc? Et ne suffit-il pas à l'ar-
tiste de se placer en face d'elle et de la regarder ? Pourquoi des
études qui paraissent plutôt destinées à suppléer à son observa-
tion. La bonne mère nature n'est-elle pas toujours présente, et,
si l'artiste en a besoin, n'est-il pas toujours assuré de la trouver
prête à le servir pour le plus grand profit de son oeuvre ?
PAMPHILE
Détrompez-vous, la nature ne livre pas son secret à ceux qui
passent. C'est la Gaea de la Mythologie antique qui ne se découvre
que devant ses fidèles adorateurs.
En effet, bien observer et bien voir ¡¡'est pas chose si simple et
si facile qu'on le suppose.
L'éducation, les préjugés de toutes sortes dont se compose la vie,
l'étude des maîtres ont mis devant nos yeux un prisme qui déforme
les objets et dont il est bien ditficile de se défaire. Ce que nous
voyons dans la nature est plus l'image mentale que nous portons
en nous réveillée par la présence de l'objet, que l'image vraie de
l'objet ou du phénomène que nous observons. Il y longtemps déjà
que Montaigne a dit « c'est l'esprit qui oye et qui veoid », ce que
Peisse a excellemment traduit en disant L'œil ne voit dans les
choses que ce qu'il y regarde et il ne regarde que ce qui est déjà
en idée dans l'esprit.
C'est-à-dire que nous ne voyons les choses que comme nous
avons appris à les voir et nous ne retenons de l'image qui frappe
notre rétine que ce qui est en accord avec l'image mentale pré-
conçue et créée par l'éducation,
Voir les choses telles qu'elles sont dans la réalité n'est point le
fait d'un esprit vulgaire. Et c'est la Science qui nous donnera les
moyens de bien voir et de bien observer par nous-mêmes. C'est la
Science qui nous délivrera des lunettes des autres.
CALLIAS
PAMPHILE
CALLIAS
PADIPHILE
CALLIAS
PAMPHILE
CALLIAS
(Suite)
II
LE VRAI DE L'ART
CALLIAS. PAMPHILE
CALLIAS
CALLIAS
PAMPHILE
c aLLras
PAMPHILE
C ALLIAS
PAMPHILE
CALLIAS
PAMPHILE
Il m'est facile de vous montrer que tout en demeurant le plus
près possible de la nature, l'artiste n'abdiquepoint sa personnalité,
qu'il y a toujours place pour une interprétation personnelle de la
forme et qu'en aucun cas je ne veux le réduire au rôle de machine
à copier.
Avez-vous songé quelquefois à ce que pouvait être une imita-
tion parfaitement exacte de la nature? Elle est matériellement
impossible. Et même en sculpture, qui est l'art qui s'en rapproche
le plus, puisqu'il reproduit les objets sous les trois dimensions,
la copie ne peut pas être absolument adéquate à l'original. Sans
parler des poils, de la barbe et des cheveux, dans l'imitation des-
quels il entre toujours une part énorme de convention, le nu lui-
même ne se laisse point si facilement saisir.
C'est un préjugé de croire, par exemple, que le moulage
reproduit très fidèlement la nature. Il suffit d'avoir vu un masque
moul~ sur une figure vivante pour constater qu'il n'en est rien.
Sans tenir compte même de l'occlusion des yeux nécessitée par
l'opération du moulage, ce masque ressemble plutôt à un mort
qu'à un vivant. Le nez est effilé, les joues sont aplaties, les tempes
creusées. Le portrait est méconnaissable. La déformation s'ex-
plique facilement par l'immobilité obligée du modèle et par le poids
même du plàtre qui comprime les tissus, en expulse le sang et,
par suite, en diminue le volume dans des proportions vraiment
étonnantes.
Dans un masque, ces déformations sautent aux yeux, parce que
les formes ici plus délicates se laissent plus facilement altérer.
Mais le résultat est le même, quoique moins saillant, pour toute
autre partie du corps, pour les mains, les bras, les jambes, etc.
Il est un fait scientifique que l'on connait peu, mais qui me
semble éclairer d'un nouveau jour le problème de la représen-
tation artistique des formes. C'est le suivant le volume des
diverses parties de notre corps n'est pas constamment le même, il
est. au contraire, dans un état perpétuellement instable. Il change
pour ainsi dire à tout moment, avec nos attitudes, avec nos actes,
av ec nos sentiments, nos émotions, avec nos pensées même. C'est
un des attributs de la vie que ces changements incessants dans le
volume des membres et par suite dans leur forme. D'où il suit que,
dans la nature, la forme elle-même est variable, fugitive et incons-
tante. C'est le propre de l'Art de la fixer au moment qui convient.
Le sculpteur sait combien, dans le millimètre de matière que laisse
le praticien autour de l'oeuv re inachevée, il y a place pour les
formes les plus variées, presque les plus opposées. Et, dans ce
cas, le déplacement matériel des surfaces ne dépasse pas ce qui se
produit réellement, dans la nature, sous l'influence vitale.
On voit par là combien, tout en serrant de très près la réalité,
l'artiste trouve place pour un choix personnel de la forme. Et
puisque la nature est changeante, l'opération qui consiste à la
fixer dans une forme immuable, quelque soit le degré d'exactitude
qu'elle comporte, est toujours une interprétation.
Ce que je viens de dire s'applique à la forme elle-même,
immobile pour ainsi dire. abstraction faite des changements
incessants et des nuances si variées que le mouvement y introduit.
A plus forte raison, les mêmes réflexions peuvent-elles être faites,
si l'artiste reproduit une action qu'il est impossible au modèle de
figurer exactement dans l'atelier et qui, le plus souvent, ne
s'observe, dans la nature, que pendant un temps relativement très
court. Et c'est là cependant le but suprême de l'Art qui doit surtout
nous donner une image de la vie avec son cortège de mouvements,
d'émotions et de sentiments.
Où l'artiste, par exemple, trouvera-t-il l'image de la frayeur si
ce n'est sur le visage de cet homme que menace un imminent
danger? Croyez que l'idée qu'il s'en pourrait faire serait bien
fausse et bien pâle à côté de cette image-là.
CALLIAS
PAMPHILE
(Suite et fin)
III
L'A. VEXIR DE L'ART'
CALL1AS. PAMPHILE.
CALLIAS
Trône..
des autels peinent aux derniers degrés de l'échelle sociale, Apollon
s'est fait clown ou cycliste. Hercule travaille" à la barrière du
&
On a pu croire un instant que le siècle de la Science verrait
l'abâtardissement physique des classes libérales. Heureusement il
n'en est rien. La renaissance des exercices du corps à laquelle
nous assistons depuis une vingtaine d'années nous en apporte la
preuve. Il suffit d'avoir assisté aux matchs de Football pour
découvrir, parmi ces jeunes gens qui sont les savants de l'avenir,
des types plastiques dignes de rivaliser avec les anciens. On dit
que Platon, Chrysippe, le poète Timocréon avaient été d'abord
athlètes. Pythagore passait pour avoir eu le prix du pugilat et
Euripide fut couronné comme athlète aux jeux Eleusiniens. Je salue
le retour de notre jeunesse à ces ant'ques traditions.
CALLIAS
PAMPHILE
CALLIAS
Souffrez, mon cher Pamphile, qu'ici je vous arrête car j'ai une
sainte horreur de tout ce qui est règle et mesure en art, et je crois
que le canon dont vous parlez, pour scientifique qu'il soit, ne
saurait avoir une influence plus heureuse que tous les canons
artistiques qui ont vu le jour, et ils sont nombreux. Si, par
malheur, un artiste le prenant pour modèle, y conformait ses
ouvrages, il ne produirait plus que des oeuvres qui se ressemble-
raient toutes, n'auraient aucune individualité et partant point de
vie.
PAMPHILE
CALLIAS
PAMPHILE
CALLIAS
PAMPHILE
mien
Aussi bien vous me prêtez un sentiment qui n'est pas le
et vous triomphez un peu trop vite. J'ai constaté un simple fait,
celui du désaccord des artistes et de la Science au sujet de la
figuration de la course. Mais je n'ai point dit aux artistes vous
avez eu tort et vos œuvres sont mauvaises parce qu'elles sont
contraires aux lois scientifiques..Te vous accorde bien volontiers
que ces remarquables ouvrages nous donnent l'impression très
vive de légèreté et de v itesse, parfaitement conforme à l'idée que
nous nous faisons de la course. J'ajouterai même que cette
impression est telle que ces figures de coureurs semblent ne pas
peser. Elles touchent à peine terre comme soutenues par des ailes
invisibles. Elles semblent soustraites aux lois de la pesanteur.
En un mot, elles ne courent pas, elles volent. Et c'est là, ce me
semble, le nceud de la question. Vous savez que l'expression voler,
dans la littérature aussi bien que dans le langage ordinaire, est
souvent prise dans le sens de courir.
« Va, cours, vole et nous venge », dit don Diègue à Rodrigue.
Eh bien! Les artistes ont usé de la même métaphore que les
littérateurs et ayant à faire courir des personnages, ils les ont fait
voler.
Et voilà, ce me semble, la raison pour laquelle les statues des
Tuileries, par exemple, nous plaisent si fort, et pourquoi nous
nous garderons bien de les critiquer.
Mais ne sera-t-il jamais permis aux: artistes de représenter de
vrais coureurs en chair et en os, luttant avec leurs muscles contre
la pesanteur et contre la résistance de l'air? Croyez-vous qu'en
s'inspirant de la vérité v raie de la nature, ils ne pourraient pas
renouveler l'ancienne formule et trouver, pour représenter la
course, des formes neuves et variées.
CALLIAS
PAMPHILE
PAMPHILE
CALLIAS
PAMPHILE
CALLIAS
Enfin, pour conclure, je vois que vous voudriez que les artistes
fussent à la fois des lettrés et des savants.
P AMPHILE
Je ne crains pas de le dire, l'artiste aujourd'hui doit apprendre
et apprendre beaucoup. Je pense que plus il saura, plus il sera
grand. Les traditions de l'atelier ne lui suffisent plus. Le conseil
que donnait Carpeaux à ses élèves d'observerla nature un cahier de
notes à la main pour en fixer, par le dessin, chaque mouvement,
chaque expression, est certes excellent, mais cette pratique, quel-
qu'utile qu'elle soit, ne saurait suppléer au reste. Vous ne pouvez
pas condamner l'artiste, s'il n'a d'autre moyen d'étude, à refaire à
lui tout seul la science. Qu'il fasse des observations personnelles,
rien de mieux. Mais qu'il ne délaisse pas celles que d'autres ont
faites avant lui et coordonnées pour lui dans des ouvrages spéciaux.
C ALLIAS ·
PAMPIIILE
A mes yeux, la seule chose à enseigner dans les ateliers c'est le
métier au sens le plus étroit, c'est-à-dire la partie technique la
plus matérielle de l'art. Pour quelqu'un doué d'aptitudes natu-
relles et il n'y a pas d'artistes sans cela ce ne doit être qu'un
jeu, un véritable délassement.
Mais ce qu'on ne devrait pas enseigner, comme on le fait aujour-
d'hui, c'est l'Art lui-mème. Car ce qu'on apprend alors au jeune
artiste c'est un art déterminé c'est-à-dire une formule, c'est l' Art
antique ou celui de la Rcnaissancc. Ces magnifiques époques ainsi
TOME ev Il. :19
enseignées pèsent de tout leur poids sur les épaules de nos artistes
qui y perdent toute leur originalitépersonnelle et tous les précieux
dons de notre race. Qui nous donnera un art vraiment national?
Je ne crains pas de le dire, c'est l'étude de la nature. Ce que j'ap-
prendrais au jeune artiste, ce n'est pas l'Art, mais la Science
dans ses rapports avec la réalité qui nous entoure. Car la Science
seule peut nous délivrer des préjugés que des siècles de tradi-
tion ont accumulé dans notre cerveau, et seule elle peut nous per-
mettre d'observer avec sincérité.
Les grandes époques de l'art du passé, sont admirables, mais il
ne s'agit pas aujourd'hui de les pasticher et de les refaire. Elles
sont faites et bien faites et nul artiste de nos jours n'y atteindra,
car ce n'est pas en imitant qu'on arrive aux sommets. Cessons de
montrer aux artistes la décourageanteperfection de l'Art grec.
Il y a autre chose à faire, et pourquoi pas d'aussi grand? Em-
pruntons au passé ses méthodes. Gardons cet enseignement que
toujours l'Art a été grand lorsquïl s'est rapproché de la Nature,
qu'il y a puisé ses inspirations et ses modèles. Si l'Art antique ne
ressemble pas à la Renaissance, ni la Renaissance à l'Art gothique,
c'est que le milieu oit ces arts ont éclos et grandi était différent,
c'est que la Nature que l'artiste a prise pour conseillère et pour
maitresse était différente.
Notre temps ne ressemble à aucune de ces époques. Et l'art qui
y poussera ses racines ne ressemblera à aucun autre.
CALLIAS
PAMPHILE
Non, mon cher Callias, je vous le répète, l'Art ne doit pas périr,
car il est intimement lié à la Science tous deux n'étant que les
deux faces d'un même problème, et comme deux manifestations
différentes d'un même principe, le ~'rai. Et, de même qu'on ne
saurait assigner de limites aux progrès de la Science, de même il
est impossible de prévoir où l'Art s'arrètera. Il n'est pas vrai de
dire avec un grand philosophe contemporain que le règne de la
sculpture est fini le jour où l'on cesse d'aller à demi-nu. Car le nu
restera toujours la suprême expression de l'Homme et je vous ai
montré que la Science permettait aujourd'hui à l'artiste d'en
pénétrer tous les secrets. Il n'est pas plus vrai de dire avec le
même philosophe qu'il n'y a pas d'épopée avec l'artillerie. Car les
guerres à venir verront de gigantesques luttes. L'héroïsme indi-
viducl y sera d'autant plus grand qu'il sera fait en partie de
calme froid et d'abnégation. Vous avez peut-être vu les batteries
d'artillerie au grand galop de leurs chevaux dévaler, comme une
trombe, dans la plaine. Sur un signe l'ouragan s'est arrêté. En un
clin d'oeil, les pièces sont en ligne, chacun est à son poste de
combat. Et tout aussitôt le tonnerre gronde et ses coups répercutés
par les collines de l'horizon se succèdent à intervalles réguliers.
C'est la foudre non plus aveugle et inconsciente, mais mise au
service d'une intelligence qui en dirige les coups. Puis, en moins
de temps qu'il n'en faut pour le dire, les salves tirées, les lourds
attelages s'ébranlent à nouveau pour disparaitre bientôt dans un
tourbillon de poussière, allant poursuivre sur un autre théàtre
leur œuvre de dévastation et de mort. Et cette effroyable orga-
nisme que meut la volonté d'un homme, joint à la puissance
effrayante de son action, la mobilité des déplacements rapides et
l'inexorable justesse d'un instrument de précision.
Ces combats de demain, cher Callias plaise à Dieu que nous ne
les voyons jamais, pour n'être plus la lutte d'Hector et d'Achille
sous les murs d'Ilion, n'en auront pas moins une terrible
grandeur et une eflroyable beauté.
Vous redoutez pour l'Art les progrès de l'industrie sous le
prétexte que l'homme est remplacé par la machine. Mais la
machine elle-même aura sa poésie parce qu'elle est l'oeuvre de
l'homme et que c'est l'homme qui la conduit. Il a dompté par son
intelligence les forces aveugles de la nature. Son trav ail opiniâtre
est arrivé à des résultats qui effrayent aujourd'hui l'imagination,
et ce que l'avenir fait entrevoir nous donne le vertige. Il a porté
à des distances incalculées le champ de son action. Les machines
qu'il invente sont une émanation de lui-même et comme de nou-
veaux organes qu'il s'est donné. Il s'est créé lui-même une seconde
fois. La matière est son esclave, et les travaux des cyclopes de la
fable ne sont que jeux d'enfant auprès de la colossale production
des usines dont les hautes cheminées, comme des bouches d'enfer,
vomissent des tourbillons de flammes et de fumée. Et de là sortent
ces puissantes locomotives qui, plus rapides que le vent, sillon-
nent la terre entière et, supprimant les distances, rapprochent les
peuples de là sortent ces rois de la mer, les cuirassés formida-
bles, qu'on prendrait de loin pour des montagnes flottantes. Et
l'homme ne disparait pas au milieu de ce travail de géant. Il est
là qui le domine et grandit moralement de toute la distance qui
sépare sa taille exiguë de celle des monstres de fer qu'il met en
mouvement.
L'homme est maUre de l'espace sur terre et sur mer. La route
de l'air s'ouvrira bientôt devant lui, et l'avenir seul sait ce
que lui réserve d'émotions neuves et grandioses la conquête de
l'empyrée.
Que l'artiste s'éveille. Les longs espoirs lui sont permis. Qu'il
cherche son inspiration et ses modèles, non dans le passé qui ne
peut renaîtrc, mais dans le présent qui vit et palpite autour de
lui. C'est là qu'il trouvera tes germes de l'art nouveau.
Quel sera cet art ? Il serait téméraire de le prédire. Mais nous
pouvons bien affirmer que l'âge d'or est passé et avec lui le blanc
cortège des nymphes et des déesses. Les temps de foi ne sont plus
qui virent s'élever les cathédrales du Moyen-Age naïves et
sublimes. La Science domine le siècle et devant elle les fantômes
du passé s'évanouissent. Elle poursuit sa marche fatalement, irré-
sistiblement. Noble est son but, hautes ses visées mais, tel un
conquérant, elle laisse parfois derrière elle des deuils et des déses-
poirs. L'oeuvre du progrès ne va pas sans tristesse. Notre âge est
l'âge de la houille et du fer. La noire fumée du charbon nous
couvre d'un voile qui trop souvent cache le ciel à nos regards.
Mais la dignité de l'homme grandit dans la souffrance, etle travail
mettra toujours à son front la divine auréole qui anoblit et glo-
rifie.
Je ne sais si l'art qui naltra de là sera gai, mais à coup sûr il
sera grand.
FIN
Dr PAUL RICHER.
LES PROVINCES
Meaplé.
Pages.
ier Juillet. Gorraine, par Souriau. Gascogne, par Jol Raseo. Lyonnais,
par Etienne Charles. Provence, Elzéard Rougier. Touraine, par
Henri Guerlin. Béarn, par Louis par
L8,ourrette 162
15 Juillet. Bretagne, par Louis Tiercelin. Provence, par Elzéard Rougier.
Mesplé,
Poitou, par Tornezy. Gascogne, par Jol Rasco. Algérie, par Armand
351
1e° Août. par Elzéard Rougier. Flandres, par P. Carpentier.
Prooence,
Languedoc, par J.-C. Lyonnais, par Etienne Charles. Gascogne, par dol
Etasc. Aueergne, par A. Ehrard. Corse, par Beppino de Penta. Algérie,
par Armand 539
Août.
Mesplé.
Auvergne, par G. Desdevises du Désert. Poitou, par A. T.
15
Gascogne, par Jol Rasco. Nor-mandie, par Léopold Mabilleau. Gangtte-
doc, par P.-G. Touratne, par Henri Guerlin. Corse, par Beppino de
Penta. Algérie, par Armand 734
ÉTUDES SOCIALES, PHILOSOPHIE,ÉCONOMIE POLITIQUE
A. ELBERT.
Joseph h DENAIS
Hector TAMBURINI
Le fanatisme en Turquie (fin)
Le bilan de l'instruction publique.. 498
61
VARIÉTÉS
Duchesse de FITZ-JAMES.
Docteur Paul RICHER. Vieux souvenirs (Fin).
Dialogues sur l'art et la science. 41,
6
passé.
Mm.Georges Un cabaret historique à Londres. 269
Charles M. LIMOUSIN. Kabbale littérale occidentale.
Sport.
La 281
Georges de DUBOR Médecins et médicaments au siècle
MEUNIER. Scrences.
FABENS.
50:>
STAFFE. Mode.
Stanislas 178, 369, 561 755
Raoul 188
Baronne
RÉVILLE. Carnet monddin.189, 179, 574 764
Vicomtesse de 192, 382
LITTÉRATURE POÉSIE ROMANS NOUVELLES
Emile
Michel
VERHAEREN.
CORDAY.
Charles LE GOFFIC
CONTES VOYAGES
Les Visages de la Vie.
La Payse, II, 111, IV, V, 78, 244, 469, 633
La croix. 131
55
L. GIRAUDON GINESTÉ.
Ivanhoé RAMBOSSON. Un
La forêt magique.
ressuscité 323
684
PAGES COURTES
Paris.
Soars.
russe.
t" Juillet. Comtesse de Sesmaisons Ce qui se dit à 159
15 Juillet. C)[}1 tes se de Sesmaisons Ce qui se dit Paris Camille
l\1allclair Note.· d'art Emile Sauty 342
1°~ Août. Comtessede Sesmaisons Ce qui, se dit à Paris Valère Gille
Incocation aux Muses, les Heures, Artémis, les Chasseurs Serge
Berdiaiew Une coix 524
15 Août. Comtesse de Sesmaisons Ce qui se dit à Parls S. Brissaud: