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REVUE ARCHÉOLOGIQUE

DU MIDI DE LA FRANCE
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DU MIDI DE LA FRANCE

RECUEIL .

DE NOTES , MÉMOIRES, DOCUMENTS RELATIFS AUX MONUMENTS DE L'HISTOIRE ET DES BEAUX - ARTS

DANS LES PAYS DE LANGUE D'OC

Directeur , Bruno DUSAN

VOLUME ler .

TOULOUSE

IMPRIMERIE DE RIVES & FAGET , RUE TRIPIÈRE , 9 .

1866-1867.
REVUE ARCHÉOLOGIQUE DU MIDI DE LA FRANCE

« Le mouvement qui depuis quelques années entraîne tant d'esprits sérieux vers les études antiques ne
» s'arrête pas . Ce n'est pas un de ces goûts passagers qui se lassent vite , un de ces caprices fugitifs qui ne
» durent qu'une saison . Il a déjà vécu plus qu'une mode et ne parait pas près de cesser. Ne voyons-nous pas
» l'attention du public , qui d'ordinaire n'est sensible qu'au charme de la nouveauté , se laisser détourner sur
» des faits qui ont vingt siècles de date et s'étonner d'y prendre quelque intérêt ? Le culte de l'archéologie
» compte plus de fidèles qu'il n'en a jamais eu ..... »
Ainsi s'exprimait naguère la Revue des Deux -Mondes. Ce fait qu'elle constate ressort de l'existence même de
nombreuses Sociétés vouées aux études archéologiques , de celle de publications spéciales éditées avec un luxe
splendide , de la large place que les journaux politiques ou littéraires réservent désormais à tout ce qui peut nous
faire vivre dans le passé .
User de cette merveilleuse faculté au point de vue de la sensation et , pour mieux dire , du sentiment, de la
poésie , cela suffit au plus grand nombre ; mais bien des esprits cherchent autre chose dans l'étude de l'archéo
logie : quelques- uns , atteints de désenchantement, y cherchent surtout l'oubli du présent ; d'autres y veulent
trouver le secret de l'avenir et lui demandent ardemment la solution des plus grands problèmes de la destinée
humaine; d'autres, enfin , ceux que sollicite l'action , fouillent dans l'immense entassement des manifestations
multiples de l'art , cette vie supérieure, pour y recueillir des enseignements profitables au présent.
Aux uns , d'inventorier ; aux seconds , de trouver des conclusions ; aux autres , de tirer parti du tout et de
créer à leur tour .
Tel est le sens du vaste mouvement des intelligences vers l'archéologie, et tel est le secret de l'utilité des
publications consacrées à cette science.
En fondant la Revue archéologique du midi de la France , j'ai le désir d'entrer dans ce mouvement et l'espoir
de donner à mon œuvre cette utilité. J'espère seconder , dans leurs travaux , de nombreux chercheurs , épars
dans cette contrée , en leur offrant la facilité de faire connaître les résultats de leurs investigations . Dans la
Revue , les maîtres pourront enseigner , et les novices leur fournir des matériaux; aux uns et aux autres ,
j'offre l'hospitalité selon la vieille formule castillane.
Il existe, dans le Midi, des Recueils publiés par des Sociétés savantes ; loin de moi la prétention d'en contester
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la valeur et l'importance ; s'ils ne rendent pas inutile la création de la Revue archéologique , c'est uniquement
parce que les ressources pécuniaires de ces Sociétés ne leur permettent que rarement de publier leurs travaux et
d'accompagner les textes de dessins explicatifs . La Revue est , au contraire , dans des conditions tout spéciales
" d'illustration du texte , et là se trouve l'utilité de sa création .
La certitude d'être secondé par un groupe déjà nombreux d'esprits choisis , me dédommage à l'avance des
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Golts

· } déboires ordinaires , et les sympathies dontma tentative est entourée me donnent la mesure des devoirs qu'elle
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m'impose.
31 décembre 1865 . Le Directeur , BRUNO DUSAN .

MONUMENTS DE L'ÉPOQUE ANTÉHISTORIQUE

DE LA STATION DE BRUNIQUEL ( Tarn - et-Garonne).

Le midi de la France a vu naître l'importante question des de ses premières conclusions devront toujours servir de mo
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monuments de l'âge antéhistorique , de la période inconnue dèles à ceux qui voudront traiter ce même sujet.
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des premiers temps de l'homme. Dès l'année 1828 , M. Tour Aussi prétendons- nous seulement fournir des points de
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nal, de Narbonne , signalait la présence d'objets travaillés de comparaison en décrivant certains objets provenant de la sta
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pierre, d'os, trouvés pêle -mêle avec des ossements d'espèces tion de Bruniquel, laissant à d'autres le soin d'en discuter la
perdues, dans les cavernes de Bise . A peu près à la même valeur et d'en tirer des conclusions.
époque, M. Boucher de Perthes faisait connaitre , de son côté, Nous rappellerons toutd'abord que Marcel de Serres, et plus
le fameux gisement du moulin Quignon. Mais pendant long tard M. de Boucheporn , ont indiqué les premiers la grotte de
temps la question n'excita que l'incrédulité et même le dédain Bruniquel,mais sans que ni l'un ni l'autre eussent reconnu ce
du monde savant. Ce n'est que dans ces derniers temps que qu'elle renfermait . Le premier travail de recherche a été fait
notre illustre maitre, M. Lartet, la reprenant, a fait admettre par M. Nonnorgues, curé de Bruniquel , et les premiers frag
pleinement ce que l'on s'obstinait à regarder comme de folles ments de brèche osseuse , extraits par ses soins, sont déposés
fictions. Il faut dire que M. Lartet avait apporté dans cette au musée de Montauban .
étude les éléments indispensables à l'avancement d'une ques Plus tard , dans une note adressée à l'Académie des scien
tion scientifique : la justesse de ses observations, la réserve ces de Toulouse, nous avons signalé et décrit les objets tra
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Grandeur nature. 3 7.
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vaillés , ainsi que les débris enfouis pêle -mêle dans cette sta s'insérait d'une manière toute diflèrente de celle des flèches
tion ; nous signalions en même temps les abris du château . simples : un renflement latéral, quelquefois circulaire, précé
Cette étude , reprise par nous plus tard, a été le sujet de con dait une pointe assez obtuse (n ° 8). L'on comprend facilement
testations sur lesquelles on nous permettra de passer , mais le mode d'emmanchement : une baguette, fendue à son extré
qui, doit-on le dire , ont empêché l'étude complète de la loca mité avec un couteau de silex , portait intérieurement une
lité et ont fait passer en Angleterre une collection qu'il eût double encoche , où se logeait le renflement, et la pointe ache
été plus patriotique de laisser en France . Du reste , le rapport vait de remplir la fente ; une lanière de cuir ou un fragment
de M. Milne Edwards aux sociétés savantes réunies à Paris en de tendon de renne consolidait fortement le tout.
1864 a fait justice de tout ceci, et les nombreuses marques Nous sommes porté à considérer comme marque de chasse
d'estime que nous ont données nos maîtres de la capitale ont les objets figurés à la page 2 , nos 9 , 10 , 11 ; nous ne saurions ,
un peu racheté les incroyables procédés dont nous avons été du moins, à quel usage attribuer ces fragments de bois de
victime.
renne, façonnés sans but appréciable.
Plus heureux que nous, M. Brun a pu faire dans les abris La figure 12 représente un fragment d'os terminé en four
du château une série de recherches des plus productives. Pen che, ne serait- ce pas l'analogue de la fibule que nous retrou
dant près d'un an , M. Brun a continué à diriger des fouilles , verons plus tard ?
dont les produits ont pu être admirés pendant la réunion du La figure 13 nous montre un sifflet formé avec une pha
congrès archéologique à Montauban ; tout a été religieusement lange de renne ; ils sont assez abondants à Bruniquel, mais
conservé par M. Brun, et, loin d'en faire un objet de lucre , il faut toute une étude pour arriver à maneuvrer cet instru
notre savant confrère , non content d'employer son temps et ment primitif .
son argent à ces recherches , a généreusement tout déposé au Les aiguilles sont en os (nº 14 ) ; elles sont de tailles très
musée qu'il dirige avec tant de zèle et de succès . différentes et faites avec un fini admirable . L'on sait que chez
La station de Bruniquel est essentiellement caractéristique les Lapons les aiguilles en os sont encore en usage, et que les
de l'âge du renne . Par sa position topographique au point de tendons de renne , divisés en fines lanières, leur servent de
jonction des vallées de la Vère et de l'Aveyron , elle réunis fil. A Bruniquel, il devait en être de même ; car l'on y trouve
sait toutes les conditions nécessaires à l'établissement d'une des phalanges de renne qui portent, au point d'attache des
station de chasse ; aussi les débris d'ossements de toute sorte tendons, de fortes incisions transversales indiquant bien un
y sont-ils abondamment mêlés d'armes de pierre et de bois de usage analogue à celui des Lapons .
renne.
Enfin , la figure 7 de la page 3 représente un fragment de
Ce sont des flèches ( p . 2 , nos 1, 2 , 3, 4 , 5 , 6 , 7 , 8 ) , des silex qui nous semble trop petit pour qu'on ait pu en enlever
marques de chasse (nos 9 , 10 , 11 ), des sortes de fibules des couteaux ; nous croyons plutôt que c'est une pierre de
(nº 12), des sifflets (nº 13), des aiguilles (nº 14 ), des objets fronde .
percés et formant des grains de collier (nos 16 et 17 ), des Voilà pour les armes et les outils ; il ne nous reste plus
couteaux de silex (p . 3 , nº 3 ), des nucléi, ou pierres de fronde qu'à indiquer les ornements.
( p . 3 , n ° 7 ), enfin des objets sculptés . Nous allons successive La figure 16 représente deux fragments d’os polis et per
ment passer en revue ces différents objets . cés ; ne seraient-ce pas des boucles d'oreilles ? Et que pour
Les habitants de Bruniquel employaient, comme matière raient être les fragments de serpentine percés et polis qui
première, pour la confection de leurs armes et de leurs outils , figurent à côté (nº 17) ?
le silex , le bois de renne , et quelquefois des fragments d'os. Les colliers étaient aussi en usage ; ils étaient formés de
Les flèches étaient toutes en bois de renne ; car nous ne dents de chien percées, ou bien encore d'incisives de cheval
pouvons considérer comme flèches les armes de silex , aucune (fig . 15 .
ne nous ayant semblé avoir des formes assez déterminées pour Enfin , la pièce principale comme ornement est le fragment
leur attribuer une pareille destination . Les flèches étaient de représenté page 3 , fig . 1 : c'est un fragment de bois de renne
simples pointes (p . 2, nos 1 et 2 ) ; leur extrémité postérieure , rendu méplat par le travail et percé à une de ses extrémités ;
aplatie fortement dans le sens de leur plus grand diamètre, sur ses deux faces est sculpté un animal que nous croyons
s'implantait probablement dans le bois de la flèche. Pendant être un loup ; le n ° 2 montre le développement de la figure.
longtemps, cette sorte d'arme a été regardée comme n'ayant Pour arriver à confectionner de pareils objets , les habi
pas cette destination ; on l'a souvent décrite sous le nom de tants de Bruniquel n'avaient pour outils que des fragments de
spatule ; mais d'après M. Lartet, ce serait bien une flèche, et silex ; par la taille en éclats, ils arrivaient à produire des
nous sommes entièrement de cet avis . couteaux (p . 3 , nº 3), des scies (nº 4 ), des forets (nº 5 ).
Le second type plus compliqué portait des barbes , tantôt Les couteaux présentent tous trois faces : une inférieure
d'un côté seulement (nºs 3, 4 , 7 ), tantôt des deux côtés concave et deux supérieures convexes formant un angle très
(nºs 5 et 6 ). Dans quelques - unes , les barbelures de la flèche obtus par leur réunion . Les uns étaient arrondis à leurs
portent un petit sillon , ce qui rappelle tout à fait les armes extrémités, et les autres se terminaient en pointe plus ou
actuelles de certaines peuplades océaniennes ; ces rainures moins aiguë.
sont destinées à recevoir du poison ; l'extrémité inférieure Les scies, faites avec de petits éclats à angles aigus, rappel
- 5

lent trop nos scies actuelles pour que l'on puisse les mécon Plus tard , nous pourrons aussi décrire les nombreux maté
naitre (no 4 ) . riaux que M. Filhol a réunis dans les galeries du musée d'his
Enfin , une lame de silex taillée en biseau (n ° 5 ) formait le toire naturelle de Toulouse ; là, nous trouverons en nombre
foret avec lequel étaient percés les différents objets que nous les objets travaillés qui caractérisentles divers âges antéhisto
venons d'indiquer. riques qui ont successivement régné dans notre Midi, et plus
Nous avons fait figurer , p . 3 , n ° 6 , un fragment de bois particulièrement dans les Pyrénées . On pourra s'étonner
de renne pour montrer comment l'ouvrier s'y prenait pour qu'une revue d'archéologie aille chercher des sujets d'étude
façonner les flèches : deux traits de scie séparaient un frag dans un musée d'histoire naturelle ; mais dans la grande
ment de bois, qu'un coin devait faire éclater lorsque la scie question des époques primordiales , si la zoologie et la géologie
avait pénétré jusqu'à la partie spongieuse du bois. réclament la majeure part, la science archéologique leur vient
La collection de M. Brun renfermeencore une foule d'objets puissamment en aide en leur permettant de fournir les seuls
intéressants pour l'archéologie ; mais notre savant collègue résultats de quelque valeur que l'on ait encore obtenus.
doit publier un long travail sur cette question ; aujourd'hui,
EUGÈNE TRUTAT ,
nous n'avons voulu qu'en indiquer légèrement les principales
Conservateur du musée d'histoire naturelle .
richesses.

UN ARCHITECTE DU ROUERGUE ( xvie SIÈCLE ).

Le château de Graves, situé à 2 kilomètres de Villefranche est ainsi raconté dans les Annales de Villefranche (Cabrol,
de Rouergue, est un édifice de la Renaissance suffisamment v . 2 , p . 23 ) :
conservé et présentant d'assez beaux détails, dont certaines « le 1er décembre 1562, le seigneur de Savignac ayant
portions offrent beaucoup d'analogie avec quelques parties du » failly de surprendre la présente Villefranche en faveur des
remarquable château de Bournazel. Ces ressemblances don » huguenots, se retira au château de Graves pour tenir la
nent aux deux constructions un tel air de parenté qu'on les » ville en subjection ; mais le 13 dudit mois estant assailly
attribuerait volontiers au même architecte - sculpteur . » par les catholiques, il fut obligé de faire composition ,
Une sorte de légende populaire confirme cette opinion et » signé par les capitaines catholiques, par les consuls et par
désigne le même architecte comme le créateur de Bournazel » Jean Imbert Dardenne, seigneur dudit château ; mais en
et de Graves. » sortant dudit château , les sieurs de Savignac , de Geniers,
Les recherches de M. Guirondet ont démontré que cet ► de Tolonjac et un bon nombre d'autres huguenots y
architecte s'appelait Guillaume Lissorgues , dit le Sourd ; que » feurent tuez et ensevely dans un pred , que depuis on appelle
son maître en architecture fut Philandrier, lecteur du cardi » des huguenots . »
nal d'Armagnac ; qu'il visita l'Italie et fit construire, à son ( ... C'est pour ce sujet-là qu'il a passé en proverbe parmy
retour, le château de Graves, et, plus tard, celui de Bour » les calvinistes, la Foy de Graves, quant on ne tient point
nazel. >> parole à ces sortes de gens.... >>
Guillaume Lissorgues, qui prenait le modeste titre de Le château de Graves est demeuré longtemps la propriété
maçon , fit donc partie de la glorieuse pléïade de Nicolas de la famille de Pomayrol ; il appartient aujourd'hui à une
Bachelier : son nom doit figurer désormais dans les annales congrégation religieuse qui en a fait un collége. B. DUSAN .
artistiques du Midi, annales bien incomplètes encore et pour
lesquelles la Revue archéologique s'efforcera de recueillir des PRIS FAICT DE MAIS TRE GUILLAUME LISSORGUES DE 325 L. ( 1) .
matériaux . Lan 1553 et le 4 jour du mois de febrier maistre guil
C'est à ce titre qu'elle publie le pris faict de maistre Guil laume lissorgues masson print affaire de sire jeham imbert
laume Lissorgues avec sire Jehan Imbert d'Ardene. Le portal d'ardene habitant de Villefranche la besoigne que sensuit.
d'antique de l'ordre de Tuscane , les fenestres croisières, les Premierement a lui faire ung portal dantique grand pour
lucanes dont il est question dans cette pièce existent encore, lentree de sa maison de graves de lordre de tuscane avec
et permettent d'évaluer le rapport de la rémunération avec le colones Plus une fenestre croisiere pour mettre dessus ledit
travail du maçon -sculpteur. portal Plus une lucane pour mettre dessus ladite fenestre
Me Me Jean Imbert d'Ardene était consul de Villefranche Plus 12 canes de molure que servira dentablement ou molure
en 1543 . pour renher alentorn dessoubs la charpentarie au dessus ledit
Jl le fut encore en 1550. Le manuscrit de Cabrol le dé
portal et fenestre.
signe ainsi : Syre Jean Imbert Dardenne, marchant de Plus aprins a lever rabillier et reffaire et tallier toutes les
cuivre.
marches que sont-rompues en lavis a reppos et en i mettre
C'était donc un marchand , un consulde petite ville , qui
dautres en leur plasse et tout se que i sera besoing .
rivalisait de magnificence avec le seigneur de Bournazel, séné
chal de Rouergue, dans la construction de sa maison . (1 ) D'après l'original communiqué par le regrettable feu marquis de Buis
Le fait le plus intéressant survenu au château de Graves son - Bourga zel.
- 6

Plus doibt reabillier et tailher toutes les pieces que seront Plus lui done ledit dardene cest 12 pams fin roge
guastees des deux lucanes que sont tumbees en la terre et pour faire une robe a sa fame et autres 12 pams fin noir
retorner pauser . pour lui pour faire une cappe . jehan ymbert.
Plus doibt faire tailher les petites marches que fauldra a guillaume lissorgos . crantelle.
faire ung petit escallier que fault pour monter au bot de la
Ai receu en trois fois quatre vingts livres tourneses dudict
tarrasse overte que lon fait sus la vis ronde. imbert le 18 d'apvril 1554 dit — 80 1.
Plus doibt aussi a ses despens parachaver pauser toute la guillaume lissorgos.
taille que i est a pauser encoures deux lucanes autres et len
Plus ai receu dudict imbert quinse livres ts . le 6 de mai
tablement de la vis ronde que fault au bot et aussi quatre
1554 dit — 15 1.
petites fenestres que sont taillees pour la tarrasse et aussi au
Plus ai receu dudict imbert cinq livres ts. le 14 de mai
tres 2 demis fenestres pour les gualaries dessus le portal que
1554 dict -- 51.
sont aussi taillees et aussi doibt pauser le dict portal fenestre
Plus ai receu dudict imbert en plusieurs fois comprins trois
et lucane dessus et aussi toutes autres portes des gualatas
barriques vin compte le 23 de jung 1554 la somme de cent
et gualaries que sont desja taillees le tout a ses despens saulf
livres ts, dit — 100 1. guillaume lissorgos.
que ledit dardene lui sera tenu bailler et fornir les manobras
que lui fauldra pour mettre la taille et fornir le mortier Plus lui ai balhe le 28 de jung 1554 en argant quinze livres
ou chaus et aussi faire araser toute la taillie aux et en deux pipes de vin setze livres que monte tout trente une
livre dit 31 1 .
massons et pour tout se dessus lui a promis paier ledit
dardene la some de trois cens vingt cinq livres dit Reste que lui doibz 94 1. guillaume lissorgos.

- 325 I. — laquelle somme lui promet poier et bailler de Plus lui ai balhe au mois de julet et aost 1554 quarante
jour en jour comme il besonhera et la dicte besonhe il a huict livres torn . compte faict et par lui dit — 48 1.
promis avoir faicte et parachavee dici a sainct jehan batiste guillaume lissorgos.
prochain venant en foi de quoi ils se sont isi signes – pre Plus ai receu dudict dardene la sommede quarante six livres
sens gerauld crantelle anthoine cavanhac et anthoine tresieres lesqueles lui ay balhe en deux fois faict compte le jour de st
lan et jour dessus. migel 1554 dit 46 1. guillaume lissorgos.

LE DAMOISEAU (DOMICELLUS) AU MOYEN - AGE .

De nos jours , un damoiseau en langage familier et sou lus, assignait un rang de dépendance relativement plus infé
vent ironique , n'est qu'un précieux plus ou moins ridicule , rieur. C'était celui du gentilhomme que l'on trouvait encore
un jouvenceau affectant des airs de plaire et de fade galan trop jeune pour lui donner un autre titre , dans l'organisation
terie . hiérarchiquedes grandes familles féodales.
Et pourtant, le radical dam de ce mot a une signification Aussi le damoiseau pouvait-il n'être qu'un enfant, un jeune
celtique bien autrement sérieuse , puisqu'il rappelle l'idée de adolescent, tel que celui de l'inscription suivante , dont nous
puissant seigneur. devons la communication à l'obligeance de M. Henri Den
En Occident, l'appellation latine dominus a toujours en ce joy, maire de Fleurance et membre du conseil général du
même sens. Mais son analogue domnus était plus spécialement Gers :
réservée, durant tout le moyen -âge, aux personnages consti
ANNO DOMINI MCCLXIV
tués en dignité , et , par -dessus tous, aux anciens rois de
XVIIII KALENDAS FEBRUARII OBIIT WILLIELMUS DE
France, d'après Du Cange (1 ) : Domnos etiam peculiari appella
MONTELUCDUNO DOMICELLUS FILIUS A DE
tione donari solitos olim Franciæ reges. Le pape , les évèques ,
MONTELUCDUNO QUI DICITUR Pelagos (1).
les abbés, etc., étaientaussi appelés domnus, domne, d'où vient,
en liturgie , la formule jube domne benedicere.
Ces caractères, d'une admirable conservation , sont gravés
Quant au mot complet dominus, il semblait alors ne pou
en creux sur une dalle sauvée des ruines de Bouillas (2).
voir s'appliquer qu'à Dieu seul, l’unique et souverain Seigneur, Aucun historien n'avait encore fait connaître , dans la li
dont tous les autres ne sont, ici-bas, qu'une très faible image.
gnée des comtes de Pardiac , le nom de notre défunt. Selon
C'est la pensée que formulait cet adage bien connu : toute apparence, Wilhem , fils de A , était issu d'Arnaud
Guilhaume, premier du nom , lequel, de son temps , est sur
CELESTEM DOMINUM , TERRESTREM dicito DOMNUM . nommé Pélagos.

Domnus était donc considéré comme un diminutif, dont le


troisième degré, DOMNICELLUS , ou plus généralement domicel (1 ) L'an du Seigneur 1264, 190 des calendes de février, est mort Wilhem
de Monlezun , damoiseau , fils d'Arnaud de Monlezun , qui est surnommé Pé
lagos.
( 2) Abbaye de Citeaux , fondée en 1141 sur les confins des anciens diocèses
(1) Glossar ., ad verbum DOMNUS. d’Auch et de Lectoure, démolie depuis la Révolution de 93.
-
-7

C'est Bernard , chef de la série des comtes de Pardiac en ailleurs que sous le toit paternel. C'est ainsi qu'on les ren
1025, qui, le premier, avait pris cette espèce de surnom dont contre , en temps de guerre et en temps de paix , ayant les
on ignore la provenance. L'histoire ne l'avait attribué à aucun mêmes attributions que le page ou le varlet : ils accompagnent
de ses successeurs . Peut-être serions-nous autorisé à conclure le châtelain ou la châtelaine, tantôt à la chasse et tantôt à la
de notre inscription que l'on surnomma Pelagos les aînés de promenade, aux offices religieux ou en voyage ; ils les servent
la race , c'est-à -dire les héritiers successifs de la couronne à table, font leurs messages, et dans les camps ils tiennent les
comtale . armes du chevalier qui les conduit :
Quoi qu'il en soit de notre conjecture, revenons au titre de
domicellus, que la dalle de Bouillas donne à Wilhem de Monle LA VEISSIÉS TANT DAMOISEL VENIR

zun . Il était simple damoiseau , et par conséquent encore jeune QUI PORTENT LANCES POR LOR SIGNOR SERVIR .
en 1264. Or, l'évêque de Lectoure était alors Gérard II de Du roman de Garin .
Monlezun , fils d’Auger II ou Otger, de même qu'Arnaud
Guilhaume Jer. Il était, par conséquent, oncle de notre Wi On le voit, ce titre de damoiseau désigne les fils encore jeu
Them ; et comme d'ailleurs Arnaud II, abbé de Bouillas à cette nes des familles nobles, non -seulement après leur mort, dans
même époque, appartenait également à la famille des Pardiac les inscriptions tombales ou autres, mais aussi de leur vivant,
Monlezun , Wilhem , sous ce double patronage , avait sans doute dans le récit d'évènements ou d'aventures qui les mettent en

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NOOLCON ODCZA E

DOCLCO2 O DR PELHOS

A 1/5 .

été confié pour son éducation aux bernardins de Bouillas, se scène . Il les désigne dans les actes publics de médiocre ou
lon l'usage de ces temps reculés. La mort vint arrêter le cours de grande importance, même dans les chartes de coutume
de ses études à l'ombre même du cloître où l'inscription de ou de paréage, lorsque, malgré leur jeunesse, ils y figurent
M. Henri Denjoy a conservé le souvenir de ce jeune gentil comme partie contractante , ou du moins en qualité de manda
homme pendant près de six cents ans. taires chargés de représenter les intérêts de leur Ordre (1) .
Le damoiseau du xiue siècle était donc , pour le cas présent, Enfin , ils atteignaient la période de l'émancipation ; et, å
le fils d'un haut et puissant seigneur ; mais il pouvait aussi un åge de nous inconnu , ce premier titre dans la hiérarchie
n'être issu que d'un modeste baron ou même d'un simple féodale cédait la place à celui de comte , de baron ou de tel
chevalier , miles. Et dans ces deux derniers cas, tout aussi autre , que le jeune seigneur prenait à son tour, en vertu des
bien que dans le premier , le damoiseau n'étant pas d'âge å droits qu'il tenait de sa naissance. L'Art de vérifier les dates
ceindre le baudrier de chevalerie, aspirait encore à mériter cet en fournit un exemple , entre mille, dans la personne de Ber
honneur,ainsi qu'on le voit en outre dans les vers suivants du nard VI, comte d'Armagnac , qui, le 3 novembre 1286 , se
roman de Florimon : donne la qualification de damoiseau , dans un acte notarié , et
prend le titre de comte dans un autre du 7 avril 1289 (2 ).
LI DUX FAIT APORTER L'ESPÉE ,
SI LA LI EUT AU COL FERMÉE ; F. CANÉTO , vicaire général d’Auch .
L'ESPÉE CAINDRE NE VOLOU ,
PARCE QUE DAMOISIAUX ESTOU .
( 1) Voir , dans la Revue de Gascogne, pages XXXI et LIX des documents,
Avant qu'ils fussent en état de porter les armes , les da la charte des coutumes du comté de Fezensac.
moiseaux étaient soumis à une sorte de noviciat , et souvent (2 ) Tome IX, page 308 de l'édition in -80, 1818 .
- 8 -

ÉPITAPHE DE DROCTEBODES .

L'épitaphe inédite dont nous donnons ci-dessous le fac gauche de l'avenue qui, de la route départementale de Tou
simile réduit, a été retirée d'un vivier du domaine de Farjac, louse à Foix , conduit à l'habitation occupée par M. Alex .Groc ,
commune d'Eaunes (Haute-Garonne), où je l'ai découverte propriétaire du domaine .
il y a quelques années. Elle provient sans doute d'une église Cette épitaphe est gravée sur une plaque de marbre blanc
ou chapelle depuis longtemps ruinée , dont les fondations ont veiné de gris, ayant les dimensions suivantes : hauteur ,
été retrouvées sur l'orée d'un petit bois très ancien , situé à Om 14 ° ; largeur , Om 21° ; épaisseur , Om 4c.

KHICREYVTAESCITID :

NEMEM ORIVSDR

OCTEB ODESHYTYT

XITANNO STRI

ENTAETCYJJUP

A 1/2 .

Nous la lisons et la traduisons ainsi : dant, BENE pour BONE n'est pas sans exemple , surtout lors
que les deux mots BONE MEMORIE se fondent pour devenir
HIC REQVIAESCIT BE une locution adjective BENEMEMORIVS . Il faut donc tenir
ONEMEMORIVS DR compte de cet 0 , mais sans oublier la trace irrécusable de l'E ;
OCTEBODES QVI VI ce sera BEONE , ou BENOE , si l'on aime mieux , mais les deux
XIT ANNOS TRI lettres doivent être exprimées .
ENTA ET QVINQVE (1) . Quant à l'âge de l'inscription , il est difficile de le détermi
ner exactement. Cependant, il est à croire que l'épitaphe de
Malgré l'absence de tout signe du christianisme et de la DROCTEBODES est antérieure au vie siècle .
formule IN PACE ou autre analogue , l'orthodoxie de ce mo Je dois ajouter que dans le voisinage de la chapelle dont j'ai
nument ne saurait être douteuse . On en trouve en effet de déjà parlé il existait probablement un lieu habité , — ville ou
semblables dans les catacombes de Rome : elles sont mention village. Au printemps, lorsque les blés sonten herbe, l'ail suit
nées dans le premier volume des Inscriptiones christ. urbis à la surface du sol la trace de rues ensevelies.
Romæ , de M. le chevalier de Rossi . A. FIGUÈRES.
Une particularité à noter : c'est l'O interlinéaire du com
mencement de la deuxième ligne. A la fin de la première , on
voit les restes d'un E ; le quadratarius a - t-il mis cet 0 comme
correction à l’E qu'il se repentait d'avoir gravé ?... Cepen L'inscription précédente , intéressante sous tous les rapports,
et surtout à cause de la physionomie même du nom qu'elle
renferme, fera partie du précieux recueil que M. Edmond Le
(1) Ici repose (homme) de bonnemémoire Droctebodes, qui vécut d'années Blant publie sous ce titre : Inscriptions chrétiennes de la Gaule
trente -cinq . antérieures au vile siècle . B. D.
- 92

LE CHATEAU ROYAL DE NAJAC (Aveyron )

BATI PAR LE DERNIER COMTE DE TOULOUSE ( XIIIe SIÈCLE ).

Dans ses Essais historiques sur le Rouergue, de Gaujal écrit : çant par les plaines de la Garonne et du Tarn , elle est restée
« 1100. — Vers celle époque fut båti le château de Najac, quelque temps stationnaire sur les bords du Viaur , de l'Avey
» l'un des plus forts du Rouergue, et qui appartenait aŭ ron et du Lot, avant de soumettre définitivement la grande
) comte . D confédération Arverne , à laquelle appartenaient les Ruthè
A son tour , de Barrau dit (Documents historiques et généu nes.
logiques sur le Rouergue) : « De NAJAC . Maison d'ancienne César semble distinguer ces derniers en Ruthènes libres et
> chevalerie et une des plus considérables du Rouergne, où en Ruthènes provinciaux . D'après ses Commentaires, « Luthé
» sont situés la ville et le château de ce nom , qu'elle posséda rius , que Vercingetorix avait envoyé à Rodez , menaçant de
► jusques vers la fin du onzième siècle , époque à laquelle elle > faire une invasion dans la province narbonnaise , César , in
les vendit au comte de Rouergue et alla fixer sa résidence > formé de ses desseins, crut devoir pourvoir à la sûreté des
» à Savignac . Cette vente dnt avoir lieu vers l'an 1100 , car » pays qui étaient en danger : il partit donc pour Narbonne ,
> on trouve que cette même année , Bertrand, comte de Tou > mit des garnisons dans les quartiers menacés, et particu
» louse, fit réparer le château de Najac . » lièrement dans la partie du Rouergue qui était déjà unie à
A qui attribuer la fondation primitive de ce châleau ? la province romaine : Præsidia in Ruthenis provincialibus...
Sa construction a - t- elle élé, peu de temps avant le dou > constituit » (Bosc) .
zième siècle , un résultat, une affirmation du système féodal ? Une partie de la tribu des Rathènes était donc soumise ,
A - t - il été utie de ces forteresses destinées à maintenir les po incorporée à la Narbonnaise, tandis que l'autre résistait en
pulations asservies sous la dépendance du maitre imposé par core et luttait pour l'indépendance des Gaules... Selon toutes
la conquête ? — Antérieur à la bourgade , a -t- il vu les serfs les probabilités , les Ruthènes provinciaux occupaient la rive
chercher un refuge au pied de ses murs ? gauche du Tarn , celle partie du Rouergue appelée le Va
Ou bien , faut- il , confondant ensemble l'origine de la ville brais ; le Viaur et l'Aveyron formaient une ligne de démar
et celle du château , les faire remonter l'un et l'autre à des cation entre eux et les Ruthènes libres, et ce fait explique les
époques plus reculées que celle de l'importation de la solida - deux lignes de camps et de forteresses dont Najac aurait fait
rité sociale des peuples du Nord ? partie.
Il est à remarquer que cette place semble avoir été (elle le Sortons maintenant du cercle enchanté des théories et des
fut positivement au moyen -âge ) le centre , ou du moins le suppositions plus ou moins ingénieuses, pour rentrer dans le
point important d'une ligne de postes échelonnés le long de domaine des faits constatés par les documents .
l'Aveyron , qu'on reconnait encore à partir de Villefranche Selon de Barrau, les seigneurs de Najac auraient vendu ce
( Carentomag ? ), dans Montels, Corbières, Mazerolles, Najac ; château au comte de Toulouse : il ne fait pas connaître les
puis en aval, Béteille , Puech -Mignon , La Guépie , et qui se conditions de cette vente, et de nouvelles investigations sont
continue par les grands établissements de Lexos , Milhars nécessaires pour suppléer à son silence.
(Milliarium ), Saint-Antonin , Penne , Bruniquel, etc. Cette Ici se présente la question des droits primitifs du suzerain
double série d'anciennes fortifications en regard a été observée sur les biens du feudataire ... A quel titre les seigneurs de
pareillement sur les bords du Rhin , etc .; dans le Midi, sur Najac possédaient-ils leur terre ? Les comtes n'avaient-ils pas
ceux de l'Ariége entre autres, et partout où l'invasion romaine, des droits antérieurs de propriété ?... Sans approfondir un
subissant un temps d'arrêt, s'est établie derrière un fleuve, en sujet qui rentre dans l'histoire générale, je dirai que la terre
face de quelque tribu non soumise ... - Là , des grands cen de Najac devait former un franc-alleu . De bonne heure, les
tres où elles avaient leurs quartiers, ou de leurs camps forti comtes s'efforcèrent d'acquérir des droits plus étendus que
fiés, les légions envoyaient des détachements se cantonner ceux qu'ils possédaient sur les terres seigneuriales : tantôt
sur des points rapidement mis à l'abri d'un coup de main , par violence, tantôt à prix d'or ou par des concessions parti
pour observer un poste ennemi; d'autres fois, c'était le Gau culières , ils parvinrent à réduire en fiefs les alleux francs qui
lois qui se retranchait daris quelque position voisine de l'éta échappaient à leur domination directe .
blissement romain et deux ensembles de fortifications s'éle Les onzième et douzième siècles offrent de fréquents exem
vaient parallèlement sur les deux rives, indiquant la marche ples où se traduit ainsi la politique comtale... J'en citerai deux
de l'invasion et révélant,par leurs dénominations, quels étaient qui offrent un certain intérêt pour l'histoire deNajac ,puisqu'ils
leurs fondateurs, des conquérants ou des vaincus. Puis des mentionnent un seigneur de ce nom . – L'un est une vente
renforts arrivaient ; on rompait la trêve, et l'envahisseur, re ad alodem (à titre d'alleu ,, faite par Guillaume de Cabrières au
foulant la tribu dans les terres, s'emparait de ses travaux de vicomte Bernard Atton (1109) ; l'autre est une donation du
défense, s'y installait et les augmentait encore. - Ainsi sem château de Penne, faite ad alodem , au même vicomte, par
ble avoir procédé la conquête romaine sur le parcours de l'évêque Aldégarius, son frère et les enfantsde celui-ci(1109) .
l'Aveyron . Maîtresse de Narbonne et de Toulouse, et s'avan Dans les deux actes, figure comme témoin Pierre de Natag ,
2
10

le même peut- être qui vendit son château au comte de Tou Mais le grand élan de la première croisade l'entraîne vers la
louse ( 1 ) . terre sainte ; pour subvenir aux énormes dépenses d'une expé
Pour conclure, je dirai que cette vente fut faite aussi ad dition qu'il doit faire en roi, il engage à Richard III, vicomte
alodem ; qu'après avoir cédé le droit allodial au comte , les de Rodez et de Carlat, ses droits sur la ville de Rodez et sur
seigneurs reprirent de lui Najac à titre de fief, puisqu'ils ren le pays environnant. Puis il s'embarque pour cette Palestine
dirent plus tard hommage comme feudataires ; que le comte , d'où il ne doit plus revenir , laissant à son fils le gouverne
comme suzerain , fit réparer et peut-être augmenter les fortifi ment de ses Etats ( 1096 ). Bertrand , déjà mis en possession
calionsde Najac, et qu'il en confia la garde aux anciens sei du comté de Rouergue, se voit disputer celui de Toulouse
gneurs, se réservant le droit de reprendre la forteresse quand par Guillaume de Poitiers. – Après une lutte, pendant la
bon lui semblerait . quelle les Poitevins prennent Toulouse , il demeure définiti
Cette dernière réserve se présente fréquemment dans les vement maître de la succession de son père , Raymond de
inféodations comtales ... Et comme preuve analogique de l'in Saint-Gilles. De l'ancien comté de Rouergue, il ne lui reste
tervention pécuniaire du comte pour la reconstruction du en propre que les deux tiers .
château de Najac , on peut citer ce passage du testament du Rodez est engagé , Saint -Antonin ne lui appartient plus , la
vicomte Bernard Atton (7 mai 1118 ) : Et relinquo ei ( à son future Villefranche n'est encore qu'un hameau : dans toute sa
fils Roger) turrem de quâ Petrus Raymundi de Murel fecit con terre de Rouergue, il n'a pas une place forte à lui ; c'est alors
venientiam mihi ut ædificaret eam in Murel, propter quam qu'il achète des seigneurs de Najac les droits allodiaux et qu'il
constituendam Petrus Raymundi ACCEPIT A ME C. C. SOLIDOS répare la forleresse , ruinée peut -être par les partisans de
TOLOSANOS ; et fecit hanc conv
nvenientiam , quod quandò facta fuis Guillaume de Poitiers...
set, juraret eam mihi ipse, et filius ejus, et similiter filii ejus ad Après avoir recherché la nature des droits acquis par Ber
filios meos (2 ). trand sur ce château , il serait intéressant de connaître de quel
L'achat du château de Najac et sa réparation par le comte , prix il les paya ; rien n'a pu me l'apprendre ( 1).
à des conditions évidemment analogues à celles qu'indique Après la mort de Bertrand, au nom de son frère Alphonse
cette citation , n'ont rien d'insolite, rien qui ne soit conforme Jourdain , Rodez et le territoire engagés aux vicomtes de Car
au principe de la féodalité . Il y faut voir un de ces faits, fré lat leur furent définitivement vendus; ce démembrement
quents alors, par lesquels la puissance comtale tendait à son amena la division du Rouergue en trois marches : la haute
apogée. Le possesseur de l'alleu était resté maître absolu de marche, où se trouvait Milhau ;
sa forteresse ; s'il l'allodiat, elle appartenait désormais au Le comté de Rodez ;

comte ... Les obligations de service militaire imposées à ses La basse marche, dont Najac devint momentanément le
vassaux n'étaient aucunement changées à l'égard du feuda chef- lieu .
taire, parce qu'il devait pourvoir à la garde et à la défense de De ce moment date la véritable importance de ce château,
ces murs dont il demeurait en possession ; mais il était tenu puisque le bourg qu'il protége est, de fait, la capitale du
de recevoir garnison comtale au besoin , et, plus encore, de comté de Rouergue .
livrer sa forteresse au comte dès que celui-ci l'en requérait. Une seule figure , un seul fait connus dominent l'histoire de
Les circonstances rendaient importante pour les Saint Najac, depuis la reconstruction du château jusqu'au treizième
Gilles l'acquisition de pareils droits sur le château de Najac. siècle. En 1185 , Richard d'Angleterre, le futur Cour de lion ,
Rodez , la capitale du comté de Rouergue, se trouvait presque У donne rendez- vous au roi d'Aragon pour conclure avec lui
isolé du Toulousain par l'Albigeois, et la puissance épisco une ligue contre le comte de Toulouse : « Mais bien (dit
pale y tenait en échec celle du comte . Raymond résolut de » Catel), que le roy eût fait ceste estroite alliance avec le
transférer le siège de l'administration comtale dans une ville » comte de Tolose , il ne laissa pas pourtant de se confédérer
plus rapprochée du centre de ses possessions dans le sud » avec Richard , comte de Poictiers, fils du roy d'Angleterre,
ouest du Rouergue : la seule importante localité de cette ré » s'estans à ces fins veus à Naïac , au mois d'auril de la dicte
gion, Saint-Antonin , avait été aliénée vers 1083. Il voulut » année mil cent quatre - vingt- cinq . »
remplacer Saint- Antonin et Rodez , où les vicomtes et l'évê A la fin du douzième siècle, Najac est donc sous la domina
que lui disputaient l'autorité, par une ville complétement à tion anglaise, et peut- être ne rentre -t-il sous celle des comtes
lui. de Toulouse que vers 1196 , après le mariage de Raymond
Sur les bords de l'Aveyron , à trois lieues au-dessus de Na avec la reine Jeanne, sæur de Richard .
jac , les ruines d'une cité romaine couvraient le sol d'une vallée Les seigneurs de ce château avaient-ils reconnu la suzerai
large et fertile ; il trouva l'emplacement favorable à ses projets
et le choisit pour y fonder la future capitale du Rouergue (3).

(1 ) Les seigneurs de Najac n'auraient-ils pas acquis des biens dans Tou
louse , par suite de cette vente ? Dans le plus ancien cadastre de la ville figu
( 1) Histoire générale de Languedoc (dom Vaissette ). rent la Tour de Najac et la rue de la Tour de Najac. - « Les marchands
(2) Il s'agit ici de Muret, près Toulouse ( Histoire générale de Languedoc ), » de Toulouse, dit Catel, achetèrent une maison auprès de la tour de Najac
cité par M. Fons . » pour y établir la Bourse . »
( 3 ) Manuscrits de Cabrol. Annales de Villefranche . La rue de ce nom est devenue, en partie , la rue Cujas.
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neté du duc d'Aquitaine, qui réclamait, en cette qualité , des Le grand nombre des seigneurs qui figurent commetémoins
droits sur le Rouergue ? Avaient-ils été dépossédés par lui? ... de cet acte prouve que Najac était le centre des opérations de
Le rôle que dut jouer cette maison seigneuriale pendant les Raymond , dans le Rouergue , et que sa cause trouvait de
guerres du douzième siècle nous est inconnu . nombreux adhérents dans cette contrée. De toutes parts,
D'après de Barrau : « Les seigneurs de Najac s'étaient ceux qui l'avaient abandonné venaient faire leur soumission .
► transplantés, avant l'année 1124 , au château de Savignac . Le comte , pour s'assurer leur fidélité , leur distribuait les
» Cela semble prouvé par l'écusson de leurs armes qu'on voit terres des transfuges ou ses propres biens .
» à la clef des voûtes de l'abbaye de Loc -Dieu , près Savignac, Son triomphe sur Amaury de Montfort paraissait assuré...
» abbaye qui fut construite cette même année et que les Na Mais un rival plus puissant prend en main les droits de l'usur
► jac contribuerent à bâtir, pateur ... Les prélats réunis au concile de Bourges conseillent
Que ces seigneurs aient été les bienfaiteurs de l'abbaye de au cardinal-légat de ne pas absoudre le comte de Toulouse,
Loc- Dieu , la présence de leurs armoiries aux clefs des voûtes ( ains d'aller trouver le Roy et le requérir de vouloir prendre
le prouverait en effet ; qu'ils eussent quitté Najac, la conclu » la cause de l'Eglise et d'achever l'oeuvre commencée ; ce
sion ne me semble pas rigoureusement logique : et comme, » que le Roy accepta » (Catel).
.

en admettant même cette conclusion , ils n'en conservèrent L'armée royale arrive devant Avignon ... Pendant le siége,
pas moins des droits sur le châleau de Najac, ainsi que le l'archevêque de Narbonne est envoyé par le roi et le légat,
prouvent leurs hommages au treizième siècle, il me semble « afin d'inciter les villes et les seigneurs des chasteaux de
nécessaire de confondre leur histoire avec celle de ce cha » faire leur paix avec le Roy et l'Eglise ... Il les rallia quasi
teau . ► tous à l'Eglise ... )
A peine, d'ailleurs, les trouve-t-on mentionnés dans quel De ce nombre fut le seigneur de Najac... « En juin , au
ques documents de l'époque. » camp devant Avignon , Guillaume- Bernard de Najac reco
Pendant la guerre contre les Albigeois , cette atroce lutte gnoit tenir du Roy le chasteau de Najac ( 1). »
au fort de laquelle toutes les passions s'abritèrent sous le Le comte de Toulouse se voit abandonné : Louis VIII va
drapeau du zèle religieux , que devient le château de Najac ? mourir en Auvergne ; mais Imbert de Beaujeu continue la
est- il occupé par une garnison comtale : « car, depuis ce que guerre , et bientôt Raymond est obligé de conclure le traité
» lui avaient mandé Montfort et le légat , le comte Raymond de Paris, à la suite duquel les seigneurs de sa terre sont dé
avait pourvu toutes ses places et châteaux de grosses et liés du serment de fidélité prêté au roi de France .
» bonnes garnisons » (Catel). Le 8 juin 1228 , le comte reçoit à Rabastens l'hommage du
Demeure -t-il au pouvoir des seigneurs, et ceux-ci se mon seigneur de Najac .
trent- ils fidèles au comte de Toulouse ? La paix succède aux longues guerres excitées par le fana
Les chroniqueurs contemporains, qui parlent de mainte tisme, prolongées par l’amubition ; mais cette paix ne doit
place prise par Montfort, ne nomment jamais Najac . Cepen être qu'une longue trève ... Raymond n'a pas « besoin de
dant les Croisés viennent bien près de ce château , à LaGuépie manger du caur de Blachas , pour se souvenir des terres qu'il
et à Saint-Antonin . tenait au temps passé ( 2) » ; il brûle de les recouvrer . Il en
Un fait semblerait indiquer que les seigneurs de Najac appelle encore au sort des armes, qui se déclare encore con
s'étaient déclarés en faveur de Montfort, ou que du moins ils tre lui, et le traité de Lorris est le fatal résultat de cette su
ne soutenaient pas ouvertement les sectaires : « En 1215 , prême tentative ...
Raymond de Najac exempta de péage et donna la jouissance Najac fut un des châteaux livrés alors au roi de France, en
► de tous ses herbages et bois aux religieux de Bonnecombe » garantie des promesses de Raymond . Il devait rester cinq ans
(Archiv . de Bonnecombe, de Barrau ) . entre les mains du roi.
La mort du chef militaire de la croisade relève les espé Les cinq ans expirés, Louis IX se dessaisit de Najac ; il
rances de Raymond de Toulouse. Tandis que le comté de Ro mande à Jean de Cranis, sénéchal de Carcassonne, de le faire
dez reconnait Amaury de Montfort et lui rend hommage , « le évacuer, de transporter les armes et les munitions à Carcas
» Rouergue rentre sous la domination de ses anciens maîtres » sonne et de le remeltre aux gens du comle (1247 ) (3 ).
(Dom Vaissette, III, p. 308 ) . Peu de temps après , le dernier des Saint- Gilles meurt ; ses
En 1219 , Najac est positivement en leur pouvoir : « Ray possessions passentau frère du roi, Alphonse de Poitiers, mari
> mond VII , - dit Bosc , vol. Jer , p . 293, vint en Rouergue de Jeanne de Toulouse.
» en 1219 , sans doute pour faire rentrer dans l'obéissance ce Au nom de ceux -ci et en leur absence , la reine Blanche
pays... Nous trouvons que cette année , étant à Najac, il fait prendre possession des comtés de Toulouse et de Rouer
» donna divers châteaux à quelques seigneurs, en présence de gue. Les habitants et les seigneurs de Najac reconnaissent
» Guillaumede Najac , etc. »
L'auteur cité conclut, évidemment, d'après un acte d'inféo
dation de divers fiefs, faite par Raymond et qui porte le sceau (1 ) Catel, d'après un Recueil d'hommages aux archives de Carcassonne .
du comte, après ces mots : Actum apud Najacum (Dom Vais ( 2) Satire du troubadour Sordel.
sette, II. Preuves, p . 255). (3 ) Dom Vaisselle, t. III, p . 465. Preuves, 459.
12

Alphonse (1249 ), et plus tard , en 1251, ils lui prêtent ser que la vente faite à Bertrand de Saint-Gilles n'avait été con
ment de fidélité ( 1 )... sentie qu'à titre d'alleu ; que les seigneurs étaient demeurés
A cette époque commence un notable mouvement politique les gardiens et les defenseurs-nés du château , sous l'expresse
qui va se manifester puissamment à Najac... Pour inaugurer condition de le livrer au comle chaque fois qu'il leur en ferait
sa domination et la rendre plus stable, Alphonse développe la demande ; j'ai avancé , d'après de nombreuses preuves, que
l'élément communal aux dépens de la grande féodalité ; il les conditions de ce genre étaient fréquentes au douzième
accorde de nombreuses franchises aux communes, en fonde de siècle , comme elles le furent d'ailleurs plus tard .
nouvelles et cherche à établir , au profit de la puissance com Un résultat capital de la prise de possession du château
tale, une organisation militaire indépendante de la noblesse ... de Najac par Alphonse fut de mettre fin à son inféodation et
Ce n'est pas ici le lieu de faire ressortir l'exactitude de cette d'en faire réellement une forteresse comtale , avec garnison
théorie historique, d'en faire voir de nombreux exemples rendus payée par le comte et capitaine châtelain nommé par lui. C'est
nécessaires par la force des choses, et de montrer que tel fut là un fait important, car il est une application d'un principe
le système politique de la royauté même, sous Louis IX . Je me nouveau qui tend au développementsuprême du système féodal,
borne à constater que , dans le Rouergue , ces idées générales qui prépare le triomphe de la royauté.
amenèrent la véritable fondation de Villefranche et l'accrois Sans doute , les comles conservaient sur les châteaux inféo
sement remarquable de l'importance de Najac. dés par eux un véritable droit de propriété , puisque nous
Dès 1255 , les habitants de ce bourg reçurent des coutumes voyons Raymond en livrer plusieurs, et Najac entre autres,
qui forment une des curieuses pages de notre ancienne légis soit par le traité de Paris, soit par celuide Lorris; sans doute,
lation et qui nous montrent l'autorité consulaire, le principe ils avaient le droit de les reprendre des mains des feu
de la commune dans toute leur vivace énergie . dataires , pour en faire à leur volonté ; mais ils étaient
Bientôt la puissance comlale s'y affirma d'une palpable tenus , sauf le cas de simple inféodation temporaire, ils étaient
manière ; le château fut agrandi et devint une forteresse que tenus, la guerre finie , de les rendre, et en bon état, à leurs
nous admirons encore aujourd'hui. On lit dans un état des vassaux . De cette situation des choses , expression de la soli
dépenses et des acquisitions faites par le comte Alphonse : darité féodale, il résultait que les seigneurs, considérant les
Item . – Ædificavit de novo castrum de Najaco, quod consti châteaux inféodés commebiens propres, se regardaientcomme
tit XVI. M. lib . tur. et ampliùs (2). astreints aux obligations du service militaire, mais refusaient
L'omnipotence ecclésiastique , elle aussi, éleva , à Najac, souvent de reconnaitre le droit du comte à disposer de ses
un monument de son triomphe : « La ville de Najac s'oblige , forteresses... C'est ainsi que les chevaliers de Penne élevérent
» sur la demande de Guillaume Bernardi d'Aix et de Renaud une semblable prétention ; dans l'article du traité de Lorris ,
» de Chartres, inquisiteurs pour crime d'hérésie, à faire bâtir, parlequel Raymond livrait ce château , futinsérée cette condition,
» dans l'espace de septans, une église de vingt-huit brasses que si les seigneurs ne voulaient pas le remettre aux gens du
» de longueur et de sept de largeur, parce que l'église qui roi, le comte devait l'assiéger et le donner , en cas d'insuccès,
► existait était trop petite . La nouvelle coûta 31 mille sous de à la milice du temple (Traité de Lorris).
» Cahors, dont Béranger Cornet, entrepreneur , donna quit Cet exemple indique suffisamment combien était dange
» tance aux consuls de Najac , au mois de novembre 1269 » reux , pour la puissance comtale , le système qui inféodait aux
(Arch . de Najac, De Gaujal). seigneurs la garde des places fortes du pays , et qui, pendant
Ainsi, sous Alphonse, les trois éléments sociaux de l'époque toute la période où la féodalité fut une sorte d'association de
se manifestent hautement à Najac... Mais la commune et secours mutuels, avait parfaitement répondu à l'esprit de
l'église se révèlent dans des conditions identiques , soit à Ville celte association ... Le jour où les membres les plus puissants
franche, soit dans d'autres localités, tandis que nulle autre de celle -ci voulurent en diriger le fonctionnement selon des
part en Rouergue, l'autorité comtale n'a d'aussi complète idées générales dont elle était, non certes pas la négation ,
expression , car le château de Najac n'est pas seulement la comme on l'a souvent dit, mais plutôt l'acheminement néces
forteresse comtale par excellence , le principal siége de la saire, ce jour là, le système primitif des inféodations pour la
puissance militaire du comte : c'est encore celui de son admi défense du sol eût fait son temps... Il demeura puissamment
nistration judiciaire ; c'est là que réside son représentant encore en vigueur , il est vrai, mais non plus exclusivement :
pour tout le comté de Rouergue : le sénéchal.
un nouveau prévalut peu à peu , par lequel les grands chefs
Aussi, le véritable intérêt de l'histoire de Najac se concen féodaux reprirent plus directement en main la garde du ter
tre -t -il dans celle de son château ... ritoire, s'appuyant plus immédiatement sur le tiers étal, les
On a vu les seigneurs qui le possédaient rendre plusieurs gens des communes, dont ils formèrent leurs garnisons et
fois , à ce titre , hommage , soit au roi de France, soit au comte leurs armées... La croisade contre les Albigeois me semble
de Rouergue. — Par anticipation , j'ai conclu de ces hommages avoir hâté l'éclosion , ou du moins l'application de ces idées
nouvelles, par la nécessité où se trouvèrent les vainqueurs
d'adopter l'élément mercenaire pour la défense de leur con
(1 ) Dom Vaissette, t. III, p . 475 . quête contre les entreprises éventuelles des seigneurs dépos
( 2 ) Dom Vaissette . sédés, et de fonder des places fortes sur des points où ne fût.
13

pas prépondérante l'organisation communale, qui s'était éner Mais ce résultat lui est commun avec d'autres localités du
giquement défendue elle-même, avec laquelle il fallait compter Rouergue, et si sa raison d'être , comme forteresse , subsiste
désormais plus encore qu'avec les possesseurs de fiefs. toujours, le cours des choses amène une profonde modification
Aussi voit-on alors le système de la solde des troupes pren dans son importance politique. Villefranche, placé dans des
dre de rapides développements, en même temps que celui de conditions industrielles et commerciales bien plus favorables,
la multiplication et de la non - inféodation des places fortes du progresse rapidement, et le centre administratif du Rouergue
comte ou du roi. tend à s'y déplacer.
La reconstruction du château de Najac et son occupation Mais s'il déchoit comme siége du pouvoir administratif , le
exclusive par les gens d'Alphonse, sont au nombre des faits château de Najac va voir se passer les plusgrands faitsmilitaires
principaux qui mettent en évidence cette progression nou de ses annales ...
velle de l'ordre féodal vers son expression dernière, la con En 1351, les Anglais, que le roi de France combattait dans
centration royale . les Flandres, portent tout à coup la guerre en Guyenne ; ils
Comment les seigneurs de Najac furent-ils dépossédés de pénètrent dans la basse marche du Rouergue et s'emparent de
leurs droits ? En firent-ils une cession compensée par n'im Saint- Antonin .
porte quel échange ? Furent-ils, sous prétexte de crime d'hé Les habitants de Najac réparent les fortifications du bourg ;
résie, spoliés par l'Inquisition au profit des partisans de le château est mis en élat de défense. C'est là que s'assem
l'Eglise, comme le furent beaucoup d'autres seigneurs ? blent, en 1352, les communes de la langue d'Oc, convoquées
Avaient-ils conclu , avec Raymond VII, quelque arrangement par le comte d'Armagnac, lieutenant du roi, qui abandonne
en vertu duquel son héritier trouva le château libre de toute au Maréchal de son ost la conduite du siége de Saint- Antonin ,
inféodation ? pour venir leur demander un subside de guerre.
On l'ignore... Hugues Parator, Pierre d'Azemar et Donat de La perte de la bataille de Poitiers, la captivité du roi Jean ,
Najac, consuls et prud'hommes du lieu , prêtèrent serment de amènent la conclusion du traité de Brétigny, par lequel le
fidélité au comte Alphonse, en 1249. Depuis cette époque, Rouergue est cédé aux Anglais . Le maréchal de Boucicaut
les de Najac ne paraissent plus dans l'histoire de cette loca est chargé d'en faire la remise à Jean Chandos, et le château
lité... Il n'en est aucunement question dans les coulumes don de Najac reçoit une garnison anglaise (1361). L'impôt du
nées en 1255 ; ils ne sont pas nommés dans un acte de 1263, fouage devient, pour le comle d'Armagnac, le sujet d'un appel
où figure , comme châtelain , Jean Torpi. au roi de France ... Un soulèvement éclate , dont plusieurs
Dans la deuxième moitié du treizième siècle, le château de villes se disputent l'honneur d'avoir donné le signal. S'il en
Najac devient donc réellement, je l'ai déjà dit, un châleau faut croire les termes de certaines confirmations de priviléges,
comtal, sur lequel un feudataire n'a plus aucun droit, où com les habitants de Najac auraient les premiers reconnu l'auto
mande , sous l'autorité supérieure du sénéchal, un capitaine, rité du roi de France et chassé la garnison anglaise ; celle-ci,
un châtelain , nommé à temps ; et la période la plus remarquable ayant voulu se défendre, eut dix -sept hommes tués, et les au
de son histoire commence avec la domination du dernier comte tres prirent la fuite (1368 ) (De Gaujal).
de Toulouse . Par sa position et par sa force, il est le boulevard En récompense de leur fidélité, le duc d'Anjou accorda des
de la basse marche de Rouergue contre les entreprises des privileges aux habitants de Najac ( 1), et reconnaissant le cha
Anglais ; il tient en respect la communauté de Najac , la jeune et teau pour la clé de la basse marche du Rouergue, en jan
déjà populeuse Villefranche, les châteaux seigneuriaux de tout vier 1369, il y établit pour capitaine Arnaud Bérail, seigneur
le pays : il est le siége de l'administration militaire etjudiciaire de Saisac ( 2), écuyer banneret qui, le 14 du mêmemois, y fit
du comté , le siége de la sénéchaussée de Rouergue (1 ), et montre avec vingt-neuf autres écuyers ( 3) .
joue ainsi un double rôle stratégique et politique que, seules, Le capitaine anglais Yennequin ou Jeannequin Gras, qui
pouvaient lui assurer les causes dont j'ai lenté d'analyser la avait longlemps occupé Saint- Antonin , reprend Najac vers la
genèse naturelle . fin de l'année 1369; c'était la seule place que possédaient,
Par l'action permanente de ces mêmes causes, une nouvelle dans la basse marche, les ennemis du roi de France ... Le
phase s'ouvre pour lui à la mort d'Alphonse, comte de Poitiers , 2 mai 1370 , les habitants de Najac surprennent la garnison
de Toulouse et de Rouergue. Najac devient château royal, en anglaise , luent le capitaine Jeannequin avec la plupart des
vertu du retour à la couronne stipulé par le traité de Lorris ; il hommes de sa compagnie (4 ), et s'emparent des armes et
échappe plus complétement encore à l'inféodation el va se trou des munitions qu'ils avaient entassées dans le château, et que
ver plus intimement lié aux développements dela commune, au le roi leur abandonna par lettres patentes... Encore

double: épanouissement des deux pouvoirs nouveaux , le tiers


état et la royauté, se fortifiant l'un par l'autre.

( 1) Trésor des chartes... reg . 135 , pièce 40. — D'après le manuscrit de


Cabrol, cette même année, Najac fut érigé en viguerie ou justice royale.
(1) Najac parait avoir été le siége du premier sénéchal créé par Ray
( 2) Dom Vaissette , t. IV , p . 339.
mond VII ; son bailliage portait le nom de sénéchaussée avant la nouvelle fon
dation de Villefranche par Alphonse de Poitiers ; les premiers sénéchaux de (3 ) De Barrau.
celui-ci siégeaient dans le Château , où se trouvait la salle de la Sénéchaussée . ( 4) M. de Colbert, Arch . de Najac .
14

aujourd'hui, on trouve de ces armes chez les paysans de la de Rouergue, quoique le seigneur de Bournazel fût déjà séné
contrée. chal en vertu d'un arrêt dudit parlement. Le ligueur Morlhon
Après l'expulsion des Anglais, sous prétexte de soutenir attaque Villefranche, qui s'arme et va prendre Sanvenza , dont
leurs droits, de nombreuses bandes désolèrent longtemps le la garnison se réfugie à Najac.
Rouergue et s'y cantonnèrent dans les plus fortes positions. 1590 . « Au commencement de celte année , M. le séné
Il semblerait que l'une d'elles occupa Najac , puique, en 1389, » chal de Bournazel recouvra des mains des ennemis du roi
le roi donne en faveur des habitants des lettres de grâce et abo , Henri IV la ville et chasteau royal de Najac, les habitants
lition pour le commerce qu'ils avaient eu avec les ennemis et » s'étant remis volontairement sous l'obéissance de leur
les secours qu'ils leur avaient fournis (Arch . de Najac). prince. Ce fort et ancien chasteau , qui est imprenable sans
1394. - Le château de Najac est réparé et approvisionné » la faim , fut bouclé par ce moyen et enfin ceux qui étaient
par ordre du roi, ainsi que les autres places du Rouergue , » dedans se rendirent à leur devoir . C'était le sieur de
parce que la trève avec les Anglais allait finir. » Sanvenza qui avait auparavant attiré ce lieu de Najac au
1444. — Le roinomme le sénéchal de Rouergue, Guillaume ► party de la Ligue » (Manuscrit de Cabrol) .
d'Estaing, capitaine du château royal de Najac . Le 2 mars 1590 , Henri IV écrit au sénéchal de Bournazel :
1458. — Le sénéchal Gaspard d'Estaing veut transférer son « J'ay aussy fait expédier la commission de la capitainerie du
siége å Najac ; opposition des habitants de Villefranche (Ma » chasteau de Nayac pour le capitaine Rives » (Recueil des
nuscrit de Cabrol) . lettres missives de Henri IV , t. III, p. 149).
Vers 1483. - Le siège de la sénéchaussée ayant été trans Les troubles civils s'apaisent pour reparaître sous une autre
féré à Rodez , les habitants de Villefranche en appellent au forme.
parlement de Toulouse , faisant valoir que... « il y a nécessité En 1594. . « Il y eut une grande émotion et mouvement
, que ledit siége reste à Villefranche, qui se trouve plus près , des gens du menu peuple ... s'assemblant à parroisses et
» de Bordeaux et de la rivière par laquelle les Anglais fai > sous leurs capitaines et enseignes... Ils s'appelaient tard
> saient des incursions dans ce pays, qui est celle de Loth , avisez, et d'autres plus ordonnés les nommaient croquints.
» et près du fort château de Najac » (Manuscrit de Cabrol). Cette émeute estoit l'excrément des divisions et effets des
1496. - Les considérants de la confirmation des priviléges » impositions trop grandes et excessives... Ils se levèrent en
des habitants de Najac par Charles VIII sont un précieux do , la ville de la vicomté de Turenne nommée Croq ... et depuis
cument qui doit trouver place dans l'histoire du château . Les ► les autres paysans suivirent à la fin l'exemple de ceux de
voici tels qu'ils sont imprimés dans le recueil des ordonnan Croq , d'où ils furent ainsi nommez croquants » (Manuscrit
ces du Louvre , t. XX , p . 560 : de Cabrol).
« ..... En faueur especialement du grant dangier en quoy ilz Un mouvement semblable eut lieu à Najac .
» se misdrent pour dechasser les Anglois des ditz ville et chas 1643. – « Les croquants de Najac, Rieupeyroux, etc., etc.,
, tel, et furent ceulx de nostre duchié et pays de Guienne » ayant fait un soulèvement et rébellion au commencement
> qui premierement se declairoient pour nos ditz predeces » de cette année, au mois de janvier, contre les exacteurs de
> seurs, et les ditz ville et chastel, auant que nulz autres du • la taille, parce qu'à leur dire elle avait augmenté extraor
dit duchié reduitz en leur obeissance ; au moyen de quoy » dinairement, entrèrent en la présente Villefranche , le
» plusieurs autres places et forteresses d'icelle duchié se re » 2 juin , tambour battant et mesche allumée, au nombre
» duisirent aussy par apres en l'obeissance de nos ditz prede » de douze a treize cents hommes, conduits par Jean -Pelit,
>> cesseurs, lesquelz à cette cause et affin que les ditz chastel > chirurgien , natif de Montpezat en Quercy, et Guillaume
» et ville de Nayac, qui est l'une des plus fortes places du Bracs , dit Lapaille, maçon et cabaretier de Roussenac.
· pays, assis sur ung des destroiz où n'a qu'une venue et est » Le comte de Noailles, sénéchal et gouverneur, vient à
> imprenable, » Villefranche pour caliner et apaiser cette populace mutinée .
se peut entretenir en bonne reparacion , fortif
fication et deffense ... les voulurent previlleigier et docter Les croquants évacuent Villefranche. Ils recommencent
» de iceulx previlleiges ... ) leur rébellion le 25 août. On sonne le tocsin à Najac , à
Ces citations attestent la déchéance administrative et civile Rieupeyroux, Sauveterre, Belcastel, etc.. « Le comte de
de Najac ; mais elles prouvent aussi quelle importance straté ► Noailles se saisit adroitement de Jean Petit et de Guillaume
gique conservait son château pendant le quinzième siècle... » Bracs dit Lapaille, pour faire un exemple ; ce qui ayant été
Elle fut singulièrement amoindrie après l'évacuation complète sceu parles habitants des parroisses circonvoisines révoltées,
de la Guyenne par les Anglais : grâce au déplacement de fron » ces séditieux s'assemblèrent pour délivrer leurs deux chefs ...
tières qui en résulta , le rôle de Najac ne fut plus de protéger » Tous ces rebelles se trouvèrent au nombre de 10,000 . Ils
le pays contre les invasions étrangères, mais d'y assurer le » avoient pris à Najac une pièce de canon ;... avec toutes les
maintien de l'autorité royale, en lutte avec les d'Armagnac . » quelles forces ils tinrent M. le sénéchal de Noailles comme
Quand celle- ci a triomphé, les tours de Najac voient se passer » assiégé... Ils avoient pour commendants quelques jeunes
un des épisodes des guerres de religion . » gentilshommes et demandoient trois choses : la remise
1589 . - Le duc de Mayenne et le parlement de Toulouse ► entière des tailles ; - la remise de Petit et Bracs ; - la
nomment le sieur de Morlhon , seigneur de Sanvensa, sénéchal » faculté de mettre garnison dans Villefranche, pour leur
15

> sûreté. — Ces propositions furent rejetées comme crimi Au sommet de ce mamelon se dresse la forteresse : au pied ,
> nelles et insolentes ... ) sur le flanc méridional, à l'orient et vers l'ouest s'étagent en
Grâce à l'arrivée de nombreuses troupes, les paysans sont amphithéâtre les habitations de la ville .
dispersés, les représailles commencent... « Les juges con Dans cette assiette, ( assis sur ung des destroiz où n'a qu'une
» damnèrent Bernard Calmels, dit Lafourque, sellier de Vil venue » , le château commandait les pentes qui relient le massif
» lefranche, autre chefdes croquants, qui avoit esté arrestéau à la vallée ; il commandait, en outre, le cours de l'Aveyron sur
, château de Najac , à estre rompu tout vif à la place du dit deux points opposés, par suite du rapprochement des extré
» lieu de Najac, et son corps mis sur une roue élevée sur le mités de la vaste courbe formée à l'ouest par la rivière , rap
> grand chemin de Najac à Villefranche. — Le même jour, prochement tel, que cette courbe est sous-tendue par une
» pendus deux autres , dont Mathieu Vergnes, teyssier de corde de quatre cents mètres au plus, correspondant aujour
-. Najac , pris les armes à la main au château de Saint -Salva d'hui à l'axe du tunnel que le Grand- Central a percé à la
· dou . Après quoy, au mois de may 1644 , l'abolition des base de la montagne de Najac , à peu près au - dessous des
» crimes de rébellion et de croquandage fut accordée par Sa ruines.
· Majesté le roi Louis XIV au pays de Rouergue et de Ville De la sorte, le pont dit de la Freijière, construction encore
franche. » debout, jetée sur l'Aveyron au XIIe siècle, se trouvait presque
L'histoire de la forteresse féodale, du château royal se clot, sous le jet des fortifications, ainsi que les deux chemins mon
pour ainsi dire, par cette révolte de paysans qui en font leur tant de ce pont vers la ville et le château , l'un par le versant
place d'armes , au commencement d'un règne où le roi pro nord , l'autre par les pentes du sud - ouest.
clamera ce principe : « L'Etat , c'estmoi. » En conséquence , la presqu'île était gardée , à son unique
De longues années s'écoulent pendant lesquelles le château entrée du côté de la rivière, par le châleau . En avant de celui
de Najac ne sert guère que de prison , pendant lesquelles la ci , du côté du massif, elle était fermée à la gorge par les
politique royale le laisse peu à peu dépérir, après avoir appris, défenses communales...
par les guerres de la Ligue et de la Fronde , quel parti la ré Aujourd'hui, ces défenses sont dénaturées à ce point que
volte pouvait tirer de ces forteresses disséminées dans l'inté leurs vestiges n'offrent aucun intérêt, mais le gros euvre des
rieur du royaume... Les derniers vestiges de l'organisation fortifications qui constituaient le château est à peu près intact
féodale étaient condamnés par la rationalité même de son et, sauf quelques remaniements , tel qu'il fut érigé au xire el
résultat voulu . au milie siècles.
La prise de la Bastille fut un signal que les habitants du Ces ouvrages, occupant un grand espace , forment trois par
Rouergue semblaient attendre pour renverser avec joie les ties bien distinctes, qui sont : (voir le plan général, page 18).
monuments d'un ordre de choses dont la raison d'être n'exis Une première enceinte longeant la base du mamelon sur le
tait plus... Le château de Najac était un de ces monumenls ; il versant méridional et remontant ensuite vers le sommet où
devait disparaitre ... Mais, « il était d'une construction si elle se ferme ;
, solide, – dit Monteil, qu'une armée révolutionnaire Une deuxième enceinte, enveloppée par la première et cou
» qui avait juré de le raser , ne parvint, aprės beaucoup d'ef ronnant le mamelon ;
, forts , qu'à en détacher quelques pierres. » Un retrait ou réduit, consistant en un vaste donjon avec cour
L'armée révolutionnaire de l'enthousiaste Monteil était sans intérieure, assis sur le haut du rocher, en dedans de la
doute une de ces bandes de paysans et de citadins, qui dévas deuxième enceinte .
tèrent force châteaux seigneuriaux en Rouergue : dans tous Assez éloignés l'un de l'autre sur trois côtés , au nord les
les cas, cette armée ne se montra guère redoutable, puis trois ouvrages sont tangents et ont une muraille commune.
qu'elle ne put faire ce qu'un maître d'auberge a malheureuse Cette disposition assurait à l'enceinte supérieure une commu
ment fait en grande partie ... Vendu comme propriété natio nication avec le dehors indépendante de la première enceinte ;
nale à un ancien viguier, dont l'héritage a été recueilli par le elle permettait au donjon de communiquer directement avec
sieur Bach , aubergisle, entre les mains de celui-ci, le château l'extérieur.
royal de Najac s'est transformé rapidement en imposante Par une poterne dissimulée dans un angle rentrant en EF ,
ruine, et sa principale tour n'a été préservée de la destruction la garnison pouvait ainsi , à l'abri de trahisons de la part des
que parce que son beffroi , modifié , est devenu celui de l'hor habitants , faire des sorties, se ravitailler ou recevoir des se
loge communale . cours; elle pouvait enfin évacuer le donjon , si elle avait à
craindre d'y être cernée .
DESCRIPTION .
La première enceinte est un mur crénelé , à peu près sans
Un puissant contrefort, se détachant du massif placé entre flanquements. Il a deux portes : une à l'ouest (seule indiquée
l'Aveyron et le Viaur, forme dans la vallée qu'il barre un dans le plan ) du côté de l'église ; l'autre , à l'est, du côté de la
promontoire dont l'Aveyron contourne la base, et dont le ville . De chacune d'elles, montant vers la porte de la deuxième

point culminant surgit ainsi dans une sorte de presqu'île à enceinte, part un chemin étroit , resserré entre des murs et
l'extrémité de la crète et séparé de celle- ci par une profonde coupé de degrés taillés dans le roc ou de vides sur lesquels
coupure naturelle. sont jetés de légersarceaux . Entre lesdeux enceintes, à l'ouest,
- 16 .

se trouvent des terrains vagues, un petit réservoir pour recueil rendaient à la salle de justice placée en B et isolée du corps
lir les eaux , des vestiges de magasins , d'écuries , de divers des fortifications.
communs à l'usage de la garnison ; à l'orient et au sud- est L'enceinte supérieure enlevée et occupée sur tous les
existent un certain nombre d'habitations anciennes, dont une points, la garnison pouvait tenir longtemps dans le donjon .
a conservé le nom de maison du gouverneur et qui formaient le Celui-ci, bali sur le plan d'un trapèze irrégulier , se compose
quartier du château . Sur ces divers points , l'escarpement pré de courtines élevées, flanquées de tours aux angles et sur les
sente des terrasses étagées avec murs de soutènement bâtis å grands côtés , avec une entrée bien défendue en D par des
sec, mais d'une escalade difficile , ou bien les maisons ne lais ouvrages qui suppléaient au flanquement de la tour carrée C ,
sent entre elles que des passages étroits , autrefois munis de partie conservée des fortifications primitives, et qui, se trou
portes et de chaines , en sorte qu'en arrière du mur vant affeurée par les courtines sur les deux côtés extérieurs,
d'enceinte , l'assiégeant trouvait là une série d'obstacles se confondait avec elles. De plus, la porte étail munie d'une
que la défense s'attachait à conserver. A la dernière extré herse gardée par un machicoulis, et de battants assujettis par
mité , ces postes perdus , la garnison s'enfermait dans la des barres transversales jouant dans l'épaisseur de la muraille.
deuxième enceinte , probablement la clausura sobirana del cap En EF, où se trouve la poterne, la courtine est doublée par
del castel, mot å mot , la clôture supérieure de la tête du châ le mur du couloir qui la couvrait. En B , le parapet crénelé
teau , dont parle un acte de 1263. Le plan général (page 18 ) de la plate -forme de la citerne doublait aussi la courtine et
et la perspective isométrique (page 19 ) la représentent dans défendait puissamment tout ce côté...
son état actuel. Elle paraît avoir été remaniée à l'est. On peut Sauf quelques meurtrières percées au raz du sol et des jours
reconnaître que, suivant lesmouvements du terrain , elle offre placés très haut, les courtines sont pleines dans leur hauteur ,
d'assez grandes irrégularités de contour et de niveau , condi et les logements de la garnison s'y appuyaient à l'intérieur ;
tions dont l'ingénieur a tiré parti au profit de la défense , au leur défense était tout entière au sommet qui portait un che
moyen des flanquements que se prêtent ces angles saillants min de ronde élargi au dedans par des dalles posées sur des
et ces angles rentrants , dont quelques -uns se commandent ; corbeaux, semblables aux consoles des machicoulis que l'archi
il a complété ces flanquements par celui de deux tours entiè tecture militaire ne tarda pas à adopter en remplacement des
rement saillantes sur la face . Assez élevée par rapport à l'ex hourds de bois. Ce chemin régnait sur tout le pourtour du
térieur, la courtine dela clôture est en terre-plein à l'intérieur ; mur , en empruntant la traverse de l'étage supérieur de chaque
aussi ne se défendait- elle que par son couronnement , consis tour, avec le plancher desquels il se trouvait de plein - pied ';
tant en un chemin de ronde avec parapet crénelé , merlons à il était garanti par un parapet crénelé dont les merlons
meurtrières , et peut- être hourds mobiles en bois. étaient percés de meurtrières. D'après des entailles visibles à
Elle enveloppe d'assez près le donjon sous le jet duquel la maîtresse tour et quelques amorces ou restes de parapet ,
sont toutes ses parties , mais plus spécialement son entrée cette défense était complétée par des hourds en bois, å de
principale en I, enfilée par la maîtresse tour, et la poterne meure et doubles, ou du moins avec toiture à deux versants ,
F , battue de flanc par le front ouest. l'un couvrant la cloison du hourd , l'autre le chemin de ronde,
Entre le mur d'enceinte et le donjon , dans la basse- cour , par-dessus le parapet.
existaient plusieurs constructions dont les principales étaient A l'exception de la tour carrée C , les tours du donjon
la salle de justice et la citerne en B : de la première , appuyée flanquaient les courtines au moyen de nombreusesmeurtrières,
au rempart, il reste dans ce mur les deux baies qui l'éclai établies sur plusieurs étages et dont la direction a été soi
raient et qui étaient munies de moucharabys en bois ; la gneusement combinée de manière à découvrir tous les points
citerne s'élève presque intacte entre les deux lours , au pied de leur aire . Ces tours se terminaient par un étage créneté
de la courtine est du donjon dont elle fait essentiellement qui portait une toiture conique ; mais la grosse tour et la tour
partie et par lequel elle était puissamment défendue (voir à la carrée présentaient une plate-forme avec parapet crénelé sur
page 23). laquelle pouvaient être établis des engins...
En prévision d'une surprise ou d'un assaut qui aurait livréà Si l'assiégeant parvenait à s'introduire dans l'enceinte même
l'ennemila basse- cour, des dispositions habiles empêchaient un du donjon , la défense conservait encore l'avantage, et pouvait
corps nombreux de s'y déployer et d'attaquer plusieurs points se retrancher sur grand nombre de points.
à la fois, tandis qu'elles permettaient à la garnison de se Le service du chemin de ronde se faisait à part, au moyen
replier pas à pas à l'intérieur du réduit, et tout était calculé de longues rampes découvertes, formées de marches engagées
de manière à obliger l'attaque à présenter toujours le flanc au par un bout dans la paroi des courtines et portées en encor
jet de cette portion de la place. Dans ce but, des murs paral bellement; l'un commence près de la porte du donjon , passe
lèles aux courtines forçaient l'assiégeant à suivre un chemin devant le premier étage de la petite tour de la courtine sud ,
déterminé , tandis que d'autres murs reliant le donjon å l'en et atteint le sommet de celte courtine près de la maitresse
ceinte, interceptaient le passage sur plusieurs points. Ces tour ; l'autre, desservant la courtine nord, offre une disposi
constructions offraient d'ailleurs l'avantage de masquer les tion identique ( la vue isométrique en indique les vestiges). L'ac
préparatifs de la défense et d’en interdire la vue, même en cès de ces escaliers était défendu au pied par un ouvrage spé
temps de paix , aux hommes étrangers à la garnison qui se cial ; ils pouvaient être facilement interceptés aux paliers des
- 17

petites tours, et leur volée supérieure s'arrêtait devant une Bâtie sur un plan circulaire, avec pan coupé extérieur, à
porte placée sur le chemin de ronde , qui les baltait dans l'intersection de deux courtines , la maitresse lour renferme
toute leur hauteur. trois salles superposées et surmontéesd'une plate - forme. ( Voir
Outre ces degrés apparents , il y en avait d'autres dont l'as les plans et la coupe, page 22, – l'élévation , page 23.)
siégeant ne pouvait soupçonner la position , eûl- il été maître Elles sont desservies par un escalier qui, partant de fond ,
des premiers. Le corps de logis appuyé à la courtine ouest en débouche au sommel ; il est contenu dans une cage en tour
abritait un ( perspective isométrique) qui desservait la tour ronde, d'une seule venue du sol en haut, lerminée par un
d'angle nord -ouest, le logis et le premier étage de la tour lanternon et ménagée dans l'empålement formé par la rencon
carrée. tre de la courtine et du pan coupé de la lour.
Il en existe un dans l'épaisseur de la courtine sud , dont L'entrée de celle -ci, commune à tous les étages , se trouve
l'entrée se trouve dans la salle - basse de la petite tour, mais au rez-de- chaussée, dans la cour du donjon ; quelques affouil
assez haut au - dessus du sol pour qu'on ne put atteindre à la lements et des arrachements indiquent qu'elle était isolée par
première marche qu'an moyen d'une échelle. Il mène au -des une fosse creusée au pied du mur et munie d'un pont volant
sus de la porte d'entrée du donjon , dans la chambre de la en arrière duquel la baie était garnie d'une porte assujettie
berse, et de là au premier étage de la tour carrée . par des barres jouant horizontalement dans le mur , selon le
Un autre, pratiqué dans le plein du mur de la tour de l'angle système employé dans toutle château A et première ligne grise
nord près de la citerne , et formant volée d'un étage à l'autre , du plan ) (1 ) .
desservait ces élages . Dans la profondeur de l'embrasure, d'autres barres (2e ligne
De plus, la maitresse tour A possède une vis à noyau plein , grise du plan en A ) servaient à barricader l'entrée particulière
la desservant dans toute sa hauteur ; le premier étage de la de la salle -basse et maintenaient une grille , un mantelet à
pelile tour de la courtine sud a un escalier droit dérobé, et la jour posé en bascule , qui l'isolait au besoin et permettait de
plate-forme de la tour carrée a sa vis qui prend naissance sur défendre à couvert l'entrée même de la tour et l'accès de
le chemin de ronde seulement. l'escalier dont la porte s'ouvre dans un côté de l'ébrasement
Malgré celte multiplicité d'escaliers, grâce à l’enchevêtre entre les deux clôtures.
ment de leur ensemble , à celui de l'ensemble des passages et Dans la voussure de la baie existe un regard vertical ser
du chemin de ronde, enchevêtrement calculé pour désorienter vant de machicoulis , ayant son orifice au premier étage en B
l'attaque, les divers étages d'une même tour ne communi (fig . 2 ), devant une petite fenêtre qui domine la porte à l'ex
quaient pas directement entr'eux , les tours elles-mêmes et les térieur et par laquelle celle - ci est vue. Au moyen de ce re
courtines pouvaient être aisément isolées les unes des autres , gard , ia salle -basse se trouve mise en rapport avec l'étage
etchacune d'elles, chaque étage, chaque entre -lours devenait , au -dessus ou la grand'salle , qui pouvait ainsi transmettre des
au besoin , indépendant. Etabli dans l'enceinte, l'ennemi trou ordres à travers la voûte ou même battre l'entrée .
vait ainsi constamment un obstacle apparent ou imprévu de Il pouvait défendre plus directement celle - ci, au moyen
vant lequel quelques hommes suffisaient à l'arrêter . Les entrées d'une porte C fig . 2 ) qui donne sur le vide à six mètres au
des salles basses des tours et celles des logis étaient baltues dessus du sol, mais qu'un tablier mobile reliait probablement
par tout le chemin de ronde, défendues chacune par un mou à un corps de logis et à quelque ouvrage battant, à l'extérieur ,
charaby en pierre servi par les étages supérieurs, et munies le seuil et le pont volant. Celle porte assurait d'ailleurs à
de baltants assujettis par des barres transversales d'un jeu la grand'salle , transformée en chapelle, une communication
facile et très efficace. Ce dernier mode de clôlure se re indépendante de l'escalier, sur lequel elle a une issue fermée
trouve aux portes des hauts étages, à celles des passages en B , et la garnison y pénétrait ainsi directement par le corps
dérobés ou apparents, disposé toujours de manière å isoler de logis, sans passer par les autres parties de la tour. Ce pre
chaque point, et à couper ainsi l'assiégeant engagé dans une mier étage possède encore une troisième issue en D. Elle con
sorte de dédale qu'il suivait au hasard , mais dont la garnison siste en une porte suivie d'un couloir pris dans l'épaisseur de
profitait pour se porter secrètement où bon lui semblait. la courtine sud ( la perspective isométrique montre les baies qui
Ces nombreuses défenses , partielles et d'un facile isole l'éclairent). Il se prolonge jusques à la rencontre du premier
ment, forment pourtant un ensemble visiblement relié à la étage de la petite tour, dans lequel il pénètre par des degrés
tour A , qui, par son importance, constitue la maitresse tour en contrebas ; après la traverse de la lour, il se continue par
du donjon , dont elle est le réduit, de même que celui- ci est le un escalier en contreliaut de 2 mètres au départ, passe dans la
réduit du château . Vers elle converge toute la fortification ; chambre du machicoulis de la grande entrée du donjon et dé
elle en est , pour ainsi dire , le pivot et la clef , car elle com bouche au deuxième étage de la tour carrée . Les nombreuses
mande toutes les communications générales plus spécialement portes qui l'interceptent aux extrémités, à son passage dans
que les autres tours, qui sont d'ailleurs à sa dépendance. la petite lour , au bas et au sommet des degrés, et les lacunes
Aussi, par son diamètre, par sa hauteur, par les parlicularités
de ses dispositions intérieures et de toute sa construction ,
étail- elle la partie principale du donjon , comme elle en est (1) Les deux lignes grises tendant au centre indiquent deux conduits de
20 centimètres de côté, traversant le mur de part en part et placés au raz du
aujourd'hui la plus intéressanle et la mieux conservée . dallage. La destination en est incertaine.
- 18 -

PLAN GÉNÉRAL

A 1/1000 .

Dans ce plan , les noirs indi


quent les constructions maçon
nées et encore debout ; les lignes
grises désignent des murs bâtis
à pierres sèches ou des murailles
dont les vestiges sont peu appa
rents ; la portion de la première
enceinte qu'il indique au sud en
est la seule conservée ; les autres
parties en ont été dénaturées ou
détruites. Cette enceinte se con
tinuait au -dessous de la porte de

la rue de l'Eglise , contournait le


mamelon et venait se raltacher à
l'enceinte supérieure à l'est. La
perspective isométrique placée
en regard du plan le complète et
représente le château dans son
état actuel.
En 1. Entrée de l'enceinte su 11
périeure.
00000 et flèches. Seul che
min pour parvenir à la porte du
donjon , entre des murs dont les
restes existent et les courtines
de l'enceinte , en passant sous le
jet du donjon , du chemin de
ronde des murs et de la tour,
dite prison des Ladres en T.
En D se trouvait : 1° un plan
incliné avec murs de garde ;

E
LL
2º un pont-levis , remplacé au
VI
jourd'hui par un pont en pierre ;
3° un ouvrage flanquantles deux
courtines , à l'angle de l'ancien
donjon , enfilant le pont-levis et
précédant un couloir à ciel ou
vert qui conduisait à la porte du
réduit de la forteresse . E
QU
DE LA PI
A. Maîtresse tour , ou réduit
E
LIS

du donjon .
VEG E

B. Citerne. En avant, traces


ROD

d'anciens murs d'enceinte et de


la salle de justice , ou salle de la
sénéchaussée,
1000
E. F. el flèches. - Poterne .
-

. 19

Thu

1000 )

Perspective isométrique. · Echelle , 2/1000.


20 -

ou interruptions qu'offrent ceux - ci indiquent assez l'impor de la courtine de l'est, en Y ; celui de la courtine sud, en X.
tance attachée à la possession de ce couloir. Il permettait à Chacune de ses issues a une baie, autrefois munie d'une porle
la tour principale , et plus spécialement à son premier étage, de avec barres et verroux ; les deux portes, donnant directement
servir l'étage de la pelite tour, soit aux meurtrières, soit au dans la salle , s'ouvraient du dehors au dedans et se barrica
moucharaby) placé au - dessus de la porte de son rez - de daient à l'intérieur ; à la baie donnant de la cage de l'escalier
chaussée, où s'ouvrait l'escalier de la herse ; de servir , en sur le chemin de ronde en Y , le battant s'ouvrait de dedans en
dehors ; ses verroux étaient à l'intérieur de la cage ,
mais il pouvait être barricadé par le chemin de ronde ,
de manière à arrêter l'assiégeant de quelque côté qu'il
se présentât .
La salle haute correspond avec la grand'salle au
moyen d'un regard horizontal ouvert sous la voûte de
celle- ci , dans la paroi de la cage de la vis .
Ces trois salles sont munies de meurtrières admira
blement disposées , dont les quatre étages , en y com
prenant celles de la plate - forme, se chevauchent de
manière à battre chaque point de la circonférence ; leur
coupe est calculée de façon à ce que chacune voie le talus
de la tour, et, dans ce but, elles atteignent une longueur
inusitée . (Voir les plans,la coupe et l'élévation de la tour).
Dans l'un des enfoncements en forme de niche ou
sont placées celles de la grand'salle se trouvait un autel
qui bouchait l'embrasure ; des traces de peintures reli
gieuses à l’arceau l'attestent encore ; une armoire à deux
divisions , avec conduit d'écoulement pour les ablutions
et pratiquée dans l'épaisseur du mur , indique aussi
qu'au besoin cette salle servait de chapelle.
La salle -basse ne prend jour que par de petites baies
placées très haut : les deux étages supérieurs ont de
grandes fenêtres avec bancs de pierre dans l'embrasure
et degrés pour atteindre à l'accoudoir . Mais , en outre
de ses deux fenêtres , la grand'salle est éclairée par sept
ouvertures étroites , disposées comme celles du rez - de
chaussée. La raison en est indiquée par des trous ména
gés aux montants des grandes fenêtres à l'extérieur ;
ils recevaient des poutrelles destinées à supporter, en
temps de siége , un hourd ou un mantelet , qui garan
tissait la baie , mais interceptait la lumière ; la salle ne
la prenait alors que par les petites fenêtres ménagées
au - dessus .

Chaque ouverture était fermée d'un châssis vitré ,


l'embrasure des meurtrières était garnie de volets, dont
la destination était de garantir du froid les habitants
o melte de la tour ; pour ce même motif, la salle haute est
munie d'une cheminée R prise dans l'épaisseur du mur,
auquel elle fait former un ressaut à l'extérieur.
Plan , coupe et élévation d'unemeurtrière du rez -de -chaussée de la maîtresse tour . D'après ces détails , la maîtresse tour n'était pas seu
lement un poste, comme la plupart des autres, mais elle
offrait un logement habitable .
outre, le machicoulis de l'entrée du donjon , de se maintenir Sur l'extrados de la voûte de la grand'salle , et sans autre issue
en communication secrète avec le haut de la tour carrée et , que l'escalier , est établie la plate- forme( fig . 4 ) dont le parapet
par les aboutissements de celle -ci , avec toutes les parties du était crénelé et les merlons percés de meurtrières. A l'aide de
donjon . ce couronnement et des engins qu'il pouvait abriter , elle con
La troisième salle de la maitresse tour, ou salle haute ," a courait à la défense générale .
aussi trois issues ; l'escalier en Z (fig . 3), le chemin de ronde Mais elle défendait plus spécialement la lour au moyen d'un

-
1
21

moucharaby servi par la guérile A qui battait à la fois le che C'est là l'application complète du système qui s'accuse dans
min de ronde devant la porte X de la salle haule ( fig . 3 ) et la tout le reste de la fortification , et qui, s'il oblige l'attaque à
porte découverte C de la grand'salle ( lig . 2). Le lanternon , se localiser en l’empêchant d'agir avec ensemble , révèle sur
aujourd'hui détruit, de la cage de l'escalier (A , fig . 4 ) présen tout la préoccupation de rendre peu dangereuses les surprises
tait sans doute une défense analogue au -dessus du chemin de et les trahisons ou les révoltes , seul péril à craindre dans un
ronde , au point Y ( fig 3), par lequel il pénètre dans la tour . château -fort que sa position même défendait contre la sape et
En outre, de ce point, la vis pouvait être balayée dans toute les engins de siége alors en usage .
sa hauteur, au moyen de boulets de pierre ou d'autres projec Il y a loin de ces dispositions compliquées au plan du châ
tiles qu'on y faisait rouler. La plate-forme jouait un rôle teau de Bertrand de Saint-Gilles , qui n'était qu'urie enceinte
-

encore plus important, car elle était le poste principal des avec une tour carrée au milieu . De celle- ci, l'architecte d’Al
guaytteurs , qui , de là , surveillaient les approches de la ville à phonse de Poitiers n'a voulu tirer qu'un parti secondaire ,
l'est, la rivière en amont et en aval, les deux enceintes et tout encore l'a -t -il refaite aux trois quarls.
le donjon ; en avant de la guérite B qui leur servait d’abri se S'il a si profondément modifié le plan primitif , c'est que ce
dressait en C le poteau auquel était arborée la bannière ; la plan était calqué sur celui des enceintes romaines ou franques
guérite elle -même était surmontée d'un beffroi dont la cloche que gardaient des hommes en communauté d'intérêts avec
se trouvait ainsi à leur portée pour sonner l’alarme. De la leurs chefs, et qu'il n'était plus en harmonie avec la composi
sorte , les signaux partaient de la maîtresse tour, ainsi que la tion des garnisons comtales, formées de mercenaires et des
direction de la défense , puisqu'en temps de guerre la salle auxiliaires féodaux. C'est aussi que dans les longues guerres
haute était le logement obligé du castella , le châtelain ou de cette époque , le grand nombre de siéges entrepris avait
capitaine- gouverneur du château ; c'était enfin dans celle tour obligé l'art de l'attaque à se perfectionner et que , par suite ,
que les défenseurs devaient concentrer leurs derniers efforts , celui de la défense eut à progresser. Les ingénieurs militaires
car tout y est disposé , plus qu'ailleurs , pour une résistance durent nécessairement modifier leurs systèmes ; des nombreu
de détail et pied à pied . ses applications qu'ils eurent occasion de faire de leurs con
Elle a le plus grand nombre possible de communications ceptions nouvelles résulta un perfectionnement rapide dont les
avec les divers points du donjon , mais de façon à pouvoir principes se retrouvent an château de Najac , bâti de 1250 à
aisément s'isoler et suffire à sa propre défense . Il en est de 1260 , dès l'origine de ces essais de transformation .
même pour chacun de ses étages ; s'ils se protégent l'un l'autre, On les y reconnaît à la forme cylindrique des tours , à leur
ils peuvent aussi résister séparément. forte saillie , au soin avec lequel louis leurs étages sont voûtés

335

Culs-de -lampe de nervures de la voûte de la grand’salle.


22

Coupe verticale de la maîtresse tour du donjon .


4. 2. 3. Plans des trois salles. 4. Plan de la plate -forme. Coupe verticale .
Dans la coupe, trois meurtrières d'un côté , trois fenetres de l'autre , sont supposées dans le même plun vertical.
Echelle , 5 1000.
23

MUXLes WY

Elévation geométraie du front où se trouve la cirrne.


Echelle, 5/1000.
. 24

et principalement à celui avec lequel sont tracées leurs meur carrée , l'arc n'existe pas au - dessus du linteau , mais il est
trières. remplacé par une petite rosace...
L'examen du château de Najac ne révèle pas seulement la Ces travaux ont été faits dans des conditions d'exécu
recherche d'un nouveau type de fortification. Sa reconstruc tion excellentes ; loute la construction est d'une solidité
lion coïncida avec l'introduction de nouvelles formes archi et d'une précision rares ; la netteté des arêtes , la pu
tecturales dans le Midi. Sous reté des nervures , l'aplomb
l'influence du système ogival ,
des murs , formés d'un blo
alors en plein épanouissement cage revêlu de moyen appareil ,
dans le Nord , le style roman de la bonne assise de chaque pierre
nos pays se modifiait pour dispa taillée altestent l'habileté des ou
raître entièrement avant la fin vriers. Les nombreuses marques
du siècle . Aussi le château offre
que ceux- ci ont laissées sur leur
t- il des exemples de celle tran euvre expliquent leurs soins ,
sition accélérée par la prédomi car elles indiquent qu'ils étaient
nance des hommes du Nord im rétribués aux pièces et non à la
plantés dans le Midi.
journée. Peut- être l'étude de ces
Le berceau en ogive, la voûte marques donnerait - elle des indi
ogivale en tour ronde avec ar cations plus précieuses , indica
ceaux sur lesquels sont bandés tions d'origine provinciale, indi
les triangles , et le plafond com calions d'organisation du travail,
posé de linteaux, y remplacent la de traditions loinlaines ou d'in
voûte à plein cintre ou en fluences mystérieuses , qui aide
cul-de- four ; mais plusieurs raient à résoudre certains pro
Clef de voûte du 1er étage de la tour carrée.
de ces voûtes nouvelles n'ont blèmes , par leur comparaison
pas d'arcs formerets , et leurs nervures sont encore d'un profil avec celle qu'on peut recueillir ailleurs.
très simple, cylindrique ou prismatique ; elles partent de culs La rétribution de ceux qui les ont tracées s'éleva à une
de-lampe sans ornements , sauf à la grand'salle ou chapelle , somme considérable , 16,000 livres tournois. La livre de
et sont maintenues par des clefs de voûte très petites et peu compte du lemps de Louis IX , représentant environ 15 fr. 90
historiées . Le plein cintre se montre encore à quelques baies de notre monnaie , celle somme équivaudrail, en déduisant
de porles ; à d'autres , c'est l'arc surbaissé , l'ogive , l'ogive notre alliage, un dixième, à peu près à 280,000 fr. Cette évalua
surbaissée ; dans les ouvertures étroites , aux embrasures tion , tirée des auteurs, est sans doute peu exacte, attendu qu'il
des meurtrières principale n'y est pas tenu compte de
ment, le plafond est formé la puissance de la livre tour
de linteaux soulagés pardes nois ,mais seulementde son
corbeaux aux extrémités. poids , et l'estimation vraie
serait probablement bien
Les baies des grandes
AREA supérieure à 280,000 fr .
fenêtres offrent des dispo
L'élévation de la dé
sitions toutes particuliè
pense témoigne de l'im
res ; pas une n'est ogivale ;
DXN portance qu'Alphonse vou
tantól elles sont à plein
lut donner à ce château
cintre , tantôt elles affec
lent une forme rectangu fort placé, entre ses comtés
X + 포 de Poitiers , de Toulouse
laire , et dans ce cas , leur
.

et de Rouergue , en re
linteau , composé de deux
pièces, est porté au milieu gard des duchés anglais .
Les restes de l'ouvre de
par une colonnelle à cha
GA son architecte justifient
piteau feuillage, comme à
l'admiration des contem
la maitresse tour : à la
salle de justice , les deux porains , bons apprécia
modes s'allient , en sorte teurs , à coup sûr, qui pro
B

clamèrent le château de
que le cintre devient un
MAR Be Najac « imprenable sans la
arc de décharge au - dessus
faim , el la clef de la basse
du linteau et laisse un en
marche du Rouergue. )
tre - deux rempli par un
quatre -feuilles : à la lour Marques d'ouvriers. B. DUSAN .
25

UNE INSCRIPTION INÉDITE DES AUSCII .

M. E. Barry , dont le précieux et bienveillant concours est assuré à la Revue archéolo


une æuvre essentiellement littéraire qui ne s'adresse plus
gique du Midi, nous a autorisé à reproduire la lettre suivante, adressée à M. le professeur
Henzen , pour le Bolletino di Correspondenza archeologica que publie à Rome cet exclusivement aux épigraphistes de profession , el qui vous
éminent épigrapbiste ..... Elle a été déjà insérée ( sans fac-simile de l'inscription qui en
fait le sujet) dans la Revue de Toulouse, que dirige si habilement un homme d'un mérite frappera au moins autant par l'élégance de la forme et le tour
réel, M. Lacointa . heureux de la pensée , que par l'originalité du sujet. Elle est
(Le Directeur de la Revue.)
écrite en vers , comme le sont assez souvent les inscriptions
tumulaires de l'époque impériale , en Italie surtoul. Mais elle
Monsieur et cher maitre ,
n'a rien de commun que le nom avec les lourdes et préten
J'abuserais de votre savant recueil et de l'hospitalité qu'il tieuses épitaphes dont se couronnaient si volontiers , au pre
m'a quelquefois accordée , si je lui imposais sans distinction mier ou au second siècle de notre ère , les grands tombeaux
et sans choix les inscriptions de toute espèce que le hasard de parvenus qui éclipsaient sur la voie Appia les monuments

O TAMD VICISEMITISTIO VIMBENIGN

OVA ECJAZVIVEBELINSLATVIACEBAT

SOMNICONSCII SEMPER ET GUBILIS

OFRCIYVALENTINOVOD PERISTI

LAR APESMODOSIONISND CVBARET

RINKLISDOM NAELICENTOSA

O - FACIMALEKOVOD PERISTI

ELINTANTENNETTISCIANS
OPSECRX

NEC SEVIREPOTESKIEGINSIURE

NECELANDIS MIHIN OR SIB REMIDES

A 4/10 .

exhume tous les jours du sol toujours riche de notre Aqui de l'ancienne aristocratie romaine . Le mètre qu'elle emploie
taine, n'est ni le vers saturnien des antiques nénies (næniæ ) que l'on
La belle inscription dont je suis heureux de vous offrir chantait encore au temps des Scipions, à côté du bûcher , au
aujourd'hui les prémices..... hanc tibi lubens..... me parait milieu de la famille en pleurs, ni le vers élégiaque qui avait
4
- 26

supplanté par degrés le vers saturnien dans les derniers temps Quoique l'élégante épilaphe dont nous venons de reproduire
de la république . On dirait plutôt un caprice d'imagination , le texte ait fait probablement partie d’un tombeau bâti et dé
une bluetle mélancolique détachée des tablettes de quelque coré avec un certain luxe (Altum jam tenet insciam , sepulcrum ),
poète oublié , contemporain de Pétrone ou de Martial, et , vous aurez certainement compris, en la parcourant , qu'elle ne
comme eux , homme de goût autant que de plaisir . La s'adressait ni à une jeune feinme ni à une jeune fille , comme
dalle de marbre blanc sur laquelle elle est gravée en caractè l'avaient supposé quelques épigraphistes locaux , trompés par
res réguliers , qui trahissent eux-mêmes les belles époques de un nom propre d'apparence féminine. Les mots latrare, sævire,
l'épigraphie romaine , ne porte ni l'ascia symbolique des ins insilire , blandis morsibus renidere , dont chacun a un sens pré
criptions du Rhône , ni les sigles sacramentelles des Dii cis dans la latinité des bonnes époques, et d'autres inductions
Manes (D. M. – Dis Manibus) auxquels sont dédiées presque sur lesquelles nous allons revenir , ne permellent point de
partout les incriptions tumulaires (1). Elle a été découverte douter qu'il s'agissait ici d'une petite chienne , gracieuse et
au mois de juillet dernier , à peu de distance de l'ancienne aimable bele , malgré ses habitudes d'enfant gålé (Quam dulcis
métropole des Auscii (Augusta Ausciorum , Auch ), dans les fuit ista , quam benigna ), qui répondait au nom grec de Muia (1 )
travaux de déblai qu'a entraînés la construction toute récente (la Mouche), et qui faisait de son vivant les délices de sa mai
du chemin de fer d'Agen å Auch ; et, par une bonne fortune tresse , dormant le jour sur son sein et couchant la nuit à
assez rare pour que nous ayons le droit de la remarquer, elle côté d'elle , compagne assidue de son sommeil et de son lit
nous est parvenue cette fois dans un état de conservation qui (Quæ , cum viveret , in sinu jacebat, somni conscia semper et
en rend la lecture facile et la transcription certaine ; le texte cubilis).
gravé n'offrant, à une seule exception près, que des mots Le nom de cette maîtresse (domina ) , qui nous intéresserait
écrits en toutes lettres , sans autre abréviation que quelques au moins autant que celui de son épagneul ou de sa levrelte
lettres adossées ou rejetées à l'entreligne ( 2 ) : favorile, n'est nulle part prononcé par le poète, beaucoup plus
discret celle fois que ne le sont ordinairement ses confrères ,
Quam dulcis fuit ista , quam benigna. race vanileuse et bavarde comme ou le sait, vanum genus ,
Quæ , cum viveret, in sinu jacebat, en pareille malière surloul. Nous n'avons même d'autre raison
Somni conscia semper et cubilis ! pour la croire jeune fille , inupta ou intacta , comme le disent
O factum male, Muia, quod peristi !
les poètes , de deux mots employés souvent comme synony
Latrares modo si quis adcubaret !
Rivalis dominæ licenciosa. mes (quoiqu'il y ait certainement unenuance de l'un à l'autre),
O factum male, Muia , quod peristi ! que le cinquième vers du poëme, dont l'allusion en forme de
Altum jam tenet insciam sepulcrum , réticence semble exclure toute idée de droit légalement exercé.
Nec sævire potes, nec insilire, Mais il n'est pas besoin de la sagacité tout exceptionnelle d'un
Nec blandis mihimorsibus renides.
épigraphiste pour être convaincu que notre poète portait à
celte jeune femme ou à celle jeune fille un intérêt qui rejaillis
sait naturellement sur la petite chienne qu'elle aimait jusqu'à
(1) Cette dalle unie (tabula ) qui parait sortie des carrières de Saint-Béat,
malgré la texture serrée et le grain relativement fin du marbre, ne mesure que la gâterie , deliciæ . Affable et bienveillante , au moins pour lui,
(jm , 34 de hauteur sur Om , 47 de largeur totale. Les moulures qui encadrent qu'elle accueillait en vieille connaissance , à ce qu'il paraît, en
la plupart de nos légendes, gravées presque toujours dans un champ en retrait, jappant de plaisir plutôt que de colère, en sautant bruyamment
sont remplacées ici par une raioure assez profonde, qui seri d'encadrement au
titulus. Les caractères , qui mesurent en moyenne 14 ou 15 millimètres de autour de lui, dès qu'il paraissait à la porte (Nec sævire potes ,
hauteur (espace à peu près égal à celui des entrelignes), sont gravés encore nec insilire , en s'acharnant de ses petites dents blanches aux
d'une maio sûre et facile . Mais il est certain qu'ils n'ont déjà plus les formes courroies de ses soleæ , ou à la bordure de sa loge , s'il en avait
régulières et élégantes des beaux temps de l'épigraphie romaine. Les contours
arrondis et souvent épais des lettres circulaires ou demi- circulaires (0 , Q , C , D ),
l'écartement très marqué des jambages dans les M et les N , la forme caracté
ristiques de l’Y coiffé dans le mot Muia de deux aigrettes qui débordent le antiques les plus difficiles à contrefaire, et surtout celle de l'A que l'on n'écrit
niveau des lignes, et les ligatures forcées, il est vrai, des deux mots sepul sans traverse que dans les monuments officiels ou dans les monuments litté
crum et rcnides (huitième etdixième vers), indiqueraient plutôtle commen raires du genre de celui-ci. Nous ajoutons avec plaisir que ce beau mar
cementdu second siècle que le temps d'Auguste et de Tibère, dont nous avons bre figure, depuis plusieurs mois, dans le musée communal de la ville d'Aucli,
de si beaux specimina datés, à Narbonne par exemple, dans le magnifique auquel il a été généreusement offert par la Compagnie du chemin de fer du
autel dédié à Auguste , par les Decumani Narbonenses . Midi, et que tous nos lecteurs peuvent vérifier par eux-mêmes l'exactitude de
( 2 ) Quant à l'authenticité du monument que son originalité même pourrait nos appréciations comme celle de notre lecture.
rendre suspect à quelques sceptiques obtinés, elle nous paraît ressortir jusqu'à (1) C'était sous des noms grecs le plus souvent que l'on désignait, non
l'évidence , non- seulement de l'excellence de la latinité et du goût tout antique seulement les chiens damerets dontnous retrouvons ici un curieux spécimen ,
du poème, mais des circonstances plus que rassurantes dans lesquelles le mar mais les chiens de garde (villatici) etles chiens de chasse ou demeule (venatici),
bre a été découvert, en plein jour cette fois, en dehors et à quelque distance ceux de la meute d'Acteon , par exemple, minutieusement énumérés par Ovide :
de la ville , où un faussaire n'aurait certainement point été le cacher, au milieu Leucon (le blanc), Asbolus (le noir de fumée) , Hylacus (de 82n forêt , bois) ,
de substructions et de tombeaux encore en place. Notre éminent épigraphiste ,
Théron (le chasseur, de Onpów , Onpõ ), Théridamas (le dompteur de bêtes
M. Léon Rénier, aux lumières duquel j'ai voulu soumettre ce beau texte avant fauves , de oazów , dompter), Hylactor ( l'aboyeur, Maxtéu - Õ ) , Pamphagus
de le publier, a trouvé, jusque dans les caracteres épigraphiques de la légende, (mange tout) , Mélampus (prononcez, melampous, patte noire ) , Ichnobates (le
des garanties irrécusables d'authenticité. Il me signale entr'autres le V du mot suiveur de pistes , ixvos), etc. Ovide, Métamm . III, 206--235 . Chacun de
Muia, coiffé d'une double aigrette, comme on l'écrivait, en effet, dans les noms
ces mots étant significatif, on pourrait en conclure que la petite Muia tirait le
propres et dans les noms divins ; la forme excellente du D , l'une des lettres sien de ses forines exiguës ou de sa couleur d'un noir luisant.
-
27

une (Nec blandis mihi morsibus renides) ( 1 ) ; elle se montrait au d'allure et piquant de lour par sa simplicité même. Le poète
contraire défiante et hargneuse à l'égard des visiteurs étran qui a , comme tous les anciens , le sentiment de la concision ,
gers. Elle grommelait sourdement ou aboyait touthaut au pre cette verlu littéraire à peu près oubliée de nos jours, semble
mier bruit de pas inconnus qui retentissaient sous les galeries se rappeler en même temps qu'il écrivait pour le marbrier
de l'atrium ; et notre poète , oubliant que l'on fail taire Cerbère (marmorarius , quadratarius) , dont le ciseau burine moins
lui-même avec des brioches jetées adroitement dans ses facilement la pierre et le marbre que le roseau du copiste
gueules béantes... tenuit tria Cerberus ora ... on étail venu à (librarius, amanuensis) ne glissait sur la feuillo de peau prépa
voir dans celle duègne d'un nouveau genre une garantie pré rée dans les lanneries de Pergame ou sur la fine toile de pa
cieuse contre certains moments de distraction ou de laisser pyrus que l'on tissait aux bords du Nil. Force lui est de con
aller que redoutent, à ce qu'il parait , les amoureux de toutes denser sa pensée pour la renfermer dans ce cadre étroit et
les époques , Latrares modo si quis adcubaret , tu aboierais au rigide. Il a visiblement choisi chacune de ses images , pesé
moins si quelqu'un ... Jalouse à sa manière de celle jeune mai chacun des mots qui les traduisent sans les décolorer. Mais ces
tresse qu'elle n'était pas seule à aimer , il lui était permis , å traits choisis , enchaînés sans effort dans une trame légère
elle , d'avouer celte jalousie et de l'exprimer tout baut à l'oc ment tissue , ne valent- ils pas mieux, à tout prendre , que les
casion (Rivalis dominæ licentiosa ) (2 ). – On s'explique par ces insistances sans fin de certains poètes qui ne savent rien ou
derniers traits surlout l'impression de tristesse qu'avait dû blier ou rien sacrifier ? Dans une élégie , qui a plus d'un trait
produire sur lout le monde et sur nolre poèle en particulier , d'affinité avec notre pelit poème(1), et que l'on pourrait croire
la mort inattendue de cette regrettable amie . (O factum male , puisée à la même source (Voy. plus loin ) , Ovide ne se con
Muia , quod peristi !) En présence du tombeau qui allait rece tente point de nous raconter en quelques traits les malheurs el
voir ses restes , un peu surpris d'un pareil honneur (Altum jam la fin tragique aussi (Raptus es invidia ... amor . II, 6 , v . 25 ) du
tenet insciam sepulcrum ), il se rappelait involontairement les perroquet de sa maitresse , devenu célèbre dans toute la ville
scènes intimes et charmantes auxquelles elle avait été tant de par son ingénieux bavardage :
fois mêlée (Nec sævire potes , nec insilire , etc.). Ces souvenirs
confondus dans sa mémoire s'étaient retrouvés confondus dans Non fuit in terris vocum simulantior ales :
Reddebas bleso tam bene verba sono .
les versiculi qu'il avait écrils sur la mort de la petite Muia ,
quelques heures peut- être après le tragique événement, et la (L. I. v, 23-24 .)
jeune doña (domina , domna , doña), qui les avait lus longtemps
avant nous , avait été certainement touchée de ce pieux hom Il nous décrit, sans en oublier un détail, les nuances tranchées
de son bec fouetté de rouge et de jaune et l'éclat éblouissant de
mage dont une bonne partie remontait jusqu'à elle.
son plumage , égal cette fois à son ramage (2). Il nous raconte ,
Il serait assez difficile de donner un nom et d'assigner un
en vers bien tournés d'ailleurs et spirituels à l'occasion , son
genre à la bluelte intraduisible que nous venons de commen
ter. C'est un de ces riens indéfinissables dont tout le mérile
consiste dans quelques trails indéfinissables à leur tour ; ici ,
dans un rapprochement inattendu ou dans une allusion déli ( 1) Ausone, qui a écrit en vers élégiaques la plupart de ses Parentalin ,
c'est- à -dire les éloges de ses parents décédés, dont il nous a ainsi conservé les
cale que le lecteur est chargé de compléter ; ailleurs , dans noms et la mémoire , désigne encore ces petits poèmes sous le nom archaïque
l'art de préparer un bon mot et de faire ressortir une plaisan de nænia ;
terie à l'aide de contrastes heurtés ou de nuances graduelle Nænia funeris satis ofliciosa querelis .
ment amenées ; quelquefois , dans un trait de sentiment (Auson ., Parental. , præfat.)
exprimé d'une manière heureuse , dans un mot naïf et vrai Hactenus ut caros , ita justo funere flelos
Funcla piis cecinit nænia nostra modis.
comme les souvenirs qu'il réveille , dans un simple récit, léger
(Parental., IX . v . 1-2 ).

Ces nénies de famille, simples el courtes le plus souvent, sans ornements


(1) Le verbe renidere quisignifie av propre briller, rayonner, s'est appli d'imagination et de style ,
qué par extension au rire etau sourire qui, en entr'ouvrant la bouche, laissent
voir des dents plus ou moins brillantes : Ore renidenle (Ovid , Mélamm ., Nuda, sine ornatu , fandique carentia cullu,
Sufficit inferiis exequia lis honos.
VIII, 197 ) – Egnatius quod candidos habet dentes -Renidet usquequaque.
(Catull., Carm . XXXVIII, 1-2). C'était dans ces morsures étourdies et cares (L. I. Præfat., v . 3-4 .)
santes que la petite chienne laissait voir ses dents blanches et paraissait ainsi
ne différaient que par l'étendue et la forme rhythmique de l'éloge funèbre
sourire à son ami (Blandis mihimorsibus renides).
proprement dit (laudes, laudationes), que quelque parent ou quelque ami du
(2) Cette épithète d'une latinitémoins pure que celle du reste de l'inscription défunt déclamait à côté du bûcher , quelquefois sur le Forum , au pied de la
dont tous les mots, sales en excrpler celui de rivalis, se justifieraient par des columna rostrata de Duilius, lorsqu'il s'agit d'un mort ou d'une morte de
exemples empruntés au meilleur temps de la langue , parait pourtant avoir été famille patricienne : « Quæstor Juliam amilam uxoremque Corneliam de
employée dès le premier siècle dans le sens de liberté que l'on prend, de licence » functas laudavit, e more pro rostris. Sed in amitæ , quidem laudatione
que l'on su donne ... Non minus est licentiosum , dit déjà Quintilien , I. 60 . » de ejus ac patris sui utraque origine sic refert, etc. » (Suelon .,
Nous reconnaissons cependant qu'elle est beaucoup plus usitée au second siècle C. J Coesar, c. VI.)
qu'au premier. Elle paraît avoir élé affectionnée par le théteur Apulée (114
186) qui l'applique même à des mols abstraits : Lamentationes licentiosce ( 2) Tu poteras fragiles pinnis superare smaragdos,
(Apul., Mérainm . IV). - · Licentiosa temeritas (L. I. V ). Licentiosa Tincta gerens rubro punica rostra croco .
forluna (L. I. VI). (L. I. , v. 21-22. )
28

genre de vie simple et réglé comme son ordinaire, composé de au temps de Martial, celle langue simple , juste et élégante qui
noix sèches, de têtes de pavot et d'eau pure (1), la maladie qui se contente de traduire fidèlement la pensée, sans la surcharger
l'avait emporté en sept jours au milieu de prières et de larmes demétaphores inutiles, d'ornements recherchés ou inattendus ,
inutiles , les adieux louchants qu'il adressait au moment su de couleurs voyantes et criardes ? Peu de poètes , il est vrai ,
prême à sa domina éplorée : ont employé aussi volontiers et aussi fréquemment que lui le
vers phalécien dont nous parlions tout à l'heure. Il tient une
Clamavit moriens lingua : « Corinna, vale. » grande place parmi les petits poèmes très variés de sujet
(L. I., v. 48.) comme de mètre dont son æuvre se compose , et que l'on ad
mirait de son temps dans loutes les grandes villes de la Gaule
et jusqu'à la pompe de ses obsèques où il nous montre tous où les femmes honnêtes les lisaient , s'il faut l'en croire , à
l'insu de leurs maris ( 1). Mais, ceshendécasyllabes, quelquefois
les oiseaux de l'air et des eaux , convoqués par lui à la triste
cérémonie, se frappant la poitrine de leurs ailerons, se labou heureux et bien venus comme lel ou tel de ses îambes , ne
rant les joues de leurs ongles crochus , et s'arrachant les sont-ils pas trop souvent marqués du caractère déclamatoire
plumes à défaut de cheveux ( 2 ). et tendu qui distingue déjà toutes les cuvres poétiques de cette
Le mètre dans lequel est écrit notre petit poème , l'hendé époque et qui s'y révèle par des antithèses laborieuses, par des
rapprochements forcés et des exagérations de tous les genres ,
casyllabe ou vers phalécien (3 ) ne serait pas à lui tout seul un
certificat irrécusable d’archaïsme , quoiqu'on le trouve rare rendues dans une langue dure et sans grâce, comme celle de
ment employé dans les inscriptions en vers , postérieures au Juvénal son contemporain ? Trouverait-on d'ailleurs, dans ces
temps d'Auguste. Martial, qui écrivait à la fin du premier siè innombrables petits poèmes que nous venons de refeuilleter
avec soin , des traits d'un archaïsme aussi accentué que les
cle de notre ère , Ausone qui a vécu au milieu du quatrième,
deux acclamations (acclamationes) qui coupent à intervalles
manient encore avec aisance , quelquefois même avec une cer
laine grâce , ce rhythme simple et élégant qu'affectionnaient égaux la trame de notre poème, et qui nous ont rappelé plus
d'une fois les refrains en écho des poètes alexandrins , sous
les plus anciens poètes romains, à cause de son allure natu
l'influence desquels s'est développée la plus ancienne poésie
relle et dégagée , éminemment propre aux sujets légers, aux
romaine ( 2 ) ?
récits gracieusement simples (4 ). Mais parlait-on encore,même
Sans avoir la prétention de donner une date précise à des
choses ondoyantes comme celles de l'imagination et du senti
ment poétique que bien des causes peuvent rajeunir même
(1) Non tu fera bella movebas
Garrulus, et placidæ pacis amator eras. dans l'âge mûr , nous trouverions dans ces inductions plus
d'une raison de croire que notre poète est antérieur ,même en
Nux erat esca tibi, causæque papavera somni, date, au temps des Flaviens ou des Antonins que sembleraient
Pellebatque sitin simplicis umor aquæ .
indiquer quelques -unes des particularités épigraphiques de
(L. I., v . 25-32.)
l'inscription . Il est certain , au moins , qu'au milieu de cette
( 2) Exequias ite frequenter, aves ; décadence précoce , il était resté fidèle à ce que nous appelle
Ite, piæ volueres, et plangile pectora pinnis ,
Et rigido teneras ungue notate genas ; rions aujourd'hui les traditions des bonnes époques , et que
Horrida pro mæstis lanietur pluma capillis. c'était de ce côté que le ramenaient instinctivement ses préfé
(L. I., v . 2-5.) rences. De tous les poètes de cet âge d'or qui a si peu duré à
La silve dans laquelle le poète Stace, un autre poète du premier siècle, chante Rome, celui avec lequel il aurait le plus d'affinités, à en juger
en vers sonores et vides le perroquet éloquent de son ami Atedius Melior (Psit
tacus Melioris, Silv., L. II, IV , v . 1-37), n'est qu'une paraphrase de l'élégie
d'Ovide à laquelle nous empruntons ces quelques vers. C'est tout au plus si le
rhéteur poète se permet d'ajouter un trait à ceux de son modèle qui semble où il résume en jargon d'école les règles des trois espèces d'hendécasyllabes en
avoir vu , senti et pensé pour lui, de remplacer à l'occasion un mot ou une usage chez les Grecs et chez les Romains, disciples des Grecs en tant de choses
épithète par une autre , de poursuivre outre mesure quelquefois un développe (Auson ., Op. edid .; F. Corpet, In biblioth . Panckouck . Gallico- Latin .,
ment que le poète s'était contenté d'indiquer. Nous n'aurions pas même parle t. II, Epist. IV , p. 180.)
de ce triste pastiche, s'il ne nous eût fourni un nouvel exemple du sans façon
avec lequel s'imitaient ou se copiaient les poètes romains, ceux même de la Fertur habere meos, si vera est fama, libellos
belle époque, commeon les appelle complaisanment. Inter delicias pulchra Vienna suas,
(3) Tout le monde sait que le vers phalécien est composé d'un spondée, d'un Me legit omnis ibi, senior , juvenisque puerque
dactyle et de trois trochées successifs (ithyphallique), soit en tout onze syllabes Et coram tetrico casta puella viro.
(hendecasyllabus), règles auxquelles se conforme strictementnotre poète. Nous (Mart., Epigramm ., lib . VII. 88.)
devons constater cependant que la plupart de ses vers s'affranchissent de la Dicitur et nostros cantare Britannia versus.
césure après le dactyle qui donne au vers phalécien de Catule et de Martial plus (L. I. XI, 3.)
d'enchaînement et plus de légèreté tout à la fois. On remarquera aussi qu'il ré
duit à deux syllabes (trochée) les trois voyelles du mot Muia et qu'il n'élide ( 2) Catulle, que notre poète anonyme imite de préférence, comme nous le
point les voyelles des mots altum jam qui se succèdent au huitième vers . disons plus loin , avait un goût particulier pour ces sortes de refrains, que
(4 ) Nous nous contenteronsde signaler parmices hendécasyllabes d'Ausone, les poètes alexandrins avaient mis à la mode. On les retrouve dans le chantpro
le plus connu de nos poètes Aquitains, la dédicace de ses æuvres à son fils phétique des Parques et dans ces deux épithalames aussi marqué que dans la
buitième églogue de Virgile :
Latinus Pacatus Drepanius, un de ses morceaux les plus heureuxdans ce genre
(Il est lui-même imité de Catulle), et les vingt-trois vers de sa lettre à Théon , Ducite ab urbe domum , mea carmina, ducite Daphuim .
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par le petit poème qu'il nous a laissé ( 1), serait incontestable l'intimité du grand poète et dans l'étude de ses ouvrages
ment Catulle. Comme beaucoup d'excellents esprits, qui conti auront été frappés en lisant l'épitaphe de la petite Muia , des
nuaient à appeler Calulle leur poète , même après Virgile et rapports que présente cet élégant poemation avec un des mor
Horace (2 ), il était resté sous le charme de ce génie insouciant ceaux les plus réussis du poèle de Vérone, l'élégie sur la mort
et aimable ,mêlé de bons sens et de fantaisie , de sentiment vrai du moineau de Lesbie . Ce n'est pas seulement le même sujet ,
et de libertinage d'esprit, et relevant tout ce qu'il touchait par ou peu s'en faut, traité dans le même mètre , dans le même
une pureté de goût et une perfection de forme que l'on n'a goût et sur le même plan , à de rares variantes près. L'imita
point surpassées depuis. Mais il nous parait comprendre beau tion est poussée quelquefois jusqu'à des reminiscences for
coup mieux le vrai caractère de ce talent choisi, pur et élé melles , jusqu'à des images visiblement empruntées , jusqu'à
gant jusque dans ses écarts (3 ), que ne le faisait tel ou tel poète des hémistiches textuellement reproduits, comme le 0 factum
de profession , comme Martial par exemple , qui parle de male qui ouvre les deux acclamations dont nous parlions tout
Catulle à tont bout de champ et qui l'imite le plus souvent à l'heure ( 1) .Mais cet esprit d'imitation n'est-il pas un des traits
vrai cuistre littéraire , préoccupé avant tout de l'effet qu'il caractéristiques de la littérature romaine à ses plus beaux
veut produire , et toujours prêt à renchérir sur son modèle , moments ? L'élégie de Stace sur la mort du perroquet d'Ate
lors même que cemodèle aurait atteint le but. dius Melior, dont nous parlions tout à l'heure , ne nous offre
Chez notre poète , au contraire , nulle trace de métier, de t -elle pas un exemple , assez commun à Rome , d'un poème
pédantisme ou d'affectation dans aucun genre. Commebeau calqué presque trait pour trait sur un autre poème connu ou
coup d'hommes graves, occupés de choses plus sérieuses et admiré de tout le monde ; el Catulle lui -même, avait-il fait
plus importantes que la poésie aux yeux d'un vrai Romain , il autre chose qu'imiter , sans beaucoup de choix , les Grecs de
s'est senti parfois poète et inspiré ; mais il ne l'a jamais été toutes les époques, en les rajeunissant, il est vrai, par la fraî
qu'à son heure , sans renoncer aux habitudes , aux devoirs et cheur de son imagination et par la pureté sans égale d'une
aux plaisirs du monde, sans se jeter dans les labeurs et les langue ferme, sobre et choisie , comme les images sur les
tracas sans fin des gens de métier littéraire. Aux grands mor quelles elle se moule avec une merveilleuse harmonie ?
ceaux de son poète favori,au poëme un peu solennel d'Atis, au Il n'est pas inutile de rappeler, en terminant, que l'inscrip
bel épisode des noces de Thétis et Pélée , ce brillant lever de tion dont nous essayons d'apprécier l'âge et les mérites a été
rideau de l'épopée latine, il préférait pour sa part telle ou telle découverte aux portes d'une grande ville romaine , au milieu
de ces bluettes insaisissables que le poète traitait du nom de substructions antiques et de tombeaux encore en place, où
cavalier de nuge (nugæ meæ , pass.) , lout en les étudiant et en
les achevant avec amour (4 ), ses fines épigrammes brèves, inci
sives et justes comme elles le sont souvent, ses hendécasylla (1) Nous reproduisons ici les trails les plus frappants des deux poèmes de
bes, vrai modèle du genre , à l'allure tour-a - tour libertine ou Catulle sur le moineau de Lesbie , en laissant au lecteur le soin de poursuivre,
dans ses détails, la comparaison que nous nous contentons d'indiquer :
nonchalante . C'était sur ces petits chefs- d'auvre, qu'il savait
probablement par ceur , que se façonnaient à son insu les ver Passer , deliciæ meæ puellæ ,
siculi qu'il composait lui-même quand la muse le sollicitait par Quicum ludere, quem in sinu tenere,
Quoi primum digitum dare adpetenti
hasard ; et ceux de nos lecteurs qui ont vécu comme lui dans Et acris solet incitare morsus.....
(Catull. Carm . II, v. 1-4 ).

(1 ) Un poète gallo -romain dont le nom nous est parvenu entouré d'une sorte Passer mortuus est meæ puellæ ,
de célébrité , P. Terentius Varo Atacinus, ainsi nommé du Vicus Alax où il
Passer, deliciæ meæ puellæ ,
était né, comme nous l'apprend un passage de la Chronique d'Eusébe judicieu Quem plus illa oculis suis amabat.
sement interprété par notre savant ami, M. Fons-Lamothe (De l'antiquité de Nam mellitus erat, suamque norat
la ville de Limoux , p . 1-11), ne nous est connu aussi que par un quatrain
Ipsam tam bene quam puella matrem .
dont on a cité souventles deux premiers vers : Nec sese a gremio illius movebat;
Marmoreo Licinus tumulo jacet, at Cato parvo, Sed circumsiliens modo huc modo illuc
Pompeius nullo . Credimus esse deos ? Ad solam dominam usque pipilabat.
Qui nune id per iter tenebricosum ,
( 2) Catullus noster (Cic.) Catullus meus aut Calvus (Plin . jun ., Illuc unde negant redire quenquam .
Epist., lib . I. ep . 16 ). Atvobis malè sit, malæ tenebræ
( 3 ) Post Lucretii Catullique morlem multo elegantissimum poetam Orci, quæ omnia bella devoratis :
(Corn.Nepos, in Tito Pomp. Altico . C. XIII) . - Catullus quoque elegan Tam bellum mihi passerem abstulistis.
tissimus poetarum (Aul. Gell. Nocl. attic. VII, 20 ). O factum male ! lo, miselle passer ,
(1) C'est à ce culte de la forme, relevé chez lui par un goût toujours pur Tua nunc opera meæ puellæ
et un sens loujours droit, que s'adressait propablement l'épithète de docte , Flendo turgiduli rubent ocelli.
donnée souvent par les anciens à Catulle (Doctus Catullus : Tibull., lib . III, (L. I. Carm . III , v . 3-18 ).
Eleg . VI, v . 41 . Docte Catulle : Ovid ., Amor, Ni, Eleg., XV, v. 7 .
- Docti Catulli : Terentian maurus de Literis, syllabis, vers 839). Com Le trait charmant par lequel se termine le petit poème de Catulle, qui
ment admettre, en effet, avec Scaliger, que l'on ait appliqué cet éloge tout n'était point une épitaphe, il est vrai, disparait complètement dans l'épitaphe
exceptionnel à la connaissance d'un idiome que tout le monde savait à Rome, de la petite Mvia . On dirait que l'auteur a reculé , cette fois, devant cette grâce
depuis le temps de Scipiou , et à l'étude de modèles que tout le monde imitait , insouciante et ce retour égoïste de l'amant, qui rappelle les meilleurs moments
depuis Ennius . et les vers les plus exquis de notre Lafontaine.
- 30 C

elle ne se trouvait probablement point par hasard (1). Il y a dans un tombeau spécial , båti tout exprès pour elle , comme
donc plus d'une raison de croire qu'ilne s'agit point ici, comme on le faisait quelquefois à celte époque de fantaisies somp
nos lecteurs auraient pu le supposer, d'un simple jeu d'esprit, lueuses (1) , ou dans le tombeau de famille que ses anciensmai
d'aventures et d'accidents imaginaires sur lesquels un poète tres avaient fait construire pour eux au bord de la roule ; ce
auraitbrodé de jolis vers. La petite Muia , dont nous venons de qui expliquerait , pour le dire en passant , la conservation tout
retrouver l'épitaphe (titulus), gravée en beaux caractères du exceptionnelle de la dalle de marbre encastrée probablement
premier ou du second siècle sur un marbre d'une authenti dans la cella , c'est-à -dire dans le caveau intérieur du sépul
cité incontestable, était bien certainement une de ces petites cre. L'épitaphe de ce tombeau de famille , si le hasard nous
chiennes de salon ou de boudoir fort à la mode à celle époque,
dans les Gaules surtout ( 2), et vous ne doutons point , pour
notre part , qu'on ne l'ait vue et admirée plus d'une fois dans Sicaniisque crucis , senio nec fessus inerti
la ville sur les bras de sa jeune maitresse, dont l'existence im Scandit odoratos phænix felicior ignes .
(Stat. Silv . II. IV , v. 33-37).
plique à son tour celle du jeune poète , son cousin ou son ami.
Quelques théologiens soutenaient même que ces ombres animales étaient admi
Il nous parait même impossible de douter, en présence d'indi
ses dans les Champs -Elysées..... Colle sub Elysio ... (Ovide. L. 1., v. 49),
cationsaussi positives, confirmées encore par le témoignage du qui avaient, disail- on, un quartier réservé pour les oiseaux et pour les bêtes
poèle (Altum jam tenet insciam sepulcrum ) , qu'elle n'ait élé méritantes :

enterrée au bord d'une des grandes routes qui rayonnaient en Si qua fides dubiis, volucrum locus ille piarum
divers sens autour de toutes les grandes villes romaines et que Dicitur, obscenæ quo probibentur aves...
(Ovid ., L. I., v. 51, sqq.).
bordait presque partout une double rangée de tombeaux (3).
Ses restes mortels, auxquels on n'avait rien marchandé en fait Nous ne sachons point pourtant qu'aucune des épitaphes gravées sur les monu
menta de ces petits animaux leur ait appliqué formellement le titre divin de
d'honneurs funèbres , auraient été déposés (conditi, depositi ) (4 ) DI MANES , si commun sur les tombes humaines.
( 1) Hadrien , le plus fantaisiste des empereurs, il est vrai, élevait des tom
beaux somptueux à ses chevaux et à ses chiens de chasse : Equos et canes
sic amarit ut eis sepulcra constitueret (Hist. Aug. Spartian . in Hadrian ,
(1) Ce quartier, situé au -delà du Gers et du faubourg qui s'étend sur la rive
C. XIX ), et des inscriptions retrouvées en divers endroits, dans les provinces
droite de la rivière, en face de la ville, rst connu dans le pays sous le nom de
elles-mêmes, prouvent que ces coûteuses fantaisies n'étaient pas exclusivement
Chainp des Trépassés (Lou Camp deou Trepadé),qui semble indiquer un ancien
limitées aux puissants et aux riches . Nous nous contenterons d'en reproduire
cimetière chrétien enté sur une voie funèbre antique, autour du lombeau mira une, découverte par Schænwissver sur les bords du Danube : DROMO ET
culeusement retrouvé de quelque saint ou de quelque martyr (ad sanctos, ad
martyres : pass.). Mon excellent ami, M. Prosper Lafforgue, auquel je dois HYLAC .... | CANIB VENATICIS BONI. (In pago Szony. Schænwissner :
Iter Panon . I. II, p . 273, 24 ). — Quant aux dames , elles ne se contentaieot
la première indication du beau texte que je publie et avec lequel j'ai visité
point d'en élever à leurs chiens ou à leurs chiennes de prédilection (deliciæ ),
récemment le lieu où il a été découvert, m'assure que ce cimetière est resté
fréquenté jusqu'à des époques relativement récentes. elles en faisaient construire à des oisejux favoris, à des tourtereiles, à des
colombes, å des moineaux privés , à des rossignols élevés en cage, comme
(2) Ces petites chiennes, que beaucoup de femmes préféraient à leurs maris, nous l'apprend encore un vers de Martial :
Morte viri cupiant animam servare catella Luscipio tumulum .... Telesina dedit.
(Juvén . Satyr., VI, 653). (Epigr. lib . VII. 87).
venaient surtoutde la Gaule, comme nous l'apprend Martial dans un distique à des perroquels parleurs (garrulus , loquax), comme celui qu'Ovide avait
assez terne intitulé : La petite chienne gauloise, Catella gallicana : donné à sa Corinna (L. I., p. 17), et dont il a voulu célébrer aussi'la mémoire .
Delicias parvæ si vis audire catellæ Ces tombeaux , un peu grands quelquefois pour les restes qu'ils renfer
Narranti brevis est pagina tota mihi. maient :
(Epigr ., XIV , 198). Ossa tegit tuinulus, tumulus pro corpore inagnus,
Une autre catella , dont le même poète nous a conservé le souvenir et le nom , (L. I., v . 59) .
Issa, avait, à ce qu'il assure, le cæur plus tendre et l'haleine plus pure qu'une avaient chacun leur inscription en prose ou en vers (versiculi, carmen ;...
colombe (purior osculo columbæ ) ; elle était de plus si propre, même la nuit tumulo superaddite carmen . Virg.), gravé sur une dalle étroite :
(toroque deponimonet.....), si pudique , même en temps d'amour (Cuslæ
tantus inest pudor catella Ignorat Venerem ), et si compatissanle aux Quo lapis exiguus par sibi carmen babet :
plaisirs et aux peines d'autrui ( Sentit tristiamque gaudiumque), que son « Colligor ex ipso dominæ placuisse sepulcro :
maitre , un certain Publius, l'avais fait peindre d'après nature , afin que la mort Ora fuere mihi plus ave docta loqui.
ne la luienlevât pas tout entière (Hane ne lux rapiat supremu totam — Picta (Ovid ., L. I., v. 60, 62).
Publius exprimil tabella Epigr . I, 109). Notons incidemment que le C'est sur l'élégie d'Ovide , plus admirée au xviije siècle qu'elle ne le méritait,
pelit poème auquel nous empruntons ces quelques traits est écrit en vers pha que Gresset a brodé, conime on le sait, l'épopée un peu bavarde elle -même
Téciens commel'épitaphe de la petite Muia . de son Vert-Vert, le perroquet perverti des Visitandines. L'histoire de l'oiseau
(3) Voir, à propos de ces usages funèbres, un des Mémoires que nous avons sacro - saint, dont la fin prématurée avait amnistié les fautes, se termine aussi
lus ce printemps aux conférences de la Sorbonne sur la Via dei sepolcri des par une épitaphe, dont le marivaudage ne manque point d'une certaine grâce :
Convenæ (Saint-Bertrand de Comminges), récemment retrouvée au domaine
d'en-Barsous, à 2 kil. des murs antiques de la Civitas. Novices, qui venez causer dans ces bocages
A l'insu de 110s graves soeurs ,
(4) Il y a même toute raison de croire, d'après les derniers vers de la Silve
de Stace sur le perroquet favori de son ami Atedius, que ces restes encore Un instant, s'il se peut, suspendez vos ramages,
chers étaient souvent brûlés , ayant d'être inhumés, sur un bûcher aspergé de Apprenez nos malheurs .
Vous vous taisez ; si c'est trop vous contraindre
parfums et d'huiles odoriférantes :
Parlez, mais parlez pour nous plaindre .
At non inglorius umbris Un mot vous instruira de nos tendres douleurs :
Mittitur, assyrio cineres adolentur amomo Ci git Vert- Vert, ci gisent tous les cæurs.
Et tenues Arabum respirant gramine plumæ (Gresset, Vert- Vert, Chant IV . sub fine ).
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l'avait rendue un peu moinsmutilée que ne le sont d'ordinaire gnement de ces maîtres , étrangers à l'origine, avait trouvé de
les inscriptions tumulaires des Auscii, nous eût révélé très l'écho dans les vives et mobiles populations de notre Midi où
probablement le nom mystérieux de notre jeune domina , l'imagination n'attendait pour prendre son essor qu’uneimpul
escorté celte fois des noms très légaux et très avouables : sion féconde et des modèles dignes d'être imités (1) . Mais tous
ces faits, historiquement connus, ne nous laissaient pas même
« D'un idole d'époux ou de marmots d'enfants , » soupçonner les habitudes de société élégamment frivoles aux
quelles nous initient les confidences de notre poète et ce goût
et suivi, à la manière romaine , d'un de ces chiffres terribles précoce des plaisirs de l'esprit, qui se mêlait dans nos grandes
d'année, de mois et de jour qui reportent bien loin les étour villes aux aventures et aux intrigues galantes .
deries de jeunesse , s'ils ne les excusent point tout- à -fait. Cette galanterie, bien distincle des amours faciles de Rome
Ce qui reste incontestable en présence d'un témoignage et de l'Italie , où les poèles du premier siècle ne savent guère
aussi explicite que celui de notre inscription , c'est le raffine chanter que des plaisirs achetés à beaux deniers, en les nom
ment de culture auquel s'étaient élevées, en quelques généra mant quelquefois de leur vrai nom (puella mea... scortillum :
tions, les populations urbaines de notre Aquitaine, sous les Pass.) , n'est point, à notre sens , un des traits les moins
exemples et sous l'impulsion féconde de la civilisation ro caractéristiques du petit poème que nous essayons d'apprécier.
maine. En rebâtissant, très peu de temps après la conquête de Elle nous a rappelé plus d'une fois la galanterie un peu hâtive
Messala , leur ville ibérienne d'Elimberris , dont l'enceinte de la première moilié du dix -septième siècle, où la société
étroite et massive couronnait une des hautes collines que essayait aussi de renaitre, à la suite de nos guerres religieuses
baignent à l'ouest les eaux limoneuses du Gers , les Auscii et de l'anarchie féodale qui les avait précédées. L'amour,
n'avaient certainement point oublié que leur tribu était de tour -å - tour dédaigneux ou pratique chez les poètes anciens ,
puis longtemps une des premières de la nation par le chiffre nous y parait marqué d'une sorte de délicatesse et de discré
de sa population comme par l'étendue de son territoire en tion provinciale , que l'on retrouverait en Gaule dans des or
culture ; ce qui impliquait , à moins de déchéance , une posi dres d'idées très différents , et dont la Tradition paraît avoir
tion exceptionnelle aussi dans la nouvelle organisation donnée traversé l'époque romaine tout entière , préparant de loin
au pays par les Romains (1 ). Elle était la seule , avec la petile l'avènement et le triomphe des doctrines morales que le chris
ville des Convenæ , fondée depuis près d'un siècle par un géné tianisme allait formuler . N'est-ce point une nouveauté , en
ral romain et peuplée de légionnaires à moitié romains , qui effet, dans ce monde presque sans voile de l'hendécasyllabe et
eut obtenu des vainqueurs le titre et les priviléges du jus ita de l'élégie antique , que la figure à peine indiquée de notre
licum qui la plaçaient hiérarchiquement au -dessus des autres mystérieuse Domina , à laquelle on pense évidemment sans
villes de la province ( 2). Ses écoles, presque aussi fréquentées oser la nommer, même sous un pseudonyme ; dont on ne parle
au troisième siècle que celles de Toulouse et de Bordeaux dont qu'à mols couverts et par réticences, quand on aurait, à pro
Ausone a chanté les professeurs célèbres , remontaient certai pos d'elle , tant de petites confidences à nous faire , tant de
nementà une époque beaucoup plus ancienne ( 3 ) ; et l'ensei choses charmantes à nous dévoiler . Sans aller précisément
jusqu'à la femme idéalisée des Minnesinger et des romans de
chevalerie , à laquelle le christianisme lui-même n'est arrivé
(1) Aquilanorum clarissimi sunt Ausci... Urbesque opulentissimæ in que par degrés , elle nous paraît différer au moins el d'une
Auscis Elimberrum (Pomp. Mela , lib . III, 2, 4. — M.Wilh . de Humboldt
manière assez tranchée des Lesbia , des Lydia , des Cinthia , des
explique lc nom tout ibérien d'Elimberrum , par les deux mots illi et beri, qui
signifient en basque Ville -neuve : Prüfung . p . 56). Novem populos Lalage et autres créatures complaisantes avec lesquelles nous
commendant Ausci et Vasatæ (Amm . Marcell. lib . XV, C. II). ont familiarisés les poètes érotiques du temps d'Auguste. Elle
(2 ) Δεδώκασι δε Λάτιον Ρωμαίοι και των 'Ακουιτάνων τισί, καθάπερ nous rappellerait plutôt ces femmes aimables el toutes fran
AUTKLOS Xal Kwvouévals (Strab ., lib . IV , c. 2 , & 2.- On sait par Ptolémée et
çaises du xvire siècle (pourquoi ne seraient- elles pas un peu
par d'autres témoignages qu'elle avait pris le titre d'Augusta (Augusta Aus
ciorum : pass.) , à l'exemple de plusieurs autres grandes villes gauloises , qui gauloises d'origine ) ? qui, sans se draper de vertu ou de pru
croyaient donner ainsi des gages à la conquête el se créer un titre auprès d'elle derie , comme celles de l'hôtel de Rambouillet, savaient entou
par des actes d'adhésion voisins de la flatterie .
rer au moins leurs faiblesses d'une certaine dignité et inspirer
( 3) C'est dans ces écoles que possédaient, du reste , les villes romaines les
plus obscures : à leurs amants le respect en même temps que l'amour.
De conducendo loquitur jam rhetore Thule, Vous allez trouver, non sans quelque raison , que je décou
(Juven .).
que se serait formé le rhéteur Staphylius, originaire de la ville ou du pays
des Auscii (Civis Auscius), dont Ausone vante les connaissances en grammaire, dont les familles formaient, depuis la conquête , l'aristocratie municipale de
en rhétorique et surtout en histoire, où il avait lu jusqu'aux innombrables traités chaque cité ; Angustodunum (Autun ] caput gentis (des Ædues), armatis
de Varron, malheureusement perdus aujourd'hui : cohorlibus sacrovir occupaverat et nobilissimam Galliarum sobolem libera
Omnis doctrinæ ratio tibi cognita , quantum libus studiis ibi operatam ... ( Tacit., Ann., lib. III, c. 43.)
Condit sexcentis Varro voluminibus. Urbe satus Sicula costram peregrious adisti
(Auson., Profess, XX , v. 7 , sqq.) Excultam studiis quam prope reddideras ,
Nous rappellerons incidemment que ces écoles, plus ou moins célèbres, suivant dit le bordelais Ausone, en parlant d'un de ces maîtres étrangers, le grammai
l'importance des villes, étaientfréquentées surtout par la jeune noblesse indigène rien grec Citarius, originaire de Syracuse (Auson., Profess . XIII, v. 7-8 .).
32

vre bien des choses dans les dix vers de notre hendécasyllabe, trez, aumoins, que cette délicatesse de sentiment à laquelle nous
et que les conclusions auxquelles ces petites découvertes m'ont appliquions , faute de mieux , le nom tout moderne de galan
conduit, un peu å mon insu , dépassent de beaucoup les pré terie, se revêt chez notre poète de formes élégantes et choisies
misses sur lesquelles elles reposent. Il n'y avait guère d'homme qui trahiraient seules une certaine jeunesse d'imagination et
d'esprit au temps des Antonins , quelque grave qu'il fut d'ail de sentiment, aussi rare que le goût aux époques de décadence.
leurs par position et par caractère, qui ne se mêlat à certains Nous sommes heureux de pouvoir ajouler, puisque nous par
moments de poésie et de petits vers , comme on les appelait lons à un philologue éminent, que le texte de ce petit poème,
déjà : versiculi. Ces bagatelles (nugæ ) sans nom d'auteur , sans digne de Rome à plus d'un égard , nous est parvenu cette fois
date et sans provenance certaines pour la plupart , ont été tel qu'il a été écrit , sans avoir été altéré , défiguré ou inter
réunies dans des recueils spéciaux, connus sous le nom grec polé , comme le sont presque tous les textes manuscrits , par
d'anthologie. En feuilletant avec un peu d'attention ces recueils des générations de copistes dont la critique travaille depuis
intéressants à plus d'un titre , on en trouverait probablement trois ou quatre siècles à corriger les bévues .
plus d'une qui, par quelque côté , rappellerait le tour délicat et
les allures discrètes de notre petit poème. Mais vous reconnai E. BARRY,

ADDITIONS ET CORRECTIONS.

Page 28, note 4 , ligne 2... A son fils : « Ausonius Latino Pacato Drepanio , D. M. Gætula harena prosata ,
filio . » Le mot filius n'a , ici, que le sens d'ami, de jeune ami, comme le Gætulo equino consita ,
remarque, avec raison, M. Corpet, le dernier traducteur des cuvres d'Ausone Cursando flabris compara (sic),
(t. 1. p . 278). Ætate abacta virgini (sic)
Page 30, note 7. Sub fine. Speudusa lethen incolis.
Nous aurions pu citer parmi ces épitaphes intéressantes à réunir, celles de
plusieurs chevaux du Cirque. (Coporus : Burmann ., Anthol. Latin ., lib . IV , Fille des sables de Numidic , fécondés par un étalon numide , rivale de tes
n° 398. – Phosphorus : Auson . épitaphe XXX . etc.), aussi admirés de leurs vents à la course ; [te voilà ) frappée en pleine virginité et emportée à fond de
temps, que Gladiateur l'a été du nôtre , et surtout celle du célèbre Borysthenes train (STÉvôoug« de oréuôw ] aux hords (verdoyants] du Léthé où tu vas paitre
un des chevaux de chasse de l'empereur Hadrien, écrite en vers, comme la (à tout jamais). Romæ, Marini, Atti., I. I, p . 67 ; Orelli ,4322 .
nôtre, etqui paraît destinée aussi à un tombeau : On m'assure, du reste, au moment où s'achève l'impression de ce petit tra
Borysthenes alanus , Ausus fuit nocere , vail, que ces habitudes, un peu païenne d'apparence, ne sont point complètement
Cæsareus veredus, tombées en désuétude aujourd'hui(1 ). Une grande dame du Midi, fort connue
Vel estimam saliva
à Toulouse, quoique sa famille soit originaire du pays des Auscii , la marquise
Per æquor et paludes Sparsit ab ore caudam ,
Et tumulos etruscos de Roquelaure , y vivait entourée, dansles dernières années de sa vie , d'oiseaux,
Ut solet evenire :
Volare qui solebat de singes et de chiens gâtés qu'elle faisait enterrer avec honneur lorsque la mort
Sed integer juventa les lui enlevait. Un de ces tombeaux, destiné à une petite chienne, et que l'on
Pannonicos in apros , Inviolatus artus,
Nec ullus insequentem voit encore dans le parc du château de Férals (près Saint- Papoul,Aude), porte
Die sua peremptus,
Dente aper albicanti pour toute épitaphe le mot sentimental de fidélité que les épigraphistes de l'an
Hoc situs est in agro .
3865 trouveront cette fois un peu trop laconique.
BURMANN, Anthol. lat. lib . IV , n ° 399 ,
Une autre inscription , d'apparence métrique et fort supérieure, à notre sens,
( 1) On sait que le palais d'été de Tzarkoë-Sélo près de Saint-Pétersbourg , possède uu
à celle du cheval cosaque de l'ami d’Antinoüs, porte en toutes lettres les sigles hôtel impérial de chevaux invalides, et près de l'hôtel nn véritable cimetière où chaque
des Dii Manes, que nous n'avions encore constatés sur aucun de ces monuments cheval a son tombeau et son épitaphe en langue russe , plus ou moins développée, suivant
tuinulaires. l'importance des évènements auxquels il s'esttrouvémêlé.

DES FLÈCHES EN SILEX .

Un des érudits les plus recommandables du Midi nous M. Trutat n'a pas prétendu avancer que les pointes de
adresse quelques judicieuses réflexions à propos de l'article flèches en silex n'ont pas été en usage pendant la période
de M. Trutat , sur la station de Bruniquel (voir la pre dite antéhistorique ; mais il reconnait un contraste de formes
mière livraison ). Tout en regrettant la brièveté de cet trop tranché entre les belles pointes de flèches en bois de
intéressant travail , il s'étonne d'y lire cette assertion : renne trouvées à Bruniquel et les silex de la même station ,
« Toutes les flèches étaient en bois de renne ... » « M. Trutat, pour accorder aux uns et autres une destination identique. Au
ajoute M. A. de Gourgues, refuse le nom de flèches aux armes surplus, il admet positivement l'usage des pointes de flèches
de silex qui ne lui semblent pas avoir des formes assez déter en silex ; il en a même réuni une collection dans les galeries
minées pour cette attribution . Je n'ai rien vu des fouilles faites du Musée d'histoire naturelle de Toulouse ; mais il constate
à Bruniquel ; mais nous avons en Périgord des stations qui que les beaux silex taillés en flèche , avec ailes bien mar
ont beaucoup de rapport avec celle des bords de l'Aveyron , et quées, des stations du Périgord , diffèrent essentiellement de
il s'y trouve de petits silex aigus auxquels il est difficile de ceux de Bruniquel, el que l'absence de pointes de flèches en
refuser la destination d'avoir été une armature pour un pro pierre bien caractérisées , dans cette dernière station , est une
jectile ..... ) particularité à signaler .
- 33

M. Trutat s'est contenté de décrire sans conclure ; en ce ceur de pouvoir dire notre Revue , ainsi que plusieurs peu
qui concerne la période antéhistorique, cette réserve nous vent el veulent bien le dire déjà .
semble prudente , et la Revue s'en tiendra le
plus souvent aux indications, aux descrip
tions.

Nous sommes l'interprète de M. Trutat, Comme simple indication , nous reprodui


en publiant cette note et en remerciant M. le sons , de grandeur naturelle , un silex taillé
vicomte de Gourgues de la communication trouvé à Montans , près Gaillac , par M. Elie
qui la motive . Rossignol. C'est un type à ajouter , croyons
nous, aux types de flèches déjà connus ; quel
Nous serions heureux que, des divers points
ques -uns ont voulu y voir une petite hache .
du Midi , on nous fìt ainsi connaître les
Ce silex a été découvert en plein champ et
découvertes et les observations relatives à
isolé de lout autre monument de ce genre .
l'étude des temps antéhistoriques dans ces
régions. Aussi nous abstenons -nous de toute disser
tation , nous contentant d'attirer l'attention
Nos colonnes seront toujours ouvertes
sur cet élégant produit d'une civilisation pri
à ce qui peut concerner ces questions si
mitive ... Peut- être la précision et le fini avec
importantes, et dont se préoccupent vivement
lequel il est exécuté indiqueraient- ils l'em
tant de bons esprits. Notre désir est que celle
ploi d'outils en bronze ou en fer... Montans
publication soit sérieusement utile ; c'est le
fut un établissement céramique considérable
genre de succès que nous ambitionnons le
à l'époque gallo -romaine, comme l'attestent
plus , et nous nedésespérons pas de l'obtenir ,
encore de nombreux vestiges...
si les hommes voués aux travaux de l'archéo
logie largement comprise , font leur cuvre de
la Revue archéologique du Midi et prennent à B. D.

CARREAU -MOSAÏQUE DU MUSÉE DE TOULOUSE .

CARREAUX INCRUSTÉS DE L'ABBAYE DE GRAND - SELVE

( Tarn - et-Garonne).

Nous reproduisons un fragment conservé dans les galeries Le catalogue le mieux rédigé ne peut donner tous les
du Musée des Antiques de Toulouse ; il porte le numéro 223 . délails utiles, et l'auteur des lignes précédentes, le conscien
Le catalogue lui consacre les lignes suivantes : cieux et savant conservateur du Musée , nous permettra de
« Fragment de mosaïque en marbre (opus sectile), haut. compléter sa description à un point de vue dont il n'avait pas
Om 18 , larg . Om 18 . à se préoccuper .....
» Losanges en marbre rouge disposés en croix et noyés Que l'on creuse une plaque de marbre à la manière dont on
dans un bain de mastic blanc ; les vides sont décorés de carrés champlèverait le cuivre d'un émail, de façon à laisser une
en marbre noir , cantonnés chacun de quatre petits triangles bordure saillante ; que dans le creux, au lieu d'émail, on
du même. Encadrement en marbre blanc, à quatre faces con coule un ciment, el que dans ce ciment on incruste des
caves . morceaux de marbre , on aura suivi le procédé au moyen
» L'opus sectile différait de l'opus vermiculatum en ce que, duquel est exécuté le fragment que nous étudions et qui est
dans le premier système, les dessins se trouvaient déterminés ainsi tout à la fois une dalle ou un carreau et une mosaïque.
par la forme des fragments employés à la confection de la Il est aisé de comprendre quelle commodité detravail offrait
mosaique , tandis que la juxta - position de cubes à peu près ce système, comparé à celui de la mosaïque ordinaire quidevait
égaux formait loule l'ornementation du second ..... > être exécutée sur place : il permettait d'occuper simultanément
5
-– 34

Carreau - Mosaïque du Musée de Toulouse. – A 4.2 .


35

Carreaux de Grand - Selve. – A 1/3.


36

plusieurs ouvriers à faire un grand nombre de ces carreaux , el briques a dû se présenter bientôt et donner naissance aux
on pouvait aisément improviser ensuile un carrelage constituant carreaux estampés,incrustés et vernissés...
une mosaïque, même sans le secours du mosaïste, un maçon Ils sont peu conservés partout, et rares ou peu signalésdans
devant suffire à en assembler les diverses portions. De plus, la le Midi; on reconnaît à leur étude une importance qui nous
bordure de chaque carreau concourail puissamment à l'effet engage à en publier plusieurs provenant tous de l'abbaye de
général et permettait des combinaisons variées,dans lesquelles Grand - Selve ( Tarn - et-Garonne)...
la forme et la couleur des dalles de marbre se mariaient heu Ceux que nous avons vus sont exécutés en terre devenue
reusement aux tons effacés , aux détails délicats de la broderie lantôtrouge, tantôt violette par la cuisson ; les creux , profonds
mosaïque, pour les encadrer et les faire ressortir par l'opposi d'un à deux millimètres, sont remplis d'une terre blanche, et
tion des tons francs et des larges surfaces . le tout était recouvert d'un vernis , qui s'est usé presque en
Le carreau que possède notre Muséc laisse deviner le parti entier sous les pas .
qu’on tirait de ces combinaisons... La mosaïque dont il est Ce vernis ayant une teinte jaune, a donné un aspect doré à
orné procède de l'opus sectile ; les fragments de marbre qui la la terre blanche et parfois un ton vert assez prononcé ... Un
composent ont des formes diverses aux moyens desquelles ils des carreaux conservés au Musée de Montauban offre une
constituent un dessin qui ne dépend aucunement de la engobe noire posée sur la surface de la brique et servant de
nuance , car il subsisterait lors-même que tous les frag fond au dessin .
ments seraient d'unemême teinte . Le mosaïste a adopté le Tous ont été fabriqués par un procédé très simple, n'exi
blanc comme fond , le rouge et le noir comme couleurs, et geant que les quatre opérations : 1° du moulage de la brique ;
a obtenu par un moyen simple une vive opposition , un effet 2 ° de l'estampage ; 30 du remplissage du creux et du ballage ;
bien tranché, malgré la petite dimension de ses losanges, de 4 ° de l'émaillage ... l'engobe noire en exigeait une cinquième.
ses carrés et de ses triangles. Ils forment de petites briques carrées d'environ 12 centi
Mais il ne s'est pas contenté de ce résultat ; un dallage uni mètres de côté sur 3 d'épaisseur ; quelques- uns s'allongenten
quement formé de carreaux pareils eût été riche et cependant rectangle de 18 centimètres de longueur ; ils constituaient des
d'un effel monotone et pauvre : aussi a - t-il dû introduire bordures destinées à indiquer des compartiments et à enca
dans la composition de l'ensemble des contrastes plus appa drer les dessins d'assemblage obtenus à l'aide des petils car
rents de lignes et de nuances. Il a échancré chacun de ses reaux .
carreaux sur les quatre côtés, de manière à ménager entre Il est impossible aujourd'hui de se rendre compte de l'en
eux un vide assez grand dans lequel il a pu incruster un mor semble qu'offrait le riche pavé de l'église de Grand - Selve , ni
ceau de marbre ; il a peut- être adopté la disposition dont de la disposition de ses nombreux détails , car, on le sait, les
notre dessin nº 2 donne une idée . fondements même de l'édifice ont été arrachés et son empla
En calculant le rayon des courbes du carreau du musée , on cement est devenu un jardin . Des quelques carreaux que nous
retrouve aisément ce tracé ; quatre de ces carreaux , trans avons pu retrouver, les uns pavaient le seuil d'une élable ,
formés eux -mêmes en éléments d'un véritable opus sectile , d'autres sont déposés au Musée de Montauban , d'autres se
devaient laisser, par leur juxta -position , des vides disposés en trouvent en diverses mains, plusieurs nous ont été com
quatre feuilles, destinés probablementà recevoir une incrusta muniqués par M. Jouglar , l'auteur d'une intéressante mono
tion de marbre, tranchant vigoureusement sur le fond formé graphie de l'abbaye ( 1)...
par la mosaïque... Il ne parait pas que ce carrelage présentat de ces vastes
C'est assez nous appesantir sur une conception de l'art in compositions concentriques , pour lesquelles les dimensions
dustriel antique , dont les exemples, encore inconnus dans des briques étaient calculées selon la place qu'elles devaient
nos régions, ne sont pas rares en Italie ; ils constituent une occuper par rapport au centre , et dont on trouve des exemples
variété de cet opus Alexandrinum que le xie siècle a imité en dans le Nord . Nous ignorons si des bandes de marbre ou de
France , au moyen de terres cuites vernissées. Nous avons pierre le coupaient par grandes zônes ; mais il est certain que
tenu à indiquer assez longuement cette conception , parce de nombreuses dalles tumulaires y avaient été incrustées dès
qu'elle nous semble avoir donné l'idée des carreaux incrus l'origine , entre autres celle de Guillaume, seigneur de Mont
tés dont le Nord abonde et que nous recherchons dans le pellier , et celle de Foulques, évêque de Toulouse, puisque ces
Midi... dalles étaient antérieures à la reconstruction de l'église , qui
En effet, si la rareté du marbre a fait inventer l'opus fut terminée en 1252.
Alexandrinum en terre vernissée, nouscroyons que le champ Sans prétendre préciser la date de ces carreaux , c'est
levage des dalles a conduit à la fabrication des briques pré à cette époque que nous en placerions volontiers la fabrication ,
sentant en creux des dessins plus ou moins compliqués , c'est -à - dire vers le milieu du xirie siècle , nous basant pour
obtenus à l'aide d'une estampille appliquée sur la terre molle , cela , non sur le mode d'exécution , dont l'abandon n'a pas de
et que l'époque mérovingienne a souvent mises en @uvre .....
Les guillochis de certaines briques gallo -romaines en sont
peut - être un premier exemple ...
(1 ) Ceite monographie est imprimée dans le Recueil des mémoires de la
La pensée de remplir d'une matière colorée les creux de ces Société archéologique du Midi.
37

date précise dans nos contrées, mais sur le style des dessins Cette répétition de l'emblème royal n'est-elle pas un indice
dont ils sont ornés... et ne trahit-elle pas le désir d'exprimer hautement une pensée
On y peut constater l'emploi fréquent des figures géométri dominante ?
ques les plus simples, de celles surtout que le compas suffit Alphonse de Poitiers venait de succéder à la dynastie des
å tracer ; le cercle, familier au roman , y domine ; quand l'or Raymond , dont les derniers avaient été regardés comme les
nement affecte des formes moins élémentaires , il demeure ennemis déclarés de l'abbaye de Grand -Selve , d'où était sorti
sobre et large ; nulle surcharge de lignes , aucune miévrerie cet abbé deCiteaux , odieux aux vaincus. Les religieux devaient
de détails n'y accuse la dégénérescence du grand art, de la voir un protecteur dans le frère du défenseur de l'Eglise , de
grande entente de la décoration qui caractérisent le xire et venu comte de Toulouse ; ils ne pouvaientmanquer d'exprimer
le xive siècle : les chiffres , les devises , les leltres historiées leurs espérances en la dynastie nouvelle, et comme la fleur de
n'y apparaissent pas encore . Deux pièces héraldiques s'y ren lis la désignait mieux que la croix dont elle avait parti son
contrent, dont la présence est significative ; ce sontla croix de écusson , ce fut cet emblème qu'on sema à profusion sur les
Toulouse et la feur de lis... de la première, nous ne connais carreaux de la nouvelle église , à côté de la croix de Toulouse,
sons qu’un exemplaire , appartenant à M. Jouglar ; la seconde beaucoup moins répétée , comme pour les mettre tout spécia
nous en a fourni plusieurs, et notre dessin indique les modi lement aux armes de France .
fications que lui a fait subir le caprice de celui qui en traça les Ces inductions nous ont conduit à daler le carrelage de
divers modèles... Elle est pour lui un motif d'ornementation Grand -Selve de la construction de l'édifice qui l'abritait , et
auquel il revient avec complaisance, le répétant, le dévelop par conséquent du milieu du xiure siècle .
pant, le commentant à plaisir : il ne se contente pas de l'éta En le publiant, nous avons songé moins à son ancienneté ,
ler isolée sur ses carreaux ; il l'y multiplie souvent, en dispo à sa signification historique , qu'au profit que peuvent tirer de
sant les groupes pour de nouvelles combinaisons , de telle son étude l'industrie céramique locale et les architectes adon
sorte qu'en prodiguant le même motif il obtient une curieuse nés à la restauration de nos vieux monuments .
diversité, et sait éviter la monotonie . B. DUSAN .

TOMBEAUX DE SICARD DE MIRAMONT ET D'HONOR DE DURFORT.

LA GRACE - DIEU (Haute -Garonne).

La Grâce -Dieu est un modeste village du canton d'Auterive. Il y avait à la Grâce -Dieu un couvent de religieuses de
A ses pieds coule le petit ruisseau de la Rose , que les uns l'ordre de Fontevrault, fondé dans la première moitié du
appellent le Rosé et d'autres le Basset. Xile siècle et détruit par la Révolution .
Tout est poétique ici : le lieu , les souvenirs, le nom du La supérieure du couvent n'avait que le titre de prieure et
ruisseau et celui du village. non celui d'abbesse, comme l'ont avancé faussement quelques
Cette localité est placée sous la protection de saint Jean auteurs ; mais elle était seigneuresse de la Grâce- Dieu , ayant
l'Evangéliste. C'est peut-être de là que lui vient son joli nom ; droit de justice haute , moyenne et basse. Ceci ressort de
car Jean , d'après Jacques de Voragine, signifie Grâce-de-Dieu : plusieurs pièces conservées encore aujourd'hui dans les archi
- « Jean se traduit par : Grâce -de-Dieu , ou celui qui a la ves de cette commune.
► grâce , ou celui à qui l'on a donné , ou celui à qui Dieu a fait Le prieuré a complètement disparu . Des jardins et des
» un don . Ceci nous rappelle quatre priviléges que l'on re champs cultivés occupent la place où s'élevaient les cloitres et
» marque dans saint Jean. Le premier, c'est l'amour particu les bâtiments monastiques .
» lier que le Christ a eu pour lui. Le Christ, en effet, l'a aimé L'église elle -même, qui servait à la fois à la paroisse et
> plus que les autres apôtres et lui a donné de plus grandes au couvent, a subi les plus déplorables mutilations. Elle
► marques d'affection et de familiarité . C'est pourquoi on
» l'appelle : Grâce -de -Dieu ; parce qu'il a été gracieux ou ai tum est, vel cuidonatio à Deo facta est. Per hoc intelliguntur quatuor privile
» mable pour le Seigneur (1). ) gia quæ fuerunt in bealo Jobanne. Primum est præcipua Christi dilectio .
Christus enim præ cæteris apostolis eum dilexit et majora dilectionis ct fami
liaritatis signa ostendit . Et indè dicitur : Dei Gratia , quià Domino gratiosus.
(1 ) Johannes interpretatur DeiGratia , vel in quo est gratia , vel cui dona (Leg . aurea ).
38

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Tombeau de Sicard de Miramont. — A 9/100 . CC .


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Tombeau d'Honor de Durfort.
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gardé de sa splendeur passée que l'admirable tombeau de Le couvercle , renversé à l'angle du hangar , sert de man
Sicard de Miramont , que l'on considère comme l'un des bien geoire aux pourceaux !
faiteurs du couvent. Le tombeau de la noble châtelaine seraitdignepourtant d'un
Au - dessous de la statue et sur le biseau du couvercle, règne meilleur sort.
l'inscription suivante en belles lettres du xie siècle : « Anno Les décorations dont il est orné différent de celles qui rè
» Ini M. CC . LXXX. VII. nonas Septembris obiit nobilis gnent sur le tombeau du chevalier. Le milieu de l'auge est
» vir . dns. Sicardus de Miramonte , miles , cujus anima requiescat occupé par un quadrilobe semblable à ceux que l'on voit sur
» in pace. Amen . Pater noster. » le tombeau de Sicard ; il enferme un écu chargé d'une croix
Une série de quadrilobes dans le goût du XIIe siècle se perronée . De chaque côté de cet écu s'élance un gracieux
développe sur les flancs du tombeau , enfermant chacun un rinceau de pampre dont les volutes s'épanouissent en une
écusson chargé d'une pièce héraldique alternativement répétée. feuille de vigne déchiquelée .
C'est tantôt une croix perronée , et tantôt un lion rampant. Le portrait d'Honor de Durfort est gravé au trait sur le
L'écusson du milieu est seul chargé de pals . couvercle . Ses pieds , dont on aperçoit à peine l'extrémité ,
Sicard deMiramont (Sicardus de Miramonte, de Miromonte), sous les longs plis de sa robe flottante , reposent sur un gros
probablement fils de Bernard , un des témoins nommés dans chien accroupi .
le traité de paix entre saint Louis et Raimond VII (1229 ) , Des écussons sont disposés sur le biseau , près des quatre
joua un certain rôle dans les évènements qui suivirent la angles du couvercle. Ils portent les mêmes pièces héraldiques
croisade contre les Albigeois. Il figure dans un hommage que ceux qui décorent le tombeau de Sicard de Miramont.
au dernier Raimond (1237) et fut un des commissaires cbar Sur l'un des biseaux est gravée l'inscription suivante, disposée
gés de recueillir les serments de fidélité dans le Toulousain et sur trois lignes parallèles : « Anno Christi M. CC.LXXX. VII.
l’Albigeois, le Rouergue , le Quercy et l'Agenais (1243). On le » XIII. Kal. Aprilis , obiit Dna Honoris de Duroforti , monaca ,
retrouve l'année suivante comme témoin des hommages des » uxoris Dni Cicardi deMiramonte , militis, cujus animaregescat
comtes d'Astarac et de Comminges .... Il vend au comte Rai » in pace, Amen ( 1). )
mond : « Totum jus et dominium ... in castro sanctæ Gavellæ . » Fera - t-on quelque chose pour arracher ce précieux tombeau
En 1265 , Roger Bernard , de Foix , jure paréage el fidélité... à la malheureuse destinée qu'il subit ? Ce serait fort à désirer.
« Dominis castri de Savarduno et nobilibus viris ejusdem castri, Pourquoi, par exemple, n'aurait-il pas sa place à côté du tom
videlicet... et D. Sicardo de Miramonte ... beau du chevalier Sicard de Miramont, dans l'église de la
Grâce- Dieu ?

Nous avons voulu seulement, dans cet article trop court, signaler l'existence
de ces deuxmonuments dignes de tout intérêt. Nous laissons à la plume exer
On voit à Miramont, peu distant de la Grâce- Dieu , dans une
cée de notre directeur, dont il ne nous est pas permis de faire l'éloge, le soin
ferme située à l'entrée de la ville , le tombeau d'Honor de Dur de les décrire au point de vue de l'art.
fort, femme de Sicard de Miramont. L'auge de ce tombeau,
placée dans la cour à côté du puits , sert à abreuver les beufs L'abbé M.-B. CARRIÈRE ,
et les chevaux de la ferme. de la Société archéologique du Midi.

En publiant les deux tombeaux que M. l'abbé Carrière nous veut bien nous laisser libre d'ajouter le détail suivant à ceux
a fait connaitre , la Revue archéologique du Midi inaugure une qu'il a donnés.
série de dessins et de courls articles qu'elle doit consacrer Quoique relevant des comtes de Foix pour la majeure partie
aux monuments analogues épars dans nos contrées... de ses biens , Sicard parait avoir été un des familiers des

Outre que ces monuments racontent avec éloquence l'his comtes de Toulouse , car il fut un des principaux témoins en
toire du pays , ils sont de précieux documents pour l'étude tendus dans l'enquête obtenue par Raimond VII , pour établir
des meurs , des costumes , des beaux -arts et de l'épigraphie que son père était mort dans la vraie foi et qu'il avait droit å
des diverses époques. la sépulture religieuse (1249). Dans sa longue déposition , il
Nous espérons en publier un assez grand nombre pour que dit, entre autres choses , que le matin du jour où mourut Rai
nos lecteurs possèdent plus tard un ensemble rare et vraiment
interéssant à ces divers points de vue. Autant que possible ,
nous commencerons par les tombeaux inédits et datés. (1) Quant aux armoiries répétées sur les deux tombeaux, il est certain
Ces deux condilions se trouvent heureusement réunies pour que la croix perronée appartient aux Miramont; la place même qu'elle occupe
sur le sarcophage . d'Honor, la droite , est toujours celle des armoiries de
ceux de la Grâce - Dieu ; de plus , ils ont une certaine impor l'homme ; de plus, on retrouve cette même croix sur le tombeau de l'évêque
lance historique , ainsi que l'indique M. l'abbé Carrière , qui Bertrand de Miramont, daté de 1285, à Saint-Bertrand de Comminges.
- 41

mond, il l'avait accompagné à l'église de la Daurade... « Mâ forme du prisme pour devenir la dalle gravée où se trouve
Die quâ decessit , ipse testis ivit cum eo ad ecclesiam beatæ Mariæ reproduite l'image du défunt. Peut- être faudrait-il attribuer à
Deauratæ (1 ). l'intervention monastique les souvenirs du symbolisme ancien ,
On le sait , l'enquête n'aboutit point, et les ossements du traduits sur ce sarcophage à un moment où ils tendent à dis
comte se réduisirent en poudre dans un misérable coffre de paraître partout.
bois ; sa tête traîna longtemps dans quelque sacristie comme Le tombeau de Sicard aurait été conçu sous une tout autre
objel de curiosité , tandis que Sicard de Miramont , le témoin inspiration ; l'idée guerrière et féodale y domine exclusive
qui s'était efforcé d'obtenir pour lui l'aumône d'une sépulture, ment ; le chevalier dort dans son costume de guerre, les pieds
reposait en paix dans son cercueil de marbre, à côté de celui appuyés sur un lion ; sa colte - d'armes, ses gants sont armo
de sa femme Honor de Durfort. riés , le sculpteur n'a pas trouvé de plus rationnelle , de plus
Comment expliquer le titre de monaca donné à celle - ci du belle décoration pour le corps du sarcophage qu'une ceinture,
vivant même de son mari , qui, d'après les deux épilaphes , qu'une litre d’écussons ; il l'interrompt à peine pour placer un
n'estmort qu’un an après elle ? Faul-il constater ici un trait christ en croix sur un des petits côtés , au -dessous dela tête
des mæurs de l'époque ? Les deux époux auraient-ils , d'un du chevalier ; c'est là le seul signe religieux que porte le tom
commun accord , renoncé à la vie conjugale , et Honor se beau , et ce signe n'a rien de symbolique . La statue couchée
serail- elle donnée au monastère de la Grâce- Dieu ? sur le couvercle est , elle aussi, une innovation ... Nous ne
prétendons point qu'il n'y en ait pas des exemples antérieurs ,
En dehors des souvenirs historiques, les deux tombeaux qui mais nous les croyons rares , au moins dans le Midi, où l'on
nous occupent , nous paraissent intéressants comme exemples sculpla longtemps les couvercles de sarcophage en forme de
de la transition du style roman à celui qui prévalut au mnie siè toilure. Les tombeaux des comtes de Toulouse , à Saint
cle ... Ils conservent encore tous les deux l’antique forme du Sernin , en sont une preuve...
sarcophage ; l'ornementation de celui d'Honor est inspirée par Mais si certains détails des deux monuments que nous
les traditions anciennes, par les allégories mystiques des pre étudions révèlent de nouvelles tendances artistiques et une

miers siècles ; la vigne y étale encore ses rinceaux sympoli rupture prochaine avec les traditions romanes, l'exécution
ques ; mais l'influence d'idées plus récentes y fait apparaitre de leurs ornements rappelle encore beaucoup le faire des vieux
les signes héraldiques, et le couvercle ,le toit, lend à perdre la maitres méridionaux... Le trait gravé domine sur le tombeau
d'Honor ; les reliefs de celui de Sicard sont peu prononcés ,
la sculpture en est encore méplate , on dirait de vraies décou
(1) Nous devons à la bienveillance de M. G. Caussé la connaissance et la pures de marbre, appliquées sur un fond de marbre .
communication d'une copie qu'il possède de cette enquete dont l'original est
probablement perdu et que nous croyons inédite. M.Caussé, qui a l'intention Ici la sobriété du moyen donne un effet puissant en har
de la publier, nous perinet d'en extraire encore le passage suivant, important monie avec la sévère simplicité et le grand air des lignes
:

pour l'histoire da monastère de la Grâce-Dieu :


générales ; le style ogival n'a pas encore fait oublier la con
« Gaudina, priorissa domus Gratiæ -Dei monialium , testis jurata , requisita
dixit : Quod per quinquaginta annos stetit continue in monasterio suo, et vidit ception une, calme et large, familière au roman , comme il le
quod dictus comes , tempore guerræ , tenebat ibi defensorem suum qui defen fera plus tard en enlassant les moulures compliquées et les
debat eas et monasterium et res ipsius, et quandò res ipsius rapiebantur, facie
hors- d’æuvre ; s'il amaigrit déjà les contours, il laisse se
bat eis restitui ita scilicet quod sacerdotem earum fecit liberari cùm esset captus
et cùm faceret queri dictum capellanum , providit Tholosæ viginti quinque mo trahir clairement la persistance du génie méridional à travers
nialibus per octo dies ... Item dicit quod audivit dici a monialibus dicii monas les importations gothiques de l'école de France qui ne s'épa
terii quod ollim dedit quinquaginta saumatas bladi dictis monialibus, cùm mul
nouirent jamais complétement sur notre sol.
tum indigerent, et quod multa alia bona faciebat eis quæ appreciantur centum .
» Rayrnunda de Miramonte, etMartra, et Falos, et Bonaur, et Mascarasa , et Aussi les tombeaux de la Grâce-Dieu peuvent- ils, selon
Bonassias , et Magna de Miramoute , et Beatrix , et Florentia , et Cauzio , et nous, être rangés au nombre des auvres, rares aujourd'hui,
Dulcia de Montealto , et Joanna , et Raymunda de Tarn , et Bernarda de Tarn ,
dont l'étude permet d'apprécier en quoi nos trecentisti ont
et Izabelia et Petrona, et G -ralda, et Emengarda, monialisGratiæ - Dei... de ...
de... idem quod Priorissa... Item omnes dicunt quod dictus comes humiliter fait preuve d'originalité et quelle est la physionomie particu
rogabat tas ut rogarent Deum pro eo ... » lière de l'artméridional au xixe siècle. B. Dusan .

6
42

ETUDE SUR L'HISTOIRE DES INSTITUTIONS SEIGNEURIALES ET COMMUNALES

DE L'ARRONDISSEMENT DE GAILLAC ( TARN ).

En principe, nous n'admettons pas les travaux purement historiques dans la plades qui occupaient le territoire de l'Albigeois, en l'an 121 .
Revue; nous faisons une exception en faveur de celui de M. E. Rossignol, Les Arvernes étaient gouvernés par un roi fils de roi, et vers
parce que, de fait, son étude est d'un intérêt général pour le Midi, qu'elle
peut offrir un grand secuurs dans les recherches archéologiques et qu'elle peut l'an 60 , les 'magistrats et le peuple condamnaient au supplice
servir de modèle pour des ouvrages du même genre dont nous regrettons la du feu un des leurs qui avait voulu rétablir la royauté héré
rareté.
ditaire . La révolution s'opéra donc dans les premières années
Quant au mérite de l'oeuvre, nous sommes de l'avis de l'Institutde France,
qui l'a distinguée , et de l'Académie de Législation de Toulouse , qui l'a cou du siècle qui précéda la venue de Jésus -Christ , et elle tenait,
roonde. au bout de cinquante ans, toute la Gaule (1 ).
(LA DIRECTION . )
La population de la Gaule peut se diviser en plusieurs
classes : celle des prêtres , des nobles, des riches et des
chefs militaires , celle du peuple , subdivisée en habitants
des villes et habitants des campagnes , et celle des esclaves
qui était peu nombreuse. L'ordre des prêtres était composé
des druides qui en étaient les savants et qui rendaient
CHAPITRE PREMIER .
la justice , des ovates ou vates chargés de la partie extérieure
du culte et de la divination , et des bardes , poéles sacrés et
Introduction.– Coup -d'ạil rapide sur l'étatdela société gauloise , gallo- romaine profanes : cet ordre était électif el se recrulait indistincte
et franque. - Origine de la féodalité , du servage et des communes.
ment dans tous les rangs de la société. Les peuples des cam
pagnes élaient attachés au domaine qu'ils cultivaient , et ne le
Au moment de la venue des Romains , le territoire de la quillaient que pour suivre leurs maitres à la guerre. Ceux des
Gaule était partagé entre trois peuples de race différente , villes, ouvriers et artisans, avaient d'abord élé esclaves ; mais
lous divisés en plusieurs Élats ; les Galls proprement dils, ils étaient alors presque libres .Cependant, César ne comprend,
qui en occupaient la plus grande étendue, complaient, grou parmi les habilanls de la Gaule jouissant de quelque conside
pées en plusieurs branches , soixante-deux nations qui se sub ration , que les nobles et les prêtres.
divisaient en plusieurs centaines de tribus , toutes reliées Les Gaulois élevaient des bestiaux ; puis ils s'occupèrent
entre elles par les liens d'une fédération . Leur gouvernement d'agriculture et avec succès , car on leur rapporte l'invention
avait été théocratique et puis militaire; il était alors démocra de la charrue à roue , l'emploi de la marne comme engrais el
tique . Aux Druides , qui durent en effet exercer d'abord des tonneaux cerclés pour le vin ; ils exploitaient aussi les
l'autorité la plus absolue sur toutes les classes de la société , mines et élaient habiles dans l'art de tisser. La vie de famille ,
succédèrent dans l'administration les chefs militaires ; mais d'abord presque nulle chez eux, puisque la femme élait tenue
bientôt , profitant de leurs dissensions, les peuples des villes dans l'asservissement, s'était peu à peu formée, et au milieu
se rendirent indépendants , chassèrent les rois et les chefs du premier siècle, la communauté des biens fut admise entre
absolus et élirent des magistrals pour les gouverner. Celle époux .
révolution , qui n'est pas sans analogie avec la révolution Les Romains, après avoir conquis et pacifié la Gaule , tra
communale du moyen -âge , triompha partout après des luttes vaillèrent à son organisation politique et administrative ; la
violentes. Ici fut établi un gouvernement de notables et de fusion s'opéra bientôl entre les vainqueurs et les vaincus, et
prêtres, ou de notables seulement , formant un sénat souve la population gallo -romaine devint Norissante . Ses institutions
rain avec des chefs civils et militaires , temporaires ou à vie., furent, en partie , celles du peuple conquérant. Au ve siècle ,
et là un gouvernement démocratique , où le peuple nommait , au moment où l'empire allait devenir la proie des Barbares, la
soil uu sénat, soit un roi , tout en conservant lui-même le Gaule , sous le rapport civil et judiciaire , ſormait une préfecture
plus grand pouvoir. et deux vicariats divisés en provinces. Au dessous de la pro
Cette révolution commença par les nations de l'Est et du vince était la cité, qui comprenail un district rural avec ses
Midi, les plus policées de la Gaule, par suite du voisinage des bourgades et ses pagi ; la cité élait gouvernée par un sénat
colonies grecques établies sur les bords de la Méditerranée ,
et on peut en fixer la date , pour la nation des Arvernes , à
aquelle se ratla chaient, par les liens de l'association , les peu (1) Amédée Thierry, Histoire des Gaulois , liv . IV , chap . I.
43
nommé curie , qui correspondail immédiatement avec les gallo - romaine comprenait la noblesse municipale , le clergé, la
chefs de la province. Sous le rapport militaire, il y avait un population libre des villes, forméu des artisans et des indus
maître des milices dans la préfecture , el un comte dans chaque triels de toute classe réunis en corporation , la population des
vicariat. Arrêtons-nous un moment sur l'organisation de la campagnes formée des colons altachés héréditairement aux
curic, à laquelle les municipalités du moyen - âge emprunlèrent champs qu'ils cultivaient , des clients , colons affranchis, et
quelques- unes de leurs allributions. des petits propriétaires incapables de payer l'impôi, réduits à
A partir du règne de Dioclélien ( 284-304) , chaque ville se mettre sous le patronage de quelque riche, et enfin des
d'Italie eut un collége municipal composé des ciloyens les esclaves.
plus riches , en nombre variable , mais ordinairement de cent ; Tel était l'état de la Gaule au commencement du ve siècle ,
ce collége était appelé diversement ordo decurionum , curia , où les Barbares vinrent l'occuper et apporter des éléments
senatus, et ses membres , décurion , curial, sénateur. Quelque nouveaux à sa constitution .
temps après, les cités gauloises eurent aussi leur curie , mo La conquête des provinces méridionales de la Gaule par les
delée sur la curie romaine. Les décurions élaient héréditaires Visigolhs et leur établissement dans ces contrées n'eurent pas
et se recrutaient, quand il venait à en manquer, parmi les lous les caractères de violence qu'on saurait croire ; ces Bar
citoyens les plus qualifiés de la ville. Deux ou quatre d'entre bares étaient à moitié civilisés lorsqu'ils y pénétrèrent , et ils
eux, appelés duumvir ou quatuorvir et même consules avaient le en obtinrent d'ailleurs bientôt (418 ), des empereurs romains,
pouvoir exécutif et judiciaire . Ce dernier , presque nul en la cession légale . Il se fit un partage régulier des terres entre
matière criminelle , était assez élendu au civil ; le président les Barbares et les Gallo - Romains , el le Code de ces derniers,
de la province connaissait , par appel , de leur sentence . Les après l'organisation , eut la plus large part dans celui des vain
décurions nommaient encore des édiles qui s'occupaient de la queurs. Ceux -ci respectèrent les instilutions municipales , et
police des rues et des chemins , de la salubrité et du bon sous leur domination , la curie, devenue démocratique, agrandit
ordre , et un curateur ou censeur , élu pour cinq ans, qui était le cercle de ses attributions : elle eut la justice criminelle , la
le premier officier de la curie : il s'occupait des édifices et nomination de tuteurs , les émancipations et autres pouvoirs
des travaux publics, de l'administration des finances prove réservés précédemment au préteur ; le comte, au nom du roi,
nant d'un patrimoine propre ou des impôts levés au profit de avait alors le commandement des troupes , le recrutement , la
la curie , et de la consommation des denrées. La curie avait levée des impôts et la sanction des jugements criminels. La
ses nolaires , ses labellions , ses scribes salariés. Chaque con fusion s'opéra insensiblement entre les deux peuples, et on vit
sul , au sortir de sa charge , pouvait présenter au choix des des Gaulois à la cour du roi Alaulphe , à Toulouse .
décurions un candidat pour le remplacer. Il s'opéra bientôt Il n'en fut pas ainsi de la conquête des Francs . Celle -ci
des réformes dans l'organisation de la curie , dans le sens du eut tous les caractères de la force brutale ; mais à mesure

despotisme impérial , et à la suite fut institué ( 365 ) l’office qu'elle s'avançait vers le Midi , elle perdit peu à peu de sa
de défenseur , conféré par lous les habitants de la ville réunis violence : elle délruisit toutes les instilutions dans le Nord ,
en assemblée générale . Le défenseur, pris hors de la curie , composa avec le pouvoir municipal entre la Saône et la Loire ,
élait élu pour cinq ans, puis pour deux seulement; il devait et respecta , dans les contrées méridionales , les établissements
garantir les habitants de toute classe contre l'arbitraire , d'où formés par les Visigoths. Aussi , dans ces dernières , le régime

qu'il vînt , surveiller la conservalion des propriétés munici municipal se conserva-t- il , tandis que dans le Nord , les ins
pales et assurer l'exécution des lois ; il eut l'instruction des titutions tinrent presqueexclusivement du régimegermanique ;
affaires criminelles, el en matière civile, le jugement de toutes elles se mélangèrent dans les Etats du centre , et là prit nais
les causes de 60 à 300 sous ; il était enfin l'avocaldes pauvres, sance , du rasselage, la féodalité, qui peu à peu gagna toute la
Gaule .
le protecteur du peuple contre les abus du pouvoir (1).
De l'institution , par le suffrage universel le plus large , du Le rasselage était d'origine germanique. Après la conquête ,
défenseur dans le régime tout aristocraliqne jusque-là des mu le chef suprême ou roi distribua à chacun de ses guerriers
nicipes gallo-romains, date , dit M. Augustin Thierry (2 ) , le une part des terres des vaincus , se réservant de les reprendre
principe militant de la municipalité du moyen -âge , le premier à volonté ; bientôt ces guerriers prétendirent avoir leur lot en
germede la démocralie . Cependant cette magistrature ne dura toute propriété et héréditairement , ainsi que les dignités po
pas longtemps ; elle fut partagée d'abord par le clergé qui ve litiques dont ils étaient revêtus, sous la seule condition de foi
nait d'entrer dans la curie , et puis remise tout entière entre et hommage envers le roi, et ils parvinrent, à la faveur des
désordres des vue et vire siècles , à faire agréer ces prélen
ses mains : ainsi la curie se désorganisait dans les villes ; mais
en même temps elle se répandait dans les campagnes , et la lions. Charlemagne profila du vasselage comme lien militaire
plupart des villages eurentleurs décurions. — Alors la société et le réglementa ; mais après lui, il devint plus puissant,
favorisé par le démembrement de l'empire et les partages ter
ritoriaux modifiés plus d'une fois sous un même règne. Alors
les comtes , les ducs et les autres officiers exploitèrent babi
(1) Faurie!, Histoire de la Gaule meridionale , sous la domination des
tonquéranis Germains . lement, à leur profil, les tendances des populations à se sépa
(2 ) Considérations sur l'histoire de France , chap . VI. rer de l'empire ; ils surent conserver leur autorité dans les
44 -

provinces et se rendre eux-mêmes indépendants. Mais en ce et aux colons romains, devint ainsi d'une chose mobilière
moment, le vasselage se trouva modifié dans son principe el une chose immobilière . Les hommes libres ruinés, et les causes
passa à la terre , qui devint vassale d'une autre, el se transmit d'un revirement de fortune ne manquaient pas dans ces temps
par succession et par droit de primogéniture. Au xe siècle , la de troubles, accouraient aussi à la campagne pour gagner leur
féodalité fut définitivement constituée et s'empara des rênes vie en travaillant dans les champs. A celle époque , de grands
du gouvernement ; les liens qu'elle élablissait entre le tenan défrichements s'opéraient de tous côtés; sous les auspices
cier d'un fief et le suzerain étaient bien faibles entre les des religieux et puis des seigneurs , il se forma bientôl , des
puissants feudataires , les pairs du nouveau roi ; mais ils fu classes de la société déjà cilées, hommes libres déchus, lites ,
rent, comme il a été dit , le point par où le souverain de l'Isle colons et esclaves parvenus à une demi-liberté , une masse
de- France put légalement primer les autres souverains, et par d'agriculteurs et d'artisans ruraux. Les cabanes isolées se
suite ils rendirent possible dans l'avenir l'unité de l'empire. groupèrent en hameaux qui devinrent, pour la plupart , des
La féodalité , dernier mot d'une longue crise sociale , fut le villages où une église ne tarda pas à s'élever, érigeant le vil
triomphe des maurs germaniques sur les meurs romaines ; la lage en chef-lieu de paroisse et créant ainsi une nouvelle cir
souveraineté et la juridiction furent morcelées , lous les pou conscription rurale. L'esclavage antique se trouva transformé
voirspublics transformés en priviléges domaniaux, l'idée de no en servage de la terre . Au xe siècle , l'esclave appartint, en effet,
blesse attachée à l'exercice des armes et celle d'ignobilité à plutôt à la terre qu'à l'homme. Précédemment , quand il était
l'industrie et au travail (1 ). La féodalité fut favorisée par la altaché an champ, il pouvait, à la volonté du maitre , être
dissolution de la société gallo -romaine dans nos provinces canlonné sur tel ou tel point du domaine, forcé d'habiler telle
méridionales. Elle portait dans sa constitution les éléments case ou telle aulre ; mais alors il fut allaché à un endroit fixé el
mêmes de sa désorganisation : le fractionnement indéfini du cultiva un héritage particulier avec lequel seulement il pouvait
pays sous le rapport politique ; par là , la royauté put consti être vendu. L'esprit de famille commença dès cemoment pour
tuer peu à peu l'unité de son gouvernement. Les grands fiefs se le serf, car il n'est plus maintenant appelé que de ce nom , et
divisèrent , et il s'établit un nombre incalculable de petites bientôt le serf aspirera à son affranchissement.
seigneuries, « Etats formés au sein de l'Etat, que leurs pos Ce fut là une révolution non moins grande que celle qui
sesseurs gouvernaient à leur plaisir et volonté. - Voyons avait fait la féodalité , et de même que le seigneur avait lulté
qu'étaient devenues , au milieu de celle immense révolution , contre le roi, le vassal avait lutte contre le seigneur : au
les autres classes de la société. commencementdu xie sièle, ces deux institutions , la féodalité
et le servage , comprenaient presque exclusivement toutes les
La Gaule entièrement soumise aux Francs , il y eut en classes de la société . Le seigneur avait sur son fief loul com
présence deux races d'hommes qui n'avaient de commun que mandement , toute administration et toute justice ; le serf, le
la religion : les Gallo - Romains avec leurs citoyens libres, leurs vilain comme on le nomma bientôt, obéissail et travaillait , et
colons ou cultivateurs et leurs esclaves domestiques ; les Bar était soumis à toute sujétion , sauf l'esclavage. Les seigneurs
bares avec leurs guerriers, leurs colons ou lites et leurs escla voulant accroître leur pouvoir ou seulement le maiutenir , et
ves. Dans ces diverses classes , la hiérarchie était ainsi élablie : les serfs aspirant à leur affranchissement et à la vie civile , il
le premier rang, au Franc et au Barbare vivant sous la loi s'ensuivit une agitation qui amena une rénovation complète ,
franque; le second , au Barbare (Burgonde , Goth et autre) dont le signal fut donné par les villes. Là , en effet, la tradi
vivant sous la loi de sa tribu , puis le Gallo -Romain libre et tion des mreurs romaines s'était obscurement conservée,
propriétaire et le lite ou colon germanique, puis le Gallo -Ro et quand les seigneurs voulurent réagir contre les quelques
main colon , puis l'esclave gallo - romain ou barbare . Les no libertés qu'ils avaient encore , leurs habitants ne purent se
bles , les riches et les industriels gallo -romains habitaient les faire à la servilude, et faisant appel à leurs souvenirs d'indé
villes avec leurs esclaves domestiques , tandis que les riches pendance , ils se soulevérent et rélablirent les municipalités.
Francs habitaient la campagne , vivant sur leurs domaines du Les villes d'Italie donnèrent les premières l'exemple dans la
travail des lites et des anciens colons qui y élaient allachés. seconde moitié du XIe siècle , et le mouvement révolutionnaire
Par degrés , les nobles Gallo -Romains imitèrent la manière de gagnant de proche en proche s'étendit , au XIIe siècle , aux
vivre des conquérants , et alors le clergé et les classes villes de l'est et du midi de la Gaule . Dans ces dernières , les
moyennes des villes conservèrent seules le dépôt desanciennes traditions gallo -romaines ne furent jamais complètement
traditions. élouſſées, et le droil romain s'y était en parlie maintenu . Les
Peu à peu , sous l'influence des idées chréliennes et aussi souverains respectèrent là , plus que partout ailleurs , ces tra
par intérêt, le riche Barbare établit son esclave comme labou dilions, et, favorisée par les évêques et les abbés , la société
reur ou artisan sur une portion fixée de son domaine , et à urbaine montra , surtout dans le comté de Toulouse, au com
son imitation , le Gallo -Romain envoya aux champs son esclave mencement du xie siècle , quelques symptômes de renaissance
domestique de la ville. Celui-ci, assimilé presque aux lites et civile : aussi les cités de ce pays eurent loutes , au xie siè
cle , une administration municipale libre , soit à l'imitation
des villes de l'Italie , soit par une simple et naturelle réminis
( 1) Aug. Thierry, Essai sur l'histoire du Tiers -Etat, chap . I. cence de leur condition politique antérieure .
- 45

Dans le Midi, la révolution communale se fit pacifiquement; tent les documents écrits relatifs à la contrée. Le travail de

7
elle fut violente dans le Nord , où la commune jurée jaillit de rénovation sociale s'opérail déjà , provoqué par les immenses
l'antagonisme entre la féodalité et la population industrielle défrichements du sol entrepris surtout sur l'initiative des reli
des villes. Le mouvement partout consommé dans les cités gieux . En 920 , l'archidiacre Bénébert donna aux chanoines
se répandit dans les campagnes, où il trouva les classes agri d'Albi des lerres et des vignes situées à Cels , à Pompirac et å
coles admirablement disposées pour le faire triompher : aux Avės, au district de Monlans , où une église s'élevait en l'hon
xure el xitie siècles, tous les bourgs et villages eurent une or neur de sainte Cécile . Une colonie de religieux bénédictins
ganisation libre , ici arrachée violemment au seigneur , là vint s'établir à Gaillac et imprima une impulsion nouvelle aux
octroyée généreusement et intelligemment par lui. — Mainte défrichements . Sous la direction intelligente des moines , le
nant, la royauté trouvera dans les communes un appui contre sol était partout remué ; une foule de colons accourul se
la féodalité ; elle en triomphera , et réagissant alors contre les ranger autour d'eux , une ville ſul fondée , el au bout de quel
communes , elle leur enlèvera peu à peu loutes les libertés , ques années, elle eul deux églises dans son enceinte . Il en fut
préparant ainsi l'unité réelle de l'Empire . de même à Vieux , où une autre colonie de religieux élait
depuis longtemps établie, et que nous avons trouvés , en 951,
donnant à leurs vassaux des terres à planter en vigne, sous la
réserve du quart des fruits et de la dime. Les premières con
cessions territoriales qui furent faites aux religieux compre
naient des domaines francs et libres de toute redevance avec
pouvoir d'en disposer à leur gré, c'est-à - dire en alleu , ad alo
CHAPITRE II .
dem . Ainsi , en 941, les religieux de Vieux avaient des alleux
importants dont le nombre fut encore augmenté, en 961, par
Aperçu historique sur la formation des seigneuries et des communes de l'ar Raimond ler, comte de Rouergue et d’Albigeois en parlie , en
rondissement de Gaillac, sur leur développement et leur absorption par la
royaulé : état de l'arrondissement sous les Romains et les Barbares ; défri même temps qu'il donna à l'abbaye de Saint -Michel de Gaillac
chement du sol par les religieux ; châteaux -forts ; guerre des Albigeois ; les alleux de Brice , de Vertus et de Sagnes. Bientôt ces do
émancipation des serfs, propriété accessible à tous , fixation des droits sei maines leur ſurent cédés en toute souveraineté avec les droits
gneuriaux , communes ; gouvernement des comiles de Toulouse ; leur ten
dance à l'unité politique et administrative de leurs Etals ; gouvernement libé seigneuriaux et judiciaires qui en dépendaient.
ral dans le principe des rois de France , comtes de Toulouse , progrès du En 972 , Frolaire , évêque d'Albi , consacra un autel dans
pouvoir royal ; centralisation générale.
l'église de Saint-Michel , en présence de Raimond , comte de
Rouergue, et Garsinde, comtesse de Toulouse , lutrice de son
A la suite des bouleversements qu'amena le démembrement fils, comte d'Albigeois en partie , avec Raimond. A celle occa
de l'empire carlovingien, l'Albigeois se trouva érigé en comté sion , il donna aux religieux plusieurs mas el églises ; les
avec un chef indépendant et héréditaire ; il fut réuni, vers la comtes confirmerent sa donation , et de plus , stipulant que
fin du ixe siècle, au comté de Tonlouse , et forma plus tard les religieux suivraient toujours la règle de saint Benoit, ils
une vicomté dont les possesseurs enrent successivement les leur cédèrent la ville de Gaillac , avec les chevaliers et les
vicomtés de Nimes, de Carcassonne et de Béziers. hommes qui l'habitaient , et les finances et droits de justice ,
Dans la partie de celle contrée que comprend actuellement de vente , d'entrée et de sortie ; dono... ipsam villam Gallia
l'arrondissement de Gaillac, il ne se trouvait aucune grande censem ... et milites et homines universos.., ut habeat etpossideat
cité gallo - romaine ; quelques bourgs , plusieurs villages et sub proprio dominio. Sur un autre point du territoire , Pons,
beaucoup de bameaux avec un nombre infini de chefs- lieux comte d'Albi en 987, donna en alleu el en toute propriété aux
d'exploitations rurales s'élevaient dans ses vallées , ainsi que chanoines de Sainte-Cécile le bourg fortifié de Vieux et ses
nous en avons retrouvé les traces dans les bassins du Tarn , dépendances , dono illum meum vicum Viancii totum ad alodem ,
du Tescou , dela Vère, du Cérou et de l'Aveyron . On a vu que et quidquid infra muros visus sum habere, ut tota illa villula ...
la plupart des bourgs et villages eurent leur administration sub potestate ac tributo abbatis vel præpositi remaneat; il donna
curiale , et il est à croire que le bourg , le pagus de Montans , tous les droits qui appartenaient au seigneur laïque sur
formé par l'agglomération d'ouvriers poliers commerçants , et l'église , et encore, mais particulièrement pour les religieux
où , par suite , s'exerçaient tous les métiers nécessaires à la vie qui la desservaient , une métairie labourable et les droits de
commune , eut aussi son administration civile : son ressort justice dans le bourg , le tout à la condition que les religieux
s'étendait au loin dans la campagne sur une foule de hameaux dépendraient toujours des chanoines d'Albi ; enfin , il prononça
et de cases. Montans survécut à tous les désastres qui fondi contre ceux qui enfreindraient sa volonté, le bannissement du
rent sur le pays pendant plusieurs siècles , et en l'année 920 , comté, la malédiction et la privation des offices divins, sit
il comprenait encore dans son district des localités , sur la rive maledictus et devetatus a divino officio .
opposée du Tarn , distantes de plus de 5 kilomètres. A scs Ainsi les comtes prenaient les revenus des églises, s'im
portes était une villa royale que Charles-le -Chauve visita et miscaient dans lesaffaires intérieures du clergé et confirmaient
qu'il devait faire exploiter . les donations faites aux religieux qui ne pouvaient posséder
Ce n'est qu'à cette époque , au xe siècle , que remon aucun immeuble sansautorisation expresse. Ils leur donnèrent
46

des droits de souveraineté et de justice assez étendus, et c'est, grands feudataires cherchèrent à avoir ces châteaux pour
à n'en pas douter, ce quiaccéléra la civilisation du pays. L'au les redonner ensuite en fief. Ainsi le château de Penne
torité des abbés dans les bourgs fortifiés, dans les villes, au fut donné en allen , en 1110 , au vicomte d'Albi , qui le
milieu d'une contrée où s'élevaient de tous côtés des fermes , rendit en fier å ses seigneurs qui, en 1139 , lui renouvelé
des hameaux et des villages avec leurs églises, ſut évidemment rent leur serment de fidélité. Les abbés , impuissants à se dé
du meilleur exemple : les ecclésiastiques avaient conservé les fendre dans ces temps d'anarchie , appelèrent les laïques à la
traditions romaines dans leurs institutions, el ils durent les garde des forteresses qu'ils élevèrent. D'un autre côté , les
appliquer dans celles qu'ils donnèrent aux populations placées laïques favorisérent les chevaliers des nouveaux ordres mili
sous leur obéissance . Ainsi les germes d'une rénovation , quoi laires et religieus. Aussi, dans notre contrée , les actes d'aveux
que encore lointaine , se répandaient parmi les colons. et hommages et les donations aux Templiers et aux Hospita
Après le triomphe d'Hugues- Capet , dont la suzeraineté fut Jiers sonl-ils communs à celle époque. Enfin , les désordres
à peine reconnue dans les provinces méridionales , quelques dans la société civile que la prédication des nouvelles doctri
châteaux -forts commencent à apparaître en Albigeois, fondés nes religieuses vint encore aggraver, amenèrent des fondations
dans ces temps de désordre par plusieurs gentilshommes asso religieuses et provoquèrent, en faveur du clergé, desdonations
ciés pour se protéger mutuellement, ou pour avoir eux -mêmes territoriales importantes.
la faculté de se rendre indépendants du suzerain . En bien des L'abbé de Saint-Michel, seigneur de Gaillac , confia à des
endroits , ces gentilshommes lullèrent contre les vicomtes , laïques la garde du château qu'il fit bâtir dans la ville et leur
mais ils finirent parlout par reconnaître leur vassalité. Vers donna une partie de ses droits seigneuriaux . Vers 1145 ,
1030 , les frères Gérald , Sicarius et Arlen furent en guerre Gaillac était entre les mains des chevaliers qui avaient Brens,
avec Aton , vicomte d'Albi; peut- être mêmeils le luèrent, mais Cahuzac et Montaigut. Trois d'entre eux , vers ce temps -là ,

ago
ils se reconnurent bientôt « en expialion vassaux de ses fils, jurèrent fidélité à Roger, vicomte d'Albi, et en 1158 ,
le vicomle Bernard et l'évêque Frolaire, pour la part des chå Raimond Trencavel. Sicard de Laurac , un de ces chevaliers,
teaux de Cahuzac el de Brens qu'ils avaient en alleu . Les hom promit d'aider le vicomte envers el contre lous, excepté tou
mages de fidélité de possesseurs de châteaux - forts en faveur tefois contre le comte de Toulouse el ses propres vassaux.
du vicomle d'Albi sont communs à cette époque . Le vicomte Enfin , en 1170, l'abbé vendit au comte de Toulouse la moitié
rentrait ainsi dans la plénitude des droits de suzeraineté. Les de la seigneurie de Gaillac, alin d'être plus libre de s'occuper
chevaliers , libres dans leurs alleux , abdiquaient leur indépen des affaires religieuses de sa communauļé.
dance par nécessité politique, non toutefois sans arrière pensée Les seigneurs laïques possédaient, en seul ou par indivis ,
de la reconquérir , ce qui sera cause de lulles incessantes . des droits ecclésiastiques, les dimes ou partie de dimes d'une
Après les châteaux déjà nommés, il faut citer ceux de Nontai paroisse ; ils les donnèrent, en même temps que leurs droits
gul et de Cadalen . Les seigneurs étendaient toujours leur seigneuriaux et féodaux, aux religieux , aux prêtres séculiers,
autorité sur les maisons religieuses. Ceux de Cadalen se di aux chevaliers de Jérusalem et aux Hospitaliers , qu'ils exemp
saient protecteurs , principes , de l'église de Vieux, et leur tèrent encore des dimes auxquelles certaines de leurs terres
consentement fut jugé nécessaire pour l'union de cette église étaientsujelles envers eux el personnellement de guet, d'alber
à l'abbaye d'Aurillac. Le concile de Toulouse arrêla l’empié gue, de suite , de cavalcade ct de quête. Ceux -ci eurent des
tement des seigneurs laïques , el, conformément à ses pres vassaux nombreux, et les premiers , les Hospitaliers construi
criptions, Gérald d'Amélie , qui s'était emparé , avec l'assistance sirent, en 1190, à La Capelle Ségalar , une ville forle dont ils
de l'archidiacre d'Albi, du monastère de Troclar , unit ce donnèrent à cens , au sieur Bertrand , la seigneurie laique et
monastère, en 1062 , à l'abbaye de Saint- Victor de Marseille . ecclésiastique .
Vers 1075 , Raymond Revelacca était en procès avec les reli Cependant,malgré ces bouleversements et danscelle espèce
gieux deSaint-Salvi d'Albi, au sujet de l'honneur de Loupiac que de chaos administratil , la société faisait des pas considérables
son père leur avait donné en alleu ; ils réglèrent amiable vers sa rénovation . Les semences de liberté civile que les
ment leur différend et réservérent, pourle viguier de Loupiac, religieux répandaient auprès d'eux avaient germé, lentement
une partie des dimes de quelques domaines que les religieux il est vrai, el nullement contrariées par les doctrines des Albi
durent lui faire apporter au château . geois, commençaient à porter des truils. L'agriculture était
Les croisades, auxquelles une grande partie la noblesse par de plus en plusen honneur . Aux religieux deGaillac qui avaient
ticipa , favorisèrent l'élévation des hommes libres. Les démê une dizaine de pricurés disséminés à plusieurs lieues à la
lés incessants pendanl Tout le xie siècle entre le comle de ronde sous leur dépendance, se joignaientmaintenant ceux
Toulouse et ses vicomtes , el entre ceux - ci et leurs vassaux , de Candeil, qui s'étaient établis dans la contrée au milieu du
amenèrent la formation de nouvelles forteresses. Comme pré XII° siècle et qui curent en peu d'années une exploitation des
cédemment, elles furent possédées indivisément par plusieurs plus considérables ; ceux de Saint-Salvi d'Albi, propriétaires à
chevaliers. La division et la subdivision à l'excès est un Loupiac el aux environs de Cordes ; ceux de Bonnecombe en
des caractères saillants de la propriété féodale dans le Rouergue, d'Aurillac en Auvergne, de Moissac en Quercy , qui
Midi ; il n'était pas de château qui n'eût plusieurs pro avaient jusque chez nous des colonies de travailleurs, à Ber
priétaires , et à Rabastens ils étaient plus de cinquante . Les nac , à Cordes , à Tonnac , à Puicelsi età Rabastens. De tout côté
. - 47 -

on voyait les fermes se presser plus nombreuses, les terrains vanles : « Toul habitant pourra construire dans le château une
vagues restreindre de plus en plus leurs limites, la population maison , et celle maison lui appartiendra en propre, libre de
s'accroître et les églises surgir de terre (1 ). Les leltres flori toul cens et de redevance , sauf du droit de lods ; il sera
rent alors d'un éclat inaccoutumé depuis bien des siècles, et exempt de quête, de taille, debladade et de toule servitude et de
les poèles troubadours brillant à la cour des Raimonds témoi leude et péage sur les terres du comte ; il aura le droit de
gnent hautement de l'élévation d'âme de ces princes et de chasse et le pouvoir de disposer de ses biens par leslament ;
leur gouvernement libéral : la poésie ne peut produire ses enfin il sera puni pour ses crimes et délits, le cas échéant,
chants dans un Etat barbare ou despotique. L'Albigeois eut suivant une loi écrite. )
ses poètes particuliers partout ſêlés des populations, et on En 1227, le même comte exempta les habitants de Gaillac
peut voir là des preuves d'une civilisation déjà avancée. de guet, de leude, de péage , d'arrière-guet et de toute coutume
Le pays arrivait ainsi à l'existence civile . Les cités placées sur ses terres. En 1228 , il affranchit ceux de Rabastens, « en
sous la dépendance desmonastères , constituèrent les premières considération des services qu'ils lui avaientrendus en plusieurs
leurs institutions municipales. Gaillac cut vraisemblablement circonstances, des droits de péage, de coutume et de leude, levés
des consuls en 1175. Les principales famillesdu pays,en grande à Coufouleux et à Gaillac , soit sur terre, soit sur eau.C'est par de
partie de race gallo - romaine, peut-être sous l'influence per telles concessions librement octroyées que les comles de Tou
sistante de l'ancien esprit municipal, se réunirent dans les louse allégeaient le poids des servitudes féodales, définissaient
châteaux, où les maisons des chevaliers, des bourgeois, des en les restreignant les droits qu'ils se réservaient encore, ren
artisans et des vilains se pressaient les unes contre les autres . daient les colons propriétaires et les faisaient peu à peu nai
Il en était ainsi à Rabastens, dont les chevaliers et les autres tre à la vie civile . Aussi étaient- ils aimés de leur vassaux ,
habitants étaient en guerre, en 1202 , avec les consuls de Tou qui, dans celle lulte gigantesque, nouvelle invasion du Nord
louse . Ces chevaliers, au nombre de plus de cinquante, dans sur le Midi, surent bien distinguer le côté politique du côté
une assemblée générale, tenue en 1211 , en présence du comte religieux. On voit, en effet, Simon de Montfort donner , en
Raimond , promirent solennellement de ne plus faire arrêter 1212 , une constitution particulière aux habitants des domai
personne dans l'intérieur du châleau , dans le bourg et les nes qui lui étaient échus par droit de conquêle , et notamment
faubourgs ; ils donnèrent au comle lui-même la justice du lerritoire de l'Albigeois sur la rive gauche du Tarn , et les
criminelle du lieu . De ce moment , l'administration inté placer sous la coutume de France, en ce qui concernait les
rieure y fut sans doute confiée à une municipalité, car les droits et les successions dez fiefs ; constilution qui engendra
temps arrivaient où sur lous les points l'homme devait être plus tard des procès longs et ruineux , les habitants refusant
affranchi : le comle de Toulouse , obéissant à ses idées libérales de s'y soumellre comme étant du pays de Droit écrit. En 1229 ,
aussi bien qu'aux nécessités politiques de la guerre que les les seigneurs de Penne refusèrent, malgré les menaces d'un
croisés lui faisaient, émancipa ses sujels immédials, et les siége , de remeltre leur château entre les mains du roi de
autres seigneurs, ses vassaux , suivirent son exemple . France, suivant les prescriptions du Traité de paix, et renouve
Raimond VII , en 1221 , du vivant de son père , confirma lèrent ce refus, en 1243 , après une tentative malheureuse de
aux habitants de Gaillac les priviléges que ses prédécesseurs Raimond VII pour recouvrer ses anciennes possessions ; ils
leur avaient accordés et leur en donna de nouveaux ; en 1222, ne consentirent alors à le livrer qu'à la condition que le roi
il fonda les villes de Castelnau -de -Montmiral el de Cordes , et s'engagerait solennellement à le leur rendre au bout de cinq
dovna des libertés élendues à ceux qui iraient y habiter. ans.
La charte de 1221 reconnut les habitants de Gaillac francs et Après la croisade, dont une des premières conséquences
libres de toute servitude, de quête et d'albergue et affranchit fut le démembrement de ses Etals, le comte de Toulouse con
lousles étrangers qui s'établiraient dans celle ville ; elle régla tinua dans son administration la conduite libérale qu'il avait
la procédure pour le paiement des dettes et établit ce que déjà inaugurée , en accordant des libertés à ses vassaux ; il
nous appellerions aujourd'hui l'assistance judiciaire : « Si restreignil toutefois le nombre des seigneurs indépendants,
un homme pauvre el sans amis a un procés avec un homme car on peut remarquer chez lui comme chez ses prédécesseurs
riche et influent, que la communauté aille à son aide et lui un tendance à une centralisation administralive. Ainsi, en
fasse obtenir justice à ses frais. » Elle permit aux habitants 1224 , il avait acheté les droits des seigneurs de Puicelsi ; en
de distribuer leurs biens par testament, les exempla de péage 1230 , il acqui! ceux du sieur de Laurac, à Gaillac , bien qu'il
et de coutume sur ses terres et des droits d'entrée etde sortie , diminuat sa position en celle ville par l'hommage qu'il recon
et fixa les peines des crimes etdes délits. Celle de 1222 , rela put devoir à l'abbé , il eut le château de Laguépie , en 1242 ,
live à la fondation de Cordes, contient les dispositions sui et obtint, en 1244 , le serment de vassalité des braves cheva
liers de Penne. Il jeta aussi les fondements d'une nouvelle
ville , car on doit lui rapporter la plus large part dans celle de
(1) Voir, pour le rôle des religieux dans la renaissance de l'agriculture et du Lisle , dont les consuls commencent, en 1248 , à figurer dans
commerce, l'Histoire de l'abbaye de Candeil (Mon. Com ., t. 1 , p . 290 et l'histoire .
suiv.) et l'acte de 1231. (Hist. gén . de Lang., t. V , p . 671) d'après lequel, à
Gaillac, les patrons des bateaux sont déclarés faire partie de la famille du cou Alſonse, comte de Poitiers, fils de France, et Jeanne, fille
vent. de Raimond VII , sa femme, héritèrent du comté de Toulouse,
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en 1249 , en vertu du traité de paix de 1229 , plutôt que du revenus, tailles, cens, droits de mutation et aulres augmen
testament du comte défunt, suivant le serment de fidélité que taient d'autant. C'est, nous le croyons, ce double mobile qui
la reine -mère fit prêter aux seigneurs et aux bourgeois du a présidé aux nombreuses créations de communes qui se firent
Languedoc . Alfonse et Jeanne continuèrent les vieilles tra alors, et aux constitutions municipales données aux villages
dilions de leurs prédécesseurs et régularisèrent l'administra déjà fondés. Nous citerons sur l'une et l'autre rive du Tarn ,
tion de leurs Etats . Ils confirmèrent les libertés déjà octroyées, Labessière-Candeil, fondé en 1255 ; Saint-Urcice, en 1256 ;
celles de Gaillac , en 1251, et acquirent diverses portions des Florentin , en 1260 ; Técou , en 1277; Montclar (1), émancipé
seigneuries de Cahuzac et de Penne , dont ils réglèrent la per en 1267, et Montans, en 1271. Ainsi la révolution communale
ception des droits en 1253. Ils divisèrent le gouvernement du et la rénovation sociale se trouvèrent partout consommées.
comté en quatre sénéchaussées, celles de Toulouse, d'Agenais Ici encore ce sont les religieux qui ouvrent la marche que
et de Quercy , de Rouergue et d'Albigeois et de Provence. les seigneurs laïques s'empresseront de suivre. Les charles de
Ainsi l'Albigeois , c'est-à- dire la partie de ce pays à la droite fondation de villes contiennent toutes l'énuméralion des avan
du Tarn qui était restée à Raimond VII et avait formé précé tages matériels faits aux habitants : don de terres en toute
demment une sénéchaussée particulière , fut uni alors à la propriété transmissibles par héritage, constitution en commu
sénéchaussée de Rouergue , pour être , quelques années après , nauté qui assure les droits politiques de tous, octroi de cer
allachée à celle de Toulouse . Dès l'année 1252 , Alfonse eut taines franchises , définition et étendue des servitudes conser
son juge particulier d'Albigeois. La judicature de ce nom , vées ; elles promulguent le code civil et criminel qui sera de
formée en 1254 , fut régie par un juge et un procureur qui rigueur dans la juridiction de la commune. Ces charles pro
allaient tenir leurs audiences dans les différents cantons de cèdent toutes, quoique avec des variations importantes à signa
Cordes , Gaillac , Cahusac et Montmiral , formant une seule ler , d'un type originel ; leur code criminel ayant l'amende
baillie affermée , en 1257, 900 livres tournois ; de Rabastens pécuniaire pour pénalité, tient beaucoup de l'esprit germa
et Lisle , baillie affermée 400 livres , et de Penne, affermée nique , et leur code civil de la loi romaine. Arrêlons-nous un
200 livres caorcens. Les aulres localités appartenaient à des moment sur ces avantages matériels, politiques et civils, et
seigneurs particuliers qui en avaient l'administration et la jugeons de l'état social que les populations vont quitter par
justice : Labastide -Montfort appartenant aux d'Alaman , Ces ces charles, puisque toute peine suppose un délit, toute fran
tayrols au sieur de Penne, Laguépie à Bernard de Penne, chise, des servitudes.
Milhars å Raimond d'Allaro , dont un acte de 1258 nomme le L'abbé de Candeil veut peupler la ville de Labessière . Il
bailli , Salvagnac au vicomte de Nontclar , et autres . promulgue alors une charte par laquelle il déclare qu'il prend
Dans la partie de l'Albigeois siluée sur la gauche du Tarn , sous sa protection tous ceux qui y iront s'y fixer et leur
séparée en 1229 du comté de Toulouse el comprise dans la donne tous droits d'usage et de pâturage sur ses terres ; il les
sénéchaussée de Carcassonne , sont la seigneurie de Castres et établit en communauté , les tient francs et quiltes pendant
la baronie de Lombers , dont plusieurs localités de l'arrondis cinq ans de quête dontil fixe pour l'avenir le taril, et les libère
sement faisaient partie , et plusieurs autres seigneuries parmi de la dime du jardinage , de la volaille, du chanvre et du foin ;
lesquelles il faut distinguer celle de Labessière- Candeil, appar il donne à chacun d'eux une aire de quatre brasses de long
tenant au monastère de ce nom . Celle portion de l'Albigeois sur cinq de large pour construire une maison , et une sélérée
porta plus tard la dénomination de judicature de Terre -Basse. de terre, le tout en propriété avec pouvoir de les jouir sous un
Cependant les temps étaient venus où l'homme ne dut plus cens déterminé, el vendre ou engager à un habitant de la
être la chose d'un autre homme, lailable et corvéable à merci ; ville ou de la seigneurie ; il restreint la prison préventive au
il dul enfin être libre et propriétaire du champ qu'il cultivait. cas de meurtre ; il permet à tous de disposer de leurs biens
Au point où nous sommes arrivés , beaucoup de villes étaient par lestament, ces biens devant appartenir à leurs parents s'ils
déjà fondées et leurs habitants affranchis ; mais le reste de la ne testaient pas, et à défauts de parents, au seigneur et aux
population élait encore sous la dure loi du servage , attendant pauvres par moitié ; les enfants ne pourraient gérer un héritage
toujours son émancipation . Elle ne se fil pas plus longtemps avant l'âge de vingt-cinq ans, et leurs tuteurs seraient nom
attendre qu'au milieu du xure siècle. Nulle part, à notre con més par les consuls. Après la mort de la femme, le mari gar
naissance du moins, elle n'eut un caractère de violence , pro dera son bien en jouissance , et pareillement la femme, après
cédant de tous côtés du bon vouloir du maître , bon vouloir , la mort du mari, retiendra , sa vie durant, ses épousailles ; les
il est vrai, doublement intéressé. En effet, au milieu des dettes et les droits de la femme seraient toujours prélevés
désordres politiques, l'érection des bastides , des places forti sur les biens confisqués au profit du seigneur.
fiées , était indispensable pour celui qui voulait garder son
ÉLIE ROSSIGNOL .
indépendance, et pour y attirer des babilants, ildul assurer à
ceux qui se placeraient sous son commandement, avec la liberté ( A continuer .)
civile et politique , certaines prérogatives et immunités. Le
seigneur gagnait ainsi de fidèles vassaux , loul en empêchant
(1 ) Nous signalons les coutumes de Montclar, du département de Tarn -et
les siens de se retirer chez un voisin qui offrait , de son côté , Garoune , parce qu'elles étaient communes à Montdurausse, qui est de notre
une condition plus douce et un régime plus équitable ; ses arrondissement.
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1
2

TOMBEAU D'ALZIAS DE SAUNHAC . A 8/100


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TOMBEAU D'ALZIAS DE SAUNHAC

A BELCASTEL (AVEYRON ) .

A quelques lieues au -dessous de Rodez , dans la vallée sau Cette terre élait, d'ailleurs, récemment passée dans la mai
vage de l'Aveyron , sur un rocher que longe cette rivière et son de Saunhac, par le don qu'en avait fait, en 1391, Jean III
que contourne un torrent, lou rec négré , se dresse le vieux d'Armagnac à Guillaume de Saunhac , père d'Alzias... Celui- ci
château de Belcastel, un des plus étranges fouillis d'échau marqua sa prise de possession par l'agrandissement du châ
guelles, de grandes tours , de vastes arceaux et de murs teau ; il jeta un pont sur l'Aveyron et construisit l'église où
bizarrement enchevêtres que puisse rêver l'imagination ... lui et les siens devaient être ensevelis ...
D'immenses tapisseries de lierre , s'accrochant aux saillies , Malgré son grand aspect, le château n'offre pas un intérêt
parent ce fantastique décor, encadré de montagnes sombres de détails suffisant pour que nous en donnions une étude
aux maigres châtaigneraies, et qu'accompagne à souhait le complète. Il se compose d'un amalgame de constructions
pittoresque amphithéâtre des maisons du village , étagées du d'époques diverses se reliant entre elles comme au hasard ...
fond de la gorge jusques aux remparts du château . Un beau Une tour carrée encore debout semble avoir été le noyau
pont gothique dont les éperons aigus divisent le courant autour duquel ont été groupées des additions successives ;
rapide, une église d'un caractère élégant, isolée sur l'autre c'était probablement l'ancien donjon ... A côté se dresse une
rive , complètent un ensemble harmonieux devant lequel seconde lour, avec tourelles aux angles et machicoulis au
s'allarderaient volontiers ceux de nos lecteurs qui ne dédai sommet, évidemment postérieure à la première. A ces deux
gnent pas les souvenirs émus, attrayante saveur des excur tours viennent s'appuyer des murs formant des angles saillants
sions archéologiques... ou rentrants très prononcés; chaque angle saillant porte une
Après l'enchantement du premier regard , par l'étude atten échauguette ; les courtines sont, en outre, flanquées de plu
live, une harmonie nouvelle se dégage encore de cet ensemble , sieurs tours rondes... Il est difficile d'assigner une date à ces
car cette église, ce pont, quelques-unes de ces maisons, une portions diverses, car il n'y subsiste plus ni baies , ni voûtes
partie de ce château sont l'oeuvre de la même volonté, le pro d'une forme caractéristique ; quelques traces depeintures, quel
duit de la même époque ; leur créateur dort, en vue de son ques rares profils demoulures et quelques linteaux en accolade
@uvre , dans un caveau de cette église, et sa statue , couchée indiquent seuls la transition du xive au xve siècle dans cer
sur son tombeau , nous le montre encore se reposant... taines parties des constructions.
C'est Alzias ſer de Saunbac , chevalier , seigneur baron de Le château de Belcastel devait à sa position uneforce réelle ;
Belcastel, d'Ampiac, coseigneur de Cassagnes -Contaux, etc. c'était une des principales forteresses du Rouergue .
Il fut, en 1407 ( 1), sénéchal de Beaucaire ,puis chambellan de L'église et le pont, bâtis par Alzias, sont des types bien com
Jacques, et Jeanne seconde (2), roi et reine de Hongrie, qui plets de ces sortes de constructions au commencement du
lui firent don , le 30 octobre 1415 , de la belle terre de Laurino, xve siècle , mais ils ne présentent aucun détail qui leur soit
en Calabre , et le nommerent, le 29 juin de l'année suivante particulier ...
1416 , étant déjà sénéchal de leur comté de Castres, conseiller Dans une chapelle de cette église , un vaste caveau avait été
d'Etat pour toutes leurs affaires en leurs pays de France et de destiné par Alzias à sa propre sépulture et à celle des siens...
Hainaut, avec les gages de 1,200 livres par an , outre ceux de Sur des grilles de fer horizontales fixées au -dessus du sol du
300 livres à raison de sa place de sénéchal. caveau étaient placés les cercueils ; il en existe quelques ves
Le rôle politique d'Alzias fut, on le voit, assez considérable, tiges, et sur ces grilles gisent encore des ossements... Au
et sa grande fortune explique suffisamment l'importance des dessus du caveau , dans une sorte de niche pratiquée dans
constructions qu'il entreprit à Belcastel... l'épaisseur du mur de la chapelle, on voit la statue , en marbre
blanc , d'Alzias. Il est revêlu de son armure, sans casque ni
gantelets, et porte une cotte d'armes ouverte sur le côté .
Au-dessous de la statue , sur le devant du tombeau , est un
( 1) Ces détails sont empruntés textuellementau tome Il des « Documents
historiques et généalogiques sur les familles et les hommes remarquables bas- relief représentant la Vierge ; à sa droite, s'agenouille
du Rouergue, » par H. de Barrau. Alzias accompagné de son patron saint Michel, le vainqueur
(2 ) Du 16 février 1407. Lettres du roi Charles , confirmant la nomination
faite par Jean , duc de Berry, oncle du roi et son lieutenant général en Lan du dragon ; à sa gauche, prie la femme d'Alzias , Béatrix
guedoc, d'Alzias de Saun hac , chambellan du roi, à la place du sénéchal de d'Ampiac, pour laquelle intercède une sainte patronne... Deux
Beaucaire. Alzias était alors châtelain de Penne en Albigeois. écussons aux armoiries effacées , garnissent les angles ; ils

‫ܝܝܚܪ‬ -
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portaient sans doute les armes des Saunhac , d'or, au lion de La bonne exécution de la statue et du bas -relief forme,
sable, chargé tout autour de douze carreaux de gueules, ou peut avec la maigreur et le goûtmesquin du cadre architectural, un
être , à la bordure crénelée ; l'un d'eux était parti des armes de contraste où se manifeste cette évolution de l'art gothique
la femme , trois pommes de pin posées deux et une , qui est vers l'interprétation exagérée mais plus vraie de la forme
d'Ampiac. Le lion se retrouve au -dessus de la contre-cour humaine, vers ce style tourmenté et sans largeur qui prévalut
bure de la niche, sur la porte et sur les clefs de voûte de dans l'ornementation au xve siècle .
l'église, ainsi qu'au château . 3. DUSAN .

UNE INSCRIPTION A SALÉCHAN (HAUTE-GARONNE).

Le village pittoresque de Saléchan , situé au -delà des pre Nous n'oserions point affirmer d'une manière aussi absolue
mières gorges qui resserrent de distance en distance la vallée que ce petit temple ait eu , dès le temps des Antonins, ce que
tourmentée de la Garonne, a conservé les vestiges très recon nous appellerions aujourd'hui son cimetière , et que les sépul
naissables du petit temple (fanum , sacellum ), qui a précédé, tures des Vicani se soient pieusement groupées autour du
dans la plupart de nos villages, les premières églises chré sanctuaire de leur dieu , comme elles se pressaient, au moyen
tiennes, bâties souvent de leurs débris (1) . C'est de ses murs âge, sous le porche et sous les murs de l'église qui avait pris
que sont probablement sortis quelques blocs de marbre blanc sa place . Ce qu'il y a de certain , c'est que des monuments
poli qui se détachent de loin en loin dans les murailles d'une funèbres, de taille et de forme variées, sont mêlés, en assez
charmante petite basilique romane , bâtie au milieu du xvie grand nombre, à ces débris d'architecture religieuse dont nos
siècle ( 2), et que l'on a abandonnée, depuis quelques années, églises rustiques sont restées les fidèles dépositaires ( 1). Ici
pour une grande et maussade église moderne, située dans la ce sont de grandes dalles historiées,destinées à être encastrées
partie supérieure du village . Deux chapiteaux corinthiens, qui de champ dans la façade de quelque ædicule funèbre (2), ou
paraissent avoir été convertis en bénitiers au moyen -âge (3 ), couchées à plat (mensa ) sur une maçonnerie à fleur de terre.
coiffaient évidemment deux colonnelles cannelées ou nues, et Ailleurs, et le plus souvent, le tombeau se réduit à une petite
nous rappelaient plus directement encore ces petits temples auge de marbre , qui servait à la fois d'olla et de monumentum ,
distyles, surmontés d'un fronton et d'un acrotère flam ce quiexplique , pour le dire en passant, l'espèce de popula
boyant (4 ), dont on retrouve les chapiteaux et quelquefois rité dont paraissent avoir joui ces sépultures à bon marché
les colonnes dans la plupart des anciens villages des que l'on rencontre dans toutes les vallées des Pyrénées cen
Pyrénées (5 ). trales, et en très grand nombre quelquefois. Des images funè
bres, les bustes du mort et de la morte , représentés de face
l'un à côté de l'autre , dans un style qui devient de plus en
( 1) Le nom de Saléchan ou Salichan , qui doit se rattacher au topique plus rigide à mesure que l'on s'éloigne des belles époques et
Salexianum ou Salicianum , pourrait dériver lui-même de quelque nom de des grands ateliers, remplacent invariablement, sur le devant
propriété (fundus, prædium ), qui aurait eu pour radical les noms de Silex ou
de Salex, que l'on prononçait Silech et Salech dans le pays. de ces petits tombeaux, les légendes barbares elles-mêmes
( 2) Le chiffre de 1566 est gravé sur une dalle de marbre blanc qui forme dont nous recueillons ici les formules (3). Mais ce type sacra
le tympan du porche. Nous remarquons incidemment que plusieurs églises de mental cède quelquefois la place à des images allégoriques et
la vallée de la Pique et de la vallée de Larboust datent, comme celle-ci, du
savantes, empruntées à la symbolique funèbre des villes
xvje siècle , et ont échappé comme elle aux désastres et aux dévastations des
guerres religieuses.
(3) Ils sont au moins régulièrement évidés à l'intérieur. L'un d'eux a été
transporté dans la cour du presbytère, à côté de l'église actuelle .
(4 ) Voir, au sujet de ces petits temples rustiques, notre Monographie du (1) Il nous est impossible de songer aux voyages quelquefois charmants
dieu Leherenn d'Ardiége (Paris, Toulouse, 1859 , § III). Il est même à peu dont nous consignons ici les souvenirs, et aux conquêtes..... sans larmes qui
près certain que celui de Saléchan avait aussi ses autels votifs, puisque l'on en ont été le résultat, sans nous rappeler le jeune homme instruit, bienveillant
voit encore, dans les murs extérieurs de l'église, la base ou le socle d'un de et aimable, qui s'en est fait depuis plusieurs années le compagnon et presque
ces autels, inscrit de la croix crochetée qui décore un assez grand nombre de le confident. M le baron Marc de Lassus, qui aine nos montagnes comme un
monuments . fils et les connait commeun domaine de famille , a réuni de plus, sur l'histoire
(5 ) Nous n'avons retrouvé ces colonnes, dépareillées et brisées le plus sou et la topographie des Pyrénées , une précieuse bibliothèque dont il fait les
vent, que dans un petit nombre de villages, où d'heureux hasards les ont pro honneurs avec une affabilité traditionnelle dans sa famille .
tégées, à Ardiége, par exemple, et à Saint- Jean -de- Verges (vallée d'Ariége), (2 ) La partie inférieure d'une de ces dalles, maçonnée dans le mur du
où l'une d'elles sert encore de support au toit d'un hangar. Mais les chapiteaux porche, nous rappelait involontairement l'ornementation remarquable du tom
geminés, d'un style corinthien un peu fantastique, et surtout les acrotères beau d'Atilia, fille d'Atixsis, dans la vallée de Sauveterre.
coiffés d'une auréole de rayons, se sont conservés dans une foule de villages, (3 ) Le moyen -âgé, qui avait perdu le sens de ces naïves images, y attachait,
et sont, partout où on les trouve, un certificat d'antiquité religieuse presque comme aux acrotères couronnés de rayons, des idées vaguement superstitieuses
aussi concluant qu'une inscription votive. qui n'ont pas été inutiles à leur conservation .
52

romaines et des grands tombeaux sculptés, à la parma des ronces qui tapissent de ce côté le pied du mur de la nel,
Amazones, par exemple, que nous avons retrouvée, non sans où elle est à moitié enfouie dans le sol (1 ). La légende, aussi
quelque surprise , sur la paroi latérale d'une grande auge de laconique que possible, se réduit strictement à deux noms
marbre blanc, adossée au pied du mur extérieur du porche, propres accouplés comme les bas -reliefs conjugaux dont nous
ou des pluies récentes l'avaient remplie d'une eau jaunâtre ( 1). parlions tout à l'heure, et reliés par le mot latin uxor. Mais
Les deux corues de ce bouclier échancré , qui rappelle maté celte brève formule a ici son intérêt philologique et même
riellement le croissant de la lune en décours, sont terminés historique , puisqu'elle ajoute deux appellations inédites à la
ici par deux becs d'oiseaux qui mordillent deux grappes liste déjà longue de noms propres que nous fournit l'épigra
de raisin suspendues à des ceps qui s'ébranchent au sommet phie caractéristique de l'Aquilaine :
de la parma. Cette ornementation , certainement païenne d'ori
gine, malgré certains détails dont la symbolique chrétienne ASSPERCIVS
allait s'emparer, est reproduite en petit et plus simplement NESCATO VXºR

sur le devant d'une autre urne encastrée au pied d'un des Asspercius , Nescato, Uxor.

pilastres qui servent de support et de nervure à la voûte (2).


Il n'y a pas plus de sept ou huit ans que l'on a détruit de Le mot Nescato , que nos lecteurs auront remarqué d'eux
gaieté de ceur dans ce petitmusée, accessible à tout le monde mêmes, est incontestablement un nom de femme (uxor ), mal
malheureusement, une belle inscription gravée sur une colonne gré sa finale en o, élrangère aux noms féminins d'origine
tronquée (columella ), que l'architecte du xvie siècle avait latine (2 ). Quant aux deux S du mot Aspercius ou Asperkius ,
religieusement enchâssée dans le mur extérieur de la nef, å il ne serait nullement impossible que le marmorarius les ait
deux ou trois mètres au -dessus du sol. On nous a assuré dans répétées ou redoublées avec intention . Obligés d'écrire et de
le village que cet acte Traduire en latin ces
de vandalisme avait été appellations barbares
commis par un savant qu’altéraient encore en
(ce n'était point, à coup les prononçant les rus
sûr , un archéologue) tici qui les portaient,
qui convoitait cette IS SPER CIVS ces malheureux ou
stèle pour un musée vriers devaientles faire
pyrénéen , dont il réu répéter plus d'une fois
nissait les matériaux . NESCATO VXOR avant de les transcrire
Ne pouvant décider la sur leurs tablettes en
commune à laisser dé duites de cire (pugil
pouiller gratuitement laria , bipatens pugel
son église , il s'était laria . Auson ) , et en

vengé de ce refus en martelant pendant la nuit le texte de étaient réduils , pour les rendre à peu près exactement, à
l'inscription complètement illisible aujourd'hui. Nous ne des hardiesses sans précédent el sans exemple dans l'ortho
croyons point qu'elle ait été relevée avant cette inqualifiable graphe classique.
EDWARD BARRY .
mutilation .
Le seul monument écrit que le village de Saléchan ait con
(1 ) Elle nous avait été signalée par les Schedæ manuscrites de M. V.
servé de ce passé, dont il comprend mieux le culte que beau
Cazes, qui n'en lisait que la première ligne, et plus récemment par une bien
coup de grandes villes, est une dalle tumulaire que nous avons veillante communication de M. l'abbé Cazaux, doyen de Saint-Béat, qui joi
eu quelque peine à découvrir sous les touffes d'orties et de gnait à sa lettre un spécimen de l'inscription elle-même. La dalle sur laquelle
elle est gravée en caractères allongés et un peu lourds a 63 centimètres de
hauteur sur 55 de largeur, et n'aurait probablement point échappé à la ven
geance du terrible amateur qui a martelé l'inscription de la colonnette, sans
( 1) Quoiqu'elle soit beaucoup plus large et plus profonde que les petites les circonstances tout accidentelles que nous venons de rappeler .
urnes dont nous venons de parler , cette auge massive appartient aussi et sans (2) Les noms souvent indéclinables de Clio , Clotho , Alecto , Eralo, etc.,
aucun doute à la période de l'incinération . Elle était probablement destinée , que l'on serait tenté de nous opposer , sont beaucoup plutôt grecs que latins,
comme la grande auge de Caubous (voyez plus loin), dont elle rappelle les dans le latin lui-même. Les idiomes aquitains dont nous retrouvons ici un
dimensions et même la forme, à recevoir une ou deux ollæ de verre accom écho affaibli nous offrent au contraire un certain nombre de ces féminins en o ,
pagnés de leur supellex funèbre. qu'il n'était pas facile de latiniser (Hautensoni Halscotarris, F. Inscr. de
( 2) Nous l'avons également retrouvée à Ardiége, autre village antique et Saint- Just à Valcabrère), et que les marbriers prenaient souvent le parti de
riche , sur une grande dalle de marbre blanc qui fait aujourd'hui partie du reproduire tels qu'on les leur livrait : Nescato Uxor , Anderesso , Con
musée de Toulouse. dannossi F. Uxori; inscr. de Caubous, dans la vallée d'Oueil.
- 53

DEUX INSCRIPTIONS DU XIIIE SIÈCLE AU CLOITRE DE SAINT -SALVY

A ALBI.

Dans l'ancien pays d'Albigeois, les inscriptions du moyen cription se voit sur une petite pierre calcaire encastrée
åge sont rares ou le plus souvent effacées. Cela tient à la également dans le mur méridional de celle église , à une
mauvaise qualité hauteur de m
du grès rouge 45° , contre la
ou du calcaire , chapelle de Ste
seules pierres Claire . Elle est
que possède cet aussi dans le
te partie du dé préau du cloitre
partement du et nous donne le
Tarn . ANNIDOC nom d'un autre
Nous avons chanoine de St
cependant relevé Salvy.
dans l'ancien AKIBOCOOBIG On retrouve
cloître de l'église dans la première
collégiale de St inscription l'in
Salvy , à Albi, fluence romane ;
TO :RMLOVCLPÁR
deux belles ins les M et les N
criptions du xiure sont encore car
siècle (1216 et rés.
Dans celle de

1/4.A
1251) .
La première , 4251 , au con
gravée en très traire , l'alphabet
beaux caractères en honneur dans
sur une petite la période ogi
pierre calcaire , ANNO : DOMINI : M : DD : ANNO : DOMINI : M : DD : L : 1 : vale a décidé
est encastrée XVI : XII : KALENDAS : OCTOBRIS : OBIIT : VI : KALENDAS : NOVEMBRIS : OBIIT : ment pris le des
DOMINUS : BENEDICTVS : DOMINUS :
dans le mur mé DOMINUS : RAIMVNDUS : VITALIS : PRESBYTER : sus. Une parti
NATI : CANONICUS : BEATI : SANCTI : SALVII :
CANONICVS : R : SANCTI : SALVII :
ridional de l'é CVIVS : ANIMA : REQIESCAT : IN : PACE : cularité à remar
glise Saint- Salvy quer dans un 0
au - dessus de de la première
l'archivolte de la inscription et
fenêtre de la cha dans les 0 et les
pelle dédiée à D de la seconde
saint Roch . SENDO DN est un petit sigle .
Mico :LIE
Placée ainsi à La première
une hauteur de inscription est
VIKT:NOVOSNBSIOBT bordée d'une ba
dix mètres , elle
est parfaitement guelte entourée
conservée . Le elle -même d'un
D :BENEDICTVS:DO . encadrement
préau du cloitre,
d'où l'on peut la formé de perles
voir , est devenu NATIC.B : S:S FLVIT en relief.
aujourd'hui le Quel a pu être
jardin du pres le motif qui a
ICVPTIAROLES CIRCE fait placer à une
bytère de l'église
Saint- Salvy . si grande éléva
L'autre ins tion l'épitaphe
54

du chanoine Raimond Vital ? Ne serait- ce point un sentiment idée exacte de l'épigraphie lumulaire en usage dans notre
d'humilité pour qu'on ne pût pas lire son nom ? Peut- être contrée, pendant la première période ogivale.
aussi avait-il contribué à l'édification de cette partie de l'église BARON DE RIVIÈRES,
Correspondant de la Société archéologique du Midi.
Saint- Salvy, où l'on retrouve les caractères architectoniques
du xine siècle .
M. H. Crozes a donné l'épitaphe de Raimond Vital dans sa monographie
Quoi qu'il en soit, ces deux inscriptions nous donnent une de Saint -Salvy, p . 70 ; mais il a cru voir Vicat, au lieu de Vilalis.

UN ÉPISODE DES GUERRES DE RELIGION A MAUREMONT

(HAUTE -GARONNE) .

Lan 1587 et le 18e jour du mois de may questoit le len et n'ajant point de munitions pour se deffandre ils se virent
demain de penthequotte enuiron les huit heures du matin au esbays et perdirent courage et demeurerent tous vanis telle
presant lieu de Mauremon apres auoir faitte la procession et ment que quelques uns comancerent a ouurir la porte et de
estant dans leglise et la messe comancée suruiendront trois gauchée au pied et se sauuerent bien enbiron de quarante
ou quatre soldats huguenots sur la porte de ladilte eglise et hommes et que les huguenots entendirent que la porte etait
tirarént une petrinalade de dans pour etoner ceux quy y es ouuerte il y eutdeux cuirasses avec une demy doutjaine de
toient. Mais de tant que leglise estoit pleigne de gens tant petrinaliers quy accoururent a la porte et entrerent dedans
dhommes que femmes , ils nozarent entrer plus auant leglise et estant dedans ils y feurent si furieux et enrages pour
parce que tous corurent a la porte pour la fermér par derriere la perte de huit hommes qu'ils auoint faitte au moingt le bruit
ce que feut fait auec bans, caisses barres pals semalies, et en feut tel quels comanseront a masacrér malurussement les
voyant les dits huguenots que lon fermet laditte porte par hommes que trouuarent dedans et en tuarent dix de la paroisse
derrière commansand un pousa vn mortie lequel ne fist au et un de la bastide quy se nommet Cansalade et en y eut for
cune opperation et sé retirarent soudain derriere ladilte eglise ses de blesses de coups despée jasques a sept et huit pics pour
dans ce tems la on faisoit garde dans les communeautes . homme par la leste brasses et corps et Messire Antoine Faure
Craignians les harquebusades qu'on leur tiroit du chateau en prestre et vicaire blesse dune arquebusade par la gorge et
hors ce que tout cella se faisoit , suruiendrent deux embusca cellui qui a escrit le presant memorial feut le premier blesse
des lune du grand cassieu et lautre des fosses des vignes de dune granade a la cuisse tellement quil ne bouga du lict de
Margailh quy tous ensamble accorurent au secours des autres doutje jours et aprés chemina auec deus escrosses l’espasse de
trois ou quatre quy auoint donne la premiere attaque, et sou quinse jours Il supplie les lisseurs de considerer la grande de
dain que feurentarriués comanseront a rompre la vitre quest solation que cetoit vojant les pauvres femmes tuer leurs maris
a landret du milieu de leglise que Monsieur Reymond Riuière en leur presance entre leurs bras memes tels quil y en eut tous
prestre auoit failte faire, et gettarent par la une granade dans ceux quy furent tues, et mesme les blesses estoint de pauures
leglise et au bout de quelque tems apres une autre par les gens innocens et la plus grand part brassiers qvj jamais
moyens desquelles il y eut dix a doulje personnes blesses tant nauoint fait mal a personne . O la grand cruaute et inhumanite
hommes que femmes que petits enfans et pour cella encore delaquelle ces mechants tretres et desloyaux hugénots ont vsé
ceux de dedansne perdoint point courage ayne se deffandoient en landroit de ses pauvres innosans cest horreur et pitié den
bien de leurs petits moyens najant que trois ou quatre piesses ouyr parlér et encores feut elle plus grande a ceux qui es
a feu et la fourquette des diagues et a coups de tuilles tant par toint presans vojantl'effusion de tantde sang innosaut Il faut
la fenetre des vitres que daupres de la porte tellement que auoir pour certain que le sang innosant est deuant Dien , eter
ceux de dehors ne sauoint que faire et estoint constraints de nel criant vangance contre ces malinsmurtiers que faisoint le
quilter et de se retirer ce que on eut fait sans une doutjaine de sang Dabal contre son frère Cain et pour ce que ce bon Dieu
cuirasses que leur arriuarent de secours quy executeraint sy sa resérue entierement la vangance comme il est escrit au de
rudemment avec deschelles quils auseront et ganeront le teronnome chap . 32. et en St Mathieu 26 dict que tous ceux
dessus de leglise tellement que ceux quy y tindrent bon au qvj prandront le glaiue periront par le glaive de tant quil a
près de la porte feurent constraints de quitter et desandre crée lhomme a sa ressamblance et son image , comme appert
apres quil y en eut vn de mort et trois de blesses et vojant au chapitre 9 et si encores nous deffant il de nous venger au
ceux qvj eloint bas a leglise que ceux de dehaut auoint quitte cantique 19 et de tant cest lvj seul qvj rand a un chacun ce
55

que lvj appartient el qvjjuge justement comme dis est St Pierre deux diagues pluuial de damas rouge le grand bassin , le cire
premier prêstre nous devions tres tous le supplier tres hum pascal et les filheulles les chandeliers le deuant de lautel de
blement de vouloir estre le yangeur de ceste jojure et denous damas ou satin blanc et le drap de velours nojer de dessus le
donner a un chacun ce que nous sera bon et profitable pour le tahut de feu M. de Mauremon les deux chandeliers de leton de
salut de nos ames et pour la sante de nos corps, et sy le deuons dessus lautel Biref tout ce qvj leur agrea jusques a la boille de
nous encore particulierement supplier au nom du precieux lansans, et tout cella fait sen allerent a la bastide ou lantre
sang que sou fis nostre benit sauueur et Redempteur Jesus prinse cetait faite les auteurs de laquelle ont dict estre Marc
Christ a repandeu sur l'arbre de la croix pour la redemption de Anthoine, son fraire le cappilaîne et Monsieur de Lamidusan
la nature humaine quil lvj plaise auoir pardonés ses pauures Dieu soit loue de tout et lvj plaise nous donner vne bonne
innocens masacrés et colloquer leurs ames en son saint para paix et durable a celle fin que son pauure puble quest tant
dis ou elles lvj chanteront louanges eternellement et sy prie allige de maux puisse viure en repos par sa sainte grace ainsin
ront Dieu pour les blesses et autres qui estoint presans a leur Ivj plaise ;
massacre : cest appres que ces cruels murtiers vrent executte Sensuit le nom des pauuresmurtiess :
leur meschante volonte et mauuaise entreprise sur ses pauvres Jean Bonnifas fis de Jammet - Jean Bonnifas fis de Bertrand
innosans ils commencerent a pillier leglise et rompirent bangs Andrieu Pourquier Pierre Faure Briquet Antoine
et caisses des ouuriers pour auoir largeant des bassins et em Bories masson Peraymond Bacquie Guilhem Besset
porterent tous les ornémans que y trouuerent qui sont la Jacmes Besset - Jehan Deuesse -Guilhaume Lanaspe masson .
croix le reliquaire , le calice, le tout dargeant vne cappe et B. DUSAN (d'après un manuscrit).

SÉPULTURES , CONSTRUCTIONS ET PEINTURES

DÉCOUVERTES DANS LA MOTTE DE FRÉGOUVILLE (GERS) .

La découverte qui fait l'objet de ce mémoire remonte déjà objets représentés ; celte scrupuleuse fidélité nous est une
à plusieurs années : l'auteur de l'une et de l'autre a été enlevé garantie de l'exacte reproduction de ce qui n'a pas été
à la science par la mort, et c'est à l'un de ses fils que nous conservé et que nous n'avons pu voir par nous-même.
devonsla communication des travaux qu'il a laissés inachevés. B. DUSAN .
Le manuscrit qui nous a été remis , relatif à la motte de
Frégouville , renferme de très nombreuses recherches sur les A l'époque de la Révolution , les habitants de la commune
divers modes de sépulture en usage dans l'antiquité , des de Frégouville concurent l'idée de fouiller un monticule, ou
notes sur la religion des Druides , des dissertations sur les motte, situé à l'est de leur village. Un nommé Sabateri, revêtu
diverses invasions subies par l'Aquitaine de César. A regret, de quelque charge municipale, saisit cette occasion pour ac
nous avons dû retrancher la majeure partie de ces pages ins complir un projet qu'il rêvait depuis longtemps. Il s'était
pirées seulement par d'intelligentes lectures, parce qu'elles figuré que ce grand tertre devait renfermer un trésor contenu
n'auraient été , pour la plupart de nos lecteurs, quedes ressouve dans un cuir de vache. Après de grands travaux et de recher
nirs. Nousavons scrupuleusement conservé tous les passages ches infructueuses, il se vil forcé d'abandonner son entre
constatant les découvertes faites à Frégouville , et qui sont, pour prise...
ainsi dire, le procès- verbal de fouilles entreprises dans un de Dans ces dernières années , on eut besoin de matériaux
cesmonuments connus sous le nom de lumuli, dont l’explora pour la réparation du presbytère de la commune ; quelqu'un
tion soulève aujourd'hui de véritables problèmes. Quant aux pensa qu'il serait facile d'en trouver dans cette motte, parce
conclusions trouvées par l'auteur, nous nous sommes fait un qu'on avait aperçu la tête de quelques pans de mur, lors
devoir de les maintenir, tout en les abrégeant un peu . L'inté d'une fouille toute récente . D'anciennes constructions furent,
rêt de ce travail porte principalement sur la constatalion en effet, mises à découvert. ( Voir les planches.)
du résultat des fouilles, parce que ce résultat donne des élé Dès qu'on eut aperçu la trace des premiers murs, on
ments nouveaux à l'étude des bulles artificielles, si communes chercha à en connaitre la direction . - Les terres enlevées ,
dans nos régions... A l'appui du mémoire, il nous a été fourni on vit une tour carrée, surmontée d'une maçonnerie octogo
des dessins d'une parfaite exécution et dont nous avons nale ; des briques fort épaisses et liées entre elles par un
pu vérifier l'exactitude en les comparant avec la plupart des ciment à chaux et à sable dessinaient son périmètre ; il n'en
- 56

restait qu'une vingtaine d'assises ; sa base carrée s'enfonçait mortiers et des poteries . Nous soupçonnions que cette cons
dans la terre à environ deux mètres . Au fur et à mesure que truction était la chambre sépulcrale du tumulus, car nous
les travaux avançaient, on vit que le mur de l'est A se reliait regardions celui- ci comme un vaste tombeau . Nous espé
à cette tour . Après un déblai général dans cette partie, il fut rions trouver dans cette chambre un cercueil, l'urne princi
possible de déterminer d'une manière exacte les dimensions pale . L'aspect de tous ces débris nous prouva que le tombeau
de l'édifice dont on ne voyait en quelque sorte que les der avait très anciennement été dévasté. On poursuivit le déblaie
nières ruines. ment en notre absence, et lorsqu'on vint nous apprendre qu'il
Aux deux angles du mur du sud -ouest B et du nord existait des peintures à l'intérieur de l'hémicycle, une moitié
ouest C existaient deux tours rondes, tandis qu'au nord se de ce mur avait disparu sous le pic des ouvriers, une partie
répétait la tour carrée ; à l'est et à un mètre de distance des peintures était détruite.
apparaissait un mur en pierre de forme circulaire, revêtu de Pour sauver ce qui restait de ces précieux vestiges, nous
pilastres à l'extérieur , le tout embrassant le mur de l'est usâmes des plus grandes précautions; l'humidité et les dé
et présentant ainsi un front avancé. combres avaient hâté la destruction ; les mortiers , les enduits
..... Les tours déblayées jusqu'au pied , on vit qu'elles ne se détachaient au moindre contact. Pour restituer ces pein
pénétraient pas très profondémentdans la terre ; il fut reconnu tures, avec l'aide d'un de nos enfants, habile dessinateur ,
qu'elles avaient été bâties postérieurement au mur circulaire nous avons du les relever par fragments de 5 à 6 centimètres ,
en pierre . Celui-ci semblait seul s'enfoncer dans le sol... Au au milieu de la neige, de la pluie et par un froid rigoureux ...
moyen d'une tranchée ouverte directement sur ce point par Nous fûmes récompensés de nos efforts par la découverte
les ouvriers animés du désir de rencontrer le trésor tradition d'une deuxième peinture cachée sousla première , et bien plus
nel, ce mur fut bientôt entièrement mis à découvert à l'exté importante à nos yeux. Nous allons les décrire l'une et l'autre .
rieur . Sur le mur demi-circulaire , en pierre, était appliquée une
D'autres ouvriers sapaient les masses de terre entassée pour couche très bien polie de cet enduit, que les anciens nom
former le tumulus ; arrivés au sol naturel, ils trouvèrent des maient marmoratum , ou tectorium opus, et que l'on retrouve
débris d'ossements ; on reconnut une série d'inhumations dans les ruines d'Herculanum et de Pompeïa . Des sujets
régulières... Les corps étaient séparés entre eux par une dis divers y étaient représentés ; le principal est une chasse : on y
tance d'environ un mètre . Après un nombre variable de tom voit, en effet, des chiens à la poursuite d'un ehevreuil; un le
bes, venaient de grandes fosses pleines de cendres, de débris suit de l'ail, l'autre se précipite avec acharnement sur les
d'ossements d'animaux, de crochets de fer en forme d'S . A traces de l'animal qui se retourne et va s'engager dans une
travers les couches de terre et de cendres mêlées de gros sorte de piége . Au - dessus est une autre composition encadrée
charbons, on voyait des vases de couleur noirâtre, des frag de franges et de filets d'ornements de couleurs variées . Le
ments de lances, de javelotz, de dards, d'épieux , des bois de sujet est peint sur un fond noir. Nous avons cru y reconnaître
cerfs, des os de brebis, de cochon , de cheval, de bouf et de un cerf et un porc - épic... La dégradation de la peinture nous
chien ... On y voyait aussi un grand nombre de tessons ou dis a laissé indécis. Plus bas est figurée une large bordure de
ques de poterie , arrondis et troués à la main , de grains ciselés boucliers dont les ornements, peints au simple trait noir,
de couleur verdâtre, de fibules en corne grossièrement tra pourraient être une indication de date .
vaillées ; des pesons, des clefs, des poids en grès gris, des Sous cette peinture, que nous avons facilement détachée à
monnaies du haut et du bas empire ; enfin , des vases d'une l'aide d'un couteau , nous en avons trouvé une seconde, exé
pâle rougeâtre , la plupart brisés. cutée dans un style différent, el paraissant remonter à une haute
A la base du mur circulaire , à l'extérieur , on trouva deux antiquité. L'enduit sur lequel elle était tracée était composé
tombes consistant en une fosse creusée dans la marne argi de chaux et de sable de rivière, sans mélange de poudre de
leuse qui constitue le sol naturel, et dont les parois étaient marbre ; c'était une fresque proprement dite. Qu'on se figure
maçonnées ; à une hauteur de 45 centimètres , ces petits mur's une surface unie, de couleur jaune d'ocre , sur laquelle le pin
offraient un retrait destiné à recevoir les dalles de pierre qui ceau a dessiné, à l'aide de teintes plates et de traits noirs, le
recouvraient le tout. Dans chacune de ces tombes était un sujet suivant :
squelette couché sur le dos, les bras ployés sous les hanches ; Au centre , on voit les pieds d'un personnage tournés en
à l'un d'eux manquait un avant-bras et sa main , l'autre était dehors ; la jambe gauche est posée un peu en avant; un
complet ; entre ses pieds était placé un vase en terre . (Voir les anneau entoure la jambe droite au -dessus des malléoles . Plus
planches. ) C'est le seul objet trouvé dans ces deux fosses. bas sont peintes deux têtes coiffées de casques de forme coni
Sur le plan perpendiculaire de la grande tranchée D , on que et de couleur grise avec des ornements jaunes. Celui de
reconnaissait assez exactement trois lits de cendre horizonta droite porte une gaine formée de plusieurs pièces assemblées
lement placés par étages entre des couches de terre et alter et assujetties par des clous ; de cette gaîne sortent quatre peti
nant avec elles. tes aigrettes. Le cimier supporte une espèce de caisson garni
L'espace compris entre le mur de brique à l’est et l'en de boutons ou de têtes de clous , ainsi que la base du casque.
ceinte circulaire en pierre était comble d'un mélange confus Sur celui de gauche, les ornements sont plus nombreux.
de tuiles brisées, de fragments de pierre amoncelées avec des Les deux casques ont des jugulaires composées de plusieurs
• Nard

1
* 992

. VUE A. Constructions
Plan B.Fosse avec bois decer
C.C.lombes
DD fosses avec cendres
03sementa d'animaux
E. Construchon modern
f fossé.
G Vivier

32 melia .7M 7m

A. id
Peintures
!

A jpt.
A. de certures
C

lonbes C G
fosses
Coupe longitudinale

ord
I
N

fosse maçonnée
& 14
D
B

C Sclplé sur ur des0:" ers


de revetement les angles
sont en creux

A
Y

X
F
Ft

Plan des construci: 15 Bievallen de l'extrémité F dumur El Pierre


A 5 1,20 Darcheo
A Pulzer D.Escalier X Perre.Y.Brique. Il lusses:navorneas fif aer : re marche

Croquis otiigende de M Lacaze


TIPLUS
Deblai à l'extérieur des constructions

h
t

cid

Déblai à l'intérieur de la construchon en pierre

Itin

Croquis de M " Lacaze (F.-Comme!


" UMULIS DE FPÉG ,}"VILE .
T

B
A -

D"

D'
F

E
2

G H

A. Celle trouvés aux abords du lumulus


BCC Armes et Clefs er fer G. Bois de Cerf trouvé dans la issue B.du plan
3 Disques en lerre cule D Grain de collier Parije inférieure H.
D crt pierre du Tuit.ulus Vase en loire rouge trouve da.s 12 i:sse Teçoizée.
G Cef en bronze mir yrkon
Vares en terre rouge E lerre prise
..Vase en verre ornements bleus JJJ CI Eperons en fer bare
soquis etlependede MFLacaze.
TUMULUD DE FRÉGOUVILLE .
Pemtures superposées

Lambo

23

II ]

Ba

2me Peinture

Loquis deMiLacaze isao siwiej


TUMULUS DE FREGOUVILLE
- 57

plaques de couleur grise et jaune , ce qui indique sans doute bule, où s'assemblaient les parents et les amis du défunt pour
deux métaux différents. Une teinte plate rouge -brun colore y faire des prières et le repas funèbre ...
les deux visages, malheureusement presque effacés ; des traits Il faut avouer encore que le tumulus en terre qui
noirs en marquaient les contours ; ceux des yeux, encore bien recouvre cet hypogée se rapproche beaucoup de ceux que
visibles , indiquaient une obliquité que l'on retrouve dans les l'on voit à Vulci et à Tarquinies. Ceux -ci sont élevés dans le
peintures égyptiennes. pays de plaine ; leurs chambres sépulcrales sont pratiquées
A droite et à gauche du personnage dont il ne reste que les dans l'intérieur du sol et recouvertes par des tumuli bâtis en
pieds, sont représentées deux grandes figures vêtues de robes pierre de grand appareil, le tout recouvert d'une grande masse
amples et descendant jusqu'aux malléoles, à plis nombreux et de terre. On peut donc objecter , avec raison , que le tumulus
diversement agencés. Celle du personnage de droite est serrée et l'hypogée de Frégouville sont de celle même époque et bålis
à la hauteur des hanches ; ses épaules semblent être cou d'après lesmêmes idées.
vertes d'une sorte de manteau dont les côtés descendent en Nous répondrons à cela que les monnaies recueillies par
pointes arrondies . Le bas de la robe ou tunique est orné d'une nous-même dans la partie la plus basse du tumulus et la plus
large frange formée de lignes droites et de lignes ondulées ; voisine de l'hypogée , à travers les terres transportées, appar
le bord est garni d'une bande grise ehargée de boutons ou tiennent loutes au haut empire et notamment aux règnes de
de perles... La main du personnage reposait sur l'épée placée Constantin le Grand et de ses deux fils , tandis qu'on n'en a ren
devant lui. contré aucune de celtibérienne , ce qui fait disparaître, à notre
L'autre figure est à peu près semblable à la première etn'en avis, l'idée que le tumulus est de la même époque que l'hypogée.
diffère que par l'agencement des plis ; en avant d'elle est un
ornement en torsade, une sorte de chaîne ; à côté , des lignes Ainsi , M. Lacaze fait un hypogée des constructions découvertes dans la
motte de Frégouville , qui dés -lors est bien un tumulus... Il y voit la sépul
verticales indiquent peut-être une épée .
ture d'un chef gaulois et reconnait , dans la peinture la plus ancienne, une
Telle est cette peinture étrange dont le style, le procédé Quvre de l'art celtique. Il suppose que les deux fosses maçonnées placées à la
base du mur sont celles d'esclaves sacrifiés à la mort du chef... Il donne ensuite
d'exécution , l'agencement des draperies et la disposition du
de la peinture qui recouvrait la plus ancienne,des sépultures , des lits de cen
groupe semblent annoncer un art tout rudimentaire ... L'état
dres et des terres amoncelées au -dessus, une explication spécieuse... Il attribue
de dégradation dans lequel elle nous est parvenue augmente le tout au règne de Constant, deuxième fils de Constantin . Il admet que ce
encore l'indécision , dès qu'on essaie de lui assigner une signi tumulus est l'ouvre de soldats romains qui ont voulu ensevelir dignement un
de leurs chefs et qui placerent ses restes dans l'antique hypogée du chef
fication ou une date . gaulois , orné par eux de nouvelles peintures avant que d'entasser au -dessus
des masses de terre...
L'auteur ferait remonter volontiers celte peinture à l'époque de la prédo
minance des colonies phéniciennes sur les côtes occidentales , où elles auraient ..... Plus tard , on fortifia les points menacés... On bâtitun
apporté l'influence de l'art assyrien ... Il trouve entre les bas-reliefs de Ninive
donjon , une petite forteresse , sur la molle ou tumulus de Fré
et la fresque de Frégouville des rapports singuliers de pose des personnages ,
d'ajustement des draperies et de forme des casques... gouville... C'est en creusant ses fondements qu'on découvrit
Il reconnaîtrait pourtant de préférence, dans l'ensemble du monument, les
l'hypogée.. Après avoir comblé son enceinte de terre et de
traditions étrusques, selon lui introduites par les compagnons de Bellovèze ,
débris de matériaux , on rebâtit sur ses ruines ; un fossé fut
au temps de Tarquin l'ancien . Il trouve une grande analogie entre ce monu
ment et les grottes sépulcrales que les Étrusques creusaient dans le roc et pratiqué tout autour ... Les guerres féodales détruisirent en
dont les parois étaient ornées de peintures relatives aux funérailles et à l'état suite cette fortification ...
de l'âme après la mort. Empruntant les lignes suivantes à une description du
LOUIS LACAZE .
tombeau de Cæré, nommé Volta piana, « on passe dans une vaste chambre
rectangulaire divisée en quatre compartiments par quatre piliers carrés... Le
vestibule porte encore des traces de peintures qui remontent à une haute Nous ajouterons que l'église et le cimetière de Frégouville
antiquité ; ce sont des dessins linéaires enluminés à teintes plates ... Quant aux sont placés auprès de l'emplacement du tumulus ; que sur ce
figures, elles ressemblent par le style à celles que l'on voit sur les vases réputés
d'origine phénicienne ... » point l'auteur du mémoire signale l'existence d'une construc
tion en briques ressemblant assez à un hypocauste et dont il
Dans le tombeau de Frégouville, conclut M. Lacaze, on voit fait une grille à ustion ; qu'il a recueilli plusieurs celte tout
un édifice rectangulaire terminé par un hypogée. Celui-ci était autour du tumulus, quoiqu'il n'en ait pas trouvé dans le tu
séparé de la nef principale par des portes qui devaient en mulus même... Nous nous garderons de rien conclure, quoi

défendre l'accès. Au centre et pour soutenir la voûte ou les que séduit par un involontaire rapprochement entre la chambre
planchers était bâti un pilier rond en pierre. Sur le côté du sépulcrale, le dolmen , des pays où les grands blocs de pierre
nord , lemur se terminait par une rampe qui tournait autour sont communs et la chambre sépulcrale maçonnée que renfer
de lui... Nous avons retrouvé quelquesmarches de cet escalier. ment peut- être plusieurs de nos tumuli, comme l'admettrait
On pénétrait donc dans l'hypogée par le haut de l'édifice , à M. Lacaze pour celui de Frégouville .
l'aide d'un escalier qui conduisait dans les diverses parties du Cet érudit écrivait, il y a quelques années, à un moment où
monument... l'étude des monuments primitifs était peu avancée ; aussi son
Ce qui lui donne un caractère de ressemblance avec les euvre manque- t- elle d'une précision de détails à laquelle nous
monuments analogues des nations orientales, c'est l'appareil ne pouvons suppléer.
des matériaux et la disposition de la salle principale ou vesti Nous n'en avons retranché que des digressions aujourd'hui

8
58 -

peu utiles... C'est par conséquent son opinion que nous fai pays, on aurait découvert, il y a trente ans, dans un de ces
sons connaitre, laissant à nos lecteurs le soin d'interpréter à tumuli , une fosse maçonnée pareille à celles de Frégouville, et
leur gré, parce que bien des indications font défaut que l'au recouverte d'une dalle chargée de caractères inconnus. Mal
teur seul eût pu nous fournir ... A son sujet, les regrets que heureusement, cette dalle étant très épaisse, on la creusa en
doit inspirer la perte d'un homme de bien se mêlent pour forme d'auge, et l'inscription est à jamais perdue ... Peut-être
nous à ceux que nous dicte l'intérêt de la science ... eût- elle offert des rapports inattendus avec celle deManné- er
Nous désirons vivement que la publication de ce travail H'roëk .
attire plus particulièrement l'attention sur l'étude de ces Cette indication , les découvertes faites à Frégouville témoi
éminences artificielles qui renferment peut- être la solution de gnent assez des résultats que l'on peut attendre de l'étude
problèmes importants... Elles se comptent par centaines dans des moltes ou des lumuli épars dans les contrées méridio
notre région ; sur une carte antique de l'arrondissement de nales. Nous faisons appel à la bonne volonté de nos lecteurs ,
Lombez, dressée par lui, M. Lacaze en a indiqué dix -neuf afin qu'ils nous secondent dans la publication du plus grand
pour cette seule partie du département du Gers. nombre possible de renseignements relatifs à cette question , à
D'après les affirmations d'un homme recommandable de ce peine effleurée encore pour le Midi.
B. DUSAN

ÉTUDE SUR L'HISTOIRE DES INSTITUTIONS SEIGNEURIALES ET COMMUNALES

DE L'ARRONDISSEMENT DE GAILLAC (TARN ).

(Suite.)

Pour le paiement d'une dette, il ne sera jamais permis de quatre ans en friche. Tout habitantpourra à sa volonté quitter
saisir les habits, les draps de lit, les outils , les bæufs de la ville et aller s'établir ailleurs, tout en conservant ses fiefs et
labour et la charrue du débiteur, si ces objets ne sont spé ses honneurs. La communauté aura la faculté d'établir une
cialement engagés. En matière de police correctionnelle, la forge pour aiguiser les outils aratoires . Aucun habitani ne
majorité de responsabilité est fixée à quatorze ans , et les pei sera distrait des juges du lieu . Tous pourrontfaire testament,
nes pour coups et blessures, injures, vols et autres sont minu et les biens d'une personnemorte sans lester, les dettes et les
tieusement fixées . Enfin , s'il vient à s'élever un différend droits de la femme réservés , appartiendront aux enfants, et å
entre le seigneur et son bailli et un habitant de la ville, ce défaut aux parents, et à défaut encore au seigneur; et si une
différend sera jugé par les consuls. femme n'a pas de titre établissant sa dot, elle aura, à défaut
Ecoutons maintenant deux seigneurs laïques, Guillaume d'enfants et de parents, la moitié des biens laissés par le
Agasse et Pierre Ralier, habitants de Montclar qui veulent mari.
construire une bastide sur un mamelon qui domine la vallée Les seigneurs, encore , renoncent à tous leurs autres droits
du Tescou , sous la dénomination de bastide de Sainte - Marie écrits ou non , qui ne seraient pas stipulés dans la charle .
de Saint- Urcisse . Ils proclament solennellement qu'ils donne Suit enfin la fixation des amendes pour crimes et délits.
ront à toute personne qui ira y habiter un emplacement de Les villes déjà fondées eurent aussi leur charte écrite . Mon
huit brasses de long sur quatre de large, pour construire une clar eut la sienne en 1267, accordée par le seigneur « de son
maison , deux mesures de terre pour un jardin , une mesure bon gré et volonté. » L'âge nécessaire pour tester y est porté à
pour vigne et une autre pour pré, le tout en propriété sous quatorze ans ; de toute personne morte ab intestat, les biens
un cens de un denier pour la maison , de huit pour le jardin , appartenaient aux enfants, à défaut aux frères, et à défaut
et de deux pour la vigne et le pré, et un denier d’arrière- capte , encore, les immeubles aux parents, et les meubles, un tiers
avec pouvoir de les vendre et engager, à la charge de donner aux parents, un tiers au seigneur et l'autre tiers aux consuls
un denier par sol du prix de la vente et une maille par sol du pour euvres pies : à défaut de parents, les immeubles et les
prix de l'engagement; elle pourra défricher aux alentours de deux tiers des meubles , l'autre tiers étant réservé pour
la bastide toute la terre qu'elle voudra et qui deviendra sa @uvres pies, élaient délivrés au seigneur un an et un jour
propriété en en donnant, après quatre ans qu'elle la tiendra après le décès. Le seigneur héritier des fiefs par héritage
quitte de redevances, le neuvième desfruits aux seigneurs ; elle ab intestat devait se défaire de ces fiefs dans le délai d'un an
pourra la vendre à tout habitant du lieu , clerc ou chevalier et un jour, et toujours le seigneur dominant pouvait en deve
exceptés, mais le seigneur avant la vente aura la faculté de la nir acquéreur de préférence à tout autre. Celui qui allait
garder pour lui au même prix ; elle pourra aussi la donner s'établir au château ou en sa juridiction avait quinze jours
en sous- fier , mais jamais la terre ne devra rester plus de pour choisir son maître ou seigneur ; il pouvait le quitter, ses
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dettes payées , et les consuls devaient le conduire et garder 1271 ; Philippe III en prit aussitôt possession et garantii aux
jusqu'aux limites de la juridiction . Les filles placées sous la populations assemblées pour lui prêter serment tous leurs
dépendance des chevaliers ou des francs en étaient affranchies priviléges, libertés et coutumes. Ainsi fut consommée l'œuvre
en épousant un homme du château dont elles partageaient la politique de la croisade des Albigeois, le triomphe du Nord
condition ; et de même celles du château se mariantavec des sur le Midi, l'annexion au royaume de France du comté de
hommes dépendant d'autres chevaliers que le seigneur du lieu , Toulouse. C'en est fait dès ce moment de la nation mon
étaient affranchies de ce dernier , à moins qu'elles ne fussent dine ( 1) ; elle va perdre jusqu'à son nom populaire souvenir
héritières des bienspaternels ; car, en ce cas, elles ne pouvaient orgueil et regret d'un passé glorieux » pour celui de Langue
transférer le droit de l'honneur au préjudice du seigneur doc qui n'en désignera même bientôt qu'une seule partie ; les
duquel il était mouvant. lettres y seront proscrites dans la personne des Troubadours ,
Les seigneurs féodaux et directs se dépouillèrent aussi en et la liberté de conscience poursuivie avec sévérité, d'un côté
faveur de leurs colons du domaine utile des terres qu'ils leur par les inquisiteurs, et de l'autre par les nouveaux seigneurs,
donnèrent à fief, avec pouvoir de les jouir et posséder , d'en qui interdirontaux hérétiques les emplois publics et confisque
disposer par testament, et vendre et aliéner, sous certaines rontleurs biens. Les populations qui l'habitaient avaient été
rentes et cens, droits d'acapte et arrière- capte, quart, quint anciennement en relations assez suivies avec ceux de la France
et autres . Ainsi Elfort de Rabastens affranchit ses colons de du Nord , et avaient reconnu l'autorité de leurs rois , qui
Mezens, et en 1286 ses deux fils, moyennant finance , confir s'étaient alliés avec leurs souverains, qui avaient des seigneu
mèrent solennellement sa donation ; ils cédèrentaux habitants ries dans la contrée et des liaisons avec les évêques . Aux xie
tous usages dans leurs bois, et les exemptèrent des droits de et xie siècles, la plupart des actes en Languedoc portent
péage, se réservant, indépendamment des rentes et des devoirs l'indication du roi des Français régnant ; l'idée d'une seule
précités, les droits de corvée et manœuvres, et que tous le France féodale sous un même chef n'était pas étrangère dans
suivraient à la guerre le cas échéant : à chaque changement le Midi ; mais devant les résultats de la croisade et les maux
de seigneur, les vassaux devaient jurer d'être pour lui bons et de l'oppression , un instinct national se réveilla fortement
loyaux, et celui- ci de les protéger contre tous. dans ses populations rivales et divisées, et fit naître une haine
Telles sont les principales conquêtes dans la vie civile, poli profonde et implacable contre ces dominateurs venus du Nord ,
tique et administrative de nos populationsméridionales , défi et longtemps après la conquête, les habitants de Marseille
nitivement consacrées dans la seconde moitié du XIIe siècle : accueillirent par un Te Deum solennel la nouvelle de la capti
tout homme appelé à êlre réellement propriétaire ( quoique vité de saint Louis ! Aussi les rois eurent à déployer beau
sous certaines redevances) du champ qu'il cultivait , avec faci coup d'habileté dans leur administration ; ils ne gouvernèrent
lité de le vendre, échanger et engager, de le transmettre par pendant près d'un siècle qu'en qualité de successeurs des com
héritage et de le partager à ses enfants ; création des droits de tes de Toulouse ; ce n'est en effet qu'en 1361 quele roi Jean unit
la famille ; liberté d'aller et venir d'un lieu à un autre ; consti le comté à la couronne, et bien qu'Alfonse leur eût merveil
tution en communauté dont les officiers , élus par le peuple , leusementpréparé le terrain , ils rencontrèrent néanmoins beau
veillaient aux intérêts de la cité, participaient à l'administra coup de difficultés et ne purent même jamais arracher entiè
tion de la justice, jugeaient eux -mêmes en certaines matières rement leurs libertés politiques aux habitants qui en étaient si
et avaient la police urbaine et rurale ; justice rendue à tous justement fiers.
par les juges du lieu , suivant un code régulier ; droits des sei Les libertés générales de la province furent d'abord con
gneurs restreints et spécifiés dans un titre écrit. Quel progrès firmées, et puis celles qui étaient particulières aux commu
immense accompli ! La sociétébarbare a définitivement disparu , nautés. Philippe III commença à réformer la justice et à
faisant place à une nouvelle société qui porte avec elle tous les restreindre les pouvoirs des seigneurs justiciers ; il concilia
éléments de grandeur , révolution sociale suivie de la renais aussi sa position de comte de Toulouse avec celle de roi de
sance des lettres, des sciences et des arts. A côté de la noblesse France , en s'affranchissant de toute sujétion incompatible
et du clergé, on voit maintenant une troisième classe d'hom avec la majesté royale, Ainsi , en 1277, il délégua son séné
mes, celle des propriétaires, cultivateurs et industriels, de la chal pour remplir envers l'abbé de Gaillac l'hommage qu'il lui
bourgeoisie , du tiers- état, qui , régulièrement constituée, sera devait comme comte , etdont il s'affranchit même bientôtaprès ;
appelée aux affaires publiques et sans le consentement de en 1282 , il confirma les libertés données à Cordes en 1222
laquelle aucun subside extraordinaire ne pourra d'abord être par Raymond VII, mais il réglementa l'élection des consuls ,
imposé . Elle aidera la royauté contre la féodalité, mais elle faite sans doute précédemment par les habitants , et la
perdra elle-même ses principales prérogatives qu'elle ne retrou remit au sénéchal, laissant seulement aux consuls sortant de
vera que plus tard, à la suite de nos révolutions modernes , charge la présentation des candidats . Il sanctionna l'introduc
étendues alors aux deux autres classes qui n'en formeront plus tion de la noblesse dans le consulat : elle y était déjà , car
toutes qu'une seule, celle du peuple français . Mais suivons la dans les principales villes les consuls, d'un commun accord ,
marche des évènements.
A la mort d'Alfonse et de Jeanne, le comté de Toulouse, en
vertu du traité de paix de 1229, passa au roi de France en (1 ) Raimondine, régie par les Raimonds.
- 60

se prenaient indistinctement dans la classe des nobles et des pour bâtir une maison avec faculté d'extraire du sable et de la
bourgeois (Montclar , 1267). C'est un des caractères dominants pierre dans toutes les carrières propices , conditions du tène
de la constitution municipale dans ce pays que cette union dans ment des fiefs, communauté administrée par six consuls dont
son sein des chevaliers et des bourgeois, qui se partageaient deux devaient être nobles, attributions des consuls (1) , tarif
ainsi les honneurs du consulat. Le roi permit enfin å ses vas des droits de justice et des peines civiles et criminelles. De
sanx de lui payer les droits seigneuriaux en livres et deniers plus qu'aux autres chartes, tous ces articles paraissent accor
tournois, au lieu de livres et deniers raimondins. dés par les scigneurs, du consentement du peuple ; plusieurs
Philippe IV administra plus judicieusement encore . Un de amenèrent des pourparlers, et d'autres enfin furent réservés
ses actes qui touche plus spécialement à l'état social fut l'abo et ne furent accordés que quelques jours après. L'établisse
lition qu'il accorda, en 1298 , en faveur de tous les habitants ment, à Beauvais, d'un sceau rigoureux pour le paiement des
de ses domaines propres dans la sénéchaussée de Toulouse et dettes, avec la même force que celui de Montpellier el exécu
d'Albigeois, de la servitude du corps ou esclavage qu'il changea toire dans toul le royaume, suivit bientôt la fondation de la
en un cens annuel de 12 deniers tournois par chaque sélérée ville royale .
de terrain , leur permettantde jouir des biensqu'ils acquerraient Les fondations de nouvelles bastides par les officiers du
comme personnes libres et nées de condition libre . Cette roi amenèrent, en se multipliant, le déplacement d'une foule
concession importante qui accorde la pleine liberté, l'ingé d'habitants , et l'on comprend les représentations au roi de la
nuité , complément de toutes les concessions précédentes , part des consuls des anciennes villes, de ceux de Toulouse
s'appliquait aussi aux vassaux des autres seigneurs laïques et qui obtinrent, en 1344 , des lettres -patentes pour arrêter ces
ecclésiastiques de ladite sénéchaussée qui iraient s'établir sur officiers dans leur zèle. On voit par là l'importance politique
ses terres ; restreinte d'abord aux limites de la sénéchaussée , qui y était attachée , car les populations avaient alors une
elle s'étendit bientôt après, et sur tous les points du territoire préférence marquée pour la domination royale. Cette préfé
l'homme se trouva libre (1) . Philippe-le - Bel qui, « au nom de rence était poussée si loin que, en 1351 , le roi voulant alie
la loinaturelle , proclamait le droit de liberté pour tous, et au ner quelques -uns de ses domaines, les habitants de Lisle et de
nom de la loi divine, réprouvait l'institution du servage, » aida Rabastens lui offrirent une somme énorme, 1,500 livres, pour
puissamment à l'avènement de la liberté, en donnant à ses rester à perpéluité sous sa juridiction , désirant y vivre et
sujets immédiats des franchises plus étendues que celles dont mourir, quod babeant bonam devotam et fidelem affectionem
jouissaient les sujets des seigneurs voisins, en entrant en ad dominum nostrum regem , sub ejus umbra et juridictione
paréage avec la plupart de ces seigneurs, comme il le fit, en velint vivere et mori.
1306 , pour les terres de Montans, Brens , Aunay, Labessière A l'imitation du roi, les seigneurs particuliers allégèrent les
et Saint-Urcisse, et enfin par ces ordonnances célèbres de charges féodales ; ils accordèrent des chartes aux habitants
1311 , applicables à tout le royaume; il convoqua aussi les qui n'en avaient pas encore , ou renouvelérent en les étendant
états généraux du royaume, où se trouvèrent, avec les députés celles qui existaient déjà , et cela , comme à Montclar , après
du clergé et de la noblesse , ceux de la bourgoisie des villes (2 ). les remontrances de leurs vassaux, La charte de confirmation
L'euvre de Philippe-le -Belfut continuée par ses successeurs, de Montclar est de 1328 ; celle de Salvagnac, de 1335 ; de
malgré la résistance des seigneurs qui la firent parfois rétro Montmiral, de 1365, et de Roquemaure, de 1395. A cette
grader ; « mais en dépit de ces retours inévitables, deux choses époque aussi, quelques municipalités, dont la juridiction em
allèrent croissant toujours, le nombre d'hommes libres à titre brassait plusieurs villages, furent fractionnées. Les villes de
de bourgeoisie , et le mouvement qui portait cette classe Cordes et de Cabusac avaient plusieurs jurades sous leur
d'hommes å se ranger d'une manière immédiate sous la garde dépendance ; elles en perdirent alors quelques-unes qui furent
et la justice du roi. » Ces évènements sont marqués dans érigées en communauté . Les motifs qui déterminèrent la
notre pays par l'aliénation et la reprise par le roi, en 1315 , création du consulat du Verdier , formé des lieux du Verdier ,
de son domaine de Gaillac sur la représentation des consuls, de Saint - Bausile , de Rouyre el de Lamothe, fut l'éloignement
par la confirmation des priviléges des villes relevant d'autres de ces lieux de Cahusac qui assurait l'impunité des délits et des
seigneurs, comme Labessière, en 1333 , par la fondation des crimes ; les nouveaux consuls, et on voit là leurs principales
villes royales de Bonneville en 1341, et de Beauvais en 1342. attributions, eurent « la justice criminelle , la connaissance
Les coutumes donnéesaux habitants de Beauvais sont semblables des tailles, dommages , maléfices, chemins et autres, comme
à celles que nous connaissonsdéjà :donation d'un emplacement tous ceux de la judicature d'Albigeois. »
En 1358 , le roi avait posé en principe qu'à lui seul appar
tenait la création des communes, qui toutes étaient sous sa

( 1) Voici quelques libertés accordées précédemment en quelques localités :


celle donnée aux serfs, en 1183 , de pouvoir marier leur fille sans le consen
tement du seigneur, et cette autre accordée, en 1270 , par Alfonse et Jeanne ( 1) Une des attributions des consuls qui doit trouver ici une place particu
de laisser entrer les fils de serfs dans l'état ecclésiastique sans permission de lière était celle de pouvoir instituer des confréries et en nommer les bailles.
son seignenr. La liberté d'association était pour ainsi dire proclamée à cette époque . Les corpo
(2 ) Gaillac envoya des députés aux états généraux réunis, en 1308, à Tours, rations, qui furent plus tard si nombreuses, eurent toutes, au xvie siècle, leurs
pour l'affaire des Templiers . règlements.
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seigneurie immédiate . Ce fut là un grand pas à la suite duquel gneuries, dont trois étaient titrées de marquisat et quinze de
le roi s'ingéra dans l'administration intérieure des commu baronie ; parmi ces dernières, une donnait entrée aux états
nautés, et pul, en 1389, réduire à quatre les consuls de toutes généraux du Languedoc et quatre aux élats particuliers du
les villes de la province. D'après ce principe, Charles V avait diocèse .

pu aussi établir dans tout le royaume la permanence de l'im


pôt, aides et subsides, de leur nature transitoires , el Char
les VI, en 1413 , eut la faculté de centraliser l'administration
de la justice et des finances. Le droit de rendre la justice était
inhérent au droit de propriété. Les rois voulurent bientôt se
CHAPITRE III.
l'arroger comme l'un des attributs les plus essentiels de la
souveraineté, et posant en principe que fief et justice n'avaient
Etude sur les seigneuries et les communes .
rien de commun , ils dessaisirent par le droit d'appel les juges
seigneuriaux de la décision en dernier ressort des affaires
civiles et criminelles. Un des premiers pas dans celte voie de $ 1. DES SEIGNEURS ET DE LEURS DROITS .
centralisation date de l'année 1342, et se trouve dans la charte
de fondation de Beauvais, qui donne au juge la connaissance Après l'organisation de la conquête , les chefs barbares et
par appel des sentences pour crimes prononcées par les con quelques rejetons des familles gallo -romaines se partagèrent
suls. Les rois augmentaient ainsi leur pouvoir aux dépens des le territoire et eurent sous leur entière domination la grande
seigneurs et des bourgeois ; mais ils se les attachaient d'un masse du peuple ; quand la féodalité fut constituée, ces deux
autre côté en distribuant des dignités, en anoblissant des classes de seigneurs n'en formèrent plus qu'une seule, avec
familles roturières, en confirmant les nobles dans les conseils une hiérarchie propre, quoique les liens qui l'établissaient fus
des communes , en érigeant des terres en comtés et baronies. sent souvent rompus et parfois à peine perceptibles : les pro
On sent là une marche lente , quoique progressive , vers priétaires du sol, tenus vis-à- vis de leur supérieur immédiat à
une unité , une centralisation administrative à lravers tous les la foi et hommage et au service militaire, obligations le plus
éléments de gouvernement dont se composait le pays. Cette souvent vaines et qui n'avaient d'autre sanction que la force
concentration du pouvoir dans une même main , à laquelle brutale , eurent leur lot territorial en pleine souveraineté avec
aida la reconstitution de la justice et du parlement, ne se fit l'autorité la plus absolue sur les hommes qui le cultivaient,
pas certes sans de vives oppositions; mais elles furent étouffées serfs et esclaves, assimilés presque à des bêtes de somme,
parfois dans le sang , et la royauté marcha définitivement, taillables et corvéables à merci. Nous avons vu comment peu à
après sa lutte victorieuse avec l'Angleterre qui réveilla un peu , soit sous l'influence des idées chrétiennes et des ancien
nouvel élément national, vers l'unité administrative , judi nes traditions romaines qui s'étaient perpétuées parmi les
ciaire et financière . Nous ne la suivrons plus dans cette voie membres du clergé et les artisans lettres des villes, soit par
où Louis XI lui fit faire de grands pas ; il suffit d'avoir montré la marche naturelle du progrès, la domination de l'homme sur
les commencements du pouvoir royal pour être assurés des l'homme perdit de son étendue première ; elle se traça elle
développements qu'il prendra par la succession des siècles, en même des règles qui fixèrent la perception des droits lucratifs
amenant à la monarchie absolue qui prépara la ruine de la qu'elle s'était plu d'abord à imposer sur ses sujets. Ces droits
royauté elle-même. La confirmation des priviléges généraux étaient presque réguliers , quoiqu'ils n'eussent perdu aucun
de la province et de ceux des communautésn'entrava pas cette caractère de servitude, lorsque le grand mouvement du
marche ascendante qui,après les guerres du protestantisme, ne xie siècle commença à se produire avec son élan irrésistible ;
connut plus de frein . Les communes perdirent alors leurs les seigneurs alors supprimèrent quelques -uns de ces droits
droits les plus essentiels ; une seule institution , celle des au profit des vassaux qu'ils voulaient favoriser , allégèrent le
étals généraux du Languedoc , fonctionnait encore avec ses poids de certains autres, réglèrent enfin d'une manière fixe
anciens sentiments d'indépendance; mais après plusieurs la perception de tous . L'arbitraire prit fin pour ainsi dire dès
essais, on finit par lui enlever ses principales prérogatives et le ce moment, et au XIIe siècle , toutes les populations émanci
vote libre de l'impôt. Les finances, malgré de nombreux expé pées eurent leur code seigneurial écrit.
dients et des règlements nombreux faits plutôt pour assurer La plénitude de la souveraineté, le dominium , sur la terre et
un produit plus grand qu'une meilleure distribution des sur les hommes qui y étaient attachés, fut acquise au maitre,
fonds, furent dans un désordre épouvantable que l'aliénation avons-nous dit, lors de l'organisation dela ſéodalité . On devait
d'une partie du domaine du roi et la création d'une infinité de appeller honor le territoire ainsi possédé souverainement. Cet
charges vénales ne purent arrêter. Une rénovation complète honneur comprenait parfois une grande étendue de pays ; cer
de l'état social sur de nouvelles bases était imminente ; elle eut taines parties en furent données, libres de redevances, à des
pour signal la convocation des étals généraux en 1789. chevaliers et des francs ruinés amis du maitre , sous la seule
A ce moment, la partie de l'Albigeois comprise dans les obligation de foi et hommage, et la réserve explicite des droits
limites de l'arrondissement de Gaillac, comptait quatre -vingt de l'honneur , des droits de justice sur ces biens ; d'autres fu
dix municipalités, avec un nombre tout aussi grand de sei rent données à des colons intelligents, sous ces mêmes réser
62

ves, et de plus sous un cens déterminé et la redevance d'une droits seigneuriaux. Indépendamment des actes cités, notre
partie des fruits qui en proviendraient. Ces fractions de l'hon opinion est appuyée sur la charte de Saint- Urcisse , de l'année
neur , si différentes de l'honneur lui-même, portèrent aussi 1256 , qui, après avoir réglé le mode de tènement des fiefs,
le nom d'honneurs : montrons, d'après les pièces que nous ajoute ces mots caractéristiques : et tous les feudataires pour
avons en main , l'exactitude de cette proposition et la signifi ront donner les honneurs susdits à surfief, et tots los feuatiers
cation qu'il faut attacher à ce mot honor diversement podo donar aquest honors sobredichas a sobrefieu ; plus loin , cette
employé . charte fait encore de fief le synonyme d'honneur . La dénomina
Le mot honor , honneur, s'applique à un bien noble exempt tion d'honneur, qui implique un certain caractère de nobilité ,
de taille et investi du droit de justice . Dans l'étendue de la se comprend par la supériorité, par la directe que le maître de
juridiction de l'honneur, on trouve au commencement du l'honneur avait sur le bien et sur celui auquel il l'avait donné.
XIIe siècle des honneurs appartenant à des prud'hommes De là deux divisions naturelles pour les seigneuries : la
des communautés déjà affranchies et mêmeà des francs d'ori seigneurie foncière et censière et la seigneurie haute. Chacune
gine, domaines soumis à des redevances seigneuriales et aux d'elles avait des prérogatives particulières, souvent appliquées
tailles. La charte de Gaillac de 1221 dit : « Tous les honneurs indistinctement à l'une ou à l'autre parce que les deux sei
que les seigneurs auront dans l'étendue de la juridiction du gneuries se trouvaient parfois dans les mêmes mains , mais
lieu contribueront aux dépenses de la ville ,toutaussi bien que toujours la seigneurie haute avait une certaine supériorité sur
les honneurs appartenant aux prud'hommes, aquelas honors la première .
fezeso a totas las mesios de la villa comma las autres honors dels Le seigneur haut justicier avait le droit de justice sur tout
prosomes ; » et plus loin , « le comte de Toulouse garantit à le territoire composant sa juridiction , sur ses terres propres
tous les habitants de la ville la libre possession de leurs ter comme sur celles des seigneurs féodaux et censiers qui y
res, honneurs, biens meubles et immeubles, terras e honors étaient situés ; les biens des condamnés étaient confisqués à
e aversmobles e no mobles. » son profit ; il héritait des personnes de sa juridiction décédées
Dans un acte de donation de 1226 à l'abbaye de Candeil , ab intestat et sans parents à un degré fixé, s'appropriait les
Guillaume Adémar de Graulhet cède les honneurs avec leurs épaves, avait le droit exclusif de chasse et de pêche ; enfin il
dépendances , et les hommes et les femmes qui y étaient atta jouissait de certains droits honorifiques. Le seigneur feodal
chés , qu'il avait dans l'étendue de l'honneur du château de était le propriétaire d'un fief franc. Il lui était dû par son
Graulhet, totas las honors els homes e las femenas e tot lor apar vassal, par celui qui tenait son fief, foi et hommage, aveu et
tenemen que en avia on que sio de la honor del castel deGrenoillet; ) dénombrement, fidélité et respect, et des droits de mutation ,
ces honneurs étaient cultivés sous des redevances annuelles de quint ou rachat. Enfin au seigneur censier , propriétaire d'un
fruits, cens et autres , et sous des droits de terrage , tasque ou fief, d'un fonds tenu en censive , il était dû , pour son droit
champart. L'accord de 1231, entre Raimond VII et l'abbé de de directe, par celui qui le jouissait, qui en avait la seigneurie
Gaillac, porte que si quelqu'un tenant du monastère des hon utile , le devoir de reconnaissance , le paiement de cens et de
neurs à cens annuel venait à être condamné en justice ou la rente et les droits de lods, d'acaples et d'arrière- captes .
décédait ab intestat sans héritiers naturels, ces honneurs , au L'un et l'autre seigneur pouvait, suivant ses titres, lever sur
lieu de devenir la propriété des seigneurs , seraient vendusà son fief le droit de péage, et sur les tenanciers les droits de
des personnes compétentes, afin que l'abbé perçutdes droits de vente , corvée, de taille, de banalité et autres.
les acaptes et les censaccoutumés: — si forte contingat quod aliquis On a vu comment, par suite du progrès des temps, les sei
vel aliqui cui tenent honores sub annuo censu a monasterio Gal gneurs, volontairement ou par force , avaient soumis, au xiure
liacensi, incurrant in currimentum vel decedant intestati sine siècle, la perception de leurs droits à des règles écrites dans
hæredes, honor vel honores vendantur personis competentibus, ita des chartes spéciales, comment ils avaient abrogé ou considé
quod monasterium percipiat vendas, acapita et censum solitum . rablement adouci certains de ces droits, réglementé la pos

Cet accord distingue les honneurs tenus à cens, honores pro session de la propriété et établi enfin les colons, devenus
quibus annum censum præstare tenentur , et les honneurs non propriétaires, en communauté. Les chartes qu'ils octroyèrent
censuels, honores non censuales, quos sine censu tenentur , tenus ont toutes rapport à ces trois points principaux : érection de
par les hommes liges de l'abbé, homines ligii abbatis. la commune, fixation des droits de justice et réglementatiou
Il faut donc entendre , d'après ces actes et d'autres dont des droits féodaux et censiers. Telles quelles, ceslois semain
l'examen entraînerait trop loin , par honneurs, des domaines tinrent, quoiqu'en partie altérées, jusqu'à la Révolution . Les
compris dans les limites d'une juridiction , d'un honneur ayant constitutions municipales subirent bien des modifications; la
sur eux droits de justice et toute souveraineté, dominium , justice, toujours rendue au nom du seigneur, émanait du roi
domaines donnés sous des redevances, cens, acaptes , lods, qui s'était arrogé les droits d'appel ; la propriété seule resta
tasques et autres, ou même sous un simple hommage , et pou soumise aux mêmes charges qui, dans le principe acceptées
vant en certains cas être cotisés pour les tailles communales. avec empressement el reconnaissance , étaient, dans ces der
Ces honneurs seraient, à nos yeux , les fiefs francs possédés par niers temps, considérées comme iniques et intolérables et
les hommes liges du seigneur , sous la seule réserve de l'hom entravant les progrès de l'agriculture .
mage, et les fiefs roturiers donnés à cens, acaptes et autres Les droits seigneuriaux encore dus en 1789 étaient ceux de
63 -

leude et péage, de banalité, de fouage et de corvée. Quelques au paiement de l'albergue et versait le montant de sa cotisa
communes avaient été affranchies de certains d'entre eux ; tion entre les mains des consuls de la communauté mère, qui
mais toutes, par l'albergue qu'elles payaient, portaient encore payait l'albergue entière au receveur du domaine . Cela se
la trace des servitudes féodales qui avaient pesé sur elles. pratiquait ainsi à Mezens , démembré de Rabastens, au Verdier ,
à Saint- Bausile, à Rouyre et à Lamothe, démembrés de Cahu

1. – Des droits d'albergue, de bladade, quête, araire, bouade et sac, et aux Graisses, démembrés de Cadalen . L'albergue était
divisible entre les coseigneurs et pouvait être vendue par eux.
pesade, de banalité, de fouage, de péage et leude et de cor
vées. A Cestayrols, chaque coseigneur prenait une partde l'albergue ;
à Montvalen , elle appartenait au chapitre Saint-Etienne de
Le droit d'albergue, dû par toutes les communautés, était Toulouse, et à Labastide-Montfort, au chapitre d'Albi, qui
une redevance pécuniaire instituée au profit du seigneur pour n'avaient pas la seigneurie baute de ces localités. A la fin du
l'exonération d'une servitude, la jouissance de quelques pré XVIIe siècle, quelques -unes des communautés qui relevaient du
rogalives. La charte de Laguépie est très explicite à cet égard : roi s'affranchirent, en payant, de l'albergue.
l'université donnera au seigneur chaque année , à la Noël, pour Il faut donc entendre, du xin ° au Xviure siècle ,par albergueune
l'albergue des eaux, bois et autres franchises octroyées, redevance représentant, soit une exonération de droits féodaux
10 livres, – per l'alberga des bosses et de las aiguas et de las ou l'octroide certaines facultés , soit un fermage, une inféodation
peyrieyras etde las autras franquezas que lour autréjan . d'un domaine noble ou d'une seigneurie . Les communes, elles
Des titres de toutes les époques fournissent les renseigne aussi, pouvaient, sous une albergue , libérer de quelques droits
ments les plus exacts sur ce sujet. Ainsi, en 1364 , Charles V dont la perception les regardait spécialement : celle de
inféoda aux consuls de Lisle, sous une albergue de 42 sols, les Cahusac, en 1547, exempta le seigneur de Broze de la taille
fossés de la ville, et plus tard , en 1612 , les consuls déclarent moyennant une albergue de 20 sols .
tenir la petite boucherie, les fours, moulins et fossés moyen Aux xire et xiiie siècles surtout, l'albergue avait encore une
nant une albergue de 52 1. 2 s. En 1462, les habitants de autre signification ( 1). Elle exprimait l'obligation pour le
Bonneville (Fayssac) reconnaissent devoir au seigneur une vassal de loger , d'héberger son seigneur et sa suite . En 1075
albergue de 12 1. pour la faculté d'avoir un four chacun dans les religieux de Saint-Salvy d'Albi s'engagèrent, pour leur
sa maison . Dans des actes de 1468 , 1612 et 1667, les consuls bien de Loupiac, à faire au seigneur une albergue de dix cava
de Rabastens reconnaissent devoir au roi 50 1. d'albergue , en liers et de cinq setiers d'avoine. En 1195 , le prieur des Hos
considération de la jouissance des places publiques pour la pitaliers en Albigeois donne à Bertrand de Lacapelle la ville
tenue des foires et marchés. Pour cette même raison des et la seigneurie de Lacapelle , et se réserve un droit de cens
foires et marchés, la communauté de Montmiral devait une annuel, et de plus « qu'il sera avec sa suite hébergé une fois
albergue de 20 1. 6 s. 3 d . Les communautés du Verdier et par an quand il passera par cette ville, aux frais dudit Ber
de Saint-Bausile donnaient 16 1. 6 s . pour l'albergue et usage trand ou des siens, et cant vos Bertran de la Capella o vostrei
des habitants à la forêt de Grésigne; la communauté d'Aussac efang tenran conduig en la villa de la Capella devets albergar lo
faisait une rente ou albergue de 20 setiers d'avoine, à raison de prior del espital ab 1 compainno una vegada l'an quan lo priors
la justice de Fenols ; celle de Penne donnait une albergue ou passaria per la villa . En 1177, Raimond de Florentin donna
abonnement de 21 1.; les communautés de Cestayrols, de la à l'abbé de Candeil l'albergue de trois hommes qu'il avait sur
Grave, du Taur et autres payaient une albergue en compen trois villages ; en 1190 , Guido de Civader s'engagea à lui faire
sation de certains priviléges dont elles jouissaient. une albergue, ainsi qu'à ses religieux, dans sa propre maison ,
Des domaines terriloriaux , des seigneuries même étaient toutes le fois qu'ils iraientà Lavaur, et plus tard , en 1266 ,
vendus ou engagés moyennant le paiement d'une albergue . Ademar de Graulhet lui cé:la un domaine qui était tenu sous
En 1421 , l'abbé de Gaillac donne une albergue de 4 1. au l'albergue de trois cavaliers et un sergent. Le comte Raimond
seigneur de Brens, pour l'appui du bac sur son domaine. affranchit, en 1221 , les habitants de Gaillac du droit d'al
En 1445 , le roi cède le château de Bellevue, près de Lisle , bergue , et en 1231, réduisit de moitié l'albergue de vingt
pour une albergue de 50 1. qui fut payée jusqu'à la Révolution ; cavaliers que l'abbé de Saint-Michel devait lui servir. Enfin
plus tard , il donne celui de Salettes , juridiction de Cahusac, dans l'échange de l'année 1251, entre Alfonse , comte de
pour l'albergue de 2 1. 10 s . En 1641, il inféode ou abonne Toulouse , el Olivier et Bernard de Penne, ceux -ci cédèrent au
aux consuls de Parisol et de Peyrole tous ses droits utiles en comte l'albergue de cent vingt-cinq hommes qu'ils avaient
ces deux communautés, pour une albergue de 60 l.; et au audit château de Penne .
siècle dernier , il abandonne ses droits seigneuriaux à Labes Un impôt sur les bêtes de labour et même sur les hommes
sière , à Montans et à Aunay, pour une albergue de 91 I., et å
Fenols pour celle de 102 1. Dans cette dernière communauté,
le seigneur levait une albergue de 6 l. 10 s. pour les bougies. ( 1) Le mot albergue est employé comme limite dans l'accord entre les
L'albergue se levait comme les tailles ordinaires. Quand consuls de Cahusac et ceux de Gaillac , au sujet des droits de leude et péage :
les habitants de Gaillac paieront la leude au château de Cahusac et en ses
une communauté venait à se démembrer et à former plusieurs appartenances autant que dure l'albergue dudit château, - et en tots apar
sections indépendantes, chacune de ces sections contribuait tenements autant cant dura lo albergue del dig castel.
64

travaillant la terre était perçu par le seigneur aux xie et d'avoine par paire de beufs, vaches chevaux et mulets, il
xne siècles ; il portait suivant les lieux, le mode de percep devait être toujours levé, suivant une convention de l'an 1516 ,
tion et la nature des objets avec lesquels le paiement en était d'après le nombre de paires de labour alors existant, bien que
fait, les nomsde pax , bladade, bouade, araire et quête (1). Ces dans la suite ce nombre devint inférieur ou supérieur. Cette
droits onéreux pour les populations émancipées du xiIe siècle convention porte en effet : « Ledit araire sera dû au seigneur
furent abandonnés par le comte de Toulouse à Gaillac, Cordes , et à ses héritiers sans aucune augmentation , c'est -à - dire que
Montmiral et Rabastens ;mais les autres seigneurs se conten chaque habitant ne paiera qu'une quarte de froment et d'a
tèrent d'en affranchir, pour cinq ou dix années, les personnes voine, bien qu'il ait deux, trois ou quatre paires, et que ses
qui iraient s'établir dans leurs bastides et d'en réglementer la héritiers ou ses acheteurs ne paieront entre eux qu'un
perception . La charte de fondation de Labessière, en 1255 , araire . » Cet accord réglait encore au siècle dernier la per
exempte les habitants pendant cinq ans des droits de quête , ception de l'impôt, et le fermier du seigneur ayant voulu
quista , qu'elle fixe pour l'avenir à 5 sols tournois pour un l'exiger d'un habitant pour une paire de labour qu'il avait, la
araire, à 2 s. 6 d . pour un demi-araire et à 15 deniers communauté fut autorisée par l'intendant de la province à
caorcens pour l'homme bicadier , bicoquier , c'est- à - dire tra prendre fait et cause pour cet habitant et å plaider contre le
vaillant avec la pioche, et à 12 d . pour tout autre ouvrier. Ce fermier, par la raison « que la famille n'était pas comprise
tarif fut modifié en 1448 et porté, pour un araire entier de dans la liève de 1516 , et que le seigneur ne pouvait pas aug
deux à quatre beufs, à 2 s. 6 d ., et de deux à quatre chevaux , menter à son plaisir le nombre des feux sujets à l'araire . »
mulets et animaux cavalins , à 20 d ., « les habitants ayant la Mais il est un autre droit appelé aussi du nom de pesade et
faculté, avec d'autres animaux que ceux ci-dessus, de couvrir levé sur le bétail de labour, bien différent du droit dont il
leurs blés, depuis la Saint-Michel jusqu'à la Saint-Michel, sans vient d'être question. Il avait été établi en 1191, par Raimond,
payer de cens. » Aux Graisses, le seigneur avait abandonné, comte de Toulouse, et Guillaume de Pierre, évêque d'Albi,
au xviie siècle , à la communauté son droit de quête pour une avec l'assentiment du vicomte de Béziers et des barons et
rente de 4. 1. 17 s . 6 d . A Florentin , la quête consistait , notables de l'Albigeois, et consistait dans une taille au profit
au xvire siècle, en la redevance de 2 sols par paire de breufs, du comte et de l'évêque, de 1 setier de grain par charrue ,
1 s. par paire de vaches, 1 s. par chaque travailleur à bras et de 10 deniers d'Albi par bête de charge et de 6 d . ponr un
6 d . par chaque veau. A Labastide-Montfort, ce droit était âne. Cet impôt n'étail, à proprement parler, « qu’un subside
appelé passade, el,d'après une délibération de l'année 1720, se accordé au comte et à l'évêque pour tenir la main à ce que les
payait au taux de demi- setier de blé et demi-setier d'avoine seigneurs particuliers qui se faisaient la guerre ne ruinassent
par paire de beufs de labour , un quart de setier de blé et pas leurs vassaux , et par suite essentiellement transitoire ; il

autant d'avoine par paire de chevaux et de mulets, et moitié devint néanmoins permanent et « reputé comme un droit réel

du quart de setier de blé et d'avoine par paire d'âpes ; une foncier et domanial » : il donna naissance au droit de pesade
demi-paire payait moitié droit. Cette communauté était encore levé au xiile siècle, par l'évêque et par le comte, et puis le roi
de France.
sujette à un droit de pux -menu qui frappait sur les valets agri
coles pour chacun desquels le maitre donnait 4 deniers. Cette La pesade était déjà régulièrement établie en impôt annuel
servitude n'a persisté si longtemps qu'à Labastide ; partout au commencement du xiure siècle. Après les guerres des Albi
ailleurs, le tribut nommé pax avait été reporté de l'homme sur geois, les populations qui commençaient à naitre à la vie poli
les animaux, soit dans la charte constitutive , soit plus tard . tique désirèrent s'en affranchir. Les habitants de Gaillac, les
En 1551, le commun de paix sur le bétail menu fut fixé à un premiers, refusèrent de payer la pesade à l'évêque par la rai
denier par tête. Enfin , en 1554 , le seigneur de Milhars avait son , et ceci est à remarquer, qu'elle n'avait pas été établie avec

le droit de prendre 4 d . par chaque chef de maison et leur assentiment. Un procés s'en suivit , et, en 1252 , l'évêque
1 émine de blé et un setier d'avoine par paire de beufs. Au se désista de ses prétentions, moyennant la somme de 19,000
xvire siècle , la communauté de Lacourlade afferma au seigneur sols caorcens. Quelques années après, en 1256, ils achetérent
le droit de bouade pour la quantité de sept setiers de au comte, pour 300 marcs d'argent, la part qui lui revenait, et
blé . ainsi ils furent définitivement libérés de ce droit. Les habi
Le droit de pesade et araire , établi au profit des seigneurs de tants de Rabastens et de Cordes eurent d'abord facilement
Cestayrols, donna lieu à plusieurs procés qui méritentmême ici l'exemplion de la part du comte etdu roi, exemption reconnue
une mention spéciale : fixé à une quarte de froment et autant pour ceux de Rabastens par Philippe- le- Bel, en 1288 , remit
timus passatam quæ communiter levatur in Albigesio et levari con
suetur a personis non privilegiatis . Ils se retournèrent ensuite
(1 ) Plusieurs de ces mots sontemployés concurremment dans le même acte, du côté de l'évêque : celui- ci en affranchit les habitants de
ainsi quéte et bladade, pesade et araire, quoiqu'ils expriment, suivant nous, Cordes, le 8 juillet 1300, et aussi, sans doute vers la même
la même idée. Un acte de 1477 fait synonymes les mots pesade, pax ou com
mun de paix ; mais cependant un autre de 1554 concernant Laguépie , établit époque , ceux de Rabastens, bien que précédemment, pour les
un droit en argent par chef de famille et en grains pour les bestiaux de labour, forcer à payer, il eût lancé contre eux un interdit .
et de plus un droit de quête qui donnait 20 l. et un droit de pesade, et un
ÉLIE -A , ROSSIGNOL.
socond, relatif à Milhars mentionne, un droit en grain d'araire , un autre en
argent de quéte et en sus le droit de pesade . ( A continuer .)
- 65

2H2SOD
PIERRE TOMBALE DE PIERRE DE CUN

A RABASTENS ( TARN ).

HYHOE
DUHHID
Le monument que nous reproduisons consiste en une dalle chevalier. Quant au grand bouclier dont une moitié seulement
de marbre gris -clair , d'une épaisseur de 25 centimètres s'y trouve gravée , on le trouve généralement représenté ainsi
DDHYA
environ (hauteur , 2 mèt. 35 ; largeur , 1 mét. 15). La légende, sur les pierres tombales du Xiliº et du xive siècles ; nous
90HDD
DH'11d
les ornements et le per n'avons pas vu d'exemple
de cette coutume pour les

SEPUCR
sonnage sont indiqués par

PEURUS
statues sépulcrales de la

ADDHO
des traits en creux ; les

QILES
MESIS
XXXII:NONAS même époque dans notre
DHD

écussons sont champlevés , Ano po :ocao

OBIIU
DDS
HD

région , ce qui tient sans


HD

de façon que les trois


ED

DC
coins ( en coman , cun , doute à des considérations
:
1
:

S
1
2
:
:
cunh ), armoiries parlantes purement artistiques . Le
de Pierre de Cun , se trou sculpteur qui aurait voulu
vent en relief par rapport donner un bouclier à la
statue couchée sur un tom
au champ qui , probable
beau, eût été obligé, ou de
ment, était formé par un
mastic coloré remplissant le placer tout- à - fait à la
le creux . gauche du personnage , ce

Si on compare le cos qui eût nécessité des blocs


tume du chevalier du xive d'une très grande largeur ,
siècle à celui de Sicard de et ce qui eût singulière
Miramont au xijie (voir la ment détruit l'harmonie
2e livraison ) , on ne recon des lignes ; ou bien , il au
nait pas de différence bien rait dû placer le bouclier
sensible entre les deux. sur la poitrine du cheva
Les modifications ne por lier ; mais , par cette dis
tent guère que sur les position , le corps eût été
jambières , formées de caché presque en entier.
mailles dans l'armure du Sur la surface plate d'une
XIV ° siècle , tandis qu'elles dalle >, il était au contraire

paraissent consister en aisé de supposer une par


lames de fer dans celle du tie du bouclier dissimulée
xive, et qu'elles ressem par l'encadrement et de le
blent déjà à celles de l'ar poser de manière à laisser
mure complète en usage à découvert toute l'effigie ,
au siècle suivant . Le capu sauf une portion du côté
chon de mailles offre aussi gauche.
une disposition nouvelle ; Cette explication laisse
il semble ne plus consti à désirer, ce nous semble ;
tuer seul l'armure de tête . la présence du bouclier
Pour un motiſ , à nous in sur l'effigie d'un chevalier
connu , l'effigie de Pierre pourrait bien avoir une
de Cun n'a pas d'éperons , signification spéciale, celle
ou du moins on n'y voit d'indiquer qu'il est mort
point les courroies qui , sur le champ de bataille...
Nous n'avons pas trouvé
dans une figure représen SI: TUPIDIODINI
tée de face , indiquent seu de document positif à ce
les , le plus souvent , cette sujet.
partiede l'équipement d'un PIERRE TOMBALE DE PIERRE DE CUN. ... Les lignes suivantes ,
9
. 66 C

empruntées à l'utile ouvrage de M. E. Rossignol , intitulé : dont les ancêtres avaient sans doute cédé aux Cordeliers le
Monographies communales du département du Tarn , expliquent local de leur premier couvent, continua envers eux les libé
la fin de l'épitaphe de Pierre de Cun ..... ralités de ses prédécesseurs ; il leur fournit les moyens de ce
« Peu d'années après l'institution de leur ordre et son intro déplacement et les aida à bâtir le nouveau monastère. Son
duction en France , les Cordeliers furent appelés par les che corps fut enterré dans la chapelle qu'il avait fait construire,
valiers du pays ( 1) à fonder un couvent dans la paroisse de et on grava sur la pierre, en même temps que son portrait et
Saint-Salvi-de-Fieuzet , municipalité de Couſouleux , au lieu ses armes , l'inscription suivante :
de Cun , sur les bords du Tarn, à quelques mille pas au -des
sous de Rabastens , mais sur la rive opposée. Cet emplace ANO : DOmini : MCCCXXXII : NONAS MESIS SEPTEMBris : OBIIT :
DominVs : PETRVS : DE : CVNHO : MILES : Qui : .... ET : FECIT :
ment , merveilleusement choisi sous certains rapports pour FIERI : ISTAm : CAPELLAM : CVlus : AnlmA : REQvIESCAT : In : PACE :
une communauté religieuse , lui était défavorable sous bien AMEN : PATer : NosteR : AVE : MARIA . »
d'autres inhérents aux obligations de l'ordre lui-même, et au
bout de quelque temps de séjour dans le pays , les religieux La pierre tombale du bienfaiteur des Cordeliers de Rabas
demandèrent à changer de résidence. Le pape Nicolas IV leur tens ne recouvre plus aujourd'hui son caveau ; l'édifice qui
permit , le 5 des ides de juin de la cinquième année de son l'abritait a été démoli ; des nombreuses dalles tumulaires
pontificat (9 juin 1291) , de transporter leur couvent à Rabas qu'on y voyait , celle de Pierre de Cun a seule été conservée .
tens , et ordonna à l'abbé de Moissac et à ses chanoines de les On l'a transportée dans l'église de Saint-Pierre , dont l'archi
recevoir (2). Un riche chevalier de la ville , Pierre de Cun , tecture bâtarde est peu en harmonie avec l'æuvre du xiye siè
cle, qui se relierait bien mieux au bel ensemble de Notre
Dame-du -Bourg ,> remarquable construction où se trouve
( 1) Rabastens était une sorte de châtean fédéral qui servait de forteresse
résumée l'histoire de la petite ville de Rabastens,
commune à plus de cinquante seigneurs .
(2 ) Note fournie par M. le comte R. de Toulouse -Lautrec . B. DUSAN .

FOSSILES ET CAILLOUX TRAVAILLÉS

DES DÉPOTS QUATERNAIRES DE CLERMONT ET DE VENERQUE (HAUTE-GARONNE).

I. ceau du genre humain plus haut, dans les âges géologiques ,


qu'on ne l'avait cru d'abord , d'autres la repoussent avec
Lorsque, en 1853, je publiai le résultat des découvertes obstination , tirant, à la vérité le plus souvent, leurs preuves
faites en 1851 et en cette même année 1853, à Clermont sur de sources complètement étrangères aux observations scienti
l'Ariége, aux confins Sud de l'arrondissement de Toulouse, fiques.
démontrant, à mon sens, la contemporanéité de l'homme avec Les faits signalés par nous à Clermont peuvent être rappe
plusieurs espèces d'animaux aujourd'hui éteintes, je touchais lés en peu de lignes (1). Sur la rive droite de l'Ariége , un
à une question alors à peine posée dans la science (1 ). petit vallon parcouru par un ruisseau , celui de l'Infernet, est
En ce moment, cette thèse agite et passionne, non seule creusé dans les couches horizontales du terrain tertiaire
ment les géologues , mais tous les esprits, grâce au bruit qui moyen ou miocène, qui, dans le pays toulousain , sont unique
s'est produit et qui se produit encore autour d'une foule de ment constituées par des argiles calcarifères , et des sables ou
recherches ,dont certaines, nous le croyons, ont jeté plutôt de grès-molasses micacés.
l'obscurité que de la lumière sur cette grande question . Le versant Sud-Est du vallon est recouvert d'une nappe
En effet, tandis que les uns admettent , comme définitive d'ancien limon (lehm ou loës (2 ), dont l'épaisseur, qui atteint
ment acquise , la théorie que nous tenons à honneur d'avoir
soutenue l'un des premiers, - celle qui fait remonter le ber
( 1) V. l'analyse si précise que M. Hébert, professeur de géologie à la
Faculté des Sciences de Paris , a faite de notre Mémoire , dans la Revue des
Sociétés savantes, année 1862 . V. les Leçons sur la faune qualernaire ,
(1 ) V. notre Mémoire sur un dépôt alluvien , renfermant des restes professées au Muséum d'histoire naturelle , par M. d'Archiac . Paris,
d'animaux éteints, mélés à des cailloux façonnés de main d'homme, 1865 ; in -8 .
découverts à Clermont, près de Toulouse . - Dans les Mém . de l'Acad. des ( 2) Dans mes différents travaux sur les terrains quaternaires de Sud -Ouest,
Sciences de Toulouse, ſe série, t. IV , page 265. j'ai fait usage de l'expression de lehm , employée en géologie concurremment
-
- 67

cinq mètres en bas, va en diminuant à mesure qu'on s'élève. se présentent comme des sortes de disques ( 1) ou de coins
Le lehm , à son tour , est surmonté , en suivant la même dispo triangulaires grossiers , à bords inégaux ou tranchants, résul
sition , du sol cultivé , dépôt meuble que l'on retrouve sur les tat obtenu par suite de cassures répétées . L'effet des chocs
pentes. qui ont produil cet état ne peut être méconnu ; nous avons
Au contact du lehm et du miocène, à dix mètres au -dessus d'ailleurs recueilli, à côté d'eux , des éclats de quartzites, qui,

du lit du ruisseau qui parcourt le vallon , existe une couche par la nature des roches , leur sont tellement identiques qu'on
formée par du sable grossier jaune et des rognons ou galets n'hésite pas à les considérer commeayant pu en être détachés,
provenant des roches miocènes voisines les plus dures ; cette de même qu'on est d'accord pour attribuer aux noyaux de
couche de gravier , nettement tranchée, ne peut être confon
due , ni avec les strates du miocène qui la supportent , ni avec
la masse limoneuse qui la surmonte , encore moins avec le sol
d'atterrissement superficiel : c'est exclusivement dans le dépôt
de gravier sous-lehmien qu'ont été trouvés des ossements
nombreux, presque tous fracturés, rarement roulés, et une
douzaine de cailloux entiers ou façonnés de main d'homme,
qui ont fait le sujet de notre étude .
Les osssements ont représenté six espèces , dont quatre
sont éteintes ; celles-ci, considérées, sans conteste, comme
caractéristiques de la formequaternaire, si improprement dite
diluvienne, sont :
4 ° Le grand Chat des cavernes, tigre ou lion (Felis spelaeus
GOLDFUSS) ;
2. L'Eléphant primitif ou Mammouth (Elephas primigenius
BLUMENBACH ) ;
3. Le Rhinocéros à narines cloisonnées (Rhinoceros anti
quitatis BLUMENBACH , Rh . tichorhinus Cuvier ) ;
Le Grand Cerf des tourbières ou d'Irlande (Megaceros
hibernicus OWEN ) ;

Les deux espèces encore existantes sont le cheval (Equus


Caballus fossilis Auct.), et le Beuf (Bos Taurus fossilis Auct.)
Quant aux cailloux retirés du gravier précité, ils sont tous
de provenance pyrénéenne (quartz en rocheel quartzites ). Les
uns, d'un volume plus que pugillaire, sont entiers ; les autres,
visiblement réduits, accusent des formes intentionnelles qu'on silex (nuclei ou matrices de quelques auteurs ), les lames qu
ne peut méconnaitre. les accompagnent si fréquemment dans le limon de certaines
cavernes. Ajoutons , enfin , que l'un de nos cailloux modifiés ,
La présence de tels cailloux complètement étrangers aux qui est dans la forme triangulaire , a sa base artificiellement
alluvions soit anciennes, soil récentes, des dépressions creu polie à plat.
sées dans les massiſs de la formation tertiaire d'eau douce Qui donc, aujourd'hui, après tant d'objets analogues signa
lés à l'attention des savants , pourrait repousser, sans parti-pris,
du pays toulousain , aurait suffi à constater l'action de
l'homme. l'dée quei certains cailloux de Clermont ont été intentionnel
lement façonnés ?
Ces cailloux ne pouvant avoir été amenés par les agents
naturels, nous ne disons pas seulement dans la couche où
nous les avons rencontrés, mais même sur un point quelcon
que du bassin de l'Infernet, on ne saurait y expliquer autre II .
ment leur transport que par l'intervention directe de l'homme,
le seul étre , en définitive , capable de les avoir utilisés. Faute de recherches spéciales dans la formation quater
Mais l'action humaine est en quelque sorte rendue sensible naire, si largement représentée en deçà des Pyrénées fran
quand on en vient à interpréter les cassures subies par ceux çaises (2), les découvertes quelque peu anciennes, que nous
de ces cailloux qui ont perdu leurs formes primitives. Ceux- ci venons de rappeler , sont restées isolées. Je viens les

avec celle de loës, pour désigner les dépôts limoneux et limono-sableux (1 ) Nous figurons un de ces disques de grandeur naturelle .
anciens du bassin sous-pyrénéen , sans vouloir toutefois indiquer autrement les (2) ,V. notre Note sur les dépôts pleistocènes des vallées sous-pryrénéen
rapports de ceux- ci avec les dépôts analogues des grandes vallées du Nord de nes, et sur les fossiles qui en ont été retirės, dans les Mém . de l'Acad. des
l'Europe qui, les premiers, ont été ainsi nommés. Scienc. de Toulouse , 1851, 4e série, i. IV, page 125 .
68

appuyer en ce moment de celles que j'ai soigneusement cons Voilà donc une nappe de lehm qui dure autant que le par
tatées, pendant ces dernières années, à 23 kilomètres de cours du ruisseau d'Espanès à Venerque. Etudiée dans son
Toulouse, à Venerque (Haute -Garonne ), dans un second bas épaisseur, elle se montre confusément stratéfiée , très variable
sin creusé dans le terrain tertiaire moyen ou miocène, et dans l'alternance sans ordre qu'affectent ses deux principaux
contigu à celui de l'Infernet, qui vient de nous occuper , et éléments , les limons et les sables, ces derniers à grains plus
dont, au surplus, il présente tous les caractères orographiques ou moins fins. Le tout repose sur un lit de gravier et de sable
essentiels . Néanmoins, les faits paléontologiques fournis par grossier, parfois avec du fer limoneux , lit qui n'est lui-même
ces deux localités voisines, offrent des particularités suffisam que le plus ancien terme de ces antiques dépôts alluviens,
ment importantes pour mériter d'être signalées. restés vierges de tout remaniement.
Le sol cultivé qui les surmonte a , comme celui de Clermont,
Le bourg de Venerque, situé sur la rive droite de la Hize , d'autant plus d'épaisseur qu'il se rapproche davantage du res
à l'endroit où cette petite rivière, qui ne quitte point les
sautqui, ainsi qu'il vient d'être dit, limite à gauche le vallon .
massifs tertiaires, se perd dans les eaux de l'Ariége, est bâti Il est donc aisé de comprendre qu'il y a dans la superposition
sur une sorte de terrasse accidentée , partout recouverte d'un de ces deux terrains deux origines et deux ordres de faits suc
limon argilo - siliceux jaune (lehm ou loës), assez fréquem cessifs. Le plus récent, qui est le plus superficiel, se continue
ment mêlé de sables, et ayant à sa base un lit de gravier
même sous nos yeux par la descente lente mais non interrom
d'origine exclusivement miocénique. Ce sont là des allu pue de la terre végétale vers les lieux les plus bas.
vions de vieille date, appartenant à la formation quater Celle -ci contient souvent dans son épaisseur des restes
naire. A Venerque, comme à Clermont, cette nappe, d'une d'êtres organisés et des objets de l'industrie humaine d'ages
puissance fort variable , repose immédiatement sur le terrain
très différents, appartenant même à l'époque actuelle . C'est
tertiaire moyen . Commeà Clermont encore , elle est surmontée aussi dans ce sol agricole , ainsi que j'en ai averti ailleurs (1),
de la couche de terre meuble superficielle , avec les caractères qu'à la suite des labours, on rencontre fréquemment ces coins
que nous venons d'assigner à ce dépôt. polis, haches celtiques ou celtæ que l'on nomme pierres de ton
Quand on part du bourg de Venerque , en se dirigeant au nerre dans nos contrées, tirés de roches dures très variées,
Nord -Nord -Est , vers Espanès, commune limitrophe , on ne qui different sensiblement, par leur forme arrêtée et leur fini,
quitte plus une bande de lehm située le long de la rive gau
des cailloux grossièrement et à peine façonnés qui sont parti
che d'un ruisseau qui trouve sa modeste origine à 4 kilomètres culiers au lehm et à son gravier .
environ sous ce dernier village , et à 276 mètres au -dessus du Quant aux objets trouvés dans les couches quaternaires de
niveau de la mer . Ce cours d'eau vient finir dans la Hize , à
Venerque, ils sont du même ordre que ceux que nous avons
quelques pas de l'embouchure de celle -ci dans l'Ariége , après
eus de Clermont : des cailloux, modifiés par le travail de
avoir suivi la direction générale de l'Est à l'Ouest , et à
l'homme, et des ossements caractérisant encore ici exclusive
125 mètres d'altitude , ce qui donne une différence de
ment des mammifères. De ces animaux , l'un est éteint, un
151 mètres entre les deux points extrêmes .
second est actuellement étranger à l'Europe tempérée, les
Le lit du ruisseau forme le thalweg d'un bassin confinant,
autres existent aujourd'hui et sont domestiqués . Il est pour
comme il a été dit, à celui de l'Infernet, toutefois avec une
tant essentiel de faire remarquer que ces cailloux et ces osse
aire bien plus étendue. Il occupe le fond d'un vallon creusé, ments se sont présentés bien moins abondants dans le bassin
des deux côtés , dans les couches du terrain tertiaire moyen .
de Venerque, et qu'au lieu de les avoir tirés d'un seul gise
A gauche, il présente un ressaut presque toujours escarpé, ment , et uniquement de la couche de gravier sous -lehmien ,
n'atteignant guère au -delà d'une vingtaine de mètres , et nous les avons eus de plusieurs gisements , à la vérité peu
formant la délimitation brusque de la zone recouverte par
éloignés les uns des autres, et provenant tantôt du limon ou
la nappe du lehm qui y aboutit en pentes douces . De loin en de ses sables, tantot du gravier placé à la base de la forma
loin , celle-ci, ainsi que les strates superficiels du miocène, sur tion .
lesquels elle repose , est coupée en travers par des ravins ou
petits vallons ne remontant jamais très haut. J'ai à dire dans quelles circonstances ces découvertes, jus
qu'à présent inédites , se sont produites :
A droite , au contraire, le long des épaulements à pentes
Des cinq gisements, le premier est dans le bourg même de
rapides de collines souvent très élevées, règnent les affleure
ments des couches tertiaires, masquées habituellement par Venerque, vers le milieu de sa longueur, à quelques pas du
ressaut qui limite le dépôt quaternaire, vers le vallon du ruis
l'épaisseur du sol cultivé qui en provient. Ces pentes présen
tent à peine quelques lambeaux, isolés et de peu d'étendue , de seau d'Espanès près de sa fin . Ce fut en creusant un puits, et
dans la couche de gravier sous-lehmien , reposant sur la
dépôts quaternaires, si amplement développés du côté opposé
molasse miocène, que l'on trouva, en 1860 , un métatarsien
du vallon . Ce sont là comme autant de témoins qui peuvent
servir à faire comprendre, soit les changements de niveau gauche de cheval (Equus Caballus fossilis Auctorum ), d'une

opérés dans le lit du ruisseau voisin à des époques différentes,


soit ceux qui ont si souvent modifié dans leurs détails ses
innombrables sinuosités. (1) V. notre Mémoire déjà cité sur un dépôt alluvien , etc., page 17,
note 1 .
69 -

bonne conservation , qui me fut remis au moment même de sa Ce gisement , à 510 mètres de distance du premier , est
découverte. Cet os est épais,et trapu , il a 30 centimètres de situé dans une dépression de terrain , à 170 mètres 56 d'alti
long ; les diamètres du milieu du corps sont, celui d'avant en tude, plus haut de 8 mètres 60 que le premier, et plus bas
arrière de 39 millimètres , celui en travers de 36 millimetres . de 5 mètres 30 que le second.
La position du fossile était conforme à celle des ossements de
l'Infernet : le lehm avait là une épaisseur de 7 mètres 20 , et Le ravin du Pas- Cahus va en s'élargissant en un étroit
celle du lit de gravier qui recélait le fossile 32 centimètres.
vallon qui se prolonge jusqu'à 1,200 mètres environ en sui
Cette dernière zône est à 161 mètres 96 au -dessus du niveau vant parallèlement la direction du chemin de grande commu
de la mer.
nication n ° 29, de Venerque à Montgiscard . A 423 mèlres en
La tranche de lehm que l'escarpement voisin de la terrasse
face de la métairie du Pujal , une tranchée ouverte au mois de
laisse à découvert le long du ruisseau , a parfois une quinzaine février 1865 a mis au jour un nouveau fragment de la base
de mètres de puissance . Elle nous a fourni quelques exem d'un bois de Renne , qui fut brisé par les ouvriers. Je dois le
plaires de la coquille de deux mollusques gastéropodes terres seulmorceau conservé et suffisamment caractérisé à M. Fré
tres, l'Helix hispida LINNÉ, petite espèce actuelle , commune déric Troyes. Il a 9 centimètres de long : c'est une portion de
dans les lieux humides , où elle vit sous les herbes et au pied la base d'une perche , commençant au point où celle -ci fut
des arbres, près des eaux vives ; et la Succinea oblonga DRA détachée de la meule ; ses deux diamètres sont de 35 et de
PARNAUD, qui habite en France , sur les plantes , dans les lieux 43 millimètres. Le premier andouiller , très rapproché de la
aquatiques, mais qui n'a pas encore été signalée à l'état vivant base , devait être grêle , il a été fracturé tout près de sa nais
aux environs de Toulouse où elle a dû être autrefois très sance .
abondante , car on la trouve fréquemment dans nos limons
Le gisement de Pujal a son importance : situé à 180 mètres
anciens. 15 d'altitude, conséquemment à 9 mètres 59 plus 'haut que
En partant de ce gisement, dont l'altitude nous servira de celui du Pas- Cahus, il se trouve placé à peine au - dessus du lit
premier termede comparaison , et en remontant du côté opposé actuel du ruisseau qui coule tout auprès. En ce lieu , sous le
jusqu'à un des points les plus élevés du bourg de Venerque, sol cultivé qui a une quarantaine de centimètres d'épaisseur ,
à 210 mètres de distance, le lehm proprement dit , peu épais se montre un terrain argileux blanchâtre , mêlé de sable très
en cet endroit, creusé pour la fondation d'un hangar, nous fin , rappelant par son aspect et sa nature certaines couches
livra , en 1853, une molaire de l'Eléphant Mammouth (Elephas d'origine marécageuse. C'est évidemment là un dépôt local ,
primigenius BLUMENBACH), dont les lames se séparèrent en la indépendant de la grande nappe de lehm qui traverse cette
retirant de la gangue . Ce gisement est à 175 mètres 86 d'alti localité. Le fragment de Renne nouvellement découvert était
tude , par conséquent à 13 mètres 90 plus haut que le précé placé à 1 mètre de profondeur dans ce limon particulier .
dent. Du gisement du Pas -Cahus au dernier, c'est- à- dire au cin
Un peu au - delà du bourg , et après avoir franchi le ravin quième, il y a 612 mètres de distance . On y arrive en suivant
profond du Pas-Cahus, à 300 mètres du deuxième gisement, à le chemin de grande communication nº 13 , qui ne cesse de
l'endroit où le vieux chemin encaissé se courbe vers la nouvelle monter jusqu'à la limite des localités explorées, et qui, d'au
route de grande communication nº 13 , allant d'Auterive à tre part, va en s'inclinant vers le rụisseau d'Espanès coulant
Toulouse , et dans le talus à gauche en montant, je retirai, à une petite distance.
en 1856 , d'une couché de limon , placée à une profondeur de Des déblais considérables ont été opérés sur 60 mètres en
1 mètre 50 , et au-dessus environ de 2 mètres du lit de gravier viron depuis le ravin de l'Oumenet, petit vallon moins impor
sous-lehmien , qui se montre en affleurement un peu plus bas, tant encore que celui du Pas-Cahus , jusqu'à la ligne de faite
un fragment, très réduit, de la base d'un bois de Renne (Cer qu'atteint le chemin , et dont l'altitude est à 193 mètres 71
vus Tarandus Linné). Ce morceau , long de 105 millimètres, au -dessus du niveau de la mer , c'est-à - dire à 31 mètres 75
que j'obtins dans toute son intégrité , offre des cassures vives, plus haut que le premier gisement du bourg de Venerque .
sans trace d'entailles ; il appartient à la base d'une perche et Touchant au ravin , les déblais pratiqués entamèrent les
ne donne que la moitié de l'épaisseur de celle -ci. C'était la couches tertiaires , placées immédiatement au -dessous d'un lit
première fois que la présence du Renne était constatée dans de gravier sous-lehmien composé de sables jaunes et de cail
nos couches quaternaires régulières . loux , uniquement constitué par des fragments roulés des
A une trentaine de centimètres de ce morceau , les fouilles roches miocènes les plus dures des environs. Dans la partie
très bornées que je pus me permettre , me firent découvrir haute , les talus de la route , qui ont intéressé sur une pro
deux éclats de quartzites, à bords amincis, rappelant tout à fondeur de 2 mètres 50 l'épaisseur des dépôts quaternaires ,
fait les éclats artificiels de même nature que j'avais eus de offrent successivement de haut en bas :
Clermont. 1 ° Sol et sous sol cultivé, 1 mètre ;
Le talus opposé du chemin , et un peu au -dessous du gise 2 ° Lits ondulés de limon et sables ocracés alternant irrégu
ment du bois de Renne ,m'offrit, à la même date, un fragment lièrement, 1 mètre 60 .
considérable d'humerus de Bauf ordinaire (Bos Taurus). Il Les travaux sur ce point ayant été repris plusieurs fois,
était aussi dans la masse du lehm limoneux. pendant mon séjour à la campagne , j'ai pu les suivre avec
- 70 -

une très grande attention . C'est ainsi qu'en 1862 , je retirai lesquelles M. Boucher de Perthes a attiré le premier l'atten
moi-même du gravier sous-lehmien un morceau de bois de tion des savants (1 ) , forme à laquelle notre caillou se prêtait
Renne, fortement imprégné de la couleur jaune propre à la d'ailleurs naturellement. Il avait pris dans la couche de gra
couche qui le recélait et qu'il garde encore . Il revient à une vier une couleur rouillée , qu'il a conservée .
des parties élargies en empaumures d'un andouiller ; très Je me contente de rappeler que dans le bassin de Vener
réduit, il n'a que 73 millimètres . Les bords de ses cassures que , d'où dépendent les couches que nous étudions, il n'existe
ont été usés , roulé qu'il a été par un courant , tandis que les aucune trace de dépôts de graviers descendus directement des
morceaux précédemment cités ne présentent aucune trace Pyrénées : ce que nous avons dit de la présence de cailloux
d'usure . analogues à celui-ci dans le gisement ossifère de Clermont ,
Ce fut aussi dans cette même couche de gravier, et à 3 mè est de tout point applicable au gisement de Venerque . L'inter
tres plus haut que le gisement précis du morceau de bois de vention de l'homme est donc indispensable pour expliquer la
Renne, que je découvris un caillou en quartzite d'assez forte présence du quartzite taillé , dans la localité où nous l'avons
dimension : il a 14 centimètres de longueur et 77 millimè découvert et pour rendre raison de la forme intentionnelle qui
tres de largeur sur 3 centimètres d'épaisseur. Sa base est le caractérise.
En 1864, une couche de sable attaquée vers le faite du
gisement de l'Oumenet nous fournit, à 2 mètres 60 de profon
deur, une belle dent molaire supérieure de Cheval et des os
longs malheureusement trop fragmentés pour les rapporter
avec certitude à un type spécifique.
Ainsi nous avons eu , de l'Oumenet , des restes de Renne et
de Cheval , et un caillou certainement travaillé de main
d'homme.

Nous venons de voir que les cinq gisements de Venerque


nous ont fourni à des altitudes variables entre elles , et dans
des couches tantôt limoneuses , tantôt sableuses ou graveleu
ses, plusieurs os caractérisant les mammifères herbivores sui
vants :

Dans le premier , qui est au niveau le plus bas, le Cheval.


Dans le second , placé à 13 mètres 90 plus haut , l'Éléphant
Mammouth .
Dans le troisième , moins élevé que le précédent , mais å
8 mètres 60 au dessus du premier, le Renne et le Bæuf ordi
naire .
Dans le quatrième, à une altitude de 180 mètres 15 , et dans
un terrain qui nous a paru détaché de la formation fluviale
quaternaire , le Renne.
Enfin , dans le cinquième, qui atteint le plus haut niveau
au -dessus de la mer, le Renne et le Cheval .
C'est ainsi que le Renne s'est trouvé représenté trois fois ,
le Cheval deux fois , l'Éléphant et le Bæuf une fois.
Comparée à la faune du bassin de Clermont , la faune du
bassin de Venerque perd le Rhinocéros å narines cloisonnées ,
le Chat des cavernes et le Cerf d'Irlande. Elle conserve trois
espèces identiques : l'Éléphant , le Cheval et le Beuf.
Elle n'a en propre que le Renne qui y joue le principal
rôle ( 2 ) .
Le gisement unique de Clermont avait offert , réunies dans
ntacte , mais une grande partie de la marge et le sommet ont
été sensiblement modifiés par des chocs répétés , produisant
des éclats , et de cette façon amincis irrégulièrement, de la
(1) Les silex manquent dans notre contrée , tandis que les quartzites abon
même manière que les cailloux de Clermont; mais celui de dent dans les graviers de la Garonne et de l'Ariége , ce qui explique l'emploi
Venerque se rapproche beaucoup plus que ne le font ceux -ci si fréquent que l'on a fait de ceux -ci en l'absence des premiers,
(2 ) La très grande quantité d'ossements de Renne découverts dans plusieurs
de la forme de certaines haches non polies en silex , trouvées cavernes et autres stations du Sud-Ouest de la France, rend aujourd'hui facile
dans les couches anciennes de la formation quaternaire , sur la détermination des moindres morceaux des restes solides derelle espèce .
-

71

la même couche de gravier sous-lehmien , les espèces citées dont l'approfondissement a suivi , et suit encore celui du val
plus haut , et des cailloux pyrénéens entiers et façonnés de lon principal ? En un mot, n'y a - t-il eu qu’un dépôt unique ,
main d'homme, accusant ainsi une seule et même date quant en le prenant dans l'ensemble de ses couches , ou plusieurs
au fait du délaissement de ces objets à cette place . dépôts divers par leurs origines ? Et , en adoptant l'opinion ,
A Venerque , les gisements sont au nombre de cinq , et , qui nous paraît la plus probable , qu'il y en a eu plusieurs ,
quoique rapprochés , indépendants en quelque sorte les uns auxquels faut-il attribuer ceux qui nous ont révélé le Renne ?
des autres par la différence du niveau propre à chacun d'eux , Ce sont là , sans doute , des difficultés de détail , mais dont

>
et aussi par la nature , comme par l'origine des couches ossi il faut tenir grand compte , avant de confirmer ou d'infirmer
fères. Il est incontestable qu'ils appartiennent tous les cinq à la contemporanéité de dépôts voisins et contigus , et consé
la même grande période géologique, à la période quaternaire , quemment aussi celle des corps organisés et des objets prove
et sans doute à des âges de celle- ci très voisins entre eux . nant de l'industrie humaine qu'ils recèlent.
On peut même admettre que les diverses espèces d'animaux Quoi qu'il en soit , il est constant que des cailloux ou des
qu'ils nous ont révélées, aient pu vivre ensemble , puisque , des fragments de cailloux d'origine pyrénéenne , étrangers par
quatre que nous connaissons , les restes de trois (Éléphant , leur provenance au bassin de Venerque que nous étudions ,
Cheval et Bouf) ont été trouvés pêle-mêle à Clermont, et que ont été enfouis dans les mêmes couches qui contenaient des
le Renne, qui a manqué dans cette localité, a été rencontré restes du Renne , animal propre aujourd'hui aux régions les

plusieurs fois , même en France , avec les types éleints de Cler plus septentrionales de l'Europe , de l'Asie et de l'Amérique ,
mont ( 1) . mais ayant joué, ce qu'il n'est plus permis de mettre en doute ,
Cependant nous croyons devoir faire toutes nos réserves un très grand rôle en France , comme mammifère utilisé par

quant à l'âge précis à attribuer à chacun de nos cinq gisements l'homme dans les temps anté -historiques .

voisins. Il est temps d'apporter dans l'étude des terrains qua A quelle date géologique précise le Renne fit-il son appari
tion dans le midi de la France ? De quelle durée fut la période
ternaires plus de rigueur qu'on n'a coutume de le faire , afin
de lâcher de vaincre les très grandes difficultés de ce sujet , de temps pendant laquelle il s'y maintint? Sa disparition y fut

au lieu de les éviter . Pendant la longue durée de cette période , elle brusque ou lente et graduelle ? Les études des terrains

les causes locales , au moins dans toute la région sous- pyré quaternaires , encore si peu avancées , ne permettent pas de
néenne , ont joué un rôle si considérable qu'il est souvent dif répondre à ces questions , d'autant plus intéressantes qu'elles
se lient à l'histoire même des populations qui, des premières,
ficile , même à de très petites distances , de distinguer , sans
beaucoup d'attention , une foule d'accidents dus à des effets occupèrent les régions que nous habitons .
secondaires , plusieurs fois répétés .
Ainsi , sans sortir de notre sujet , il ne peut être douteux L'homme contemporain du Renne ne s'affirme, à Venerque ,
pour personne que le premier gisement signalé ne dépende du que par des cailloux sortis grossièrement façonnés de ses
grand dépôt qui suit le cours général du ruisseau d'Espanės å mains , instruments à l'état de simple ébauche , ne pouvant
Venerque. avoir eu que des usages fort limités, tels que les font supposer
Le second , caractérisé par l'Eléphant , quoique à 13 mètres les besoins bornés de sociétés naissantes . Or, ce sont là aussi
90 plus haut que le précédent , ne peut être distrait de la les seules preuves de la présence de l'homme à Clermont,
même bande , mais il remonte évidemment à une date plus pendant qu'y vivaient l'Eléphant Mammouth , le Rhinocéros à
ancienne , et on peut déduire la différence des deux âges, sans narines cloisonnées , le Cerf d'Irlande et le grand Felis des
en calculer exactement la durée , par le temps que le vallon cavernes . Ilfaut convenir , dès -lors, que si les couches
mit à s'approfondir de près de 14 mètres. Dans ce cas , l'Élé présentant des restes de Renne , accusaient, comme on

phant , indiqué par la dent que nous avons eue de Venerque , serait tenté de l'admettre , une date un peu plus récente
considéré comme individu, aurait précédé l'existence du Che que celle du lit de gravier ossifère de l'Infernet, les deux âges
devaient se suivre de très près , se continuer même , puisque
val , dont nous possédons un canon , ce qui ne veut pas dire
les habitants de la contrée , maintenus dans un état d'infime
que l'Éléphant et le Cheval, au point de vue des deux espèces
qu'ils représentent, n'eussent pu exister en même temps, puis civilisation , n'auraient point modifié en les perfectionnant

que le bassin de l'Infernet nous a fourni leurs ossements con les instruments de pierre qu'ils employaient. Il faudrait donc
fondus dans le même lit de gravier . les faire remonter à l'aurore de cette période que les archéo
Les trois gisements de Venerque possédant le Renne , fai logues du nord de l'Europe ont désigné sous le nom d'àge de
sant partie de dépôts aboutissant aux deux petits vallons du la pierre, durant laquelle les hommes n'avaient pas encore su
Pas -Cahus et de l'Oumenet, sont plus embarrassants. Dépen réduire et conséquemment utiliser les métaux .
dent-ils , en effet , de la grande nappe quaternaire déposée LeRenne semble s'être longtemps maintenu dans nos régions
depuis Espanės jusqu'à Venerque ? ou ne sont -ils dus qu'à des tempérées et y avoir rempliun rôle important dansla vie des fa

dépôts abandonnés le long de deux dépressions secondaires , milles humaines qui en avaient pris possession , pendant que la
faune des temps quaternaires s'y transformait et que des types
nouveaux succédaient à des types définitivement éteints . Il en
(1) V. D'Arcbiac, Leçons sur la Fuune quaternaire. — 1865 , in -8 . disparut aussi à son tour , après avoir laissé d'incontestables
- 72

preuves du fréquent usage que l'homme avait fait de ses dé utile , ou pour mieux dire indispensable aux populations les
pouilles , et finit par se confiner dans les régions les plus moins avancées en civilisation de notre vieux comme de notre
froides des deux continents , où il est encore de nos jours si nouveau monde, D ' J.-B. NOULET .

Cet article est la reproduction d'une brockure récente , dont l'auteur a bien voulu nous permettre l'insertion dans la Revue. M. le docteur Noulet , une des autorités
de la science , nous fait espérer la primeur de quelques importants travaux.

ÉTUDE SUR L'HISTOIRE DES INSTITUTIONS SEIGNEURIALES ET COMMUNALES

DE L'ARRONDISSEMENT DE GAILLAC ( TARN) .

(Suite .)

L'évêque conserva encore ses droits sur les autres commu et malgré de bonnes raisons données par un grand nombre de
nautés. Il était en procés, en 1360, avec les habitants de municipalités, firent condamner le diocèse d'Albi, par arrêts
Loubers qui promirent de lui donner une quarte de blé et du conseil des années 1676 , 1678 et 1681 , à payer ce droit de
d'avoine pour un araire , ime obole pour trois ânes el 4 deniers pesade qu’un autre arrêt du 4 septembre 1688 porta à la
par beul, et dans la suite avec la plupart des communaulésdu somme de 13,000 livres par an , avec les arrérages en sus. Les
diocèse ; en 1435 , plusieurs s'engagèrent à lui payer ce droit , habitants de Gaillac, de Rabastens et d'Arthès, et ceux de la
au même taux qu'au roi ; mais le procés contima, et le parle ville de Cordes en furent senls exemptés ; tous les autres
ment, affirmatif au sujet des droits du roi, se montra irrésolu durent contribuer, suivant le nombre de leurs bêtes de labour,
en ce qui concernail l'évêque qui finit, en 1479 , par transiger de croit et de laine , el personnellement, au paiement de la
avec quatre - vingt-six communautés et les libérer , en ce qui le somme imposée sur le diocèse. D'après l'arrêt de 1676 , la
regardail, du droit de pesade, moyennant une somme de redevance pour pesade était fixée à un demi- setier de blé ou
5,469 1. de seigle ct autant d'avoine par paire de bæuſs labourants ;
Le roi continua à percevoir sa part. Un titre de la fin du un quart par paire de juments, vaches, mules el ânes , el moi
xve siècle établit que dans le ressort de Cordes, il prenait, tié moins par demi-paire ; 4 deniers par lêle de gros bétail
pour la pesade, un selier de grains (moitié de froment et de non employé au labour , 1 denier par six bêtes merucs et
seigle ou d'avoine ) par araire , 5 s. 8 d . de ceux qui n'avaient 2 deniers parhomme, les nobles cl les ecclésiastiques exceplés ,
pas de bétail, 8 d . par chaque terre qui ne se labourait pas, tant pour leur personne que pour leurs biens, ainsi que les
1 d . par béle ferral, 8 d . par moulin , 20 d . par chaque trois enfants au-dessous de qualorze ans, les hommes au -llessus de
brebis ou chèvres et 1 en sus pour tout le Troupeau . Dans le soixante ans et les labourenrs menant la charrue . Dès ce
ressort de Cahusac , le taux élait différent el variait dans cha moment, la pesade ful régulièrement perçue et réparlie par
que localité : à Cahusac , il étai! par araire d'une quartière de les élais du diocèse sur les communautés suivant l'allivrement
blé et autant d'avoine, et par demi-araire la moitié moins ; à fixé pour chacune d'elles, d'après le dénombrement qu'elles
Granėjouls, par araire , une mesure de blé et autant d'avoine ; fournirent. Les communautés qui avaient, comme Salvagnac ,
à Salettes et à Leutin , une émine de blé el d'avoine, et à Alos une partie de leur circonscription en dehors du diocèse,
el à Dounazac, trois carlerons de blé et autant d'avoine. Les n'étaient sujeltes à la pesade que pour la partie située dans
habilants de Caliusac disaient ne pas y êlre lous sujels , et en l'Albigeois.
1488 , le juge d'Albigeois condamna à la pesade 105 babitants La pesade élait prise au profit du roi, même dans les com
sculenient de la ville et des dix localités de son ressort, el å munautés qui étaient sujelles en faveur du seigneur au droit
payer par araire une quartière de froment et une quartiere de quête, bladade, pesade ou araire qui frappait également sur
d'avoine, et par araire de jugement la moilié moins . La pesade le bétail de labour . Il y avait là un double droil ; les habitants
se levail alors par district:, appelés passine ou passieu , qui se devaient en être exemplés vis-à -vis du roi ou du seigneur qui,
donnaient à ferme chaque année. Une enquêle faite en 1489 ayant consenti à l'imposition de 1191 , auraient dù perdre leur
constate qu'il serail pius avantageux pour le roi de convertir droit particulier. Celle raison fut donnée, en 1681 , par plu
le droit de pesade en albergue ou pension , que de lever en sieurs communautés de la judicature de terre basse d'Albi
nature ; mais ses conseils ne furent pas suivis. geois pour réclamer leur libération de la pesade , el à l'appui
Pendant les guerres religieuses, la pesade ne fut pas levée elles produisirent des recelles du domaine de 1344 , 1492 et

régulièrement ; il n'en étail presque plus question au com 1527 qui ne faisaient mention que du droit de quête seule
mencement du xvile siècle , el elle paraissait lombée en désué ment, el non des deux droits de quête el de pesade . Les litres
tude , lorsque, en 1669 , les ferniers du domaine du roi voul concernant la judicature d'Albigeois sont différents , puis
lurent la faire revivre. Ils réussirent dans leurs prétentions, que , notamment à Milhars, il se levait un droil en grain
73

d'araire, un autre en argent de quête et en sus le droit de où les moulins n'étaient pas banaux , la redevance pour mou
pesade. Une autre considération sur la pesade (1 ), c'est qu'elle ture avait été fixée , en 1305 , à 12 livres de farine par setier ,
était parlagée en certains endroits entre le roi ou le seigneur qui ne devait perdre de déchel que 2 livres 1/2 .
et l'évêque d'Albi. Il en était ainsi à Laguépie et à Saint La banalité du four était admise encore , au siècle dernier ,
Michel -de - Vax . dans beaucoup de localités, car huit à dix à peine dans l'ar
rondissement déclarent ne pas y être assujélis ; mais elle
La banalité était le droit qu'avait le seigneur d'obliger ses était tempérée, dans quelques -unes , par des concessions par
vassaux à se servir d'une chose qui lui appartenait , en lui ticulières, et dans deux ou trois elle s'exerçait au profit de la
payant pour cet usage une certaine redevance ; ce droit en communauté elle -même qui en avait eu l'inféodalion .
traînait celui d'interdire aux vassaux la faculté d'avoir les L'acle le plus ancien relatif à la banalité du four est anté
objels ou les choses déclarées banales. rieur à l'année 1180. Tous les chevaliers de Montaigut, à l'ex
La banalité est regardée comme une servitude nouvelle au ception de Guillaume de Latour, avaient donné aux Templiers,
XIe siècle ; elle est établie au xie dans notre contrée où elle établis depuis peu à Vaour , les fours du château et des fau
s'exerçait pour les fours , les forges et les moulins, et non bourgs de Montaigut , et par une sentence arbitrale de celle
comme ailleurs pour les pressoirs, les foulons, les taureaux et année 1180 , il fut réglé que leurs vassaux seraient obligés
les verrats. Le four élait habituellement banal dans ce pays ; d'aller cuire le pain au four des Templiers , et que le fournier
la forge et le moulin l'étaient pour ainsi dire exceptionnelle de Guillaume de Latour ne pourrait aller chercher , pour le
ment, les seigneurs en ayant de bonne heure affranchi leurs faire cuire chez lui , la pâle qu'ils avaient préparée . En 1180,
vassaux . l'abbé d'Aurillac céda au comte de Toulouse le four de Pui
En 1253, le comte Alfonse permit aux habitants de Penne celsi. Le comte avait également, à celte époque , le four de
de construire des chaussées et des moulins sur l'Aveyron . En Saint -Marcel, et il reporla sur celui de Cordes , en 1222 , les
1256 , le seigneur de Saint -Urcisse accorda à la communauté droits qu'il y levait. Il en établil un également à Montmiral
la faculté de lever une forge pour aiguiser les outils araloires, mais d'un autre côté il exempla de la banalité du four les ha
à la seule condition que le forgeron lui aiguiserait gratis un bitants de Gaillac et de Rabastens. Alfonse de Poitiers , en
soc de charrue par an . A Montclar , en 1267, la forge est dé 1253, accorda à ses vassaux de Penne la faculté de construire ,
clarée banale dans l'enceinte du château seulement , et ses chacun dans sa maison, un four pour son service particulier ;
habitants devaient donner , par paire de bæufs, une quarlière mais les seigneurs de Montclar et de Laguépie voulurent , au
de blé , et par paire de vaches , une quartière de méteil ; les contraire, que leurs sujets allassent cuire à leur four , et fixè
bouviers du dehors pouvaient aller aiguiser là où ils voulaient. rent, le premier , qu'il serait donné de chaque quarte de pâte,
Les moulins n'étaient pas banaux, à Laguépie , mais le droit de une pleine main de pâte et un gâteau pour le mandement; et
mouture au moulin du seigneur était fixé par la charle à un le second , une émine de blé pour chaque fournage. L'abbé de
cop par selier de blé . La plupart des communautés déclarent , Candeil, en 1255 , fixa que les habitants de Labessière donne
dès le xve siècle , qu'elles ne sont pas sujeltes à la banalité des raient pour fournage ou cuisson d'un setier de blé, 3 deniers
forges et des moulins. Cependant les habitants de Milhars , en caorcens, et les marchands de pain , 5 deniers ; et moyennant
1590 , étaient tenus d'aller moudre leurs grains au moulin du ce, le fournier irait chercher la pâle et apporterait le pain à
seigneur. Ceux de Mezens, encore au siècle dernier , n'étaient domicile .
pas affranchis de celle banalité. Ils en passèrent reconnais Au xive siècle , il y eut généralement quelque adoucisse
sance au seigneur en 1739 , car ce droit ne pouvait être exigé ment à cette servitude. Plusieurs consulats offrirent de se
qu'en verlu d’un dénombrement et d'un titre en forme, et racheler . Ceux de Lisle el de Labastide obtinrent l'inféoda
non en vertu d'une possession immémoriale ; mais ils s'y re tion des fours . Les consuls de Cordes offrirent de prendre à
fusèrent en 1761. Un procés s'en suivil, et le Parlement, lout ferme le four banal, s'engageant à ne faire payer pour cuisson ,
en décidant que le moulin serait banal , obligea le seigneur å comme par le passé, que 4 deniers par selier de blé anx mar
y mellre deux meules bordelaises , et donna aux vassaux la chands de pain , et 6 deniers aux autres habilants ; mais à la
faculté d'aller ailleurs toutes les fois que le ruisseau du lieu suite d'une enquête faite par le sénéchal, en 1343, leur offre
ne coulerait pas , ou que le meunier ne pourrait moudre leur ne fut pas acceptée . Un seul seigneur , le vicomte de Talard ,
blé dans les vingl-quatre heures . Ajoulons qu'à Rabastens , voulut grever une servitude déjà si onéreuse par elle -même.
Les habitants de Montmiral donnaient 6 deniers par selier de
blé pour cuisson ; il exigea davantage, et le roi, à deux repri
(1) Il est encore un droit nommé incours qui est regardé, dans certains titres, ses différentes, en 1343 et 1387, dut le ramener à la légalité .
comme le complément de celuide pesade. Voici l'explication de ce terme qui Alors la redevance fut changée et consista dans le don d'une
est autre que celle qu'on en fait habituellement : « Le roi a dans la terre de
Maillac , membre du siège de Cordes, le droit d'incours sur tous les habitants coupe de blé par chaque setier ; cette coupe , de cuivre , fut
qui doivent le droit de pesade, en grain , lequel droit d'incours est un seter attachée par une chaîne à un des piliers de la salle de l'hôtel
de blé et un setier d'avoine par les uns, et une émine de blé et une émine de-ville , où elle était encore en 1664 .
d'avoine par les autres, selon qu'ils ont des bêtes de labourage... A Lateis
sonarié, les habitants qui doivent la pesade doivent aussi le droit d'incours, Le xve siècle vit apporter , en faveur de plusieurs commu
de même et sur le même pied que ceux de Maillac . >> nautés , des adoucissements au droit de banalité . En 1448 ,

10
- 74

l'abbé de Candeil permit aux habitants de Labessière de cons droit de fouage sur chaque habitant tenant feu . Ce droit
truire dansles maisons isolées up four pourleur service particu n'était pas perçu d'une manière uniforme dans les dix ou
lier, mais à condilion, par celui qui userait de celle faculté , de douze municipalités qui ont conservé leurs titres à ce sujet. A
lui donner, par an, trois carlerons de froment; il fixa que, Labastide , à Bernac , à Cestayrols, à Aussac et au Taur, il était
dans la ville , on donnerait au fournier la vingtième partie des d'une poule payable à la Saint-Julien ou à la Noël, et prenait,
pains petits et la trentième des pains gros . Le même allégement dans ces localités , par suite de ce mode de paiement , le nom
existait à Salvagnac, ou les fours n'étaient banaux que dans la de gallinage ; à Vaour et à Lacourtade , il était aussi d'une
ville seulement. A Brens, la franchise fut plus étendue . Les géline, mais en sus les habilants donnaient , à Vaour , 20 sols,
habitants, en 1460 , eurent l'autorisation de construire un et à Lacourlade , six eufs par maison , et de plus , s'ils
four chacun en leur particulier, mais pour leur usage per avaient du bétail à lait , deux fromages, ou tout le fromage
sonnel seulement, sous peine de 60 sols d'amende s'ils étaient qu'ils pourraient faire dans un jour du lait de ce bélail, le
surpris à faire cuire du pain pour autrui. Il en était de même tout payable aux Rogations. Ailleurs , le fouage se levait en
à Bonneville (Fayssac ) , car les habitants déclarent, en 1462 , argent . Il était fixé, à Montgaillard et à Vilette , à 5 sols par
devoir au seigneur une albergue de 12 livres pour la facullé feu , el à Tauriac, à 1 carolus qui est dit valoir , en 1754 ,
d'avoir des fours chacun dans sa maison . Le taux de la rede 10 deniers, payables à la Toussaint ; enfin , à Loupiac , suivant
vance pour cuisson , à Vaour, fut fixée , en 1482 , à 1 livre un accord de l'année 1474 , les vassaux reconnurent, sans
de pain par 16 livres , ou à 1 miche par 16 miches , et doute tous en corps et par abonnement, devoir donner au sei
mieux encore , à 2 livres de pain par chaque pain de 35 å gneur, pour fouage, un selier d'avoine.
40 livres. A Cordes , la redevance était de vingt pains, un ; Le fouage, ainsi appelé de ce qu'il était perçu , non par téle ,
.

mais la banalité des fours fut contestée bientôt après , et les mais par feu , maison ou famille , a une origine qu'il n'est pas
consuls déclarèrent que les cinq cours de la ville et ceux des facile de fixer. Cependant , d'après la nature des objets avec
jurades n'étaient pas banaux. lesquels il était payé à Lacourtade, on pourrait supposer qu'il
La banalité était due indistinctement , suivant les titres , au venait d'une liberté de pâturage accordée aux habitants , et
seigneur haut justicier , ou au seigneur direct. Au xvire siècle, cette manière de voir est confirmée par une déclaration des
le four banal de Saint-Urcisse appartenait aux deux co - sei habitants du Taur , de l'année 1688 , dans laquelle ils disent
gneurs directs qui en avaient , l'un les 3/8 , et l'autre les 5/8 . avoir faculté de faire paître leur bétail dans les vacants du lieu
Au Verdier , il appartenail au sieur de Cahusac , un des sei en payant par feu une géline. Le fouage dontil est ici question ,
gneurs directs ; les habitants se reconnurent obligés, en 1516 , et observons que ce mot a été appliqué à tous les droits per
d'aller cuire à son four et de donner 1 livre de pain par 16 li çus par feu , aurait donc son origine dans l'affranchissement
vres ; mais plus tard , en 1656 , dans leur hommage au roi, les des serfs aux xile el sue siècles.
consuls déclarèrent qu'il n'y avait pas dans la communauté de
four banal , et que c'élait par habitude que les habitants du On entendait par péage , un tribut exigé sur toutes les mar
village allaient cuire au four du sieur de Cahusac. La posses chandises lorsqu'elles passaient par une ville , par une seigneu
sion d'un four banal par le seigneur direct étail , d'après cet rie, sur une route, sur une rivière , aux ponts et aux bacs ; et
acte , considérée commeun empiétement sur les droits du jus par leude, un autre tribut levé sur les choses apportées et ven
ticier , ce dernier ayant seul en effet qualité pour établir ou dues aux marchés. Le droit de péage était institué pour pour
restreindre une servitude qui frappail tous les habitants d'une voir à l'entretien et à la sûreté des chemins , des ponts, des
commune . bateaux et des chaussées. On en retrouve la trace dans les
Le seigneur qui avait four banal devait entretenir et faire plus anciens documents du moyen -âge . Ils frappaient en ce
chauffer le four à ses frais ; il répondait de la bonne cuisson temps-là les personnes elles-mêmes. Déjà Charlemagne tenta
du pain , et les dommages, quand il y en avait, étaient appré d'en régulariser la perception et en exempta une certaine
ciés, soit par deux prud'hommes nominés par le bailli et les classe de cultivateurs. Au moment de la rénovation sociale où
consuls , comme à Montclar, soit par les consuls eux -mêmes, nous le trouvons dans notre pays , le péage est aboli pour les
comme à Labastide. Aussi , en présence de ces charges, bien personnes , conséquence directe de la liberté d'aller el de
des fours banaux avaient cessé de l’être au siècle dernier , venir , et n'est plus levé que sur les marchandises voiturées
notamment ceux de Lisle el de Vaour , qui étaient alors entre par terre et par eau d'un lieu à un autre ; les Juifs, par suite
les mains de particuliers qui les géraient pour leur propre de la réprobation universelle qui les frappait, seuls n'en fu
compte. En d'autres lieux, au contraire , la banalité était rent pas exemplés : ils élaient lariſés , au xitje siècle , à Gail
maintenue dans loute sa sévérité . Les fours banaux étaient lac et à Rabaslens, 6 deniers. Le droit de péage, ou encore
chauſſés , suivant l'imporlance du lieu , deux , trois et quatre de traverse, comme il est nommé dans les titres de Labastide,
fois la semaine , et plus souvent si le fermier en était requis et est inséparable du droit de leude (1 ) : nous sommes ainsi
qu'il y eut la fournée entière, « les jours de fèles, de prêtres
nouveaux , de sépullures , de noces , d'accouchées et autres. » ( 1) Le droit de leude a été lui-même pris, en certains lieux, pour un droit
de passage et de traverse. Ainsi, à Saint-Michel de Vax, le roi levait un droit
de leude de 5 sols sur chaque troupeau de bétail « passant audit lieu pour
La plupart des seigneurs levaient , au siècle dernier, un aller à la montagne. »
75
.
amenés à parler des marchés et des foires , et par suite, du Laguépie, pelile ville au confluent du Viaur de l'Aveyron ,
commerce . devenue le centre commercial de tout un grand canlon .
Toul seigneur, au moyen- âge , avait élabli sur sa terre un Les droits de péage étaient perçus sur les marchandises au
droit de péage de passage , d'entrée et de sortie ; il en libéra profit du seigneur , mais cependant les villes retiraient un
ses vassaux aux xile et xjtie siècles, et ne le leva que sur ceux grand avantage de la possession d'une foire , el y trouvaient
des seigneurs voisins. En 1221 , le comte de Toulouse libéra un grand élément de prospérité . C'est ainsi qu'en 1357, deux
les habitants de Gaillac des droils de péage et coutume sur ses foires nouvelles furent instituées à Cordes , afin que la ville ,
lerres , et leur permit l'entrée et la sortie en toute franchise ruinée par les subsides et dépenplée par la guerre , s'enrichil
du sel, du blé et du vin ; les étrangers seuls devaient payer el se repeuplåt, inde castrum valeat populari et dicari , non ali
à la porte de la ville le droit qui était d'une maille raimon ter commode populari seu meliorari non possit. Quelques villes
dine , et celui de coupe pour les blés qu'ils vendaient à la pile ; avaient des foires et des marchés francs de péage et de leude ,
en 1222, il exempta aussi de péage et de leude, sur toutes afin encore de les favoriser , étant situées (celle de Penne no
ses terres en Albigeois , les habitants de Cordes et de Mont tamment) en un lieu maigre et isolé .
miral, et en 1228 , ceux de Rabastens, mais seulement à Gail Les droits de péage élaient plus élevés les jours de foire
lac el à Coufouleux. En 1231 , les co -seigneurs de Gaillac par que les jours de marché. Ils se levaient anciennement, suivant
tageaient le produit du cop perçu à la pile , des oboles reçues la nature des marchandises , par trousseau ou bale (qui était la
aux portes de la ville de ceux qui entraient et sortaient, et de moitié du trousseau ), ou encore par charge pour les draps , et
la leude prise au foiral sur les marchandises et le bétail. par charge ( saumado ) , ou charge d'âne (moitié de celle der
Au milieu du xin1° siècle , par suite de la fondation de beau nière), on charge d'homme, faix et collier (celui- ci est limité, à
coup de villes , les relations se multiplièrent et le commerce Penne , au poids de 50 livres) pour les autres objets ; ils se
prit un large essor . Des marchés et des foires se créèrent de prenaient par tête pour le gros bétail, et par douzaine ou trou
tous colés et furent très suivis, malgré le mauvais état des peau pour le menu bélail.
chemins , leur peu de sûreté et les faibles moyens de trans Nous ne pouvons ici suivre les tarifs dans toutes leurs dis
port. Le fait est prouvé par la nature des marchandises por positions essentiellement locales ; comparés l'un à l'autre , ils
tées sur les larifs de péage. Ainsi ceux de Gaillac et de Cordes fournissent les données suivantes : un trousseau de drap teint
marquent des draps de France, de Narbonne , de Montoulieu de France était laxé, à Cordes, 2 sols , et à Penne, 6 deniers ;
de Toulouse et de Rodez , des éloffes de soie et des matières un trousseau de drap de Narbonne , Montoulieu , Toulouse et
du Levant. D'un autre côté, les vins de Gaillac et les autres Rodez, 12 deniers, et la balle de drap uni, 6 deniers à Cor
productions du pays descendaient le Tarn , canalisé dis le des , tandis qu'à Gaillac , le trousseau de drap à foulonner
XIIe siècle , et de Bordeaux étaient portés dans des contrées payail 5 s. 6 d.; la charge de drap grossier , 2 s. 2 d ., et de
lointaines. lin et de chanvre , 3 s. 3 d .; à Cordes encore , la charge de
Les marchés étaient instilués pour l'approvisionnement par drap , de soie , de courdelat (laine grossière) , de lin et de
ticulier des villes qui en avaient plusieurs par semaine : Gail chanvre, 12 d .; à Montclar , le trousseau de drap payait 12 d .
lac , Cordes, Montmiral, Rabastens et Lisle en comptaient deux La charge de poivre , gingembre , safran , canelle , épicerie ,
ou trois (1). Les foires , au contraire, étaient peu multipliées : était taxée, à Cordes , 18 d.; à Penne , 6 d .; mais à Gaillac ,
deux , trois ou quatre au plus par an pour les villes principa 4 s . 6 d . La charge de cuirs crus et ouvrés , à Cordes, 12 d .;
les. Il y venait beaucoup d'étrangers souvent de localités fort la charge de cuirs ouvrés , de cerf et de beuf, 3 s. 6 d . , et
éloignées, et ils étaient l'objet d'une prolection toute spéciale . de moulons, 3 s. 4 d . à Gaillac ; la charge de cuirs ouvrés et
Ainsi, en 1273, le sénéchal de Toulouse instituant la foire de crus de moulons et de chèvres, à Montclar, 12 d . , ou bien une
Saint-Barthélemy , à Cordes, voulut que huit jours avant et maille par peau , ou encore 1 d . par collier . La charge de cui
huit jours après , toute personne pût aller et venir sans crainte vre , d'étain , plomb , etc. , à Cordes, 12 d . , el de fer, 6 d .;
d'être arrêlée, à moins qu'elle ne fût accusée d'assassinat ou à Beauvais, 8 d.; à Penne, 2 d.; à Gaillac, 12 d . si le métal
d'autre crime exigeant la prison préventive. Celle foire durait étail cru , et 2 s. s'il était ouvré ; à Montclar, 4 d ., et le collier
trois jours pendant lesquels les marchands étrangers pouvaient 1 d . La charge de blé , noix, sel et huile , 11 d . à Cor
étaler leurs marchandises et les vendre en gros ou en détail. des , 2 d . à Gaillac et à Penne ; à Montclar, la charge et
Celle disposition devint commune à toutes les villes du Lan le collier de blé , de vin , de noix et de châtaignes payail 1 d .;
guedoc . Plus lard , en elfet , en 1443, les états de la province la charge de sel un cop , et le collier, une paume de sel. Une
demandèrent au roi qu'il ordonnât que ceux qui allaient aux meule de moulin payait 8 d . à Beauvais , et une meule d'arti
foires et marchés portant denrées et marchandises « fussent san , 2 d . Enfin , le bétail payait, à Gaillac , 5 s . 6 d . par trou
privilégiés et n'être pris ou empêchés de corps et biens s'ils peau valant plus de 50 livres , ou bien ' 2 d . par boeuf , ane et
n'avaient fait délil ou méfait. » Les foires se tenaient les jours cochon , et 4 d . par douzaine de moulons et chèvres ; à Cor
de fête d'un saint en renom , comme le constale la charte de des, 6 d . par poulain au -dessus d'un an , 3 d. par bæuf , ane
et mulet, 1 d . par cochon , moulon et chèvre. A Montclar , une
différence existait entre le bétail ferré ou non : Ainsi, un
(1 ) Quelques-unes des villes qui avaient plusieurs marchés par semaine, n'en
avaient plus, au XVIe siècle et depuis longtemps, qu'un seul cheval et un mulet ferré payait 6 d ., et s'il ne l'était pas ,
- 76

3 d .; le cheval ferré mené pour vendre, 12 d ., el non ſerré , Puicelsi, le seigneur avait droit à la langue de chaque boeuf
6 d.; les beufs et les cochons, 1 d . A Gaillac , enfin , le cent et à une jambe de chaque cochon tué. Les bêtes de lait étaient
de harengs, un hareng, et la charge de poisson salé , 12 d . exemples de droit. Les marchands de pain donnaient pour
Tel est l'ensemble des droils de péage , aux xifie et xive taulage ou leude , leida des pancossiers , à Gaillac , un pain
siècles, pour la traverse d'un lieu . Le droit de leude était du valant une maille et demie tous les quinze jours , et 1 d . le
par tout marchand étranger à la ville , mais seulement pour jour de saint Michel; à Cordes, ils donnaient 4 d . par chaque
les choses qu'il vendait, que pague d'aquela quantitat que aura foire, et 2 d . par mois pour abonnement au droil dû les jours
venduda segou que aura vendut may o mens; l'acheteur élran de marché; à Rabastens, ils donnaient par mois un pain valant
ger payait aussi ordinairement un droit égal à celui du ven 1 d ., et le jour de la Toussaint , un pain valant 2 d . Les
deur, et l'un et l'autre étaient condamnés à une amende s'ils autres marchands donnaient, à Cordes, 4 d . par banc les jours
s'en allaient sans payer . Cette amende étail fixée à 30 sous, à de foire, et 1 d . ceux de marché, ou bien , s'ils vendaient du
Cordes. A Montclar, lout homme qui ne payait pas le droit sel, une poignée de sel , de l'huile, 1 d . , d'oignons, 2 d . par
devait donner , par chaque denier, 60 d . d'amende ; et à Pui charge ou un rest de celle valeur ; à Gaillac , ils donnaient
celsi, suivant un acte de 1460 , celui qui fraudail était passi quelques-uns des objets exposés en vente : une barre de fer,
ble de 60 s . d'amende et ses marchandises étaient confis un soc de charrue , un outil, un rest d'oignon , une écuelle , un
quées. - L'acheteur élranger était généralement exempté de cerceau , une poignée d'osiers , etc. A Rabastens, les sabotiers
leude pour ce qu'il achetait pour le service de sa maison . donnaient aussideux sabots, les forgerons deux outils , mais les
Le tarif des droits de leude pour les jours de marché a fabricants de paniers, de cruches , de tamis, etc., ne devaient
moins d'intérêt que celui des jours de foire , sous le rapport rien ; le marchand drapier donnail 9 d ., le pelicier, 6 d ., et le
des malières commerciales ; il était moins élevé. Les grains mercier , 3 d .
apportés à la pile (à la halle) étaient sujets , à Cordes , à 2 d. Le commerce se faisait aussi par eau ; les chaussées et les
par charge , 1 d . par faix , une maille par quartière, une quan écluses , construites de bonne heure sur le Tarn , y rendaient
tité inférieure ne payait rien ; à Rabastens, une émine et demi la navigation permanente. Il y avait déjà , au xirº siècle, des
quartière de blé , châlaignes et noix étaient sujelles au cop , chaussées disposées pour la descente et la remonte des bar
si l'homme qui les portait les déposait à terre ; elles étaient ques à la Pisse , à Saint-Géri et à Rabastens. Les tarifs de
libres s'il les gardait sur lui, ainsi que loule quantité de péage levés au passage des écluses et même sur de simples
grains inférieure à demi-quartière. Cette exemplion de péage, points de la rivière , comme à Coufouleux , font également
pour une petite quantité de grains, est confirmée , à Cordes , connaître les matières d'exportation et d'importation . D'après
par une ordonnance de l'année 1391. Tous les comestibles le tarif de l'écluse de Saint-Géri, rédigé en 1248 , les habi
étaient exempls de leude à Laguépie , mais ils ne pouvaient tants de Gaillac qui avaient contribué à sa construction faite
être vendus qu'à la place aux graius , sous peine de 2 s. par Sicard d'Alaman , avaient l'exemption de demi-droit de
d'amende pour le vendeur , el de 11 s. 6 d . pour l'acheteur de péage . Ils donnaient par tonneau de vin 12 d . toulousains ;
la ville, à moins qu'il ne les prit pour le service de sa maison . par setier de blé, de sel, de farine, 2 mailles ; par trousseau
L'amende pour le non paiement des droits les jours de mar de drap fin , 12 d . , et de drap grossier, 6 d .; par charge de
ché étail, à Cordes, de 14 sols . poivre , gingembre, canelle , girofle , sitoal , safran , brésil,
Le droit de leude comportait le droit de taulage levé les laque et autres épiceries , 12 d.; par charge de cordes, de
jours de foire et de marché, et les dimanches et les fêtes, sur pelleteries, d'étoffes de soie et de mercerie , 12 d .; par charge
les marchands qui avaient banc , table pour étaler leurs mar d'amandes , coings, anis, rits, alun , étain , plomb, cuivre , lai
chandises, les boulangers , les bouchers , les merciers, les ton , viande , fromage , huile , laine , lin et chanvre , peau de
sabotiers, les fustiers et autres. moutons et de cuir cru , d'oignon , poireau , rbue, cerbe et grai
Pour le droit de leude ou taulage de la boucherie , leida dels nes, de poisson salé , de coton filé ou à filer, 6 d .; par meule
masels, d'après la coulume de Rabastens, le seigneur prenait de moulin , 24 d ., et de ſorgeron , 2 d . Un bateau à vide re
à Gaillac et à Cordes les jambes des cochons tués les jours de montant la rivière était franc de droit. Au passage de Cou
marché , les dimanches , les fêtes de la Vierge , des apôtres et fouleux, un tonneau de vin devait , au xilie siècle, pour droit
autres précédées d'un jeûne, et la tête , les pieds et la queue des de péage, 3 d . tolzas .
cochons, bæuſs et vaches exposés au masel le jour de la Noël; Les droits de passage sur les ponts et aux bacs se rappor
il avait de plus 1 ou 2 d . par banc de boucherie. A Rabastens, tent moins directement aux droits de leude et péage qui nous
le roi prenait deux noeuds de la queue de chaque bæuſ tué occupent ; ils complètent cependant les renseignements pré
le dimanche et les quatre principales fèles , la jambe de der cédents. D'après le tarif du bac de Gaillac, de l'année 1251 ,
rière jusqu'au premier næud de chaque cochon , et trois doigts une bête chargée de draps , de cuirs et d'objets du Levant,
du cou des moutons et des chèvres . A Montclar, les quatre payait 2 d . raimondins ; chargée de sel, 1 cop ; de fer , de blé ,
fêtes principales de l'année , à savoir : la Noël, la Toussaint , redoux, sumac , pastel , élain et plomb , 1 d .; de charbon , de
l'Assomption et le jour de saint Laurent, et les dimanches tan et de bois , une maille. Tout étranger devaitdonner pour
ordinaires, les bouchers devaient donner de chaque cochon la passage 1 maille de Cahors. Sur le pont qui remplaça le bac ,
jambe de derrière jusqu'au premier næud. A Montmiral et à en 1256 , les étrangers à pied et à cheval élaient exempts de
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péage s'ils ne portaient pas des marchandises , et encore ils en 1700 , 3 livres seulement; celui de Montmiral donnait éga
pouvaient porter en franchise sur la tête des marchandises lement un revenu presque insignifiant, ainsi que celui de Cou
autres que des étoffes de laine , de fil et de soie , pour les fouleux. Le péage par eau , en celte dernière localité, donnait
quelles ils donnaient alors 1 d . c.; la charge d'une forte bete environ 190 livres ; il se levait avec les autres droits de péage
de sommede peaux, de cuirs , de laine , d’huile , de fromage , dus au roi sur la Garonne , le Tarn et l'Aveyron , au lieu
de cire et de noix , 2 d .; de blé et de vin , 1 d.; de sel, 1 cop , d'Auvillars , au - dessous de Montauban , dans la généralité
et la charge d'âne , 1 cop ras . Les autres dispositions du tarif d'Auch .
se rapportent au bétail. - Aux bacs de Lisle et de Rabastens, Dans le xvidiº siècle , le roi s'occupa encore de celle ques
les habitants de la ville qui avaient à cultiver des terres de tion des péages. Une commission fut instituée en 1724 pour
l'autre côté de la rivière jouissaient de priviléges assez éten vérifier les titres , et à la suite de plusieurs arrêts , les péages
dus. Ajoutons que ces tarifs étaient complètement modifiés du baron de Rey, sur le Tarn , dans la seigneurie de Loupiac,
au siècle dernier ; les charrettes faisaient alors tous les trans de la comtesse de Noailles sur le Tarn , à Rabastens , furent
ports fails précédemment à dos de cheval, d'âne et de mulet ; seuls maintenus , tandis que tous les autres furent supprimés .
tous les passants à pied ou à cheval étaient soumis au droit. C'étaient ceux du sieur de Verdun , à Cahusac ; du baron Séré ,
Le péage était levé pour l'entretien des routes. Quelques à Rivières et Cornebouc ; du baron de Roquefeuil, sur le pont
communautés furent autorisées à percevoir à leur profit des de Laguépie et au lieu de Somard ; du baron du Puget ,

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droits de leude , et aussi , pour l'entretien particulier d'un Montmiral ; du marquis de Saint-Sulpice , à Castanet , Bernac
chemin , des droits de péage . Dès le xi11° siècle , les consuls de et Labastide ; du baron de Rey, à Loupiac et à Saint-Géri ; du
Cahusac furent en procès , au sujet de ces droits de péage , marquis d'Ambres, au Taur , à Parisot, Peyrols, Coufouleux et
avec les habitants de Gaillac et de Cordes , qui s'en disaient Lapellissarié ; du sieur de Monteils , à Montclar et Salvagnac ;
affranchis ; ils transigerent, en 1281 , avec les premiers qui se des sieurs du Bosc et de Clergué, à Cestayrols ; du sieur de
reconnurent obligés de leur payer , pour leude , 1 d . par tête Cahusac , au Verdier ; du baron de Lagrave , à Lagrave ; du
de bétail et par charge de blé , vin et sardines qu'ils achète sieur d'Aires , à Mousieys ; du sieur de Tounac , à Tounac ; du
raient dans l'intérieur du château et l'enceinte du marché ; sieur de Vieux , à Vieux , et du co -seigneur de Saint-Michel de
les autres marchandises étaient franches de droit, ainsi que les Vax , à Saint-Michel de Vax. Il va sans dire que les droits de
bêtes de lait et tout objet coûtant moins de 5 sols ; le blé péage , aux bacs, continuèrent à être perçus.
acheté n'était pas sujet au droit si on le faisait moudre dans Le roi continua cependant å lever ses droits de leude, de
les dépendances du château . A Rabastens, vers la même épo péage et de coup . Les communes riches les prirent parfois en
que , les consuls levaient un droit de barre sur le bétail et les sous -ferme pour en exonérer les étrangers, afin qu'ils vinssent
marchandises des étrangers passant par le chemin des Valières . librement à leurs foires et marchés. Gaillac, en 1754, afferma
Le tarif, en 1614 , était de 6 d . par charrette chargée , et de les droits de péage 600 livres ; mais plus tard les consuls ne
2 d . par cheval, mulet et ane ; le droit produisait alors de 60 purent s'entendre avec les nouveaux fermiers du domaine ; de
à 70 livres. vives discussions eurent lieu , et à la suite , le droit de coupe
Les mots barre, barrage , tiraient leur nom d'une barre que en celle ville fut fixé par un arrêt à la soixante - quatrième par
que l'on mettait en travers du chemin pour marque du péage ; tie du setier ; il n'était, disaient les habilants, que de la trois
ils sont synonymes de ce dernier , qui l'est aussi du mot de cent quarante - quatrième partie ; mais ils durent se conformer
traverse . En retour de ces droits de péage , le seigneur devait à l'arrêt et payer jusques en 1789 au taux du soixante - qua
tenir en bon élatla route et aussi en garantir la sûreté. En effet , trième.
le voyageur détroussé, mais seulement du lever au coucher du
soleil, pouvait se faire indemniser par le seigneur. Nous ne La plupart des habitants de l'arrondissement étaient tenus
rapporterons pas les diverses exemptions de péage que les aux corvées. Il faut entendre par celle redevance des jour
communautés oblinrent gracieusement ou à prix d'argent, sur nées de travail au profil du seigneur direct pour ses champs
tout dans les xine et xive siècles . Nous retrouvons au xviie les ou son château (1 ). L'acte le plus ancien où il soit ques
droits de péage établis sur presque tousles chemins. Ils étaient lion de corvées est celui de 1286 , par lequel le seigneur de
une source de revenus pour le seigneur , qui néanmoins faisait Mezens, en affranchissant ses vassaux , se réserva que chaque
assez bon marché de l'obligation d'entretenir les chemins . chef de maison lui ferait annuellement, de la Toussaint à Saint
Aussi Louis XIV , en 1663 et 1669, dut en réduire le nombre Jean - Baptiste , une journée de travail sans qu'il fut aucune
et n'admetlre que les droits qui remontaient à une possession ment tenu à leur donner à boire et à manger . Dès les temps
centenaire non interrompue , avec obligation pour le seigneur ,
sous peine de déchéance, d'en employer le produit à l'entre
tien et à l'amélioration des chemins. Au commencement du (1) On a appliqué aussi la corvée à l'entretien des chemins, et c'est à elle
XVIIIe siècle, les péages , dans notre canton , étaient levés au que notre viabilité publique est redevable d'une partie de ses progrès, sous
profit du roi ou des seigneurs en plus de vingt endroits ;mais Louis XIV et Louis XV. Colbert commença à employer la corvée royale due
par tous les sujets au roi ; et en 1738 , proclamé comme indispensable à l'en
ils n'étaient, dans la plupart, que d'une très petite valeur. Le tretien des chemins, elle facilita sous Louis XV l'achèvement de 29,000 kil.
péage de Montels, appartenant à l'abbé de Gaillac, rapportait , de routes.
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les plus reculés, des contestations s'élevèrent entre les sei jardin , sous un cens de 8 deniers et d'une maille d'arrière
gneurs et les vassaux à ce sujet. Ainsi, au commencement du caple ; une demi-selérée de terre pour vigne et autant
xive siècle , les habilants de la châlellenie de Montclar refusè pour pré , l'une et l'autre sous un cens de 10 den . et de
rent d'aller faucher el préparer les ſoins, et de travailler les 1 den . d'arrière -capte . A Labessière ( 1255), le sol de maison
vignes du seigneur ; plus tard , en 1446 , le seigneur de Mont est fixé à cinq brasses sur quatre et est grevé d'une rente de
miral assiga ses vassaux pour lui réparer son château , et 3 den . el autant d'arrière- capte ; il est fixé à Beauvais (1342 )
vers la même époque, les habitants de Vaour se déclarèrent à quinze brasses sur cinq , et la rente à 6 den . tournois et
obligés de donner par an au commandeur, à titre de corvées, 3 den . d'arrière - caple .
deux journées à bras ou avec bétail s'ils en avaient, et de plus, Les habitants des nouvelles villes eurent, en outre , la faculté
que ceux d'entre eux qui se louaient pour faucher lui ſeraient de prendre et avoir en toute propriété les terres qu'ils pour
gratis une journée dans ses prés. raient défricher, à la condition de donner au seigneur , après
En 1615 , le tiers - étal demanda formellement que nul gen plusieurs années pendant lesquelles ils devaient les tenir
tilhomme ne pût lever la corvée, s'il n'avait titre vérifié par les entièrement quilles de redevance , une portion des fruits qui
juges royaux . A celle époque , les habitants de Vaour renouve est fixée, à Saint-Urcisse , au neuvième ; à Labessière , au neu
lèrent leur déclaralion , etceux d'Aunay, à la requête de l'abbé vième, septième et cinquième, et à Bernac, au cinquième et
de Candeil, reconnurent qu'ils étaient obligés d'aller monter quatrième, suivant la qualité du terrain . C'était presque un
la garde au château de Serres. Plus tard , en 1668, les habi droit qu'avaient les habitants de cultiver les terres du seigneur,
tants de Lacourtade ayant feu déclarèrent devoir au seigneur car il est dit dans la charte de Saint-Urcisse, que si le sei
deux journées à bras ou avec bétail, par an ; ils reproduisirent gneur venail à avoir dans la suite d'autres terres, les habitants
cette reconnaissance en 1775, et ajoulèrent qu'ils devaient les auraient en propriété en donnant le neuvième des fruits
faire de plus tous les charrois dont il avait besoin ; en 1672, de celles qui seraient inculles et le septième de celles qui
les habitants de Montdurausse se dirent sujets aux corvées et seraient cultivées. Ce mode de bail retint le nom particulier de
manæuvres au château de Montclar ; ceux de Salvagnac firent tasque ou champart ; il se trouve établi dans le plus grand
une déclaralion semblable pour le château du lien , et la renou nombre de localités, et on ne peutméconnaîlre ses immenses
velérent en 1750. Les habitants de Mezens devaientaussi con avantages pour les seigneurs comme pour les vassaux.
tribuer aux réparations du château . En 1747, le baron leur Ces terres ainsi cédées partout par les seigneurs ayant
commanda de réparer le ponl-levis ; mais à leur prière, il vou l'honneur, la juridiction d'un lieu , et encore par les chevaliers
lut bien consentir , « vu la tranquillité intérieure da royaume, » possesseurs de fieſs francs, comme on l'a vu à Mezens, forme
à ce que le fossé fûl comblé ; il reçut une somme de 80 livres rent les fiefs roturiers dont le chevalier cédant avait la seigneu
pour celte concession et réserva expressément qu'il pourrait rie directe , dominante , et le vassal cessionnaire, la seigneu
faire relever le pont- levis quand il voudrail et aux frais de la rie utile. Voici quel en étail, aux xiure el xive siècles, le mode
communauté . de jouissance et de travsmission.
Le lenancier ou emphiteote pouvait vendre, aliéner et enga
II. · Des droits de cens, lods, acaptes et autres frappant sur la ger son fief à loule personne habitant dans la juridiction du
propriété ; des fiefs et des seigneurs féodaux et censiers ou lieu (Saint-Urcisse et Labessière), excepté à chevalier et à clerc,
directs . ceux -ci ne pouvant faire le service de la renle. Aussi quand à
la suite d'une condamnation judiciaire, ou d'un héritage ab
La possession d'immeubles par les colons habitants des intestat et sans descendants, le fief rolurier revenait au sei
villes remonte , au moins, au temps de leur émancipation , gneur justicier, et que ce dernier élait autre que le seigneur
c'est-à -dire å la seconde moitié du xjie siècle . Les prud'hom dominant , celui - ci, comme on la vu dans la charte de Gaillac
mes de Gaillac avaient déjà des immeubles, commeil a été dil de 1231 , et comme le prescrit celle de Montclar de 1267,
plus haut, avant l'année 1221 , que le comle leur en confirma devail en transférer la possession ( dans le délai d'un an et un
la possession et les autorisa à en disposer par lestament. Les jour ) à une personne compétente, à un roturier qui en servit la
habitants de Rabastens, Penne, Nontclar, Lagućpie et autres rente. Pareillement une femme relevant d'un seigneur et qui
villes étaient sans doule alors aussi propriétaires des terres en était affranchie par son mariage avec un homme relevant
qu'ils cultivaient. Mais beaucoup de colons n'étaient pas encore d'un autre seigneur, ne l’étail pas si elle était héritière des
émancipés, et les seigneurs qui voulurent fonder des villes biens palernels, « car elle ne pouvait transférer le droit de
donnèrentaux personnes qui iraient s'y fixer un emplacement l'honneur au préjudice du seigneur au profil duquel ses biens
pour construire une maison , une portion de terre pour en élaient mouvants . » Le seigneur direct du fief devait tou
faire un jardin , une vigne , un pré , le tout en propriété, mais jours approuver la vente ou l'engagement du ſief et investir le
sous de modiques redevances , el avec pouvoir de vendre , nouveau tenancier ; pour celle approbation , il percevait un
échanger et donner par testament. droit de lods qui étail, à Saint-Urcisse et à Labessière , de
A Saint-Urcisse ( 1256 ), il est donné un local pour maison chaque sol du prix de la vente un denier, et de l'engigement
de huil brasses sur qualre , sous un cens d'un denier toulousain une maille ; à Penne , de chaque sol de vente un denier, el de
el d'une maille pour arrière-capte ; une setérée de terre pour chaque 24 sols d'engagement, 11 deniers ; à Cordes, de cha
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que livre de vente 12 deniers, et d'engagement 6 deniers. La plus riches, deux setérées, et les autres en proportion , et y
valeur des terres engagées était fixée, en celle ville, par deux empêcher la dépaissance , ainsi que dans les prairies jusqu'à la
prud'hommes commis à cet effet. Dans le plus grand nombre Saint- André . Enfin , à Montclar , les seigneurs, chevaliers et
de localités, le droit de lods et ventes était de 12 den . 1 den . ; francs « s'étaient réservés de vendre leurs herbes, glans et
mais il se trouvait dans quelques autres, Vaour, Andillac , bois, » mais seulement aux personnes qui élèveraient des
Cestayrols , etc., de 6 den . 1 den ., et ailleurs encore , Campa bestiaux appartenant à des élrangers, ou encore à celles qui
gnac , Le Verdier el Gaillac , de 5 den . 1 den . Les lods se en élèveraient au - delà de leurs besoins particuliers et pour
prenaient pour la mutation de tout fief, grevé ou non d'une vendre. De même, à Penne, lout habitant tenant du bétail à
redevance annuelle au profit du seigneur. Ainsi à Cordes, les cheptel devait un droit d'herbage , à moins qu'il n'eût ce bé
maisons libérées du cens étaient sujetles au lods, qui se pre tail du consentement de la communauté , qui prenait alors une
naient à Penne, tant sur les héritages sujets à censives que portion du profit. Certaines communautés pouvaient réserver
sur ceux ne faisant aucun droit de censive. » L'acheteur et le une partie des dépaissances données aux habitants et les affer
vendeur étaient responsables du paiement, à moins qu'il y eût mer à leur profit , ou encore la faire réserver de telle époque
dans l'acte stipulation du contraire . Lorsque la vente d'un fief à telle autre , de Notre - Dame de mars à la Saint-Martin , par
était notifiée au seigneur , celui-ci, suivant la prescription de exemple, pour la nourriture du bétail de labour exclusivement.
la charle de Montclar, pouvait garder le fief pour son propre D'après les coutumes de Penne et de Beauvais, les carrières
comple , mais non pour l'inſéoder à autrui, etil payait alors le de pierre, de sable et de pierre à chaux élaient communes à
même prix que l'acheteur ; s'il ne retenait pas le fief, il devait tous les habitants, qui pouvaient aller y faire leur provision en
en approuver immédiatement la vente : à Beauvais, le seigneur payant seulement les dommages, s'ils en porlaient, suivant
avait un délai de vingt-un jours pour exercer ce droit de pré l'appréciation des consuls.
lation ou retrait censuel; mais il ne jouissait pas de cette On a vu qu'après le cens, le seigneur s'était réservé un
faculté pour les échanges. Enfin , en celle même commune, si droit d'acapte et d'arrière- capte. L'acapte était due par le pos
un fief était donné en dot par l'emphitéote à sa fille ou à sa sesseur d'un bien tenu à cens à la mort du seigneur duquel il
seur , le lods n'était pas dû au seigneur, à moins qu'un prix relevait, et l'arrière- capte à la mort du tenancier par son suc
ne fût fixé dans l'acte de donation . cesseur. Ces droits étaient, suivant les lieux, doubles, égaux
Le lenancier emphiléole pouvait user à son plaisir el volonté ou inférieurs aux cens.
du fief ; mais il ne devait pas le laisser inculte , sous peine de Tous ces droits grevant la propriété continuèrent à être
payer la détérioration (Montclar ), et mêmed'en perdre la pro levés ; mais dans la marche à travers les siècles de ces insti
priété après quatre années ; en effel, à Saint-Urcisse , le sei tutions féodales, on retrouve , comme dans les institutions
gneur pouvait alors donner le fief à un autre colon , et si le politiques, une différence marquée entre le régime libéral de
premier voulait le recouvrer , il devait indemniser le seigneur . la royauté, tant qu'elle lutte contre la féodalité et le régime
Suivant les localités , le fief pouvail ou ne pouvait pas être conservateur des seigneurs . Le comte de Toulouse commença
donné à sous-lief et sur cens. A Saint-Urcisse , le tenancier à exempter du cens quelques- uns de ces vassaux ; le roi de
qui usait de celle faculté devait faire bénéficier le seigneur de France , ensuite , libéra ceux des principales villes , Cordes ,
la moitié de la redevance en sus qu'il en retirait. Si le cens ou Gaillac et Rabastens, de l'obligation de payer finance pour
la rente n'était pas payé au jour fixé , le seigneur direct pou tenir en fief, en emphitéose, avec droit d'acaple et d'arrière
vait , en certains lieux, faire payer double, el sur autorisation capte, et plus tard , illes exempla des droits de cens et acaptes
du seigneur justicier , faire saisir les fruits du fief. Au XIV° pour les biens qui relevaient de sa direcle. Cependant, dans
siècle, d'après la charte de Beauvais, malgré que le paiement les siècles derniers, quand il eut vaincu la noblesse et qu'il
n'eût pas été effectué de quatre années, le fief ne venait pas en eut des besoins plus impérieux d'argent, le roi voulut faire
commis, mais l'emphiléote pouvait être contraint de payer le revivre quelques -uns de ses anciens droits féodaux , et nous
cens, comme pour une delle ordinaire , par prise et saisie de avons vu la plupart des communautés s'affranchir à prix d’ar
tous les biens. Enfin , l'emphitéole ne pouvait délaisser le fief gent, en 1693, des droits de menus cens en argent et en
s'il n'avait payé la rente. nature et des droits de lods qu'elles avaient été assujéties å
Indépendamment de la propriété de certaines terres , les lui payer.
seigneurs avaient accordé, au xixe siècle, à leurs vassaux des Les fermiers demandèrent aussi , à la même époque ,
droits de pâturage dans les forêts et lieux incultes de leur à l'abbaye de Candeil , une somme de 400 livres pour droit de
juridiction . Cependant, il était apporté à l'exercice de ces demi- lods , mais que celle - ci ne paya pas, parce que les biens
droits quelques entraves, soit de la part des seigneurs, soit de pour lesquels on le réclamait étaient silués dans l'ancienne
la part des communautés. Ainsi, à Penne, en 1253, malgré sénéchaussée de Toulouse , et que, suivant les priviléges de
l'usage pour tous « des eaux, ruisseaux, fontaines , herbages, cette sénéchaussée , énergiquement défendus par les états du
glans et bois, » il était permis à chaque emphitéole d'avoir Languedoc , elle était affranchie de ce droit. Cependant, ce
sur son fief des arbres sauvages, des frênes, peupliers et au droit de demi-lods figure dans une reconnaissance au roi de la
tres auxquels il était défendu de toucher. A Laguépie, ils ville de Lisle, de l'année 1650 ; il est déclaré être dû, de dix
pouvaient réserver une certaine contenance de terrain , les ans en dix ans, pour la maison de ville et l'hôpital que la
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communauté possédail, et se porter à 18 l. 15 s., ces im avaient. Aussi, les renseignements historiques qui les concer
meubles étant évalués à 450 1 . nent sont abondants. Il n'en est pas ainsi pour les seigneurs
Les autres seigneurs directs conservèrent tous leurs droits féodaux. Les fiefs nobles tenus à foi et hommage et obligeant
de cens, acaptes , lods et tasques . le vassal à suivre son seigneur à la guerre, et sujels aux droits
Le cens ne chargeait pas considérablement un bien , et si de quint et requint s'il s'agissait de vente , et de relief el rachat
l'on mettait en regard la contenance du fief et la redevance, on s'il s'agissait de succession en ligne collatérale , de donation
verrait combien celle- ci était relativement faible . Ce n'est pas par mariage et d'échanges , élaient plus rares .
que pour toute une communauté les rentes ne s'élevassent å Dans le principe , la plupart des nobles, possesseurs des
un total assez haut. Ainsi , la communauté de Cestayrols était terres , des honneurs du pays , les avaient ou reconnurent, aux
grevée , en faveur de dix à douze seigneurs directs, de 207 XII° el xile siècles, les avoir en fief du comte de Toulouse et
seliers de blé de censive ; mais sa contenance était de 1,703 du vicomte d'Albi, et puis du roi de France , auxquels on les
hectares ; toute la paroisse de Bernac, de 554 hectares, don a vus prêter souvent serment de fidélité , leur rendre ſoi et
nail 46 seliers de blé et 5 seliers d'avoine de censive : la hommage , aveu et dénombrement. Il en fut de même dans la
redevance n'était donc pas énorme. Le droit de lods était bien succession des siècles , et encore en ces derniers temps, tous
plus onéreux, car il était du douzième, dans les localités les dénombraient au roi leurs terres. Quant aux droits de quint et
plus privilégiées, du sixième, du cinquième même dans quel requint auxquels ces terres étaient sujeltes lors du change
ques autres du prix de la vente. Cependant, il était souvent ment de tenancier, nous les trouvons perçus, en 1642 , par le
modéré et payé par suite à un taux inférieur ; mais le droit, roi, sur la baronie de Brens. Le quint consistait dans la cin
exorbitant aux yeux des populations du xviie siècle, n'en quième parlie du prix de la vente , et le requint était le cin
subsistait pas moins et contribuait à faire reporter sur tous quième du quint ; mais le quint était le plus souvent réduil et
les autres devoirs seigneuriaux la déconsidération générale modéré à un taux bien moins élevé. Ainsi Guillaume de Com
dont il était frappé. Le droit de tasque et champart consistait, bettes, acquéreur de la baronie de Brens pour le prix de
commeil a été dil, dans le neuvième, septième, cinquième et 15,400 livres, ne paya pour le quint et le requint que 400 li
même le quart de la récolte donnée au seigneur. A Bernac, une vres. Ces droils onéreux étaient dus principalement dans les
partie de la paroisse était taxée au cinquième et l'autre au pays régis par le droit coutumier et non dans le Languedoc ,
quatrième, el on comprend que les cultivateurs, qui indépen par suite ; ce qui explique que nous ne l'ayons trouvé perçu
damment devaient payer ladime, le cens etles autres redevances qu'une seule fois , et nous savons qu'au commencement du
seigneuriales, fussent loin d'être dans une position florissante . XVII° siècle, les habitants de Montans, avec d'autres du comté
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Aussi la paroisse se dépeuplait rapidement au siècle dernier : de Castres, demandèrent à être séparés de ce comté afin d'élre
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en 1719, on y comptait 54 feux , et il n'y en avait plus que exempts du droit de rachat (1 ) , quint et requint dus au roi ,
36 en 1789. Ce mode de redevance proportionnel au rende auxquels ils ne devaient pas être assujétis comme étant régis
ment des fruits semblerail devoir être favorable à la propriélé ; par le droit écrit.
mais il n'en était pas ainsi, et les lerres données à champart Mais dans les fiefs nobles , dans ces honneurs, il y avait
dépérissaient, étant moins bien cultivées que les autres. Pour d'autres fiefs nobles, d'autres honneurs, ainsi que nous l'avons
remédier à cet état de choses, quelques seigneurs prirent le établi plus haut, relevant non du comte et du roi , mais du
parti, au milieu du siècle dernier , d'inféoder leurs champarts, possesseur du fief noble , de l'honneur primitive. Le tenancier
c'est- à - dire de les transformer en renles fixes en grain . Le de ce fief noble suballerne était lenu aux mêmes obligations
baron de Laguépie fut de ce nombre , ct on remarqua que par envers le tenancier du fief noble primitir , que ce dernier en
ce moyen il avait assuré ses revenus el augmenté le bien - être vers le comte ou le roi. Il lui devait également foi et hom
des colons. Ce mode de conversion des champart fut préco mage, aveu et dénombrement ; il devait l'accompagner à la
nisé en 1780 , par l'assemblée provinciale de la Haute guerre et lui payer , le cas échéant , les droits de mutation ,
Guienne, qui émit le væu que ces actes d'inféodalion fussent de quint et rachat. Nous avons plusieurs hommages dans
exemplés des droits de contrôle et d'enregistrement. ce sens , surtout dans les temps anciens , dans le xitje siècle .
Ainsi, en 1273 , le sieur Maffre Bodrac, de Montdragon , rend
Résumant ce qui précède et revenant à la différence de hommage à messire Guillaume, abbé de Candeil, el reconnaît
dignité des fiefs , on voit les seigneurs féodaux etcensiers éten tenir de lui en fief franc le mas de Vilars ; il promet de rendre
dant encore leur domination sur la plus grande partie du ter semblable hommage à chaque mutation d'abbé el d'emphi
ritoire. Les scigneurs directs maîtres des fieſs roluriers tenus téote , et de défendre ledit seigneur abbé contre toute per
à cens elassujélis aux droits de lods, d'acapte et souvent de sonne, à l'exception des seigneurs de Lombers et de Lautrec .
lasque étaient très nombreux, et on en comptait généralement Demême, en 1286 , les habitants de Mezens reconnaissent aux
plusieurs dans chaque communauté , par suite des honneurs chevaliers Raimond et Pillort , de Rabastens , leurs seigneurs
comprises dans l'honneur, et encore des aliénations posté féodaux, qu'ils leur devaient foi et hommage , qu'ils devaient
rieures aux charles d'émancipation des seigneurs justiciers,
qui, loul en se réservant la haute juridiction sur une terre, se ( 1) Le rachat consistait dans le don du revenu d'une année de la terre, pris
dépouillaient en bloc ou par parcelles de la directe qu'ils en sur la moyenne des trois années précédant la mutation .
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leur payer le droit de quint et les suivre à la guerre : « Si les ceux qui concernent les seigneurs du Verdier et de Tauriac .
seigneurs ou leurs successeurs ont guerre ou difficulté avec Il existe encore une litre ou ceinture extérieure dans la pluie
quelqu'un , les habitants les suivront et les aideront envers et part des églises de campagne, et sur plusieurs, à Sainte -Cécile
contre tous, sauf le roi de France , autant de temps qu'il sera du Cayrou el à Saint- Julien -le- Vieux , on aperçoit encore les
nécessaire , et à leurs frais et dépens, excepté les deux pre armes des seigneurs dont elles étaient recouvertes . Le sei
miers jours qu'ils seront à la charge des seigneurs . » Il était gneur devait être nommé à la prière du prône, el snivant une
peu question de fiefs nobles subalternes en ces derniers lemps . prescription d'un arrêt de 1730 relatif à Montgaillard , le curé
Quelques- uns existaient cependant , et nous pouvons citer les « devait lui donner l'eau bénile par aspersion et avec décence
prieurés de Saint-Michel de Montmiral et de Salvagnac, rele en s'arrêtant devant son banc. » Ajoutons que plusieurs
vant du seigneur. Là, la prestation de la loi et hommage avait seigneurs justiciers voulurent donner leur nom au chef-lieu
élé substituée par un devoir bizarre . Ainsi le prieur de Mont de leur juridiction . Ainsi, au XVII. stècle , Labessière dut èire
miral devait embrasser le pilier de la place lors de sa mise en officiellement appelé Labessière - Candeil, et au xvil", Cadalen ,
possession , et celui de Salvagnac était tenu d'aller chanter une Pierrebourg , et Florentin , Lespinasse ; ce ne fut pas sans de
chanson gaillarde sous les fenêtres du château , le soir des vives oppositions de la part des habitants quin'y consentirent
noces du seigneur (1 ). Encore le baron de Montmiral avait même qu'à la suite de concessions faites , sur d'autres points ,
sous sa suzeraineté plusieurs de ces fiefs nobles qui occupaient par les seigneurs.
en étendue le tiers de sa lerre. Eu 1372 , noble Aimeric de
Calmont , seigneur de Saint- Sernin d'Albi, étail vassal du Les droits de chasse et de pêche appartenaient aux seigneurs
baron de Montmiral, auquel il rendit l'hommage celle année ; baul justiciers, à l'exclusion de tous autres ; ils étaient très
au siècle dernier , in de ces vassaux devail au baron , indé jaloux de celte prérogative , el peu s'en étaient départis en
pendamment de l'hommage , une lance de ferblanc qui étail faveur de leurs vassaux . Les mesures coercitives contre les
estimée alors 3 livres 10 sols. délinquants étaient très sévères , lant aux siècles derniers
qu'aux premiers temps de la féodalité. Au XVI ° siècle, le par
lement de Toulouse , à la requête de l'abbé de Candeil , pro
III. - Des seigneurs justiciers et de leurs droits. — De la jus
tice civile , criminelle et rurale , haute , moyenne et basse. nonça pour un délit de chasse une amende de 4,000 livres. La
chasse aus animaux nuisibles était permise lemporairement et
Son administration entre seigneurs de puréage .
d'une manière générale par l'administration des forêls ou par
le parlement ; mais en dehors de ces autorisations , les sei
Le seigneur justicier, nous l'avons dit , avait le droit de
gneurs rentraient dans leur privilége , et nul, fùl- il vassal ou
justice , celui de confiscation , d'épaves, de déshérence , de
chasse et de pêche , et certains droits honorifiques. noble , ne pouvait enfreindre la prohibition de la chasse dans
les lieux où elle était réservée. C'est ainsi, qu'au Xvite siècle ,
le sieur de Conques fut condamné à 100 I. d'amende pour
Le premier de ces droits honorifiques étail celui de pouvoir
seul, et à l'exclusion de tous autres , se qualifier de seigneur avoir pris du gibier menu dans la terre de Roquemaure, et le
du lieu dont il avait la justice. En certaines communautés , le sieur Austry de Sainte -Colombe, poursuivi par l'abbé de Can
deil, objecla vainement, pour échapper à une condamnation ,
seigneur direct ou l'un de ces seigneurs prétendit parfois se
sa qualité de gentilhomme et une autorisation du duc de
titrer de seigneur du lieu , mais jamais les habitants ne lui
reconnurent celle qualité , et les arrels furent toujours una Noailles, gouverneur du pays .
Un seul acle du xine siècle fait connaître le mode d'exercice
nimes pour la lui enlever . Le seigneur justicier avait droit
du droit de chasse entre deux coseigneurs et les conditions
à un banc ou place d'honneur dans l'église, et à faire mettre
sous lesquelles la chasse était autorisée par eux à cette époque ;
ses armoiries sur les murs, tant au dedans comme au dehors ,
il est de l'année 1259 el concerne le vicomte Pierre de Lau
el sur la porte . Les arrêts sont encore unanimes pour enlever
trec et l'abbé de Candeil : l'un et l'autre pouvaient chasser dans
ce droil au seigneur féodal et au seigneur direct , notamment
toute la seigneurie et emporter le gibier lué ; les étrangers
pouvaient également y chasser, mais ils devaient laisser le
( 1) On peut citer comme un des devoirs bizarres remplaçant celui de foi et gibier tué , dont les deux tiers revenaient au vicomte et le
hommige dû au seigneur féodal par le vassal, celui auquel était tenu le baron tiers à l'abbé. Ainsi de nos jours , dans les grandes forêts
de Cessac vis-à - vis de l'évêque de Cahors ; il ne sera pas déplacé tout-à -fait d'Allemagne , le fermier de la chasse accorde toutes les de
ici, puisque le sieur de Cessac avait la terre de Milhars dans notre arrondisse
mest. Le baron était obligé, lorsque l'évêque faisail sa première entrée dans sa mandes de chasse , mais le gibier lué lui appartient. - Dans
ville épis:opale , d'aller l'attendre à un certain endroitmarqué , de le saluer nu une autre commune , à Roquemaure , en 1395 , les habitants
tête , sans manle: t), le pied et la jambe droite nus avec une pantoufle , de pren
furent autorisés de chasser les bêtes sauvages , à la condition
dre la mule du prélat par la bride , de le conduire ainsi à l'église cathédrale et
de là au palais épiscopal, et de le sorvir à la table pendant le diner , après quoi de donner au seigneur l'épaule droite et trois côles de chaque
la mule ol le buffet lui demeuraient acquis. En 1027 , l'évêque de Cahors bète tuée ; celte disposition est reproduite dans un arrêt du
ayant fait son entrée sans appeler le baron de Cossac, celui-ci le fit assigner
parlement du xvII siècle. L'abbé de Candeil accorda , en
en paiement de la légitimevaleur du buffel, et par sentence des requêtes, con
firmée par arrêt, l'évêque fut condamné et le buffel fut évalué à la somme de 1615 , aux habitants de Labessière , « exclus les artisans,
3,000 livres. laboureurs et autres gens mécaniques, » de pouvoir chasser

11
82

la caille avec chiens couchants , mais il réserva celle du san avaient celle de faire des pigeonniers , des garennes et des
glier, du chevreuil et du lièvre ; celle dernière pourrait être viviers. L'octroi de celte faculté remontait à une assez grande
autorisée par gratification , et pour retirer l'autorisation , l'abbé anciennelė; car, dans le principe , le produit de ces réservoirs
n'aurait qu'à notifier sa volonté aux consuls, et tous les habi était considéré comme une source abondante pour l'alimen
tants devraient se tenir par là avertis. tation publique. Aussi la législation était très sévère pour les
Vers 1260, Olivier de Penne , seigneur de Laguépie , avait vols de lapins. Au xie siècle , une amende de 10 sols était
accordé à ses vassaux l'autorisation de chasser la perdrix , portée , à Laguépie , pour le vol d'un lapin , et de 5 sols , à
excepté aux filets et à la luminade, sous peine de 10 sols Montclar, pour un lapin et un pigeon pris à un clapier ou à
d'amende s'ils y élaient pris de jour , et de 60 sols si c'était de un colombier ; en celte dernière localité , celui qui prenait du
nuit. Au Taur, au contraire , c'était la perdrix et les lapins poisson à un vivier ou à la chaussée d'un moulin était puni
qu'il élait défendu de chasser. Les habitants des communau d'une amende de 60 sols , le tout indépendamment des dom
tés d’Aunay , Fenols, Téau et Beauvais avaient , au XVII° siè mages alloués au propriétaire .
cle, la faculté de chasser et de pêcher ; d'autres, et parmi eux ÉLE - A , ROSSIGNOL .
il faut citer ceux de Gaillac , en étaient privés, mais tous ( A continuer .)

DES CONSTRUCTIONS TROUVÉES DANS PLUSIEURS TUMULI

A PROPOS DE CELUI DE FRÉGOUVILLE .

Notre dernière livraison renferme un article de M. Lacaze , ment, au nom de nos lecteurs, malgré l'anonyme que sa mo
sur les sépultures , constructions et peintures découvertes dans le destie réclamait, « il y a quarante ans , notre tumulus était
tumulus de Frégouville (Gers) . Les particularités signalées dans encore entouré de larges et profonds fossés... Une passerelle
ce Travail , son titre seul, ont excité l'attention de plusieurs jetée sur l'eau permettait d'arriver au pied ; des sentiers
érudits qui nous ont demandé quelques détails complémentai étroits , pratiqués sur les flancs du tumulus , conduisaient au
res . Les peintures surtout leur ont paru mériter le plus sé sommet qui était un petit plateau où se trouvaient un beau
rieux intérêt ; si elles eussent été moins incomplètes , M. le peuplier et deux grands ormeaux ... En 1825 , il fut permis à
chevalier de Linas leur attribuerait une importance réelle au la commune de vendre de petits lopins de terre que les habi
point de vue ethnographique ..... tants du village demandaient pour y placer leurs paillers. Ce
A Sagondinac (Gironde ) , M. Ch . Des Moulins a exécuté des fut alors qu'on commença à faire ébouler les terres pour com
fouilles qui ont mis à découvert une construction en hémicy bler une partie des fossés ... Depuis les fouilles qu'a vues
cle, semblable à celle de Frégouville : la notice qu'il a donnée M. Lacaze , pour établir un chemin direct de l'église au village ,
à ce sujet dans le Congrès scientifique de France (28° session , on a partagé le tumulus ... et j'ai vu alors une partie des cons
t. IV ) et qu'il nous a adressée, nous a fait faire de singuliers tructions allant du S.-E. au N.-O. (l'autre partie avait été en
rapprochements entre les deux découvertes... « Quoique , nous levée précédemment).
dit une de ses lettres, la petite butte de Sagondinac ne puisse Cette construction était faite en pierre du pays qu'on appelle
offrir aucune similitude avec le riche enfouissement de cons pierre tuf (grès molasse). Tous les blocs étaient taillés à l'in
tructions gallo -romaines et de peintures bien plus mystérieu térieur. Ils avaient de 25 à 30 c . en largeur , sur 20 ou 22 en
ses de Frégouville , son modeste enfouissement d'une petite hauteur . Il y existait un pilier rentrant ( un pilastre) d'une
église romane offre bien , du moins , un point et un cas de saillie de 12 à 15 c ., dont les pierres avaient 50 c. en carré
simple comparaison ... Quel est lemot réel de ces enfouissements sur le parement.
dans des lieux si éloignés, le Gers, le Médoc, Orléans? L'épo » J'ai fait encore démolir le pilier rond intérieur A qui était
que est -elle la même partout ? Le but est-il le même? etc... aussi bâti en pierres taillées tout autour et de même dimen
D'autres , parminos lecteurs , nous ont adressé des questions sion que celles des murs : il avait 2 m . de diamètre.
analogues... Pour y répondre , sans prétendre les résoudre , » Nous avons trouvé à l'intérieur des constructions une large
nous donnerons d'abord les indications suivantes , qui confir paroi placée entre ce pilier et le mur en pierre . Cette
mentou complètent celles que fournit le mémoire de paroi était pour supporter quelque construction ; cela devait
M. Lacaze : « Il y a quarante ans, » nous écrit M. le curé dater de l'époque des constructions modernes (murs en bri
de Frégouville, qui a bien voulu répondre à notre appel avec ques) .
un empressement dont nous tenons à le remercier publique » De toutes ces ruines , il ne reste plus rien ; le tumulus existe
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encore dans toute sa largeur du S.-E. au N.- 0 . , il a eté sur y a deux ans , fait exécuter à Auterive (Haute -Garonne ) , des
baissé de 7 à 8 m . Il demeure encore la partie du S.- 0 . au fouilles sur divers points. Près des bords de l'Ariège , à l'en
N.-O., mais seulement à la hauteur de 1 m . 50 c. au -dessus droit appelé la Capelette, nous remarquâmes un léger exhaus
du sol. La partie du levant conserve l'empreinte de la cons sement du sol qui nous fit songer å l'existence d'un ancien
truction . camp... Là , nous mêmes à découvert les restes d'une cons
» Les pierres des tombes étaient de mêmes dimensions que truction rectangulaire à l'occident, et dont l'extrémité orien
celles du pilier rentrant dont j'ai parlé plus haut. Il y en avait tale avait été trèsanciennement emportée par les eaux. Auprès
quelques -unes de plus grande dimension , 60 à 70 c . sur 50 c . des murs, on trouva des squelettes, des fosses renfermant des
» Les briques qu’on a trouvées sont d'une forle épaisseur , cendres , des os d'animaux et des débris de poterie grise...
5 c .; leur longueur est de 30 à 35 c . ; leur largeur, de 22 å Nous ne pûmes alors nous rendre compte de la destination
25 c . primitive de l'édifice , et nous ne pensames pas avoir sous les
» Je n'ai point vu de briques à rebords , quoique j'aie fait yeux autre chose que les vestiges d'une très ancienne église
employer toutes celles qui ont été extraites... ou même d'un petit temple transformé en église . Nous cons
» Il n'existe rien à Frégouville de ce qui avait été trouvé dans tatâmes que l'édifice avait été très anciennement remanié ,
le tumulus, tout ayant été porté à M. Lacaze ... Cependant, on qu'on y avait construit des murs de refend de manière à for
trouve encore , en creusant, des débris d'objets en fer et en mer un second édifice dans le premier , dont deux côtés suu
terre semblables à ceux qu'il a recueillis... lement avaient été utilisés. Nous remarquames que le pare

► Au pointde vue étymologique, peut- être est- il à remarquer ment extérieur des murs primitifs était beaucoup moins
qu'un chemin , dit de la Carrelasse , aboutit au lumulus... » soigné que le parement intérieur : le pourtour ne présentait
Voilà une confirmation du récit de M.Lacaze et un complé que deux petits contreforts très peu saillants , un sur chaque
ment à sa description ... De plus, M. le docteur Noulet a visité grand côté et non symétriques ... des segments de tambours de
les fouilles premières en compagnie de celui- ci ; il a vu la colonne en pierre , des briques moulées en quart de cercle se
construction en pierre, l'hypogée de M. Lacaze, le pilier rond , trouvaient parmi les matériaux amoncelés dans l'intérieur ; on
l'escalier dont il est question dans son Mémoire ; au moment recueillit aussi quelques claveaux et un fragment de colonne
de sa visite , les peintures n'existaient plus , mais il en a vu des en marbre ... Dans æuvre , le sol portait un pavage en béton
fragments. M. le professeur Barry a , dès l'origine , eu con placé à près de 1 m . en contre -bas d'une sorte de seuil
naissance du travail que nous avons publié... visible au mur de l'o . et du niveau des terres transportées
Ainsi le témoignage d'hommes éminents peut justifier de qui formaient le sol extérieur... L'étude la plus attentive ne
l'exactitude de la description faite par M. Lacaze , et s'ils n'en nous fit découvrir aucun détail caractéristique indiquant un
adoptent pas entièrement les conclusions , du moins ils en édifice roman , et grand fut notre embarras pour préciser une
admettent complètement les détails. date , un style même. Seules, les briques moulées en quart de
Quant à se prononcer , nousnecroyons pasqu'on le puisse en cercle nous parurent désigner l'époque gallo -romaine.
core sans témérité. Il serait essentiel, ce nous semble, de complé Quelle pouvait être la destination de cet édifice placé dans
ter l'étude du tumulus de Frégouville , comme peut- être celle les conditions que nous avons énoncées ? ... Aujourd'hui,
de Sagondinac , en y continuant les fouilles commencées ; nous l'examen de ces conditions nous ferait admettre volontiers
ne renonçons pas à l'espoir qu'il sera fait quelques tentatives l'idée qu'il a été originairement destiné à être enfoui, qu'il l'a
dans ce sens. été en effet avec son cortege de sépultures ; qu'à une époque
Provisoirement, voici quelques rapprochements qui nous inconnue , les terres qui le recouvraient ont été enlevées en
paraissent avoir leur portée ... grande partie , qu'on l'a utilisé comme église et que plus tard
Et d'abord , de la lecture des pages écrites par M. Des Mou les exigences de la culture ont fait abaisser encore les terres
lins sur Sagondinac , il résulte pour nous qu'il y a là une transportées , pour combler peut- être les fossés qui entou
construction offrant une très grande ressemblance avec celle raient le tout, et qu'enfin les eaux de l'Ariége , déplaçant
de Frégouville : dans les deux, abside semi- circulaire , absence leur cours , ont causé des éboulements par suite desquels une
de vestiges de voûtes? contreforts très peu saillants , parties portion de l'édifice a disparu . Il n'y a pas plus de trente ans
subsistantes des murs ne s'élevant guère au -dessus de 3 m ., que les murs s'élevant encore au-desus du sol ont été arasés
absence de traces de fenêtres ? appareil à peu près identique ... par le maréchal Clauzel...
Tout autour, à Sagondinac , sépultures sur trois rangs super Encore un fait à rapprocher des précédents... Un proprié
posés , s'élevant plus haut que la base des murs ; à Frégou taire de la Haute -Garonne nous a engagé à entreprendre des
ville , deux fosses maçonnées au pied de la construction ; à une fouilles dans un de ses champs qui, d'après la tradition , re
certaine distance , fosses renfermant des squelettes et parais couvre une église, enfouie tout entière peu de temps après sa
sant disposées en cercle. construction ... Comme Sagondinac , ce point porte le nom de
Ces rapprochements sont, au premier abord , assez vagues prieuré , ou du moins de champ du prieure , et présente une
et peu concluants, mais ils jettent pour nous une lumière grande butte de terre qui ne serait que la carapace de l'église .
inattendue sur des faits auxquels nous nous étions peu arrêté . Peut- être trouverait -on là la solution du problèmevraiment
Au nom de la Société archéologique du Midi, nous avons, il nouveau que posent, d'après nous, la découverte de Sagondi
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nac, celle de Frégouville , celle d'Auterive et la tradition que Pour compléter nos rapprochements , nous rappelons aux
nous venons de rapporter . érudits de nos contrées une découverte faite dans le départe
Nous trouvons significative cette coïncidence de noms et de ment du Pas -de-Calais... A Vimy , une motte énorme servail
circonstances qui semble témoigner d'une destination reli de base à quelques constructions du xvue siècle... Des fouilles
gieuse commune à ces quatre édifices enfouis ; pour l'un considérables ont mis à découvert : 1° au - dessous du château ,
d'eux, la tradition est formelle , mais encore sans preuves ; un hypogée ou caveau ; 2° au -dessous de l'hypogée , trois éta
pour les autres , les faits confirment les récits populaires , et ges de sépultures disposées en trois vastes cercles concentri
de nombreuses sépultures viennent consacrer le caractère reli ques; les squelettes étaient séparés par des blocs de pierre
gieux qui leur est attribué . Inclinerons- nous, avec un savant formant de petits murs. Au milieu du plus petit cercle , une
professeur de notre Faculté , vers la pensée que les construc
sépulture isolée semblait le centre de tout le système. En
tions du tumulus de Frégouville pourraient bien avoir été dehors des cercles , il y avait de nombreuses tombes irrégu
quelque sanctuaire consacré aux mythes venus d'Orient avec le lièrement placées ; 3 ° enfin , au -dessous des trois étages de
christianisme ou peu de temps avant cette religion ?... Verrons sépultures se trouvaient trois caveaux dont un grossièrement
nous des monuments analogues dans ceux que nous venons de maçonné ( 1 ).
signaler ?... Y reconnaîtrons- nous de vastes chambres sépul Le tumulus de Vimy n'offre que des rapports assez éloignés
crales, élevées sur des emplacements déjà peut-être destinés avec la question qui nous préoccupe ; cependant , nous avons
aux sépultures , et enfouies dans le but d'en faire des cryptes , remarqué que les sépultures de Frégouville paraissent dispo
plus encore que dans celui de les garantir ?... Cette idée sées en cercle , et dans tous les cas , nous croyons utile de
n'excluerait pas celle de célébration de rites plus ou moins signaler ce point de comparaison . En somme , nous ne con
connus dans ces souterrains artificiels. cluons pas , et pour finir , nous emprunterons à M. Ch. Des
Quoi qu'il en soit, d'après nous , voilà une question impor Moulins la spirituelle boutade par laquelle il termine sa lettre :
tante et toute nouvelle que posent les faits signalés par « Je crois que nous pouvons ,de concert, nous gratter l'oreille
M. Lacaze , M.Des Moulins et par nous ... Nous les avons grou d'un air à la fois important et embarrassé , et dire comme cer
pés et nous croyons entrevoir une solution générale ; mais taines gens qui aiment à faire les entendus : « Il y a quelque
nous attendons encore, pour la faire connaitre ,quede nouveaux chose là - dessous... Mais quoi ?... »
faits , des observations plus sûrement dirigées vers le but B.Din
soient venues lui donner dans notre esprit une sanction suffi
sante . Alors seulement nous la soumeltrons à nos lecteurs, à
(1 ) Voir l'article de M. A. Terninck , sur le tumulus de Vimy, dans la Statis
qui nous laisserons tout l'honneur des communications ou des tique monumentale du département du Pas-de -Calais , publiée par la Com
solutions qu'ils voudront bien nous adresser à ce sujet. mission des antiquités du département ; 2e livraison, 1831.

ÉPITAPHE DE FILICISSIMA.

Pour le mettre de niveau avec les francs-bords du canal des de charbons, et me souuient que lorsqu'elles furent découuer
Deux -Mers , on a récemment défoncé un massif de terre qui tes , ce grand personnage M. Pithou , qui estoit pour lors ad
se prolonge entre ce canal et le chemin de fer , du port Saint uocat du roy en la chambre de justice d'Agen fust en ceste
Sauveur jusques vers la gare de Toulouse , au -dessous du ville de Tolose , et moy qui estois pour lors ieune , ie le con
cimetière actuel. duisis en ce lieu - là , pour voir ces antiquités nouuellement
Ce terrain , sur lequel empiéta jadis l'œuvre de Riquet , découuertes , lesquelles il vist avec admiration . »
portait autrefois le nom de cimetière de Saint - Sauveur ; à La découverte rapportée par Catel, semble avoir trait à cer
cause des creux qu'on y pratiquait « pour fournir aux tuyle tains puits funéraires dont les analogues ont récemment préoc
ries qui estoient en ce lieu -là , dit Catel... aussi appelle-t-on cupé les érudits , à moins qu'il ne s'agisse de columbaria
cet endroit la Terre -Cauade , » nom qui lui est resté , trans souterrains. La présence de ces sortes de caveaux dans le cime
formé en celui de Terre - Cabade. tière de St- Sauveur expliquerait assez le nom de Terre-Cauade,
« En ouurant ladite terre , ajoute Catel, on treuua comme en dehors même de la version du vieil historien , et de plus elle
des creux ou caves rondes, toutes ceinctes et environnées est un indice incontestable de l'ancienneté de ce cimetière...
d'anciennes urnes de terre qui estoient pleines de cendres et Nous avons pu voir de nouvelles preuves de cette antiquité ,
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el nous convaincre que , là , des sépultures chrétiennes se six rayons , que l'on retrouve sur des stèles païennes de notre
sont , dès l'origine , mêlées à des monuments funèbres appar Musée ,mais non inscrit dans une couronne de feuillage, comme
tenant à un autre culte , ou que du moins les deux systèmes celui-ci. Un autre fragment plus considérable , en marbre gris
de la crémation et de l'inhumation y ont laissé des traces veiné de blanc et d'une épaisseur de 6 centimètres, tandis
irrécusables. que les autres ne sont que de minces plaques d'environ 3 cen
En effet, les travaux de déblaiement exécutés le mois der timètres, offre le monogramme du Christ et les deux colom
nier y ont mis à découvert des sarcophages en pierre , d'au bes symboliques si fréquemment représentées dans les cata
tres en marbre , d'une forme rectangulaire , avec couvercle combes de Rome ; ici, elles ne s'abreuvent pas dans un canthare
plat pour quelques -uns , à quatre versants pour les autres ; la el ne portent pas au bec le rameau consolateur, mais elles
plupart renfermaientdes squelettescomplets,mais ne portaient tiennent une sorte de tige qui se rattache à un cercle
aucune inscription , aucune indication qui permit de leur as encadrant le chrisme accompagné de l'alpha et de l'omega .
signer une date ; ils étaient placés dans le sol , à une profon Deux petits signes placés de chaque côté ont peut-être une
deur d'environ 2 mètres. Auprès de ces sarcophages, au -des signification ignorée. Nous ne connaissonspas, dans. Toulouse ,
de monument plus ancien
du symbolisme chrétien .
Des inscriptions trou
vées , une seule a échappé
SS OM à la destruction ; elle a été
acquise par M. le docteur
A. Ducos, qui depuis vingt
ans fait , dans l'ancien ci
metière de Saint-Sauveur,
rample moisson de fibules ,
de bijoux divers , de vases
en terre ou en verre , de
lampes , d’ollæ , d'agrafes
de ceinturon...
sous, à côté et de toutes parts, sur un grand espace gisaient des Un chercheur d'antiquités toulousaines dont les trouvailles
urnes de formes diverses et de pâtes différentes , des vases en peuvent être d'une véritable importance pour l'histoire de la
terre rouge , d'autres en terre grise , sans ornements ; sur ville aux époques primitives, M.le docteur Fournalės , a signalé
divers points existaient des massifs de maçonnerie dont un à la Société archéologique du Midi cette inscription inédite
entre autres formait une sorte de soubassement présentant dont nous donnons le fac- simile et qu'il lit ainsi :
quatre saillies , comme la basse æuvre d'une façade ornée de
DEPOSTIO FILICISSIMAE
quatre colonnes ; un peu plus loin étaient deux chapiteaux DIE . XI . KAL MAJ.
frustes en marbre blanc , imités du corinthien , quelques frag
AN , XLV . VIXIT . ANCILLA . DEI.
ments d'un fût de colonne , de bases, de corniche ornée de
modillons, et le corps d'une statue aussi en marbre blanc ; elle Cette leçon nous semble exacte, sauf pour le quantième des
est de grandeur naturelle , debout , complètement vêtue, le Calendes ; il faudrait peut- être tenir compte de deux petites
bras gauche replié sur la poitrine ; l'agencement de la draperie barres presque effacées qui indiqueraient le nombre xi . Nous
et tout l'ensemble présentent tous les caractères de l'art anti Traduirions : Deposition ( inhumation ) de Filicissime , le jour
que ; il n'y a rien de roman ni de bysantin , mais la décadence treizième des Calendes de mai. Elle a vécu quarante-cinq ans
s'y manifeste pourtant. Cette statue était destinée à être ados servante de Dieu .
sée, comme l'indique l'état brul de la partie postérieure . « On a fait observer que l'absence du nom de la personne
Parmi ces débris , se trouvait un fragment d'ornementation qui était ensevelie sous cette pierre n'est ni une nouveauté ,
d'un style tout différent et dans lequel se manifeste , ce nous niue singularité ... » Il est difficile d'admettre l'opinion ex
semble , l'art visigoth . primée dans ce passage d'une note publiée dans les journaux
Mais là et sur les divers points du déblai étaient enfouis des de la ville. Malgré sa forme de superlatif , le mot Filicissimae
monuments plus précieux dont quelques -uns sont à jamais ( pour Felicissimæ ) pourrait bien être ici un nom , du moins un
perdus, tels qu'un diadème à trois branches , en bronze doré , cognomen propre à une personne . L'épigraphie locale ne fournit
dont les ouvriers n'ont pas même conservé les morceaux ; ils pas d'exemple d'absence du nom dans une épitaphe, et la
ont brisé aussi les marbres, déjà mutilés, de dix ou douze ins mention d'un saint Félicissime dans les martyrologes augmente
criptions dont nous n'avons pu retrouver que quelques frag encore notre hésitation à accepter la version qu'indique la note
ments. La plupart portent le sceau d'une origine chrétienne ; citée . On n'a jamais songé , en épigraphie , à prendre adjecti
les lettres qui y sont tracées ont des formes assez correctes. vement le mot Felix ; on s'est toujours accordé à en faire un
Un de ces débris présente un fleuron à six pétales , vu rose à nom propre , un cognomen , quand il est isolé . De fait, il qualifie,
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même alors , le mot homo sous-entendu , mais il n'en est pas tive , nous paraissent caractériser la période qui précéda immé
moins devenu un substantif... Il en est de même pour Feli dialement la domination visigothe dans nos contrées.
cissimus , et spécialement pour le Filicissima de notre ins Cette inscription serait donc antérieure au ve siècle .
cription . Des quinaires de Constantin , de Constance, de Valentinien ,
ont été recueillis non loin
de ce marbre , d'après
M. Fournalés.
Nous ignorons s'il est
exact de dire qu'un cadavre
a été enseveli « sous cette
DER OSTIO ILI CIS
pierre . » La forme arron
die qu'elle affecte dans sa
SIMAE DIE XIIKALMAL
partie supérieure et le peu
ANXLV VIXIT-ANC LLLADE) d'épaisseur de la plaque
de marbre gris taché de
blanc sur laquelle elle est
gravée , n'indiquent- elles
pas qu'elle a été incrus
tée dans un mur , sous
quelque arceau , et non pla
cée horizontalement au
dessus d'un cadavre ? Elle
nous fait involontairement
Outre le saint Félicissime, il y a des exemples d'emploi du songer à ces légères plaques , à ces briques inscrites des loculi
comparatif et même du superlatif comme nom . Nous citerons et des arcosolia des catacombes , dont l'épitaphe qu'elle porte
le suivant, parce qu'il appartient presque à l'épigraphie rappelle les formules commémoratives.
locale ; c'est une inscription des Auscii, publiée par M. Barry : Cependant , elle peut avoir été mise horizontalement sur
quelque massif de maçonnerie etavoir été une véritable mensa .
D. M.
BELIS - SIMAE Cette inscription et ces fragments ne sont pas les premiers

SECVNDVS monuments épigraphiques appartenant au christianisme pri


mitif qu'ait fournis le cimetière de Terre -Cabade . Il y a quel
JIVCI
ques années, deux épitaphes incomplètes, trouvées sur ce point,
Ici , le Belissimae est bien certainementun nom ... ont été déposées dans notre Musée. Le catalogue les signale
Il est, croyons-nous, inutile d'insister davantage sur la comme de provenance inconnue ; M. le docteur Ducos nous
valeur du Filicissimae dans l'inscription que nous publions. en indique l'origine , qu'avait négligé de constater l'ancien
On a voulu voir dans cette inscription un monument de conservateur.
l'époque visigothe ; ni la rédaction , ni la forme des lettres ne Sur l'une d'elles , on voit une sorte de chrisme à six bran
permettent, ce semble , une pareille attribution ... Nous ne ches égales ; sur le fragmentreproduit plus haut,outre le chrisme
connaissons , pour Toulouse , qu'une seule inscription appar accompagné de l'alpha et de l'oméga , il y a une sorte d'étoile
tenant à cette période ; elle fut aussi signalée par M. Fourna à huit rayons qui est peut-être une croix et le X entrelacés ;
lès , et M. Barry , un maître en épigraphie , la publia dans les dans l'épitaphe de Filicissima , le chrisme est d'une forme
Mémoires de notre Académie des Sciences (1857)... Le Musée assez commune , mais un trait placé entre le commencement
de Narbonne possède plusieurs épitaphes bien réellement de la première et de la deuxième ligne en coupe un second
visigothes... Celles-ci , comme celle de Toulouse , sont carac qui relie le D et l'I de manière à en faire un RHO ; de sorte
térisées par la formule hic requiescit, par la mention expresse qu'il y aurait là un autre chrisme d'une autre forme que le
de l'indiction d'un règne et aussi par l'irrégularité , la forme principal et peut- être fait après coup.
défectueuse des lettres... Nous remarquons de plus qu'aucune Pour qui songe aux minuties auxquelles s'attachaient les
d'elles ne porte le monogramme du Christ, et M. Tournal y diverses sectes , ces détails et ces nuances doivent avoir leur
constate l'absence de toute trace de ponctuation . signification , et nous croyons pouvoir signaler là le sujet d'une
Dans l'épitaphe de Filicissima , les lettres ne diffèrent pas intéressante étude...
encore beaucoup de celles des incriptions de la belle époque ; Il est à regretter que ces précieux débris qui auraient com
la décadence ne s'y trahil guère que par l'obliquité du trait blé la lacune existant dans nos collections , des monuments de
transversal du F et de celui des L ; la ponctuation y est l'épigraphie païenne à ceux de l'épigraphie du moyen -âge ,
exactement indiquée ; de plus , la formule depositio et la pré aient été détruits ou dispersés.

sence du chrisme dans sa forme la plus simple, la plus primi B. OL'SAN .


- 87

BIBLIOGRAPHIE .

La Revue archéologique du Midi réservera désormais une place au compte-rendu des travaux d'histoire et d'archéologie publiés par les Sociétés savantes de la
région ou en dehors d'elles ; nous croyons etre utile à nos lecteurs en leur faisant connaitre ainsi l'ensemble du mouvement archéologique dans les contrées
aéridionales .

Peu de publications sont le fruit de recherches aussi cons Lépide , fut consommée devant le Forum Vocontium ... On a
ciencieuses que le Bulletin de la Société des sciences, belles- let voulu déterminer le point précis où était situé ce Forum .
tres et arts du Var , séant à Toulon. Nous regrettons de ne M. Aube le retrouve au Luc ; M. Truc le place dans la plaine
pouvoir que signaler rapidement les divers sujets traités dans des Arcs, près de l'Argens. Dans un rapport des plus cons
le dernier volume paru : ciencieux et qui est lui-même une savante dissertation , M. V.
Le Dictionnaire topographique du canton du Beausset, suivi du Thouron , président de la Société, a résumé les deux systèmes ,
Répertoire archéologique du même canton , par M. le chanoine et tout en laissant à M. Truc l'honneur d'avoir le premier
Magl. Giraud, est un travail destiné aux grands ouvrages pu indiqué la plaine des Arcs comme emplacement du Forum Vo
bliés par le comité impérial des travaux historiques , sous les contium , il a fait complètement sienne la conclusion en rap
auspices du Ministre de l'Instruction publique. L'auteur s'est portant des preuves très heureusement trouvées dans Plutar
conformé aux instructions et au spécimen officiels avec un que et Appien . En s'appuyant sur des considérations stratégi
soin , un zèle et un succès qui lui ont valu les félicitations du ques, sur les lettres de Plancus et de Lépide et sur le récit
comité . Nous reviendrons sur ce travail des historiens, il a prouvé que les deux armées campèrent sur
Dans son Étude préliminairesur la Chronologie des souverains la rive gauche del'Argens, et que celle d'Antoine prit position
de Provence de la maison de Catalogne, M. L. Blancard , archi à côté du camp de Lépide sur la même rive , ad flumen et non
2

viste des Bouches-du-Rhône , combat l'opinion de Papon , qui trans flumen .


termine à Raimond -Bérenger IV la série de ces princes , et rec M. Thouron établit que la bifurcation de la voie Aurélienne,
tifie la liste de Bouche . Etablissant la sienne d'après les qua le pont, le Forum Vocontium et les deux camps de Lépide et
lifications qu'il trouve dans les chartes , M. Blancard ajoute à d'Antoine étant reconnus situés sur la rive gauche , il faut en
la série donnée par Papon , un Sanche , un Ildefonse II , un conclure que le Forum Vocontium était situé dans la plaine
Raimond-Bérenger V , comtes-marquis de Provence, apparte des Arcs , où l'on trouve les vestiges d'une ancienne ville ro
nant à la maison d'Aragon . maine et ceux de l'embranchement sur Riez , de la voie Auré
La Géographie historique du Freinet , du ve au xvie siècle , lienne .
par M. AlbertGermondy , juge au Tribunal civil de Toulon , est
un volumineux Mémoire que nous ne pouvons analyser ici , Dans son Mémoire intitulé : Recherches sur l'acedia , M. de
tant il est plein de recherches curieuses , de faits et de docu Martonne étudie l'homme, non dans les manifestations de
ments. La lecture en est indispensable à tous ceux qui vou l'art, ni dans les péripéties du drame historique , mais dans
dront étudier l'histoire des populations voisines du golfe Sam les réactions inévitables de certaines crises sociales sur le plus

bracitain , du golfe de Saint- Tropez . Ils y surprendront, dans intimede l'êtrehumain , sur lesmeurs, la disposition d'esprit,
le fonctionnement de leur puissante vitalité , ces populations le sentiment dominant de certaines générations ... A quelques
énergiques qui, décimées par les Sarrasins, en butte aux inces unes , la saine aspiration , la joie sereine de vivre , l'élan pas
santes incursions des Maures et des Catalans , ont eu l'esprit sionné vers l'action ; aux autres , l'affaissement, le malaise
d'initiative et l'intensité de vie politique des républiques ita moral , l'inerte aspiration vers la mort ; sur celles-ci règne
liennes ; et s'ils recherchent les causes, ils les trouveront dans l'acedia . « Quoique bien des gens instruits ignorent le phé
la configuration même du sol , causes que fait soigneusement nomène de l'acedia et entendent pour la première fois ce nom
ressortir M.Germondy, et que , selon nous, on a trop négligées bizarre , ce n'est point une découverte récente de la science
dans beaucoup d'études sur nos origines. historique, ni une sombre invention d'un archéologue attaqué
du spleen... » L'acedia , c'est, d'après les vieux glossaires ,
Le Forum Vocontium . -- Antoine , déclaré ennemide la répu ennui , paresce , tristesse , dégoût , à peu près le tædium vitæ ,
blique, se dirigea avec le reste de ses soldats vers la Gaule car elle menait au suicide .
narbonnaise avec l'intention de se joindre à Lépide qui en Au premier abord , on serait tenté de confondre l'acedia
était le gouverneur et qui commandait une armée... Lépide , avec ce sentiment qui étreignit l'homme dès l'origine, qui ins
chargé par le Sénat de disputer à Antoine le passage des Alpes, pira l'antique malédiction du Pereat nox et les tristesses de
favorisa sa marche vers la Gaule et le reçut dans son camp avec l’Ecclésiaste . M. de Martonne caractérise la nuance propre à
toutes ses troupes ... l'acedia en empruntant les lignes suivantes à M. Félix Bour
Cette défection , qui fut une des causes déterminantes et le quelot : « La mort, après laquelle aspirent certaines âmes
prélude du drame terrible qu'allaient jouer sur la scène du chrétiennes, est le résultat d'un ennuiconcentré, d'une tristesse
monde , sous le nom de Triumvirs , Antoine , Octave et mystérieuse qui sont le fond du génie chrétien . »
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Il constate que celle affection morale a régné particulière Pour nous , il serait intéressant de suivre attentivement l’in
ment dans les monastères, d'où elle prit le nom d'acedia des fluence de cette affection morale sur les auvres que nous
cloîtres que lui ont donné les écrivains ecclésiastiques. Ils ont léguées les diverses écoles artistiques ; on y trouverait
nous montrent en effet des moines abandonnés à un incurable l’explication de bien des défaillances et de beaucoup d'étran
découragement, à la plus horrible angoisse dans la solitude de ges inventions; c'est par cette action occulte et cependant
leur cellule ; parfois , ce sont des monastères entiers qui puissante que l'acedia rentre dans le domaine de l'archéologie.
sont saisis par le démon de tristesse ; alors, les uns cherchent
un refuge dans la mort, les autres dans les plaisirs mondains , Le volumedont nous esquissons l'analyse se termine par un

à moins que n'intervienne un de ces réformateurs dont la Episode de l'histoire maritime de Toulon , au commencement du
grande préoccupation est avant tout l'internelle consolation . siècle dernier, d'après un manuscrit de Vincent Brun , com
M. de Martonne nous fait voir l'acedia apparaissant dès les muniqué par son fils , M. Charles Brun , ingénieur de la ma

derniers temps du monde des Césars... « Dans cette société rine de 1re classe et par une notice nécrologique due à la
abâtardie , quelques hommes pratiquèrent l'abstinence et plume de M. Siraud, sur cet homme de mérite dont la Société
s'abandonnèrent à la mélancolie que saint Augustin appelle académique du Var et la ville de Toulon regrettent la perte.
SUSAN .
< pietas gemebunda , » et que saint Jérôme considère comme
une maladie due à l'humidité , aux jeûnes, à la solitude. » POUR PARAITRE PROCHAINEMENT
Dès le ve siècle , Cassien comptait huit péchés capitaux au CARTE ARCHÉOLOGIQUE DU DÉPARTEMENT DU TARN
nombre desquels il comprenait la tristesse, c'est-à -dire le dé Aux époques antéhistorique , gauloise , romaine et franque.
goût de la vie qui, à cette époque, enfantait de nombreux sui Cette Carte a été faite par M. Alfred Caraven et déposée au
cides. Vincent de Beauvais, l'Espagnol Pélage , Guigne, saint Ministère de l'Instruction publique , dont il est correspondant,
Bernard , saint Benoit , etc., s'efforcent de combattre cette à l'occasion du livre de l'Empereur : LA VIE DE CÉSAR .
redoutable affection morale dont leurs écrits révèlent les ter Elle est dédiée au célèbre archéologue normand , M. l'abbé
ribles ravages . Cochet , dont M. Caraven est fier d’être l'élève .
Nous ne parlerons pas ici de l'importance qu'ont de pareils
Quoique la constatant principalement chez les hommes voués
travaux pour les études historiques des départements aux
à la vie monastique , M. de Martonne n'en fait pas uniquement quels ils s'adressent ; cette importance ne peut être mise en
le résultat de ce genre de vie : il reconnait « que cette tris doute par personne ; il serait à désirer que M. l'abbé Cochet
lesse, ce désespoir , ont affecté les couvents à une époque du et M. Alfred Caraven eussent de nombreux imitateurs ; par ce
moyen -âge où les autres classes trouvaient dans le désordre moyen , on arriverait un jour à faire la Carte archéologique gé
universel une cause de chagrin . >> nérale de France .

Le moyen -âge fut une époque profondément triste . « Ce Cette Carte archéologique sera imprimée sur papier vélin ;
elle aura 70 centimètres de longueur sur 80 centimètres de
monde- là , dit Michelet, ne voyait que chaos en soi , il aspirait
largeur . Elle sera tirée en quatre teintes qui donneront simul
à l'ordre et l'altendait de la mort. » De ce temps datent ces
tanément la physionomie du pays aux époques les plus recu
vers qui contiennent le plus désolant anathème de la vie : lées et les plus obscures .
1 ° La couleur carmin indiquera la période antéhistorique ;
Væ mihi nascenti ! Væ nato ! Va morienti !
Væ mibi ! Quod sine ve non vivit filius Eva ! 2. Le vert donnera la division territoriale , le nom et la
place des tribus gauloises qui ont habité le département ainsi
que les lieux où se trouvent les dolmens, menhirs , pierres
<< Quel fut l'auteur de cet anathème désespéré ? Personne ne
levées , pierres à écuelles , pierres percées fontaines sacrées ,
le sait. Ces vers coururent ainsi anonymes , témoignant de plus
cimetières , sépultures isolées , médailles , haches en pierre et en
en plus , par cette ignorance même de leur origine, combien ils bronze , couteaux , etc.;
exprimaient une pensée vraie , une émotion universelle. » 3 ° Le rouge indiquera l'époque romaine. Outre les grandes
En résumé, l'acedia n'est pas une maladie monastique exclu divisions territoriales , M. Alfred Caraven a relevé le nom
sivement ; est -elle une maladie chrétienne ? des villes , villages , hameaux, villas, fleuves, rivières , monta
« Est-ce un ennui du vieux monde catholique , semblable à gnes, etc., etc.; il a marqué tous les lieux romains , stations ,
camps retranches, vigies, points romains, etc ... Les fabriques de
l'ennui du vieux monde romain ? La pensée chrétienne était
briqueteries (lateraria ) et de poteries (officina) ; les voies
elle déjà lasse d'elle -même au commencement ? ou bien était
romaines qui sillonnent le département sont également
ce la mélancolie de la jeunesse et la souffrance d'une société tracées ; enfin , il a indiqué la place où l'on a trouvé des
en travail ? » cimetières , sépultures isolées , statues , mosaïques , médailles de
Telle est la question que se pose M. de Martonne ... il n'y bronze , d'argent, d'or , etc , des tumulus, etc.;
trouve pas de solution à son gré ; et il nous montre que l'ace 4 ° Le bleu donne la période franque, avec les divisions terri
toriales , les villes, villages, maisons royales, cimetières , sépul
dia s'est perpétuée jusqu'à nous , que notre siècle est , lui
tures isolées, médailles et monnaies , abbayes , monastères , etc ...;
aussi , piqué au caur par le vieux démon de Stagyre , celte 5 ° Le noir , l'époque moderne.
personnification de la douleur trouvée par saint Chrysostôme , Le prix de la souscription est fixé à 2 fr .
et semble conclure que l'acedia est une de ces maladies pro On souscrit chez tous les libraires du département , au bu
pres « aux époques climatériques. » Peut-être faudrait-ilajouter reau du journal l’Echo du Tarn , et chez l'auteur , à Castres
qu'elle emprunte un caractère particulier à l'Idée chrétienne . ( Tarn ). Cette Carte ne sera tirée qu'à 500 exemplaires. X ,
- 89

ÉTUDE SUR L'HISTOIRE DES INSTITUTIONS SEIGNEURIALES ET COMMUNALES

DE L'ARRONDISSEMENT DE GAILLAC (TARN ) .

(Suite.)

Les droits de pêche n'étaient pas aussi exclusifs que ceux justicier du lieu ; la coulume seule de Cordes limite le droit
de chasse , car les habitants des localités traversées par des de succession au quatrième degré. A Montclar, les biens du
cours d'eau considérables en jouissaient le plus souvent. En défunt n'allaient pas tous aux parents : à défaut d'enfant, de
1253 , le comte Alfonse accorda sans aucune restriction , à ses frère ou de sour, les immeubles appartenaient aux parents ,
sujets de Penne, le droit de pêcher dans l'Aveyron avec toute mais il devait être fait trois lots des meubles : un pour les
sorle de filets , même à la luminade, « et de manger , vendre parents , un pour le seigneur, et le troisième pour être distri
el commercer le poisson pris. » Olivier de Penne , seigneur de bué en cuvres pies par le bailli et les consuls, les dettes préa
Laguépie, tout en accordant le droit de pêche , réserva deux lablement payées et les douaires réservés . Quand les parents
goures où les habitants ne pourraient aller pêcher sans permis au degré successible étaient absents , les consuls chargeaient
sion qu'avec le verveux , le gaf et la ligne dans l'un , et l'éper deux prud'hommes d'inventorier les biens et de les garder un
vier , la senne et la nasse dans l'autre , sous peine de 60 sols an et un jour, ou un an et un mois, suivant les localités, et si
d'amende. dans ce délai les parents ne s'étaient pas présentés, ils les dé
livraient au seigneur en totalité, ou bien une moitié seule
On a vu qu'au XIe siècle les seigneurs , en rendant leurs ment ; l'autre devait êlre affectée à desouvres pies , ou bien
vassaux colons propriétaires sous certaines charges des biens
encore les immeubles en totalité et les meubles pour un seul
qu'ils cultivaient, les avaient autorisés à vendre ces biens et à tiers , le restant étant réservé pour euvres pies . Ainsi, pres
en disposer par testament (1) . Le testateur devait avoir atteint que toujours, une portion de l'avoir du défunt élait consacrée
l'âge de 14 ans (Montclar) et faire ses dispositions dernières à de bonnes æuvres, quand il n'avait pas d'héritiers naturels,
en présence d'un nolaire et de cinq témoins. La présence du et même en quelques lieux , notammentà Labessière , s'il y en
curé , d'abord indispensable pour la validité de l'acte (2 ), ne avait, car les règlements en faisaient une obligation expresse
Je fut bientôt plus ; à Labessièremême, l'abbé de Candeil , en aux héritiers , et le seigneur et les consuls devaient veiller à ce
1255 , déclara bon le testament fait avec ou sans la présence qu'elle fut exactement remplie .
du curé. Cependant , en 1283 , l'official d'Albi défendit aux Les douaires étaient loujours réservés . Les femmes qui
nolaires du diocèse de retenir aucun testament sans la pré n'avaient pas eu de dot héritaient (à Laguépie), quand il n'y
sence des curés . Plus tard , vers 1308 , l'évêque d'Albi renou avait pas de parents , de la moitié des biens du mari, le sei
vela cette défense sous peine d'excommunication . Le sénéchal gneur n'ayant alors que l'autre moitié . A Labessière , l'homme
de Toulouse écrivit de suite aux notaires de la châtellenie
veuf, qu'il y eût ou non testament, avait, malgré les enfants ,
et baillie de Cordes de passer outre sur celte ordonnance la jouissance des biens de sa femme , et de son côté la veuve
prejudiciable aux intérêts du roi ; en 1319 , le sénéchal con gardait, sa vie durant, ses épousailles. A vingt- cinq ans seule
firma encore celte injonction , el alors l'official d'Albi, accep ment, dans cette localité, les enfants pouvaient gérer un héri
tant condamvation , écrivit , en 1320 , à l'archiprêtre de tage ; jusqu'alors , des luleurs nommés par les consuls admi
Cordes, qu'à l'avenir les notaires pourraient retenir les testa nistraient les biens, et d'après une ordonnance du lieutenant
ments sans l'appeler en témoignage, lui ou son vicaire. du roi de l'année 1318 , adressée au juge d'Albigeois , les 11
Voici la distribution d'un héritage quand il n'y avait pas de leurs ne pouvaient user des biens des pupilles sans prêter
lestament; sa place est marquée ici par suite du droit du sei serment en justice . — Ajoutons encore qu'à Rabastens (1288),
gneur justicier de le prendre en totalité ou en partie , s'il n'y la femme pouvait acheter par moitié avec son mari, et celle
avait pas d'héritiers nalurels. qui avait été dotée par ses parents n'avait plus rien à deman
Quand un homme mourait sans faire testament, ses biens der au -delà de sa dot dans le partage des biens paternels et
allaient à ses plus proches parents, et à défaut , au seigneur maternels .

Quant au droil d'épaves, c'est-à -dire au droit d'avoir les


( 1) Il parait que dans le principe , les ecclésiastiques ne pouvaient user de
celle faculté , puisqu'en 1278 , la plupart des curés du diocèse , notamment objets trouvés et dont les maîtres ou les possesseurs étaient
ceux des archiprêtrés de Cordes , Puicelsi et Lisle, firent demander avec ins inconnus , il est mentionné dans une seule charte , celle de
lance , i l'évêque, l'autorisation de tester et de disposer de leurs biens meu
Laguépie . Le propriétaire du fonds sur lequel l'objet avait été
bles.
(2 ) On appelait alors un homme mort sans testament, descofes , c'esl- à-dire trouvé , celui-là qui l'avait trouvé , le roi et le seigneur
mort sans confession. (Gaillac , charte de 1221.) féodal et direct duquel relevait le fond , n'avaient aucun
12
90

droit sur cet objet qui appartenait en lotalilé au seigneur seigneur tenait lui-même sa cour avec le bailli, mais son
justicier du lieu ; mais à Laguépie, le seigneur en laisse action était alors limitée et par l'assistance des prud'hommes
une part et au tenancier du fonds et à celui qui l'avait trouvé. à son tribunal et par une loi écrite . Ce fut un grand pas que
La charte s'exprime ainsi : « Accordons aux habitants de la substitution d'un juge particulier au seigneur , mais il n'en
Laguépie que si l'un d'eux trouve dans les terres de notre di leva pas tout-à -fait l'arbitraire dans l'application des peines,
recte une poutre travaillée apportée par les eaux , il en aura ce qui étail d'autant plus dangereux que la plupart des affaires
la moitié et l'autre moitié nous appartiendra ; et s'il trouve une se résolvaient par des amendes pécuniaires ou par la confisca
poutre non travaillée ou toutautre bois, il sera à lui en tota tion des biens qui , en appauvrissant le vassal, enrichissaient
lité ; et s'il est trouvé poutre travaillée apportée par les eaux le seigneur et ses officiers. Le seigneur donnait à ferme
sur les fiefs mouvants de notre juridiction , la moitié sera éga annuellement le produit des droits de justice au bailli qui avait
lement à nous , et l'autre moitié comme est dit ci-dessus , et ainsi intérêt à l'augmenter. Des bornes furent posées à ce pou
s'il est trouvé toute autre espèce de bois , il sera au tenancier voir arbitraire par les chartes d'émancipation du xiure siècle :
du fief. » les droits de justice furent définis et restreints , et les peines
tarifées suivant l'importance du délit.
Mais une des plus belles attributions des seigneurs justi Tout d'abord , en 1211 , les seigneurs de Rabastens s'enga
ciers était l'administration de la justice , le merum et mixtum gent à ne plus faire arrêter arbitrairement personne dans les
imperium des latins. Tout chevalier ou franc possesseur d'une limites du château ; en 1221, le comte de Toulouse accorde
honneur avait dans l'étendue , quelquefois très petite , de cette la même garantie à ses sujets de Gaillac , et successivement, à
honneur, pouvoir absolu de juger ses serfs , vassaux et colons la suite , les seigneurs des autres localités déclarent qu'aucun
en premier et dernier ressort. Le droit de justice , sous le habitant ne pourra être distrait de ses juges naturels et appelé
régime féodal, n'était nullement une émanation du pouvoir à répondre en justice ailleurs qu'au chef-lieu de la juridiction ,
royal ; il était inhérent à la possession de l'honneur qu'eut , qu'il ne pourra être arrêté si ce n'est pour assassinat , et
après l'organisation de la conquête , chacun des chefs barbares actionné en justice si l'offensé ne porte plainte , à moins, ajoute
ou des nobles du pays ralliés à eux ; et il était naturel qu'il la charte de Labessière, « qu'il ne fut désigné par la voix pu
en fût ainsi, la société étant constituée telle que nous l'avons blique pure de loute injustice à son égard . » Tout accusé pour
rapporté plus haut. Comme un bien ordinaire, l'honneur pou crime pouvait, en donnant caution, être exempté de la prison
vait être vendue en tout ou par parties ; elle se partageait entre préventive , à moins que ce crime n'entrainat peine de mort
les enfants comme un héritage ordinaire , et pareillement le ou confiscation des biens (à Laguépie , Labessière , Montclar,
droit de justice se fractionnait en autant de mains qui déte Beauvais, Gaillac et Rabastens) , ou encore qu'il ne fût relatif
paient une portion de la terre . Pour citer un exemple comme à la prostitution , à l'hérésie et à l'adultère (à Gaillac et à Ra
quoi il n'y avait pas de bornes à cette division , il suffit de rap bastens) ; pour les autres , il pouvait donner caution , et les
peler qu'en l'année 1211 , plus de cinquante chevaliers cédè officiers de la cour devaient lui déclarer la nature du crime
rent au comte de Toulouse leurs droits de justice sur Rabas qu'on lui reprochail ; à Montclar, cette déclaration n'était
lens . Le comte commença dès celle époque à régulariser l'ad faite qu'aux chevaliers et aux prud'hommes. Les cautions
ministration de la justice et à y mettre une certaine unité. Le étaient exigées, dans celte ville , du plaignant et de l'accusé ,
roi de France continua son æuvre , d'abord en achetant aux et quand ils ne pouvaient en donner , ils devaient êlre élargis
divers seigneurs un à un leurs droits respectifs et en entrant sur leur serment de se présenter au tribunal le jour assigné ;
en paréage avec d'autres, puis en subordonnant les jugements mais tous les crimes ne permettaient pas cet élargissement
des hauts justiciers à l'appel devant sa propre cour ou celle du sous serment. Les cautions devaient être données dans les
parlement ; mais il n'en arriva pas là sans de vives et de lon douze heures après la demande , c'est-à - dire du matin au
gues oppositions. soir et du soir au matin , et il y avait encore des crimes pour
Primitivement, le seigneur rendait lui-même la justice , lesquels le délai de caution n'était pas admis. Au civil, le dé
appelant ses vassaux à répondre devant lui dans le lieu où il biteur ne pouvait être arrêté que pour dettes envers le sei
se trouvait ; il avait là une des principales sources de ses re gneur, à Laguépie et à Labessière.
venus, car la pénalité était toujours fiscale : un homme à ses La somme à donner par le prisonnier en représentation de
gages, le baille, le bailli, faisait la perception des amendes, du la nourriture était fixée par certaines coutumes et levée par le
produit des condamnations. Plus tard , il confia la reddition châtelain du seigneur, geôlier de ses prisons. Rien n'élait dû ,
de la justice à un officier particulier , à un juge qui se trans à Gaillac et à Rabastens, par celui qui, arrêté par les officiers
portait au chef-lieu de l'honneur à des époques fixes ou quand de la cour pour crime, était libéré par jugement des consuls ,
les affaires le demandaient , car les vassaux ne durent plus « parce qu'alors ilapparaissait qu'il avait été injustement pris. »
être jugés que là et non ailleurs ; le bailli eut aussi une part A Laguépie , le château prenait de tout roturier arrêté 6 de
dans l'administration de la justice , et aux xire et xifre siècles , niers par jour, et de tout noble suivant que la cour le fixait .
ces deux officiers , le juge et le bailli, étaient établis dans pres A Cordes , par ordonnance du sénéchal de l'année 1310 , le
que toutes les juridictions. Dans quelques -unes encore, à châtelain ou geôlier n'avait droit d'exiger aucun salaire des
Labessière et à Montclar , au milieu de ce dernier siècle , le prisionniers qu'autant qu'ils auraient été reconnus coupables ,
- 91 -

et ne pouvait prendre des condamnés, pour le pain et l'eau ception des droits seigneuriaux , des amendes, du péage et
qu'il leur servait , « que 2 deniers par jour pour le pain et leude , et des censives. Sa charge, dans les lieux relevant du
rien pour l'eau . » Deux ans après, le sénéchal manda de nou comte de Toulouse et puis du roi , était donnée annuellement
veau au geôlier de celle ville de ne prendre aucun droit de à ferme, el moyennant le prix du bail , le bailii gardait pour
geôle des personnes arrêtées d'autorité de la cour, à moins lui le produit de la seigneurie . Celle charge étant ainsi don
qu'elles ne fussent reconnues coupables ; que si une personne née au plus offrant et dernier enchérisseur , il arrivait parfois
était arrêtée à l'instigalion d'une autre , et qu'elle fût trouvée que l'adjudicataire n'était pas capable d'en exercer les fonc
innocente, celle -ci devail payer le geôlage ; par ses ordres tions judiciaires ; il devait alors, sur la mise en demeure que,
aussi, le juge d'Albigeois dut informer s'il n'était pas d'usage lui faisaient les consuls , nommer un délégué capable et agréé,
que les prisonniers pour delles ne dussent rien pour droit de par eux pour régir la baillie en son nom . Dans les autres loca
geðle . La charte de Beauvais reproduit également l'exemption lités, le bailli était nommé, tantôt par le seigneur , avec l'agré
du droit de geble pour les accusés reconnus innocents, et ment des consuls et des prud'hommes , tantôt par les consuls
ajoute que les frais du procès , si l'accusé était absous , de sous la confirmation du seigneur ; les consuls et les prud'hom
vaient être supportés par le plaignant qui, en outre, stipulation mes pouvaient en demander la destitution au seigneur qui ne
remarquable, devait faire satisfaction de l'injure à l'accusé. - pouvait la refuser. Enfin , suivant les communes , le bailli de
Ces droits de geôle lombèrent en désuétude lorsque l'admi vait être natif du lieu ou bien étranger . Avant d'entrer en
nistration de la justice fut régularisée . La plupart des commu charge à Montclar , il prêtait serment entre les mains du juge ,
Des déclarent, au xvije siècle, qu'ils n'existaient plus ; d'antres « de garder le droit au château , et rendre bonne justice à
les levaient à leur profit, notamment celle de Rabastens; mais toutes les personnes de sa juridiction , tant au pauvre comme
celle - ci déclare , en 1491, qu'ils dounaient un revenu pres au riche. »
que mal, et bientôt même elle n'en fit plus mention dans ses Dans ses fonctions judiciaires , le bailli élail assisté , dans
reconnaissances. quelques localités, par un notaire , et tous deux, le bailli et le
Les seigneurs , au xiile siècle, avaient délégué leur autorité notaire , formaient l'ordinaire du lieu . Comme le bailli, le no
judiciaire à un officier qui devait se transporter sur les lieux taire était nommé tantôt par les consuls et confirmé par le
à des époques déterminées , ou bien seulement quand il avait seigneur , et tantôt par le seigneur sur la présentation des
un assez grand nombre d'affaires. Habituellement , il ne rési consuls. Après le notaire , le bailli avait un greffier et des ser
dait pas dans les lieux de sa juridiction , mais lui et le seigneur genls. Voici quels étaient, suivant les lieux , ses émoluments :
у étaient représentés par un autre officier de justice , par le il avait à Laguépie , pour toute plainle en justice , 5 s. caor
bailli . cens ; à Cordes et à Gaillac , pour une plainte relative à une
Les attributions principales de ce dernier , clairement expri affaire civile , 5 s., el à Roquemaure , 5 s. pour le brisement
mées dans l'acte de paréage de l'année 1262 , entre l'abbé de d'un ban . Il prenait les amendes pour coup de poing , à Lagué
Candeil et le comte de Montfort, étaient la perception des pie , et celles pour effusion de sang à Labessière , et celle de
finances et droits de justice..., pro omnibus et singulis firanciis 20 s. infligée à Penne, à celui qui, cité à sa cour , ferait dé
et juribus inquirendis et percipiendis communis bajulus constitua faut ; enfin , à Laguépie , il avait 5 s. pour mettre quelqu'un
lur . Le bailli devait fixer l'ordre dans lequel les affaires judi en possession . --- Le sergent avait , à Laguépie , 4 d . pour
ciaires seraient présentées devant le juge . Il recevait les plain citer un étranger à la cour du bailli, et 6 d . pour une saisie ;
les en justice pour crimes, injures et voies de fait, delles et 6 d . pour cilation et saisie pour deltes , à Penne; 1 d . pour
délits ruraux ; il constatait avec un ou deux consuls ou prud ' cilation donnée à un habitant du lieu , et 2 d . à un étranger , à
hommes les cas d'adultère , assistait parfois les consuls dans Roquemaure ; il devait citer gratuitement les habitants du
la vérification des poids etmesures, de l'état des chemins et lieu , à Rabaslens. Le sergent prenait une part des amendes et
dans la reddition de la justice criminelle ; il recevait les cau des dex pour délits ruraux, à la constatation desquels il concou
tions en justice , jugeait lui-même les causes secondaires (à rait avec le garde de la commune, surtout dans les propriétés
Montans) , connaissait des deltes privées en vertu de ses pro privilégiées et réservées. Le sergent prêlait serment . — Le
pres pouvoirs (à Penne et à Labessière) , ou par délégation du greffier, pour la transcription sur ses registres d'une plainte
juge (à Rabastens et à Gaillac) ; enfin, il mellait en possession en justice, avait 2 d . si la delle était accordée, 3 d . s'il y avait
des biens et exéculait les sentences interlocutoires, les ordon requête el instruction , et 6 d . par déposition de lémoin enten
nances et les condamnations pour dettes. En un mot, le bailli due par le bailli ; à Beauvais, il n'avait que 3 d . de chaque
était le représentant permanent du seigneur et du juge , en partie , si le juge connaissait sur une assignation sommaire ,
l'absence desquels, et même parfois (à Montans et à Montclar ) « comme il est accoutumé és villes d'Albigeois ; » autres 3 d .
en leur présence , il recevait le serment des consuls et celui pour lettres ajournatoires à la cour du bailli , 4 d . pour la ré
des agents de justice et de police; il assistait encore en certains ception d'un acte de caution reçue par le bailli pour une cause
lieux aux conseils de la communauté. En dehors des limites civile, el 6 d . quand elle élait reçue par les consuls pour une
de sa juridiction , le bailli n'avait aucune autorité . affaire criminelle .
Indépendammentde ses fonctions judiciaires pour lesquelles Le greffier écrivait les plaintes sur un registre particulier,
il recevait des émoluments particuliers , le bailli faisait la per et elles avaient valeur pendantdeux ans; après ce temps, il ne
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pouvait être fait exécution , à moins qu'on ne formulât une 1339 , adressées au sénéchal à la prière des consuls de Cordes,
seconde plainte. Toute personne citée à la cour du bailli et établissent en effet qu'il était d'usage , dans la judicature
qui faisait défaut, payait au bailli une amende de 20 s. et au d'Albigeois , que les gages saisis pour delles devaient rester
tantà l'ordinaire ; mais pour constater le défaut, il fallait atten quatorze jours avant d'être vendus sous la main de la cour et
dre qu'il fût nuit , c'est-à -dire qu'on ne pút lire une lettre au dans les lieux où ils avaient été pris ; et d'autres, postérieures
jour. Devant le bailli, comme devant le juge , on ne devait pas de 1443, confirment qu'ils ne pouvaient être vendus que là où
faire de plaidoyer , chacune des parties exposant simplement ils avaient été pris el non ailleurs. La charte de Laguépie pro
son fait ; cette prescription de la carte de Labessière est nonce une amende de 60 s. contre celui qui aurait enlevé les
commune à celle de Gaillac. « Dans aucun procès, si les parties gages aux sergents qui les saisissaient , et une plus forte au
ne le demandent, il n'y aura d'avocat , et le seigneur n'y aura jugement de la cour , s'il avait maltraité çes officiers . A Mont
pas d'accusateur public , si les parties ne sont consentantes. » clar , les chevaliers étaient dispensés de payer les droits dus
L'institution du bailli se maintint pendant tout le xive siè au juge pour une plainte en justice ; à Cordes , ils refusaient
cle . En 1327 et 1360, les habitants du Verdier el de Montans de payer leurs dettes aux marchands de la ville, et le roi , en
attribuent à la négligence ou à l'absence de cet officier , l'im 1300 , les contraignit à en payer le tiers.
punité des délits et des injures ; mais l'institution s'était bien La question du paiement des delles , au moyen -âge , sera
modifiée à la fin du xve siècle , car , d'après la déclaration des complétée quand nous aurons rapporté les usages du sceau
consuls de Rabastens, le bailli ne s'occupait plus alors dans cette rigoureux de Beauvais . L'institution de ce sceau , faite par
ville que de la levée des droits seigneuriaux , censives, péages, Jean de Marigni, lieutenant du roi, en juin 1342 , et confir
lods et acaptes, le juge levant les amendes et autres droits de mée par le duc de Normandie en 1344 , fut approuvée plus
justice ; elle fut même supprimée quelque temps après dans tard , en 1381 et 1400 , par le roi Charles VI, qui attribua aux
toutes les communautés ; le nom seul du bailli ne fut pas clameurs exposées par devant le juge de son sceau à Beauvais,
perdu et servit à désigner, jusques en 1789, le valet des con une exécution purée dans tout le royaume.
suls ou baille . Le gardien ou juge du sceau de Beauvais , après s'être as
suré de la validité de la dette pour laquelle on réclamait la
Voici quelle était anciennement la législation pour le paie rigueur du sceau , délivrait ses lettres, les scellait dudit sceau
ment des delles : et les remettait à ses sergents ; ceux- ci allaient requérir les
Généralement , la connaissance des dettes était réservée au officiers de justice sous la juridiction desquels le débiteur se
juge ; mais, en quelques endroits , elle appartenait aussi au trouvait de procéder immédiatement à leur exécution , et aus
bailli, et même sous certains rapports aux consuls, puisque ces sitôt le débiteur était arrêté et remis aux sergents de Beau
officiers municipaux étaient presque partout juges du salaire vais et ses biens saisis ; les meubles élaient vendus inconti
des serviteurs et des ouvriers jusqu'à 60 s. nent , et les immeubles dans le délai seulement porté par les
D'abord , tout ouvrier , à raison de son travail et jusqu'à la coutumes du lieu. Le juge du sceau connaissait seul des oppo
somme de 2 s., j'avait à payer aucun droit de justice en ré sitions qui étaient faites à l'exécution de ses lettres . Le débi
clamant sa dette . Les boulangers , cabaretiers et autres débi teur opposant devait d'abord se constituer prisonnier ou don
tants étaient crus sur serment pour une delle concernant leur ner caution suffisante , laquelle était perdue pour lui s'il
commerce et qui n'excédait pas 2 s. Aucune saisie pour delte succombait dans ses prétentions. Le juge fixait le rang des
ne pouvait avoir lieu sans autorisation de la cour, sous peine créances, mettant toujours les dots en première ligne. Un
d'une amende de 5 à 15 s., à moins que ce ne fût à raison , ou bien vendu au -dessous de la moitié de sa valeur pouvait être
du vin vendu au cabaret, ou du pain , mais alors la saisie devait remis en vente par le débiteur. Les saisies n'étaient retirées
être faite incontinent. On ne pouvait saisir pour une dette qui que sur un ordre spécial du juge. Celui- ci enregistrait les de
ne dépassait pas 2 s., et dans ce cas le bailli devait faire payer mandes aux rigueurs du sceau et l'importance en argent de
le débiteur sans délai ; mais si la dette dépassait, le bailli, qui chacune d'elles ; il en donnait un état au fermier du roi, qui
avait 2 s. pour l'assignation , donnait quatorze jours de délai, prenait pour son droit le dixième des créances. Cet état était
.

et après ce terme, si le débiteur n'avait pas payé , ou s'il niait payé au juge 1 s. de forte monnaie , et le fermier , avant de
la delte et qu'elle fût prouvée, ses biens étaient saisis à la di faire la levée de son droit, prêtait serment au juge et lui don
ligence du bailli , et il était passible d'une amende qui variait nait 3 s. ou une paire de chapons; le juge avait pour chaque
suivant les lieux , de 5 s ., de 3 s . 4 deniers ou du dixième de plainte 5 s. 1/2 payables par le débiteur ; il recevait encore
la chose contentieuse , lequel dixième était levé après la 3 s. ou une paire de chapons pour les lettres de provision
créance. Les draps de lit, les habits de corps, les outils ara qu'il donnait à son lieutenant.
toires et ceux qui étaient nécessaires pour un métier , et les
bestiaux de labour , ne pouvaient être saisis pour une dette pri Les chartes du xie siècle présentent à peine quelques dis
vée, s'ils n'avaient été spécialement engagés. Les gages pris positions sur le droit civil ; elles sont riches au contraire en
d'autorité de justice devaient être gardés qualorze jours ou dispositions concernant les affaires criminelles ou les délits
rarement trente ; et après ce délai , si le débiteur n'avait dont la pénalité, inspirée des lois germaniques qui admettaient
pas payé , ils étaient vendus. Des lettres du roi, de l'année le prix du sang, la composition , est purement fiscale .
- 93

Les crimes les plus graves étaient l'assassinat, le viol, l'hé plus remarquables de notre législation au moyen - âge , que la
résie , le désespoir , le faux , le commerce de prostitution , les connaissance des affaires criminelles attribuée partout aux
blessures avec armes et suivies d'effusion de sang , et le vol consuls; malgré plusieurs tentalives d'immixtion de la part
d'une chose d'une certaine valeur, seulement de 12 d . à Gaillac des juges ordinaires, les consuls conservèrent la justice crimi
et à Cordes. Tous entraînaient habituellement la confiscation nelle jusque dans ces derniers temps, mais alors et depuis
des biens du coupable, les dettes et la dot réservées ; ils n'ad longtemps ils devaient prendre un assesseur parmiles officiers
meltaient pas , dans l'instruction , la liberté sous caution , et du roi dans les petites localités, ou parmi les avocats dans les
livraient ordinairement le coupable à la disposition du juge : villes , et leur sentence était soumise à la confirmation des
la coutume de Montclar seule porte que l'assassin sera trainé juges supérieurs et puis du parlement. — La marque exté
et pendu , les autres laissent la peine corporelle à l'appréciation rieure du droit de justice criminelle était les fourches et le
du juge . Le parjure était puui à Laroquette , outre la peine pilori , le gibel que les consuls , qui en étaient investis , pou
corporelle, d'une amende de 60 s. ; le commerce de prostilu vaient faire planter devant l'hôtel-de -ville ou ailleurs. - Dans
tion , à Cordes , entraînait la confiscation de la maison dans quelques petites localités, les seigneurs ne s'étaient pas des
laquelle il se faisait , ou une amende de 20 l. si la maison saisis de la haute justice en faveur des consuls , el ils l'exer
n'était pas au coupable. Pour le viol, à Labessière, si la femme cèrent en leur propre nom jusqu'à la Révolution.
qui portait plainte ne pouvait prouver le fait , elle était con Les coups el blessures étaient de la connaissance des juges
damnée à la peine qui aurait été infligée à son persécuteur . ordinaires. Les amendes variaient suivant les lieux .
L'adultère était moins sévèrement puni. Les deux coupables Un coup de pied ou de poing donné méchamment etn'ame
devaient partout payer une amende de 60 s . ou de 20 1. tour nant pas effusion de sang, était passible , si l'offensé porlait
nois, ou bien courir tout nus par la ville , les mains non liées. plainte , de 5 s. d'amende pour toute satisfaction et punition ;
Quelques charles font de l'amende le rachat de la course , à Labessière, il entraînail une amende de 10 s. si le coupable
tandis que d'autres déclarent que l'amende , si les condamnés était un homme , ou de 6 s. si c'était une femme, et en sus ,
ne peuvent la payer , sera commuée en la course ; d'autres le coupable devait réparer l'insulte. Un coup de paume de
enfin , classent les deux peines sur le même rang , laissant le main était taxé à 7 s. à Laguépie, 2 s. de plus que le coup de
choix aux condamnés qui devaient avoir donné le montant de poing . — Si le coup amenait l'effusion de sang , l'amende
l'amende dans huit jours. L'adultère n'entraînait pas d'autre était portée à 10 s. à Montclar et à 20 s. à Beauvais , et en
peine, et après avoir satisfait à la justice , les coupables pou sus, le coupable devait réparation à l'offensé. Le bailli jugeait
vaient rester en toute liberté et sécurité en la ville sans être ces affaires, mais il ne devait pas s'en occuper si l'offensé ne
inquiétés par personne . Généralement , l'adultère devait être portait pas plainle , même quand le coup amenait eſfusion de
constaté par le bailli assisté d'un ou de deux consuls, ou bien sang, pourvu qu'il n'y eût pas « péril de corps. » La charte
de deux prud'hommes à défaut de consuls, et les coupables de Roquemaure distingue la condition des parties el fixe la
devaient être trouvés seuls en lieu caché, nus , ou bien pour peine à 5 s. entre gens de condition égale , et la laisse à l'ap
l'homme les braies ou chausses avalées . préciation du juge entre ceux qui ne l'étaient pas.
La condamnation n'était prononcée que lorsque le crime Un coup de couteau , de bâton , de pierre et autres armes ,
élait prouvé ou avoué. Quelques coutumes parlent à ce sujet sans effusion de sang , était taxé à 20 s., et avec effusion de
de la question . A Laguépie et à Gaillac , la question ne pouvait sang , mais sans amener « mulilation d'un membre ou défor
être appliquée que de l'avis des consuls, et le seigneur ou son mation du corps , » à 60 s . La menace seule d'un coup de
juge devait désigner six prud'hommes pour y assister. On pra couleau était punie de 30 s . à Saint-Urcisse , et de 60 à Lagué
liquait sans doute encore le combat judiciaire , quoique les pie . Les blessnres plus graves rentraient dans les affaires
charles soientmuelles à cet égard ; mais cette institution bar criminelles . - La charte de Labessière fixe à quatorze ans
bare , qne saintLouis commença à altaquer , était, au xive siècle , l'âge de responsabilité en matière de police correctionnelle ;
considérablement déchue, et la charte de Beauvais porte celle de Montclar ajoute que celui qui portera plainte d'un
qu'aucun habitant accusé de crime ne pourrait être contraint coup avec effusion de sang sera puni , si le coup n'est pas
à se battre en combat ou duel, si ce n'est dans les cas limi prouvé, d'une amende de 5 s. et condamné aux dépens envers
tés par saint Louis , et quoiqu'il n'ait pas voulu accepler , le l'accusé. Le coup qu'un père donnait à son fils , un mari à sa
crimene serait pas tenu pour confessé . femme « en manière de correction » n'élaient pas punissables,
L'instruction des affaires criminelles appartenait au bailli et selon la charte de Beauvais , même si le sang en sortait ,
au juge, conjointement avec les consuls ou au moins deux « pourvu qu'ils ne fussent pas appliqués trop sévèrement, au
d'entre eux , excepté qu'ils ne fussent suspects , auquel cas (à quel cas les consuls devaient informer .
Rabastens et à Gaillac) , le sénéchal désignait deux prud'hom Les paroles injurieuses, les appellations de faussaire, traitre,
mes pour les remplacer. Le jugement élait exclusivement ré parjure , voleur , bouche puante, p..... élaient punis , si l'of
servé aux consuls avec ou sans l'assistance du juge ou du fensé portait plainte, de 2 s. 6 d . d'amende à Beauvais , et de
bailli. Ce dernier, à Beauvais , exécutait les sentences des 10 s . si c'était un homme qui les eût prononcées, ou 5 s. si
consuls , et le juge ne pouvait connaitre de ces affaires crimi c'était une femme, à Labessière , et l'offense devait être
nelles que par voie d'appel. C'est là une des dispositions les réparée .
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La pénalité varie encore davantage pour les délits ruraux el Cependant, si le perdantavait une mauvaise réputation , il étail
les vols . indemnisé au jugement du seigneur et des consuls ; el s'il
Le vol d'un objet valantmoins de 12 d ., d'un outil quel n'était pas content de la part qu'on lui faisail , la communauté
conque , faulx, serpe , bache, et d'une volaille, était puni d'une pouvait lui acheter ses biens à l'estimation des consuls et le
amende de 5 s ., ou bien de la course dans la ville si le voleur chasser de la ville . La charle de Beauvais , un siècle après,
ne pouvait payer ou s'il était décrié . On a vu que pour le vol reproduit celle disposition de la charte de Labessière, et
d'un objet plus considérable , le coupable , à Gaillac et à Rabas ajoute que si l'auteur du méfait élait découvert après que la
tens , était, lui et ses biens, à la disposition du juge. A Mont communauté aurait indemnisé le perdant , il devait inconti
clar , il était condamné , pour la première fois , à aller d'une nent et sans frais restilner ce qu'elle aurait donné.
porte à l'autre du château , portant la chose volée suspendue Celui qui maltraitait une bête appartenant à autrui élait
au cou , ou s'il voulait racheter la course , à payer 60 s. puni suivant l'appréciation du juge et des consuls. L'enlève
d'amende; pour la seconde fois, il était condamné à élre mar ment des bornes d'un champ était puni de 60 s. d'amende .--
qué, et pour la troisième, il élait à la disposition du bailli et Ceci nous amène aux délits commis sur les propriétés. Ceux
des consuls ; toujours il devait rendre le double de la chose qui étaient fails sur les terres du seigneur étaient punis au
volée . Pour un vol accompli de nuit ou de jour avec effraction , double de ce qui était fixé pour les délits commis sur les autres
le coupable était également à la disposition du juge et réparait propriétés , en sus de la réparation du dommage. Par chaque
le dommage. Le vol de fruits dans un lieu non clos rentrait bête grosse ou par truie trouvée sur la terre d'autrui, il devait
dans la classe des délits ruraux ; il élait passible, s'il était fait être donné, en sns du dommage , 1 , 3 ou 4 d . suivant les
de jour, d'une amende ou dex qui allait jusqu'à 3 sols , et s'il lieux ; par porc, 1 ou 2 d .; par chèvre, 1 à 7 d ., et par brebis,
était fait de nuit, d'une amende qui élait à Labessière de 1 maille ou 3 d . par douzaine ou 5 s. par cent. Tout passage
10 s., outre la réparation du dommage , de 12 d . à Rabastens sur la terre d'autrui était puni, à Roquemaure, outre le dom
et Roquemaure, et de 18 d . à Gaillac. Si le vol élait fait dans mage , d'une amende de 4 d .
un lieu clos , ou si l'objet était pris d'un tas régulièrement Toutes les communautés eurent, au xie siècle , le droit de
fait, un bûcher , une meule de ſoin , etc., avec des corbeilles nommer des gardes ruraux pour constater les délits. Les gar
ou des harts, il élait puni , suivant les lieux , de 5 à 15 s . des étaient crus sur leur serment , comme aussi , en certains
d'amende , outre la réparation du dommage. Le vol de raisin , endroils , lous les habitants du lieu , excepté pour les délits
de nuil et avec comporte, était puni, à Rabastens, de 60 s. commis sur leurs propres terres. Les gardes étaient nommés
d'amende, et à Laroquelle , s'il n'était prouvé que par un lé par les consuls , ou plutôt leur charge était mise aux enchères,
moin , de 5 s., el par deux témoins de 60 s . A Laguépie , le et le plus offrant élail commissionné par les consuls, auxquels
voleur d'un objet de jardinage, chou, oignon , etc., élait con il prêtait serment. Les gardes, armés d'un bâton aux armes de
damné, s'il l'avait fait de jour, à 10 s. d'amende , ou au poteau la ville , veillaient sur les propriétés, constataient les délits ,
s'il était mal famé ou qu'il ne pût payer, et si c'était de nuit, faisaient réparer les dommages et tenaient la main à l'exécu
à 60 s. ou à la course par la ville à coups de verges. tion du for et ban mis par les consuls ; ils pouvaient citer et
Il est encore des vols et des dégâts qui doivent ici trouver prendre gages, accompagnés, s'ils le désiraient, d'un ser
place . Ainsi le vol de filets placés dans la rivière était puni, à gent commissionné par les consuls , et quiconque leur enlevait
Laguépie, s'il élait fait de jour, de 10 s. d'amende, et s'il était les gages pris , était passible d'une amende de 20 s., et s'il les
de nuit , de 60 s.; le vol de poisson dans un vivier , à Mont maltraitail , de 40 s. ou davantage, suivant la décision du juge.
clar , d'une amende de 60 s . , et le vol d'un lapin à une ga Le bailli ne pouvait rendre ces gages avant que satisfaction du
renne, suivant les lieux , de 5 à 10 s., et le lapin payé au dou dommage n'eût été accordée . Les gardes prenaient, pour leur
ble de sa valeur ; le vol de nids , à Montclar , de 20 s., et si salaire, une partie des amendes qu'ils faisaient prononcer ;
c'étaient des nids de faucon etde vaulour, de 100 s. Celui qui mais aussi, si les propriétés élaient mal surveillées et que le
endommageait un arbre ou une souche de vigne élait con maitre se plaignil , les dégâts étaient estimés par des experts
damné , indépendamment de la réparation du dommage , s'il nommés par les consuls et aux frais des gardes, et quand ceux
l'avait faitde jour à 10s. d'amende, et de nuit, à 20, 25 ou 60 s.; ci refusaient de payer , le bailli faisait faire lui-même l'exper
et s'il ne pouvait payer , dit la charte de Laguépie , il devait tise et les condamnait à payer le dommage.
être mis au poteau pendant une heure ; à Beauvais , la dépopu La connaissance des délits ruraux appartenait aux consuls
lation des arbres étail regardée comme une affaire criminelle . qui pouvaient condamner , en certains lieux , à 5 s. d'amende
L'incendie d'une maison , d'une gerbière , d'une meule de les délinquants. Les consuls pouvaient établir, pour les dé
foin , était considéré comme un crime , et celni qui l'avait gâts, une amende appelée dex qui était levée au profit de la
causé devait être à la disposition du juge et des consuls qui, communauté , soit en totalité , soit en partie, et applicable aux
indépendamment de la peine , lui faisaient réparer la perte au réparations des chemins . A Montclar et à Tauriac , le seigneur
double. Enfin , quand il se faisait un maléfice clandestin , c'est en prenait le liers ; à Laguépie , il avait par chaque 20 1. 2 1.
à - dire quand on ne pouvait trouver le coupable d'un vol et de cire .
dégât, la communauté enlière était responsable et devait in Celte explication du des , terme qui signifie limite , étendue
demniser le perdant au sol et à la livre du dommage éprouvé . d'un district, d'une juridiction , et qui est employé comme tel
95 .

dans un acte de donation aux templiers de Vaour de l'année tection particulière accordée par le seigneur à la propriété du
1178 , et donné ici à une amende pour délits et dégâls commis vassal qui la réclamail, el en conséquence de laquelle tout dé
sur les propriétés comprises dans les limites de la juridiction lit commis sur cette propriété était passible d'une amende de
des consuls qui l'établissaient, nous est fournie par une foule 1 s. au profit du seigneur , indépendamment des dommages.
de titres des xile et xive siècles. La charte de Penne de 1253 Pour indiquer qu'une lerre était ainsi mise sous la garde du
donne aux consuls pouvoir de mettre for et ban sur les pro seigneur, le sergent allait y planter une croix de bois après
priétés et de punir les délinquants d'une amende qualifiée de l'avoir annoncé à son de trompe le dimanche.
dex ; ils vendront chaque année à l'encan cesamendes , et l'ad Il fautdonc entendre par dex el une amende levée au profit
judicataire sera le degarium , le garde du dex , le garde rural. des communes pour délits et dégâts, et une redevance au sei
En 1282 , les consuls de Cordes furent autorisés à meltre sur gneur pour liberté de pacage .
les délits des amendes applicables aux réparations des ponts , Parmi les délits ruraux , il en est un qui doit trouver ici une
chemins et rues : quibus consulibus concedimus potestatem dega mention spéciale : c'est la fumure des vignes quimolivait å
riam seu messagariam levandi et de eadem cognoscendi, et quod Rabastens , en 1288 , une condamnation de 60 s. d'amende,
levatum fuerit in reparatione pontium et itinerum , et aliorum eis dont deux tiers au roi et un tiers aux consuls ; et à Roque
necessariorum expendendi et viarum publicarum et carreriarum maure , en 1395 , l'arrachement de la vigne fumée .
reparandi. Les habitants de Cordes menant leurs bestianx sur Les amendes de police pour fausse mesure et faux poids
certaines terres réservées de la châtellenie de Laguépie étaient appartenaient au seigneur. La pénalité pour ceux qui se ser
soumis à l'amende du dex : E se bestial dels habitants deldig vaient de poids, mesures et aunes non conformes aux ordon
..

castel intravo dedins losdits cofrontamens, que sia tengudas de nances de la municipalité , ou qui faisaient fausse mesure ou
pagar dex segon que es acostumat en la honor de Laguepia . Les faux poids, variait entre 5 et 60 s. Elle était de 10 s. à Lagué
consuls de Cordes levaient enfin les dex à Itzac , messagariam , pie, de 15 s. à Cordes , de 30 s. à Beauvais, et de 60 s. à
degariam seu custodiam dex ... etcustodiam camporum , terrarum , Labessière , Gaillac , Penne et Rabastens. A Labessière,
vinearum et possessionum ... et dictam messagariam sive dex et l'amende pouvait être commuée en la course. A Montclar,
custodiam ... elle était de 5 s. pour celui qui tenait une fausse mesure
Quand un bien avait été légalement réservé par le maitre, d'huile et de sel , et de 20 s. pour fausse mesure de blé . En
les dégâts qui y étaient fails entraînaient double der . Toutes les sus de la peine, les mesures fausses étaient confisquées et
terres d'une commune étaient sujeltes aux dex mis par les brûlées sur la place publique. L'amende appartenait au sei
consuls ; cependant, à Montclar , le seigneur , les chevaliers et gueur ; mais, à Penne , les consuls en avaient le quart, et à
les francs pouvaient retirer leurs biens du dex , el devaient Beauvais la moitié. Les consuls marquaient les mesures du
pour cela notifier chaque année leur volonté quinze jours sceau de la ville et devaient les vérifier avec le bailli, au
après l'institution des gardes , sans quoi ceux- ci pouvaient moiris tous les deux ans; ils jugeaient les contraventions en
entrer dans leurs champs , y constater les délits , faire punir celle matière . Chaque localité , pour ainsi dire , avait ses me
les coupables et percevoir les amendes ; les chevaliers et les sures particulières d'une capacité propre , et il était défendu
francs pouvaient encore avoir des gardes particuliers , mais de se servir de celles qui y étaient élrangères.
les autres propriétaires ne jouissaient pas de cette faculté. A Les consuls surveillaient aussi les bouchers et les boulan

Beauvais , les bois seulement des seigneurs étaient en dehors gers, et les amendaient quand ils faisaient faux poids ou te
de la surveillance des gardes ruraux . naient des marchandises défectueuses . La peine pour les bou
Appliqué parfois pour le vol de fruit , le dex l’était plus par langer's qui ne faisaient pas le poids ou qui n'avaient pas fail
ticulièrement pour les dégâls commis par le bétail. Après les le pain bon etmarchand , était la confiscation du pain qu'ils
tilres déjà cités , il reste l'autorisation donnée en 1459, aux avaient fait cuire dans la journée et qui était distribué aux
consuls de Tauriac , d'imposer, pour dex et en sus des dom pauvres. Les bouchers ne pouvaient étaler de la viande qui
mages , une amende de 2 d . par chaque bête grosse, et 1 d . n'aurait pas été visitée par les consuls , et si celle viande était
par chaque bête petite qui serait trouvée sur la propriété d'au de mauvaise qualité ou provenait d'une bele morte demaladie ,
trui, ladite amende revenant un tiers au seigneur et les deux elle était confisquée et donnée aux pauvres , et le boucher
tiers à la communauté. - Les seigneurs aussi levaient un condamné à 10 s . d'amende , dont le quart appartenail , en
droit de dex sur le bétail qu'on amenait pålurer sur leur terre. certains lieux , aux consuls , et en d'autres, la moitié. La pro
Ce droit, bien différent du premier , est à nos yeux une simple fession de boulanger , de boucher et de cabaretier était libre
redevance pour autorisation de pâturage . Le baron de Labas au xiiiº siècle,mais les consuls fixaient le gain qui devait être
tide-Montfort levait ce droit de dex sur ses vassaux tenant fait. A Labessière , le boulanger devait avoir 1 d . par s. du
bétail à laine, pour la liberté , sans doute, qu'il leur avait prix du blé et le son ; le cabarelier, 4 d . par fut, et le bou
donnée de le faire paitre sur ses terres ; ce droit était, au siècle cher 2 s. 1 d . par bête . A Penne, lout habitant pouvait ouvrir
dernier, de 1 d . par tête. Dans cette commune , il existail , å taverne ; il devait faire crier la couleur du vin , le prix et la
la même époque , une redevance appelée digaivatge qui se maison où il voulait le vendre, sinon le vin était confisqué au
rapproche du dex , amende au profit de la commune , et qui profit du seigneur et le débitant amendé. Voici le prix du pain
est regardée, dans une délibération de 1720 , comme une pro à Cordes et à Penne . A Cordes , quand l'émine (demi-selier)
96

de blé valait 3 s., le boulanger devait donner 33 onces de démontrait la nullité de ces litres , car l'octroi du chaperon
pain pour 1 d .; 31 onces 1/2 quand elle valait 3 s. 3 d ., et n'appartenait pas au bas justicier, pas plus que la réception
40 onces quand elle ne valait que 2 s. 6 d . A Penne , lorsque du serment des consuls , droit indûment reconnu au sieur de
le setier valait 7 s. 6 d ., le pain de 2 d. devait peser 2 1. Verlhac , par les habitants de Montgaillard , en 1699 ; il eut
1 once ; s'il valait 15 s., il devait peser 1 l. 5 onces , et en gain de cause auprès du parlement de Toulouse , en 1730 .
proportion , si le prix du setier augmentait ou diminuait . Par suite des prétentions du sieur de Verlhac, les attributions
de la justice basse auraient été bien plus importantes qu'on ne
La justice se divisait en haute., moyenne et basse . Les char l'entend babituellement, mais il faut voir dans sa demande
tes constitutives ne font pas mention en lermes précis de cette une revendication de droits d'immixtion dans l'administration
division ; elles donnent seulement à entendre qu'il y avait municipale , qui ne découlent sûrement pas de la justice basse.
deux juridictions distinctes , la haute et la basse , qui établis La justice moyenne comprenait la connaissance de toutes les
sent clairement les actes d'accords qui les suivirent. Ainsi causes civiles sans distinction et des causes criminelles de peu
l'acte de 1259, entre l'abbé de Candeil et les époux Pierre de d'importance , et la justice haute celle des crimes entrainant
Lautrec et Vacquerie de Monteil-Adémar , donne la justice peine de mort et peine afflictive el infamante , potestas gladii,
basse à l'abbé en seul , et déclare la justice haute comme par jus animadvertendi in facinorosas homines. Elles allaient tou
moitié entre les deux parties. Un second accord en 1262 , jours ensemble, mais on a vu plus haut que beaucoup de sei
entre le même abbé et le comte de Montfort , distingue les gueurs avaient délégué leurs droils de haule justice aux
droits de justice en supérieurs et inférieurs , tam in minoris consuls qui l'exerçaient en leur nom , et que certains autres
quam in majoris ; et enfin un troisième de la même époque conservèrent l’une et l'autre nominativement et réellement
distingue la haute et la basse justice, altam et bassam justitiam . jusqu'à la Révolution .
Cette distinction de la justice en haute , moyenne et basse , La justice , dans une communauté , pouvait appartenir à un
viendrait de la différence de dignité des fiefs. On a vu ou à plusieurs seigneurs qui l'exerçaient encore en paréage.
plus haut l'existence dans l'étendue d'une seigneurie de juri Par l'acte d'accord déjà cité de 1259, la justice de Brens
dictions subalternes et la faculté qu'avaient les seigneurs cen devait être exercée indivisément et par moitié par l'abbé et
siers et féodaux de faire faire des saisies sur les fiefs de leur les époux Pierre de Lautrec et Vacquerie. Celle de Peyrole et
directe. C'est là une partie des attributions que l'on donne à de Labessière , suivant un acte de 1262, élait commune et par
la justice basse, qui comprenait aussi la connaissance des moitié entre l'abbé de Candeil et le comte de Montfort ; elle
causes civiles jusqu'à 3 livres. La justice basse était inhérente était exercée par un juge el par un bailli institués par les
aux honneurs possédées par des chevaliers et des francs , sous deux coseigneurs, mais avec cetteréserve que la condamnation
la dépendance de l'honneur primitive dontle possesseur avait , dans les affaires criminelles entrainant peine de mort ou mu
sur leur étendue , droit de haute et moyenne justice . En plu tilation de membres était prononcée , après l'instruction faile
sieurs endroits , le seigneur haut justicier absorba la justice par le bailli commun , par le comte seul. L'appel des sentences
basse ; mais, dans quelques autres, le seigneur direct la garda du bailli et du juge devait être vidé , en dernier ressort, par
jusqu'en ces derniers temps. Nous en avons vu plusieurs la un autre officier nommé à cet effet par les coseigneurs . A
dénombrer au roi, et l'un d'eux , en 1554 , déclara qu'elle était Gaillac, au milieu du xie siècle, trois seigneurs se parta
limitée à 60 sols . geaient la juridiction . Le comte de Toulouse , l'un d'eux, était
Nous n'avons trouvé aucune institution de juge faite par le seigneur d'un grand nombre de localités dans celle partie de
seigneur bas justicier. A Labessière, il y avait un juge terrier l'Albigeois, et avait pour toutes un juge commun qui exerçait
dont les attributions sontainsi définies dans un acte de 1615 : aussi à Gaillac. Les deux autres co seigneurs , l'abbé de Gail
« La connaissance des affaires criminelles de peu de gravité lac et le sieur de Pierre de Brens, demandèrent pour la ville
;

entre les religieux de Candeil et leurs serviteurs et les autres un juge particulier ; il ſul convenu, eu 1266 , que le juge du
habitants, et la connaissance des instances civiles entre l'abbé comte , en Albigeois, resterait juge de Gaillac , mais qu'il y
et ses fondataires . » Elles sont, en partie , celles du ressort rendrait la justice au nom des deux autres coseigneurs , qu'il
des bas justiciers , et celles du bailli dont l'office était alors serait commissionné par eux et leur prêterait serment.
supprimé partout. Mais dans cette commune, l'abbé avait Le roi de France , seigneur en paréage de Gaillac , de Labes
l'entière justice hante, moyenne et basse, et on peut voir dans sière et d'autres localités, n'eut pas de prérogatives plus éten
l'office du juge terrier la continuation de celui de bailli . Un dues que celles de ses prédécesseurs ; il ne nomma pas exclu
second exemple de la séparation , au siècle dernier, de la jus sivement, comme on l'a dit à tort, les officiers de justice , et
tice haute et de la basse , se trouve dans l'histoire de la com partageait toujours avec ses coseigneurs les finances qui en
mune de Montgaillard . Le sieur de Verlhac , seigneur direct , provenaient.
prétendant à la moitié de la justice basse , en réclamait les pré
ÉLIE - A. ROSSIGNOL
rogatives contre le sieur de Tauriac , haut justicier ; il faisait
remonter ses titres à un dénombrement de l'année 1471 , et
( A continuer. )
produisait une concession de ses auteurs , en 1487 , aux con
suls, de porter le chaperon rouge et noir. Le sieur de Tauriac
- 97

HABITATION TROGLODYTIQUE A LĖOJAC

(TARN -ET-GARONNE).

Si quelques archéologues, trompés par des remaniements » les bêtes , dans les forêts , dans les cavernes et dans les
exécutés dans certaines habitations troglodytiques de Tarn -et » bois. »
Garonne bien postérieurement à leur construction , ont pu Voilà pour l'humanité prise dans son ensemble . Passons
mettre en doute la haute antiquité de ces curieux monuments, maintenant aux peuples , qui, du temps des écrivains grecs et
ces doutes doivent aujourd'hui s'évanouir devant les décou romains, avaient conservé , des habitudes de la vie sauvage ,
vertes faites tout récemment dans le soulerrain de Léojac . celle de vivre dans des demeures souterraines.
Aujourd'hui, plus que jamais, on est en droit d'affirmer que Lors de la célèbre retraite des Dix Mille (an 400 avant
ces monuments, qui correspondent partout à un état social J.-C.), l'armée grecque, arrivée en Arménie, près de la
identique , à un même degré de civilisalion , témoignent, par source de l'Euphrate, y trouva tout un village souterrain . Je
leur mode de construction ou par les débris de l'industrie Jaisse la parole à Xénophon : « L'Athénien Polycrate , chef
humaine qu'on y recueille , qu'ils appartiennent aux lemps pri » de cohorte, court au village échu à Xénophon ... Les mai
mitifs, et que leur origine , contemporaine de la vie sauvage et >> sons étaient creusées sous terre , et quoique l'ouverture en
de l'âge de la pierre , remonte aux époques reculées où l'homme » fut étroite, l'intérieur en étail spacieux . On avait creusé
« poussé uniquement par les besoins de la vie matérielle , et » une entrée pour les bestiaux , mais les hommes descen
► obéissant à la même loi qui enseigne au lion à chercher un >> daient par de petites échelles . Il y avail, dans ces espèces de
refuge dans la profondeur des cavernes, songeait surtout à » cavernes, des chèvres, des brebis, elc. (Expédition de Cyrus ,
se meltre à l'abri des intempéries des saisons et desallaques » livre IV , chap . V ) . )
> des bêtes féroces, et dans ce but se creusait des grolles « Les Scylhes, dit à son tour Virgile , jouissent sous terre
» dans le flanc des montagnes ( Batissier, Hist, de l'art. mon . » du repos et de la sécurité dans les cavernes qu'ils se sont
» chez les anciens, pages 35 et 36 ). » Partout, en effet, ainsi » creusées (Géorgiques, livre III, vers 376 et 377) . »
que vont l'attester plusieurs passages empruntés aux auteurs Celle assertion du poète est parfaitement confirmée par le
grecs et romains, l'humanité a débuté par la vie des cavernes, témoignage d'Ammien Marcellin , qui écrivait trois siècles et
et, de nos jours encore , comme ont fait, à leurs débuts, lous demiaprès :
les peuples de l'antiquité, certaines tribus sauvages de l'ouest « Là, dit- il, s'élève l'île Peuce , demeure des Troglodytes
de l'Amérique septentrionale , de l'ile de Pâques, en Océa » (de spóyan , trou , caverne , et de oso ou vou , je pénè
nie , etc. , qui sont encore en plein âge de la pierre , se creu » tre sous...). C'est dans celle partie du pays des Scythes que
sent, au témoignage des missionnaires chrétiens, « desgrolles » le Danube se jelle dans la mer par sept embouchures (livre
» nombreuses et profondes qui ne communiquent au dehors >> XXII , 8 ) . »
» que par une ouverture très étroite , dont quelques pierres « Les Troglodytes , dit Pline l'ancien , se creusent des caver
suffisent pour fermer et dissimuler l'entrée , el qui, à un » nes : ce sont là leurs maisons (Histoire Naturelle , V. 8 ). »)
» moment donné, permettent à toute la population de dis La Géographie de Strabon offre, au sujet des Dardaniens, ce
paraitre en se cachant dans ces souterrains (Annales de la passage dont on remarquera la parfaite analogie avec celui
Propagation de la Foi). > que Tacite a consacré au mode d'habitation des Germains :
Voici maintenant les textes anciens que j'ai recueillis depuis « En effet, les Dardaniens, quoiqu'ils fussent entièrement
peu , el qui confirmentadmirablement les conclusions formu » sauvages au point d'habiter des cavernes creusées sous terre
lées dans le Mémoire que j'ai publié en 1864 sur l'origine et » el recouvertes de lumier ... (livre VII, chap . VI et VII). »
la destination de ces étranges monuments des âges primitifs : Voici encore un texte non moins explicile emprunté à
Le premier est emprunté au poète Eschyle, qui écrivait, il Pomponius Méla :
y a un peu plus de 2,300 ans. Voici le langage qu'il met dans « Les Satarches, à cause des rigueurs d'un hiver perpétuel,
la bouche de son Prométhée enchainé : » habitent dans des cavernes ou dans des trous qu'ils se creu
« Les hommes qui, d'abord , ne connaissaient point les » sent sous la terre (Géogr. livre II , chap. I). »
► maisons de briques exposées au soleil, ni l'art de travailler Enfin , on trouve dans Quinte - Curce ces deux lignes qui
► le bois, mais habitaient sous terre , comme les fourmis agiles, jeltent une vive lumière sur un des usages auxquels , dans
» dans les réduits ténébreux des cavernes (Prométhée enchaîné , l'antiquité, on destinait les grotles artificielles :
vers 447-453 ) . >> « Les Mardes creusent dans les montagnes des cavernes où
« Anciennement, dit Vitruve , dans son Traité de l'Archi » ils se cachent avec leurs femmes et leurs enfants ( Vie
Đtecture (livre Il , chap. 1), les hommes naissaient , comme ► d'Alexandre , livre V , chap . VI). »

13
- 98 -

+E
pour 1.010

B
X

Plan , Coupes .
A : Galerie par laquelle on entrait primitivement dans le souterrain . foucement contigu de lieu de dépôt. C'est là, pul offel, qu'ont été trouvés la
B. Perite chambre d'où partent les galeries C et D. plupart des polerirs, la meule à aiguiser et les grains agglomérés de petit
C. Galerie basse où l'on ne peut marcher que très courbé et aboutissant millet.
en face du réduit H par une porte dont l’arceau est d'environ 25 centimètres G. Grande niche ou placard å provisions creusé à 4m 20c en contre- hautdu
plus bas que la voûte de la galerie . sol d- la galerie D. C'est là qu’ont été recueillis des détritus de glands et de
D. – Galerie haute parallèle à la galerie C et aboutissant au même point châtaignes et plusieurs noix .
que celle -ci. H. Réduit fortifié propre à une embuscade et situé au point de jonction
E. — Galerie très inclinée par laquelle on pénétrait aussi daus le souterrain des galeries CelD pour défendre l'accès de la parlie habitée du souterrain .
et communiquant avec la galerie D. 1. – Galerie dont la voûts s'élève insensiblement depuis le point de jonction
F. — Grandes entailles creusées dans les parois de la galerie, sur toute des galeries C et D jusqu'à la bifurcation , aux abords de laquelle elle est ornée
leur hauteur, soit pour fortifier cette partie du souterraiu et en défendre l'ac d'imbrications.
cès de ce côté, soit pour fermer temporairement la galerie et faire servir l'en J.— Carré situé au point de jonction des galeries I, K , N , dont la voûte est
99

ornée de dessins angulaires et dont le côté opposé à la galerie N offre une en regard jusqu'à 1m de hauteur , et par deux trous destinés à recevoir des
grande et belle niche exemple de Iraces de fumée. pièces de bois .
K.Galerie conduisant à la chambre L. L'entrée de celle galerie est remar M. - Pelit réduit creusé dans l'angle inférieur de droite de la chambre L ..
quable par ses moulures et par une dent de loup figurée en creux de chaque N. - Galerie conduisant à la chambre 0 et dont la voûte est régulièrement
côté. striée dans sa première partie .
L. — Chambre de 6m 45° de long sur Am 9le de large et 2m 50e de hau 0. Chambre de 5m 15 ° de longueur moyenne, sur 1m 87c de large et
teur, dontla voûte offre, au fond, un soupirail vertical et circulaire de 10e de 2m 40e de hauteur,'dont l'entrée est défendue comme celle de la chambre L.
diamètre . P. - Grande niche ou placard è provisions, dans le genre de celui du cou
L'entrée de cette chambre est défendue par deus profondes entailles creusées loir D , creusé à 1m en contre-hautdu sol de la chambre 0 .

Les nombreuses cavernes factices qu'offrent les départe ressées d'ailleurs , des témoins, car les haches sont aujourd'hui
ments de Tarn -et-Garonne et du Lot, compris autrefois dans perdues , si elles ne sont point enfouies dans quelque élable de
l'Aquitaine, furent, au dire de Florus, utilisées comme lieu moutons pour garantir ces animaux de la clavelée , ou bien
de refuge par les populations qui ſuyaient devant les légions encore cachées sous la toiture d'une maison pour la préserver
de César, commeellesle furent depuis aux derniers moments de la foudre. Heureusement, nous avions , pour ainsi dire,
de l'Empire romain , lors des guerres anglaises et de religion , sous la main des témoignages irrécusables.
ainsi que j'aipu n'en assurer , notamment aux Poulidels, com On savail qu’une habitation troglodytique existait près de
mune de Montauban , à Mézad , commune de Puygaillard , el å l'église de Léojac, au pied de la colline boisée qui encadre le
Saint-Maurice, commune de Lafrançaise . côté droit du riant vallon de Langle . Découvert par suite d'un
« Les Aquitains , race aslucieuse, se réfugiaient dans des éboulement, il y a une quinzaine d'années, et fermé quelque
cavernes , César les y fit enfermer (Florus, liv . III, ch . XI). » temps après, ce souterrain passait pour un des plus intéres
Il me semble que s'il pouvait encore exister quelques hési sants de la contrée . La Société des sciences, agriculture et
tations sur la destination et la haule antiquité des souterrains belles -lellres de Tarn - el -Garonne décida, dans sa séance du
artificiels si communs en Europe , en Afrique el en Asie, et 7 avril 1866 , qu'il serait rouvert ; et les fouilles , secondées
dont le département de Tarn -et-Garonne possède notamment avec un louable empressement par le propriétaire, M. le doc
de nombreux el remarquables spécimens , ces hésitations teur Guiraud, commencèrent immédiatement et ſorent poussées
devraient tomber devant les textes clairs et précis que je avec activilé.
- viens de ciler, surtout si on les rapproche des passages con Ce n'élait pas la première fois que la caverne de Léojac
nus de Strabon sur les cavernes creusées de main d'homme révélait son existence . Le nom de Gros que porte dans les
près de Nauplie (Géographie, livre VIII) el de Tacite sur les anciens cadastres, comme aujourd'hui, le quartier où elle est
habitations souterraines des Germains. Ce dernier mérite siluée, indique très bien qu'elle avait été connue longlemps
d'être reproduit ici à cause de son importance . avant la date de l'éboulement . Ce serait là , du reste , une
« Il est assez connu que les peuples de la Germanie n'ha explication loute naturelle de l'absence complèle d'objets
» bitent point des villes el qu'ils ne souffrent pas des demeu antiques dans la partie alors accessible du souterrain , c'est-à
►res contiguës : ils vivent séparés et dispersés, selon qu'une dire dans les galeries c, i, k , n , dans le réduit h et dans les
» fontaine, un champ, un bois leur a plii ... Ils ont aussi chambres b, I eto ( Voir le plan ). Heureusement, nul n'avait
» coutume de se creuser des cavernes souterraines sur lesquelles encore songé à déblayer la galerie d , comblée jusqu'à la
► ils enlassent du fumier (commeles Dardaniens dont parle voûte , et dont les amorces étaient visibles dans un angle de la
» Strabon ) : c'est un refuge contre l'hiver et un lieu de chambre b et près du réduil h . C'est là que, sans qu'on s'en
► dépôt pour les grains. La disposition de ces lieux adoucit doutåt, se conservaient des débris assez caractéristiques pour
» l'âprelé du froid , et si l'ennemi vient, il ne trouve à ravager permellre de fixer l'âge de ce monument el de lous ceux du
» que les choses qui sont à la surface, mais pour celles qui même genre que renferme le département de Tarn -et
» sont cachées el enfouies, ou il ne le découvre pas, ou elles Garonne .
» le déroutent par la nécessité de les chercher (Meurs des Il résulle, en effet , des fouilles exécutées dans celle galerie
» Germains, xvi). » que le souterrain découvert, de ce côté seulement, à une
Les habitations souterraines que possède le département de époque très reculée, par un ennemi, fut d'abord enfumé et
Tarn - el -Garonne, découverles et perdues à plusieurs reprises, que le feu dévora le barrage en bois assujelli dans les entailles
saus qu'on ait jamais accordé la moindre attention aux objets ff : ce qu'indiquent suffisamment l'élat des parois calcinées
anciens qu'elles pouvaient renfermer, n'avaient encore guère et durcies et les charbons accumulés sur ce point. C'est alors
pu fournir , au point de vue de l'industrie humaine , des indi aussi que furent brisés les vases nombreux déposés dans l'en
calions de nature à permettre d'assigner une dale certaine à foncement contigu aux entailles ff et dont les fragments ont
ces monuments . A la vérilé , j'ai appris sur les lieux, depuis élé recueillis en cet endroil avec une pierre à aiguiser , des
peu de temps, que des pierres de tonnerre (c'est ainsi que nos grains agglutinés et carbonisés de petit millel et quelques os
paysans nomment les haches de pierre) avaient été recueillies d'animaux de petite taille . Quand l'incendie eut achevé son
dans les souterrains de Saint- Pierre -de-Livron , de Dardé, de euvre, la galerie e, par où l'ennemi était entré dans la
Croquelardil, de Marsal el de Lapéruguie . J'ai dù nécessaire caverne, et la galerie d furent entièrement comblées avec de
ment m'en rapporter aux déclarations, parfaitement désinté la terre jetée du dehors. Le placard g, renfermant en partie les
- 100

Intérieur de la salle 0 .

Galerie IK , en face le point J où est la niche et la Point de rencontre de la galerie N avec la galerie IK , la
bifurcation N. paroi J où se trouve la niche étant supposée enlevée.

Coupe d'une des petites cavités


en forme de coquille pratiquées dans les parois .

Coupe selon l'axe de la galerie DIJK (le placard G étant supposé dans l'axe).

- -
101

provisions des habitants du souterrain , telles que des glands, auteurs anciens, et qui établissent d'une manière si unanime
des châtaignes et des noix, qui ont été retrouvés en place, la destination réelle de ces monuments. J'ajouterai, en outre,
resta seul libre , la terre du remblai ayant glissé devant l'ou que le soulerrain de Léojac offre des traces évidentes d'habi
verlure sans y pénétrer à peine. Rien n'est venu révéler ce tation .
que devinrent les malheureux habitants : pas un ossement Sans invoquer le témoignage pourtant assez significatif des
humain n'a été, en effet, découvert dans la caverne. Il est poteries, du poinçon en os, de la meule à aiguiser et des
probable qu'ils purent s'échapper par la galerie a . approvisionnements en grains et en fruits qu'a fournis la

2
Comme tous les souterrains du département, celui de galerie d , on peut trouver un argument en faveur de ma
Léojac, creusé de main d'homme dans une roche de grès fort thèse dans les grandes et profondes échancrures que les gale
tendre qu'on nomme dans le pays arène , offre deux issues et ries offrent, à tous leurs angles saillants, à une hauteur d'en
plusieurs galeries qui, après divers délours, aboutissent aux viron 50 centimètres au -dessus du sol, échancrures pratiquées
chambres. Il est intéressant d'éludier sur place les précautions pour donner aisément passage en sens oblique à des fardeaux
prises pour défendre l'accès de la partiehabitable de la caverne. plus larges que les couloirs , et polies par un long usage . Ne
Le neud du système de défense est au pointde jonction desgale pourrail- on pas encore tirer parti de cette usure qu'on re
riesc, d , i el du réduit l . Ce réduit, dont l'entrée pouvait marque sur les mêmes angles des galeries et qui est visible
être fortifiée par des traverses de bois placées dans les trous ment produite par le frollement fréquent des épaules d'un
qu'on y voit encore , recevait, aux moments de danger , un des homme, particularité qui, par parenthèse, fournit une donnée
membres de la famille chargé de dispuler le passage à un précieuse : celle de la taille de la race quihabitait ces cavernes
agressenr , soil que ce dernier se présental par la galerie c, artificielles. Celle usure ne dépasse pas, en effet, la hauteur
ou que, ayant réussi à forcer le solide barrage de la galerie d et de 1m 15c au - dessus du sol, el en ajoutant 25 à 30 ° pour le
à esquiver les entraves placées un peu au -dessus du sol de cou et la tête , on obtient ainsi un maximum de 1m 45c pour
celle même galerie et du couloir e, il voulůl pénétrer dans le la taille de l'homme à cette époque reculée .
corridor i. Dans le premier cas, le peu de bauteur de la voûte , Il y aurait de plàs å se demander pourquoi, si ce n'élait lå
encore diminuée au débouclé de la galerie c, par l'abaisse qu'un lieu de refuge , on se serait étudié à décorer avec tant de
ment calculé de l'arc de la porte , obligeait l'ennemi à se soin un asile essentiellement temporaire ? A quoi bon toutes
courber oulre mesure et l'exposait sans défense aux coups de ces moulures dont sont ornées les portes des galeries k et n ,
son adversaire embusqué en face. Dans le second cas, l'assail les imbrications de la voûte du couloir i et les stries réguliè
lant, passant sans défiance devant le réduit et altaqué du colé rement tracées sur la voûte de la galerie n ? On n'enjolive pas
gauche pendant que la voûte de la galerie, abaissée à dessein ainsi un lieu dont on ne fait point sa demeure permanente.
sur ce point, le forçait à courber la tête, tombait sanspouvoir Et puis, n'y a - t-il pas une preuve concluante d'habilation
faire usage de ses armes . dans les deux placards à provisions de la galerie d et de la
En admettant que l'ennemi eût triomphé de tous ces obs chambre o , dans ces petites niches, dont la forme rappelle
tacles et se fût débarrassé du défenseur embusqué dans le une lérébratule vue intérieurement et de face , creusées à pro
réduit, tout n'était pas encore fini. A l'entrée des chambres, fusion dans les parois des chambres et des galeries, non
le retrécissement des galeries venait gêner ses mouvements, point pour l'éclairage du soulerrain , car elles sont trop
et, arrêté par une forte barricade, dont les profondes entailles petites et elles n'offrent pas la moindre trace de fumée , mais
pratiquées dans les parois accusent l'existence , et qu'épau sans doute pour y déposer certains petits objets qu'il était
laient encore deux traverses de bois enfoncées horizontale bon d'avoir parlout sous la main ? Celle preuve d'habitation
ment dans des trous du côté des chambres , l'assaillant avait ne résulte - t- elle pas aussi de l'existence de celle sorte de
alors à luller seul et dans des conditions évidemment très sanctuaire ménagé au point de jonction des corridors i, k , n ,
défavorables contre toute la famille abrilée derrière l'angle et dont la destination religieuse me semble surabondamment
saillant formé par la galerie et la paroi gauche de la chambre. démontrée par la niche relativement monumentale qui décore
Les moyens d'attaque étaient donc bien inférieurs aux l'enfoncementj, et qui diffère entièrement d'une autre piche
moyens de défense . C'est là sans doute le motif qui, plus visiblement affectée à l'éclairage de la galerie d ; par l'orne
tard , fit inventer l'art d'enfumer ces demeures souterraines, mentation de la voûte et des baies qui s'ouvrent sur ce carré ,
opération cruelle , pratiquée sur la caverne de Léojac, qui par les dentsde loup figurées sur la porte du couloir k et aux
avait l'immense avantage de n'offrir aucun danger pour quelles des savants attribuent la valeur d'un emblème reli
l'agresseur et de luer infailliblement ou tout au moins de gieux ?
mellre en fuite les malheureux ainsi allaqués : ce qui dut On le voit , comme habitation , le souterrain de Léojac est
nécessairement amener à la longue le complet abandon de ce un monument complet; comme simple lieu de refuge, on ne
mode d'habilation , jusque - là si propice à la sécurité de s'explique, entre autres choses,ni la présence du sancluaire, ni
l'homme. le luxe de décoration prodigué dans les galeries voisines des
On a contesté que ces souterrains aient pu être habités , et chambres .

on a soutenu que c'étaient seulement des lieux de refuge . Je La chambre o est la seule dont la voûte offre un soupirail
renvoie le lecteur aux textes nombreux que j'ai empruntés aux propre à l'aération . On y remarque aussi, mais dans la moitié
102

8
6

1 pour 1.
7 8

à 1 pour 1 .

1. Vase noirâtre, très rugueux lant au dedans qu'au dehurs, et fortement micacé, portant sur la panse une ligne creuse ondulée, faite soit avec l'ongle, soit avec
un poinçon taillé dans le genre de l'ongle , et au -dessous deux filets creus tracés irrégulièrement. Il en est de mêmede la ligne ondulée, dont les deux extré
mités, au lieu de se confondre, se prolongeot l'une au-dessus de l'autre.
2. Fragment de vase gris foncé à l'extérieur, noirâtre au dedans, à pâte rugueuse et micacée, et offrant, comme le n • 1, une ligne creuse ondulée de 5 millimètres
dans sa plus grande largeur, et, de plus, des sortes de feuilles gravées en creux et distribuées irrégulièrementle long des ondulations.
3. Fragment de vase gris rougeâtre, à pâte rugueuse et micacée, et portant au - dessus du col quatre files creux tracés sans régularité.
4. Fragment de vase gris-jaunâtre , à pâte rugueuse, micacée et pleine de petites pierres, portant sur la panse une série de filets creux tracés avec la plus grande
irrégularité.
5. Fragment de poterie gris-clair, très rugueuse et très micacée, offrant sur la panse des dessins faits en creux etressemblant assez à des cornes se joignant alternati
vement par la pointe et par la base.
6. Fragment de vase rouge à l'extérieur,mais en partie calciné, et noir intérieurement, rugueux et micace , portant sur la panse une entaille horizontale et trois
entailles verticales, grossièrement et irrégulièremrat tracées .
7. Fragment de poterie noirâtre, très rugueuse et très micacée, offrant au-dessous du col une espèce d'oreillette en relief ressemblant assez à un gland et une ligne
creuse ondulée avec une sorte de feuille semblable à celles du no 2 .
8. Fragment d'écuelle en terre cuite rouge, à påte tendre el légèrementmicacée, dont la surface extérieure est couverte de lies irrégulières.

9. Fragment de vase noirâtre au dehors et gris au dedans, très rugueux et très micacé, percé d'un trou rond , dont le diamètre extérieur est de 7 millimètres etle
diamètre intérieur de 9 millimèires .

10. Couvercle de vase en terre cuite rouge , à pâte tendre et micacée , dontla surface extérieure est couverte de stries irrégulières. La disposition intérieure de ce
couvercle est remarquable en ce sens qu'une fois fixé sur le vase, dont l'ouverture devait nécessairement offiir deux grandes entailles en regard , comme dans
nos théières , le couvercle ne pouvait pas tomber , quelque inclinaison qu'on donnât au vase .
- 104 -

à 1. pour 2 ,

1. Grand fragment de poinçon en os, identique à ceux qui ont été recueillis dans la station de l'âge de la pierre
du Verdier (commune de Montauban ).
2. Bloc de grès à veines rougeâtres ayant servi, sur deux points opposés, de meule à aiguiser . On remarque,sur
la partie raboteuse, quelques stries produites par le tranchant d'un instrument. Ce bloc offre aussi une rainure
large et profonde s'évasant constamment à partir du fond et interrompue par une cassure . Le biseau convexe
d'une bache en pierre s'adapte parfaitement à cette rainure.
pour 1 .
seulement de sa longueur, une retraite pratiquée de chaque chant, ses bords s'évasent de façon à présenter dans la partie
côté, sur la paroi, à la base même de la voûte , qui se trouve supérieure, sur une hauteur de 8 mil seulement, un écarte
ainsi portée un peu en arrière. Celte retraite permetlait ment de 13 mil que remplit exactement, d'après l'expérience
d'appuyer les deux bouts de plusieurs barres de bois où l'on que j'en ai faite, le bizeau convexe d'une hache en pierre.
pouvait suspendre ou poser une foule d'objets et par ce J'ajouterai, en guise de corollaire , qu'on a tout récemment
moyen éviter l'encombrement de la chambre . recueilli, dans le voisinage du souterrain de Léojac , cinq
J'ai dit que les débris recueillis dans la galerie d étaient haches en pierre, dont une , longue de 30 , ne pèse pas
assez caractéristiques pour permettre de fixer l'âge du monu moins de 1 k 100 % .
ment et par suite de tous ceux du même genre que possède le Il est enfin une découverte qui non -seulement vient corro
département de Tarn - el-Garonne . Il suffit, en effet, de jeter borer toutes les idées émises sur la baute antiquité des
un coup - d'oeil sur les poteries pour se convaincre que par leur cavernes artificielles, mais à laquelle s'allache encore un
couleur noirâtre, par leur forme, par la grossièreté de leur puissant intérêt : c'est celle qui révèle le mode d'alimentation
påle mêlée de grains pierreux et quartzeux , et par leurs orne des races primitives. Le placard de la galerie d a fourni des
ments barbares, elles sont identiques à celles qu'on trouve noix de la grosseur d'une noix muscade el des détritus, car
dans les dolmens et dans les stations antéhistoriques , notam bonisés par l'action du temps , de glands et de châtaignes ,
ment à Cazals, à Saint-Antonin el au Verdier, commune de pendant qu'au - dessous on recueillait, dans l'enfoncement
Montauban . Ce serait donc à l'âge de la pierre qu'on devrait contigu aux entailles ff, quelques os d'animaux de pelile taille,
faire remonter la construction denoshabitations troglodytiques. débris probablesdu gibier consommé dans le souterrain , et un
Cette conclusion s'appuie également sur la découverte d'un approvisionnement de grains de petit millet agglutinés et
poinçon en os , tout-à - fait primitif et analogue à ceux qu'a calcinés par l'incendie du barrage. Ce petit millet , différent
fournis la station du Verdier, qui appartient incontestable de celui qui existe aujourd'hui dans nos contrées , se rappro
ment à l'âge de la pierre, sinon à l'âge du renne. che de celui que l'on cultive près d'Ambayrac , dans le dépar
Elle est confirmée, en outre, par la présence, dans la gale tement de l'Aveyron , et dontles paysans fontencore leur pain .
rie d , d'un petit bloc irrégulier el plat de grès à veines rou Si nous nous inclinons avec une respectueuse admiration
geâtres ayant servi de meule à aiguiser . La tranche , d'une devant les monuments que nous a légués la belle antiquité,
épaisseur moyenne de 7c, esl, sur deux points opposés, usée les essais architecturaux de l'homme primitif ne doivent pas,
par le polissage des pièces qu'on y a jadis façonnées . On a malgré leur barbarie , nous trouver indifférents. Ne contien
profité d'un rebord naturel pour pratiquer, à côté d'une des nent- ils pas en germe les progrès réalisés depuis dans les
parties usées, une rainure évidemment destinée, comme dans divers genres d'architecture ? Et puis, n'est- ce donc rien que
le bloc de la Varenne - Saint -Maur que vient de publier de pouvoir, grâce à eux , soulever un coin du voile épais qui
M. Peigné -Delacourt, « à parfaire le tranchant. » Celle rai recouvre l'âge antéhistorique et assister aux pénibles débuts
nure, réduite demoitié par l'effet d'une cassure, a encore 8c de l'humanité ?
de longueur , et, à partir du maigre sillon creusé par le tran DEVALS.
-
- 105

Au moment de terminer cette livraison, nous recevons la note suivante : deux autres tiers, une grande chambre carrée et de longs
corridors. Il est permis d'espérer, d'après les débuts, que le
La Société des Sciences , Agriculture et Belles-Lettres de souterrain des Proats -Hauts nous réserve des découvertes
Tarn - et-Garonne vient de faire rouvrir el fait en ce moment d'une haute importance .
fouiller une autre habitation sonlerraine située aux Proals
Hauts , commune de Léojac , à 700 mètres au nord de celle du
Cros. La découverte de celle caverne artificielle est due à un
chien de chasse qui, lancé à la poursuite d'un lapin , entra
Lors d'une récente visite que j'ai eu la bonne fortune de
avec lui par une des issues et sortit du souterrain par une
faire au souterrain de Léojac , en compagnie de M. Devals, ce
autre issue éloignée d'une trentaine de mètres. Ce souterrain
sympathique savant m'avait fait part des indices qu'il venait de
se compose de deux grandes chambres auxquelles on aboutit
recueillir de l'existence de l'habitation des Proats -Hauts .
par de longues galeries dont le développement dépasse
J'avais été frappé de la judicieuse intuition qui le guidait
60 mètres. Les fouilles ont déjà produit de nombreux frag
dans ses conclusions, et je suis heureux pour lui de l'éclatante
ments de poteries grossières semblables à celles qu'a données
confirmation qu'elles viennent de recevoir.
le sonterrain du Cros , et un poinçon en os identique à ceux
Nos lecteurs s'en réjouiront au nom de la science, car
de ce même souterrain et de la station antéhistorique du
M. Devals a soulevé une des plus intéressantes questions qui
Verdier, commune de Montauban .
puissent nous occuper ; c'est pour ainsi dire loule une civilisa
Les fouilles du souterrain des Proats-Hauts ont commencé
tion inconnue que révèlent les habitations troglodytiques, et
par la plus grande salle , qui est remblayée jusqu'à la nais
désormais le problème que pose leur élude doit vivement
sance de la voûte . Une tranchée pratiquée jusqu'à l'aire a
préoccuper le monde savant.
permis de constater l'existence de trois couches distinctes. La
Le souterrain des Proals- Hauts est la quatre -vingt-deuxième
couche inférieure a 75 ° d'épaisseur , celle du milieu 40 ° , et la des babitations souterraines trouvées ou signalées par M. De
couche supérieure, formée par les éboulements considérables
vals dans le département de Tarn -et-Garonne .
de la voûte , est épaisse en moyenne de 45 ° . L'aire de la salle
Dans le Tarn , M. E. Rossignol en a exploré et décrit quel
est couverte de fragments de poteries noires très grossières
ques -unes .
identiques à celles des dolmens et dont la plupart offrent des
La Haute-Garonne en possède aussi ; j'ai eu le plaisir d'ou
ornements en creux et en relief très remarquables, les petites
vrir et de signaler les deux premières , les seules encore qui
feuilles creusesdu souterrain de Crós combinées avec une bande
aient été indiquées dans le département. Un rapport adressé à
en relief sur laquelle on a oblenu , par la pression du doigt et

y
la Société archéologique du Midi, il a deux ans, contient
par l'étirement de la pâle , une sorte de feston .
une note sur ces souterrains que j'ai explorés , l'un à Caujac ,
Elle offre aussi beaucoup d'ossements d'animaux , que je l'autre à Auterive. Naguère , on m'en a fait connaître deux ,
regrette de ne pas être assez compétent pour déterminer ,
dont l'un aux portes de Toulouse, que je n'ai pu visiter
mais dont la grosseur permet de les attribuer à un animal de
encore ...
la taille du chevreuil. Quelques-uns de ces ossements sont
On peut se convaincre aisément que les souterrains du
taillés de main d'homme. Ces débris ont été recouverts , à une
Tarn , de Tarn - et-Garonne et de la Haute -Garonne offrent
époque très reculée, par une épaisse conche d'alluvion , proba
tous des dispositions analogues , un mode identique d'exécu
blement à la suite de quelque violent orage qui aura entraîné
tion et des caractères généraux parfaitement semblables .
dans le souterrain la Terre délayée de la partie supérieure de
Ce n'est pas d'ailleurs seulement dans le bassin de la
la colline. Il paraîtrait que, longtemps après , l'habitation a
Garonne qu'existent de pareilles habitations ; maintenant que
été occupée de nouveau , provisoirement sans doule, par des
la question est connue, les recherches sont entreprises sur
hommes qui nivelèrent cette première couche d'alluvion . Ces divers points de la France ; lout récemment, le hasard a fait
nouveaux habitants ont laissé sur cette seconde aire les traces
découvrir un souterrain semblable aux nôtres, dans le dépar
de leur passage. Ce sont des poteries gallo - romaines, de cou tement de la Creuse... Jusqu'ici, rien d'absolument significatif
leur rouge, et dont quelques- unes sont d'une grande finesse .
n'est venu résoudre complètement le problème des habitations
Une autre couche d'alluvion vint recouvrir plus tard ces restes
troglodytiques; de l'ensemble des travaux qui se préparent
d'une civilisation autrement avancée que celle à laquelle appar
grâces à lui, résultera , on doit l'espérer, une solution défini
tiennent les poteries de l'aire primitive. Ici la porte est ouverte tive confirmant la théorie du savant el modeste archiviste de
à loutes les suppositions, et l'on peut, sans trop de présomp Tarn - et-Garonne ...
tion , avancer que quelques-uns de ces Aquitains, que Florus
A défaut de données plus positives , ne serait-il pas très
nous montre cherchant im refuge dans des souterrains où
utile d'étudier avec le plus grand soin les dimensions relevées
César les fit enfermer, se cachèrent dans l'habitation tro
dans les souterrains dits troglodytiques ? Peut-être y décou
glodytique des Proats-Hauts et y laissèrent, de leur passage,
vrirail-on une unité de mesures qui deviendrait un indice
les traces que nous venons de retrouver .
précieux pour la dale et l'origine de ces curieux monuments ,
Tels sont les résultats des premières fouilles. Un liers seu
3. DUS N.
lement de la salle est déblayé , et il reste encore à fouiller les

14
- 106

UNE INSCRIPTION INÉDITE DE L'ABBAYE D'EAUNES .

La pierre qui porle celle inscription a été trouvée dans le pas que ces armes n'ont jamais été portées pleines que
jardin de l'ancienne abbaye d'Eaunes, par M. l'abbé Bisard , par la famille de nos anciens comtes souverains, ou par
curé de la paroisse , et transmise par lui à M. A. Figueres, qui, quelques -uns de ses rameaux , les L'Isle -Jourdain entre
absorbé par son travail sur le département de la Haute -Garonne, autres, quimême, d'après quelques auteurs, auraientles pre
m'a abandonné , au détriment du lecteur, le soin d'en com miers pris la croix dite plus tard de Toulouse . Si donc on
menter le texte . trouve ces armes sans brisure sur la pierre de Condors, il en
Il présente une dérogation aux usages de l'épigraphie lo faut conclure que, de près ou de loin , celle -ci appartenait à la
cale pendant le xine maison comtale .
et le xive siècles, en C'est assurément

ce qu'il n'indique par son mari. Il exis


pas clairement le tait au xure siècle
nom patronymique un de Cominia qui
de Condors. Nos EROEDD 2013 porlai! de Toulouse
épitaphes de cette plein .
époque sont, d'or Dans leur vaste

dinaire , plus expli recueil, les auteurs


cites et désignent , del'Histoire générale
de Languedoc ont ,
le plus souvent , la
femme par son pré GIBT:VOJ ODGOED AC D en effel , reproduit
nom et par le nom in sceau à ces ar
de sa famille , qu'el mes , entouré de la

les font suivre des légende s . RAMON


DIDE 11037ROSHRAMO6G ;
noms du mari mort DE COMINIA (Sceaux
ou vivant (1 ) . de la noblesse, n ° 78 ) .
L'absence de l'in VE Ils assignent à celle
DOGOETECTI ENTRA
dication de l'origine empreinte la date de
de Condors n'est ici 1242, et traduisent
la légende par ces
qu'apparente proba ESU OAUDU ac
blement , el Guil mols : RAYMOND DE
laume-Hugues est , COMMINIAC . Dans
sans doute , Cumi leurs tables, ils don
nent comme identi
nhano , du nom de
ques les noms de
son père , et de Cla
A 1/3 Cominhan , Commi
romonte , de celui de
sa mère niac , Comignan ...
ANO : DNI : M : ANNO : DOMINI : M :
La présence sur CCC : Xoll : OBIIT : CODORS : CCC : XII : OBIIT : CONDORS : Il est incontestable
cette épitaphe de la MAT : GVILLELMI : HYGOIS : DE CV MATER : GVILLELMI : HvGONIS : DE CU qu'au xine siècle ,
MINHANO : DE : CLAROMONTE : MINHANO : DE : CLAROMONTE : un de Cominia avait
croix vidée , alésée , DOMICELLI : CVlvs : ANIMA : REQVI
DOMICELLI : CVIS : ANIA : REQV pour armoiries la
cléchée et pomme ESCAT : IN : PACE . ESCAT : IN : PACE .
tée , qui constitue croix de Toulouse ,
L'an du Seigneur mil trois ceut douze , mourut Condors ,mère deGuillaume-Hugues de Cuminhan
les armes de la mai de Clermont, damoiseau : que son âme repose en paix . el puisqu'en 1315
son comtale de Tou on trouve cesmêmes
louse , donne quelque intérêt à ce monument. On n'ignore armes reproduites à côté du nom de Cupinhano, on doit
admettre que ce nom s'applique à la famille que le sceau de
OBIIT DNA HONORIS DE DUROFORTI 1242 appelle de Cominia .
VXORIS DNI CICARDI DE MIRAMONTE . La croix tracée sur le sceau donné par les Bénédictins dif
(Voir le n . 2 , p . 40.)
OBIIT DNA GAILHARDA CONDAM VXOR R. MESCLAIOC . fère un peu de celle de l'épilaphe de Condors, puisqu'elle
(Inédite à Saint-Sernin .) n'est pas vidée ; on pourrait contester que les de Cominia aient
107

réellement porté de Toulouse ; mais l'argument ne serait pas Clermont ont suivi la fortune des comles de Toulouse lors de
acceptable, car le type de celle croix varie sur les sceaux la croisade ; ils furent dépossédés de leurs terres el nomina
même des comtes. D'ailleurs , les de Cuminhano de 1315 pre tivement escommuniés comme hérétiques et comme partisans
nanl bien réellement la croix de Toulouse , à un moment ou de Raimond .
l'usurpation eût été impossible, ils devaient y avoir un droit Les premiers tiraient leur nom du lieu de Cominiano, Cu
indiscutable , et ce droit, ils le tenaient évidemment des de minhano , Cominia , Comignan , aujourd'hui Comigne, dans le
Cominia de 1242. Par suite , ceux-ci appartenaient plus ou diocèse de Carcassonne. Ils furent chassés de leur seigneurie
moins directement à la famille comtale , circonstance qui par Montfort, qui, dès l'année 1215 , en abandonna la majeure
seule explique qu'ils aient porté de Toulouse plein . partie à l'abbaye de Lagrasse . Ces Cominhan se retirèrent
Il demeure acquis que ces armoiries figurent sur l'épitaphe dans le diocèse de Toulouse , où ils paraissent avoir donné
de Condors,du chef d'un de Cuminhano, son mari certainement. leur nom à un domaine aujourd'hui situé dans la commune de
Il se peut qu'elles s'y trouvent, en outre, de son chef, c'est Colomiès, et où ils se seraient perpétués jusqu'au dernier
à -dire qu'elle les tienne aussi de son auteur. Dans notre siècle .
région , au moyen- âge , on représentail d'habitude, sur la Quant aux Clermont, auteurs présumés de Condors, c'étaient
pierre tombale d'une femme, ses armes et celles du mari , probablement les seigneurs de Clermont sur l'Ariége , dans le
quelquefois réunies dans un seul écu el formant un parti , Lauraguais, non loin de Toulouse , et plus près de l'abbaye
souvent séparées en deux écussons, parfois répétées sur plu d'Eaunes, dont ils furent bienfaiteurs, car on trouve , entre
sieurs, selon les exigences de la symétrie décorative ... autres , qu'en 1164 Albert de Clermont donna des pâturages
Ici, trois des quatre angles de la pierre sont ornés d'un écu à Gérald , abbé du monastère. Le fait de la protection accordée
à la croix de Toulouse ; le quatrième manquant, on ignore par les Clermont aux religieux d'Eaunes explique pourquoi
quelles armes y étaient figurées, mais on peut présumer avec Condors a dù choisir leur abbaye pour lieu de sa sépulture et
beaucoup de vraisemblance que c'étaient les mêmes, car la constitue une nouvelle preuve à l'appui de l'hypothèse qui l'a
logique du blason l'indique suffisamment; sur quatre écussons, fait naître de Clermont.
s'il y avait eu de doubles armoiries à représenter , on aurait Eaunes est une commune du département de la Haute-Ga
mis au 1er et au 4e de l'homme, au 2e el au 34 de la femme, ronne, canton de Murel, à 5 lieues SSO . de Toulouse (comme
ou bien , au 1er et au 2e de l'un , au 3e et au 4e de l'autre. le constate M. Figuères , et non à 2 , comme on peut le lire
Les quatre écussons de l'épilaphe de Condors étaient donc dans le Gallia christiana), où existait encore , en 1790 , uneab
à la croix . On peut soutenir que les quatre sont de Cuminhano ; baye de Cisterciens, fondée en 1140 par les seigneurs de Mon
il n'est pourtant pas vraisemblable que siCondors est de Claro laut , et plus spécialement par Guillaume de Montaul- d'An
monte , ses armoiries n'aient pas été figurées à côlé de son doufielle , archevêque d'Auch , issu de sang comtal de Tou
nom ; c'eût été un oubli rare au xive siècle . Deux des écussons louse et de l'Isle -Jourdain . Placé non loin du château de
étant supposés aux armes des auteurs de Condors , il s'ensuit Montaul, au pied des collines qui séparent la vallée de la Lèze
que les de Claromonte , auxquels elle appartenail, portaient de de la plaine de la Garonne, à la lisière d'une forêt encore au
Toulouse plein , commeles de Cuminhano. Ces Clermont auraient jourd'hui considérable , le nouveau monastère prit son nom de
donc été détachés aussi de la maison de Toulouse, et Guillel la grande quantité d'aulnes qui croissaient en cet endroit :
mus Hugo de Cuminhano de Claromonte aurait pu écarteler aux telle est du moivs l'étymologie donnée par les auteurs du Gal
quatre quartiers de Toulouse plein , comme les l’Isle Jourdain lia christiana , qui fontremarquer que le nom latin adopté pour
et pour le même motif, c'est-à -dire par le fait d'une alliance désigner l'abbaye a élé dénaturé en ELNA pour AVLNA. Il ne
portant les mêmes armes que la maison . reste rien des bâtiments claustraux , ni de la première église .
Il est à remarquer que des Cuminban ou Comignan et des B. DUSAN

BIBLIOGRAPHIE .

Recueil des inscriptions chrétiennes de la Gaule, antérieures au VIIIe siècle , recueillies par M. Edmond LE BLANT.
Imprimerie impériale , par ordre de l'Empereur. 2 vol. in - 40 avec planches (1854-65).

« L'une des euvres les plus considérables de l'érudition dans quels lieux de notre sol la foi chrétienne a paru , a
française , le Gallia christiana , réunit les noms, trace l'histoire grandi; dans quelle mesure nos frères ont écouté la voix ,
des hommes qui gouvernèrent et servirent l'Eglise de notre suivi l'exemple de leurs vénérables guides. Interrogée avec
palrie ; à côté de celle liste de pasteurs , inscrire celle des fidè nn soin patient , l'épigraphie peut aider à reconstituer une
les, c'est demander aux monuments antiques en quels temps, part de ce tableau . Telle est la recherche que j'entreprends
108

dans sa partie la plus antique et pour un temps où les données esquisser l'ensemble , car l'analyse en a été faite par l'au
certaines ont trop souvent manqué aux historiens de notre teur lui-même dans une préface qui résume les observations,
Eglise . les lumières inattendues et les conclusions scientifiques à
> Etudiée seule , chacune des inscriptions que je vais ten faire jaillir de son vaste travail .
ter d'expliquer apporte , certes, peu de fails ; mais leur réu Un simple relevé de chiffres indiquera de prime-abord
nion parle d'une voix éloquente , et , mieux peut- être que les l'importance de celui- ci : il a porté sur près de neufs cents
anciens écrits, nous dit les croyances, les secrets instincts, les inscriptions provenant d'un grand nombre de points de l'an
espérances de nos pères. cienne Gaule , grands centres , petites localités ou même
» Moins nombreux que les marbresde Rome, ce grand ber églises isolées. C'est dire qu'une portion du livre doit inté
ceau du christianisme , nos monuments ne leur cédent qu'en resser directement la région méridionale . Pour justifier de
ce point, et les savants de l'Italie ont eux-mêmes rendu hom l'intérèl lout localqu'iloffre pour nous, en dehors de sa valeur
mage à leur singulière valeur. Aucun antiquaire n'a pu abor d'ensemble , autant que pour donner un aperçu de la réparti
der, sous son point de vue dogmatique , l'étude des inscrip lion générale desmonuments étudiés, voici la distribution de
tions chrétiennes , sans mettre au premier rang des textes les ces marbres par provenance de localité , pour le Midi, c'est-à
plus riches en démonstrations , les marbres de notre patrie . dire pour les sept provinces :
C'est ce qu'ont fait Zaccaria , Maffei , Gener , et, depuis eux , VIENNOISE .
notre sol a rendu à la lumière plus d'un monument utile à la
Genève , 3 Arras ,
défense de la foi. La croyance au Purgatoire , à la divinité du

‫ܥܝ‬
1
La Balme, Guilheraud , 1
Christ, à sa présence dans l’Eucharistie , la ferme attente de
Saint-Maurice , 1 La Mure , 1
la résurrection confessée en même temps par la parole et

1
Briord , 12 Valence ,
les figures symboliques, la prière pour les morts avec ses

1
Arandon , Carrières-de-Crussol , 2
formes diverses, l'invocation si rare du Saint-Esprit, celle des 1
Sainl- Laurent- de -Mûre , 5 Toulaud ,
saints près du tombeau desquels venaient se grouper les

1 1
Vézéronce , 1 Charmes ,
sépultures, le Baptême, la Pénitence, l'Extrême-Onction , cer
Grésy , 2 Saint- Julien - en - Quint ,
taines formes de nos liturgies primitives dont les recueils ont

7
Aoste , Die , 3
disparu , la soumission de notre Eglise à celle de Rome, la
Lutinay , 2 Aouste , 2
haute antiquité de votre foi, si diffusion parmi les vieux peu
Saint-Romain - en -Galle , 4 Aps , 1
ples barbares , l'origine orientale de nos chrétientés du Rhône,

1
Vienne , 98 Saint- Thomé ,
le culle de la Vierge , les institutions monacales, la lutte con
Sainte - Colombe , 4 | Viviers , 4
tre les hérésies , la hiérarchie dans l'Eglise s'y montrent, et
Saint- Jean -de-Bournay , 2 Saint- Restitut , 1
avec netteté . Telles sont, dès ce jour et à ce point de vue, les 1
Eyzin , Vaison , 15
richesses principales d'un sol privilégié , dont les antiques sar

hombre
Merlas , Entrechaux ,
cophages présentent, plus souvent même que ne le font ceux
La Côte - Saint- André , Orange , 2
de Rome, l'image symbolique de saint Pierra recevant les clefs
‫ܥܢ‬

Revel- Tourdan , 3 Carpentras , 2


du ciel ..... »
La Terrasse , Venasque, 1

37
Tel est le début de la préface dont M. Edmond Le Blant
‫ܥܝ‬
1

Moirans , Arles ,
accompagne les deux volumes qu'il a publiés sous ce titre :
Grenoble , 3 Berre , 1
Inscriptions chrétiennes de la Gaule , antérieures au ville siècle.
1 1

St-Pierre- de -Chérennes , Marseille , 12


Celle entrée en matière est une véritable profession de foi

1
Andance ? Aubagne ,
que l'auvre ne dément point ; l'auteur , on le reconnaît aisé
ment, était préparé par ses croyances à saisir le sens intime, PREMIÈRE AQUITAINE. 7
1

à deviner les mystiques intentions de certains détails dont Bourges , Coudes,


ne saurait dignement se rendre compte l'érudition réduite à Alichamps , Brives , 1
‫ܥܝ‬
1

ses seules lumières. Qu'on n'aille pas croire cependant que son Le Puy , 2
Vichy ,
1 1

ouvrage se ressente du point de vue auquel il s'est placé, de Limoges , 2 Rodez ,


manière à imposer des conclusions ; il a eu ce mérite et cette Artonne , 4 Pern ,
judicieuse impartialité de ne pas faire de son livre une ma Clermont , 10
chine de guerre, el de laisser au lecteur la facilité de cher
DEUXIÈME AQUITAINE.
cher ses déductions : s'il prodigue les textes , les rapproche
1 1

ments , la saine érudition en un mot, c'est uniquement comme Loudun , Rom , 2

savant et non comme polémiste. Une fois ce caractère du livre Airvault , Saintes , 3
constaté , pour ceux de nos lecteurs que son titre préoccupe Poitiers , Neuvicq -sous -Montguyon , 17
1
‫ܥܝ‬

Gaillardon , 4 Périgueux ,
à lui seul et qui, ne l'ayant pas à leur disposition , nous ont
fait l'honneur de nous demander notre sentiment sur les ten Sivaux , 5 Libourne (environs) , 2
1

Exoudun , Bordeaux , 9
dances qui y dominent , essayons de l'analyser , ou plutôt d'en
109

1
Ste -Croix -du-Mont, 1 Pompeiacum , fidèles, des différences considérables apparaissent entre nos
Vernemetis , 1 Primuliacum , 1 provinces.
Ici, les inscriptions sont antiques ; elles appartiennent ail
NOVEMPOPULANIE .
leurs à une basse époque ; sur quelques points , on les trouve

1
Auch ? Valcabrère , 1 en grand nombre ; sur d'autres, elles sont rares ou manquent
Valentine, absolument... Devant de telles dissemblances, on imagine dif

PREMIÈRE NARBONNAISE. ficilement qu'une condition commune ait apporté la loi dans
notre palrie , qu'une semence jetée en même temps sur un sol

1 1
Villeneuve -lez-Avignon , Truillas , soumis à une même loi ail rencontré des chances si diverses.
‫ܥܢ‬

Toulouse , 10 Rieux ,
Il faut donc chercher ailleurs que dans les traditions et les
Montbazin , 1 Salles , 1
légendes le secret de nos origines chrétiennes .
Minerve , Narbonne , 15
L'école historique n'admet point chez nous un christianisme

1 1
‫ܥܢ‬

Quarante , Mandourel ,
fait « par explosion . )
1 Saint- Lizier (environs) , Avec l'auteur des Actes de saint Saturnin , Sulpice -Sévère ,
Montady ,
DEUXIÈME NARBONNAISE . sept évêques du Nord écrivant à sainte Radegonde, avec Gré
goire de Tours, elle admet, en contradiction avec les légendes ,
1 1

Apt , La Gayole , 2
que la foi se répandit tardivement dans les Gaules; que , par
Antibes , Le Pin , 1
lie de Rome où elle grandil , elle apparut d'abord dans les .
Aix , 5
provinces où la vie romaine avait le mieux pénétré, la Vien
ALPES MARITIMES . noise et la première Lyonnaise . Elle ne prévalut dans le cen
- tre que vers la fin du IVe siècle , el ne conquit le Nord que
Cimiez , 1.
plus tardivement encore. Voilà ce qu'enseigne l'histoire , et
voici en quoi la répartition matérielle des monuments épigra
Qu'on ne voie pas ici une oiseuse nomenclature ; de ces phiques répond à ces données.
chiffres , on peut tirer un premier et très décisif enseigne Les provinces que le Rhône relie à la Méditerranée , la
• ment. première Lyonnaise , la Viennoise surtout, possèdent les mo
On sait combien de discussions ont soulevé les origines de numents les plus anciens et les plus nombreux , et parmi ces
notre Eglise . marbres , les premiers en dale appartiennent exclusivement à
Doit-on admettre , avec Sulpice - Sévère et d'autres, que le des localités voisines de la mer : Marseille , Aubagne, Arles ,
christianisme se répandil tardivement dans la Gaule ? Faut-il, c'est-à - dire celles que durent parcourir d'abord les ouvriers
avec la tradition , faire remonter aux åges apostoliques celle érangéliques. L'antiquité, lenombre , font en même temps dé
diffusion de la foi ? Deux opinions opposées se sont produites, faut dans le centre où la foi ne se développa qu'en second
soutenues avec une même chaleur , un même talent, et le lieu ; il en est de même, dans de bien plus fortes proportions,
débal , que plusieurs ont jugé sans issue, est déjà bien des pour les provinces du Nord , sillonnées par des missions lardi
fois centenaires. ves, et pour celles du Sud -Ouest , où le ye siècle vit un
M. Le Blant introduit dans la discussion l'élément nouveau évêque d'Auch , Orentius, renverser encore des temples et des
de l'épigraphie , dont il ne faut ni s'exagérer , niméconnaitre idules, et les païens de Brives tuer un disciple de saint Martin .
l'importance. Nous ne pouvons suivre ici M. Le Blant dans les ingénieux
A côté des témoignages tenus d'ailleurs pour si contradic développements qu'il donne à l'idée première des conséquen
loires de certains pères de l'Eglise el de quelques auteurs ces à tirer , pour l'histoire des diverses Eglises locales, du nom
profanes, surgit celui qu'apportent le nombre , la distribution , bre des marbres qu'elles ont fournis et de certaines particula
l'âge comparatif des anciennes inscriptions sorties de notre rités habilement groupées par l'auteur ; il est vraiment inté
sol, comme pour nous montrer où el vers quelle époque se ressant d'éludier avec quelle sagacité , à l'aide d'un mot, d'une
formèrent les chrétientés des anciens jours. Exhumés par des formule , d'un symbole , d'un signe plus spécialement employé
fouilles que les besoins de la vie ont étendues partout dans sur un point que sur un autre , il a su constater la physiono
une égale mesure , les monuments ont paru là surtout où la mic propre à l'épigraphie de chaque province el reconstituer
terre les garde en plus grand nombre ; el, parmi les provinces la vie particulière aux Eglises des Gaules dès leur berceau et
qui n'en ont point fourni , il en est, à coup sûr, dont le sol dès leurs premiers développements. C'est dans le livre même
n'en avail que peu reçu ... que nos lecteurs devront, pour leur profil , saisir la filiation
Si l'on s'arrête aux traditions, dont plusieurs datent d'une des aperçus nouveaux qu’y prodigue l'auteur sur celle grande
époque ancienne , l'origine de presque outes nos Eglises re question de l'établissement du christianisme dans les Gaules ;
monte aux ages primitifs. La Gaule , pour ainsi dire dans cependant nous lui emprunterons encore celles de ses conclu
toute son étendue, aurait reçu de saint Pierre, de saint Paul et sions qui intéressent plus directement les régions méridiona
de saint Clément, des ouvriers évangéliques . Et pourtant , les. — A l'aidedes monuments épigraphiques, il établit , dans
---

interroger les monuments originaux laissés par les premiers le bassin du Rhône , la grande voie suivie lout d'abord par le
110

christianisme ; il retrouve à Marseille , à Aubagne, des mar un consul romain , alors que le prédécesseur et le successeur
bres contemporains de la persécution de Marc-Aurèle ; å d'Amalaric suivent un autre système ?
Arles, des inscriptions antérieures à Constantin ; à Voison , M. Le Blant en trouve la raison dans ce fait qu'en 511, Ama
puis vers le Nord , l'Ouest, à Autun , à Paris, à Amiens, à Bain - laric n'exerce qu'un pouvoir nominal ; que le grand Théodo
son , à Bordeaux , à Sivaux , au quatrième siècle seulement , il ric , son aïeul , gouverne de fait sous son nom , et que sous ce
voit apparaitre les épitaphes chrétiennes ; de ces fails , découle prince , qui lient à honneur de les faire revivre, les coutumes
pour lui la confirmation des données historiques quimontrent, romaines deviennent la loi du sol wisigothique , pour disparaî
dans le sud de la Gaule, les premiers pas de l'évangélisation , tre aussitôt que Rome aura perdu de son influence et de son
précédant la diffusion de la foi dans les autres provinces . prestige , sous les faibles successeurs de Théodoric .....
Ceci est un fait général acquis depuis longtemps à l'his Si ce prestige s'efface au point de vue politique, à mesure
toire, et dont l'étude des monuments épigraphiques ne peut que grandit la puissance des rois barbares, il renail pour ainsi
éclairer que certains détails . dire dans des conditions nouvelles , ou mieux , il se perpétue
Une étude d'ensemble de nos marbres chrétiens nous ouvre par une immense modification dans son principe. Quels que
de nouvelles vues. fussent les rapports des peuples et des conquérants de la
Dès la fin du ve siècle , ces monuments fournissent d'im Gaule avec les chefs de l'empire , le clergé gallo - romain vivait
portantes données sur l'état politique du sol. Lorsque les de sa vie propre , se recrulant parmi la race vaincue qui était
royautés barbares se partagent la Gaule , les Francs , les Bour demeurée la race savante, se plaçant volontiers sous l'égide
guignons, les Wisigoths , remplacent les anciensmaîtres ; mais de la loi romaine et se maintenant en relations d'obéissance
l'influence de la grandeur romaine subsiste encore sur quel avec l'évêque de Ronie . Aussi , dans leurs acles , les évêques
ques points, et nos épitaphes semblent permeltre d'en recon restent-ils fidèles au système romain , comme on peut le voir
naître les dernières marques. par les dates de certains conciles.
Les indications chronologiques gravées sur les marbres de On en pourrail conclure à la persistance du vieil usage de
ce temps sont de deux sorles : dates par les consuls , dates daler par les consulats ou les postconsulats dans les pays où
par les rois barbares. Si l'on marque sur une carte de la résidaient ces évêques. Mais les monuments épigraphiques , les
Gaule les lieux où se rencontrent ces diverses mentions , on épitaphes surtout, traduisent plus fidèlement les vicissitudes
voit les dates consulaires se grouper exclusivement dans le de l'histoire locale , et sont de plus sincères témoins de la vie
royaume des Bourguignons , les dates royales chez les Francs politique si troublée des populations, au moment où le chris
et les Wisigoths. » Lianisme se propage et grandit au milieu des ruines de l'em
N'est- ce point là un fait saillant qui porte en soi la preuve pire.....
éclatante de la déférence des Bourguignons pour l'empire à la Ne demander au Recueil des inscriptions chrétiennes de la
fin du ve et du vie siècles, et de l'empressement que mellent Gaule que des solutions de questions de dates et de statis
le Franc et le Visigoth à proclamer qu'ils ont secoué le joug tique, serait singulièrement méconnaître la valeur et l'impor
des Romains et ne veulent plus relever que d'eux-mêmes ? lance de nos marbres . Là seulement se retrouvent des détails
Une carte telle que la propose l'auteur, devient réellement de la vie sociale qu'on ne peut guère connaitre que par l'élude
l'histoire de la plus grande partie de la Gaule , à celte époque el la comparaison d'un grand nombre de ces monuments .
du vie siècle , si obscure el si peu connue, puisque la dale par Plus de 900 inscriptions chrétiennes remplissent nos pro
les consuls représenterait la soumission à l'empire, tandis que vinces . Les épitaphes qui figurent dans ce nombre se répartis
la date par les rois impliquerait déclaration d'indépendance . sent entre 361 hommes et 213 femmes . Une si large différence
On trouverait plus d'une dérogation à cette sorte de loi , résulte de deux causes qui font nécessairementaux hommes la
mais il ne faudrait pas se håler de conclure que le fait part la plus grande ; clle provient du nombre considérable
vient la controuver, car l'anomalie peut n'être qu'apparente , et d'ecclésiastiques dont nos marbres donnentles noms, etaussi,
la recherche éclaire ou révèle souvent des faits peu connus ou selon M. Le Blant , de l'importance des personnages dont
laissés dans l'ombre par les historiens, en sorte que la loi s'en nous possédons les légendes funéraires .
trouve confirmée. Car le nombre des épitaphes est en raison directe de la
Les monuments des Wisigothsnous le montrent nettement, grandeur des morts ; elles nomment plus d'évêques que de
par l’inconstance même de leur système chronologique . prêtres, plus de prêtres que de diacres, plus de diacres que de
Au temps de la domination romaine , les noms des consuls lecteurs.
se lisent sur les marbres de la deuxième Aquitaine, de la pre Parmi les religieux , aux premiers siècles comme aujour
mière Narbonnaise et de la Novempopulanie ; dès l'avènement d'hui, on voit la femme plus prompte que l'homme à se réſu
d'Alaric II ( 484 à 507) , la mention des années de son règne gier dans le sein de Dieu : pour neuf moines , à compter les
y figure seule. Mais une inscription récemment découverte å épitaphes , on retrouve , en Gaule , vingt-quatre religieuses. A
Narbonne marqne l'année 527 par le nom du consul d'Occi côté des humbles noms de ces prêtres, de ces religieux, de
dent, Mavortius. Les Wisigoths sont et demeurent cependant ces ministres de l'Eglise primitive, les monuments épigraphi
les maîtres du pays ; pourquoi celle prétérition du nom d'Ama ques ont conservé des noms et des titres dont la réunion don
laric ? pourquoi, au -delà des limites romaines , celte date par nera comme une notice de l'empire croulant et des royautés
- 114

naissantes , patrices et ducs , comtes , vicaires , questeurs du dans les centres qui ont été les premières étapes du christia
palais, personnages consulaires, soldats el tribuns militaires, nisme en Gaule .
duumvirs passant des honneurs de la curie aux dignités des Cependant, conjointement avec l'emploi du formulaire
cours barbares , etc. païen , semble coincider pour les marbres les plus anciens
Tel est , rapidement indiqué , le caractère des documents celui d'un type de rédaction bien différent, caractérisé par

rares el nouveaux que fournit l'étude de l'épigraphie des pre une grande simplicité , par un laconisme extrême, et qui se
miers siècles, pour l'ensemble de l'histoire de la Gaule , au rencontre fréquemmentaux oatacombes, mais quifait presque

point de vue des faits politiques et sociaux . complètement défaut sur notre sol. Une grande brièveté peut
Quel intérêt plus puissant ils présentent au point de vue donc aussi être considérée comme signe ordinaire d'une ori
gine ancienne ; il en serait ainsi pour quelques rares inscrip
des croyances ! Eux seuls peuvent nous révéler la marche , les
progrès ou les défaillances du sentiment chrétien , et plus tard tions de Vienne, de Vaison , qui ne mentionnent ni l'âge du
du uogme catholique dans ses luttes avec les diverses hérésies ; fidèle, ni le jour de sa mort.

eux seuls-nous font assisler réellement à la transformation du Une sorte de compromis paraît s'être produit en Gaule en
vieux monde dans ces lentes évolutions. tre les deux systèmes, qui a constitué comme une première
période dans le style épigraphique . Les fidèles, rompant avec
Nous ne reviendrons pas sur l'exposé de la valeur de nos
les usages païens, ont continué ceux que n’excluait pas la loi
marbres ; sous ce rapport, M. Le Blant l'a fait éloquemment en
tête de sa préface , et nous avons reproduit ces premières pa nouvelle, et loul en supprimant les souvenirs des liens ler

ges au commencement de cel article . Il nous reste à entrer restres , comme l'indication patronymique , ils ont maintenu
sur les sépulcres , à côté du nom du défunt, les noms de ceux
dans quelques détails au sujet des monuments eux-mêmes ,
qui avaient fait élever la tombe, et parmi se trouve quelque
afin que le lecteur puisse retirer quelques données pratiques
fois le nom du père .
de notre trop incomplète élude.
Vers le début du cinquième siècle , un changement radical
De nos inscriptions , les unes n'ont guère de valeur que par
s'opère dans la rédaction des textes lapidaires . L'usage se
leurs prétentions littéraires ; d'autres, au contraire , conçues en
répand de commencer les épitaphes par le mot Hic . HIC JACET,
vrai style épigraphique, sont plus intéressantes à étudier comme
HIC PAUSAT, HIC QVIESCIT marquent la venue de l'ère nou
témoignage de la marche du christianisme, parce qu'un type
velle qu'inaugure réellement le HIC REQVIESCIT . Puis cette
commun les rallache à certains groupes qui répondent à di
formule va se compliquant, à mesure que la décadence se fait
verses phases bien définies de l'expansion de l'idée chrétienne .
et que les temps s'avancent. On voit successivement apparai
Sur ces marbres se traduit fidèlement l'état des croyances au
tre , vers 469 , AIC REQVIESCIT IN PACE , HIC REQVIESCIT
moment de leur exécution . Dès lors , on conçoit de queile im
BONAE MEMORIAE (473) HIC REQVIESCIT IN PACE BONAE
portance est la connaissance de leur âge : quelques-uns sont
MEMORIAE 488 ) .
datés , mais sur la plupart les marques chronologiques font Vers la fin du ve siècle :
complètement défaut.
IN HOC TVMVLO REQVIESCIT , IN HOC TVMVLO REQVIESCIT
M.Le Blant a recherché quels signes permettent d'assigner,
BONAE MEMORIAE , IN HOC TVMVLO REQVIESCIT IN PACE BONAE
en quelque sorte , un rang chronologique aux inscriptions
MEMORIAE, se montrent comme pour compléter et pour clore
sans date .
la série des formules lumulaires de l'époque mérovingienne .
La manière dont elles sont rédigées , leur formule , le type
D'autres moyens d'appréciation de l'âge d'un marbre chré
des caractères à l'aide desquels elles sont tracées , les signes
tien sont signalés encore par M. Le Blant.
symboliques qui les accompagnent, présentent les éléments DEPOSITIO , suivi du nom au génitif , apparait en Gaule , en
essentiels de cette étude. 334 et en 403.
Il est évident que le vieux formulaire paien n'a pas dû dis RECESSIT , de 347 à 489.
paraitre subitement, que les plus anciennes épitaphes chré DECESSIT , en 378 .
tiennes doivent le reproduire en y apportant à peine quelque OBIIT , de 422 à 630 environ .
modification ; ainsi, l'absence de toute expression chrélienne TRANSIIT , de 466 à 695 .
dans des épitaphes que caractérisent seules des marques exté Au ve siècle , les religieuses sont nommées sur les mar
rieures ; la présence du nom triple , les tria nomina que por bres :
taient les vieux Romains ; une rédaction en un mot conforme DEO SACRATA PVELLA , PVELLA DEO PLACITA , PVELLA DEI,
au type épigraphique païen , sans autre marque de christia PVELLA SANCTIMONIALIS ; puis vient, en 511, pour la première
nisme qu'une parole vague , un symbole des premiers åges ; fois, le mot RELIGIOSA .
enfin , au point de vue matériel , une exécution élégante où FAMVLVS Dei se montre de 449 à 552.
se montre l'habileté du lapicide , constituent pour les marbres BONAE MEMORIAE , de 473 à 689.
des fidèles aulant de signes incontestables d'antiquilé . Du vie à la fin du vile siècle :
Ces détails doivent se rencontrer dans les régions le plus VIXIT ANNOS ... PLVS MINVS , OBIIT IN CHRISTO .
anciennement évangélisées ; aussi les trouve-l- on sur les ri L'alphabet de nos inscriptions présente quelques éléments
ches sarcophages d'Arles, à Aubagne, à Marseille , en un mot , utiles comme indication de date , par la variété des caractères ;
- 112

mais les données paléographiques sont peu certaines, et, pour tique , chargé de si nombreuses signatures à Minerve, et tant
le Midi surtout,demandent une étude spéciale, sinon nouvelle . d'autres marbres précieux d'un intérêt incontestable , n'a pas
Quant aux symboles figurés sur nos marbres, ils se présen encore fourni tous les trésors qu'on en peut attendre .
tent dans l'ordre chronologique suivant : Puisque M. Le Blant a posé une sorte de corps de doctrine ,
L'ancre et le poisson , des premiers temps jusque vers la fin quelque jugement.qu'on prononce sur son ouvre , il importe
du ve siècle ; le chrisme en forme de X , surmonté du rho , de rectifier ou de confirmier ses aperçus... Sa loyauté, nous le
de 377 à 493 .
savons, n'écartera pas la rectification , pas plus qu'elle ne s'em
L'alpha et l'oméga , de 377 å 547. parera de la preuve nouvelle pour la faire sienne , en laissant
La colombe, de 478 à 612 . dans l'ombre l'heureux chercheur.
Le chrisme en forme de croix latine, de 400 à 540 . C'est donc à lui, directement ou par l'entremise de la
La croix au début de la première ligne des inscriptions Revue, que nous engageons nos lecteurs , pour la plupart nos
monumentales , de 445 à 583 . collaborateurs, à faire connaitre les moindres débris d'ins
La croix dans les épitaphes , de 458 à 583. criptions qu'ils pourront découvrir ; le fragment le plus insi
Le vase , vers 450 à 563. gnifiant en apparence peut avoir sa valeur dans l'ensemble ;
La croix au début de la première ligne des épitaphes , nul, plus que M. Le Blant, n'est à même de mettre en @uvre
après 499 à 680 . ces matériaux épars et de leur donner celte valeur, car leur
C'est sur des marbres à date certaine qu'ont élé relevées place est marquée dans le nouveau supplément dont il ne
ces indications, qu'on peut appliqner , par analogie , aux ins saurait tarder à faire suivre son Recueil des inscriptions chré
criptions non datées. Il ne faudrait pas les considérer comme tiennes de la Gaule .
absolues , c'est-à - dire supposer que l'alpha et l'omėga , par
exemple , ne se rencontrent en Gaule , ni avant 377 , ni après
547. De quelques données générales plus ou moins précisées ,
vouloir arriver à des chiffres nets , serail s'exposer peut- être
Qu'on nous permette de recommander la plus scrupuleuse
à d'étranges méprises.
exactitude dans toutes les communications; pour de pareils
Nous ne saurions donner ici le détail des judicieuses consi
travaux , aucun détail n'est insignifiant et ne peut être négligé.
dérations dans lesquelles entre à ce sujet l'auteur du livre dont
En veut- on une preuve locale ? Le recueil de M. Le Blant
nous avons essayé de tracer un aperçu . Il est d'ailleurs impos
reproduit les inscriptions chrétiennes de Toulouse , les unes.
sible d'analyser réellement son travail , parce que tout s'y en
chaîne tellement, qu'il faudrait copier en entier le résumé d'après les monuments , les autres seulement d'après les textes
donnés par M. de Montégut, dans les Mémoires de l'Académie
qu'il en a fait lui-même.
des Sciences de Toulouse 11. III, première série .)
Son recueil consiste , en effel, en deux volumes, où se trou
Or, l'indication des provenances est rédigée de telle sorte
vent reproduits les textes des inscriptions avec des fac- simile
par M. de Montégut , qu'il est difficile , à moins de connaître
remarquables, accompagnés de développements et de commen
parfaitement Toulouse, de ne pas donner , en le prenant pour
laires d'une érudition qui se prodigue volontiers ; ces deux
guide , une indication complètement fausse . En disant que
volumes constituent pour ainsi dire un corps de documents
certaines de nos inscriptions proviennent de Vieille - Toulouse ,
qu'il fallait coordonner et interroger. C'est ce qu'a entrepris
M. Ed. Le Blant, induit en une erreur qu'il ne pouvait même
M. Le Blant dans une préface étendue qui est moins une pré
soupçonner , tranche une question dans un sens inacceptable .
face qu’un livre et un traité d'épigraphie chrétienne, et qui a
En effet , Vieille - Toulouse est un village situé à 12 k . de la
suivi et non précédé l'ouvrage publié en trois reprises .
En nous efforçant de donner à nos lecteurs une idée de son ville ; une opinion , à laquelle nous nous rangeons d'ailleurs ,

@uvre (et dans ce but,nous nous sommes servi plus d'une fois veut que là soit le berceau du Toulouse actuel ; si donc on y
avait trouvé un certain nombre d'inscriptions des premiers
de ses propres expressions), nous avons surtoulvoulu appeler
siècles, on en pourrait conclure qu'à cette époque la capitale
leur attention sur un sujet dont l'importance ne saurait leur
échapper. Ce sujel, M. Le Blant l'a trailé d'une façon qui en des Teclosages n'était pas descendue en entier sur les bords
du fleuve au point qu'elle occupe aujourd'hui, tandis que toutes
fait ressortir la grandeur autant qu'elle met en relief les
les preuves détruisent celle supposition .
rares qualités de l'écrivain ; mais celui-ci pose lui-même cer
taines réserves et attend , des documents nouveaux qui ne peu Pour qui a pu se rendre compte du texte de M. de Monté
gut par la connaissance acquise des lieux , les inscriptions
vent manquer de se produire, la confirmation de ses aperçus
aulant que la révélation de nouvelles lumières . publiées par lui ont été trouvées près de la chapelle de Saint
Son entreprise est donc éminemment collective , car c'est Roch , au quartier Saint-Michel , un des faubourgs du Tou
louse actuel , et par conséquent , dans cette vaste zône de
de tous les points du sol que doivent lui venir les matériaux.
sépultures antiques qui entoure la ville à l'est et au nord -est.
Une région aussi riche que la nôtre en monuments du chris
tianisme primitif , une région qui possède les inscriptions et
E DL'SAN .
les tombeaux chrétiens d'Arles , de Vienne , de Marseille, les
inscriptions wisigothiques de Narbonne, l'autel de Saint-Rus
--

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- 113

TROIS INSCRIPTIONS INÉDITES A SAINT-SEENIN DE TOULOUSE .

A Monsieur le Directeur de la Revue archéologique du Midi. l'avais encore rencontrée nulle part ; elle ne me rappelait que
des souvenirs païens : EXTERAE FAMILIAE ADITVS NON
MONSIEUR , DATVR (1), ou ALIVS HOC INFERETVR NEMO (2 ), et leurs ana
logues. Sous l'impression de cette idée , la formule initiale
Les inscriptions funéraires du moyen -âge , que vous avez OC MONVMENTVM , qui n'est certes pas sans exemple au moyen
publiées dans les premiers numéros de votre Revue , me re âge et qui se lit , entre autres , sur un marbre de votre
mellent en mémoire un échantillon de l'espèce que , sur vos Musée (3), me semblait provenir également de source romaine .
indications, j'ai relevé , l'année dernière , à Toulouse . Il est En un mot , l'auteur de l'épitaphe aurait subi l'influence de
encastré à l'extérieur de l'église de Saint-Sernin , dans le monuments antiques encore debout autour de lui , ou d'une
mur de l'abside , et rédaction traditionnelle
regardant , si je ne calquée à l'origine sur
me trompe, le sud -est . ces modèles.
J'ignore quel intérêt ORDINIVM , postérité,
FOCLITOLEHT
historiqueil peutoffrir , d'après le glossaire de
j'ose même penser qu'il Du Cange (4 ). Ce mol
n'en a aucun ; mais je élail usité dans vos con
E PERVADGIVER
l'ai considéré unique trées ; le Musée de Tou
ment sousle rapport du louse en offre deux

style , et je vous le si BOIB ? SASTS:CISINS exemples , au moins,


gnale à ce pointde vue . celui que j'ai déjà cité
Mes récréations épigra et un autre porté dans
PARENVLLES ENTS ) le catalogue sous le
phiques ont été renfer
mées dans un rayoni n ° 745 : pro se ipsis et
assez étroit pour que corum ORDINIO et suc
je sois exposé à de cessoribus... etc.
naïfs étonnements aus Comment appelez
sitôt que j'en agrandis vous, en français , Pierre
le cercle. Vous jugerez de Inter ambis aquis ?
s'il y a lieu de signaler Entrambeaux ? En
la prétendue variété à traygues ? - La tra
l'appréciation de vos duction des noms pro
lecteurs , et de provo pres latinisés au moyen
quer les réflexions de ceux qui ont l'autorité de l'expérience age est souvent un écueil pour quiconque n'est pas au cou
en ces matières. rant des chroniques locales. Je vous abandonne le soin de
Voici l'inscription : baptiser notre personnage .
J'attribue l'inscription au xie siècle ; les caractères paléo
+ OC MONVMENTV
EST PETRVM DE INTER graphiques permellent d'arriver jusque-là , et le solécisme est
AMBIS AQvIS : CVIVS PETRVM a le parfum de l'époque.
PARS : NVLLI EST : NISI
ORDINIO † EIVS

Je sortais du Musée, où j'avais vu celie autre inscription (1 ) Orelli. Inscr . latin , ampliss . coll. 10 4392.
( 2 ) Jbidem no 4394 .
un pen fragmentée, mais facile à restituer : HEC CISTE | RNA .
est Guil | Lelmi . EBRARDI | ET EIVS OR | DINII. Au fond , ( 3) ... OC MONVMEN | Tym : Est : ADALBerti : | DE sancto : DAV
NINO | ET : BERNARDI Elus | FILII : Cette inscription porte le
ces deux légendes sont identiques : un chef de famille prend
n ° 725 dans le catalogue du Musée de Toulouse .
possession du tombeau construit pour lui et pour les siens .
(4 ) Ordinium , posteritas, idem quod ordinatus.
Cela est très ordinaire , sans doule ; ce qui ne l'est pas, c'est Ordinatus, ordinati, posteri, qui ordine descendunt ab alio.
la formule proliibitive cvivs PARS NVLLI EST NISI..... Je ne Gallice Descendans , et ul liractici nostri loquunlur, Aïans cause.
15
- 114

Abandonnant Pierre de Inter ambis aquis et suivant l'itiné votre Musée , datée de 1321 , quartu die IntROITVS Mensis de
raire que vousm'aviez tracé autour de l'abside, je parvins à la cembris , et le catalogue en porte une autre sous le n ° 800 :
tombe de deux époux , Raymond et Gaillarde Mesclajoc . Deux nona die INTROITVs januarii . .etc. Celte dernière vous est ve
épitaphes y sont placées côte à côte, gravées , ce semble, par nue du Comminges. Je ne trouve pas que l'usage du Mensis
le même ciseau , et peut-être le même jour , quoique le mari intrans et du Mensis exiens cut beaucoup simplifié l'ancienne
ait survécu douze ans à sa femme. supputation par Nones , Ides et Calendes. Sans doute le mois

O :WA DIDEXDI
MODNIAIS

GXI FOCUK LOBODNIEGT

Basis SIDAEUX

B :NEGO TOO QUIS

BEOGS CRUIDROE
RO

PRÜCK DOS
(TER

:
ANNO : DOMINI : Mo : CCCO : XXXIIII : DIE : XIII : ANNO : DOMINI : Mo : CCCO : XLVIO
EXITUS : AVGUSTI : OBIIT : DoMiNA : GA XIIIIO : DIE : INTROITUS
LLARDA CONDAM : VXOR : : IVNII : OBIIT : R
RAIMUNDI : MESCLAIOC : CVIVS : AMVNDUS : MESCLA
ANIMA : REQUIESCAT : IN PACE : AMEN IOC : CVIUS : ANIMA : REQV
PASTER : NOSTER JESCAT : IN : PACE

Style ordinaire et n'était plus divisé qu'en


très connu des épita deux parties, au lieu de
phes du xiye siècle , Trois , mais la seconde
sauf les mots introitus moitié se complail daus
etexitus employés pour l'ordre rétrograde. On
désigner le jour du STUDIO en avait autrement jugé
JIN OSOIT
mois. Cette formule dans vos régions , ou
manque absolument la méthode fut adoptée
UUNIT 3 OB DER
dans l'épigraphie de et longtemps en vi
certaines contrées . Elle gueur. Il y a quelques
pourrait donc être HOUDS NGBOLA mois, j'eus occasion de
quelquefois utile pour parcourir une liasse de
classer topographique soixante - dix parche
JOOTSI SIA :REOL
ment, par voie d'exclu mins des Xile et XIII

sion du moins, des pier siècles , provenant de


res inscrites de proye- , TegomUI DECES
je ne sais plus quelles
nance incertaine. Le archives du Toulou
glossaire de Du Cange , au mot Exitus Mensis , donne comme sain ; un gros tiers était daté de l'introitus ou de l'exitus du
exemple une inscription du cloître de Notre- Dame de la mois. A ce propos , je me demandai si jamais un de vos
Daurade (1 ). A - t-elle élé conservée ? J'en ai relevé une dans lapicides avail poussé l'imitation du style des chartes jus
qu'à la mention du roi de France , du comte de Toulouse et
de l'évêque diocésain , après le millésime; si, par exemple , on
trouvait une inscription lapidaire de l'année 1259 , ainsi
( 1) Lapis marmoreus in claustro B. M. Deauratæ : Anno Domini
datée : Anno Domini Mº CC° Lº XIII° , Lodoico rege, Alfonso
M.CC.LXXXIII . tertia die Exitys mensis junii, obiit domina Ancelina soror do
mini Petri de Castro novo , pro qua fit officium , etc. tolosano comite , Raymundo episcopo . Ce n'est pas probable ; la
A15

formule est bien lonçue pour un subjectile aussi résistant que laume Taillefer el de Raimond-Bertrand . Comme le fail remar
le marbre ; mais comme dans tous les temps les idées origi quer M. ***, cette inscription a été lue d'une étrange manière
nales se sont fait jour , ce ne serait pas impossible. par plusieurs auteurs. Catel (Histoire des comtes de Toulouse ,
Permellez -moi, Monsieur , une dernière observation ; je ne p . 110 ) la reproduit ainsi :
quilte pas Saint-Sernin . Vous connaissez l'épitaphe de Guil
laume Taillefer , placée à l'angle du transept méridional. HIC REQUIESCIT WILLELSIUS COGNOMINE
TAILLAFER COMES TOLOSAE ATQUE
RAIMUNDUS BERTRANDI
HIC REQUIESCIT WILLELVVS
COMES COGNOMINE TALIAFER
ATQUE RAIMUNDVS BERTRANDI L'Histoire générale de Languedoc dom Vaissele ) renferme une
copie assez inexacte comme forme des lettres, el qui porte ces
Elle a subi de graves détériorations, cependantil me parait mols : ( COMES T ° Lº N °MINE , etc. ) M. de Castellane n'a
impossible qu'on ait jamais dû lire à la seconde ligne COMES guère reproduit que la gravure des Bénédictins. Nous nous
TOLOSANVS NOMINE TALIAFER , comme portent les leçons sommes efforcé d'être plus fidèle copiste que nos devanciers,
données par les historiens de Languedoc ou M. Du Mège , leur et nos lecteurs pourront conslater l'exactitude de la leçon

DIE BESESI WEET

PEMESECIBO DIETAN
6

continualeur, et par M. de Castellane ( 1). J'ignore si celle nouvelle par l'inspection de notre fac-simile , fail d'après un
erreur a été déjà rectifiée ; mais , en tout élal de cause , le double estampage et vérifié sur la pierre même.
monumentmérite un fac-simile meilleur que les précédents et D'après les chroniqueurs , le Guillaume mentionné dans
tel que vous savez les faire . Réservez-lui quelque jour une celte inscription est le troisième comle de Toulouse de ce
place dans votre publication . nom ; il mourut vers 1037 el fut enseveli dans le cimetière de
Veuillez agréer , Monsieur , l'assurance de ma parfaite con Saint-Sernin ... Raimond -Bertrand n'a pas laissé de trace dans
sidération et des voeux que je forme pour la prospérité de la l'histoire. On suppose qu'il était pelil- fils de Guillaume par
Revue archéologique du Midi. Bertrand , 6ls ruiné de celui-ci.
UN DE V. SABJIN'S
Nous publierons prochainement les tombeaux que l'on croit
Perpignan , le 18 juin 1866 . élre ceux où ils furent inhumés.
D'après M. " , l'auteur de l'épitaphe de Pierre de Inter am
bis aquis (u’Entrayguez ?) « aurail subi l'influence de monu
ments antiques encore deboul aulour de lui, ou d'une rédac
Pour répondre à l'invitation de l'éminent el par trop mo
tion traditionnelle calquée à l'origine sur ces modèles. »
deste épigraphiste auquel nous devons l'article précédent ,
Celle supposition n'a rien que de très rationnel, et comme
nous donnons le fac-simile de l'épitaphe , du titulus de Guil preuve analogique nous reproduisons un marbre trouvé à
Toulouse , en 1863, dans la prairie des Filtres (pré de sancto
( 4) Mėm de la Soc. du Midi, l. III, p. 62 et planche 11, nº 2 . Petro) . Il est actuellement au Musée de la ville ; le dernier
116

catalogue le classe sous le n ° 15 et lui consacre le paragraphe séparables du lombeau et devenaient inaliénables comme lui
suivant... « Ce bloc faisait partie de la base d'une statue sous le nom de terrain allenantau sépulcre area cedens sepul
, dont les deux pieds ont laissé des traces parfaitement visi chro ). Aussi dans les épilaphes indiquail-on soigneusement ces
» bles ; les caractères de l'inscription , très réguliers , ont dépendances et leur contenance ; le possesseur se les réservait
> 0 mèt. 10 centim . de hauteur. Une petite feuille de lierre pour lui seul, les exceplait formellement de son héritage et dé
» est gravée au milieu de la seconde ligue. - (?) clarait ne pas vouloir qu'elles fussent morcelées ni vendues ;
en un mol , le mort se réservait la possession indéfinie du mo
HOC MONIMENTVM HAEREDEM nument (monumentum ) avec l'hypogée (cum hypogeo, s'il y en
NON SEQVITVR NEC HAEREDEM HAEREDIS avait un , et les autres dépendances (area cedens, etc.).
L'inscription qui nous occupe nous semble une sorte de
» Ce monument n'appartient pas à l'héritier immédiat ni à formule de concession à perpetuité faite au mort pour lui seul,
ses héritiers. indiquée d'ordinaire par lui de son vivant; elle constate la
» Celle formule , qui se relrouve assez fréquemment dans réserve formelie en sa faveur de l'absolue propriété de son
» les inscriptions sépulcrales , avail pour but de déterminer sépulcre , quel que dùt être plus tard le possesseur du fonds .
► les limites du droit de sépulture concédé personnellement à Que ce fondsappartint au possesseur du tombeau ou que l'em

EMONIMENT

INS NHH

4/6

» un particulier dans un terrain qui ne lui appartenait pas , placement de celui -ci eût été acquis du propriétaire du ter
» et de garantir le propriétaire du fonds contre loule prélen rain , l'héritier du mort n'avail aucun droit sur le tombeau, pas
o lion des héritiers du défunt. Le jurisconsulle Gaius dişlin plus que l'héritier du vendeur .
» guenettement des tombeaux de famille, familiaria sepulchra , De même qu'aujourd'hui on inscrit sur les monuments fu
» où le chef de maison se faisait enterrer avec lous les siens , nèbres les mots « concession à perpéluité » pour attester un
• » les tombeaux héréditaires , hereditaria sepulchra , que le dé droit, de même les anciens gravaient sur les leurs le texte
» funt avait fail préparer pour lui-même et pour ses héritiers. consacré quiassurait légalementau mort la perpétuelle posses
» (Digeste, XI, litre 7 , de religiosis et sumplibus funerum .) sion de son tombeau . Celle réserve n'avait aucun rapport avec
Les croyances des anciens leur faisaient attacher une impor les prétentions que pouvaient élever les héritiers sur le fonds
tance absolue à l'accomplissement du rituel funéraire , et plus environnant.

encore à l'inviolabilité des tombeaux . La loi romaine déclarait La faculté de rendre inaliénable un lieu de sépulture entrai
sacré (religiosus) tout lieu de sépulture , et certaines de ses nait celle de désigner les personnes que le possesseur y voulait
dispositions en assuraient, au besoin , l'inaliénabilité . admellre exclusivement... Aussi les épilaphes antiques abon
Bien plus, elle ne prolégeait pas seulement le tombeau , dent- elles en formules spéciales .
mais encore ses dépendances, qui étaient regardées comme in L'inscription conservée au Musée de Toulouse témoigne de
- 117

l'adoption du formulaire romain par les Tolosates , dès les pre croyance à la sanctification du mort par le seul fait de son
miers temps du haut empire , et confirme l'opinion de M.*** sur voisinage d'une dépouille sainte, croyance qui renferme à elle
la persistance de son emploi pendant le moyen - âge. seule toute l'idée catholique, c'est-à - dire le dogme de la com
Le HOC MONIMENTVM antique se retrouve dans le oc MONY munauté et de l'efficacité des prières entre l'Eglise militante
MENTUM du xie siècle , et quant à la phrase « cvIVS PARS et l'Eglise triomphante, le moyen -âge avait fait abstraction
NVLLI EST ) que le christianisme primitif n'eût peul- être pas d'un sentiment caractéristique de la deuxième période du
adoptée , les lapicides loulousains du moyen -âge ont pu très christianisme primilif. Celui-ci, considérant essentiellement la
probablement la copier sur quelque marbre antique encore en vie comme une épreuve , ne voulut songer qu'à la vie vérita
place de leur temps. ble ; aussi ne jugea -t -il plus utile, à une certaine époque, de
Pour les tombeaux placésautour de l'église de Saint-Sernin , rappeler les liens mortels sur les tombeaux. Dès les premiers
l'exclusion des étrangers était d'autant plus importante , que jours du moyen -âge, on en était revenu depuis longtemps aux
c'était un privilége très envié à l'origine et longtemps réservé préoccupations du monde païen au sujet des liens de la
aux familles nobles de se faire enterrer le plus près possible de famille, de ses souvenirs et de ses affections terrestres au -delà
la cryple où reposait le saintmartyr . Un chef de maison devait de la mort. Ce retour aux idées antiques , relativement aux
jalousement réserver l'étroit espace qu'il avait pu obtenir près sépultures, fit adopter aisément les dispositions et les formules
de la lombe vénérée, pour la sépulture de ceux de sa race ou de la législation antique . Nous croyons en trouver une preuve
des substitués (aïans cause ). dans les deux inscriptions que nous avons reproduites .
Tout en obéissant à un sentiment exclusivement chrétien , la B. DUSAN

ÉTUDE SUR L'HISTOIRE DES INSTITUTIONS SEIGNEURIALES ET COMMUNALES

DE L'ARRONDISSEMENT DE GAILLAC (TARN ).

(Suite.)

Les seigneurs de paréage concouraient tous à l'exercice nommé en commun par eux , rendait la justice . Ailleurs, il
de la justice et à la nomination des officiers. A Labessière , n'en était pas ainsi. A Aussac , chaque seigneur eut , du xirº
où le roi et l'abbé étaient coseigneurs , ce dernier , par au xvire siècle , son juge particulier pour la partie de la juri
convention spéciale, nommait le juge de paréage auquel le diction qui lui appartenail en propre, suivant le partage qu'ils
sénéchal de Carcassonne devait donner les lettres de provi en avaient fait ; plus tard , un seul officier administrait toute
sion . Là, le roi avait cédé à l'abbé, en engagements, sa por la commune , et il étail nominé alternativement par chacun
lion de droits. Il n'en était pas ainsi à Gaillac . Le roi en était des deux seigneurs . -- A Cestayrols , la seigneurie avait été
devenu seigneur pour les trois quarts , landis que l'abbé ne divisée , dès le milieu du xve siècle , en deux parts , dont une
l'étail que pour un quart, et la justice élait rendue par le juge ful encore subdivisée, en 1530, en deux parts inégales :
d'Albigeois, au nom du roi et de l'abbé . En 1388 el 1422 , il 2 douzièmes 1/2 d'un côté , et 7 douzièmes 1/2 de l'autre ;
fut convenu que l'abbé aurait le droit d'exiger le serment du mais le possesseur de cette dernière acquit la première moilié
juge de Gaillac, et au xvije siècle, après plusieurs procès , un de la justice et se trouva ainsi avoir 21 portions 1/2 sur 24
arrêt définitif du parlement d'Aix (1653) le maintint dans la de l'entière seigneurie . Un arrêt de la Cour , en 1666 ,
seigneurie effective de Gaillac pour un quart , ordonnant au ordonna que la justice serait exercée au nom des deux sei
juge de prendre de lui ses provisions , de lui prêter sermeat , gneurs ; et ceux- ci , deux ans après , réglèrent entre eux que
et dans lous les actes, écrits et proclamations, de se titrer de sur 48 années , elle serait rendue pendant cinq années, savoir :
juge de Gaillac , de la part du roi , pour les trois quarts, et de les 100 , 200 , 300 , 40e et 48 °, par les officiers de celui qui
la part de l'abbé de Saint-Michel pour l'autre quart. Le lieu n'avait que 2 portions 1/2 sur 24 , et pendant les autres , par
tenant du juge et les autres officiers de justice devaient aussi les autres officiers du seigneur . Celte alternative , dans
prendre leurs provisions de l'abbé . — A Bonneville ( Fayssac), l'exercice de la juridiction entre les coseigneurs , était aussi
en vertu d'une convention très ancienne entre le roi et le pratiquée , à Beauvais , au commencement du xvire siècle. La
coseigneur, le juge d'Albigeois administrait la justice au nom justice appartenait en celle commune : au roi pour les deux
des seigneurs de paréage. tiers , et au marquis de Tauriac pour l'autre tiers , et était
Dans ces localités , un seul juge , au nom des coseigneurs et exercée deux années de suite par les officiers de Villelongue
118

au nom du roi, et l'année suivante, par le juge nommé par le ordonnance , n'obtint qu’un délai de deux ans pour s'y con
sieur de Tauriac. Pareillement, les élections consulaires, qui former . Les juges ne devaient pas être natifs de ces lieux et
étaient dans les altributions du seigneur, étaient failes deux ne pouvaient y contracter mariage , vi y acquérir des biens ,
années par le juge de Villelongue, el la troisième par le mar mais il fut déroge plus d'une fois à ces prescriptions. Le juge
quis. Nous disons que la justice de Beauvais était divisée en chef eut des lieutenants e! le procureur en chef des
entre deux coseigneurs , mais nous faisons abstraction des substituts dans les différents siéges du ressort ; les attri
droils que d'autres prétendaient avoir et qui fournirent le butions respectives des uns et des autres furent réglées
sujet d'un procés qui dura , avec des phases diverses, pendant en 1586. Ainsi le juge en chef , quand il était présent dans
près de deux siècles. Le liers appartenant au sieur de Tauriac un des siéges , primait toujours le lieutenant particulier
s'était divisé entre plusieurs enfants, et plusieurs parts furent atlaché à ce siége ; la distribution des procés se faisait à
vendues encore par portions; le plus grand nombre , avec le chaque siége, de quinze jours en quinze jours, par le juge en
temps, finirent par se réunir en une seule main , mais il en chef ou son lieutenant, en présence du procureur du roi et de
resta encore quelques- unes , de sorte qu'au siècle dernier un quatre avocals. De ces procès , le juge en prenait un par préci
nouveau seigneur , s'appuyant sur des tilres authentiques , put, el après avoir divisé les autres en lots égaux, en choisis
revendiqua 2 onces 1/2 du tiers de la justice de Beauvais. sait un . Celle distribution et le jugement ne pouvaient se faire
Nous ne faisons qu'indiquer le procès et signaler cette divisi qu'au consistoire , où , suivant une prescription d'un arrêt de
bilité de la justice considérée comme un immeuble ordinaire . 1604 , « les juges devaient se trouver , en habils décents et
Quant aux seigneuries possédées en seul , soit par des sei convenables, à jour et heure fixes. Cet arrêt porlait encore
gneurs particuliers, soit par le roi, la justice était exercée par que sous aucun prétexte les habitants ne pourraient êlre dis
les officiers qu'ils nommaient. La création du juge apparte Irails de leur siége .
nait exclusivement au seigneur, et celui qu'il nommait , habi Les juges prenaient une part des amendes , car leur traite
luellement avocal el non résidant dans la localilé où il élait ment étail insignifiant et le plus souvent nul. Le juge en chef
appelé à exercer, prêtail serment et se faisait installer par un de la judicature d’Albigeois ne recevail , en effet , en 1663 ,
des avocats anciens attachés à son siége . -- Les seigneurs jus qu'une somme fixe de 80 livres, et l'abbé de Gaillac, qui don
ticiers, suivant l'exemple du roi, érigèrent en litre d'office les nail à la même époque , au juge deMontels, une rente de 4 se
charges de justice. L'office de juge de Cestayrols fut acheté , liers de blé et 2 pipes de vin , déclarait que c'élail seulement
en 1620 , pour 800 liv. , et celui de greffier , pour 750 . à titre d'indemnité pour ses frais de déplacenient , ct non
Les nombreuses seigneuries dépendantes du roi furent comme traitement. Les coseigneurs contribuaient aussi au
classées en judicatures, ayant chacune un juge particulier et paiement du modique traitement du juge. Aussi, à Bonneville ,
plusieurs lieutenants , et dans la suite plusieurs siéges avec où le roi avait la moitié de la justice, l'un des coscigneurs qui
leurs officiers propres. L'étendue de l'arrondissement de n'en avait que 2 onces 1/2 donnait au juge d'Albigeois
Gaillac comprend trois portions de judicatures : d'Albigeois, 1 livre , et celui qui en avail 9 onces 1/2 donpail 5 livres ; à
de Terre - Basse d'Albigeois et de Villelongue . Cette dernière Cestayrols , le seigneur qui n'avail que 2 parties 1/2 sur 24
complait les quelques localités du diocèse de Montauban qui donnail au juge 1 setier de blé.
furent unies au département du Tarn , el dépendant des siéges Indépendamment des fonctions judiciaires , ces magistrats
de Villemur et de Buzel. Celle de Terre -Basse d'Albigeois, avaient des devoirs administratifs, la présidence des élections
qui embrassait la plupart des lieux appartenant au comte de consulaires , la réception du serment des consuls et l'examen
Comminges et au roi entre le Tarn et l'Agout, avait primitive des comptes de leur gestion , de sorte qu'ils jouissaient d'une
ment Cadalen pour chef- lieu ; elle fut divisée ensuite en grande considération . Le roi érigea leur charge en litre d'of
quatre siéges , dont deux , Cadalen et Giroussens, renfermés fice. En 1643, Roch de Paule céda son office de juge en chef
en tout ou en partie dans l'arrondissement. La judicature à Roch de Druilhel pour 18,000 livres. La charge de lieute
d'Albigeois comprenait lous les lieux sur la rive droite du nant fut aussi érigée en titre d'office , en l'année 1666 ; à Gail
Tarn relevant du roi; et ses principales villes , Gaillac,Cordes, lac , elle fut vendue à Jean Cousin pour le prix de 6,000 livres,
Rabastens et Lisle formaient autant de siéges dont nous au mais elle ne fut estimée , en 1708, dans sa succession , que
rions à parler si les bornes de ce travail permettaient de 2,500 livres, « par suite du peu d'avantages qui revient au
reproduire ici les détails donnés ailleurs. Contentons-nous jourd'hui aux possesseurs des offices des siéges royaux , des
des considérations générales suivantes : charges dont le roi accable ces offices , des grandes obligations
Le juge en chef résidait à Toulouse dans le principe et allait auaquelles ils sont sujets, très honorables mais peu lucratifs ,
annuellement tenir ses assises dans les principales villes de moins par la misère du temps et diselle des affaires que par
son ressort ; mais il se dispensait souvent de faire sa tournée , la création des nouveaux offices de robe courte et de robe
et les affaires étaient en souffrance suivant les plaintes éner longue qui déprécient les anciens et avilissent en quelque
giques qu'adressèrent au souverain , en 1351 , les habitants de sorle la robe . » Le roi aliénail aussi parfois des seigneuries
Lisle el de Rabastens. La résidence des juges royaux dans les de son domaine , et par là diminuait l'étendue du ressort ad
lieux de leur administration fut rendue obligatoire , en 1442 , ministratif de ses officiers . Ceux- ci, lors de ces cessions, exi
par Charles VII ; et le juge d'Albigeois, qui réclamacontre son geaient une indemnité des acquéreurs. En 1687, le roi ayant

-
119

engagé son domaine de Beauvais , et l'engagiste n'ayant pas avec l'assistance de notables , le droit de faire la création
indemnisé le juge de Villelongue qui y rendait la justice, celui consulaire qui serait ainsi oligarchique ; de l'autre , le peuple
ci continua s's fonctions bien longtemps encore après cette fait l'élection mais seulement des candidats , car le roi a seul
date ; en 1698 , lorsque le roi vendit le tiers de la terre de le choix des consuls. – A Saint-Urcisse, il n'est pas ques
Saint-Urcisse, les officiers de Buzel reçurent une indemnité tion , dans la charte de fondation (1256) , du mode de nomi
de 177 liv. 10 s.; et plus tard , en 1725 , quand il engagea la nation consulaire ; celle de Labessière ( 1255 ), qui émane des
seigneurie de Puicelsi, les officiers de Gaillac eurent 200 liv . religieux de Candeil , attribue la nomination des consuls au
d'indemnité. seigneur, mais au su et volonté des habitants.
Tel fut le caractère des élections au milie siècle . Dans le
Xive, le roi retourna vers l'oligarchie, et les seigneurs s'allri
§ 2. ADMINISTRATION MUNICIPALE . buèrent le choix des consuls sur une liste de candidats en
nombre double qu'il ne fallail d'officiers , présentée par les
1. - Des consuls et de leurs attributions ; nombre des consuls ; villes . Deux procès - verbaux d'élections consulaires , en 1316
mode de nomination , préséance ; incapacités , des maires , des et 1333 , à Castelnau de Montmiral, nous montrent le juge
conseillers et syndics ; du serment des consuls ; sceau ; livrées ; recevant , au nom du roi , des mains des consuls , un papier
des communautés ayant des jurades sous leur dépendance. cacheté contenant les noms des huit personnes qu'ils propo
saient pour les remplacer ; il l'ouvrait en présence du procu
Nous ne savons rien sur le mode de création des consuls reur du roi et des prud'hommes , el choisissait quatre de ces
pendant les premières années qui suivirent leur institution , personnes qu'il proclamait consuls après leur avoir fait prêter
soit dans les villes de fondation ancienne qui furent émanci serment. Beauvais, fondé en 1342, eut six consuls, dont deux
pées dans la seconde moitié du xile siècle , soit dans celles qui nobles, institués aussi par le juge ; au Verdier, séparé avec
furent fondées dans la première moitié du xurº. Il est à croire Saint- Bausile et autres lieux , de Cahusac en 1327 et 1359 ,
que tous les habitants notables , les prud'hommes possesseurs les consuls en exercice présentent aussi des candidats sur les
d'immeubles et les artisans aisés, durent y prendre part, à quels le choix est donné au juge ; enfin à Roquemaure , les
l'exclusion des seigneurs justiciers. Les termes du serment consuls élisaient (1395 ) six prud'hommes, desquels le juge en
que les consuls de Gaillac prétaient en 1231 , n'apprend rien prenait trois pour être consuls. Cependant, on peut inſérer
au sujet de leur nomination . La charte de fondation de Cor des termes de l'acte de 1327 , que les consuls , avant de pré
des, en 1222 , nementionne pas les consuls ; il dut y en avoir senter leurs candidats , devaient prendre l'avis du conseil et
cependant dans celle ville dès ce moment même, mais le des notables. En effet, les lieux du Verdier el de Bausile , de
règlement de leur élection n'eut lieu que plus tard , après que la commune de Cahusac, érigés en baillie , ont droit de pré
le roi de France en fut devenu seigneur. senter chaque année , au choix du juge , deux prud'hommes ,
Le comle de Toulouse et les autres seigneurs n'interve dont l'un devait être consul de Cahusac, mais celle présenta
naient pas dans les élections consulaires et se contentaient du tion devait être faite par les habitants de ces localités.
serment de fidélité que les consuls prêtaient entre leurs En 1358 , le roi, avons-nous dit, avail posé en principe que
mains , mais le roi de France, successeur du comte , se réserva tous les consulats étaient sous sa seigneurie immédiate . En
le choix des consuls sur une liste de candidats dressée par les vertu de ce principe , il réduisit, en décembre 1389 , à quatre
municipalités. Ainsi, d'après les chartes , à Penne 1253), tous les consuls des villes qui dépassaient ce chiffre. Son or
a les consuls en charge éliront chaque année quatre pru donnance fut immédiatement exécutée , et la nouvelle nomi
d'hommes pour être consuls , et ladite élection sera donnée nation faite à Cordes le 19 janvier suivant. Dans plusieurs
au juge ordinaire ; » à Laguépie , « les prud'hommes arbitres villes du Languedoc, les consuls obtinrent de retourner à leur
éliront chaque année , à la Madeleine, six arbitres qui jureront nombre primitiſ, mais ceux de l'arrondissement ne furent pas
és -mains du seigneur , de son procureur ou du bailli, d'être aussi heureux , et dès ce moment il n'y eul plus que quatre
bons et fidèles en les affaires de leur charge , et bons et fide consuls , là où il y en avait eu six et même huit.
les au seigneur ; » et à Montclar (2267) , « les consuls éliront Dans le siècle suivant, il s'opéra dans la constitution consu
d'autres consuls bons , légitimes , catholiques et fidèles sans laire des modifications d'un autre ordre.
aucun soupçon et cause de récusation , et les élus seront pré Les consuls, dans le principe , n'avaient sans doute entre
sentés au seigneur ou au bailli qui leur fera prêter serment. » eux aucun rang de préséance, si ce n'est peut-être lorsqu'ils
Ecoutons maintenant le roi qui règle , en 1282 et 1288, l'or étaient nommés par les habitants , celui qui venait de leur
ganisation municipale à Cordes el à Rabastens : « Les con nombre respectif de suffrages. Ils étaient pris indistinctement
suls, avec l'université ou la majorité des habitants , nomme parmi les habitants nobles et prud'hommes , pourvu qu'ils
ront, suivant l'usage , douze personnes capables , dont quatre fussentcapables, et, commele dit la charte de Montclar , « bons ,
nobles, el sur celle liste, le sénéchal ou son lieutenant en légitimes , catholiques et fidèles, » ou bien encore , suivant
choisira six, dont deux nobles qui seront les consuls de l'an celle de Rabastens, qu'ils ne fussent hérétiques ni usuriers.
née. » On voit la différence entre les deux modes de nomina Il n'y avait pas alors d'autres causes de récusation . Les bour
tion . D'un côté , les consuls en charge ont exclusivement , ou geois et les chevaliers pouvaient être indifféremment con
120

suls. Mais bientôt les nobles ne furent plus admis dans le alternativement dans chacune des quatre paroisses de la com
consulal qu'en nombre limilé , et à la fin du xiure siècle, le inune .
roi sanctionna cette coutume. Les consuls de Cordes el de Le rang de préséance des consuls fut aussi alors fortement
Rabastens furent pris, dans la proportion du tiers , dans la agité , et il demeura réglé que , dans les quelques villes qui
classe noble . Il en fut sans doute de même à Gaillac . Après avaient qualre consuls, le premier serait toujours un gentil
avoir déterminé le nombre des consuls nobles , on en vint homme, pour celles qui avaient conservé la noblesse dans
bientôt à restreindre leurs pouvoirs, qu'on finit mêmepar leur cetle magistrature , ou bien , comme à Gaillac , en exécution
enlever en entier. des arrels de 1608 et 1609 , gentilhomme ou avocal ; que le
Déjà , en 1309, les consuls non nobles de Cordes furent auto deuxième serait un avocat ou un bourgeois , le troisième un
risés à garder entre leurs mains le sceau , à l'exclusion des marchand ou un notaire , el le quatrième on paysan, un arti
consuls nobles , et enfin , en 1342, il est formellement déclaré, san ou un cultivateur. Dans quelques autres villes, le premier
dans la charte de Beauvais,quelesdeux consuls noblesn'auraient consul était un avocal ou un bourgeois , le deuxième un mar
aucune part dans la juridiction . L'ordonnance royale de 1389 , chand on chirurgien , le troisième un boulanger ou un mé
qui réduisit à quatre les consuls des villes , ne dut permettre nager de son bien , et le quatrième un paysan ; quelquefois,
la création que d'un consul noble ; quelques villes s'affranchi les deux derniers devaient être pris parmi les paysans ou gros
rent , à celle époque, de l'obligation de prendre un consul laboureurs. – La constitution de Lisle , de l'année 1636 ,
noble, qui n'avait aucune autorité dans l'administration , et altribue au premier consul la connaissance des affaires de po
supprimèrent sa place ; elles n'eurent ainsi , nominativement lice et de justice, la tenue des conseils et de toutes les assem
et de fait, que trois consuls. Roquemaire , en 1395 , n'avait blées publiques ou particulières ; en son absence , les autres
que trois consuls ; on peut attribuer l'origine de ce chiffre consuls , suivant leur rang, remplissaient ses fonctions. Tou
anormal aux considérations précédentes. - Les nobles repro jours les fonctions consulaires ont été très considérées. Dès
duisirent, à la fin du xvie siècle, leurs prétentions de faire le principe , à Gaillac , ceux qui en étaient revélus élaient
partie du consulat dans quelques-unes des villes où ils en exempts de tailles et n'étaient pas justiciables des juges ordi
avaient élé rayés ; mais ils ne réussirent pas , et à Montniiral naires . En celle ville , à Rabastens el à Lisle , le consulat don
notamment, en 1594 , ils furent condamnés dans le procès nait le titre de bourgeois .
qu'ils eurent à ce sujet avec la ville . Les incapacités pour la charge consulaire , vaguement for
Les choses étaient en cet état au xve siècle, lorsque les ha mulées par quelques coutumes , mais plus clairement par
bitants des différents quartiers d'une ville voulurent avoir d'autres qui excluent, comme il a été dit, les héréliques et les
leurs consuls particuliers, prétentions qui servirent de pré usuriers , se trouvent étendues , au siècle dernier, à tous les
lude à celles que formulèrent presque aussitôt les populations magistrals, aux agents comptables , aux condamnés pour
- crime, aux parents, jusqu'au degré de cousin germain inclu
des campagnes , d'abord timidement et puis avec force .
L'ordonnance royale de 1327 , qui prescrivit qu’uu des con sivement, des consuls en exercice ; elles frappaient aussi les
suls de Cabusac serait pris annuellement parmi les habitants personnes déjà consulaires qui ne pouvaient entrer en place
des paroisses du Verdier et de Saint - Bausile , précéda d'un qu'après un intervalle de trois on de six ans, suivant les lieux .
siècle les règlements dont nous allons parler , mais il faut Toutes ces incompatibilités étaient levées dans les petites
peut- être voir, dès ce moment , le germe de réclamations qui communautés , et encore dans les autres , quand on manquait
se manifeslèrent plus tard et qui furent alors partout écou de sujets. L'age d'éligibilité est porté à vingt- cinq ans à Ra
tées . bastens, et en celle ville , les candidats devaient être inscrits
Déjà , en 1401, sur des querelles des habitants de Gaillac sur les rôles de la taille depuis quatre ans au moins pour 3 li
entre eux , le parlement de Paris régla qu'il serait pris quatre vres d'allivrement.
candidats au consulat dans chacune des paroisses de la ville . En même temps que les questions de préséance s'agitaient,
La lutte commencée en ce moment et compliquée par celle le mode de nomination l'était aussi ; il finit par ètre changé
que souleverent les forains ou habitants des campagnes , se dans son principe, en ce sens qu'un conseil largement com
continua pendant tout le siècle avec des phases diverses, el se posé concourut avec les consuls à dresser la liste des candi
relrouve au xvie avec tous les caractères de violence que les dats. S'il n'était pas appelé à élire réellement les consuls , le
querelles populaires comportent. A Rabastens, après plusieurs juge , dans les lieux qui relevaient du roi , avait le choix des
transactions entre les parties , presque aussitôt rompues que consuls ; il lui fut enlevé dans la plupartdes villes, au xvie siè
rédigées, le parlement promulgua deux arrès, en 1527 et cle, et donné ici au conseil, là au peuple .
1529 , ordonnant que trois consuls seraient pris des bourgs A Rabastens, l'arrêt cité de 1529 régla à nouveau le mode
meia et soubira de la ville , et le quatrième parmi les forains . d'élection « pour obvier à la façon scandaleuse qu'on voulait
A Gaillac , à la suite également de longs pourparlers , il fut y tenir ; » il enleva aux consuls la présentation des candidats
convenu , en 1547, qu'il y aurait chaque année un consul qu'il reporla au conseil, tout en conservant au juge le choix .
forain ou paysan . Il en fut de même à Lisle, où un paysan L'élection était démocratique à Gaillac ; toute la saine popula
d'Avens ou de Saint-Salvi dut toujours être du nombre des tion de la ville y prenait part, car les habitants devaient, sous
consuls, et à Puicelsi, où l'un des quatre consuls dut être pris peine de 5 s. d'amende , aller déposer leur suffrage, après
121

avoir prêté serment, sur l'un ou l'autre des candidats pré Taur , Vieux , Saint-Urcisse , Beaurais et autres lieux dont le
sentés par les consuls et approuvés par le conseil. Mais au roi était seigneur. Un autre mode qui réservait les droits du
commencement du xvire siècle , en 1603, pour remédier à des seigneur et du peuple , tout en élant oligarchique , était pra-'
abus et « parce qu'on y introduisait la plus vile populace, ) tiqué à Salvagnac . Là, les candidats présentés par les consuls
le parlement de Toulouse ordonna que les consuls seraient étaient agréés par le seigneur et par le peuple assemblé devant
nommés à Gaillac par un conseil général composé de soixante l'église , et le choix était fait par les consuls anciens . – La
membres pris parmi les plus apparents et les plus qualifiés de liste de présentation des candidats portait le nom de caserne
la ville. Ce changement ne se fit pas sans une vive opposition d'élection .
de la part du peuple , et l'année suivante même le parlement Dans les petites localités , là où il n'y avait que deux con
eat à juger plusieurs réclamations à ce sujet. A Lisle , vers la suls , il y avait également un premier et un second rang. Les
même époque, le choix sur les candidats fut enlevé au juge et seigneurs de paréage , s'ils n'étaient que deux et par portion
donné au conseil dont faisaient partie l'archiprêtre, le syndic égale , nommaient alternativement un consul du premier ou
et le receveur. Enfin à Cordes , les élections étaient faites, du second rang, comme à Aussac , ou , s'ils étaient plus nom
comme à Gaillac, par les habitants de la ville et les forains breux ou avaient des droits inégaux , ils nommaient les deux
assemblés sous la présidence du juge , sur une liste présentée consuls , mais seulement l'année qu'ils exerçaient la justice ,
par les consuls et agréée par les conseillers . comme à Beauvais et sans doule à Cestayrols .
On sent dans tous ces changements une agitation sourde Telles étaient les différentes manières de procéder à la
que l'on peut rapporter aux guerres religieuses. Voici un élé nomination des consuls à la fin du xviie siècle , lors de l'ins
ment nouveau , la voie du sort, qui vient en partie s'introduire titution des offices de maire et licutenant de maire , qui por
dans les élections. Il fut appliqué à Rabastens au milieu du tèrent de si graves alleintes au régime municipal. C'était en
XVIe siècle . Dans celle ville , il se produisait depuis long 1692 , nous l'avons dit- plus haut. Les nouveaux officiers , qui
temps des séditions et des émeutes à chaque mutation des achelaient leur charge , eurent pour principales allributions
officiers municipaux ; le parlement ſut impuissant à les arrè la convocation et la présidence des assemblées générales cl
ter , et le conseil du roi avisa , pour y mettre fin , un particulières des communautés , la présidence des élections
mode d'élection qui n'avait pas été pratiqué jusqu'ici dans consulaires et la réceplion du serment des nouveaux élus ;
nos contrées (1) . Le 29 octobre 1655 , il ordonna que l'élec ils étaient exempls « de tutelle , curatelle , guet el garde, ban
tion serait faite par trente-un des anciens consuls et syndics et arrière - ban , taille , logement de gens de guerre et de toute
de la ville , dont les noms seraient tirés au sort par un enfant charge municipale et de police . » Celte institution blessa en
de neuf à dix ans ; les consuls devaient être âgés de vingt même temps les prérogatives des seigneurs et des juges el
cinq ans , inscrits sur les rôles de la taille depuis quatre ans, celles des communes ; elle souleva bien des difficultés. Mais
au moins pour 3 liv. d'allivrement, el n'être frappés d'aucune tandis que les charges diminuaient de considération el que les
incapacité légale ; enfin ils devaient être installés par le juge. notables des villes se tenaient éloignés des charges munici
Celui- ci avait précédemment le choix des consuls ; dépouillé pales, par contre, et poussées par des mobiles divers, d'autres
de celte prérogative , il protesta contre l'arrêt du conseil , et il personnes recherchèrent les nouveaux offices : ici elles étaient
lui fut ailoué , aux dépens de la communauté , une indemnité étrangères au pays , là de la localité même, el parfois
de 5,000 liv . c'élait le seigneur du lieu qui réunissait ainsi dans ses mains
Ces changements dans le mode d'élection consulaire se les pouvoirs seigneuriaux et municipaux . Nous ne pouvons
remarquentaussi dans les plus petites localités, où le choix fut mentionner tous les lieux où les offices de maire rencontre
altribué lantôt au seigneur et tantôt aux notables et même à rent des acquéreurs. Dans la communauté de Cordes et ses
tous les habilants . A Labessière , le seigneur , qui , d'après la trente -trois juradles , comprenant 1,861 feux , les offices mu
charte de 1255 , devait nommer les consuls aux su et volonté nicipaux furent évalués à 119,600 livres , et il s'en vendit pour
de l'Université , les nommait encore en 1615 sur une liste de 42,000 liv .; dans celle de Cahusac , de 410 feux , ils furent
présentation dressée par les consuls en excrcice. Il en était de portés à 30,900 liv., et l'office de maire se vendil 3,000 liv.;
même dans plusieurs autres communes : le plus souvent , les à Gaillac , qui comptail 1,000 ſeux , les offices montèrent å
candidats étaient au nombre de deux pour chaque rang , mais 123,600 liv ., el celui de maire trouva un acheleur au prix de
parfois ils étaienttrois, notamment à Fenols. Ailleurs, le pel 16,000 liv., et de lieutenant de maire , au prix de 6,000 liv.;
ple nommait ses magistrats à la pluralité des voix , sur une à Labessière , de 147 ſeux , l'office de maire ſul acheté « par
liste présentée par les consuls et les conseillers ; le juge rece caprice » par un étranger à la localilé , au prix de 2,400 liv.;
vail les suffrages et faisait préalablement prêter serment à enfin , à Senouillac , il ſul donné à un élranger « qui voulait
chaque volant. Il en était ainsi à Montans, Prens , Cadalen , le exempter ses enfants de la milice » pour 1,800 liv .
Les maires recevaient des honoraires , aux frais des muni
cipalités et des élats ; ils retiraient ainsi en partie l'intérêt du
(1) En A 102 , une ordonnance royale Ot concourir l'élection et le sort pour prix de l'ollice. L'office de maire à Gaillac donnait droit å
la nomination des magistrals municipaux de Perpignan, el en 1499, la voic du
sort fut définitivement substituée à l'élection . Cela se pratiquait aussi à Barce 500 liv. d'honoraires, payés 100 par la commune, 150 par les
tone et dans plusicurs villes de la Catalogne . élais de la province , 90 par ceux du diocèse et 160 par le roi
16
122

sur les fonds de la province . Celui de Vieux, vendu 650 liv., il était donc impossible que la nomination des consuls fût à
donnait droit à 32 liv . 10 sols de gages annuels , payés 12 liv . jour fixe et parlout à la même époque. Les fonctions consil
par la communauté et 20 liv. 10 sols par les états. Les maires laires , qui élaient annuelles, duraient ainsi plus d'une année ,
remplissaient les fonctions du premier consul et prenaient le car ceux qui les avaient devaient les garder jusqu'à ce qu'ils.
traitement de ce dernier. Il y avait là un double emploi des en fussent relevés. La charle de Cordes , de l'année 1282, est
fonds de la commune que l'intendant de la province chercha formelle à cet égard , « et durabit eorum potestas donec alii fuerint
à prévenir en ordonnant, le 30 mars 1694, que dans les villes substituti; » celle de Beauvais, un demi-siècle après, est égale
où il y aurait un maire , le dernier consul sortirait de charge, ment explicile : « Les consuls seront instilués par le juge en
( si mieux n'aimaient les communautés conserver le même la première séance qu'il tiendra en ledit lieu , après la fête de
Bombre de consuls, auquel cas la somme qui resterait des Saint- Jean , et jusqu'à ce qu'il vienne les consuls en charge exer
livrées consulaires, le maire étant payé comme premier consul, ceront, » Quelques coutumes , cependant, portent que si au
serait partagée également entre les consuls , sans que les jour fixé le juge ne peut se rendre pour faire procéder aux
livrées pussent être augmentées. » Les municipalités , et ceci élections, les consuls anciens devaient le faire et installer les
montre leur attachement à leurs anciennes prérogatives , n'hé nouveaux élus.
sitèrent pas ,notamment celle de Lisle , à adopter cette dernière Les chartes ne fixent pas toutes le jour du changement des
proposition , et leurs consuls, pour rester au même nombre que consuls ; celle de Laguépie marque le jour de la Madeleine ,
par le passé , firent aisément le sacrifice de quelques livres de mais les autres portent : chaque année , au temps venu . Dans
leurs honoraires. Elles firent plus , car aussitôt qu'elles en quelques communes, le bailli avait la présidence des élec
eurent le pouvoir , elles rachetèrent l'office de maire et ceux tions ; elles pouvaient là se faire à une époque régulière , mais
de premier et de troisième consul , créés postérieurement . En il n'en fut plus ainsi quand le juge fut substitué au bailli , ce
1712 , la ville de Lisle racheta les offices vendus; en 1719, qui eut lieu à Montans , vers l'année 1350. La variabilité du
celle de Vieux en fit autant , et celle de Cordes en 1721. Les jour des élections était donc générale ; mais elle prit fin , sans
efforts des communautés ne furent plus bientôt isolés , car les doute , au xve siècle , lorsque les juges du roi résidèrent dans
étals de la province délibérèrent de racheler loutes les charges les lieux de leur ressort , el à l'imitation des villes qui rele
municipales qui n'avaient pas été vendues, et d'en faire remise vaient du roi , celles qui avaient des seigneurs particuliers
aux communes ; un arrêt du conseil , de 1755 , approuva leur oblinrent d'avoir aussi , à une époque fixe , le renouvellement
délibération , et ainsi les communautés rentrèrent en partie de leurs consuls : le moment élait favorable , puisque de tous
dans leurs anciennes institutions. côtés se faisaient des règlements nouveaux sur les constitu
A celle époque , le mode d'élection consulaire avail subi Lions municipales .
peu de changements ; il est cependant à noter qu'à Gaillac un Dès ce moment donc les élections consulaires eurent lieu
arrêt de 1758 fixa une quotité de 8 livres livrantes d'allivre régulièrement chaque année, mais à des jours différents , sui
ment pour l'éligibilité du premier consul , et que les villes de vant les localités , le 1er août à Gaillac et Lisle , le dimanche
second ordre , qui avaient conservé la nominalion de leurs offi après la Saint-Barthélemy à Cordes , le dimanche après l'As
ciers par la voie du suffrage des habitants, perdirent ce privi somplion à Rabastens, les 1er janvier, 1er mars , 25 mars,
lége , le choix des consuls étant reporlé du peuple sur le jour de la fête de Notre -Dame, 24 juin , 29 juin , premier
seigneur ; il en fut ainsi à Montans , en vertu d'un règlement dimanche après la Saint-Pierre , for novembre, 30 novembre.
de l'année 1766. - De nouveau, les offices municipaux furent jour de Saint -André , et 26 décembre , en d'autres lieux .
rétablis par l'édit de novembre 1771. Encore celle fois , la Quelques communes n'eurent jamais de jour fixe ; les unes
province offrit de les racheter et fut autorisée à le faire par avaient le mois d'avril, les autres celui de février , de mars, de
un arrêt du Conseil d'État du 27 octobre 1774. Cet arrêt novembre et de décembre. Parfois , dans de petites localités ,
établit que dans les communautés de première classe , le pre la mulation ne se faisait pas au jour marqué ; les consuls
mier consul aurait la qualité de maire et exercerait ces fonc exerçaient alors deux , trois et même quatre ans, toujours en
lions pendant quatre années consécutives , et que le second , vertu de ce principe qu'ilsdevaient rester en fonctions jusqu'à
litré de lieutenant de maire , exercerait trois années ; quant ce qu'ils fussent remplacés.
aux autres communautés, les consuls seraient renouvelés cha
que année par moitié . A Labastide-Montfort , en 1778 , les · Les consuls étaientassistés par des conseillers. Ces derniers ,
quatre consuls , conformément à cet arrêt , élaient changés en nombre variable , sont cités dans quelques charles des XIIIe
deux par deux . et xive siècles, qui en attribuent la nominalion aux consuls.
Les élections consulaires n'avaient pas lieu , dans le principe, Celle de Penne porte : « Les consuls choisiront vingt-quatre
à jour fixe . La cause première en est peut- être parce que le prud'hommes qui leur prêteront serment d'être de loyaux
juge du seigneur devait présider les assemblées où elles se conseillers , de venir à leur commandement à toute heure et
faisaient et recevoir le serment des élus . Les juges ne rési de tenir secrètes les choses qui devront l'être. » Les statuts
daient pas dans les chefs-lieux de leur juridiction ; ils n'y de la municipalité de Gaillac, rédigés en 1271 , donnent pou
allaient tenir les assises que lorsque les affaires le deman voir aux consuls d'élire quatorze prud'hommes pour leur con
daient, et ils avaient parfois plusieurs élections à présider : seil secret , « lesquels devront jurer de leur être obéissants ,
123

de garder le secret et de se rendre aux convocations , sous communes avaient aussi des conseillers nommés probablement
peine d'une amende de 2 sols tournois. » Voilà les seuls actes comme dans les villes. Ils étaient habituellement de douze
du xil siècle qui parlent des conseillers comme adjoints aux pour les conseils ordinaires, et le double pour les conseils
consuls pour l'administration municipale , dont ces derniers renforcés ; ils étaient changés par moitié tous les ans.
avaient toujours toute la responsabilité . Leur création était
pour ainsi dire facultative et suivant le bon vouloir des con L'organisation municipale était complétée , après l'institu
suls . En 1331 , ceux de Cordes furent, eux aussi , aulorisés à tion des consuls et des conseillers, par la création d'un syndio
avoir vingt- quatre conseillers jurés qu'ils devaient consulter qui se trouve élabli d'une manière permanente ali xvie siècle.
dans les affaires importantes ; ces conseillers étaient tenus de L'arrêt de 1608 porte que le conseil général qui se tiendra &
se rendre aux convocations, sous peine de 12 den . d'amende , Gaillac , après l'élection consulaire , nommera un syndic qu'il
et s'ils n'y étaient pas en majorité, les consuls pouvaient rem prendra parmi les gens de robe courle , si le premier consul
placer les absents par d'autres notables de la ville ; les consuls est de robe longue, et réciproquement. La constitution de
et les conseillers ne devaient pas prendre part aux délibéra Lisle, de 1636 , définit ainsi les attributions du syndic : « Lo
tions sur les affaires qui les concernaient. syndic de la communauté veillera aux affaires de la ville et
Bientôt, dans toules les communautés , il y eut des conseil instruira les consuls sur leurs devoirs et sur leurs droits ; » il
lers , et leur voix , purement consultative dans le principe , sera nommé chaque année par le conseil général le lendemain
devint en peu de temps délibérative. Dans la réorganisation du renouvellement des consuls , el il aura rang et séance au
du mode de création des consuls, au xve siècle, il est partout conseil, a sa charge élant non rétribuée , mais très honora
question des conseillers , qui durent être pris , comme les ble , o après le lieutenant du juge et l'archiprêtre . Les plus
consuls , dans les différentes classes de la sociélé. L'arrêt de petites communes , en certaines circonstances, se formaient en
1529 règle qu'à Rabastens les seize conseillers seraient pris syndicat; à Saint - Bausile, les forains contribuables aux tailles
parmi les plus apparents de la cité , et ne devaient élre ni de la commune pouvaient nommer un syndic « qui assistait
excommuniés , ni condamnés pour crime , ni parenls entre aux conseils et aux impositions. )
cux ; ils seraient renouvelés chaque année par moilié et rééli
gibles seulement après un intervalle de deux années , et se Les attributions des consuls sont contenues en partie dans
rendraient aux assemblées, sous peine de 10 livres d'amende, le serment qu'ils prêtaient lors de leur installation .
la moitié au seigneur et la moitié aux pauvres. A Gaillac, il en Le plus ancien serment que nous connaissions est celui des
fut alors de même; le nombre des conseillers y fut porté à consuls de Gaillac , de l'année 1231, par lequel « ils juraient
vingl -quatre , pris un quart dans la classe des nobles et avo fidélité , à l'abbé , de garder et défendre loyalement la ville
cals , des bourgeois , des négociants et des artisans et culti pour l'honneur de Dieu , de Saint-Michel et de l'abbé , et do
vateurs ; ils élaient renouvelés chaque année par moitié , et dénoncer à l'abbé toutes les tentatives qu'ils sauraient être
chaque consul nommail ceux de sa classe . En 1608 , leur faites pour s'en emparer , roulant élre traités comme traitres
nombre s'éleva encore et alleignit le chiffre de soixante , dont s'ils contrevenaient à leur serment, et livrant leur corps el

le quart devait être pris parmi les paysans de la ville et de la leurs biens , en expialion , à l'abbé. » Il n'y a dans cet acte
campagne ; ils devaient répondre à l'appel des consuls , sous rien de particulier à la commune; tout concerne le seigneur ,
peine de 100 sols d'amende , el ce « alin que les conseils géné el on pourrait y voir une preuve de l'émancipation toule féo
raux fussent composés au moins de quarante membres . » A dale des communes . Mais bientôt, aux protestations de fidélité
Cordes , les conseillers étaient toujours au nombre de vingt au maître se joignirent celles de fidélité à la commune . Vers
qualre , pris moitié dans la ville etmoitié dans la campagne. 1271 , les consuls de Monlans « jurent de procurer le profit de
A Lisle , d'après la constitution de 1636 , chaque consul avait la ville et du seigneur ; » et puis , ceux de Laguépie « d'être
la nomination de buit conseillers , dont un devait être forain , bons el fidèles dans les affaires de leur compétence , et bons
et les conseillers opioaient , dans loutes les affaires , avec l'ar et fidèles aux seigneurs. « Les consuls s'engagent, ensuite ,
chiprêtre, le syndic et le receveur . L'introduction des forains « à être fidèles à leur office , » et cet office comprenait , å
dans les conseils de ville ſul limilée par le Parlement, en 1677, Cordes , à Rabastens , à Penne et ailleurs , le jugement des
au quart du nombre des conscillers . affaires criminelles , le soin des rues et chemins , des eaux et
Dans le siècle suivant, bien après l'institution des offices des fontaines , la surveillance des mesures et des poids, la po
municipaux, le nombre des conseillers dimunua . A Gaillac, de lice rurale , constatation et punition des délits , l'imposition
soixante il fut reporté à vingt- quatre en 1758 , « par suite des tailles pour les besoins de la ville, la garde et la sûreté dit
de pénurie de sojels , » et ceux du premier rang , qui étaient lieu , et enfin la présentation de leurs remplaçants. Les termes
en nombre égal des personnes de robe longue et de robe du scrment devinrent dès -lors plus étendus . D'après les pro
courle , devaient payer 6 liv . d'allivrement. A Lisle , un édit de cès -verbaux des élections de Montmiral, en 1316 et 1333, les
1766 les réduisit de trente -deux à douze , renouvelables an consuls juraient « d'être de bons et fidèles serviteurs du roi
nuellement par moitié. Chaque nouveau consul , après son et de ses agents pour les choses liciles et honnêtes, de garder
élection , présentait deux candidats de sa classe, el sur les huit el conserver la ſoi catholique , ſuir les héréliques , arrêter et
ainsi présentés, l'assemblée en choisissail six . — Les petites livrer aux inquisiteurs ceux qu'ils croiraient être héréliques ,
124

de fidèlement remplir leur charge , de veiller à la conservation n'avaient plus que 6 liv ., et il fallait encore une ordonnance
des libertés de la ville , et d'imposer et lever loyalement les spéciale pour les imposer sur les communautés.
tailles. » Les consuls prêtaient serment au seigneur , mais celui -ci,
La charte de création de la commune du Verdier, en 1359, de son côté, devait aussi jurer qu'il conserverait et défendrait
énumère en peu de mots les attributions des consuls : « ils les priviléges et libertés de la commune. Le roi de France
seront juges ès-causes criminelles et connaîtront des tailles était lui-même sujet à celte obligation . Il n'est pas une recon
dommages et maléfices , chemins et autres, comme tous ceux de naissance des habitants à leur seigneur qui ne soit suivie
la judicature d'Albigeois. » -- Les consuls eurent encore , aux d'une déclaration de protection du seigneur vis-à -vis de ses
XI11° et xive siècles, l'autorisation , avec leur conseil, de faire vassaux. Une preuve frappante de cette réciprocité se voit dans
des statuts et ordonnances pour l'utilité de la ville . l'obligation où se trouvait l'abbé de Gaillac , nouvellement
nommé, de prêter serment entre les mains des consuls avant
Les consuls conservèrent la plupart des attributions jus de faire son entrée dans la ville , de ne jamais aller à l'encon
qu'au siècle dernier, bien qu’altérées par suile de la marche tre des libertés et franchises des habitants. En 1508 , l'abbé
des temps et du développement progressif de la puissance
de Cheverri, religieux réformé, pria les consuls de le dispen
royale . Maîtres pour ainsi dire absolus des intérêts de la ville ,
ser de prêter serment devant la porte de la ville, offrant de le
ils ne s'en occupaient plus dernièrement que sous la baute
faire devant l'église de Saint-Michel; les consuls y consenti
surveillance de l'autorité royale , toules leurs mesures devant
rent, mais ils firent établir par acle public que c'était par pure
être approuvées par elle. Des déclarations presque unanimes
condescendance qu'ils avaient reçu son serment devant l'église
de toutes les communautés à la fin du xvile siècle , il ressort
et non à l'entrée de la ville , et qu'ils n'étaient nullement en
que les consuls,même ceux des plus petites localilés « étaient
gagés pour l'avenir .
juges du salaire des serviteurs et ouvriers , et des dommages
C'élait donc un concours réciproque que se promettaient
jusqu'à 5 liv ., qu'ils étaient juges civils et politiques en cer
les seigneurs et les villes. Les consuls juraient de défendre les
tains cas , préventivement au juge ordinaire , et juges des intérêts et les priviléges des habitants , et à leur tour ceux- ci
tailles, réparations des chemins et autres. » Quelques- unes de
leur promeltaient obéissance ; ils juraient encore de garder
ces attributions leur furent encore enlevées , et en plusieurs
leurs libertés et de dénoncer ceux qu'ils sauraient avoir fait
lieux , avant la Révolution , les consuls n'avaient plus aucune
quelque dommage. Dans ces derniers temps , les habitants ne
juridiction . Les termes du serment élaient cependant encore
prêtaient plus serment aux consuls ; ils devaient cependant
très étendus ; généralement les consuls , genoux en lerre, les
« leur porter honneur et respect et ne pas les troubler dans
mains posées sur le livre des Evangiles, juraient « de bien et
l'exercice de leurs fonctions. » En 1601 , un habitant de Gail
fidèlement exercer leur charge , reconnaitre leur seigneur ,
lac fut condamné à faire amende honorable, une lorche allu
lui être fidèles et obéissants , garder el faire observer le droit
mée en main , el à 5 écus d'amende , pour avoir injurié un
du seigneur, reconnaitre ses officiers , les avertir de ce qui
consul; plus tard , une amende de 500 liv . fut prononcée con
pourrait lui être préjudiciable , faire faire les impositions et
tre celui qui troublerait les consuls.
les répartir au sol la livre sans charger ni surimposer per
sonne, rendre bon et fidèle comple , enfin concourir à une
Les consuls avaient un sceau particulier pour sceller leurs
bonne nomination de personnes pour les remplacer , intègres ,
acles ; c'était le signe de leur juridiction , et on a vu qu'à
capables et professant la religion catholique , apostolique et
Cordes la garde en était confiée, au xive siècle , aux consuls
romaine . » Suivant les localités, quelques termes particuliers
non nobles qui avaient seuls un pouvoir réel. Les consuls
répondant à des priviléges spéciaux étaient ajoulés à ceux que
avaient une véritable cour de justice avec des greffiers et des
nous venons de rapporter , tel que ceux-ci : empêcher et dé
sergents habillés aux dépens de la commune. D'après la charle
ſendre l'entrée du vin dans la ville et le consulat .
de Montclar (1267) , le greffier devait être bon , fidèle et ca
Le sermentdes consuls était prêté entre les mains du juge . tholique , et élre agréé par le seigneur ou le bailli qui recc
En quelques localités , c'était en celles du seigneur lui-même, vrait son serment « comme quoi il exposera toute vérité aux
que les consuls devaient aller trouver à sa résidence ou seu acles et instances . »
lementau château du lieu . A Salvagnac, par un arrêt du par
lement, les consuls devaient porter leur caserne d'élection au Les insignes consulaires étaient le chaperon rouge et noir.
château du village , el non , comme le seigneur le voulait, à Dans les villes , les consuls avaient de plus des robes et des
son domicile , à Toulouse ; au contraire, aux Graisses et à manteaux rouge et noir , les parements de la robe de salin
Fenols, les consuls élaient tenus d'aller trouver le seigneur à blanc et ceux du manteau de veloursnoir .
son domicile réel. Les juges étaient payés par la commune Il est assez difficile de fixer à quelle époque un costume
pour recevoir le serment des consuls ; une foule de titres le particulicr fut donné aux consuls. Les plus anciens documents
marquent, depuis ceux relatifs à Montans du xive siècle , qui à cet égard sont les statuts de la ville de Cordes , de l'année
lui accordent 5 sols et le diner pour lui et son page , jusqu'à 1331 , qui autorisèrent les consuls à faire faire , aux dépens du
ceux du xviie siècle, qui allouent habituellement 24 liv. « pour trésor public , des robes du prix de 7 liv. chacune . Aupara
son voyage et dépenses de bouche ; ► au siècle dernier , ils vant, les consuls recevaient des honoraires en argent ; quand
123

ils eurent une livrée , ils abandonnèrent le salaire. Les consuls bérations de la communauté ; suivant un appointement donné
sortant de charge pouvaient porter leurs robes jusqu'à ce que par le juge d'Albigeois en 1605 , celui de Cordes y avait la
les nouveaux eussent fait faire la leur. La concession du cha première voix délibérative. Dans beaucoup de localités , les
peron était gracieusement accordée par le seigneur . La pre- . curés jouissaient des mêmes prérogatives .
mière dont nous ayons connaissance est de l'année 1487 et Anciennement , d'ailleurs , les deux administrations muni
concerne les consuls de Montgaillard ; la seconde ,> de l'année cipales et ecclésiastiques avaient beaucoup de points de con
1527, regarde ceux de Labessière qui, « par la raison que tact. Les consuls de Cordes et de Gaillac faisaient, aux Xiaº
dans les actes de justice et autres prééminences de leur et xive siècles , tous les règlements nécessaires pour les dé
charge ils n'étaient connus , crainls , ni honorés , et que les penses du culle, réglementant les dépenses pour les baptêmes ,
consuls des localilés voisines l'étaient parce qu'ils portaient les mariages et les sépultures ; en verlu d'un acte de 1331 ,
chaperon de livrée, » oblinrent de l'abbé de Candeil le pou ceux de Cordes devaient recevoir les comptes des receveurs et
voir de porter le chaperon , le noir du côté droit et le rouge ouvriers des églises de la ville , et enfin , à Rabastens, suivant
du côté gauche. Les consuls de Cestayrols n'eurent le cha une ancienne coutume reproduile dans une délibération de
peron qu'en 1618. Tous les consuls le portaient , au siècle 1567, le premier consul sortant de charge était nommé
dernier , tant il est vrai que moins une charge a des préroga ouvrier de la grande cuvre, c'est-à -dire marguillier .
tives, et plus on recherche les signes extérieurs qui lui don
nent du relief. Dans la couleur rouge de la livrée consu Avant de passer plus avant , nous devons jeter un coup
laire , on a vu la marque du jus sanguinis qu'avaient les consuls , d'ail sur l'administration des deux communes de Cordes et
juges presque partout des causes criminelles . de Cahusac, qui avaient sous leur dépendance plusieurs com
Les livrées consulaires, composées de la robe, du manteau et munautés subalternes , el de celle de Bernac qui n'avait ni
du chaperon dans les villes, et du chaperon seulement dans consuls , ni jurals, ni aucun officier municipal.
les campagnes, étaient payées par la communauté, quidonnait La juridiction de Cordes s'étendait sur un grand nombre
à cet effet une certaine somme à chaque consul. Celle somme de localités reconnaissant toutes le roi comme seigneur haut
variait suivant les localités. A Cordes, elle élait, en 1331, de justicier , et dont quelques- unes étaient très éloignées du
7 liv. ; à Gaillac , plus tard , de 25 liv. Elle fut augmentée chef-lieu . Elles élaient plus de trente , el se trouvaient divisées ,
dans la suite et distribuée inégalement aux consuls , suivant au commencement du xive siècle , en trois calégories : celle
leur rang. Dans ces derniers siècles , la somme pour les li qui comprenait les paroisses de guet et de garde , dont les ha
vrées consulaires étail, à Gaillac , de 360 liv . (100 pour cha bitants étaient tenus d'aller monter la garde à Cordes , à la
cun des deux premiers consuls et 80 pour chacun des deux première réquisilion qui leur en était faile ; celle des paroisses
derniers) ; elle variait dans les communautés rurales, entre 14 , appelées non comprises et celle des paroisses dites du terroir
20 , 30 et 40 livres , loujours plus au premier consul qu'au de Cordes ; la communauté comprenait encore beaucoup de
second. Avant la Révolution , les livrées furent généralement localités diles du corps de la ville. La juridiction de Cahusac
diminuées . s'élendait sur sept à buit localités distinctes.Ces localités , chef
lieu de paroisse ou centre d'une forte agglomération d'habi
Tous les éléments dont se composait l'administration muni tants, oblinrent toutes , dans la première moitié du xive siècle ,
cipale sont maintenant énumérés. Il faut ajouter que les off une administration particulière , soit entièrement indépen
ciers du roi ou du seigneur pouvaient assister aux assemblées dante séparée de la communauté mère, soit dépendante et
de la commune ; un arrêt de 1730 fitmême une obligation aux relevant des consuls de la ville , administration accordée ici
consuls de Montgaillard de les y appeler et encore de leur gracieusement par les consuls, là sur les ordres précis du roi.
communiquer un jour à l'avance le sujet des délibéralions ; Les officiers municipaux de ces dernières , dont nous avons
s'il s'agissait de prendre une mesure contre le seigneur , un seulement à nous occuper , portèrent le nom de jurats, parce
magistrat du parlement devait êlre invité à aller présider qu'ils prêtaient sesment aux consuls du chef- lieu qui les
la réunion . Dans loutes les assemblées publiques ou parlicu instituaient , et l'étendue du ressort de leur administration prit
lières , les officiers en chef de juridiction précédaient les con celui de juratif ou de jurade. Assislons à la création d'un
suls des villes , mais non leurs lieutenants et substituts et les de ces juratifs .
procureurs du roi qui venaient après eux. Ainsi le reconnut C'est le 20 décembre 1329. Tous les habitants du lieu de
une déclaration du roi du 30 octobre 1599 ; cependant le par Milhavet sont assemblés sur la grande place de Cordes devant
lement de Toulouse , le 25 avril 1609, ordonna que dans les les vénérables et discrets hommes Benoit de Molinier et Pierre
assemblées, le lieutenant principal et le lieutenant particulier de Robert, consuls ; ils les requièrent très humblement de
de Gaillac auraient le pas sur les consuls ; mais sur les re vouloir bien établir dans ledit lieu deux prud'hommes jurés
montrances des Etats du Languedoc , qui prirent la défense, en avec pouvoir de connaître à leur lieu et place des dex et mé
1618 et 1624, de toutes les communes de la province , on re fails commis à Milhavet et de punir les délinquants suivant la
vint à la déclaration des 599, qui ful confirmée par un arrêt coutume de Cordes, et encore d'imposer des tailles pour les
du conseil du roi du 4 novembre 1671. Les archiprêtres de besoins de la localité. Les consuls écoulèrent favorablement
Lisle et de Cordes avaient également droit d'assister aux déli cette requête , et y faisant droit, créèrent les sieurs Jean de
126

Durand et Guillaume de Boyer, prud'hommes élus par le peu élection , et pouvaient juger encore , un mois après leur sortie
ple de Milhavet , pour jurats de ce lieu et leur octroyèrent les de charge, les affaires qu'ils auraient commencé à instruire da
pouvoirs demandés , se réservant les appels de leurs condam temps de leur consulat ; ils pouvaient faire faire toutes les
nations ; aussitôt ceux - ci jurèrent sur le livre des quatre criées en leur nom et en celui du seigneur, et présidaient aux
Evangiles lenu par les consuls , de fidèlement se conduire en recherchesdans les maisons particulières qui jamais ne pouvaient
leur charges et de procurer le profit du lieu et des habitants . se faire sans eux ou du moins sans leur assentiment. Enfin ,
On voit par là quelles étaient les allributions des jurats et les consuls tenaient les clés de la ville, qui leur étaient remises
les liens qui les altachaient aux consuls, et par suite les liens le jour de leur installation ; quand le seigneur se trouvait
de la jurude avec la communauté-mère. Ces attributions ne dans la ville , il prenait les clés , mais il les remettait aux con
furent pas élargies dans la suite des siècles, mais bien plutôt suls au moment du départ.
restreinles , car les jurats n'eurent plus , au xviie siècle, que la
constatation et l'estimation des délits. Voici quelle était, à celle II.- Des impôts royaux et municipaux. - De leur répartition .
époque, l'administration de la jurade , et comment se faisait Des cadastres .
la nomination des jurals. L'administration de la jurade était
composée de deux jurats et d'un conseil de huit membres Les impôts payés par les communes peuvent se diviser sui
qui, sous certaines peines aussi, devaientassister aux réunions ; vant la part qui était faile du produit en impôts royaux , pro
comme les consuls , les jurats devaient rendre compte de vinciaux et diocésains et en impôts municipaux. Nous n'avons
leur gestion à des auditeurs. Quand le temps du rempla surtout à nous occuper que des derniers .
cement des jurals élait venu , ceux qui étaient en exercice Dès leur créalion , les communes eurent l'autorisalion d'im
présentaient au conseil général de la jurade deux candidats poser des tailles pour leurs dépenses particulières, auxquelles
chacun, bons el capables, et l'assemblée choisissait un des can la part qui leur revenait sur cerlaines amendes, dex et autres
didals de chaque rang ; les élus allaient au chef-lieu prêter ne pouvait suffire , construction des ponts , chemins , clôture
serment aux consuls « d'élre de fidèles serviteurs du roi , de et fortifications des villes. Les seigneurs prenaient aussi, en

faire les devoirs de leur charge , de rendre compte de lcur ad certaines circonstances, des aides , subsides ou tailles. Tous ces
ministration et de faire bonne et valable élection de jurals impôls étaient répartis et levés par les consuls. On a vu qu'en
pour leur succéder . » 1221, le comle de Toulouse déclara aux consuls de Gaillac
Les jurats n'avaient aucune fonction judiciaire , les consuls que toulcs ses possessions , et celles des chevaliers et des reli
du chef-lieu exerçantdans les juratiſs tous les droits de justice gieux contribueraient à loutes les dépenses de la ville : Que

..
de l'essence municipale . Ils faisaient cependant l'imposition totas las honors , que fosso à totas las mesios de la vila à cono
des tailles particulières à la jurade seulement. Les consuls guda dels prozomes. Les coutumes du château de Penne , de
assistaient, à l'exclusion des jorats, aux états du diocèse où la 1253 , donnent aux consuls le pouvoir de frapper et de répar
communauté-mère était seule taxée ; puis , quand ils avaient lir les communs nécessaires à la chose publique et les aides
reçu la mande, ils répartissaienl en assemblée générale , sur les imposées par le seigneur, an poder de talhar et devizir los
jurades du ressort el suivant un tarif particulier, les sommes comus , losquals so necessaris et tocan à la cauza publica , et
qui y élaient portées ainsi que l'albergue , le port de la mande aidas empauzadors per lodich senhor . A Rabastens aussi, les
et les frais du voyage à l'assielte.. Ensuite les jurals , prenant consuls eurent de bonne heure le pouvoir d'imposer des
leur cote -parl, la répartissaient en assenblée de la jurade sur tailles avec l'assentiment de l'université ou de la majorité des
les propriétaires , ainsi que les dépenses propres à la localité , habitants , et le roi, en 1288 , leur confirma ce pouvoir el celui
réparalion de la clôlure du village et de l'église, salaire du gref de faire une saisie à ceux qui refuseraient de payer. A Lagué
fier et des valets de la jurade. Il est à remarquer que les jurals pie , les prud'hommes arbitres eurent également la faculté
n'avaient pas de livrée . d'imposer des tailles pour les besoins de la communauté et de
Toul autre é!ait l'administration intérieure de la petite les faire lever par un homme assermenté devant le bailli.
paroisse de Bernac , déiachée de la communauté de Castel Mais comment se faisait alors l'imposition et la répartition
nau de Bonafous. Celle paroisse ne forma jamais une commu des tailles ? On vient de voir qu'en 1221 , les possessions des
naulé propremenl dile . Elle n'avait pas de consuls, de jurals , chevaliers devaient être imposées suivant l'appréciation des
de collecteur el de greflier , et ne payait pas de tailles : les prud'hommes. En 1255 , Rolland , chanoine de Paris , et Phi
marguilliers publiaient les ordonnances et percevaient les lippe de Aquabona , commissaires d'Alfonse , comle de Tou
sommes nécessaires pour les petites dépenses de la localité , louse , réglèrent que les collectes ou quêtes établies à Gaillac,
dépenses préalablement approuvées par tous les habitants « pour une grande ou petile occasion , » se répartiraient au sol
assemblés devant l'église el réparties amiablement entre eux . la livre , sur la déclaration des facultés des habitanls , donnée
sous serment par chacun d'eux tous les trois ans. Cependant,
Toules les altributions administralives et judiciaires des l'imposition extraordinaire , consentie en 1271 par tout le
consuls ont été déjà rapportées. Ajoutons que , suivant des peuple pour la construction d'un pont sur le Tarn , et la re
prescriptions du xive siècle , les consuls devaient vérifier construction des églises de Saint - Pierre et de Saint-Michel,
les limiles de leur juridiction dans le mois qui suivait leur fut répartie par les consuls, suivant leur apprécialion person
127

nelle de la fortune des habitants : « Pour la colize desdites Aquitaine, et pour avoir les moyens de la continuer, il envoya
fabriques, les plus apparents de la ville paieront de quinze des commissaires dans le Languedoc pour engager les com
jours en quinze jours , 20 deniers caorcens , les moindres munautés,.« sans toutefois porter alleinte à leurs libertés et
1 denier, et les autres, ayant moyennement de quoi, seront privileges, » à lui fournir un subside d'hommes et d'argent.
cotisés par les consuls suivant les moyens qu'ils leur con La communauté de Cordes lui envoya son contingent de sol
naitront et d'après leur conscience, » Des contestations s'éle dats el régla en même temps, avec Rodolphe de Chalot, com
vèrent à ce sujet entre le menu peuple d'une part , et les missaire du roi, la manière dont le subside en argent serait
consuls et les notables de l'autre, le peuple voulant que toules levé : il fut convenu qu'il consisterait en un droit extraordi
les tailles fussent réparties au sol la livre , et les consuls , au naire prélevé sur les denrées et les bestiaux qui se vendraient
dire d'experts nommés à cet effet ; on en vint à un arbitrage , dans l'étendue du consulat (ainsi : 2 sols par tonneau de vin ,
et d'après la sentence confirmée en 1278 par le roi, il fut 4 den . par quarton de blé , 6 den . par bæuf, etc.) , avec con
convenu que les sommes pour les dépenses habituelles , pro vention expresse qu'il ne serait levé que pendant la durée de
communis missionibus et expensis, seraient levées jusqu'à con la guerre , tout le temps que le roi serait obligé de tenir en
currence de 50 livres , non par sol et par livre ,mais suivant l'ap campagne 2,000 chevaux et 6,000 piétons. -- La paix ayant
préciation des consuls et de leurs députés , et que les sommes été conclue bientôt après, la levée du subside fut révoquée.
des autres dépenses, collectes, aliæ collectæ , grandes ou peliles, Les subsides élaient donc essentiellement transitoires et
seraient levées au sol la livre , suivant la déclaration que cha perçus du consentement exprès des populations. Cela est si
que habitant serait tenu de faire sous serment et tousles trois vrai, que vers celle époque , 1331 , les consuls de Rabastens
ans, aux consuls, de ses biens meubles où qu'ils fussent situés, ayant accordé au roi un subside sans consulter le peuple ,
et de ses biens immeubles de la juridiction seulement ; les habi celui-ci se souleva, en refusa obstinément le paiement, elmit
tants n'ayant ni meubles, ni immeubles , contribueraient aux en délibération ,> dans une assemblée lumultueuse , si l'on in
tailles pour 1 denier par 1,000 livres. Quant aux dépenses ex cendierait les maisons de ces officiers. Qu'il ya loin de ce temps
traordinaires, missiones et expensiones , pour construction de à celui où le roi imposera sur la province, malgré les réclama
ponts, d'hôpitaux ou édifices publics, consenties en assemblée tions des états , les contributions les plus onéreuses .
générale de la communauté légalement convoquée , elles La tuille était un impol direct levé sur la propriété , et les
seraient réparlies, suivant la coutume, au jugement des pru aides un impôt indirecl pris sur les denrées et les marchan
d'hommes commissionnés à cet effet par les consuls. dises, au fur et à mesure de la vente . Le subside de 1325 ,
Voici les termes de l'acte relatif à la déclaration des habi dont nous venons de parler, était un impôt indirect. A partir
tants : Quod aliæ collectæ quas fieri contigerit , tallientur et le de cette époque, les tailles et les subsides qui s'y rattachaient
ventur per solidum et libram , et quod omnia mobilia illorum qui vont se multipliant; ils se réparlissaient par feu . On entendait
contribuere debebunt ubicumque sint in dictæ villæ pertinentiis par feu , un propriélaire ayant au moins 10 livres de revenu
vel extra , et immobilia qui in eadem villa et pertinentiis consis en fonds de terre (1 ) ; leur nombre constituait les feux d'une
lerent, in prædictis talliis sine diminutione qualibet computentur; commune , suivantlesquels celle-ci était cotisée pour les imposi
ita videlicet quod quilibet coram consulibus vel deputatis ab eis sa lions, quoique dans la répartion quien était faite sur ses habi
cramento propria bona sua mobilia vel immobilia teneantur esti tants , tous y contribuassent suivant leurs facultés. Cemode
mare... et quod juramentum semel præstitum duret usque ad de département de tailles est appliqué pour la première fois ,
triennium et finito triennio renovetur. Nous voyons là l'origine en 1313, à Cordes ; puis il devint général, en Languedoc , par
de nos anciens livres d'estime ou les propriétés étaient inscri suite des ordonnances royales de 1364, 1376 ct 1411 .
tes en bloc, sans arpentage et sur la simple déclaration du Au xv ° siècle, et depuis bien longlemps sans doute alors, le
maitre . consentement du peuple n'était plus exigé pour la levée des
Mais en dehors de leurs dépenses particulières , les commu subsides ; les états les votaient , mais parfois le pouvoir leur
nes payaient au seigneur , en certaines circonstances , la forçait la main . Le consentement était encore exigé pour les
taille et des aides qui ne pouvaient être levées que de leur impositions communales , car en 1462, les habitants de Mont
propre consentement. Ces aides demandées rarement étaient miral refusèrent de payer celles qu'ils n'avaient pas été appelés
de peu d'importance sans doute , ce qui explique qu'une à voter , mais ce furent là les dernières convulsions de celte
seule coutume les ait mentionnées. Il n'en fut plus ainsi lors liberté expirante, puisque le roi ordonna qu'à l'avenir, en
que le roi de France fut devenu seigneur du pays ; car , cette ville, seize conseillers examineraient la nature des dé
pour subvenir à toutes ses entreprises et aux guerres qu'il penses et que leur décision serait obligatoire pour tous les ha
ne cessait d'avoir de tous côtés, il dut multiplier les subsides, bitants .
d'abord sur toutes les communautés dont il avait la haute Cependant les aides et les subsides de temporaires qu'ils
suzeraineté, et puis sur celles de tout le royaume, en vertu étaient dans le principe devenant réguliers el permanents, et
de ce principe , posé en 1358 , que tous les consulats élaient
sous sa seigneurie immédiate .
Le premier exemple de subsides levés dans ce pays est de (1) Cette valeur de 10 liv, d'alors aurait représenté , en 1789, celle de
l'année 1325 , Le roi élait alors en guerre avec l'Angleterre en 414 liv . 6 s .
128

de plus en plus élevés, il ſut nécessaire d'en assurer une plus Aussi lorsque parut l'ordonnance de Charles VIII , en 1491 ,
exacte distribution . La répartition par feux était un système au sujet de la confection d'un cadastre général pour tout le
défectueux et injuste que les réparations nécessitées par les royaume, la plupart des communautés du Languedoc en
mortalités et les guerres ne pouvaient améliorer . Aux déclara étaient déjà pourvues. Celle ordonnance avait plutôt pour but
lions des propriétaires afirmées véritables sous le serment , il de rechercher un nouveau mode de répartition de l'impôt et
fut généralement substitué l'arpentage des terres , et leur coti amena dans le Languedoc la suppression de la répartition par
sation par sélérée et suivant la nature du terrain . Pour la pre feux. Les tailles royales , depuis longtemps déjà permanentes ,
mière fois, en 1333 , il est question d'une répartition par con étaient déjà fixées par diocèse, suivant une imposition de
tenance de terrain . Les habitants de Gaillac , possesseurs l'année 1424 , répartie sur toutes les communautés du diocèse
d'immeubles dans la communauté de Brens, refusaient de d'Albi, par les consuls de celle ville . Un règlement de l'année
contribuer au paiement des lailles et collectes personnelles et 1448 les fixa en Albigecis par viguerie pour être réparties en
réelles mises par les consuls, mais ils furent obligés de donner suile sur tous les lieux qui la composaicnt, mais il ne fut pas
1 den . tournois noir ou petit par chaque sélérée de terre, de longtemps en vigueur, et les impôts volés par les Etals de la
vigne et de bois. La taille réelle était assise sur les propriétés province continuèrent à être répartis par diocèse , suivant un
foncières comprises dans la commune, et la taille personnelle tableau comparatif dressé par les Etats cn 1530 , el puis par
sur les contribuables au lieu de leur domicile et pour toules les Etats du diocèse entre loutes les communes , d'après encore
leurs propriétés où qu'elles fussent situées . Il en a été déjà un tarif parliculier dressé sans doute sur la production d'un
question dans l'accord de 1278 , sur l'imposition des lailles, à cadastre régulier. Dans les cadastres , le terrain blait divisé
Gaillac. Cet acte de 1333 constitue la transition de la taille en plusieurs classes selon sa fertilité et la nature de ses pro
personnelle à la taille réelle qui sera bientôt seule en usage duits. Mais par suite des difficultés inévitables d'un bon clas
dans le pays, et y sera levée par contenance de terrain el sui sement et du changement de culture, les cadastres deman
vant sa qualité . La charte de Beauvais de 1342 porte, elle daient à être renouvelés de temps en temps . Les communaulés
aussi, que les consuls pourront coliser les habitants du lieu n'étaient pas scules maîtresses de les faire faire ; il leur fallait
et ceux qui ont des possessions dans ses dépendances , et dé l'agrément des Etats du diocèse, ct puis l'autorisation de la
clare expressément que les habitants de Beauvais ne seront pas cour des aides : les cadastres du xvi° siècle sont communs dans
tenus de contribuer personnellement ailleurs que dans ladite les archives de nosmunicipalités ; il y a aussi ceux qui les rem
baslide. Les livres d'estime sur lesquels l'assielte en étail faile placerent dans les siècles suivants .
se réſormèrent dans ce sens ; ils continrent plus de détails et L'impôt royal consenti par les Etats de la province, et après
arrivèrent enfin à être des compoix -terriers , de véritables le milieu du xvire siècle ce conscnlement devint presquc une
cadastres où la propriété étail estimée suivant la qualité du sol. pure formalité , élait réparti avec celui qui était particulier å
A quelle époque celle transformation fut- elle accomplie ? On la province sur les diocèses. Les Etats du diocèse où les com
pourrait la fixer vers l'année 1460 : à Cahusac , il fut fait en munautés envoyaient des représentants, y ajoulaient leurs pro
décembre 1452 un compoix el cadastre , véritable livre d'es pres dépenses , et distribuaient le tout sur chaque commu
lime fail sans arpenlage ni désignation de qualité de lerrain nauté ; celle-ci enfin , dans une assemblée des principaux habi
et sur les déclarations assermentées des propriétaires des biens tants, ajoutait les dépenses municipales à la quotilé qui lui
fonds et des rentes ou cens assis sur ces fonds; au Verdier se était mandée par l'assiette du diocèse , cl fisait au sol la livre la
Trouve un cadastre daté de 1475. Le préambule s'exprime somme que chacun des contribuables devail fournir. Le rôle
ainsi : « C'est le livre de l'estime el de l'allivrement des ter fait, les consuls le donnaient å lever aux enchères publiques à
res du Verdier fail par sélérée de terre et journal de pré , celui qui s'en chargeait au moindre prix el faisaient remise du
plus ou moins selon la contenance , la sélérée contenant produit au receveur du diocèsc .
200 cannes, soit 50 de chaque côté , allivrée bonne et franche à Nous ne parlerons pas des divers impôls royaux, provin
13 sols, et le journal de pré 80 perges , soil 20 de chaque côté , ciaux et diocésains ; ceux qui étaient particuliers aux commu
allivré bon et franc à 10 sols , ajoutant ou diminuant suivantla nes comprenaient loujours les livrées consulaires, le salaire du
quantité du pré ou de la terre allivrée. Le cens sera déduit juge qui assistait aux élections , l'alberguc , les frais du
de l'allivrement à raison de 10 sols par sélérée de blé , de voyage du député de la commune à l'assielle, les gages du
8 par sélérée de scigle , et de 12 den . par géline. ) grefier , l'entretien de l'horloge, des fontaines , des édifices
Ce cadastre ne futpas le seul, el on peul affirmer qu'on pro publics , elc ., et enfin une somme pour dépenses imprévues.
céda alors partout à des opérations régulières d'arpentage (1 ). Dans ces derniers temps , les communes ne réglaient pas elles
seules leurs propres dépenses ; le roi les avait dépouillées
de celle faculté, et ses commissaires autorisaient leurs dépen
( 1 ) Un inventaire des archives de Rabastens, de 1717,mentionne un cadas
tre de 1300, un autre de 1460 et un troisième de 1496. Le premier était ses, avec défense de les augmenter sous aucun prélexic .
sans doute un livre d'estime , mais le second pourrait bien être un véritable Toutes les propriétés d'une commune n'étaicul ras sujelles
cadastre ; cependant l'époque de 1460 pourrait ne pas être tout- à-fait géné à la taille . Les nobles et les ccclésiastiques disaient ne pas de
rale , car plusieurs localités ont des livres faits encore postérieurement sur
-voir payer d'impôls ; mais celle excmplion accordée loul-à-fail
les déclarations assermentées des propriétaires, et nolammentLautrec, qui a le
sien de 1477 . primitivement à la personne , ne le fut bientôl qu'au bien lui
129

même , et dès l'organisation des communes, les nobles et les de ses rentes à la taille, s'appuyaient sur une raison que nous
ecclésiastiques furent déclarés exempts de contribuer au paie devons transcrire. Ils avançaient que les rentes foncières
ment de l'impôl, mais seulement pour les terres qu'ils avaient avaient été en général établies à prix d'argent sur des fonds
au momentmême et non pourcelles qu'ils auraient à l'avenir , si ruraux , ou bien par la tradition d'un fonds rural et par con
ces terres n'en étaientpas d'ailleurs affrancbies. Ainsi, en 1221 , séquent rolurier , el que par la suite ces rentes changèrent de
le comte de Toulouse reconnut que toutes ses nouvelles pos nom et furent qualifiées de renles directes avec droits de lods
sessions et celles des chevaliers et des religieux , à quel titre et autres devoirs seigneuriaux . Enfin dans la commune de
que ce fût, contribueraient à la taille comme leurs anciens Saint-Michel de Vax , les consuls déclarèrent au roi que
possesseurs le faisaient. En 1298 , le roi força les ecclésiasti les seigneurs directs du lieu devaient payer la taille pour leurs
ques de Cordes à payer la taille pour leurs propriétés qui y fiefs.
étaient svjeltes avant ; et enfin , en 1342, la charle de Beauvais Dans le principe , les consuls faisaient eux-mêmes la levée
porle en termes formels que si les scigneurs venaient à ache des impôts et en gardaient le produit pour le dépenser au fur
ter des propriétés , ils contribueraient à la taille pour ces et à mesure des besoins , sous l'obligation de rendre compte
biens comme les maitres précédents , seulement il était permis en sortant de charge à leurs successeurs, suivant les prescrip
à chacun d'eux d'acheter, pour les tenir quittes de taille , des tions de la charle de Rabastens de 1288, el en présence, si on
immeubles pour une valeur de 100 sols. L'édit royal de 1464 le désirait, du sénéchal ou du juge . Au xive siècle , ils eurent
confirma ces sages dispositions de la contribution aux tailles un receveur municipal, tout en conservant la distribution et la
par les nobles et les ecclésiastiques pour leurs possessions responsabilité des fonds. Les statuts de Cordes, de l'année
rurales. Il n'en était pas ainsi dans toutes les communautés, 1331, sont les premiers à mentionner un receveur , i aia un
à Labessière notamment, où toutes les possessions de l'abbé de bon home borsier . Nommé sans doute par les consuls , le re
Candeil « venues par donation , achat ou confiscation , » ne ceveur devait leur prêter serment; il ne payait que sur l'ordon
pouvaient être cotisées en vertu des titres de toutes les épo nance de trois consuls au moins. Les consuls de toutes les
ques jusqu'au xvile siècle inclusivement, pour aucune charge localités ne devaient pas, dans le principe, rendre compte , ou
municipale, pas même pour la réparation des murailles et des bien ils s'étaient affranchis de cette obligation aux xive et xve
portes de la ville ; néanmoins, au siècle dernier, l'abbaye avait siècles, à en juger par la prescription qui leur en est faite à
plusieurs mélairies rurales, c'est-à -dire sujeltes à la taille . Cordes, et par un procés qui eutlieu , en 1450 , entre les habi
Dans certaines localités, des biens élaient sujets aux tailles tants et les consuls du Verdier, et qui se termina par la
royales et non aux tailles municipales , les communes les en reconnaissance que firent ces derniers de l'obligation où ils
ayant libérés à cause des services qu'elles avaient reçus de seraient à l'avenir de rendre comple .
leurs possesseurs, etréciproquement aux tailles municipales et Aux siècles derniers , le receveur municipal, dans les villes,
non aux tailles royales. C'élait surtoul anciennement le cas des était nommé par le conseil le lendemain de l'élection consu
nobles qui, à Cordes , par sentence du sénéchal de Toulouse , laire ou le dimanche quivenait après. Ilne devait payer, d'après
en 1298 , furent condamnés « à contribuer à toutes les tailles les règlements de Lisle de 1636 , que sur un mandat signé par
pour construction et entretien des églises , ponts, passages et deux consuls au moins , et quillancé par le preneur s'il ne
chemins, eaux , puits et fontaines publiques, amendes des ma s'agissait que d'une somme de 10 livres et au -dessous , et par
léfices clandestins et de tous autres pour l'utilité de la ville, et un notaire si elle était plus considérable . La nomination du
ce , selon leur patrimoine et faculté comme les autres tailla receveur ou collecteur appartenait aux consuls , qui avaient la
bles, mais non pour les subsides mis par le roi pour guerres et . faculté, ainsi qu'il a été dit plus haut , d'adjuger l'emploi au
entretien des armées , anxquelles les nobles sont assujettis par moins disant enchérisseur. Les consuls devaient rendre
ailleurs. compte , au plus tard dans le délai de deux mois après être
Cette inégalité de contribution au paiement des deniers pu sortis de charge, sous peine, en certaines villes, d'une amende
blics entre telle et telle propriété , soulevail de tous côtés les de 50 livres , d'être privés de leurs émoluments et de tous
plus vives réclamations, et les municipalités persistaient à les dépens, dommages et intérêts. Les comptes remis au greffier
coliser toutes, malgré des condamnations réitérées. Les rentes de la municipalité restaient déposés pendant un mois à l'hôtel
étaient également cotisées . Elles sont portées sur le cadastre de - ville, où tous les habitants pouvaient aller en prendre con
du Verdier de l'année 1475 , et sur celui de Salvagnac de naissaissance et « les impugner ; » après quoi ils étaient exa
l'année 1550. Sur ce dernier, le selier de blé de rente est coté minés par quatre auditeurs des comptes, nommés, à Lisle , deux
1 livre ; le setier d'avoine , 10 sols ; une livre de cire, 2 de par le conseil et deux par les consuls . Dans les pelites locali
niers, et une paire de gélines, 2 sous 6 deniers. La mise des tés, le juge , pendant bien longemps, reçut les comptes des
censives sur le rôle des impositions souleva aussi une foule de consuls ; mais au xvile siècle , putes les municipalités eurent
procès. Le plus souvent, les communes eurent gain de cause ; des auditeurs des comptes .
mais parfois elles transigerent avec le maitre , soit en diminuant
sa cole , soit en l'abonnant pour la taille. Les consuls de Cahu Telles sont les institutions nées dans le pays , au moyen -âge ,
sac, en procès au milieu du xvil siècle avec Jeanne de Vezian , des éléments gallo - romains et germaniques qui y étaient ré
épouse de François de Roquefeuil , au sujet de la contribution pandus . Elles se sont successivement développées à travers les
17
- 130 -

siècles avec des phases diverses , et tombées de décrépitude pas osé aborder celle lâche hérissée , pour nous , de ditficultés
par suite des atteintes portées dans leur constitution par la nombreuses. Celle que nous avons entreprise est plus modeste :
royauté , elles ont été emportées, les unes et les autres , par la raconter l'histoire des seigneuries et des communes de l'arron
Révolution , laissant dans les institutions modernes qui les ont dissement , sans aucun esprit de système , à l'aide seulement
remplacées des empreintes ineffaçables. Il y aurait un grand des titres authentiques que des recherches sérieuses sur qua
intérêt à faire ressortir la part que chacun des éléments gallo tre - vingts communes ont pu nous fournir : voilà le but de celle
romains et des éléments germaniques a eue daus la formation ÉTUDE, heureux si elle peut procurer à d'autres des données
de ces institutions , comme aussi à mettre en lumière les élé suffisantes pour un travail plus vaste sur un sujet si digne de
ments qu'elles ont elles-mêmes apporlés à la société moderne l'intérêt de tous .
créée pour ainsi dire de leur dissolution ; mais nous n'avons ELI--A , ROSSIGNOL .

INSCRIPTION INÉDITE DES PREMIERS SIÈCLES

А SAINT-SERNIN .

L'église actuelle de Saint-Sernin , à Toulouse, a été construite , Le REQVIESCIT suffit à prouver que cette inscription est une
on le sait, durant le cours du xie siècle, sur l'emplacemenl épitaphe... Essayons de la dater en nous en rapportant aux
d'une église plus ancienne, à laquelle appartenaient sansdoute précieuses données recueillies par M. Edmond le Blant.
les fragments de sculptures encastrés en divers endroits des Les caractères sont d'une forme correcte , fermement tracés
nouveaux murs. et indiquant une assez bonne époque. Les A porlent au som
Parmi ces rares débris, on peut remarquer à une très grande mel un pelit trait horizontal ; la traverse de l'alpha est en
hauteur, sur le côté nord de la tour inachevée qui flanque à forme de V ; le Q n'est différencié de l'O que par un petit
gauche la grande entrée de l'église , un fragment de marbre trait vertical placé en dedans du centre à la circonférence ;
blanc sur lequel on distingue,à l’æil nu , une grande croix dont quoique ce dernier détail surtout accuse le vie siècle , les au
la forme se rapproche beaucoup de ce qu'on a appelé la croix tres leltres reproduisent le style le plus en usage au ive et au ve .
de Malte. A l'aide d'une lunelle , j'ai pu constater que cette De ce fait, surtout de la présence de l'alpha et de l'oméga
croix est accompagnée d'une inscription gravée sur trois lignes suspendus à la croix , et de celle du chrisme dans sa forme
séparées par des filels en creux . Quand les travaux de restaura primitive , on pourrait présumer que l'inscription est de la fin
tion de l'église seront poussés sur ce point, l'inscription sera du Ive siècle ou du commencement du siècle suivant.
débarrassée du mortier qui la cache en partie, et j'en publierai Cependant, la grande croix qui la divise en deux parties
alors un fac -simile plus exact. Je la signale aujourd'hui telle semblerait en reporter la date vers le vie.
que j'ai pu la relever : D'un autre côté , ne serait- ce pas une acclamation que con
Pour la première tiendrait la première ligne ? N'y a-l-il pas absence de l'âge du
ligne , je ne donne mort ? La formule HIC REQVIESCIT n'est-elle pas isolée , c'est
comme certains que CSIPA à - dire non suivie des mots in PACE , BONÆ MEMORIÆ , etc. ?
le C et l'A ; il est Celle forme, ce laconisme de rédaction caractérisent une plus
prudent d'attendre LIREG )
haute époque , en sorle que la fin du ive siècle pourrait bien
que le marbre soit DAVIDSACE RD être la date à assigner à ce monument du christianisme des
dégagé du mortier premiers jours.
pour se prononcer C'est une opinion dont le maitre ſera peut- être justice ;
sur le SITP (qui est toujours la Revue lui aura - 1-elle fait connaître un élément de
peut - être SITR ) ,
ov

plus pour son beau travail sur les inscriptions chrétiennes de


et sur la significa la Gaule.. Ce fragment encastré dans le mur de la vieille basi
tion de ces diverses lique pourra d'autant plus l'intéresser, qu'il donne un nom que
lettres. ne renferme pas la longue liste dressée par lui, celui de DAVID ,
Pour la deuxième et la troisième ligues , l'incertitude est accompagné de la qualification assez rare de SACERDOS.
moindre ; on y doit lire très probablement : Ici, cette qualification donne à l'inscription une certaine va
HIC REQVIESCIT , leur pour l'Eglise de Toulouse, et une importance toute parti
DAVID SACERDOS. culière pour la basilique de Saint-Sernin... D'après l'examen
131

du marbre , le mot SACERDOS ne semble pas terminer l'épita miers siècles , c'est le troisième type inédit de ce genre que la

phe et doit être suivi d'un mot tel que locI , TEMPLI , ou un Revue ait déjà eu occasion de publier (1).
analogue ; on connait des exemples anciens de pareilles for B. DUSAN .
mules , indiquant que le SACERDOS était attaché au service de
l'église où se trouve son épitaphe, ou de telle autre que dési
gne l'inscription ... Ainsi, le marbre de Saint- Sernin nous ré (1) Voir l'épitaphe de Filicissima et le fragment qui l'accompagne (4e livr.,
vèlerait le nom d'un desservant du temple primitil. p . 85). Tout informe qu'est ce fragment, le mot PussSIMO , suivi des deux let
On remarquera de plus que l'ensemble de l'épitaphe ajoute tres PO (POSVIT , POSVERVNT) , suffit à prouver que l'épitapbe à laquelle il
appartenait doit être rangée dans le groupe de celles où se trouvent indiqués
un type nouveau aux formules d'épigraphie funéraires relevées les noms de celui ou de ceux qui ont pris soin de faire placer le titulus sur la
jusqu'ici sur les inscriptions chrétiennes de Toulouse aux pre tombe du fidèle défunt.

BIBLIOGRAPHIE .

En fondant la Revue archéologique du Midi, nous avons eu l'espoir que les diverses Sociétés savantes de la région nous feraient l'honneur de l'accepter comme
une sorte de lien commun entre elles et le public, de même que plusieurs éradits y voyaient d'avance un moyen de relations scientifiques destiné à donner une
impulsion nouvelle aux études d'archéologie locale.
Notre aliente n'a pas été déçue, et la plupart des associations ayant pour but ce genre de travaux dans le Midi, se sontmontrées empressées à patronner notre
@uvre. Nous désirons que la science ait å les en remercier un jour.
Heureux des sanctions que parait rencontrer notre programme, nous le suivrons en lui donnant les développements qu'il comporte.
Dans ce but, nous devons, on le sait, rendre compte des travaux de nos diverses Sociétés ... Nous croyons utile de ne pas nous borner aux quvres du moment; il
peut etre bon de jeter un coup-d’æil en arrière pour étudier l'ensemble des résultats auxquels l'érudition locale est arrivée, pour saisir la physionomie propre aux
études de chaque région et pour suivre les préoccupations particulières aux diverses phases des études archéologiques dans les contrées méridionnales.
Le moyeu le plus sûr et le plusréellement profitable à chacun n'est pas, ce nous semble, de donner une étude générale sur ce sujet,mais de placer entre les mains
de nos lecteurs des documents précis auxquels ils pourront d'ailleurs recourir dans des circonstances spéciales pour trouver sans peine un renseignement nécessaire .
Beaucoup d'entre eux ne peuvent que difficilement connaitre même les titres des divers travaax déjà publiés par nos associations scientifiques .
C'est donc mettre à leur disposition des éléments utiles, que de publier dans notre Revue le catalogue général des æuvres renfermées dans les publications de ces
Sociétés .
Sans observer aucun ordre particulier, nous commençons par les Mémoires de l'Académie du Gard , et nous continuerons ainsi jusqu'à ce que nous ayons
terminé ce qu'on pourrait appeler l'inventaire général des æuvres de l'Archéologie méridionale académique .
L'Académie du Gard , une des plus anciennes de province , ne s'occupe pas exclusivement d'archéologie ; elle publiedes Mémoires quiformentun certain nombre de
volumes correspondant tantôt à une, tantôt à plusieurs années depuis 1804. Elle publie , en outre , des procès-verbaux dont la série, commencée en 1842 , se
continue régulièrement par année .
Le catalogue suivant donne l'ensemble des travaux archéologiques épars dans ces publications. Nous avons cru devoir y joindre les titres des ceuvres purement
historiques. (Chaque période d'années indiquée correspond à un volume.)

Index général des inscriptions antiques, par J.-F. Séguier Mémoire sur l'origine des Francs, par M. Dampmartin (1807).
(1804-1805 ). Inscriptions découvertes à Nimes en 1808 .
Incriptions antiques recueillies par l'Académie en 1804-1805 . Vases, amphores, etc., découverts dans le département du
Premier volume des Annales de l'Empire français, par M , Damp Gard , pierre gravée , torse de Vénus (1808 ).
martin (1804-1805 ). Observations sur un morceau de sculpture représentant un
Pièce de monnaie surchargée de caractères kufiques , trouvée pélican , par M. Trélis (1808 ) .
à Nimes (1806 ) . Notice sur Clément IV , par M. Cazer 1808).
Notice sur Malesherbes, par M. Dubois (1806 ). Rapport sur une dissertation de M. Millin sur les hippocentau
Conjectures sur la destination d'un monument romain décou res, par M. Alexandre Vincens (1809) .
vert à Nimes , en 1806 , par M. Trélis ( 1807). Notice sur le gouvernement de Gênes , par M. Emile Vincens
Inscriptions diverses recueillies et expliquées parMM . Aubanel, (1809).
Trélis et Vincens- Saint- Laurent (1807) . Mosaïque , amphithéâtre , débris de la basilique de Plotine,
Rapport sur une dissertation relative à un temple d'Iapyx nou médailles, groupe en marbre , inscriptions ( 1810 ).
vellement découvert, par M. Alexandre Vincens (1807) . Rapport sur une leltre de M. de Gasparin relative à une cou
Rapport sur une dissertation relative au temple d'Isarnore , par tume locale qui tire son origine de l'antiquité , par M. Alex .
M. Aubanel (1807) . Vincens (1810) .
Réflexions sur le même sujet , par M. Vincens- Saint- Laurent. Mémoire sur la révolution de Gênes en 1746 , par le méme.
132

Notices biographiques, par M. Vincens- Saint- Laurent (1810 ). Essai sur une fouille du théâtre d'Arles, par M. A. Pelet ( 1838) .
La France sous ses rois, par M. Dampmartin 1810 ). Coup -d'oeil sur les mours européennes , pendant les xve et
Rapport sur une dissertation de M. Martin , tendant à déter XVIIe siècles, par le même (1838 ).
miner le point précis où Annibal passa le Rhône, par le Mémoire sur les dolmens du Vivarais, par M. Jules de Malbosc
même (1811 , 2e p .). (1839).
Mémoire sur un cirque découvert à Orange , par M. de Gaspa Tombeau découvert à Nimes , le 25 octobre 1839 , par M. A.
rin , associé ( 1811 , 2e p .). Pelet .
Essai sur les finances de la république génoise , par M. Emile Les Thermes de Julien reproduits en relief, par lemême (1840 ).
Vincens (1811 , 2. p . ). Deux tombeaux romains trouvés à Nimes , par le même (1840 ) .
Mémoire critique sur divers évènements de l'histoire des croi Essai sur le palais des Thermes, à Paris, par le même (1840 ) .
sades, par M. Gasparin (1811 , 2 ° p .). Description d'un , lombeau découvert à Nîmes , par le même
Quelques traits de la vie privée de Guillaume II , roi de Prusse , (1840 ) .
par M. Dampmartin (1811, 2° p .). Notice sur la branche rétrograde de l’aqueduc du Gard , par
Rapport sur l'histoire de Venise , de M. Labaume, par M. Don M. B. Valz (1840 ) .
zel ( 1811 , 2e p .). Etude sur les transformations du consulat de Nimes, par M.de
Du christianisme, des causes et des conséquences de son éta La Farelle (1840).
Dissertation sur une inscription trouvée dans les Arènes , par Fin de la première maison seigneuriale d'Anduze, par le même
M. Boissy d'Anglas ( 1812-22 , 1re p .). (1840).
Mémoire sur les connaissances des anciens , dans l'art d'évo Découverte d'une portion du canal romain ,par le même (1841) .
quer et d'absorber la foudre, par M. de La Boissière ( 1812 Visite à Pompeia et à la maison de Salluste , par M. A. Pelet
22 , Are p .). ( 1841) .
Notice sur une mosaïque découverte à Avignon , par M. Cri Fouilles à l'église de Saint-Gilles, par le même (1841).
velli ( 1812-22, 1re p .). Mémoire sur les antiquités de la ville de Tongres , par
Description des antiquités du Midi, par MM . Grangent, C. Du M. d'Hombres- Firmas (1841) .
rand et Simon Durant (1812-22 , 1re p .) . Notice sur une découverte faite près de Beaucaire, par M. A.
Mémoire sur la Maison -Carrée , par M. l'abbé Simil (1812-22, Pelet (1841) .
Are p .). Fragment de l'Histoire inédite de Gênes , par M. Em . Vincens
Essai sur les fouilles faites autour de la Maison -Carrée , par (1841) .
M. Alph , de Seynes ( 1812-22 , 1re p .). Histoire de la civilisation en Europe , par M. Roux -Ferrand
Notice sur les monuments de la ville de Vaison (Vaucluse ), (1841
par M. de Gasparin (1812-22 , 1re p .). Etudes historiques sur le consulat et les institutions munici
Exécution des fouilles près du temple de Diane , par M. A. pales de la ville de Nimes, par M. de La Farelle ( 1841 ).
Pelet (1832 ). Mémoire sur la fontaine d'Egérie , par le même (1842-44 ).
Essai sur la Porte d'Auguste, par le même (1832 . Dissertation sur un Taurobole , par le même (1842-44) .
Leltre sur deux bustes en bronze , par M. L. Aubanel ( 1832 ) . Constructions souterraines de la Maison - Carrée , par le même
blissement en Europe , par M. Roux -Ferrand ( 1832). (1842-44 ).
Mémoire sur l'archéologie, par M. A. Pelet (1833). Destination des appendices de la Maison - Carrée, par le même
Dissertation sur le Temple de Diane, par M.l'abbé Simil (1833 ). (1842-44 ) .
Autel voliſ trouvé à la Fontaine , par M. Périé (1833) . Conjectures sur un bas -relief des Arènes , par le même (1842
Travaux sur les monuments de Nimes, par M. Durand (1833). 44 ).
Mémoire sur la Maison-Carrée, par le même ( 1834 ). Essai historique sur deux bourgs voisins, par le même ( 1842
Mémoire sur la Maison -Carrée , par M. l'abbé Simil ( 1834). 44 ).
Essai sur la Tourmagne de Nimes, par M. A. Pelet (1834 ). Des amphithéâtres antiques, par le même ( 1842-44 ).
Notice historique du départementdes Basses- Alpes, par N. La Conjectures archéologiques , par M. J. Canonge (1842-44).
doucette (1834 ). Découvertes faites dans l’aqueduc, par M. J. Teissier (1845
Recherches sur l'Amphithéatre de Nimes , par le même 46 ) .
( 1835-37 ). De l'âge de la Maison -Carrée ; « Confidences du dieu Némau
Rapide coup - d’æil sur les croisades, par M. Roux - Ferrand sus, » par le même (1845-46 ).
1835-37 . Mémoire sur une amphore, par M. A. Pelet (1845 46 ).
Mémoire sur les ruines de Vernègue , près d'Orgon , par le Mémoire sur un tombeau récemment découvert, par le même
même (1838) . ( 1845-46 ).
Mémoire sur la destination de certaines parties des Arènes de Sur cinq cippes funéraires , par le même (1845-46 ) .
Nimes, par le même (1838 ) . Sur les fouilles exécutées aux Arènes, par le même (1845-46 ).
Dissertation sur une inscriplion gréco - latine de Saint-Gilles , Description des restes de la basilique de Saint-Gilles, par
par M. Hector Mazer (1838 ) . M. Isidore Brun (1845-46 ) .
133

Description du Castellum découvert en 1844, par M. A. Pelet Sur l'inscription de 1748 , qui présente onze noms de localı
( 1845-46 ) . tés voisines , par le même (1853) .
Essai sur les lettres inédites d'Henri IV , par M. H. Rivoire Description de l'amphithéâtre de Nimes, par le même (1853 ).
( 1845-46 ) . Précis d'archéologie chrétienne, par l'abbé J. Gareiso (1853) .
Etude de l’aqueduc romain , par M. Benj. Valz (1847-48 ). Colonnes itinéraires sur l'antique voie Domitia , par M. A.
De l'aqueduc romain , par M. Jules Teissier (1847-48). Pelet (1853).
Détails sur l'église de Notre-Dame d'Alais, par M. d'Hombres De l'ouvrage de Prescott sur « la Conquête du Mexique , » par
Firmas (1847-48) . M. F. de La Farelle (1853) .
Sur un aqueduc romain , près de Bellegarde, par M. Plagniol Sur les médaillesdu Roussillon , parM. Ach . Colson (1854-55 ) .
( 1847-48 ). Les Antiquités de Nimes, par M. S. Durant (1854-55 ).
Route d'Annibal à travers le Languedoc, par M. Nicot, secré Mémoire sur des tombeaux, autels votifs, etc., par M. A. Pelet
taire -perpéluel (1847-48) . (1854-55 ) .
Du Temple de Pæstum , par M. A. Pelet (1847-48 ). Recherches sur les fouilles du Theatridion , par M. J. Teissier
Découverte d'un pavé mosaïque , à Nîmes, par le même ( 1847 Rolland (1854-55 ).
48) . Des enseignes militaires chez les Romains , par M. A. Pelet
Fouilles à la Porte d'Auguste , à Nîmes, par le même (1847 ( 1854-55 ).
48 ). Inscriptions trouvées à Nimes et à Ners , par le même (1854
Mémoire sur une figurine trouvée à Caveyrac, par le même 55) .
( 1849-50 ). Recueil des inscriptions qu'on rencontre dans le Midi, par le
Mémoire sur les médailles trouvées dans le Cavædium , par même (1854-55 ) .
le même ( 1849-50 ). Travail relatif aux inscriptions du Midi, par M. E. Germer
Mémoire sur un tombeau romain , par le même (1849-50 ). Durand (1854-55).
Mémoire sur de nouvelles recherches au Castellum , par le Mémoire sur un sceau de l'évêque d'Alet, par le même (1854
même (1849-50 ). 55 ) .
Inscriptions antiques que renferme la Porte d'Augusle , par le Continuation des fouilles autour du Nymphée, à Nimes, par
même ( 1849-50 ). M. A. Pelet ( 1854-55) .
Notice sur un tombeau romain , par M. Ph . Eyssette (1849-50 ). Sur le produit des anciens aqueducs de Rome , par M. J.-F.
Rapport sur une dissertation latine de M. Baudi de Vesme, Jourin (1854-55 ).
sur un diplôme militaire, par M. Nicot (1849-50 ) . Origines municipales de Nimes, par M. Ph . Eyssette (1854-55).
Considérations sur l'archéologie, par M. C.-J. Ignon (1851) . De la vie et de l'intluence du Ministre Targot, par M. J.-B.-P.
Essai sur un bas-relief découvert en 1845 , à Cavillargues, par Nicot 1854-55 ).
M. A. Pelet (1851) . Essai bistorique sur Saint- Simon el son époque, par M. Ach .
Recherches sur le culle des dieux proxumes, par M. Ach . Col de Daunant (1854-55 ).

son ( 1851). Eloge historique du marquis ile Barbé -Marbois, par M. J.-B.
Essai sur une inscription celtique trouvée à la Fontaine de P. Nicot ( 1854-55 ) .
Nimes , et sur une inscription latine du Musée de cette Histoire de Sommières, par M. E. Boisson (1854-55) .
ville , par le même (1851). Rapport sur « l'Histoire de la commune de Montpellier » de
Quelques pages d'histoire , par M. Nicot 1851) . M. Germain , par M.Gaston Boissier 1854-55) .
Des « lapides milliarii » entre Beaucaire et Substantion , par De l'aqueduc romain , par M. J. Teissier-Rolland (1856-57).
M. A. Pelet (1852). Sur l'inscription hébraïque de Salomon de Lisbonne , par
Instruments destinés par les Romains à l'excoriation des vic M. E. Germer - Durand (1856-57) .
times offertes dans les sacrifices, par le même ( 1852) . D'un Hiéron (pelit temple) à Tivoli, par le même (1856-57) .
Fouilles opérées derrière le temple de Diane , par le même. Mémoire sur trois inscriptions trouvées près de Nimes , par
Essai sur le Nymphée de Nîmes, par le même (1852). M. A. Pelet (1856-57).
Est- il, dans notre histoire , un moment où la royauté aurait pu Sur deux inscriptions trouvées à Nimes et à Bagnols , par le
opérer d'elle -même les modifications nécessaires pour pré même ( 1856-57).
venir de grandes calastrophes ? par M. de La Farelle (1852). Sur le monument de Lanuéjols, par le même ( 1856-57) .
Notice historique sur la ville de Maëstricht, par M.d'Hombres Autel votif de l'Auricet, par le même (1856-57 ).
Firmas 1852). Nolice el description de plusieurs sceaux de la collection
Excursion à Espeyran . Textes d'inscriplions , par le même Séguier , relatifs à l'hôpital du Saint-Esprit, à Rome, par
(1853). M. E. Germer - Durand (1856-57).
Eclaircissements sur trois médailles nouvelles, par le même Sur les disposilions intérieures de l'amphithéâtre de Nimes,
( 1853). par M. A. Pelet ( 1856-57) .
Sur les T'esserce (lusoriæ , pecuniariæ , congiariæ ), par le même Traduction et interprétalion de diverses inscriptions, par
(1853) . M. E. Germer-Durand (1856-57).
134 .

Souvenirs archéologiques des monts Albains, par le même Sur une inscription trouvée dans le théâtre deGubbio (Ombrie ),
(1856-57) . par M. E. Germer - Durand (1863 .
Essai sur un des plus anciens monuments d'archéologie chré Sur l'emplacementdu théâtre et du Xyste, à Nîmes, par M. A.
tienne, par M. A. Pelet (1856-57). Pelet (1863 .
Vie du maréchalMolitor , par M. J.-B.-P. Nicot ( 1856-57) . Etude sur la dimension de la Maison -Carrée de Nîmes , au tri
Histoire de la ville des Baux, par M. Jules Canonge (1856-57) . ple point de vue de l'archéologie , de l'architecture et de la
Vie de Léon Ménard , par M. Al. Germain (1856-57). métrologie , par M. A. Aurès ( 1863).
Verre antique avec des peintures en émail, par le même (1858 Note sur les Arnemelici , peuplade des Volces-Arécomiques ,
59). par M. E. Germer -Durand (1863 .
Sur une mosaïque trouvée rue Guizot, par le même (1858-59). Sur la Cloaca maxima de Nîmes , par M. A. Pelet (1863).
Sur une inscription monumentale découverte en 1739 , par le Fragments antiques trouvés à Saint-Vincent, près Jonquières
même ( 1858-59). (Gard ), par M. H. Révoil (1863).
Du temple d'Athènes connu sous le nom d'Hétacompédon , par Inscription sur un Cippe en forme d'Hermès, trouvé dans
M. A. Aurès (1858-59). l'amphithéâtre de Nîmes, par M. H. Révoil (1863).
Des thermes de Nemausus, par M. A. Pelet (1858-59) . Le prieuré et le pont de Saint- Nicolas -de- Campagnac, frag
Des monnaies ibériennes, par M. E. Germer- Durand (1858-59) . ment d'histoire locale , par M. E. Germer -Durand (1863 ).
Amphithéâtre de Nîmes. Examen de son enceinte intérieure et Notice bistorique sur la nouvelle église Sainte - Perpétue , par
de quelques inscriptions inédites, par M.A. Pelet (1858-59) . M. Ch . Leotard (1863) .
Détermination de la courbe extérieure de l'amphithéâtre de Deux moines du couvent de Saint-Marc , à Florence . Jérôme
Nimes, par M. Aug. Aurès (1858-59) . Savonarole, par M. l'abbé Azaïs (1863).
Essai sur les médailles de Nemausus , par M. A. Pelet (1860) . Rapport sur le tracé de la voie Domitienne , entre Nîmes el
La Tour des Vents à Athènes, par le même (1860). le Rhône, par M. Aurès (1863-64) .
Note sur des monnaies impériales d'argent , découvertes dans Notice sur la légende de Saint-Bausile el sur quelques inscrip
la Sylve Godesque en 1860 , par M. E. Germer - Durand tions nouvellement trouvées dans les ruines du monastère
(1860). qui porte ce nom , par M. H.-A. Pelet (1864 ) .
Note sur un autel votif à Sylvain , par le même ( 1860). Note sur quelques milliaires transportés à la porte d'Au
.

Note sur un sceau de notaire trouvé à Marguerilles , par le guste , par le même (1864 ).
même (1860 ). Inscriptions antiques , recueillies en divers lieux du dépar
Etude et comparaison de quelques chapiteaux antiques , par tement du Gard , par le même (1864).
M. A. Aurès (1860). Note sur la statue de César -Auguste, découverte récemment à
Les pierres tumulaires à Nimes (étude antique) , par M. L. Rome, dans les fouilles de PRIMA PORTA, par M. Jules Salles
Maurin (1860 ). (1864 .
Recherches sur la scène antique, justifiées par l'étude du De la Lieue gauloise , du Pas et du Pied gaulois , par
théâtre d'Orange, par M. A. Pelet (1861) . M. Aurès 1864 ).
Une célébrité nîmoise , au deuxième siècle de l'ère chrétienne, Etude des dimensions de la Maison -Carrée de Nimes , par le
par M. L. Maurin ( 1861) . même (2e p . 1864).
Les iles de Lérins, par M. l'abbé Azaïs (1861) . Inscriptions et pierres antiques trouvées dans les travaux exé
Essai sur la destination première de la Maison -Carrée, par culés à l'extrémité du quai Roussy en 1864 , et recueillies
M. A. Pelet ( 1862). par M. E. Germer-Durand .
Etude des dimensions de la colonne Trajane , par M. Aurès Note sur une inscription relative aux constructeurs de la basi
(1862). lique de Nimes, par le même (1864).
Note sur trois inscriptions antiques , par M. A. Pelet ( 1862). Une nécropole gallo - romaine, à Sainte-Perpétue, par le même
Quatre inscriptions antiques, par le même (1862). ( 1864 .
Note sur une épée trouvée en 1809 , dans l'amphithéâtre , par Sur la date de l'inscription fragmentaire ...VII TRIB · PO...
le même (1862). trouvée en 1810 , dans les déblais de l'amphithéâtre , par
Deux inscriptions antiques inédites , par M. Ollive-Meinadier le même (1864) .
(1862). Note sur deux ponls romains , à Arles , par M. H. Révoil
Documents inédits sur l'origine des quatre crocodiles de l'ho (1864 ).
tel-de-ville de Nimes, par M. Ch . Leotard (1862). Antiquités trouvées aux environs de Bagnols- sur -Cèze , par
Le procès des Templiers, par M. de Daumont aîné (1862 . M. L. Alègre (1864).
Excursion archéologique à Murviel (Hérault), par M. A. Pelet L'ouvre de la rédemption des captifs à Montpellier et dans
( 1863) . le Midi , par M. l'abbé Azaïs (1863-64 ).
- 135

FOYERS DIVERS DE SILEX TAILLÉS EN PÉRIGORD .

M. le vicomte de Gourgues a été pris d'un scrupule rare générales déjà acquises à la science , avec une sûreté de mé
aujourd'hui ; le numéro du Moniteur du 20 mars dernier con thode et un savoir remarquables.
lenail un article sur les ossements et silex taillés du Périgord , « Le niveau de limon qui, dans la vallée de la Vezére, a
où se trouvait celte phrase : été déposé dans les grolles ou sur les pentes, au - dessus du
( Longtemps avant les découvertes de MM . Lartet et niveau acluel de la rivière, mais toujours bien au -dessous de
Christy , M. de Gourgues avait recueilli, aux environs de son la ligne supérieure des coteaux qui forment la vallée, alteste :
château de Lanquais , des silex de la forme dite racloirs , qui qu'à l'époque de ce dépôt, la configuration de la vallée exis
figurent dans sa précieuse collection d'armes celtiques. » tant antérieurement n'en a éprouvé aucune atteinte ; que ,
Ainsi mis en cause , M. de Gourgues n'a pas voulu accepter dès-lors, la période des révolutions géologiques étant termi
une attribution de priorité à laquelle il ne croit pas avoir droit ; née, ce surexhaussement des eaux appartient à l'époque
et pour la retourner à qui elle appartient , à M. de Jouannet , actuelle .
il a pris la plume dans l'intention d'adresser au Moniteur un » Ce limon présente : 1 ° des restes du mammouth , du renne,
simple article de rectification au sujet de l'honneur qu'il pen et d'autres animaux de races éteintes appartenant à des latitu
sait devoir décliner. Mais il s'agissait de ces silex taillés qui, des septentrionales ; ce signe de l'abaissement de température
depuis lant d'années , font l'objet de ses études favorites ; le concorde avec la période post- glacière, autrement post-dilu
moyen de ne pas entrer un peu dans le débal ?... Aussi la vienne, qui commence l'époque actuelle ;
note rectificative est - elle devenue une brochure dont nous » 2. Des ossements et silex taillés. L'état de conservation est
essaierons d'extraire la substance. tel, que non - seulement ces objets ont encore toute la viva
On trouve des silex taillés mêlés avec des vestiges de races cité des arêtes de la taille , mais que l'on distingue des ale
d'animaux aujourd'hui éteintes. La géologie attribue l'exis liers divers avec un genre de fabrication différente, l'étendue
tence de ces races exclusivement à la période quaternaire ; on qu'avaient certains de ces ateliers , el aussi l'âge relatif de leur
en a conclu que les silex appartiennent aussi à la même pé existence par le degré de finesse dans le travail ;
riode, et on a créé pour eux la dénomination de antédiluviens , » 3. Des bois de renne, des plaques d'ivoire , avec figures
en opposition à celle de celtiques, sous laquelle sont rangés les gravées du renne el du mammouth . La nelteté des traits de
silex des temps plus rapprochés de nous . ces images alleste que les hommes qui les ont faites , et les
La conséquence de celle distinction serait, si elle était ad animaux qui sont représentés, vivaient à l'époque où les ins
mise , de soumettre l'histoire aux théories de la géologie, de truments de pierre étaient assez perfectionnés pour pouvoir
séparer les antédiluviens des celtiques par une période géolo tracer de pareilles représentations .
gique , c'est -à - dire par le passage de l'époque quaternaire à » Les instruments de pierre n'ayant élé tels qu'à l'époque
l'époque actuelle , intervalle d'une durée que l'on peul rendre dile celtique par l'histoire , et post- diluvienne par la géologie,
indéfinie , et dès lors l'apparition ile l'homme sur la terre re c'est à cette période de temps que se rapporte la fabrication
monterait à une antiquité sans limites. des bords de la Vezère .
M. de Gourgnes est de ceux qui rejellent cette distinction » Alors la masse d'eau accumulée dans la vallée et sur les
introduite en æuvres antédiluviennes el auvres posl -dilu basses terres, obligeait les premiers hommes qui vinrent dans
viennes ou celtiques ; il ne voit dans l'âge de la pierre qu'une la contrée à chercher une demeure dans les groties , les abris
période continue, indivise dans son existence , age inconnu sous roche, puis à se faire des établissements en bois au
sans doute tout entier à l'histoire , mais tout entier postérieur dessus des eaux. Les objets rejetés de ces habilations Traver
aux révolutions géologiques , étranger donc à l'époque dite saient l'eau en tombant et s'enfonçaient dans le sol sous- ja
qualernaire, et renfermé dans l'époque actuelle et dans les cent, ut cela, selon que les couches de terrain étaient plus ou
limites de la chronologie universellement reconnue jusqu'ici moins détrempées par l'eau qui les recouvrait.
pour l'ancienneté de l'hommesur la lerre . Ce qui a eu lieu dans la vallée de la Vezére , s'est passé
L'opinion contraire repose en entier sur la présence de aussi dans un nombre considérable de vallées en France ; à
silex taillés parmi des ossements de races appartenant à l'épo celle même époque, des groupes d'établissements semblables
que qualernaire. M.de Gourgues s'allache à prouver qu'il n'y furent formés dans ces lieux par les premiers habitants du
a pas de silex laillés distincts des silex celtiques ou posl- dilu pays, et les produits de leur industrie enfouis dans des cou
viens ; nous ne saurions mieux faire que de donner sa conclu ches quaternaires desséchées aujourd'hui, allestent que ces
sion , basée sur des observations locales patiemment recueillies lerres étaient alors amollies par le séjour d'abondantes eaux
et rapprochées les unes des autres ou bien des observations fluviales qui étaient amassées au -dessus d'elles.
136

» Allons au fond de la question : il ne peut y avoir de silex déclarais tout-à -l'heure ,ces propres types sont identiquement
taillés, distincts des silex celtiques, sous ce nom d'antédilu les mêmes que ceux que nous recueillons tous les jours dans
viens, qu'autant qu'il y aurait une industrie de fabrication nos stations en plein air sur les plateaux du Périgord ; pour
antédiluvienne distincte aussi de l'industrie purement celtique. les têtes de lance , ces premiers et plus accentués de tous les
M. B. de Perlhes, à qui cerles on ne refusera pas d'ètre diluviens, M. Lartet regarde comme leurs similaires les lèles
l'homme de France dont l'ail est le plus exercé en cette de lance de Moustier (Lubbock , Mém . 1864), et M. Boucher
matière, a basé cette classification nouvelle qu'il était le pre de Perthes m'écrivait, le 4 mai 1858 : « Parmi les silex que
mier à introduire, non sur la forme, non sur le travail, mais >> vousm'avez envoyés , il en est un qui provient du diluvium ,
principalement sur le gisement, lequel entraînait une secon » bien qu'il ait été longtemps sur le sol ; je l'ai reconnu à la
daire dislinction par coloration . Ceci pouvail suffire à l'ap forme et à la couleur . »
parition de l'extraordinaire inconnu que M. B. de Perthes » La vérité de fait, ici, c'est que haches lancéolées et ovalai
amenait sur la scène ; mais, comme il n'y a rien dans les res sont confondues avec tous nos autres silex taillés , el no
@uvres humaines qui ne porte le signe de la mobilité de tamment aussi avec ceux qui sont polis ; de ce mélange sur le
l'homme, et d'une éternelle fluctuation entre le progrès et la sol ressort la déduction naturelle que l'âge de la pierre ne
décadence, on a senti le besoin , pour asseoir une classifica peut qu'être une période indivise et continue , et qu'il n'y a
tion , de rester d'accord avec la philosophie de l'histoire , et de pas plus de raison d'en séparer comme témoignage d'une
chercher quelque caractère qui ne fût pas étranger à l'objet rudesse primordiale les analogues de la Somme , que de relé
en lui-même. guer à la fin de cet âge , comme période exclusive de perfec
► M. l'abbé Bourgeois l'a tenté. « La science , dans son tionnement, la pierre qui aurait élé polie . Il existe ici un très
état actuel, » écrivait-il, à M. Milne Edwards en 1864 , « n'a grand nombre de ces derniers objets qui , après avoir été
» que troismoyens pour reconnaître l'âge des instruments de fracturés, ont été retravaillés par éclats pour leur donner une
► silex : le gisement, la forme, la nature du travail. Le gise forme entière sous une plus petite dimension , et pouvoir ainsi
» ment n'est pas infaillible, car les instruments de silex se les utiliser comme haches taillées. Donc, les deux industries
>> rencontrent fréquemment à la surface, dans des terrains re ont coexisté comme contemporaines : l'une n'a pas entière
► maniés ou des éboulis modernes. Il faut donc recourir ment remplacé l'autre, et la taille par petits éclats a duré pen
Daux autres caractères . Or, la forme et la nature du travail dant tout le temps de l'âge de pierre .
» ne paraissent pas applicables à certains instruments très >> On dissertera longtemps, longtemps encore , sur l'âge rela
communs, tels que les simples éclats , couteaux retaillés sur tif de nos silex taillés ; mais je ne serais pas étonné qu'après
► les bords , les graltoirs , les têtes de lance, les marleaux , qui avoir voulu faire reculer ce qui est auvre informe dans la nuit
» sont à peu près les mêmes à toutes les époques. Je ne par des temps, on n'arrive à l'évolution contraire qui s'est produite
» lerai ici que de ceux connus sous le nom de haches. aujourd'hui dans la classification de la numismatique gauloise ,
» Les baches de la période quaternaire ont trois principaux et que M. de Saulcy a dernièrement si clairement exposée dans
> types : 1° le type en tête de lance, commun dans le dépôt son Aperçu général sur la numismatique de l'époque celtique .
» de la Somme et autres dépôts analogues ; 2° le type ova (Introduction du Dictionnaire archéologique.) De la même ma
» laire, toujours associé au précédent , mais plus rare ; 3º le nière que maintenant les plus belles monnaies , les Philippe
» type subtriangulaire , plus petit , plus mince , et presque d'or , sont considérées comme lesplus antiques ; que le bronze
toujours plus finement travaillé. » (Annales des Sc. nat., et le grossier potin , qui semblaient les premiers essais, ne re
1864, p . 25.) montentplus qu'au dernier temps de l'autonomie de ce peuple ;
► Cette détermination , mais réduite seulement à deux types ainsi, la bache en jade oriental, ce monument si rare de l'an
par M. de Mortillet, me paraît absolument la même que celle tique émigration asiatique sur notre continent, pourrait briller
qui vient d'être présentée par ce zélé investigateur sous les un jour comme le modèle primordial d'où descendait ce beau
noms suivants : « Nº 1, hache lancéolée quaternaire. Nº 2 , type lancéolé , fondement de toute l'industrie de la pierre , et
» hache ovoïde allongée du lehm de Menchecourt, comme les silex de la Somme ne seraient plus que des produits atlar
» caractérisant deux étages de haches , se trouvant dans dés et de plus en plus défigurés à mesure que les colons étaient
► deux assises géologiques différentes , et appartenant à deux réduits à l'impossibilité de continuer leurs rapports avec la
) époques successives, antérieures à l'époque de la hache polie en mère- patrie, et de reproduire le bel art qui s'y perpéluait,
» forme de coin . » (Revue Arch . 1866). mais qui chez eux était tombé en oubli.
» Devant ces exposés scientifiques , je ne puis que faire Cette explication , en faisant rentrer dans le cercle connu
cette réflexion : de l'histoire les @uvres retrouvées du travail de l'homme ,
» Si le fait d'élre à peu près les mêmes à toutes les époques a n'amoindrit pas la grandeur et l'importance de celte curieuse
privé de la dignité quaternaire les couteaux retaillés, les grat découverte ; seulement, cette société nouvelle ne devrait pas
toirs, les tèle de lance , comment celle même considération prendre rang au devant de l'histoire , mais dans ces vides
n'en éloigne- t- elle pas aussi la hache à tête de lance et la effrayants gui s'étendent à l'origine de tous les peuples, à côté
hache ovalaire, desquelles on peut aussi dire qu'elles sont à de la Genèse particulière des Hébreux. >>
peu près les mêmes à toutes les époques ? car, comme je le B. DUSAN .
137

A NOS LECTEURS .

MM . les abonnés de la Revue ont pu s'étonner , à bon droit , notre Revue, ont été publiées ensuile dans le Bulletin monu
de l'irrégularité de l'envoi de nos livraisons. Aucune réclama mental de M. de Caumont, sans que ce double tirage ait en
tion ne nous est parvenue de leur part,mais tout en les remer rien altéré les planches .
ciant de leur indulgence , nous tenons à leur faire connaître Disons tout bas que le procédé est entièrement de notre
les motifs de nos retards et les nouvellesdispositions que nous invention . Cet aveu nous fournira la conclusion de ce long
croyons devoir adopter . préambule , et la voici : nous avons dû tâtonner beaucoup de
Pour l'auvre que nous avons entreprise, la question majeure notre côté ; les imprimeurs, eux aussi, se sont trouvés dérou
est celle des.gravures ; c'est celle qui nous a le plus préoc tés quand il s'est agi d'imprimer nos planches ; de là , des
cupé. Certaines publications archéologiques donnent des essais, des épreuves mal venues et surtout des retards.
planches lithographiées ou gravées en taille - douce et par con Aujourd'hui, l'expérience est acquise , l'apprentissage fait ,
séquent imprimées hors texte ; d'autres intercalent dans leurs et malgré les causes d'infériorité inhérentes à toute entreprise
pages des gravures sur bois . provinciale, nous espérons bravement répondre au bon accueil
Le premier mode est de beaucoup le plus économique et le qui nous a été fait.
plus expéditif , mais il oblige le lecteur à courir du texte à la La partie matérielle de la Revue n'est pas seule l'objet de
planche , rejetée souvent à la fin de la livraison ou du volume, notre sollicitude. Nous nous efforçons d'améliorer l'oeuvre
en sorte qu'il devient difficile de suivre aisément la des sous tous les rapports. C'est ainsi que nous avons introduit
cription sur le dessin . De plus, les lithographes effaçant le dans nos livraisons des articles de bibliographie actuelle , puis
dessin après le tirage, d'ailleurs très limité par l'usure rapide de bibliographie rétrospective. Désormais nous donnerons , en
des planches, il est impossible de rééditer à peu de frais un outre , une chronique destinée à tenir nos lecteurs au courant
travail accompagné de dessins exécutés en lithographie. des nouvelles archéologiques. De cette façon , la Revue demeu
Il importait d'éviter ce dernier inconvénient. La Revue rera bien exclusivement consacrée aux travaux intéressant les
n'étant qu'un Recueil de matériaux , ceux - ci s'y trouvent né régions méridionales, mais lesabonnés y trouveront, en outre ,
cessairement disséminés au hasard des découvertes et des un résumé des publications spéciales, périodiques ou non , et
communications. Mais le moment viendra où ces matériaux un ensemble d'indications, de nouvelles , de renseignements
seront assez nombreux , assez importants, pour qu'on puisse relatifs au mouvement scientifique.
les coordonner , les grouper et en faire des travaux d'ensem Pour atteindre ce but, il est nécessaire que nos livraisons
ble complets. Le moment viendra, par exemple , où les recher paraissent plus régulièrement ; aussi nous voyons-nous forcé
ches isolées de nos épigraphistes permettront de publier un de supprimer celles qui sont en retard , c'esl- à -dire que nous
corps d'épigraphie méridionale . Les fac- simile d'inscriptions dalons celle - ci, la septième, du mois de novembre ; les abon
publiées dans la Revue seront alors une précieuse ressource. nés n'en recevront pas moins douze livraisons pour le prix de
Il en sera de même pour les divers sujets d'études archéolo leur abonnement.
giques qui ont leur place marquée dans ses pages . On conçoit Ce prix est extrêmement modique , si l'on songe aux frais
dès lors combien nous devions nous attacher à conserver nos considérables qu'exige la Revue ; elle est, en somme, la moins
planches. coûteuse des publications périodiques ayant trait à l'archéologie ,
Nous avons dit que les lithographies ne permellent pas ces puisqu'elle renferme trois fois plus de texte ou de gravures que
utiles rééditions dans lesquelles on peut résumer les recher les publications dont l'abonnement est à un moindre taux .
ches et les travaux relatifs à une des branches de la science Cette modicité de prix aidera , nous l'espérons, à généra
archéologique. liser le goût des études archéologiques et à leur donner, dans
La gravure sur bois s'intercale dans le texte , supporte un nos contrées, une impulsion nouvelle .
tirage considérable et peut être facilement conservée . En Pour celle mission , la plume et le crayon ne suffisent pas.
l'adoplant , nous aurions atteint notre but. Ici se présentait Certains de nos collaborateurs désirent, avec nous , agir pour
un nouvel obstacle. Ce mode de gravure est d'une exécution ainsi dire matériellement ; ils veulent que la Revue ait une
lente et très coûteuse (de 25 à 35 cent. par centimètre carré) . influence directe sur les applications des études archéologi
Nous ne pouvions songer à l'employer dans une publication ques à l'architecture et aux arts industriels. Nous avons orga
qui ne s'adresse qu'à un petit nombre de lecteurs. nisé une association ayant pour but de sauvegarder les intérêts
Ces considérations diverses nous ont fait recourir à un de la science et de l'art fraternellement unis. L'indépendance
procédé de gravure qui nous a permis de résoudre le pro de position de la plupart , l'indépendance de caractère de tous
blème. Nos planches, quoique ayant l'aspect de lithographies sont une garantie de la sincérité et du désintéressement de
au crayon, sont de vraies gravures typographiques, imprimées nos communs efforts , dont le public nous liendra comple ,
en même temps que le texte sur presse typographique , et nous en sommes convaincu , de même qu'ilnous a déjà témoi
d'une conservation facile. Deux inscriptions, imprimées dans gné pour la Revue des sympathies dont nous le remercions.

LE DIRECTEUR .

18
- 138

ÉGLISE DE BARAGNE .

La petite église de Baragne , canton de Salles-sur -Lhers peu connus , parce qu'ils sont perdus dans de petits villages ,
(Aude) , n'est pas un de ces édifices complets où s'est puis et dont plusieurs sont d'une valeur incontestable , puisqu'on
samment épanoui l'art roman , dans les régions méridionales. y peut entrevoir , ou les préludes et les essais par lesquels les
Toutefois , malgré ses modestes proportions , il traduit assez architecles romans arrivèrent à leurs plus complètes tenta

count
USU

TEK

Élévation latérale. Élévation de l'abside.

hautement le génie lives , ou les modi


particulier à ce style fications au type ad
d'architecture pour mis que leur sug
mériter une étude géra , selon les cir
attentive et pour constances , leur
figurer dans la série esthétique architec
de monuments de turale.
ce genre que nous Plus que dans les
nous proposons de édifices romans des
publier. grandes villes et des
On a décrit , ou abbayes , dans ceux
du moins cité , les de nos campagnes ,
plus belles de nos où les traditions

églises romanes, cel lointaines ont dû


Échelle de 1/100 . Plan .
les où l'on a cru re persister longue
connaître un prototype imité souvent, celles en un mot dont ment , un esprit chercheur trouvera peut- être des reminiscen
l'érection a été supposée un évènement et le signal d'une ces étranges et saisira des rapports inattendus entre lesœuvres
révolution dans l'architectonique. Nos contrées sont riches de l'art gaulois et l'ornementation particulière au hautmoyen
pourtant d'un assez grand nombre d'édifices peu remarqués, age , sans compter d'autres influences attribuables à l'Orient.
139

3)

Thai

> 116
PCRTAIL DE L'ÉGLISE DE BRACNE.
-
140 -

Un simple détail d'une humble église de hameau peut donc C'est au nom du groupe dont la Revue est l'organe que
ètre tout aussi intéressant que les vastes ensembles de Saint nous remercionsM. l'abbé Mélis d'avoir su apprécier toute la
Gilles , de Saint- Sernin , elc ., etc. valeur de l'église de Baragne, d'en avoir soigneusementréparé
Aussi ne nous attacherons-nous pas précisement à décrire l'élégante abside, et que nous lui souhaitons l'appui officiel
les plus beaux édifices déjà connus , mais préfèrerons- nous pour en achever la restauration .

publier ceux quin'ont pas encore Celle église , bâtie , d'après la


éveillé la curiosilé des archéolo tradition , du xie au xile siècle ,
gues. Nous dirons peu de chose par un seigneur du lieu , de la
de chacun d'eux en particulier, maison de Buisson (branchefon
mais de l'ensemble pourra se due dans les Roquette- Buisson ) ,
dégager plus tard la véritable n'a guère subi de remaniements
genèse de l'artroman méridional. qu'à la toiture, surtout à celle de
l'abside , où l'acrotère a été sur

9
N'est-ce pas , d'ailleurs , le
moyen le plus efficace de sauver élevé. Cet exhaussement a été
de la destruction ces charmantes motivé par le désir d'isoler la
wuvres trop souvent condamnées charpente de l'extrados de la
par la haute sagesse d'un conseil voûte ; il a eu pour résultat de
municipal en quête d'une vaste masquer un cheneau circulaire
halle décorée du nom d'église ? conduisant les eaux de l'abside
N'est- ce pas le moyen de les jusqu'à deux pelites gargouilles
conserver que d'attirer sur elles placées entre les contreforts de

l'attention de tous , et de les la neſ.Le clocher, originairement


placer ainsi sous une sauvegarde Chapiteau de la nef. de forme rectangulaire , est de
intelligente ? venu un triangle par des additions
Nos architectes rêvent moins aujourd'hui de démolition et sur les côtés et peut- être au couronnement. Une partie de la
de style grec ou romain : ils comprennent , en général, les voûte de la nef est récente et faile en plein cintre , comme les
beautés de notre architecture nationale et savent en restaurer arcs doubleaux et le restant de la voûte ancienne .
pieusement les débris. Sauf ces modifications, la mutilation complète de deux cha
A son tour, le clergé entre résolûment dans la voie , et plus piteaux et des bases circulaires des piliers de la nef, l'église
d'un pauvre desservant de campagne consacre ses loisirs et de Baragne est telle que la construisit l'architecte roman . Ceux
ses modiques ressources à guérir sa vieille église demaladroites d'aujourd'hui pourraient avec fruit s'inspirer de ses nobles
mutilations. Il est du devoir de la Revue de signaler leur bon formes , du grand effet de ses lignes obtenu à peu de frais ,
goût et leur dévouement, si faibles qu'aient pu être les pour la construction des petites églises de campagne.
résultats obtenus , et de les encourager ainsi dans leurs luttes
B. DUSAN .
contre l'envahissement des banalités architecturales.

MOSAIQUE TROUVÉE A RIVIÈRES

( TARN ).

La route impériale n ° 88 traverse la commune de Rivières ; reprises, des restes de murs recouverts d'une couche de
quand on est parvenu au quatorzième kilomètre d'Albi , au terre de 30 à 50 centimètres d'épaisseur, des médailles impé
midi de la route et dans une largeur d'environ 500 mètres , riales, des vases en terre samienne, etc. D'abondantes sources
les champs sont parsemés de débris de tuiles à rebords, de arrosent ces champs et expliquent la nature des restes de
tuiles creuses, demoellons, de débris de mortier , et cela dans constructions dont nous aurons à parler un peu plus lard .
une étendue de 15 hectares environ . On y a trouvé , å diverses Mais , à part les médailles romaines dont M. de Combettes
- 141

Labourelie nous a conservé la description (1 ) , à part le rom croix , dont les quatre branches étaient divisées en caissons
d'un champ rappelant le souvenir d'une maison de campagne et bordée d'une lorsade entourant quatre caissons carrés. A
de l'époque chacun des
romaine ( 2 ) ,
angles ren
personne , trants de la
jusqu'à l'an croix, la mê
aée 1845, ne ine disposi
s'était occupé tion se repro
derechercher duisait; seu
les traces de 23 lement il y
la présence avait quel
des Romains
ques légères
en ce lieu . variations,
En 1846 ,
telles que des
mon père fai chevrons sur
sant défoncer les caissons
un champjus des autres
qu'alors sté croix . Une
rile , les ou bordure en
vriers , parve tourait le
nus à la pro GE
tout : elle
fondeur de 40
était formée
cent., mirent d'une bande
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belle mosaï d'une
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spirale dont
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de feuillages,
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faite et la mo
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saique per trouvait dans


due. >>>
K cet ouvrage
La mosaï
les couleurs
que se com ternes et un
posait d'une
peu effacées
rosace for
des mosai
mant le cen ques romai
tre d'une Mosaïque trouvée à Rivières .
nes : la rosace
était bleu pâle , jaune et rouge ; les caissons blancs , noirs et
(1) Médailles trouvées à Rivières, dans des sarcophages de pierre :
Auguste . -MB . - Avers . D CAESAR AVG . PONT. MAX.-R. ROMA . SC . rouges ou jaunes et rouges ; les lorsades bleu pále , noir et
Id . PB.-Id. Autel de Lyou. blanc , etc. Une chose digne de remarque , c'est celle dis
Tetricus . — R . SPES AVG . position de torsades formant encadrement. Les diverses
Id . R. SALVS AVG .
mosaïques romaines découvertes dans le pays présentent
Id . R. SOLI . C. AVG .
lj . R. PAX AVGVSTA . loutes cet ornement : ainsi , la mosaïque trouvée à Rabastens
Constantin - le - Grand . — R. PROVIDENTIA AVGVSTA . en 1840 , celle de Giroussens , trouvée en 1861 , et celle ,
Id . - R. vot xx. Légende : DN MAX AVG .
encore plus belle, mise au jour à Granéjouls dans les travaux
Id . - R. SÓLI • INVICTO . COMITI.
Crispus. CRISPVS NOB . CAES . · R. CAESARVM NOSTRORVM (vot ) . exécutés , au mois de mars 1863 , pour la construction du
Constantin . CONSTANTINVS IVN . NOB . C. - R. PRO..... CAESS . chemin de fer de Toulouse à Lexos, offrent également des
Cons. - . R. FEL , TEMP .
lorsades. Ces divers ouvrages ont pu être exécutés par les
Constans . — FL . IV . CONSTANS , NOB. C. R. GLORIAE EXERCITYS .
Trois autres médailles de Constantin . mêmes ouvriers ; de là viendrait , malgré la variété des des
Quatre autres médailles des trente Tyrans des Gaules. sins , celle ressemblance d'ornementation .
(2) Je possède un champ de plus de 1 hectare d'étendue , bordant le côté
snd de la roule n ° 88 ; ce champ, où l'on trouve fréquemment des fragments La mosaïque était formée de petits cubes de pierre de
de tuiles à rebords, porte en langue romane le nom de Camp de la Bilo . Il est 1 centimètre de côté ; les pierres étaient, comme je l'ai dit, de
aisé d'y reconnaitre le mot latin villa . diverses couleurs ; il n'y avait point de marbres. C'était le
142

pavé d'une habitation gallo - romaine, sans nul doute ; les d'amphores et d'autres vases qui ne furent point conservés .
petits cubes formant la mosaïque reposaient sur une couche de Tous les décombres ou pans de murs existant à côté de la
béton , d'environ 15 centimètres d'épaisseur. mosaïque furent enlevés sans soin , mon père étant mort sur
Dans le même champ , on trouva bon nombre de débris ces entrefaites.
BARON E. DE RIVIÈRES.

SIGNETS AUTHENTIQUES DES NOTAIRES DE TOULOUSE


DU XIII AU XVI° SIÈCLE.

L'existence à Toulouse d'officiers publics chargés, sous le les notaires sortant de charge devaient en élire quatre autres
nom de notaires , notarii publici , de donner par leur affirma pour les remplacer. Tout refus de la part du notaire électeur
tion l'authenticité légale aux contrats, est attestée par les ou du notaire élu était puni d'une amende en nature, consis
documents dès les premières années du xiile siècle . tait en un millier de briques plates (tegularum planeanum milia
En 1204 , quatre notaires publics, Pierre Sans (Sancius) , rio ), évidemment destinées aux fortifications de la ville .
Guillaume de Saint- Pierre , Raymond Agobert et Arnaud Rien n'indique d'une façon formelle , dans ce curieux docu
Barrau (Barravus) légalisent de leurs nomsles copies de titres ment , de qui les notaires publics de Toulouse tenaient leur
divers, datant pour la plupart du xie siècle et émanant des mandat ; mais, selon loute vraisemblance , c'était déjà de l'au
comtes ou des consuls de Toulouse , et transcrits sur un car torilé municipale, puisqu'ils en acceptaient la juridiction sans
tulaire en parchemin , par Guillaume Bernard . que le comte de Toulouse jugeat convenable d'intervenir . Une
Les actes officiels de la commune étaient même, au com autre induction qui ne nous paraîl pas moins légitime , c'est
mencement du xiure siècle , uniquement conservés chez les que les notaires étaient déjà nombreux à Toulouse, puisque
nolaires, sans qu'il en existat un dépôt public . Comme cet l'on en devait désigner quatre chaque année pour recevoir les
état de choses présentait des inconvénients , les vingl- quatre titres officiels ; ils paraissent, en outre, avoir été indifférem
consuls décidèrent, le 12 mai 1227, qu'à l'avenir quatre notai ment répartis entre la cité et le bourg , puisque l'on en
res publics, deux de la cité et deux du faubourg, seraient char demandait un nombre égal à ces deux parties de la ville .
gés de tenir registre des ordonnances et établissements (stabi Quarante ans après, le doule n'est plus permis. Les notaires
limenta ) consulaires, pour l'honneur et l'utilité de lous les s'affirment élus et créés par les consuls de Toulouse . On en
citoyens et bourgeois de Toulouse . A la fin de l'année admi jugera par la formulemême d'installation que nous publions
nistrative , le jour des élections consulaires ou le lendemain , ici (texte roman de ..... et texte français de 1520 ) :

C'est la forme du serement que doyvent faire les notaires


creez audict office ubique terrarum par les seigneurs de Capi
tol de Tholose ayant pouvoir et auctorité de ce faire par pri
vilege a eulx donné par feu Theodose empereur et confirmé
par les roys de France de bonne mémoire (1530 ).
Vos . N. juratz sobre aquetz catre sainctz evangelis de Je N. jure sur ces sainctz evangiles de Dieu et promectz a
Dieu e prometetz als senhors de Capitol de Tholoza per nom messeigneurs de Capitol de Tholose pour raison de leur capi
de lor capitolat e de tota la Universitat que totz les jorns de tulat et de toule l'Université de Tholose que tous les jours de
vostra vida seretz lials e fizels a vostre senhor le Rei de Fransa ma vie je seray loyal et feal au roy de France notre souverain
et als sieus successors la persona la honor la vida els menbres seigneur el a ses successeurs, la personne honneur vie et
de luy e sos dreytz fizelment a vostre poder gardaretz als membres de luy et ses droiz féablement de tout mon pouvoir
dytz senhors de Capitol en nom que desus a vostre poder forsa garderay. Et ausdicts seigneurs de Capitol au nom que dessus
ayda secors et aiutori e bon e lial cosselh donaretz quan requi bon et loyal conseil force secours et ayde de lout mon pou
rit ne seretz : las libertatz franquesas previleges dreytz et voir donneray quant requis en seray . Les ordonnances royaulx
devers els bos uzalges e las bonas costumas de la dita vila de et les privileges , franchises , liberlez , droiz et devoirs et les
Tholosa a vostre poder gardaretz e deffendretz e lor for ses bons usages et bonnes coustumes de ladicte ville de Thle de
iusta causa no declinarelz . tout mon pouvoir garderay et defendray. Leur jurisdiction
Item juratz e prometetz que sans cause juste ne declineray . Item promectz et jure que tout
tot le temps que vos en Tholosa o en la vigaria de Tholoza le temps que je demeureray et feray mon domicile dedans
vostre domicili tendrelz a las talhas comunals de Tholoza per ladicte cité de Tholose ou appertenances d'icelle , je contri
qual que causa enpausadas o enpausadoras per los bes que bueray a loutes et chescunes les tailles communes de la dicte ville
avetz possezetz etaurelz e posseziretz on quels aiatz ayssi cols et cité de Thle pour quelque cause et raison que ce soit imposees
143 .

autres ciutadis et abitans de Tholoza contribuyretz e daquelas ou a imposerpour raison desbiens que je y auray et possederay a
no vos escusaretz ni nulha escuzatio non allegaretz per degun presentou pour l'advenir en quelque lieu que je les aye tout ainsi
offici ni previlege que de present aiatz ni pel temps avenidor que font ou feront a l'advenir les autres citoyens et habitans de
auretz. Los secretz coselhs dels ditz senhors de Capitol quam la dicte ville , et de ce faire ne me excuseray ny allegueray
appelat y seretz a lunha persona a qui nos degan revelar . no aucune excusacion pour quelque office ne privilege que je aye
les revelaretz . a present ou auray au temps advenir. Le secretz et conseils
desdicz seigneurs de Capitol quant a iceulx appelle seray ne
declineray ou reveleray a aucune personne a qui declairer ou
Item juratz e prometelz quels estrumens e reveler ne les doye. Item promelz que tous et chescuns les
las cartas que reseubretz vertadyerament escriuretz en vostres instrumens et chartres que je recevray ou retiendray je les
protocols et al plus lost que poyretz en le libre de las materias escriray veritablement en mes grossoier. Et iceulx grossoiez
de las cartas et dels estrumens que reseubretz vertadierament les rendray et les expedieray veritablement sans aucune fraude
escriuerelz et entieyrament encorporaretz les quals estrumens ne subterfuge aux parties a qui appartiendront, a moy satis
quan ne seretz requiritz al plus lost que poyretz vertadiera faict toutefois demon salaire modere et raisonnable . Et de ce
mente ses fran engrossaretz et aquels engrossatz redretz e faire ne refuseray par faveur, craincte , amour, hayne, fraude ,
restituiretz a sels aqui saperlendran am moderat e razonable pecune, service , prieres ny par aucune autre malice.
salari. Et aysso far no recusaretz per favor amor temor odi
frau prelz servizi pregarias ni per lunha autra malicia .
Enquara mais juratz e prometeuz que vos carta ni estrument Item prometz et jure davantaige que je ne recevray ou retien
no reseubretz de lunh contrag que saubessalz o conoguesetz dray aucune chartre , instrument ne contraull ou je sçauray ,
ques fes per forsa per menassas per paor per fraud o per usura sentiray ou cognoistray que les parties contractans ou autres le
o en frau duzura e per maior segurtat de la causa publica e feissent ou fissent faire par force , menasses , peur , fraude ou
per aver memoria dels faitz et dels contractz dels quals carla par usure, ou en fraude de usure. Et pour plus grand fermeté
reseubrest prometetz et juratz que vos am tota aquela bona el assurance de la chose publique et afin que des faictz et con
cura e diligensa que poyrelz los protocols e las materias els traulls desquels je recevray ou reliendray chartre et ins
registres de las cartas et estrumens que receubretz fizelment trument en soit à l’advenir mémoire , je prometcz et ainsi
e ses tot frau gardaretz . jure que je garderay feablement et sans fraude les pro
thocolles et les matieres et registres des chartres et ins
trumens que je retiendray et recevray a toute la bonne et
Item juratz et prometelz que vos meilleur cure et diligence que me sera possible. Item pro
les libres de vostra notaria et las cartas els estrumens que dins mectz et jure en oultre que je ne tireray ne gecteray hors
Tholoza o en las pertenensas de Tholosa receubretz de la dita ladicte ville de Tholose les livres de ma notairie ou des char
vila de Tholosa ses licencia dels ditz senhors de Capitol que tres et instrumens que dans icelle ou ses appertenances rece
son o seran no trayretz ans si sendevenia que al dit offici resi vray ou auray receu sans le sceu ou licence desdicts seigneurs
gnesez o dieus fasia son plazer de vos que pasesetz daquest de Capitol qui sont a present ou seront pour le temps advenir .
segle en lautre als ditz senhors que ara son o seran voletz que Ains si cas advenoit que je resignasse ou renunciasse audit
sian redutz restancat le dreys que sapartendra a vostres here office ou que je allasse de vie a trespas , je veuls que lesdicts
tiers. livres soient renduz ausdicts seigneurs de Capitol qui sont a
present ou seront pour l'advenir, reserve a mes heretiers le
Item juratz e prometetz quel dit offici de notaria a droit qui en ce leur appartiendra . Item promectz et jure que
vos comes diligenment fizelment e vertadieyrament ses tota je useray , tiendray, garderay et exerceray ledict office de
mala machinacio e ses tot frau al miels que poyrelz exersiretz notaire à moy commis diligemment, feablement et sans aucune
uzaretz tendretz faretz et gardaretz. mauvaise machination ou fraude aucune , au mieulx que je
Item juratz et prome pourray. Item jure et promectz que je ne procureray par moy
tetz que vos no procuraretz per vos ni per autre que collacio ny par autre que collation ny resignation de notairie d'aucun
ni rezignatio de notaria de notari mort ni viu creat per les nolaire cree par lesdicts seigneurs de Capitol, soit-il trespasse
senhors de Capitol vos sia donada per degun autre si no per ou en vie me soit donnee par aucun autre sinon par lesdicts
les senhors de Capitol que adoux seran . Etolas aquestas cau seigneurs de Capitol qui seront pour lors . Et toutes et ches
sas ensenglas tener et gardar et non contravenir ni far per vos cunes les choses dessus dictes et autres par disposicion de
ni per autre manifestament ni rescostament sobre aquelz sans droit en lels cas requises et necessaires garderay el entretien
evangelis per vos tocatz corporalement juratz e prometetz . dray et jamais ny contreviendray ny feray ou souſfriray con
trevenir par moy ne par autre directement ou indirectement,
manifestement ou occultement. Et ainsi le promectz et jure
par Dieu et par ces sainctz evangiles que je touche corporelle
ment.
- 144

A partir de celle époque , les archives de l'hôtel-de- ville A première vue, celte interminable série de noms, de pré
nous offrent une intéressante série de registres, intitulés noms et de désignations d'origine, paraîtra singulièrement
tantôt livre , tantôt matricules des notaires, destinés à recevoir aride; mais en l'étudiant d'un peu plus près, on en verra
année par année l'inscription des nolaires créés d'autorité sortir bien des lumières inespérées. Et pour n'en citer qu'un
municipale. exemple , n'est-ce rien , au point de vue de ces recherches de
Ces registres, qui commencent à l'année 1266 pour finir en géographie ancienne dont nos provinces commencent à se
1536 , ont été déjà signalés sommairement par M. Fons, å préoccuper, que cet énorme recueil de noms de lieux écrits
l'Académie de Législation de Toulouse , dans un Mémoire trai dans leurs formes latines, toujours avec l'indication du dio
tant du ressort des anciens notaires de Toulouse. cese ou de la sénéchaussée , et qui semblent réunis à plaisir
Ils sont au nombre de neuf, en parchemin , et lous écrits pour substituer la vérilé à la fantaisie et renverser une fois
en latin . On pourra juger par le relevé exact du nombre d'ins pour toutes ces étymologies grotesques et mensongères dont
criptions et de signatures contenues dans chaque volume, de la les savants d'occasion se sont toujours montrés si prodigues ?
libéralité avec laquelle l'aulorile consulaire dispensail, à Tou N'est- ce rien encore que celte longue série de noms de famille
louse , le titre de notaire public . ou de personne , se laissant surprendre , pour ainsi dire , au
Lepremier volume s'étend de 1266 à 1337. Quelques feuil moment même de leur formation et portant avec eux leur
lets manquent au commencement. Pour une période de provenance et leur date ?
soixante -onze ans , il donne 3,984 notaires . Pour aujourd'hui , nous nous contenterons de signaler en
Deuxième volume (1337-1356 ), dix- neufans: 1,614 uolaires . passant ces côlés sérieux et ardus d'une question qui en sou
Troisième volume (1357-1422 ), soixante -cinq ans : 1,284 lève bien d'autres et qui se raltache à la linguistique , à l'eth
notaires . A la suite de la formule du serment, écrite en roman , nographie , à loutes ces sciences obscures et neuves qui cher
qui occupe les premières pages, se trouve uneminiature assez chent patiemment, dans les lenteurs fastidieuses de l'analyse ,
grossièrement exécutée figurant le Christ en croix entre la les éléments de synthèses solidement établies , et nous nous
Vierge et saint Jean ; c'est ce qui est appelé, dans le style judi contenterons d'appeler l'attention de nos lecteurs sur un
ciaire du temps, la Passion figurée de Nostre-Seigneur. mince détail dont on ne s'est guère occupé.
Quatrième volume (1464-1499 ) , Irente -cinq ans : 1,497 A dater de la fin du xire, les notaires ne se contentent plus
nolaires. d'inscrire au registre leurs noms et la date de leur promo
Cinquième volume (1500-1510 ) , dix ans : 1,009 nolaires . tion ; ils y ajoutent le signet authentique , signum authenticum ,
Des blancs ont été laissés aux premières pages pour recevoir dont ils s'engagent à faire usage au bas de leurs actes, sig
des lettres ornées et des miniatures qui n'ont jamais été exé num meum quod est tale ... , signo meo authentico quo in meis
cutées. actibus uti intendo signavi.
Sixième volume (1510-1519) , neuf ans : 860 notaires . A ces époques où l'art élait partout, où la forme savait
Septième volume (1519-1524 ), cinq ans : 556 notaires. revêtir toute chose d'une parure originale et appropriée , cette
Huilième volume ( 1524-1530) , six ans : 789 nolaires . Le marque personnelle que le notaire calligraphe adoptait comme
groupe de la Passion est figuré en tête du registre, dessiné à un sceau , comme une armoirie, pour être le symbole le plus
la plume avec assez de tournure et de style . sérieux de son autorité légale , ne pouvait pas être un paraphe
Neuvième volume (1530-1536 ) , six ans : 833 notaires. Une banal. Aussi , les onze mille signets qui émaillent les belles
grande miniature à poses tourmentées et à couleurs criardes pages de parchemin de nos recueils, offrent-ils un ensemble
couvre la première page . Aux trois personnages traditionnels de variétés assez curieuses, dont il nous a paru intéressant de
s'est venue joindre une Madeleine agenouillée, versant des détacher quelques spécimens.
parfums sur les pieds du Christ, ainsi que trois anges, drapés Au point de vue iconographique , ces signatures historiées
de carmin , qui voltigent dans les nuées. Ce neuvième volume se rattachent à bien des choses que la curiosité moderne
est le dernier de la collection , le privilege de créer les recherche et rassemble , aux marques d'ouvrier , aux filigranes,
notaires ayant été soustrait aux Capitouls par suite des empiè aux types de sigillographie , aux emblèmes héraldiques, à toutes
tements progressifs et incessants de l'autorité royale . ces combinaisons de trails et de formes où l'esprit cherche à
Par les simples chiffres qui précèdent, on peut se rendre surprendre une pensée, à deviner des lois, à signaler des cou
compte de la foule prodigieuse de gens de loi qui venaient rants d'émotions et de préoccupations populaires ; sorte de
demander aux Capilouls, moyennant finance, le droit de rete cristaux à mille facettes, qui, malgré leurs proportions exi
nir des actes publics. guës, reflètent quelquefois de larges espaces.
11,026 notaires, dans une période de deux cent vingt-huit Pour jeter quelque ordre au milieu de ces nombreuses
ans, voilà en vérité un beau chiffre ; et si jamais les contrats variantes, nous les grouperons en quelques séries principales
ont manqué dans le pays Toulousain , ce ne fut pas faute de aussi peu arbitraires que possible : signets parlants , signets
tabellions. héraldiques, signets alphabétiques, signets géométriques.

-
145 -

SIGNETS PARLANTS .

Les signets parlants, très nombreux dans le xire et le xive 4. Pierre Frayssinet, Fraycheneti , du, diocèse de Mende
siècle et presque introuvables au delà de cette époque , sont ( 1333) : une tige de frêne.
inspirés du même principe que les armoiries parlantes. Ce 5. Pierre du Garric , de Garrico , de Roquemaure , diocèse
sont de véritables rébus, reproduisant, avec des analogies plus de Montauban ( 1333) : une branche de chêne , garric
on moins parfaites, la consonnance générale du nom . en roman , à feuilles découpées.
Nous en donnons ici quelques exemples : 6. Jean Olivier (1333) : un arbre surmonté d'un fruit conique.
1. Guillaume- Pierre du Pin , de Pinu (1309) : un arbre en 7. Pierre du Chêne, de Quercu (xive siècle).
éventail, grossièrement dessiné. 8. Pierre de Saliis , une tige de saule.
2. Pierre Aligier (1315 ) : un alizier chargé de fruits. 9. Une tige branchue et fleurie , rappelant les divers types
3. Bernard du Verger ou du Verdier , de Viridario (1325 ) : qui précèdent, avait été adoptée par Jean Lausat , sans
une plante dans un vase . motif intelligible .

4 . 5 .
1. 2 . 3.
P

< opp

6 .
गौ

10 .

ont
9.
8 .

o
Sekh

*** H *
F

10. Gaucerand de Til, de Tilio , du diocèse de Tarbes : une 17. Vital de la Caze , de Caza (xive siècle) : une cabane à
fleur de tilleul (xve siècle) . toit conique .
11. Bernard Auzels , clerc 18. Laurent de l'Eglise , de
de Sainte -Foy de Pey Ecclesia , ou de Gleyses
rolières (xive siècle) : en roman (xivesiècle ) :
un oiseau . une église surmontée
12. Jehan Folquier , Fol d'une crosse abbatiale .
querii (xure siècle) : 12 . 13 . (Ce notaire était né à
11
un faucon très grossiè Simorre , au diocese
rement dessiné , mais d'Auch .)
cependant reconnais Les châteaux
figurés
sable à la forme du bec et au cercle qui entoure l'æil. dans les nos 19 et 20 ne s'expliquent pas par les noms
13. Jehan Pauli (1324 ) : un paon , pau en roman . des notaires.
14. Jeban du Solier , de 21. Clément Tesseyre
14 . 15 . 16 .
Solerio , un abri ( xive siècle) : un
pour le soleil , sole métier de tisserand .
19 .
rium . 17 . 22. Raymond l'Organiste
22 . It 20 .
15. Azémar de Castellar , ( xive siècle) : un
d'Escanecrabe (XIV jeu d'orgues.
siècle ) :un château . I 23. Domin . de Clausade,
21 . 18 . 23 .
16. Ermengaud du Pont phone de St-Germier , au
de Ponte (1327) : diocèse de Lombez
un pont à deux (xive siècle) : une
V.

arches. clef, clau en roman .


19
146

24. Jacques de Roques , de Ruppibus (xive siècle) : un roc 25. Jean du Pujol, de Pujolis, du diocèse de Tarbes (xive siè
d'échiquier. cle) : un petit puy, podiolium .
24 . 23 .

2
124 ‫من له‬

SIGNETS HÉRALDIQUES .

Les signets héraldiques sont extrêmement nombreux dans Pierre Robert , clerc de Castelnaudary (fig . 38 ) : un écu
le courant du xiiie et du xive siècle ; ils deviennent plus rares chargé d'un roc d'échiquier, etc.
au xve et disparaissent à peu près entièrement au xviº. Plus souvent, les signets héraldiques n'empruntent pas au
Certains signels figurent un écusson complet avec diverses blason la forme même de l'écu , et se contentent d'en repro
charges dont l'explication devient parfois très difficile . Selon duire une pièce principale el significative .
toute vraisemblance , ils indiquent le plus souvent le lieu Une des plus fréquentes est la croix de Toulouse . On jugera
d'origine. par le grand nombre de types que nous reproduisons (fig .
Nous en donnons ici quelques types (nos 26-42 ). 45-94), et qui est loin d'épuiser la matière, du succès qu'obte
Pierre de Foix (n ° 26 ) avait adopté un écu où les pals de wait, chez les notaires méridionaux , cet emblème essentielle
Foix sont peut-être écartelés de la croix de Comminges. ment national , symbole d'une civilisation vaincue , cherchaột
Raymond Constantin , citoyen de Toulouse ( fig . 27 ) : une à s'affirmer encore , à travers les siècles , avec la persistance
croix potencée , peut-être la croix miraculeuse du pont des causes désespérées .
Milvius. Tantôt cette croix est isolée et complète , formant seule,
Bernard Deydé, de Paulhac (fig . 28 ) : un écu bandé ; (29) : avec ses bras étalés et ses douze perles, le signet du notaire .
Bernard d'Issart, un écu à deux fasces , etc.; François Tels sont les signets de Barthélemy Bruguière (45 ) , de Jean
Gleyses, de Savėnes (1334) : un écu horizontal, partide deux, Mirols de Verfeil (48), etc.
au premier , chargé de trois fasces , au deuxième de deux Tantôt elle se combine avec les initiales ou les finales du
besants (fig . 41) . nom (fig . 53-67) ; d'autres fois encore, elle se démembre ,
26 . 27 . 28 . 29. 30 . 31 . 32 . 33 .

34 .

36 . 37 .
35 .

it

40 .
38 .39 .
The

8
I

42 .
43 . 44 .
41.

Anar

s'allonge, se mutile et s'altère de mille façons , mais sans que La fleur de lis est plus tardive et plus rare ; mais elle finit
les caractères essentiels du vieil emblème comtal deviennent par supplanter la croix de Toulouse, comme cela doit être .
jamais méconnaissables. Nous en réunissons ici quelques types choisis entre beau
Les limites de cet article ne nous permettent pas de donner coup d'autres, à cause de leur élégance ou de quelques parti
tous les nomsauxquels se rapportent nos signets. Mais nous cularités notables ( fig . 95-100) .
croyons que l'ensemble des figures ne sera pas sans intérêt Un des plus curieux , sans contredit , est celui de
pour retrouver les diverses métamorphoses d'un symbole si Pierre Lestoc , de la cité de Nantes , au pays de . Bretagne
populaire dans le Midi. (fig . 99). Ce notaire ingénieux a réuni , dans un esprit
-- 47 -

45 . 6. . 48 . 56 .
49 、
51 .


52 . 53 . 8 ,
55 .
2.

57 . > 8 .
56 . 59 .

Rates
99
61 .
60 . BE 63 .
62 ,
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65 .
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67.
68 . 89 , 70 .

74 . 日光
72 . 73 .
8 ,
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75 . E 关 。 79 .
6 , 77 ,

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89 , 61 ,
79 .

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82. 83 .

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96 . 37.
68 . E9 .

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90 .
--

91 .

92 , 94 .
93 .
2

F 门 efilmas

d'éclectisme compréhensif , la fleur de lis souveraine du tonnes et la croix à douze perles de Toulouse .
roi de France , la moucheture d'hermine des armes bre Citons encore, parmi les signets héraldiques , les cloches
-148 -

95 ,
pa .

12
97 .

De anih

99 .

98 .
100 .
Song
H

Akołeftoo 11
40

municipales adoptées par quelques notaires ( fig . 101-105 ), scrupule d'exactitude raffinée , les trois chevrons héral
les emblèmes particuliers à quelques provinces , et par diques de Lévis.
exemple , le poisson de Mirepoix , qui est plusieurs Les figures de crosses sont toujours choisies par des clercs
fois représenté , et dont l'un , de très grande taille habitant une temporalité ecclésiastique , une ville épiscopale
( fig . 112 ) , porte sur le dos , en guise d'écailles , par un ou le territoire d'une abbaye (113-121) .

102 103. 104 . 108 .


101

111
106 109 .
107. 110 .
108 .
83

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112 .
118 .

113 . }

116 .
114 .
117 .

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115 .

터 ㅎ
121 .
119 . 120 .
149

SIGNETS MYSTIQUES .

Les signets mystiques sont assez tardifs et ont été surtout roses mystiques, les instruments de passion ; par les exemples
mis en faveur par la réaction religieuse développée dans le que nous donnons ici (fig. 122-128 ) , on pourra juger des
Midi, à la suite de la réforme. On retrouve bien , au XIVe siè principales variantes de ce système.
cle , quelques exemples de croix décorées avec recherche Un de ces signets de grande dimension , appartenant à
( fig . 223 ), ou bien des sortes d'ostensoirs que supporte un Me Antoine du Mas, d’Escatalens, au diocèse de Montauban , el
pied à degrés ; mais cette figure devient commune beaucoup portant la date de l'année 1533 , est des plus complexes
plus tard et se multiplie à outrance , ainsi que les cæurs, les ( fig. 124 ) ; il porte à la fois la boule du monde , la croix , le
clefs , choisies d'habitude par les notaires apostoliques, les chiffre de Jésus -Christ, le Sacré -Caur et les clous de la Passion ,
2

123 .
192 .

124

A
128 ,
I Decoraties
127.
int

125 ,

o
m
126 .

129 . sono
För cafibeten

KUIN ALDUS T fite

SIGNETS ALPHABÉTIQUES.

Les signets les plus naturels et les plus simples, ceux qui Dans l'origine, il n'y a même souvent qu'une initiale : ainsi,
ont demandé le moins d'effort d'imagination et qui offrent le Jacques de Morères , en 1285 , signe par un M ; Robert Nor
vrai caractère d'une signature , sont empruntés aux lettres de man , en 1287 , emploie seulement un R , initiale de son pré
l'alphabet. Les uns comprennent seulement les deux initiales, nom ; Bernard-Etienne, en 1295 , un B et un E réunis par une
celle du nom et du prénom , les autres font entrer toutes les petite croix .
lettres du nom dans une composition graphique plus ou moins Dans le courant du xive siècle, apparaissent des combinai
variée . sons plus compliquées. En 1324 , Etienne Arfelha (1,1340)
Cette forme de signet est une des plus anciennes ; nous en trace une croix perlée qu'il accompagne d'un cadre et qu'il
retrouvons un assez grand nombre dans la seconde moitié du cantonne des quatre lettres ST AR, Stephanus Arfelha ; en
XIIIe siècle . Les premiers types sont très modestes et de 1329 , Pierre Menat , de Croc , au diocèse de Clermont, adopte
dimensions exiguës , dépassant à peine le niveau des majus une disposition analogue , mais en y écrivant son nom tout
cules du texte . entier, Menati (I, 1833) ; François de Vallats, de Vallatis, de
131 . 133 .
130 .
P

til at
STA
HA


150

Samatan , au diocèse de Lombez, en use de même (II, 1456) ; Jehan Alguay , de Laurac , habitant de Villasavary (1376 ) ,
et Bernard Lacombe , de Mur-de -Barès , diocèse de Rodez , coupe son nom en deux parties, dont il inscrit les trois der
enchérit encore en 1354 (II, 1592, fig . 130-134). nières lettres dans un trilobe autour d'une croix (III , 416 ,
D'autres typesalphabétiques du xive siècle offrent plus d'élé fig . 136 ) .
gance et de finesse , certains rappellent les anciens mono Antoine Maille, de Lautrec , diocèse de Castres, habitant de
grammes des monnaies et des chartes carolingiennes; il en est Cordes d'Albigeois (1378 ) , écrit son nom tout entier, en
quelques- uns où les gracieuses inflexions de la majuscule espaçant les caractères et les ornant d'une croix pattée (III ,
gothique suffisent à obtenir un motif ornemental. Un des 457, fig . 136 ) .
mieux réussis est , sans contredit , celui de Jehan de Saint Arnaud de Maus, clerc et notaire royal , natif de Toulouse
Martin , natif et habitant de Toulouse ( 1350). Il se compose de (1410 ), invente un monogramme original et compliqué dont il
quatre initiales IDSM , groupées en croix autour d'une quarte agence les éléments alphabétiques avec un cadre ornéà chaque
feuille (II , 1458 , fig . 140) . angle d'une feuille cordiforme (III, 1058 , fig . 132 ).
Guillaume-Raymond , de Til , diocèse de Condom (1342) , Comme exemple des proportions considérables que pren
II , 706 , ajoute à son G initial une sorte de M couché, dont la nent au xve siècle les signets alphabétiques , nous donnons
signification nous échappe (fig . 137) . celui d'Arnaud de Tarissan , nolaire d'autorité royale, nommé
Adam du Boys , de Bosco , de la cité de Paris (1390), III, par le sénéchal de Bigorre et habitant de la ville de Rabastens,
691, compose de ses deux initiales A B une combinaison cal au diocèse de Tarbes (1416 ) , qui inscrit un grand T gothique
ligraphique assez élégante ( fig . 138 ). entre les initiales et les finales de son prénom (III, 1188 , fig .139).

Phone
140 . 134 . 135.

28

136 .

* O
137.
‫مه‬
BE 139. 132 .

s
‫علم‬
2017

f
138 . a
Swarz dus

p
Sho

SIGNETS GÉOMÉTRIQUES.

Il n'y a rien à dire des signets géométriques auxquels on Nous les trouvons disséminés à toutes les époques sans
ne pourrait attribuer un sens quelconque sans de grands entrevoir aucune règle à déduire.
efforts de subtilité, et qui sont probablement de simples fan Les exemples que nous en donnons permettront d'en appré
taisies calligraphiques. cier les principales variantes (fig . 141-160) .

141 . 142 . 148.


146 .
143 .
150 .

147.
gue

151
144 .

s
Pose Erabant
Biuffrey
neste 152 .

149 ,
P 145 .
Horthop
151 -

153.
157 .
156 ,
155 .
DI

xX

X
XIX
ex

KI 460 .

154 .

159 .

138 . 162.

161

not Do manitat
Jos aj ;

On y remarquera des étoiles , des polygones bizarres , des Angelo Gregori, de Rome (1331 ), trace , d'une plume assez
lacis , des anneaux entrelacés , des échiquiers ; dans le xve et déliée (fig . 163), deux feuilles d'acanthe empruntées aux
le xvie siècles, les signets qui rappellent des pièces d'orfévrerie marbres antiques de sa ville natale .
montées sur pied deviennent extrêmement fréquents. Symon de Paulo (fig . 164) , qui est un calligraphe très dis
Nous terminerons cette série, dejà bien longue , par quelques tingué et qui se donne les titres suivants : Johannes Symon de
particularités. Paulo, clericus solutus, bacallarius in legibus , oriundus ex feli
Voici d'abord deux signets de notaires d'origine italienne , cissima atque inclita urbe Roma , se recommande à notre sou
romains l'un et l'autre , qui se distinguent par une certaine venir , non -seulement par le dessin classiquement régulier de
élégance graphique assez supérieure aux fantaisies de leurs son signet, mais surtout par son nom , devenu plus tard histo
confrères : rique dans le Midi.
163 .
16G .

164 .
IK

.165 .

R Isdegipolono
2.Symon de paulo .
Cocompolono
152

Nous donnons bon notaire avait


les signels des trop présumé de
deux Gipoulou : ses forces : sept
Guillaume de Gi ansaprès,excédé

?
und
poulou , clerc de de calligraphie ,
Toulouse ( en il demande grâce
1522 , fig . 165) ; et obtient des
267
Jehan de Gipou Capitouls , juges
lou ( en 1530 , suprêmes en ces
fig. 166 ) ; et ceux graves affaires ,
des troisRabaudi l'autorisation de
Jehan Rabaudi , substituer à son

t
U
d'Albi ( 1520 , chef- d'ouvre le
fig . 167) ; Jeban 26700 paraphe banal de
Rabaudi , d'Albi notre fig . 171 .
abam di Moft
Aussi lisons
‫مجمع‬

(1531 ,fig . 168) ;


Jacques Rabaudi nous en marge
168 .
d'Albi ( 1531 , du registre celle
fig. 169) , pour grave anpota
montrer que les tion :
notaires avaient Anno Domini
27 Pabandy mofly
adopté une sorte millesimoquingen
d'hérédité de si 169 . tegesimo septimo
gnels, et que les et die undecima
liens de parenté maii , de permis
s'exprimaient dans leurs fantaisies calligraphiques par des sione dictorum dominorum de Capitulo ego predictus Cortes
variantes de détail qui sontcomme les sures de ce blason du mutavi signum meum authenticum de quo in futurum uti intendo
tabellionage . prout sequitur .
Enfin , le signet de Me Cortes (fig . 170) présente une parti Me Antoine Cortes était un prophète. Ildevinait que les cal
cularité curieuse . ligraphes allaient baltre en retraite devant les imprimeurs,
Antoine Cortes, notaire du diocèse de Tarbes, avait adopté, que loutes les magnificences des manuscrits touchaient à leur
en 1531 , le signet compliqué que nous reproduisons , sorte ruine, et que l'art et le notariat devaient nécessairement
d'échiquier gironné, inscrit dans une figure à huit lobes. Le divorcer .

E. ROSCHACH ,

170 . 194 .
7

Acortes
Mozi 10
er

515

-
-
1
- 153

HABITATION TROGLODYTIQUE DES PROATS -HAUTS

COMMUNE DE LÉOJAC ( TARN -ET-GARONNE) .

Les fouilles du souterrain du Cros avaient jelé une vive manière avait eu lieu la découverte de notre nouvelle
lumière sur la question encore assez déballue de la baule civerne. Pendant que je dirigeais les fouilles du souter
antiquité des habitations troglodytiques ; mais celles qui vien rain du Cros , on m'avertit que , peu de temps auparavant ,
nent d'être opérées dans le nn lapin sauvage , poursuivi
souterrain des Proals Hauts par un chien de chasse ,
ont amené celle fois des s'étail réfugié dans un
résultats décisil's el de Trou creusé au milieu
nature à faire tomber des bois , sur l'espèce
les doutes les plus te de promontoire qui
naces. J'ai raconté domine à la fois le
sommairement , vallon de Langle
dans la 5e livr . et la vallée de
de votre excel l'Aveyron . Le
lentr Revue , chien ayant
de quelle lémétré

Intérieur de la chambre F (voir le plan , page 159).


20
134

dans le trou à la suite du lapin n'avait pas reparu de tout le point, l'influence de l'art romain : chose facile du reste ,
jour, malgré les appels réitérés de son maître ; mais le lende puisque on était à deux pas de la frontière de la Narbonnaise.
main , des paysans, passant dans celte partie du bois, entendi En un mot, ces poteries me paraissentdevoir être à peu près
rent des gémissements et aperçurent, au fond d'un autre trou contemporaines de la conquête de l'Aquitaine par Jules César .
séparé du premier par un intervalle de 22 mètres, le museau Ce fut ensuite le tour de la couche inférieure. Quand les
d'un chien qui faisait de vains efforts pour agrandir l'ouver ouvriers arrivèrent au sol primitif , apparurent alors, mêlés à
ture. Ils se hålèrent de dégager les abords, et le chien de des os deboeuf, cheval, cerf ordinaires, dont quelques -uns taillés.
chasse disparu la veille recouvra immédiatement la liberté. en long, de main d'homme, de nombreux fragments de pote
Ces détails meparurent assez clairs, pour ne pas confondre ries grossières , de couleur grise ou noire , aux dessins étranges
avec un terrier ordinaire les galeries souterraines que le chien fails en creux , les uns avec l'ongle, les autres avec un poin
avait du parcourir pour arriver du point A au point K (voir le çon , ou en relief par la pression du doigt sur un cordon sail
plan ). Je proposai l'exploralion du souterrain présumé à notre lant , avant la dessiccation des vases ; puis , un poinçon en os
Société des Sciences, Agriculture et Belles-Leltres, qui , lou identique à celui du souterrain du Gros et à ceux de la station
jours jalouse de contribuer à l'avancement de la science , antéhistorique du Verdier ; enfin , de ces grains en terre cuite,
s'empressa de voter les fonds nécessaires , et les fouilles com ronds, aplatis et percés d’un trou du genre de ceux qu’on a
mencèrent aussitôt. désignés improprement par le nom de fusaioles ou de pesons
Au premier coup -d'ail, il fut aisé de se convaincre que le de fuseau , et absolument identiques à ceux qu'on vient de
souterrain avait été comblé en partie à une époque assez recueillir dans les quatre dolmens de Keryaval, en Carnac. (Voir
reculée , puisque le remblai avait été lui-même recouvert par la Revue archéologique de Didier , neuvième livraison de 1866.)
d'anciens éboulements des voules. Je fis creuser une tranchée Ces grains étaient faits évidemment avec des lessons de vases ,
dans le sens de la largeur de la chambre F , aux abords de qu'on arrondissail au moyen d'un corps dur faisant l'office de
laquelle avaient été recueillis quelques fragments de poteries, marteau , et qu'on perçait avec un poinçon en opérant par le
et je netardai pas à constater l'existence de trois couches par côté qui auparavant avait formé la surface intérieure . Deux de
faitement distinctes : la supérieure , formée du sable de la ces grains étaient restés inachevés et le trou avait été creusé
voûte et épaisse d'environ 45 centimètres ; celle du milieu et seulement aux trois quarts de l'épaisseur.
la couche inférieure, épaisses , la première de 40 centimètres , Le souterrain des Proats - Hlauls était complètement in
la seconde de 75 centimètres , et provenant de deux dépôts connu dans contrée et avait heureusement conservé toute
argileux extrêmement durcis par l'action du temps. Il était sa virginité . Aussi les découvertes opérées dansses flancs ont
évident qu'à la suite de violents orages le souterrain avait été elles une importance qu'il serait difficile de contester. Quelle
deux fois envahi par les eaux descendues du haut de la colline, conclusion doit-on tirer , en effet , de la présence de poteries
qui s'étaient engouffrées dans les ouvertures béantes , entrai gauloises contemporaines de la conquêle romaine , à la surface
pant avec elles des masses de terre délayée et quantité de gros de celle couche épaisse qui recouvre d'autres débris ? C'est
cailloux restés dans les premières sections des galeries. que cesderniers, qui du reste portent le cachet de l'époque å
La couche de sable due aux éboulements de la voûte fut laquelle ils appartiennent, remontent incontestablement à une
enlevée avec précaution , mais l'inspection minutieuse de la date bien antérieure à l'invasion de l'Aquitaine par les Romains,
surface de la couche médiane ne donna aucun résultat. Je fis et que, puisqu'ils offrent les mêmes caractères que les pote
alors attaquer ce second dépôt, et il fôt bientôt possible de ries et les objets trouvés dans les dolmens, l'habitation sou
reconnaitre que la surface de la couche inférieure avait été terraine où ils ont été recueillis doit être classée , comme les
aplanie et nivelée demain d'homme et qu'elle était jonchée dolmens, parni les monuments de l'âge de la pierre, classifi
de débris de poteries. C'étaient de grandes urnes avec anses cation qui doit nécessairement s'étendre aussi à tous les monu
et des vases plus petits , les uns striés par l'ébauchoir du ments du même genre.
potier , les autres parfaitement lisses,mais tous fabriqués avec Quant à la présence de poteries gauloises contemporaines
de l'argile fine, et la plupart d'une belle couleur rouge. Ce de la conquêle , dans la caverne des Proals-Hauts , on peut
n'était pas lout-à - fait dela poterie gallo -romaine, mais bien de l’expliquer facilement par le passage de Florus relatif aux
la véritable poterie gauloise qui avait subi , jusqu'à un certain Aquitains qui , ſuyant devant les soldats de César, se réfu

Poteries recueillies sous la seconde couche d'alluvion ( chambre F ).

1. Fragments de vase å anses, en argile rouge, orné sur la panse d'un cordon ondulé en relief et dont la surface extérieure est couverte de stries irrégulières.
2. Fragment de vase en argile rouge, å stries irrégulières sur la surface extérieure et orné d'un cordon angulaire et vertical qui vient expirer vers le milieu de la
panse. Il appartient probablement au même vase que le n ° 3 .
3. Fragment de vase en argile rouge , irrégulièrement strié à la surface extérieure et offrant en saillie, au -dessous de la lèvre, un cordon angulaire et vertical.
4. Fragment de vase en argile rouge, à surface extérieure très lisse, et décoré , au -dessous de la lèvre, d'un cordon en relief.
5. Fragment de vase en argile , d'un beau rouge , å surface très lisse et orné d'une demi-accolade angulaire en relief parlant de la panse et dont la pointe vient
effleurer le bord de la lèvre.
6. Fragment de la lèvre d'un vase en argile, d'un beau rouge et à surface très lisse .
7. Fragment du fond d'un vase en argile rouge , irrégulièrement strié à la surface extérieure et ornéd'un cordon circulaire en relief.
155

7
- 156

Poteries recueillies sous la première couche d'alluvion , c'est- à -dire sur le sol même de la chambre F.
1. Grain en terre cuile , noirâtre , à pâte rugueuse et micacée, percé d'un trou , dans le genre de ceux qu'on a trouvés récemment dans les dolmens de Keryaval,
en Carrac .
2. Autre grain du même genre , mais dont le trou est resté inachevé.
3. Frazment de vase noirâtre, très rugueux et très micace , portant sur la panse une série de filets creux tracés sans parallélisme.
4. Frag ment de polerir grisâtre , légèrement rugueuse et micacée , dont la panse est oruée de deus lignes parallèles de pulits croissants creux faits probablement
avec l'ongle.
5. Fragment de vase, noir au dehors et gris au dedans, à pâte rugleuse , micacée et mêlée de petites pierres, offrant sur la panse une ligne de traits creux en forme
de virgile entre deux filets également creux .
6. Fragment de vase noir , rugueux et micacé , portant sur la panse deux lignes parallèles de gros points creux.
7. Fragment de poterie gris-clair, à pâte rugueuse et très nicarée , offrant sur la panse quatre lignes parallèles de petits points et de petits traits ressemblant à
uvje virgule , tracés en creux sans régularité.
8. Fragment de poterie grisâtre, très rugueuse et très micacée, offrant sur la panse un cordon en relief.
9. Fragment de vase noirâtre, à pâte rugueuse et légèrement micacée , dont la panse est décorée d'une sorte de feston produit par la pression d'un doigt d'enfant
sur un cordon en relief , avant la dessiccation de vase .
10. Fragment de vase gris- clair , très peu rugueux et micacé , sur la panse duquel figure un feston en relief exécuté de la même manière que pour le numéro pré
cédent, mais avec plus de régularité et probablement avec le petit doigt d'une femme, en laissant un intervalle d'environ 7 mill. entre chaque pression.
11. Fragment de poterie gris-jaunâtre , à pâte très rugueuse , très micacée et mêlée de petites pierres, offrant sur la panse un feston en relief, exécuté de la même
manière que pour les deux numéros précédents , mais probablement avec le petit doigt d'un homme et en juxta -posant chaque pression .
12. Fragment de vase gris-clair, rugueux et micacé, dont la panse est ornée d'une ligne de pelits croissants creux combinée avec un cordon en relief, interrompu ,
de 15 millimètres en 15 millimètres, par la pression d'un petit instrument à peu près carré, enfoncé , par un de ses angles, dans la pâte encore tendre .
13. Fragments de vase rougeâtre, à pâte rugueuse et micacée décorés sur la panse de deux lignes parallèles de petits dessins creux ressemblant assez à un grain de
blé , et d'un feston en relief exécuté de la même manière que pour les nos 9 , 10 et 11 , mais avec un doigt tel que l'index ou le médius , et sans laisser
d'intervalle entre chaque pression .
3

6
‫‪- 137‬‬
‫‪8‬‬ ‫ا‬ ‫‪10‬‬ ‫‪9‬‬
‫‪13‬‬

‫‪19‬‬

‫کی‬ ‫ن‬ ‫ا‬


‫‪::‬‬

‫‪13‬‬
158

giaient dans les souterrains de la contrée et que le conquérant il était précipité, d'une hauteur de près de 2mètres, dans un
y fit enfermer (jussit includi). L'habitation des Proals-Hauts , angle de la chambre F , où , encore étourdi de sa chute , il était
abandonnée sans doute depuis des siècles, mais encore connue impitoyablement assommé. Dans lous les cas, les habitants du
dans les environs, se trouvait , en effet, sur le territoire aqui souterrain avaient la ressource de s'enfuir par les galeries E et B.
tain et put alors servir momentanément de refuge aux gens du En même temps que la chambre F était le lieu de refuge ,
pays , traqués par les soldats romains. Les nouveaux habitants pour ne pas dire la citadelle de l'habitation , elle en était aussi
ne songèrent pas à déblayer les chambres et se contentèrent le sanctuaire. Dans quel autre but que celui d'abriter les féti
de niveler la couche d'alluvion qui les avait jadis comblées en ches tutélaires de la famille aurait - on creusé sur la même ligne
partie . ces trois grandes niches , surmontées de deux sortes d'ails-de
Le plan que j'ai l'honneur de vous adresser me dispense de bæuf , qui décorent la paroi nord de la chambre ? Le souter
faire la description du souterrain . Je dirai seulement qu'ici , rain des Proals-Hauts offre , sur divers points, trois autres
comme partout ailleurs , de grandes précautions ont été prises niches visiblement affectées à l'éclairage des galeries B et C et
7

pour la défense , mais que celle -ci fut uniquement concentrée de la chambre D , et celles- ci, qui ne s'écartent pas de la forme
aux abords de la chambre F. Si l'ennemipénétrait par la gale ordinaire , different complétement des niches de la chambre F.
rie B , il se heurtait contre le solide barrage assujetti dans les On est donc autorisé, jusqu'à un certain point, à voir un but
entailles de la galerie E , et s'il parvenait à le forcer , les habi exclusivement religieux dans la décoration d'ailleurs assez
tantsdu souterrain , réfugiés dans la chambre F , pouvaient se inusitée de cette chambre.
sauver dans les bois, soit par la galerie H - J, soit par la galerie J'ajouterai, en terminant, qu'ici , comme dans le souterrain
H - L . Mais l'assaillant rencontrait de plus sérieux obstacles , voisin du Cros et dans celui de Saint- Sernin - d'Ordarilles , la
s'il se présentait par la galerie J ou par la galerie L. Parvenu base des voûtes , dans les deux salles , porte à 10 centimètres
aux deux tiers de la galerie H , il était d'abord obligé de passer en arrière des pieds- droits , de manière à offrir une retraite
devant le réduit I, creusé à gauche de la galerie dans des con qui permettait d'appuyer les deux bouts de plusieurs barres
ditions très défavorables, puisqu'il ne pouvait faire usage de de bois , sur lesquelles on pouvait ainsi poser ou suspendre
ses armes contre l'adversaire embusqué dans le réduit. Puis , divers objets. Il existe également, au fond de chaque chambre,
en admettant qu'il se fůl tiré sain et sauf de ce mauvais pas , un soupirail vertical et circulaire propre à l'aération .
une sorte de trappe ne tardait pas à s'ouvrir sous ses pieds, et DEVALS.

EXPLICATION DU PLAN CI- CONTRE .

A. Entrée ouest du souterrain .


B. Galerie très inclinée , se bifurquant en C et en E , et au troisième détourde laquelle se trouve une niche destinée à l'éclairage.
C. Galerie conduisant à la chambre D , et offrant aussi au détour une niche destinée à l'éclairage.
D. Chambre de 3m 33e de long sur 3m 75c de large, dont la porte est surmontée d'une niche propre à l'éclairage, et dont la voûte offre un soupirail rond
et vertical de 10c de diamètre.
E.
1

Galerie conduisant à la chambre F et offrant, près de la bifurcation , deux entailles creusées en regard du sol à la naissance de la voûte , et destinées à
recevoir des traverses de bois pour barrer le passage.
F. Chambre de 5m 66e de long sur 2m 34c de largeur, offrant, sur son petit côté nord , trois grandes niches en plein cintre , de 465mm de large sur 30c de
haut et 12c de profondeur, surmontées de deux autres niches circulaires de 233mm de diamètre , et, du côté opposé , un soupirail rond et vertical de
10c de diamètre .
G. Demi- coupole creusée dans la voûte de la salle F, pour faciliter le passage de cette salle dans la galerie H.
H. Galerie qui , après avoir reçu les galeries J et L , aboutit à la chambre F , mais seulement en débouchant au niveau de la naissance de la voûte ; de sorte
qu'il fallait une échelle pour passer de la galerie dans la chambre, et vice- versâ .
I. Réduit propre à une embuscade.
J. Galerie conduisant, de l'entrée sud du souterrain , à la chambre F.
K. Entrée sud du souterrain .
L. Galerie très inclinée et bouchée par un éboulement.
- 159

Coupe de la chambre F et des trois couches


de remblai qu'elle contenait .

Coupe de la chambre D.

Echelle de 1 centimèlre pour 1 mètre.

Plan du souterrain .
(Coupe horizontale au niveau de la naissance des voûtes des chambres D - F .
- 160

BIBLIOGRAPHIE RÉTROSPECTIVE .

CATALOGUE DES TRAVAUX CONTENUS DANS LES Mémoires de la Société archéologique du midi de la France , FONDÉE A TOULOUSE
EN 1831 .

Ce Recueil paraîl par livraisons plus ou moins considérables , dont les quatre forment un volume in - 40, de 400 à 450 pages. Le premier a été publié en 1831 .
A ce jour, octobre 1866, la collection se compose de huit volumes renfermant de nombreuses planches lithographiérs.
(Nous donnerons successivement le catalogue des travaux de la Commission des monuments et documents bistoriques de la Gironde , de l'Académie des sciences
de Toulouse, de l'Acadén ie des sciences de Bordeaux, etc., sans suivre ancun ordre particulier.)

TOME Jer . - 1831-33. Notice sur deux inscriptions orientales, par M. Dubarry.
Mémoire sur quelques monuments inédits, par M. Du Mège .
Notice sur deux bas -reliefs, par M. de Castellane . Nolice sur M. J.-F. Champollion jenne, par lemême.
Mémoire sur quatre inscriptions antiques, par M. Du Mège.
Dissertation sur une Olla cinéraire , par M. le baron Chaudruc
de Crazannes . TOME II. — 1834-35 .

Notice sur l'église Saint- Étienne de Toulouse , par M. Auguste


d'Aldéguier . Notice et extrails d'un manuscrit roman de la vision de Tindal ,
Voyage au Purgatoire de Saint-Patrice, par M.de Castellane. par M. de Castellane.
Notice sur quelques camps anciens dans le midi de la France , Aigues -Mortes , par M. Du Mège.
par M. Dubarry . La ville de Lecloure a -t-elle été colonie romaine ? par M. Chau
Notice sur le tombeau de saint Hilaire, évêque de Carcassonne, druc de Cracannes,
par M. Du Mège. Recherches sur les amphithéâtres du Midi, par M. Dubarry .
Recherches sur l'origine de la ville de Castres, par M. Bel Noles sur les rois Goths qui ont régné dans le midi de la
homme, France et sur leurs monuments, par M. le marquis de Cas
Disserlation sur une médaille d'un chef des Sotiates, par M. le tellane.
baron Chaudruc de Crazannes. Bas-relief représentant le second triomphe des deux Tétricus,
Notice explicative du plan de l'église Saint- Étienne de Tou par M. Du Mege .
louse , par M. Auguste d'Aldéguier. Oratoire de Saint-Exupére, à Blagnac , par M. Belhomme.
Notice sur le couvent des Cordeliers de Toulouse , par Inscription du ve au xe siècles, recueillies principalement dans
M. Léonce de Lavergne . le midi de la France, par M. de Castellane.
Observations sur quelques morceaux de sculpture antique, par Les Tours de Foix , par M. Du Mège.
M. Dubarry Le cloitre de la Daurade, par le même.
Rapport sur les antiquités découvertes à Nérac , par M. Du Lettre à M. Delpon de Livernon , sur une Mosaïque antique,
Mège. par M. Chaudruc de Crazannes .
Explication du plan des ruines antiques de Nérac et des plan Les ancicus livres de chant de l'église cathédrale de Mirepoix,
ches relatives au précédent mémoire, par M. Du Mege. par li. Léon Ducos.
Notice sur l'église Saint-Aventin , dans la vallée de Larboust, Fragments du pelit Thalamus de Montpellier , par M. Moquin
par M. de Castellane. Tandon .
Dissertation sur un autel volif et siir son inscription , par M. le Dissertation sur une maison du moyen -åge de la ville de Mar
baron Chaudrlic de Cracannes. tel, par M.Chaudruc de Crazannes .
Conjectures sur un bas- relief de l'église Saint- Nazaire, à Car Notice sur les Sièles égyptiennes du musée de Toulouse , par
cassonne, par v . Du Mège . V. Dulaurier.
Notice sur un uutel votif découvert à Saint-Elix , par Dissertation sur divers monuments, etc., par M. le vicomte de
M. D'Andr . Motivier .
Disserlation sur quelques monuments antiques découverts à Abrégé de curieuses recherches, par M. Filhol.
Nérac , par M. Du Mege . Notes sur les rois Goths, qui ont régné dans le midi de la
Notice sur une maison du xvie siècle , par le même. France et sur leurs monuments, 2e partie, par M. le marquis
Notice sur deux fragments de mosaïques , trouvés à Magnen , de Castellane.
près Eause (Gers ), par M. Léon Ducos. Notice sur N. S. Garrigou , par M. Du Mège .
- 161

Tome III. 1836-37 . Sceau de Guilhaume IV , seigneur de Montpellier, par M. de


Castellane.
Le palais de Bernuy , oule collége royal de Toulouse , par Le monument thermal du Vernet (Pyrénées -Orientales) , par
M. Du Mėge. M. J.-P. Cros .
Notice sur Pierre Cardinal, par M. Moquin - Tandon . Ancienne légende et documents en langue romane concernant
Inscriptions du xie au xjie siècles, recueillies principalement l'ordre de Saint- Jean de Jérusalem , par M. Belhomme.
dans le midi de la France , par M. de Castellane. Rapport et observations concernant d'antiques ornements en
Notice sur les antiquités de la ville de Lectoure ( Ire partie), par or trouvés au territoire de Fenouillet, près Toulouse , par
M. Chaudruc de Crazannes . M. Belhomme.
Notice sur la ville de Lectoure (2e partie ), par le même. Antiquités de la ville d'Antibes , par M. Ernest Breton .
Mémoire sur les cavernes tumulaires de la Fonde , près Las L'Amphithéâtre de Narbonne, par M. Du Mège.
tours , canton de Mas -Cabardès (Aude), par M. J.-P. Cros.
Monastère des ermites de Saint-Augustin de Toulouse , par
Tome V. 1841-47 .
M. Du Mège.
De la croix , considérée comme signe hiéroglyphique d'adora Essai d'un catalogue chronologique de l'imprimerie à Tou
tion et de salut, par M. le marquis de Saint- Félix Maure louse , par M.de Castellane.
mont. Observations au sujet d'une ancienne croix de bois, avec
Inscriptions du xtie siècle, recueillies principalement dans le peintures, par M. Belhomme.
midi de la France , par M. le marquis de Castellane. Rapport sur les nouvelles fouilles de Martres, par MM . Costes,
Mémoire sur quelques châsses ou reliquaires, cors d'oliphant Belhomme, Chambert et Urbain Vitry.
et autres objets , par M. Du Mèje . Notice sur l'église cathédrale de Bayonne, par M. le colonel
Fenouillet et Gagnac , ou recueil d'actes inédits concernant Gleyzes .
ces communautés , par M. Belhomme. Supplément à l'essaide catalogue de l'imprimerie à Toulouse,
Notices sur quelques inscriptions inédites, ou peu connues, dans les xve, xvie et xviie siècles , par M. de Castellane .
d'Auch , d'Eause et de Lecloure , par M. Chaudruc de Fragments en marbre blanc tirés, en 1842 et 1843, des fouil
Crazannes . les de Martres , par M. de Castellane.
Description de quelques vases péruviens, par M. de Castellane . Des Vitraux. Statuts des peintres verriers de Toulouse au xvie
siècle , par M. Belhomme.
Tome . IV . - 1838-40 . Notice sur quelques monuments de l'ordre de la milice du

Peintures du xve siècle , tirées du livre des Annales de la ville Temple, et sur l'église de Montsaunès, par M. Du Mège.
de Toulouse, par M. de Quatrefages . Notice historique sur le lieu d'Orfons, vulgairement Arfons,
Ancienne église cathédrale de Notre - Dame, à Saint- Paul ancienne commanderie de l'ordre de Saint-Jean , arron

Trois - Châteaux (Drôme), par M. de Castellane . dissement de Castres (Tarn ), par M. Belhomme.
Dissertation sur les monnaies gauloises , par M. Chaudruc de Sculptures antiques acquises pour le musée de Toulouse, par
Crazannes. M. Belhomme.
Recherches bistoriques sur les vicomtes d'Avignon , par Eloge de M. le marquis de Castellane , prononcé à la séance
M. Blėgier de Pierregrosse. du 14 février 1845, par M. Auguste d'Aldéguier.
Notice sur trois autels consacrés à des divinités gallo-romaines , Excursion archéologique d'Oran à Tlemcem , par M. Azema de
par M. Du Mège . Montgravier .
Mémoire sur des torques- cercles gaulois trouvés à Serviés Notice sur l'ancienne église Saint Sauveur , de Toulouse , et
en - Val (Aude), par M.J.-P. Cros . sur le Christ miraculeux qu'on y vénérait, par M. Manavit.
Le Camayeu , ou notice sur l'ancien trésor de Saint- Saturnin Note sur une médaille antique , par M. Du Mège.
de Toulouse, par M. Belhomme.
TOME VJ . — 1848-52.
Mémoire sur la chapelle et le mausolée de l'évêque Guilhaume
Radulphe, situés dans la cité de Carcassonne , par lemême.
Notice sur deux monuments chrétiens, par M. Du Mège . Examen de quelques points de doctrines de J.-F.Champollion ,
Cherchell. Extrait d'une lettre de M. Azema de Montgravier . relatives à l'écriture biéroglyphique des anciens Egypliens, par
La maison de Nicolas Bachelier à Toulouse , par M. Du Mège . M. Dulaurier .

Une transaction au xive siècle , par M. de Vacquié. Recueil de quelques inscriptions romaines, encore inédites ou
Supplément aux inscriptions du ve au xvre siècles, par M. de peu connues, ou perdues aujourd'hui, par M. Du Mège.
Castellane. Notes faisant suite , par le même.
Dissertalion sur un monument volif élevé dans la cité des Documents inédits sur l'hérésie des Albigeois , par M. Bel
Cadurci, par M. Chaudruc de Crazannes. homme.
Coulumes d'Orbessan et d'Ornezan , (1320 , 1322), par M. de Récit de la première croisade , extrait de la chronique de
Vacquié . Matthieu d'Edesse , et traduitde l'arménien , par M. Dulaurier .
21
162

Etude sur les fresques de l'église de Cazaux- de - Larboust (Hte Historique et description de l'hôtel de Mac -Carthy , par
Garonne), comparées à quelques- unes de celles de l'église M. Auguste d’Aldéguier .
de Sainte -Cécile d'Albi, par M. Du Mège. Histoire des anciens Étals de Comminges, par M. Victor Fons.
De la peinture sur verre . Que doit- elle être au xixe siècle , par Etude sur trois anciens livres toulousains, par M. le vicomte
M. Lamide Nozan . de Lapasse.
Notice sur le colonel Dupuy, par M. Moquin - Tandon . Esquisses archéologiques . Description de monuments existant
dans le département des Hautes-Pyrénées, par M. Louis
TOME VII . – 1853-60 .
Bunel.
Essai iconographique sur sainte Marthe et sur le monstre qui Dissertation critique sur les armoiries de la ville de Toulouse,
l'accompagne ordinairement dans leseuvres d'art chrétien , par M. le vicomte de Juillac - Vignoles.
par M. l'abbé Canéto . Eloge de M. A. Du Mege , par M. Auguste d'Aldéguier.
Second recueil de quelques inscriptions romaines , par M. Du Considérations sur une caverne du Larzac (Aveyron), par
Mege. M. le comte de Sambucy - Luzençon .
Des cryptes de Saint-Saturnin , Ire et IIe partie , par M. Auguste La Tour de Palmata à Gaillac ( Tarn ), par M. Elie Rossignol.
d'Aldéguier. Un cimetière romain å ustion , à la Madeleine, près Auterive ,
Les ruines de Pompéiopolis, par M. Louis Bunel. (Haute -Garonne), par M. l'abbé Carrière .
Notice historique sur l'église des Dominicains de Toulouse, La chasse aux incunables, par M. le docteur Desbarreauc
par M. Manavit . Bernard .
Monographie de l'abbaye de Grandselve , par M. Jouglar . Le châleau de Saint- Julien , par M. D'André de Servoles.
Notice sur les limites de la Narbonnaise et de la Novem popu Description d'un sceau de la maison de Savoie , par M. le
lanie, rive gauche de la Garonne, région du sud -ouest, par vicomte de Juillac - Vignoles .
le même, Antiquités trouvées sous les fondations du palais du maréchal
Notice sur les antiquités de Mimizan , par M. le vicomte de commandant supérienr, à Toulouse , par M. le vicomte de
Lapasse. Lapasse.
Notice sur M. Belhomme, par M. Auguste d'Aldeguier . Notice sur quelques objets d'antiquité, par M. Fournalès.
Etudes d'histoire et d'archéologie sur l'invasion de l'Afrique La chapelle de Sainte -Croix à l'église de Saint-Pierre de Tou
septentrionale par les Romains , M. Azema de Montgravier. louse, par M. le président Caze .
Une visite au camp romain nouvellement découvert à Saint L'Imprimerie à Toulouse au xve, xvie et xvire siècles, par
Porquier ( Tarn - et-Garonne), par M. Devals aîné. M. le docteur Desbarreaux - Bernard .
De la forme des chars rustiques de la Narbonnaise, à propos Un cimetière romain à ustion , à la Madeleine, et restes d'une
d'un bas -relief inédit de Saint - Bertrand de Comminges , cité gallo -romaine près Auterive, continuation de fouilles,
par M. Edw . Barry . par M. l'abbé Carrière .
L'abbaye de Goujon, par M. Victor Fons. Essais archéo -anthropologiques sur les cavernes du Larzac ,
Notice sur la ville de Rieux et sur ses archives , par M. le co par M. le comte de Sambucy-- Luzencon .
lonel Gleyses . Notice sur une æuvre inédite d'un savant Toulousain , par
Monographie de l'église de Cazères (Haute -Garonne), par M. le vicomte de Lapasse .
M. l'abbé Carrière. Etude historique et archéologique sur la citadelle de Perpignan
Statuts inédits de l'ancienne confrérie de Saint-Jacques de et sur le Castillet, par M. le vicomte de Juillac - Vignoles .
Muret, par M. Victor Fons. Quelques mots sur la ville de Lombez et sur sa cathédrale,
Notre - Dame d'Alet, par M. Louis Bunel. par M. de Marcelier de Ganjac.
Note sur divers objets découverts à Blagnac , par M. Fournalès . Un docuntent inéditde l'abbaye de Saint-Sernin , par M. Caussé.
Impressions sur les transformations récentes de Paris el sur
Tome VIII. 1861-65 .
les tendances de l'architecture moderne , par M. Auguste
Lampes inédites du midi de la France, par M. Edw . Barry . d'Aldéguier .
Notice historique sur la famille de Vic, par M. le colonel de
Chanal.
Mémoire historique sur les prieurés de Saint-Germier et de Les Mémoires de la Société archéologique du Midi renferment l'Éloge de
chacun de ses membres défunts. Nous n'avons signalé que ceux de MM . de
Saint- Jacques de Muret, par M. Victor Fons. Castellane et Du Mėge, les véritables fondateurs de cette société.
Aperçu général des travaux de la société depuis sa fondation , Nous aurons le regret d'y voir figurer bientôt celui de M. Aug.d'Aldéguier,
qui , pendant de longues années , a consacré ses loisirs à continuer l'æuvre de
par M. le président Caze .
M. de Castellane, comme président de la Société . M. d'Aldéguier est mort
Notice sur l'habitation souterraine récemment découverte à
récemment, après une vie honorablement et consciencieusement remplie . Quel
Saint- Sernin d'Ordalilles, près Bellegarde ( Tarn - et-Gne.), que soit le jugement qu'on porte sur la manière doul il a dirigé les diverses
par M. Devals aîné. cuvres à la tête desquelles on l'avait placé , on devra s'incliuer devant l'éléva
tion de son caractère et la droiture de son âme sincèrement chrétienne, dans
Description de la tour et de l'église de Saint -Sauveur à Cas loute la haute valeur de cette expression.
telsarrasin , par M. l'abbé Carrière . B. DUSAN .
- 163

CHRONIQUE .

Des circonstances douloureuses ont fait ajourner le congrès 3. Déterminer , soit par certains passages des historiens de
d'Anvers et celui d'Amiens. Nous sommes heureux d'appren l'antiquité, soit par les vestiges qui ontpu rester sur les lieux,
dre à nos lecteurs que notre région a été choisie commenou l'emplacement de la grande bataille livrée par Marius aux
Teau point de réunion . Cimbres et aux Teutons; rechercher les monuments funérai
La XXXIII session du congrès scientifique de France , qui res, ou lapidaires, ou triomphaux qui peuvent exister encore
n'a pu s'ouvrir à Amiens le fer août à cause de l'épidémie el qui sont relatifs à ce grand fait d'armes. Réunir tous les
qui désolait telle ville , s'ouvrira le 12 décembre prochain å documents épars dans plusieurs historiens sur cet évènement
Aix (Bouches - du -Rhône). et les coordonner dans une monographie .
Si le bureau du congrès le juge à propos, il pourra tenir 4. Qus reste - t-il dans la ville d'Aix des anciennes cons
une partie de celte session à Nice , mais après avoir tenu tructions romaines ?
huit jours de session à Aix . 5. Indiquer l'étal actuel des monuments romains d'Arles ,
Sont nommés secrétaires généraux de la xxxije session : Saint-Rémy, Saint-Chamas, le Vernègue, Fréjus, Vaison ,
MM . Charles de RIBBE, ancien président de l'Académie Orange , Carpentras, Nîmes, elc . Faire connaitre les plus
d'Aix. récentes découvertes historiques et archéologiques qui peuvent
De BERLUC-PERUSSIS , secrétaire annuel de la même servir à compléter l'histoire ou l'explication deces monuments.
Académie. 6. Présenter un tableau el, s'il est possible, une carte des
SECOND-CRESP , membre de plusieurs Sociétés savan voies et monuments romains en Provence.
tes , à Marseille . 7. Existe-l-il ou a - l- il existé , dans le sud- est de la France ,
Henry LEYSSENNE , secrétaire de la Société académique des piles antiques sur le bord des voies romaines ?
des Alpes-Maritimes. 8. Peut-on déterminer le siège de fabrication des tuyaux
BRUN , vice-secrétaire de la même Société. en plomb usités, dans le Midi , à l'époque romaine, pour les
DE GARIDEL , trésorier de l'Académie d'Aix , secrétaire conduites d'eau ?
archiviste -trésorier ( 1) . 9. Décrire les cercueils gallo -romains en plomb et les sar
Le congrès scientifique , ouvre impersonnelle s'il en fut , cophages des premiers siècles chrétiens qui ont été trouvés
s'adresse indistinctement à toutes les intelligences. Les altri dans le midide la France , et spécialement le lombeau de saint
butions de ses diverses sections suffisent à donner une idée Gilles , récemment découvert.
de l'intérêt qu'il doit offrir au savant, au philosophe , à l'his 10. Lesmonuments épigraphiques que possèdent les musées
torien et à l'archéologue , à l'agriculteur , à l'artiste , à l'ami lapidaires de la Provence fournissent-ils des renseignements
des lettres. sur les familles notables de cette partie de la France du je au
Les travaux du congrès sont répartis en 5 sections : IV ° siècle ? Faire connaître ces inscriptions.
Lo sciences physiques, naturelles et mathématiques ; 2° agri 11. Quels sont , dans le midi de la France , les bas -reliefs
culture , industrie et commerce ; 3° sciences médicales ; gallo -romains qui peuvent donner des renseignements sur les
4. archéologie et histoire ; 5 ° philosophie , économie sociale, arts industriels aux quatre premiers siècles de notre ère ? En
jurisprudence , lillérature et beaux - arts. présenter des esquisses.
Nous reproduisons le programme des questions soumises à 12. Quels sont les caractères généraux de l'architecture
la 4e section : du moyen -âge dans notre pays ?

ARCHÉOLOGIE ET HISTOIRE . 13. L'architecture religieuse du xiré siècle en Provence


offre-l-elle des caractères particuliers qui permettent d'établir
1. Indiquer quels sont les monuments celtiques qui exis une région monumentale distincte pour cette contrée ?
tent encore en Provence . 14. Les divers types de l'architecture arabe ou mariresque
2. Rechercher quels ont été les travaux qui ont été publiés ont-ils eu une provenance commune ? Et laquelle ? Exposer
sur les ruines d'Entremont (près d’Aix ), et déterminer à l'aide leurs évolutions successives en Espagne et les caractères qui
de ces travaux et des vestiges encore subsistants quelle a été les distinguent dans celte région .
l'époque et la nature de ces constructions ? 15. Recherches sur la structure des tours , dites sarrasines,
que l'on rencontre encore sur le lilloral de la Méditerranée .
Ces tours n'étaient- elles pas failes sur un même modèle ou
(1) Pour faire partie du congrès, il suffit d'envoyer un bon de 10 fr. à l'un
de MM . les secrétaires généraux , Charles de RIBBE , L. de BERLUC-PERUSSIS, type, et n'y aurait-il pas possibilité de déduire de ce type
SECOND - CRESP . répoque probable de leur construction ?
164

16. L'architecture militaire a -t- elle, dans le midi de la la Provence : 1 ° dans la province ; 2. dans les bailliages et
France, aux xije , xirie et xive siècles, des caractères ou des vigueries ; 3. dans les communes.
disposilions qui lui soient propres et qui la distinguent des 33. Quelle était l'ancienne organisation judiciaire en Pro
constructions militaires contemporaines du Nord ? vence avant l'Ordonnance de 1535 ? Signaler les abus de
17. Décrire et expliquer les portes de Saint- Sauveur d’Aix . l'ancien état de choses et faire ressortir les avantages de
18. Quels sont, au point de vue de l'architecture , les plus l'Ordonnance de réformation .
beaux châteaux existant encore en Provence et dont la cons 34. Présenter le tableau des fiefs de Provence ; y joindre
truction est antérieure au xvue siècle ? une carte géographique dans laquelle les fiefs de dignité , les
19. Existe -t-il dans quelque église de la circonscription , fiefs simples et les arrière-fiefs seront distingués par des
des objets d'art qui n'aient pas été encore décrits , tels que signes spéciaux .
autels anciens, cuves baptismales , pierres tumulaires , reli 35. Compléter , à l'aide d'éléments nouveaux , les travaux
quaires, bas -reliefs en pierre ou en marbre , boiseries sculp connus sur l'histoire monétaire de la Provence.
tées, vêtements sacerdotaux, peintures murales , etc. ? 36. Des Universités qui ont existé en Provence , dans le
20. Existe - t- il d'anciennes inscriptions tumulaires ou comtat Venaissin et dans la principauté d'Orange .
d'autres monuments épigraphiques en langue provençale ? 37. Quelle a été la situation respective des seigneurs et du
21. De la céramique provençale du ve au XVI° siècle. Eta Tiers -Etat dans les communes provençales depuis le moyen
blir une classification chronologique des débris de poterie, qui age jusqu'en 1789 ?
se rapportent à celte période, et qui se trouvent soit dans les 38. Quels sont les documents publiés sur les mandats don
musées, soit dans les collections privées. -- Origine el pro nés aux députés des provinces pour les Etats généraux de
grés de l'art de la verrerie en Provence . France , depuis 1356 jusqu'en 1614 inclusivement ?
22. L'établissement du christianisme en Provence , au 39. Existe-t-il quelques documents biographiques sur
jer siècle, lel qu'il est attesté par la tradition , esl- il justifié l'archevêque Genebrard, sur Jean de Bomy el sur Grosson ?
par les documents historiques ? 40. Etudier, à l'aide des documents contemporains , la
23. Rechercher les voies suivies par les Sarrasins dans bibliothèque de Peiresc.
leurs diverses invasions en Provence . Indiquer autant que 41. Importance et utilité des archives du département des
possible leurs stations dans celle province . Bouches-du-Rhône . — En quel état de conservation sont les
24. Raconter les démembrements qui donnèrent naissance archives communales dans le Midi ? Citer les plus anciennes
aux trois comtés de Provence, de Forcalquier et du Venaissin . charles communales.
Déterminer la situation respective de ces divers Etats entre 42. De la topographie de Marseille depuis sa fondation jus
eux et avec le comté de Toulouse. Signaler les conséquences qu'à Louis XIV .
du traité de 1229 , au point de vue de l'organisation féodale 43. Déterminer, par le témoignage des historiens, les direc
du Midi. tions diverses que la Durance a pu suivre dans les temps
25. Déterminer quelle était la situation des comtes de Pro anciens .
vence aux xire et xine siècles , en regard des empereurs d’Al
lemagne , des divers seigneurs et des communes.
26. De l'influence des guerres soutenues par les comtes Le musée de Toulouse vient d'acquérir 112 monnaies gau
de Provence, dans les Deux - Siciles , sur les destinées de la loises en argent appartenant, selon toute apparence , à la tribu
Provence et sur les mæurs des Provençaux .
des Volkes - Teclosages. Bien que les pièces de cette nature se
27. Faire connaître l'origine et l'établissement des princi retrouvent assez fréquemment dans les territoires voisins du
paux monastères ou abbayes de Provence , ou de l'un d'eux; confluent de l'Ariége et de la Garonne, le musée n'en possé
les services par eux rendus à l'agriculture , aux sciences, aux
dait qu'un très pelit nombre d'exemplaires , la plupart en
leltres et aux arts.
mauvais état , faisant partie du médailler de l'Académie des
28. Des établissements charitables fondés au moyen -age en
Sciences. La nouvelle acquisition comble une lacune regret
Provence , et notamment des domus pauperum construites le
table , et, par le nombre de variantes qu'elle offre , pourra
long des routes ; faire connailre l'histoire d'un ou de plusieurs donner lieu à des éludes intéressantes.
de ces élablissements .
29. Quels sont les principaux pèlerinages encore en visage On peut fixer désormais , à Belpech (Aude ), la situation de
en Provence, et quel en est le but principal ? la cité de Garnac , Garnacum , l'Arpnago de quelques charles ,
30. De l'ancienne liturgie en Provence . ancienne capitale de l'Agarnaguez . J'ai retrouvé , en effet, au
31. Quels ont élé, aux premiers temps de l'ère chrétienne, confluent du grand Lers et de la Vixiège , à 1,500 mètres de
les règles et les circonstances qui ont présidé au choix des Belpech , de nombreuses sépultures gallo - romaines , fran
titulaires des églises ? - Quelle différence y a-t-il entre le ques , etc .; ce lieu porte encore le nom de Cimetière de
titulaire et le patron d'une église ? Garnac. Belpech serait donc le Beaupuy -Garnagois de certains
32. Quels ont été les caractères essentiels, les formes et les de nos chroniqueurs.
modifications successives de l'ancien régime administratif de B. D.
-

-
- 165 -

CROIX TUMULAIRES DU LAURAGAIS

( AUDE ).

A l'étude de l'origine, du symbolisme primitif de la croix bre de croix de pierre de diverses époques et de formes telle
se rattache essentiellement celle de ce signe considéré comme ment variées, que dans les neuf ou dix localités explorées, j'ai
accessoire des tombeaux. On a contesté qu'il fût particulier pu compléter une série de types, commençant peut- être au
aux sépultures chrétiennes des premiers temps : cette opinion xe siècle , et dont la terre cache probablement de plus anciens
semble fondée ; desaperçus nouveaux se présentent dont l'ex modèles.
posé ne saurait encore élre admis en entier , mais qui assi Cette variété de formes , qu'on peut regarder d'ailleurs
gnent désormais à la question une importante place dans comme le résultat naturel de la succession des divers styles
les travaux archéologiques. architectoniques, se combine avec l'emploi de certains signes
Quelle que puisse en être la solution , il est certain que la se rattachant soit aux croyances, soit à l'état social de ceux
croix a été une sorte d'hiéroglyphe funéraire adopté de bonne sur la tombe desquels ils ont été placés. A défaut de dates ou
heure par les chrétiens. A partir de ce moment , le signe a pris d'inscriptions, ces signes et ces formes générales peuvent
certainement un symbolisme nouveau, mais il est demeuré servir de base à des classifications rentrant plus ou moins l'une
surtout un emblème protecteur et unemarque funéraire. Sans dans l'autre . La classification chronologique est la plus im
rien préjuger de ce fait , on doit reconnaître que la représen portante de toutes , dans cette étude; c'est donc à peu près
tation de ce signe ayant affecté bien des formes et des carac selon l'ordre chronologique que j'ai essayé de classer mes
tères dont le sens ignoré peut se rattacher à des origines dessins ; mais cet ordre n'étant pas basé sur des preuves
mystérieuses et lointaines, l'étude de ces modifications, même absolues, il se peut qu'il doive être légèrement modifié plus
à des époques assez rapprochées de nous, peut conduire à des tard .
conclusions nouvelles . En plaçant en tête , comme les plus anciennes, les croix à
Cette donnée positive , que la croix est demeurée un signe branches s'élargissant du centre aux extrémités, puis les croix
presque spécial aux sépultures, démontre que les croix tumu à branches rectilignes , chargées les unes et les autres d'une
laires doivent fournir les plus utiles observations. croix en creus, on se conformerait aux indications fournies
On connait les divers types de croix gravées sur les tituli, les par lesmonuments visigoths et bysantins ; on se conformerait
sarcophages , les dalles tumulaires des premiers siècles ; les aussi à une classification indiquée déjà dans le Morbihan . La
croix proprement dites, les croix plantées sur les fosses dans seule indication locale formelle que j'aie pu recueillir , outre la
le sol des cimelières, à partir d'une époque inconnue , n'ont grossièreté du travail, est la présence, sur une croix à bran
peut- êlre pas encore été étudiées. ches triangulaires , aujourd'hui hors du cimetière de Belpech ,
Elles offrent cependant un sujet neuf et des séries de ques d'une gravure en creux de la croix dite de Toulouse. Ce monu
tions à résoudre, celles qu'on retrouve dans ces cimetières de ment ne saurait être postérieur au commencement du xirre
villages où des populations s'entassent comme par couches de siècle ; on en trouvera plus loin la raison .
puis des temps inconnus ; là , sous l'herbe et les ronces, Mais un type bien plus fréquent, dans les très vieux cime
beaucoup de ces monuments sont ensevelis à moitié , qui peu tières (Montferrand , Baragne ), plus ancien peut-être que les
vent offrir les plus précieux et les plus authentiques docu précédents , mais à coup sûr employé simultanément avec eux ,
ments . est celui qui consiste en un disque plein , portant sur une de
On en jugera par les résultats d'une rapide excursion faile ses faces une croix le plus souvent inscrite dans un cercle, en
dans quelques cimetières du pays de Lauragais , aux environs sorte que ce type présente la plus frappante analogie avec de
de Castelnaudary et dans la direction de Chalabre. très anciennes représentations de la croix , particulières à cer
Il y a là un certain nombre de centres actuels d'habitations tains objets, auxmonnaies gauloises principalement, d'où elles
très anciennement peuplés, si l'on en juge par les débris , les semblent être passées dans les premiers blasons connus . Il y a
vestiges celtiques et gallo -romains qu'on y rencontre , et dont un étrange rapport entre ces monnaies chargées d'une croix
les habitants n'ont pas d'autre cimetière que celui où , depuis inscrite dans un cercle , cantonnée de disques ou d'annelets ,
un temps immémorial, se firent inhumer leurs prédécesseurs ; la croix avec les douze points , devenue la croix aux douze
le plus souvent, il est altenant à une église romane , comme pommettes de Toulouse , et la croix représentée sous le no 11 .
à Baragne, à Saint- Pierre de Montferrand, à Sainte -Camelle , Sur les disques tumulaires du Lauragais , la croix inscrite
à Villefort, etc ... Dans ces cimetières existent un grand nom dans un cercle semble d'abord avoir affecté une forme élé

22
160

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169

mentaire ; elle n'est devenue la croix de Toulouse que sous Si l'on veut admeltre que cette forme est toute locale ,
certaines influences se rattachant, ce semble, à des causes po toute accidentelle et due seulement à l'influence des armoiries
litiques, puisque sa disparition coïncide avec l'emploi d'un adoptées par les comtes de Toulouse, on ne saurait étendre
emblème devenu héraldique, la fleur de lis. celte influence qu'aux monuments où celte forme de croix est
Un instant, les deux emblèmes furent peut- être accolés sur réellement représentée, et comme tout prouve que dans la sé
le même monument, mais je n'en ai pas trouvé d'exemple. rie ces monuments apparaissent tard , il s'ensuit que l'opinion
Dès l'origine , la fleur de lis semble exclure la croix de Tou ne peut être soutenue que pour ceux -là spécialement.
louse ; mais le type primitif persiste assez longtemps, et les Il est cependant incontestable que la croix est dans ces cas
croix à quatre branches égales , ou les croix latines inscrites lå un emblème, non pas précisément héraldique, mais plutôl
dans un cercle, s'associent d'abord aux fleurs de lis. Puis la politique ; la preuve en est dans l'avènement de la fleur de lis
croix se présente non inscrite, perd de son importance et finit et dans son emploi définitif pendant une période correspon
par n'être qu'un accessoire , tandis que la fleur devientle motif dant, à coup sûr, avec le triomphe de la race française sur la
principal, parfois même excluant la croix. nationalité méridionale au XIIIe siècle. Quels motifs, quelles
Avec l'avènement de la fleur de lis coincide une modifica idées ont fait mettre ainsi les tombes sous la protection de
tion profonde dans la forme de la pierre même sur laquelle signes, devenus héraldiques après avoir été essentiellement
se détachent les emblèmes . Le disque devient lui-même le religieux ? Les croix où on les remarque appartiennent- elles à
centre d'une croix à quatre branches dont une plus longue des fonctionnaires comtaux ou royaux ? Mais où sontles insi
que les autres et servant de support ; puis il se réduit à un gnes de leurs fonctions, et pourquoin'y seraient-ils pas figurés,
cercle entourant une croix gravée à l'intersection de branches alors que sur plusieurs de ces pierres on reconnaît les attributs
rectilignes ; bientôt le cercle disparaît, la petite croix en creux de divers métiers ? car c'est là une des curieuses indications
ou en relief se montre seule à côté d'une ou de plusieurs fleurs fournies par les croix du Lauragais : la croix tumulaire du
de lis. maçon , du serrurrier, du tisserand, du forgeron , etc., est
Elle cesse de se montrer au moment où le monogramme reconnaissable à une truelle, une clef, une navette , une en
INRI, en gothique carrée, et des formes générales nouvelles clume, un marteau , des tenailles , etc. Ces armes parlantes
viennent caractériser une nouvelle époque. A son tour, la remplaçaient d'inutiles inscriptions pour des populations
fleur de lis cesse d'être représentée quand la fantaisie du xve illettrées.
et duxvie siècles donnentaux croix elles-mêmes de capricieux Faut-il voir , dans l'emploidu signe héraldique sur ces tom
contours où ne se retrouvent plus les données premières et bes, un souvenir de symboles oubliés, ou une indication de
qui deviennent progressivement les croix, sans caractère par sauvegarde ? Jusqu'à quel point les deux idées se trouvaient
ticulier du dernier siècle . elles confondues ?
Ce rapide exposé indique bien des questions de détail å Il est à remarquer que le nombre cinq joue un certain
étudier . La forme circulaire donnée aux pierres même sur rôle dans les croix tumulaires du Lauragais . Le no 13
lesquelles se rencontrent les croix inscrites dans un cercle , présente sur une face la croix de Toulouse inscrite ; sur l'autre,
peut sembler provenir d'une idée d'économie et de conserva une croix pommetée, cantonnée de quatre petites croix. J'ai
tion facile . Ces disques ont parfois, en effet, un assez faible vu d'abord là une intention héraldique . Mais en rapprochant
diamètre ;mais à côté se trouvent des croix à branches décou ce groupe de cinq croix des groupes offels par les 1986 , 11 ,
pées de mêmes proportions, d'où la conclusion que la forme et plus tard par le n ° 26 ; en songeant aux cing points gravés
circulaire n'a pas été suggérée par l'exiguïté de la pierre, sur un grand nombre de croix en Morbihan , et aux cinq trous
plusieurs disques ayant d'ailleurs jusques à 60 et 70 centimè pratiqués sur le cierge pascal, en souvenir des cinq plaies du
tres de diamètre. Sauveur , j'ai dû admeltre une intention symbolique dans la
Quant à l'idée d'économie de travail, elle n'est guère admis représentation de ce nombre cinq . Mais quelle en est la véri
sible : l'ouvrier aurait découpé en forme de croix une sorte de table origine ?
dalle, plus rapidement qu'il n'aurait pu la découper en rond et On le voit , ces monuments dédaignés jusqu'ici méritent
champlever loute la surface du disque, de manière à réserver , une étude approfondie, d'autant plus qu'ils sont rares ou non
comme il l'a fait dans plusieurs, le cercle et la croix en relief. 'expliqués. Un travail de ce genre a été récemment fait en
Le désir d'obvier à une détérioration rapide aurait pu conduire Brelagne . Dans une Etude sur les croix de pierre du Morbihan ,
à supprimer les bras et à adopter la forme circulaire ; mais s'il M.L. Rosenzweig « s'est occupé d'une espèce de croix que
en était ainsi, pourquoi la disparition de ce type coïnciderait sa profusion en Bretagne peut faire considérer comme une
elle presque avec l'apparition de la fleur de lis ? classe de monumenls particulière à ce pays, les croix de
Ne faut- il pas voir dans ce fait une preuve de la liaison pierre. » Il les a divisées « en deux espèces principales, les
intime de la forme circulaire avec la croix à branches égales, croix funéraires et les croix de carrefour . La croix funéraire
plus ou moins modifiée ? et n'est-on pas amené à un rappro s'élève au milieu du cimetière de chaque paroisse . )
chement involontaire avec certains chrismes inscrits dans un Dans les vieux cimetières de l'Aude , les croix de pierre
cercle, avec les nimbes crucifères , avec les monnaies gauloi figurent en quantité ; elles sont taillées dans le grès ou le cal
ses et d'autresmonuments primitifs ? caire argileux . Les types les plus anciens fournissent les plus
170

nombreux échantillons, et les croix de bois semblent n'y avoir INDICATION DES PROVENANCES,
été employées presque exclusivement qu'à des dates récentes.
Cimetière de Baragne, nos 10, 14 , 15 ,
Leur emploi paraît coïncider avec l'érection d'une grande Belflou , nos 1 , 8 , 9 (de l'ancien cimetière , ser
croix de pierre analogue à la croix funéraire autour de laquelle vant de bornes) .
se groupent les tombes bretonnes. >> Belpech , nos 2 , 3 , 4 , 6 , 13, 16 , 17 , 18 , 19 , 20 ,
Aprèsavoir constaté ces analogies ou ces dissemblances gé 21, 22 , 23 , 24 , 25 , 26 , 27, 28 , 30 , 32 , 34 , 35 ,
nérales entre les monuments funéraires des deux régions , on 36 , 37.
ne trouvera que de rares similitudes de détails. Les croix pat Marquein , nº 11 .
Montferrand , n ° 12 .
tées, les croix percées existent dans le Morbihan , et la fleur de
Plagne , nº 40 (de l'ancien cimetière ? aujour
lis s'y rencontre parfois; mais le type, si commun dans le Lau -
d’hui , croix de station ).
ragais , d'un disque plein portant une croix inscrite dans un Puivert, nº 39 .
cercle y paraît être rare , s'il n'y fait défaut. D'un autre > Sainte -Camelle , nº 5 .
côté , les attributs de métiers , sculptés sur nos croix , indi Saint- Sernin , nº 33 .
quent la solution de quelques incertitudes signalées dans la » Villefort, nos 29 , 31 , 38 .
très intéressante étude de M. L. Rosenzweig . Ces quelques Les nos 39 et 40 ne sont pas à la place qu'ils devraientoccu
rapprochements suffisent à faire comprendre l'utilité d'une per d'après l'ordre chronologique. Leur ornementatio n peut
les faire regarder comme des exemples isolés. Il est facile de
étude générale des croix tumulaires dans les diverses régions.
les rattacher, le premier au type 21 , le second au type 29. La
Quant aux croix de carrefour , croix de station , calvaires, elles main bénissant, de ce dernier numéro et du n ° 40 , désigne- t-elle
n'offrent guère qu'un intérêtpurement artistique, tandis que la tombe d'un prêtre ou la croix principale du cimetière ?
les premières se rattachent à des questions d'un tout autre Je dois à M. l'abbé Lézat , curé à Belflou , l'intelligente indication de cette
ordre. série de monuments.
B. DUSAN .

TOULOUSE , CITÉ LACUSTRE ?

Les travaux exécutés à Toulouse pour asseoir les fondations reconnaître qu'il était formé de parties droites se coupant sous
du palais du Maréchal commandant le sud -ouest, ont fait des angles très obtus.
découvrir des débris importants pour l'histoire locale et peut » Toute la partie du terrain siluée en arrière de ce mur était
être pour celle des races primitives. formée par des remblais anciens , sur une hauteur d'environ
Un homme d'un esprit toujours jeune et qui appuie de son 6 mètres. Ces remblais, uniquement composés de décombres
propre exemple ses théories sur le prolongement de la vie et de terre , n'ont offert rien de particulier. Au -dessous de
humaine , en abordant avec succès les études les plus ardues ces remblais , c'est-à - dire å l'altitude moyenne de 139,50 ,
à l'âge où chez tant d'autres l'intelligence s'émousse , M. le on a rencontré un terrain solide formé de gravier pur. Dans
vicomte de Lapasse , a déjà traité ce sujet ; il a voulu se borner toute cette partie , en arrière du mur, on a trouvé l'eau à
à des aperçus généraux que je suis loin de vouloir combattre . l'altitude 139,70 . (Le terrain naturel est à l'altitude moyenne
Préoccupé d'approfondir la question dans un sens nouveau , de 145,50 .)
j'essaie uniquement d'arriver à des preuves . » Dans la portion du terrain situéeen avant du mur existant,
Nolre commun point de départ est la note suivante fournie on a rencontré , au -dessous des mêmes terrains de remblai ,
par l'officier du génie chargé de la construction du palais ; une quantité de vase considérable. Le dessus de cette vase
quoique faite à un point de vue tout spécial, elle n'en est pas était à l'altitude moyenne de 140,70 , et le niveau de l'eau ,
moins d'une valeur réelle par sa précision . qui, dans la partie située en arrière du mur, n'arrivait qu'à
« On a découvert, en creusant les fondations du bâtiment l'altitude 139,70 , s'élevait dans cette partie jusqu'à 140,70
principal , un ancien mur d'une largeur variable entre Om 70 (1 mètre plus haut). Les sources abondantes qui alimentaient
et 4m 00. Ce mur, dont le revêtement était en briques et l'in d'eau cette partie du terrain ont été mises à découvert ; elles
térieur en cailloux, ainsi que l'indique la coupe (fig . 3 ) repré ont donné en moyenne 100 litres par minule .
sentée sur le croquis ci-joint, avait une direction qui parais » Au milieu de cette vase , on n'a pas tardé å rencontrer des
sait être en ligne droite ; mais un examen plus attentif a fait bois d'un assez fort équarrissage, des poutres de Om30 à 0m 40 ,
- 171

2 .

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.

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gravier

.
139.75 .
tuf . oo
30.09 ; Top

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141.28 . 159.14 .

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vase
grau.
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: 38.14

Coupes à 1/100 .

tuf gour
139.92 .

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139.16.
1140.39 139.

13.9.552 20

2
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tuf .
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SOURCES

Plan à 1/100
de la partie des fondations ou on a rencontre des pièces debois
172

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PLAN DE 1780 .

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PLAN DU GÉNIE

H.I. Mur existant en avant duquel


onl elé trouvés les pilotis

Plan de 1660
173

en sapin et en chêne , des pieux en bois de pin ; quelques était entièrement appareillé avec des moellons d'un calcaire
unes de ces poutres portaient des rainures de 4 à 5 centime très dur, taillés en forme de pelits parallélipipèdes très régu
tres de largeur et de profondeur. Ces diverses pièces de bois, liers, ainsi que l'indique la coupe (fig . 2) du croquis.
dont une partie est représentée en plan (fig . 1 ) dans le croquis » Enfin , en creusant les fondations du bâliment E , on a de
ci- joint, étaient disposées d'une manière très irrégulière. nouveau rencontré le même terrain vaseux dont il a été ques
Plusieurs étaient complétement brisées. Les pieux étaient tion ci- dessus ; on a été obligé , pour arriver au tuf , de creu
rarement verticaux , et il était facile de s'apercevoir que ces ser jusqu'à l'altitude 136,11, c'est- à - dire à environ 10 mètres
pieux étaient , à peu près tous, inclinés dans le même sens. en contre-bas du terrain naturel. Jusqu'à cette profondeur ,on
Quant aux poutres , dont la position était en général horizon n'a extrait que de la vase et de l'eau. On n'a plus rencontré
tale , on pouvait voir que leur direction était sensiblement de bois dans celle partie des fondations. Mais il est à remar
parallèle et perpendiculaire au mur existant, sans toutefois quer que les fondations de l'aile gauche du même bâliment E
que ce parallélisme et cette perpendicularité fussent rigou ont montré que ce terrain vaseux ne s'étendait pas plus loin
reux . Parmi ces pièces , il en était une , d'un équarrissage de du côté de l'allée Saint- Étienne ; car , dans toute cette partie ,
Om 40 environ , quireposait sur le mur ; elle y faisait une prise on a pu ſonder sur le terrain solide , à l'altitude moyenne de
de Om 30 , et son extrémité était soigneusement entourée de 141,00 , c'est-à -dire à une profondeur de 4m 50 seulement en
terre glaise . contre-bas du terrain naturel. Ce terrain solide était composé
» Les pieux que l'on a extraits de ces fondations étaient sim de gravier très compacte , mélangé d'argile de couleur jau
plement appointés à leur extrémité et ne portaient ni frette ni nâtre .
sabot en fer. Ils étaient enfoncés dans la vase , et leur pointe » De ce qui précède , il semble qu'on pourrait conclure que
légèrement émoussée reposait sur le tuf solide , connu dans le premier mur qu'on a rencontré était un ancien mur de
ce pays sous le nom de balme. rempari, au pied même duquel on avait creusé jusqu'au tuf
» Il est à remarquer que dans cette vase on n'a rencontré un large ct profond fossé , d'environ 15 à 20 mètres de lar
aucun vestige de construction qui pût indiquer que celle geur et 6 à 7 mètres de profondeur , contenant une profondeur
charpente eût été faile pour servir de fondation à un édifice d'eau de 4 à 5 mètres . Cette eau provenait , soit des sources
quelconque. La vase extraile de toute cette partie des fouilles abondantes dont il a été parlé ci-dessus, soit des infil
élait très compacte , tantôt verdâtre , tantôt complétement trations de la nappe d'eau qui règne dans tout ce terrain à
noire ; en deux endroits seulement, on a trouvé dans celte l'altitude 139,70. La contrescarpe de ce fossé aurait été en
vase des amas de gravier et de cailloux ; partout ailleurs, elle terre .
était parfaitement homogène . Cette vase reposait directement » Quant aux pièces de bois , en quantité considérable , qui
sur le tuf dont le niveau régnait à des profondeurs variables , élaient enfoncées dans celle vase , leur disposition et leur
depuis l'altitude 138,43 jusqu'à l'altitude 135,75 , c'est-à - dire nature semblent indiquer qu'elles faisaient partie d'un ouvrage
de 7 à 10 mètres de profondeur en contre-bas du sol primitif. destiné à retenir les eaux , une sorte de barrage qui aurait été
Dans la partie voisine du pied du mur existant , le tuf se bouleversé ou rompu par quelque cause violente .
trouvait toujours à une profondeur moindre que dans les por » Le deuxième mur , situé en arrière du premier , aurait été
tions de fondations qui étaient éloignées de ce même mur . construit sans doute postérieurement ; on n'a retrouvé aucune
La différence de niveau arrivait ainsi jusqu'à 3 mètres ; et si trace de fossé en avant de ce deuxième mur ; peut-être le
on s'éloignait encore du mur, le terrain solide se trouvait à large fossé plein d'eau de l'enceinte primitive avait-il servi
une profondeur de moins en moins grande; mais ce terrain pour la nouvelle enceinte ? Quoi qu'il en soit, celle nouvelle
solide , au lieu d'être du luf , était composé de gravier pur . enceinte était construite avec des matériaux d'une résistance

Dans toute sa longueur, le mur en question reposait sur le considérable ; les efforts inouïs que l'on est obligé de faire
tuf, et sa partie inférieure formait empatement, ainsi que l'in pour la démolir le prouvent lous les jours. Il n'en a pas été
diquent les coupes du croquis ; cel empêtement n'existait que de même du mur de l'enceinte primitive , que l'on a démoli
sur la face extérieure du mur. L'autre face était entièrement sans peine, et dont la construction laissait beaucoup à désirer
verticale . au point de vue de la solidité . »
» En arrière de ce mur et à une distance d'environ 30 mét., Les travaux dont parle ce rapport ont été faits sur un point
on a mis à découvert un second mur de construction diffé de la ville appelé la porle Monloulieu , près duquel on voit
rente . Celui- ci était formé d'assises alternées de briques et encore quelques portions de l'enceinte flanquée de tours.
de cailloux . Le croquis ci-joint indique la coupe de ce mur , De grands remaniements de terrain ont eu lieu en cet
dont le plan d'ensemble montre la position . endroit à diverses époques , et ce n'est pas la première fois
» Ce mur était sans doute flanqué de tours, car les déblais que la pioche y pose des problèmes à la curiosité et à l'imagi
des fondations en ont mis à découvert une portion qui avait nation . Au siècle dernier, un solennel pédagogue , alteint ,
la forme circulaire. heureusement pour nous, de la manie d'écrire comme ses
» En creusant les fondations du bâtiment D , on a retrouvé mémoires , a consacré plusieurs pages à raconter les travaux
ce mêmemur flanqué de tours. Après avoir mis à découvert le de terrassement faits, de son lemps, près la porte Montoulieu ,
parement extérieur d'une de ces tours , on a reconnu qu'il et voici ce qu'il coucha dans son manuscrit intitulé : Les
23
174

Heures perduesde Pierre Barthés , répétiteur en Tolose , aujour roient , selon lear devoir, qu'après les corps de ceux qui
d'hui déposé à la bibliothèque de la ville : avoient péri par la contagion .
» Cette conjecture est assez bien fondée, parce qu'on fit cette
élévation de terre en 1522 ou 1523. Tous les corps de métiers
1751 . TRAVAUX A L’ESPLANADE .
furent obligés d'aller y travailler, excepté les boulangers , qui
portèrent pour excuse qu'étant obligés de travailler la nuit
« Le temps étant si mauvais et le prix du pain si fort au
pour la cuisson du pain , ils ne pourroient suffire à travailler
dessus des forces publiques , eu égard à la misère commune
le jour. Celle excuse , qui paroissoit assez bien fondée , ne
par le défaut de travail presque dans lous les métiers, MM . les
fut pas reçue et elle n'empêcha pas que chaque maitre ne fût
Capitouls, dans un conseil général, résolurent sagement, pour
condamné à une amende de 2 deniers loulzas par table de
faire vivre une quantité prodigieuse de personnes de tout âge
el de tout sexe, et pour éviter un soulèvement qui n'auroit pain , amende qui s'est soutenue constamment jusques à ce
jour et qu'on a toujours appelée le droit de gorp ; ainsi, il y a
pas manqué d'arriver, d'occuper toutes ces personnes à des
assez de vraisemblance dans ce raisonnement.
travaux publics pour l'embellissement de la ville ; de sorte que
» D'autres ont prétendu que ces murailles sont des restes de
le 21 de ce mois il fut crié , à son de trompe , que qui vou
l'ancienne demeure de certains frères appelés Jésuates , qui,
droit travailler pourroil se rendre à l'Esplanade , à la porte
au nombre de cinq, s'étoient établis en cette ville pour secou
Montoulieu , hommes , femmes et enfants , pour aplanir celte
rir les pestiférés ; que quatre d'iceux étant morts du mal , le
moite de terre qui forme celte élévation et la mettre de niveau
cinquième s'en étoit retourné en Italie , d'où il éloit venu et
avec la promenade des Carmes ( aujourd'hui l'allée Saint
où réellement il y a de celle espèce de frères .
Michel), à commencer à la porte Saint-Etienne, jusques à celle
» Cette conjecture est totalement fausse .
de Montgaillard . Les fosses ont été comblés ; on y a dirigé un
» Ce qu'il y a de plus vrai et ce que j'ai trouvé dans les
aquéduc tout auprès des murailles, pour recevoir les eaux , et
Mémoires de M. de Calel , de l'histoire de Languedoc , dans
on a fait compte de 3,000 personnes , la veille de Noël, sur

.
la description des quartiers de Toulouse, à l'article de la porte
les états des inspecteurs , qui formoient plusieurs brigades de
et oratoire de Montolieu , est : que tout auprès de cette porte
25 el de 50 personnes chacune, les hommes au prix de 7 sous ,
étoit anciennement le cimetière des Juifs , qui , étant placé
les femmes à 4 sous , les enfants à 3 sous et les inspecteurs à
auparavant près de la porte du château Narbonnais, fut trans
20 sous , le tout sous la direction de M. de Garipuy, ingénieur
féré à Montoulieu par un échange de terrain . Ainsi , les vieux
de la province , el sous lui M. de Laget et autres.
restes de murailles qui paroissent à l'Esplanade , et qui mar
» Cetravail, qui va former la plus belle esplanade qu'on puisse
quent plutôt l'enceinte d'un grand terrain que d'un logement,
voir, et qui deviendra dans la suite une des plus belles prome
ne peuvent être que la fermelure de ce cimetière judaïque
nades de la province par les embellissements qu'on se propose
dont parle Catel , au lieu préallégué ; c'est à quoi je pense
d'y faire , sera le plus bel agrément de la ville..... Le milieu
qu'il faut s'en tenir . »
devant former une place ovale entourée d'une double rangée
Evidemment , aucune de ces conjectures n'est assez bien
d'arbres , quatre allées d'autant de rangs venant y aboutir, å
fondée , et le bon répétiteur en est pour ses frais d'imagina
prendre de la porte Saint-Etienne à celle du château et au
chemin tirant à l'oratoire de Moutoulieu . lion ; il est aisé de s'en rendre compte en consultant l'im
mense plan de la ville dressé vers 1750 , c'est-à -dire un ou
deux ans avant la date de la note de Barthès.
1752. DÉCOUVERTE A L'ESPLANADE. Sur ce plan , on voil, en avant de la porte Montoulieu , à
droite , une grande élévation de terre entourée de petits murs
La motte de terre qui formoit celle promenade qu'on appe de soutènement, et que la légende désigne ainsi : la Terrasse.
loit l’Esplanade , auprès de la porte de Montoulieu , ayant été C'est un terre -plein ,une sorte de cavalier comme on en éleva ,
aplanie et mise de niveau avec le chemin contigu , selon le aux premiers temps de l'emploi de l'artillerie , en avant des
plan formé pour la magnifique promenade qu'on s'est proposé enceintes gothiques, pour enfiler les fossés et ballre les abords
d'y faire , on a découvert une vieille muraille assez longue , à portée de canon , les lours et les murailles ne permettant
avec une petite porte d'entrée au devant de laquelle il ya guère le jeu libre des pièces. Celle Terrasse , désignée aussi,
comme un petit porche. Celle muraille , qui peut avoir, selon au siècle dernier , par les noms de Plate -forme ou d'Esplanade,
ce qui se voit , 6 pans d'élévation du côté du midi , a fourni est bien certainement celle dont Barthés raconte la démolition
un grand sujet de raisonnements et de conjectures que bien el sur l'emplacement de laquelle « on a découvert une vieille
de personnes ont formés, chacune à sa fantaisie . muraille assez longue . »
> Les unsont voulu que ce fut le logement de certains valets Or, en comparant le plan dressé en 1750 et celui qu’on a
de ville préposés pour retirer de dedans la ville les cadavres relevé pour construire le palais du Maréchal, on reconnaît
de ceux qui étoient morts de la peste , el qu'on appeloit ces que le mur indiqué sur ce second plan en arrière du fossé el
valets gorps , mot qui , dans l'ancien langage de Toulouse , des pilotis est en dehors de l'emplacement de la Terrasse , mais
signifie corbeau ; ainsi nommés parce que , tout ainsi que cet qu’une de ses extrémités y pénètre. Il devient donc certain
oiseau court après la charogne , de même ces gens-là ne cou que ce mur est le prolongement de celui qu'on rencontra après
175

avoir nivelé le terrain , et dont la découverte intrigua si fort terre - plein du xvie siècle , destiné à placer des pièces d'artille
les Toulousains en 1751 . rie en position assez élevée pour battre les approches ( 1).
Ce mur , « qui marque plutôt l'enceinte d'un grand terrain En admettant que tel était l'état des lieux vers 1523 , il
que d'un logement , » bâti á 30 mètres environ du rempart , reste à examiner dans quelles circonstances le vacant pu se
en arrière d'un fossé et muni en avant d'un empatement for former de manière à ensevelir le mur et les pilotis. Il semble
mant glacis , ne peut être une simple clôture de couvent ou d'abord qu'on puisse attribuer la destruction du mur et le
de cimetière , et c'est bien une fortification . comblement du fossé à pilotis , à l'époque où Toulouse lutta
Il est étrange que celle idée ne se présente pas d'elle-même énergiquement contre les Croisés conduits par Simon de
à Barthés, et que ce naïf répétiteur, aux aguets des traditions Montfort. Mais ce mur existait-il alors , ou du moins était-il
locales, n'en connaisse aucune qui le puisse mettre sur la voie . apparent ? Les chroniqueurs de l'époque ne disent jamais
Ce silence de la tradition populaire n'est-il pas significatif ? que Toulouse ait eu double enceinte , c'est- à - dire qu'en par
Ne relègue- t-il pas dans un passé bien lointain la date de ce lant fréquemment des lices , espaces ménagés au pied des
vieu : mur ? A quels évènements se trouve donc liée sa des remparts, ils ne mentionnent jamais que ces lices fussent pro
truction première et son enfouissement? tégées par un mur du côté du fossé ; elles n'avaient pour toute
Cet enfouissement semble d'abord pouvoir être placé à l'épo défense que des barrières de bois et des rangées de pieux
que où on éleva le terre - plein , vers 1523 ... Alors , ainsi que aigus...
l'a relaté Barthés , on s'occupa très activement de mettre la Un passage qu'on retrouve dans la chronique en vers de la
ville en état de défense . « Sur l'ordre de Lautrec, les Capilouls croisade et dans plusieurs auteurs , semblerait s'appliquer
firent démolir toutes les maisons près des murs de la ville , à la pourtant à la construction d'un mur de briques pour garantir
distance de deux toises : ce qui fut exécuté avec une diligence les lices.

incroyable , et les remparts mis en l'état que nous les voyons En 1217, les tours et les murailles ayant été rasées par
aujourd'hui (vers 1700 ) , depuis la porte du Bazacle jusqu'au Montfort, les fossés en partie comblés , les Toulousains se
châleau ( 1 )... ) révoltent, fortifient à la hâte la ville en rouvrant les fossés ,
Puisque la date de la construction du terre-plein est fixée en creusant des tranchées et élablissant des barricades et des
vers le premier tiers du xvie siècle, qu'en 1700 rien n'avait été barrières ... Ils réussissent à se défendre avantageusement ;
changé aux fortifications et que le plan de 1750 fait connaître Montfort, pour venir à bout de leur résistance , fait construire
l'état exact des lieux au moment d'une transformation impor une machine de guerre , une gate , sorte de lour en bois que
tante, on sait que l'enfouissement du mur n'a pu avoir lieu les siens poussent vers la ville . Les Toulousains perdent
après l'érection de la Terrasse . d'abord courage, mais bientôt leurs trébuchets ont ruiné la
Les travaux fails alors ont- ils amené , en effet , la destruc gate ; Montfort la fait réparer. Dans un conseil, les assiégés
tion partielle du mur ? avisent aux moyens de se prémunir contre les effets du terri
Il est malaisé de l'admettre , car si celte construction eût ble engin .
été alors à découvert, il est probable qu'on en eût tiré parti Bernard de Casnac conseille de ne pas s'épouvanter ( 2).
commemur de soutènement. Il parait qu'à cette époque , le « Laissez , dit- il , venir la gate , sa tour et ses flèches..., et
fossé de la ville était assez éloigné de l'enceinle , qu'il était si elle vient jusqu'aux lices , vous la brûlerez elle et eux. »
précédé d'une porte , probablement une ancienne barbacane , Estoul de Linar dit :

et qu'il contournait une sorte de vacant ( 2) . ( Faisons dans celte lice de bonnes murailles , qui soient
La surface de ce vacant devait se trouver au moins à l'alli longues , hautes et avec de grands créneaux, tels qu'ils battent
lude 143 mètres environ , c'est-à -dire à peu près à 2 mètres les fossés et les palissades .
en contre - hautdes fondations de l'enceinte flanquée et s'éten
dre à 70 ou 80 mètres en avant. Il couvrait donc le mur ,
supposé que ce mur n'eût alors que la hauteur qu'il pré (1 ) Un plan de la ville , imprimé en Hollande en 16 ..., indique à l'endroit
sentait lors des travaux de 1751. Il dut servir d'assiette au où était le terre - plein de Montoulieu , un véritable bastion triangulaire ; mais
ce plan est, dans tous ses détails , d'une inexactitude si flagrante qu'on ne
saurait regarder celte indication comme précise . Ce bastion est fermé à la
.

gorge par le mur de la ville , avec laquelle il ne comunique pas.


( 1) Annales de Toulouse , par Lafaille. (2 ) Vers 8153. Ditz nBr. de Casnac senhors aissi o faretz
De re cara veiatz temensa nous donetz
(2 ) On trouve dans l'Histoire de Languedoc , par Catel, le passage suivant
(page 193) : Vec vos que ven la gata el castells el cairetz
E si ve a la lissa lor e la gata ardretz .
L'ORATOIRE DU CRUCIFIX DE LA PORTE DE MONTOLIEU .
« Il y a environ soixante ans (il écrit vers 1600 ) que cest oratoire estoit Ditz nEstolz de Linars
dans le fossé de la ville, ioignant la porte de Montolieu , qui est du côté des
fauxbourgs ; et n'y avoit que quatre piliers de bois qui portoient un couvert De dins aquesta lhissa farem bonas paretz
d'ardoise au -dessous duquel estoit le crucifix . Mais les guerres estant surve E sian gran e autas ez ab grans dentelhetz
nues , il conuint pour faire certaines forteresses l'oster, lequel fust remis avec Aitals que sobrebatan los fossats els paletz
les quatre piliers qui le souslenoient delà le fossé et chemin , et au deuant la
dite porte de Montolieu . » ( Chronique rimée de la guerre des Albigeois, trad . FAURIEL .)
176

» Les chevaliers et les bourgeois apportent les briques , la vase absolument aucune arme, aucun veslige des furieux
mais de dehors, contre eux, tirent fréquemment les pierriers. » combats que se livraient journellement , à Montoulieu , les
Ce mur , élevé à la hâle pour protéger la lice , est bien , Toulousains et les Croisés. Si le fossé ne s'était pas trouvé
semble -t -il, celui dont nous cherchons l'origine. comblé à cette époque, de nos jours on aurait sûrement ren
Cette frappante vraisemblance est détruite par l'examen . contré parmi les pilotis quelques témoignages de ces lulles
Les Toulousains veulent, en effet, se garantir de la gate et acharnées ( 1) .
arrêter, par un obstacle infranchissable , les assaillants qu'elle Un second fait, relaté par feu M. Fournalès , prouverait
va jeter dans la ville. Mais cette machine est dressée entre le que le comblement du fossé remonterait à une époque bien
château Narbonnais et le mur de la ville, c'est- à - dire fort loin antérieure au xie siècle. Cet infatigable chercheur a constaté
de la porte Montoulieu . C'est donc sur ce point qu'on élève à l'absence complète , parmi les déblais reposant sur la vase, de
la hâle une haute muraille de briques « en quelques heures, » ces monnaies baronales si fréquentes sur d'autres points :
dit un chroniqueur. dans les couches supérieures , il aurait recueilli des monnaies
Quelle que fût l'ardeur de la population , on ne peut admet de Louis XII ; plus bas, au -dessous d'une couche de terre et
tre que cette muraille ait été prolongée jusques à 100 ou de débris assez épaisse et qui ne lui a pas donné le moindre
150 mètres au delà de la porte Montoulieu , c'est-à -dire sur objet, il a rencontré des bronzes du bas -empire , entre autres
une longueur d'au moins 800 mètres, à partir de la place du des deux Télricus ; la vase entourant les pieux lui a fourni
Château . On ne saurait donc voir un restant de cette cons deux monnaies d'argent : l'une de Néron , l'autre à l'effigie de
truction dans celle qu'on a trouvée sur l'emplacement de Trajan .
l'hôtel du Maréchal, båtie qu'elle est d'ailleurs , malgré son Ne faut-il pas conclure de l'absence des monnaies baro
peu de solidité , dans des conditions telles , qu'évidemment nales , de cette interposition d'une couche sans monnaies,
ceux qui l'édifièrent n'étaient point exposés à de continuelles entre les bronzes du bas empire et les sous tournois de
attaques , puisqu'ils purent en asseoir les fondations sur le Louis XII, d'abord :
luf, à près de 1 mètre en contre-bas du niveau de l'eau . Que l'enfouissement du mur et le comblement du fossé ont
Puisque les chroniqueurs du xiure siècle ne font jamais dû avoir lieu vers l'époque de la domination visigothe ;
mention de murs protégeant les lices , sauf de celui qui fut Puis , que l'épaisseur considérable des remblais faits alors
construit devant le château Narbonnais pendant le siége , et et sur la superficie de laquelle on aurait dû rencontrer des
qu'ils parlent très souvent des palissades des lices , dans le vestiges du moyen -âge, a été diminuée, vers 1523 , aux abords
récit de combats livrés près de Montoulieu , évidemment, le
mur récemment découvert était alors enfoui, ainsi que le
fossé à pilotis , lequel n'est donc pas le même que celui qui ( 1) 7145. E el camp de Montoliu es plantatz us jardis
devait protéger alors l'enceinte . Celui-ci était sansdoute placé Que tot jorn nais e brolha es plantatz delis
Mas lo blanc el vermelh qui grana e floris
plus loin vers le dehors , laissant un large espace entre son es
Es carn e sanc e glazis et cervelas geris.
carpe et le rempart. La preuve en semble fournie par les chro
niques , il y est souvent question du Pla de Montoliu . C'était (Etdans le champ de Montolieu est planté un jardin
Qui chaque jour fleurit et bourgeonne, dévasté et replanté ;
probablement un vacant, une sorte de place, situé , par rapport Mais le blanc et le vermeil qui y font graine et fleurs
à l'intérieur de la ville , derrière le jardin de Saint-Jacques , C'est chair et sang etmembres tranchés et cervelles.)
et séparé de la campagne par un fossé , el de la ville par le
7281. El camp de Montoliu el vergier perilhos
rempart. Il devait avoir évidemment bien plus que la largeur On remas cada dia lo blancs el vermelhos
d'une lice el déborder de beaucoup en avant de la muraille Mas la sanc el cervel e la carn els brazos
E la flors et la folha e lo fruit doloiros
précédée de pilotis ; par conséquent il recouvrait le tout (1 ).
De que mant olhsmirable es remazut ploros .
Un fait constaté par l'officier du génie , auteur du rapport ,
(Dans le champ de Montolieu, dans le périlleux verger
corrobore celle dernière opinion : c'est qu'on n'a trouvé dans Qui fleurit chaque jour blanc et vermeil,
Mais le sanz, les cervelles, la chair et les bras
Sont les fleurs , les feuilles et les fruits
Dontmaints beaux yeux sont restés en pleurs.)
(1) Dans la chronique en prose romane de la croisade , il est plusieurs fois
question du pla de Montoliu , tandis que la chronique en vers ne parle que 8399. E fora a Montoliu es lo chaples pleniers.
d'el camp ou d'el val de Montoliu . Il existe entre les deux expressions une (Et au dehors à Montolieu le carnage est complet.)
nuance formelle dont on pourra se rendre compte par la lecture des deux
chroniques. C'est à tort, ce me semble , que les Bénédictins ont traduit pla 8582. A Montoliu la fora es lo perilhamens
par le mot plaine, quand le chroniqueur dit : « E adonc lodit comte deMont El treballs et la guerra e lo chaples tenens
fort al sety del pla de Montoliu es anat (Et adoncques ledit comte de Montfort E lo fums et la flama et la polvera el vens
au siège du plan de Montoulieu est allé). » Le sens de pla est tout autre que Per totas las batalhas intran mescladamens.
celui de camp, dans ces deux vers : (A Montolieu là dehors est le grand péril,
El camp de Montoliu es aisi neitadiers La fatigue, la guerre , le carnage sans relâche,
Per ambas las partidas de sirvens et d'arquiers . La fumée, la flamme, la poussière et le vent
(Le champ de Montoulieu est ainsi divisé par moitié A travers toutes les batailles pénétrant confondus.)
Entre les servants et les archers des deux partis.) (Chronique en vers, trad. FAURIEL .)
177

du terre-plein construit à cette date, et qu'alors y ont été dis réel, était tout au plus de 8 à 10 mètres. Cette remarque
séminées les monnaies de Louis XII?. confirmerait l'opinion émise plus haut ; les constructeurs de
Cette plausible explication , qui doit sembler trop longue la première enceinte auraient mis à profit le voisinage d'un
ment amenée , le paraîlra moins peut- être à ceux qui auront marais pour l'utiliser en guise de fossé .
eu la patience de la suivre , s'ils entrevoient l'importance des L'étude géologique des lieux amène à la conviction de
conclusions auxquelles elle aboutit. l'existence de ce marais ; en cet endroit se rejoignent par la
En effet, si le mur et le fossé ont été enfouis vers la fin de base les deux déclivités du terrain venant en sens contraire ,
la domination romaine, ils sont de peu d'années postérieurs à l'une des coteaux de Guilleméry , l'autre du petit plateau
la conquête des Gaules , à moins qu'ils ne soient d'une époque dont la place Rouaix est le point culminant, et toutes deux
antérieure à l'asservissement. ayant leur origine fort loin , en amont de la pente générale
Le mur flanqué de tours, placé à une trentaine de mètres vers la Garonne que suivent loutes les eaux de celle sorte de
en arrière , est contemporain de ces ouvrages ou bâti plus bassin , dans lequel se trouvent le Grand - Rond , le Jardin -des
tard ; il est inadmissible que son érection ait précédé celle Plantes, etc.
de travaux qui ne paraissent pas directement reliés au système Là, une nappe d'eau considérable existe sous le sol, à une
général et qui semblent plutôt avoir été utilisés après coup profondeur de 2 à 4 mètres ; elle alimente de nombreuses
pour couvrir ses abords. C'est, dù reste, l'opinion de l'officier sources , dont plusieurs ont été rencontrées dans les fonda
du génie , qui en a étudié attentivement l'ensemble ; il n'admet tions du palais du Maréchal, et qui fournissaient de l'eau aux
pas non plus que les deux murs puissent être l'æuvre des fossés de la ville , ainsi que l'indiquent très clairement le plan
mêmes constructeurs , tant ils different l'un de l'autre par de 1750 et la relation de Barthés. Aujourd'hui, le relief natu
l'exécution et par la nature des matériaux employés . rel du terrain est tellement modifié par les terrassements et
Le mur flanqué de tours est donc moins ancien que l'autre ; les constructions modernes, qu'il est difficile de le reconnaître.
or, l'appareil en moellons cubiques des tours et leurs chaînes Mais au xine siècle encore il était, semble- t-il, bien appa
de brique les faisant ressembler absolument aux débris du renl. Certaines expressions employées dans la chronique rimée
castellum romain appelé plus tard le château Narbonnais , ce de la croisade le prouvent.
mur est évidemment de construction romaine . Les terrains en avant de Montolieu y sont désignés sous le
Les traditions attribuent à l'empereur Galba l'érection nom de champ , de val (1) ; une fois même le poète emploie
de nombreux édifices dans Toulouse ; on peut , sans trop • l'expression de palutz, qui signifie marais; et quoiqu'on puisse
d'invraisemblance , lui attribuer aussi celle de l'enceinte supposer que les nécessités de la rime lui imposent le choix
munie de lours, à laquelle Ausone a songé en donnant à la de ce mot, les diverses conditions orographiques déjà expo
ville l'épithèle de Turrita ... sées ici rendent très probable la propriété de l'expression (2 ).
Celle enceinte remonterait donc aux premiers temps de Un rapprochement singulier vient donner plus de force à
notre ère . cette hypothèse de l'existence d'un marais aux abords des
Le mur qui lui est antérieur serait par conséquent de cons murs de Montolieu , c'est l'existence très authentique à 6
truction gauloise ; il aurait été élevé autour de la ville des ou 700 mèlres en amont , à peu près à la pointe du Jardin
Tolosates, au temps de leur indépendance . des- Plantes , d'un marais désigné dans de vieux titres
Quelle intéressante question soulèvent, dès lors, ce fossé et sous le nom de lac de Saint- Jean , et qui figure sous ce nom
ces pilotis trouvés en avant de celte première enceinte !... On sur les cadastres et les plans de la ville jusques après
doit craindre de se laisser aller aux fantaisies de l'imagination , 1750 (3 ) .
loutes les fois qu'on aborde l'étude de ces époques reculées...
C'est donc sous toute réserve d'erreur que va être déve
loppée l'opinion suivante dont l'étude a nécessité le long ( 1) Al val de Montoliu on eral murs fondutz.
exposé de recherches qui précède . (Au val de Montoulieu , où le mur était abattu (le rempart flanqué de urs).
Ce que j'ai appelé un fossé , ne pouvant exposer ma ( 2) 6027. P. Et tuit son corregutz
pensée dès le début , me paraît être un coin de marais. En Dreit a lort de Sent - Jagme on son reire vengutz
Mas dedins ne remazo de mortz et destendutz
étudiant soigneusement le relief du sol , on reconnaît qu'à De cavals et de corses que ilh an retengutz
partir du mur, le fond solide va s'abaissant par une pente Ne remaz pois vermella la terra et la paluts.
assez sensible jusqu'à une distance de 15 ou 18 mètres, où la (Et tous ont couru
profondeur est le plus considérable ; elle semble diminuer Droit au jardin de Saint- Jacques en arrière duquel ils sont venus
Mais dedans il en demeure de merts et d'étendus,
ensuite peu rapidement. Est- ce bien là un fond de fossé Des chevaux et des corps qu'on leur a retenus
creusé de main d'homme ?... Sa largeur , sur le pointmis à En demeure ensuite vermeille la terre et le marais. )
découvert, est d'une vingtaine de mètres , et comme la plus (Trad . X ...)
grande profondeur se trouve à peu près à l'endroit où se sont (3) Les pépinières de M. Commes se trouvent en partie sur l'emplacement
arrêtées les fouilles , il est permis de le supposer beaucoup de ce lac, ou plutôt de ce marais, aujourd'hui desséché. Non loin de celui-là ,
entre Montplaisir et le Grand -Rond , les anciens plans indiquent un autre amas
plus large encore. D'après les plans anciens de la ville, la lar d'eau ; ils en indiquent d'autres encore autour de la ville , entre le Bazacle et
geur de la cunelte des fossés , ou pour mieux dire du fossé l'Embouchure .
178

La palutz de Montolieu une fois admise , il devient aisé le témoignage des historiens ; on sait quel rôle ont joué, dans
d'expliquer l'enfouissement de l'antique mur trouvé dans les les fastes de l'érudition locale, le trésor enlevé par le procon
fondations récentes . sul Cépion , les lacs sacrés des Tolosales et l'emplacement de
Ce mur , bâti sur les bords du marécage et soigneusement ces lacs aussi bien que celui de la ville gauloise .
assis sur le luf, ruiné dans des circonstances inconnues, a dû Les divers aperçus exposés dans ce travail se rattachent au
disparailre en entier par l'effet de l'exhaussement naturel du côté vraiment intéressant de ces questions, celui de la véri
sol, el plus tard par l'amoncellement des décombres ; les terres table position de la ville et de ses origines ; mais ils soulèvent
et les débris ont glissé peu à peu dans le marais , formant un en outre un problème nouveau . L'existence à Toulouse d'une
talus naturel s'étendant de plus en plus en hauteur et en lar enceinte de construction gauloise enlourée de marais étant
geur, de manière à enfouir le mur et à combler le marais ; à admise , on est amené à des conclusions neuves si l'on tente
mesure que s'étendait cette sorte d'alluvion , l'eau refluail vers d'expliquer la destination , la raison d'être de ces nombreuses
le dehors, dans le creux existant entre la berge naturelle et la pièces de bois et de ces pilotis retrouvés en avant de ce mur,
berge de formation artificielle. Un jour , le marais s'est trouvé dans une portion de cesmarais.
à peu près comblé ; l'emplacement qu'il occupait est devenu On a voulu y voir une estacade, un barrage pour retenir les
le pla de Montoliu , auquel servait de défense le fossé naturel . eaux , une sorte de môle pour franchir le fossé ou pour asseoir
plus ou moins modifié ; puis le xvie siècle a élevé sur ce plan une machine. Aucune de ces opinions ne supporte l'examen .
le terre-plein démoli en 1750 et remplacé aujourd'hui par le Disposé comme il l'était, cet ouvrage ne pouvait être destiné à
palais du Maréchal. barrer le fossé à l'ennemi, ni à retenir les eaux, qui d'ailleurs ,

De nouveaux aperçus jaillissent de ces fails, ou ,pour parler en aval comme en amont, ont leur niveau naturel à peu près à
plus exactement, de ces hypothèses . la mêmehauteur . Un travail d'attaque, permettant de franchir
La configuration du sol démontre que le marais de Monto le fossé pour escalader le mur ou le saper , n'a jamais été conçu
lieu devait se relier en amont au lac de Saint- Jean , et en aval ainsi. Ce pilotage n'a jamais non plus servi à asseoir une cons
à un bassin d'une faible largeur qui conlourne un plateau sur truction en maçonnerie , puisqu'on n'a pas trouvé de pareils
lequel est située la ville, la séparant des fauxbourgs au sud-est, vestiges dans la vase , el cependant ces lignes de pieux , ces
à l’est, au nord -est, passant à peu près, selon cette ligne ,der poutres disposées à angles droits ébauchent vaguement des
rière Saint- Etienne , et se dirigeant vers la Garonne par les plans d'habitations.
abords du Capitole . La place Rouaix , la place des Carmes , Serail-ce là le mot de l'énigme ? Aurait-on rencontré des
celle du Salin , en un mot , une grande partie du quartier restes de constructions de bois destinées à l'habitation , éle
Saint -Etienne et de celui de la Dalbade, occupent le plateau à vées sur pilotis comme celles dont on retrouve les traces dans
une allitude variant entre 146 et 143 , par conséquent à 4,5 les lacs de la Suisse et de l'Italie ?
et 6 mètres au-dessus du niveau des eaux , dont la nappe a dû Malheureusement , les fouilles du palais du Maréchal ayant
s'étendre librement dans le bassin situé en contre -bas du eu lieu en l'absence de l'auteur de l'article, et personne ne les
plateau , à l'époque où la surface du sol n'avait pas été pres ayant suivies à ce point de vue spécial, bien des indications
que mivelée par suite d'une série d'exhaussements continuels. manquent, qu'il eût été nécessaire de recueillir. Aujourd'hui,
Les débris retrouvés à Montoulieu et qui peut- être se rac mur et pilotis sont cachés sous une vaste construction , et les
cordaient à d'autres qu'on a jadis signalés vers le port de la notes ou les souvenirs de quelques officiers du génie , les indi
Daurade, ce fait que la ville du haut moyen -âge était tout cations plus ou moins précises des ouvriers qu'ils ont dirigés ,
entière sur le plateau , que plus tard celte région est demeu sont, avec leurs plans très détaillés, les seuls éléments d'étude
rée encore le quartier des nobles et du haul commerce , n'éla que nous possédions. Des nombreuses informations recueillies,
blissent-ils pas que là était la ville des Tolosales au moment il ressort que le for a complètement manqué , que les pieux
de la conquête ? qu'ils avaient dû choisir cet emplacement à étaient des troncs dégrossis , que certaines pièces de bois
cause de sa posilion entre le fleuve el une suite de marais ou offraient des tenons et desmortaises, d'autres de profondes
de petits lacs reliés entre eux par des canaux naturels , et rainures ; une entre autres a semblé à l'ouvrier un arbalétrier ,
qu'en érigeant autour de leur ville une enceinte de briques et muni d'une portion de sa contre -fiche. Un seul fragment a été
de cailloux , ils avaient eu soin d'en asseoir les fondations au conservé ; c'est un bout de poutre ou d'épais ipadrier de chêne
bord de ces amas d'eaux qui formaient autour d'eux une quisemble avoir été débité à la scie ? et s'est fortementdéjeté ;
défense naturelle ? la fibre du bois est encore résistante et a pris jusques au cour
Ainsi se trouverait confirmée cette tradition d'un ou de une couleur noire très prononcée , presque celle de l'ébène.
plusieurs lacs ayant exislé autour de la ville des Tolosates, Le rapport constate que l'extrémité d'une des pièces de
lacs sacrés dans lesquels ceux -ci auraient jeté des trésors si bois faisail dans le mur une prise d'environ 30 centimètres.
considérables, que les adjudicataires des travaux de dessèche Ne doit-on pas admettre que le bout de celle pièce a été ren
ment s'enrichirent à recueillir les matières précieuses englou contré par les ouvriers qui bâtissaient le mur ; que pour
ties sous les eaux . s'épargner la peine de le couper , ils l'ont pris dans la maçon
On sait de quelles fables l'imagination des chroniqueurs nerie ? Il s'ensuivrait que le mur est postérieur au pilotis , ce
s'est allachée à orner celle tradition , confirmée d'ailleurs par qui confirmerait la théorie exposée .
179

Pour compléter enfin ces trop vagues constatations, on doit origine dansdes souvenirs lointains d'asile et de refuge choisi
signaler la trouvaille faite par M. Fournalés , à 10 mètres de au sein de ces eaux à niveau constant ?
profondeur, sur le tuf, parmi les pieux, « d'une sorte de pétri La race qui aurait fondé la ville des marais serail-elle dif
fication en forme de champignon de l'espèce des morilles , férente de la population établie sur les coteaux de Vieille
Toulouse ?
entourée d'un petit cercle de bronze et percée à son extrémité
d'un trou muni d'un petit anneau de bronze, ayant servi à la Tel est le problème inattendu qui parait se poser... Il y
suspendre. » aurait témérité de ma part à vouloir le résoudre ; je l'indique
M. Fournalės y voyait une sorte d'amulette celtique ... seulement et le signale à de plus habiles , avec le vif désir de
La confirmation des conclusions, indiquées sous toute réserve le voir étudier par eux , désir d'autant plus vif que de la solu
dans cet essai, serait d'une haute valeurpour la science . tion de ce problème dépend peut- être celle d'importantes
Ces habitations de bois, élevées sur des pieux au milieu des questions d'histoire locale et d'histoire des races .
marais de la plaine, à l'abri des inondations du fleuve, el pro
tégées cependant par les eaux , seraient- elles l'origine de la B. DUSAN .
ville actuelle ?
Le culte superstitieux des Tectosages, des Tolosates en par
Les notes confirmant ou détruisant l'opinion développée par l'auteur de cet
ticulier , pour leurs lacs ou leurs marais , n'aurait -il pas son article seront très volontiers insérées dans les prochaines livraisons de la Revue,

ANTIQUITĖS GALLO - ROMAINES ET FRANQUES

DÉCOUVERTES A RIVIÈRES ( TARN ).

Le champ où fut trouvée la mosaïque dont nous avons en teur et se relient tous à un tuyau central; je n'ai retrouvé au
tretenu nos lecteurs, d'une contenance de 50 ares, est borné cune trace du dallage qui devait les recouvrir.
au sud par un chemin vicinal. Au- dessous du chemin , je pos En continuant, à l’est, on trouve deux autres pièces de
sède aussi un autre champ dont l'étendue est d'environ 6 3 mètres 50 centimètres de longueur sur 1 mètre 40 centime
hectares. J'avais souvent remarqué en ce lieu des débris de tres de large et n'offrant rien de particulier ; point de pavé.
tuiles romaines , et je croyais même voir des restes de murs Ces deux pièces sont adossées à une piscine , la partie la
affleurer dans le tertre du fossé bordant le champ . mieux conservée de ces ruines . Elle est en demi-cercle et
A la fin du mois de décembre 1860, je voulus suivre la parfaitement dallée d'une couche de ciment formé de chaux,
trace de ces vestiges et fis procéder à une fouille régulière . de sable et de brique pilée . La portion du mur semi-circulaire ,
Aux premiers coups de pioche , on trouva des murs parfaite revêtue aussi de ciment coloré d'un rouge bien conservé , pré
ment bâlis et d'une grande solidité. Je fis déblayer en même sente une hauteur de 50 centimètres sur une égale largeur.
temps, et dans les premiers jours de janvier 1861,mes fouilles Derrière la piscine , on voit un tuyau carré, de 50 centimètres
étaient terminées. Ce sont les restes d'un hypocauste el de de largeur et d'une profondeur identique, suivant la courbe
deux piscines. Toutes ces constructions , recouvertes d'une de la piscine dans plus de la moitié de son étendue; ce con
couche de terre de 30 à 40 centimètres d'épaisseur, étaient duit est dallé en grandes tuiles à rebords faites exprès , car
bâlies en petit appareil romain et composées de grès, de elles s'adaptent parfaitement à la courbe. Il existe un trou daus
pierre calcaire, de tuf alternés avec des briques ; les mortiers, le mur de la piscine . Etait-ce pour faire arriver la vapeur par
bien que sonmis à l'action de l'humidité depuis tant de siècles, un petit tuyau ?
avaient conservé leur dureté. A partir de ce point , le mur contournant la piscine se con
La première pièce de l'hypocauste offre dans auvre un carré tinue, en suivant une ligne oblique , à 1 mètre au -dessous du
de 3 mètres 50 centimètres ; les conduits , d'une largeur mur de l'hypocauste .
moyenne de 30 centimètres , ont aussi 30 centimètres dehau Enfin , à 3mètres 50 centimètres au sud de la piscine, on
- 180

trouve une seconde piscine plus grande et d'une forme plus couverts d'une couleur noirâtre ; autres vases en terre de
allongée que la première ; elle a 5 mètres 52 centimètres de couleur gris de fer.
long et 2 mètres 97 centimètres de large; il n'existe ni pavé 10. Petits carrés en argile percés d’un trou . Hauteur , 10
ni revêtement de ciment. Les murs ont 40 centimètres d'é centimètres ; largeur , en haut, 5 centimètres ; largeur en bas,
paisseur . Celle piscine se relie à la première par un mur , en 7 centimètres ; épaisseur variable . M. Meillet, chimiste à Poi
partie détruit. tiers, a vu , dans la commune de Saint- Benoit-du - Sault (Indre ),
Dans l'espace compris entre la seconde piscine et le mur du de semblables morceaux d'argile servir de poids pour la pêche
conduit, j'ai trouvé deux tronçons de colonnes en grès d'un à la ligne . D'après M. l'abbé Pottier , de Montauban , ce se
diamètre de 40 centimètres et longs, l'un de 45 centimètres et raient des poids de tisserand. M.Rossignol en a recueilli aussi
l'autre de 70. Ces deux fragments étaient debout enfouis dans un bon nombre à Montans.
le sol. 11. Très nombreux et très petits fragments de vases ,
La terre qui recouvrait ces ruines était noire et gluante , plats, assietles, coupes, etc., en terre de Samos , revêtus d'un
mêlée de charbons de bois, de scories, de pierres,de mortier très beau vernis rouge ; quelques- uns sont colorés en noir
et de nombreux fragments de tuiles . Les fondations des murs verdatre. La lerre dont étaient faits ces vases , d'une grande
avaient 60 centimètres de profondeur . finesse , n'a nullement souffert d'un séjour de plus de
Le chemin bordant immédiatement toutes ces constructions , quinze siècles sous le sol. Tous ces vases ornés de filels for
les murs qui terminaient l'hypocauste et la pièce à côté ont mantbordure .
disparu au nord . Il doit y avoir, sous le chemin , d'autres 12. Fragments de vases, en terre de Samos , ornés de sujets
restes de murs, car ces ruines n'étaient qu'un appendice de en relief représentant des aigles, des chasses , des personna
la villa romaine qui s'étendait au nord du chemin dans ges, des animaux, des feuillages , des rinceaux , etc. Autres
le lieu où fut découverte la mosaïque en 1846. Entre l'empla fragments de vases ornés d'une simple bordure. D'autres enfin
cement de cette dernière et l'hypocauste, il n'y a, du reste , bordés d'un ornement fait à la barbotine (1 ). Ces vases prove
qu'une distance de 15 mètres. naient, sans doute, des ateliers de poterie d'Alba Julia , au
Voici les divers objets ou fragments trouvés dans les jourd'hui Montans.
fouilles : 13. Fragments de vases revêtus d'une couverte blanche et
1. Briques plates à rebords, en argile blanche et rouge , ressemblant assez à notre faïence, moins le brillant (2 ).
formant le dallage du tuyau autour de la première piscine : 14. Fragments de pavé en mosaïque formé de petits
largeur , 41 centimètres ; longueur, 86 centimètres. J'en pos cubes en pierres de diverses couleurs , de 1 centimètre de
sède plusieurs entières . côté .
2. Tuiles creuses : longueur , 43 centimètres ; largeur, 12 15. Fragment de plat en marbre blanc . Ce plat rond pou
centimètres. J'en ai une entière . vait avoir 15 centimètres de diamètre et 2 centimètres de
3. Fragments de tuiles plates à rebords et de tuiles creu profondeur .
ses, de diverses dimensions. 16. Clous en fer , à tête carrée et ronde ; leur longueur
4. Briques en quart de cercle, servant à faire des piliers ou varie de 6 à 12 centimètres. Poignée en fer.

des colonnes. Les quatre réunies forinent un cercle de 34 17. Une très grande quantité d'écailles d'huitres et de
centimètres de diamètre ( 1) . coquilles ditesde Saint- Jacques.
5. Fragments de briques en argile blanche, plates et min 18. Fragments de fioles et vases en verre .
ces,munies chacune d'une appendice ou crochet de forme 19. Moyen -bronze à l'effigie de l'empereur Marc -Aurèle ; il
pyramidale et d'une hauteur de 8 centimètres. porte la barbe et est couronné de laurier . On lit autour :
6. Fragment de luile sur laquelle on voit les lettres A et V ANTONINVS Avg . Le revers offre l'image d'une femme debout,
enlacées, se détachant en relief sur un carré creux . étendant la main droile et lenantde la gauche une corne d'a
7. Fragments de briques plates et de tuiles creuses sur bondance . Les deux leltres s c (senatus consulto ) se lisent
lesquelles on voit des sillons, soit droits, soit circulaires. Ces l'une à droite et l'autre à gauche. Cette médaille est peu
sillons ont dû être tracés à la main :mes doigts s’y adaptaient fruste .
parfaitement ( 2). On trouve tantôt trois, lantôt quatre rai 20. Morceau de marbre veiné, blanc et rouge ; ce marbre
nures. devait appartenir à un dallage.
8. Très nombreux fragments de vases de différentes 21. Fragments de vases , en terre samienne, recouverts d'un
formes , en argile blanche ou rouge ; anses et goulots d'am vernis vert foncé (3 ) .
phores , elc .
9. Fragments de vases , pots- au - feu , etc., en grès, re
(1) Bulletin monumental(année 1859 ), page 698 .
(2 ) Idem . (année 1861), page 400 .
( 3) Depuis la tenuedu Congrès archéologique, j'ai trouvé au mêmelieu, dars
( 1) Voir, dans le Bulletin monumental (année 1861) , page 400 et 402, le mois de septembre 1863 , un fragment de vase en terre de Samos , portant
l'article de M. Elie Rossignol sur Montans. le mot Ivcvndv. C'est le nom d'un potier . M.Elie Rossignola trouvé à Montans
(2) Idem . plusieurs vases, ou débris de vases, portant la même marquede fabrique.
-

-- 181
Il y a une trentaine d'an Fossé. Nord . Fossé. où reposait la tête est une
nées , la fabrique de l'église échancrure. La profondeur
de Rivières fit faire des fouil est de 30 cent.
V
les devant la porte d'entrée A quelle époque apparte
de l'église , à l'effet de cons naient ces cercueils ? Elaient
x
truire un porche. A peine ils gallo -romains ? Etaient-ils
eut - on creusé le sol que l'on mérovingiens ? C'est ce que
trouva une trentaine de cer je ne puis dire.
cueils , les uns en grès , les Au nord -ouest de l'église
autres en luf très poreux . de Rivières, à une faible dis
Malheureusement j'ignore si , tance , se trouve un champ
dans ces sépultures, on trouva qui possédait , il y a encore
avec les squelettes des bijoux deux ans , un tumulus de
ou autres objets de toilette , 2 mètres de hauteur sur 15
Echelle , 5mm par mètre . mètres environ de diamè
armes , etc. Ces cercueils fu
Plan de l'hypocauste et des piscines.
rent brisés ou servirent tre ( 1 ). Dans ce champ
en guise d'auges pour qui m'appartient, on
abreuver les bestiaux . avait trouvé à diverses
En 1849 , M. l'abbé reprises des cercueils
Mazens , curé de Rivièa en pierre ; pendant
res, voulant ajouter une l'hiver de 1856 , mes
quatrième chapelle à mélayers mirent au
l'église , qui n'en pos jour , en travaillant ,
sédail que trois , fit un cercueil en pierre
procéder à une fouille qui se brisa quand on
dans un lien vague sé voulut le déplacer . Il
paré seulement par un contenait un squelelle ;
chemin du mur méri Fragment de moule. Brique . à la hauteur de la poi
dional de l'église . Là trine , on trouva un
aussi , on trouva une quinzaine de cercueils , les uns en ornement que j'avais pris d'abord pour une pince épilatoire ;
luf, les autres en grès ; plusieurs de ces cercueils, qui conte mais M. l'abbé Cochet, le savant auleur de La Normandie sou
naient presque tous des ossements, terraine, à qui j'en ai envoyé le des
avaient une échancrure pour rece sin , m'a démontré que c'était une
19

voir la tête . M. le curé de Rivières , paire de fibules mérovingiennes.


qui surveillait avec soin le travail , Malheureusement les ardillons ont
ne put découvrir dans les cercueils disparu , et il ne reste à chacun
aucun objet ; les ossements tom qu’un rudiment de charnière. Les
bajent en poussière . Plusieurs se fibules ont 9 centim . 5 mill . de long
trouvaient vides (sans doute, lesos et sont ornées de cercles gravés en
sements avaient été consumés par creux ; elles offrent une grande ana
le temps). La fouille ne fut pas ter logie , pour la forme, avec une fibule
minée , mais M. le curé m'a répété reproduite par M. l'abbé Cochet
plusieurs fois qu'ayant fait enlever dans son Tombeau de Childéric , page
une couche de terre de 30 centime 217. L'existence de deux fibules pa

tres d'épaisseur dans l'espace occupé reilles dans un cercueil n'est pas
par le chemin , il avait vu quantité rare , ainsi que l'ont démontré , dans
de cercueils pressés les uns contre ces dernières années , les fouilles
les autres , comme des livres sur un pratiquées en France , en Belgique ,
rayon de bibliothèque . La terre fut en Angleterre , en Suisse et en Alle
remise en place , et j'ai l'intention magne. Ces antiques ornements sont
de reprendre un jour celle fouille .
Je possède un de ces cercueils : il
est en tuf très poreux , long de 2 m . ( 1) J'ai rasé ce tumulus et j'ai découvert
13 cent., large de 68 cent , à la tête , des murs très épais , des débris de poteries.
Après avoir terminé ces fouilles, j'ai pu rele
el de 50 cent. aux pieds; à la place rer le plan des substructions. (Voir p. 183.)
24
182

en cuivre , et l'analyse chimique faite par M. Limouzin l'orientation : la tête se trouvait au nord - ouest el les pieds au
Lamothe , d'Albi, m'a appris qu'ils ne contenaient pas la sud -est. (A 20 cent, de distance du tombeau existe un mur,
moindre parcelle d'étain ni de plomb . qui va du nord au sud et fait partie de substructions que j'ai
Le 14 avril 1858 , on découvrit dans le même champ un rencontrées dans ce même lien ). En résumé, celle sépulture
autre cercueil en grès. Il contenait le squelette bien conservé remonte à l'époque mérovingienne.
d'un adulte ; le corps était incliné du côté gauche, les bras
pendants le long du corps, la léle au midi, les pieds au nord . A une distance d'environ 3 mètres au nord du cercueil
Point d'ornements ni d'objets de toilelle . Le couvercle du cer dont je viens de parler, on voyait une éminence semi-circu
cueil avait la forme d'un loil à quatre égouls, avec une petite laire de 15 m . de diamètre sur 2 m . environ de bauteur, limi
corne ou aile à chaque angle. Le cercueil avait 2 m . de long lée à l'ouest par un fossé, el que je supposais un tumulus.
sur 72 cent. de large à la tête et 60 cent. aux pieds ; la pro Une tradition conservée , dans ma famille, voulait qu'on y
fondeur était de 31 cent. Je suis porté à croire ,vu le voisinage eût trouvé des médailles romaines et de grands landiers ou
du lieu où ful trouvé le premier cercueil, que c'était une chenêts gothiques que je possède encore. J'étais persuadé que
sépulture franque . celte molle était factice . En 1862, voulant m'en assurer, je
Enfin , le 22 mars 1862, en faisant enlever une partie des fis déblayer les terres.On trouva d'abord des souches de chêne,
terres du tumulus pour voir s'il ne contenait point de tom puis au -dessous , une terre assez consistante , mélangée de
beaux , je découvris, à une profondeur de 60 cent. , un troi cailloux . Enfin les ouvriers, parvenus au niveau du reste du
sième cercueil en grès. En voici les dimensions : longueur champ, découvrirent des fragments de polerie grisâtre d'une
intérieure , 1 m . 60 cent.; largeur, à la tête , 52 cent. ; lar påte grossière, des fragments de tuiles à rebords, des frag
geur , aux pieds , 28 cent.; profondeur, 29 cent.; épaisseur de ments d'imbrex , et enfin des murs en pierre calcaire, grès et
la pierre , 5 cent. Le cercueil possédait un couvercle à qualre tuf, mélangés, reliés par un mortier d'une dureté extraordi
faces très grossièrement exécuté. Dans l'intérieur du cercueil, naire. Mes prévisions s'étaient donc réalisées ; l'éminence était
rempli d'une lerre friable mélangée de lignite ou de charbon faite de main d'homme.
de bois, je trouvai des ossements brisés et qui n'élaient point Mais contenait - elle des sépultures ? C'est ce que je voulus
dans leur position normale ; ils paraissaient avoir appartenu à voir. Je fis enlever loutes les terres el suivis les traces des
un individu adulte . La tête élait tournée sens dessus dessous ; murs à mesure que la pioche de mes travailleurs les mettait å
les mâchoires , lombant en poussière ,avaient encore quelques jour. Mes lecteurs ont sous les yeux le plan ci-joint .
dents ; les tibias étaient aussi brisés ; quant aux plus petits Deux murs de 50 cent. de large , se coupant à angle droit,
os, ils tombaient en poussière au moindre contact. L'intérieur élaient recouverts par la partie occidentale de la mo!le. Paral
du crâne était rempli de terre ; à la hauteur de l'oreille , se lèlement à ces vestiges, un long mur dont je ne puis m'es
trouvait un ornement très pelit,de forme triangulaire , arrondi pliquer la destination s'étendait du nord -est au sud - est. Au
par un bout et pointu de l'autre avec échancrure sur les deux milieu de celle sorte d'enceinte existaient d'autres murs lar
côlés ; cet objet, en fer , était une allache terminale de ceintu ges de plus de 1 mètre. Mais tandis que les autres restes de
ron et portait encore la goupille servant à maintenir l'ardillon . constructions se trouvaient presque au niveau du sol, ces der
Des objets trouvés en 1854 et 1855 à Envermeu , et absolu nières étaient enfoncées à 1 m . de profondeur . Je présume
ments pareils de forme à celui- ci, sont décrits et gravés dans que c'étaient des substructions d'une habitation formée de
La Normandie souterraine, pl. XI, n ° 44 , et dans les Sépultures deux pièces de dimensions très inégales ; le mur du nord ne
gauloises, romaines, franques, etc., de l'abbé Cochet, p . 74 et se reliait point à l'ensemble .
191. Ce savant explorateur de tombeaux a bien voulu m'expli La terre recouvrant tous ces murs était mélangée de débris
quer la destination de cet ornement, que j'avais d'abord pris de tuiles à rebords et de poteries très grossières, brisées en
pour une fibule. très petits morceaux . Il n'existait aucune trace de sépulture.
J'en reviens à l'objet de mon étude : je trouvai , à la hau Seul, le cercueil que j'avais rencontré en 1862 s'appuyait à
teur de la poitrine, un morceau de fer triangulaire entière l'ouest contre le plus long mur
ment oxydé et dont j'ignore l'usage. Vers le bassin , je trouvai J'avais depuis lors interrompu ces fouilles, quand au com
l'anneau d'une boucle de ceinturon ; cet anneau , en fer , de mencement d'octobre 1866 , je voulus les reprendre afin de
forme ovale et d'une longueur de 3 cent., était dépourvu de voir si les substructions ne se prolongeaient point dans la
son ardillon et légèrement oxydé ; à côté se voyait un autre direction du midi. Après quelques sondages infructueux, je
fragment, également en fer, d'attache de ceinturon . trouvai, le 4 octobre , un squelette d'adulte et un squelette
Le déplacement anormal des ossements m'a fait supposer d'enfant. Le grand squelette était enseveli à une profondeur
que celle sépulture avait été violée à une époque déjà reculée. de 75 cent.; la tête, tournée vers le nord - est, reposait sur une
Le cercueil était posé sur une terre noire et friable , mêlée de sorte d'oreiller funèbre, formé de gros cailloux. A la hauteur
charbon de bois et de lignite, provenant sans doute de la dé de la ceinture était une boucle de ceinturon en fer bien con
composition du bois ; elle contenait aussi quelques débris de servée ,moins l'ardillon ; elle m'a paru remonter à la période
tuiles à rebords et de poleries grossières. Cercueil et couvercle franque, ce qui indiquerait l'âge de celle sépulture. Il n'y avait
étaient fendus el se brisèrent en les soulevant de terre . Voici aucun indice de cercueil de bois. Quelques fragments de pole
- 183

Nord . sage , et les grossiers ornements


rie grossière accompagnaient les
ossements qui se brisaient au dont ils se paraient ont reparu

L
SA
moindre contact. à nos yeux pour nous donner
A
une idée de leur industrie bar
Dans un champ voisin , á 30 m .
bare. Sur les bords du Tarn ,
seulement de distance, un paysan
comme en Normandie et en
rencontra , il y a cinq ans, avec
Bourgogne , leurs procédés de
sa bèche , des ossements , el tout
fabrication étaient à peu près
près , cinq pelils vases en terre
semblables. L'archéologie nous
noirâtre très grossière. Un seul
permet ainsi de suppléer aux
fut conservé ; il a la forme d'un
lacunes des historiens et de
pot au feu et 10 cent, de hauteur
retrouver sur les divers points
sur 10 cent. 5 millim . de dia
de la France les meurs et les
mètre.
usages des compagnons de Clo
Telles sont les dernières dé vis .
couvertes faites à Rivières . Les
substructions me paraissent re
Echelle , 4mm pour Am . BARCN DE RIVRES,
monter à l'époque romaine . Après
A. Eminence, tumulus ?
les Romains, les Francs ont laissé 1. Cercueil découvert en 1862. Membre de plusieurs Sociétés savanies .
en ce lieu des traces de leur pas 2. Cercueil découvert en 1866 .

HABITATION SOUTERRAINE FORTIFIÉE DE FIAC

ARRONDISSEMENT DE LAVAUR ( TAAN ) .

AU DIRECTEUR. que les travaux antérieurs de M. Rossignol , sur les souter


rains de Peyrole , des Mazières , de Saint-Géry , dans l'arron
Les nombreux lecteurs dela Revue archéologiquedu midi de la dissement de Gaillac .
France seront sans doute satisfaits de connaître des premiers Je commencerai aujourd'hui par une description sommaire
la découverte que nous venons de faire , dans l'arrondissement de l'habitation souterraine de Mazères - Fiac . A vrai dire, le
de Lavaur , de plusieurs habitations souterraines fortifiées . plan que je vous adresse provisoirement est déjà sulfisamment
Elles sont, il est vrai, de la même famille que celles déjà signa explicatif ou fournira les détails que je pourrais négliger.
lées jusqu'ici, notamment dans le Tarn - et -Garonne et dans A partir de l'Agoût, qui le borne au midi, le territoire de la
l'arrondissement de Gaillac .Mais les souterrains-refuges du pays commune de Fiac et Brazis monte progressivement vers un
Vauréen offriront peut- être certaines particularités caracté coteau qui occupe à peu près le centre de celle commune.
ristiques de nature à jeter quelque lumière sur la question Sur une crête d'où l'on domine toutes les plaines d'alentour ,
tant débaltue de l'origine de ces cavernes, creusées de main est juché le bourg de Fiac , composé de soixante -trois maisons,
d'homme, dans les profondeurs de la lerre. Qu'elles aient été à l'ouest duquel s'élevait jadis un château - fort Manqué de
destinées à servir soit d'habitations permanentes, troglodyti lours. Le château avait fait naitre le village, ainsi groupé au
ques ou gauloises, soit de refuge momentané à l'époque des tour d'un abri protecteur. Je ne sais si c'est à l'un de ses an
invasions successives des Romains, des Barbares, des Sarra ciens seigneurs féodaux que Fiac aurait emprunté ses armes
sins , des Normands, ou enfin à l'époque des croisades contre héraldiques, ou si ces emblèmes n'étaient pas des armes par
les Albigeois , ces fortifications souterraines ne méritent pas lantes, dérivées et du nom altéré de la localité (Fiac , Fijeac,
moins d'attirer l'intérêt et l'allention de tous ceux que préoc Fica , Ficus) , et de sa situation aérienne dans l'azur du ciel,
cupe l'élude de nos origines et de notre histoire . (Antiquitas découpé par le sommet du coteau . Fiac porte, en effet, d'azur
rerum præteritarum sapientia . JOB.) Je ne veux d'autre preuve à trois feuilles de figuier d'or . Emblème en apparence bien
de cet intérêt, que le succès qu'ont obtenu les mémoires de pacifique pour un château féodal qui soutint l'honneur d'un
M. Devals, sur les grolles de Cros et de Léojac, ou des Proals siége !
Hauts (5e el 7e livraisons de votre très utile Revue ) , ainsi Dans les temps si troublés du moyen -âge, les nécessités de
184

la défense avaient hérissé de châteaux - forls les coteaux élevés, tadour . Les travaux de démolition durèrent pendant quatre
voisins des cours d'eau ou des riches plaines. Les villas étaient mois . Le ficf avait élé sans doute confisqué ou réuni en tout
devenues forleresses. Ainsi les châteaux de Lavaur , Puylau cas au domaine de la couronne. On rapporte en effet que
rens, Pech - de - Vignes, Puyvert, elc .; dans le rayon de Lavaur, Louis XIV , voulant achever le parc de Versailles , eut besoin
ceux d'Ambres, de Giroussens, de Fiac. Mais le château - fort dans ce but d'une villa que possédait, dans l'enceinte de la
suppose une civilisation déjà assez avancée : il exige un cer nouvelle résidence royale, le seigneur d'Ambres (de Gélas, de
tain nombre de soldats pour le défendre, d'artisans el de Voisins, ou de Noailles ?) Celui-ci,par un échange avec le roi,
laboureurs pour l'approvisionner. obtint la seigneurie de Fiac . Il reconstruisit le château , ou en
Dans les temps primitifs où les agglomérations étaient peu édifia un nouveau . Il ne subsiste aucun vestige de ce dernier,
considérables, où les tribus, les familles vivaient isolées , sans si ce n'est quelques caves creusées dans le rocher et attenan
solidarité et sans communication entre elles, les mêmes né tes à la maison d'un tisserand .
cessités de la sécurité personnelle avaient forcé ces tribus et Un peu plus bas que le bourg et que l'emplacement du fort,
ces familles à recourir à un système de défense plus simple , M. de Rivals-Nazères a fait bâtir le château moderne de Ma
moinsapparent, c'est-à -dire moins exposé à trahir la présence zères : il est flanqué de deux ailes et placé dans une admira
et la faiblesse du clan . On prit modèle sur les animaux qui se ble siluation . Le mur du parc ou du jardin borde la route
retirent dans les cavernes, ou qui se creusent des lanières , départementale n ° 4 , d’Albi à Lavaur , roule qui traverse å
des lerriers , lels que les blaireaux , les renards et les lapins , l'ouest la commune de Fiac . Elle passe en cet endroit entre
mineurs habiles, ingénieurs naturels, qui se construisent sous le mur du parc et le mur d'enceinte des dépendances de
terre un logement à plusieurs pièces, reliées par un labyrinthe l'église paroissiale , dont le clocher , soit dil en passant, est
de galeries et auquel ils ménagent plus d'une issue . Tels durent affreusement badigeonné en rouge de sang.
être les premiers souterrains de refuge ou les habitations tro Tout le coteau , jadis couvert de bois, a été défriché et le
glodytiques; ils n'avaient pas seulement pour but de préserver sol abaissé, lors de la rectification de la route. On en enleva
leurs hôtes des excès de la chaleur ou des rigueurs du froid , partout une certaine quantité de déblais. Il en fut de même
avantage déjà assez essentiel. Perfectionnés, ces réduits devin dans le parc du château de Mazères, quand M. de Rivals voulut
rent assez commodes pour y permettre un séjour permanent. y faire planter des arbres d'agrément.
Ils assuraient la sécurité de la famille , réduite quelquefois aux A cette époque, sous un massif, en face du portail , à droite
forces fragiles de son chef, contre les attaques des animaux et à quelques pas de l'ouverture que nous allons signaler , on
féroces, et surtout contre les poursuites du plus féroce de trouva , à une certaine profondeur, six squelettes régulièrement
tous les animaux, l'homme. Le progrès augmentant, on n'uti disposés les uns à côté des autres, nous a -t-on rapporté .
lisa plus tard ces grottes que momentanément, en cas de Circonstance qui pourrait être de quelque importance el sur
guerre ou d'invasion . Ainsi, dans un passage souvent cité et en laquelle nous continuerons nos investigations, ainsi que sur la
dernier lieu par M. Devals, Florus nousapprend que les Aqui différence deniveau du sol actuel avec l'ancien .
tains, qui possédaient des villes et des maisons, voulant échap Le lerrain du jardin étant aride, sablonneux et sec, M. de
per aux sanguinaires soldats de César, se réfugiaient dans les Rivals a fait exécuter récemment un défoncement profond qui
souterrains de leur pays ; l'impitoyable conquérant les y fil ramènera à la surface une partie du terrain calcairedu sous-sol.
ensevelir vivants (Jussit includi ! ) Prélude d'un système d'ex Le vendredi, 16 novembre dernier, les ouvriers qui opéraient
lermination qui le porta plus tard à faire couper les mains ces travaux en face du mur du parc et de la route , déplace
aux héroïques défenseurs d'Uxellodunum . rent une pierre d'un certain diamètre. La terre s'affaissant
Telle pouvait être la destination du souterrain -refuge de autour de l'un d'eux , ils aperçurent l'ouverture étroite et
Fiac , un des mieux entendus du genre , au point de vue stra presque circulaire de la curieuse habitation souterraine forti
tégique. Il avait ainsi précédé de longue date le château de fiée dont nous allons indiquer l'emplacement et la distribution
Fiac , non loin duquel il existail, sans avoir avec lui aucune intérieure. M. Aurignac , architecte de la ville de Lavaur, en
relation possible . Il n'y avait entre ces deux repaires fortifiés a dressé le plan ; nous le donnons en allendant les coupes
qu'une analogie de destination , comme de situation , au som et les dessins à relever plus exactement , au moment de nos
met d'un coteau boisé , vigie naturelle d'un pays bouleversé . prochaines recherches ; on n'a pas encore , en effet, déblayé
Deux ages, deux types différents, deux systèmes anti- parallè le sol envasé du souterrain , sol qui recèle peut-être aussi
ies. Quant au réduit, il remonte à une telle ancienneté que quelques fragments caractéristiques de leur époque .
son existence n'avait laissé aucune trace dans les souvenirs ni Le couloir d'entrée commence à environ 1 mélre de pro
dans les traditions de la contrée. fondeur au -dessous du sol actuel, et va en descendant succes
Il n'en était pas de même de la forteresse . Celle -ci, avons sivement en même temps qu'il s'élargit el que sa voûte s'élève .
nous dit , s'élevait sur le point culminant du mamelon de Fiac , On ne pouvait d'abord pénétrer qu'en rampant dans la pre
du haut duquel le regard embrasse un vaste horizon . C'était mière galerie en droile ligne qui n'a pas moins de 7 mètres
une petite place de guerre, enceinte de murailles crénelées et 38 centimètres à 8 mètres de longueur , sur 65 centimètres
flanquées de tours. Ces fortifications parurent assez redouta de largeur .
bles : elles furent rasées en 1601 , par ordre du duc de Ven On remarque , à gauche , en entrant , une petite niche irré
185

gulière destinée à l'éclairage : de semblables niches se ren le bois de chauffage ou les vases de terre grise dont nous
contrent à l'intérieur de la grotta . avons relrouvé quelques fragments, à côté d'os calcinés, pres
Elle a été creusée de main d'homme, tantôt dans une roche que informes. C'était donc aussi la cuisine ou le foyer de la
grise ou grès mol famille qui avait
lasse ,> tantôt dans placé là son asile ,
un assemblage de comme le premier
cailloux divers, ag poste du guelteur.
glutinés par un ci Ce four ou foyer a
ment naturel calcai été pratiqué à peu
re , véritable poud de distance de l'en
dingue qui tapisse trée du souterrain ,
des voûtes très bien à raison des néces
conservées . Cesvoû sités de la ventila
tes sont moins ogi tion et de l'échap
vales que presque pement de la fumée .
cintrées ou formées Une fermeture mé

de deux faces recti nagée au - delà du


lignes se coupant couloir du four em

angle oblus , si pêchait la fumée de


mes souvenirs sont pénétrer dans les
exacls , si bene visa autres corridors et
recordor , commedi dans l'intérieur de
sait Aimoin en 1004, 2 celle habitation . Re
au sujet de la voûte marquons, du reste ,
de la chapelle du qu'avant et après
palais de Cassino l'entrée du couloir ,
gilum , dont nous et dans ce couloir ,
avons découvert les Ex . il existait cinq ou
ruines à Caudrot six portes ou moyens
(Gironde). de fermelure. On
A 3 mèt . 78 cent. voit les trous des
del'entrée on trouve bob tinés à recevoir des
à droite un couloir traverses. La salle A
de 2 mètres 40 cen m était aussi fermée
timèt. de longueur par une porte dont
sur une largeur les pieds-droits font
croissante de 75 å Echelle, 1 c pour 1 m . saillie sur la paroi
PLAN DU SOUTERRAIN .
80 centimètres ; il du rocher.

conduit dans une 1. Entrée au midi. P.P. P. Rainures verticales pour recevoir des La galerie, qui se
relile chambre el 2. Galerie en plan incliné qu'on a déblayée (pre sortes de herses ; au-dessus , entailles creusées des prolonge de 7 mèt.
liptique A dont le mière couche, poterie rouge ;deuxième couche, po deux côtés à la naissance de la voûte pour placer 70 cent., déviebrus
teries grises, noires, etc.) un madrier.
grand axe mesure 3. Bifurcation , ou deuxième galerie. quement à droite, à
m . Jour ou meurtrière pour observer l'entrée.
1 mètre 88 centi 4. Couloir. LC . Partie élevée , large banc ? lit de camp ? angle droit ou forme
A. Sorte de réduit en forme de four, défendu à
mètres , et le petit x ' x '. Trous destinés à recevoir des traverses une seconde galerie
l'entrée .
1 mètre 40. Sa hau pour plancher , plafond de bois. de 4 mètres 20 de
B. Réduit propre à s’embusquer.
teur est de 1 mètre C. D. E. Chambres aérées par des soupiraux S , Hauteur de la voûte : A , 1m52; B , 4m52 ; C ,
longueur sur 73 cen
en entonnoir , circulaires à la base , en cône incliné. 2m20 ; D , 2010 ; E , 2m05 .
52 centimetr . C'est timètres de largeur.
X , X , X. Trous destinés à recevoir des traverses Du sol de la chambre E au niveau du terrain au
un véritable four dessus,"6m50 . Mais avant ce coude,
de bois pourbarrer le passage en avant du couloir 4 ,
destiné à la cuisson du réduit A , de la galerie 2 , de la galerie 3 , du I SL. Silo dont on a trouvé la bouche fermée par et en face de la
réduit B , des salles C , E , D. une tuile creuse , large et mince .
du pain , des ali galerie d'entrée, on
menis , si l'on en remarque que la
juge par l'état de la voûte , dont les cailloux calcinés portent paroi du rocher a été percée sur une profondeur de 75 cen
les traces de la fumée et d'un feu continu . Deux pierres rou timètres , de manière à créer un jour ou une meurtrière
gies par le feu portent des entailles qui permettraient de de 10 centimètres de diamètre à l'extérieur , de 30 à sa
conjecturer qu'elles ont servi en guise de chenêts à supporter naissance dans le roc. Par celle ouverture, à hauteur de taille
186

on entrevoit une première pièce qui n'a point de communica à l'entrée. Cette différence résulte de ce que, près de la porte ,
tion avec la galerie ; elle semble isolée dans le massif de rochers on a laillé le rocher jusqu'au niveau du sol de la chambre
qui l'enveloppe. En même temps qu'il facilitait l'introduction centrale, sur une certaine profondeur, en forme de cercle . On
de la lumière, le jour ou la meurtrière permeltait de surveiller a créé ainsi une sorte le lit de camp, de siége ou de banc ,
aisément et de repousser l'ennemi qui aurait osé s'aventurer d'où le chef ou le gardien de la famille , surveillant l'entrée de
dans cet étroit conduit ; car un seul homme pouvant y passer la galerie , pouvait lancer ses trails sur l'ennemi et chercher un
de front, il était obligé , pour tourner å droile dans la seconde abri dans l'enceinte circulaire en contre- bas de 70 centimè
galerie, de s'engager dans un angle et de rester immobile , le tres. Cette salle de guet (gueyta pensat, d'où guet-à - pens , en
flanc découvert, devant la meurtrière. L'assaillant se trouvait français barbare) forme un trapèze irrégulier (3 mètres 40
en effet acculé dans ce coin ou dans ce passage dangereux , 3 mètres 58 1 mètre 40 — 1 mètre 68 ).
par suite de l'existence d'une porte ou fermeture barricadée, Rentrons dans la pièce centrale et pénétrons par un petit
à l'entrée de la seconde galerie . Chaque montant de la porte couloir à gauche, de 60 centimètres de largeur sur 1 m . 23
offre une large rainure où s'encastraient les pièces de bois ou de longueur, dans une troisième pièce E , dont la voùle s'élève
les tables de pierre formant la porte : herse primitive multiple à 2 m . 5. Au fond de cette salle irrégulière (1 m . 38 et 1 m .
et mobile. Au - dessus de la porte , la voûle a été entaillée des 55 — 3 m . 17 et 3 m . 47) , à droite , le rocher a été laillé
deux côtés pour qu'on pût y enchâsser une forte traverse. en forme de banc ou de siége, de lit ou de table , large de 45
Si l'on avait évité la meurtrière , on rencontrait encore, cent., et haule de 65 cent. A droite et à gauche de ce siége,
presque au fond de la seconde galerie, un posle ou un réduit le rocher porle des entailles où s'arcboutaient des traverses
B de 70 centimètres de pénétration , sur 92 d'ouverture , el supportant sans doute un plancher. Mentionnons aussi que l'on
dont la voûle a 1 mètre 52 de hauteur . Après ce réduit , des voit dans le mur , à hauteur d'homme, le fragment d'un clou
liné, sans aucun doute , à l'embuscade , nouvelle porte à rai ou d'un petit morceau de fer.
nures. Partout aussi , dans les murs des autres couloirs , des Au -dessus de ce banc et dans la direction du centre , un
trous où entraient des traverses , tant l'art s'est ingénié à soupirail perçant la voûte aboutit au pied du mur du pare ,
multiplier ici les obstacles et les moyens de défense ! au bord de la route. La profondeur du souterrain en ce point
Ici la galerie dévie brusquement à gauche, à angle droit , est de 6 m . 50. Il se dirige ainsi vers la route .
jusqu'à 2 mètres 25. En ce point, nouvelle porte . Ce troisième Si ce souterrain a été, à n'en pas douter, destiné à servir
couloir , tournant un peu à gauche , sur une distance de de demeure ou de refuge à quelque famille ou à quelque
1 mètre, à l'endroit où sa largeur n'est plus que de 62 centi groupe , il n'est pas aussi aisé d'en déterminer la date . Nous
mètres , donne accès dans une pièce voûlée C , qu'on peut ne voulons, du reste , rien préjuger encore avant l'achève
appeler la pièce centrale et principale de l'appartement sou ment des fouilles. La conception stratégique est assez ingé
terrain . La hauteur de la voûte s'élève à 2 mètres 20, tandis nieuse et le travail du mineur assez bien exécuté . Les moyens
qu'elle n'est que de 1 mètre 60 à l'entrée , où existait une de la défense et la présence de celle meurtrière amèneront
porte à rainure, large de 70 centimètres. peut- être quelques esprits prime- sautiers à conclure par avance
Cette chambre centrale affecte, comme celles que nous que la grolle de Fiac n'est point une habitation troglodylique,
allons rencontrer, la forme d'un rectangle irrégulier , ou d'un pas même un réduit celtique , que c'est un souterrain - refuge
trapèze de 5 metres 20 à 5 mètres 36 de base, sur une hau du xitie siècle. C'est aussi ce qui est arrivé au moment de la
teur de 2 mètres. Elle est aérée par deux soupiraux en enton xxxe session , tenue à Albi , du Congrès scientifique de
noir, dont l'un , le plus grand, a été pratiqué dans la voùle, dans France. Après la lecture du remarquable mémoire de M.Ros
un angle à gauche de la salle . De 70 centimètres de diamètre signol, sur les souterrains de Gaillac ( tome xxvII, p . 370 et
à sa naissance , ce soupirail décroit et se termine en un étroit suiv .), notre collègue et ami, M. le marquis de Castelnau
orifice . Le second soupirail, de 13 centimètres d'ouverture à d'Esselnaut, faisait remarquer que les souterrains de ce genre
la base , perce la voûle du côté droit, au -dessus d'une porte et ont une certaine analogie avec le système de fortification ou
d'une galerie dont nous allons parler . de défense des xie et xdie siècles, et auraient pu être creusés
On distingue dans les parois du rocher taillé , à droile à l'époque des guerres des Albigeois.
(cole 1 mètre 78), comme vis- à -vis à gauche , des trous des Pour mon compte , je suis loin de partager celle dernière
tinés à supporter des traverses, un plafond où l'on déposait opinion en ce qui concerne les souterrains si bien décrits par
les provisions, les armes, les vèlements des habitants de la ca N. Rossignol, par M. Devals, par M. Léo Drouyn (refuge de
verne . Lugagnac). Quant au souterrain - refuge de Mazères-Fiac, ne
A gauche de la chambre , on rencontre un couloir d'une lar préjugeons rien . Il est parfois sage de répéter avec Montai
geur de 1 mètre , ou plutôt les deux larges pieds-droits d'une gne : Que sais- je encore ?
porte, celle de la pièce D , dans laquelle on a ménagé la meur
trière. Cette pièce est aérée par un soupirail de 13 centimè
CHARLES GRELLET-BALGUERIE ,
tres de diamètre, placé au -dessus de la meurtrière . Un autre
Associé correspondant de la Société impériale des Antiquaires
soupirail d'un même diamètre a élé ébauché à l'autre extré de France , des Académies impériales des Sciences, Belles
mité de la voûte , haute ici de 1 mètre 45 et de 2 mètres 15 Lettres et Arts de Bordeaux , d'Agen , etc.
187

P.-S. — M. de Rivals-Mazères a fait déblayer le réduit de La découverte de l'habitation souterraine de Mazères-Fiac


Nazères. Il en a dirigé les fouilles avec une intelligence et un a été un heureux point de départ pour nous et nos collabora
soin remarquables ; c'est un exemple qu'il serait bien dési teurs , MM . de Gorguos , Aurignac et Dupuy. Elle nous a
rable de voir imiter toujours en pareil cas. A droite de l'ou procuré la découverle d'autres nombreux réduits analogues ,
verlure , orientée au midi, on a rencontré un silo dont la situés, dans les communes de Lavaur , Fiac (neuf autres) ,
bouche était recouverte par une large et mince tuile creuse . Puylaurens, Cuq - Toulza , Briatexte , Pratviel , etc. Parmi les
On a trouvé , dans le sous-sol primitif , des débris de poterie plus remarquables , mais aussi les plus dangereux , nous cite
grossière et antique , des ossements de ruminants et de carni rons le réduit rempli d'eau , de vase et de serpents ou de
vores (bæuf , veau , mouton , porc ou sanglier, chien ou loup , vipères , situé au Théron , å Fiac , chez M. de Lugan de Las
cheval). Un tibia de moulon , percé d'un trou circulaire , offre salle ; celui de la Mayrio , quartier de Brazis , chez M. Jean
des entailles faites avec un instrument tranchant. Les frag Bastié. Ce dernier réduit , dont la voûte menace ruine , offre
ments des divers vases paraissent identiques à ceux dont on le plus curieux système de fortification souterraine : des dou
voit les dessins dans votre 7e livraison , et que M. Devals a bles portes , des réduits d'embuscade avec meurtrière et un
trouvés dans la grotte des Proats-Hauts. Enfin , pour complé guichet étroit en angle aigu , ménagé sous la voûle d'une porte
ler la similitude, M. de Rivals a découvert deux de ces grains très basse , dans l'un des pieds -droits, après la meurtrière !
ou pesons de fuseau ou fusañoles (en patois , berleils) , pareils L'assaillant devait y monter d'abord , pour descendre dans
aux deux pesons qui proviennent des Proals-Hauts , el ce qui l'ouverture d'une sorte de boile aux lettres ! Malheureusement
est plus caractéristique , pareils à ceux qu'on a recueillis des éboulements récents ont comblé des salles et des galeries
récemment sous les dolmens de Keryaval, en Carnac . L'un des de ce réduit compliqué , où l'on trouve des niches cintrées ,
pesons est entièrement percé au milieu ; dans l'autre , le trou une citerne , le bas d'une sorte d'autel ou de table en pierre .
n'est qu'ébauché vers le centre . G.- 3 .

SCEAU DES INDULGENCES DE L'ÉGLISE DE SAINT- PIERRE DE SAINTES.

AU DIRECTEUR .
ne s'est pas fait attendre . J'en extrais , pour votre usage , ce
qui touche directement à notre objel.
MONSIEUR ,
« Le pape Nicolas V , à la demandede l'archidiacre d'Aunis,
Un sceau en bronze , d'une conservation parfaite , a été membre du Sacré -Collége , du titre de Saint- Chrysologue ,
trouvé , loin des lieux de son origine, dans le département donna uue bulle par laquelle il accordait d'amples indulgences
des Pyrénées-Orientales. Il fait maintenant partie d'une petite à tous ceux qui contribueraient à l'achèvement de l'église que
collection de curiosités que M. le docteur Paul Massot s'amuse Gui de Rochechouart reconstruisait. On peut lire cetle bulle
å former dans ses loisirs. Une empreinte m'en a été gracieu au lome XI du Gallia christiana , page 1079 .
sement offerte , avec pouvoir d'en user ; je vous l'adresse . J'ai » Donnail- on à ceux qui justifiaient de leur coopération une
lout lieu de croire que cette vieillerie est inédite , et j'en offre allestation en forme , pour être conservée aux archives de la
les prémices à votre Revue . Je joins à l'envoi quelques notes famille etmunie d'un sceau spécial ? Cela paraîtrait probable.
qui m'appartiennent aussi peu que le meuble , et pourront J'avoue cependant que je ne connais aucun exemple ana
vous être utiles , si vous publiez l'image . logue. »
La légende : SIGILLVM INDVLGENCIARVM ECCLESIE Voilà bien des détails intéressants. Votre belle bibliothèque
SANCTI PETRI XANTONENSIS , sceau des indulgences de de Toulouse possède , sans doute , un exemplaire du Gallia
l'église de Saint-Pierre de Saintes, nous apprend l'origine de christiana : vous pourrez y prendre la date exacle de la bulle
cetle variété sigillographique , mais rien au delà . Désireux de Nicolas V , qui est très probablement aussi la date du sceau
d'en savoir un peu plus , j'ai pris la voie la plus simple , qui de l'église Saint-Pierre . On sait d'ailleurs que le pontificat de
est d'interroger ceux qui savent. Un nom s'offrait naturelle Nicolas V est compris entre le 18 mars 1447 et le 24 mars
ment à moi , celui de M. l'abbé Lacurie , inspecteur divi 1455 , et l'on peut , sans inconvenient , se lenir à cette date
sionnaire de la Société française d'Archéologie dans la Cha approximative.
rente- Inférieure et la Vendée . Je n'avais pas l'honneur de L'opinion émise par M. l'abbé Lacurie , sous forme interro
connaitre autrementM. l'abbé Lacurie, et cependant la réponse galive , me semble réunir toutes conditions de probabilité. Si
- 188

l'érudit antiquaire n'a rencontré aucun parchemin de l'espèce, Je voudrais savoir quelque chose de précis relativement à la

UZ
nous ne devons pas en être surpris ; car, ainsi qu'il le rappelle présence des fleurs de lis dans le champ etde l'écu aux armes

ALLO
lui-même dans la lettre qu'il m'a fait de France. Je vous renverrai , jusqu'à

UI
l'honneur de m'écrire , la Saintonge a plus ample informé, au volumede l'ou

ILU
élé cruellement ravagée par les guerres vrage déjà cité ; il donne deux sceaux

SI
T
religieuses des xvi el XVIIe siècles. saintongeois du xine siècle dans les
La ville de Saintes a été prise ou re quels se montre la même profusion de
prise sept fois par les réformés et les ſeurs de lis : 1 ° celui de Geoffroi de
catholiques . Les archives publiques , les St- Bricon , évêque de Sainles ; Geoffroi

oillgen
dépôts ecclésiastiques surtout , les pa y est debout, revêtu des habils épisco
piers même de famille ne pouvaient paux , lenant une crosse de la main gau
résister à tant d'épreuves , et si peu che et donnant la bénédiction de la
que la destruction de 93 ait aussi passé droite : dans le champ de chaque côté ,
par là , on se fait une idée dela pénurie quatre fleurs de lis ( pl. XVIII , nº 1) ;
des documents antérieurs à notre épo ah 2. celui de la sénéchaussée de Sain
que . US DINUD longe : au milieu d'une rosace , un écu
Parmi les nombreuses variétés de aux armes de France -Ancien C (planche
formes adoptées pour les sceaux pen XIX , nº 2 ).

dant le moyen -âge , la forme rectangulaire me parait des Ne louchons pas au mot INDVLGENCIARVM ; il sonne très
moins communes. Je n'en trouve pas un seul exemple juste à mon oreille, mais il n'en contient pas moins, en germe,
dans le volume du Trésor de numismatique et de glyptique con toute une vieille thèse qu'on laissera , je l'espère, dormir en
sacré aux sceaux des communes , communautés, évêques, abbés et paix dans les vieux livres.
barons. Sur 280 sceaux environ qu'on y voit gravés, deux Je ne dois pas vous laisser ignorer , et vous apprendrez , aux
seulement s'éloignent de la forme circulaire ou elliptique; lecteurs de la Revue , que l'église de Saint-Pierre de Saintes
l’un (planche XII, nº 1) est octogone , et l'autre (planche XVI, va rentrer en possession du sceau de l'Euvre . Mgr l'évêque
nº 1) est un losange . de la Rochelle et de Saintes a fait demander communicalion
Personne n'ignore que les cathédrales , les chapitres, fai de l'original pour en prendre copie. C'est une heureuse idée ,
saient ordinairement graver sur leurs sceaux l'image de leur M. le docteur Paul Massot l'a comprise et le sceau est déjà
patron ; on ne s'étonnera donc pas de rencontrer sur le nôtre entre les mains du graveur.
celle de saint Pierre . Agréez , Monsieur , etc.
UN DE VOS ABONNÉS.

Voulez -vous, Monsieur le Directeur,m'accorder encore un bien que n'étant pas séparés par trois points, forment deux
peu de place ? mots . Cette réflexion est juste , car la ponctuation du moyen
åge laisse souvent à désirer . Ne connaissant d'ailleurs en Albi
Rien n'est beau que le vrai : le vrai seul est aimable,
geois aucune localité portant le nom de Nati ou Nat, j'admets ,

a dit Boileau , de classique mémoire. Pour me conformer à cet sans difficulté, donati formant en un seul inot le nom patro
nymique du chanoine.
axiome, je viens rectifier l'inscription du chanoine Benedictus,
En second lieu , M.de Bonnefoy se demande si le B initial,
publié par moi dans votre Revue ( 1).
Je lisais : avant SANCTI, est réellement un B. Ne serait- ce point un R
et ne signifierail- il point REGVLARIS ? J'ai de nouveau examiné
ANNO DOMINI MCC LI sur place l'inscription ; la lettre était légèrement martelée ; de
VI KALENDAS NOVEMBRIS OBIIT là , mon erreur; je me suis assuré que c'était un R et non un
DOMINVS BENEDICTVS DOMINVS B. Ayant aussi regardé l'inscription de Raymond Vital, j'ai vu
NATI CANONICVS BEATI SANCTI SALVII qu'il y avait également un R après CANONICVS.
CVIUS ANIMA REQIESCAT IN PACE. Or, les chanoines de Saint- Salvy , formant un chapitre sous
la règle de saint Augustin , chapitre qui ne fut sécularisé
Celle leçon m'a attiré plusieurs critiques : en premier lieu , qu'après le xie siècle, je n'hésite pas à lire CANONICVS REGY
M.de Bonnefoy et M. de Linas ont contesté que no et NATI , LARIS dans les deux inscriptions .
Agréez, Monsieur, etc.
( 1) Pag. 53. BARON DE RIVIÈRES.

ERRATUM A la page 169 , au lieu du monogramme INRI, lisez : IHS ( Jesus hominum Salvator ).
- 189

BIBLIOGRAPHIE .

Le signe de la Croix avant le Christianisme, parM.Gabriel de MORTILLET. que, chez les Hébreux , la croix avait toujours été un symbole
( Chez Reinwald , 45 , rue des Saints -Pères, à Paris.) religieux .
M. de Mortillet décrit avec un soin extrême les stations où
L'étude des origines de l'espèce humaine est , sans con ont été faites ses recherches ; peut- être même trouverons
tredit , une des questions les plus ardues de la science , en nous que le but principal semble disparaitre au milieu des
même temps qu'elle est la plus intéressante. Déjà les recher nombreux détails par lesquels l'auteur cherche à établir l'âge
ches archéologiques ont révélé une époque complèlement de ces différentes habitations ou sépultures . Hatons - nous
inconnue , et chaque jour la science nouvelle augmente ses cependant de le dire, c'est avec le plus vif intérêt que tout le
découvertes. Mais si les documents arrivent de toutes parts , monde lira ses descriptions des terramares de l'Italie , des
une sage réserve devient de plus en plus indispensable dans tombes de Golassecca, des stations de Somma, de Vadena, du
l'étude des documents eux -mêmes. Tyrol , de la Grèce , de l'Etrurie , de France , etc., etc.
La question paléontologique semble être résolue tout entière , Dans tous ces points d'un âge indéterminé jusqu'à présent,
grâce aux magnifiques travaux de M. Lortet et de tant d'au mais remontantà l'antiquité la plus reculée , M. de Mortillet
tres qui s'efforcent de marcher sur les traces du maitre. La trouve le signe de la croix employé comme ornement sur des
question archéologique , au contraire , est loin d'être connue vases , des armes , des bijoux , etc. , etc. Dans les terramares
complètement ; bien des points sont encore incertains et de l'Emilie , appartenant à l'âge du bronze, plus de la moitié
demandent de nouvelles recherches. des poteries présentent des croix très variées. Cette énorme
Sans doute, cette inégalité s'explique jusqu'à un certain proportion semble bien montrer que la croix était un signe ,
point , par la difficulté de trouver réunies , chez un même un emblème, un symbole tracé avec intention , et auquel on
auteur, des connaissances approfondies et sur la paléontologie attribuait la plus haute importance . « Lorsque à l'époque du
et sur l'archéologie. Cependant, disons-le, la paléontologie ne bronze a succédé, dans l'Emilie, la première époque du fer ,
doit son rang , dans ces recherches , qu'au mode d'études ; longtemps avant l'invasion des Etrusques , la croix s'est main
car elle n'a besoin , pour s'éclairer, que des données positives tenue comme emblème religieux , ainsi que le prouve le cime
de la zoologie et de la géologie. L'archéologie , au contraire , tière de Villanova. » Les sépultures de Golassecca , de la
ne trouve pas dans ses procédés ordinaires des données suffi même époque, sont encore plus concluantes : lå , toutes les
santes, et elle est forcée d'avoir recours à la paléontologie . tombes contiennent une et même plusieurs croix .
L'heureuse alliance de ces connaissances se rencontre parfois , « On la retrouve aussi dans les sépultures de Vadena. On la
et toujours elle donne naissance à des études complètes. voit sur des urnes funéraires de l'Angleterre ; sur des objets
Plus que toutautre , M. Gabriel de Mortillet s'est consacré des tumuli de la Suisse ; sur des armes en bronze de l'Autri
à ces recherches, et il n'est pas un archéologue qui ne con che ; sur des épingles des environs de Mayence et du Hano
naisse ses ouvrages. La dernière étude qu'il vient de publier vre, des couteaux ou rasoirs de la Scandinavie, des poignards
vient réduire à néant une erreur accréditée auprès de bien du Mecklembourg. )
des savants. En effet, « dès la plus tendre enfance , on nous « Les habitations lacustres des environs d'Aix , en Savoie ,
) apprend que le signe de la croix est le signe du chrétien . ont donné quelques poteries avec des croix. » En Suisse, pen
» Sous l'influence de ce premier enseignement , nous nous dant l'époque lacustre, le culte de la croix n'était pas répandu ;
» sommes tout naturellement accoutumés à considérer comme cependant on en trouve des traces certaines dans ce pays , å
> chrétien tout ce qui porte une croix. Celte idée s'est telle la première époque du fer .
> ment généralisée, tellement imposée , qu'on a admis comme Ajoutons , de notre côté , que dans les nombreux objets que
> un axiome en archéologie, que la croix est un excellent nous avons recueilli dans les stations de la pierre polie du
► critérium pour reconnaitre ce qui appartient à l'ère actuelle. pays de Foix , nous n'avons jamais rencontré le signe de la
» Pourtant, ce critérium n'a aucune valeur . croix ; de même dans l'âge du Renne (åge dont ne parle
Tout d'abord , la thèse de M. de Mortillet semble para pas du tout M. de Mortillet), la croix n'est jamais représentée .
doxale , et cependant, « dès la plus haute antiquité , la croix A une époque probablement plus récente que celles des
» était employée comme symbole , comme emblème religieux. ) diverses stations que nous avons décrites, le culte de la croix
Deux sortes de recherches amènent à ce résultat : l'histoire existait dans presque toute la Gaule . « Les premières mon
et l'archéologie pure. M. de Mortillet ne s'est occupé que de naies gauloises paraissent avoir été les rouelles , qui sont tout
la seconde ; nous regrettons qu'il n'ait pas au moins rappelé simplement la croix enfermée dans un cercle.
25
190

« Un fait fort curieux, très intéressant à constater , c'est que Parmi les articles archéologiques les plus remarquables con
ce grand développement du culte de la croix , avant la venue tenus dans cette série, nous signalerons particulièrement les
du Christ, semble toujours coïncider avec l'absence d'idoles suivants : une intéressante note sur La grotte sépulcrale de
etmême de toute représentation d'objets vivants. Dès que ces Sinsat, par M. Noulet;
objets se montrent, on dirait que les croix deviennent plus D'excellents morceaux sur les Dieux pyrénéens, et sur les
rares et finissentmême par disparaître: La croix a donc été , Momuments épigraphiques du Sud - Ouest, par M. Barry ;
dans la haute antiquité , bien longtemps avant la venue de
Une consciencieuse Etude sigillographique sur les archives
Jésus - Christ , l'emblème sacré d'une secte religieuse qui
communales de Toulouse, par M. Roschach ;
repoussait l'idolâtrie . »
Voilà , en quelques lignes, ce que contient l'étude intéres Une Etude sur Pierre- Paul Riquet, par M. Guibal.
sante de M. de Mortillet ; a -t-il complètement prouvé sa
thèse ? Nous le croyons. Toutefois, qu'il nous permette de lui
faire une simple objection : – Peut -on affirmer que, dans
toute circonstance , l'intersection à angle droit de deux lignes
droites forme une figure symbolique , une croix ? Nous ne le On nous adresse de nombreuses demandes de renseigne
croyons pas, el peut- être quelques-unes des croix figurées ments au sujet de la réédition de l'Histoire générale de Lan
par M. de Mortillet ne sont que des combinaisons géométri guedoc, annoncée sur les couvertures des dernières livraisons .
ques . Certaines questions de détail n'étant pas encore résolues,
Quoi qu'il en soit , la lecture du livre de M.de Mortillet est nous ne pouvons répondre sur tous les points d'une manière
pleine d'intérêt ; si nous joignons à ces qualités essentielles le précise. Nous nous bornerons à dire que cette réédition ,
luxe de l'édition et la belle exécution des gravures, nous corrigée , annotée et considérablement augmentée, est entre
devrons considérer ce livre comme devant être entre les prise aux frais de M. Privat , libraire - éditeur, sous la direc
mains de tous ceux qu'intéressent les études de l'archéo tion de M. Dulaurier, membre de l'Institut de France , avec la
logie . collaboration de M. Mabille , de la Bibliothèque impériale ,
E. TRUTAT. élève de l'Ecole des Chartes, et avec celle du Directeur de
cette Revue.

L'Académie impériale des Sciences, Inscriptions et Belles Le défaut d'espace nous oblige à borner ici l'article biblio
Lettres de Toulouse, vientde publier le tome IV de la 16e série graphie actuelle, et å renvoyer à la prochaine livraison la bi
de ses mémoires. bliographie rétrospective .

CHRONIQUE.

Le Congrès scientifique devant, après la session d'Aix , se domaine des théories et qu'un but pratique était la condition
réunir encore à Marseille et à Nice , nous réservons le compte essentielle de son existence ; c'est ainsi que non -seulement
rendu général de ses travaux pour la prochaine livraison . elle s'occupe des sciences naturelles en général, mais qu'elle
appelle à son aide les sciences physiques et chimiques dans
La création du Musée d'Histoire naturelle de Toulouse vient leurs applications à l'histoire naturelle. Son but plus spécial
de provoquer l'organisation d'une Société d'Histoire naturelle . est d'étudier et de faire connaître la constitution géologique ,
Les galeries du Muséum avaient déjà permis aux naturalistes la flore et la faune de la région dont Toulouse est le centre .
de se connaitre , el tous, il faut le dire , se trouvaient heureux Enfin la Société a inscrit dans son règlement celle condition
de voir enfin se combler une lacune inconcevable pour une généreuse, qu'elle s'imposait le devoir de travailler tout en
ville d'études comme Toulouse . Un d'entre eux, M. le docteur tière à l'achèvement du Muséum si heureusement commencé
Guitard , a eu l'heureuse idée de proposer la formation d'une par M. Filhol.

Société, et son appel fut immédiatement entendu; aujourd'hui Dans les séances qui ont déjà eu lieu , les questions d'ar
la Société existe , elle semble établie sur des bases durables , chéogéologie ont été l'objet de plusieurs communications, et
et elle a compris qu'elle devait ne pas rester dans le vague par ce côté, la Société se rattache un peu au genre d'études de
191

la Revue ; mais elle s'est interdit de franchir les limites de la Le musée de la ville de Toulouse , vient de s'enrichir d'une
science nouvelle et ne veut pas empiéter sur l'archéologie collection de sceaux gothiques ou renaissance, ayant trait, les
pure. uns à la noblesse , les autres aux communautés civiles ou reli
Déjà M. Trutat a étudié les grottes de la vallée de la Borette gieuses, et recueillis, aux prix de persévérants sacrifices, par
( Tarn -et-Garonne ). M. Pendaries a signalé les stations de l'âge un véritable connaisseur, M. Barry . C'est une bonne fortune
de la pierre de Villemur, et M.Garrigou , les grottes de l'âge pour notre musée, mais la bonne fortune serait bien plus
du bronze et de l'âge du fer de la vallée de Braux (Ariége). grande si le savant épigraphiste pouvait se résoudre à renoncer ,
en faveur de la ville, à sa magnifique collection de poids ins
Bureau de la Société :
crits, de bronzes gaulois et romains, d'ivoires, d'émaux et de
Président , M. FILHOL . meubles précieux de toutes les époques.
Vice- Président, M. GUITARD .
Secrétaire général, M. TRUTAT . A propos de collection , on nous assure que celle des nom
Secrétaire adjoint, M. LACAZE . breux antiques déposés dans le temple de Diane, à Nîmes, ne
Trésorier , M. FOUQUE . demeurera pas dans cette ville , le budgetmunicipalne permet
tant pas l'acquisition de toute la collection en bloc . Cela est
d'autant plus regrettable que la plupart de ces pièces pro
Le collége Saint-Raymond, cette sévère construction qui
relie si heureusement la noble basilique de Saint- Sernin aux viennent du pays Nîmois, à ce qu'on nous affirme.
bâtisses modernes, est enfin sauvé de la démolition . Un vote
On vient de démolir le Jubé de l'église Saint-Etienne , la
de la commission municipale de la ville de Toulouse l’affecte
cathédrale incomplète de Toulouse. Celle construction ne
au logement du clergé de la paroisse . M. Viollet-Leduc doit
rachetait point par sa valeur le non -sens que présentent la
diriger la restauration de cet édifice .
plupart des Jubés. Nous en publierons un dessin .

Le château royal de Najac , en Rouergue, est une propriété MM . Cartailhac et Ancessi ont fait tout récemment d'inté
privée qu'on pourrait acquérir pour un prix modique . Il serait ressantes découvertes de monuments de l'âge pré -historique ,
d'autant plus à désirer que le département de l'Aveyron se dans l'Aveyron .
chargeât de l'entretien de ces belles ruines, célèbres dans son
histoire, que les réparations y deviennent de plus en plus Les travaux extérieurs de restauration de la basilique de
urgentes. Saint-Sernin , à Toulouse, sont poursuivis avec activité .

CHRONIQUE ARTISTIQUE.

MONSIEUR ET CHER COLLÈGUE , le préfet de la Dordogne, le conseil général, le conseil muni


cipal et le maire de Périgueux de leur actif et bienveillant
Permettez-moi de vous adresser en quelquesmots la rela concours. Après lui, M. Bardy-Delisle , maire de Périgueux,
tion de l'inauguration du buste de notre illustre et regretté après avoir remercié M. des Moulins de ses bonnes paroles, a
confrère en archéologie , M. Félix de Verneilh , qui a eu lieu rendu à son tour hommage aux vertus et au talent de M.de
jeudi 29 novembre, dans une des salles du musée de Péri Verneilh , qu'il avait su , lui aussi, aimer et apprécier à sa va
gueux . Vous savez que la Société française d'Archéologie avait leur . Enfin , M. Galy , conservateur du Musée, a , dans un
pris l'initiative de ce projet qui a pleinement réussi, grâce au panegyrique très court, mais très bien écrit et bien pensé,
concours sympathique et empressé de tous ceux à qui un donné un aperçu succinct des æuvres et des travaux de Félix ,
appel avait été fait. de Verneilh . Il a parlé de son livre , qui deviendra classique ,
Le Comité de souscription de Bordeaux , ayant à sa tête sur l'architecture bysantine en France ; de sa polémique, si
M. Charles des Moulins ( 1), notre inspecteur divisionnaire, est savante , si serrée et si mesurée en même temps avec MM . de
venu rendre ce dernier hommage à la mémoire de M. de Ver Laborde et de Lasteyrie sur l'origine des émaux, de ses autres
neilh . M. des Moulins, dans quelques mots vifs et émus, nous écrits répandus dans divers recueils archéologiques ; enfin il a
a dit comment était né ce projet ; il a esquissé à grands traits rappelé quelques traits de sa vie profondément honnête et
la vie modeste et sans cesse laborieuse de Félix de Verneilh , laborieuse sans relâche .
il nous a parlé de sa fin si prématurée et si chétienne; enfin Une nombreuse assistance se pressait dans la salle de la
il a remercié, au nom de la Société française d'Archéologie , réunion ; les amis et les connaissanses de M. de Verneilh s'é
taient groupés là pour rendre un public et solennel hommage
( 1) M.des Moulins avait été chargé , par M. de Caumont , de représenter à sa mémoire , et parfois l'émotion gagnait la foule aux paroles
la Société française d'Archéologie. touchantes et chaleureuses des orateurs.
192

Le buste de M. de Verneilh est très ressemblant, très bien d'un heureux effet, des peintures décoratives, par M. Engaliè
exécuté ; c'est l'ouvre d'un artiste bordelais de talent , res, accompagnent et complètent l'ensemble architectural dů
M. Coëffard . à M. de Chastenet d'Estène. Il est à désirer que l'exemple de
Voilà , mon cher directeur, le compte- rendu fidèle de cette bon goût et de noble emploi de la fortune donné par la
réunion qui laissera un bon souvenir dans le coeur de lous famille Ardenne, fondatrice de cette chapelle, trouve de nom
ceux qui y ont assisté . J'aurais pu entrer dans plus de détails, breux imilateurs.
mais à quoi bon ? Tous les archéologues connaissent les tra
vaux de M. de Verneilh et l'autorité dont ils jouissent. L'essen M. Chasselau a récemment exposé , dans le cloitre du Musée ,
tiel était de mettre les lecteurs de votre excellente Revue au un beau vitrail destiné à une chapelle . Le sujet principal, Jésus
courant de ce qui s'est fait et dit en celle circonstance sans chassant les vendeurs du temple, s'encadre dans une élégante et
précédent dans les annales de la Société française d'Archéo riche architecture renaissance , couronnée par le portrait
logie . et les armes de Pie IX . Une bordure d'une originale fantaisie
Recevez, mon cher collègue, l'assurance de mes sentiments
complète le tableau . Les personnages sont bien groupés, d'un
les plus dévoués. dessin correct et d'une exécution précise ; les carnations, d'une
A. DE ROUMEJOUX ,
teinte réussie , s'harmonisent heureusement avec les couleurs
De la Société française d'Archéologie .
des draperies. Malgré quelques indécisions de modelé, entre
autres, dans le pied d'un des vendeurs, l'ouvre de M. Chas
Afin de suivre le programme indiqué dans la première livrai selau fait honneur à l'école toulousaine.
son , la Revue publiera de temps en temps une Chroniqueartis
tique du Midi, que réclament d'ailleurs un certain nombre de
ses lecteurs. Nous avions vu dans l'atelier de M. Pons, et nous avons
retrouvé dans la grande salle du Musée, une série de goua
L'organisation récente d'un comité artistique, ayant la Revue
ches, exécutées par cet artiste , où se révèlent un grand senti
archéologique pour organe , rend cette innovation nécessaire .
ment du paysage et une rare habileté d'exécution . Toulouse
Nous aimons à croire qu'elle sera bien accueillie, et que nos
n'a pas de peintre paysagiste depuis la mort d'Engalières et de
abonnés ne liront pas sans intérêt quelques lignes consacrées
Soulié ; M. Pons nous semble appelé à leur succéder digne
à l'art contemporain , après des pages spécialement réservées
ment.
aux multiples manifestations de celui du passé.
Ses cuvres sont déjà accaparées par un marchand , M. La
Le comité est formé de quelques hommes épris des serei
cavalerie , rue Duranti, nº 1 , chez qui, par parenthèse, on
nes beautésde l'art, et qui recherchent dans les études archéo
trouve, outre les chefs -d'ouvre des graveurs modernes , de
logiques, moins les révélations de l'histoire et de sa philosophie ,
nombreuses reproductions archéologiques , vues de mona
que les jouissances inépuisables dues aux infinies modulations,
ments, etc ...
aux éternelles splendeurs de la formeabsolue. Ils se sont grou
pés pour mettre en commun leurs goûts , leurs travaux etleurs
enthousiasmes ; ils ont songé que la réunion de leurs efforts Toulouse possède une école de Beaux - Arts où l'enseigne
ment est très étendu. N'est-il par regrettable qu'en créantces
pourrait n'être pas sans influence sur la conservation des æu
vres d'autrefois et peut - être sur le mouvement artistique d'au cours élémentaires el ces cours supérieurs qui forment un si
jourd'hui. bel ensemble d'enseignement artistique, on n'ait pas songé à
un cours de gravure ? C'est d'autant plus une lacune , que l'art
Se refusant à tout patronage officiel , ne voulant pas
s'imposer ni être imposés, ils useront les uns de leur fortune , de la gravure en général prend de jour en jour une impor
d'autres de leurs relations, plusieurs de leur savoir , tous de tance plus grande, appelée qu'elle est, soit à vulgariser les
leur bonne volonté pour encourager et faire connaître ceux @uvres des maîtres et les applications des sciences, soit à
compléter les cuvres des littérateurs.
qui, dans le Midi, manient avec succès le compas, l'ébauchoir
ou le pinceau , et parfois pour guider ceux qui jugeront à Une occasion se présente de combler cette lacune ; M. Pas
propos de les consulter sur des questions artistiques. cal , l'auteur d'un superbe portrait de Cervantes , de la Vierge
d'après le Titien , elc ., songe à se fixer définitivement à Tou
Peu nombreux, mais disséminés dans les départements de
louse ; c'est un maître , reconnu et proclamé tel par les plus
la région , ils pourront, en se préoccupantdes intérêts del'art,
se soustraire aux influences locales, quand elles devront être illustres... Pourquoi ne formerait- il pas quelques élèves ?...
écartées. La ville s'honorerait en lui en faisant la proposition, et assu

La Revue donnera prochainement les noms desmembres de rerait peut-être la supériorité des travaux de calcographie ,
ce comité artistique . lithographie, etc., exécutés dans ses murs, tout en créant une
sérieuse ressource pour les élèves de son école des Beaux
Arts .
A Saint-Michel-de-Lanez , dans l'Aude, vient d'être cons
truite une petite chapelle de style ogival qui est vraiment une
euvre d'art. Un beau vitrail de M. Maréchal, de Metz, un L'exécution de la statue que la ville d'Agen élève à son
remarquable autel et des stalues en grès céramique , une grille poète, à Jasmin , vient d'être confiée à M. Vital Dubray .

- ---
193 -

GROTTES DE LA VALLÉE DE LA BONETTE

( TARN -ET -GARONNE ) .

La petite rivière de la Bonelle prend sa source au pied du les paysans; dans un angle, les dernières recherches avaient
village de Saint-Projet, dans une profonde excavation du cal mis à découvert des ossements humains ; malheureusement
caire oolithique . Des rochers taillés à pic forment au milieu presque tous étaient brisés, el nous n'avons pu recueillir que
du Causse, ou plateau supérieur, une déchirure subile qui, quelques fragments de crâne sans caractères. Dans la partie
après un véritable défilé , donne naissance à la vallée de la du talus encore laissé intact, nous avons pu recueillir un fond
Bonelte , connue encore sous le nom de vallée de Caylus. Au de vase en poterie grossière entièrement semblable à ceux que
fond de cetle gorge, au milieu d'un cirque des plus pillores nous avons trouvés dans les dolmens de cette région .
ques, s'ouvrent plusieurs grottes. La plus considérable occupe Peut- être , en reprenant les fouillesdes chercheurs de trésor ,
le centre , et de son sein s'échappe la rivière qui aussitôt fait pourrons- nous trouver quelque objet plus caractérisé et qui
marcher deux moulins. Ces grolles sont connues dans le pays nous permettra de fixer d'une manière plus exacte l'âge de
sous le nom de grottes de Saint-Géry et sont souvent visitées cette station .
par les touristes. Un peu plus loin , à environ trois cents pas , nous avons
Leur position abritée et si bien cachée nous faisait espérer exploré l'entrée d'une seconde grotte beaucoup plus étendue.
une riche station ; maisnotre espoir a été complètement déçu : Nous l'appellerons groite du Chêne . Les fouilles ont été fort
malgré de longues recherches, nous n'avons pu découvrir que difficiles, car le sol, entièrement formé de petits fragments de
des traces de fortifications et des monnaies de l'époque des calcaire , a été longtemps piétiné par les moutonset s'est agglo
guerres de religion . méré en une sorte de béton . Nous avons recueilli à grand peine
Il faut dire cependant que, malgré la grande étendue des une certaine quantité d'os cassés et une canine d'ours, mais
salles et l'élévation considérable de la voûte, l'habitation de en trop mauvais état pour en déterminer l'espèce , enfin des
ces grolles devait être presque impossible durant les pluies, dents de renne . Au milieu de ces débris, il s'est trouvé une
car un simple orage fait que le ruisseau s'élève beaucoup dans monnaie de Constantin , preuve évidente de remaniement à une
l'intérieur de la salle principale . D'un autre côté, cette cavité époque fort reculée. Nous devons ajouter qu'au pied de la
est ouverte à ses deux extrémités, et dans ces conditions nous montagne passe une voie romaine parfaitement reconnaissable.
n'avons que bien rarement trouvé trace d'habitalions antéhis Le fond de celle entrée est barré par un mur extrêmement
loriques. épais que nous n'avons pas pu faire démolir . Au dire des ha
La grolle du Mas-d’Azil offre bien la même disposition , bitants, celle cavité s'étendrait au loin et aboutirait à de
mais alors les anfractuosités de la galerie principale sontassez grandes salles.
étendues pour former de vastes abris ; à Saint-Géry, les pro Nous trouvons dans celle station une preuve évidente de
portions sont bien moindres , et à certaines époques , le ruis remaniement:monnaie de Constantin au milieu de débris que
seau doit occuper une grande partie de la salle principale . nous croyons pouvoir attribuer à l'âge du Renne. On a bien
Dans les crûes de la rivière du Mas -d'Azil, au contraire , la sta souvent opposé aux recherches de l'époque quaternaire cette
tion du Renne était assez élevée , dans une des galeries latéra cause continuelle d'erreur : le remaniement ; et cependant
les ,pour être à l'abri de l'inondation ; mais alors l'entrée de l'habitude des recherches de ce genre apprend bien vite à re
la grande galerie devait être impraticable . connaître au premier coup d'ail ce qui est en place de ce qui
Nous avons exploré trois stations auprès du village de la a été postérieurement dérangé .
Capelle : la première, que nous désignerons sous le nom de Il est en effet bien peu de grottes dans lesquelles l'homme
grotte de la Vigne , était complètement cachée par les débris primitif a laissé des traces de son passage , qui ne présentent
de roches descendues du haut de la montagne. L'entrée était aussi desmarques positives d'habitations plus récentes. De lous
tellement obstruée que nous n'avons pas eu le courage d'en temps, les grottes ont été un refuge naturel, soit pour le berger
entreprendre le déblai complet ; un sondage (il est vrai) ne qui cherche un abri contre l'orage, soit pour le malfaiteur qui
nous fait pas présager une station abondanle . La salle de l'en évite la poursuite de la justice.
trée se continue à gauche par un couloir qui monte assez ra L'homme contemporain du renne en faisait sa demeure, il
pidement ; ici la nature du terrain change complètement ; tan il en était presque toujours de même à l'époque de la pierre
dis que le sol de l'entrée est entièrement composé de terre polie (1) ; plus tard enfin ce ne fut que momentanément que
rougeâtre et mélée de fer en grains qui provientdu Causse , le
couloir au contraire est rempli par un argile jaunâtre extrê
mement plastique . La tradition veut qu'un trésor soit caché en (1) Dans l'Ariége , l'age de la pierre polie se trouve bien dans les grottes ;
ce point, et des fouilles ont été entreprises plusieurs fois par mais en Suisse , dans la plaine de la Garonne même , il n'en était pas ainsi.
26
194

ces abris naturels reçurent de nouveaux hôtes. Quelques-unes appartenant à deux beufs, l'un de très grande taille , l'Aurochs
enfin servent encore d'habitation , comme nous le verrons dans probablement, l'autre très petit au contraire , et enfin le Cerf
la suite de cette étude. (C. Elaphus). A peine commencions -nous les fouilles, que nous
Les deux époques qui ont laissé dans presque tout le Midi avons aperçu , sous une grosse pierre , le crâne entier de celle
des traces de remaniement dans les grolles, sont l'époque des dernière espèce avec ses deux maxillaires inférieurs ; malheu
guerres de religion et la Révolution . Déjà M. Larlet avait in reusement l'humidité était si grande au fond de celle galerie,
diqué ces deux périodes comme ayant marqué leur passage qu'en soulevant le crâne, la partie antérieure est tombée en
dans les stations du Périgord ; dans le Tarn - et-Garonne, nous poussière, et ce n'est qu'avec des précautions infinies que nous
avons pu le constater dans beaucoup de stations. Dans l'Ariége avons pu conserver la parlie postérieure. Les bois présentent
il en a été de même; nous l'avons constaté nous -même à une anomalie assez curieuse ; le bourrelet qui sépare la partie
Niaux , à Bédeilhac , au Mas-d'Azil. Les remaniements réelle sessile de la partie osseuse manque complètement, et au pre
ment difficiles à constater, sont ceux arrivés aux époques mier moment nous avons cru à un simple noyau osseux, mais
beaucoup plus reculées des divers âges quaternaires entre eux , un examen plus attentif nous a montré nolre erreur ; disons
el ceux qui ont eu lieu à la fin de l'époque antéhistorique . A encore que M. Lartet ne voit, dans cette disposition des bois,
Sallelles - Cabardès, par exemple, notre savant maître, M. le qu'une simple anomalie .
professeur Filhol, a trouvé pêle -mêle les deux faunes de l'âge Nous n'avons rien trouvé avec ces débris qui indiquat la
de l’Ursus spelæus et du Cervus taradus (le Renne ). Au pre présence de l'homme. Comment donc ces ossements ont-ils
mier abord , la quantité considérable de débris d'ours mêlés été transportés dans celle cavité ?
aux fragments des espèces de l'âge du Renne semblait démolir La présence des deux maxillaires inférieurs du Cerf sous la
la distinction établie entre celle période et celle du Renne , même pierre que le crâne et tout à côté des vertèbres en série ,
où l'ours devient extrêmement rare . Mais l'examen alten nous prouve que ces animaux ont été amenés là en chair. De
tif des parois de la grolle donnait bientôt une preuve évi plus, aucun signe n'indique que l'homme en ait fait sa nourri
dente de remaniement . Là comme à Bruniquel , à la Made ture. C'est donc à un fait accidentel que doit êlre altribuée
leine (du Tarn -et-Garonne ), aux Eyzies et dans bien d'autres leur présence au fond de celte caverne. L'examen attentif de
stations du Périgord , les infiltrations calcaires avaient agglo la contrée conduit effectivement à celle conclusion .
inéré sur les parois de la grolle les débris entassés sur le sol. En effet, à quelque distance du village de la Capelle et pres
La brèche stalagmitique et osseuse formée par ces dépôts était que au - dessus de la petite ville de Caylus, on trouve une pro
assez compacte pour opposer une résistance considérable à des fonde excavation qui s'ouvre subitement au milieu d'un champ
recherches dont nous ne pouvons connaître le but. Au centre , et que rien ne fait pressentir ;à vingt pas de distance, le sol pa
au contraire, les infiltrations, ou bien n'avaientaggloméré que rait uni, et ce n'est que lorsque l'on est arrivéå la bouche de
la surface , ou s'étaient arrêtées à une petite distance des parois. celle sorte de cratère que l'on reconnait le vaste développe
A Sallelles - Cabardès, la superposition de deux dépôts à faune ment de cette cavilé souterraine. Une sorte de cheminée circu
distincle était parfaitement indiquée par les parois, où tout laire taillée à pic s'élargit bientôl inférieurement et forme la
avait été retenu en place par les infiltrations ; mais pul indice partie la plus élevée d'une salle immense ; l'on dirait une
n'a pu faire connaître la date de ce remaniement. Ainsi, la cloche percée à son sommet. Tout à côté de cette ouverture,
partie supérieure ne contenait que des objets de l'époque du el dans une seconde déchirure de la montagne, on trouve un
Renne et la partie inférieure ne contenait que de l'Ours , les étroit sentier qui permet de pénétrer dans la grande salle. Au
deux couches étant séparées par une stalagmite . Dans la centre et immédiatementau - dessous de l'ouverture supérieure
grotte du Chêne, les choses ne sont pas aussi positives, mais se dresse un immense cône de débris, et toujours au milieu
cependant nous les croyons semblables ; ici nous aurions de des rochers éboulés, l'on est sûr de trouver les restes de quel
plus la date du remaniement, elle nous serail donnée par la ques moutons tombés du plateau supérieur. Dans un des coins
médaille de Constantin . de la salle, une petite galerie monte obliquement vers la par
Nous appellerons la troisième station Grotte de la Capelle tie supérieure, mais son ouverture est bientôt obstruée à son
simplement, carelle seule nous a donné de beaux échantillons. tour. Ce gouffre de Caylus n'est pas le seul que l'on rencontre
L'entrée actuelle , extrêmement exiguë, a été découverte en sur le Causse, mais il est certainement le plus remarquable :
extrayant de la pierre de taille . Un couloir très étroit descend il ne mesure pas moins de trois cents pas à sa partie inférieure;
rapidement à une profondeur de 12 à 15 mètres et se termine le cône a environ 20 mètres d'élévation , et la hauteur totale ou
par une petite salle fermée à son tour, dans une partie de son plutôt la profondeur dépasse 50 mètres.
étendue , par un talus d'éboulis qui alleint rapidement la La grotte de la Capelle offrait probablement la même dispo
voûte . sition ,mais dans de bien moins grandes proportions . Ici seu
On reconnait facilement qu'une seconde galerie remontait en lement le cône d'éboulement a complètement obstrué l'ouver
ce point vers le plateau supérieur et que sa penle était encore ture principale , et c'est le couloir secondaire qui seul a
plus rapide que celle de l'entrée . Nous avons inutilementcher . subsisté .
ché l'ouverture supérieure de celle seconde galerie . Les trois animaux dontnous avons trouvé les débris seraient
Au-dessous des éboulis , nous avons trouvé des ossements donc tombés accidentellement dans le gouffre et auraient été

-
195

recouverts dans la suite par les débris de roches sans cesse des nuclei et une pointe de flèche en silex , d'un travail très
accumulés. soigné, enfin des flèches simples en bois de renne, des frag
En suivant toujours les bords de la Bonelle, on arrive bien ments de bois de renne sciés , et des os fragmentés. Nous
lôt au village de Saint-Pierre ; il semble qu'en ce point la val croyons que la grotte du Martinet est jusqu'à présent la plus
lée secondaire de Livron a donné passage à une source petite de toutes les stations de l'âge du Renne et nous ne pou
incrustante assez abondante pour former par ses dépôts une vons la considérer que comme une simple halte de chasse et
sorte de promontoire sur lequel sont bâtis le village de Saint non comme une habitation ; le foyer tenait en effet le fond de
Pierre et le château de Montdésir . Au milieu de ce tur, l'on a la cavité toute entière, et d'un autre côté , le surplomb de la
recueilli quelques fois des débris de végétaux et plusieurs tor roche est trop peu marqué pour servir d'habitation .
lues ; malheureusement nous n'avons pu voir ces débris , mais Au delà et se rapprochant plus encore de Saint -Antonin ,
leur existence nous a été affirmée par des personnes dont nous nous n'avons trouvé dans les grotles que nous avons exploré
pouvons garantir la compélence . que des traces d'habitations récentes .
Au - dessous du châleau de Montdésir , nous avons reconnu Toules ces stations sont creusées dans le côté droit de la
plusieurs cavilés creusées de main d'homme ; la plupart ont vallée ; du côté gauche, au contraire , aucune n'a été habitée :
été remaniées depuispeu et n'offrent plus aucun intérêt scien c'est ainsi que malgré les conditions excellentes que semble
lifique. Dans l'une d'elles cependant, il existe encore deux silos présenter le roc Rouge , son ouverture au couchanten a éloigné
entièrement semblables à ceux que M. Devals a signalés dans l'homme primitif. En effet, le versant gauche est exposé direc
ses habitations troglodytiques. Au-dessous de l'eglise , une tement à la pluie, et les orages coupent loujours en diagonale
autre habitation de ce genre est dans un parfait état de con la vallée de la Bonelle , de telle sorte qu'il n'est pas un point
servation ; elle a déjà été décrite par M. Devals, el d'après cet du versant gauche qui puisse servir d'abri contre les pluies
auleur, il y aurait été trouvé une hache en pierre polie . Ajou d'orage .
tons que les poleries du souterrain de Léojac qui ont été figu A Saint- Antonin , la Bonetle se jelte dans l'Aveyron . Juste
rées dans la Revue , sont entièrement semblables à celles des en face de son embouchure, et cette fois en plein nord ,
grolles de l'Estramadure , de Niaux, de Bédeilhac et des dol M. Brun a expioité une station assez riche. Depuis longtemps
mens de l'Aveyron . nous connaissions cette grolle, mais nous élions tellement
Après avoir dépassé Caylus , l'on rencontre encore de nou convaincu qu'elle ne contenait rien , que nous n'avions fait
velles grolles, mais presque toutes ont été remaniées lors de aucune recherche ; les pluies d'orage nous semblaient devoir
la Révolution pour en extraire des matériaux salpêtrés, et nul rendre cette station plus inhabitable que toute autre . Malgré
doute qu'alors bien des objets intéressants n'aient été perdus cela, M. Brun y a trouvé de beaux silex , des flèches barbelées
pour la science (1 ). Quelques -unes servent encore d'habita et d'assez nombreux débris de loute sorte . Mais un jour, un
tion , et par une coïncidence remarquable, presqu'en face du orage est venu nous donner raison en obstruant si rapidement
groune appelé le Barry de Cas , les habitants vous montrent l'entrée de la grotie , que les ouvriers eurent à peine le
une pierre branlanle qui lourne sur elle-même tous les jours à temps de se retirer.
midi, prélendent- ils . Comme on le voit, cette petite vallée ,malgré le peu d'impor
L'une des cavités que l'on trouve plus loin a échappé par tance de la rivière qui l'arrose et son peu d'étendue ( 35 kil.
son exiguïté aux recherches, et nous a donné quelques objets environ ), nous a offert quelques stations intéressantes. Nous
fort intéressants . espérions trouver pareille chose dans la vallée parallèle de la
Celte petite grolle ne mesure que 1 mètre 50 de large sur Seye ; mais ici le calcaire en grande masse dela vallée de la Bo
3 mètres de profondeur ; mais ce qui nous avait fait pressentir nette est remplacé par un calcaire lithographique très altérable
une station , c'est qu'en avant de son entrée il existe un petit à l'air et entièrement disloqué par le voisinage des grèsrouges
plateau horizontal abrité lui-même par une roche en surplomb . et de la serpentine de Najac . Là les pentes sont moins abrup
D'un autre côté , celte Grotte du Martinet est placée à l'angle tes et il n'existe pas de grotles. Nous ne pouvons en effet ral
d'une petite vailée qui vient déboucher sur la Bonette et fail tacher à cette vallée les grottes de Lexos, car elles appartien
communiquer par une pente douce le plateau supérieur avec nent réellement à la vallée de l'Aveyron . Un peu plus loin
le fond de la vallée. encore la vallée de la Mouline offre les mêmes dispositions .
Le premier coup de pioche nous a donné une dent de renne Mais en remontant plus haut et en arrivant dans les grès de
et un silex, nous avons ensuite recueilli des couteaux de silex , l'Aveyron , nous retrouvons de nouveau des groites ; ici elles
sont disposées d'une toute autre manière .
L'étude de ces stations fera plus tard l'objet d'un travail
( 1) Nous n'entrerons pas dans le détail de ces cavités ; les unes sont
entièrement vidées , et les parois srules ont conservé des traces de dépôt; les spécial.
autres ne contenaient que des débris insignifiants ou de l'époque actuelle ,
E. TRUTAT .
bæuf, cheval , mouton , chien , etc.
- 196

LETTRE DE M. DE MORTILLET ,

Directeur de la publication intitulée : Matériaux pour servir à l'histoire positive et philosophique de l'homme.

AU DIRECTEUR . polie du pays de Foix, nous n'avons jamais rencontré le signe


de la croix ; de même dans l'âge du renne (âge dont ne parle
MONSIEUR , pas du tout M. de Mortillet ) , la croix n'est jamais représen
tée . »
Votre dernier numéro de la Revue archéologique du midi de Je n'ai pas parlé des époques du renne et de la pierre polie ,
la France m'a très vivement intéressé . parce que , comme M. Trutat, je n'ai jamais trouvé la croix
J'ai tout d'abord des remerciements å adresser à M. Trutat parmi les objets appartenant à ces époques.
pour son bienveillant article sur Le signe de la croix avant le Si la croix est une simple figure géométrique accidentelle ,
christianisme. Ce devoir accompli de grand cæur , qu'il mesoit comment expliquer qu'elle fait entièrement défaut pendant les
permis de répondre à une observation de M. Trutat. « Peut longues périodes où il n'existait que des objets en pierre , tan
on affirmer que , dans toule circonstance, l'intersection å an dis qu'elle se montre seulement dans quelques régions avec les
gle droit de deux lignes droites forme une figure symbolique , objets en bronze , et qu'elle se répand partout avec le fer !
une croix ? Nous ne le croyons pas, et peut- être quelques Si c'est un simple ornement accidentel , cette absence pen
unes des croix figurées par M. de Mortillet ne sont que des dant tout le temps de l'âge de la pierre est d'autant plus sur
combinaisons géométriques . ) prenante, que cet âge se compose de deux civilisations bien
Avec M. Trutat, je ne pense pas que l'intersection à angle différentes : celle du renne, pendantlaquelle existait un senti
droit de deux lignes droites suffise pour constituer une figure ment artistique primitif, il est vrai, mais très relevé, et celle
symbolique. J'ai même dit formellement, dans mon livre , que de la pierre polie où le sentiment artistique paraît à peu près
l'intersection à angle droit de deux coins dans l'écriture cunéi nul. De l'époque du Renne , nous avons des sculptures et
forme, et que celle de deux lignes dans les hiéroglyphes ne gravures d'animaux exéculées avec beaucoup de vérité ; de
constituaient que de simples caractères sans aucune valeur l'époque de la pierre polie , nous n'avons que des ornementa
allégorique . CommeM. Trutat, je suis toul disposé à admettre tions élémentaires, simples combinaisons de lignes. Pourtant
que peut- être dans le nombre des croix que j'ai figurées , quel vi dans l'une ni dans l'autre de ces époques , nous ne trouvons
ques- unes sont de simples combinaisons géométriques. Mais la croix .

ce que je maintiens, c'est que, à côté des signes graphiques et La croix s'est répandue et généralisée beaucoup plus tard .
des accidents géométriques, il y a des croix , et c'est le plus C'est surtout dans vos contrées qu'elle a joué un grand rôle .
grand nombre , qui représentent bel et bien un symbole ou La croix était un emblème très en usage chez les Volces-Tec
emblème religieux. Comment expliquer autrement la présence tosages , et dans votre remarquable article Croix tumulaires du
de la croix dans loutes les tombes d'un vaste cimetière ? Lauragais, Monsieur le Directeur, vous nous montrez l'ancien
Certes, ce n'est pas pour mon excellent critique que je dis emblème des Tectosages , adopté sans modification de forme,
toul cela . Mais il est des personnes qui, au lieu d'une simple par leurs descendants chrétiens, comme signe du christianisme
observation , ont cru faire une sérieuse objection en mettant et religieusement placé sur les tombes encore vers le xe siècle
en avantqu'il ne s'agissait, partout et toujours, que d'une com de notre ère . J'ai été fort heureux de voir mon opinion sur
binaison géométrique . La croix est un signe si simple , disent le sens symbolique des rouelles confirmée d'une manière si
elles, qu'il n'est pas élonnant de la voir se reproduire à toutes inaltendue par vos savantes recherches. Il suffit de jeter un
les époques. simple coup d'ail sur les nombreuses et anciennes figures que
C'est justement là une profonde erreur !... Ce signe, si vous avez publiées pour y reconnaîtretous les types représentés
commun en Italie à l'époque du bronze, manque complète sur les monnaies des Tectosages .
ment en Suisse à la même époque. De cette question générale , permellez -moi de passer sans
Ce signe, si généralement répandu à la première époque du transition à une question plus particulière , plus spéciale, celle
fer, semble ne pas exister dans les longues périodes de l'âge des pilotis toulousains .
de la pierre . Vous donnez un plan très détaillé des traverses et pilotis trou
Sur ce , M. Trutal, homme des plus compétents pour tout vés dans la vase en fondant le palais du Maréchal à Toulouse ,
ce qui concerne ces matières, me vient puissamment en et vous demandez si ce ne seraient pas là les débris d'une
aide. antique habitation lacustre ?
« Ajoutons , de notre côté, dit-il , que dans les nombreux Je ne le crois pas, et voici mes raisons :
obiets que nous avons recueillis dans les stations de la pierre J'ai visité et éludié de nombreuses habitations lacustres,
197

soit en Suisse, soit en Italie, et partout j'ai vu les pilotis plan


tés en quinconce ou distribués d'une manière irrégulière,
mais toujours espacés et isolés. Si pourtant exceptionnellement RÉPONSE A M. DE MORTILLET .
quelques- uns sont groupés, ils le sont par faisceaux et non par
ligne. MONSIEUR,
C'est le contraire qui se voit dans le plan que vous avez
reproduit. Les pilotis y sont généralement groupés et alignés . Permettez-moi de répondre d'abord å la seconde partie de
Ce n'est point là une disposition propre aux habitations lacus volre intéressanle lellre, qui est la bienvenue « quoique vous
tres. combattiez une assertion » contenue dansmon article intitulé
En second lieu , un caractère essentiel des habitations lacus Toulouse, cité lacustre ? Je suis d'autant plus à l'aise pour l'ac
tres est d'avoir laissé au milieu des pilotis de nombreux débris cueillir ainsi, que dans une note particulière que vous m'avez
soit de l'industrie , soit de la nourriture humaine. Si des débris fait l'honneur de m'adresser , vous accompagnez le mot asser
de cette nature s'étaient trouvés entre les pilotis de Toulouse , tion de cette phrase : « Je me trompe ; désireux de savoir la
ils auraient certainement attiré l'attention des officiers du vérité, vous avez poséun simple point d'interrogation ... C'est
génie qui dirigeaient les travaux , et même celle des ouvriers celle opinion dubitative que je vous propose de rayer... Ai-je
qui les exécutaient. raison ? Je le crois ... Jugez vous-même... »
Un madrier conservé , dites-vous, semble avoir été débité à Il est donc bien entendu que je n'ai rien affirmé... et je
la scie . Plusieurs pièces offraient des tenons, des mortaises , n'affirme pas encore ... Je n'oserais, je l'avoue , adopter votre
de profondes rainures , etc. Toutce travail suppose une indus opinion sans faire mes réserves , tout comme je n'oserais me
trie avancée et même déjà l'usage du fer. Nouveau motif pour montrer plus affirmatif en ce quiconcerne la mienne . Etudions
repousser l'idée d'habitation lacustre . encore la question , si vous le voulez bien , et peut-être arri
Enfin , une pièce de bois élait engagée par son extrémité verons -nous à la vérité.
dans un ancien mur dont le revêtement était de brique et l'in Dans vos recherches multipliées , vous avez , Monsieur ,
térieur de cailloux. Les autres étaient sensiblement parallèles visité et étudié de nombreuses habitations lacustres en Suisse
et perpendiculaires à ce mur. Il y avait donc relation entre le el en Italie ; parlout, vous avez vu les pieux autrement dispo
pilotage et le mur , dernière preuve qu'il ne s'agit pas d'une sés que dans le pilotage trouvé à Toulouse , où ils se présen
habitation lacustre. tent généralement groupés el alignés. Ne pourrait - on pas voir
Que peut donc représenter le pilotage découvert à Tou ici une disposition particulière propre peut-être à la contrée ?
louse ? De nos jours encore, n'existe -il pas dans les îles de l'Océanie ,
Répondre à celle question est chose fort difficile . Je n'ose dans certaines régions de l’Afrique et de l'Amérique, des ha
rais pas le faire , surtout en présence d'hommes bien plus bitations sur pilotis, bien différentes de celles dela Suisse ?
compétents quemoi. Il est, du reste, fort probable que la solu Quant à l'objection de l'absence de nombreux débris , soit
tion de la question sort du cadre de mes études : les temps de l'industrie , soit de la nourriture humaine parmi nos pilo
..

antéhistoriques. Je me contenterai de rapprocher la décou tis, elle ne saurait avoir de portée , pour la bonne raison que
verle que vous faites connaitre d'une autre découverle qui nous ignorons si elle est fondée. Les ouvriers qui ont fait les
m'a été signalée par un chiniste distingué , M. Delanoüe. Sur tranchées, pas plus que les officiers qui les dirigeaient, n'ont
les bords marécageux du lac de Grand- Lieu (Loire - Inférieure ), songé à recueillir des objets sans valeur pour eux, tels que
existentdes pilotis en telle abondance, que pendant les basses des fragments de poterie, ou des grains, des noyaux, etc.,
eaux on les exploite comme bois de chauffage . M. Delanoüe supposé qu'il en aient rencontré. D'autres objets ont paru
espérail trouver lå une slation lacustre. Il ne fil parl de ses plus importants aux yeux des terrassiers qui ont su les mettre
espérances. Nous étudiâmes ensemble le gisen :ent. Après exa de côté el se les approprier pour les vendre ensuile ; j'ai cité
men attentif, la position des pilotis, leur taille faite avec des une sorte d’amulelle en pierre avec cercle en bronze ; on a

instruments en fer et le manque d'objels rappelant le séjour parlé de divers autres bronzes ; malheureusement on ne peut
de l'homme, nous forcèrent à renoncer à toute idée d'habita accorder aucune confiance aux indications de provenance

tions lacustres. C'est exactement ce qui se produit à Tou fournies par nos ouvriers, depuis quelques exemples de l'in

louse . tervention de l'autorité pour les faire restituer à qui de droit


leurs trouvailles ; il est si vrai qu'ils se les approprient secrè
Agréez, etc.
G. DE MORTILLET. tement, que l'officier du génie spécialement chargé des tra
vaux du palais du Maréchal n'a eu connaissance d'aucune
autre parmi les pilotis, que de celle d'un crâne de boul, indi
cation qui peut bien , du resle ,avoir sa valeur.
De ce que l'extrémité d'une pièce de bois était engagée
dans un ancien mur , de ce que les aulres étaient, aux termes
du rapport, « sensiblement parallèles et perpendiculaires à ce
mur , sans toutefois que ce parallélisme et celle perpendicula
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rité fussent rigoureux, » vous concluez qu'il y a relation en ment comme les deux villes d'Empuries , les deux villes de
tre le pilotage et le mur . Cette conclusion ne me semble pas Narbonne ? ... D'après plusieurs écrivains, le Toulouse d'au
nécessairement amenée par la disposition générale des pieux jourd'hui n'aurait été fondé qu'après la conquête romaine. Il
indiqués sur le plan ; car celle disposition n'est pas conforme s'ensuivrait que la capitale des Teclosages aurait été placée
aux termes du rapport, et quant à celle des poutres et des originairement sur les coteaux , de manière à dominer le cours
traverses , elle parait lout accidentelle . Qu'on suppose , ainsi du fleuve , un peu au -dessous de sa jonction avec l'Ariége .
que je l'ai fait, ce pilotage enfoui longtemps avant la cons Les auteurs anciens disent formellement qu'à leur retour de
truction du mur ; en creusant les fondations de celui- ci, les Delphes , les Teclosages jetèrent les trésors qu'ils y avaient
maçons auront pu rencontrer l'extrémité de la pièce de bois enlevés, dans les lacs sacrés de Toulouse. . En dépit des sup
et l'encastrer dans la maçonnerie, pour s'épargner la peine de positions de l'abbé Audibert, il est difficile de reconnaitre
la couper. des traces de lacsaulour de l'emplacement de Vieille - Toulouse,
J'ai parlé d'un madrier, le seul conservé , qui semble avoir tandis qu'aulour de la ville actuelle , les traditions, les docu
élė débité à la scie ; le rapport constate que plusieurs pièces ments du rooyen -âge, des plans modernes en indiquent plu
offraient des tenons, des mortaises , de profondes rainures . sieurs, el que l'élude de la configuration du terrain prouve
« Tout ce travail , concluez -vous , suppose une industrie jusqu'à l'évidence que ce sol a dû être très marécageux , aux
avancée et même déjà l'usage du fer. Nouveau motif pour premiers lemps de nctre bistoire .
repousser l'idée d'habitation lacustre . » Il est assez naturel d'admettre que les lacs sacrés de Toulouse
Supposé même que ces bois aient été travaillés à l'aide ne se trouvaient pas à dix ou douze kilomètres de celte ville ,
d'outils en fer, s'ensuivrait- il rigoureusement qu'il ne peut et que, par conséquent, si ces lacs étaient dans la plaine, la
s'agir ici d'habitation lacustre très ancienne ? ville s'y trouvait aussi. Toulouse aurait donc existé sur son
Je ne saurais l'admeltre, du moins comme thèse générale . emplacement acluel à l'époque de l'expédition des Tectosages
Rien ne prouve que ce mode d'habitation ne se soit perpétué en Asie , c'est- à-dire plusieurs siècles avant la conquête romaine,
pendant l'âge du fer (1) et après les temps antéhistoriques. Il et celle ville ne devrait pas sa fondation aux Romains, ainsi que
se perpétue encore en beaucoup d'endroits; et le fer , autrefois l'a avancé Du Mége, qui s'étonne , assez naïvement, de ce que
comme aujourd'hui, a d'ailleurs élé employé par certains peu « quelques annalistes ont voulu fixer la place du lac de Tou
ples , tandis que d'autres ne connaissaient encore que le ► louse, oubliant sans doute qu'il avait été autrefois desséché
bronze . » par les Romains. »

J'ai l'honneur , Monsieur, de vous soumettre ces quelques Un autre chroniqueur loulousain me sembleavoir fait preuve
réflexions, avec l'espoir que vous voudrez bien en examiner le de plus de sens, dans le passage suivant :
plus ou moins de valeur ... Je conclus volontiers avec vous ( ... Justin et Aulu -Gelle croient que le trésor pillé par Cé

qu'il est fort difficile de dire ce que peut représenter le pilo pion était dans des lacs d'où il les tira et qu'il vendit à l'en
tage découvert à Toulouse ... L'histoire de la fameuse dent can ...
d'or me revient en mémoire, et je reconnais que des fouilles » Cependant ces lacs de Toulouse, dont parlent ces histo
bien dirigées avanceraient la question plus que toules les dis riens, ne forment pas une médiocre difficulté ; car à juger
sertations imaginables... Dans tous les cas, le rapprochement des choses par l'état présent de celle ville, il n'y a nulle appa
que vous failes entre les pilotis toulousains el ceux du lac de rence qu'il y ait jamais eu ni lac ni marais. Je sçais bien que
Grand- Lien , indiquerait un sujet d'élude tout nouveau . Nicolas Bertrand , et Noguier après lui, ont écrit que l'église
de Saint - Sernin a été bâtie sur un lac ; mais cela n'a nulle
vraisemblance, et c'est une des chimères dont ces auteurs
S'il me semble prudent d'ajourner toute conclusion défini
tive , quant à nos pilotis, il n'en est pas de même quant aux fabuleux ont rempli l'ancienne histoire de Toulouse .

lacs ou marais dans lesquels je les suppose plantés . » ... Pour moi, s'il m'est permis de dire mon sentiment, je

J'ai signalé , dansmon article, diverses preuves de l'ancienne n'aurais pas de la répugnance à croire qu'il y ait eu autrefois
des lacs dans Toulouse, dont l'enceinte pouvait êlre plus grande
existence de grands marécages autour de l'emplacement
qu'occupe le Toulouse actuel... Voici en quoi la thèse que je en ce temps- là , qu'elle n'est aujourd'hui. Ce n'est pas raison
soutiens peul avoir une certaine importance ... Il en est de ner juste, ce me semble, de vouloir conclure qu'il n'y ail
notre ville comme de plusieurs autres cités très anciennes , jamais eu ni lac, ni marais dans Toulouse , ni aux environs,
telles que Narbonne, Empuries, etc... Elle est double ; il y a
-

parce qu'on n'y en voit aucun à présent; comme si le cours


d'environ deux mille ans n'avait pas été capable d'y faire des
1

un Toulouse dans la plaine, et un Vieille - Toulouse sur les


coleaux, à dix ou douze kilomètres, il est vrai, au -dessus du changements, ou qu'on n'eût sçu trouver l'invention de dessé
-

premier, en amont de la Garonne. De fait, ce sont deux cen cher les marécages pendant un si long espace de lems. Il y a
tres de population bien distincts. Ont- ils existé simultané même une chose dans celle ville qui nous peut porter à croire
qu'il y a eu autrefois quelque marais ; ce sont ces aqueducs
souterrains par où il coule une grande quantité d'eau , et que

(1) M. Desor , dans son livre sur les Palafittes ou constructions lacustres M. Jouvin a pris soin de marquer dans le plan de celle ville
des lacs de la Suisse, signale des stations de l'âge du fer. qu'il a donné au public. Celui qui y est marqué près de la
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place de la Pierre , fut découvert il y a quinze ou vingt ans en abord , assez oiscuse et peu digne d'intérêt. Elle prend de
faisant le puis d'une maison . Il y passe un torrent d'eau , sans l'importance si l'on réfléchit que de sa solution dépend la
qu'on sache ni d'où il vient, ni où il se décharge. L'on peut fixation de l'emplacement de la ville principale des Teclosa
facilement croire que ces aqueducs furentbâlis, anciennement, ges ; si cel emplacement est bien celui que semble indiquer la
pour faire écouler les sources d'eau qui formoient le marais.) détermination de la position des lacs , et qu'indiquent aussi
(Annales de la ville de Toulouse, par G. Lafaille, 1. I, p . 14.) maints objets enfouis à une très grande profondeur, on est
Ce raisonnement me parail bien plus juste que celui de Du amené à reconnaître que, lors de la conquéle romaine , la ville
Mége ; il serait aisé de le confirmer par les preuves que j'ai de la plaine existait déjà .
déjà cilées, et par d'autres très concluantes, entre autres, par D'un autre côté, de nombreusespreuves établissent la grande
le fait que dans certains quartiers de la ville, s'étend une antiquité de Vieille -Toulouse , dont j'ai déjà indiqué la posi
couche de terrains de transport, mêlés de débris divers , d'une tion élevée , non loin du confluent de la Garonne et de l'Ariége.
épaisseur de 2 à 8 mètres, au-dessous de laquelle la surface Que conclure de celle dualité d'abord , et puis de ce contraste
du terrain ‘naturel est en contre - bas du niveau des eaux sou de positions ? La ville des coteaux est- elle antérieure à celle
terraines. de la plaine ? ont- elles été l'une et l'autre fondées par la même
Je crois superflu d'insister davantage sur l'existence an race ?
cienne de lacs ou de marécages considérables autour de la Voici, Monsieur, que nous rentrons dans votre domaine, les
position qu'occupe le Toulouse actuel, pas plus que sur l'ori åges antéhistoriques.....
gine antéromaine de cette ville . Y a - t-il eu ici une race vivant sur les bords des lacs, y
Une fois ces deux points établis , nous revenons aisément à construisant des habitations supportées par des pilotis et à
l'idée de Toulouse , cité lacustre. laquelle le Toulouse actuel devrait son antique fondation ?
Dans un pays comme celui- ci, où la pierre est fort rare, les Cette race aurait- elle plus tard fondé Vieille- Toulouse , dans
constructions ont dû être primitivement en bois. Il n'y a pas une situation choisie en raison d'intérêts commerciaux ? ou
cinquante ans que les murs de la plupart des maisons de la bien , une race étrangère, obéissant à ce mêmemotif, serail
ville consistaient en poutres et en poutrelles placées les unes elle venue s'établir sur ce point ? Faul-il, au contraire , renver
horizontalement, les autres verticalement ou obliquement, les ser le problème, ou reconnaitre que la population est descen
vides étant remplis lantôt au moyen de briques cuites, tantôt due des hauteurs dans la plaine ?
au moyen de briques séchées au soleil, tantôt simplement à Tel est pour moi, Monsieur , le fond du débat, dont la
l'aide de lalles plus ou moins fortes , recouvertes d'un question des pilotis n'est que l'accessoire nécessaire , el au
torchis de terre et de paille . Beaucoup de nos villages et la sujet duquel je vous remercie de m'avoir fourni une occasion
ville même, présentent encore des échantillons de ce mode de de développer certaines idées sur lesquelles j'ai l'honneur
construction . Dans l'île de Tounis, formée par la Garonne, on d'appeler votre attention .
voyait naguère des maisonsayantune sorte d'avant- corps ainsi Celte question des races primitives me ramène, Monsieur ,
bâti et porté sur des pilotis alignés , plantés dans le Oeuve . au sujet de la première partie de votre lettre ; à ce propos en
Ces maisons présentent de singuliers rapports avec les habita
core , vous voudrez bien me permettre de vous exposer mes
tions lacustres, et tout en tenant compte du progrès de la réflexions.
civilisation qui a nécessairement modifié le type primitif, on .
se trouve amené à conclure que ce type a dû être en usage dès Dans un livre dont M. Trutat a publié, ici même, une ana
les temps les plus reculés, dans un pays où le système de cons lyse , vous posez cette conclusion que la croix a été dans la
truction qui en est le perfectionnement s'est maintenu jus haute antiquité , bien longtemps avant la venue de Jésus- Christ ,
qu'à nos jours... Si un lac et de vastes marécages entouraient l'emblème sacré d'une secte religieuse qui repoussait l'idolâtrie.
la ville des Tolosates, peut -on ne pas admeltre qu'une partie La conclusion , au moins dans son ensemble , est moins neuve
de leurs demeures constituaient de véritables habitations lacus qu'on ne pourrait le croire : le symbolisme religieux de la
tres, des habitations en bois portées sur des pilotis , alors que croix , bien avant l'ère chrétienne, est un fait dont les preuves
leurs descendants ont conservé un mode de construction ana abondent à tel point que l'enseignement théologique donné
logue ? ... La tradition vient à l'appui de celle hypothèse ; à dans les séminaires en tire, si je neme trompe, un témoignage
l'en croire , l'église Saint-Saturnin aurait été bâtie sur un lac du rôle providentiel réservé , dès l'origine, à l'instrument de
et sur pilotis.... Il est certain que par suite de la vente aux
la passion du Christ. Les anciens écrivains ecclésiastiques pro
enchères des lacs de Toulouse faite par Cépion , ils furentdes clament la haute antiquité de ce symbole ; d'après le poète
séchés ; les pilotis qu'ils pouvaient renfermer durent être alors Prudence , Saint-Romain disail : Crucem vetusta combiberunt
enlevés en grande partie , puis l'emplacement des lacs fut peu secula ..... L'hymne XIV de Fulgence renferme les vers sui
à peu comblé ; il n'est pas impossible que notre plus ancienne vants :
église ait été bâtie sur un point de cet emplacement, et telle
serait l'origine de la légende relative aux pilotis et au lac de Crux ista Christi, quam novellam dicitis ,
Nascente mundo , factus ut primum est homo,
Saint- Sernin . Expressa signis , expedita est litteris.
La question du lac de Toulouse peul sembler , au premier Adventus ejus mille per miracula
- 200
Prænunciatus ore vatum consono . cloué par une flèche au tronc d'un arbre cruciforme. Encore
Reges , prophetæ , judicesque et principes, de nos jours , dans certaines cérémonies , les Indous d'une secle
Virtute, bellis , cultibus sacris , stilo
Non destiterunt pingere formam crucis. particulière tracent descroix sur un taureau et sur leur propre
corps.
A ces témoignages anciens qu'il est inutile de multiplier , et Le brahmaïsme indien a donné naissance au bouddhaïsme ;
sur lesquels se base sans doute l'enseignement théologique , je or , la croix s'allie à l'architecture et aux ornements des tem
joindraides lignes extraites d'un anteur contemporain . « L'é ples bouddhaïques ; beaucoup sont bâtis en forme de croix ;
rudit..... ne pourra douler qu'une tradition mystérieuse, con ce même emblème se répète dans les sculplures qui déco
fuse et souvent corrompue sur l'importance de la croix , n'ait rent les murailles, les piédestaux des statues ; on le retrouve
existé dans l'ancien monde, à l'état de société secrète ..... » sur les palais, les monastères et les tombeaux . On le retrouve
Telle est l'opinion formulée par un écrivain qu'on ne sau comme ornement symbolique sur les pagodes du Boutan .
rait soupçonner d'être hostile au christianisme, quoique ses En Chine, le livre Chou -King et l'histoire des temps mytho
cuvres aient un caractère particulier de libre interpréta logiques ou anté'liluviens, tirée du Lou -see de Lo - py, disent
tion ( 1)..... « Il est reçu généralement, dil-il ailleurs , que la que Hien - yuen , voulant honorer le Très -Haut, joignit ensem
croix , signe particulier du christianisme, date uniquement de ble deux morceaux de bois, l'un posé horizontalement, indi
l'ère de la Rédemption , et n'a élé connue sur la terre que par qué par le mot Hien , l'autre posé verticalement et désigné par
la propagation de l'Evangile..... C'est à regret que nous allons le mot Yuen . Ce signe fut placé, par Hien -yuen , sur unemon
contrarier, alarmer peut-être nombre de lecteurs..... Nous tagne à laquelle il donna son nom , et qui était la demeure de
devons établir que le signe de notre Messie fut introduit dans Hoangti, le seigneur rouge ( le rouge , l'Adam de la Genèse ?).
toute la gentilité ..... etc. ) Il est donc incontestable que dans les traditions chinoises la
C'est, si l'on veut, un illuminé qui parle ; on est libre d'ad croix est un emblème de sacrifice ou d'adoration , remontant

mettre que les premiers écrivains chrétiens avaient intérêt à aux temps primitifs . On ne doit donc pas s'étonner qu'elle y
rehausser le culte de la crois et que dans ce but, ils cherchaient figure avec une signiſicalion mystique , parmi les emblèmes les
des origines el des analogies étranges ; il n'en est pas moins plus anciens. A ce titre encore , elle surmontait les pierres
certain qu'ils ont proclamé l'ancienneté de ce symbole, que funéraires au Japon . Dans le lamaïsnie , le nom de la divinité
leurs successeurs ont adopté celle croyance et qu'ils l'ont visible , de l'immortel Lama, exprime l'idée de la croix ( 1) ; la
Transmise aux chrétiens de nos jours . croix brisée est figurée sur la façade des temples thibétains ( 2).
Ainsi, Monsieur, votre opinion se trouve , en fait, confirmée N'est-ce pas de l'antique symbolisme attribué à la croix sur
par ceux-là surtout qu'on pourrait croire intéressés à la com les hauts plateaux de l'Asie que naquit , au xie siècle, en
baltre. Mieux vaut peut - être , en les écartant du débat, précisé Europe, celle croyance à l'existence , dans l'Asie centrale ,
ment parce qu'il ne saurait leur être indifférent, chercher de peuplades païennes qui adoraient la croix ? Sur les monu
ailleurs des preuves nouvelles pour arriver à la conclusion ments Assyriens, sur ceux de la Perse , ceux de la Phénicie, se
véritablement neuve qui me semble ressortir des observations rencontre souvent cet emblème.
consignées dans votre curieux ouvrage. Au sud du continent Asiatique, dans plusieurs archipels de
Au lieu des pères de l'Eglise, des théologiens, des illuminés, la Polynésie, où les croyances des insulaires paraissent dériver
desmystagogues, si l'on interroge les livres sacrés des reli du brahmaïsme, il est d'usage de planter des croix dans la
gions diverses, les écrils des philosophes, des historiens, des terre qui recouvre les morts .
géographes et des voyageurs de l'antiquitépaïenne , du moyen L'ile de Java renferme d'immenses temples très anciens,
age ou des temps modernes, et surlout les relations des plus dont la disposition intérieure affecte constamment la forme
récents voyages, on peut recueillir un ensemble de faits dont d'une croix .
voici le court exposé . Dans la Nouvelle - Zélande, la tombe des chefs, des morts de
C'est dans les régions le plus anciennement peuplées, celles distinction , est surmontée principalementde croix, accompa
du moins où lesmonuments de l'histoire , comme ceux de l'ar gnées de pieux el de figures fantastiques.
chitecture, remontent le plus loin , celles d'où semblent être Qui ne connait le T des Egyptiens et leur croix ansée , ce
sortis les différents rameaux de la race humaine , où paraissent signe hiératique presque toujours joint aux images des dieux
avoir pris naissance les langues mères et les plus anciennes ou que leurs statues portent dans leurs mains ?...
religions , que la croix semble avoir eu , dès les tempsanciens , Les cavaliers de Kano , comme ceux du Bornou, les Pela
une signification symbolique. thas, les Tibbous el les Tuaricks portent sur leurs boucliers
Dans l'Indoustan , les temples de Chrichna, la huitième in la figure d'une crois (3) ; il paraît qu'en diverses contrées du
carnation de Vichnou, étaient toujours cruciformes , el d'après centre de l'Afrique , ce symbole est placé sur les murs des
la légende indienne , Chrichna, le Dieu fait homme, périt

(1 ) Avril, Voyage de la Chine, liv . III, p . 194.


(1) La croir dans les Deux-Mondes, par Roselly de Lorgues (L.-P. Hivert. ( 2) De Siebold , Lettre sur l'utilité des Musées etnographiques.
Paris, 1845) . ( 3 ) Denham et Clapperton , Voyage en Afrique.
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huttes ou sur la porte des maisons . En Nubie , en Abyssinie , ce qu'elle prouverait l'ancienneté de l'emblème , mais en ce
on le retrouve sur des monuments sépulcraux . qu'elle établirait sa présence sur des monuments appartenant
Si nous en croyons Alexandre de Humboldt, « les croix qui à une période de civilisation regardée comme ayant succédé
ont tant excité la curiosité des conquérants à Cozumel , à immédiatement à l'âge de la pierre ; il y a des conséquences
Yucatan et dans d'autres contrées de l'Amérique ne sont pas inattendues à tirer de cette observation , au point de vue de
des contes de moines ( 1 ) . > l'origine des races et des religions.
Là , au milieu des ruines de Palenqué , les explorateurs mo En effet, si des croix ont été tracées dans une intention
dernes ont trouvé, dans un temple colossal, un immense bas symbolique , sur les monuments signalés par vous (ce que
relief , représentant ce qu'on a appelé l'adoration de la croix ... j'admets pleinement) ; si, d'un autre côté, la croix emblème ou
Chez les Mexicains, chez les Péruviens, la figure de la croix symbole se retrouve , comme je l'avance , dans tant de régions,
se rencontre sur beaucoup d'édifices anciens ; certains monu à des époques si reculées, c'est probablement que le point de
ments sépulcraux affectent cette forme, et les traditions de départ est un , que l'origine de la signification symbolique est
ces peuples prouvent qu'à une époque très reculée, ils alta une, c'est-à - dire que cette signification le plus anciennement
chaient déjà à ce signe une idée symbolique . attribuée à la croix , à une certaine époque, dans une certaine
On a voulu , il est vrai, voir dans ces croix de la vieille région , a été propagée dans d'autres régions, s'est perpéluée
Amérique une preuve que, bien avant Colomb, des navigateurs à travers les âges , et qu'elle n'a pas été convenue isolément
chrétiens avaient abordé sur ce continent; mais les caractères par des races différentes, ou à des époques diverses.
de l'architecture des monuments dont elles ſont partie inté Comment expliquer autrement cette importance étrange si
grante, sont tellement éloignés des types en usage dans l'an universellement attribuée à ce signe ?.....
cien monde, depuis l'établissement du christianisme, qu'on On le voit constamment employé comme emblème se ralta
ne saurait admettre une telle supposition . chant à l'une de ces idées, la mort ou la fin , la vie ou les for
S'il restait quelques doutes à ce sujet, si l'on voulait regar ces productrices, le triomphe ou le commandement.
der comme postérieure à l'ère chrétienne l'introduction de la Peut- on dire qu'aucune de ces idées en elle-même éveille
croix comme emblème, en Amérique, dans la majeure partie celle de la figure cruciforme, et s'y trouve tellement liée par
de l'Afrique, de l'Océanie, même dans une portion de l'Asie , des rapports absolus, que la pensée ne puisse , pour ainsi dire ,
il n'en saurait être ainsi pour le continent Européen . Ici , les concevoir l'une sans l'autre ? En elle -même, la forme de la
données sont plus certaines ; mille faits, mille preuves établis croix est-elle inséparable de l'idéede mort ou de cellede domi
sent que l'emblème cruciforme, diversement modifié, joua un nation ?... Evidemment,non : si l'idée de vision ou de lumière ,
rôle important dans la symbolique des croyances antérieures par exemple , se traduit comme d'elle-même sous la formed'un
au christianisme. cil dansles signes idéographiques, l'esprit en arrive à celte re
Il figure tantôt isolé , tantôt inscrit dans un cercle, sur présentation tout spontanément et sans déduction compliquée ;
mainte peinture, mainte sculpture de l'antique Etrurie, le plus on conçoit, dès lors, que des êtres isolés, n'ayant jamais été
souvent dans des scènes funéraires et parfois dans des scènes en communication entre eux, pussent arriver naturellement à
d'initiation où le serpent l'entoure d'un cercle symbolique. représenter tous , par le même signe, l'idée de vision , de
La croix était un des attributs de Cybèle ; Auguste voulut que lumière. Il n'en saurait être de même pour les idées de fin ,
le temple de la Paix eût la forme de cet emblème..... de cessation de la vie , pour l'expression ou la représentation
Le druidisme semble avoir attribué un sens mystique à la desquelles le signe ne peut être que conventionnel, et diffici
croix , si l'on en juge par certaines de ses cérémonies, par la lement on pourrait admettre que le hasard seul eût fait adop
présence de cet emblème sur les monnaies celtiques ou celti ter le même signe d'une manière générale .
bériennes, et peut-être par quelques signes gravés sur des Or, si l'on reconnait que la croix a été un symbole se rap
monuments de cet âge..... portant plus ou moins directement à des idées religieuses ,
Il serait superſlu d'énumérer encore des preuves de la va pour les races dont la langue parait avoir été la racine de tou
leur symbolique et religieuse attribuée à la croix par l'anti tes les autres et chez lesquelles la civilisation est le plus an
quité, longtemps avant le christianisme ou à des époques rap cienne , si d'un autre côté ce même signe symbolique se
prochées de son avènement; le fait est mis hors de doule et retrouve avec une signification analogue dans tout l'ancien
parfaitement incontestable . monde et dans le nouveau, il s'ensuivrait que, originairement,
Ainsi, Monsieur, lorsque vous constatez la présence de la il y a eu un fonds d'idées religieuses, traduites par le symbole
croix, comme symbole religieux, sur des objets remontant à qui s'est transmis, plus ou moins altéré, aux diverses races
plus de mille ans avant l'ère chrétienne, cette constatation issues d'une souche unique . Il s'ensuivrait aussi que moins
n'a pas le genre de nouveauté ni d'importance qu'on pourrait l'idée primitive allachée au signe se trouvera modifiée sur un
croire. Sa véritable valeur consisterait, selon moi, non pas en monument éloigné du point de départ, plus sûrement on
pourra conclure à l'ancienneté de ce monument, et peut- être
en déterminer l'âge approximatif .
J'en reviens ici, Monsieur , aux monuments signalés par
( 1) A. de Humboldt , Histoire de la géographie du nouveau continent,
nole G , à la fin du vol. vous; l'idée primitive attachée au signe cruciforme me sem
27
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ble s'y trouver non encore modifiée, et j'en conclus que la ques à nos jours..... Quel en est le point de départ ? en vertu
race qui a tracé ces croix n'était pas très anciennement sépa de quel fait physique, de quelle observation la croix est-elle
rée de la race mère, que je place volontiers dans des régions devenue le signe conventionnel du terme, de la mort ? ..... Peu
où des preuves nombreuses altestent l'ancienneté du symbo importe de le savoir, au point de vue spécial auquel je me
lisme de la croix , dans l'Indoustan et sur les grands plateaux place..... Je constate seulement ce que je crois un fail géné
asiatiques. ral..... Mais à côté de ce fait s'en révèle un autre d'une sin
Vous constatez , et d'autres avec vous, que les âges du renne gulière importance ; c'est que la croix indiqua aussi le com
et de la pierre polie, ne présentent pas trace de croix..... mencement, la vie. Il semble qu'il y ait contradiction en cela ;
La constatation est précieuse comme date ..... On en voudra il n'en est rien .....
peut- être conclure que les races qui occupaient l'Occident à Le point de départ de celte seconde signification n'est pas
ces époques, n'étaient pas issues de la race mère asiatique ... précisément l'idée de mort, mais une autre idée moins sim
Rien n'impose celle conclusion ..... Pourquoi les Occidentaux ple , basée sur celle du phénomène de la mort.
de l'âge du renne et de celui de la pierre polie, anciennement La plus grande , la plus sublime idée éclose dans l'esprit de
issus de cette race mère ? ne se seraient-ils pas trouvés de nou l'homme, celle dont la conception a pu le moins lui être ins
veau en contact avec elle, après que celle- ci serait entrée dans pirée par la vue des phénomènes nalurels, est certainement
l'âge du bronze , etpourquoi n'en auraient-ils pas reçu , avec les l'idée d'une seconde vie, de l'immortalité..... D'où qu'elle lui
connaissances nouvelles , un nouvel enseignement religieux ?... soit venue , il est cerlain que du jour où elle s'est présentée à
Si donc on parvenait à établir l'époque où la croix devint un lui, elle a dû absorber sa pensée et dominer son espril, en
symbole religieux pour la race mère , on arriverait à détermi s'associant à celle de la mort qui a toujours été pour lui la
ner, jusques à un certain point, le commencement de l'âge du plus formidable manifestation de la puissance suprême.....
bronze pour nos régions . Cette idée d'immortalité dont il s'est fait une croyance , il
Certes , le résultat serait important , et je suis heureux , a dù chercher à l'exprimer par un signe idéographique, et le
Monsieur, de constater qu'on devrait vous en attribuer l'hon signe choisi parait avoir été la croix, qui symbolisé ainsi, à
neur, puisqu'on y aurait été conduit par vos observations la fois, des idées de mort el de seconde vie, de commence
pleines de sagacité . ment et de fin , bientôt indiquées séparément par des formes
Je ne saurais prétendre à indiquer la inarche à suivre pour diverses du signe.

y arriver... Peut-être y aurait-il lieu de se préoccuper en cela Par suite de quelles déductions, de quelle association d'idées ,
de l'indication formulée plus haut , que le symbolisme de la la figure cruciforme fut-elle le signe adopté ?..... Je crois
croix semble avoir eu l'Indoustan ou les pays voisins pour inutile de le rechercher, mais ilme semble facile d'arriveraux
point de départ..... Le daterail- on de la déification de preuves du fait.....
Chrichna ? Ce serait le faire remonter à trois mille ans environ La signification primitive que je reconnais à la croix donne
avant notre ère , d'après les traditions qui font naître Chrichna la clef de certaines significations secondaires et dérivées, que
dans les premières années de l'âge cali, dont le commence nous regardons aujourd'hui comme génératrices de la pre
ment est fixé à trois mille cent deux ans avant la venue du mière .
Christ ( 1 ) Antérieurement au christianisme, la croix fut en effet un
Quel pouvait être le fonds de ces croyances qui ont été symbole de sacrifice , d'expiation , avant que d'êlre un instru
universelles , puisque le signe , l'emblème qui les caractérise ment de supplice ; ce fut sans doute en vertu de l'idée mys
se retrouve si universellement ? tique , dérivée du sens primitiſ , au nom de laquelle la tradi
On ne doit pas se dissimuler combien il est téméraire de tion chinoise fait de deux morceaux de bois mis en croix un
prétendre à le connaître ; mais votre conclusion , que la croix a emblème d'adoration, au nom de laquelle la mythologie indoue
été avant le christianisme un signe excluant l'idolâtrie, m'en fait mourir Chrichna sur un tronc d'arbre cruciforme, au nom
traine à essayer de me rendre compte de la valeur de ce de laquelle Platon , l'initié des sanctuaires du Nil, indique le
signe. crucifiement du saint ; au nom de cette même idée, les druides
La figure cruciforme semble avoir été essentiellement, dès crucifiaient, en certaines circonstances, une victime humaine;
l'origine , associée à l'idée de mort ; aux temps les plus reculés, en son nom encore , le prophète hébreu annonçait le crucifie
elle est inséparable de tout ce qui se rapporte à la fin , à la des ment d'un rédempteur...
truction ; elle se trouve dans les tombes, sur les objets enfouis De cette valeur toute religieuse , allribuée au signe cruci
avec les cendres ou les ossements ; de vastes monuments, forme, dérive ce que j'appellerai une valeur philosophique.
exclusivement funéraires , lui empruntent l'ensemble de leur Du moment qu'il exprimait la mort et la seconde vie, l'im
plan et le caractère de leurs détails. mortalité ; par extension , le sacrifice, l'expiation , le rachat;
Cette destination lui a été conservée à travers les âges, jus ces idées coordonnées constituant la science absolue, puis
qu'elles expliquaient le problème de l'humanité , la croix deve
nait une sorte d'hiéroglyphe mystérieux dont le sens n'était
(1 ) M. Langlois a fixé l'époque où vivait Chrichna au xive siècle seulement
avant l'ère chrétienne (Mém . de l'Acad. des inscriptions et belles-lettres , connu que des seuls initiés. Je parle d'initiés , parce que je
1846, tome XVI). n'admets point que la notion de la seconde vie, de l'immor
203

talité, et surtout de la valeur de l'expiation , de la nécessité du croyance excluant l'idolâtrie. J'explique ma pensée : elle est
rachat, ait été commune à tous les hommes et comme innée que la notion de la vie future et de l'expiation nécessaire fut
chez eux ; elle a constitué par conséquent une doctrine mysté d'abord inséparable de celle d'un Dieu unique ; tel parait être
rieuse dont la connaissance était réservée aux seuls adeptes ... le point de départ des religions premières. Mais il mesemble
01, celle doctrine étant la science par excellence, le signe qui rait difficile d'établir que la croix et l'idée de vie future
en symbolisait le principe ne dut pas tarder à devenir celui qu'elle symbolisait, n'aient pas été plus tard associées au culte
de l'initiation , et comme à l'origine les initiés, qui formaient idolâtrique . L'antiquité religieuse est pleine d'étranges con
peut-être un corps sacerdotal, furent les inventeurs ou les dé trastes. Socrate , le philosophe qui proclamait l'immortalité de
positaires de toute science , il arriva que la croix symbolisa la l'âme et l'unitéde Dieu ,n'en faisait pas moins offrir un sacrifice
science elle -même, car elle en désigna la plus utile manifes à Esculape ; il est vrai que c'élait le dieu sauveur , la déification
tation , l'ensemble des caractères de la langue écrite (sans de la victoire de la science sur la mort, le fils du Dieu suprême.
doute , parce qu'elle en forma le premier ) (1) , et fut la clef de Par une singulière coincidence, la croix fut son emblème,
la connaissance , ainsi que l'appelèrent, dans un sens analogue , mais elle fut aussi un des attributs de la Vénus phénicienne ,
les néo - plaloniciens . d'Isis, de Cybèle , de la nature déifiée ; c'est là une des preu
Devenu , par extension de sa signification première, le sym ves sans réplique que ce signe, en tant que symbole , fut asso
bole de la science , le signe cruciforme fut employé comme cié aux monuments du culle idolâtrique, à prendre ces deux
symbole du pouvoir que donne la science, el plus tard comme mots dans leur acception accoutumée .
emblème d'autorité, de commandement, de puissance, Evidemment, le signe se trouva ainsi détourné de sa signi
Vouloir préciser d'avantage jusques à quel point ces trois fication primitive ; celle qu'il prit fut toute locale, et s'altéra ,
ordres d'idées, la mort et ses dérivées , la seconde vie ou l'im se modifia , se transforma diversement;mais, c'est un fait digne
mortalité, c'est-à -dire la vie absolue; en second lieu , la science , de remarque, le fonds en demeura généralement l'idée de vie
et enfin la puissance qui en est le résultat, sont restés dis à venir, ce qui revient à la vie absolue, l'immortalité .
tincts l'un de l'autre , comment de leur rapprochement est née On objectera peut- être que je généralise trop cette signifi
la triple signification du signe cruciforme, el selon quelle cation en l'attribuant indifféremment aux diverses formes de
genèse , serait une tentative par trop hardie et dont le but ne la croix ..... L'objection est sérieuse..... Plusieurs n'accor
saurait d'ailleurs élre ici d'une importance première . dent ce sens de vie à venir qu'à la croix formée d'un T , sur
Ilme parait suffisant d'établir la valeur du signe pour monté d'un anneau et nommée la crois ansée , particulière à
expliquer son adoption et son rôle à des époques bien anté l'Egypte, mais dont on retrouve l'analogue en Chaldée , en
rieures au christianisme, et s'il me fallait donner encore des Assyrie , en Perse et dans les pays étrusques, elc . (1). Quelques
preuves du sens élevé qui y fut attaché en des temps très recu uns étendent cette signification à la croix en forme de T, d'autres
lés, je me bornerais à rappeler que la figure cruciforme fut à la croix à quatre branches égales, d'autres même à la croix à
bien réellement, dès l'origine, un signe d'initiation chez les branches obliques , dite de Saint- André..... Mais la plupart
Orientaux et pour toute l'antiquité païenne, et qu'il est des érudits s'accordent à reconnaîlre aux différentes formes
demeuré l'un des symboles maçonniques exprimant une sorte de la croix un symbolisme tel que les acceplions diverses ne
d'autorité due à la perſection , à la science ... s'éloignent pas d'une seule et même idée, celle de vie à
Par tout ce qui précède , je me trouve amené à celle con venir, de vie divine, d'immortalité , implicitement liée à celle
clusion , Monsieur, qu'en disant que la croix était, avant le de mort.
christianisme, un symbole religieux excluant l'idolâtrie , vous J'ai rapidement énuméré les faits généraux sur lesquels
avez émis une opinion probablement juste en principe, mais j'appuie celle assertion ..... Qu'il me soit permis d'insister sur
peut- être non prouvée dans l'espèce . le caractère d'universalité de cette signification , dont je fais
Il est exact de dire que la croix est loin d'être un emblème la base des conclusions suivantes.
exclusivement chrétien ; mais il est aussi incontestable qu'on Si les divers types du signe cruciforme se retrouvent prio
le trouve allié à des monuments de cultes idolâtriques. Dans cipalement et généralement dans les sépultures, sur les monu
quelles conditions et dans quels rapports avec ces cultes ? on ments funéraires, quoiqu'ils affectent des formes diverses selon
ne saurait encore le préciser. Pour moi, le symbolisme de la les régions et les époques, de celle communauté de destination
croix , antérieurement au christianisme, se rattache aux etmalgré le nombre des variantes , on ne peut que conclure à
croyances spiritualistes d'unemanière bien plus certaine qu'il l'unité de signification première.
n'indique l'exclusion de l'idolâtrie , ou du moins il a élé très De ce que le signe cruciforme a été et est demeuré essen
anciennement associé à ce culte . tiellement funéraire , c'esl- à - dire relatif à la mort et à la sé
En principe, ai- je dit, la croix a dû être un symbole d'une pulture , on peut admettre qu'il est devenu un symbole indi

(1) Peut-être faudrait-il ne voir dans la croix ansée des Egyptiens, dans
( 1) Dans l'alphabet de plusieurs langues orientales, la première lettre , l'A , la croix surmontée d'un cercle des médaillés de Cilicie et de quelques vases
a été ou est encore en forme de croix ... Il est digne de remarque que la croix étrusques , ainsi que dans la croix inscrite dans un cercle , qu'un seul et même
désigne encore l'alphabet, dans nos campagnes dumoins... On dit : épeler la type essentiellement composé de la croix et du cercle , et dont les variétés
croit, savoir la croix, seraient constituées par certaines particularités de disposition .
204

quant la vie à venir , l'immortalité, la vie divine, en vertu d'une dans votre livre , m'ont semblé, Monsieur, devoir précéder ma
opposition et d'une association d'idées, prouvées l'une et réponse à ce passage de votre lettre : « La croix s'est répandue
l'autre par le seul fait de l'institution de rites funéraires , et généralisée beaucoup plus tard ..... C'est surtout dans vos
constatée par la présence de l'emblème..... On pourrait peut contrées, qu'elle a joué un grand rôle. La croix était un em
être renverser cel ordre et admettre que la croix n'a été un blème très en usage chez les Volces - Teclosages, et dans votre
signe funéraire que parce qu'il était déjà un symbole de la article sur les croix tumulaires du Lauragais , vous nous
vie future ; les deux idées sont tellement liées l'une à l'autre , montrez l'ancien emblème des Tectosages, adopté sans modi
que ma thèse en serait à peine modifiée ; toutefois, l'ordre fication de forme, par leurs descendants chrétiens, comme
que je propose me semble plus logique. signe du christianisme et religieusement placé sur les tombes
De ce que la croix , dès les époques les plus lointaines, encore au dixième siècle après notre ère..... J'ai été fort
exprime symboliquement l'idée de mort, par association et heureux de voir mon opinion sur le sens symbolique des
opposition celle de seconde vie, d'immortalité, elle a , par dé rouelles , confirmé d'une manière si inattendue ..... )
duction , exprimé celle de sacrifice, d'expiation , de rachat . Il m'est on ne peut plus agréable, Monsieur , que les quel
Sila notion de ces idées coordonnées a réellement, dès l'ori ques indications recueillies par moi vous paraissent une con
gine, ou dans la suite des temps, constitué une doctrine firmation de votre théorie ; permettez-moi cependant de vous
secrète, ou du moins non connue de tous, la croix qui en faire remarquer que vous me prêtez une opinion plus nettement
était le symbole a dû devenir un emblème relatif à l'initiation exprimée que je n'ai osé la formuler ; j'ai à peine indiqué le
et par suite à la connaissance universelle , à la science supé rapprochement à faire entre les croix gravées sur les mon
rieure. naies tectosages, celles des monnaies comtales et celles des
En verlu de cette signification dérivée , le signe cruciforme monuments funéraires du Lauragais .
a exprimé des idées d'autorité , de perfection , de puissance Il y avait là une question ardue que je me réservais d'ap
suprême, et s'est transformé en caractère sacré , en altribut profondir en étudiant la transition des symboles gaulois å
hiératique, indiquant le grade de l'initié , ou donné aux ima ceux du christianisme primiliſ, puis à ceux des temps carlo
ges des déifications. vingiens..... La circonstance me fait exposer un peu préma
Des monuments de la puissance sacerdotale, des monuments turément le résultat demes recherches sur ce sujet.....
sacrés, il est passé dans ceux de l'autorité civile, issue de la J'énonce la question nettement, telle que je la conçois .
première. Dans la Gaule méridionale, la croix a -t- elle été un symbole
Telle me semble avoir été, Monsieur, l'origine de la signifi exclusivement chrélien , dès la première période du christia
cation générale de l'emblème cruciforme et l'enchaînement de nisme ?
ses acceptions diverses, longtemps avant le christianisme. Les premiers chrétiens l'avaient -ils réellement adoptée
J'ai déjà indiqué en quoi les découvertes si savamment cons comme signe symbolique ?
tatées par vous, me paraissentavoir une singulière importance, Il semble qu'on doit admettre la négative (1) .
au point de vue des origines des races et des religions en Les monuments funéraires chrétiens des premiers siècles ,
Occident. Le caractère d'universalité que, sans aucun parti pris, ne présentent pas dans notre région de caractère bien tranché
je suis obligé de reconnaître au symbolisme de la croix , con qui les différencie des monuments païens. M'appuyant des
sidéré dans son origine ou dans ses extensions dont j'ai remarquables travaux de M. E. Le Blant, je crois que les
essayé d'étudier la logique , m'amène comme malgré moi à signes extérieurs et positifs du christianisme n'y apparaissent
une conclusion générale. Dans cette universalité de la signifi que vers la fin du in siècle . Jusque - là , l'ensemble et les
cation de la figure cruciforme, je crois trouver la preuve détails semblent les mêmes pour les deux croyances, à tel
de rapports de croyance et d'institutions religieuses entre les point que M. Le Blantlui-même hésite dans l'attribution de cer
peuples de l'ancien monde ou du nouveau continent, rapports tains de nos marbres funéraires. Mais il est important de re
que je regarde comme autant de sérieux indices des commu marquer qu'il s'agil principalement de monuments que j'ap
nications d'idées quieurent lieu de l'un à l'autre, à une époque pellerai de style officiel , parce qu'ils se rencontrent surtout
primitive . En visagée sous ce point de vue, la question me dans les grands centres gallo - romains.
parait grandir considérablement, car elle tendrait à établir
l'unité de religion pour les peuples primitifs, conformément
(1) Il est incontestable que tous les types cruciformes admis par les chré
aux traditions indiquées par les livres sacrés de diverses
tiens figurent sur les anciennes monnaies gauloises. Ce sont : la croix brisée
croyances ( 1) . à angles droits ou en courbe ; la croix de Saint-André, libre ou inscrite ; la
croix grecque, tantôt inscrite , tantôt non inscrite; la croix à huitet à six rayons ;
la croix indiquée seulement par cinq points. (Cette figure , dont je sigualais
Celle longue digression à propos de l'universalité du sym l'origine lointaine à propos des croix du Lauragais , est placée sur le parthex
bolisme de la croix , longtemps avant notre ère , et l'exposé des que tient en main l'empereur sur des monnaies byzantines , et on la retrouve
données générales que j'ai rattachées à l'opinion exprimée sur le panneau de l'arche ,dans une peinture des catacombes de Rome, dans
le nimbe crucifère du Christ, etc.)
Les mêmes variétés persistent sur les monuments mérovingiens , mais non
(1 ) Raoul Rochette a formulé une opinion analogue à l'occasion d'une croix pas sans modifications. Toutefois, on retrouve tous les types gaulois complets
inscrite dans un cercle , sur un vase trouvé à Coré . sur des monuments de cette époque.
205

Sur ces monuments, je n'ai retrouvé aucun des types de la ou des allusions à certaines paraboles de l'Ecriture sainte ,
croix ; ils se rencontrent, au contraire , sur des marbres des aient emprunté à l'art antique quelques types pittoresques ,
premiers siècles , qu’un polythéisme peu connu a disséminés consacrés par un long usage , qui , n'ayant point ou ayant peu
dans les Pyrénées et loin des grands centres . Ce symbole de rapport avec le culte positif des païens , pouvaient être
apparaît sur les monuments chréliens des villes , dès le vie et admis sans blesser la foi nouvelle ; lels sont : le Bon Pasteur,
le ive siècles, mais non sur les marbres du paganisme officiel Orphée entouré des animaux , etc ..... D'ailleurs , la plupart de
de cette même époque . Il y a donc corrélation entre l'adoption ces types donnaient une expression naturelle et , pour ainsi
des types cruciformes par les chrétiens et leur persistance sur dire, une traduction figurée toute faite de certains passages de
les monuments d'une sorte de polythéisme secret. Cette cor l'Ecriture sainte . »
rélation ne peut s'expliquer que par un fonds de croyances Il n'en était pas de même pour les croix ansées figurées en
communes aux chrétiens et au culle mystérieux dans lequel la tête d'inscriptions chrétiennes..... ( car il s'agissait là de ce
croix était déjà un symbole ; ainsi se trouverait confirmée cette symbole caractéristique qui joue un si grand rôle dans les
opinion que le symbole cruciforme n'a été adopté que tardi représentations religieuses de l'Egypte, et qui, placé à la main
vement par nos chrétiens , et qu'il le fut probablement parce de la plupart de ses divinités, semble en être un attribut insé
qu'il exprimait certaines croyances quin'étaientpas différentes parable ... Les chrétiens n'auraient donc pas craint d'adopter
des leurs... Ce fonds commun de croyances n'était pas local , un tel symbole pour représenter le signe de la venue du Sau
puisque le symbole ne l’élait pas non plus , et les divers types veur ! Je crus voir là une sorte de violation des principes du
cruciformes avaient bien une signification identique dans des christianisme , car nul doute ne paraissait être permis , ni sur
régions très diverses , puisque ces lypes eux -mêmes ont été l'emploi du signe religieux païen , ni sur la généralité de cet
adoptés par les chrétiens , qui ont varié la forme de la croix emploi , puisqu'on le retrouvait sur un grand nombre de mo
selon la région , pour la rapprocher de celle du type local le numents épars dans tous les pays où domina jadis la religion
plus commụn aux temps antérieurs. S'ils n'avaient pas vu une égyptienne . Evidemment , l'emploi de ce symbole devait tenir
relation positive entre le symbole qu'ils choisissaient et les à une opinion reçue , à un usage adopté dans toute l'Egypte ,
types cruciformes locaux , s'il y avait eu opposition formelle non - seulement pour les tombeaux des particuliers , mais
entre leurs significations respectives, ils n'auraient pas adopté encore même pour les actes émanés de l'autorité religieuse
ces formes locales. elle -même.
Je trouve une preuve à l'appui de ma thèse dans l'adoption Mais comment donc les chréliens d'Egypte pouvaient-ils
de la croix ansée par les chrétiens d'Egypte. Ici je vais faire de trailer avec tant d'égards et de respect un symbole païen qu'ils
larges emprunts à un Mémoire de M. Letronne sur ce lype de devaient repousser avec horreur ? Ce ne peut être qu'en verlu
croix . d'une certaine assimilation , d'après laquelle ils ont considéré
Le culte d'Isis était encore florissant à l'extrémité de ce symbole comme une autre expression du signe de la
l'Egyple , soixante ans après l'édit de Théodose. Rédemption , et comme une image du nom du Christ , dont
A Philes , le temple d'Isis fut converti en église . On y dé les païens auraient eu la révélation extérieure.
couvrit plusieurs inscriptions chrétiennes qui présentèrent un C'est l'idée dont j'ai cru pouvoir trouver l'expression dans
trait trop frappant pour être négligé : ce fut la figure d'une un passage de Sozomène , sur la destruction du Sérapéum ,
croix ansée égyptienne (qu'on ne pouvait confondre avec le dont le fait principal est aussi raconté par Socrale et Ruffin .
monogramme du Christ), mise à la place que ce monogramme Le premier dit textuellement : « On assure que , pendant
et la croix chélienne occupent ordinairement dans les monu qu'on démolissait ce temple, on vit gravés sur les pierres cer
ments coptes ou grecs de ce genre ... Dans les notes de Cham tains de ces caractères qu'on appelle sacrés , semblables au
pollion et les récits d'autres voyageurs se trouve la mention signe de la croix. Cette représentation , interprétée par ceux
expresse d'une croix ansée , représentée dans une pareille po qui en connaissent le sens, signifie la vie qui vient ; et cela fut
sition , sur des monuments chrétiens de l'Egypte et de la Nubie , un motif d'embrasser le christianisme pour un grand nombre
et figurée de manière qu'on ne pouvait se méprendre sur l'in de païens , d'autant plus que d'autres caractères annonçaient
tention que les chrétiens avaient eue d'imiter et de s'appro que le temple sera détruit, quand ce caractère se montrera au
prier, en quelque sorte , ce symbole du paganisme. (V. l'ou grand jour . » (Sozom ., Hist ecclés., VII, 15 , p . 725 , B.)
vrage de Münster, Sinnbilder und Kunstvorstellung der alten Socrate , en décrivant le mêmefait, y joint d'autres détails :
Christen , Allona, 1825.) Pendant qu'on démolissait et dépouillait le temple de Séra
« Ce qui me frappait , ce n'était pas de rencontrer sur des pis , on trouva des caractères , gravés sur les pierres , de ceux
monuments chrétiens quelque souvenir du paganisme ; car les qu'on appelle sacrés. Ces caractères avaient la figure de croix ;
chrétiens des premiers siècles approprièrent à leur usage des ce que voyant les Chrétiens et les Grecs (les Gentils), ils rap
représentations et des symboles tirés de l'antiquité païenne... portèrent, les uns et les autres , ces signes à leur propre reli
Mais ici le fait était plus grave et plus difficile à expliquer... gion . Les chrétiens, qui regardent la croix comme un signe
On conçoit parfaitement que les premiers chrétiens, encore de la passion salutaire du Christ, pensèrentque c'était ce signe
sous l'influence des arls de l'antiquité , ayant à exprimer par qui leur est propre ; les Gentils dirent que c'était quelque
la peinture ou la sculpture des idées morales et religieuses , chose de commun au Christ el à Sérapis, quoique, à vrai dire,
206 -

ce caractère ayant figure de croix soit un symbole différent D'un autre coté, il est évident que du jour où Constantin
pour les uns et pour les autres. Une controverse s'étant élevée plaça le chrisme sur le labarum , les chrétiens n'avaient plus
à ce sujet , quelques- uns des Gentils convertis au christia aucun motif de ne pas figurer la véritable forme de la croix, du
nisme, et qui comprenaient les hiéroglyphes , interprétant ce moins sur leurs sépultures ; cependant l'usage du mono
caractère ayant forme de croix , dirent qu'il signifie la vie qui gramme se généralisa précisément alors , el ce n'est que plus
vient. Les chrétiens , saisissant avec empressement cette cir tard que la croix grecque ou latine fut représentée , soit
constance en faveur de leur propre religion , en concurent isolée, soit le plus souvent associée au monogramme .
plus de hardiesse et d'assurance... » L'observation faite à propos de la croix ansée égyptienne,
Quoi qu'on ait pu dire , à propos de l'interprétation donnée peut donc être étendue à la figure dite du monogramme, pour
par les chrétiens d'Alexandrie aux croix du Sérapéum , il n'en l'Europe occidentale du moins ; c'est que la croix simple,
est pas moins vrai qu'ils ne repoussaient pas l'assimilation de la croix proprement dite et les types primitifs du chrisme y
leur signe symbolique à ces figures cruciformes ; il est , en sont représentés quelquefois séparément, quelquefois en regard
outre, prouvé que les chrétiens d'Egypte ont employé indiffé l'un de l'autre , et s'y trouvent mis, pour ainsi dire, sur la même
remment la croix ansée et la croix grecque , quelquefois sépa ligne, comme des expressions différentes d'une même idée . (Il est
rément, quelquefois en regard l'une de l'autre , en les mettant bien entendu qu'il s'agit ici du chrisme des premiers siècles.)
pour ainsi dire sur la même ligne , comme deux expressions Les formes diverses du monogramme paraissent avoir été
différentes d'une même idée . usitées et avoir eu une signification symbolique avant l'établis
Ce fait , à peu près particulier aux pays égyptiens, quant à sement du christianisme, si bien qu'on a donné au chrisme
la croix ansée , s'est généralisé en ce sens que, dans d'autres une origine religieuse , tantôt juive , tantôt grecque , tantôt
régions, en Grèce , en Italie , dans la Gaule, le type cruciforme égyptienne ; des faits nouveaux tendant à prouver que ces
local a été adopté en première ligne, ou du moins a été associé mêmes figures exprimant, selon toute probabilité , un sens
à un type importé au pointd'en prendre complètement la place . allégorique , se retrouvent sur des monuments très anciens de
On a voulu faire d'une figure à laquelle on a donné le nom l’Europe occidentale, associées aux types cruciformes.
de monogramme ou de chrisme , le symbole essentiellement D'un autre côté , aux premiers siècles chrétiens , on voit
chrétien ; il a été établi que ce type a offert plusieurs variétés, certains types primitifs du monogramme et de la croix se con
dont la plus ancienne aurait été le chrisme en forme de croix fondre avec la croix grecque ordinaire , en sorte que les uns et
grecque ayant la branche supérieure recourbée , de açon que les autres paraissent exprimer une même idée , sauf peut-être
ce signe eût été formé des deux premières lettres du mot quelques nuances de signification .
Xplotos ; la seconde variété serait formée de ces deux mêmes Ces considérations me semblent amener les conclusions
leltres , le x ayant alors la forme x , étant surmonté d'un générales que voici :
P. Enfin on a vu un monogramme du Christ dans la figure å La croix a été considérée comme un symbole bien avant le
six et à huit branches égales , la première étant supposée for christianisme.
mée de deux lettres, del'I d’legous et du x de Xplotos , la seconde Les divers types cruciformes ont été adoptés par les chré
présentant à la fois le X el la croix . tiens comme symboles d'une même idée , non contraire à leurs
Que , pour les chréliens , la signification de ces diverses croyances.
figures ait été de bonne heure celle d'un monogramme, on ne Le monogramme parail n'avoir élé , à l'origine , qu'une des
saurait le contester ; mais que ces mêmes figures eussent , figures cruciformes ayant une signification symbolique avant
ayant le christianisme , un sens allégorique bien déterminé , l'ère chrétienne . Cette figure a été de très bonne heure modi
cela me semble hors de doute . fiée, de manière à constituer bien réellement le monogramme
A ceux qui regardent le monogramme comme une croix du Christ ( 1)
déguisée , qui expliquent celte dissimulation de l'emblème du L'adoption de ces divers types cruciformes, par les chré
salut par la crainte des persécuteurs , par le désir de ne pas tiens, prouve qu'ils exprimaient des idées non contraires à
exposer les tombes aux profanations païennes , ne doit- on pas leurs croyances ; et attendu qu'on retrouve ces signes princi
objecter que s'il en eût été ainsi , le signe eût pu être tracé palement sur leurs monuments sépulcraux , il s'ensuivrait que
sur les sépultures des catacombes de Rome dès l'origine du ces idées étaient relatives à la vie future.
christianisme, puisqu'il n'eût pas dû éreiller les soupçons des
partisans du culte officiel ?... Ne voit -on pas le chrisme figurer
sur des inscriptions des catacombes, où la qualification de (1) Il est à remarquer que le monogramme se trouve accostée d'assez bonne
martyr est donnée au mort , ce qui eût certainement suffi à heure de la première et de la dernière lettre de l'alphabet grec , l'alpha et
l'omėga . Il y a là , évidemment, une allusion au passage biblique : « Je suis
indiquer sa religion (1) ? le commencement et la fin , l'alpha et l'oméga. Par une coincidence qui me
frappe, certains alphabets orientaux ont un A cruciforme , et d'autres lettres,
des dernières de l'alphabet, aussi cruciformes ; de sorte qu'en superposant les
( 1) Il est vrai que plusieurs de ces inscriptions ont été tracées longtemps deux lettres , on obtient la figure du chrisme. Je me demande si l'alpha et
après la persécution ; mais il est aussi reconnu que la loi romaine protégeait l'oméga grecs ne seraient pas la traduction littérale de ce qui est devenu le
suffisamment les sépultures , pour que les chrétiens n'aient eu que très rarement chrisme, et qui aurait une origine orientale, avec un sens analogue à celui que
à se précautionner contre la violation de leurs tombeaux. j'attribue aux signes cruciformes.
207

Le symbolisme ancien de la croix a subi une modification une place dont la singulière importance est confirmée aujour
de la part des chrétiens, puisqu'elle est devenue, spécialement d'hui, Monsieur, par des faits consignés dans votre intéressant
pour eux , l'instrument de la mort d'un Dieu . Mais évidem ouvrage... La constatation de celle importance me rappelle ,
ment, celte signification n'est pas en contradiction avec celles comme à mon insu , ce passage d'un discours de Mirabeau ,
que la baule antiquité paraît avoir attribuées à ce signe . relatif au christianisme, à propos de la déclaration de la reli
Si maintenant je raltache ces conclusions aux idées émises gion de l'Etat : « Dieu n'a pas créé ce flambeau pour prêter
plus haut au sujet de la signification primordiale de la croix et des formes et des couleurs à l'organisation sociale des Fran
de son rôle, je suis amené à reconnaître encore que dans les çais, mais il l'a posé au milieu de l'univers pour être un point
études relatives aux religions premières, à l'origine des races , de ralliement et le centre d'unité du genre humain .
à leurs migrations, aux évolutions diverses de l'humanité
pendant les âges inconnus, le signe cruciforme devra prendre B. D'USAN .

A PROPOS DE L'INSCRIPTION TUMULAIRE DE DAVID A SAINT- SERNIN

(Voir page 130 ).

Extrait d'une lettre de M. Ed . Le Blant.

« Vous avez bien voulu me demander mon avis sur l'âge de tiennes), ni la formule simple HJC REQVIESCIT qui, bien
l'inscription tumulaire, signalée par vous dans le mur de la tour que paraissant dès 422 (n ° 53 ibid .), se rencontre chez nous,
de Saint-Sernin . Elle ne peut, me semble -t- il , être antérieure jusqu'en 487 (nº 379 ) , ne font obstacle à ces données qu'ap
à la fin du ve siècle . La forme des lettres, la croix coupant le puient d'ailleurs, je le répète , l'insertion de la croix au milieu
texte et accostée de l'alpha et de l'oméga , accusent nettement, du texte mêmeet la formetoute byzantinequ'affecte ici ce signe.
pour moi, une époque basse . Voilà pour la question de temps .
Avec les deux lettres symboliques, la croix se montre seu En ce qui touche la première ligne dont vous ne donnez ,
lement, en effet , sur notre sol : annoncez-vous, qu'une lecture provisoire , je ne vois guère ,
Après 499 , n ° 565 de mes inscriptions chrétiennes. dans l'état des choses, ce qu'elle a pu contenir, si ce n'est
En 547, nº 467. quelque formule comme tecum SIT PAx, ainsi que dans l'ins
Après 584, n ° 707. cription d'Amiens, qui porte le n ° 329 A de mon recueil. Je
J'ajoute qu'aux cryples de Saint- Viclor de Marseille , l'alpha parle ici dans la pensée que votre marbre n'a reçu qu'une
et l'omėga figurent aux deux côtés d'une croix tracée , comme seule épilaphe et que la première ligne en question n'est point
ici, dans la forme byzantine qui exclut une haule antiquité . la fin d'une autre légende funéraire, précédant l'inscription
Si nous cherchons hors dela Gaule,nousretrouvons cemême de DAVID .
groupe : à Rome, en l'année 509 (Nicolai, Della basilica di Si vous avez la bonté de vous reporter à ce que je dis page
S.-Paolo , p . 217, nº 518 ). cx de ma préface (ef. mes nos 66 et 621 A ), vous verrez que
En Espagne, l'an 510 (Muratori, p . 1904, n ° 1. Voir toute la forme de ce nom offre un certain intérêt de rareté , les vo
fois la Leçon de Grater, p . 1054 , n ° 4 ) . cables d'origine biblique étant fort peu communs, aux pre
L'an 566 (Muratori, p . 1950, n ° 8 ) . miers siècles chrétiens, sur les monuments occidentaux. Cette
En Nubie , l'an 692 ( Vidua , Inscriptiones antiquæ in itinere rareté est même si marquée que l'on est, d'après les inscrip
turcico collectæ , tab . xx , n ° 1 ; ef. Latonne, Analyse d'un re tions, autorisé à regarder comme des personnages venus de
cueil d'inscriptions, p . 14 ). l'Orient, un grand nombre des fidèles qui portent des noms
D'après ces exemples, la croix accostée de l'alpha et de de l'espèce. Cela soit dit, bien entendu , sans rien préjuger de
l'oméga est donc un signe de basse époque ; ni le * que je l'origine de votre David sacerdos, prêtre ou évêque , puisque
relève en Gaule , jusqu'en 493 (nº 77 de mes Inscriptions chré ce mot a en même temps les deux sens..... »
208

LE CHATEAU D'ORLHONAC

(AVEYRON ).

D'après un acte conservé dans les archives de l'évêché de Possesseur du vieux château d'Orlhonac , il voulut le restaurer
Rodez , Raymond de Pierrefort , damoiseau , et Alasacie , sa et l'agrandir ; il s'en rapporta au goût d'un architecte toulou
femme, firent hommage à l'évêque de Rodez , pour le château sain , M. de Chastenet- d'Esterre. Notre planche , très exacte
d'Orlhonac. Nous ne connaissons pas de document plus ancien comme lignes , permet à nos lecteurs de se rendre compte du
sur cette résidence seigneuriale . parti que l'architecte a tiré du vieux donjon du xive siècle et
Elle passa bientôt de la maison de Pierrefort à celle de d'un reste de tour, pour donner à l'ensemble de la construc
Tourlong. Arnaud de Tourlong , premier consul de Villefran tion une fière tournure et une élégante harmonie .
che en 1480 , était seigneur d'Orlbonac . Jeanne , sa fille et Nous faisant une loi de ne pas exprimer d'appréciation des
héritière , apporta en dot cette seigneurie à Louis de Gozon , cuvres modernes , nous constaterons seulement que nous
qui en donna le nom å la branche dont il fut l'auteur. n'avons pas à déplorer ici les démolitions que se permettent
Cette maison de Gozon d'Orlhonac fondit dans celle de certains maçons , sous prétexte de restaurer un château .
Corneilhan , par le mariage, en 1585 , de Judith de Gozon avec X.
Georges de Corneilhan , fils de Magdalon de Corneilhan et de
Jeanne de Rodez-Montalegre . CHAPITEAUX ROMANS DU MUSÉE DE TOULOUSE .
La terre et le château d'Orlhonac n'ont pas cessé d'appar
tenir à la maison de Corneilhan , une des plus anciennes du Nous avions annoncé une série de planches représentant des
Rouergue , jusqu'au mariage d'une demoiselle de ce nom avec chapiteaux romans de notre Musée. Nous tenons parole en
Melchior de Saint-Rémy, il y a quelques années à peine. donnant deux de cesmonuments , et nous continuerons à en
M.de Saint-Rémy, qu'une mort prématurée a naguère enlevé publier de temps à autre ; nous ne croyons pas utile d'accom
aux siens, s'adonnait avec succès aux études archéologiques. pagner ces figures d'un texte .

BIBLIOGRAPHIE .

que quaternaire . Cependant les derniers terrains tertiaires

L'Homme fossile en Europe , par M. Le Hon (Bruxelles). renfermeraient des débris d'elephas meridionalis qui portent
des traces du passage de l'homme. Ici encore les géologues
L'année nouvelle a déjà donné deux ouvrages considérables anglais contestent l'explication donnée par M. Desnoyers aux
sur les questions antéhistoriques . L'un d'eux , publié à Bruxel stries de Saint- Prestch , et M. Lyell les attribue à un rongeur.
les, par un naturaliste distingué, mérite plus particulièrement Alors que l'ursus spelæus, le felis spelæa, le megaceros hiber
l'attention du monde savant par les vues nouvelles de l'auteur. nicus, etc., etc., peuplaient les nouvelles forêts, l'homme lais
Nous allons essayer d'énumérer rapidement les diverses sait sur les dépouilles de ces animaux les marques irrécusables
parties de ce résumé de la question si intéressante de l'homme de sa présence .
primitif. Un rapide aperçu de l'histoire de la terre depuis son Nous ne rappellerons pas ici les découvertes de MM . Bou
origine jusqu'à l'apparition de l'homme , permet à l'auteur de cher de Perthes , à Abbeville , Lartet , à Aurignac , véritables
signaler la découverte du corps organisé le plus ancien , points de départs de la question .
l'Eozoon canadense des roches de la série Laurentienne, fait Plus tard encore , une faune nouvelle succède à celle de
encore contesté et qui reculerait énormément l'époque du l'ours ; le renne apparait et caractérise à lui seul une longue
développement de la vie à la surface du globe . période. Ici les documents abondent, et l'art naissant du des
L'homme a été cependant le contemporain des grandsmam sin vient à son tour augmenter les découvertes de la paléon
mifères éteints qui caractérisent les commencements de l'épo tologie .
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D'ORLONHAC Typerphic Dusan.
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209

Nous assistons alors à la transformation de la faune anté ment opposées. Nous avions alors les hivers les plus longs et
rieure , arrivant pen à peu aux espèces actuelles. L'âge du nous subissions le maximun de refroidissement. »
renne semble même avoir été brusquement interrompu par L'observation directe confirme , du reste , admirablement
une catastrophe générale , etavoir été le terme le plus éloigné celle loi, et l'auteur rapporte une foule de fails qui tous mon
d'une grande période de froid . trent que la température s'est considérablement refroidie
L'âge de la pierre polie ouvre la période plus récente des depuis 1248.
åges préhistoriques. L'auteur décrit rapidement les Kjoekken D'un autre côté , cette inégalité de température se fait res
moeddings du Danemark et les habitations lacustres de la sentir principalement sur les deux masses glacées des pôles ,
Suisse ; il examine allentivement les objets recueillis dans ces et chacune de ces deux grandes périodes de chaud et de froid
slalions et en arrive à décrire les usages de ces antiques peu correspond à un développement plus considérable d'une
plades. De curieux rapprochements nous montrent des usages des deux masses glacées . Ainsi , alors que notre hémisphère
probablement semblables existant encore actuellement. élait soumis à une période de refroidissement considérable ,
L'âge du bronze vient bientôt déposséder à son tour les le pôle arctique étendait au loin sa masse glacée , tandis que
peuplades aux armes de pierre , et une civilisation nouvelle la calotte de glace du pôle antarctique étail , au contraire , sin
commence pour se continuer partiellement aux ages histori gulièrement diminuée. Les observations faites depuis l'époque
ques. L'âge du fer , enfin , se conford quelquefois avec l'âge du maximum de température , 1248 , confirment , du reste ,
antéhistorique du bronze , mais indique toujours une époque admirablement ce fait. Ainsi, au xuje siècle , l'Islande se nom
relativement récente. mait pays de neige ; elle était un foyer de civilisation des plus
Voilà, en peu de mols , la marche de l'auteur dans l'exposé prospères ; les scaldes y écrivirent le poème de l'Edda . Au
des fails ; qu'il nous soit permis une remarque sur celle pre jourd'hui qu'est devenue l’Islande, dont le nom ne signifie
mière partie, la plus considérable de l'ouvrage . plus pays de neige, mais pays de glace ?
Les stations belges ont, comme l'on peut le supposer, les Dans son premier voyage aux mers australes , le capitaine
honneurs de la descriplion ; les principales localités du Dane Cook contourna en vain l'infranchissable barrière de glaces
mark , de la Suisse , de l'Italie , sont également citées ; mais qui s'étendaient alors jusqu'au 60e degré de latitude méridio
nous avons inutilement cherché nos riches stations du Midi. nale et ne put trouver un passage . Les capitaines Roos et
M. Le Hon semble ignorer complètement que nos Pyrénées Dumont d'Urville, soixante ans plus tard , ne relrouvaient plus
recèlent à la fois l'âge de l'ours, du renue, de la pierre polie, qu'une faible barrière de ces glaces probablement follantes ,
du bronze ; cependant notre auteur est membre de la Société el parvenaient jusqu'aux terres Louis- Philippe , Victoria et
géologique de France , et il a sans doute vu quelquefois les Adélie , vers le 65e parallèle .
compte - rendus de l'Institut ; il devrait donc connaitre les Nous transcrivons les conclusions de l'auteur :
cavernes de Lherm , du Mas- d'Azil , de Bédeilhac, de Niaux , 1 ° Par suite de la précession des équinoxes , il y a inégalité
elc., etc. Aussi avons -nous cherché à nous expliquer ce fail entre les sommes des heures de jour et de nuit des deux
et réclamons- nous pour notre Midi une grande part dans les hémisphères ;
richesses quaternaires. 2. Cette inégalité prodnil une différence dans les tempéra
La seconde partie est intitulée : Du mouvement des mers à lures correspondantes, et c'est à cette différence que l'on doit
l'époque quaternaire . Nous trouvons dans celle seconde partie principalement allribuer celle des glaces des deux pôles ;
une explication fort ingénieuse de certains faits assez inexpli 3. L'inégalité qui existe entre les poids des deux masses
cables jusqu'à présent. L'ensemble des études quaternaires glacées déplace le centre de gravité ;
indique , de la manière la plus évidente , un échauffement gra 4. Du déplacement du centre de gravité résulte le déplace
duel de la température dans les derniers temps antéhistori ment des eaux ;
ques ; et il est d'observation historique que le relour périodi 5 ° Ce déplacement des eaux s'opère en dix mille cinq cents
que des saisons se modifie loujours. Il existe cependant une années environ ;
loi astronomique , celle de la précession des équinoxes , qui 6. L'accroissement des eaux dans les régions tempérées et
détermine, « dans le retour périodique de chaque saison , une glaciales augmente l'humidité du climat , lend à rapprocher les
avance dont la durée s'élève à cinquante et même soixante -une écarls de la tempéralure et à favoriser l'accumulation des
secondes , si l'on tient compte , en outre , de la déviation an neiges sur les sommets .
nuelle que l'altraction planétaire exerce sur l'axe de notre Si l'action combinée de ces deux causes astronomiques et
orbite . En divisant par ce nombre de secondes les 360 degrés météorologiques est admise , il deviendra bien difficile de leur
de la circonférence, on trouve qu'il doit s'écouler une période refuser une puissante intervention dans les phénomènes qua
de vingt-un mille ans entre l'époque actuelle et le moment où ternaires .
les mêmes saisons reviendront exactement aux mêmes points Ce déplacement des eaux n'a pu se produire que de deux fa
de la sphère céleste. » Les plus courls hivers et le maximum çons : ou les eaux passent insensiblement d'un hémisphère à
de chaleur dans nos contrées se sont présentés au milieu du l'autre , ou bien elles se meuvent violemment par suite d'une
XIIe siècle , en 1248. « Dix mille cinq cents ans avant 1248 , débâcle pôlaire, ou bien il n'y aurait quedesdébâcles partielles .
notre hémisphère se trouvait dans des conditions diamélrals Tout semble indiquer que les causes agissantes pendant
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les temps quaternaires ont été nombreuses, et il serait impru sol, qui tour à tour ont eu le prestige de la cause unique, et
dent de ne pas tenir compte des fails particuliersqui ont certai maintenant sont presque regardées comme n'ayant qu'une fai
nement modifié les grandes règles que nous venons de faire ble part dans les divers phénomènes géologiques.
connaître . En lisant cette dernière partie , on est réellement effrayé des
Comme corollaire, il faut nécessairementadmettre deux or chiffres que la théorie semble imposer à ces époques primitives,
dres de phénomènes aqueux : les fontes des glaciers et les ir et l'imagination se refuse à admettre une période si longue de
ruptions dela mer , par suite du changement du centre de gra misère et de dégradation chez l'homme. Comment s'expliquer
vité. En effet, l'étude des diluviens nous montre deux sortes de cette marche si rapide de la civilisation moderne , quand l'on
dépôls ; l'un , le diluvien rouge , porte l'empreinte d'eaux tu songe aux milliers d'années que le calcul entasse sur l'âge de
multueuses passant sur les plateauxſet ravinant les dépôts sous l'homme ? Mais aussi, quelle conclusion amène cet effort de la
jacents . Le diluvien gris, au contraire , est le résultat de phé curiosité humaine , la négation de son espèce ! En effet, nous
nomènes bien moins considérables ; il serait le résultat de la trouvons en appendice , nous allions dire en corollaire , un
fonte des glaciers, et le diluvien rouge proviendrait des irrup exposé du système de Darwin !
tions de la mer . Voilà le livre de M. Le Hon ; incomplet sur certains points,
Enfin , l'auteur examine les diverses théories données avant plein d'intérêt dans l'explication même des faits connus que
lui sur la période glaciaire , et combat particulièrement celle de renferment la seconde partie.
M. Babinet. Son dernier chapitre s'occupe des oscillations du E. T.

CHRONIQUE .

Congrès scientifique , session de 1866 à Aix . - On doit, à Dans la matinée du jeudi 13, les membres du Congrès ,
MM . de Ribbe el de Berluc-Pérussis , d'Aix ; à M. Second réunis dans le local de la Faculté de Droit, se sont rendus en
Cresp , de Marseille , Al, Leyssein , de Nice, l'organisation de corps, à huit heures et demie, dans l'église métropolitaine de
la XXXIII° session du Congrès scientifique de France . Le Saint-Sauveur , où des places d'honneur leur avaient été
12 décembre , à quatre heures , la grande salle de l'hôtel-de réservées devant la balustrade du maître-autel. Les autorités
ville d'Aix (ancienne salle des États de Provence) était com Aixoises faisaient partie de l'assistance, et la population en
plètement remplie par la brillante assemblée des adhérents au masse remplissait les nefs de l'église .
Congrés. Au moment de l'Évangile, Mgr l'Archevêque, debout sur les
A l'ouverture de la séance , un discours a été prononcé par premières marches de l'autel, a pris la parole , pour annoncer
un des secrétaires généraux , M. Ch. de Ribbe, qui a tant fait qu'il allait bénir les membres du Congrès . Pose noblement
pour l'organisation de celle réunion , appelée à marquer dans pieuse , relevant encore l'imposante richesse du coslume épis
les annales de la Provence , el joint ainsi un nouveau litre å copal , accent pénétré , geste sobre , mais toujours en parfait
ceux qu'il avait déjà , par ses travaux scientifiques et littérai rapport avec la profondeur, la justesse de la pensée autant
res , à ceux qu'intéresse l'état moral et intellectuel des con qu'avec la grâce sévère du style, tout concourail à donner aux
trées méridionales . paroles de l'éminent prélat un charme majestueux , qui a mai
On a procédé ensuite à la constitution du bureau général, et trisé la respectueuse attention de son auditoire d'élite.
c'est par acclamation qu'ont été nommés président général du Après celte cérémonie , le Congrès est entré en séance, et
Congrès, sur le refus du fondateur , M. de Caumont, M.Egger , les sections ont composé leurs bureaux de la manière sui
membre de l'Institut ; vice-présidents généraux, MM . de Les vante :
seps ; David , ancien ministre plénipotentiaire ; Montreuil, juge Are Section Sciences) : MM . Matheron , Manlius Planchon ,
de paix à Marseille, correspondant de l'Institut, el de Séranon , de Villeneuve , Doumet.
président de l'Académie d'Aix . 2. Section (Agriculture) : MM . de Larcy , de Gaillard , Rouge
Installé au fauteuil de la présidence , M. Egger a gracieu mont, Agard, Pellicot.
sement el cordialement remercié ses collègues de l'honneur 3e Section (Médecine) : MM . Fonsagrives, Payan, Ville
qu'ils voulaient bien lui faire, et pour témoigner sa reconnais neuve, Ancelon .
sance , il a improvisé un de ces spirituels discours dont ses 4 Section (Archéologie) : MM . Roslan , Bonafoux , Joure , de
auditeurs du collége de France ne seront plus les seuls à Bonnefoy, Ratheau.
revendiquer le privilége. 5e Section (Littérature , Beaux- Arts, etc.) : MM . Cabantous ,
Toutes les autorités de la ville d'Aix assistaient à cette pre Lafaye, Raudot, ancien député ; Thouron , président de l'Aca
mière séance . démie du Var; Caro , Léopold Ménard , E. Parrocel.
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Dans la section d'archéologie : M. l'abbé Pougnet ; M. Tem séance générale s'est ouverte sous la présidence de M. de
plier , M. Roslan , M. de Goryes, l'ami deM. le duc de Luynes ; Lesseps, qui a été attentivement écouté et vivement applaudi.
M. le maire de Saint-Rémy ; M. l'abbé Jouve (de la Drôme) , L'illustre promoleur du canal de Suez a invilé l'assistance
ont lu de bons Mémoires ; malheureusement, dans des réu à venir l'entendre encore une fois dans la soirée , au théâtre,
nions aussi nombreuses , on ne connait pas les noms de ceux où l'allendait un banquet offert par le Congrès ; il a promis
qui parlent, et il serait difficile de les indiquer ; quarante d'exposer , dans le second et dernier entretien , l'histoire des
deux Mémoires manuscrits ont été communiqués à celte sec travaux dont l'isthme a élé l'objet depuis Abraham jusqu'à
tion (Histoire et Archéologie ). Napoléon Jer.
M. de Payan du Moulin , l'un des secrétaires de la section Réception des membres de la XXXIIIe session du Congrès
a donné divers documents sur les monuments celtiques du scientifique de France à Marseille , le 23 décembre 1866 .
Bourbonnais et du Velay . Le 23 décembre, les membres du Congrès scientifique ont
M. Vallier a parlé d'un dolmen existant près de Bourg visité Marseille , conformément au programme. L'épisode le
Saint-Andéol, et d'un monument plus curieux et du même plus saillant de cette journée a été la séance préparée par les
genre qui se trouve aux environs de Saint- Vallier (Drôme) . Il soins de MM . Second-Cresp, secrétaire -général, le docteur
a ensuite décrit un autre monument celtique à la Molle -du Sicard et autres membres du Congrès et tenue dans la grande
Caire , près de Sisteron . salle du Musée , où l'on a entendu : 1° un discours de M. le
M. Egger a traduit une inscription grecque, découverte à Maire ; 2o un exposé de M. Mortreuil sur le mouvement intel
Marseille, conservée dans les papiers de l'illustre Peyresc, et a lectuel à Marseille depuis le Congrés de 1846 .
présenté , à ce sujet , une dissertation aussi curieuse qu'inté M. de Caumont, qui avait présidé le Congrès scientifique de
ressante sur les moeurs de l'antiquité gréco - phocéenne. France à Marseille en 1846 , s'était chargé de répondre au dis
On a mis sous les yeux de la section d'archéologie une cours de M. le Maire et au rapport de M. Mortreuil.
grande quantité de bracelets gaulois en bronze , des haches Deuxième partie du Congrès scientifique de France, à Nice.
en silex et en bronze , découverts par M. le docteur Olivier , - Le 27 décembre, l'ouverture de la seconde partie de la
avec des ossements, dans les environs de Barcelonnette . session a eu lieu à Nice . M. Leissein , secrétaire général , a
M. Ratheau a lu un travail sur les monuments celtiques et prononcé un remarquable discours après lequel on a ouvert le
sur leur destination . Plusieurs autres membres ont été enten scrutin pour la nomination du bureau général, qui a été com
dus sur diverses questions d'archéologie. M. de Caumont a posé ainsi qu'il suit :
demandé qu'on dressât un plan des antiquités romaines d'Aix. Président, M. le comte de Montalivel, ancien ministre ,
M. de Payan du Moulin a signalé un curieux plan manuscrit membre de l'Institut (Académie des Beaux-Arts) .
possédé par M. Constant André , et donné quelques détails sur Vice-présidents : MM . le comte de Lesseps, du Chatellier ,
des antiquités premières qui existaient à Aix. de l'Institut; Coulmann , banquier , ancien maître des requêtes
La section a demandé que les colonnes romaines déposées au Conseil d'Etat ; Delestrac, ingénieur en chef des ponts -et
dans l'une des cours du Collége fussent placées dans un des chaussées.
musées de la ville . M. de Caumont, directeur de l'Institut des provinces, a été
Dans une des séances générales , on a successivement en proclamé président honoraire et directeur du Congrès.
tendu des lectures de M. Parrocel, sur les beaux-arts en Pro M. le capitaine Salse , qui élait à Caen il y a quelques
vence , et de M. le docteur Fonsagrives , sur l'hygiène ; de années, a été nommé vice-président de la section d'agriculture.
M. Donay , sur l'ostréiculture . M. L. Gaugain était un des vice -présidents de la section des
M. Egger, président général, a donné des conseils sur la beaux -arts, littérature, établissements philanthropiques .
méthode et la prudence qu'il faut employer dans les recher Les sections d'histoire naturelle , d'agriculture et d'archéo
ches archéologiques et les interprétations d'étymologies. logie ont entendu des Mémoires excellents. La section de
On a remarqué , dans la section d'archéologie, la présenta médecine était présidée par le docteur Cabrol, médecin en
tion d'un plan en relief faite par M. Augier : ce plan figurait chef des Hospices ; celle d'archéologie , par M. Carlone.
des ruines trouvées en Camargue, par suite des travaux de Le 29 , le Congrès est allé à Monaco faire une promenade ;
l'embranchement du chemin de fer sur Saint-Gilles et Lunel . un bateau à vapeur avait été mis gratuitement à sa disposi
M. Penon a lu un Mémoire descriptif de ces travaux . tion . Le prince a reçu les présidents , l'état de sa santé et une
A la section des lettres, on a entendu etapplaudi des lectu cécite presque complète ne lui ayant pas permis de recevoir le
res de poésies provençales, de M.. Bernard (d'Apt), et une Congrès entier , auquel, du reste , le gouvernement a fait le
Vie de Notre-Seigneur Jésus-Christ en provençal, par M. Alé plus brillant accueil. M. du Chatellier et M. de Berluc ont
gre ; puis, M. Oppert de Blowitz a improvisé le résumé d'un complimenté le prince.
grand travail composé par lui, sur les rapports littéraires , Le 30 , les sections ont continué leurs travaux , et, à une
politiques et autres qui existaient, au moyen -âge , entre heure , a eu lieu la séance publique pour la distribution des
l'euvre des troubadours dans le Midi, et celle des mismesin récompenses aux lauréats de l'exposition horticole .
gers en Allemagne . Congrès archéologique de France (2° partie), à Aix et à Nice.
Le 17 , dans la grande salle de la Faculté des Lettres, la - La deuxième partie du Congrès archéologique s'est tenue,
212

pendant la session du Congrès scientifique , à Aix et à Nice ; Les monuments de Saint- Pons ont été visités par une
les séances ont été présidées par M. de Caumont, directeur , et Commission composée de MM . de Caumont, de Laurière,
par M. de Berluc -Pérussis , inspecteur divisionnaire de la d'Angoulême, Vallier etGangain .
Société française. M. le conseiller de Payan du Moulin a tenu Le Congrès archéologique tout entier a fait à Monaco une
la plume à Aix comme secrétaire général. M.Brun , architecte, excursion sous la présidence de M. de Pérussis, assisté de

;
a rempli la même fonction à Nice . Les séances ont été bien MM . de Glanville , de Rouen , de Laurière et Gâugain ; il a vu
remplies dans l'une et l'autre de ces deux villes , et des com les richesses artistiques et archéologiques du château .
munications du plus haut intérêl ont été faites par MM . de Enfin M. de Caumont a visité, après le Congrès , le monu
Payan, l'abbé Pougnet, l'abbé Tisserand, Carlone , Geny, Gué ment de la Turbie .
rin , de Vence, Wagner , le commandant Ratheau et beaucoup La Société française d'archéologie a décerné trois médailles
d'autres. dans la seconde partie de son Congrés , tenue à Aix el à Nice ,
A Nice , M. de Caumont , dans la séance d'ouverture , a savoir :
esquissé oralement l'Histoire des études archéologiques en La premièremédaille à M. le comte de Chabrol, pour l'église
France ; il a divisé cette histoire en trois périodes, savoir : la qu'il a fait construire dans la commune du Molay (Calvados) ;
période monastique , qui s'étend depuis le xiie siècle jusqu'au La deuxième, à M. l'abbé Pougnet, architecte, à Marseille,
Xviº ; la période académique , qui comprend les xviie et pour la grande église ogivale (style du xitie siecle ) dont il a
XVIII° siècles ; enfin la période actuelle , qui comprend le dirigé la construction dans celte ville, et pour ses nombreuses
XIXe siècle. explorations dans le midi de la France ;
Le Congrès archéologique a visité les ruines romaines de La troisième, à M. Ch . Nègre, pour ses découvertes hélio
Cimiez et les médailles de M. Guilloteau , qui ont été particu graphiques et l'application de son procédé à la reproduction
lièrement examinées par M. Vallier , de Grenoble . des grands monuments .

CHRONIQUE ARTISTIQUE.

AU DIRECTEUR... Les manifestations de l'esprit moderne dans le domaine des


arls , par exemple, n'ont pas, je l'avoue , mes sympathies. Il
Je vis loin du monde etdes relations banales ; je cultive mon me semble que sur ce terrain prédestiné, la vulgarité et la
jardin et je cache ma vie . Vous venez, au sein de ma retraite , vulgarisation nous envahissent. Les hommes dégénérés de
me convier aux périlleuses et bruyantes aventures des chroni notre siècle ont peine à comprendre l'ardeur de ces individua
queurs, au moment où les chroniqueurs ont pris le haut du lités hautaines, qui ont jeté un si lumineux éclat sur les ages
pavé dans la presse contemporaine. Vous memettez dans un évanouis. Avec la disparition du beau et de l'héroïque, nous
cruel embarras, car je n'ai ni l'activité, ni l'acuité nécessaires nous acheminons vers une triste égalité , où il n'y aura plusni
à ces trappeurs de nouvelles, qui doivent être , pour ainsi dire , poèles, ni artistes, et où l'humanilé repue, vivra , sans inquié
tirées au vol, comme un gibier de passage . tudes et sans rêves, dans les satisfactions utilitaires du labeur
Je pense que le terrain brûlant de Paris est seul favorable accompli .
aux allègres évolutions de la chronique , et que la province Un avenir aride , morne , désenchanté, d'une prospérité
n'offre qu'un tremplin insuffisant à cette gymnastique agile. matérielle, écrasante et spleenétique s'ouvre devant nous avec
Vous n'ignorez pas, en outre, combien il est délicat, scabreux les fièvres d'une industrie à outrance . Les âmes aptères se
même, de parler de Toulouse , – la ville aux béates léthargies , courbent déjà vers les satisfactions brutales de la terre , au
dont Jules César el François Rabelais ont parlé avec irrévé lieu de s'élever vers le ciel de l'idéal, et nous assisterons pro
rence , à des Toulousains assez généralement imbus de vanités bablement bientôt aux apothéoses de la médiocrilé el de
puériles et de susceptibilités pointilleuses. l'infatualion triomphantes ...
J'essaierai néanmoins , pour répondre à votre courtoise invi Je vous raconterai prochainement mes visites dans quelques
tation , d'aborder ce sujet , et je le ferai avec autant de pru aleliers de Toulouse , et vous dirai mes impressions sur les
dence que d'impartialité. Je le traiterai peut-être quelquefois artistes .

en pessimiste, jamais en misanthrope . Je vous parlerai successivement des peintres Garipuy et


Je commence par vous rappeler que Toulouse passe , à tort Dominique Baron , des sculpteurs Maurette et Ponsin , des pein
ou à raison , pour une ville rebelle à l'essor moderne, dont il tres- verriers Rigaud et Châlons , etc., etc.
est permis d'admirer certaines manifestations sans en approu Agréez, etc.
ver toutes les conséquences. LE DU V.
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LE TUMULUS DE FRÉGOUVILLE.

(Voir la livraison de mars , page 55.)

LETTRE AU DIRECTEUR . l'indulgence de vos abonnés. Ils ne voudront pas se montrer


plus sévères à mon égard que le membre très actif d'associa
tions quimarchent en tête de la science dans notre pays .
MONSIEUR , Un résumé succinct des faits consignés par M. Lacaze
père étant indispensable à l'exposition de mes théories per
Vous avez bien voulu demander à la famille Lacaze , et en sonnelles , je n'hésite pas à placer ici ce résumé en guise de
obtenir pour moi , communication des documents relatifs au préambule,dussé-je encourir de certains le reproche de m'être
tumulus de Frégouville, délaissés par feu M Lacaze père ; c'est fourvoyé dans des répétitions oiseuses .
une double dette de reconnaissance à payer , et je m'empresse Le tumulus de Frégouville (département du Gers) offrait ,
de commencer par là . Malheureusement, Monsieur , vous ne il y a vingt-deux ans, l'aspect d'une molte de terre conique ,
me tenez pas quille avec un remerciement banal; vous exigez haute de 20 mètres; son périmètre atteignait 400 mètres ; un
de mon modeste savoir une appréciation sérieuse du Mémoire fossé large de 8 mètres l'entourait. Des fouilles y furent prati
et des dessins qui m'ont été soumis : c'est beaucoup trop, en quées sans résultat à l'époque de la Révolution ; on les recom
vérité . Si le tumulus existait encore , si j'avais pu étudier de mença en 1845 , dans le but d'extraire des matériaux pour la
visu le résultat des fouilles , je n'en serais pas moins très reconstruction du presbytère de la commune ; un savant
gêné , car la question est des plus complexes . Jugez de mon archéologue , M. Lacaze père , dirigeait cette nouvelle explora
embarras en face d'une découverte qui remonte à 1845 , et tion . On trouva d'abord un massif quadrangulaire surmonté
dont il ne reste de traces que dans un travail fort savant, j'en d'une bâtisse octogone. Des briques fort épaisses , liées entre
conviens, pour l'époque où il a été écrit , mais dont les elles par un ciment de chaux et de sable, en formaient le revê
annexes graphiques, si consciencieuses qu'elles soient, ne cor tement ; une vingtaine d'assises subsistaient encore ; le sou
respondent pas toujours exactement avec les renvois du texte. bassement carré s'enfonçait en terre d'environ 2 mètres. La
Je m'élais cependant engagé vis- à- vis de vous, et il a bien continuation des travaux mit au jour une enceinte rectangu
fallu m'exécuter; je ne recule jamais devant l'accomplissement laire flanquée aux angles nord -ouest et sud -ouest par des tou
d'une promesse . Dès juillet dernier , j'étais en mesure de vous relles carrées; la première qui fut découverte regardait le
satisfaire : il ne memanquait plus alors que les observations nord - est. A l'est de la lourelle ci-dessus, apparut bientôt un
critiques de quelques étruscologues allemands dont j'espérais mur curviligne en pierres , garni de pilastres à l'extérieur et
la rencontre au Congrès d'Anvers. Le ſusil à aiguille ayant prolongeant ses branches droit à travers l'enceinte dont il
mis obstacle à notre réunion , ma copie est restée en porte coupait sur deux points la courline est. Le déblai des cons
feuille , attendant des jours meilleurs. Depuis , je l'ai commu tructions en briques prouva qu'elles entraient peu dans le sol ;
niquée à deux personnes : la première a haussé les épaules, le mur de pierres , au contraire , y pénétrait profondément ;
et je partageais trop sa manière de voir pour m'en formaliser on en dégagea la face externe. Sapé à la base , le tumulus, au
le moins du monde ; å ma grande stupéfaction, l'avis de la niveau du sol naturel, montra des débris d'ossements humains;
seconde a été tout différent . Volre numéro de mars 1866 était puis, sur un développement de 10 mètres , une série d'inhu
lombé entre les mains de ce dernier savant ; le tumulus de mations régulières , les corps placés à 1 mètre de distance ;
Frégouville lui avait paru , à d'autres aussi, hélas ! une étrange enfin , de grandes fosses remplies de cendres et d'ossements
mystification ; l'examen des dessins originaux de M. Lacaze d'animaux , plus quelques crochels de fer en forme d'S . Des lils
fils l'a pleinement rassuré. L'imagination d'un Gustave Flau alternatifs de terre et de cendres mêlées de gros charbons
bert pourrait seule invenler des choses semblables. Donc , contenaient des vases funéraires en poterie noirâtre, des frag
après lecture faite de mon cuvre, copie m'en a été demandée , ments de lances, de javelols et de dards d'épieu en fer rouillé,
tant pour les Antiquaires de France que pour la Commission des bois de cerf, des os d'animaux domestiques, des grains de
de la carte des Gaules . Je n'ai point acquiescé à ce désir, la collier striés, des disques en terre percés à la main , de gros
primeur d'un travail que vous aviez provoqué revenant de sières fibules rondes en corne , des pesons, des poids en grès
droit à la Revue archéologique du Midi; mais, apaisé à mon gris , des clefs, des monnaies du haut et du bas-empire , des
tour sur la valeur de mes hypothèses , je romps un silence vases en argile rougeâtre offrant la trace de divers liquides. On
prudent et vous les livre aujourd'hui en me recommandant à constata , au -dessus des lombes et des fosses qui les séparaient,
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l'existence de trois de ces lits de cendres , épais de 1 mètre sur le reste du monument. La tourelle rondemesurait 2 mètres
80 centimètres, alternantavec des couches de terre variant de 70 centimètres de diamètre ; remplie par un blocage, je
2 à 3 décimètres . L'espace demeuré vide entre le mur est, en la prends pour un éperon destiné à protéger l'angle saillant
briques , et la portion courbe du mur de pierres, était comblé des murs. La tourelle carrée avail 3 mètres 10 centimèt . de
avec des tuiles brisées, des pierrailles, des fragments de face , et l’octogone qui la surmontait , 1 mètre 22 centimét.
poterie et de mortier . L'opération du déblaiement rendit à la Cet octogone devait être une guérile. Sur la courtine est, près
lomière des peintures exécutées sur la paroi interne du mur de la tourelle carrée , on mit à découvert les voussoirs d'une
de pierres. La majorité s'en alla sous la pioche d'ouvriers inex baie en plein -cintre. M. Lacaze pense que la bâtisse en bri
périmentés ; M. Lacaze , aidé par son fils , dessinateur cons ques élait un fortin , ou poste militaire , élevé entre les ire et
ciencieux , vint à bout de relever ce qui ne fut pas réduit en Xe siècles pour la défense du pays ; on l'aurait édifié sur une
poudre . La pluie , la neige, un froid rigoureux ne purent arrê molte préexistante . Quoique vraisemblable , un tel sentiment
ler nos explorateurs , et comme les enduits se détachaient au ne peut être accepté qu'après inspection faite des lieux circon
moindre contact , il fallut copier les compositions par frag voisins par les savants indigènes .
ments de 5 à 6 décimètres carrés. Un graltage dévoila bien En dehors de la courtine est , saillait le mur curviligne en
tôt une seconde peinture plus ancienne cachée sous la pre moellons; on y reconnut l'abside d'une sorte de chapelle cou
mière . En se basant sur le nombre des tombes découvertes au pée par celle même courtine. L'abside, de 3 mètres 2 déci
pied du tumulus et sur l'espace qu'elles occupaient, on calcula mètres de rayon , se prolongeait sous le fortin dans la direction
que le périmètre devail en comprendre cent cinquante . du nord -est au sud-ouest, en déterminant un parallélogramme
Deux tombes placées bout à bout élaient adossées aux long de 5 mètres 30 centimètres, et large de 6 mètres 4 déci
faces nord -est et sud -est du mur de pierres dont elles suivaient mètres. L'édicule , on ne peut l'appeler autrement, d'une lon
le contour. Ces fosses creusées dans le sol, revêlues intérieu gueur totale de 8 mètres 50 centimètres, s'ouvrait au sud
rement de moellons liés par un mortier de chaux et de sable , ouest. L'extrémité du mur latéral nord -ouest étail arrondie ,
comportaient à 45 centimètres un retrait de 1 centimélre des et, au bas de la courbe, M. Lacaze constata l'existence des
liné à encastrer la dalle de recouvrement. Nulle trace de vête premières marches d'un escalier tournant. Les murailles ,
ments ou d'armures. Au squelette du nord -est manquaient épaisses de 8 décimètres , avaient un double revêtement en
l'avant -bras et la main droite ; une phalange de la gauche avait appareil régulier de moyennes dimensions ; l'intérieur était
été jadis fracturée : c'était un guerrier sans doute . Le sque rempli de pierres brules noyées dans le mortier : c'est
lelle du sud-est était intact , un plein de 40 centimètres sépa l'ET: Extòy grec. Les angles saillants étaient construits en
rait sa tête des pieds du précédent. Il avait lui-même aux matériaux beaucoup plus grands que l'appareil du reste. Cinq
pieds un vase en terre rouge , arrondi, à bec évasé , muni d'une pilastres ou contreforts extérieurs , antre , saillant de 8 centim .,
anse et semblable à un pot à crême. On reconnut un vieillard maintenaient l'abside ; sur l'un d'eux était gravé en creux un
dans le dernier squelette . Tous deux étaient couchés sur le cercle , soleil ou étoile , de 9 centimètres de diamètre , coupé
dos , les avant -bras passés sous les hanches ; en réalité, les par huit rais alternant avec des triangles. Dans l'axe de l'édi
mains appliquées contre la partie où le dos change de nom . fice, à 6 mètres à partir de l'abside, surgissait un pilier cylin
Des considérations physiologiques portèrent M. Lacaze à drique de 2 mètres de diamètre , d'une construction identique
admellre que le guerrier , ågé de trente à trente-cinq ans , à celle des murs ; il supportait peut-être un plafond écroulé.
était un Romain ; le vieillard , au contraire, appartenait à une Des peintures qui ornaient les parois intérieures de
race mêlée , à la race aquitaine peut- être ; je n'insiste pas. l'abside, on ne put sauver momentanément que la portion
L'ensemble des faits établi , procédons à leur discussion . nord . Elles étaient exécutées sur un enduit très fin , fabriqué
Avant d'avoir lu le manuscrit de M. Lacaze et à la simple vue avec de la poussière de marbre et de craie , pictura udo tectorio.
de son atlas , j'avais de prime-abord posé des conclusions Le fond , généralement blanc , offrait néanmoins quelques com
générales très voisines des idées qu'il a émises ; une étude partiments noirs ; les autres tons étaient les ocres jaune et
approfondie de son Mémoire ne m'a pas fait changer d'avis , et rouge. On y distinguait un mouton, un porc -épic et des
nous ne diſférons guère que par les détails. Avons -nous l'un chiens chassant un chevreuil, le tout encadré de draperies en
ou l'autre touché à la vérité ? Je n'oserais le prétendre , et je festons écaillés. Le motif caractéristique consistait en une
ne considère mon propre travail que comme un deuxième série de cinq boucliers , qualre ronds , un ovale brochant au
jalon planté sur une voie nouvelle. Je désire qu'il puisse y gui centre , esquissés en noir sur champ blanc au bas du tableau ,
der les érudits plus spéciaux que moi en matière d'archéolo à gauche du specialeur. Ces boucliers , bordés d'oves , de
gie nationale. feuilles d'acanthe , de stries et de demi-cercles , compris
D'après les plans et vues perspectives, la construction entre deux filets de perles , avaient pour symboles : n° 1 ,
supérieure formait un rectangle de 7 mètres de colé au nord une croix ancrée ; nº 2 , un objet allongé , muni d'une poi
et au sud , de 9 mètres 50 centimètres à l'est et à l'ouest. gnée au centre , analogue à une foudre sans étincelles , et
Vers les directions sud -est et sud -ouest, une tourelle ronde et que je soupçonne fort ètre la mappa jetée dans l'arène par les
une carrée paraissent seules avoir été dégagées . Le mur est et consuls guand ils donnaient le signal des jeux ; nos 3 et 4 , un
la tourelle carrée sont en briques ; le dessin figure des pierres aigle ; nº 5 , un griffon ailé . Travail et ornementation étaient
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incontestablement romains , et la croix assigne à l'auvre une adhérait , soit un morceau de draperie, soit une crinière ;
date postérieure au triomphe du christianisme. En effet, les impossible de s'en rendre compte .
médailles les plus récentes trourées dans les fouilles appar Les nouvelles peintures élaient d'un style primitif et d'une
tiennent à Constantin jeune et à Constant. Les autres sontde exécution élémentaire ; elles accusaient un arl antique fort
Marc-Aurèle, Gallien , Valérien jeune , Flavius Constantin ; en distinct de l'art des Grecs et des Romains. M. Lacaze a voulu
outre , une tête de femme el un bronze fruste moulé. C'est y reconnaître l'œuvre d'Etrusques ramenés par les Gaulois
donc à l'époque où Constant était maître de l'Aquitaine, 340 à lors de l'expédition de Bellovèze (550 avant Jésus- Christ) ;
350 , qu'il faut faire remonter l'exécution de la fresque ci l'opinion n'est pas soutenable . D'abord , parce que tous les
dessus. envahisseurs mentionnés par Tite - Live sont Celtes et non
La peinture cachée sous la précédente en différait complè Aquitains , ensuite parce que la palette des Etruques pos
lement. Un enduit de chaux et de sable fluviatile, appliqué sur sédait une gamme de tons plus riche el plus éclatante. Je
le mur , avait reçu une teinte plate d'ocre jaune où se trou repousse également l'idée d'un hypogée à la manière étrus
vaient dessinés au trait noir divers personnages à carnations que , el je chercherai à prouver ailleurs que l'enfouissement de
d'ocre rouge avec quelques accessoires colorés en gris. Des l'édifice est postérieur à sa construction . Mais l'intervention
cinq figures ainsi découvertes, trois en haut, deux au -dessous, des Phéniciens , aussi mise en avant par M. Lacaze , concorde
aucune n'était intacte . La figure supérieure de gauche n'avait Trop avec mon sentiment personnel pour que je ne m'y arrête
conservé que le bas du corps ; il manquait à celle de droite la pas volontiers ; je vais donc tâcher de développer ici une hypo
tête et les mains ; de la centrale on ne voyait plus que les jam- 4 thèse dont le docle explorateur du tumulus de Frégouville n'a
bes et les pieds nus , accostés de deux têtes casquées, seul pu, faute de livres sans doute , embrasser toutes les consé
reste des personnages inférieurs. L'individu de gauche était quences.
vêtu d'une robe talaire à plis rudenlés, bordée d'un galon gris Si l'on compare les coiffures militaires daces ou sarmales
semé de perles et roulée en spirale autour de son corps ; un de la colonne Trajane aux casques assyriens, on est frappé de
rudiment de draperie indiquait le mouvement du bras porté leur analogie et l'on peut en déduire que chez les divers peu
en avant; des brodequins roussâtres chaussaient ses pieds. ples de l'Asie occidentale existait une similitude de costumes,
Un peu moins mutilé, le personnage de droile regardait son comme l'élude des monuments écrits et figurés constale entre
vis -à - vis ; il était habillé comme lui de la robe talaire rudentée ces mêmes peuples une similitude de religions issues d'un
aux spirales très prononcées ; il avait de larges manches et pas sabéisme primordial. Or, en plaçant les casques de Frégou
de draperie ; même limbe gris et mêmes chaussures . Tous ville à côté des tiares royales de Ninive , on y remarque une
deux se montraient de profil. Des fragments de cadre , double identité de formes ; l'ornementation seule différe. D'autre
filet et torsade à gauche , rectangles et cercles à droite , dénon part , les premiers ressemblent aussi beaucoup aux casques
çaient l'intention évidente de ménager à chacun une place daces; ils s'en distinguent par le manque absolu de couvre
isolée dans le tableau . Au centre , sur un fond où quelques
nuque , complément dont les coiffures assyriennes sont égale
lignes indiquaient une draperie , el à un niveau tant soit peu ment privées. L'examen de la robe des personnages encadrés
exhaussé , les membres inférieurs nus de la troisième figure. révèle les mêmes affinités . La rudenlure des plis est un des
Un anneau jaune , entourant la jambe droile au -dessus de la caractères principaux de la statuaire assyrienne, pour qui, en
cheville , en était l'unique caractère significatif. Juste à la outre , les vêtements roulés en spirale sont une marque de
hauteur de ces membres , apparaissaient deux lêles de profil , casle sacerdotale . Sur un bas-relief de Nimroud représentant
affrontées , coiffées de casques coniques d'une forme insolite . deux rois en train d'offrir leurs hommages à Baal , on voit à
Ces casques, au sommet tronqué, à l'impériale gondolée, déri droite un prêtre tellement semblable d'attilude et de vêtement
vaient d'un mêmetype , sans être néanmoins identiques. Leur à la figure tracée du même côté dans le tableau de Frégouville ,
coloration grise prouvait qu'ils étaient en fer ; leurs accessoires que l'on pourrait, au besoin , se servir du premier pour resti
jaunes indiquaient une agrémentation métallique, or ou laiton . tuer la dernière.
De fortes jugulaires articulées se rejoignaient sous le menton ; L'architecture grecque n'a produit que des constructions
absence totale de couvre- nuque. Les bandeaux de fer qui con rectangulaires, polygonales ou rondes, et l'abside s'introduisit
solidaient le casque de gauche en haul et en bas étaient garnis assez lard à Rome. Le tombeau étrusque de Cære affecle bien
de clous ; des plaques d'or, bizarrement découpées , les unes la disposition absidale , mais en polygone et non en demi
circulaires, les aulres oblongues , le couvraient presque inté cercle . La Gigantėja de l'ile de Gozzo , près Malte , réu
gralement; un appendice jaune , analogue à une crinière lom nion de monuments qui accosent la plus haute antiquité , se
bante , descendait du sommel occipital et allait se perdre dans termine en absides circulaires , el ces édifices sont altribués
la bordure en torsade. Plus élevé de forme, le casque de aux Phéniciens ( 1). Or, de tous les peuples asiatiques , un
droite n'ofrait de clous que sur son bandeau inférieur ; une
lame d'or, courbée en ancre, partait du derrière , suivant de (1) M Guillaume-Rey signale,dans les ruines de Baétocécé (Hosn - Suleiman ,
haul en bas une direction oblique , et déterminait par devant Syrie septentrionale ) , un groupe d'édifices antiques nommé El- Déir . Deux
constructions s'y terminent en abside , et le plan de l'une d'elles est conforme
une sorte de corne. Sur l'occiput, une gaine d'or d'où sortait à celui du sacellum de Frégouville . (Arch. des missions scient., t. III, liv. 3 ,
une aigrelle aussi d'or , inclinée en arrière ; à celle aigrette 1867.)
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seul, rapproché des Assyriens par sa position géographique, avant Jésus-Christ. Qu'était celle peuplade ? Polybe nous
sa religion , ses meurs et son costume , les Phéniciens , a su apprend que les Gésates, l'arátat, habitaient entre le Rhône et
pénétrer jusques dans l'extrême occident de l'Europe . Les les Alpes. Ils tiraient leur nom de l'habitude de vendre leurs
Etrusques, aussi venus de l'Asie, ne dépassèrent guère l'Italie . services militaires à prix d'argent. Alliés aux Boies et aux
Je pense , sauf meilleur avis , que le soi- disant hypogée de Insubres, ils envahirent l'Italie (231) , et, sous la conduite de
Frégouville était une chapelle , un petit temple , sacellum , leurs rois Concolitanus et Anéroestus (un nom oriental, Aben
dédié à quelque divinité phénicienne, dont l'image peinte sur Roschd ?), ils furent exterminés par les Romains à la bataille
le mur , entre deux prêtres , avait à ses pieds deux chefs mili de Télamon (225 ). Déjà , au sentimentde Strabon , les Gésales
taires . avaient accompagné les Boies au camp de Brennus devant Rome
Frégouville, Villa fracta selon M. Lacaze , Frigida villa ( 392) . Orose dit : « Gessatorum nomen non est gentis sed
selon moi, l'étymologie n'y fait rien , est un village du dépar mercenariorum Gallorum est. » Le texte de Polybe présente
tement du Gers , arrondissement de Lombez , canlon de l’lle une légère nuance : άτας προσαγορευομένους δε διά το μισθού
en - Jourdain . Sa situation, entre les vallées de la Gimone et de στρατεύειν " αισάτους. ή γάρ λέξις αύτη τούτο σημαίνει κυρίως. Μot a mot :
la Save, affluents de la Garonne, rive droite, près des sources « Gaulois appelés Gésales , parce qu'ils servaient moyennant
de deux petits cours d'eau qui se jellent dans les rivières ci une solde; en effet, ce terme le signifie proprement. » Il res
dessus , sur un plateau peu élevé au sud -ouest de la grand' sort clairement de la citation de Polybe, que de son temps, on
route d'Auch à Toulouse, le place dans les limites de l’Aqui appelait Gésates les mercenaires gaulois. Mais Polybe était- il
taine de César. Strabon avance que les Aquitains diſféraient assez versé dans les idiomes gaulois pour y débrouiller une
beaucoup des Celles, tant par le langage que par les caractères élymologie ? L'historien grec, ayant entendu dire que Gésale
extérieurs du corps, et il ajoute que les premiers ressemblaient siguifiait salarié, a pu le répéter sans contrôle , el Orose , après
davantage aux Ibères qu'aux Gaulois. Timagene, cité par lui, en amplifiant comme toujours. J'appuie sur la circonstance,
Ammien Marcellin , dit que les Aquitains furent introduits en vu que Polybe attribue auparavant aux Gésates un lieu d'habi
Gaule par l'Hercule tyrien (les Phéniciens), lorsque ce héros y talion déterminé entre le Rhône et les Alpes. Or , quand uneag
passa après avoir traversé l'Espagne . Un savant historien des glomération d'individus assez nombreux pour former un corps
Gaulois, Dom Jacques Martin , infère de l'idiome el de la cons de troupes s'établit à demeure fixe , cette agglomération consti
titution physique des Aquilains, noa que ceux -cifussent d'ori tue une tribu, sinon un peuple . Les Gésates nous apparaissent
gine espagnole, mais que la colonie lyrienne qui de Gades vint alliés à Carthage dès 490 , et deux fois aux Boies en 392 et 231 .
Dom J. Martin affirme à plusieurs reprises que les Boies ,
s'établir en Aquitaine, dût y arriver par lerre plutôt que par
mer ; dans le second cas, l'affinité des races n'eut pas été aussi Aquitains d'origine , étaient le seul peuple d'Aquitaine men
marquée . tionné antérieurement à la venue de Jules César dans les
Je n'oserais reculer jusqu'aux colons phéniciens primitifs , Gaules. Les Gésales , louchant aux Carthaginois d'une part ,
amenés en Gaule par Hercule Macéris ou Melkarth , l'érection aux Boies de l'autre, ne pouvaient donc être que des Aquitains
du monument de Frégouville. Bien que les Phéniciens aient sortis de leur pays à l'heure d'une des nombreuses émigra
implanté leur civilisation dans la barbarie occidentale, on ne tions dont la Gaule fut si souvent le théâtre , et , en 231 , ils
peul raisonnablement leur attribuer une construction aussi habitaient entre le Rhône et les Alpes . Ils avaient cependant
élégante et aussi soignée que celle qui nous occupe ; d'ailleurs , laissé quelques traces dans leur berceau primitif. Parmi les
l'appareil en est grec et n'a rien de pélasgique. Mais une Aquitains qui se soumirent à Crassus après la prise de Sos et
puissante colonie de Tyr , qui conservail avec le plus grand la défaite des Vocales et des Tarusates , alliés des Espagnols ,
respect la religion , les mæurs et, très vraisemblablement, les on voit apparaître les Garites , M. Valentin Smith écrit Gates.
costumes de sa métropole , Carthage , fonda à son tour des Si l'on lient comple du peu de cas que les Romains faisaient de
établissemenls en Espagne . Ces établissements , dont le but l'orthographe barbare (les Français se montrent leurs dignes
était le commerce et non la conquête , n'apparaissent que sur imitaleurs à l'égard desnoms propres étrangers), on trouvera
les côtes , quoiqu'en réalité ils dussent étendre de nombreuses une singulière analogie de prononciation entre l'z:sárat et
ramifications à l'intérieur , à cause des mines , préoccupation Garites, ou Gales par contraction . Les Gésales devaient être
constante des Carthaginois. On aperçoit la trace de relations Aquitains ; les Garites l'élaient. César range les Garites entre
occultes entre les Lybio -Phéniciens, qui cachaient soigneuse les Ausci dont la place est connue, et les Garumni dontle nom
ment leurs démarches, et les populations centrales de l'Espa indique la position géographique ; c'est-à -dire entre Auch et
gne , dans les mercenaires ibères , l'une des forces principales la Garonne, précisément sur le point territorial du départe
de l'armée punique . De telles alliances s'expliquent facilement ment du Gers où Frégouville est situé .
par l'affinité de race et les traditions que les compagnons d'Her Le but de ma digression a été d'établir les points de con
cule avaient laissées au ceur du pays . Leurs nauds enlaçaient lacl qui unissaient les populations aquitaines à leurs congénė
même la Gaule méridionale, et certainement par voie de lerre, res de l'Ibérie , et par contre aux Carthaginois. César nous
car Marseille interdisait à sa rivale l'accés des côtes gauloises apprend, en outre, que le pays des Sotiates élait riche en
de la Méditerranée . Selon Dom Jacques Martin , une peuplade mines de cuivre , ærariæ secturæ ; or, les Carthaginois sui
gauloise , les Gésales , entra au service de Carthage vers 490 vaient loujours la piste des mines.
217 -

Les Ibères, que nous confondrons désormais avec les Aqui suivant Heeren , la propagation du culte de Melkarth à l'étran
tains, déployaient un grand luxe . Polybe mentionne un roi ou ger avait pour but la sûrelé du commerce qui, chez les
chef espagnol dont la demenre se faisait remarquer par peuples barbares , ne pouvait être mieux placée que sous la
la splendeur des constructions et le prix des ornements qui les sauvegarde d'un sanctuaire . Je tiens donc le monument de
embellissaient ; mais, d'un autre côté, les auteurs s'accordent Frégouville pour un sacellum båli , soit par les Carthaginois ,
tous pour laisser voir le souverain mépris que la coiffure soit à leur instigation , sur un point dont l'importance com
défensive inspirait aux Ibères. Polybe cite leurs habils merciale n'est discutable qu'après une étude sérieuse de la
blancs, leurs bonnes épées ; il garde le silence à l'endroit des contrée , étude dont je remels le soin aux Sociétés savantes
casques. Cælius Rhodiginus (Antiq. Lectiones, 18 , 22 ) dit que du Midi.
les Espagnols marchaient à l'ennemi la tête couverte d'une De la nature des relatious établies entre les Carthaginois et
mitre, el Silius Italicus ( IJI, 158 ), que les Vascons d'Espagne les indigènes pourrail sortir une objection spécieuse . Les
affectaient de combattre nu -lête. Les peintures de Frégouville figures de guerriers, peintes au bas du tableau , devaient être
ne représentent donc pas des indigènes , et, si le monument lout au moins les portraits des fondateurs du temple ; com
est du fait de ceux- ci, ils ont certainement travaillé sous une ment et pourquoi des hommes voués à une occupation essen
impulsion élrangère qui ne peut être que carthaginoise . tiellement amie de la paix , le commerce , se seraien !-ils faits
L'influence puniqueadmise en principe , je ne reviendrai pas représenter sous le costume militaire ? La réponse est simple.
sur les costumes dont l'analogie avec le vêtement araméen me A Carthage , la plus haute aristocratie , celle qui commandait
parail suffisamment démontrée : qu'il me soit néanmoins per les armées , s'enrichissait aussi par la voie du trafic ; tout
mis d'appuyer sur un détail intéressant. Les cornes du casque général s'y doublait d'un négocianl : rien ne s'oppose donc à
de droite, symbole de la puissance , ne rehaussent pas seule ce que des officiers carthaginois, en train d'accomplir comme
ment la tiarc des taureaux ailés de Ninive, elles ornent encore industriels un acte de dévotion dont la portée vient d'être
la coiffure des rois assyriens dans les cérémonies religieuses. démontrée , aient voulu néanmoins revêtir les insignes du rang
Je veux chercher maintenant à quelle divinité le temple était qu'ils avaient dans leur pays .
dédié , et voir si l'unique attribut de la figure centrale n'appor Jusqu'ici, les données historiques ont seules appuyé mies
tera pas d'arguments nouveaux en faveur demon système. présomptions en faveur d'un sanctuaire de Melkarth ; un attri
Un des principaux dieux adorés à Tyr ( V. Creuzer, Religions but minime, heureusement échappé à la pioche destructrice ,
de l'antiquité ), était Hercule ou Melkarth , symbole de la vientles corroborer. Chez les phéniciens ( V. Creuzer , loc . cit.) ,
course du soleil qui embrasse l'univers ; les colonies tyriennes l'idole de Melkarth était presque constamment enchaînée ; or ,
le regardaient comme leur protecteur, et il devint le guide des la figure centrale , dont il ne reste que les membres inférieurs,
Phéniciens dans leurs navigations lointaines. Des députations porte un anneau fixé à la jambe droite , au-dessus de la mal
annuelles envoyées par toutes les colonies, y compris Carthage, léole . Les Assyriens retenaient aussi leurs captifs avec des
se rendaient à Tyr pour célébrer la fête deMelkarth . On repré entraves exactement pareilles à l'anneau que je signale . La
senlail ce dieu sous une forme humaine, témoin les médailles présence du cercle, gravé en creux sur l'un des pilastres exté
de Gades , où il avait un temple, el d'autres preuves numismati rieursde l'abside, s'expliquera dès lors naturellement. L'image
ques . Les Carthaginois (V. Heeren , De la politique et du com vulgaire du soleil, placée en évidence au dehors , dénonçait
merce des princ. peuples de l'antiquite) conservèrentle dieu Mel intelligiblement aux voyageurs la personnalité du dieu vénéré
karth qu'ils honoraient d'une manière très spéciale ; la termi dans l'intérieur du temple. Celle image , d’un style et d'une
naison de quelques-uns de leurs noms propres , Amilcar , exécution archaïques, est loule empreinte du cachet oriental ;
Bomilcar, en fait foi. De Gades , où étail à l'étranger leur MM . de Saulcy , Renan ,mes éminents confrères MM . le comte
principal sanctuaire de Melkarth , ils transporlèrent son culle Melchior de Vogüé et GuillaumeRey, y retrouveraient peut-être
dans tous leurs établissements transmarins , el il en reçut le quelques vestiges de l'art sémitique , dont ils ont si bien ex
surnom de Dieu colonial. Enfin , Melkarth devint le lien qui ploré les restes, soit en Palestine, soit en Syrie .
raltachait les colonies de Carthage à leur mélropole comme il Les peintures de la paroi sud , délruites avant qu'il ait été
avait jadis relié les émigrations phéniciennes à Tyr . possible de les reconnaître , représentaient probablement Mel
De ce que les Carthaginois importèrent Melkarth sur tous karth sans chaînes. Je n'ose entrer davantage dans une voie
les points maritimes où ils s'établirenl , on peut inférer qu'ils qui me conduirail trop loin .
l'introduisirent également chez les peuples de l'intérieur, avec L'absence de loute arme en silex à l'intérieur de la molle
qui ils nouaient des relations commerciales. Ces relations, (on en a cependant trouvé aux environs) , le peu d'épaisseur
bien qu'entièrement pacifiques , n'interdisaient pas aux négo des murs, l'appareilmoyen des pierres et l'emploide l'Eurodentov
ciants puniques la faculté d'avoir des demeures fixes , soit grec , m'ont engagé à rapporter aux Carthaginois , de préfé
dans le voisinage des mines , soit sur les routes que parcou rence aux Phéniciens , l'érection du sacellum de Frégouville ,
rait la marchandise . Des stations permanentes n'eussent malgré l'archaisme de ses peintures. La puissance carthagi
pas existé au milieu des terres , que des chapelles , éle noise atteignit son apogée de 524 à 368 ; Carthage s'établit en
vées à la divinité tutélaire de Carthage par les Carthaginois Espagne vers 509 ; elle y devint maitresse absolue en 488 , et
eux-mêmes , auraient eu néanmoins leur raison d'y être ; car, en fut chassée en 225. Le sacellum peut donc remonter à quel
218

ques cinquante ans après l'expulsion de Tarquin -le - Superbe alentours, une très élégante ampulla en verre blanc , décorée
(507) ; c'est déjà une assez belle antiquité . de filets bleus.
Là où je signale un sacellum de Melkartb , M. Lacaze voit un Lors de la révolte de Magnence, l'empereur Constant, pour
hypogée ou sépulture souterraine. D'abord , le monument n'a suivi par les émissaires de l'usurpaleur , tenta de se réfugier
pas été construit dans une excavation , puisqu'il est enseveli en Espagne ; un parti de cavalerie ennemie le rencontra près
sous des terres rapportées. Il n'a pas été non plus inten d'Elne et le mit à mort. Quand la fatale nouvelle était parvenue
tionnellement enfoui par son architecte primitif ; dans ce cas , aux oreilles de Coustant, il chassait dans les Gaules ; le lieu
on eûtmoins soigné l'appareil extérieur , on n'eût pas gravé n'a pas été précisé, mais, en traversant l'Aquitaine pour allein
une image du soleil sur les contreforts de l'abside ; enfin , on dre les Pyrénées, il put livrer à Frégouville un combat aux
eût élevé ces inèmes contreforts à l'intérieur pour assurer Troupes de son adversaire. Il serait moins invraisemblable de
l'équilibre des murs contre la poussée des terres . Les rudi supposer que l'action se passa entre les partisans de Magnence
ments d'escalier entrevus par M.Lacaze , ne me semblent pas et ceux de Constant , qui voulaient convrir sa fuite. La villa
autre chose que des arrachements réguliers , sinou un renfort aurait alors été détruite par l'incendie . Après la bataille , les
destiné à consolider au pied la terminaison du mur . Quant au morts furent inhumés : les vaincus pêle -mêle, les soldats
soi-disant pilier de soulènement, c'était l'autel des sacrifices. vainqueurs dans des fosses creusées circulairement aulour du
La couverture du sacellum , si toutefois il en avait une, ne sacellum , suivant l'usage des anciens Gaulois , les chefs dans
pouvait être qu'en charpente , et une charpente de 6 mètres des tombes maçonnées. On enlasse , par dessus les débris
4 décimètres n'exige pas un massif de 2 mètres de diamètre fumants de la villa , les vieux résidus des sacrifices et les
pour la supporter. A mon sens, l'abside seule devait être voû terres environnantes. Ces remblais, disposés en couches, for
tée en cul-de-four ; la nef , à ciel-ouvert , embrassail l’autel mèrent la base du tumulus. Je hasarde fort timidement l'opi
placé à une faible distance de l'entrée . Celle disposition per nion ci-dessus ; l'espoir que , jointe aux dessins des armes et
meltait aux dévols de voir brûler leurs offrandes el empêchait poteries mises à jour par les fouilles , elle servira à M. l'abbé
aussi le prêtre d'être asphyxié par les acres parfums du porc Cochet pour débrouiller une question sur laquelle il est beau
ou du moulon rôlis . coup plus compétent que moi , m'a seul décidé à publier une
Le culte de Melkarth persista -t-il sous la domination hypothèse facile à combattre.
romaine ? J'en ai la certitude. La quantité de charbons, d'osse Quand après quelques siècles écoulés on voulut établir un
ments d'animaux et de vases , exhumés à l'entour du sacellum , poste de défense à Frégouville , l'action du temps sur les
prouve que l'on y sacrifia jusqu'à ce qu'un Romain ou Gallo ruines du sacellum avait déjà renforcé la molle . Le poste fut
Romain , personnage consulaire professant le christianisme, en construit , partie en matériaux neufs , partie avec des pierres
eût changé la destination el caché les vieilles peintures hiéra provenantde la villa ; l'abandon du nouvel édifice aux intem
tiques sous des motifs de fantaisie . Je ne crois pas que l'édi péries de l'atmosphère , ou sa destruction par la main de
fice ait été dès lors transformé en sépulture ; les sujets de l'homme, amoncelèrent sur la base préexistante des débris
chasse , fréquents sur les sarcophages païens,ne décorent jamais qui, peu à peu , grâce au vent et à la pluie , finirent par se
les tombes purement chréliennes 1) : on duten faire la dépen transformer en mamelon de raisonnable hauteur.
dance de quelque habitation de plaisance . Le nom de Frégou Le département du Gers renferme encore environ cinquante
ville ( Villa fracta , villa détruite , ou Frigida Villa , villa fraiche , tumuli pareils à la molle de Frégouville . Celle dernière ,
je tiens à mon étymologie, car il y a un vivier contre le tumu qu'une route coupe aujourd'hui en deux , pourrait être explo
lus) donne un certain poids à celle hypothèse . D'ailleurs , on a rée à peu de frais dans ses parties subsistantes . Un chercheur ,
trouvé dans les ruines un carreau de marbre vert , et , aux curieux de nos origines nationales, ne viendra-t-il pas repren
dre l'oeuvre interrompue de M. Lacaze ? Si un tel hommesur
gissait, nous lui souhaiterions le dévouement et la sagacité de
(1) En réponse à une affirmation un peu tranchante , M. Dusan m'adresse son précurseur.
le croquis du sarcophage no 705 , appartenant au Musée de loulouse . Ce sar Voilà , Monsieur, l'entier résultat de mes recherches au
cophage , orné d'un bas-relief représentant une chasse au sanglier , est incon
testabiement chrétien , car le chrisme entouré d'une couronne de lauriers appa sujet du tumulus de Frégouville ; usez-en à votre bon plaisir ,
raît sur son couvercle . Il est regrettable qu'une telle circonstance ait échappé et veuillez croire à l'expression de mes sentiments les plus
au savant auteur du Dictionnaire des antiquités chrétiennes, M. l'abbéMar affectueux .
tigny ; mais l'exeption contirme la règle. D'ailleurs, s'il se fûtagi d'une sépul
ture à Fréguuville , on y eût résolûment tracé le chrisme symbolique et non CH . DE VINAS,
une croix ancrée . Le christianisme, parfois encore prudent au jve siècle, ne Membre non résidant du Comité impérial des
fut jamais dissimulé sur les tombes . Travaux historiques, etc.
- 219

CHASSE DU XIV . SIÈCLE

A ALBI ( TARN ) .

On voyait naguère encore, dans la sacristie de la cathédrale Tous ces personnages se détachent sur fond rouge uni.
d'Albi, un remarquable meuble d'église ; c'était une châsse en Aux deux extrémités se voient deux écussons pareils, portant :
bois, couverte de peintures . Le zèle intelligent de M. l'abbé d'or , au taureau passant de gueules, à la bordure engrelée de
Berbié , chanoine , secrétaire de l'archevêché d'Albi , a assuré même; ces écussons sont presque effacés .
la conservation de ce précieux vestige de l'ameublement reli L'autre face longitudinale est divisée en trois parties .
gieux au xive siècle. Nous allons essayer d'en donner une des L'artiste y a peint trois têtes de saints ; celle du milieu a dis
cription aussi exacte que les dessins accompagnant ces lignes. paru par l'applicage maladroit d'une serrure. Il en reste assez
Cette chasse est en bois de cerisier , de forme rectangu cependant, pour distinguer une tête inclinée à droite , avec
laire , longue de Om54 , large de Om25, surmontée d'un toit cheveux châtain clair, les épaules recouvertes d'une tunique
aigu à deux faces. Le bas de ce reliquaire repose sur un socle et d'un manteau rouge bordé de blanc. Nimbe orné de petits
de Om10 de hauteur. La hauteur totale est de Om54 . cercles concentriques .
Les deux autres saints , à droite et à gauche , regardent
Ce petit meuble d'église , complètement dénuéde sculpture,
n'a de remarquable que les peintures dont il est orné . On y celui du milieu . Point d'ombres sur le visage , les traits sont
voit l'image de plusieurs saints dont il devait sans doute con marqués en brun . Ils ont la barbe et les cheveux châtain
tenir des reliques . clair. Mêmes vêtements et même nimbe. Point d'inscriptions.
Sur la face latérale droite est peint un évêque . Il est
Sur une des faces longitudinales et dans un rectangle de
Om20 de hauteur sur Om51 de large est représentée une sainte debout ; sa tête, garnie de cheveux et d'une barbe châtain
clair , est coiffée d'une mitre blanche. Même nimbe que les
debout, vêtue d'une robe collante vert foncé , semée de
trois têtes de saints . De la main droite il bénit à la latine, et
fleurs blanches ; ses cheveux blonds flottent sur son cou ; ses
de la gauche il tient le bâton pastoral orné de crochets de
traits sont réguliers, ses yeux noirs ; sa tête porte un nimbe
feuillages. Il porte une chasuble rouge bordée de blanc et le
orné de fleurs. Par dessus sa robe , elle porte un immense man
pallium par dessus. Sousla chasuble est une robe violette qui
teau rouge ponceau qui recouvre d'abord ses épaules et se
se trouve elle -même sur une aube. Les chaussures sont poin
prolonge commeune tenture . La sainte le relève avec ses bras
tues. Nulle trace d'inscription .
étendus horizontalement, mais les extrémités de ce manteau
L'autre face latérale porte saint Laurent , diacre , facile à
sont tenues par deux personnages à mi- corps, vêtus de vert
foncé et la tête ornée d'un nimbe fleuri. La robe de la reconnaître à l'instrument de son martyre . Il est d'une taille

la sainte forme deux ou trois plis droits et tombe jusqu'à ses élancée, son visage respire une grande douceur. Le haut de la
tête est rasé et n'a qu'une couronne de cheveux châtain
pieds chaussés de souliers pointus . Au - dessus de sa tête , on
clair. Le nimbe, semblable à celui des autres saints. Il est vêtu
lit en minuscules gothiques : S : URSULA :
d'une dalmatique rouge bordée de blanc , et d'une aube très
Le manteau de sainte Ursule , orné à l'extérieur d'une bro
longue cachant les pieds. De sa main droite , longue et effilée,
derie blanche et doublé de fourrure , abrite quatre autres
le saint tient le gril, instrument du martyre , et de la gauche,
saintes plus petites de taille.
il presse un livre contre son cæur. Point d'inscription .
La première , à droite , tient une palme d'une main et un Sur la face du toit, au-dessus de sainte Ursule , la peinture
livre de l'autre . Ses cheveux sont blonds et flottants, ses yeux
a presque disparu. Nous avons pu cependant y distinguer , au
tournés vers sainte Ursule . On lit au -dessus : S : MABILIA :
centre , la sainte Vierge assise sur un siége sans dossier , assez
La deuxième, à droite, tient aussi une palme el un livre . Au
semblable aux trônes byzantins. Vêtue d'une robe et d'un
dessus se lit : S : FLORENCIANA :
manteau rouge qui entoure sa tête nimbée, la Vierge tient
La première , à gauche , a même pose et mêmes attributs. dans ses bras son divin Fils. L'Enfant-Jésus bénit à la latine ;
On lit : S : CELETA : Enfin , la deuxième, à gauche , a sa tête est ornée du nimbe dépassé par une auréole rayon
aussi une semblable pose . nante en forme de croix. On lit au -dessus XPS en gothique
Une grande expression de piété est répandue sur les figures ronde.
des quatre saintes ; la quatrième a les yeux tournés vers A droite du Sauveur était sainte Cécile , dont on ne distin
sainte Ursule . Elles sont vêtues de robes et de manteaux de gue plus que la main gauche et un peu du manteau . On lit
couleurs diverses ; leurs livres sont rouges , ornés de points au dessous : S : CECELIA en gothique ronde .
blancs ; les fermoirs sont bruns. Elles ont toutes des chaus A gauche de la Vierge est figuré saint André , apôtre. Il est
sures pointues. debout, portant robe verte et manteau rouge , bordé de
220

blanc . Nimbe semblable aux autres. Barbe et cheveux châtain Telle est cette remarquable châsse . Nous ne pouvons en
clair . De la main gauche il tient sa croix en X , et de la droite connaître l'auteur , les documents faisant complètement défaut.
un objet que nous n'avons pu distinguer . Cependant nous la croyons de fabrique française . La pein
Aux deux extrémités se voit l’écusson d'or , au taureau de ture est appliquée sur un léger enduit de craie , et les
gueules, å la bordure engrelée de même. joints du bois recouverts de toile sur laquelle on a également
L'autre face du toit portait trois têtes peintes ; elles ont passé la préparation de craie . Le dessin des personnages et la
complétement disparu . Ce côté est mobile et se soulève au forme des lettres ne permettent pas de lui assigner une date
moyen de deux pentures. L'amortissement du toit est orné plus récente que le milieu du xive siècle (1 ) .
d'une double bordure de cercles gravés sans doute au moyen
d'un estampage, comme ceux des nimbes. Entre ces deux ran BARON DE RMÈRES
gées de cercles se trouvent des fleurs de lis aussi gravées. Des
quatre-feuilles et d'autres ornements d'une grande délicatesse
sont aussi imprimés du même côté que la Vierge sur fond (1) Cette châsse a figuré , en 1863, à l'exposition archéologique d'Albi.
rouge uni. (Congrès archéologique de France, XXXe session , à Albi, p . 512.)

HABITATION SOUTERRAINE FORTIFIÉE DE MAZÈRES - FIAC .

(Suite . Voir page 183.)

Il nous reste à compléter ou à rectifier la description du perfectionné à une époque postérieure à l'établissement de la
souterrain fortifié de Mazères , qui avait été entièrement dé grolle .
blayé depuis notre précédenle visite . L'entrée en est orientée Les ſouilles ayant fait alleindre le niveau du sol primitif ,
au sud- ouest. On y descend actuellement à l'aide d'une nous devrions faire connaître les hauteurs actuelles des divers
échelle ; elle a 3 mél . 28 cent. de profondeur au -dessous de compartiments déjà décrits , si les coupes ci-jointes ne ren
la superficie du jardin ou de la route . daient à peu près inutile l'indication de ces cotes . Notons seu
Nous avons dit que le travail de l'ingénieur ou du mineur lement que la variation des niveaux est de (m 20 à l'entrée du
souterrain parait assez bien exécuté en ce qui regarde les couloir du four, et de Om 40 pour les salles D et È . (Voir le
parois el les voûles. Ces dernières offrent un plein - cintre dé plan , p . 185.)
formé, ou une sorte d'arc surbaissé. Le parement du rocher Fig . 1. La première coupe est faile en long sur le corridor
parait taillé à la pointe , comme à l'aide d'un pic affectant la d'entrée et la salle D. Elle montre l'orifice , le couloir du
forme des pics actuels en fer. Les coups de pic , poinlus , four h , la porte ou l'entrée de la seconde galerie en g , la
allongés ou recourbés obliquement de droite à gauche , pres meurtrière en i, le soupirail s , au -dessus ; la coupe en lon
que comme des larmes, sont parallèles el tracés dans le même gueur de la chambre D ou du corps-de- garde , à la hauteur
sens oblique . Ce percement ne semblerait pas l'oeuvre d'un du lit de camp , et le couloir de communication entre cette
ouvrier trop barbare. Mais, du reste, rien de plus difficile pour salle D et la chambre centrale C.
nous que de pouvoir distinguer, avec certitude, un travail La fig . 2 montre une coupe générale suivant les trois salles
effectué à l'aide d'un pic en bronze ou en fer, d'un travail C , D , E et les quatre soupiraux.
opéré au moyen d'un pic en pierre taillé sur la même forme La fig . 3 donne une coupe sur la galerie du four , montrant
naturelle et nécessaire. M. Aurignac , architecte , est formel le fond de la galerie d'entrée et la meurtrière.
lement d'avis , au contraire , qu'avec un pic en pierre on La fig . 4 donne la vue perspective de la salle centrale C.
n'aurait pu obtenir des empreintes aussi profondes et aussi Ces diverses coupes s'expliquent d'elles -mêmes : elles sont
neltes . dues à M. Aurignac .
Remarquons que les soupiraux ont été perforés avec ine Cette étude serait incomplète , si nous négligions de faire
certaine habilelé. Ils forment des tubes qui se terminent , connaître le petit nombre d'objets qu'on a trouvés sous les
tantôt en pomme d'arrosoir, lantôt en entonnoir plus ou moins décombres ou sous les dernières couches des terres de dépôt
évasé . La principale cheminée d'appel d'air de la chambre dans la grotte de Mazères . De peu d'importance par eux
centrale C est très large à sa base dans la voûle . mêmes , ces objets tirent leur intérêt de ce qu'ils démontrent
Il se peut faire aussi que le travail primitif ait été repris et la présence et le séjour de l'homme dans ce réduit souterrain .
-
Pare
.

C
E

2
.
Fig
221

igt

30
-Fiac
Mazères
de
souterrain
du
verticales
.Coupes
222

Que ce réduit ait été longtemps habité à une époque reculée , d'os et de côtes de bæuf , de veau , de mouton , de porc , de
c'est un fait que rendent indubitable l'appropriation des lieux, cheval, trouvés à Mazères . On sait qu'on ne rencontre presque
les chenêts d'argile , les charbons consumés , les voules calci jamais entiers les os d'animaux qui ont servi à la nourrilure
nées de la pièce elliptique; voilà ce qu’alleslent aussi les frag des habitants des cavernes. Ceux - ci , grands rongeurs d'os el
ments concassés d'os d'animaux de grande et de petite taille très friands de leur moelle, les brisaient à l'aide de silex ou
qui ont servi à la nourriture de l'homme ou de la famille qui d'autres instruments tranchants ou contondants dont ils por
s'y abritail, et surtout enfin les débris de divers vases de terre tent les empreintes. C'est ainsi que dans une caverne anté
à son usage . Ces vases grossiers , ébauches d'un potier en diluvienne, dit-on , qu'on vient de découvrir dans la vallée de
core novice , sont semblables aux poleries que M. Devals a la Lesse, en Belgique , caverne qu'on appelle le Trou - Frontal ,
trouvées dans les grottes des Proals-Hauls et de Cros , à M. Léo Von Elliot a vu , à côté des squelelles de treize per
Léojac . sonnes , hommes , femmes et adultes , enveloppés dans une
espèce de boule de gravier , environ 2 mètres cubes d'os
Ils rappellent même aussi les vases primitifs qui ont été
recueillis dans les cavernes à ossements humains, ou dans d'animaux ainsi concassés , mais non mêlés aux ossements
lesquelles l'homme primitif a habilé , notamment dans celles humaius. Ces derniers auraient apparlenu , dit-on , si l'on en
juge par les lèles bien conservées , à une race antédiluvienne
qui ont été découvertes el signalées par M.de Sambucy . Tout
informes qu'ils soient , ces débris font soupçonner une haule qui parait différente des générations acluelles , d'après l'Aca
antiquité ; on pouvait en concevoir déjà l'idée par ce fait que démie française . Les os rongés par ces hommes primitifs ,
les poutres et les traverses en bois, dont on barricadait l'en dont toutes les dents , même celles des adultes , offrent les
trée des galeries souterraines , ont été entièrement consumées marques d'une usure précoce , consistaient en os de chevaux ,
par le temps, sans laisser aucun veslige ; il n'existait à Mazeres de blaireaux , de renards, d'ours polaires, de chiens et de cerfs
qu’un très peut fragment d'un clou en fer tout rongé par la ( ces deux dernières espèces n'existant plus aujourd'hui) , de
rouille. Il imporle aussi de signaler cet autre fait que dans chamois et de quantité de volailles ( Lellre de M. Von Elliol,
une grolle située au Théron , à Fiac , des tables épaisses de dans le Monde illustré, no 513, 9 février 1867) . M. Von Elliot
stalactite et de stalagmite obstruent parlout le passage ; or, demande si le Trou -Frontal élail un tumulus, comme semble
la formation de ces obstacles naturels implique , sans doute , rail l'indiquer la pierre qui s'adapte exactement à l'ouverture
une longue période séculaire . du trou. Il conjecture aussi que ces 2 mètres cubes d'os se
raient peut- être les restes de repas funèbres, ou qu'ils auraient
C'est donc avec raison que M. de Sambucy appelle toute
servi à la nourriture de l'homme, car il sont concassés à l'aide
notre altention sur les débris de l'industrie humaine que nous
de silex et réduils en fragments pour permellre d'en extraire
pourrions rencontrer dans ces grolles artificielles , et particu
la moelle . Nous ne pouvons pas décider et nous n'avons pas à
lièrement sur les poteries. « Pour ma part, nous dit-il, je ne
décider ici si le Trou -Frontal est un tumulus ou une caverne
sache pas de témoignages plus marqués d'une très haule , je
primitivement habilée .
diraimême de la plus haute antiquité, que ces fragments noi
Il se peut faire que , par suite d'un accident ou d'un évène
râtres à l'intérieur , rougeâtres ou grisâtres à l'extérieur et à
ment quelconque , on trouve , dans une grotte naturelle ou
base quartzo - granuleuse . Ils constituent à mes yeux le crité
dans un réduil artificiel , les squelettes de leurs anciens habi
rium le plus sûr pour calculer l'antiquité relative des monu
tants, conservés comme dans un tombeau ( 1 ). Mais , inverse
ments celtiques et, partant, des cavernes artificielles quipour
raient remonter vers celle époque. » ment, on ne doit pas s'élopner de ne pas rencontrer les osse
ments de ces habitants dans les réduils qu'ils se creusaient
La plupart des débris de poteries el d'ossements ont été
sous lerre , même lorsque ces réduits fortifiés portent les tra
ramassés près de la pièce servant de four . La nomenclature
ces d'une invasion , d'un incendie . M. Devals, dans la cinquième
et les dessins des os principaux ont été soigneusement relevés .
livraison de celle Revue, demandail à ce sujet ce que seraient
Nous devons ce double travail à un jeune vétérinaire de La
devenus les malheureux habitants de la grotte incendiée de
vaur, M.Molinier , arlisle dont la modestie égale le talent.
Cros , ainsi traqués , enfumés , forcés dans leur repaire ? Mais
Avec une sagacité qui accuse une parfaite connaissance de
ils auraient pu ſuir par quelque autre issue , être enlevés pri
son art, M. Molinier a déterminé chaque débris d'ossement.
sonniers .
Il a reconnu , entre autres , un fragment de scapulum et de
C'est chose naturelle et très ordinaire que de ne pas
métacarpe de benf, un scapulum de porc , un tibia d'oiseau et
rencoutrer des ossements humains dans ces habitations sou
un tibia de mouton , que nous reproduisons de grandeur nalu
terraines . Par la raison même qu'ils y résidaient d'une manière
relle , d'après son dessin .
On remarque les entailles failes , à l'aide d'un instrument
tranchant, au milieu de ce fragment, et le trou circulaire
(1) Nous mentionnerons plus tard la découverte faite , au mois de décembre
régulier dont il est perforé à la base , pareil au trou d'une dernier, entre la Croisille et Cadıx , au lieu de la Garde, sur la propriété de
flåte , d'un flageolet. Cel os étail destiné très probablement à M. Pinel, chef d'escadron , de vingt-deux squeletles dont quelques -uns-por
taient des ceinturons à plaques argenlées , comme à l'époque mérovingienne.
servir au moins de sifflet.
M. A. Caraven publie en ce moment une étude sur cette découverte intéres
Nous ne donnons pas les dessins des fragments nombreux sante .
- 223 -

permanente, les troglodyles de toutes les époques ne pouvaient n'est pas déterminé (pour faire les soupiraux ?) . Signalons
s'exposer, sans danger pour leur vie , à conserver, à côté des enfin une flûte faite d'un tibia de chamois .
vivants , des cadavres qui auraient pu être bientôt décomposés Nos lecteurs auront déjà , sans aucun doute , saisi l'analogie
el lomber plus rapidement en putrefaction dans ces étroites et qui existe entre ce dernier instrument et notre flûte ou sifflet
'chaudes relrailes. Sans doute , comme en Egyple et dans l'Inde , fail d'un tịbia de mouton ( fig . 1). Ce trou régulier , perforé à
on a pu creuser des ca la base d'un seul côté ,
vernes pour servir del om n'avait pas certainement
beaux communs ou de pour objet l'extraction de
nécropoles souterraines. moelle savoureuse , се
Mais c'était un usage gé
grand régal des hommes
néral , comme une néces primitifs.
sité , d'inhumer les morts On a trouvé à Mazères
dans un endroit éloigné des dents de moutons, ou
du réduit où l'on habilait. un fragment de mâchoire
C'est ainsi ( il était utile de mouton lombant en
de le rappeler) que le fait poussière ; une dent de
a dû être pratiqué à Mazè 5 cheval , el enfin une dent
res ; car c'est plus loin , de porc (sus domesticus).
dans le jardin , à gauche M. Lasserre , pharmacien ,
de l'orifice du souterrain ,
chimisle distingué de La
qu'on avait précédemment vaur , a fait de ces débris
découvert six squelelles et de tous les objets re
alignés , dont on dispersa cueillis de remarquables
par malheur lesossements. dessins coloriés.
Ce n'est pas le seul rap
Au sujet de celle dent
prochement quenouspour de porc , on doit rappeler
rons lirer un jour de la que M. Caraven , dans sa
découverte faite dans la notice sur des découvertes
vallée de la Lesse, d'abord faites au Plo de Blan (même
d'un camp ou fort romain arrondissement de Lavaur )
au - dessus du Trou des signale aussi la présence ,
Nutons ( celui-ci à 33 mél .
en cel endroil, d'un polis
au - dessus du niveau de la 3
soir en pélrosilex et d'une
rivière ) , el secondement,
1 dent de porc, à côté d'une
de la caverne primitive dite quarantaine de médailles
du Trou - Frontal . L'homme
de Domilien . Un savant
se fixe où l'homme a ha
belge , M. Schemerling ,
bité. Il y a là une double avait trouvé des dents pa
attraction qui dérive et de reilles dans diverses caver
la nature humaine et de la
nes. Celle dent, usée el å
situation des lieux, comme
surface polie , servail- elle
de l'harmonie nécessaire
à quelque usage dans l'art
de leurs rapporls .
2 du potier ou dans toute
Pour le moment , nous
autre industrie , par exem
nous contenlerons de rap
ple , en guise de brunissoir
peler qu'au Trou -Frontal, ou de polissoir ?
on a ramassé des restes de Décrivons enfin succes
polerie grossière , des co sivement , mais d'une ma
quillages percés de trous
nière très sommaire , quel
(amulelles ?), des pierres rondes, d'une destination inconnue , ques- uns des débris de poterie provenant de Mazères.
peut-être pour être lancées par la fronde? ou pour servir de Ce sont un grain ou peson tournan ! en terre cuile , percé
polissoir ou de racloir ? (nous avons trouvé une semblable d'un trou au centre (fig . 2 ).
pierre elliptique , à rebords très minces à la Mayrie) ; une Un aulre peson dont le trou , vers le centre, est resté ina
pierre servant à aiguiser les outils (nous en possédons une chevé (fig . 3 ).
venant aussi de la Mayrie) ; un pelit tube rond , dont l'usage Ces grains ronds, aplalis et ainsi disposés , ont été ou
224

façonnés tout exprès par le polier , ou taillés de cette façon soleil, offre une surface externe à peu près plane , quoique
dans deux fragments d'un vase. Ils sont connus sous le nom raboteuse ; à côté du trou , il existe une rainure formée , pro
de pesons de fuseau ou de fusažoles (en patois , berteils). On bablement, par la pointe du fuseau sortant de l'appui .
en fabriquail naguère encore, n'assure - t-on, dans l'Ariége. Le peson tournant no 2 , fragment de poterie grise mieux
Ils sont destinés à faire tourner plus commodément un soignée , est au contraire plus épais et naturellement plus
fusean , à lui donner plus d'aplomb el de régularité dans le lourd . Il offre une surface convexe très prononcée d'un côté ;
mouvement. C'est dans ce but que l'un des pesons est perforé ce disque, placé au bas du fuseau , faisait fonction de volant et
au centre. Dans l'autre peson , le trou n'est qu'ébauché au de régulateur .
même endroil , car celui-ci ne servait que de point d'appui Onavait trouvé, à Mazères, de nombreux débris de vases de
au fuseau enchâsssé dans le grain percé, et dont la pointe se terre ; malheureusement les ouvriers , n'y altachant aucun
fal, sans ce soutien , enfoncée dans le sol argileux . intérêt, ont mis fort peu de soin à les recueillir tous : ils en
Ces instruments primitifs donnent lieu à un double rappro ont brisé une partie , abandonné une autre partie dans la
chement aussi curieux que caractéristique peut- être . Ces lerre. Impossible deréunir assez de fragments pour en recom
pesons , on le voit , sont absolument pareils à ceux que poser un lout. Deux morceaux rapprochés nous ont donné un
M. Devals a trouvés dans le souterrain , selon lui, troglodyti fragment d'un vase en terre grise , påte tendre, peu cuite , ne
que des Proals -Hauts , à Léojac , dans la Haute -Garonne, présentant que peu de cailloux et de micas.
(V. la Revue archéologique du Midi de la France, 7e livraison de Plusieurs autres fragments appartenaient à des vases très
novembre 1866 , pl. 11° 1 et 2.) grossiers , les uns en simple terre mêlée de cailloux , mais
Déjà M. Devals avait rencontré dans la caverne de Cros, à offrant une surface assez polie et un enduit gris et ardoisé .
Léojac , un peson percé au centre , dont il n'avait pas connu Ces débris proviennent de sept ou huit pols différents.
alors , ou du moins indiqué ni l'usage , ni l'importance . Aucune de ces poleries ne parait avoir été façonnée à l'aide
(Même Revue , 5e livraison , nº 9.) du lour, si l'on en juge par les inégalités d'épaisseur, la rugo
J'ai remarqué aussi, dans mes voyages , que les Caraïbes sité des surfaces bossuées , le défaut de parallélisme de quel
adaptaient à leur fuseau une rondelle analogue el remplissant ques lignes d'ornement.
le même objet. Leur fuseau est encore en usage pour filer le La fig . 4 représente un fragment de vase gris de plomb à sa
coton dans quelques localités isolées des Antilles, de la Gua surface , couleur de terre à l'extérieur, très rugueux et très
deloupe notamment. J'en ai rapporté des spécimens, avec des micacé , présentant des rainures irrégulières ou des filets
coupes de pierres creusées et d'autres instruments anciens, des creux sans parallélisme ( comme le n ° 3 de M. Devals , 70 livrai
Fonds-Caraïbes , du Moule , derniers asiles de ces tribus , son de celle Revue ).
aujourd'hui presque anéanties (V. mes collections de coton On a recueilli aussi des poteries un peu mieux condition
et d'instruments caraïbes au Musée de Bordeaux et å l'Expo nées et d'une pâte moins grossière : un fragment d'un vase
sition permanente des Colonies, au palais de l'Industrie, à rouge à l'intérieur et au dedans et gris ardoise à l'extérieur ;
Paris). un autre dont l'argile est couleur gris cendré et rouge sur
Cet instrument se compose d'une simple petite branche ou ses deux surfaces micacées, rugueuses ; un seul très petit
d'un petit morceau de bois enchâssé dans une pierre plate ou fragment d'un vase rouge , très mince , qui rappelle les pote
dans un disque en os servant de peson . On oblientun fil d'une ries gallo -romaines avec leur enduit rouge viſ ; cependant , il
extrême finesse , à l'aide de ce fuseau qui semble un jouet n'a pas élé fait au tour .
d'enfant (toutou) . Parmi ces débris , je citerai encore un fragment d'anse ou
Qu'on me permelte ici une remarque utile peut- être : j'ai de couvercle , ou de dessous de couvercle d'un vase en terre
toujours constaté la plus grande analogie entre les armes pro grise micacée , pleine de petits cailloux , paraissant avoir été
toceltiques ou gauloises et les armes et les haches de pierre séchée au soleil et façonnée par la simple pression des doigts .
des Caraïbes ; le fuseau si primitif de ces derniers peuples Ce fragment est de beaucoup plus grossier que les couvercles
donne de même l'idée du fuseau de nos antiques Aborigènes décrits par M. Devals , 5e livraison de 1866 , pl. 10. Toutes
protoceltes et des Gaulois. ces poleries ont été faites comme à l'aide d'un morceau de bois
Ce rapprochement me rappelle aussi que les pesons trouvés aplati en spatule et repassées avec un polissoir .
à Mazères , déjà pareils à ceux qu'a décrits M. Devals , sont Ce polissoir a laissé sur la surface de quelques vases
encore exactement semblables à ceux qu'on vient de recueillir des lignes mates , sorte de dessin au glacis, imitant l'effet
dans les quatre dolmens de Keryaval , en Carnac (V. Revue des rainures en creux de la figure 4 .
archéologique de Didier , ge livraison de 1866 ) .On pourrait sans C'est avec un brunissoir qu'on avait également orné de
doute induire de ces similitudes , qu'il n'y aurait plus de dessins à peine accusés dans la pâle encore molle un vase en
doutes à concevoir sur la haule antiquité de celle habitation terre rouge pale, micacée, mieux épurée (fig.5 ). Ici, le paral
troglodytique de Mazères . Toutefois , nous ne voulons rien lélisme des traits ou des filels qui entourent chaque cordon
préjuger encore à cet égard . très saillant, indiquerait peut- être le travail du tour; l'orne
On remarquera que le peson d'appui nº 3 , fragment de ment en relief paraîl cependant avoir été fait par l'application
grossière poterie grise très micacée , paraissant séchée au du pouce .
225

Tels sont les objets qu'on a trouvés dans l'habitation sou voir fournir à nos lecteurs des détails peut- être plus intéres
terraine de Mazères. En faisanl opérer avec soin les fouilles sants ou plus caractéristiques.
des autres réduits que nous avons découverts dans la même CHARLES GRELLET -BALGUERIE ,
Associé correspondant de la Société impériale des Antiquaires
commune de Fiac , nous espérons être plus heureux et pou de France , la Société française d'Archéologie.

LES SORTS DES APOTRES

Manuscrit trouvé à Cordes (Tarn).

M.Louis Prunet a bien voulu me communiquer un document cupation ; s'en rapporter à des pratiques superstitieuses pour
trouvé par lui à Cordes, dans un mur en démolition d'une des régler la conduite et les décisions de la vie, ce ful . de tout
curieuses maisons gothiques de cette petite ville ; il est temps un faible dont ce siècle de spiritisme et de tables lour
rédigé en langue romane et parait dater de la première moitié nantes aurail mauvaise grâce à se prétendre exempl... Il ré
du xie siècle ; il offre cette particularité qu'au parchemin sur sulte de ces pratiques une sorte d'irresponsabilité qui favorise
lequel il est tracé sont allachés cinquante-sept morceaux de fil singulièrement l'indécision de l'esprit en le dispensant de tout
alternativement rouges et verts , correspondant chacun à une effort de raison , et qui sert à souhait le fonds de fatalisme
phrase... Le fac- simile ci-joint rend inutile une plus longue inhérent à notre nature . Aussi furent- elles en honneur dès les
description . temps les plus reculés , et onl-elles élé variées d'une étrange
Il est difficile de se rendre comple, à première vue, de la manière . On prétendit connaître la volonté divine , c'est-à -dire
nature de celle pièce, et, si je ne me trompe, plus d'un érudit, la destinée immuable , au moyen de sorts indiqués par le vol des
parmi ceux même à qui les documents écrits du moyen -âge oiseaux , par leur chant, par la foudre , les éclairs, par des an
sont familiers , se trouverait en cette occurrence dans une pa neaux, du plomb fondu , un miroir , des bâtons,des flèches, un
reille perplexité ... crible, elc .; par l'évocation des morts, par l'interprétation
A la lecture, les premières lignes donnent aisément l'expli des songes, par celle des mols, desnombres,des lignes, etc.
calion de l'aspect insolite de ce parchemin et font connaitre le Ezéchiel dit que Nabuchodonosor « mêla ses flèches contre
but de la disposition qu'il présente . Ammon et Jérusalem , » et que la flèche « sortit contre Jéru
Le document commence par une longue invocation dans la salem . » Voilà un bien ancien exemple de consultalion de sorts
quelle le mot de sorts revient plusieurs fois et qui se termine par les flèches ; si l'on veut rechercher l'ancienneté de la
ainsi : « Ce sont les sorts des apôtres. » Ces mots se trouvent plupart des méthodes de divination usitées , on en trouvera
répétés à la fin de la série de phrases incohérentes et ambi dans la Bible de nombreuses indications.
guës dont se compose l'écrit. Il est dès lors facile de recon Ces pratiques furent connues des Grecs et des Romains ;
naître en celui- ci un instrument de divination , un moyen de elles paraissent être tombées en discrédit chez eux plusieurs
consulter les sorts. Ces nombreux fils altachés en regard d'au siècles avant notre ère , pour faire place à la consultation par la
Aant de phrases rédigées en style d'oracle avaient une destina bibliomancie , c'est -à -dire par les écrits, les livres.
tion aisée à comprendre ; le parchemin étant plié et les fils Les autres sorts étaient à la portée de tous ; ceux ci avaient
pendants, celui qui désirait interroger les sorts saisissait au ha pour le vulgaire le prestige du mystère, de l'inconnu ; ils con
sard un des fils et trouvait dans le sort correspondant une venaient, en outre, aux lettrés par un côté intellectuel, et leur
sentence, un conseil, un avertissement plus ou moins ambi adoption marquait réellement un progrès, puisque ce n'étaient
gus, qu'il s'efforçait d'interpréter en y découvrant des rapports plus l'arrangement ſorluit de quelques bâtons, les palpitations
avec ses préoccupations du moment... des entrailles d'un animal, la façon dont la farine surnageait
On ne verra peut- être dans cet écrit que l'auvre banale d'un sur l'eau , qu'on prenait pour arbitres de sa conduite , pour
bateleur, le produit de l'industrie de quelque diseur de bonne oracles de sa destinée , mais c'était l'interprétation d'un pas
aventure, destiné à l'exploitation de la sottise publique ; mais sage, d'un vers pris au hasard dans quelque poète.
des circonstances diverses que j'essaierai d'indiquer lui don Avant que ne futadopté l'usage de consulter , en son particu
nent plus de valeur qu'on ne pourrait le supposer de prime lier, le poète-oracle, les dévots allaient interroger les sorts de
abord .
quelques sanctuaires célèbres où les réponses sacrées étaient
obtenues à l'aide d'une espèce de bibliomancie , car le consul
Connaitre l'avenir, ce fut de lout temps la commune préoc tant y prenait au hasard un certain nombre de dés, de mor
-- 226

ceaux de bois sur lesquels étaient Tracés des caractères ou des Le tour étail adroitement joué par les prêtres païens pour
mots dont on cherchait l'explication dans des tables faites ex relever le crédit de l'oracle , mais son temps était passé, et
près. Ici, on jetait soi-même les sorts ; ailleurs , on les faisait cela pour des causes complexes qui furent, à l'origine, l'affai
tomber d'une urne ; à Préneste, lemple très renommé pour ses blissement du sentiment religieux , la culture des lettres et
sorts, quand un consultant se présentait, on ouvrait un coffre l'avènement de la religion nouvelle.
en bois d'olivier dans lequel étaient renfermés les sorts ; un Mais ce genre de superstition ne saurait perdre ses droits, car
enfant les mêlait, en tirait un au hasard et c'était la réponse il a sa source au plus intimede l'âmehumaine, et ni la religion ,
donnée par l'oracle . Il parait que lå le sort était écrit loul en ni la science, ni la philosophie, ne sauraient prévaloir entière
tier sur un seul des morceaux de bois ; Tite - Live raconte qu'à ment contre cet instinct qui porte l'homme à chercher dans la
Falères il en tomba du ciel ( lout juste à propos ) un qui por prétendue connaissance de sa destinée un contre- poids ou une
tail ces mots : « Mars prépare ses armes. » justification à l'irrésolution de son esprit...
Les sorts de Prénesle avaient une origine quelque peu mira L'usage s'étail répandu chez lesGrecs d'ouvrir au hasard les
culeuse ; la légende racontait qu'un homme considérable de écrils de leurs poètes , d'Homère en particulier , et de tirer du
celle ville , Numerius Sufficius , fut averti en songe d'aller creu premier passage qui se présentait à leur vue des interpréta
ser un rocher dans un certain lien ; il y alla , et en retira la tions relatives à la connaissance de l'avenir , ou des règles de
collection de sorts qui fit la fortune de l'oracle de Préneste . conduite en rapport avec les circonstances dans lesquelles ils
C'élaientdes morceaux de bois sur lesquels les prédictions se trouvaient .
étaient écrites en caractères antiques . L'antiquité païenne semble avoir regardé les poètes
Mais , dit Cicéron « Tota res est inventa fallaciis, aut ad comme des hommes inspirés ; ils se donnaient pour tels ; ils
quæstum , aut ad superstitionem » , à Préneste , comme ailleurs, assuraient qu'ils parlaient le langage des dieux, et les hommes
les prêtres se servirent de cette invention pour se procurer les ont cru sur leur parole .
du profit et du crédit. Aussi >, les sorts de Preneste furent- ils
L'Iliade et l'Odyssée sont remplis d'un si grand nombre de
décriés avant même l'avènement du christianisme. traits de religion et de morale , ils contiennent dans leur
« Qu'est- ce , à votre avis, que les sorts , disail Cicéron à un étendue une si prodigieuse variété d'évènements , de sentences
stoïcien ? C'est à peu près comme de jouer au nombre en et de maximes applicables à loutes les circonstances de la vie ,
haussant et en fermant les doigts , ou de jouer aux osselets et qu'il n'est pas élonnant que ceux qui par hasard ou de dessein
aux dés , en quoi le hasard et peut- être une mauvaise subtilité formé jetaient les yeux sur ces poèmes, aient cru y trouver
peuvent avoir quelque part, mais où la sagesse et la raison quelquefois des prédictions ou des conseils ; il aura suffi que
n'en ont aucune. Les sorts sont donc pleins de tromperie, et le succès ait justifié de temps en lemps cette pratique supersli
c'est une invention ou de la superstition ou de l'avidité du tieuse , pour qu'on se soit accontumé à regarder les écrits du
gain . La divination par les sorts est désormais entièrement dé poète comme un oracle toujours prêt à rendre ses réponses à
criée . La beauté et l'antiquité du temple de Preneste ont véri quiconque voudrait l'interroger .
tablement conservé le nom de sorts de Préneste, mais parmile Ce n'était point là un préjugé adopté seulement par le vul
peuple uniquement, car y a -l-il quelque magistrat, quelque gaire ; de grands personnages de l'antiquité n'en furent pas
homme un peu considérable qui y ait le moindre recours ?
exempts .
Parlout ailleurs on n'en parle plus , et c'est ce qui faisait dire
Homère n'eut pas seul l'honneur d'être regardé comme un
à Carneade qu'il n'avait jamais vu la Fortune plus fortunée qu'à
Prémeste . » oracle prophélique; il en fut de même pour Eurypide ; selon
Hérodote, on croyait que les poésies de Musée renfermaient
Déjà Caton , interrogé sur ce que pronostiquait le sort d'une
aussi des présages . Cet historien raconte qu'Onomacrite , qui
paire de boltines rongées par les rats, avait répondu , sans rire ,
faisait profession d'interpréter ou de développer ces sortes de
que le présage eût été bien plus surprenant, si les bottines prédictions , fut banni d'Athènes par Hipparque , bls de Pisis
eussentdévoré les rats .
trale, pour avoir altéré les écrits de ce poète et y avoir inséré
Le passage précité est digne de cet esprit qui ne put jamais un vers qui portait que les iles adjacentes à celles de Lemnos
prendre au sérieux ses fonctions d'interprète des prophéties seraient submergées ( 1 ).
des poulets sacrés, et montre que , de son temps , la divination
Les Grecs avaient fait de leurs poèles des voyants et des
par les sorts était abandonnée aux ignorants et aux esprits fai
oracles ; les Latins attribuerent également au plus grand des
bles.
leurs , à Virgile, le privilége d'annoncer l'avenir et de donner
Peu s'en fallut pourtant que les sorts de Prénestene revinssent
des conseils divins... Ils eurent recours à ce qu'on appela les
en crédit au temps de Tibère . Suétone nous apprend que cet em
sorts virgiliens , dans les occasions où il leur était important de
pereur ayant formé le projet de ruiner tous les oracles voisins
connaître la volonté du ciel. C'est ainsi que le futur empe
de Rome, ceux d’Antium , de Caré , de Tibur et de Prénesle ,
reur Hadrien , voulant découvrir les dispositions de Trajan à
en fut détourné « par la majesté de ces derniers, » car s'étant
fait remeltre le coffre bien fermé et bien scellé , les sorts ne
s'y trouvèrent pas, mais ils s'y retrouvèrent commede coutume ( 1) Les phénomènes volcaniques qui transforment actuellement l'archipel
dès que le coffre eut été rapporté à Préneste . grec justifiest l'interpolation d'Onomacrite .
227

son égard , et savoir si celui- ci le désignerait pour son succes en désapprouver la pratique qu'en ce qui concerne les affaires
seur , ouvrit au hasard l’Enéide de Virgile, et fut confirmé du siècle .
dans ses espérances de parvenir à l'einpire , par ces vers qu'il L'usage établit deux manières de consulter la volonté de
lut du VIe Livre : Dieu par cette voie ; la première consistait à ouvrir au hasard
un livre de l'Ecriture sainte , dans l'espérance d'y trouver
Quis procul ille aulem ramis insignis olivæ quelques lumières sur le parti à suivre dans telle ou telle cir
Sacra ferens! nosco crines incanaque menta constance .
Regis romani; primus qui legibus urbem
Fundabit , curibus parvis et paupere terru Dans la seconde, on se contentait de regarder comme un con
Missus in imperium magnum ..... seil sur ce qu'on avail à faire ou commeun présage du bon ou
du mauvais succès de l'entreprise qu'on méditait, les premières
paroles qu'on entendait chanter en entrant dans l'église.
Hladrien arail cru trouver dans ces vers quelques allusions à
son caractère , à ses inclinations , au gout qu'il avait pour la La légende dorée rapporte plusieurs exemples de détermina
tions subites , de conversions éclatantes dues à de pareilles
philosophie el pour les cérémonies religienses...
causes .
Lampride raconte qu'Alexandre-Sévére , étant encore enfant,
Grégoire de Tours nous apprend lui-même qu'il avait sou
s'appliquait avec ardeur à l'étude de la philosophie et de la
vent recours aux sorts des livres saints, et nous fait connaître
musique ; Nammée, sa mère , lui conseilla de s'occuper plutôt
les pratiques usitées de son temps dans cette consultation .
des arts et des sciences nécessaires aux chefs d'empires ; le
« Leudaste , dit -il, comte de Tours, qui cherchait à me per
futur empereur se conforma d'autant plus volontiers à cel avis ,
dre dans l'esprit de la reine Frédégonde, étant venu à Tours
qu'avant eu recours aux sorls virgiliens, il trouva un présage de
avec de mauvais desseins contre moi, frappé du danger quime
son élévation à l'empire dans ces vers :
menaçait , je me retirai fort triste dans mon oratoire ; j'y pris
les psaumes de David pour voir si, à leur ouverture , je n'y
Excudent alii spirantiu mollius ara ,
Credo equidem ..... trouverais rien d'où je pusse tirer quelque consolation , et j'en
eus une très grande de ce verset que le hasard me présenta :
Tu reyere imperio populos, romane, memento ; « Il les fit marcher avec espérance et sans crainte , pendant que
He tibi erunt urlts : pacisque morem ,
Parcere subjectis et debellare superbos... la mer enveloppait leur ennemi... » En effet , Leudaste n'osa
rien entreprendre contre ma personne ; car ce comte étant
parti de Tours le même jour, et la barque sur laquelle il était
Les sorts de Prénesle , ceux d’Antium et leurs analogues, monté ayant fait naufrage, il aurait été noyé s'il n'avait pas su
avaient été remplacés par les sorts homériques , les sorls virgi nager. »
liens... C'était l'indice et le résultat d'une révolution profonde Ailleurs, Grégoire nous montre Mérovée ayant recours aux
dans les croyances païennes ; les oracles officiels n'étaient plus saintes Ecritures pour connaître son sort. Mérovée , dit-il,
consultés ; on s'étail accoulumé à regarder comme inutile étant disgracié de Chilperic son père , se réfugia dans la basili
l'intervention intéressée de leurs ministres ; on avait divi
que de Saint-Martin , et ne se fiant point à une pythonisse qui
nisé, non plus le corps,mais l'esprit humain , en accordantaux lui avait prédit que le roi mourrait cette même année et qu'il
poètes une sorte de prescience universelle ; leurs @uvres lui succèderait, il mit séparément sur le tombeau du saint les
avaient acquis une autorité en partie comparable à celle que la livres des Psaumes, des Rois et des Evangiles ; il veilla toute la
Réforme altribua à la Bible , et on voulait être soi-même nuit auprès du tombeau , et pria saint Martin de lui faire con
l'interprète de l'oracle... Mais devantles croyances chrétiennes, naître ce qui devait lui arriver et s'il régnerait ou non . Ce
les fictions poétiques perdirent de leur prestige; si la beauté prince passa les trois jours suivants dans le jeûne, les veilles et
de l'oeuvre séduisait encore ces convertis imbus des admira
les prières ; puis s'élantapproché du tombeau , il ouvrit d'abord
tions et des enthousiasmes des rhéleurs payens , leur foi avait le livre des Rois, et le premier verset portait ces mots :
d'autres formules , leurs doctrines d'autres interprètes , et « Comme vous avez abandonné le Seigneur votre Dieu pour cou
comme celte soif élernelle de la science de l'avenir se trouvait rir après des dieux étrangers, et que vous n'avez pas fait ce qui
confondue en eux avec l'ardeur de l'obéissance absolue à la était agréable à ses yeur, il vous a livré entre les mains de vos
volonté divine , ils demandèrent à leurs livres saints ces déci ennemis. » Les passages qui s'offrirent à lui dans le livre des
sions, ces oracles qu'ils trouvaient naguère dans les auvres des Psaumes et dans celui des Evangiles ne luiannonçant de même
poètes du polythéisme... Les livres des Evangiles, des Epilres, rien que de funeste , il resta longtemps au pied du tombeau ,
des Actes des Apôtres et ceux de l'Ancien - Testament devin fondant en larmes, et se retira en Austrasie, où il périt mal
rent pour eux des conseillers infaillibles, par l'organe desquels heureusement trois ans après, par les artifices de la reine Fré
il semblait que Dieu fûl tenu de leur faire connaitre sa volonté . dégonde, sa belle-mère. »
Dès le Ie siècle , se répandit l'usage de consulter les Ici c'est Mérovée lui-même qui ouvre les livres saints...
livres sacrés en imitation des sorts d'Homère et de Virgile . Parfois les clercs de l'église intervenaient et joignaient leurs
C'était évidemment une tradition païenne qui fut d'abord prières à celles du suppliant.
tolérée . Dans une épitre à Januarius , saint Augustin ne parait « Chramne s'étant révolté contre Clotaire ler et se trouvant
228

à Dijon , les clercs de l'église se mirent en prières pour de espèce de divination pratiquée à l'aide des saintes Ecritu
mander à Dieu si le jeune prince réussirait dans ses desseins. >> res . »
Ils consultèrent, comme dans le fait précédent, trois livres Ils paraissent n'avoir pas remarqué qu'il a existé au ve siècle
de l'Ecriture sainte, avec cette différence qu'à la place du livre un livre appelé les Sorts des Apôtres , qui était, je l'établirai plus
des Rois et des Psaumes, ils joignirent ceux du prophète Isaie loin , un véritable recueil rédigé spécialement dans un but su
et des épitres de saint Paul au livre des Evangiles. perstitieux.
A l'ouverture d'Isaïe , ils lurent ces mots : « J'arracherai la L'existence de ce livre nous est révélée par la condamnation
haie de ma vigne et elle sera exposée au pillage , parce qu'au lieu qu'en prononça le pape Gélase en 494 , et les termes de la
de porter de bons raisins, elle en produit de mauvais . ) condamnation prouvent qu'on attribuait faussement à cet écrit
Les passages des épitres de saint Paul et ceux de l'Evangile une origine propre à en assurer l'autorité .
qui se présentèrent ensuite ne parurent pas moins menaçants Le concile de Vannes , au ve siècle , celui d'Agde en 506 , ce
et furent regardés comme une prédiction de la mort tragique lui d'Orléans en 511, celui d'Auxerre en 595 , proscrivent les
de ce prince infortuné. Sorts des Saints, et l'un des capitulaires de Charlemagne con
Non -seulement on employait les sorts des livres saints pour tient une semblable prohibition .
se déterminer dans les occasions ordinaires de la vie , mais Mais ces condamnations ne sont pas rédigées de manière à
même dans les élections des évêques, lorsqu'il y avait partage . préciser ce qu'on entendait par Sorts des Saints. Elles ne ren
Vers la fin du rye siècle , saint Euverte , évêque d'Orléans, vou ferment que des phrases comme celles -ci : « Quelques clercs
lant faire élire Aignan pour le remplacer, fit préparer des et laïques étudient les augures, et sous une apparence de reli
billets sur lesquels divers noms étaient écrits. Celui qui portait gion, au moyen de ce qu'ils appellent les Sorts des Saints, ils
le nom d'Aignan sortit de l'urne. Euverte voulut tenter une professent la science de la divination ... » Si quelque clerc,
nouvelle épreuve à l'aide des livres . Le premier verset qui se moine ou séculier , a cru permis d'observer la divination , les au
présenta dans le Psautier fut celui-ci : « Heureux celui que vous gures ou les sorts que faussement on appelle des saints, etc ...
avez choisi, il demeurera dans volre temple. » On trouva dans (Voir Gratien , cause 26 , question 5.)
saint Paul cesmots : « Personne ne peut mettre un autre fonde Les livres des Evangiles, des Epitres, ni des Psaumes, ne
ment que celui qui a été posé ; » et enfin , dans l'Evangile, ces sont ici désignés ; cependant, les auteurs définissent Sorts des
mots : « C'est sur cette pierre que je bâtirai mon Eglise. » Ces Saints ou des Apôtres, la divination par les saintes Ecritures.
témoignages parurent si décisifs en faveur d'Aignan , qu'ils lui D'un autre côté , le décret du concile présidé par saintGélase
tirent donner tous les suffrages ... désigne formellement sous ce nom un livre spécial : « Liber qui
Quant à la seconde manière de consulter les sorts des saints, appellatur Sortes Apostolorum , apocryphus.» Il faut donc admet
celle qui consistait à regarder comme un bon ou un mauvais tre que si la consultation superstitieuse des livres de l'Ancien
augure, ou comme une déclaration de la volonté du ciel, les ou du Nouveau - Testament a pris le nom de Sorts des Saints ou
premières paroles de l'Ecriture qu'on entendait chanter en en des Apôtres , ce n'a pu être que par une confusion évidente
trant à l'église à cette intention , elle était la plus simple et dont ne paraissent pas s’ètre doutés les écrivains qui ont traité
probablement la plus employée. ce sujet .
Saint Cyprien était si persuadé que Dieu manifestait quel On entrevoitmaintenant sans doute l'intérêt que peut offrir
quefois ses volontés par cette voie, qu'il y avait souvent re l'exemplaire des Sorts des Apotres trouvé à Cordes , puisqu'il a
cours ; c'était pour ce Père un beureux présage lorsqu'il trou peut- être quelque rapport avec l'écrit condamné par Gélase,
vait quelque rapport entre les choses qui l'occupaient et les qui semble , d'après le silence des auteurs, ne pas être parvenu
premières paroles qu'il entendait en franchissant le seuil d'une jusqu'à nous.
église . Un rapprochement inattendu vient donner à cette supposi
Ces exemples suffisent à faire connaitre le caractère de la tion une grande apparence de vérité .
divination pratiquée au moyen des livres saints dès les premiers Pierre Pithou, un des auteurs de la satire Menippée et l'ami
siècles du christianisme. On la voit admise par de doctes et de Cujas, de toulousaine mémoire , était un collectionneur de
orthodoxes personnages et dans de graves circonstances. Ce vieux manuscrits . Parmi ceux qu'il avait rassemblés s'en trou
pendant, à l'époque où elle était le plus en vogue , plusieurs vait un intitulé : Sortes Apostolorum , qui fut imprimé, comme
conciles en condamnerent l'usage . En cela , il y a une sorte de pièce intéressante , à la suite du recueilde François Pithou, Co

contradiction que les auteurs ecclésiastiques ne paraissent pas dex canonum vetus ecclesiæ romanæ ( Paris , imprimerie royale ,
avoir cherché à résoudre , et à la solution de laquelle meparait 1687 ), vénérable in - folio où je l'ai découvert par grand ha
se rapporter le document trouvé à Cordes, dont l'examen a sard .
motivé les longueurs qui précèdent. Voici les réflexions dont il est précédé (je traduis) : « Quoi
Ce document est intitulé : « les Sorts des Apôtres. » que l'usage superstitieux des sorts pour découvrirles choses
Cardan , Bodin , le Traité des superstitions du père Le Brun , cachées soit défendu par les anciens conciles des Gaules . .
le Dictionnaire de Trévoux , l'Encyclopédie entr'autres , ainsi
que les auteurs modernes, ne font pas de différence entre les nous avons cependant pensé qu'il serait agréable aux lettres

Sorts des saints et ceux des apôtres , et les définissent « une de connaitre les formules que Pierre Pithou a trouvées, faisant
229

suite aux Canons des Apôtres , dans un très ancien manuscrit il était une sorte de négation du libre arbitre, puisque son
provenant d'un monastère et ayant appartenu à Barnabé Bris usage supposait une véritable renonciation au discernement de
son . ) raison consciente dans la pratique de la vie, dont le hasard
Dans la série des livres déclarés apocryphes par Gélase est devenait le suprême ordonnateur...
désigné celui des Canons des Apôtres : « Liber Canonum Apos Par une singulière coincidence , cet écrit, condamné en 494
tolorum , apocryphus. » En 494 , ce livre est donc mis au même par un pape qui combattit énergiquement le manichéisme, pa
rang que celui des Sorts des Apôtres ; il est évident que les rait avoir eu quelque rapport avec la dernière grande manifes
Sortes Apostolorum de Pithou se trouvant après un manuscrit tation de cette doctrine , au xitie siècle .
Canonum Apostolorum , ne peuvent être autre chose qu'un On n'ignore pas combien les croyancesdes Albigeois se rap
exemplaire de l'écrit signalé par Gélase . prochaient de celles des manichéens primitifs ; or, plusieurs
En outre , on peut se convaincre , par la comparaison du texte circonstances semblent établir que nos Sorts des apôtres , en
latin , du manuscrit de Pithou avec celui de notre texte roman , langue romane, furent écrits par des sectaires albigeois.
que celui-ci n'est qu'une traduction du premier ; le document La petite ville de Cordes fut, on le sait, une de leurs princi
trouvé à Cordes a donc sa véritable origine aux premiers siè pales places ; c'était un des centres d'hérétication où se ren
cles de notre ère . daient les nouveaux adeptes pour y faire comme un noviciat
Si l'on se reporte à cette époque , on comprendra l'impor avant leur admission dans la secte . Les conditions dans lesquel
tance qu'avait la condamnation des Sorts des Apôtres. En cela , les notre parchemin a été trouvé, soigneusemement caché, in
l'Eglise eut peut - être moins en vue la pratique superstitieuse diquent des précautions justifiées par les rigueurs de l'Inquisi
que les formuleselles-mêmes et leur origine . Elles avaient cours, tion qui eûtà venger, à Cordes, le meurtre de trois,des siens.
on ne doit pas l'oublier , en un temps où le paganisme cherchait D'après ces divers faits, ne doit -on pas présumer qu'au
à vêtir , pour ainsi dire , à sa livrée, les idées chrétiennes, tandis xme siècle les Sorts des Apôtres furent en faveur auprès des
que les croyances nouvelles faisaient d'habiles emprunts aux for hérétiques spécialement ?
mes paiennes. C'était le temps où l'on composait un poèmesur le Il semblerait, d'ailleurs, qu'ils les ont employés à un usage
Christ à l'aide d'hémistiches choisis dans les cuvres de Virgile , tout particulier . « Pour empêcher la désertion de leurs secta
qu'on persistait à regarder comme une sorte de prophèle : teurs, tantôt ils leur procuraient de fausses révélations, tantôt
« Centimetrum de Christo, virgilianis compaginatis versibus, apo ils s'efforçaient de les rassurer contre la crainte des jugements
cryphus » , décrétait le vigilantGélase , contre cette cuvre d'une de Dieu et des hommes, ou par de vaines prédictions ou par
femme enthousiaste, dont le nom s'effaçait devant celui du de prétendus oracles pleins de fourberie et d'équivoque .» ( Vie
grand poète (1 ). C'était le temps où circulaient de prétendues de saint Dominique, par le père Touron , de l'ordre des Frères
lettres de Jésus, des réponses à ces lettres, le livre du Pasteur, Prêcheurs, 1739. Suites, Vie de Pierre de Vérone , page 499.)
des évangiles falsifiés, ceux de la pénitence d'Adam , de la sage L'auteur de ce passage fait probablementallusion à des pra
femme , et d'autres « dont les plus connus sont, au dire de tiques révélées par certaines dépositions qu'il a pu lire dans les
l'abbé Fleury, le fondement et le trésor des Manichéens. » registres de l'Inquisition ; ceux de ces documents qui nous
Qu'on ait alors recueilli quelqueantique formulaire d'oracle, sont parvenus, ceux du moins que j'ai pu consulter, ne con
et que pour lui donner crédit et vogue on en ait attribué la ré tiennent, il est vrai, rien de formel à ce sujet. Il me paraît,
daction aux apôtres, cela est assez probable et suſtit à expli toutefois, exister une analogie réelle entre ces vaines prédic
quer la condamnation de cet écrit (2 ). tions , ces prétendus oracles pleins de fourberie et d'équivoque en
Alors, d'ailleurs , la lutte était vive entre le catholicisme et usage parmi les sectaires et les Sorts des Apôtres qui, par leur
les croyancesmanichéennes alliées à d'autreshérésies. Beaucoup rédaction , se prêtent si bien à devenir les instruments d'un
de ces livresapocryphes avaient été composés par les hérétiques prosélytisme habile.
ou du moins adoptés par eux . Quoique celui des Sorts des Apô Ces phrases énigmatiques, ces allégories obscures, ces va
tres ne présentât pas d'erreur formelle de doctrine, outre qu'il gues métaphores, tantôt conseillant l'espoir , tantôt apportant
était peut-être emprunté aux rites anciens, parson but même, le découragement ; ces exhortations fréquentes à la confiance ,
à la prière, à la patience ; ces promesses et ces menaces entre
mêlées, s'appropriaient aisément, entre les mains des chefs , à
(1) Proba Faltonia est supposée l'auteur de ce qu'on appela les Centons de leurs vues sur un néophyte et à la disposition d'esprit dans
Virgile . La croyance à la valeur prophétique des æuvres de Virgile s'est perpé laquelle il pouvait se trouver .
tuée à travers tout le moyen -âge. J. Caruan écrivait , en 1540 environ : « Les
sorts Virgiliens sontconnus de tous, et quelques personnes croient encore qu'ils A celui dont on voulait encourager l'ardeur, il était facile
contiennent quelque vérité. » (De sapientia , lib . III, p . 225.) C'est par allu de faire tirer un sort tel que celui-ci : « Ta voie est préparée ,
sion à celle croyance , que le poèle a pu dire justement : souffre et prie Dieu , et tu parviendras à ce que lu désires . »
« Dans Virgile, parfois, Dieu lout près d'être un ange. (Sort 19.)
Le vers purte à sa cime une lueur étrange. » (V.Hugo.)
A l'adepte qu'on savait hésitant, détourné de la croyance par
( 2) Il est à remarquer que les évêques, soit isolément, soit réunis en concile, quelque catholique , l'oracle disait : « Par douces paroles on
eurent à s'élever souvent contre la pratique des sorts, par les clercs. A l'exem
veut te séduire, c'est pourquoi , dépars -toi de ce conseil ; que
ple des prêtres pairus, quelques-unsde ceux-ci exploitaient ainsi la superstition
populaire ; en France, on trouve des traces de cet abus jusqu'au xvie siècle. tu n'aies pas à te repentir . ) (12.)
31
230

C'était parfois un avertissement, un reproche, une menace trouve même pas... On sait que les sectaires albigeois a blas
que devait recevoir celui pour qui on interrogeait les sorts : phémaient contre la dignité et la pureté de la sainte Vierge ,
« Pourquoi nous consultes -lu ? Je prie Dieu qu'il te pardonne , dont ils niaient la divine maternité ( le père Touron ) . La
car il est fortement irrité contre toi.» (44.) Telle pouvait être meilleure preuve de l'importance que les catholiques du temps
la réponse trouvée dans le mystérieux écrit . attachaient à la croyance contraire se trouve dans l'extension
. La secte, on ne doit pas l'oublier , se recrutait largement extraordinaire que le culte de la Vierge reçut au xixie siècle.
parmi les artisans des villes et les habitants des campagnes, De ses premières années date l'institution du Rosaire par saint
c'est-à -dire parmi les illettrés, et ceux- ci ne pouvaient consul Dominique, dont en quelques endroits d'Italie l'ordre naissant
ter les sorts écrits , sans un secours étranger . prit le nom d'ordre des Frères de la Vierge Marie ( saint Anto
Les souvenirs de la primitive Eglise, évoqués par la dénomi nin , 3, p ., chron., til. 23 , col. 3 ) ; la congrégation de pieux
nation de Sorts des Apôlres, donnaient déjà à l'acte même de laïcs , établie en 1238 , en Italie, fut appelée l'ordre de Sainte
la consultation quelque chose de solennel, et les réponses for Marie - la -Glorieuse. (Sponde, dans la continuation des annales
mulées produisaient une impression d'autant plus vive sur l'es de Baronius, page 113.)
-
prit du consultant, qu'elles lui semblaient émanées de Dieu Sans insister sur le prodigieux développement du culte de
même et de la cour céleste , invoqués dans l'oraison spéciale la Vierge dès le commencement du xture siècle , je conclus que
qu'on lui faisait dire au moment de consulter les sorts . De ces l'absence du nom de la mère du Sauveur dans l'invocation de
sentences énigmatiques, son imagination , exaltée déjà par les nos Sorts des Apôtres ne saurait être que très significative ; un
discours des ministres de la secte, tantôt entraînée vers l'idéale catholique du temps, faisant une traduction à son usage de cet
perfection, tantôt hésitante et découragée devant les embûches, antique formulaire, n'eût pas manqué d'y introduire ce nom .
les périls et les sacrifices à affronter, recevait sûrement au gré D'après le silence même des auteurs , on peut présumer que
des sectaires des impressions favorables à leurs vues sur lui, si l'usage de consulter les sorts au moyen des livres des saints
et d'autant plus puissantes que l'oracle semblait aller au de se maintint longtemps après le xiure siècle, l'emploi des Sorts
vant de ses secrets désirs ou de ses craintes inavouées. des Apôtres cessa vers cette époque à peu près , et que l'inqui
Il peut sembler hasardé d'attribuer plus spécialement aux sition ne fut pas étrangère à leur abandon , ce qui donne en
sectaires albigeois l'usage des Sorts des Apôtres , alors que rien , core plus de vraisemblance à l'opinion qui attribue un carac
dans cet écrit, n'a trait à leurs croyances . Ils rejetaient le tère particulier d'hérésie au formulaire trouvé à Cordes.
dogme de la Trinité ; ils adoraient le mauvais principe , selon Le manuscrit de Cordes ne doit pas seulement sa valeur à
eux créateur des choses visibles ; ils croyaient que les âmes ses origines et aux croyances auxquelles il semble se rattacher.
n'étaient autre chose que les mauvais anges soumis à une ex C'est encore un document linguistique où l'on peut étudier
piation sur la terre, ils regardaient commeréprouvés le précur les transformations que la langue officielle du monde romain
seur de Jésus-Christ, ainsi que tous les saints de l'ancienne a subies dans les régions méridionales ; par sa comparaison
loi, etc... avec le texte latin de Pithou , on y peul saisir plus nellement
Or, la croyance au Dieu unique en trois personnes , l'invoca le génie propre à la traduction romane.
tion de ce Dieu contre l'esprit du mal, et celle des patriarches Entre les deux textes, on constatera des différences dont les
et des prophètes étant formulées en tête de la pièce qui nous principales portent sur le nombre et la rédaction , soit des
occupe , il en faudrait conclure à son orthodoxie relative. L'argu oraisons initiales, soit des sorts eux-mêmes. Des inexactitudes ,
ment ne repose que sur des faits généraux et se trouve détruit des erreurs , des oublis rendent parfois incompréhensible la
pardes considérations locales. Il n'y avait pas unité dans les hé version romane et révèlent une certaine inintelligence du sens
résies du xie etduxie siècle, et les registres des interrogatoi primitif ; en outre , le manuscrit présente des incorrections
res de l'Inquisition témoignent que la secte des Bons-hommes, calligraphiques qui dénotent la négligence ou l'inexpérience
à peu près la seule répandue dans le Toulousain , s'éloignait du scribe.
heaucoup moins que les autres des croyances catholiques . Les La méthode employée pour consulter ces sorls romans diffé
erreurs confessées portent universellement sur la création des rait beaucoup de celle que nécessitait la disposition du manus
choses visibles par le mauvais principe ; la non -suffisance du crit de Pithou. Dans celui-ci, chaque sort était suivid'un nom
baptême par l'eau ; la non -présence dans l'hostie consacrée ; bre choisi selon des règles déterminées ; lorsqu'on voulait y
la non -résurrection de la chair ; la condamnation du mariage ; avoir recours , on jetail probablementdes dés chiffrés , et l'on
la possibilité du salut en dehors de l'Eglise romaine. cherchait dans la série des sorts celui dont les chiffres corres
Aucune de ces croyances n'est, on le voit, en opposition ab pondaient au nombre amené ; c'était une imitation des usages
solue avec celles qu'exprime l'invocation des Sorts des Apôtres, des oracles païens.
et par conséquent on ne peut arguer de l'orthodoxie apparente Il suffisait, au contraire , de saisir un fil au hasard et de lire
de celle pièce pour établir qu'elle n'est pas ouvre d'hérétique . la ligne qu'il marquait , pour connaitre la réponse précise de
Mais il est à remarquer que ce document, où sont énumérés l'oracle roman ; ce système tenait des signets pendants de
les cheurs des anges, les saints de l'ancienne loi et de la nou l'antique volumen , modèle des longs parchemins roulés du
velle, ne renferme aucun appel à l'intercession de la Vierge moyen -âge.
mère, aucune allusion à sa puissance , et que son nom ne s'y Ainsi tout , jusqu'à ce détail, témoigne , dans nos Sorts des
- 231

Apôtres, de la persistance des anciennes meurs et des supers un curieux exemple des emprunts faits aux croyances antiques
titions du monde païen à travers les luttes des premiers siè par celles que la Papauté combattait encore au xe siècle ,
cles , et l'on peut voir en cet écrit , insignifiant en apparence , secondée par la milice de l'Inquisition .

LES SORTS DES APOTRES .

TEXTE ROMAN Au nom du Père et du Fils et de l'Esprit saint, TEXTE LATIN


et au nom de la suprême et indivisible Trinité .
(D'après le manuscrit trouvé à Cordes ). Donné par F. Pithou (XVI° siècle).
Ici commencent les Sorts des saints Apôtres qui
Dans la traduction française , j'ai intercalé , en jamais ne tromperont ni ne mentiront. Dans l'or
petits caractères , certains passages du texte latin dre des sorts, la coutume est que si quelqu'un les In nomine Patris, et Filii, et Spiritus
qui manquent dans le roman et qui en complètent veut interroger, il jeûne trois jours au pain et à sancti, et in nomine summa et individuæ
le sens , ou qui donnent une indication vtite , l'eau , et que le troisième jour il psalmodie tout
comme le préamkule , où sont précisées les prali l'office de la sainte Trinité , et que la messe finie , Trivilatis. Incipiunt sorles sanctorum
ques en usage pour se préparer à consulter les avec une grande humilité , en priantet pleurant, apostolorum , quæ numquam fallentur
sorts. Il eut été superflu de traduire , pour nos il demande aux sorls ce qui lui est nécessaire : nec menlientur . In ordine sortium est
lecteurs, le texte latin en son entier. Notre Père ...
consuetudo , quod si illas aliquis inter
Eu pregui lo Paire el Fil el sanh Es Je prie le Père , le Fils et le Saint rogare voluerit, triduo jejunet cum pane
prit. Pregui los angil els archangils . Esprit. Je prie les anges et les archan et aqua et tertia die omne officium sanc
Pregui las senhorias elas pozestalz . Pre ges. Je prie les seigneuries et les puis tæ Trinitatis psallat, et expiela missa ,
gui los patriarcas els prophetas. Pregui sances. Je prie les patriarches et les cum magna humilitate orando et lachry
los apostols els martirs . Pregui los co prophèles. Je prie les apôlres et les mando, a sortibus pelat quidquid ne
fesalz elas verges elolz losanhs de Dieu martyrs . Je prie les confesseurs et les cesse fuerit : Pater noster.
que eil preguo la sanhta Trinitat ela vierges et tous les saints de Dieu ,
Unitat lo Paire el Fil el sanh Esprit per qu'ils prientla sainte Trinité et l'Unité ,
lo meus esgardamen que vueilo far que le Père , le Fils , le Saint-Esprit ; pour
demostre ami drecha via per aquestas ma direction , qu'il veuillent faire qu'elle
lelras e per aquesta leiso e per aquestas me montre droit chemin an moyen de
sortz que nom puesca lo diables decebre ces lellres, et de celle leçon , el de ces
en aquesta mia besonha per lapelament sorts . Que le diable ne puisse medéce
e per lo clam de nostre senhor Iehsu voir en celle mienne nécessité , par l'in
Xpt loquals viu erenba dreg per tolz los vocalion et par l'appel de Notre - Sei
cegles dels cegles verament. gneur Jésus-Christ , qui vit et règne à
jamais pour tous les siècles des siècles SEQUITUR ORATIO .
véritablement.
Ad vebri Découvre , Seigneur , les choses in Aperi, Domine , dubia quæ sunt in
senher las doptozas causas que so els certaines qui sont en nos cœurs , au cordibus nostris per hanc sortem , et di
nostres corces per aquestas sortz et moyen de ces sorls , et dirige mon sort rige eam sicut direxisli sorlem nau
endresa la mia sort en aisi coma endre ainsi comme lu dirigeas le sort des nau larum , qui naufragium patiebantur ,
siest la sor dels nautaniers que sofriu lonniers qui souffraient péril lorsque le quando cecidit sors super Jonam , el si
peril quant cazet la sortz sobre ionas sort lomba sur Jonas , et ainsi comme cutdirexisti sortem apostolorum tuorum
el enaisi coma endresiest las sortz dels tu dirigeas le sort de les apôtres quand quando cecidit sors super Mathiam ;
teus apostols cant cazel sobre Mathia . il lomba sur Mathias. Envoie , Seigneur, immite , Domine , spiritum veracem quem
Tramet senher esperit verai loqual tra l'esprit de vérité que tu envoyas à lon tu misisti per Prophetam tuum qui vidit
mesist el teu propheta loquals vezia lot prophète , lequel voyait tout le peuple universum Israëlem dispersum sicut
lo poble dyrael sobarat sicon oeilhas d'Israël dispersé comme des brebis. oves errantes in montibus. Expelle, Do
mandas els pueg de casa senher esperit Donne-lui le pouvoir de chasser , Sci mine , spirilum fallacem quem tu mi
deceben loqual tu tramesist achap cant gneur , l'esprit décevant que lu envoyas sisti ad decipiendum Acab , quando ceci
cazet am lola sa cavalguada. à Achab lorsqu'il succomba avec toute dit cum omni exercitu suo. Dirige ,
Endreso senher aquestas sortz laqual sa cavalerie. Dirige , Seigneur , en Domine, sortem hanc quam miltam in
metem el teu nom per els teus merils ces sorts , ce que nous y cherchons, par nomine tuo per merita et orationes sanc
e per las orazos e per las preguieiras de ton nom , par les mérites , et par les torum Angelorum tuorum , qui sortes
tolz los teus saubs angil liqual governo oraisons et par les prières de tous les amicorum cunctorum regunt ut hæc sors
las sortz de lolz los amix que las sortz saints anges qui gouvernent les sorts de veritatem nobis hujus rei inducal per
ad vebri a nos daquesta causa predeu tous les amis , afin que les sorts nous te, Salvator mundi, qui vivis, etc.
lo ver . Aiso so las sortz dels apostols . amènent en celle chose à connaitre le
vrai. Ce sont ici les sorts des apôtres.
232

ALIA ORATIO .

Nous te prions, Seigneur, Père , roi du ciel et Oremus ad te Domine Pater, rex coeli
de la terre , créateur de toutes choses, qui as créé et lerræ , qui es creator omnium rerum
de rien toutes choses en ce monde, et qui as juré
de nous donner Abraham pour père, qni as donné creatarum , qui cuncta ex nihilo omnia
la loià Moïse sur le mont Sinaï , qui as fait con mundi creasti, et Abraham Patrem nos
naitre l'innocence de Suzanne, quias changé en trum te dalurum nobis jurasti, et Moysi
allégresse l'affliction de Tobie, qui as consolé sa
bru en l'amertume de son coeur et en l'abondance in monte Sinai legem dedisti, et Susan
de ses larmes , qui as délivré Jonas du ventre de nam de falso crimine liberasti, et To
la baleine et agréé les larmes et la douleur de biam de contrilione cordis in alacritate
Pierre , agrée , Srigneur, mes prières, afin que tu
mutasti , el nurui suæ de magna amari
m'instruises, au moyen de ces sorts, en ce que je
demande : toi qui sais tout et en tous, qui vis et ludine cordis afflictæ , et lachrymarum
existes en la sainte et parfaite Trinité, dans tous fonle tribuisti dulcedinem : qui exau
les siècles des siècles.
disti Jonam de ventre celi, et deinde
prostratum et jacentem et Petrum la
chrymaulem Dominesuscepisti : suscipe,
Domine, preces meas, ut de hac re quam
peto per has sortes mihi notum facias ,
qui sciens es per omnia el in omnibus,
qui in sancta et in perfecta Trinitale vi
vis et in unitate consistis, per omnia
sæcula sæculorum . Amen .

C.C.C.

Seguentre lo soleil ce levo las estelas Après le soleil se lèvent les étoiles , Post solem surgunt stellæ , et iterum
solareia son retornadas alutz en aisi lo le soleil brille , elles reviennent en lu sol ad claram lucem revertitur , sic el
leus coratgues don iest vislz doplos mière . De même ton courage en ce que animus luus , unde dubius esse videris
embreu terminj am clardat venra autu tu redoutais prochainement avec clarté in brevi tempore ad claritatem pervene
de Dieu et Dieus cera a tu en aiutori et le viendra de Dieu , et Dieu te sera en rit , et veniet libi, et oblinebis quod cu
auras aiso que cobezeias . aide et tu auras ce que tu convoites. pis Deo adjuvante , age ei gratias. CC.V.
Daiso que quers coceil sia ferms tos De ce dont tu demandes conseil aie De quo consulis animus luus sit sicut
coratges que puescas venir ad aiso que bon espoir , car tu peux en arriver à ce speras, ut possis pertingere ad quod de
esperas. quc lu espères . sideras. CC.IIII.
Dieus aiudara a tu daiso quecobezeias Dieu t'aidera en ce que tu désires ; Deus le adjuvabit , de quo cupis, et
pregua Dieu e pervenra a ton desirier. prie Dieu, et il en adviendra à ton gré. de quo consulis : Deum roga, cito per
veniel libi quod desideras. CC.III.
Aiso que lu quers venra a tu am gran Ce que tu demandes t’adviendra avec
gauh estai segurs pregua Dieu e non grande joie ; sois sans inquiélude , prie CC.III.
ajas paor . Dieu et n'aie pas peur.
La tua destra esten al Paire lo teu Etends la droite vers le Père , prie Dexteram tuam porrige, et habebis
Dieu pregua e aura concordia e bona ton Dieu el lu auras paix et bonne es concordiam , et spem bonam , et paupe
esperanza . pérance . (Etdonne aux pauvres.) ribus tribue. CC.II.
De lutz te vols metre en tenebras De lumière tu veux te mellre en té De luce in tenebris mittere quæris ,
eguardate que no sias cosiros . nèbres ; prends garde que tu n'en aies mbinulla directa est semita , et vila lua
souci. carere cupis, moneo te ne curesab hoc
consilio . CC.VV.
La via que tu quers es drecha no La voie que tu poursuis est droite ; Est via certa quam tu pelis, noli ti
vueilhas temer Dieus era tu en aiutori e garde-toi de craindre ; Dieu te sera en mere, Deus tibi in adjutorium erit et
auras aiso que cobezeias e pervenras ad aide; tu auras ce que tu convoites et tu pervenies ad quod desideras . C.VIIII.
aquo que desiras. parviendras à ce que tu désires.
Gran causa és aiso que tes veraire Grande chose est ce qui le parait tel Magnum quod tibi videtur esse jam
e aras pasara ocolacex penedrasten et de suite elle passera ; à ton gré ; tu transit, et quomodo volueris , nam hoc
quar aiso que demandas nones en tom t'en repentiras, car ce que tu demandes quod consulis in polestate tua non erit .
poder. n'est pas en ton pouvoir. C.VIII.
233

Non veilhas doptar daiso que deman Ne veuilles pas douter de ce que tu Ne dubitaveris de quo consulis, Deum
das pregua Dieu bones niens es aiso demandes , cela est bon , prie Dieu ; ce roga, bonum est quod petis , et noli ti
que temps. n'est rien , ce que tu crains. mere. C.vii.
De cervi coren cobezeias tener los De cerf courant tu veux saisir les cor Cervo currente cornua tenere cupis
corns e el tornacen e son iacis en aisi nes ( cela est difficile parce qu'il vit dans les forêts,mais) in manibus, sed difficile est, quia in
vepra a tu so quers. et lui s'en revient à son gite (où on peut le silvis moratur , sed revertatur in cubili
prendre)... De même t'adviendra ce que suo et ibi capi potest : sic veniet libi in
lu désires. manibus tuis in quo dubius es. C.VI.
Daiso que quers ni pregnas esten co De ce que tu poursuis et pour quoi Qui petis , et qui rogas cum magno
siros am gran suzor e am gran Irebail tu pries ayant inquiétude , avec grande sudore et labore , pervenies ad hoc quod
pervenras ad aquo que deziras. sueur et grand travail , tu parviendras desideras, securus eslo , Deum roga .
à ce que tu désires. C.IIII.IIII.
Ap suaus paraulas te quero amenar Par belles paroles on veut l'enjoler ; Vicinus tuus cum ad te venerit, blan
per aiso deperte daquest coceil que pueg c'est pourquoi dépars-toi de ce conseil, dis sermonibus te inducere quærit, tu
noten penedas . qu'ensuite lu n'aies pas à te repentir. vero caute agere debes, ne posteå inci
pias penitere. CC.I.
Quod postulas nunc ita veniet cum
magno gaudio , securus esto , Deum roga ,
el noli limere. C.IIII.III .
Prava ne velis , sævis sermonibus te
decipere volunt qui te quærunt, securus
esto , ab hoc consilio, ne puslea incipias
pænitere . C.III.II.
Aiso co la naus emar quant es guo De même que la nef en mer bien Sicut navis in pelago gubernata fue
vernada sail eloc que desira en aisi lo gouvernée arrive au but désiré , de rit, quod desideras ita libi veniet. Si
teus cosiziers venra a tu embreu termini même l'objet de ton souci viendra à jam pervenias ad quod desideras , Deum
ce preguas Dieu . loi prochainement, si tu pries Dieu . luum roga, ut placatus sit tibi. Blandis
sermonibus te decipere volunt, tu vero
caute vide simplicitatem tuam , ne pos
tea incipias pænitere . C.IIII.I.
Lo leus vezis questa ben am lu te Ton voisin , qui vient s'arrêter avec
quer amenar am suaus paraulas per aiso toi , te veut tromper par de belles pa
Deues far a saviamente veras la tua roles ; tu dois agir sagement et tu ver
simpleza que alcuna cauza non ende ras la simplesse ; qu'il ne l'arrive rien .
vengua a tu .
En aquest cosizier no sia ferms los En ce projet ne persiste pas, car tu es In hoc cogitamento non est animus
coratgues quar vas es. en de mauvaises pensées. tuus firmus, quia pravæ sunt in peclore
tuo cogitationes : sollicitus esse noli ,
et veniet tibi desiderium tuum bonum ,
quod animum luum confirmet , securus
esto . C.II.III.
De la causa que primeirament cosiras De la chose qui premièrement te De qua re primum cogitasti et consu -
e quers coceil daquj auras gran gloria . préoccupe et pour laquelle tu demandes lis, tuus animus indemagis habebit glo
conseil , tu en auras grande gloire . riam magnam .

C.III.II.

El si in societate in filium non ha


bent, non fiunt, sic et luus animus cito
Lo leus requeremens es agradables Ta demande est agréable ; de ce que consilium mutavit, sed ad nos venies .
daiso que quers si ferms tos coratges ce tu veux aie bon espoir, si tu pries Dieu , Placa Deum ut securus possis fieri.
preguas Dieu venra a tu embreu ter cela l'adviendra prochainement. C.IIIJI.
minj. Petilio tua accepta erit , cogitare
Aiso que quers es ferm autra causza Ce que tu désires est certain . Songe noli, de quo consulis, perveniet tibi in
cosira autra causza venra a lu que non à autre chose , autre chose t'adviendra brevi tempore. Idcoque Deum roga , et
cosiras. que tu ne penses pas. obtinebis quod cupis. C.II.U.
234

La lua via es apareilhada sias sufrens La voie t'est préparée ; sois patient Via libi parata est , paliens esto , Deum
e pregua Dieu e pervenras a ton desi et prie Dieu , et tu parviendras selon roga , et venies ad desiderium tuum .
rier . ton désir . C.III.
Quod cogitasli firmum est, aliud co
Dizes que lemps li teu enemic cazira Tu dis que tu crains lon ennemi gila ad lucrum perveniet quod cupis.
e cerasmieilhers. tombera, el lu seras encore meilleur . C.I.I.
Disce limere , inimici tui cadent, et
Dizes que temps bones aiso que quers Tu dis que tu crains , cela est bon . adhuc melior eris. VV.V.
es entas mas. Ce que tu désires est entre les mains. De quo postulas bonum est , diligen
tius age , ct pervenies ad desiderium
Aisso que quers bones amorossa Ce que lu désires est bon , amoureu tuom bonum . VV.IIII.
ment pe enras a ton dezirier . sement tu parviendras selon ton gré. Bonitas omnium qui quærunt Deum ,
serva mandala Dei, et omnia tibi pros
pere fient. VV.III .
Liqual le aio nozer venceras e pregua Celui qui l'a nui, lu le vaincras ; prie Qui le nocere cupiunt vinces eos,
Dieu e acocegras la tua esperansa . Dieu , et tu accroilras lon espérance. spem luam consequeris. Tu vero Deum
luum roga , ut in adjutorium sit libi, et
pervenies ad desiderium tuum bonum .
VV.II.
Quod postulas bonum est , de quo
cogitas in manibus tuis erit. VV.I.
En aisi la mensa es cemena da e la De même que le grain est semé en la Sicul seminator in terram bonam se
bona terra e eson temps aporta frug en bonne terre et qu'en son temps elle men millil, el fruclum in tempore suo
aisi lu pervenras a la lua voluntat. porle fruit , de même tu parviendras resliluet, ita ad quod desideras lælus
à la volonté . pervenies , et luam voluntatem facile in
venies . V.JIII.IIII .
En la celva te vols metre on non tro En la forêt tu veux le meltre où tu In silvam te millere quæris, ubi nul
baras negu cemdier e mot serpens am ne trouveras aucun sentier , mais beau lam semitam invenies, el multæ serpen
giein per aiso sias mudalz e deperlitz. coup de serpents cachés ; par ceci sois tes validæ lalent, et ideo moneo le vi
daquest coceil. délourné et dépars -loi de celle idée. tam tuam decipiaris, decipiaris dum non
putas. V.IIIIIII.
Lo cas casan efanlara lo cadels sex Le chien chassantengendrera des pe Canis festinando cæcos calulos parit,
een aisi aquo que quers lo leus coratge tits aveugles ; et de même ce que tu sic el luusanimus. Improperare noli de
venra a tu degrat am gran gauh . désires viendra à toi de gré avec quo postulas : si patiens fueris, veniet
grande joie . libi ultro in polestale tua cum magno
(Le chien , en se hâtant, engendre des petits gaudio . V.IIII.II.
aveugles , et ainsi ton esprit. Ne le hâte pas en
ce que tu demandes : si tu es patient, cela vien
dra de soi en ton pouvoir, et tu en auras grande
joie.)
No vueilhas doplar daiso que deman Garde - loi de douter de ce que lu
das pregua Dieu bones nient es aiso demandes , prie Dieu , cela est bon . Ce
que temps. que lu crains n'est rien .
Masa de plum mescla dur en aisi la Masse de plomb mêlée d'or . Ainsi la Massa plumbea auro mixta esl , et est
causza quesit noner en tom poder autra chose désirée n'estpas en lon pouvoir ; invidiosa , sic et tuus animus invidiam
causa venra a tu que non esperas. autre chose l'adviendra que lu n'espères machinat : aliud namque cogila . Hoc
pas . quod pelis in potestale tua non erit.
V.IIII.I.
Adversarium te dicis habere, spem
tuam dirige, ut tibi in adjutorium sit
Deus. Moneo te ne velis esse irreligio
sus. V.III.III.
Cuersamen cosiras autra causa venra Aliud cogilas, aliud perveniet tibi,
Sainementtu penses, autre chose t'ad
a lu que non cosirias e per aiso estai viendra que tu ne penses pas ; par ainsi dum non speras. Ideo caute agere de
saigamen e veras la tua simpleza que allends sagement et lu reconnaîtras ta bes, et vide simplicitatem tuam , ne in
autra causza non endevenga a tu . simplesse ; qu'il ne l'arrive autre chose. damnum perduceris et detrimentum .
235

Autra causa cosira e no sia ferms tos Autre chose pense , n'affermis pas
coralgues en aquest cosizier que vases . lon coeur en ce dessein , car il est peu V.III.II.
sûr .
Li vent so suau garda las tempestatz Les vents existant, prends garde à Venti sunt, validæ tempestales sive
no te vueilhasmelre en la mar estaj um leurs lempêtes , ne te mets pas en mer. procellæ , cave ne le velis miltere in

pauc e recebras aquo que quers. Allends un peu et tu recevras ce que tu pelagum : sustine modicum , el accipies
désires. serenitalem , et perveniet ad quod desi
deras animus tuus. V.JII.I.
Daiso que quers ni demandas estai De ce que tu désires et demandes Qui pelis alque rogas sollicitus esse
aperceubutz e recebra bonaventura demeure avisé , et lu recevras bonne noli, pervenies cum labore , el accipies
bona vida que dada es a tu . aventure ; car bonne vie t'est donnée. forlunam bonam seu fulura hona quæ
data sunt tibi. V.II.II.
Gardale del gran leo que note puesca Garde- toi du grand lion , qu'il ne Leonem magum cave qui te nocere
nozer per aiso clama Dieu e delirate ça puisse le nuire; pour cela invoque Dieu cupil. Ideo ad Dominum clama, et de
que deseguentres non establiescas ta et il le délivrera avant que lu n'assures malo liberabit te, ne post mortem resti
mor . ta mort. luas damnum . V.III.
Aiso que non dona ans tol sopdosa Ce que ne saurait donner une année , Quod annus non dat , dies subditus
ment us dias no vueilhas esser cosiros un jour l'apporte subitement; éloigne affert. Noli esse sollicitus , quia veniet
que venra a tu lo teus desirier. ton souci , car il t'adviendra selon ton tibi desiderium tuum bonum , quod re
désir . cedelad gaudium magnum . V.I.I.
Am gran suzor e am gran trebail A grande sueur et grand travail te Licet el venlum cum magno sudore et
venra en las mas aiso que quers pregua viendra ce que lu désires ; prie Dieu et labore venirc , lunc erit tibi in manibus
Dieu e fai gen gracias. rends-lui grâces . tuis quod petisti ; Deum roga , el refer
ei gratias. IIII.JIITTUI.
Tres causas so per un home iij An Il y a trois choses pour un homme; Tria sunt facta per hominem in hoc
gils cosiro per te la primieira causa de trois anges choisiront pour toi la sæculo : tres autem angeli temperant
que cosiras auras am gauh. première; de ce que tu choisiras tu illa, primumque invenies gaudium cum
auras grande joie . lætitia . Secundo de abundantia rerum
(Trois choses sont faites pour l'homme en ce lemporalium . Tertio de lætitia , et initi
siècle ; trois anges les gouvernent ; tu trouveras nere luo accipiesgaudium . IIII.VIII.III.
en premier la joie et l'allégresse , secondement
l'abondance des choses temporelles, troisièmement Tu hac hora recede a nobis, quia
l'allégresse, et dans ton chemin tu recevras la joie.) sortes meæ non dant responsa : alia die
venies, et observa conditionem tuam .
En aquesta hora centorna la sortz A cette heure s'en revient le sort ; IIII.III.IT.
non respon a lu dautre dia torna edira il ne te répond pas ; reviens un aulre Dum tempus accipies , nihilque pha
a tu verlal. jour et il le dira la vérité . ris , bona sunt lua data . IIII.III.I.
Boso que tu quesisl mos nols rece Bon est le don que lu demandes , Nibilque est quod timeas , Deus adju
bras que no so donalz a lu . inais tu ne le recevras pas, car il ne t'est vabil libi ut possis securus esse, el in
pas accordé. breve lempus lucrum invenies, et lene
Quant es temps tapropia allos nient Quand il est temps, prépare- loi ; au bis quod cupis, et habebis claritatem ,
es que cemenes. irement, il ne le sert de rien de semer. noli limere. JIIIIIIIII.
Niens es que lemias lo senher taiu Tu n'as rien à craindre : le Seigneur
dara que puescas esser segurs e auras l'aidera , lu peux en être certain , el lu
clardal e no vueilhas laisar Dieu . auras clarlé ; garde-loi d'offenser Dieu .
Grans gauh venra a tu daiso que Grande joie t'adviendra de ce que lu Gaudium magnum de quo petis veniet
quers nidemandas los enemix veuceras désires et demandes ; tu vaincras les tibi, el prolegal le Deus ; inimicos luos
e Dieus er en aiutori a lu e auras aiso ennemis ; Dieu le sera en aide et tu vinces, quia Deus tibi in adjutorium
que cobezeias. auras ce que lu convoiles . erit ; securus eslo , spem tuam recipies.
IIIIIIIII.

Perque causiguas contra la gulho no Pourquoi regimbes - lu contre l'aiguil Quid calcas contra stimulum ? Jac
Fueilbas gabarque mal es e tu no vueil lon ? Garde - loi de te jouer, car cela est tare noli temetipsum , quia malum est
bas anar contralz sortz . mal ; garde- loi d'aller contre les sorts. de quo consulis. Contra sortes noli ire :
Moneo le nc velis esse contrarius Deo .
III.III.I.
236

Aiso que tu quers a es aparelhat a tu Ce que tu désires est préparé pour


eniens es que temias sias cosiros et toi, tu n'as rien à craindre ; sois pru
Dieus aiudara te . dent et Dieu l'aidera .
Quarle venguist acoceilhar amnos Pourquoi viens-lu nous consulter ? Quid venisti consulere ? Deum tuum
ieu pregui Dieu que perdo a tu que Je -prie Dieu qu'il te pardonne, car il neglexisli, multum promisisti, et non
fortment jest iratz . est fortement irrilé contre toi. implevisti : primitus placa Deum , ut
(Pourquoi viens-tu consulter ? Tu as négligé ton propilius sit libi, quia valde iratus est,
Dieu, lu as beaucoup promis , et tu n'as pas ac et sic veniet ad le . IIII.II.II.
compli : apaise d'abord Dieu , afin qu'il le soit
propice, parce qu'il est très irrité contre toi, et
ainsi il viendra à toi.)
Lo desirie que tu cobezeras auras Ce que tu convoites, tu l'auras ; prie Votum quod cupis oblinebis. Deum
pregua Dieu e aluy fai gracias. Dieu et rends-lui grâces. roga , ut ipse sit tibi in auxilium : pa
tiens esto ; noli dubitare quod consulis .
Securus esto , veniet libi, Deo adju
vante, quod desideras. IIII.II.I.
Fortuna promet a tu aquo que as eu La Fortune te promet ce que lu as Tibi fortuna quæ promittitur in terra
ton cor so paraulas quempacho a tu . en ton cæur ; ce sont paroles qui l'em est, et sermones qui te impediunt , nec
barrassent. pertinges ad quod desideras. IIII.I.I.
Tu cuias ausar la tua via seguentre Tu désires élever ta vie jusqu'à la Exultans le præcipilare cupis , et
la mort sias sufrens pregua Dieu . mort ; sois patient, prie Dieu . quæris vila lua carere , sed modo tem
pus non permillit : patiens esto, et
Deum roga , ut pelitionibus luis miseri
cordiam merearis . III.III.III .
Aiso so sortz que aduberament res Ceci est un sort quite répond ouver Hæ sunt sorles quæ manifeste res
pondo a lu note veilhas tritgar mas plus tement... Ne t'occupe plus que de la pondent interrogantibus, et abscondita
que en la gloria Dieu que bon requere gloire de Dieu ; que bonne recherche hominum patefaciunt. Ideo te moneo ne
men pervenguo a lu . l'advienne. moras facias interrogare necessaria ,
(Ce sont ces sorts qui répondent clairement aux sed magis pele gloriam Deo , ut pelilio
consultants et qui dévoilent les choses cachées des nesanimitui invenias. III.III.II.
hommes. C'est pourquoi je l'avertis , empresse
toi d'interroger en ce qui l'est nécessaire , mais
surtout cherche la gloire de Dieu , afin que tu
trouves les questions que tu doisfaire en ton esprit.)
Fel e vinagre desiras veras qualle Fiel et vinaigre lu désires . Tu verras Mel lenes , el acetum desideras. Vide
plus leu quar aiso que tu quers non es lequel a le plus de douceur , car ce que bonum quod lenius est ; nam quod pelis
dat a tu . désires ne l'est pas donné. non est tibi dalum . III.III.I.
(Miel tu as et vinaigre tu désires ; considère In quo speras pisces latent , et tu
quel est le plus doux, car ce que tu demandes ne lælus capies eos: sic animus luus dubius
l'est pas dunne.) esse videtur, et tamen facile dono Dei
Aiso en que jest doptos niens es que Ce en quoi lu hésites , lu n'y as rien accipies, si Deum rogaveris . IU.II.II.
temias pregua Dieu e ceras plus fortz . å craindre . Prie Dieu et tu seras plus Quod sollicitus esse videris , et undis
fort. maris navigare quæris, vide, et sustine,
2 Pourquoi hésites- lu ? lu n'as rien à
Perque iest doptos niens que temias in brevitempore invenies, et pertinges ad
suffrice um pauc e trobaras bon tems. craindre ; souffre un peu et lu trouveras quod desideras. III.II.I.
bon temps.
Grans gauh er a tu aiso que quers Grande joie le sera ce que lu dési Gaudium magnum veniet tibi, de quo
non aias cosizier morestay segurs . res ; n'aie pas d'inquiétude mais sois petis, noli cogitare, securus esto , roga
calme. Deum , et invenies gratiam . III.II.
Intramens es apareilhatz a tu perque L'entrée est préparée pour toi. Pour Jam libi introi!us est paralus, et

iest doplos la tua esperansa acoceguda quoi hésiles -lu en l'espérance que lu as aperla janua poles introire ad quod de
pregua Dieu que sia a tu en aiutori e conçue ? Prie Dieu qu'il le soit en sideras, ubi lorlare vel spem lúam , ora
auras so que deziras. aide , et tu auras ce que lu désires. Deum , ut adjutor sil libi. II.II.II.
Aiso que quers non es en tom poder Ce que tu désires n'est pas en ton Pecuniam luam ad lucrum millere
embreu termini estaj e atrobaras melho pouvoir ; altends un peu et tu trouveras quæris, vide ne ad damnum perveniat
acabament. meilleure solution . tibi ; iste locus periculosus est, utere
consilio , sapientem fatigare cave. II.II.I.
237

A ver quers lo loc es perilhos cei ton Tu désires avoir ; le lieu est périlleux ; Quod in polestate tua non est tantum
coceil estai sauiamen . suis ton conseil, attends sagement. quæris, sed breve tempus sustine , et
meliorem invenies conditionem tuam .
II.II.
Sias fisels rate en totas cauzas et Sois fidèle toujours, et constant en Fidelis esto in perpetuum , et quid
Dieu dara a lu en totas cauzas. toutes choses, et Dieu t'aidera en loutes quid petieris, Deus omne tibi præstabit ,
choses . el felix eris in ævum si oblemperaveris
mandatis Dei. 1.1.1.
Aiso so las sorts des sanhs apostols Ce sont ici les sorts des saints apô Hæ sunt sortes Sanctorum quæ nun
que ia no falirau per aiso pregua Dieu tres , qui certainement ne tromperont quam falluntur, nec mentiuntur, id est
et auras so que cobezeias. pas. Pour cela, prie Dieu , et tu auras ce Deum roga, et obtinebis quod cupis .
que lu désires. Age ei gratias.
3. CSAN .
(Le manuscrit des Sorts des Apôtres appartient à M. Louis Prunet, limonadier, café de l'Europe, place Louis- Napoléon, à Toulouse.

NOTES POUR SERVIR A L'HISTOIRE DE LA STATHMÉTIQUE EN FRANCE

AUX ÉPOQUES BARBARE ET FÉODALE

Lues en séance de l'Académie des Sciences de Toulouse , le 4 avril 1867.

En communiquant à l'Académie quelques poids de type remarquer que cette période est précisément l'une des moins
byzantin , découverts à diverses époques dans le midi de la connues et des moins comprises, soit par la rareté des monu
France (1 ), M. Barry demande à la Compagnie la permission de ments qu'elle nous a laissés, soit par l'insuffisance et le laco
lui soumettre de vive voix quelques idées sur les questions nisme des textes qui pourraient servir à les expliquer à leur
complexes et délicates que soulèvent involontairement des tour. Il est convaincu cependant que ces monuments , dont on
découvertes de ce genre . apprécie mieux depuis quelque temps la valeur et le sens his
Il rappelle d'abord que la métrologie, dont le nom était à torique , finiront tôt ou tard par éclairer d'un jour nouveau ces
peine connu il y a un demi-siècle, est devenue aujourd'hui, questions si longtemps obscures, et c'est en partie à l'aide des
grâce aux récents travaux des Letronne , des Boeckh et des indications fournies par eux qu'il croit être parvenu , dès à
Mommsen , les plus grands noms de l'érudition contemporaine , présent, à constater les faits suivants qu'il se contentera
une véritable science qui touche d'un côté à l'archéologie pro d'énoncer sous forme d'aphorismes :
prement dite, de l'autre à la numismatique transformée elle 1 ° Quelque profond qu'ait été le désordre inauguré dans
mêmepar le savoir et la critique des Eckhel, des Borghesi, des notre Occident par les conquêtes barbares et que l'époque
Cavedoni, des Marchant, des Mommsen , des Lagoy, des Saulcy, féodale devait aggraver encore en le morcelant, tont indi
des Longpérier, dont les nomsappartiennent, pour la plupart, que pourtant qu'une sorte de règle et d'unité s'est mainte
à la première moitié de ce siècle . nue obscurément au milieu de cette longue anarchie, et qu'elle
M. Barry ne s'occupe, pour sa part, que d'une branche de la s'y maintenait surtout par l'influence mystérieuse que Cons
métrologie , à laquelle il a été forcé de donner un nom parti tantinople a continué d'exercer sur ces mêmes provinces , lors
culier, la stathmétique ( de sta@uós, au pluriel of otæQuor, td même qu'elles eurent été érigées en états indépendants à la
otaQuà, les poids proprementdits, les poids de balance). Dans suite et par le fait des conquêtes barbares . Cette influence by
l'histoire de la stathmétique , qui remonterait elle -même , en zantine, qui s'explique en partie par l'étroite solidarité qui
l'embrassantdans son ensemble, jusqu'aux premiers temps des unissait à Rome le système stathmétique proprement dit et le
sociétés humaines, jusqu'à la Phénicie et l'Egypte , il ne s'atta système monétaire, réformé après le partage de l'empire par
chera pour le moment qu'à une période relativement récente : Dioclétien et par Constantin , est tellementmarquée dans les
celle qui s'étend depuis la chute de l'empireromain d'Occident premiers temps du moyen -âge, qu'elle a probablement eu pour
jusqu'à l'institution du poids de Toulouse , en 1239. Mais il fait résultat de frapper de discrédit les poids romains occiden
taux de marbre et de bronze qui avaient prévalu jusqu'à la
chute de Rome dans la plupart de ces provinces . M. Barry
(1 ) Ces poids, que nous avons tenu à reproduire , en intercalant ces dessins a vu et étudié un assez grand nombre de ces poids du haut em
dans le texte qui n'en est que le commentaire , font partie de la belle collec pire, réglés dans les derniers temps sur des étalons officiels
tion de poids du moyen -âge que M. Barry travaille à réunir depuis quinze ou
vingt ans , et dont la publication serait un véritable service rendu à la science. conservés au Capitole de Rome, comme nous l'apprennent de
(Note de la direction .) curieuses inscriptions gravées sur la tranche de plusieurs de ces
32
238

poids ( exactum in Capitolio ; de là le mot roman et français sont déterminées aujourd'hui. Il y a toute raison de croire que
exact) , et il a remarqué comme un fait assez significatif ces poids, étrangers à notre Occident, y auront été naturalisés
qu'ils ne présentent presque jamais de signe ou d'estam par le commerce d'outre-mer, qui les introduisait dans nosports
pille qui permeltent de les croire encore usités après l'année de la Méditerranée, à Massilia , par exemple , et , de ces ports ,
476 , tandis que le nom de Constantinople était devenu telle dans les grandes villesmarchandes de l'intérieur, comme Are
ment officiel et tellement concluant, même avant cette époque, late et Lugdunum . Mais, à côté de ces spécimens dont tout at
qu'il suffisait de l'inscrire sur le champ d'un poids pour lui teste l'origine orientale , on en rencontre fréquemment d'au
donner une sorte de valeur légale, comme nous l'apprennent tres où tout trahit , au contraire , une origine occidentale et
des poids hexagones assez grossiers d'apparence que l'on indigène; car les sigles, toujours latines cette fois , en sont le
découvre fréquemment dans le sud de la France , et qui por plus souvent gravées au trait etquelquefois d'unemanière assez
tentpour légende le mot Constantinopolis, écrit en abrégé COIS , grossière, comme dans les prétendus poidsde Constantinople ,
comme sur les monnaies byzantines des derniers Flaviens. auxquels nous faisions tout à l'heure allusion . Quelques- uns
nous offrent, à côté de ces lettres latines, des monogrammes
latins analogues à ceux que les rois des Vandales et des Wisi
tib goths faisaient graver sur leurs deniers d'argent. D'autres por

48
gr
.
Cors

82
gr
.
2 ° Parmi ces nouveaux poids, qui allaient devenir au ve et au
vie siècle les poids légaux de notre Occident, quelques-uns sont
tellement byzantins de type, de fabrique et de style , qu'il est HIH

bien difficile de ne pas les croire byzantins , ou tout au moins


orientaux d'origine . Les sigles dont ils sont inscrits, au dessous
tent en toutes lettres des noms de rois barbares, comme celui
ou à côté de la croix initiale,sont presque toujours des lettres
de Théodoric, que nous offre un beau poids du musée du Lou
grecques incrustées en lamelles d'argent dans le champ du
vre ( D. N. I THEOD | ERICI) ; ou celui de Charlemagne , gravé
stathme par un procédé analogue au damasquinage des Orien
en manière de légende (CAROLI PONDVS) , autour du célèbre
laux , mais byzantin et même grec d'origine , comme le prouve
poids carlovingien , publié, au xviie siècle , par Janus Gruter,
raient seules les belles incrustations d'argent d'Herculanum et
et nous ne croyons pas aller trop loin en affirmantque ces poids
de Pompeſ.
byzantins, comme on les appelle à tort, sont tout simplement
des poids barbares frappés , il est vrai , à l'imitation des poids
byzantins , dont ils rappellent exactement le calibre , la forme
et le type .
3. Ce serait donc , en règle générale, sous l'influence de By
.25
gr

gr
.25

sto zance, l'héritière collatérale deRomeet de Ravenne, que serait


restée placée jusqu'à l'époque carlovingienne ce que l'on ap
pellerait, d'un mot assez impropre , la stathmétique occiden
tale, puisqu'elle n'était, en réalité, qu'une continuation ou une
imitation de la stathmétique byzantine. Toujours solidaire de
D'autres nous offrent,à côté de ces indications bien concluan
la numismatique , à laquelle elle touche par bien d'autres côtés
tes déjà , des effigies ou des images d’empereurs byzantins re encore , elle subissait comme elle, et elle a subi pendant plu
présentés en buste , en pied , ou assis côte à côte, comme sur sieurs siècles, cette influence étrangère et officielle tout à la
lesmonnaies byzantines des premiers siècles , dont la plupart fois que l'on sent, du reste , à cette époque, dans toutes les
branches de l'industrie et de l'art, depuis l'orlèvrerie et la glyp
tique, si longtemps byzantines dans tout l'Occident, jusqu'à la
sculpture proprement dite, jusqu'à la peinture dont Cimabue
n'a fait que rajeunir les types, jusqu'à l'architecture où les for
mes byzantines se marient de si bonne heure aux formes ro
80
.gr

manes particulières à l'ancien empire d'Occident. A l'exemple


de leurs sujets ( c'est de cette époque que datent le nom et la
chose), dont les yeux se tournaient involontairement vers cette
grande ville où se survivaient les dernières traditions et les

--
239 -

dernières règles de la vie civilisée , les rois barbares eux -mê la dépendance du pouvoir municipal dont elle est restée l'un
mes la subissaient en fait, sans la reconnaître ,mais sans en des attributs les plus essentiels. A la fin de la dynastie méro
contester la légitimité. vingienne , dont la domination a survécu chez nous de plus de
La stathmétique n'était -elle point, en effet, comme le com deux siècles à celle des Burgondes et des Wisigoths, à demi
merce et l'industrie dont elle relève directement, une chose romains de culture, on la retrouve , à quelques altérations près,
essentiellement indigène dont la réglementation échappait par marquée desmêmes caractères qu'au temps des Antonins, divi
cela même aux rois barbares, et où tout se passait, pour ainsi sée comme livre poids en XII onces dont le poids n'avait pas
dire , en dehors et au dessous dela société conquérante? Ce se sensiblement changé ; comme livre monnaie, en LXXII solidi,
rait dans le palais des Césars byzantins, à Magnaura ou qui se subdivisaient en tiers de sous d'or , adoptés comme
à la Corne-d'Or, que l'on trouverait à cette époque les éta monnaie courante par la plupart des peuples barbares , avec
lons et les règlements de ces poids étrangers qui restaient le l'antique denariusd'argent, ce multiple du vieux sesterce, dont
poids légal des barbares, de la même manière que la monnaie la stathmétique elle -même n'a point complétement oublié le
byzantine était restée leur monnaie légale , surveillée seulement nom . Nous pourrions citer à l'appui de cette assertion les
et contrôlée par eux . nombreux stathmes byzantins ou barbares qui portent pour
légende la sigle N (Numus), suivie de chiffres variables comme
dans les poids de solidi, auxquels nous faisions tout à l'heure
allusion .
En stathmétique comme en beaucoup d'autres choses ,

S01 Byzance s'était trouvée ainsi l'héritière et la gardiennedes tra


47
gr

ditions de la civilisation antique dont elle a eu , plus d'une fois,


pour mission de nous conserver et de nous transmettre le
dépôt. Mais il est facile de comprendre en même temps ce que
devaitavoir de précaire et d'inégal cette influence toute histo
rique , comme on dirait en Allemagne, exercée par une grande
ville en déclin sur des pays éloignés qui ne relevaient plus
Il est même impossible de douter, en voyant le mot solidus même de l'empire , malgré les titres officiels de consul, de
( SOL XII, SOL XXIV ) gravé au trait sur le champ de tel ou patrice, de vir inluster, que briguaient leursnouveaux maitres.
tel de ces poids, au lieu des mots sacramentels alope et oùyxia Il n'est même point absolumentsûr que Rome, qui avait essayé
(8-1), en latin libra et uncia , que les poids ainsi notés n'aient longtemps avant elle cette euvre difficile et qui l'essayait dans
été destinés le plus souvent au contrôle et au pesage desmon de tout autres conditions de succès , ait réussi à faire prévaloir
haies dont la stathmétique reflèterait ainsi les altérations avec
partout, comme poids légaux et comme poids exclusifs, ses
une sorte d'exactitude. On sait, en effet, que les espèces mon beaux exagia de marbre ou de bronze , auxquels elle avait confié
nayées d'or et d'argent, dont les faussaires altéraient le poids, la mission de déposséder et de remplacer les poids de forme
dont les gouvernements avaient plus d'une fois altéré le titre ,
et de système divers essayés probablement avant la conquête
n'étaient acceptées qu'au poids par les percepteurs de l'impôt, romaine. Ce que l'on peut affirmer, au moins, c'est que l'on
dans l'empire d'Orient commedans l'empire d'Occident, et que retrouve à des époques plus rapprochées de la nôtre (1), il est
cette habitude elle -même s'est perpétuée pendant tout le
moyen - âge, dans la plupart des Etats occidentaux de l'Europe,
où les métaux précieux , les pierreries et les denrées médici (1) M. Barry sooge évidemment ici aux stathmes de certaines villes du Bas
males avaient presque partout un système de poids distinct du Languedoc , rarement romaines d'origine, et dont les poids n'ont plus aucun
système des poids locaux et soumis plus étroitement au con rapport avec ceux des villes romaines dont elles subissaient le voisinage et l'in
fluence légale, dans les idées romaines. Nous citerons, comme exemple de ces
trôle de l'autorité centrale .

4. On entrevoit, par le peu que nous venons de dire , com


ment le règne de la livre romaine a survécu au vieil empire au
sein duquel elle était née , et s'est perpétué, sous le couvert des
empereurs byzantins, jusqu'aux plus mauvais temps du moyen
åge . On peutmême dire sans exagération qu'en restant ru UR
maine de système comme de nom , elle est restée fidèle à la
population romaine , dont elle n'a jamais séparé complétement
@@
sa destinée. Si nous avions le temps de suivre plus attentive
ment l'histoire de ses transformations , qu'on pourrait appeler
aussi celle de sa décadence, nous la verrions s'enfermer comme
elle et avec elle dans les villes romaines où survivaient, sous
la forme consacrée des corporations, les dernières traditions
du commerce et de l'industrie antique, dans l'intimité et sous
240 -

vrai, parmi les poids de nos villes méridionales, des diversités chartes de réforme stathmétique, du xiure ou du xive siècle,
de forme et de calibre tellement marquées parfois, qu'il devient que les villes du Midi faisaient briser et détruire publiquement
bien difficile, en y réfléchissant, de les expliquer par des cir quand elles introduisaient chez elles le système du poids de
constances purement accidentelles et surtout par desaccidents Toulouse . La mauvaise foi, que les règlements les mieux enten
de date récente . dus et la surveillance la plus sévère ne parviennent jamais à
50 Charlemagne est le premier des rois barbares qui se soit décourager complètement, se mêlait pour en tirer parti à cel
cru le droit de remanier et de modifier le système des poids arbitraire des systèmes et des formes qui paralysaient le com
usités de son temps, pour en rétablir la valeur graduellement merce et l'industrie tout à la fois . L'achat et la vente , que per
abaissée sous les rois mérovingiens, et peut-être ne s'est -il sonne ne surveillait plus , étaient retombés dans certains pays à
cru autorisé à tenter cette réforme qu'à son titre d'empereur de simples échanges en nature qui rappelaient ceux des temps
ou de César, qui lui donnait des droits égaux , sous ce rapport, primitifs .
à ceux des empereurs byzantins. La livre romaine de 12 onces Mais le remède allait sortir , comme il arrive toujours , de
se trouva portée , sous lui, comme la livre monnaie dont elle l'excès du mal lui-même; et, dès la fin du XIe siècle, les rois
était toujours solidaire , de 12 onces à 13 onces 1/3 ; c'est- à capétiens de l'Ile -de- France avaient repris pour leur compte
dire , en d'autres termes, que ce fut sous lui et par lui que l'auvre d'unité stathmétique abandonnée depuis la chute des
commença le mouvement continu de transformation qui devait empereurs germaniques. Seulement, l'évolution que nousavons
avoir pour résultat définitif de substituer à la livre romaine de déjà signalée dans le système des poids romains ou byzantins
12 onces la livre franke ou française de 16 onces, dontl'usage s'était continuée silencieusement pendant cette période obs
généralisé par degrés était devenu commun , dans les derniers cure de deux ou trois siècles , et le type que les agents des

siècles, à la plupart des peuples civilisés de l'Europe. rois capétiens propageaient dans les provincesannexées, comme
Le désordre et l'anarchie dans lesquels tout retombe après ils y propageaient la coutume de Paris et les formes adminis

lui, en isolant par degrés les provinces et les villes, en les ren tratives de l'Ile -de- France , n'était autre chose que la livre de
dant égoïstes et jalouses les unes des autres comme les gou 16 onces , représentée à cette époque par la livre de Tours
vernements dont elles relevaient , avaient eu pour résultat de (livre tournois ), et par la livre de Paris ( livre parisis), dont le
raviver en stathmétique comme en toutes choses l'esprit d'in nom est resté justement célèbre.
6. Il est impossible de douter , quand on y regarde avec un
dividualité qu'il avait vainement essayé de régler et de con
tenir. C'est dans cette période à peu près inconnue , du reste , peu d'attention , que le système des poids méridionaux que
qu'achèvent de se briser les derniers liens de vie commune qui nous désignions tout à l'heure sous le nom de poids de Tou
rattachaient encore les unes aux autres telle ou telle de ces louse, ne soit né lui-même sous l'influence que lesrois de l'lle
villes , et les reliaient elles-mêmes à cette vieille métropole de de -France exerçaient, dès cette époque, sur la plupart des pro
Constantinople, restée le dernier foyer de la civilisation anti vincesméridionales. A le prendre chronologiquement, il appar
que . Sous les gouvernements qui essaient de naître ou de se tient à l'époque de transition , féconde et intelligente du reste,
constituer en dehors des villes le plus souvent, quelquefois en qui se place entre le gouvernement autonome de nos comtes et
hostilité flagrante avec elles, les principes d'anarchie que Rome le gouvernement étranger des rois capétiens, qui commence
et Byzance n'avaient point réussi à contenir ou à maîtriser immédiatement après la mort du comte Alphonse , en l'année
complètement, reprenaient par degrés le terrain qu'ils avaient 1270. Par son système de pondération que nous permettent
momentanément perdu sous le règne des Césars germaniques. d'apprécier, à défaut de la charte d'institution malheureuse
C'est à cette époque de dissolution qu'appartiennent les poids ment perdue, de magnifiques séries ascendantes et descendan
de toute forme et de toute matière auxquels font allusion les tes contemporaines de cette institution , il appartient évidem
ment à un nouveau système stathmétique que des causes de
plus d'un genre travaillaient à préparer, mais que le gouverne
ment du comte Alphonse n'en a pas moins eu l'honneur de
anomalies locales, les poids de plusieurs petites villes des Cévennes qui offrent,
comme ceux de Lodève, la forme d'un rectangle massif divisé en carrelets de formuler et d'inaugurer chez nous. Comme la livre parisis qui
poids égal (livre de 500 grammes, les carrelets qui forment les subdivisions lui a servide point de départ et de type, la livre toulousaine de
de cette livre anormale pèsent, en général , 100 grammes chacun), et ceux
1239 se divise matériellement en 16 onces, qui se subdivisent
d'une autre ville du Bas-Languedoc ou de la Provence (elle est encore indé
terminée malheureusement), dont les poids, très anciens d'apparence ,affectent par fractions égales au -dessus de la livre ( libra - livra ) et de ses
la forme d'un cube régulier dont les angles seraient régulièrement abattus. multiples : livre , deux livres, quatre livres ; livre , demi- livre
(8 onces ) , quart de livre ( 4 onces ) , demi-quart ( 2 onces ) ,
once, demi- once , quart d'once , huitième d'once ( en roman
uchau , du latin octavum ) . Mais elle diffère par tant d'autres
côtés du type étranger sur lequel elle semble se régler maté
160
.gr

riellement, que cette imitation ressemble de bien près à une


fin polie de non- recevoir. " En devenant une province de la
France du Nord , avec laquelle la liaient depuis longtemps déjà
des relations de toute espèce , elle tenait à conserver au moins ,
241

dans cette alliance devenue inévitable , une sorte de person 90 Nous sommes même fort tenté de croire que les formes
nalité distincte ; et c'est probablement à ce caractère conci extérieures de nos poids , très distinctes de celles des poids du
liant et national tout à la fois, qu'elle a dû les sympathies pres Nord , n'avaient point rompu commme elles avec ces souvenirs
que universelles qui paraissent l'avoir accueillie à ses origines romains ou byzantins auxquels tout se rattache chez nous , et
et la longue popularité dont elle a joui pendant plus de six qui donnent en toutes choses une physionomie particulière à
siècles dans tous les pays de langue et de culture romane , notre histoire . Abstraction faite d'un certain nombre de varié
depuis les Pyrénées jusqu'aux Alpes ; tés et des nuances intermédiaires dont nous n'avons point å
70 Sans parler de son poids spécifique , inférieur de près nous préoccuper pour le moment , ces formes peuvent se
d'un cinquième à celui de la livre du Nord , et qui se rappro ramener à deux types principaux : 1 ° celui des poids ronds ou
cherait beaucoup plus de celui de l'ancienne livre romaine con monétiformes de Toulouse, sur lesquels se sont évidemment
servée , presque sans altération , dans quelques-uns des pays modelés ceux des provinces voisines ou dépendantes du Haut
voisins, comme la Ligurie , la Toscane et le territoire romain , Languedoc , depuis le Bearn et le comté de Foix jusqu'à l’Au
avec lesquels les villes du Midi étaient restées en relations vergne et au Rouergue; 20 celui des poids rectangulaires du
commerciales et politiques, n'est-il pas évident qu'elle restait bas Languedoc et de la Provence, dont le type le mieux carac
beaucoup plus fidèle aux traditions et aux habitudes municipa térisé est celui de la vieille république d'Arles , sur laquelle
les au sein desquelles est née la stathmétique méridionale , paraissent s'être réglés à leur tour les poids des villes du
toute romaine d'origine, comme nous venons de le voir ? Il voisinage. Or, n'est-il pas évident que chacun de ces deux
suffirait, pour s'en convaincre , de parcourir les règlements types n'était au fond qu'une réminiscence des vieux types
municipaux ou consulaires, commeon les appelle dans le Midi, byzantins dont nous constations tout à l'heure la persistance
qui ont réglé dans chaque ville l'établissement du nouveau sys dansles provinces occidentales de l'ancien empiré ? Comme les
tème, de voir , sur les nombreux monuments qu'il nous a lais poids de Toulouse rappellent matériellement les poids circu
sés , les armoiries de la ville se maintenir avec l'idiome local , laires etmonétiformes de l'époque carlovingienne , dont ils ne
bizarrement associé sur les mêmes poids à la langue latine diffèrent que par leur double légende et leurs doubles armoi
d'où il était sorti, au -dessous du chef de France, ou à l'avers ries, le poids d'Arles, avec ses formes rectangulaires à l'origine ,
de la fleur de lis royale , qui s'étale tristement sans armoiries et avec son lion gravé en relief sur le champ du stathme, tandis
sans légende sur les poids contemporains de Paris et du Nord . que le revers reste complètement nu, rappelle de plus près
Ici c'est la cité romaine qui se distingue obstinément sous son encore les poids carrés de forme et de fabrique byzantine, cal
nom antique (Cieutat , Ciutat) du bourg ou de la ville neuve qués eux -mêmes sur les poids autonomes des anciennes villes
qui se peuple et s'enrichit rapidement à ses pieds. Ailleurs , grecques dont l'érudition commenee à se préoccuper. En
comme dans le diocèse de Béziers, on la voit conserver , en abattant graduellement les quatre angles de ce rectangle,
pleine féodalité , l'ascendant qu'elle exerçait à l'époque romaine comme on parait l'avoir fait d'assez bonne heure , même å
et à l'époque chrétienne sur les populations de son territoire Constantinople, on obtient une base octogone sur laquelle va
(pagi, vici), imposer son écusson aux villages de l'évêché, qui s'enter à son tour l'écu armorié des villes de Provence ou du
se contentent d'adosser silencieusement leurs armoiries à celles Bas -Languedoc, dont le type , plus jeune en général que celui
de la métropole dont ils relèvent toujours à un autre titre et du Haut-Languedoc, n'en restait pas moins fidèle, comme on
sous un autre nom . A Carcassonne , en plein xvile siècle et en le voit, à la tradition antique que nous essayons de suivre au
pleine monarchie (de l'année 1667 à l'année 1693 ) , les con milieu des transformations obscures qu'elle a traversées .
suls, dépouillés déjà de leurs prérogatives les plus légitimes,
continuaient à inscrire magistralement leurs nomssur les poids EDWARD BARRY .
de la ville, autour de l'agneau passant armé de la bannière ,
auquel répondait au revers l'écu de France aux trois fleurs de Toulouse , mars 1867.
lis , surmonté de la couronne fermée .

CHRONIQUE ARCHÉOLOGIQUE.

La Société française d'Archéologie a pensé qu'il serait à que la session se diviserait en deux parties : la première , qui
propos, vu l'intérêt qu'offrira l’Exposition universelle , de se tiendra au mois d'avril , la seconde vers la fin de septembre.
convoquer à Paris le Congrès archéologique de 1867. Pour Les réunions auront lieu chaque jour, de midi à cinq heu
faciliter à tous l'accès de cette réunion , la Société a décidé res , rue Bonaparte , 44 , du 15 au 19 avril pour la première
242 -

partie de la session . La première séance aura lieu le 15 avril, Mardi, 20 . II. L'habitalion dans les cavernes a -t- elle été
à midi (1 ) générale ?
Notre prochaine livraison renfermera le programme pour la Est -elle le fait d'une seule et même race, et se rapporte
session de septembre . t-elle à une seule et même époque ?
Dans le cas contraire , comment peut- on la subdiviser et
quels sont les caractères essentiels de chaque subdivision ?
CONGRÈS INTERNATIONAL D'ANTHROPOLOGIE . Jeudi, 22. - III. Les monuments mégalithiques sont-ils dus
à une population qui aurait occupé successivement différents
La deuxième session du Congrès international d'anthropo pays ?
logie et d'archéologie préhistoriques s'ouvrira , à Paris, le Dans ce cas , quelle a été la marche de cette population ?
samedi 17 août 1867 . Quels ont été ses progrès successifs dans les arts et dans
Toute personne s'intéressant au progrès des sciences, peut l'industrie ?
en faire partie en acquittant la cotisation qui est fixée pour
Enfin , quels rapporls ont pu exister entre cette population
cette année à 10 fr .
et les habitations lacustres , dont l'industrie estanalogue ?
Le reçu du trésorier donne droit à la carte de membre du Samedi, 24. – IV . L'apparition du bronze dans l'Occident
Congrès et à toutes les publications. Les correspondants du
est-elle le produit de l'industrie indigène , le résultat d'une
Comité et tous ceux qui ont à ceur le développement des
conquête violente ou le fait de nouvelles relations commer
études dont s'occupe le Congrès , sont invités à recueillir de ciales ?
nombreuses adhésions.
26 . - V. Quels sont, dans les différents pays de
Lundi, 26.
Les adhérents sont priés de faire parvenir , le plus tôt pos l'Europe , les principaux caractères de la première époque du
sible , le montant de leur cotisation au trésorier du Congrès , fer ?
M. E. Collomb , rue de Madame, 26 , en indiquant avec soin Cette époque y est-elle antérieure aux temps historiques ?
leurs nom , prénoms, qualités et demeure . Mercredi , 28. – VI. Quelles sont les notions acquises sur
Ces détails sont indispensables pour dresser la liste des les caractères anatomiques de l'homme dans les temps préhis
membres, et préparer les cartes . toriques, depuis les époques les plus reculées jusqu'à l'appari
Les cartes et le programme détaillé du Congrès seront dis tion du fer ?
tribués du 10 au 16 août, de dix heures à cinq heures, chez
Peut-on constater la succession, surtout dans l'Europe occi
le secrétaire , M. G. de Mortillet , rue de Vaugirard , 35 , å dentale , de plusieurs races, et caractériser ces races ?
l'angle de la rue de Madame, Paris .
Les autres séances seront laissées libres pour les questions
Le Congrès durera du 17 au 30 août . proposées par les divers membres .
D'après l'article VIIdu règlement général, le Comité d'orga
Chacune de ces questions , dues à l'initiative individuelle ,
nisation a posé six questions qui seront mises à l'ordre du jour sera , autant que possible , rapprochée de la question du
aux dates suivantes :
Comité avec laquelle elle a le plus de rapport.
Dimanche, 18. — I. Dans quelles conditions géologiques, au Les membres qui voudraient faire des communications sont
milieu de quelle faune et de quelle florea - t-on constaté , dans invités à en aviser le secrétaire avant le 10 août , afin qu'on
les différentes contrées du globe, les traces les plus anciennes puisse distribuer le programme général et l'ordre du jour des
de l'existence de l'homme ?
séances en même temps que les cartes.
Quels sont les changements qui ont pu s'opérer ,depuis lors, Tous les membres qui auraient des objets pouvant éclairer
dans la distribution des terres et des mers ?
une question sont instamment priés de communiquer , sinon
l'original, au moins des moulages et des dessins . Cette recom
(1) Les membres du Congrès auront à payer une cotisalion de 10 fr . en
délivrant leur carte de membre : ils auront droit à un exemplaire du volume mandation , surtout, est faite pour ce qui concerne les débris
qui sera publié. humains.

CHRONIQUE ARTISTIQUE .

L'article de M. le Baron de Rivières, sur uue Châsse de la cathédrale d'Albi, indique comme étant de couleur vert -foncé des parties que notre chromolithographie
reproduit en bleu . Un nettoyage fait avec beaucoup de soin a permis à M. de Rivières de se convaincre que ce qu'il prenait pour du vert n'était qu'un bleu altéré
superficiellement ; mais son article étant déjà imprimé, il n'a pu le corriger à temps. Il nous prie d'insérer une rectification à ce sujet ; il pense que le bleu employé
avait été extrait du pastel, plante tinctoriale autrefois cultivée en Albigeois.

AU DIRECTEUR . lantes incarnations de l'art contemporain : d’Eugène Delacroix


et d'Ingres, dont nous portons le deuil récent.
Avant de commencer ma visile dans les ateliers des artistes Ingres était presque notre compatriote . Il naquit à Montau
toulousains, permettez-moi de vous parler des deux plus écla ban et eut pour maitre Joseph Roques , élève de Vien , à Tou
-

- -
243

louse. Si Montauban jouit du privilége de lui avoir donné le le disciple inquiet, car son imagination rêvait d'autres hori
jour, Toulouse peul revendiquer, å juste titre, celui de l'avoir zons .
inilié à la vie artistique. Il nous appartient donc aussi un peu . En 1806 , il partit pour Rome, où la contemplation des mer
En éludiant allentivement l'oeuvre de Roques , dont le veilles que celle ville renferme lui révéla sa destinée . Il s'y
nom ne jouit pas, à mon avis, de toute la notoriété dont je le désaltéra aux sources les plus pures de l'art grec et de la tra
crois digne , il est aisé de reconnaître son irrécusable in dition italienne du xvie siècle. Fort de la double autorité
fluence sur le talent de l'auteur de la Stratonice , de l'Odalisque, de Raphaël et de Phidias , il acquit les qualités qui distinguent
du Saint- Symphorien , de Væu de Louis XIII et de la Source. son talent, auquel il donna le cachet de son individualité et la
Aucun artiste , -- si ce n'est Eugène Delacroix , - n'a plus trace de son émotion .
suscitéde critiquesagressives et passionnées qu'Ingres, car, dans Ingres, souverainement maitre de soi, né fut jamais lour
ce siècle de paroxysmes, sceplique par jactance , ignorance ou menté par les chimères. Son talent scrupuleux , simple el
nonchalance, l'opinion , tombant de sévérités outrées à d'im froid , procédait de l'intelligence pure et scientifique dégagée
pardonnables faiblesses, est perfide, aveugle ou séduite. La des élans de l'imagination . Resté ferme et « orthodoxe au
louange égare souvent la critique dans les glorifications de la milieu des séductions « schismatiques » , il eut sa raison d'être
camaraderie et entraîne à un prosélytisme difficile pour les pour résister aux assauts combinés des paroxystes : d'un coté ,
vulgarisateurs et précurseurs d'inconnus, fâcheuse, au soleil de aux débauches des romantiques, qui eurent plus de nerfs que
la publicité, pour ceux qui sont assaillis sans merci ni trève par de muscles ; de l'autre, aux écæurantes productions des réa
les serviles et les fétichistes. Quand au blâme, - éternel ali listes. Il fut le champion et le mainteneur de l'idéalisme, et on
ment des médiocrilés jalouses, — il se nuance, par degrés de doit lui en tenir compte , puisque c'est par l'idéalisme que
mauvaises passions, de la malice naturelle à la haine de parli l’arl, ce mensonge dans la vérité, s'élève au - dessus des
pris, à travers les raisons personnelles, les rancunes d'occa vulgarités courantes.
sion , les antipathies de caractère, jusqu'aux tentatives de l'as Un artiste n'est vraiment digne de ce nom qu'à la condition
sassinat moral. formelle de se livrer au culte de l'idéal ; dans le cas contraire,
Les critiques auxquelles Ingres a élé en buite pendant sa il n'est qu'un ouvrier plus ou moins habile. Ingres poursuivit
laborieuse carrière, bien loin de porter alleinte à sa réputation , ce culte dans la beauté surnaturelle et l'exprima par la pureté
semblent, au contraire, lui avoir donné plus d'éclat. de la ligne et l'harmonie du dessin ; Eugène Delacroix le cher
Au commencement du siècle, David , précurseur sans for cha et le trouva dans la fougue de l'expression et dans la splen
mule positive , mais imbu des doctrines de Winckelmann , qu'il deur du coloris .
interpretail selon les principes du sensualisme dominant alors Les classiques reconnu rent Ingres pour leur maitre ; Dela
dans la philosophie française , avait réagi linéairement contre croix fut acclamé par les romantiques. Les querelles puériles
le maniérisme libertin du siècle précédent, en allantdemander de ces deux écoles sont heureusement éteintes, etilserait inop
ses inspirations à l'antiquité. Son but était louable, sans doute , portun de les rallumer. Il n'y avail , au fond des querelles
mais il s'égara souvent dans sa mission et lomba dans un rigo qu'elles suscitèrent, que la différence du génie synthétique à
risme géométrique, académique, froid et déclamatoire. Il ne l'esprit analytique. L'un se maintient dans une sphère de géné
vit dans l'antiquité qu'un moyen d'arriver à l'exacle imitation ralisation idéale et impersonnelle , l'autre est plus allentif aux
de la nature extérieure, et substitua ainsi à l'idéal préconisé singularités el se complaît dans la reproduction des parlicula
par Winckelmann , d'une part, le dessin anatomique dont ses rilés.
contemporains firent un si étrange abus ; de l'autre ,le nalura Aujourd'hui que tout fanatisme d'école est évanoui et que
lisme, qui, sous des noms et des aspects divers, a envahi les chacun , las des clameurs d'une époque artistiqueplusremuanle
écoles actuelles. Il transporta , en un mot, la statuaire – de que féconde, marche avec son individualité, le mérite d'Ingres
la période de l'Antinoüs et de l'Apollon du Belvédère – sur et de Delacroix n'est plus contesté .
la toile et fit , en peinture , des bas -reliefs corrects, mais froids Ingres arracha les esprits aux subtilités de la décadence,
comme les marbres. Son cuvre , selon la judicieuse observa par les exemples des grandes conceptions, en rendant à la pein
tion du peintre John Constable , est une morne pétrification , ture monumentale sa sévérité elsa grandeur. Si,dansla période
où les personnages sont emprisonnés par des contours inflexi d'incertitudes où nous sommes plongés, nous complons un
bles et privés du clair-obscur , qui est l'âme, la magie et la loi assez grand nombre de pasticheurs qui cherchent à retrouver ,
de la peinture. Quelques unes de ses productions officielles , et dans la peinture de genre el de chevalel , les traditions véni
surtout le Sacre de l'Impératrice Joséphine , où l'on sent l'inspi tiennes et néerlandaises , lui et ses disciples, à la têle desquels
ration vivifiante de la nature el non la préoccupation exclusive marchail , non sans gloire, Hippolyte Flandrin , représentent les
de l'antiquité , prouvent, cependant, qu'il eût pu faire de gran écoles italiennes de Florence et de Rome, inspirées au souffle
des choses s'il eût su s'affranchir des recelles systématiques , de l'antiquité . Il fut l'apôtre obstiné du style , qualité rare à
comme il sa le faire dans son merveilleux Marat, une époque où l'habileté matérielle se vulgarisc d'unemanière
Ingres quitta Toulouse et alla à Paris, où il fut reçu dans désespérante, tandis que le rôle de l'intelligence pure s’amoin
l'atelier de David , L'esprit net de l'élève ne tarda pas à recon drit, que l'imitation et le pastiche prennent la place de l'in
naitre l'insuffisance de la réforme du maîlre , dont il devint vention .
244

Eugène Delacroix a été le peintre des prestiges de l'imagi veut pas tomber dans beaucoup d'erreurs, on devra éviter de
nation humaine . Nul n'interpréta , d'unemain plus fière et plus compler avec lui et ne s'inquiéter que du petit nombre des
libre, les grands poètes,dont il eut toutes les tendresses , toutes élus.
les angoisses, toutes les ironies, tous les enthousiasmes. Quel La phrase est le tyran de notre siècle , qui se paie de quel
que chose de grand et d'épique se dégage de son cuvre intense, ques mots qu'on prend pour des idées, et sur lesquels on vil
envahit l'âme et l'emporte dans le pays des rêves enflammés . dans d'étranges illusions. L'affirmation dela perfectibilité indé
On y trouve partout l'empreinte saisissante de son cæur vio finie est un de ces mots. Elle a enfanté la distinction hostile du
lent et de sa mélancolie pénétrante . « progressisme et du traditionnalisme, mots barbares et vides
Ce qui préoccupe Delacroix, avant tout, c'est le caractère , de sens. Qui peutdonc, sans démence , être exclusivement pro
l'accent, l'expression . Tout cela prime, à ses yeux , la précision gressiste ou traditionnaliste ? Personne ne fera remonter les
du contour et la neltelé graphique de la ligne. Il sacrifiait fleuves vers leur source , et nul ne peut accélérer la marche du
volontiers le détail aux exigences de l'ensemble , à l'énergie du temps.
mouvement et à l'intensité de l'expression . Son génie eut les On ne saurait trop prémunir les artistes contre les dange
inexprimables altrails de sa Juliette , de sa Desdemone, de sa reuses séductions que leur présente l'état actuel de l'art. Pour
Marguerite , de son Roméo et de son divin Hamlet , chez les quoi cherche- t-on à proscrire la ligne au nom de la couleur et
quels la beauté physique, contestable aux yeux des natures vul la couleur au nom de la ligne ? Le véritable goût consiste å
gaires, est primée par la noblesse et l'âpreté de l'expression . admirer également la noblesse du style et la magie du coloris ,
Le poèle maladif qui a chanté les Fleurs du mal, a énergi à se laisser , tour à tour et à la fois, charmer par la finesse des
quement caractérisé son génie, dans les vers suivants : Flamands, la splendeur des Vénitiens, la grâce des Lombards,
la grandeur des écoles florentine et romaine.
Delacroix lac de sang hanté des mauvais anges, Quelle que soit, d'ailleurs, la bannière sous laquelle on mar
Ombragé par un bois de sapins toujours verts , che, il ne faut jamais oublier que l'art doit être l'idéalisation
Oů , sous un ciel chagrin , des fanfares étranges
Passent comme un soupir étouffé de Weber . de la vie réelle, le rapport de la pensée humaine avec la puis
sance qui crée le monde et le perpétue. La mission de l'ar
tiste consiste à redire à la terre ce qu'il a contemplé sur les
Un critique très autorisé en matière d'art, Théophile Silves
cimes altières où s'épanouit la mystérieuse fleur de l'idéal.
tre , résumait ainsi naguère son opinion sur ce grand peintre : Ingres et Delacroix eurent chacun leur idéal. Chez Ingres,
« Ainsi mourut, presque en souriant, le 13 août 1863,
la conception poétique et le procédé technique se pondéraient
François - Victor - Eugène Delacroix , peintre de grande race, qui
dans les proportions d'une sévérité implacable et d'une séré
avait un soleil dans la tête et des orages dans le cour ; qui
nité olympienne . Delacroix fut le peintre émouvant des pas
toucha quarante ans tout le clavier des passions humaines, et sions, des douleurs et des grâcesmorbides. Il eut la mélancolie
dont le pinceau grandiose , terrible ou suave, passait des saints des cours généreux , brisés dans leurs illusions, dépossédés de
aux guerriers,des guerriersaux amants, des amants aux tigres leurs chimères , qui refoulent au fond de leur ame l'amertume
et des tigres aux leurs. »
que l'ironie fait monter à leurs lèvres.
Tout en reconnaissant l'incontestable talent d'Ingres , je ne
Ces deux grands artistes offrent à notre attention deux faces
cache pas ma prédilection pour celuide Delacroix , qui est plus
de l'art, dont la réunion produit la beauté suprême : la sévérité
vivant, plus émouvant, plus symphonique .
de la ligne et l'éclat de la fantaisie .
Ces deux artistes seront la gloire de notre temps dévoré par
Ingres, en mourant, n'a pas oublié sa ville natale , notre voi
l'industrialisme. En dépit des chants d'allégresse poussés par
sine. Le legs fait par lui à Montauban se compose, dit-on, de
les préconiseurs du progrès indéfini, la poésie, l'éloquence,
quatre - vingts toiles environ , dout quaranle au moins d'une
les beaux - arls ne sont que la vaine décoration de notre époque
grande importance . Parmi celles -ci figure le tableau de Jésus
sceptique, qui n'est pas sincère et qui neles préconise que par
parmi les docteurs, que je n'aimeguère.
un dilettantisme conventionnel. Le gout, - que l'on a appelé
Il a légué, en outre, une série considérable de documents,
Je microscope du jugement et la conscience de l'esprit , va
calques, dessins, ébauches, croquis, reproductions et gravu
se corrompant graduellement, parce que les masses ont été
res, quelques vases anciens , des bronzes, des terres cuites,
prématurément conviées à se manifester avant d'avoir atteint
des médailles, des plålres, son violon , ses livres, quelques por
leur maturité. Edgar Poë l'a dit : « La science n'est pas bonne
trails de famille de sa main , son fauteuil de travail, son secré
pour l'hommependant la minorité de son âme, » La forfanle
taire, sa boite à couleurs, sa paletle et son chevalet .
rie intellectuelle est une de nos plaies, et ceux- là sont rares
Tout cela n'est- il pas suffisant pour attirer à Montauban les
qui parviennent à distinguer le beau du joli dans les arts. On
pèlerins que l'art préoccupe encore ?
ignore généralement combien il faut avoir longtemps vécu dans
leur commerce pour atteindre ce but. Agréez , etc.
Benjamin Constant affirmait qu'en fait d'art il faut briguer
le suffrage des minorités. Cette pensée me semble si vraie, L. B. DU V.
qu'il n'y a plus à se fier au public , et simême à l'avenir on ne
245

NOTE SUR LE PIED GAULOIS

Par M. Aurès , ingénieur er chef des Ponts et Chaussées à Nimes , membre de l'Académie du Gard .

« La longueur du pied français, habituellement connu sous de là qu'ils possédaient, eux aussi, un système complet de
le nom de pied -de-roi, a- t- elle élé réellement déterminée à poids et mesures, et par conséquent, enfin , que les Romains
priori, ainsi qu'on l'a dit quelquefois, par Charlemagne, ou ont dû trouver ce système depuis longtemps en vigueur dans
bien est-il plus conforme à la vérité de considérer celte an les Gaules, quand ils y ont porté leur domination .
cienne unité métrique comme remontant à une époque beau » La question n'est pas et ne peut pas être de rechercher,
coup plus reculée , el notamment commeantérieure à l'exercice après cela , si les Romains ont été conduils , pendant la durée
de la puissance romaine dans les Gaules. » de leur occupation , à user de leur autorité ou de leur influence
Telle est la question qu'a posée M. Aurès, dans un mémoire pour interdire à nos pères le libre usage de leur systèmenatio
lu par lui aux dernières conférences de la Sorbonne (1) . nal et pour y substituer brusquement le système romain lui
Il la résout ainsi : « Les Gaulois, nos ancêtres , se servaient même. Tout le monde sait, au contraire , que le respect le plus
d'un pied qui, par sa longueur et sa division en douze pouces , absolu des habitudes locales a toujours élé le caractère dis
se rapproche autant que possible du pied -de-roi actuel. » tinctif de la politique de Rome, et que, malgré le soin avec
M. Aurès expose comment il a été amené à celle conclu lequel elle imposait sa langue aux nations vaincues, elle n'a
sion ... jamais craint d'aller jusqu'à emprunter à ces nations elles
Avant tout, il importait de savoir si les Gaulois possédaient mêmes leurs usages et jusqu'aux dieux qu'elles adoraient.
effectivement un systèmemétrique régulier ? On serait conduit C'est ainsi, notamment, que les Romains n'ont jamais
å en douter par ce fait que M. Vazquez Queipo n'a pas même songé à substituer leur système métrique à celui des Grecs, ni
soulevé celle question dans le savant Irailé publié par lui en à celui des Egyptiens, lorsqu'ils ont porté leur domination en
1859 sur les systèmes métriques et monétaires des divers peu Grèce ou en Egypte ... Ils ont dû opérer de la même manière
ples de l'antiquité, depuis les premiers temps historiques jus quand ils sont venus dans lesGaules. Ne sait- on pas, d'ailleurs ,
qu'à la fin du khalifat d'Orient... Mais ce doule disparait bien qu'ils y ont poussé le respect des usages locaux jusqu'à expri
lôt devant la réalité des faits . mer eux-mêmes en lieues les distances itinéraires de la Gaule
« Le premier et le plus incontestable est, sans contredit, proprement dile , bien que leur règle constante fût de compter
l'existence d'un système monétaire chez les Gaulois : personne par milles dans les autres provinces de l'empire ?...
n'ignore qu'ils fabriquaient des monnaies, et surtout des mon Il ne semble pas difficile de se rendre compte maintenant
naies en or, longleinps avant l'arrivée des Romains dans les des fails qui ont dû se produire immédiatement après la con
Gaules, et la conséquence forcée de ce premier fait est que la quête romaine , car ils sont une conséquence directe el néces
civilisation gauloise avait à sa disposilion des moyens réguliers saire de celle conquête elle -même.
de pesage, sans lesquels une fabrication de monnaies ne peut » D'une part, en effet, les Gaulois, tont en conservant entre
pas être comprise. eux , sans altération sensible, leur ancien système national ,
► D'un autre côté , celle existence d'un système monétaire ont été néanmoins conduits à adopter quelqueſois le système
.suffit pour constater de fréquentes relations commerciales entre romain pour faciliter leurs relations avec leurs nouveaux mai
les citoyens, et pour faire comprendre que ces relations ne se tres, et de l'autre, au contraire, les Romains, quoique prati
réduisaient pas habituellement à de simples échanges effectués quant le système gaulois, quand ils voulaient, de leur côté,
en nature , comme à l'époque où les premiers rapports entre les établir des relations avec leurs nouveaux sujets , n'en ont pas
hommes se sont élablis, mais qu'ils s'opéraient, au contraire, moins continué à conserver entre eux l'usage de leurs unités
en délerminant d'une manière exacte la quantité , c'est- à -dire nationales, ce qui a produit inévitablement un double système
les dimensions, le volumeou le poids des divers objets vendus . métrique qui, en se propageant et s'étendant chaque jour
Comme il est parfaitement certain , en second lieu , que davantage, a dû amener, dans certains cas , une complication
les Gaulois fabriquaient, antérieurementà la conquête romaine, fâcheuse .
des armes, des chariols et des instruments de toute espèce , » Cependant, et quelle que fût celle complication , on peut
élevaient des monuments d'architecture, mesuraient des dis facilement comprendre la persistance de l'ancien système gau
lances itinéraires, etc., il est indispensable de conclure encore lois, au milieu même de la civilisation romaine, si l'on veut
bien se rappeler toutes les difficultés qu'il a fallu vaincre pour
( 1) Le Mémoire de M. Aurès devant être imprimé dans une publication faire adopter en France notre nouveau système mélrique, mal
officielle , nous avons dû , sur la demande de l'auteur, ne pas le reproduire gré sa simplicité évidente et malgré des avantages marqués sur
textuellement.
tous les systèmes précédents.

33
246

» Il faut donc le reconnaître , le système métrique national grec de Marseille l'a taillé en se servant lui-même d'un pied
existant chez les Gaulois antérieurement à l'occupation romaine gaulois, rigoureusement conforme à notre pied-de-roi, et parce
a été pratiqué et conservé pendant loute la durée de celle occu que cet artiste a agi, en opérant de la sorte, identiquement
pation et longtemps après elle . ) comme les artistes grecs de Pæstum ou de Métaponte, lors
Après avoir ainsi établi, par une suite de déductions d'une qu'ils se sont servis du pied ilalique pour élever les monuments
incontestable logique , que les Romains ont trouvé dans les Gau de la grande Grèce ... »
les un système métrique national , M. Aurès recherche si ce M.Aurès semble avoir trouvé une confirmation plus irrécu
système était analogue à celui des conquérants et quelle en sable peut- être de sa théorie en mesurant des monuments
étail l'origine. Le problème est d'autant plus difficile à résou d'une origine antéromaine incontestable. Ce sont des baches
dre que les éléments font défaut et que le point de départ est, celtiques en bronze , trouvées en 1851 sur le territoire de la
pour ainsi dire, hypothétique . commune de Vauvert.
On doit aux laborieuses investigations de M. Pistollet de « Elles étaient fabriquées suivant le même type, quoique sur
Saint -Ferjeux de savoir que la lieue gauloise ne doit pas être des dimensions différentes , et cependant toules leurs mesures
confondue avec la lieue romaine, et que la longueur de la pre ont pu être exactement traduites en fonction du pied -de-roi et
mière de ces deux mesures doit être réglée à 2,415 mètres ou de ses divisions connues . »
environ , tandis qu'il faut compter pour la seconde 2,222mètres La valeur de ces dernières mesures ayant été contestée,
seulement. Quelle que puisse être, en fin de compte, la vérité M. Aurés a réclamé l'intervention et pour ainsi dire l'arbi
par rapport à cette première découverte qui a été , dès l'abord , trage d'un officier supérieur du génie militaire, M. le colonel
très vivement controversée et qui l'est encore , M. Aurès la Puiggari, très opposé jusqu'alors à ses conclusions.
considère comme particulièrement remarquable et croit pou Le savant antiquaire a relevé lui-même, et sans le concours
voir justifier celle apprécialion . Selon lui, la lieue romaine de M. Aurès, les dimensions d'une hache celtique en bronze ,
correspondant à un mille romain et demi, c'est -à - dire à 1,500 que celui-ci n'avait jamais vue et qui avait été fournie par M. A.
pas , ou mieux à 7,500 pieds gaulois, on se trouve conduit à Ricard , de Montpellier .
penser que la lieue gauloise contenait 7,500 pieds gaulois, et « Toutes les dimensions relevées sur celle nouvelle hache
que peut-être même la lieue romaine a été effectivement fixée se sont trouvées celte fois encore si exactement exprimées en
à 7,500 pieds romains, précisément parce que la lieue gauloise fonction des divisions connues du pied -de-roi, que M. le colo
se trouvait déjà , depuis longtemps , fixée à 7,500 pieds gaulois. nel Puiggari est resté désormais parfaitement convaincu (1).
( S'il en est ainsi, et si la lieue gauloise correspond, en
effet, à 2,415 mètres , commeM. Pistollet de Saint-Ferjeux
2,415 (1) Extrait d'une lettre de M. Puiggari.
nous l'enseigne , le pied gaulois correspond à
7.500 c'est - à
dire à 32 centimètres plus une fraction , ou , en d'autres ter Ce n'est pas, croyez- le bien , sans un examen très approfondi et sans
une lutte sérieuse contre le témoignage de mes yeux et de mes mains que je
mes, ce pied est reproduit aussi exactement que possible par
suis arrivé à croire fermement et à affirmer ce que vous avez déjà constaté
notre pied - de-roi. » pour d'autres haches de bronze.
Ce premier résultat était un trait de lumière ; toutefois, Quelles que soient les inductions à tirer d'un fait, il serait illogique de le nier
à priori parce qu'il se trouverait en désaccord avec des idées généralement
avant de lui accorder une importance décisive , il était néces admises ; j'aurais juré, je l'avoue, que le moule d'où est sorti la hache de
saire de l'appuyer de nouveaux arguments, car il pourrait, à la M. Ricard avait été creusé par la main d'un artisan grossier, siniplementdirigé
rigueur, ne provenir que d'une coïncidence forluile. M.Aurès par cet instinct confus du beau qui est naturel à tous les hommes . Si l'on
s'est, dès lors , appliqué à mesureravec beaucoup de soin divers m'avait dit que cet artisan avait fait usage de procédés géométriques, d'une
échelle parfaitement divisée et d'instruments d'une grande précision ; que, de
objels susceptibles d'être rapportés , d'une manière incontes plus, il avait proportionné les différentes parties de son auvre de manière å
table, à la période purement gauloise. Il a soigneusement étu les raccorder habilement et à obtenir un toutd'une élégance incontestable, j'ali
rais fait comme tous les incrédules , je me serais mis à rire. Pourtant, cela est
dié une sorte de chapiteau conservé dans le nymphée de Nîmes
certain , les lignes génératrices du moule qui a servi à couler la hache de
(lemple de Diane), et qui porte sur son tailloir « une inscrip M. Ricard sont des arcs de cerele ; les rayons de ces arcs sont exprimés, soit
tion cellique gravée en lettres grecques . » en nombres exacts de pouces de Om 02707 ou de lignes de Om 002256, soit en
« C'est un produit certain de l'art grec qui a été incontes parties aliquotes de la longueur totale (L ) de l'instrument; cette longueur est
exactementde 56 lignes = 7X ( 2) 3 ; sa plus grande épaisseur est de 6 lignes ,
tablement fabriqué, longtemps avant l'époque de la conquête etde 42 lignes si on la prend sur les ailes ou appendices latéraux ; à l'extré
romaine, par un artiste de la colonie grecque de Marseille. Or, mité opposée au tranchant, l'épaisseur est de 2 lignes , et la largeur du 5e de
il arrive , malgré cela , que toutes les dimensions de ce chapiteau L ; la circonférence qui forme le tranchant a pour rayon le 1/3 de l ; enfin , il
ne s'agit pas ici de quelques dimensions qui, par hasard, peuvent être expri
peuvent être exprimées d'une manière très exacte en pouces de
mées en lignes de Om 002256 ; il n'est pas possible de douter de l'application
notre pied - de-roi ; que , de plus, il est rectangulaire, el que sa d'un véritable système etde l'emploi du pied -de-roi.
plus grande face couronnait autrefois un dé ayant rigoureuse Au bout du compte, est-il bien surprenantqu'un peuple capable de fabriquer
des instruments de bronze ait su tracer des circonférences, qu'il ait eu une
ment deux pieds-de-roi delargeur . mesure de longueur nationale et que l'unité de cette niesure nous ait été trans
» Faut-il trouver encore là un nouveau jeu du hasard ? et crite de siècle en siècle ? Ce qui étonne, c'est que l'on apportåt autant de soin
n'est- il pas évident, au contraire , que si le chapiteau gallo et de précision à déterminer la forme d'un instrument qui nous paraît aujour
d'hui bien vulgaire ; mais l'était- il aux yeux de nos ancêtres ? Les procédés de
grec de Nimes a toutes ses dimensions effectivement exprimées fabrication étaient sans doute imparfaits , mais le temps n'avait pas le prix qu'il
en fonction du pied -de-roi, c'est précisément parce que l'artiste a aujourd'hui, et on le dépensait sans marchander ; le domaine de l'art était
- 247

» Il est donc nécessaire de le reconnaitre, notre pied -de-roi Charlemagne n'était ni le géant, ni l'être difforme que ferait
est une mesure qui dérive du pied gaulois, et qui en a con supposer une pareille dimension ; on ne peut donc accepter
servé jusqu'à nous, aussi exactement que possible, la longueur celle partie de la légende ; mais c'était un grand organisateur ,
et les divisions, et celte identité de nos deux plus anciennes et, dès lors, une portion du récit populaire « peut et doit être
unités métriques peut être constatée encore de plusieurs ma vraie . )
nières différentes... » » Les difficultés et les embarras qui résullaient de l'usage
Si l'on cherche, par exemple, à se rendre un compte exact simultané du pied gaulois etdu pied romain existaient certai
des longueurs des diverses unités linéaires auxquelles le mètre nement au plus haut degré lorsque Charlemagne a voulu cons
a élé substitué, on trouve que l'aune ayant 1 mètre 18 de lon tituer son empire , et non -seulement chacun de ces deux
gueur est rigoureusement égale à 4 pieds romains antiques . étalons métriques employés alors simultanément se trouvait
Quant à la toise , elle correspond à 6 pieds- de-roi , c'est- à - dire tantôt admis el tantôt rejeté, mais encore ils avaient dû s'alté
å 6 pieds gaulois , d'après le système de M. Aurès... L'aune et rer l’un par l'autre, et de là devait résulter la plus grande
la toise élaient en usage , surlout dans le nord de la France . confusion ... Avant Charlemagne , personne n'avait eu une au
« Nous voilà donc en présence , dans cette région , de deux torité assez étendue pour songer à remédier à ce mal. Le génie
mesures complètement différentes l'une de l'autre : la première essentiellement organisateur de ce puissant monarque a dû
.

d'origine romaine , et la seconde d'origine gauloise . Celle -ci s'emparer de la difficulté pour la résoudre, et tout tend à
est essentiellement nationale ; l'autre ne l'est pas au même prouver qu'après avoir examiné et étudié la véritable situation
degré. C'est une mesure purement commerciale , et la preuve des choses , il s'est décidé à donner la préférence à l'ancien
de cette dernière assertion résulte de ce que les mesures étalon national.
agraires n'ont jamais été déterminées, en France , en fonction » C'est ainsi, sans aucun doute , que notre pied -de-roi, quoi
de l'aune , tandis que la perche et l'arpent sont partout expri que effectivement constitué par Charlemagne , se trouve repro
més en fonction de la toise . duire cependant, aussi exactement que possible , le véritable
» Dans le Midi, où l'aune et la toise étaient autrefois très pied gaulois, et peut-être est-il permis d'espérer qu'on exhu
peu répandues, et où l'on ne comptait que par cannes, la per mera un jour, du fond de quelques archives ignorées, le capi
che et l'arpent n'ont jamais été en usage ; les seules mesures tulaire qui a définitivement réglé cet imporlant détail d'admi
agraires qu'on y employait sont: la seterée et la carterée, divi nistration publique . »
sées, l'une et l'autre, en dextres , et ces diverses unités sont Als
toutes exprimées en fonction de la canne.
► Mais cette canne elle-même, toujours divisée en 8 pans,
En dehors de la conclusion relative à l'origine gauloise du
variait néanmoins, el variait souvent beaucoup d'une localité à
l'autre . Ainsi, la canne de Nimes avait 1 mètre 97 de longueur , pied -de -roi réglé par Charlemagne , et qui ne saurait intéres
quand celle de Carcassonne n'avait que 1 mètre 78 ; différence ser qu'un petit nombre de lecteurs , il en est une autre que
de l'une à l'autre : 0 mètre 19. M. Aurès a indiquée déjà , et dont l'importance trouvera des

► Pourquoi une aussi grande différence et d'où peut- elle appréciateurs parmi les nombreux esprils tournés vers l'étude
provenir ? Il ne semble pas difficile de le dire, si l'on remar des périodes antéhistoriques... Ce pied d'une longueur com
que que la canne de Carcassonne est rigoureusement égale à prise entre 32 et 33 centimètres, que M. Aurès considère

6 pieds romains antiques, quand celle de Nîmes correspond, de comme ayant été employé dans les Gaules avant l'époque de la
conquêle romaine et qu'il appelle pied gaulois, d'où provient-il
son côlé,aussi exactement que possible, à 6 pieds français, ou
mieux encore à 6 pieds gaulois . ) et où peut- on le retrouver ?... M. Aurès ne le rencontre qu'en
Asie, où l'on a constaté dans le système assyro -chaldéen -perse
Nous sommes donc ici, une seconde fois , en présence de
l'existence d'une unité métrique de 0 mètre 64 de longueur ,
deux mesuresdemême nom , et différant cependant entre elles
parce que l'une est d'origine romaine, quand l'autre est d'ori divisée en 2 pieds de 0 mètre 32 l’un . On a relevé cette unité
gine gauloise . métrique en Mésopotamie, sur des briques carrées portant le
timbre des rois Nabuchodonosor, Nériglissor et Nabonid , et
Dansla constatation de l'emploi simultané de mesures d'ori
gine différente dans les Gaules, M. Aurès trouve une explica dans les cours du palais de Khorsabad , fondé près de Ninive
tion rationnelle de la légende qui attribue à Charlemagne la 706 ans avant notre ère ... De ces rapprochements , M. Aurès

création de notre pied national, pied -de-roi, pied français, et déduit l'origine asiatique du pied gaulois , ce qui rattache sa
découverte aux conclusions générales , relatives aux origines ,
d'après laquelle il en aurait réglé la longueur sur celle de son
propre pied . qu'imposent de plus en plus les travaux récents sur la linguis
tique , la numismatique, les religions, les symboles, elc.
restreint, mais le sentiment inné du beau devait pourtant se manifester, et rien Le savant ingénieur qui cherche si heureusement à appli
n'était plus digne de l'exciter que la fabrication des instruments de guerre... quer aux études de l'archéologie l'infaillibilité du nombre, plus
Au surplus, les dissertations sont prématurées. Vous avez annoncé des faits préoccupé d'arriver à la connaissance de la vérité que de faire
nouveaus et pleins d'intérêt ; il s'agit de les faire accepter. Vous avez pour
cela des preuves malérielles ; je désire vous en avoir fourni une de plus. Lors triompher sa théorie, ne demande pas qu'on admelte celle -ci
que vos idées seront admises, les dissertations ne manqueront pas ... de confiance, mais qu'on l'étudie .
248

Ses idées , considérées d'abord commeparadoxales, ont gagné en fonction de notre pied -de - roi et de ses divisions, et à pu
du lerrain et sont aujourd'hui sérieusement discutées, grâces blier ensuite les résultats de ce travail... Les lecteurs de la
surtout au concours que de bienveillants amis ont consenti a Revue archéologique du Midi sont plus spécialement appelés á
lui fournir ... s'occuper d'une question signalée par un des érudits les plus
De celle discussion , la vérité ne tarderait pas à se dégager , marquants de la région et qui en a trouvé les premiers élé
si tous ceux qui ont à leur disposition des objels véritablement ments dans le Midi.
celtiques consentaient d'abord à les mesurer scrupuleusement, 8. DUSAN

LE SABBAT.

Chapitre d'une étude inédite (Mages , Enchanteurs et Sorciers),

En publiant ces pages où l'auteur résume les données générales qu'il a recueillies sur un sujet envisagé par lui à un point de vue particulier, nous désirons
provoquer, de la part de nos collaborateurs, des recherches nouvelles sur des cultes mystérieux proscrits par les religions officielles longtemps avant le christia
nisme, et dont nos contrées possèdent des monuments plus nombreux qu'on ne le soupçonne... Des travaux de ce genre pourraient se rattacher d'ailleurs à des
questions moins éloignées. Au XIe siècle , par exemple , les sectaires albigeois ont été appelés les Ensabatats. La persécution faisait peser sur eux les mêmes
accusations qu'avait formulées le monde antique contre les premiers chrétiens... Ne serait-il pas intéressant d'étudier les rapports secrets que les assemblées des
Faydits peuvent avoir avec les légendes méridionales relatives au Sabbat ?...
B. D.

Le Sabbat est la fêle des sorciers . cile d'Aquilée, qui excommunie ceux qui croient que les sor
Ce que le Bien accomplit le jour , sous le rayonnement du ciers et sorcières sont transportés d'un lieu en un autre de la
soleil, le Mal le pratique la nuit, à la clarté douteuse de la façon et manière qu'ils le déclarent.
lune . L'autre opinion , beaucoup plus commune , acceptée en
N'est- ce pas l'heure de l'illusion et des égarements. France , en Espagne , en Italie, en Allemagne, en Angleterre ,
La grande plaine ou la lande ténébreuse ; la rivière , le par presque tous les grands théologiens et les grands juriscon
marais, mystérieusement élincelants de la blanche flamme noc sulles , déclare que les sorciers sont, à nuits fixes , corporelle
turne ; les rochers en chauve et fantastique amphithéâtre ; la ment transportés à leurs assemblées.
forêt obscure avec ses jeux d'ombre confuse et noire, sa Les nuits choisies varient en France suivant les lieux : ce
lumière qui descend du ciel påle et indécise ; le scintillement sont celles du lundi, du mercredi, du vendredi; en Italie, la
vertigineux des étoiles : n'est-ce pas l'heure des entraînants nuit du vendredi au samedi ; en Lorraine, celles qui précédent
effels ? Le rêve se confond avec la veille , le cerveau s'exalte , le jeudi et le dimanche.
voici l'hallucination et le délire... Le démon préside chacune de ses assemblées et peut se
Il y a les petites fêles , le jour du repos, fête dela semaine, trouver en même temps à des milliers de Sabbats : suivant sa
assemblée particulière et de la paroisse . fantaisie, il se montre tantôt sous la forme d'un homme grand ,
Les grandes fêtes, obligaloires au renouvellement de cha velu , noir , avec des cornes sur la tête , une barbe semblable à
que saison , où vous trouverez jusqu'à douze mille sectaires. celle d'une chèvre, les ongles longs, recourbés comme les ser
Les fêles mobiles, où le démon convoque ses adeples par res d'un oiseau de proie, et la voix rauque et discordante ;
un signe de l'air, une chauve -souris , une mouche, un mouton tantôt il prend la figure d'un boue , d'un chien , d'un crapaud
ou un papillon de nuit. ou d'un chat noir aux yeux élincelants .
Essayons, avec les livres des moines et des inquisiteurs, Sur les neuf heures du soir , avec un onguent composé de
avec ceux des juges laïques , avec les arrêts des cours de jus graisse d'enfants tués avant le baptême ( au moyen -âge toute
lice, sur les aveux et la confession des coupables, de repro accoucheuse, tout radoubeur est sorcier ), ou de la liqueur ver
duire celle kermesse nocturne, cette assemblée secrète où cha dâtre vomie par un crapaud frappé tant qu'on a des forces, le
que affidé est lié par la débauche, le crime, le sacrilége et le sorcier oint un bâlon , un manche de balai, une fourche et se
meurtre... Ici deux opinions. met à cheval dessus. Il peut aussi , après s'être frotté les cuis
L'une veut que les sorciers soient transportés au Sabbat seu ses avec sa pommade, enfourcher un bouc , un chien , un dia
lement en imagination . C'est l'avis d'un certain nombre de ble forgé de l'air par le démon ; qu'il melte ensuite le pied sur
catholiques : celui de Luther et de Mélanethon , celui du con la crémaillère , il s'envole par la cheminée .
249

Rien ne peut le retenir et l'empêcher de se rendre à son liens depuis l'an 41 ? Ces chrétiens, on les accusera bientôt de
devoir : enfermé, il sortira par le trou de la serrure ; atlaché, il se livrer à d'horribles impuretés, à d'infâmes débauches, à de
échappera par une métamorphose à ses liens. A son choix, il monstrueuses abominations. Pour l'agape sainle comme pour
ira au Sabbatmasqué ou le visage découvert. la fête du Sabbat, on tue, dit-on , un enfant, et on communie
Nous voici au milieu de l'assemblée . Un rocher, une lande, de sa chair et de son sang. La fralernité, l'aumône, le baiser
sur la lisière d'un bois, sous l'ombre du chêne séculaire de la de paix se nommeront prostitution , séduction , luxure.
plaine, à l'embranchement de quatre chemins ; le sorcier arri Les mæurs se sont corrompues ; ceux que la foi nouvelle ,
vant adore, à genoux , ou la tête en bas el les jambes en l'air, brûlante , que les sanglantes persécutions ont excité à rester
son maître Salan qui préside la fête assis sur un dolmen , une purs et saints, se sont laissés séduire par la chair. Tentant otia
tombe ou une chaire , et lui fait offrande d'une chandelle noire , quos bella non fregerunt, dira saint Ambroise . Ils arriveront
de quelques herbes vénéneuses : la morelle, l'armoise, la ciguë aux abominations des adamites , des gnostiques, des carpocra
ou la belladone; quelquefois l'offrande choisie de nombrils de tiens, aux saturnales des bacchantes, desmystères de Cybèle
petits enfants ; les plus zélés luiapportent la sainte hostie qu'ils et de Cérès, et le concile de Carthage sera forcé de supprimer
foulent à beaux pieds en sa présence. Tous , après l'offrande, les agapes (350) .
lui baisent le derrière. Le diable le sait bien , qu'il est un genre de mauvais esprits,
S'il a des enfants, l'adepte les présente au mailre qui, pour un vice de l'esprit, qu'on ne peul chasser, comme le dit saint
première initiation , exige qu'on leur apprenne devant lui le Marc, que par le jeûne et la prière ; il sait, avec saint Paul,
crime d'Onan , et quelquefois leur fait l'honneur de s'unir cor que celui qui est faible , qui a les appélits déréglés du corps,
porellement avec eux. Le diable pose sa griffe sur le nouvel doit manger des herbes, se livrer aux mortifications, aux auste
initié , et la marque sera indélébile el insensible ; il l'inscrit sur rités et aux jeûnes. Aux adeptes du Sabbat, les tables luxu
son livre, le voilà apprenli ; viennent quelques crimes puants, riantes, les mets échauffants, les boissons qui brûlent le corps
énormes, il deviendra compagnon , mailre . Le jeune adeple et incendient la raison .
signe avec son sang , sur un parchemin fait de la peau d'un Voici l'heure des danses, l'heure de la chair. Chaque convive
enfant non venu à terme, un engagement par lequel il donne jelle ses habils, et, dans une nudité complète, s'élance à la
son âme à Salan el promet de vivre sous sa loi. ronde entraînante. Satan est beau prince ; il fournit un incube
A minuil, la messe noire . Certaines fois, le diable officie lui à la femme qui manque de cavalier, un succube à l'homme qui
même accompagné de six acolytes ; souvent c'est un prêtre n'a pas de danseuse.
catholique, le curé, le vicaire de la paroisse où se tient la réu On danse dos à dos , sans se voir, tenant allumée dans sa
nion . La croix est renversée ; la mitre, l'aube, la chasuble el main la chaudelle qu'on a offerle à Satan , et tournantsans cesse
autres ornements sont noirs et sans croix ; on consacre des autour d'un feu alimenté avec le bois des croix brisées , el
hosties triangulaires et noires ; la communion a lieu sous les l'ivresse monte avec la sueur et les fatigues de la ronde. La
deux espèces, le vin du calice est noir ; deux cierges noirs ou jeunesse, la beauté, leurs instincts et leurs rêves , ressuscitent
deux lampes sans buile éclairent l'aulel ; l'urine du diable sert dans les corps usés et décrépils ; la congestion , la folie don
d'eau bénile . Tous'font le signe de la croix de la main gauche ; nentà tous des forces brûlantes , contagieuses, des désirs luxu
à l'élévation , la foule prosternée jure de renoncer à la foi ca rieux, irrités , effrénés , pervers, inassouvibles, et alors l'orgie !
Tholique et crie : Mailre, aide -nous ! L'orgie lubrique et inféconde, horrible el obscène , adultère el
L'officiant, dans un court sermon , engage les croyants à monstrueuse , incestueuse et criminelle , qui espère outrager
persévérer, réconforte les faibles ; rien n'est vrai que ce que Dieu en outrageant la nature !... Passons.
l'Eglise déclare illicite ; on ne doit s'attacher qu'aux choses Qu'imporle au sorcier la torture et la mort ! Il ne pålira pas,
défendues. La malière est tout; l'esprit, l'âme, la conscience, le se plaindra pas, on ne l'entendra pas crier , on ne le verra
la morale , de pures inventions; il promet aux fermes el zélés pas défaillir ; celle constance, qui étonne les juges et irrite les
serviteurs de Satan un paradis plein d'élernelles délices, dont bourreaux , il la puise dans son passé, dans le souvenir de ses
les joies du Sabbal ne sont qu'un pale avanl-goût. La messe Sabbats, dans l'allente de son paradis .
lerminée, au nom de Béelzébuth , créateur et conservateur de Quel rêve de hatchis et d'opium , quelle ivresse hystérique ,
loutes choses, on bénit les tables chargées de mets d'une déli quelle congestion folle du cerveau excité jusqu'aux plus mons
catesse proportionnée aux dignités des assistants ; le menu est trueux dérèglements, peuventalleindre en imagination ce que
fourni par Salan , souvent il se compose de l'apport de chaque la réalité du Sabbat a donné au sorcier ?
convive . Que le craintif fasse dans sa maison des fumigations de sou
Aux tables du Sabbat, les sexes sont tantôt mêlés et tantôt fre , qu'il cloue à sa porte melète de loup , un fer de cheval,
séparés. La circule le vin enivrant, épicé ; plus tard l'eau - de une branche de gui ou de verveine ; que l'homme se détourne
vie , celle boisson empoisonneuse de l'intempérance ignoble . quand passe la sorcière , que la femme se signe et l'évite , que
Le repas fini et les grâces dites à Beelzébuth , on se donne le l'enfant se cache, tremblant !
baiser de paix . Que lui imporle ! Ce n'est pas le sorcier qui dira : Oderint
N'est- ce pas une dérision , une singerie ou une suite de l'an dum metnant. Rien du monde ne le louche . Qu'importe, à celui
tique agape, du repas saint de ceux-là qui se nomment chré qui peut satisfaire toutes ses passions, loules les ambitions de
250

son espril, tous les désirs de ses sens, et la haine publique , Quelquefois, se consumant lui-même en leur présence,
et les lois, et l'exil, et l'emmurement, et le bûcher , et la malé chaque sorcier recueillera les cendres du Diable évanoui dans
diction , et le sens commun ! les flammes , el ces cendres seront toules puissantes dans les
Ne le voyez- vous pas ? Il ne vil plus déjà de la vie de la terre ; maléfices .

il est malade, påli, exténué ; il n'existe que dans son rêve La fête est terminée. Chacun s'en retourne chez soi, à pied,
voluptueux, ne marche que dans son aspiration infinie . à cheval sur son manche à balai ou sur le dos d'un diable.
Après l'orgie , la confession . Chaque adepte rend comple Mais le retardataire qui se laissera surprendre par le jour, le
de sa conduite depuis la dernière assemblée. Satan distribue chant du coq ou le lintement de la cloche, vous le trouverez
éloge ou blame.Honneur à toute action déloyale , honneur à lout sanglant et écrasé dans la poussière du chemin , ou accroché,
crime; malheur à qui aurait praliqué la charité « Mareschale les reins brisés, aux branches d'un arbre .
. et Fourrière de Dieu qui marque et prépare le logis et demeure du Le sorcier empêché ou malade craint- il les fatigues du
Saint- Esprit. » Bien souvent le maitre maltraite et frappe celui voyage el veut-il jouir de la fête sans dérangement, Satan a
qui n'a pas commis d'assez exécrables méchancetés . tout prévu . Qu'il se couche sur le côté gauche, qu'il appelle le
Enfin , comme l'aube va paraitre, Satan remet aux initiés les démon à son aide, il lui fera vomir une vapeur épaisse , et en
graisses et onguenls nécessaires à l'exécution de leurs perni cette vapeur il verra les actions et diableries de toute l'assem
cieux desseins. Ces onguents sont le mélange des herbes véné blée : les profanations, les blasphèmes, l'impiété, l'attentat à la
neuses du Sabbat, bouillies avec des animaux immondes : les chasteté et à l'enfance, la bestialité , fonds obligatoires de tout
serpents, les crapauds, auxquels on ajoule des corps d'enfants Sabbat.
non baptisés el coupés par morceaux et des cervelles de cada
FERNAND PAGÉS .
vres déterrés.

DES CHEMINĖES ANCIENNES DE L'ARRONDISSEMENT DE GAILLAC ( TARN ).

On ignore à quelle époque les cheminées, telles que nous les ceaux ou resta horizontale, el porta les armes du maître de la
concevons aujourd'hui, ont commencé à élre élevées. Il est maison ; et , enfin , la partie extérieure de la hotte en entable
douteux que les Romains les connussent pour leurs apparte ment se couvrit de décorations simples d'abord , puis compli
ments,qu'ils chauffaientsoit avec des réchaudspleins de braise , quées suivant le style des époques de construction . La Renais
soit par des conduits placés sous le pavage ou dans l'épaisseur sance les couvrit des décorationsles plus variées, et des devises
des murs, communiquant à de vastes foyers inférieurs. Cepen ornèrent ses plates- bandes. Elles se multiplièrent alors d'une
dant, la véritable cheminée , c'est-à -dire un foyer ayant par manière prodigieuse , et lous les appartements en furenl pour
dessus un tuyau pour activer la combustion et entraîner au vus ; dès ce moment, leurs décorations, sculptées sur du bois
dehors la fumée , ne leur était pas inconnue ; elle leur était ou moulées sur du plâtre , furent placées en revêtement sur
indispensable pour l'exploitation de leurs produits métallurgi une cheminée en maçonnerie, et se prêtèrent ainsi à peu de
ques, et ils ont pu l'appliquer pour le chauffage de vastes salles frais à tous les caprices de l'architecte el du maître.
et mêmepour leurs cuisines, quoique le plus souventilsn'eus Les cheminées anciennes ne sont pas rares dans la contrée
sent qu'un foyer au milieu de l'appartement, pourvu dans le qui a été l'objet de nos constantes explorations, dans l'arron
haut de trous pour le passage de la fumée . dissement de Gaillac, au département du Tarn ; elles reprodui
Aucun plan ni aucune description de leurs cheminées ne sent tous les types depuis le xire ou xiure siècles jusqu'au XVII ,
sont parvenus jusqu'à nous, et ce n'est qu'au moyen - âge que à partir duquel elles perdirent peu à peu de leur importance,
nous trouvons, dans des cuisines anciennes de monastère, des furent diminuées dans leurs proportions et changèrent même
foyers disposés suivant ce dernier mode ; mais , au xire siècle de décorations.
senlement, commencent à apparaître dans les appartements de Les cheminées romanes du xijº el xirie siècles sont repré
véritables cheminées qui en deviendront bientôt un des princi sentées dans l'arrondissementpar des jambages seulement, restés
paux ornements. Des montants perpendiculaires au mur et en place au château de Penne et dans une maison particulière
limitantle foyer supportèrent un manteau en saillie sur lequel de Gaillac.
s'appuya une hotte , dont l'intérieur servait d'issue à la fumée. Au châlcau de Penne, on voit deux cheminées : l'une contre
Telles furent d'abord les cheminées , qui se chargèrent bientôt un mur de face entre deux croisées, et l'autre dans un mur de
de décorations . Ainsi, les pieds-droits se sculptèrent en co refend. Le tuyau de celle dernière est pratiqué dans l'épais
lonne avec base et chapiteau ; la plate -bande s'arrondit en ar seur du mur. L'autre cheminée est prise aussi aux dépens de
-

- -
251

l'épaisseur du mur . Ses pieds-droits étaient formés simplement un manteau fortement en saillie , à face inférieure évidée el
d'une colonne adossée au mur, en saillie, avec base el chapi ornée de petites voûtes d'arète sur les retours , contre les jam
teau orné de feuillage formant console pour soutenir une plate bages desquels sont figurées des colonnes engagées. Cordes
bande ; celle -ci a malheureuse offre au visiteur un nombre con
ment disparu , ainsi que la holte sidérable de maisons remarqua

ou entablement qu'elle soutenait. bles de la fin du XIe el du xive


A Gaillac , il n'existe plus qu'un siècle ; mais aucune n'a conservé
seul montant incrusté dans un sa distribution intérieure primi
mur, en ce moment extérieur, à live, et aux deux cheminées que
côté de la maison dile de la Cour nous venons de citer , nous ne
tade, Ce montant est formé de pouvons joindre la mention que
deux colonnelles accouplées avec d'un seul tuyau , sur le faite de
base et chapiteau, ce dernier re la maison de M. Dalayrac , de
produisant sur la surface anté forme circulaire , orné d'une
rieure et la face latérale deux couronne de feuilles de figuier
coqs affrontés. Une autre chemi sculptées en relief. C'est le seul
née , du commencement du xive exemple de couronnement de
siècle propablement, d'une sim luyau de cheminée que nous ayons
plicité remarquable, mais de for à signaler .
mes très pures , se trouvail dans La maison de M. Féral, à Puy
la salle d'honneur du châleau de celsi ,> offre aussi une cheminée
Castelnau de Montmiral ; elle est du xive siècle ou du commence
en ce moment démolie , el nous ment du xve, et dans le même
ne la connaissons que par un style que la précédente ; elle est
dessin malheureusement incom ornée , de plus , sur la clef de la
plet de M. de Combettes-Labou Cheminée à Puycelsi. plate -bande , d'un écusson au
relie . bar pamė.
A Cordes, dans la maison monumentale de la grande rue la Une autre cheminée , mais celle - ci d'une exécution plus
plus rapprochée de la porte des Houmets , existent au premier soignée el loule différente , se voit à Mouzieys , dans une mai
et deuxième étage, sur la façade , deux belles cheminées du son de pauvre apparence appartenant au sieur Colombier (nº 1) .
Xive siècle : les pieds -droits, façonnés en colonne , supportent Elle se compose de deux pieds-droits en pierre façonnés en

NAVAL

ET SI OPORTVERIT MORI-TECVM NON

111

Cheminée à Mouzieys (nº 1 ). Cheminée à Mouzieys (nº 2).


252

colonne, supportant un manteau mouluré et une holte chargée Celle de Mayragues, quoique dans un autre genre, est aussi
de décorations sculptées et découpées à jour ; un câble verti monumentale. Elle est décorée de sculplures taillées dans le
cal et horizontal est simulé aussi sur la hotte , au milieu de stuc et reproduisant des personnages en pied, des griffons, le
laquelle est figuré un écusson aux deux monogrammes de Jésus tout encadré dans des corniches et des bordures à feuilles de
et de Marie entrelacés. chêne finementdécoupées ; un tableau sur toile , figurant l’An
Le petit village de Mouzieys a fourni encore , dans la mai nonciation de la Vierge, occupe le milieu de la cheminée , el
son du sieur Marly, une autre cheminée de la Renaissance du les armes de la famille, le haut du fronton ; on le retrouve sur
plus grand intérêt (nº 2). Les pieds-droits sont ornés de losanges la plaque en ſer du contre -cæur, auprès de laquelle sont les
et de creux , et portent des consoles qui soutiennent la plate deux chenets de bronze anciens. Ajoulons que le petit château
bande moulurée. L'entablement , terminé par une belle cor de Mayragues est dans loules ses parties d'une exécution très
niche, esl orné de pilastres aux mêmes décorations que les soignée , les ferrures des portes gracieusement découpées et
jambages , et dans les panneaux , d'une coquille d'où pend posées sur du drap rouge , planchers recouverts de peintures
une couronne cncadrant un écusson. Celle cheminée , loute sur les poutres et les solives.
en pierre , porte sur la plate- bande l'inscription suivante On peut rapporter à celle même époque du xvre siècle une
en belles lettres romaines en saillie : PAX . DOMINI . partie d'une autre cheminée de Puycelsi, offrant une très riche
SIT . ET.SI. OPORTVERIT . MORI . TECVM . NON . TE . plate- bande en bois ornée de feuilles d'acanthe alternant avec
NEGABO . MEMENTO . MEI . Elle est tirée des deux évangé des feuilles pleines et portée sur des montants décorés d'une
listes saint Mathieu, chap . 26 , v . 35 , et saint Marc , chap. 14 , tête barbue el de feuillages. L'entablement de celle cheminée,
v . 31. Ces devises, dont on ne peut pas toujours aujour d'une époque sûrement postérieure, est orné de bouquets de
d'hui comprendre l'a -propos, se gravaient alors partout, et fruits el de fleurs et d'un tableau représentant le jugement de
c'est ainsi que nous avons signalé sur la porte du châleau de Salomon , daté de 1684 .
Frausseilles celle - ci : VIS TOUIOURS EN TA FOY. NE VA Le même sujet du jugement de Salomon , avec celle devise :
RIANT JAMAIS POVR PRINCE NI POVR ROY. Nous en voyons DIVISIONEM NON PATITVR AMOR , se voit sur une cheminée
une autre sur une cheminée de Puycelsi, démolie aujourd'hui ; de Montmiral, de la maison de M.Guinolas, bâtie en 1634. La
mais les pierres qui portent l'inscription sont incrustées dans cheminée est ici en pierre, mais simplement moulurée . La
la façade de la maison , el on y lit : OBSERVA . PERLEGE . cheminée du château de Milhars , de cette même époque, offre
PERCIPE . ET HAS DILIGENDO . aussi égale simplicité .
La Renaissance vit élever de très belles cheminées , aux déco Il existe encore bien d'autres cheminées des xve, xvie el
rations multiples et gravées le plus souvent sur bois ou laillées XVIIe siècles, que nous avons passées sous silence . Ainsi, celle
dans du stuc, que l'on appliquait ensuite sur la maçonnerie. du château abbatial de Serres, malheureusement très endom
Dans ce genre , les deux plus remarquables, sans contredit, magée ; celles de Bouillon , d'une remarquable simplicité ; du
appartiennent, l'une à M.de Tonnac, à Mayragues, et l'autre château de Lagarde, près Montmiral, qui porte sur la plate
à M. d'Iversen de Saint- Fons , à Gaillac . baude les armes de Bonfontan , une tour crénelée surmontée
Celle -ci représente diverses scènes du voyage à Constantino d'un lambel ; de la maison de Naguère , près Rabastens, dont la
ple de Jean Iversen , chargé d'affaires du roi à Raguse ; sa tra hotte est décorée d'une niche au milieu de laquelle se voit en
versée sur mer, son entrée dans la ville, sa présentation au relief , sur cuir gaufré , l'écusson des Delerm , trois larmes
sultan , son dîner avec l'empereur el sa visite à Sainte - Sophie. posées un et deux; celle du château de Mauriac , les deux du
Ces scènes décorent tout l'entablement qu'occupe encore, au Castele , dont les jambages sont formés d'une colonne cannelée
milieu , le portrait sur loile du mailre, el, sur les côtés , pour l'une et ornée de pilastres aussi cannelés pour l'autre ;
deux statues de grandeur naturelle de Cyparis et de Syl enfin , plusieurs à Rabastens.
vain , portant leurs noms écrits sur un phylactère : Cyparis A Cordes , on trouve encore des cheminées du xvire siècle
sus dilectus Sylvano, Sylvanus deus nemorum , 1584. La plate dignes d'être remarquées ; il y en a deux dans la maison déjà
bande représente un combat très animé, aux abords d'une ville citée, auprès de la porte des Houmets ; l'une est en pierre et a
crénelée , à droite de cavaliers , et à gauche de fantassins armés pour ornement des bouquets et des fleurs , au centre un grand
de sabres, de piques de toute forme et d'arquebuses ; au centre médaillon de feuillage encadrant le sujet de l'Amour à cheval
est l'écusson de la famille. Contre les jambages de la cheminée sur un dauphin ; l'autre est en bois et ornée d'un tableau . Elles
étaient, dit- on (car celte partie du meuble a été en partie éga sont dans des chambres qui ont conservé lout leur ameublement
rée ), les slalues d’Adam et Eve , el, au devant, un cerf, dont de l'époque : tenlures, lit à langes, etc.
les bois sont conservés, posant son pied sur le dos d'un Turc. La décoration des cheminées fút dès lors généralement for
Tous les personnages, et ils sont très nombreux , sont forte mée de bordures et moulages en plåtre appliqués contre le
ment en relief, souvent dans les poses les plus heureuses et mur el encadrant des sujets, habituellement des tableaux ;
toujours pleines de vie . C'est là une curieuse et monumentale elles perdirent leurs dimensions premières , qui se réduisirent
cheminée qui, en dehors de son intérêt de famille , a une de beaucoup , et les ordonnances de 1712 et 1723 réglerent
grande valeur au point de vue de l'art, de la décoration , des leur grandeur . Enfin , au xvte siècle, il s'opéra un changement
appartements et encore du costume des personnages. nolable dans leur décoration par l'apparition de glaces éta
253

mées à la place des tableaux et des bas-reliefs de sculpture. Ce mées ; les glaces y devinrent bientôl indispensables ; elles
ful là une véritable révolution commencée vers 1728 , sous les en constituent aujourd'hui le banal et presque l'unique
auspices de Marcolle, premier architecte de Louis XV. Ac ornement.
cueillie d'abord avec beaucoup de difficulté, cette nouveauté ÉLIE- A , ROSSIGNOL,
passa peu à peu dans les décorations babituelles des chemi de Monlans.

FRAGMENT D'UN SARCOPHAGE CHRÉTIEN A PERSONNAGES

ÉGLISE DE PLAGNES (AUDE) .

Le bas-relief que reproduit mon dessin est actuellement mais il offre ou intérêt spécial el par les sujets qu'il représente
fixé dans un mur de l'église de Plagnes , canton de Belpech el par le lieu où il se trouve .
(Ande )..... Longtemps abandonné dans quelque recoin , ce Jésus mené an Prétoire, Jésus devant Pilate , qui se lave les
marbre a subi de nombreuses inutilations , malgré lesquelles mains du sang du Juste , sont des scènes très rarıment figu

K
SE

A 115 .

cependant l'influence de l'art antique s'y manifeste assez pour rées sur les sarcophages du Midi. Dars ines souvenirs , je ne
indiquer une æuvre antérieure à la domination visigothique . les retrouve , sauf oubli , que sur un marbre du Musée de
Au Musée d'Aix , à celui d'Arles , on voit des sarcophages Marseille .
chrétiens des premiers siècles, ornés de colonnes el d'arcades Si le fragment conservé à Plagnes offre de grands rapports
surbaissées encadrant des groupes divers. Le marbre de Pla avec les sarcophages de la Provence , il diffère beaucoup de
gues est un fragment d'un sarcophage en tout pareil à ceux-là ; ceux de Toulouse , de Bordeaux , Rodez ,9 etc... N'en faut-il
34
254

pas conclure qu'il n'est pas un produit de ce que j'appellerai tion de deux foyers de production artistique : le foyer italien
l'école pyrénéenne , par opposition aux écoles d'Italie et de et provençal , le foyer pyrénéen ... Celui-ci sera l'objet d'étu
Provence , et qu'il aurait été apporté d'Italie peut- êlre , mais des suivies dans celle Revue .
plutôt des bords du Rhône , d'Arles ? B. DUSAN .
La région comprise entre Narbonne et Toulouse , et dans
M. l'abbé Escarguel , curé à Villavtou (Aude) , a bien voulu me signaler le
laquelle est située Plagnes , me semble former la limite d'ac marbre de Plagnes.

BIBLIOGRAPHIE .

HISTOIRE DES DOCTRINES MORALES , POLITIQUES ET RELIGIEUSES EN GAULE AVANT LA CONQUÊTE DES ROMAINS .

SYMBOLISME DES MONUMENTS DRUIDIQUES

Par M. Gatien -Arnoult.

Quelques -uns de nos lecteurs s'étonneront peut- être de l-on . Le motif s'en présentera de lui-même à ceux qui ont vu
trouver l'analyse d'un livre philosophique dans une Revue d'ar de près les étroitesses locales auxquelles, en fin de comple,
chéologie... Nous aimons à croire cependant qu'aucun d'eux ne nous opposons un énergique « ainsi bon nous semble. »
limite les études archéologiques à des relevés de dimensions
d'édifices, à des constatations de formes d'arceaux ou de L'Histoire des doctrines morales , politiques et religieuses en
profils de moulures. Gaule, par M.Galien -Arnoult, n'est que le premier volume
Il existe un peu partout dans le Toulousain plus qu'ailleurs, d'un grand ouvrage sur l'histoire de la philosophie , dont la
de ces esprits qui se complaisent en d'éternelles redites , publication doit durer quelques années et comprendre plu
n'ayant jamais eu que les idées des autres à leur disposition ... sieurs volumes, « pourvu que les difficultés du temps ne con
Ceux- là , il est naturel qu'ils fassent de l'archéologie une pué trarient pas les projets de l'auteur , et que la brièveté de la vie
rile affaire d’expressions techniques plus ou moins appro ne brise pas ses longs espoirs. »
priées... Dès le début du livre, il est aisé de soupçonner que l'auteur
Le public auquel s'adresse la présente publication a de plus appellera à son secours la science archéologique , car il recon
larges vues et ne se confine pas en cet étroil horizon où cer nait l'impossibilité de séparer l'histoire de la philosophie de
tains voudraient parquer les éludes archéologiques ; volontiers celle de la religion et de la théologie...
il prend les nomenclatures en horreur, persuadé qu'il en saura « Qu'on y regarde , en effel, dit- il . Si nous accordons que
toujours moins sous ce rapport qu’un Manuel ou un Diction la religion doit être exclue absolument de loute histoire dela
naire ; mais il se passionne pour ce qui se rattache aux grandes philosophie, nous nous interdisons par là de toucher à aucune
questions, dont la véritable archéologie fait son domaine, et des religions établies en notre France , durant la suite des siè
dont la haute portée explique suffisamment l'intérêt qu'elles cles, depuis l'origine jusqu'à nous . Dans les temps anciens, ni
excitent. le Druidisme, religion de nos très vieux ancêtres , ni l'Hellé
Qu'il se présente donc une æuvre où l'une de ces questions lisme, importé par les Grecs- Phocéens de Marseille, ni le Po
soit étudiée, sinon résolue , nous devons la faire connaître å lythéisme latin , venu à la suite des Romains conquérants el
ces intelligences, choisies pour la plupart, auxquelles paraît dominateurs , ne peuvent être l'objet d'aucune de nos études.
convenir, s'il en faut juger par leurs encouragements, l'ensem A des époques plus modernes, nous nous condamnons mêmeà
ble de la présente Revue. ne pas rechercher ce que fut le christianisme en notre patrie,
Celle obligation s'impose plus spécialement lorsqu'à la et l'influence qu'il y exerça , dans toutes les branches , sur le
valeur générale de l'ouvre s'ajoule un intérêt local, résultant développement de la pensée. N'est- ce pas une chose triste à
soit de son but, soit de son origine . dire ? Citoyens d'une nation qui a été proclamée la « Fille
A ces titres divers, le livre de M. Galien -Arnoult nous ap aînée de l'Eglise , » et dont les chefs ont pris à grand honneur
partient ; car , depuis longues années, l'auteur professe à Tou d'être appelés « très chrétiens, ) nous devrions déclarer que
louse l'enseignement philosophique, et, pour nous, son ouvre notre histoire philosophique n'a rien à nous apprendre sur ce
emprunte une valeur particulière à des circonstances qui sont que notre philosophie doit à la doctrine du Christ et de
du ressort de l'archéologie méridionale ... l'Eglise ... »
Pourquoi cette sorte de justification anticipée ? nous dira Or, si les systèmes et les écoles philosophiques n'ont pas
20
255

laissé de monuments, il n'en est pas de même des religions ; Selon M. Gatien -Arnoult, le druidisme présente trois carac
el parce que ces religions ne peuvent guère être mieux con tères , ou plutôt il était trois choses bien distinctes , quoique
nues qu'à l'aide de leurs monuments , il s'ensuit que l'auteur, unies entre elles par des liens intimes .
ne séparant pas l'histoire des religions de celle de la philoso C'était d'abord une religion populaire, avec ses croyances et
phie, a dû s'occuper des monuments pour faire l'histoire des son culle ; les druides étaient des prêtres et formaient un vrai
religions elles-mêmes . clergé .
Son premier volume a trait aux doctrines gauloises avant la C'était ensuile une initialion à des mystères où tous n'étaient
conquête romaine : dès lors il devait renfermer des aperçus pas admis, el une sagesse ou doctrine savante enseignée seule
sur les divers monuments connus de ces doctrines , et c'est ment à quelques -uns ; les druides étaient des sages ou sayants
ainsi que l'auteur a été amené sur le terrain de l'archéologie . et formaient une école.
Partant de cette idée que les monuments religieux des an C'élail , en troisième et dernier lieu , un système de gouver
ciens peuples étaient généralement symboliques, que tout chez nement ou une forme politique appliquée à la société en Gaule ;
eux dans la disposition des édifices et l'emploi des lignes, des les druides étaient des magistrats el formaient ce que nous
formes ou des couleurs, comme dans les sons, les mouve pourrions appeler « une administration . >>
ments et les figures de la musique et de la danse avail son De l'ensemble de ses recherches , il ressort pour l'auteur
symbolisme , l'auteur admet qu'il en élait de même pour les que le druidisme , considéré comme religion , fut d'abord
monuments qu'il appelle druidiques ... Quel élait leur symbo une sorte de naturalisme ; des invisibles animant les diverses
lisme ? parties du monde physique furent considérés comme divinités,
Ici, l'auvre d'explication est double ; ce n'est pas seulement mais on les conçut aussi comme élendant leur action au monde
la signification symbolique, mais la paluremême des croyances moral, ou des divinités de cet ordre leur furent associées ,
symbolisées qu'il faut découvrir ; et c'est parce qu'il faisait même avec des signes de supériorité ... C'était là un progrès.
une élude approfondie de ces croyances , que l'auteur a pu Toutefois , il ne fut pas universel ; c'est- à - dire que le grand
expliquer le symbolisme de leurs monuments . nombre ne connut que la religion populaire , tandis qu'un
La première partie de son travail, remplie d'indications et groupe privilégié s'élevait à de plus haules conceptions.
de renseignements curieux, n'est et ne pouvait être qu'une Lesmystères furent d'abord comme un produit de la pensée
série de constatations peu concluantes ; recherchant de quelles répudiant la multitude infinie des êtres divins et tendant à les
sources ont pu provenir les pensées philosophiques des Gau rapprocher de l'unité. C'était comme des essais de synthèse
lois, il interroge les rares documents relatifs aux Gâls et aux intelligente et réfléchie pour se reconnaître et se relrouver
Ibères primitifs ; il étudie ensuite l'influence que peuventavoir dans le dédale des analyses, le multiple revenant au simple
exercée sur les croyances de ces races celles des peuples qui se après s'en être détaché.
sont trouvés le plus en contact avec elles : Phéniciens, Grecs En ce relour , les initiés étaient élevés à l'explication de ce
Rhodiens, Grecs-Phocéens, Kimmris, el, à propos de ces der détachement lui-même, et toutes les parties de la religion
niers, il arrive à cette conclusion générale : populaire étaient soumises à leur système d'interpré!ation .
« Quelles qu'aient élé d'une part les pensées philosophiques Mais l'interprétation ne perdait pas les caractères de la chose
des Kimmris avant leur arrivée dans la terre des Gâls, el, d’au interprétée. Ces mystères étaientalors une doctrine supérieure
tre part, celle des Gâls eux -mêmes à celle époque, il est cer de naturalisme.
tain qu'elles se mêlèrent, qu'elles agirent les unes sur les au En s'élevant, ce naturalisme des mystèresalleignil le monde
tres, qu'elles se développerent, el que de ce mélange , de celle moral, encore mieux que la religion : il y pénélra , il s'y éten
action réciproque et de ce développement résulta le célèbre dit. En même temps, il se dégagea et s'épura ; on peut dire
système qu'on nomme le druidisme gaulois. qu'il se spiritualisa de plus en plus, et qu'il fut l'initiateur de
Avant ce temps, le peuple des Gals avait certainement des la Sagesse, expression par laquelle M. Galien - Arnonlt désigne
prêtres qui paraissent même, entre divers noms, avoir porté la philosophie...
celui de druides ou quelque autre semblable , et qui se divi Pour la Sagesse, les plus grands divins, puissants, ne furent
saient probablement en plusieurs ordres. Il en était de même plus que de simples puissances du divin : les personnifications
des Kimmris, chez qui le corps des prêtres semble , en outre , se changèrenten attributs, et ce que le vulgaire adorail comme
avoir été forlement constitué. Mais ni chez les uns, ni chez les un peuple de saintes réalités ne devint bientôt plus pour elle
autres, ce n'était le druidisme développé, tel qu'il nous est qu'une suite de pieuses dénominations. « Elle monta de plus
représenté par les récits des historiens. » en plus vers la conception de l'unité divine, l'unité réelle au
On verra avec intérêt dans son ouvrage par quelle méthode sein de la pluralité apparente. Si elle n'atteignit pas celle idée ,
de rapprochements et de déductions l'auteur est arrivé à for elle en approcha .Mêmeles historiens, qui diraient que le poly
muler les doctrines que l'invasion romaine devait trouver en théisme populaire se transforma en monothéisme pour quel
core en vigueur dans les Gaules ; ici il suffit de donner une ques - uns des plus sages d'entre les druides et leurs disciples ,
indication du résultat de ses recherches, suffisante pour l'intel ne s'exprimeraient pas sans vraisemblance ni probabilité . »
ligence des conclusions relatives aux monuments de ces doc En ce mouvement de la pensée, les dieux naturels ou physi
trines... ques se spiritualisèrent encore et furent faits, si l'on peut dire,
256

de plus en plusmétaphysiques... Toute matière devenait le pa terrestre , il repoussail toutes les doctrines qui présentent
tientou l'agent de l'immatériel... L'immatérielmême, que! qu'il l'absorption ou l'anéantissement comme la fin dernière de l'hu
fût en la pensée qui le concevait plus ou moins clairement, se manité . »
révéla toujours éminemment personnel , c'est-à - dire que la En résumé , M. Gatien -Arnonli admet , on le voit , que la
Sagesse le représenta comme la souveraine personne, et celle doctrine druidique ( la doctrine el non les croyances popu
personnalité fut liberté , liberté absolue , comme la personne laires) reconnaissait un Divin , distinct des êtres, tout à la fois
était souveraine ... un et plusieurs ; qu'elle enseignait l'individualité impérissable
Ainsi, la sagesse gauloise se montrait animée de l'esprit mo de l'homme et lui assignait , pour fin dernière , le perfection
nothéiste et spiritualiste , el se distinguail de la Sagesse des nementabsolu ; qu'elle concevait l'existence universelle comme
autres nations antiques , qui tendaient à perdre l'Etre suprême une série de cercles dans lesquels gravitaient les élres , l'élre
dans le vague de l'impersonnalité ou à l'enchaîner dans la humain parcourant les siens jusqu'à ce qu'il fut entré dans le
fatalité . plus rapproché du centre , qui était le Divin ......
Cette même sagesse concevail le monde comme vivant en Voici maintenant de quelle façon l'auteur applique ces
toutes ses parties ; elle n'admettait pas l'idée d'une double notions générales sur l'essence du druidisme , à l'interpréta
nature , l'une vivante et animée , l'autre inanimée ou morte , et lion du symbolisme qu'il attribue aux monuments de ce sys
la vie circulant partout lui semblait partout la même ou identi tème religieux el philosophique, étudié par lui dans les Gaules,
que, sans que celle identité pâl exclure la distinction des êtres en Irlande et en Angleterre (1 ).
individuels, ni la hiérarchie entre eux... Elle posait la perfec Ce symbolisme, il ne l'admet que pour certains monuments
tibilité comme le caractère essentiel de tous les êtres et le ainsi déterminés :
perfectionnement comme leur loi nécessaire . Le Menhir , monolithe verticalement fiché en terre .
« Elle concevail l'homme commeun être qui s'est élevé suc Le Rouler , monolithe en équilibre .
cessivement, depuis les degrés les plus infimes de la vie jus Le Lichaven , tri- lithe composé de deux Menhirs verticaux
qu'à un point supérieur. Ce pointluiapparaissait commecarac supportant un bloc posé horizontalement.
térisé par la liberté , faculié spéciale de l'humanité qui en reçoit Le Dolmen , consistant en une vaste table de pierre suppor
une plus forte empreinte d'individualité . tée par trois Menhirs verticaux et quelquefois par un plus
» Avec celle individualité , mieux prononcée à cause de la grand nombre (M. Galien - Arnoult propose le nom de Dom
liberté , l'homme est en présence du bien el du mal, devant mens, maisons de pierre , pour les chambres sépulcrales appe
chercher le premier el fuir le second, obligé de lutter, destiné lées Dolmens) .
par conséquent à connaitre des jours de défaite et des jours de Le Cromlech , ou réunion de plusieurs Menhirs disposés en
victoire, éprouvant les conséquences des unes et des autres : cercles.
par les victoires , heureux el montant ou se perfectionnant; (Ce qui suit est reproduit textuellement.)
par les défaites, tnalheureux , et tombant ou dégénérant, mais
ayant pour fin dernière, inévitable, le perfectionnement de son
SYMBOLISME DU MENHIR .
être, malgré tous les retardemenls et les reculements acciden
tels el lemporaires. »
Il faut remarquer d'abord que le Menhir ou Peulvan n'est
Quand elle contemplait cet être parvenu au plus haut point
pas un monument particulier aux pays druidiques ou celtiques ,
de son développement en cette vie , la sagesse druidique le
on le dirait bien plutôl universel. C'est la pierre , le pilier de
voyait et le montrait entrant en une autre , où il ne cesse pas
pierre , la colonne de pierre , avec son caractère essentiel ou
d'exister et de se développer, toujours individu et libre , l'in
dividualité et la liberté étant en lui indestructibles el même fondamental et ses différences accidentelles ou de détail ,
« quise rencontre partoul, disait récemment encore un de nos
perfectibles.
savants critiques , depuis la Chine jusqu'à l'ile d'Ouessant, sur
Ces caractères, signes distinctifs de l'humanité, se retrou
les côles de notre Finistère . D'après le mêmeauteur (M.Renan ),
vent en chacun de ses membres. Il s'ensuil que lous les hom
le Menbir est partoul un monument religieux , « un lémoi
mes sont égaux par leur nature, quelles que soient, à d'autres
égards, leurs différences. gnage de la foi au ciel, un symbole de la croyance en Dieu . »
(M. Gatien - Arnoull se range à celle opinion au sujet des
« Le druidismequi proclamait ce dogme de l'égalité repous
Menhirs de la Gaule , de l'Irlande et de la Grande-Bretagne.)
sait donc toutes les doctrines d'inégalité essentielle entre les
Sans doule , plusieurs de ces pierres eurent un usage
hommes qu'admettaient tant d'autres sagesses, en Asie et
même en Europe ; elle était spécialement hostile à la doctrine matériel : elles servaient de bornes pour les champs, d'indica

des castes, fondée sur un droit de nature . En proclamant la


liberté comme le signe caractéristique de l'humanité, le drai (1) Le document le plus formel, le plas complet et le plus intéressant dont
disme repoussait encore toutes les doctrines tendant au fata s'est servi M. Gatien -Arnoult pour définir d'une manière aussi précise la doc
lisme. Enfin , en proclamant que cette liberté et l'individualile trine druidique est l'écrit intitulé : Mystère des Bardes de la Grande- Bre
tagne ; c'est un recueil de Triades philosophiques auquel l'auteur emprunte
ne quittent pas l'homme, mais qu'au contraire elles l'accompa certaines expressions spéciales que nous avons cru devoir conserver dans celle
gnent encore plus fortes et plus grandes au delà de sa demeure analyse .
257

teurs pour les chemins , d'avertissement qu'un mort était là , proché de la première triade du Mystère bardique, où Dieu
d'attestation pour quelque événement. Telle la pierre dont nous est donné comme le point de suprême équilibre, « le
Homère dit qu'elle pouvait être une borne placée par les hom point où se trouve l'équilibre de toute opposition , le point de
mes des anciens jours ou le signe d'un mortel autrefois tué. liberté , » c'est- à - dire le Dieu , liberté souveraine , infinie ,
Même alors pourtant , elles revêtaient bien des fois un carac que rien ne fait pencher ni d'un côté ni de l'autre. Et il expli
tère religienx ou quasi- religieux ; et elles l'avaient entièrement que le Rouler comme un symbole de Dieu ainsi conçu (1 ).
dans les autres cas. Ce rapprochement nous semble heureux , et celle explication ,
Mais ce caractère lui-même changeait suivant les temps et admissible. Nous n'imaginons pas de réponse plus vraisem
les contrées. Tantôt la pierre était un dieu même, un félicbe ; blable à la demande : Quid sibi volunt lapides isti ?
lantól un quelque chose d'indéfinissable ou d'indéfini; chose S'il est vrai qu'on ne trouve de lels monuments que chez les
venue de Dieu , lombée du ciel , divine ou céleste ; lantôt une peuples de la religion druidique , surtout en Gaule , c'est peut
chose sainte , image de Dieu , sinon Dieu lui-même. C'était être qu'ils avaient, plus que tous les autres , l'idée nelle et
une colonne qui s'élevait comme la flamme et représentait les vive de cette liberté divine ou de Dieu -liberté .
organes de la génération , image de l'amour , père de l'univers, Ce symbolisme du Rouler est d'ailleurs invariable, quelle
elc. On en a des exemples chez tous les peuples. Il serait que soit la pierre posée en équilibre. Mais le nombre de celles
donc bien difficile de ne pas admettre qu'il en fût de même qui la supportent peut avoir également une signification .
chez le peuple dirigé par les druides ; et nous attribuons à
leurs Menhirs ou Peulvans celle signification symbolique très SYMBOLISME DU LICHAVEN ET DE CERTAIN DOLMEN ,
variée .
Le dieu Kimrique , Gwydon ou Gwyon , passait pour avoir Plusieurs Lichaven isolés ont pu , sansdoute , n'être que de
écrit lui-même tous les arts et toutes les sciences sur une simples portes , comme ils en ont l'apparence ; réunis, ils pou
pierre ou colonne. Beaucoup de Menhirs devaient en être des vaient aussi ne servir qu'à former des couloirs ou des avenues
images saintes ; les Bardes , qui les appelaient les Menhirs du conduisant à certains lieux . Mais il n'en fut pas ainsi de lous,
savoir , rappellent les styles ou colonnes de Thot l'Egyptien . ni même du plus grand nombre.
Ces colonnes, qui devenaient des Hermès en Grèce , pouvaient Un de nos écrivains , d'accord avec plusieurs savants irlan
être aussi bien des Gwyon ou des Merzen en Gaule : et les dais qui ont étudié ces monuments en leur pays (2 ), pense que
simulacres de ce Mercure gaulois, que César dit avoir trouvés ces trois pierres ainsi disposées représentaient la triade ou
en grand nombre , n'étaient sans doute pas autre chose. trinilé druidique, en laquelle l'Être des êtres, Puissance supé
Si quelques Menhirs ont la pointe en bas, tandis que la plu rieure ( figurée par la pierre transversale), s'élève au - dessus des
part l'ont en haut, rien n'empêche d'en admettre quelque expli deux puissances inférieures (figurées par les deux pierres ver
cation semblable à celle qui est donnée pour le même fait chez ticales qui lui servent de soutien ) .
d'autres peuples, par exemple en Grèce, à Mycènes.La colonne Dans le mêmeordre d'idées , ce monument pouvait représen
en pointe y étail, dit-on , le symbole du feu céleste, dans son ter une autre triade druidique ou cabirique, composée des
action féconde sur la terre ; au contraire, la colonne renversée deux Puissances , fécondante et fécondée , et du Médiateur ,
figurait le feu terrestre , en son union avec le précédent. appelé Kadmilos à Samothrace, el Kadmaol (Cadmaol, Cois
Quand plusieurs Menhirs sont réunis de manière à n'en for maol) en Irlande.
mer qu'un seul, pourquoi n'y verrait- on pas un symbole de la Dans l'un et l'autre cas , on comprend pourquoi la pierre
pluralité des dieux tendant à rentrer dans l'unilé ? Pourquoi transversale était celle qui recevait la principale adoration ,
aussi le nombre des Menhirs qui en forment un seul ne serait-il comme on dit que c'était l'usage en Irlande, et la recomman
pas considéré commeayant une valeur symbolique ? Par exem dation des druides.
ple , pourquoi trois Menhirs associés en un seul ne seraient-ils Les Dolmens, proprement dits, ne pouvaient guère avoir de
pas le symbole de trois allributs fondamentaux de Dieu , si signification bien différente. La pierre pyramidale que d'autres
bien exprimés dans les triades du Mystère bardique ? pierres supportent était donc le symbole du plus grand Dieu ,
En tout cas, il est certain que chaque Menhir était invaria seul élevé au -dessus de tous les autres dieux.
blement,une pierre merveilleuse , pierre à miracles, pierre Si les supports sont au nombre de trois, ils représentent ,
adorable. avec la pierre qu'ils portent, une triade cabirique complète ; la
Puissance supérieure , la Médiatrice , et les deux Puissances ,
SYMBOLISME DU ROULER . fécondante et fécondéc. Les autres nombres, reconnus signifi

Très souvent, le Rouler n'est qu'une espèce de Menhir en


(1) H. Martin , t. I, p . 75. Il y dit textuellement : « Le Dieu des druides,
.

équilibre . Il est donc naturel et rigoureusement logique de le est l'antithèse absolue du Dieu-destin ou Fatalité : Dieu est ce que rien ne
considérer comme un symbole divin : et parce que ce monu fait pencher de côté ou d'autre, et la pierre de l'équilibre (le Rouler ) est
le symbole du Dieu-liberié. Les pierres muettes recommencent à parler
ment est d'un genre spécial, il doit en élre de mème du divin pour nous. »
qu'il représente .
(2 ) A. Pictet, Culte des Cabires, p . 129, Vallancey, collect. De Reb .
Un de nos derniers écrivains de l'bisloire de France l'a rap hibern. t. IV , Vindic. pag . 411 el suiv.
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catifs chez tant de peuples , devaient l'élre également chez nos s'agitent les existences inférieures à l'homme et tous les ger
pères ; mais si le principe est certain , l'application ne l'est pas. mes de la vie , aspirant à naitre , à se développer et à s'élever
Il faut en dire autant pour les pierres qui supporlaient les jusqu'à la région de la vie humaine , dans laquelle ils peuvent
Dolmens. entrer aussi par un grand nombre de voies , que figuraient
d'autres Lichavens. La forme irrégulière de ce cercle pouvait
SYMBOLISME DU CROMLECH . représenter le caractère désordonné de celle vie : quand elle
était décagovale , quelque symbole s'attachail peut - être à ce
Ces monuments , autrement nommés temples circulaires , nombre de dix côtés.
étaient en effet des temples équivalant à nos églises ; lieux Enfin le fossé , plein d'eau propablement, qui entourait le
consacrés à des assemblées religieuses ou à la célébration Cromlech enlier, représentait les dernières limites ou les pre
d'oftices divins . Comme nous voyons qu'il arrive pour celles miers commencements de la vie , au sein de l'eau et du limon .
ci , dont quelques-unes sont complètes, telles que les grandes ..... Les Cromlechs, qui étaient des lemples , se remplis
cathédrales, tandis que d'autres , en plus grand nombre, sont saient nécessairement de la foule des fidèles aux jours de
incomplètes jusqu'à n'être que de simples et petites chapelles, solennité religieuse . Alors chacun y avait nécessairement sa
ainsi en était- il des Cromlechs. place déterminée.
Le monument complet, en ce genre, élait celui qui se com Le cercle intérieur restait toujours vide ; ou si quelqu'un y
posait de trois cercles réguliers , entourés d'un quatrième entrait , soit pour offrir un sacrifice sur le Dolmen autel ,
irrégulier , puis , en dernier lieu , d'un fossé. soit pour rendre quelque acle d'adoration ou d'hommage au
Il paraît qu'un auteur anglais a rapproché ces Cromlechs à Dolmen image de Dieu , au Lichaven ou au Menhir , ce n'élait
plusieurs cercles de la doctrine du Mystère bardique sur les que le grand- prêtre , soit lout seul , soit avec ses acolytes ; ils
cercles de l'existence (comme, plus haut, le Rouler a été expli y arrivaient par quelque conduit souterrain , ou par une ouver
qué par la doctrine sur Dieu , point d'équilibre ou point de ture faite exprés. Tel, chez lesHébreux, le grand- prêtre n'en
liberté) ; mais nous n'apprenons pas que personne ait déve trait que rarement dans ce sanctuaire , fermé par un voile ,
loppé ni confirmé l'idée de ce rapprochement , qui nous sem qui ne s'ouvrait qu'en ces jours.
ble pourtanttrès heureux : et ce développement lui-même est Dans le second cercle , se plaçaient aux premiers rangs ,
bien facile . suivant leur dignité , les membres des deux clergés des drui
Les Cromlechs complets étaient, en effet, des temples sym des et des druidesses ; puis les familles des tiern et des brenn ,
boliques, figures de l'existence universelle, à tous ses degrés et celles des markis. Outre que cette élite de la société devait
ou dans ses différents cercles, tel que le Mystère les expose . avoir naturellement ces places d'honneur, elles y représen
Le cercle intérieur, au centre duquel était placé un Menhir taient bien l'élite de l'humanité admise au Gwynfyd .
sur un Lichaven ou un Dolmen pyramidal ou un Dolmen autel, Le troisième cercle étail ouvert à tout le peuple , à ceux du
représentait le cercle du vide, cylch y ceugant , où Dieu seul plus grand nombre ou aux gentes vulgaires, gens du commun .
réside , en sa majestueuse solitude. Ce cercle devait être Dans celle place qui leur convenait , ils représentaient aussi
formé de pierres serrées les unes contre les autres , de manière très bien la masse générale de l'humanité travaillant en Abred .
à ne laisser aucune ouverture ni passage, afin de montrer que Le dernier cercle enfin se remplissait des hommes de rien ,
nul être créé ne peut entrer dans la sphère de l'Être unique des plus pauvres, des esclaves , les pareils, quoique à un autre
incréé . titre , de lous ceux que les vieux chrétiens laissaientau dehors
Le second cercle représentait celui de l'existence heureuse de leurs églises el qu'ils nommaient les chiens , dans le langage
ou de la félicité , cylch y gwynfyd, séjour des hommes ayant de leurs mystères. Outre que de tels hommes étaient natu
mérité , par leurs vertus , de parvenir au plus haut point de rellement relégués aux dernières places , ils y étaient d'intel
l'existence que des créatures puissentatteindre , jusqu'au voisi ligibles symboles des êtres végétant au- dessous de l'humanité .
nage de l'Incréé , mais sans jamais l'aborder lui-même. En ce Ainsi le symbolisme aurait été partout dans les grands
cercle , il y avait plusieurs ouvertures ou des portes, formées Cromlechs ou Cromlechs complels.
de Lichavens, afin de montrer que tout homme peut y entrer, Quant aux Cromlechs plus petits ou incomplels , ils avaient
avec l'aide de Dieu , qui est lui-même la voie ou la porte par toujours le même caractère essentiel ; mais d'autant moins
où l'on y arrive . développé que le monument était lui-même plus incomplet.
Le troisième cercle représentait l'existence humaine dans le Par exemple , ilne pouvait pas y avoir de plus simple Crom
lieu de ses transmigrations successives , cylch y'r abred , cercle lech que celui qui se composait d'un seul cercle ayant au
ou séjonr de cette terre d'ici- bas, où lous les hommes doivent centre une ou plusieurs pierres , image de Dieu ou autel. Ce
vivre , combattre et vaincre , pour mériter de monter au ciel de cercle unique représentait toujours le cercle divin , cylch y ceu
gwynfyd . Ce cercle était, comme le précédent, percé de nom glant, comme il était en réalité le sanctuaire où s'accomplis
breuses ouvertures ou de portes formées de Lichavens, ayant sait l'acte religieus , et le peuple qui se réunissait au dehors
la même signification . pour assister à la cérémonie , sans jamais entrer dans l'en
Le dernier cercle , le plus extérieur, de forme irrégulière , ceinle , était toujours un symbole des créatures approchant de
représentait l'extrémité du cercle d’abred , dite annwfn , où l'Être incréé, sans pouvoir l'atteindre, car il habile un lieu de
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lumière vraiment inaccessible aux mortels , commeon le chante ceux -ci ont maintenu la haute signification du symbole au
encore dans les églises calboliques : dessus des altérations et des inconsciences populaires ?
Et si eux seuls ont pu régler ainsi le symbolisme , si d'ail
O luce qui mortalibus leurs les monuments les plus anciens en sont l'expression la
Lates inaccessâ Deus.....
plus complète, la plus précise, n'en faut-il pas conclure que le
symbolisme a été fixé ,dès l'origine, en la Gaule druidique , et
Au contraire , le symbole se montrail pour ainsi dire ren que les initiateurs étaient déjà initiés ?
versé dans les Cromlechs, ou plusieurs cercles places à côté les S'élaient-ils élevés d'eux -mêmes jusqu'aux doctrines supé
uns des autres étaient environnés par un dernier plus grand . rieures, ou bien avaienl-ils reçu d'ailleurs l'initiation ? ....
Celui- ci représentait alors le cercle divin , c'est-à -dire Dieu , La science constate tous les jours l'universalité d'un symbo
contenant en son immensité les cercles de toutes les créatures lisme général attribué anx pierres brutes , disposées de certai
qui vivent en lui et par lui. nes façons... Est- ce là un fait accidentel, et ne doit- on pas
conclure à une cause générale ?...Celle cause ,peut-on la trou
ver ailleurs que dans une Transmission de croyances ? Et si les
La théorie de M. Gatien - Arnoult rattache la signification monuments témoignent d'une identité de symbolisme ; si, d'un
symbolique des monuments du druidisme aux dogmes les plus autre côté , il y a eu transmission de croyances , peut-on
élevés que ce qu'il appelle la sagesse druidique ait pu concevoir mettre en doute qu'il n'y ait eu en même temps transmission
sur le Divin , sur les destinés de l'homme et sur les fins der de symbolisme ?... Celui- ci aurait donc élé complet dès l'ori
nières de l'univers .
gine de la transmission , et s'il y a eu changement postérieur ,
Or , cette sagesse différait beaucoup des croyances popu ce n'a pu être que dans le sens d'une altération , non d'une
laires ... « La religion de la Gaule druidique portait une mytho progression.
logie, comme toutes les autres religions de l'antiquité. Ce qui Si donc le symbolisme druidique est réglé dès l'origine
fut plus particulier à la religion druidique, c'est qu'en l'hon identiquement à celui que révèlent des monuments disséminés
neur de ses divinités nombreuses , dont il est difficile de déter
dans de nombreuses régions , le druidisme n'a élé autre chose
miner les altributions , elle ne voulut jamais de temples qu’un moment dans les évolutions diverses d'une doctrine pri
båtis, ni de statues taillées , ni d'images dessinées ou peintes. » mitive , devenue générale soit par simultanéité , soit par suc
C'est là un fait digne de remarque , qui inspire à l'auteur cession . Et si les données de l'histoire établissent que cette
celte réflexion : « Ce qui n'avait peut- être élé d'abord qu'un doctrine et sesmonuments avaient fait leur temps en d'autres
effet d'ignorance et de grossièreté paraît être devenu succes régions, alors qu'ils étaient encore le propre du système drui
sivement une habilude , une coutume, une loi motivée . La dique dans les Gaules, la doctrine première a donc subi son
Gaule aurait- elle donc entendu la voix de ses druides, comme dernier devenir précisément chez les races de l'extrême Occi
la Judée celle de Moïse , proclamer un jour les mêmes com dent qui l'ont modifiée selon les aptitudes propres de leur
mandements , et les aurait- elle fidèlement conservés (1) ? » raison .
Cette formule dubitative n'aurait peut-être pas été employée Quoique M.Gatien -Arnoult n'indique pas précisément celle
par l'auteur s'il n'avail , ce semble , négligé la conséquence conclusion , elle semble se dégager de l'ensemble de son livre
du fait implicitement indiqué par lui , que le symbolisme des el surtout des faits archéologiques constatés par lui , et peul
monuments druidiques ne procèdepasdes croyances vulgaires, être , dans un volume nouveau , devra - t- il la formuler avec
et qu'il prend au contraire sa source dans les plus hautes ses conséquences inallendues...
notions des Mystères et de la Sagesse. Nous n'avons pas l'intention de faire ressortir le mérite du
Ne s'ensuit - il pas que ce symbolisme a du être réglé par les livre ; nous n'avons pas à émettre une appréciation ni à juger
initiés aux croyances supérieures ? Ne s'ensuit-il pas que l'ouvre..... Notre rôle se borne à donner à nos lecteurs une
idée du degré d'utilité que peut avoir pour eux la lecture du
livre même.... Nous leur devons l'aveu qu'en ce qui concerne
( 1 ) Ces commardements furent donnés aux Hébreux : « Tu ne feras ni sculp
les origines et les doctrines du druidisme ; nous n'avons pu
lure ni image des choses qui sont dans le ciel ou sur lerre , ni dans les eaux
on sous la terre ; tu ne les adoreras pas et tu ne leur rendras aucun culte ... que très imparfaitement analyser un travail considérable qui
Si tu m'élèves un autel de pierres, tu ne le feras point avec des pierres taillées ; n'est lui-même qu'une vaste analyse remplie de faits inconnus
si tu y mets le fer, il sera souillé . Tu élèveras un autel au Seigneur ton Dieu
avec des roches informes et non polies , et tu y offriras des holocaustes au et d'idées vraiment neuves .....
Seigneur ton Dieu (Exode, Deuteronome). (Note de l'auteur.) B. DUSAN .
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260 -

NOTICE SUR LES FOUILLES PALÉONTOLOGIQUES DE L'AGE DE PIERRE

Exécutées à Bruniquel et å Saint-Antonin , par M. Viotor Brun.

En 1853 , la municipalité de Montauban , cédant à l'invitation Signalons encore des sifflets faits avec des phalanges percées
de la Société des sciences , agriculture et belles- lettres , avait d'un trou , des aiguilles en os ou en bois , et enfin des dents de
fondé un Musée public d'histoire naturelle .M. Brun fut appelé ruminants trouées qui,mêlées à des perles en serpentine polie ,
à la direction de ce Musée, et , désireux de l'enrichir d'une devaient, sans aucun doute , composer des ornements.
collection d'objets antéhistoriques, il explora avec un soin par La faune de la couche ossifère comprend le renne, le cerf,
fait et un rare bonheur les gisements ossifères voisins de
le beuf, le cheval, le bouquetin , le chamois ; des espèces
Bruniquel. diverses d'oiseaux et de poissons .
Sur la rive gauche de l'Aveyron s'élève une montagne taillée Dans le gisement de Planlade , M. Brun a retrouvé les ves
à pic, sur laquelle sont bâtis le village de Bruniquel et le chå tiges de plusieurs foyers construits en pierres sèches .
teau . Dans le flanc qui regarde la rivière , à 13 mètres environ
Dans les diverses couches, les silex étaientmoins nombreux ,
au -dessus du niveau moyen de l'eau , est une excavation en
mais plus grands et mieux confectionnés que ceux du gise
forme de demi- voûte qui couvre le terrain sur une largeur de
ment de Lafage ; point de scies. En revanche , dans la couche
4 à 5 mètres et une longueur de 12 à 15 mètres ; c'est là que
supérieure , les objets en bois de renne consistaient principa
se trouve à la surface du sol le gisement ossifère.
lement en poinçons et en pointes de flèches barbelées avec art ,
A 80 mèlres plus loin , on trouve une autre excavation de d'un seul côté ou des deux .
4 mètres 50 centimètres de large sur 20 à 25 de long . Le
La couche inférieure , par sa position et son contenu, corres
dépôt ossifère s'étend en dehors jusqu'à une distance de
pond à celle exploitée au roc de Lafage. Entre les deux, dans
9 mètres de la montagne. Ces deux abris ont reçu les noms
le limon qui les sépare, s'est rencontrée une tête d'aurochs
des propriétaires du sol. Le premier est le gisement de Plan
presque entière ( 1m14 d'une pointe de corne à l'autre) .
tade ; le second, celui de Lafage .
Dans la cavernedes Batuts, sur la rive droite de l'Aveyron ,
Vers l'ouest de ce dernier, près de la partie la plus basse de
en face le château de Bruniquel et à 90 mètres au -dessus de la
la voûte et à 45 centimètres de profondeur , M. Brun a trouvé
rivière , le savant explorateur a reconnu et fouillé une autre
un squelette humain , les jambes ramenées vers la tèle , la face
tournée vers le ciel en inclinant un peu à gauche , la tête était station . Les objels qu'elle a fournis présentent ce caractère
au nord -ouest et le tronc au sud - est. A côté était un sque d'être marqués de séries de petites encoches.
lette d'enfant mal conservé el accompagné d'ossements de Enfin , dans un quatrième gisement, celui de Fontales, prés
renne , bouquetin el de silex taillés . Tout cela se trouvait de Saint- Antonin , M. Brun a recueilli des objets à peu près
au - dessous d'une couche de 45 centimètres d'épaisseur, ren identiques à ceux de la couche supérieure de Plantade . Dans

fermant des lits de cendres el de charbons. Ces lieux ont été les deux endroits, il y avait des flèches en bois de renne et des
habilés postérieurement à l'enfouissement des corps. ossements d'oiseaus en quantité .
Vers le nord - ouest, louchant la montagne el sur le niveau S'appuyant sur des observations ingénieuses, M. Brun cher
du premier squelette , fut rencontré un crâne de vieillard , che à connaitre la durée du séjour de l'homme dans les abris
accompagné d'un fragment de poterie , de quelques silex et de Bruniquel. Il constate les progrès de l'industrie en allant
d'ossements travaillés ou non . des couches inférieures à celles qui les recouvrent , el il pense
Les silex du gisement de Lafage sont extraits de rognons de que le progrès marche assez lentement chez les peuples sauva
siles pyromaque , d'une couleur jaune ou cornée el assez ges pour qu'on puisse admellre un intervalle de plusieurs siè
transparente. Ils ont souvent revèlu une paline blanche de cles. M. Brun a élé sagement inspiré de s'en tenir à celle
cacholong opaque. Les plus remarquables sont de petites vague conclusion. Il s'est gardé également d'ajouter à l'excel
scies. Les débris de silex , les éclats, les nuclei prouvent qu'il lent compte - rendu des résultats merveilleux de ses fouilles la
y a eu là une fabrique spéciale de ces instruments . moindre considération ' anthropologique ou historique . Il fait
Les objets en bois de renne consistent en baguettes de 6 à seulement remarquer que la température était plus basse
15 centimètres de long ; un bout est coupé carrément et l'au qu'aujourd'hui, que l'homme devait chercher à se préserver du
tre est taillé en biseau , en pointe arrondie ou en pointe froid , mais que sans doute les aiguilles en bois de renue, si
efilée . fines el si fragiles, n'étaient pas destinées à coudre uniquement
Quelques instruments plus gros, d'un usage problématique, des peaux d'animaux . Les dents, percées pour être portées en
sont percés d’un trou à leur extrémité la plus forte. Il sont collier , les instruments soignés et ornés de dessins gravés,
souvent ornés de dessins d'animaux. annoncent un certain luxe. Enfin , la présence de quelques
261

coquilles marines témoigne des rapports de l'homme sauvage Cazals, à colé de trois objets en silex rose, unehache (?) taillée
de Bruniquel avec la mer. à petits éclats, et deux pointes de flèches (0,05 centimètresde
Comme appendice à son mémoire , M. Brun a publié quel long et 0,03 centimètres à la base), se trouvait une lance en
ques noles sur les Dolmens de Saint -Antonin . bronze (0,13 centimètres sur 0,03 de large au milieu ), mince ,
Chacun de ces tombeaux renfermait plusieurs squelettes non régulière et percée de trois trous à la base .
brûlés dans la majorité des cas ; des perles de diverses for Enfin , M. Brun a recueilli de nombreux tessous de poterie .
mes , dont quelques-unes (toules nouvelles) en calcaire , Quelques- uns ayant fait partie d'un même vase, d'une forme
coquille , os, ardoise , grès, porphyre. élégante , sont ornés de bandes circulaires faites au tour , et
Les armes sont en silex : une belle pointe de 15 centimè ornementés d'une ponctuation fine et régulière .
tres de long sur 0,042 de large , retouchée finement sur les (La brochure de M. Brun est accompagnée de très intéressants dessins exe
bords; des têtes de flèches fort régulières . Dans le Dolmen de cutés par M. l'abbé Pottier.)
P.-E. CARTAILHAC .

ARCHITECTURE ROMANE DU MIDI DE LA FRANCE

Par M. Henry Révoil.

M. Henry Révoil publie l'ouvrage le plus complet qui ait été entrepris sur l'architecture romane du Sud-Est et du Midi. A l'aide de magnifiques planches, admi
rablementdessinées, gravées et imprimées avec une grande perfection . Il met sous les yeux des lecteurs les plus splendides créations de l'art méridional, et les leur
expliqne ensuite dans un texte d'une concision lumineuse. Son livre est une des plus belles et des plus utiles acquisitions que puissent faire les hommes de goût et
de savoir, curieux de suivre l'épanouissement de l'art antique à travers les conceptions des maitres méridionaux.
Pour donner une idée de son æuvre , nous ne saurions mieux faire que de lui emprunter l'iolroduction dans laquelle il en explique le but , sauf à revenir plus tard
sur un sujet qui nous intéresse si directement.

Les édifices élevés aux xte et xile siècles dans les provinces ces contrées , durant la période qui s'étend du xe siècle à la
méridionales de la France étaienl, il y a quaranle ans , peu fin du xule. On distinguera aussi aisément, à l'aide des nom
connus et rarement visités ; plusieurs , éloignés des grands breux détails dont le caractère a été religieusement observé,
centres , étaient d'un accès difficile et coûleux . D'ailleurs, il d'abord l'influence antique , puis une ornementation et des
faut bien le dire , dédaignant celle période de notre architec profils qui donnent à cette architecture un caractère propre
lure nalionale, on considérail alors l'art roman comme un art et distinctif.
de transition imparfait , el , partant de là , on négligeait com Quand on étudie les modifications successives de ces divers
plétement son étude . Cependant quelques hommes d'élite , monuments religieux au point de vue de leur forme , on est
peintres , archéologues ou architectes , comprenant l'injustice naturellement amené aux observations suivantes :
d'un tel oubli , surent apprécier le mérite de cette architec C'est d'abord un édicule carré, terminé par une abside cir
ture ; ils lui prélèrent le charme de leur plume ou de leur culaire, souvenir des formes de l'ancienne basilique , et conte
crayon , et appelèrent l'attention des artistes et des voyageurs nant loul au plus une vingtaine de fidèles , comme la chapelle
sur des monuments remarquables , qui allestaient le savoir de Saint- Vérédême sur les bords du Gardun ; ou bien encore
habile , souvent même le génie des maîtres ès -pierre qui les une nef , avec un sanctuaire , surmontée d'une sorte de cou
concurent et les exéculèrent. Les églises de Saint- Trophime, pole, terminée aussi par une abside , comme la chapelle de la
de Saint-Gilles , du Thor, bien d'autres monuments de la même Trinité dans l'ile de Saint-Honorat de Lérios . Puis , la cha
époque, ne sont-ils pas en effet des euvres de génie , où l'ar pelle s'agrandil . Alors la voule en plein cintre, ou parfois ogi
chilecte et le sculpteur peuvent chercher el trouver de beaux vale , qui la recouvre , est divisée en plusieurs travées, trois le
modèles , d'heureuses inspirations ? plus ordinairement , par de grands arcs saillants de mêmes
Classer , décrire, retracer dans leur ensemble et surlout courbures , reposant sur des piliers et contre- butés par des
dans leurs détails ces types trop longtemps ignorés de l'archi contre-forts extérieurs. Telles sont la chapelle de Molléges
lecture romane du midi de la France , tel est le but de notre (Bouches -du-Rhône ), et celle plus grande de Saint-Gabriel ,
ouvrage. près Tarascon , vrai inodèle en ce genre, dont le plan fut sou
Ces éludes exactement relevées et jusqu'à ce jour inédites , vent imité .
sauf quelques exceptions, comprennent les constructions civi La simplicité la plus grande préside à la construction de ces
les , malheureusement bien rares aujourd'hui , et les édifices premiers sanctuaires. Un petit nombre seulement reçoit, sur
religieux , nombreux au contraire , qui couvrent la Provence , sa façade principalement, une sobre ornementation , reproduc
le Comtat-Venaissin et la partie du Languedoc voisine de ces tion presque exacle des moulures et des fragments antiques
anciennes provinces. conservés dans ces contrées .
A l'aide des diverses monographies de ce recueil, il sera Mais en même temps l'art byzantin apporte une variété beu
facile d'observer la marche progressive de l'art de bâtir, dans reuse dans la structure et la décoration des édifices religieux .
35
262

Comme exemple , on trouvera dans ce recueil la chapelle de édifice s'inspira de la crypte de Montmajour, construite vers le
Sainte- Croix de Montmajour , avec son élégante corniche à milieu du xie siècle , et dont le plan est une des représentations
modillons, ornée de motifs rappelant ceux de l'Orient ; l'église symboliques les plus complètes.
de Saint-Martin de Londres (Hérault) , dont le plan offre une Telles sont les diverses transformations de l'église romane ,
disposition aussi originale qu'élégante. depuis le xe jusqu'à la fin du xire siècle, dans le midi de la
Revenant à l'église à une seule nef , on la voit ensuite ler France. A cette époque , les façades s'enrichissent : Saint- Tro
minée par une abside flanquée d'absidioles . Telles sont l'église pbime et Saint-Gilles offrent encore à notre admiration leurs
de Saint-Pierre de Reddes et celle de Saint- Quenin de Vaison , superbes frontispices où l'iconographie chrétienne se marie si
dont le plan est véritablement un petit chef-d'æuvre . Les bien à l'ornementation la plus riche et la plus variée .
absides , simples d'abord , reçoivent plus tard une décoration Autour de la chapelle ou de l'église , d'abord isolées , viennent
importante à l'intérieur : ce sont de riches arcatures suppor se grouper des constructions, demeures des moines desservant
tées par des colonnes ; à l'extérieur, des pilastres ou des co ces sanctuaires. Parmi les bâtiments monastiques, les cloitres
lonnes amortissent les angles du polygone qui les contournent. occupent la première place dans la prédilection de ces religieux
Les églises de Cavaillon , de Noves , de Saint-Quenin de Vaison , architectes, à qui nous devons les plus beaux monuments de
des Saintes -Maries , de Saint - Paul-trois-Châteaux , du Thor, celte époque .
et bien d'autres , offrent à l'architecte et à l'archéologue des C'est dans ces galeries, ouvertes sur le préau par d'élégants
détails précieux sous ce rapport. portiques , que sont prodigués, principalement sur les chapi
Les proportions grandissant avec le nombre de ceux qui teaux, les sculptures et les ornements de toute espèce. Aussi
fréquentent ces premiers temples chrétiens, les murs latéraux celle série d'édifices lient-elle une grande place dans ce
de la nef sont percés entre les contre -forts par des arcades , recueil .
et l'établissement des bas-côtés apparait d'abord comme faci Le clocher, cette annexe indispensable de l'église , mérite
lité de circulation et aussi pour servir d'arcs-boutants à la dans les contrées méridionales une étude sérieuse ; plusieurs
voate de la nef principale . Ces passages s'élargissent et de exemples importants sont reproduits dans cette publication
viennent des nefs latérales , terminées par des absides servant avec de nombreux détails .
de chapelles. La statuaire romane , remarquable sous plus d'un rapport et
Mais l'édifice ainsi construit étant encore trop exigu pour malgré certaines imperfections, devait trouver sa place parmi
les besoins du culte, on interrompt la grande nef par le trans ces études. En effet, sous la rudesse de forme quise rencontre
sept ; elle se continue par le cheur el se lermine par la grande parfois dans ces figures décoratives, on est frappé du sentiment
abside. Ces transsepts reçoivent quelquefois une ou deux naïf et des gracieux ajustements de draperie qui révèlent le
absides chacun, commeon le voit au Thoronet, à Montmajour , faire des maîtres les plus habiles.
à Senanque et à Silvacanne. La sculpture d'ornement, les détails et les profils, éludes si
Cette nouvelle forme, représentative de la croix , dans le utiles pour l'architecte , se retrouvent en abondance dans
plan du temple chrélien est le signe de la rupture complète l'architecture romane ; nous avons choisi dans cette mine iné
avec les traditions de l'art païen continué jusques alors par la puisable les types les plus caractéristiques.
disposition de la basilique ; c'est comme le début du symbo Nous avons déjà dil combien sont rares les types anciens de
lisme architectural . constructions civiles ; la maison romane de Saint- Gilles, quel
Sur ce transsepl s'élève parfois une coupole , et celle coupole ques beaux fragments de la maison siluée près de la cathédrale
supporte le clocher , commeà Notre-Dame- des-Aliscampsd'Arles, de Nîmes , el le châleau de Simiane dans les Basses-Alpes ,
à l'église du Thor, à celle de Cavaillon et à Notre - Dame- des sont les exemples les plus intéressants , pour ne pas dire
Doms d'Avignon . presque les seuls, qui nous restent de celle architecture dans

Les porches précédant l'entrée de l'église servaient princi la Provence , le Comtal et le bas Languedoc .
palement d'abri contre les intempéries du temps. Sainte -Croix Les guerres , les exigences de meurs nouvelles , l'agrandis
de Montmajour, Notre - Dame-des-Doms, le Thor, Saint-Paul sement des voies publiques et parfois les inflexibles rigueurs
trois - Châteaux, nous offrent des exemples de ces annexes, de l'alignement ont fait disparaître jusqu'aux traces de nom
très ingénieusement disposées et décorées breux bâtiments civils ou domestiques dont l'histoire seule
Un autre perfectionnement est apporté plus tard dans nous rappelle l'existence .
l'ordonnance de l'église romane , déjà si complète et si bien Les lignes qui précèdent suffisent pour indiquer le but et
étudiée , par le prolongement des bas- côtés autour de l'abside le plan de cette publication . Du reste, chaque édifice et chaque
et par l'addition de chapelles autour de ce « deambulatorium >> planche aura sa description particulière ; ainsi, à l'aide de ces
circulaire . Tel est le plan de l'église abbatiale de Saint-Gilles, nombreux documents , il sera facile , même à ceux qui n'ont
un des monuments les plus beaux et les plus complets parmi jamais visité lesmonuments de l'architecture romane du Midi,
ceux que l'architecture du xiie siècle à élevés dans les contrées de les apprécier à leur valeur, de les éludier en détail et d'y
méridionales. Il est probable que l'architecte de ce remarquable puiser d'utiles et ſecondes inspirations.

FIN DU PREMIER VOLUME .


TABLE DES MATIÈRES

CONTENUES DANS LE PREMIER VOLUME .

No 1 . N 4 .

Note du Directeur. ... 4 Dalle tumulaire de Pierre de Cun , à Rabastens ( Tarn ) (1 fac
Monuments de l'époque antéhistorique de la station de Bru- - simile), B. Dusan. . . 65
4

niquel ( Tarn -et-Garonne) (2 planches) , E. TRUTAT . Fossiles et cailloux travaillés des dépôts quaternaires de Cler
Un architecte du Rouergue (xvie siècle) , B. DUSAN. 5 mont et de Venerque (Haute -Garonne) (2 gravures), docteur
Le Damoiseau (Domicellus) au moyen -age. - Epitaphe de J.-B. Noulet . .... 66
Vilhem de Montlezun (fac - simile) , abbé CanÉTO . 6 Etude sur l'histoire des institutions seigneuriales et commu
Epitaphe de Droctebodes (fac-simile), A.FIGUÈRES. 8 nales de l'arrondissement de Gaillac ( Tarn ), Elie RossiGNOL. 72
Le château royal de Najae (8 planches), B. DUSAN. Des constructions trouvées dans plusieurs tumuli , à propos de
celui de Frégouville , B. Dusan . . . 82
Epitaphe de Felicissima et fragments d'inscriptions chrétiennes
des premiers siècles (2 fac -simile), B. DUSAN . . 84
No 2 .
Bibliographie : Bulletin de la Société des Sciences, Belles-Let
tres et Arts du Var. 87
Une inscription inédite des Auscii (fac -simile), E. Barry. . 25
A propos des flèches en silex , B. Dusan . . . 32
Un carreau -mosaïque du Musée de Toulouse : carreaux incrus N " 3.
tés de l'abbaye de Grand - Selve (3 planches) , B. DUSAN . 33
Tombeaux de Sicard de Miramont et d'Honor de Durfort, à la
Grâce -Dieu (2 planches),abbé CARRIÈRE. 37 Etude sur l'histoire des institutions seigneuriales et commu
Note sur le même sujet , B. Dusan.. 39 nales de l'arrondissement deGaillac ( Tarn ), Elie Rossignol. 89
Etude sur l'histoire des institutions seigneuriales et communa Habitation troglodytique à Léojac (Tarn - et-Garonne) (7 gra
les de l'arrondissement de Gaillac ( Tarn ) , Elie RossignoL. 42 vures) , Devals .. 97
Note sur les fouilles du souterrain des Proats- Hauts , Devals. 105
Une inscription inédite de l'abbaye d'Eaunes (1 fac -simile) ,
B. DUSAN . 406
No 3 .
Bibliographie, B. Dusan . — Recueil des inscriptions chrétiennes
de la Gaule , antérieures au vue siècle , par M. Edmond le
Tombeau d'Alzias de Saunhac , à Belcastel (Aveyron ) (1 pl.) , Blant,. 407
B. Dusan.. 49
Une inscription à Saléchan (Haute -Garonne) (1 fac-simile) ,
Edward BARRY . 54 N ° 6 .
Deux inscriptions du xiuje siècle au cloître de Saint-Salvy
(2 fac- simile) , baron de Rivières . 53
Un épisode des guerres de religion à Mauremont (Hte -Garonne), Trois inscriptions inédites, à Saint-Sernin , L. deB.- Epitaphe
B. D., d'après un manuscrit.. 54 du comte Guillaume Taillefer , inscription antique (5 fac
Sépultures , constructions et peintures découvertes dans le simile). 413
lumulus de Frégouville (Gers ) (4 pl. hors texte), L. Lacaze . 55 Etude sur l'histoire des institutions seigneuriales et commu
Etude sur l'histoire des institutions seigneuriales et communa nales de l'arrondissement deGaillac (Tarn) , Elie Rossignol . 447
les de l'arrondissement de Gaillac ( Tarn ), Elie Rossignol . 57 Inscription inédite des premiers siècles , à St-Sernin , B. Dusan. 430
264

Bibliographie : Catalogue des études d'archéologie et d'histoire Lettre de M. de Mortillet , à propos de « Toulouse , cité lacus
contenues dans les Mémoires de l'Académie du Gard , de 1804 tre ? » et de « la Croix avant le christianisme» : Réponse
à 1865 . Foyers divers de silex taillés en Périgord , par sur ces deux sujets , B. DUSAN . 496
M. le vicomte Alexis de Gourgues (Compte-rendu ) . . . . 434 A propos de l'inscription tumulaire de David , à Saint- Sernin .
- Lettre de M. Ed . le BLANT. 207
Le château d'Orlbonac (Aveyron ) (1 planche) , X *** 208
Deux chapiteaux romans du Musée de Toulouse (planche ). . ib .
No ,
Bibliographie : L'homme fossile en Europe, par M. Le Hon ,
E. TRUTAT. Chronique : Sessions du Congrès scientifique
A nos lecteurs (le Directeur). . . 437 à Aix , Marseille et Nice. - Chronique artistique : L'art à
Eglise de Baragne (Aude) (5 gravures) , B. DUSAN . 138 Toulouse , L. B. du V. 208
Mosaïque trouvée à Rivières ( Tarn ) (1 gravure), baron E. de
RIVIÈRES .
Les Signets authentiques des notaires de Toulouse , du xiuje au Nos 10 et 11 .
xvje siècles (171 fac-simile ) , E. RoscHACH .
Habitation troglodytique des Proats-Hauts ( Tarn -et-Garonne )
(6 planches) , Devals aîné . . 153 Le tumulus de Frégouville (Gers), Ch . de Linas . 213
Bibliographie rétrospective : Catalogue des travaux imprimés
..

Châsse peinte du xive siècle , à Albi (2 chromolithographies) ,


dans les Mémoires de la Société archéologique du Midi. . . . 160 Bon de RIVIÈRES. . . 249
Chronique : Session prochaine du Congrès scientifique de Habitation souterraine de Mazères- Fiac ( Tarn) , suite (2 plan
France , à Aix -en-Provence . Questionnaire pour la sec ches ), Ch. GRELLET-BALGUERIE . . 220
tion d'archéologie , etc.. 463 Les Sorts des Apôtres , manuscrit trouvé à Cordes ( Tarn ) (1 fac
simile) , B. DUSAN . 225
Notes relatives à l'histoire de la stathmétique en France , aux
époques barbare et féodale (9 dessins ), Edward BARRY . 237
N ° 8 .
Chronique archéologique . - Chronique artistique : Ingres et
..
Delacroix , L. B. du V .. 242
Croix tumulaires du Lauragais (Aude) (40 figures ), B. DUSAN . 165
Toulouse , cité lacustre ? (2 planches), B. Dusan . 470
Antiquités gallo-romaines et franques trouvées à Rivières ( Tarn ) N ° 12 .
(plans et figures), baron de RIVIÈRES . 479
Habitation souterraine fortifiée de Fiac ( Tarn ) (^ plan ) , Ch .
GRELLET- BALGUERIE . 483 Note sur le pied gaulois, L. AURÈS . 245
Nouvelles découvertes d'habitations souterraines, par le mên Le Sabbat , chapitre d'une étude inédite , F. PAGÈS. 248
Note rectificative sur une inscription d'Albi, Bon de RIVIÈRES. 188 Des cheminées anciennes de l'arrondissement deGaillac ( Tarn ),
Sceau des indulgences , de l'église Saint- Pierre de Saintes (3 gravures , E. Rossignol . 250
(1 fac -simile) , L. de B. 487 Fragment d'un sarcophage chrétien à personnages , église de
Plagnes (Aude) , (1 gravure) , B. DUSAN . . 253
Bibliographie : Le signe de la croix avant le christianisme, par
:

M.G. de Mortillet ; compte-rendu , E. TRUTAT. — Notes Bibliographie : Histoire des doctrines morales , politiques et
diverses. — Chronique archéologique. — Chronique artistique 189 religieuses de la Gaule avant la conquête des Romains ( Sym
bolisme des monuments druidiques, par M. Gatien -Arnoult),
B. DUSAN . 254

Nº 9 . Notice sur les fouilles paleontologiques de l'âge de pierre exécu


tées à Bruniquel et à Saint-Antonin , par M. le Dr Brun,
E. CartaILHAC . 260
Grottes de la vallée de la Bonette , E. TRUTAT. . 493 Architecture romane du midi de la France , par M. Révoil. 264
.
Vol.co

STATUETTE EN JAIS

Trouvée dans une caverne du Larzac (Aveyron ).

La gravure ci-jointe représente celte staluelle , mutilée duction de l'image de l'homme, de l'homme leur contempo
très anciennement ; nous l'avons figurée de grandeur deux rain ..... Celte lacune semble commencer à disparaître , et la
fois égale à celle de l'original et sous quatre aspects différents, lumière se fait peu à peu au fond de ces ténébreux réduits ;
afin que le lecteur pûtmieux étudier par lui-même l'objet d'un car voici venir l'homme des cavernes ... en effigie !
débat qui ne manque pas d'intérêt au point de vue scienti C'est dans une caverne , en effet , et dans une caverne exclu
fique. sivement garnie d'objels de l'âge de la pierre , qué ce person
M. le comte de Sambucy - Luzençon voit , dans ce petit mo nage a été découvert, aux environs de la ville de Saint-Affri
nument , une représentation de l'homme des cavernes , du con que, à Saint- Jean - d'Alcas , par un archéologue distingué ,
temporain , par conséquent, de plusieurs espèces disparues M. Albert Ancessy , qui a bien voulu s'en dessaisir en ma
de notre sol..... Il devait développer celle opinion dans un faveur...

article destiné spécialement à la Revue. Pour satisfaire aux Jusqu'ici, la vue de certains poinçons, de certaines aiguilles
exigences de en os ou en a
la mise en pa rêtes de pois
ges, ila fourni son ,certaines
à la hâle , sur entailles lon

ce sujet , une gitudinales


note insérée sur des os de
dans les Mé renne , nous
moires de la avaient fait
Société Ar admettre ,

chéologique du chez le pré


Midi. D'ac fendu homme
cord avec lui,
primitif , le
c'est celle no tatouage , la
te qu'à celle couture de
heure il nous peaux de bê
parait suffi les au moyen
sant de re de tendons en
produire. guise de fil ,
( On sait toutes les
que dans les cavernes réputées antéhistoriques , les vestiges pauvretés d'une existence véritablement sauvage et tout à fait
de l'industrie humaine ne sont pas rares , et que l'on rudimentaire.

y rencontre souvent en abondance des couleaux , des ha Il ne semblerait pas toutefois qu'il en ait été rigoureuse
ches en silex , des pointes de flèches en os , des poteries ment ainsi, si nous tenons comple de l'accoutrement de notre

grossières à base quartzo- granuleuse , etc., etc. L'artprimitif personnage , accoutrement qui constitue un costume aussi
lui-même, quoique dans une proportion bien moindre , y confortable qu'élégant.

fournit son contingent par la reproduction de cerlains ani Il suffit de le voir, en effet , avec sa tunique serrée par une

maux plus ou moins reconnaissables , soit sur des ardoises , ceinture autour de la taille , avec une arme pendant au côté
soit sur des bois de renne ou de cerf , soit sur des plaques droit , avec une sorte de besace ou de bourse à la main et
d'ivoire fossile , etc ..... Mais ce que l'on ne connaissait pas avec un manteau sur ses épaules. Mais ce costume, n'est-ce
encore , ce qui manquait absolument à ces ages reculés , aux pas le costumemême du Gaulois , tel qu'il a été si souvent
débris et aux gisements qui les caractérisent, c'était la repro décrit , et notamment par Strabon ? Ne reconnaissez - vous pas
1
2 -

la funique, la ceinture, et sur tout cela , la saie rayée, le sagum contenu des objels d'une autre nature ou d'un âge différent,
virgatum ou sagula ? on aurait pu croire à une superposition de vestiges de l'indus
Il me semble que ce petit homme noir nouvel Épi trie humaine , ou à des prises de possession successives du
ménide sortantde sa caverne après un sommeil , non pas de même lieu , ou à des remaniements du sol plus ou moins réi
cinquante années , mais bien peut-être de deux ou trois mille térés , et dès lors la statuelte dont il s'agit n'aurait plus eu de
ans — nous dit encore quelque chose. Quant à moi , je crois signification et restait à peu près sans valeur ...
l'entendre murmurer à mon oreille ces mots : « J'appartiens Il est bien vrai que parmi tous ces objets de l'âge de la
aux temps historiques... et ne suis pas aussi vieux qu'on pour pierre renfermés dans celte grolle , se trouvait une petite
rait le croire... >> boule de verre ou de cristal, recouverte d'ornements émaillés
Celle conclusion peut sembler opposée aux prémisses posées et disposés en spirale ; mais ce genre d'ornements ou d'amu
par l'auteur. Si la statuette appartient aux temps historiques , lettes se retrouve aussi dans les tumuli dolmens du Morbihan,
comment serait-elle contemporaine de l'homme des cavernes ? et l'on sait que (abstraction faite des nuances pour des épo
M. de Sambucy -Luzençon est un adversaire de la thèse de la ques encore imparfaitement classées et peu solidement défi
haute antiquité de l'homme ; pour lui , la race qui habita les nies) les tumuli sont rangés au nombre des monuments de
cavernes a vécu à un âge qui doit être compris dans les temps l'âge de la pierre , et par conséquent appartiennent aux ages
historiques, et la découverte de la statuette de M. Ancessy lui diis antéhistoriques .
paraît confirmer sa théorie. Du reste , il complète sa note par Enfin , si la statuette de jais n'était pas la reproduction d'un
les lignes suivantes : vieux Gaulois , ne pourrail- elle pas être celle du Mercure phé
« La grolle où a été trouvé le monument qui nous occupe vicien ? C'est une nouvelle question que je pose... »
étail exclusivement remplie d'objets de l'âge de la pierre ; et
Cle F. DE SAMBUCY-LUZENÇON.
celte observation est des plus importantes , car si elle avait

NOTE SUR LA GROTTE SÉPULCRALE DE SAINT -JEAN - D'ALCAS

ARRONDISSEMENT DE SAINT- AFFRIQUE (AVEYRON ) .

La grotte de Saint- Jean -d'Alcas , dans laquelle M. Albert Le nommé Combes, auquel elle appartient, la découvrit,
Ancessy a trouvé la statuetta en jais dont M. de Sambucy a vers1830 , en enlevant, pour les utiliser au village ,deux grandes
fait l'objet de l'article précédent, a été signalée en 1838 à la dalles posées en croix qui fermaient complétement l'entrée.
Société des lellres, sciences et arts de l'Aveyron , par M. l'abbé C'était une cryple funéraire contenant une grande quantité
Ravaille , et en 1864 , à l'Institut , par M. Cazalis de Fon d'ossements humains , non brûlés, mêlés à quelques débris
douce (1 ). Elle est située à 300 mètres du village de Saint d'espèces animales de l'époque acluelle el parmi lesquels
Jean - d'Alcas, dans le flanc méridional d'un petit mamelon . étaient de nombreux objets recueillis par M. l'abbé Ravaille,
C'est une de ces crevasses naturelles que l'on trouve fréquem MM . Cazalis de Fondouce , Ancessy père et fils et moi.
ment sur le versant des plateaux calcaires ; clle forme une Je signalerai rapidement la nature de ces précieux débris :
espèce d'ellipse de 20 pieds au plus dans sa longueur et de un vase en polerie grossière pleine de grains calcaires qui ser
15 à 16 dans sa largeur ; sa hauteuratteint 10 pieds au centre . vaient à lier l'argile mal cuile ; - des pointes de flèches en
Elle s'ouvre vers le haul sur le sud -sud - est. L'ouverture pri- , silex de toutes grandeurs, souvent délicieusement taillées et
mitive a été considérablement agrandie par les explorateurs. barbelées, semblables à celles que l'on a retrouvées dans
les plus anciens tumuli du Danemark , dans les cités lacustres
de l'âge de la pierre, dans le camp retranché de Gergovia, et
( 1) M. Cazalis de Fondouce a , depuis cette époque, réuni un grand nombre
enfin dans les dolmens du sud -ouest de la France ; – des
de documents sur la grotte de Saint- Jean. Son savant et consciencieus Mé
moire , encore inédit, lui a valu à l'Académie des sciences de Toulouse une poignards ou pointes delances magnifiques également en silex ;
médaille de vermeil. - trois ou quatre haches en pierre polie, fort petites ; – une
- 3 -

grande quantité de petits disques ou annelels , en général par éclat, il y avait ailleurs, en Orient, ou peul- être même en
faitement ronds, mais affectant aussi des formes plus ou Europe, un peuple ou plusieurs sorlis, depuis un certain temps,
moins irrégulières ; d'autres perles se présentent sous la de l'état sauvage, ayant inventé le cuivre, découvert l’étain ,
forme de cylindres renflés quelquefois sur le milieu de leur fabriqué le bronze, et dont les produits arrivaient jusque dans
longueur et aux extrémités. l'Aveyron , le Lot, la Lozère , le Tarn -et- Garonne...
Les matières le plus communément employées sont le cal Dans ce cas, et de même que nos voyageurs actuels livrent
caire, l'ardoise , l'os et le jais . Parmi les autres ornements en aux Océaniens, par exemple , des verroteries grossières, des
jais, je noterai seulement un pelit triangle équilatéral de objels de quincaillerie fails pour cet usage, les voyageurs de ces
0,025 millimètres de hauteur sur 0,002 d'épaisseur , percé de époques reculées auraientprocuré aux peuplades peu civilisées
deux trous dans deux angles, et deux pendeloques ayant å des objets fort simples et dans le goût de ces sauvages, tels
peu près la forme d'ardillons de boucles. que des annelets, des perles, mais aussi des ornements plus
Plusieurs petitesboules en quartz parfaitement polies et per compliqués comme ces plaques percées de pelits trous que l'on
cées d'un petit trou fort régulier, des globules en verre de la retrouve également en Amérique dans les tumuli de l'Ohio ,
grosseur d'un petit peson de fuseau . Les deux que possède le dans les tombeaux de Babylone, dans la grotte de Lombrive
musée de Rodez sont de couleur bleu pâle et très sensiblement (Ariége) ; comme ces bracelets ornés de dessins caractéristi
poreux. Le nôlre est en verre incolore ; mais vu en masse, il ques de l'âge du bronze , comme ces épées et ces poignards
affecte une leinte sombre sur laquelle se détache en relief un identiques à ceux des cilés lacustres et des terramares. D'un
filet d'émail rouge en spirale (1) . autre côté , les globules de verre trouvés à Saint- Jean alles
Les mêmes ornements en pierre signalés plus haut se tron tent, eux aussi, un art fort avancé , et des recherches entre
vent aussi en métal dans la grolte . Les pelits annelets ayant prises dans plusieurs contrées ayant prouvé que le verre avait
composé des colliers variés adhéraient souvent ensemble élé inventé à l'époque du premier âge du fer, on doit les regar
preuve du peu de remaniement qu'a subi l'ossuaire. Nous y der comme des objets d'importation étrangère .
avons trouvé une perle longue renflée au centre ; elle est en J'écarte, on le voit, l'idée de remaniement. Je sais que
bronze fondu (étain et cuivre) et semblable à celle que nousavons dans ces fouilles on ne peut être sûr de rien ; que le lassement
trouvée dans le dolmen de Boussac. L'identité des objets trouvés des terres , l'infiltration des eaux de pluie permellentaux choses
dans la grotte avec ceux que j'ai pu recueillir dans les dol nouvelles de se faufiler trop aisément au devant des choses
mens est incontestable . Le silex est travaillé au même degré anciennes; mais l'élatde fermelure de la groite élait, en 1830 ,
de perfection . Les ornements en ardoise , calcaire et jais, sem tel que l'avaient laissé les parents ou amis des défunts. Elle
blent avoir fait partie des mêmes parures . Enfin , dans les ne contenait aucun objet de fer , aucunemédaille, et si l'on
deux gisements, nous avons rencontré des objets en métal. A voulait affirmer le remaniement pour les globules de verre, le
Saint- Jean - d'Alcas , comme dans nos dolmens, nous avons bronze, si répandu sous formes caractéristiques dans la grotte
retrouvé les vestiges de la même population qui a vu la fin de et dans les lombeans du voisinage , affirmerait encore ces rela
l'age de la pierre et l'aurore du métal. Il résulte de mes ana tions du peuple des dolmens avec des contemporains plus ou
lyses que ce métal est du bronze , du cuivre avec une assez moins rapprochés, mais à coup sûr déjà fort avancés dans la
forte proportion d'élain . Or, pour trouver la supériorité de civilisation .
l'alliage , il fallait avoir travaillé le cuivre seul. Le peuple des J'ai dit plus haut que le jais était une matière fort employée
dolmens ne connaissait pas le métal avant d'arriver dans le Sud à celle époque ; j'ajoulerai que les objels en jais sont en gé
Ouest , quand il était encore dans le Poitou , par exemple. Puis néral fabriqués avec plus de soin que ceux qui sont en subs
tout à coup le bronze apparaît dans les deux tiers de nos lom tances plus vulgaires .
beaux. On peut lirer de ce fait deux conclusions : ou le peu Je ne vois donc aucune raison pour ne pas admettre que la
ple des dolmens est arrivé au milieu de populations plus staluelle de M. de Sambucy ne soit pas contemporaine des
avancées que lui dans la civilisation et se met vite à leur niveau , silex et des haches en pierre, au contraire ; mais ce serail, à
ou bien , au contraire, à l'époque où l'industrie de la pierre ma connaissance, la seule représentation de l'hommetrouvédans
taillée et polie était dans le sud de la Gaule à l'apogée de son les dolmens. On sail que le sentiment artistique , si développé
chez la race qui vivait avec le renne et de laquelle nous avons
des sculptures et des dessins nombreux , représentant les ani
( 1) Mon ami Victor Accessy etmoi nous avons envoyé à l'Exposition univer maux et même l'homme, avait disparu avec elle ; les hommes
selle , galerie de l'Histoire du travail, un carton renfermant les plus beaux
de l'âge de la pierre polie ne savent plus dessiner les choses de
objets trouvés par nous dans la grotte de Saint-Jean-d'Alcas et dans les dol
la nature . Les seuls dessins que savait ou que voulait faire le
mens de l'Aveyron .
- 4

peuple des dolmens, qu'il a gravés sur ses monuments , for tion religieuse ? Je ne sais ; seulement de l'ensemble des faits

ment des lignes bizarres et contournées qui rappellentassez bien que je connais je concluerai volontiers que la statuette en ques
le latouage des sauvages ; sur les parures, sur les poteries,nous tion , comme le bronze , comme le verre , est venue de l'étran
voyons des lignes droiles ou courbes, des ronds concentriques, ger . Elle peut être plus récente que la majorité des objets
des triangles, jamais de représentations animales ou végétales. de l'ossuaire ; mais à coup sûr elle n'a pas été faite par les sau

- Cette abstention est étonnante dans l'âge du bronze dont les vages qui reposaient dans la grotte sépulcrale . Que de plus ha
hommes de Saint-Jean -d'Alcas voyaient l'aurore , et qui par pa biles lâchent de la faire parler . Malgré les mutilations qu'elle a
renthèse ne fut pas bien long pour eux. Etail- ce une prescrip souffertes, elle nous garde sans doute de précieuses révélations.
P.-E. CARTAILHAC .

TRIPTYQUE EN IVOIRE, TRANSFORMÉ EN TABERNACLE

ÉGLISE DE SAINT-SULPICE -DE-LA - POINTE (TARN ).

Il existe quelquefois au fond des modestes sanctuaires de croix se groupent un soldat et le bourreau qui vient de percer
nos campagnes, des auvres d'art qui ne dépareraient pas les le flanc du Christ avec sa lance , dont on aperçoit encore un
plus magnifiques cathédrales ; il me semble très intéressant tronçon dans sa main ; puis la Mère du Sauveur et l'apôtre
pour l'histoire du moyen -âge de l'étudier aussi dans ses pro saint Jean , dont les trails présentent une expression admirable
ductions partielles qui, par leur nombre el souvent par le de tristesse ; au -dessus des bras de la croix apparaissent deux
mérile de leur exécution , attestent l’habileté, la prodigieuse anges porlant peut- être autrefois le soleil el la lune dans leurs
fécondité des artistes de cette époque. C'est ainsi que l'église mains, comme on le voit dans plusieurs représentations de ce
de Saint-Sulpice -de-la- Pointe , église remarquable du reste sujet par les artistes du moyen -âge ; enfin , dans le comparti
dans plusieurs de ses parties sous le rapport architectural , ment de droite est figurée la Descente de croix , où le Christ
possède un très beau spécimen de sculpture religieuse go est reçu dans les bras du disciple, tandis qu'un des acteurs
thique . de ce dramearrache avec des lenailles les clous des pieds du
Sur l'autel insignifiant d'une de ses chapelles, se trouve Sauveur.

un tabernacle qui , vu à distance , est loin de séduire les yeux Toutes ces figures sont remarquables par la naïveté et la
par son encadrement renaissance en plâtre doré ; mais il vérité du geste et de l'expression ; les draperies et tous les
porte sur ses faces antérieures trois tablettes en ivoire détails sont traités avec une grâce et une simplicité char
dont les dentelures délicates et les sculptures pleines de vie mantes . Si certains corps pêchent un peu contre les lois
el d'expression ne peuvent laisser indifférent le visiteur assez exactes du dessin , le Christ étendu sur la croix , par exemple ,
bien inspiré pour les examiner de prés . ces légers défauts sont amplement rachetés par la finesse de
Les trois tablettes sont divisées chacune en deux comparti l'exécution et surtout par le sentiment religieux que l'artiste a
ments , encadrés dans des ogives trilobées et surmontées de su faire respirer dans son ouvre ; c'est cela surtout qui fait
leur galbe. Chacun de ces compartiments contient un des prin le caractère distinctif des sculptures du moyen - âge ; la foi
cipaux actes de la Naissance et de la Passion de Jésus-Christ. vive qui régnait dans le cour des artistes de cette époque
Ainsi dans les inférieurs se trouvent figurées l’Adoration des guidait leur main et leur faisait produire des ouvrages reli
Mages, la Présentation au temple ; an milieu , c'est la Vierge gieux que l'art moderne, malgré toute sa perfection , essaierait
couronnée et offrant aux adorations des anges son divin en vain de surpasser .
Enfant, autant qu'on peut en juger après les mutilations qu'a Ces tablettes , que la disposition de leurs personnages et
subies cette partie. Dans la partie supérieure , nous voyons l'ornementation de leurs ogives me feraient altribuer à un
d'abord le Sauveur chargé de sa croix el traîné par des soldats artiste du xve siècle, proviennentdela chapelle d'une ancienne
porteurs des instruments du supplice ; le compartiment du abbaye de religieuses de Cileaux , fondée à Saint-Sulpice au
milieu représente la scène du Crucifiement ; au pied de la xle siècle et détruile par la Révolution . Toutes les richesses
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DA

ANCIEN TRIPTYQUE TRANSFORMÉ EN TABERNACLE

(Eglise de Saint-Sulpice.)
ANCIEN TRIPTYQUE TRANSFORMÉ EN TABERNACLE

(Eglise de Saint-Sulpice.)
5 –

de ce puissant monastère furent alors dispersées ; un lieureux beaux ornements. Du reste, il est facile de voir que ces

hasard voulut que ce morceau de sculplure fût sauvé de tablelles n'étaient pas placées autrefois sur les faces d'un

la destruction et retrouvé, il y a quelques années, au fond tabernacle , comme elles le sont aujourd'hui ; je croirais plutôt
d'un grenier par M. le curé de Saint- Sulpice. Ce dernier a eu que, réunies au moyen de charnières, elles formaient l'orne

le bon esprit de refuser plusieurs offres de collectionneurs de ment d'autel connu sous le nom de triptyque.
Paris et de vouloir conserver à son église l'un de ses plus A. DU BOURG .

BIBLIOGRAPHIE .

ANALYSE DU DERNIER BULLETIN TRIMESTRIEL DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES ET BELLES-LETTRES DE BORDEAUX .

Progrès et influence des corporations durant l'empire romain , nants romains : les associations, les colléges , les corporations
par M. BELIN DE LAUNAY. en étaient les développements nécessaires. En principe, de
telles institutions pouvaient servir les projels du dictateur,
Chercher quelles influences le rétablissement progressif et mais elles pouvaient aussi assurer la vitalité des institutions
l'organisation systématique des corporalions, durant l'empire républicaines et dissimuler des associations constituant un
romain , ont exercées sur les modifications de la société, prin pouvoir dans l'Etat .
cipalement dans l'occident de l'Europe , tel est le sujet que César , en maintenant les corporations officielles nécessaires
l'auteur de ce Mémoire s'est proposé de traiter. et inoffensives , voulut se prémunir contre des associations
..... Des raisons politiques avaient amené la République et d'un autre ordre... L'introduction de théories politiques et
Jules-César à prendre des mesures qui restreignaient lesasso philosophiques loules nouvelles, le prosélytismede culles non
ciations, les colléges et les corporations. Le diclaleur avait reconnus par l'Etat, devenaient d'ailleurs dangereux pour le
dissout tous les colléges, hormis ceux dont la constitution maintien des constitutions anciennes ... Après César , Auguste
était antique. Parmi ces derniers se trouvaient nécessairement prit habilement prélexte d'illégalités diverses pour supprimer ,
ceux qui remontaient à l'origine de Rome et dont la fondation restreindre ou officielliser toutes les associations.
était attribuée à Numa, c'est- à - dire les colléges religieux , L'autocratie impériale nivelait adroitement ; elle tourna au
d'abord , puis certaines corporations , comme celles des profit de son autorité la passion qu'inspirail aux Romains leurs
musiciens, des ouvriers travaillant l'or, le bois , la pierre , l'ai assemblées et leurs fêtes de quartiers... La restauration de
rain , le cuivre, le fer , l'argile , le cuir , elc... Il avait aussi ces sodalités en l'an VIII de Jésus - Christ fut le point de dé
laissé subsister les associations que la volonté d'assurer aux part de l'institution des augustales dans les provinces.
vainqueurs les fruits de leurs victoires et les besoins de la L'abolition des comices, en 27 après Jésus-Christ , la
République avaient fait créer pour le commerce de terre et de défense des cérémonies extérieures et des cultes égyptiens ou
mer, pour l'exploitation des mines , des carrières et des juifs, l'expulsion de Rome ordonnée contre tous les sectateurs
salines, et surtout pour la levée et la translation des impôts de ces religions ou d'autres semblables, sont le complément
dont chaque province était redevable , en argent ou en den des restrictions imposées aux corporations par les Césars suc
rées , afin d'approvisionner la ville et les armées. cesscurs d'Auguste .
Favoriser par tous les moyens la ville conquérante aux A mesure que le pouvoir se concentre dans la main des
dépens des vaincus, faire de toute sa population une sorte empereurs, les entraves, les persécutions même viennent
d'aristocratie plébéienne, à deux degrés, nourrie par les pro témoigner des craintes que leur inspirent les associations po
vinces conquises et surtout pourvoir de celle même façon å pulaires... Claude prohibe les banquels en commun ; il permet
l'entretien des armées nécessaires au maintien d'un pareil sys
à peine des réunions mensuelles ayant pour but de recueillir
tème, telle avait été toute l'économie politique des gouver les colisations mensuelles pour former des fonds communs de
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ſunérailles... Néron aggrave encore ces prohibitions... Peut De telles expressions indiquent suffisamment les tendances
être n'y eut-il alors de conservées que les associations néces de l'empereur Adrien ; il semble trouver l'idéal de l'organisa
saires à l'annone romaine , les sociétés funéraires et les col tion sociale dans ces antiques formes de la société égyp
léges de la religion de l'Etat . Ceux - ci, l'empereurles surveille ; tienne.
il veut en faire partie et prend sur ses monnaies le titre de Quelle admirable organisation , en effet, que celle d'une
prêtre élu dans tous les colleges. société où tout est prévu , réglementé , coordonné ; où l'indi
Mais en dehors de ces associations officielles, en dehors du vidu, dans quelle condition qu'il vienne au monde, a sa des
contrôle impérial, les culles proscrits formaient nécessaire tinée immuablement fixée du berceau jusqu'aux funérailles ;
ment des hétairies ou des fraternités secrètes, et plusieurs où tout être humain gravile invariablement dans une sphère
associations avaient dû accepler le déguisement de sociétés déterminée dont les évolutions concourent fatalement à l'har
funéraires. monie générale de l'ensemble social !... Belle organisation , en
Sous Dioclétien commence une réaction remarquable ; il effet, où se révèle l'influence des astronomes et des géomètres
fonde, en faveur des lettres et des artistes, les colleges de législateurs des races orientales, dans laquelle tout est symé
Minerve et de Jupiter Capitolin , et rétablit même les festins. trie , harmonie , accord du nombre, mais où l'être humain n'est
N'élait-ce pas une tentative habile de lutler contre ces asso plus qu'un chiffre et une chose !
ciations secrètes qui tendaient au renversement des associa Tel fut cependant, au fond , le système qu'Adrien semble
tions officielles de l'empire ? avoir tenté d'étendre à lout l'empire... Il fonda la biérarchie
Quoi qu'il en soit , lors de Rome, ces associations inspiraient palatine, il enrégimenta les métiers ; les travailleurs des mé
assez de craintes pour que Trajan refusât de laisser Pline ins taux, de la pierre , du bois et de l'argile ; les ingénieurs, les
tiluer à Nicomédie un corps de cent cinquante ouvriers tous architectes et leurs aides ; il les organisa à l'instar des légions,
choisis et dont les services ne seraient requis qu'à l'occasion du moins pour le service particulier de ses vastes entreprises.
des incendies... Le christianisme avait fait de lels progrès Il organisa les emplois de l'Etat et de l'administration , ainsi
en Orieni, que l'empereur redoutait d'organiser un corps offi que ceus de l'armée, à peu près comme ils l'ont été après
ciel secrètement imbu des doctrines nouvelles . Il fondait Constantin ...
cependant à Rome le corps des boulangers pour assurer le La révolution sociale commencée par lui est continuée par
service perpétuel de l'annone ; mais là le pouvoir cen ses successeurs... Il avait voulu faire triompher ce qu'on appel
tral espérail exercer une surveillance suffisamment rassu lerait aujourd'hui les doctrines utilitaires... Les colléges, par
rante . exemple , élant institués en vue de l’ulilité publique ; les mem
Avec Adrien , la réaction s'accentue encore. Imbu des idées bres qui en faisaient partie n'en eurent plus les immunités
orientales, cet empereur développe celle influence de l'Orient que s'ils y travaillaient réellement, que s'ils étaient en état de
que les premiers Césars, héritiers du système républicain , rendre des services effectifs.
s'étaient jalousement efforcés d'écarter de l'empire : ils avaient Obéissant aux mêmes vues, Antonin poursuivait impitoya
été les conservateurs des vieilles croyances et des instilutions blement la fainéantise et retranchait les salaires aux oisiſs,
anciennes et avaient ainsi pu se dire les sauveurs de la société ne connaissant rien de plus cruel, disait-il, que de voir la
romaine ; Adrien entra , non sans habileté , dans le courant des République grugée par des hommes qui ne lui produisaient
idées nouvelles, et comme la source en était l'Orient, ce fut à rien .
l'Orient qu'il emprunta ses projets de reconstitution de l'em Ainsi, l'utilité de chaque individu , sa production au point de
pire. vuc social, telle fut la grande préoccupation du césarisme
Ses réformes eurent un caractère essentiellement démocra après sa vicloire définitive... Pour favoriser et développer la
tique, en ce sens qu'il combatlit le privilége, qu'il astreignit production individuelle, il emprunta à l'Orient des formes
les riches aux charges et aux fonctions publiques... Une lettre d'organisation sociale longtemps repoussées . Alexandre-Sévère
de lui au consul Servianus (134 de Jésus-Christ) témoigne acheva la révolution commencée par Adrien . Tous lesmétiers,
de ses sentiments à l'égard des obligations sociales : il a visité même ceux des détaillants, marchands de vin , de légumes ou
la laborieuse Alexandrie, et la comparant à Rome la fainéante , de chaussures, il les organisa en corporations et leur donna
il dil : « Dans celle ville riche et féconde, on ne rencontre des règlements , ainsi que des avocals et des juges, en sorte
pas un oisif ; chacun y exerce un métier ; on y a de l'occupa que le césarisme produisit des institutions analogues à celles
tion déterminée , même pour les aveugles,même pour ceux que propose certain libéralismemoderne.
que la goulle empêche d'employer leurs pieds et leurs Il arriva un moment où les municipes et les cités de l'Occi
mains... » dent se trouvèrentremplacées par une nation de plus en plus
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ressemblant à celles qui, depuis un temps immémorial, exis Mais si dans la féodalité la fonction est attachée au sol, ce

taient en Asie. Pour cette nation , il n'y eut plus d'autre noblesse n'est plus la fonction civile instituée par l'empire , ou plutôt
que celle des charges, ce qui s'est reproduit et conservé dans celte fonction civile se confond avec la fonction de la guerre,
le Tchin de la Russie . Les réformes dues à Dioclétien et å et c'est là une différence profonde entre le système du césa
Constantin ſer achevèrent cette organisation de l'empire selon risme et le système féodal.
la forme orientale . M. Belin de Launay recherche les causes de celle diffé
D'autre part, elles commencent une période qui se termine rence ... Après avoir constaté l'appauvrissement progressif du
à peine avec Louis-le-Débonnaire, car l'édit de Kierzy -sur trésor impérial et des forces productives de l'Etat, dù au sys
Oise, en 877 , n'en est que le développement normal, la con lème de corruption par les jouissances matérielles et l'oisiveté
clusion logique. que les Césars pratiquèrent à l'égard des fainéants dont se
Quand le césarisme se sentit assez fort pour réduire à la composait le peuple - roi, l'auleur explique le vaste développe
condition des autres parties de l'empire l'Italie, jusqu'alors ment donné aux corporations par le désir et la nécessité de
privilegiée d'immunités de conscription et d'impôts, et faire concourir à la production les oisifs et les pauvres de

qu'en même temps les besoins d'un Etatdémesurément agrandi Rome et de l'Italie . L'immunité du service militaire , dont
exigerent de nouvelles mesures financières, le gouvernement jouirent ceux-ci à partir de Trajan , il la signale comme ayant
impérial voulul s'assurer des revenus fixes, systématiquement préparé entre le peuple et l’armée une séparation dont les
assis selon une forme identique à celle de l'organisation résultats se confondirent avec ceux du système des corpo
par corporations. Les règlements de celle -ci s'étendant à rations .

tous les ciloyens, le principe de la classification n'élait pas Lorsque, dans le but de créer des revenus plus considéra
nouveau pour des esprits accoutumés déjà à une sorle de sys bles, tous les ciloyens de l'empire indistinctement furent di
tème de castes. visés en classes dont chacune alimentait telle ou telle branche
A l'égard de l'impôt, on divisa les habitants de l’einpire en du fisc, l'immunité d'impôls maintenue en faveur de la fonc
six classes : 1 ° les privilégiés , faisant les frais des éditions
..

lion de la guerre sembla devoir être une cause de diminution


questoriennes et préloriennes, des jeux publics, payant la des revenus publics ; ceux auxquels l'Etat avait imposé des
collation de la glèbe, chargés des fonctions de la milice pala charges héréditaires auraient pu s'y soustraire en se réfugiant
line , des sénats et des curies municipales ; 2° les négociants, dans les camps ; en conséquence , les hommes chargés des
acquiltant l'or lustral, les douanes et les octrois ; 3° les pos fonctions civiles, les sénateurs eux -mêmes , furent exclus des
sesseurs fonciers ou curiaux, payant l'annone et l’or coron armées . Dès lors les troupes ne se recrutaient plus parmi les
naire , et fournissant la prestation des chevaux et des conscrits, citoyens ; les esclaves furent d'abord admis au service mili
qu'ils transportaient en partie ; 4 ° les incorporés, ayant la fonc taire, et pour les y allirer, on les déclara ingénus par le seul
tion des industries ; 5 ° les colons, qui cultivaient les champs tait de leur admission ; mais bientôt cette ressource fut insuf
comme les bûcherons aménageaient les forêls ; 6 ° enfin les fisante, et les barbares devinrentla principale force des armées
esclaves de tout genre.
romaines... En 379, Théodose avait pris quaranle mille Goths
Comme les corporations, ces classes civiles étaient dépen à sa solde ... Peu de temps après, celle nation composa l'armée
dantes de la possession foncière et devenues héréditaires. On orientale de l'empire , landis que l'occidentale était formée de
peut affirmer des cinq premières ce que le Code Justinien dit Germains.

des colons : « Libres ou ingénues par l'origine, elles sont ( Alors l'édit de Gallien donne ses pleines conséquences.
hissent, »
les esclaves de la terre, pour laquelle elles naissent, ou ce Altendu que les sénateurs ont été exclus de l'armée, les grades
que Najorien , en exprimant plus nellement la pensée du gou militaires et les premiers honneurs de l'Elat ont passé aux
vernement, écrira des curiaux : « Ce sont les esclaves de mains des barbares. Les cours impériales se remplissent de
l'Etat . ) leurs rois, dont plusieurs sont bientôt consuls etmême luleurs
Personne ne peut se soustraire à celle classification ; tous de l'Etat. )
les oisifs sont rangés dans l'une de ces classes, suivant leur On peut dire qu'en ce moment le principe des corporations
fortune immobilière ou mobilière , et y demeurent astreints avait complétement porté son fruit ; ilavait mené à la création
jusques dans leur postérité. de classes analogues aux castes orientales ; dans celle organi
Ainsi, à partir de ce moment, la fonction , quelle qu'elle soit , sation des populations de l'empire ,la caste militaire avait élé
est attachée au sol, elle est obligaloirement héréditaire pour oubliée ; les barbares la constituerent. Le peuple romain était
le possesseur de la lerre, et sur elle seule portent les dispo une agrégation de castes civiles de ciloyens n'ayant plus le
silions du fisc . N'est-ce pointdéjà la forme féodale ? droit de porter les armes, restant attachés à la glėbe el à la
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fonction , travaillant pour payer les deux milices, celle du ainsi à la terre d'Ilalie , car de plus en plus la fonction s'in

palais, nécessaire à l'empereur, et celle de l'armée, nécessaire cruslait au sol.

à la défense de l'empire . Les soldats de ces armées, barbares « Voyez les progrès de ce fait : les deuxièmes Flaviens
d'origine, d'idées, de coutumes, exclus des fonctions civiles, avaient déclaré que les héritiers de terres possédées par des
n'ayant d'autremission que de défendre les classes civiles , en incorporés , des municipaux ou des sénateurs,' rempliraient
vinrent bientôt à défendre uniquement les avantages que leur exactement les mêmes fonctions que leurs prédécesseurs.
procurait l'empire . Leur intérêt fut de conserver celle fiscalité Donc, l'édit de Kierzy-sur-Oise , en 877 , ordonnant l'hérédité
si odieuseaux habitants, qu'elle leur faisait désirer la ruine de des charges féodales, fut surtout la conclusion d'une révolu
la centralisation romaine. Les frontières de l'empire enferme tion commencée depuis cinq cents ans, mais qui plongeait
rent donc deux populations juxlaposées, mais non confondues ses racines dans des fails remontant jusqu'aux origines de
et que tout séparait ... La population civile eut d'abord dans Rome. »

le chef de l'empire son protecteur nalurel ; mais lorsque les « Voilà comment la corporation ouvrière issue du mauvais
chefs militaires entrèrent en rivalité avec les empereurs , en système économique de la république et de l'empire, et deve
raison même des services qu'ils leur rendaient, ceux - ci ne nue, sous les Flaviens du ive siècle, le type des diverses classes
tardèrent à n'ètre regardés que comme les chefs civils d'une civiles et l'origine principale de la ruine de la société romaine,
population incapable de se défendre ; les chefs barbares s'ha a été une des causes fondamentales de la forme sociale qui
bituèrent à se regarder comme les véritables chefs de l'em exista durant le moyen -âge . )
pire ; ils réservèrent à leurs soldats le service militaire qui Telle est la conclusion formulée par N. Belin de Launay ...
assurait la prédominance... « Quand Théodoric -le -Grand , au Elle découle aisémentde l'étude que nous avons essayé d'ana
commencement du vie siècle, dépouilla Odoacre du titre de lyser assez pour en bien préciser la physionomie , et dont
roi d'Italie , il déclara officiellement que le service civil appar nous regrellons de ne pouvoir faire connaître loute la substan
tenait aux Romains et le militaire aux Goths. C'était simple tielle valeur. Si exacte, si conscieusement trouvée que nous
ment constater un état social déjà invéléré. » paraisse celle conclusion , pent-être l'auteur, qu'il nous soit
Voilà où avait mené le système dont le premier objet avait permis de le dire , a - t-il un peu brièvement exposé l'action
élé l'exploitation des nations conquises au profil des habitant que la société chrélienne nous semble avoir exercé sur les
d'une cité conquérante.
causes dont il constale le résultat, avec une grande profon
« Ainsi , quelques corporations primitivement instituées deur d'idées et une lucidité remarquable .
pour les besoins de Rome; les sociétés de publicains, réser
vant aux Romains les bénéfices des formules imposées à la pro
vince ; les sodalités , d'abord probibées , puis permises ; la
fondation de nombreux colléges d'ouvriers el de négocianls,
utiles au service ou à la splendeur de l'empire el protégés par Les grands jours du dernier duc de Guyenne, par M. Brives
Cazes.
le privilége ; l'organisation des habitants , devenus tous
citoyens, cn classes qui, après avoir reçu les règlements pro En vertu de la concession de la Guyenne faite par Louis XI
pres aux corporations, ressemblent à la casle égyptienne , où à son frère Charles , « comme partage et appanage , ) malgré
la fonction , qu'elle fut administrative , agricole ou indus l'opposition du Parlement de Paris , cette province avait
trielle, était héréditairement imposée aux possesseurs de la reconquis, vers 1469, son ancienne autonomie , détachée
terre et versait ses revenus dans le fisc. Toutes ces évolutions qu'elle était encore de la couronne de France, comme elle
successives avaient, chacune pour sa part, contribué à former l'avait été jadis de la couronne d'Angletere en faveur du
une espèce de polype qui, en absorbant l'individu, en lui en Prince -Noir.
levant la propriété de ses biens et le libre exercice de ses Ce n'était pas l'Aquitaine d'autrefois, il est vrai ; Louis XI
facultés , avait ruiné la société romaine en fait de produits et l'avait réduite , pour la circonstance , aux trois sénéchaussées
d'hommes, et l'avait livrée , comme une proie sans défense , de Bordeaux , de Bazas et des Landes , avec la Saintonge et
aux barbares chargés de la fonction de la guerre . » l'Aunis en plus.
La fiction trop prolongée de le suprématie des empereurs Comme conséquence de cette concession , le Parlement
de Byzance cesse par l'action de l'Eglise romaine. Le Pape royal de Bordeaux, ne pouvant plus siégerdans des terres apa
appelle en Italie les Francs ; pour meltre fin sans retour aux nagées, avait été transféré à Poitiers.
prétentions de Constantinople , il rétablit un empereur d'Oc Il avait fallu pourvoir d'urgence à l'administration de la
cident. Ce fut Charlemagne. Le titre impérial se rallacha justice ... A l'aide d'éléments divers, indiqués avec beaucoup
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de sagacité dans le travail de M. Brives -Cazes, le duc Charles De complicité avec le pouvoir royal, ces hauts caractères et
constitua dans son apanage une cour de justice destinée à ces natures vaillantes qui composaient alors les corps de la
remplacer le Parlemenl.., 1l lui donna le nom de Grands jours magistrature préparaient, dans un avenir prochain , le triom
de Guyenne , dénomination qui rappelait d'anciennes institu phe du liers - élat.
tions locales, puisque déjà , sous l'administration du Prince La cour des Grands jours de Guyenne fait fière figure au
Noir, de 1362 à 1372 , une cour dite des Grands jours de
sein de cette période de grandeur et de luttes ... « On ne la
Guyenne avait maintenu les anciennes franchises de Bor
vit pas reculer devant les Foix , les Talleyrand , les Gontault,
deaux contre les entreprises des officiers du roi d'Angleterre. les Angevin , les Montpezat, les de Lille et autres, et certes,
Telle fut l'origine de celle cour , dont M. Brives - Cazes a sous un prince aussi faible, aussi entouré d'intrigues et de
lenté d'esquisser l'existence et le fonctionnement.
courtisans faraéliques que le fut le duc Charles, il y avait quel
A l'aide d'un document précieux, le registre du conseil de
que mérite à ne pas faiblir. » -- En de pareils magistrals ,
celte cour , qu'il a découvert parmi les registres du Parle Louis XI avait des auxiliaires redoutables à la féodalité et
ment, il nous la montre courageusement fidèle à sa mission , dignes de lui tenir lêle bien autrement que ne le furent leurs
suivant vis -à - vis des seigneurs du pays la conduite l'erme et successeurs, transformés en robins anoblis .
sévère adoptée par le Parlement dès les premiers jours de sa
A la mort du duc Charles, Louis XI s'empresse de
création , rigueur qui est un signe des temps et qui semble
ressaisir cette province de Guyenne, qu'il regrellail ; le Parle
une revanche prise par les représentants du droit antique sur
ment est rappelé de Poitiers à Bordeaux , et la cour des
les privilégiés du système féodal. Il nous la montre, autre
Grands jours , dont le roi de France pouvait redouter les résis
signe des temps, domplantmême le haut clergé, sulisant, en
lances patrioliques , cesse de fonctionner...
un mot, à sa mission par l'énergie et l'activité de ses mem
bres... Celle activité , celle énergie justifiaient les expressions L'étude considérable publiée par M. Brives-Cazes jelle une
d'un conseiller contemporain, Jean Dalesme , parlant des vive lumière sur les meurs judiciaires de l'époque, en faisant
« sudores aulici , » qualifiant l'existence des conseillers de mieux connaître l'existence et les actes d'une instilution

< splendidam miseriem » et déclarant avec le président Boyer : éclose de la reconstitution éphémère de l'autonomie aqui
( Apud aulicos, nihil esse otii ad litteras ... ) tanique.

ANALYSE DE LA DERNIÈRE LIVRAISON DES MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE DU MIDI DE LA FRANCE .

Fragments historiques concernant la ville de Buzet . - Des jamais vendu, donné en gage ou en fief ; que nous ne ſerons
cription de son église , par M. l'abbé Aug. Massol. aucun échange avec qui que ce soil, ni en partie ni en son
enlier, à moins que nous ne permutions, donnions ou échan
Au moyen -âge , Buzet était le lieu de passage le plus ordi gions tout notre comté de Toulouse , etc ... )
naire de l’Albigeois au Toulousain , dans la région où l’Agoût Celte clause constitua un droit d'inaliénabilité auquel il ne
se réunit au Tarn : là , an - dessous du point de jonction des futdérogé qu'en 1771 par Louis XV, qui concéda le château
deux cours d'eau , un pont reliait les deux rives, privées à au comte de Clarac .
une grande distance de toute autre communication de ce Buzet, poste important comme tête de pont, reçut des
genre ... fortifications considérables et joua un certain rôle militaire...
En 1235 , le comte de Toulouse , Raymond VII, convaincn Pendant les guerres du xive siècle , son enceinte servil de

de l'utilité de fortifier ce passage, achela de Pilfort de Rabas refuge aux populations du voisinage, qui s'y trouvèrent en
tens une portion de terrain sur lequel il assit un château -fort sûreté , grâce à des circonstauces au sujetdesquelles V. l'abbé
commandant le pont. Massol écrit ceci :
Aux habitants du lieu , il donna ou reconnut des immunités, « On descendit les réfugiés dans un souterrain , cavité
franchises, libertés et usages, et conclut avec eux ce pacte formée d'abord pour l'enlèvement des sables employés à la
auquel l'histoire de Buzet doit une physionomie particulière... construction du châleau , des tours et de l'église . Le déblai
« Nous promettons et jurons, les deux mains appuyées sur fut ensuite continué régulièrement pour fournir de la terre et

l'Evangile, que le château de Buzel, avec ses dépendances, des matériaux aux murailles d'enceinte et des maisons. On
restera toujours en notre pouvoir et domination , ne sera creusa dans le tuf, on allongea les galeries, on fil un vaste
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souterrain ; il serpentait sous les rues tortueuses de la petite tions lendant à élablir que Jeanne a élé inhumée à Buzel avec
ville , la contournait entièrement, el, se repliant sur lui-même, un jeune enfant issu d'elle.
longeait la rivière du Tarn, après avoir mis en communication Son Mémoire est complété par une description parfaitement
entre eux tous les points de défense . » entendue et très bien faite de l'église du lieu , assez bel édifice
Nous ignorons si M. l'abbé Nassol décrit ces vastes souter de transition , bâli en briques, où le plein - cintre se marie
rains, refuge d'une popula lion entière, d'après des documents à l'ogive, el qui emprunte un grand air de ses massifs acces
ou des traditions, ou bien s'il les décrit après les avoir visités soires de fortifications.
pour en constater l'existence et l'élalactuel.

Les berges du Tarn et de l’Agoût présentent, en un grand .


nombre de points, des groupes de souterrains qui paraissent
dater d'une époque très reculée el dont quelques- uns ont été
retouchés en des temps postérieurs ... La plupart de ces sou Saint-Sulpice -de-la - Pointe , par M. Antoine du BOURG .
terrains constiluent les habitations troglodytiques décrites
par MM . Devals, Rossignol, Grellet- Balguerie, elc . Peul-être En amont de Buzet , entre un profond ravin qui sert de
les soulerrains de Buzet ne sont-ils pas autre chose que des lit au ruisseau de la Planquette et l'Agoût, principal affluent
habitations de ce genre , agrandies el modifiées selon les exi du Tarn , dans lequel il se perd à quelques cents mètres plus
gences d'une destination nouvelle . Que M. l'abbéMassol veuille loin , se trouve le village de Saint- Sulpice . C'était autrefois
bien nous permettre de lui signaler ce rapprochement dont il une terre du domaine des comtes de Toulouse qui, au xije siè
lui appartient de vérifier le plus ou moins de valeur ... Du cle , en firent donation à l'abbaye d'Aurillac . Au siècle suivant,
reste , les souterrains de Buzet occupent une assez grande un abbé l'inféoda à un seigneur de la maison d'Alaman . Les

place dans l'histoire de cette localité pour qu'il soit intéres frères hospitaliers de Saint-Jean - de -Jérusalem avaient cepen
sant d'en faire le sujet d'une étude spéciale . L'autcur du dant un fiel à Saint- Sulpice , puisque ceux- ci le vendirent à
Mémoire nous les montre , après les guerres du xive siècle , Alphonse de Poitiers , devenu comte de Toulouse , qui s'em
utilisés par les catholiques lors du coup de main tenté par les pressa d'y construire une bastide ; il l'inféoda , paraît-il, à
religionnaires en 1563, et plus tard , servant de refuge au Sicard d'Alaman , déjà seigneur en partie de Saint -Sulpice...
comle de Clarac et aux siens en 1791. Après avoir établi ainsi les origines de cette localité ,
Le château de Buzet (c'est- à -dire la forteresse), dont il ne M. Du Bourg retrace les principaux faits de ses annales ; il
reste que d'informes débris , a sa légende sombre, son histoire montre celte baronie passant aux Lautrec , aux Jourdain de
mystérieuse . l'Isle , aux Comminges , à Jean , comte de Boulogne et d'Au
Là ſul enfermée, et peut- être inhumée , s'il faut en croire vergne , puis à Gaston Phébus , comte de Foix... Celui- ci
la relation du secrétaire du comie d'Armagnac , Jeanne, fille perd sa baronie par suite de rébellion ; elle est donnée à la
de Gaston IV , comle de Foix , mariée en 1468 à Jean V , comte femme de son ennemi, le duc de Berry (1392) ... Jeanne de
d'Armagnac, assassiné dansLecloure par ordre de Louis XI... Boulogne , duchesse de Berry, habita Saint-Sulpice ; elle y fit
Après avoir raconté la mort du comle , égorgé aux côtés de fabriquer de la fausse monnaie , sans doute pour amener le
Jeanne, le 14 mai 1476 , le chroniqueur ajoute : « Le sénéchal succès de ses conspirations avec le roi de Portugal. Une con
de Toulouse se chargea de la comtesse, qui était enceinte , et fiscation ordonnée par Charles VI fait rentrer la baronie de
la fit conduire au château de Buzet, dans le Toulousain . Au Saint-Sulpice dans le domaine royal , d'où elle sort bientôt
mois d'août suivant, quelques gens apostés lui ayant demandé pour passer à Charles d'Albret, comte de Dreux.
si elle était enceinte , on la força de prendre un breuvage qui Ce n'est pas ici le lieu de suivre l'auteur dans les conscien
la fit avorter d'un enfant mâle . » Bonnal ajoute que les auteurs cieuses recherches par lesquelles il établit la série des divers
de ce crime étaient des seigneurs qui désiraient non -seule seigneurs de Saint- Sulpice jusqu'à la Révolution ... Mais nous
ment la mort du comte d'Armagnac, mais encore l’extinction lui emprunterons en partie la description de l'église de ce lieu ,
de sa race . curieuse par ses fortifications...
Contrairementà l'opinion accréditée , M.l'abbéMassol admel La façade de cet édifice , qui en est d'ailleurs la partie inté
que la maison d'Armagnac s'est perpétuée par un enfant légi ressante , est un grand mur de brique percé d'un portail à co
lime de Jean V qui aurait survécu à ses auteurs el continué la lonnettes et pris entre deux tours carrées ; il constitue une ré
lignée d'Armagnac . L'auteur conteste, en ontre, le fait de ritable courtine munie d'une galerie saillante qui met les deux
l'empoisonnement de Jeanne d'Armagnac , résultant d'une tours en communication et permet de battre le pied du mur ;
tentative d'avortement; il signale enfin certaines présomp en retraitde la galerie lemur s'ajoure de quatre grandes baies
- 11 -

dans le vide desquelles sont suspendues les cloches ; au


dessus de leurs cintres , au sommet du mur, une seconde Antiquités du Sahara algérien , par M. le docteur ARMIEUX .
galerie règne au niveau des plateformes des tours ,munies
d'un parapet crénelé posé en saillie sur les consoles et les Ce Mémoire est un extrait de notes de voyage recueillies
arcatures de faux machicoulis. Deux étages de faux machi par l'auteur pendant les loisirs d'une excursion à la suite d'une
coulis se superposent entre le portail et la galerie saillante , colonne expéditionnaire de l'armée d'Afrique...
dont ils accusent l'encorbellement ; ils deviennent ainsi un M. Armieux pense que les Romains n'étendirent pas leurs
motif d'ornementation sur une surface complétement nue... conquêtes au delà du Tell et qu'ils ne dépassèrent pas les

Ce type de façade se retrouve très fréquemment dans le Tou grands lacs salés, ou Chott de Ptolémée et de l'itinéraire d'An
lousain . tonin ... Ce que les anciens savaient , par les explorations des
A l'intérieur , une seule nef ogivale d'environ douze mètres côtes orientales de la Lybie et par le fameux périple d'Han
sur Irente -six , divisée en quatre travées : abside circulaire , à non , c'est qu'un vaste désert de quatre cents lieues , occu
six retombées d'arcs qui viennent se reposer sur des faisceaux pant le centre de l'Afrique , séparait les régions septentrio
de trois colonnettes en saillie . Arcs de la nef élancés ; nales des terres australes ... Nous n'en savons guère plus

nervures cordiformes (tores avec une arète mousse ). — Cha aujourd'hui.


pelles de divers styles. Au dehors , douze contreforts à res Une des entreprises d'exploration les plus hardies qu’aient
sorts d'une structure massive... tentées les Romains dans cette région parait être l'expédition
M. Du Bourg date la façade de cette église du xn ° siècle ; de Julius Maternus qui , parti à la tête de légions , de Leptis

l'intérieur lui parait moins ancien ... magna, dans la Tripolitaine , parvint,après quatre mois de mar
Son étude sur Saint-Sulpice est complétée par une descrip che, jusque sous le 5e degré, au point central des trois lacs
lion de ce qu'on appelle les souterrains du château . d'où sortent les deux bras du Nil blanc et du Nil bleu ...
Les Romains connaissaient les habitants de ces déserts sous
« Creusés , dit-il , dans une marne très résistante et sou
les noms de Gétules et de Garamantes. - Les Gétules étaient
tenus de distance en distance par de solides arceaux , ces
aussi appelés Troglodytes ; on supposait qu'ils vivaient dans
couloirs voûtés , de deux mètres de haut sur trois mètres de
des grottes ou dans des trous creusés dans la terre ... A l'est
large, n'ont éprouvé aucun éboulement. Se croisant perpendi
des Troglodytes , les Garamantes habitaient le centre de la
culairement , ils s'étendent dans toutes les directions sur un
Lybie (Sahara de Tunis et de Tripoli ).
développement très considérable . J'ai vainement cherché quel
Le Sahara , d'après les auteurs Grecs et Romains , était
ques vestiges de communication entre ces couloirs et le chá
infesté de serpents venimeux ; les rivières fourmillaient d'hip
teau ; j'en ai conclu qu'ils servaient plutôt de magasins pour
popotames et de crocodiles ; les montagnes étaient remplies
les provisions que de souterrains proprement dits. Ce qui m'a
de bêtes féroces et d'éléphants .
confirmé dans cette opinion , c'est qu'à l'extrémité de chacun
Tel est le résumé des connaissances des anciens sur le
des couloirs se trouve une chambre rectangulaire qui de
Sahara et ses habitants ... Quels sont les monuments de leur
vail servir de dépôt. - Du reste , je ne pense pas qu'on
époque qui subsistent encore aujourd'hui ?
doive prendre ces souterrains pour une habitation troglody
A la limite du Tell et du Sahara , il existe de nombreuses
tique... »
ruines romaines ; la plupart des postes français établis sur cette
L'auteur termine son Mémoire par l'indication d'un camp ligne sont bålis sur l'emplacement d'anciens forts romains...
romain , situé à 500 mètres de Saint- Sulpice , au confluent du Au delà du Tell, dans la région du Sahara et des Oasis ,
Tarn et de l'Agoût, à cet angle aigu qui justifie le nom de M. Armieux n'a point vu de ruines romaines ; il n'y en existe
Saint- Sulpice - de-la -Pointe .
point , du moins dans la partie parcourue pendant quatre
Cette position commandait deux riches vallées et la route mois par l'expédition .
de Toulouse qui franchissait le Tarn en cet endroit . Les re En revanche , on rencontre dans le Sahara des monuments
tranchements de ce camp ont été utilisés à diverses époques ; d'origine numide , que M. Armieux assimile à d'autres cons
une motte s'élève au milieu , qui porta un donjon au moyen tructions existant dans le Tell et qu'on regarde généralement
åge , et que M. Du Bourg n'est pas éloigns de croire un comme les tombeaux des anciens rois de Numidie .
tumulus... Sur les hauts plateaux du Sahara se trouvent quelques mo
Ainsi , un camp romain et peul-être gaulois, le château de numents analogues que l'auteur décrit ainsi :
Buzet et celui de Saint-Sulpice ont, à diverses époques , gardé « Sur une élévation à l'aspect du midi, s'élèvent six pyra
le confluent du Tarn et de l'Agoût . conservées , reposant sur une base carrée en
mides bien
- 12

maçonnerie , supportée elle-même par un large soubassement son Mémoire n'en est pas moins curieux par le sujet et par les
en terre . La pyramide a la forme d'un cône dont l'arête est aperçus que développe l'auteur .
légèrement courbe. Ce cône a environ un mètre de diamètre à
sa base et trois mètres de hauteur : il devait être surmonté d'un
monolithe plus ou moins élevé. Le cube de maçonnerie a en
viron trois mètres de côté sur deux de hauteur ; le terrasse
Recherches sur la numismatique des Atacins, par M. BCZATBIES.
ment a quarante ou cinquante pas de longueur. »
M. Armieux trouve à ces monuments la plus grande ana
L'auteur établit qu'une peuplade gauloise porta le nom
logie avec les Nur-hags de Sardaigne , dont l'origine est phé d'Atacins et qu'elle habitait les bords de l'Aude ... Il croit
nicienne et la destination évidemment funéraire... qu'elle avait une ville principale du nom d'Atace , se basant
Son attention s'est principalement portée sur un autre
sur un passage d’Eusébe , à propos de Varron , le poète gau
genre de monuments qu'il a rencontrés dans le Sahara ; ce lois , qu'il fait naitre quatre -vingt-deux ans avant Jésus- Christ,
sont de vastes dessins tracés sur les rochers du désert. Il a
dans le bourg Atace . P.-T. Varro vico Atace , in provincia
dessiné et fait reproduire dans son Mémoire les images de ce Narbonensi, nascitur .
genre qui existent à Tyout , dans la région des Oasis , vers le
M. Buzairies combat l'opinion de ceux qui placent Atace
32° 50 ' de longitude Nord et le 2° 20 ' de latitude Ouest...
soit à Narbonne, soit à Carcassonne. Pour lui , Atace est
C'est une page gigantesque gravée au trait sur un bloc de grès
aujourd'hui Limoux.
ferrugineux de cent pieds de long sur trente pieds de hau
L'auteur appuie son opinion de considérations topographi
teur .
ques et paléographiques ; le territoire de Limoux , qui parait
« Il est impossible d'y méconnaître les divers types d'ani
avoir été le plus anciennement habité , porte , dit-il, le nom
maux qu'on a voulu figurer . Le bæuf , le chien , la chèvre , le de Tax dans les chartes latines...
lion , l'antilope , l'autruche , l'éléphant , le rhinocéros , le liè Enfin , la numismatique lui fournit de nouvelles inductions :
vre , la vipère sont fidèlement représentés... Les hommes sont il attribue certaines monnaies ibériennes où quelques savants
nus ; leur bras est armé de l'arc et des flèches ... Les sujets ont lu les légendes ATACUM ou ATTA , écrites en caractères
sont ordinairement obscènes.
ibériens, il les attribue aux Atacins , mais aux Atacins primi
>> On ne voit ni le cheval , ni l'âne , ni le mulet , ni lemou tifs, c'est-à -direaux Atacinsd'Ibérie ; certains rapprochements
ton , ni le chameau ; mais l'on reconnait parfaitement l'élé conduisent M. Buzairies à supposer que les Atacins de l'Aude
phant , qui a disparu depuis longtemps de ces régions , ce qui sont une colonie ibérienne... Il fait remarquer , à l'appui de
pourrait servir à mettre une date au bas de ces rochers... >> son opinion , que les mêmes noms de lieu se retrouvent sur
L'auteur pense que cette date ne peut qu'être antérieure à les deux versants des Pyrénées .
l'invasion arabe , la loi de Mahomet interdisant la représenta
tion de la figure humaine... Du reste, les habitants actuels du
pays ne donnent aucun renseignement , traditionnel ou autre ,
sur ces dessins , dont ils ignorent l'origine .
« L'aspect de ces derniers inspire une foule de pensées et Le vieux Périgueux , par MM . J. DE VERNEILH et L. GATCHEREL.
de suppositions... Est-ce là un fait isolé ? Est-ce le produit de
l'intelligence ou de l'adresse d'un seul, ou bien était- ce un Peu d'auvres offrent l'intérêt artistique que présente ce
art répandu et enseigné dans ces contrées ou venu de plus livre, dont nous croyons être des premiers à parler, car il est
loin ? L'auteur s'est-il inspiré de la nature seule , ou bien imprimé d'hier .
avait-il voyagé et vu en Egypte ou ailleurs des images sembla Le texte , si intéressant qu'il soit , n'est ici que l'accessoire
bles ? Sont- ce là les premiers pas d'un art dans l'enfance ou du dessin , et l'art y triomphe de façon à faire oublier la
:

les derniers vestiges d'une civilisation perdue ? Cependant, science : c'est plutôt un album qu’un livre .
malgré la naïveté du dessin , on ne saurait voir là une tenta MM . de Verneilh et Gaucherel sont des maîtres en ce noble
tive hasardée. Pour arriver à cette perfection , tout incomplète genre de l'eau -forte , qui se prête si docilement à la traduc

qu'elle paraisse , il a fallu des brouillons, des essais, des tâton tion artistique , où si librement l'artiste se peut livrer à cette
nements dont nous voyons le résultat définitif. » verve de l'exécution qui suffirait à rendre intéressant le plus
M. Armieux développe quelques suppositions ingénieuses banal sujet. Chez eux , le vif sentiment du pitloresque s'allie à
au sujet des questions et des réflexions ainsi formulées... Il la conscience de l'exactitude scrupuleuse , si nécessaire en
avoue de bonne grâce qu'il n'aboutit qu'à des incertitudes ; archéologie , et de l'alliance de ces heureux dons résulte pré
- 43

cisément la singulière valeur des splendides planches qu'ils maussadement planté dans un terrain tout plat etqui est uni
ont consacrées à l'illustration du vieux Périgueux. quement un jalon archéologique sans intérêt pour la vue .
Quand le monument se profile en lignes harmonieuses ou M. de Verneilh , l'artiste et l'archéologue, a fait d'après
bizarres et charmantes d'imprévu , l'archéologue qu'il y a en ce modèle une planche où le jeu de la lumière et de l'ombre ,
chacun des deux auteurs les retrace amoureusement, tout l'entrain du faire sollicitent et enchantent le regard , autant
attentif à saisir le rhythme du contour, et sa gravure est belle que l'exactitude des lignes satisfail l'esprit ... Et ces vues de
de sa seule vérité . Mais si le monument n'a pas de valeur pour l'étonnant clocher de Saint-Front, de la tour Matafère , de
les yeux, s'il n'a de prix qu'à titre de document, l'archéologue ces vieilles maisons ! Tout cela est vrai, baigné d'air , égayé

le copie d'abord , l'artiste vient après qui jette une ombre d'arbres sensibles au vent , animé de personnages aux poses

sur un plan , accroche un rayon de lumière à une saillie , hardiment saisies ; tout cela est exécuté légèrement, finement,
déroule un nuage comme une grande tenture au - dessus d'un d'un faire facile , gras , plein de souplesse et bien autrement
vieux mur informe : de ce pan de muraille , d'un bloc de amusant à l'oeil, séduisant à l'esprit, que ne le seraient les fac
pierre usé, il parvient à faire un portail fidèle comme une simile donnés par l'objectif ...
photographie , mais qu'anime la mystérieuse magie de l'art, Ajoutons que ces belles planches sontadmirablement impri
l'immortel triomphateur contre lequel ne prévaudront jamais mées ; nous voudrions pouvoir en faire honneur à la province ;
les merveilles héliographiques. c'est un regret pour nous que cette auvre , exécutée en pro
Que le plus habile et le mieux outillé des photographes vince et pour la province , n'ait pu être complétée qu'à Paris .

!
braque le meilleur de ses objectifs sur cette vicille tour de Malheureusement , on gâche si bien l'impression artistique
Vésone , par exemple , la douairière des monuments de Péri dans nos régions que , bien à contre -cour, on doit féliciter
gueux : il n'obtiendra qu'une stupide copie de cet immense MM . de Verneilh et Gaucherel de n'avoir pas exposé leurs
cylindre éventré , sans ornements , sans mouvement de lignes , superbes eaux -forles aux déshonneurs d'un mauvais tirage.

BIBLIOGRAPHIE RÉTROSPECTIVE .

TABLE DES ARTICLES D'HISTOIRE OU D'ARCHÉOLOGIE CONTENUS DANS LES MÉMOIRES DE LA SOCIÉTE DES LETTRES ,
SCIENCES ET ARTS DE L'AVEYRON .

La Société des lettres , sciences et arts de l'Aveyron, créée en 1837, publie des Mémoires qui, d'abord , ont formé un volume à peu près annuellement. Plus
tard , la Société ayant publié à ses frais cinq volumes de « Documents historiques et généalogiques sur les famillles et les hommes remarquables du Rouergue, »
par M. de Barrau, elle a interrompu la publication de ses Mémoires; elle la reprend actuellement, et un nouveau volume vient de paraitre. De plus , la Société a
fait imprimer un recueil des procès- verbaux de ses séances, depuis son origine ; elle se propose de continuer cette publication.

Volume Ier . 1837-1838 . Notice historique sur la maison d'Arpajon , par le bon de Gaujal.
Statistique historique des établissements de bienfaisance dans
Considérations sur l'histoire locale (archéologie , paléogra
le département de l'Aveyron , par H. de Barrau .
phie , histoire du pays en général , histoire des individus , Documents relatifs à l'histoire du Rouergue. - Lettre du roi
par H. de Barrau. Henri III à Jean de Glandier , seigneur de Balzac; lettre de
Histoire de Villefranche. — Momuments religieux de cette
la reine Marguerite , avec notes, par H.de Barrau .
ville , abbaye de Loc -Dieu , par Guirondet. Rôle en idiome vulgaire de la revue passée à Rodez , le 3 de
Jean d'Estaing à Cassagnes- Bégonhès , par E. Branche.
janvier 1386 , parGuillemot de Solatges , capitaine-général
Protestation des consuls de Cassagnes-Bégonhès contre Jean
de la guerre contre les Anglais, en Guienne et en Langue
Bastard de Châlons, par le même. doc , par le baron de Gaujal.
Le Prévôt et le Chapitre de Belmont , par l'abbé Ravailhe . Chartreuse de Villefranche , par Boissonnade.
Collégiale de Belmont , par le même. Eglise de Belmont, par le même.
Notice sur la ville de Nant , par le même.
Analyse du Mémoire de M. de Gaujal sur les antiquités du
Notice sur Combe -Roumal , par le même. Larzac , par J. Duval.
Recherches nouvelles sur le camp romain des Césarines , par Importance de l'Egypte sous le rapport du commerce , de la
Calvet. communication des peuples et de leur civilisation , par le
Quelques antiquités du canton de Sévérac (squelettes de Vil lieutenant- général Tarayre .
leplaine). - Figurines trouvées sur le Puech -de- Buzeins. - Antiquités du Lot , rapport sur des fouilles faites aux Cadour
Monnaies inconnues découvertes à Coursac et à Altés. ques , mairie de Cahors , en 1839 , par Calvet.
Poteries de terre . – Traces de camps anciens. — Cibour Documents inédits sur l'histoire du Rouergue .
nies ou dolmens . – Eglise de Saint-Grégoire . – Anciens Des anciennes armures défensives des Gaulois , Romains, etc.
volcans au Puech -de-la-Garde , par Lescure. Inscriptions de l'église de Perse .
Briques antiques. — Peyrebrune. — Traces d'anciens com Inscriptions du tombeau de la chapelle de Cantobre , cathé
bats, ancienne ville à Miramont. — Idole trouvée à Tau drale de Rodez .
rines , par H. de Barrau . Inscription romane trouvée dans une maison de Rodez.
Mémoire sur les dolmens et les anciens tombeaux , par le Inscriptions d'une pierre tumulaire de l'église de Saint-Amans
même. de - Salmiech .
Notice sur quelques dolmens, par l'abbé Cabaniols. Inscriptions date de la construction du clocher de Comps
Tableaux des églises de Rodez , par Valentini. Lagrandville .
Inscriptions d'une pierre trouvée dans les ruines de l'ermi
Volume II . 1839-1840 . tage de Saint-Guiral .
Inscriptions anciennes des murs de la ville de Rodez .
Etude historique sur l'ancienne abbaye de Bonnecombe. —
Tombeau de Bozouls .
Ancien manuscrit sur la peste de 1628 , précédé de quel
Tombeau gallo - romain , à Rodez .
ques notes sur les maladies contagieuses qui ont, à diverses
Tombeau du Commandeur, à Martrin .
époques , ravagé le Rouergue , par H. de Barrau .
Tombeau d'un chevalier, extrait de l'ancienne église des Jaco
Siege du château de Balsac , chronique de 1660 , par Eugène
bins de Rodez .
de Barrau .
Tombeau de Lavergne , dans le Sévéragerais .
Note sur un tombeau découvert à Rodez , place de la Magde
Tombeau de la chapelle des fonts baptismaux dans la cathé
leine, en avril 1839 , par Boissonnade .
drale de Rodez .
Notice historique sur la poésic des troubadours dans le Rouer
Urne cinéraire en verre.
gue aux xile et xme siècles . Notice historique sur l'évê
Eglise Saint-Austremoine , près Salles-la- Source .
ché d'Arsat , par Victor de Bonald .
Eglise de Combret , canton de Saint-Sernin .
Notice sur quelques anciennes monnaies de Rodez découvertes
Eglise de Loc -Dicu , par H. de Barrau .
près la ville de Caussade , par Chaudruc de Crazannes
De la découverte d'un aqueduc romain - à Rodez , par Bois
(baron de).
sonnade.
Article statistique sur le canton de Saint-Cernin , par Foul
Rapport sur les médailles du Musée de Rodez , par le même.
quier -Lavergne.
Entrée à Rodez de Pierre de Castelnau , évêque de Rodez.
D'une ville gauloise appelée Carentomag , située dans le pays
Entrée de Raymond d'Aigrefeuille , évêque de Rodez ,
des Ruthènes , par Gaujal (baron de).
par l'abbé Cabanjols.
Notice sur Saint- Izaire , par Geraud .
Notes sur l'église de Ceignac , par H. de Barrau .
Description de l'église de Conques. — Description de l'église
Histoire de la bête du Gévaudan .
de Perse , par Prosper Mérimée.
Lettres sur la poésie patoise , par Daudé de Lavalette .
Lettre autographe de François , duc de Guise , communiquée
par M. Milhet. - Notice sur la maison d'Arpajon , par
Monestier. Volume IV . - 1842-1843 .

Némoire sur la chambre sépulcrale découverte à Saint- Jean


Mémoire sur l'abbaye et l'évêché de Vabres , par le Dr Geraud .
d'Alcas, arrondissement de Saint- Affrique. - Notice sur
De la Rabdomancie , par Lescure .
l'église et le château de Roquetaillade .
Essai statistique sur Creissels , par le Dr Pougens.
Monuments religieux du Rouergue , par H. de Barrau .
Volume III. - 1841-1842 .
Introduction .
Relation du siége de Saint - Affrique par le prince de Condé, Eglises romanes : Conques , Perse , Lévignac , le Cambon ,
en 1628 , par Jules Duval. Aubrac , Sainte -Eulalie- d'Oi , Bonneval, Vinnac , Bozouls ,
- 15 -

Roddelle , Moret , Saint-Austremoine, Salles-la - Source , Sé Sept-Ermites, Huganac , Bergonhoux , Saint-Léons, Salles
vérac , Saint -Dalmazi , Lavergne , Lapanouse , Saint-Gré Curan , Saint-Jean -le-Frech , Peyre , abbaye de l’Arpajonie ,
goire , Canac , Saint-Saturnin -de -Lenne, Vimenet, Castel Belmont, Saint-Affrique , Vabres , Brousse , Notre -Dame
nau-de-Levezou , Verrière , Monjaux , Saint- Agnan , le d'Orient , Combret , Saint- Sernin , Nonenque .
Poujol, Nant , Syvanès , Cabanès, Saint-Martial , Loc- Dieu , Eglises de Villefranche : Saint-Grat , Rieupeyroux, Najac ,
Balaguier , Notre-Dame- de -Joie , Saint-Martin -de- Bouillac , Bournazel , Lescure , Rouquayrol , Cransac , Notre- Dame
Aubin , Souyri , Pierrefiche , Verlac , Solsac , Vezouillac , d'Aynės , Mur -de- Barrez , Saint-Geniez , Moyrazez , Fon
Saint- Amans-de -Scoudournac , Saint-Amans-du-Ram , Crué courrieu , Levezou , Roquetaillade , Rebourguil.
jouls , Canet , Plaisance , Villeneuve -la -Crémade. Mais plantés devant les églises , ou des arbres considérés
Crypte de Roussenac . comme symboles religieux et politiques .
Figure symbolique sur la porte de l'église de Coupiac. Chronologie et armoiries des évêques de Rodez .
Aperçu historique sur l'ancienne abbaye de Conques -Sainte-Foi. Note bibliographique où sont indiqués les principaux ouvrages
Cathédrale de Rodez. – Palais épiscopal. – Eglise de Saint qui contiennent des documents sur l'histoire religieuse et
Amans -de- Rodez . – Autres églises de Rodez . civile du pays , par H. de Barrau .
Croix du père Bridaine. Bertrand de Cardaillac , par Léon Lacabane.
Légendes de sainte Procule . Archéologie .
Monuments funéraires de quelques églises : Saint- Félix , près Monuments celtiques. — Menhir ou Peulvan . – Dolmen .
Rodez , Clairvaux , le Salvage , Trébos , souterrain de Céoz , Cippes. Tombeaux antiques . Camp romain . - Puy
Bonnecombe , Carcenac, Comiac , Camboulas , Canet, Gram de - Jou .

mond , Castelmary, le Calvaire , Saint- Côme, Livignac , Anciennes armes de la ville de Rodez , par H. de Barrau .
Roquelaure , Cabrespine , Coubisou , Prades-d'Aubrac , les ( A continuer .) B. DUSAN .

CHRONIQUE

L'album du vieux Périgueux fait connaitre des monuments caves envahit les pierres et les marbres , et recouvre même en
encore debout ; mais il ne reproduit pas les nombreux, les entier certaines inscriptions qu'elle rend illisibles en désagré
précieux débris que maint heureux hasard doit ramener à la geant la pierre ...
surface du sol qui a porté l'antique Vésone ... N'y trouve-t- on Malgré l'influence étrange et le malaise qu'on éprouve , on
aucune æuvre de l’art gallo -romain ? Aucune statue , ou bien admire çà et lå de splendides fragments antiques , de curieu
aucun autel , aucune inscription ? ses sculptures , des cippes , des stèles , des inscriptions , une
Telle est la préoccupation qui vient naturellement obséder superbe cheminée gothique ; dans les vitrines , de beaux silex
l'esprit lorsqu'on visite ces ruines et ces monuments du vieux travaillés ;... parmi tout cela , des échantillons d'histoire na
Périgueux ... turelle , des curiosités... Et l'on s'indigne que tant de richesses
Dédaignerait-on ces débris ? La ville n'a -t-elle pas l'hospita soient si honteusement livrées à une destruction lente mais
lité d'un Musée à leur donner ? certaine dans cette cave qu'on appelle le Musée !... Cette
Si l'on consulte les Annuaires et les passants , on apprend installation est provisoire , assure-t- on , mais provisoire de
qu'il existe un Musée archéologique à Périgueux ; on se met puis vingt ans ! La gardienne du Musée a eu le temps de
en devoir de visiter ce Musée . devenir infirme et asthmatique dans cette humidité ; deux
Dans une étroite ruelle , en contre -bas de terrasses et de heures d'étude dans ce local équivalent à un bon de maladie...
jardins, une bonne femme moitié percluse , toussant et gei Il est vrai que M. le conservateur du Musée est un médecin
gnant , ouvre une porte donnant sur un vestibule obscur ; une habile et qu'il pourrait guérir au besoin ceux qui se seraient
grande salle qui a des airs de cave se présente , encombrée de oubliés dans son Musée à lire son excellent catalogue ... Mais
pierres ; quelques vitrines se perdent dans ce dédale et cet cette compensation ne satisferait personne ,pasmême le savant
entassement... C'est le Musée ... On entre ... Une humidité docteur Galy, qui déplore à coup sûr cet état de choses, auquel
froide vous pénètre ; l'âcre senteur de la moisissure vous son zèle ne peut rien et dont le maintien prolongé assurerait
saisit à la gorge ; le regard s'égare sur les grandes traînées la détérioration irremediable de l'importante collection appar

vertes dont une végétation microscopique tapisse les murs et tenant à la ville de Périgueux.

sous laquelle l'eau suinte de toutes parts ; cette mousse des B. DUSAN .
- 16

CHRONIQUE ARTISTIQUE.

MONSIEUR LE DIRECTEUR , verrières la suavité de ton et le modelé de la peinture à


l'huile .
Si vous le voulez bien , nous nous occuperons, aujourd'hui, On m'a montré, dans une chapelle de la basilique Saint
des peintres verriers, des véritables artistes s'entend, et non Sernin , au -dessus du tabernacle , un vitrail de cet artiste
des industriels plus ou moins ſutés , dont les réclames cyni représentant la Bergère de Pibrac , la sainte populaire de la
ques s'étalent dans les journaux, entre la moutarde blanche dernière promotion .
de Didier, la Révaslescière Du Barry et les pois Le Perdriel. M. Rigaud a pris pour sujet l'aumône fleurie , miracle de
S'il est un art qui puisse, à bon escient, revendiquer une Germaine Cousin , renouvelé de sainle Elisabeth de Hongrie
origine sacerdotale, c'est assurément celui des peintres ver el de sainte Rose de Lima.
riers . Lorsque la religion triomphante s'élança vers les cieux, L'ordonnance du vitrail est romane, mais l'exécution ne
avec les flèches des cathédrales gothiques , la peinture sur l'est pas. C'est la première qualité de cette cuvre, qui est
verre devint la grâce décorative du catholicisme et l'épanouis ornée d'un couronnement et d'un soubassement bistoriés et
sement de ses splendeurs hiératiques. d'une bordure de lis et de violeltes, emblèmes de la pureté
Les vitraux rayonnèrent el flamboyèrent dans les églises et de la modestie . La sainte est debout, les mains jointes, dans
depuis le xie jusqu'au xvie siècle . Le xviie et le xviure négli une attitude extatique. L'acariâtre marâtre, prête à frapper,
gèrent cet art brillant, qui ne convenait pas à leur architec demeure stupéfaile à la vue du miracle des fleurs , landis qu'un
ture rectiligne et glaciale . On l'a remis en honneur dans ces mendiantagenouillé implore la charitéde l'humble Bergère .La
dernières années, où il a été , pour ainsi dire , sécularisé ; aussi
tête de la sainte , sur laquelle toute la lumière se trouve con
l'applique -l- on actuellement lout autant à la décoration des centrée comme dans les apothéoses, est d'un effetmystique
monuments civils qu'à celle des édifices religieux . très saisissant.
Un art dépend toujours d'une science el souvent d'une indus Celte remarquable verrière se trouve malheureusement
trie. La partie industrielle , dans la peinture sur verre, doit cachée, en grande partie, par un grand crucifix byzantin en
être rigoureusement asservie à l’élément artistique. Je crois cuivre repoussé et doré, qu'il serait aisé de placer dans un
qu'à cet égard , la critique devrait lenir compte de la qualité endroit plus favorable . Il y aurait avantage pour celie curio
el non de la quantité dans la production, car la quantité , sité byzantine et pour l'importante verrière de M. Rigaud .
presque toujours médiocre sinon exécrable, tend à perpétuer Les deux fenêtres latérales de la chapelle sont aussi déco
le mauvais goûl, déjà si envahissant et si dificile à extirper rées de deux autres vilraux du même artiste. Ce sont des mo
des masses, naturellement prédisposées à s'éprendre des pro saïques d’un style roman très pur,au milieu desquelles s'épa
duits d'Epinal ou des bibelots de Nuremberg . nouissent, dans l'une, le blason du Pape , dans l'autre celui
MM . Rigaud et Châlons, dont je tiens à vous parler anjour de l'archevêque de Toulouse .
d'hui, sont de véritables maitres verriers dans l'acception la M. Châlons est également un maitre verrier aussi conscien
plus élevée du mot. cieux qu'intelligent, dont les vitraux représentant Tolosa,
A la dernière exposition de Toulouse, le jury de la section sainte Marie l'Egyptienne, sainte Isabelle et saint Ferdinand ,
des beaux-arts, reconnaissant une supériorité marquée dans sous les traits de la reine el du roi d'Espagne, firent sensa
les verrières de M. Rigaud , lui décerna la première médaille tion à la dernière exposition de Toulouse , où leur auteur
d'or . Tout le monde se souvient de la remarquable exposition obtint une médaille d'or. J'apprends sans surprise que J. Chà
qui valut celle récompense exceptionnelle au jeune et modeste lons vient d'obtenir encore une récompense à l’Exposition uni
artiste qui n'a jamais sollicité le clairon de la réclame. Elle verselle de Paris , où M. Rigaud n'avail rien envoyé.
se composail de la Vierge de François [or, dont l'encadrement Je ne veux pas usurper plus longtemps dans vos colonnes
élait d'un goûtexquis ; d'un saintNicolas et de deux médaillons une place qui peut être plus fructueusement occupée, mais je
représentant, l'un , une léle de negre, l'autre, une blonde cha
dois vous dire , en terminant, qu'avec MM .Rigaud et Châlons,
telaine. Toulouse n'a rien à envier à Melz, qui s'enorgueillil si juste
Les procédés d'exécution de N. Rigaud sont remplis d'al ment du talent de M. Maréchal.
trait et de charme. L'émail employé par lui donne à ses L. B. OU V.
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NOTES SUR QUELQUES DÉCOUVERTES ARCHÉOLOGIQUES

FAITES DANS LES MONTAGNES D'AUBRAC (LOZÈRE ) .

Oppidum . — Cité lacustre. Station romaine d'Ad Silunum . Castrum gallo -romain . - Ruines diverses. Voie romaine d'Agrippa et voie
gallo- romaine bordée de tombeaux antiques , par le Dr PR .....

PREMIER ARTICLE .

Xotions préliminaires sur l'Aubrac et sur les antiquités que ses solitudes C'est un immense plateau basallique s’élendant depuis
nous ont conservées.
Trélans , les Hermaux , les Salses (Lozère), jusqu'à la Guiole
et Lachalm (Aveyron ) , sur une longueur de 40 à 50 kilomè
Les montagnes d’Aubrac séparent aujourd'hui le départe
tres , avec une largeur moyenne de 12 à 15. Ces mesures
ment de la Lozère de ceux de l'Aveyron el du Cantal , comme
ne représentent d'ailleurs que l'étendue du plateau central
elles séparaient , avant la Révolution , le Géraudan du Roner
inhabité aujourd'hui comme depuis des siècles , ou habité
gue el de l'Auvergne. Dans l'antiquité , elles servaient encore
seulement par quelques bergers pendant quatre ou cinq mois
de frontière au Pagus Gabalicus, du côté des Ruthènes , mais
de l'année , et dont les sommets atteignent une hauteur de
non peut- etre du côté des Arvernes , dont les Gabales dépen
près de 1,500 mètres d'élévation au -dessus du niveau de
daient ( 1 ) et dont les frontières pourraient bien avoir subi
la mer (le mont Mailhebiau , le plus élevé de l'Aubrac , a
certaines variations de ce côté (2 ).
1,475 mètres d'élévation ).
De nombreux ruisseaux prennent naissance sur ces monta
(1) César nous apprend que les Gabales dépendaient des Arvernes : « Pa gnes , où ils forment la rivière de Bès , qui, réunie à la
rem numerum Arvernis , adjunctis Eleutheris Cadurcis , Gabalis , etc., Trueyre , est un des affluents les plus considérables du Lot
qui sub imperio Arvernorum esse consuerunt. » (De bello Gallico, lib . 7 ,
et y entretiennent, durant trois ou qualre mois de l'année ,
cap . LXXV .)
une riche végétation , malgré le froid qui , sur ces hauteurs,
(2 ) Dans les xlie et xllie siècles, d'après des titres inédits que j'ai compul
sés, quatre des huit baronies de l'ancien Gévaudan s'étendaient dans la haute est assez intense pour produire des gelées fréquentes dans
Auvergne, bien au delà des limites de l'évêché de Mende , dans les derniers tous les mois de l'année . On y observe quatre lacs qui parais
siècles , et des frontières actuelles du département de la Lozère : c'étaient les sent s'être formés dans d'anciens cratères de volcans et dont
baronies de Canillac, de Peyre , d'Apchier et dc Mercoeur.
l'histoire fera plus tard l'objet de deux chapitres séparés. Ce
Les barons de Canillac étaient hauts seigneurs de Saint- Urcise et des pa
roisses environnantes : Jabrun , la Trinitat , etc... Cette extension de la puis sont les lacs de Bord , de Saint- Andéol et les deux lacs des
sance des Canillac dans le diocèse de Clermont ſut due au mariage de Déodat Salbiens.
de Canillac avec Meiler , fille et héritière de Pons de Saint-Urcise , qui du Des bolanistes célèbres out souvent visité ces montagnes et
reste paraissait être seigneur gévaudanais, au moins pour une grande partie de
admiré la richesse de leur flore. L'immortel de Candolle avait
ses possessions. (Actes par lesquels Déodat de Canillac et Meller, son épouse,
confirment les donations faites au couvent d'Aubrac, par Ponsde Saint-Urcise , lu dans un vieil auteur que la Cineraria siberica se trouvait
père de ladite Meller. . 6 Idus Julii 1241-1243 .) sur l'Aubrac. Il fit un long voyage pour venir l'y chercher , et
La baronie d'Apchier, dont le château-fort était à Montaleyrac (Montaleyrac,
j'ai entendu souvent, avec émotion , le vénérable baron de
qui porlait le nom de ville , n'est plus qu'une ruine) , s'étendait bien au delà
de la Bès , qui forme les limites actuelles du département de la Lozère , entre Framond , qui l'accompagnait dans ses explorations , répéter
la Trueyre et la baronie de Peyre. (Hommages de Peyre.) La paroisse de les cris d'enthousiasme que poussa le savant quand il apercut
Montaleyrac , plus tard transportée à Fournels , existait encore en 1519.
(Assiète et despartition faicte en la ville de Marvejols, le 8 avril 1519 , par
messire Jehan Desvaux , juge d'Uzes , et Pons Bressolles , baillif du Gévaudan , saïgues , Alpuech , Lachalm , le Lieutades , etc... Les seigncurs de Mirmont
d'une somme de 3,400 livres , octroyée au roi nostre sire en la ville du Puy. reconnaissaient lenir des Astorg toutes leurs possessions; devaient les aider
Dans cette assiète , la paroisse de Moutaleyrac est imposée pour 9 livres 1 sol dans leurs guerres contre tous les hommes du monde; leur rendre leurs cha
5 deniers.) teaux ; n'en point élever de nouveaux sans leur permission , elc ... (Hommage
La plus grande partie de la baronie de Merceur était dans l'Auvergne. Les de Hérail de Mirmont à Astorg de Peyre, 8 des Kal. d'octobre 1290, et hom
barons de ce nom ne possédaient guère que le Malzieu et Sauges , dans le mages postérieurs.)
Géraudan . Les seigneurs de Couffours et d'Auriac , dont les fiefs sont dans le départe
Les puissants Astorg de Peyre étaient hauts seigneurs des villes de Chaude ment du Cantal, faisaient les mêmes hommages à Astorg de Peyre.
3
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la plante qu'il cherchail sur une ile flottante du lac de Bord . encore de refuge à des loups de la plus grosse espèce , se
Mon regretté professeur, le célèbre botaniste Achille Richard , nourrissant , l'été , aux dépens des nombreux troupeaux qui
ine lémoignail, un an avant sa mort , le regret qu'il éprou couvrent lespâlurages des environs, el allant, pendant les nuits
vail de ne pouvoir faire encore une exploration sur ces mon d'hiver , chercher leur maigre nourriture dans les bourgades
tagnes si riches en plantes alpestres et en végétaux de toute les plus rapprochées. Il paraît que le sanglier s'y rencontrait
sorte : « C'est , me disail- il, un de mes regrels » , à une épo encore, lui aussi, de loin en loin ,au commencementde ce siè

que où il se senlai! déjà frappé mortellement elpenché sur cle ; mais il a complétement disparu , comme le chevreuil et le
la tombe . cerſ, qu'on n'y voit plus depuis bien longtemps. Cependant, les
Il y avait autrefois , sur l'Aubrac , une célèbre abbaye de peuplades sans nom de l'âge de la pierre connurent ces divers
l'ordre de Saint -Augustin , fondée en 1120 , dont les doms animaux dont on trouve les débris pêle -méle avec les haches ,
ou abbés , seigneurs des montagnes , prêtaient foi et hom les couteaux et les flèches en silex daus les lumulus dont le
mage aux Astorg de Peyre qui leur avaient donné , dès le pays estrempli . Il estprobable que les immenses lourbières de

xire siècle , la plus grande partie de ces immenses påturages . l’Aubrac donneraient lieu , sous ce rapport , à de précieuses
Je n'ai pu trouver dans les titres que j'ai éludiés la date exacle découvertes ; mais c'est là un sol vierge qui n'a appelé jus
de celle donation , qui remonte évidemment au xue siècle , qu'ici l'attention d'aucun observateur.
car , en 1236 , Astorg de Peyre, fils d'Alamande , ( ratifie les Le sommel des montagnes et leur ſanc occidental ont vu
donctions pour aumônes faites par son aïeul et par son père à la leurs arbres disparaitre (1) pour faire place à des pâturages du
maison Sainte- Marie d'Albrac , de lout ce qu'ils avaient sur les premier ordre , où le voyageur n'aperçoit plus un buisson

montagnes, depuis l'eau appelée Bės jusqu'audit hôpital (1) . » dans des espaces immenses ; el cependant,dans les marais, sur
L'abbaye Sainte -Marie d'Aubrac , ou d'Albrac , avait des les bords des ruisseaux , etc. , on trouve encore couchés
Pères et des Frères pour le service du couvent et de l'hôpital, dans le sol des chênes colossaux , des aulnes , des bou

des dames de qualité pour laver les pieds des pèlerins , et les leaux , elc., dont les branches seules sont pourries . D'ailleurs,
chevaliers pour escorter les voyageurs dans les solitudes des le bois repousserait partout avec la plus grande facilité , s'il
montagnes . C'était un Saint- Bernard au centre de la France. était mis à l'abri de la dent des herbivores, mais le nouveau
La Révolution expulsa les moines et ruina l'antique abbaye , propriétaire d'un terrain qui l'enrichit aujourd'hui, tous les
dont le vieux donjon sert aujourd'hui d'auberge !!! Depuis ans , en trois ou quatre mois , ne sentira pas de longtemps
quelques années , un certain nombre d'habitants des environs encore le besoin de créer des ressources pour le chauffage de
vont s'y reposer pendant les fortes chaleurs de l'été, toujours ses petits - fils : La forêt communale d'Aubrac durera bien
Très modérées à Aubrac , et essaient d'y établir , d'ailleurs autant que lui !
sans aucune direction médicale , un de ces établissements de Avant la Révolution , ces immenses el riches påturages
cure de petit lait qui sont si courus en Allemagne , mais à appartenaient à l'hôpital d'Aubrac. A celle époque , les moi

peu près inconnus en France, el qui serait un bienfait pour nes disparurent et leurs terres furent rendues à vil prix (2)
notre pays , si une direction intelligente présidait à son ins comme propriétés nationales ; mais on respecta les anciennes
lallation . divisions qui partageaient l’Aubrac en terroirs ou monta
Ces montagnes étaient autrefois , mais à une époque extrê gnes (3 ) d'une étendue variable , mais dont plusieurs avaient

mement reculée , couverles d'une immense forêt de chênes , jusqu'à 1,000 et même 1,200 hectares de superficie. Chaque
de fayards , d'aliziers , etc. , etc. La forêt s'est reculée peu à terroir fit un lol ; el, jusqu'à ces derniers temps , les acqué
peu et elle se rétrécit tous les jours . Les vieillards l'ont vue
diminuer peut- être de moitié , et aujourd'hui elle ne couvre
( 1) Le déboisement de ce qui forme aujourd'hui les pâturages des monta
plus que le flanc méridional des montagnes , d'où le gros gibier gnes , remoule à des époques très reculées et inconnues. Je démontrerai plus
a définitivement disparu depuis longlemps , mais qui sert loin que dès le xie siècle, les,montagnes étaient exploitées à peu près comme
aujourd'hui; toutefois, on y observait encore quelques bonquels d'arbres, ainsi
aux Sailhens , à Montorzier, etc., qui devaient être utiles, surtout pour abriter
(1) Notum sit omnibus hanc scripturam audientibus quod ego Austorgius de des troupeaux pendant les mauvais jours du printemps et de l'automne , et qui
n'ont disparu que depuis la Révolution .
Petra , filius Alamandæ quondam confiteor et in verilate cognosco avum meum
et A. Palrem meum quondam pro salute animarum suarum et parentum suo (2) Telle parcelle qui, quelques années après la Révolution , valait une
rum donasse pro elemosina et in perpetuam concessisse domui d'Albrac, etc ... quinzaine de mille livres de rentes , sans qu'on y eût fait ni amélioration ,ni
omnia jura quæcumque habebant et habere poterant et debebant in montanis changement , avait été vendu révolutionnairement pour le prix d'une vache et
d'Albrac ultra aquam quæ appellatur Bes versus hospitale domus supra dictæ , d'une paire de taureaux payés en assignats.
excepto allodio et jure mansi del derroc quod sibi integre retinuerunt in strata (3 ) Territoria seu montana (hommages et litres divers). Pour l'origine de
et pedagiis et aliis omnibus pertinentibus ad cosdem , etc., etc. cette division en terroirs ou montagnes, voir page 22 .
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reurs des montagnes se conformerent au mode d'exploitation alliques que la nature semble du resle avoir taillés toutexprès ,
suivi depuis des siècles par leurs devanciers. Ils y envoyérent pour les constructions d'un peuple enfant. Aucun gond ne fut
leurs propres troupeaux ou des animaux étrangers pacager jamais fixé aux pierres brules qui forment les côtés de l'en
pendant trois ou quatre mois de la belle saison , sous la con Irée . Aucun trou n'y a été disposé pour recevoir le pène d'une
duite de quelques bergers , n'éprouvant le besoin d'autre serrure ou l'extrémité d'un verrou . L'ardoise , la tuile , la
construction que celle d'un mazuc ou buron , mauvaise luulte , brique paraissent avoir été tout aussi inconnues à leurs anciens
enfouie à moitié dans la lerre , pour servir à la confection da habilants que le ciment ; le mortier et même l'argile... Et
fromage et à la préparation du frugal repas des pasteurs. cependant les épaisses murailles qu'ils ont élevées , sans autre
Le 13 octobre de chaque année (jour de la Sainl-Géraud ) , ciment que la terre de bruyère du sol, bravent les siècles par
les troupeaux descendaient de la montagne , el pendant huit leur solidité , el ne redoulent que la main de l'homme qui ,
mois , jusqu'à la fin de mai ou au commencement de juin , senle , peut les détruire comme jadis elle les éleva .
c'était le désert couvert quelquefois de plusieurs mélres de La première fois que j'allai visiter les vieilles ruines admira
neige ( 1), où le voyageur n'osait plus s’aventurer souvent pen blement conservées d'un village appelé Lou Barlas de Mountour
dant plusieurs semaines consécutives , depuis le jour où le zie, auquel me rattachait un de ces souvenirs de la première
moine carillonneur de l'hôpital avait cessé d'agiler la grande enfance qu'on n'oublie jamais, je fus frappé, par dessus tout,
cloche des perdus, de peur de périr dans la lourmente ou d'un fait dont on ne comprendrait peut-être pas l'importance
sous la dent des bêtes féroces ( 2). ailleurs, mais qui devail vivement impressionner un enfant
Et cependant, cesmontagnes, si désertes au commencement des montagnes , et qui a été la cause de mes recherches pos
du xixe siècle, l'urent jadis très peuplées . Les nombreuses lérieures , et par suite de mes découvertes : Cet antique vil
Traces d'habitation qu'on trouve dans lous les lerroirs el jus lage avait été bâli au milieu de roches énormes , sur le flanc
que sur les plus hautes cimes de l'Aubrac, comme à Cazalets d'une colline, mais sur le flanc qui regardait l'est, le nord et le
tl aux Trapps ;... les ruines considérables qui couvrent le sol nord -est... et non seulementles moissons élaientà cette exposi
et que l'herbe cache à moitié, souvent agglomérées en villages tion , mais encore l'unique porte de ces étroites demeures

importants , prouvent surabondamment , qu'à une époque plus s'ouvrait le plus souvent dans cette direction , c'est- à- dire
ou moins reculée , leur population fut nombreuse. Dans les dans une direction où , mêmeen élé , les troupeaux grelotent

lerroirs ou montagnes de Montorzier , de Salles, de la Vaysse, de froid dès que la bise souflle , et où en hiver il fait des jours
de Bord , des Rabiols , de Saliens, etc. , et dans vingt autres si terribles que les hommes les plus intrépides, rompus au

lieux , on constate les débris d'antiques bourgades dont plu climat de la montagne par leur existence entière , ne feraient
sicurs furent considérables. pas dix pas hors de leurs demeures .
D'ailleurs , dans certains de ces villages , quelques maisons Quelques jours après , ayant eu occasion d'aller à Salles
sont encore debout et presque entières , le temps n'ayant pu Basses, je vis encore là les ruines d'un autre village considé
détruire que la toiture et les bois de l'intérieur . rable , et qui étail orienté de la même manière. Plus tard , je
D'un autre côté , l'architecture de ces constructions , leur constatai le même fait sur l'emplacement des antigues bour
exiguïté , leur forme, l'absence de cheminées el de fenê gades de Bord , de Rabiols , etc.
Tres , elc. , tout en elles prouve assez qu'elles ne purent servir Il y avait dont là une loi générale dont je voulus rechercher
qu'à des populations primitives, n'ayant disposé que de res la cause : il fallait évidemment des raisons bien fortes , des
sources extrêmement bornées pour l'édification de leurs raisons d'une nature au moins exceplionnelle , pour détermi
demeures dans lesquelles l'usage du fer n'a joué aucun rôle . per des êtres humains à choisir une pareille exposition , el il
Jaunais le ciseau ou le marleau du maçon n'a louché aucune était évident que ce n'était pas dans un but de défense , ce
des pierres de ces murailles, aucun de ces superbes prismes bas but suprêmie qui portait les hommes du moyen -âge à se bâlir
des nids d'aigle, à délaisser les vallées fertiles et les riches
plainespour les sommets les plus escarpées ; car , sur l'Aubrac,
( 1) César avait trouvé 6 pieds de reige dans cette partie des Cévennes
on eût trouvé à chaque pas , exposés au midi , des emplace
qui traverse le pays des Gabales. Dans les vallées de l'Aubruc, nivelées par la
tourmente avec les collines supérieures , pendant des mois entiers, on en trou ments au moins aussi surs. D'ailleurs, ces villages n'étaient
Vtrait souvent 6 mètres. pas des places de guerre ; c'étaient tout simplement des agglo
(2) La cloche des perdus, respectée par la Révolution , a été rapportée å mérations d'habitations , sans ordre d'aucune sorte , tantot
à Aubrac en 1842. Cette cloche porte une inscription dans laquelle on lit les serrées les unes contre les autres , tantôt éparses, sans que
mots : « Errantes. revoca » Le moine carillonneur la sonnait tous les soirs ,
pendant deux heures , pour guider les voyageurs égarés dans la forêt ou dans rien parûl indiquer que leurs habitants se fussent préoccupés
la solitude des montagnes . de leur sécurité. Une seule chose paraissail évidenle, c'est qu'ils
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avaient choisi des endroits où la pierre fut commune, et où ils destinée à se conserver éternellement, car sur ces collines ,
elissentsous la main les énormes matériaux employés quelque doucement ondulées el couvertes d'une végétalion louffue, les

fois à leurs cyclopéennes constructions ;mais là encore n'était pluies les plus torrentielles et les énormes masses d'eau pro
pas la cause du choix d'un pareil emplacement , car les bancs duites par la fonte des neiges, se divisent en milliers de ruis
de pierre sont nombreux à toutes les expositions, sur ce sol seaux d'une limpidité égale à celle de l'eau de roche , el qui
où les volcans primitifs ont épanché leurs produits dans tous n'ont jamais pu produire ni une ravine , ni un atterrissement
les sens. quelconque.
Je m'étais assis sur une vieille ruine , pour lâcher de trou Du reste , j'avais , sur place , la preuve que les solitudes de
ver la clef de celte énigme. L'air était d'une purelé remar l'Aubrac peuvent conserver , d'une manière indéfinie , les mo
quable, et j'admirais le vaste panorama qui s'étendait devant numents anciens. On sait que la voie romaine d'Agrippa , allant
moi..... A l'occident et au midi la vue était limitée par de Lyon à Toulouse par Gabalum el Ségodunum , Iraverse
les crètes de l'Aubrac ; mais, au levant et au nord , le re l’Aubrac, où elle est connue sous le nom de Cami de César (1);
gard plongeail dans des espaces immenses , sur le pays des et j'avais souvent été frappé de la manière dont elle s'y est
Arvernes comme sur celui des Gabales , et n'était arrêté que conservée . C'est à ce point que dans certaines sections ,
par le Mont-Dore , le plomb du Cantal , la Margeride et les comme aux Places -Basses, aux Salhiens , à Seignourset sur
Cévennes. Un feu qui donnait, dans le lointain , une épaisse loul, on croirail voir une route de construction relativement
fumée dans la direction de la Margeride, fixa par hasard mon récente, mais dans laquelle la circulation est insuffisante ou
allention , el, par une de ces associations d'idées qui sont si momentanément interrompue, et cela seulement parce que
fréquentes dans la rêverie , ilme sembla que je pouvais bien l'herbe ponsse dans l'interstice des pavés .
avoir trouvé une solution à mon problème. Je crus me rap D'un aulre côté , les anciens itinéraires fontmention d'un
peler avoir lu quelque part que les Celtes avaient un système lieu appelé ad Silanum , silué sur celte même voie , à XVIII de
de télégraphie aérienne, qui consistait à allumer de grands Gabalum et à XXIV de Ségodunum . Je m'étais souvent dil
feux sur les hauteurs pour faire connaître, de tribu à tribu , qu'ad Silanum devait évidemment se trouver sur l'Aubrac ,
les événements heureux ou malheureux qui pouvaient intéres c'est-à - dire sur cette partie de son parcours, où la voie ro
ser la patrie commune..... Et , sur celle vague réminiscence , maine est presque intacte (2 ).
qui pouvait n'avoir aucun fondement ni aucune application Les savants auteurs de l'Histoire de Languedoc ont pensé que
dans le cas aeluel, je me demandai si je ne serais pas sur les ad Silanum devait se trouver dans les environs de Trélans, el
ruines d'un village fondé par les vieux Gabales. En admettant celte assertion qui, à première vue , paraîl erronée (car
un moment celle pensée comme vraie , je pouvais tout expli Trélans est au moins à 15 kil. de la voie romaine ), peut par
quer : et la forme primitive de ces constructions, et l'exposi faitement s'expliquer, et n'est pas aussi éloignée de la vérité
tion des villages , et la direction de l'ouverture des maisons , qu'on pourrait le croire à priori.
car le guerrier celle , vigilant comme tous les sauvages , pou M. de Gaujal avait placé ad Silanum dans le lac Saint
vail par là découvrir, d'un simple coup d'ail pendant la nuit, Andéol ; d'autres auteurs lui ont donné une situation
et dans ses moments d'insomnie ou à son réveil , le moindre non moins excentrique, el M. Ignon , après avoir réfuté loules
feu qui couronnerait une des bauteurs de l'horizon . ces opinions, avait fini par déclarer que ad Silanum restait
Les pensées que la vue d'un feu éloigné avait éveillées en encore à trouver ...
moi , devaient m'amener à d'autres réflexions au milieu des
curieuses ruines sur lesquelles je me trouvais. Un entrepre
( 1) Diverses notices, sur cette voie, disent qu'elle porte , sur l'Aubrac, le
neur de bâtiments , que j'avais conduit avec moi pour avoir
nom de Cami-Roumio . Je suis né sur la montagne, et je puis attester n'avoir
son opinion sur ces constructions , un de ces hommes qui ne jamais entendu ce nom ; bien plus, les nombreux montagnardsque j'ai consultés
sont pas des savants , mais dont l'intelligence peut quelque à ce sujet, m'ont tous certifié qu'ils ne le connaissaient pas plus que moi. Le
seul nom usité sur l'Aubrac est celui de Camide César .
fois deviner et devancer la science, s'était écrié plusieurs fois,
confondu devant de pareilles ruines : « Mais ce sont là des (2) Connaissant la distance approximative de Gabalum à Segodunum , et
les chiffres XVIII et XXIV , ou leur somme XLII, la plus simple règle de pro
>> demeures de sauvages, et ces sauvages n'étaient pas des portion m'avait démontré qu'ad Silanum devait se trouver sur l'Aubrac, entre
> hommes ordinaires, c'étaient des géants !..... » le pont de Marchastel et le bois d'Aubrac , c'est-à - dire sur uge section de la
Il me paraissait d'ailleurs évident que , dans ces immenses voie romaine, presque intacte, au milieu des épais gazons de la montagne.
La distance de Javols au bois d'Aubrac oumême plus loin , aux Eofruts , elc.,
prairies vierges, que la faux a respectées comme la charrue ,
pourrait être mesurée exactement à quelques centaines de mètres près.....
où jusqu'à ces derniers temps de nouvelles constructions ne Et, en admettant une erreur possible même de 7 à 8 kil. entre ce dernier
s'étaient pas élevées depuis des siècles, la moindre ruine est village et Rodez , on trouve encore qu'ad Silanum doit être sur l'Aubrac .
- 21

Né et élevé sur ces montagnes , j'avais été souvent préoc l'Aubrac élait , comme aujourd'hui , composé de vastes pålli
cupé de la situation de l'antique ad Silanum , mais sans trop rages, divisé en territoires qui porlaient déjà le nom de mon
espérer de pouvoir retrouver son emplacement. A la vue des tagnes (1) ct exploité, comme de nos jours, par les troupeaux
nombreuses ruines que je venais de découvrir, et sous l'in du couvent ou deses fermiers, et par des troupeaux étrangers
fluence des réflexions qu'elles m'avaient inspirées, je ne doutai appelés de Grop , de Crop, etc., et amenés de divers cantons
plus que les débris de cette station romaine ne fussent aussi à du midi. (Hommages aux seigneurs de Peyre. – Transac
nu quelque part sur le sol de l'Aubrac. Je fis donc quelques tions avec les Aldebert de Marchaslel, pour les bêtes d'épave ,
excursions sur les montagnes, dans la pensée d'y interroger la police des animaux malades , etc. Lellre de Reginald de

V
les hommes qui , par profession ou autrement , ont Jermola (2 ), sénéchal du Rouergue.)
passé la vie, commeCantalés (chef des bergers), chasseur , tra
peur ou laupier , etc., pensant pouvoir arriver ainsi à recueil
( 1) Donations diverses à l'hôpital. Donalion d'Astorg de Peyre , confir
lir quelques renseignements utiles. méc par son petit-fils en 1236 : « ..... Pro elemosina dono cedo el concedo
Mais je m'aperçus bientôt que les explorations directes , dans » in perpetuum , bospitali d'Albrac, etc ... Usum herbarum et aquarum et
ees déserts , souvent inconnusdes bergers eux-mêmes , n'amè » omnium pascuorum meorum , otc ., in territoriis el mandamentis castrorum
» de Marchastello et de Petra..... Item quod sine aliqua pactione, etc .....
neraient à un résultat que par l'effet du plus grand des ha
» eisdem herbis et pascuis atque aquis, cum armentis et equiis dicti hospita
sards, et j'eus l'heureuse idée d'essayer d'un autre ordre de » lis el pastorum suorum utipussilis , morando et pascendo libere pacifice !
recherches . » quiete, etc., etc...
Transaction entre le seigneur de Canillac et le Dom d'Aubrac (1246) :
J'avais entre les mains un grand nombre de documents an
« Notum sit omnibus, etc. Quod super controversia , etc., et super discordia
ciens, pour la plupart aussi inconnus que le lieu que je cher » finium seu bolarum ct terminorum de pascuis Montanhæ del Greseilhs et
chais : c'étaient divers acles concernant la donalion des mon » circa, etc ... )
tagnes au couvent d'Aubrac dans les xile et xil siècles ; les Transaction de l'année 1250 entre le Commandeur de la Maison du temple
et le Dom d'Aubrac ; cette convention limite les pâturages des montagnes par
hommages des Doms d’Aubrac à leurs bienfaiteurs, les puis
des confronts qui sont encore les mêmes aujourd'hui : « Noverint uni
sants Astorg de Peyre ; de nombreux règlements imposés par » versi, ete ..... Quod cum controversiæ etdiscordia verterentur vel verti spe
ces seigneurs aux Doms pour la police des troupeaux, les ma » rarentur inter religiosos viros, etc ..... Super omnibus et singulis contro
» versiis et discordiis et petitionibus quas dictæ parles aliquo modo
ladies des bestiaux , les bêtes d'épave, les drois de pêche à
» habebant ..... super possessionibus terris et pascuis quæ sunt inter termi
Bès et aux lacs, etc., etc. A l'aide de ces documents , je peu » nos infrå scriptos. » Videlicet interdictum hospitale , et Nabinals , el
sai que je pourrais peul- être découvrir quelques fails intéres Marcastel, etHermals et stratam qua itur de Maroïol versusMarcastel.
sants pour l'histoire desmontagnes ; ... que dans les actes des
Nos vero arbitri auditis rationibus utriusque partis, etc.....,
époques les plus reculées , certains noms anciens se seraient dictum nostrum laudum seu arbitrium , elc ... protulimus in hunc modum : Ita
conservés ; et que je pourraitrouver , dans la nomenclature des videlicet quod dictus dompnus et successores suj ..... habeant et possideant..
Omnia pascua et possessiones et terras tam in vestitu quam in heremo in
confronts par exemple , quelque indice rappelant ad Silanum ,
tegre et sine diminutione quæ sunt ab aquâ quæ vocatur Bes et a malo passu
son nom , ses ruines ou son territoire .....
qui est ibi de propre et a via qua itur adicto malo passu usque ad locum qui
Mes espérances ne furent pas déçues , et je retirai de mes vocatur duæ sorores (c'est un rocher dont il sera faitmention plus tard) et ab
recherches , au milieu d'une foule de notions intéressantes , ipso loco duorum sororum descendendo directæ usque in rivo d'Apio versus
Faltre directo aspectu per landam ibi positam prout limitalum est per lapidea
les renseignements suivants :
per nos impositos usque ad diclum hospitale.
1 ° Au moment de la fondation du célèbre hôpital de Sainte Ces limites restérent les mêmes jusqu'à la Révolvtion , entre l'hôpital
Marie d'Albrac , les montagnes élaient aussi désertes, plus de d'Aubrac et les chevaliers de Saint- Jean de Jérusalem , héritiers des Templiers,
sertes même qu'aujourd'hui (1) . et c'est là l'origine de ces pierres plantées, portant gravée en relief la crois de
Malle, qu'on trouve sur l'Aubrac , dans la direction des limites ci- dessus .
2. Dès le XIIe siècle, el probablementlongtempsauparavant,
(2 ) Transaction entre Ald- bert de Marchastel et le Dom d'Aubrac, pour les
bêtes d'épave (6 avril 4356) : « Item arbitrando et ordinando eodem modo
» pronuntiamus quod animalia quæcumque oberanlia sive d'esparge vulgariter
(1 ) Relation de la fondation d'Aubrac énoncée dans la bulle donnée par le » appellata, quorum quidem ignorantia reperta sou in futurum reperienda...
pape Innocent III à Etienne , domp d'Albrac et à ses frères : « Scientes, caris » in grege tamen seu gregibus vel tropellis propriis dicti hospitalis et dona-
» simi, quod habitatio illa erat locus horroris et vastæ solitudinis, tcrribilis, » torum suorum et etiam in gregibus seu tropellis animalium quorum cumque
» silvestris , tenebrosus et inhabitabilis, ubi cibus nullus, aliive fructus ad » extraneorum vulgariter vocatorum del Crop sive de la Cabana hospitalis,
» usum hominis prope locum a duobus leucis vel tribus nunquam crescere » seu quorum cumque aliorum territoriorum et herbatgiorum , quæ animalia
• poluit, et ibi sunt definitiones adimissiones et bornæ et publicæ stratæ de » recipiuntur et restituentur ad certum numerum perdictum dempnum seu
» tribus episcopatibus Ruthenensis, Mim -athensis Claromontensis quæ appel » gentes dicti hospitalis, sint et pertineant totaliter ipsi dompno et hospitali
» latur Albrac. » » prædicto , etc .. »
Une inscription, gravée sur la porte d'entrée de l'antique abbaye, était Lettre de Reginald de Jermola, sénéchal du Rouergue (du mercredi après
ainsi conçue : « In loco horroris et vastu solitudinis. » la Conception de la Vierge 1331 ) : « Reginaldus de Jermola miles Domini
22

3º Chaque montagne était le lerroir d'un anlique village comme M. Ignon ( 1) el divers auteurs ; et l'église , bienheu
plus ou moins désert; je dis plus ou moins désert, car je démon reuse foi de las Plagnes , fut donnée à l'hôpital d'Aubrac
trerai, plus tard , que quelques rares villages ont conservé en 1219 , par Aldebert de Peyre (2 ). Celle dernière église me
quelques habitants jusqu'à des temps assez rapprochés de nous paraîl n'avoir jamais eu qu'une faible importance ; je ne sais
(Mêmes titres. — Hommages aux seigneurs de Peyre , de même si elle fut jamais le siége d'une paroisse . Dans tous les
Canillac et au roi de France ( 1). cas , un hommage du dom d'Aubrac au roi de France, en

4. Il y eut sur l’Aubrac , à des époques très reculées , el 1261, prouve qu'elle ne l'était plus à celle époque (3) , et en
avant la fondation de l'abbaye de ce nom , deux églises ou 1288 , une bulle du pape Nicolas IV ne l'appelle que la cha
chapelles, dont l'une élail siluée à Plagnes et l'autre non loin pelle de Plagnes (4 ).
du lac Saint- Andéol . 5 ° Tous les hommages des doms d'Aubrac , toutes leurs
Grégoire de Tours , cité par les savants auteurs de l'Ilis transactions avec les Astorg de Peyre , les Marquès de Canil
toire de Languedoc , nous reud comple de la fondation de lac , elc ., prouvent qu'au xuje siècle , comme aujourd'hui ,
l'église du lac dont j'ai vu les fondations dans mon enfance , les terroirs ou montagnes Ju nord -ouest de l'Aubrac , le
Bouyssou , les Moussous, Ginestouse , elc., Jépendaient de la
paroisse de Nasbinats ; lous les terroirs du sud -est , Sogne
nostri Francorum regis , ejusque senescallus Ruthenensis, universis officia
Clause , Malhabuo , Conlecogul, etc. , dépendaient principale
riis, etc., etc. Salutem , procuratore hospitalis pauperum Beatæ Mariæ de
Allobraco , ordinis sancti Augustini, Ruthenensis diocæsis, intelleximus con ment de l'église de Trélans ; enfin , les nombreux et immenses
querente , quod cum ipsum hospitale adducat,et adducere consueverit ab anti terroirs du centre : la Vaysse , Bord , Sales, Montorzier, qui
quis per se et suos fratres, grangerios et familiares, plures et diversos greges
dépendent aujourd'hui de la paroisse Saint- Pierre de Marchas
diversorum animalium , armalinorum et equorum , ac aliorum minutorum de
Calurcinio , unno quolibet in montanis dicti hospitalis, tempore æstivali, et tel , appartenaient à une paroisse dédiée à Saint-Andéol (5 ).
deinde reducere et descendere de dictis montanis, in dicto Calurcinio tempore La découverte , par des litres nombreux et authentiques ,
hyemali. «
(Datum Villafranche , die mercurii, etc... Anno Domini 1331).
(1) Voir Bull. de la Sociélė d'Agricult ., Sciences et Arts du département
(1) Hommage du Dom au roi de France : « ..... It tenet adicto nostro rege de la Lozère , années 1839-40 .
» et pro indiviso cum domino de Canillac quidquid habet dictum hospitale in
o manso del Nogardel et mansos sive territoria de Malhabuou et de Canto ( 2) « Noscant præsentes et futuri quod ego Guillelmus de Petra Mimatensis
» cogul quisunt contigui et confruntantur cum territorio de la Vaysseta et » episcopi in Jerosolimitanam peregrinationem profecti vicarius intelligens
» venerabilem fratrem nostrum Aldebertum de Petrà rectorem ecclesia de
• dc Sagna-Clausa, etc... »
» Campaniaco, Rulherenis diocesis, utilitati ejusdem ecclesiæ consulentem
Des litres antérieurs semblent indiquer que la montagnede Maillebiau du » concessisse canonice domui et fratribus hospitalis d'Albrac ecclesiam beatæ
moins, était encore habitée au commencement du xiile siècle. Je me conten » fiilis de las Plagnas , cum pertinentiis suis , quæ est in nostro Mimatensi
terai de citer le passage suivant de l'hommage du Dom d'Aubrac au roi de » diocesi. Laudo et confirmo eandem concessionem , etc. )
France, en 1261 :
( 3) It. corifitemur et recognoscimus nos et dictum lospitale tenere a dornino
( ..... It. mansum appellatum Mailhabuo et territorium de Chantocogul
rege inansum appellatum Lermet et mansum de la Merchandaria elmansum
qui mausus et lerrulorium sunt conticui, etc ... »
de Clapairet et duas partes alterius mansi qui est in tenemento mansi de
Dans l'hommage du Dom å Astorg de Peyre , en 1266 , on trouve après Montfelguos , et mansos de Lautardes et de Ransedas el de las Planias el de
l'énumération des montagnes, les phrases : « Et est sciendum quod in Combafelgosa qui onines Mansi sunt in lenemento Castri de Nogarelo el in
» proxim dictis territoriis seu mausis.... , quos mausos et territoria debet parrochia sancti Andreæ de Trellans. Et confrontantur maasus de Mercha
» recognoscere, etc. » deria, etc... Etmansus de las Planias cum manso de Clapairet et manso eccle
siæ de las Planias de Clapairet, etc... Ilem mansun appellatum Malhabuo, el
Le 15 des Kalendes d'août 1288, le pape Nicolas IV , confirmant les reli
territorium de Coutocogulqui mansus etterritorium sunt contigui...
gieux d'Aubrac dans la jouissance de tous leurs droits, énuumère loutes leurs
possessions ; et on ne constate , dans cette énumération, que deux lieux habi (4 ) « ..... Ecclesiam Sancte -Marie -de-Nabinals et ecclesiam de la Faya
tés sur l'Aubrac : les granges des Salhens et de Plagnes qui, du reste, ont » nechon et capellam de las Plagnias, etc... »
toujours été habitées sans interruption jusqu'à nos jours : « Grangiam del (5 ) Hommage du dom d'Aubrac à Ast.de Peyre, 6 des nones de juillet 1266 :
saens cum decimus piscationibus (a) pratis sylvis pascuis el omnibus perti « In nomine Domini anno Incarnationis ejusdem , millesimo docentessimo
nentiis suis. Delas Plagnas et de Salellas grangias, cum lerris (les Salelles ,
sexagesimo sexto , indictione octava , Ludovico rege Francorum regnaale... 0
siluées hors de l'Aubrac, et Plagnes, à l'extrémité des montagnes, out des terres
episcopo Mimatensi existentibus, sexta nonas Julii, noscant præsentes el futuri
cultivées) possessionibus, pratis, nemoribus pascuis et cæteris pertinentiis
quod nos Durantus dompnus hospitalis de Altobraco nomini dicti hospilalis
earumdem ...... ) cum concensu expresso convenlus dicti hospitalis recognoscimus vobis domino
Astorgio de Petra , nos tenere debere nomine ipsius hospitalis et ipsum 1:0-pi
( a ) On remarquera lesmols piscationibus et sylvis au sujet de la grange des Sailhens. tale sub dominio vestro , mansos et possessiores mansorum inferius nomina
La montagne des Sailhens renferme deux lacs , et le mot piscationibus ne peut se rappor
ter à la rivière de Bès, qui passe un peu plus loin , et dont la pêche faisait d'ailleurs l'objet torum videlicet mansus del Forns (suivent les noms d'un grand nombre de
de transactions particulièresavec le seigneur de Peyre . villages encore aujourd'hui habilés et dépendant des paroisses de la Fage
Calle même montagne conserve encore aujourd'hui un petit bois, un des rares bou Montivernoux, de Brion , de Recoules et de Nasbinals)... Item mansum Mon
quets d'arbres qu'on aperçoive sur l'Aubrac. Les besoins des grangiers ont été probable
mentla cause de celle excep !ion . tayredes qui est in parrochia de Nabioals. Item la Vayssa in parrochia
-
23

d'une paroisse Saint-Andéol, embrassant presque toute l'éten rour's primiliſs en un seul , soil par diverses causes qu'il ne
due des montagnes, me parut destinée à avoir une importance serait pas toujours possible d'expliquer. Je ne lardai pas à
considérable pour les recherches auxquelles je me livrais. Au constater, comme le faisaient soupçonner , du reste, divers
premier moment , je ne songeai même pas à donter que celle acles , hommages , Transactions , etc., que chacun de ces ler
paroisse n'eût eu son centre dans l'antique église dont j'avais roirs renſermait les ruines d'un et quelquefois de deux villages
vu démolir les fondations sur la montagne appelée encore plus ou moins considérables , ainsi Montorzier, etc ... Or, en
de Saint-Andéol. D'aussi loin qu'il m'en souvienne, j'avais en comptant les maisons de tous ces villages réunis, et en suppo
lendu bien des récils merveilleux sur celle église , car la tradi sant une population moyenne de trois ou quatre personnes par
tion en a gravé,d'une manière ineffaçable , le souvenir dans la maison , estimation assurément bien faible , on pouvait se faire
mémoire de habitants des montagnes,qui, aujourd'hui encore , approximativement une idée de la population que tous ces ter
croient fermement que les cloches de l'antique église sontau roirs réunis avaient pu avoir à un moment donné , et celle popu
'fond du lac et qu'elles sont mises en branle par les temps lation dut être considérable . Bord avait une centaine de mai
d'orage , pendant les terribles ouragans de ces hautes régions , sons ; Salles , près de soixante ; les villages de Montorzier , la
au moment où le cortège infernal du sabbat et de la magie Vaysse , etc., chacun une quarantaine.

passe dans les airs , emporlé sur un nuage diabolique . D'un autre côté , les dimensions de l'église de la montagne
On reconnaîl du reste à ces traditions, comme à bien d'au nous sont connues ; el cc,bâtiment , qui n'était qu'une petite
tres dont je parlerai plus tard , le souvenir de celle tempêle chapelle , ne pouvait guère contenir que cent cinquante per
qui, d'après Grégoire de Tours (1 ), venail clore les fêtes anti sonnes au maximum .
ques du lac . Il y avait donc disproportion énorme , absolue , entre le

Une paroisse de Saint-Andéol établie , et son siége supposé chiffre possible de la popularion des montagnes et les propor
au centre des montagnes, il fallait bien admeltre aussi que tions de l'église , et il me sembla permis d'en tirer celle
ces montagnes étaient peuplées à l'époque où existail celle première conclusion : c'est que l’Aubrac était, à peu près
paroisse. Dès lors , je dus chercher quelle avait été l'impor comme aujourd'hui, un désert le jour où ful fondée l'église
tance de leur population et à quelle époque cette population du mont Hélanus. Du resle , le passage de Grégoire de Tours
avait disparu . le laisse supposer, car les adorateurs du lac venaient comme
Or, je connaissais le nombre de terroirs ou d'antiques vil de nos jours de loin , apportant avec eux leurs provisions,
lages qui dépendaient jadis de la paroisse Saint-Andéol. elc . ( 1) .
D'après divers titres du milieu du xie siècle , la paroisse D'un autre côté , les murailles de l'antique église avaient
Saint-Andéol, comprenail : 1 ° la Vaysse, Campils, les Sailhens, été bâties avec de superbes pierres de taille réunies par du
Saint-Andéol , la Bessieyre , Montméjan , les Salles , Caza ciment devenu plus dur que la pierre elle -même. Je savais que
lets , Montorzier, Montorzet, Chammejane, la Garde , Bord , des briques et de la maçonnerie également cimentées avaient
Rabiols , Rabielels , la Tieule : territoires ou montagnes dont été observées près d'une fontaine des environs ( 2), tandis que
les noms n'ont pas changé ; 2. Ville -Vieilhe , las Fouillouses dans tous les villages ruinés que je connaissais sur les monta
( Trés -Fouillouses , Trés -Fonis, etc.) , la Chabasse , lou Bous gnes, aucune construction , pas même celles que je mecroyais
quel , Catalesses , Pontillac, elc ., lerritoires dont le nom s'est autorisé à regarder comme d'antiques citadelles ou la
mélamorphosé ou a disparu , soil par la réunion de deux ler demeure des chefs , ne renfermait de pierres taillées. Je n'ob
servais parlout que des murailles formées de pierres brules ,

sancti An :lioli. II . Campils et Salhens. Il. lo Bosquet, er Sanchandiol (a) sans autre mortier que la terre de bruyère du sol.
et la Besseyra in eadem parochia . It. 1o Translussou et la Cabassa et Mon Il me parut dès lors qu'il y avait, entre l'époque de la cons
meja , e Salas. Item Cazaletz et Villa Vieilha et la Treffolhosa . Il. Mon
truction de ces villages et celle de l'édification de l'église , au
lorset Pontilhac el la Tenta . It. Chalmejana , Scarcabessa , et la Garda
moins le passage de la civilisalion romaine.
et Vors et Rabils et Rabilets, et estsciendum quod in proxime dictis territo
riis seu mansis, etc. Đ On observe , sur le sol de l'antique chapelle de Saint-Andéol,
( 1) Greg . Tor. Lib . de Glor. Beat. Conf. cap. II. le piédestal d'une croix , le signe du christianisme si répandu
encore aujourd'hui comme aux xire el xive siècles dans l'an
(a) Sanihandiol,ou Saint-Andéol dans d'autres titres de la même époque.
L'hommage ci-dessus m'apprenait qu'il y avait eu une paroisse de Saint-Andéol, et
j'aidit que l'esprit tout imbu des traditions de la montagne, je ne doutais pas dès l'abord
que cette paroisse n'eût eu son siége près du lac , appelé aujourd'hui de Saint-Andéol,dans la
montagne de ce nom , et dans l'église fondée par l'évêque Evanthin . (1) Veniebant autem cum plaustris potam cibumque defferentes, elc. (Greg .
Mais avec cette hypothèse je ne comprenais pas pourquoi le dom aurait cru devoir indi
quer que le lieu de St-Andéol appartenait à la paroisse du même nom . – Ce pelit fait, qui T. lib . de Gl. Beat. Conf. caput II.)
me donna beaucoup à penser, est un de ceux qui m'amenèrent à découvrir que la paroisse
de Saint-Andéol n'avait son siége qu'à Marchastel. (2) Bull. de la Société d'Agr . de Mende, année 1842.M. de Gaujal, etc.
- 24

cienne terre de Peyre , où on trouve des croix mentionnées car , aujourd'hui encore , on voit autour de la montagne de
dans beaucoup de confronts . Or, le piedestal trouvé dans la Saint-Andéol, ces pierres plantées , portant en relief la croix
montagne Saint-Andéol est encore le seul vestige de croix de Malle , qu'on trouve sur l'Aubrac autour des autres pro

qu'il m'ait été donné d'apercevoir sur les nombreuses ruines priétés des chevaliers de Saint - Jean
répandues dans l'Aubrac.
Ces fails et les conclusions que je devais naturellement en Après les nombreuses citations historiques qui m'ont paru
tireravaient une trop haule signification pour ne pas me pous utiles pour faire comprendre et l’antiquité des ruines que
ser à faire de nouvelles recherches. Je revis donc aux Archives j'avais observées, etles causes qui les avaient protégées contre
impériales lous les litres qui concernaientAubrac ; je relus tous la desiruction dans les prairies vierges de l'Aubrac, on com
les actes qui traiiaient des relations des domsavec les Astorg prendra facilement que j'ai cru possible de retrouver au
de Peyre , el bientôl il devint évident pour moi : 1 ° que l'église moins l'emplacement de la station romaine d'ad Silanum , si je
de la montagne n'existait plus au xute siècle , el probable le cherchais logiquement, el que j'ai eu l'anıbilion de lenter
ment depuis longtemps ; 2º qu’à celle époque la paroisse de cette petite entreprise ,dans laquelle avaient cependant échoué
Marchastel était consacrée à Saint -Andéol, qui est encore des auteurs célèbres.
aujourd'hui le deuxième patron de celle église. Pour cela , je repris mes courses dans l'Aubrac, pen
Les tilres sur lesquels on peul s’appuyer pour prouver que dant que je continuai à chercher , dans une foule de docu
l'église du lac ou de Saint-Hilaire n'existait plus au xirre siè ments inédits, tous les renseignements, toutes les phrases,
siècle sont nombreux : je me contenterai de citer les bulles tous les mots qui pouvaient jeter quelque lumière sur celle

des papes et les hommages des doms. question .


En 1288 , le pape Innocent IV , confirmant les religieux En procédant ainsi, j'arrivai à deux sortes de résultats
d'Aubrac dans leurs priviléges , énumère toutes les églises , complémentaires l'un de l'autre , et qui étendirent singulière
les chapelles, les hospices, les villages , les granges , elc ., qui ment le champ de mes recherches .

dépendent de l'abbaye d'Aubrac et ne dit pas un seulmot de Et d'abord , sur le sol , je découvris , près du lac de Bord ,
l'église , ni du terroir de Saint-Andéol (1 ) . un magnifique Oppidum , dans lequel on voit encore un grand
L'hommage du dom au roi de France , en 1261, et les docu nombre de maisons à peu près entières, et dont la description
ments traitant des relations des doms avec leurs suzerains les fera l'objet d'un article séparé . En même temps , je m'assurai
barons de Peyre, sont tout aussi muets sur l'église de la mon de la présence d'une grande quantité de débris de cité lacus
tagne ; et un document de l'année 1250 prouve que les pâtu tre au fond du lac Saint- Andéol. Les habitants du pays qui
rages qui avaient entouré l'antique église , et qui forment avaient hanté les bords de ce lac comme bergers , pêcheurs ou
aujourd'hui la montagne de Saint-Andéol, appartenaient à autrement , et surtout les anciens de la montagne, me répétè
la paroisse de ce nom (Saint-Andéol de Marchastel), et les rent sur lous les tons qu'à diverses époques on en avait sorti
chevaliers du lemple en disputaient la possession aux hospita despoutres équarries ; peut- être un toit ou une cabane entière,
liers d'Aubrac. un naw grossier , ou mieux un canol, etc... Enfant , j'avais
Super questione vero quæ vertebatur inter dictas parles , souvent vu se renouveler, sur ses bords , les pratiques que

super possessionibus et pascuis parrochiæ sancti Andeoli , Grégoire de Tours avait cru à jamais éteintes à la fin du
» cum plene nobis non liquerel , nihil ad præsens duximes vre siècle ; et , malgré les sourires d'incrédulité des savan's ,
terminandum . j'étais resté persuadé, avec mes compatriotes , mais sans oser
li parait probable qu'une transaction ou qu'un réglement aller aussi loin qu'eux ( car ils ont toujours eu une foi iné
subsequent dut allribuer ces pâturages à l'ordre du temple , branlable dans la ville du lac), qu'il y avait quelque chose
d'inexpliqué au - dessous de ces eaux transparentes, dans cette
vase tourbeuse , qui avait donné de tout temps des bois plus
( 1) La bulle énumère d'abord toutes les terres, biens, vignes , etc., de ou moins travaillés (1 ).
l'abbaye dans le diocèse de Rodez , pois elle continue ainsi :
« In diocesi Mimatensi, ecclesiam Sanclæ -Mariæ de Nabinals, et ecclesiam
► de la Faya, necnon el capellam de las Plagnas cum decimis. Hospi (1) Dès le milieu de l'année 1865 , j'adressai, pour prendre date, un pli ca
» tale d'Alluc cum terris, etc. Hospitale d'Achirac, ac de Marologio hospitale cheté à l'Institut sur celle découverte et sur toutes celles dont il est parlé dans
» cum capellania , decimis terris, etc. » cet article, afin d'avoir le temps de compléter mes recherches ; el, dans la
Une autre bulle de l'année 1245 est tout aussi muette sur l'église de la séance du 2 août 1866 de la Société d'agriculture, sciences et arts du dépar
montagne Saint-Andéol , laquelle appartenait évidemment à l'abbaye, puisque tement de la Lozère, il a été lu , en mon nom , sur les mêmes questions, un
Astorg de Peyre avait donné aux doms toutes les terres situées entre la Bès Mémoire , dont la savante Société a bien voulu voter l'insertioa dans ses
et l'hôpital. Bullelins,
25

L'apparition du livre de Fréd . Troyon fut un trait de et, dans une transaction de l'an 1250, entre Hugues, comte de
lumière pour moi; et , peu de temps après , j'avais l’hon Rodez, et le dom d'Aubrac , je lus le passage suivant :
neur de correspondre , à ce sujet, avec le savant auteur « Videlicet quod terræ secundum quod protenditur strata
des Cités lacustres, qui m'écrivait, le 19 février 1866 , en me ► velus illa quæ dicitur de la Boleyra, usque al peyro de Ca

parlant de ses dernières recherches : « Je ne doute pas que > saletz , et peyrone de Casaletz usque in sommilatem montis
votre lac ne possède de restes pareils. » » prout protendilur crisla montis Villæ Veteris , et à crista
En second lieu , dans les documents écrits , j'acquérais la » diclæ Villæ Veteris usque al castar de la Bossa et plana
preuve que l’Aubrac était déjà un désert depuis de longs siè Sambuci et plana Bosse et plana del Pendoulin sunt hospi

cles, contrôlant ainsi à posteriori l'antiquité de mes décou ► talis prædicti, etc. )

vertes. De plus, je trouvais cerlains noms , comme ceux de Pour quiconque connait bien l’Aubrac, ce passage est en
Villa - Vetus, Villa - Vieilla , Strata - Vetus illa quæ dicitur de la core aujourd'hui assez clair, quoique remontant à plus de
Boleyra , etc., qui m'inspiraient une grande confiance dans six cents ans ; et la situation de Ville - Vieille élait enfin déler
mes recherches , et ouvraienl un nouvel horizon devant moi. minée entre Casalelz , le Pendouli et Fontenilles.
Les deux mots de Villa - Vieilla , Villa - Vetus , formant un J'avais d'un autre côté exploré attentivement la voie romaine,
nom de lieu , le seul nom en langue romaine que j'eusse ren et dans tout son parcours entre Malbouzon et la forêt d'Aubrac ,
contré parmi tous les noms d'origine barbare des terroirs de je n'avais trouvé de vestiges de constructions antiques qu'en
l'Aubrac , éveillaient en moi , chaque fois que je les retrouvais un point, situé du reste à peu près exactement au centre de
sous les yeux , de nouvelles réflexions. l'espace qui sépare le Pendouli, Cazalets et Fontenilles, c'est
J'avais l'intuition , peut- être sans trop raisonner mon pres à -dire sur le point où la lecture du documentprécédent m’in
sentiment, que le nom de Ville- Vieille, ou simplement de la diquait Ville- Vieille ..... De plus , les vestiges que j'avais étu
Ville dans d'autres titres , indiquait l'ancienne station ro diés là étaient ceux de deux ou trois vastes constructions, qui,
maine. Mais il restait à déterminer la situalion du lieu qui par leur situation , leur aspect extérieur, leurs grandes dimen
avait porté ce nom ; et cette détermination ne fut rien moins sions , etc. , tranchaient d'une façon absolue avec toutes les
que facile , car aucun confront n'était marqué dans les nom autres ruines de l'Aubrac ; et qui , par suite , m'avaient paru ,
breux documents que j'avais compulsés. dès le premier instant, avoir pu appartenir à une hôtellerie

Il est vrai que la voie romaine me traçait une ligne dont antique , à une mansio , à une mutatio , ou au logement des
je ne devais pas trop m'écarter. Toutefois, comme le nom de gardiens préposés à la surveillance comme à l'entretien de la
Ville - Vieille ou de la Ville ne se rallachait à aucun souvenir voie , dans ces déserts si propices aux allaques de toute
direct ou indirect des montagnards, el n'appartenait à aucune sorte , dans ces vastes solitudes devenues , au moyen -âge , la
partie des vastes territoires de l'Aubrac, le lieu , territoire , retraile de bandes de voleurs qui furent la cause de la créa
bourgade, ville , etc., qui l'avait porté, ful très difficile à dé tion des chevaliers d'Aubrac ( 1) .
terminer.

Cependant Ville - Vieille, nommée toujours avec la Tréfouil J'avais exploré l'Aubrac dans lous les sens et je connaissais
louse ou les Trois-- Fonts el Cazalets , me paraissait ne devoir tous les lieux qui avaient eu , sur la montagne , un nom aux
pas être éloignée de cette dernière montagne ; et devait , par XIIe el xile siècles. La situation de Ville- Vieille une fois éla
suite , se trouver près des plus hautes cimes de l'Aubrac, sur blie , Ad Silanum ſut bien découvert , le jour où avec
les limiles des départements de la Lozère et de l'Aveyron , ou
« non loin des frontières du Gévaudan et du Rouergue, >> ( 1) Il y eut longtemps, à l'hôpital d'Aubrac, des chevaliers pour escorter les
pour employer les expressions des savants auteurs de l'Histoire vovageurs dans les solitudes des montagnes. Du reste , le passage suivant,
extrait du Génic du christianisme , résumera , mieux que que je ne saurais le
de Languedoc, car la montagne de Cazalels est exactement dans
faire , l'histoire de la fondation et du personnel de cet hôpital célèbre :
ces conditions.
« Sur une rude et haute montagne du Rouergue, couverte de neiges et de
Mais le nom de la Tréfouillouse ou de la Fouillouze , pou » brouillards pendant huit mois de l'année , on aperçoit un monastère båti vers
vant convenir à deux terroirs opposés, à la montagne des » l'an 1120, par Alard , vicomte de Flandre. Ce seigneur, revenant d'un pèle
» rinage, fut attaque dans ce licu par des voleurs ; il fit væu, s'il se sauvait de
Trois -Fonts, siluée au sud-est de Cazalels, ou à celle de Fon
» leurs mains, de fonder dans ce désert un hôpital pour les voyageurs et de
tenilles, située au nord - ouest, je dus faire plus d'une course » chasser les brigands de la montagne. Etant échappé au péril, il fut fidèle à
dans ces parages avant d'arriver à un résultat définitif ; et je » ses engagements, ei l'hôpital d'Albrac ou d'Aubrac s'éleva , in loco horroris
restais indécis sur l'endroit où je devais commencer mes » et rasta solitudinis, comme le porte l'acte de fondation. Alard y établit
» des prêtres pour le service de l'église, des chevaliers hospitaliers pour escor
fouilles, lorsque dans un voyage à Paris je consullai, aux Ar
» ter les voyageurs, et des dames de qualité pour laver les pieds des pèlerinis,
chires de l'Empire , divers acles que je n'avais pas encore vus ; » faire leurs lits et prendre soin de leurs vêtements »
4
- 26

mon ami M. l'abbé Boissonade nous eûmes mis au jour les dé nie de Peyre , constaté l'existence de la voie montant de
bris de l'antique occupation romainc. Et, au milieu des diverses Chirac vers l'Aubrac : au moyen âge , elle portait le nom
observations que j'avais pu faire dans mes recherches , la d'Estrade -de- la - Cham -Longue , el séparait la seigneurie de
découverle d’Ad Silanum ne me parut pas la plus intéressante Muret de la baronie de Canillac .

de celles que j'avais entrevues sur l’Aubrac, quoiqu'il puisse y Or, en éludiant ce nouveau tronçon de voie , je trouvai
avoir un certain intérêt à connaître lous les licux historiques encore plusieurs tumulus sur ses bords; et tous ceux que j'ai
de notre pays , surloul au moment de la publication de grands fouillés contenaient des poteries romaines .
Travaux sur l'Histoire des Gaules . . Il y a donc là une voie antique, qui, passant sur l'Aubrac ,
toul près d'Ad Silanum (je n'ai pu encore la suivre jusque-li ,
Le passage latin d'un acte de 1250 , qui m'avait fail déter mais je sais que sa direction conduit fort exaclement en ce
miner la situation de Ville - Vieille , contenait quelques mots point) descend au Castrum -Gredonense , en traversant par
qui fxèrent longuement mon allention : ( Strata - Vetus Chirac , et semble se diriger vers le Vivarais.

.
illa quæ dicitur de la Boleyra » de la Boleyna dans d'autres Serait- ce là l'antique voie que suivit l'armée de Crocus ,
titres ... qui , repoussé devant Grèses , alla détruire la capitale des
Je trouvai là , sur l'Aubrac , une voie de la Bouleyre , et Helviens ?
celle voie ne paraissait pas être la voie romaine d’Agrippa ( 1). On savait bien que les voies romaines élaient bordées de
Or, au moment où je lisais ces mols pour la première fois , tombeaux : j'ignore si on a , jusqu'ici , rien vu de pareil sur
j'élais très préoccupé de divers tronçons de bien vieille voie les voies d'origine celtique. Je n'ai pu , d'ailleurs , fouiller
que j'avais découverts à sept ou buit lieues de la voie qu'une petite partie des tombeaux qui bordent l'estrade de
d'Agrippa , dans une direction qui fait un angle presque droit la Boulène ; el parmi ceux que j'ai ſouillés, si certains parais
avec cette voie et sur une petite chaîne de montagnes appelée sent purement gaulois , d'autres sont assurément gallo
la Bolène ou Bouléne , et située entre Mende et Marvejols . romains et des deux premiers siècles de notre ère . Mon excel
Celle nouvelle voie , que j'appellerai provisoirement la voie lent ami, M. l'abbé Boissonnade , a , de son côté , fouillé sur
de la Boulène, pour la distinguer de la voie romaine de l'Au les causses du Massegros de nombreux lumulus placés aussi
brac, que je ne désignerai que sous le nom de voie d'Agrippa , en ligne droite , sur une assez grande élendue; et ces
élait , non loin de Grèses, bordée de tumulus, souvent gémi tumulus étaient de l'âge de la pierre ... Est-ce que la même
nés , et dont certains ont près de 20 mètres de diamètre . cause aurait présidé , là aussi, à la distribution des tombeaux,
J'avais déjà fouillé une quinzaine de ces tombeaux el constaté et que la coulume gauloise aurait été aussi ancienne ou plus
que plusieurs élaient gallo-romains. ancienne même que la coutume romaine ?
En retrouvant le mot de la Boleyna sur l'Aubrac , je résolus La découverte d'une voie gallo - romaine allant à Grèses, la
de chercher les rapports qui pouvaient exister entre la voie vue de nombreux tombeaux bordant cette voie aux environs
d'Agrippa et la voie de la Boulène , et je constatai : de ce lieu historique, me donnèrent une haule idée de l'anti
1 ° Que la voie de la Boulène, venant de l'est, dans la direc quité du Castrum -Gredonense , el je gravis la montagne escar
lon du Randonnat et du Vivarais, aboutissait en droite ligne pée où la tradition et l'histoire le placent , el qui n'avait
à Grèses , l'antique Castram -Gredonense , d'où elle semble appelé jusqu'ici l'attention d'aucun observateur . J'y ai fait
rait gagner Cbirac ; récemment des recherches, qui m'ont déjà donné de fort
2 ° Que , dans tous les cas , en la continuant par la pensée beaux résultats , et dont je rendrai compte dans le cours de
jusqu'à Chirac (Chirac n'est guère , je pense , qu'à 6 ou 7 kil. ces articles ; en même temps que je publierai, d'après des do
de Grèses) , elle se continuait en droite ligne avec une autre cuments originaux , quelques renseignements sur l'histoire de
antique voie qui , partant de Chirac , se dirige vers Casaletz cel antique boulevard du salut des Gabales .
par la Dévèse , le Massibert , elc. (Du haut de la montagne de
Grèses, on se rend parfaitement compte de ce fait.) Au pied des montagnes d’Aubrac, du côté de Volmanières ,
J'avais déjà précédemment , dans des études sur la baro de Trélans, des Hermaux (Lozère ) et de Biourals (Aveyron ),
le terrain est généralement schisteux ; et on constale, dans une
( 1) Depuis cette époque, et dans le courant de cet été, mon excellent ami infinité de lieux , et même dans une gorge de la forêt
M. l'abbé Boissonade , qui est allé étudier la voie d'Agrippa dans l'ancien d'Aubrac , au milieu de nombreuses ruines, dans un lieu ap
Velay , m'a écrit qu'il avait constaté que dans ce pays, la voie romaine portait pelé Lou Martinet, l'existence de vieilles galeries , de vieux
les noms de Vio Bolena, la Bolene, etc.
Une carte , qui sera jointe à ces notes, fera comprendre la direction de fours, des amas de scories, elc., etc., qui prouvent, qu'à
celle voie comme aussi la situation des divers lieux cités dans cet article. une époque plus ou moins reculée, on a exploité les innom
- 27

brables filons de galène argentifère , qu'on aperçoil parlout, nom d'Albanach ; - Albion , ile élevée, de All et de inis, ile ,
dans le lit desruisseaux , sur le flanc des montagnes, elc ., elc . etc., etc. Les étymologistes oul dit jusqu'ici que Albrac
Or, certaines galeries portent le nom de Cavo de las fados venait de Allo- braco, haule barraque , parce que le célèbre hô
( cave des fées ... les fours sont Lous peyros de las fados (les pital d'Aubrac était une hôtellerie où le voyageur et le pèlerin
chaudrons des fées ... Après tout ce que j'ai dit, ces nomsme trouvaient toujours le vivre et le couverl. Mais je ne sache

:
paraissent, eux aussi, avoir leur valeur : n'est-il pas probable pas que Braco soit un mot latin ; et d'ailleurs, Alto -braco ,
qu'il y eût là, jadis, de ces travaux de nines qui faisaient dire comme nom d'Aubrac, ne se trouve guère dans les titres an
a Strabon : Εχουσιν αργυρια οι Γαβαλεις : Παρα τοις Ρουτηνoις αργυρια ciens que depuis le XIIe siècle ; antérieurement, dans tout le
( Les Gabales et les Ruthènes sont riches en mines d'argent) . xile siècle , l'hôpital et les montagnes portent presque lou
En lisant les hommages des Doms, j'avais été frappé par jours les noms d’Albrac, d'Albraco (Al-braco) d’Albraca .
divers noms quime parurent plus ou moins barbares , ain Entin nous voyons dans la règle que Pierre , évêque de Rodez,
par exemple les noms de Trupp ; et, dans lous les cas, n'ap donna aux frères du célèbre hôpital, une trentaine d'années
partenant point aus langues classiques. D'un autre côté , en après sa fondation , en 1162, que le nom d'Aubrac préexistait
voyant combien peu de changements les six derniers siècles à la fondation du couvent : « Dompno el fratribus hospitalis
ont amenédans nos montagnes ; et en réfléchissant sur le lan » quod situm est in Albraco. » ( Au Dom et aux frères de l'hôpi
gage rude des Cantalés (chefs de bergers), que j'avais entendu tal qui est situé sur l’Aubrac). On ne dirait pas autrement au
toute mon enfance, je m'étais demandé si la langue cellique jourd'hui (1) . C'est ainsi qu'en éludiant les noms des lieux de
n'avait pas laissé de profondes racines dans la contrée ; el ces notre pays au flambeau de la philologie moderne , on arrivera
réflexions m’amenèrent à faire quelques éludes philologiques sur à sortir de bien de contre-sens el de non -sens qui ont trop
la langue des montagnards. Je ne saurais dire si les popula souvent guidé les étymologistes.
tions primitives, que les savants regardent comme les abori J'ai dit que j'avais fouillé un certain nombre de lombeaux
gènes de la Gaule , et qui auraient été refoulées au sud, vers le sur la voie de la Boulène, lant sur la chaine de ce nom qu'en
xre siècle avant notre ère, ont laissé sur l’Aubrac quelques ra tre Chirac et le Massibert.
cines de leur langue Escaldunac , quoique le radical esc se Je n'ai pu m'occuper des recherches de celle nature sur
retrouve ici, comme dans l'Aquitaine , assez souvent dans les l'Aubrac, où M. Ignon avait cependant, il y a quelques années ,
noms de lieux : Escudeyras , Escudeyretas, elc ... Mais il me signalé un dolmen , au lieu appelé la Palo del Trapp ( 2). On ne
serait extrêmement facile de démontrer que , sur l'Aubrac ,
peut tout faire à la fois, dans certaines positions, el cependant
presque tous les nomsde lieux sont celtiques ; que la plupart les tombeaux celtiques n'ont certainement pas encore dévoilé
des mols ordinaires y sont aussi celtiques , du celte le plus tous les secrets qu'ils renferment, comme nous le prouvait
pur, et où on reconnaît les racines sanscriles et même la plu assez récemment l'ouverture d'un dolmen découvert par
part de celles qu’o: a retrouvées de la langue de ces Aryas , M. l'abbé Boissonade , et que nous avons fouillé ensemble , au
regardés comme les ancêlres des Européens. Sur l’Aubrac , centre d'un espace entouré d'antiquesmurailles , où on devrait
commedans l'Iran moderne et comme chez les Aryas , une peut- êlre voir un antique Oppidum pour la défense.
auge est un naw . Nos bergers appellent l'eau l'aig , un puisard Ce dolmen , véritable charnier, contenait les débris de plus
nalurel est un aven , le bouleau un bez , l'aulne un vergn .
de soixante cadavres, comme j'ai pu m'en assurer en complant
Malgré le froid de la montagne , les habitants, hommes, les humérus, dont l'extrémité inférieure a été trouvée pres
femmes , enfants , vieillards, tout le monde va nu -pieds, pres que toujours admirablement conservée dans tous les tombeaux
que dans tous les temps. L'homme y porte uno brajo ou brago , que j'ai fouillés. Or, l'étude de ces nombreux ossements ,
comme appelaientcette partie du vèlement ses ancêtres d'il v a
deux mille ans. Il mesure ses roules par le lemps , el une heure
( 1 ) Confirmation de Donation faile par le légat du Pape au Dom (1180) :
de marche fait une lègue (1 ). Le mot Albruc est lui-même un
« Dilecto in Christo filio Petro, inagistro Dompno hospitalis d'Albrac. »
mot celtique des plus purs, composé de deux racines , All, Donation par Pierre, évêque de Rodez , des villagıs (1162) : « Stephano ,
.

élevé, et braca , montagne (agger ). Ce sont là les racines d'une » procuraloris hospitalis d'Albrac. >>
Exemplion accordée à l'hôpital d'Aubrac, par le roi d'Aragon (1185 ) :
foule de noms de lieux ou de peuples chez les vieux Gaulois :
« Ildefonsus rex Aragonum , etc , deo et Dompno hospitalis d'Albaco . »
Allobroges ou All brog , habitants des hautes terres (en Gaé Donation du comte et de l'évêque de Rodez (1199) : « Ugo episcopus R11
lique, All brog , signifie encore aujourd'hui hauts lieur) ; - ► thenæ et Willelmas comes Ruthenis, nos per nos et per omnes succes
Albani, les Ecossais, qui se donnent encore à eux-mêmes le » sores, etc... concedimus deo hospitali d'Albrac. »
(2 ) Il y a sur l'Aubrac deux ou trois montagnes portant ce nom de Trapp ,
qui appartieril, si je me trompe, aux langues du Nord . Ce fail me parait digne
(1 ) A EUTTA, LLETPOY T: Padatzis (Ilesych ). d'élre noté .
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m'a démontré ce fail important: qu'à l'époque des dolmens , herger de l'Aubrac vil encore aujourd'hui principalement de
les populations de nos montagnes étaient très variables quant lait et de viande ; et les immenses communaux de Nasbinals et
à la taille ; en effel , j'ai trouvé là les squelelles des hommes des villages qui louchentaux montagnes, ne sont la propriété
les plus grands, mêlés avec ceux d'individus très petits. Ce personnelle d'aucun individu .
tombeau ne contenait, d'ailleurs, que des flèches en silex , des
grains de collier en pierre calcaire et en jais , avec quelques Jusqu'à ces dernières années, les écrivains qui s'occupaient

fragments de la polerie la plus grossière , et peut-être une de l'histoire de cetle Gaule que Strabon entrevoyait avoir été
préparée par une providence tutélaire, pour devenir un jour
pierre de fronde (1) .
D'un autre côté , les auteurs anciens nous ont dit que les le lieu le plus florissant du monde, devaient se borner à com

Celtes étaient de grande taille, tandis que les Aborigènes de mencer leurs récits sérieux au moment de la conquête ro

la Gaule, ces Ihères que les Celles envahisseurs auraient re maine . Le hardi conquérant qui se vante d'avoir exterminé

foulés au midi, avaient une petite stature. L'étude du dol un million de nos ancêtres sur les champs de bataille , César,
men dont je viens de parler ne semblerait -elle pas prouver qui fut aussi un incomparable écrivain , est le premier, et

que chez les Gabales, du moins, les deux populations s'étaient presque le seul auteur de l'antiquité, qui nous ait donné des

fusionnées sur le même sol, comme plus tard les Francs de renseignements détaillés, non - seulement sur les meurs, la
vaient se fusiouner avec les Gallo -Romains. religion , la constitution politique , etc., etc., mais encore sur

Un radius, éminemment rachilique, inontrail chez nos an les places fortes, les villes ouvertes, les villages et jusque sur
les maisons de plaisance (les sesama) des vieux Gaulois , à l'é
cêtres l'ancienneté de certaines de nos maladies , et deux côtes
poque de la grande lulle de l'indépendance nationale ; mais les
du côté droit , qui après avoir été cassées s'étaient parfaite
Commentaires prouvent surabondamment que les nombreuses
menl resoudées, démontrent qu'on guérit très bien de cette
lésion sans chirurgien . Mais, du resle , la chirurgie , art ma tribus qui couvraient la Gaule , et qui, malgré les vices de leur
constitution politique, surent lutter pendant dix ans, avec des
nuel, est aussi ancienne que le monde : l'homme a dù lou
alternatives de succès et de revers, contre les maitres du
jours chercher à se soulager , au moins des maux extérieurs ;
monde , avaient de longs siècles de civilisation à raconter . Or,
nous voyons dans Homère, qu'au siége de Troie, le grand
c'est sur ces temps reculés que nous avons été jusqu'ici si peu
prêtre Calchas est aussi le suprême médecin qui prie les dieux
ou à peu près nullement renseignés. La numismatique , la
d'éloigner la peste du camp d'Agamemnon, tandis que déjà la
chirurgie est un art ; Machaon et Podalire, fils d'Esculape , pan philologie, l'anatomie comparée , font des efforts prodigieux,
depuis quelques années, pour combler ce vide , et sont arri
sent les plaies et les recouvrent de plantes amères ! (Les amers
vées à des résultats remarquables ; mais que de lacunes encore
sont des astringents qui arrêtent l'écoulement du sang).
à remplir ; et à cela , du reste , rien d'étonnant, car il faut re
Je n'en finirais pas si je voulais citer lous les faits qu'il m'a
faire à posteriori, et lambeaux par lambeaux, celte histoire ,
élé donné lieu d'observer sur l'Aubrac. C'est ainsi qu'autour
sur laquelle l'antiquité ne nous a presque rien transmis.
de l'Oppidum dont j'ai parlé précédemment, on ne trouve que
Aussi, pour atteindre cebut, rien n'est à négliger : « Quelques
deux ou trois petites pièces de terre qui aient été enlourées
débris , étudiés avec sagacité , en apprennent quelquefois
de murailles primitives, etqui auraientbien pu être des enclos
» davantage sur les meurs, la vie intime et l'histoire vraie
communs à tous les habitants de la cité : quelque chose d'a
» des générations disparues , que des volumes entiers , des
nalogue au Corral des Mexicains... Il en est de même dans
► mots retrouvés ( 1) ► ou des phrases glanées çà et là dans les
lous les villages situés sur l’Aubrac .Ne semble-t-il pas, d'après
divers auteurs. Le sauvage de l'Amérique lit sur l'herbe de
cela, qu'on eût pu dire de ces populalions ce que dit César des
la prairie, sur le sable des rivières et sur la mousse de la
Germains : « Agriculturæ non student ; majorque pars viclûs
forêt, le nombre et l'espèce de pièces de gibier, d'amis ou
» eorum in lacte, casco, carne consistit. Neque quisquam
d'ennemis qui ont foulé ses territoires de chasse, ou qui ont
» agri modum certum aut fines habet proprios. » Du reste, le
marché sur le solde la tribu ; détermine leur âge , leurs allures,
et quelquefois jusqu'à leurs intentions. Ne sommes -nous pas
( 0) Nous avons encore trouvé dans ce dolmen , mais au -dessus de la couche
ossifère, entre cette couche et un tas de pierres entassé successivement dans aussi intelligents que les Delawares et les Pawuis des grands
le lombeau , deux aiguilles ou poinçons en bronze. Ces objets sont-ils de la lacs ?... Les taureaux ailés de Nimroud ont fait revivre celle
même époque que le dolmen ? Ce dolmen est dans le calcaire ; et la pierre, qui
histoire d’Assyrie , qui semblail si reculée ; et les ruines exhu
me parait avoir pu être une pierre de fronde, est un fragment de basalte de
mées de Pompéi ont étalé à nos yeux une image de la société
la grosseurd'un auf, et assez régulièrement arrondi. J'en ai, d'ailleurs, trouvé
de toutes parcilles dans la terre noire des fossés de l'antique Castrum -Gredo
nense, au milicu de haches et de couteaux de silex , etc ..., comme je le dirai (1) Voir un article remarquable de M. El. Reclus, sur les cités lacustres
plus tard . (Revue des Deux -Mondes, 15 février 1862).
29

romaine, autrement fidèle el palpable que celle qu'on s'en fait de la Sibérie , et non une récompense à donner à des vain
généralement, même à l'aide des grands écrivains du siècle queurs. Les armées du peuple -roi devaient se håler de traver
d'Auguste. Les savants de la Suisse , les Troyon , les Uhlmann , ser ces froides montagnes sur leur large voie, qui fut avant
les Schwab , les Keller, etc., ont commencé à exhumer l'his tout une voie stratégique, s'en rapportant probablement, pour
loire de l'antique Helvélie. J'ignore si rien d'aussi complet l'administration du pays , au gouverneur de Gabalum et peut
a été fait jusqu'ici pour la Gaule, car on ne peut guère es être à un commandant du fort de Marchastel (Martis castellum ?)

pérer de retrouver les débris de la primilive civilisation , là qui a bien pu protéger , sur la voie de César, les convois des
où elle fut la plus brillante, dans les plaines riches et fer armées romaines, avant de devenir une citadelle de la inaison
tiles, sur les bords des grands fleuves , elc . « Aux primitives de Peyre. Les Visigoths , campés dans la Gaule méridionale ,
cités délruiles, ont succédé tant d'autres cités plus riches ne firent que quelques apparitions dans le Géraudan , et les
» et plus populeuses ; le sol a été si souvent tourné et re Francs n'y furent guère connus , au moins dans certains can
» tourné; les ruines ont été si souvent amorcelées sur les ions, que vers le commencement du xitie siècle , après que le
» ruines antérieures, que tous les débris anciens ont été ré roi d'Aragon eut fait l'abandon de ses droils au roi de France .
duits en poussière (1). » Dès lors on comprend que ce n'est J'espère que l'Aubrac ne sera plus seulement intéressant
que dans les contrées arides, dans les forêls ou dans les pour le Lozérien , par cette race bovine qui fait la gloire de nos
bruyères vierges, sur un sol qui ne pouvait convenir qu'aux concours régionaux. Il aura pour les descendants des Gabales
chasseurs ou aux bergers , qu'on trouvera les vestiges des un intérêt bien plus grand , en leur montrant, écrits sur le sol,
Galls el des Kimris , parce que là le pays est devenu désert , dans la terre et dans l'eau , bien des enseignements sur l'his
le jour où le gros gibier a définitivement disparu , et où les toire de leurs pères ; car , non - seulement les bois équarris ,
populations ont senti le besoin de chercher dans l'agriculture mais même les prismes bruls de basalle peuvent avoir eux
de nouvelles ressources pour leur alimentation . aussi un langage éloquent , quand ils ont été disposés par la
Tandis que les provinces riches de la France n'ont guère main de l'homme : c'est une écriture qui en vaudra bien une
que des souvenirs de l'époque celtique , l'antique Armorique aulre , quand nous saurons bien la lire. A son étude , nous
étale fièrement ses rangées de menhirs , ses dolmens et ses apprendrons que la race bovine d'Aubrac a les vertus et les
lumulus . Mais le Gévaudan , l'ancien Pagus Gabalicus , n'a pas défauts que lui ont donnés trente ou quarante siècles d'exis
à élre jaloux ; il est au moins aussi riche, que la Bretagne et le tence sous un ciel parliculier ; qu'il ne lui en faut pas trop
Poitou en souvenirs du passé , et ses monuments sont vierges , vouloir, si elle est assez réfraclaire à l'entraînement, et si elle
non -seulement de dévastation , mais encore et surtout de toute est lente à se développer ; car , sur l'Aubrac , hommes et beles
exploration, ce qui est quelquefois le pire des dévastations. Je se développent lentement ; mais cela n'exclut pas les qualités
nie sache pas qu'on eûl jusqu'ici signalé de cilé lacustre à l'oc solides qui font la force et la beauté . Ces montagnards de
cident du Jura , el que l'on connûl, dans notre patrie, beau l’Aubrac , encore quelque peu sauvages , el jusqu'ici réfractai
coup d'autres maisons gauloises que celles de Toull-Sainte res, comme les vieux Brelons, à la civilisation moderne et au
Croix, dans la Creuse... Nos montagnes (je dis nos montagnes , recrutement, sont des hercules de 25 à 30 ans, braves comme
car je connais sur la Margeride des ruines pareilles à celles de ce dieu antique, « grands, élancés , à la taille bien prise , au
l’Aubrac ) sont sous ce rapport plus riches peul-être que la » teint frais el coloré ; mais, rusés, méfiants, vindicatifs, con
France entière . La solitude de l’Aubrac , qui lui valul, il y a » fédérés contre l'étranger ; emportés comme les vieux Gau
sepl siècles , le surnom de lieu d'horreur et de vaste solitude, ► lois, ils terminent trop souvent leurs différends par le bâlon ,
nous a conservé les demeures de générations dont nous som » la hache ou le couteau , pour employer les expressions de
mes les descendants directs, sansmélange d'aucun sang étran M.Girou de Bazaseingues . (Mém . statistiques sur les monta
ger . Car,ni les vétérans romains qui venaient fonder des colo gnes d'Aubrac.) Or, à 20 ans, ces mêmes hommes étaient des
nies agricoles en Gaule, ni les quelques milliers de compagnons enfants imberbes , chétifs , malingres , souvent rachitiques ,
de Clovis ou de Théodoric , n'auraient voulu de la possession n'ayant pas la taille réglementaire aux conseils de révision .
du pays des Gabales , s'ils avaient dû aller s'établir dans la Je disais , dès le débul de cet article , qu'au commencement
demeure des vieux babitants de l'Aubrac , les Gabales par excel
du xixe siècle, les montagnes d'Aubrac n'étaient habitées que
lence , puisque le mot Gabale signifie habitant des hautes ter par quelques bergers , se contentant d'une mauvaise masure
res. C'eût été un exil non moins terrible que l'exilmoderne pour leur habitation passagère ; qu'aucun mur de cləlure ne
séparail les montagnes , comme jadis les anciens terroirs ; et
cet état de choses aurait laissé durer élerncllement les ruines
( 1) El. Reclus (Revue des Deux-Mondes, article cité).
sur lesquelles j'ai essayé, depuis deux ou trois ans, d'appeler
30

l'attention . Mais aujourd'hui les temps sont bien changés ; le Encore quelques années , et les ruines des anciens Gaulois,
grand mouvement cominercial qui a envahi la France entière là aussi , auront disparu : l'heure de leur eſlacement est déjà
a relenti dans les solitudes de l'Aubrac. Les propriétaires de marquée. Le moment est donc venu de les étudier ; bientôt il
ces pâlurages , qui produisent des quantités considérables de serait trop tard , el la science aurait peut- être manqué pour
fromage el d'animaux de boucherie ou de travail , ont vi, en toujours l'occasion de faire , dans celle partie de la France ,
quelques années , leurs propriétés comme leurs revenus dou des éludes devenues impossibles dans presque toute l'étendue
bler et tripler de valeur. Je connais telle montagne qui s'affer du sol de l'Empire.
mail 1,200 fr. en 1832 , el qui aujourd'hui s'allermede 8 à Malheureusement , je suis rarement libre , et l'Aubrac n'est
9,000 fr... Dès lors ,> chacun a senti le besoin de faire des pas toujours abordable ,même pendant les trois ou quatre mois

prés fermés par des murailles, et d'entourer sa montagne de de la belle saison . Plus d'une fois, il m'est arrivé , après m'être

murs de clôlure de plusieurs kilomètres de longueur. De soli mis en route avec le beau lemps, de rencontrer sur la monta
des el vasles constructions s'élèvent de lous côtés pour loger gne le brouillard , la pluie ou la tempête , et d'être forcé de

les bestiaux pendant l'hiver, et pour emmagasiner les fourrages rentrer au logis , sans avoir pu rien voir . Et cependant mes

récollés dansdes prairies immenses, créées d'hier ... Que nous occupations neme permettent d'aller passer une journée sur la
sommes loin du temps où il n'y avait sur l'Aubrac que les deux montagne qu'à la condition de ravir deux nuits à mon repos ,
granges des Sallicns et de Plagnes !!! Des maisons de campa une pour aller et l'autre pour revenir ; et je dis cela unique
gne, avec loul le confort de la civilisation , commencent même ment pour qu'on soit un peu indulgent pour des recherches
à s'élever sur quelques points... Mais tout cela ne se fait qu'au encore très incomplètes sur certains points et presque nolles
détrimentdes ruines du passé : quand un mur de clôlure coupe sur d'autres , quoiqu'elles remontení déjà à quatre ou cinq ans.
la voie romaine , on la dépave à droite et à gauche sur une Personne ne sentira autant que je le sens moi-même, avec la
étendue plus ou moins considérable , pour en employer les connaissance que j'ai des lieux , tout ce qu'il reste à faire pour
pavés ; qu'il passe près d'un village abandonné, on en porte les rendre mes trouvailles véritablement utiles à la science. Aussi

pierres au loin . Le fermier de Bord me racontait , il y a trois n'avais -je point l'intention de les livrer encore à la publicité ;
ou quatre ans, avoir démoli , dans l'ancien oppidum de celle mais l'arrivée récente de quelques intrépides explorateurs, et en
montagne, assez de maisons pour faire un mur de clôture de particulier de l'honorable M. Dusan , sur l’Aubrac ,me fait chan
2 kilomètres de longueur . C'est ainsi qu'à Salles -Basses , dans ger d'avis, en me laissant espérer des compagnons et des ému
la propriété d'un de nos plus célèbres éleveurs , dont le nom a les. Puissé-je, en leur disant ce que j'ai vu , les décider à venir
retenti dans lous les concours des diverses régions du sud de achever, contrôler ou infirmer ce que je n'ai pu qu'ébaucher,
la France , une grande maison de campagne et d'immenses et leur rendre leurs recherches un peu plus faciles, en plantant
écuries se sont récemment élevées avec les débris de l'ancien quelques jalons dans ces vastes pâturages , où j'ai erré long
village de Salles , où l'on complait au moins une soixantaine temps à l'aventure ...
de constructions, dont les fondations sont encore visibles . ( A continuer.)

BIBLIOGRAPHIE RÉTROSPECTIVE .

TABLE DES ARTICLES D'HISTOIRE OU D'ARCHÉOLOGIE CONTENUS DANS LES MÉMOIRES DE LA SOCIÉTE DES LETTRES ,
SCIENCES ET ARTS DE L'AVEYRON .

( Suite .)

Volume V. - 1844-1845 . Notice historique sur le Puech de Buseins, canton de Sévérac ,


- l'abbé Bousquet .
L'ancien Hôpital d'Aubrac , -- l'abbé Bousquet .
L'abbaye de Valmagne , Alfred Cabanis.
Eglises romanes du canton de Peyreleau , – l'abbé Bousquet .
Mort de Raymond VII , comte de Toulouse , épisode histori Proverbes patois, - Considérations préliminaires sur le patois

que tiré des annales de Milhau . -- P.-F. Cabanlous. du Rouergue, - Jules Duval.
Châte:iu de Castelnau-Bretenoux. F.-A. Calvet. Notice historique sur le collége de Rodez, – B. Lunet.

-
- 31

Volume VI. - 1846-1847. Silvanés , Beaulieu , Loc- Dicu , Bonneval , Bonnecombe ,


l'abbé Bousquet.
Etudes bistoriques sur la ville de Saint-Geniez-d'Olt , Les Monuments celtiques de l'Aveyron , Valadier.
l'abbé Bousquet. La Villa d'Argentelle , l'abbé Cérés.
Histoire et statistique de la vallée du Tarn , arrondissement Note sur un fragment de stèle et sur deux autels antiques
de Millau . trouvés près de Millau , - Valadier.
Partie septentrionale . Notice sur le château et la chapelle de Gozon . J. de
Compeyre , Aguessac. Pailhas et ses environs . Gissac .
Quesaguet , le Pallier et Rivière. Environs de Rivière ,
Monographie de l'église Notre-Dame , de Villefranche de
Villeneuve , Fontaneilles , Lugagnac et Suége. Rouergue , - L. Guirondet
Le Bourg -les- Salles et Peyrelade. -- Boyne , Mostuéjous , Visite du Congrès archéologique de France à la cathédrale de
Liancous.
Rodez , - l'abbé Alibert de Saint- Paul.
Notice historique sur la maison de Mostuéjouls.
Notes sur les principaux monuments de Rodez, sur les dégra
Biographie des hommes illustres ou éminents de Mostuéjouls.
dations qu'ils ont subies ou qu'on voudrait leur faire sil
Le Tindoul ou l’Abenq de Courinos. — Le Rozier. - Caplue. bir , - l'abbé Alibert .
Peyreleau . - Pinet , Caylus , la Cresse et Paulhe .
Mémoire sur l'aquéduc romain qui conduit les eaux de Vors
Légende et traditions populaires .
à Rodez , - Lunet.
Nouveau supplément à l'histoire de la vallée du Tarn ,
Documents sur l'histoire des hôpitaux et des institutions cha
Argeliez .
ritables ayant existé ou existant au Rouergue en 1790 , –
Armorial du Rouergue , P.-F. Cabantous.
Viallet.
Notice archéologique sur l'église de Perse , - HenriAffre.
Volume VII . 1848-49-50 .
Visite au Musée lapidaire formé à l'évêché de Rodez ,
Tableau chronologique et biographique des cardinaux , arche l'abbé Le Petit.

vêques et évêques originaires de l'ancienne province du Rapport sur l'exposition d'objets anciens faite à Rodez , à l'oc
Rouergue du ve au xixe siècle . casion du Congrès archéologique de France , – le marquis
Notice sur la famille de Frayssinous , - L'abbé Bousquet. de Castelnau d'Essenault .

Visite aux monuments d'architecture civile et militaire de la


Volume VII . - 1851-58 . ville de Rodez, — Trapaud de Colombe.
L'Eglise abbatiale de Conques , - de Castelnau d'Essenault
Rapport sur l'amphithéâtre romain de Rodez et sur l'aquéduc
et Trapaud de Colombe .
romain ayant conduit des eaux potables dans cette ville ,
Lunet. Portes de l'église paroissiale de Saint -Côme , – d’Armagnac .

Ephémérides (autobiographie de Monteil). — Notes sur les Mémoire sur les Etats du Rouergue, - L. Guirondet.

Ephémérides , -- Herbert. Conférences sur l'histoire de Rodez dans les temps anciens,
Lunet.
Examen critique d'un ouvrage publié par M. l'abbé Souiry,
Uxellodum .
sous le titre d'Etudes historiques sur la vie et les écrits de
saint Paulin , évêque de Nole , Herbert. Id . 2e Mémoire , – L.Guirondet.
De l'existence de l'idole de Ruth chez les anciens Ruthènes ,
Etymologie anglaise du patris de Rodez , – A. Clémens.
- l'abbé Noel.

Volume IX . - 1866 . Du culte des pierres.


Essai sur les monuments druidiques , celtiques , gaulois, etc.,
Anciennes abbayes de l'ordre de Citeaux dans le Rouergue , du Rouergue , - l'abbé Cabaniols .
32

CHRONIQUE .

AU DIRECTEUR . ciété archéologique du midi de la France , un prix biennal et


perpétuel de 400 fr., la Société met au concours, pour l'année
Monsieur el cher Collègue , 1868, la question suivanle :
( Déterminer , d'après l'étude des caractères architectoni
J'ai l'honneur de vous adresser le calque d'un ornement en > ques el à l'aide de documents écrits, les diverses influences
bronze qui devail, je crois , faire partie du collier d'un cheval » dont on retrouve la trace sur les monuments construils
de luxe (monile lunatum ). » dans les trois pays de Foix , de Comminges et de Toulouse,
» pendant les xe, xi el xuje siècles. »
Le prix accordé au meilleur Mémoire qui répondra à celle
C

question , sera une médaille d'or de 400 francs. Ce prix sera


décerné en séance publique , au jour et au lieu que la Société
fixera ultérieurement.
En outre , en vertu d'une délibération prise le 12 juin 1866 ,
un autre prix , consistant en une médaille de vermeil , sera
accordé au meilleur Mémoire adressé à la Société sur des
matières archéologiques. Pour ce second prix , le choix du
sujet est laissé à la liberté des concurrents.
Tous les Mémoires devront être adressés , sous pli cacheté
et non signés, à M. le secrétaire général, au siège de la Société
(Musée de Toulouse), par l'intermédiaire d'un correspondant.
Chaque Mémoire doit porter, avec son titre , une épigraphe
qui sera transcrite sur le registre du concours , ainsi que le
nom et le domicile du correspondant de l'auteur.
Tous les ouvrages devront être remis , au plus tard , le
15 mars 1868 , lernic de rigueur.

Cet ornement , dont les deux faces sont identiques , et sur


lequel on remarque encore deux trous de suspension , a été L'administration de la Revue a l'honneur de prévenir
découvert il y a quelques jours ,avec desmédailles très frustes MM . les Abonnés que le retard apporté dans l'apparition des
du haut Empire , en plaçant les nouveaux tuyaux de conduite livraisons a pour cause l'absence prolongée du Direcleur qui,
depuis le mois d'avril , a entrepris un voyage d'excursions
des eaux de la ville , à Pech -Madame, près de la commune de
archéologiques .
Moussan , à 4 kilomètres de Narbonne . Il faitmaintenant par
Il poursuil des recherches, des fouilles et des constatations
tie des collections du Musée .
nécessitées par l'importance des travaux d'ensemble qu'il
Veuillez agréer, etc.
prépare vu de ceux qu'il doit à une active collaboration .
TOURNAL ,
Secrétaire de la Commission archéologique de Narbonne. Les lecteurs de la Revue verront sans doute , dans ses
laborieuses et pénibles investigations, une nouvelle preuve de
son désir de donner à la publication qu'il dirige un intérêt
M. Trulat , conservateur du Musée d'histoire naturelle de
sérieux et une utilité réelle. Ils auront les prémices d'une
Toulouse , a récemment terminé un voyage , dans le Midi ,
moisson assez riche peul- être , pour qu'ils veuillent bien
d'explorations scientifiques dont les résultats seront d'un
excuser l'irrégularité du service d'un recueil spécialement
haut intérêt pour la science paléontologique et pour la con
consacré aux questions nouvelles , dont l'étude exige le plus
naissance des temps primitifs de l'homme.
souvent des retards imprévus.
C'est ainsi que l'article consacré par M. le Dr Prunières au
SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE DU MIDI DE LA FRANCE . pays d'Aubrac coûte encore à l'auteur des fouilles rendues
Concours pour le prix Ourgaud. plus pénibles par les rigueurs de l'hiver, de même que ce
Pour répondre à la généreuse pensée qui a porté M. le doc sujet a nécessité de la part de M. Dusan des excursions à tra
leur Ourgaud , de Pamiers , à ſonder , dans le sein de la So vers les neiges des solitudes de celle région .

(Les prochaines livraisons renfermeront le nombre habituel de feuilles et de gravures.)


- 33

BIBLIOGRAPHIE .

Etudes sur la maison de Barcelone. Jacme ( er le Conqué saire pour constituer un tout homogène et vivace , le Midi
rant (1 ) , roi d'Aragon , comte de Barcelone, seigneur de Mont devait succomber . La maison de Toulouse , qui n'avait de
pellier, d'après les chroniques et les monuments inédits, – par
raison d'être que comme tête de la nationalité qu'elle repré
M. Ch. de TOURTOULON. (2 vol. in - 8 ° ; Gras , éditeur; Montpellier,
1863-1867 .) sentait , devait finir avec la cause à laquelle elle était étroite
ment liée ; sa rivale , la maison de Barcelone, après une
Si quelqu'un songeait enfin à combler une regrettable lacune suprême tentative pour sauver sa prépondérance au nord des
en écrivant l'histoire de la France du Midi ; si, mettant à pro Pyrénées , tourna toute son activité vers la Péninsule et abdi
fit les travaux des historiens du Languedoc, de la Provence qua son rôle de maison française pour travailler à son agran
et , en particulier, le monument impérissable auquel le béné dissement comme dynastie espagnole .
dictin D. Vaissete a attaché son nom , on voulait rechercher Cette abdication , c'est Jacme ſer qui la signa , avec le traité
sous les événements les causes qui les ont produits , tenir de Corbeil , en 1258.
compte de l'état intellectuel et moral de nos vieilles popula Ce n'était pas l'abdication d'une dynastie , c'était celle d'une
tions méridionales , de leurs tendances , de leurs aspirations; race , ou du moins d'une nationalité , que ce traité consacrait ;
décrire les origines , le développement, les transformations et c'était la suprématie de la nation d'outre-Loire , c'était l'unité
l'extinction de leurs nationalités, on se trouverait, durant une française qu'il assurait. Les circonstances faisaient de Jacme
longue période, en présence de la maison de Barcelone , qui d'Aragon le dernier représentant de la cause méridionale ;
a disputé aux comtes de Toulouse l'honneur de dominer le
après la dépossession de la maison de Toulouse , il eût pu
mouvement national de nos provinces.
continuer contre l'élément français cette lutte où avait suc
Placés , par la situation géographique de leurs domaines combé son père , le vaincu de Muret, et peut-être le triomphe
respectifs , dans une position intermédiaire entre la France et
définitif de la race française a -t-il été le résultat de la diver
l'Espagne, les comtes de Barcelone voyaient deux rôles bien sion que les populations sarrasines maintenaient permanente
différents s'offrir simultanément à leur ambition : d'un côté
contre la maison de Barcelone, de complicité avec les rois
des Pyrénées , le veu national les obligeait à reconquérir pied castillans, plus encore que le résultat de la chute de la dynas
à pied sur l'islamisme la terre espagnole , séparée violemment tie toulousaine.
du monde chrétien ; de l'autre , leur propre intérêt les enga Ainsi , pour nous , Français du Midi , à qui les historiens
geait å opposer une résistance énergique aux envahissements du Nord viennent raconter en détail la vie des rois de Paris ,
de la France du nord , et à sauvegarder les institutions et la lorsque nos véritables princes trônaient à Toulouse ou à Bar
civilisation méridionales.
celone et que la Loire était une barrière , tandis qu'il n'y
Privé de l'unité d'impulsion et de centre qui lui était néces avait plus de Pyrénées ; pour nous , habitants du Languedoc ,
du Roussillon , de la Provence , le règne de Jacme marque

(1) Quelques critiques français ont fait un grief à l'auteur d'avoir adopté une époque capitale dans notre histoire et devient le complé
pour le nom de son héros une forme inusitée, en écrivant Jacme pour Jacques. ment indispensable de celuide saint Louis.
L'un d'eux, tout en acceptant une orthographe non française , conteste l'exac
C'est à l'étude de ce règne que M. C. de Tourtoulon a con
titude de l'appellation Jacme; il serait plus correct, d'après lui, d'écrire Jaime,
sacré deux volumes , sans prévoir qu'un critique lui reproche
ou mieux encore lago. M. de Tourtoulon s'en est tenu , avec juste raison ce
semble , à la forme autrefois usitée dans nos pays même, et que l'on retrouve rait d'avoir donné trop d'importance à une biographie.
dans nos cbartes et nos inscriptions en langue vulgaire. On peut citer, entre Singulier reproche , vraiment , et que l'avant -propos placé
autres , la grande inscription peinte å la voûte de l'église de Rabastens ( Tarn) :
ANNO : DOMINI : M : CCC : X : VIII : LE : ARCHIAVESQVE : DE : SANT par l'auteur en tête de son premier volume eût dù lui épar
JACME : SENHET : AQVESTA : GLEIA , etc. (L'archevêque de Saint- Jacme gner ! M. de Tourtoulon avoue avoir trouvé un tel plaisir à
consacra celle église, etc.) Il s'agit d'un archevêque de Saint- Jacques de Com tenter la reconstitution , avec sa couleur historique , du règne
postelle , comme l'a prouvá M.de Toulouse-Lautrec . Jacmé est, à coup sûr, le
d'un souverain presque oublié en deçà des Pyrénées , quoique
nom que les populations du Midi donnaient au fils de Pierre d'Aragon ... En
substituant l'e muet à l'é sonore du méridional, M. de Tourtoulon a suffisam resté très populaire en Espagne , que l’abréger lui eut semblé
ment sacrifié au génie de la langue officielle d'aujourd'hui. décolorer son æuvre... Là où il ne voyait d'abord qu’une étude
5
34

historique intéressant Montpellier, il a découvert des horizons étude sur les nationalités du midi de la France , elles renſer
inattendus dont la grandeur l'a porté à se proposer , moins ment un résumé d'idées générales largement conçues et pré
d'écrire l'histoire d'un règne , que de peindre une grande parent le lecteur à l'intelligence du rôle que la maison de
individualité et une grande époque . Barcelone fut appelée à remplir jusqu'au moment où l'Aqui
N'est-ce pointlà une façon de comprendre l'histoire vrai taine , la Gothie et la Provence , ( ces trois filles de la civili
ment juste , vraiment féconde et posant le véritable but de sation romaine , » oubliant trop tard leurs anciennes rivalités,
l'étude du passé ? Au point de vue du sens historique , qu’im unirent vainement leurs efforts contre l'invasion franke du

porte l'hommedans le souverain ?... Nous savons que l'homme xilie siècle et perdirent à jamais leur existence nationale .
est toujours l'homme, dans le roi comme dans le bouvier... A cemoment , la race des comtes de la marche d'Espagne ,
En eux-mêmes , ni les exploits , ni les amours, ni les gran née à la vie de l'histoire en même temps que la féodalité sur
deurs , ni les faiblesses de Jacme ne me paraissent plus dignes ce sol de la Gothie où les institutions romaines venaient tem

d’être racontés que ceux de n'importe quel de ses sujets , et pérer les mæurs féodales , est encore puissamment implantée
s'ils ont leur nécessaire action sur quelques événements du au nord des Pyrénées .

temps , ils changent peu de chose aux résultantes générales Les populations de ces contrées tournent encore leurs
du milieu . espoirs vers elle , de préférence aux monarques d'outre -Loire.
Celles -ci se combinent pourtant avec celles de la personna C'est ainsi qu'après la mort de leur seigneur naturel, Pierre
lité ; il y aurait erreur à méconnaitre cet élément considéra de Guillem , les « hommes riches » de Montpellier , voyant que
ble , et ce serait nier l'évidente influence de l'individu réagis leur seigneurie était restée aux mains d'une femme , ( eurent
sant sur le milieu ... Sans chercher si l'individualité est le leur conseil et virent qu'il serait bon qu'ils donnassent mari á

produil nécessaire de celui-ci , à tel point que l'une disparais la dame. Et ils pensaient qu'il serait bon qu'ils parlassent au
sant , l'autre se transforme nécessairement ; sans chercher si , roi d'Aragon , en Pere (Pierre) qui était leur voisin et marchait

au contraire , l'individualité fait son milieu , je reconnais que avec eux , et , s'il la voulait prendre , il vaudrait mieux qu'il
celui-ci a son expression suprême, son point culminant en l'eût et plus grand honneur leur serait. De là , ils préparérent

quelque individualité , et les isoler l'un de l'autreme paraît leurs messagers et les envoyèrent au roi d'Aragon ; et (ceux -ci)

irrationnel en histoire, autant qu'il le serait dans les sciences parlèrent avec lui et lui donnèrent à entendre queMontpellier
était noble lieu et était tête de son royaume, et que là il pour
physiques d'isoler l'atome, la monade et les causes qui la sol
licitent. rait tenir tête à ses ennemis. Et le roi écouta leurs paroles et

Voilà pourquoi j'aurais trouvé très incomplète et sans utilité alla avec eux à Montpellier, et prit la dame pour épouse. »
l'ouvre de M. de Tourtoulon , s'il s'était borné à faire la bio Ce mariage fut conclu au nom de deux intérêts politiques :
graphie de son héros ; dans ce cas , l'æuvre était déjà presque celui qu'avaient les bourgeois de Montpellier à se choisir un
faite d'ailleurs , puisque Jacme a laissé conime des mémoires patron intéressé à les défendre et à les attacher à sa cause par

de sa vie. Son historien a voulu que « tout en trouvant dans maintes concessions, et celui qu'avait le roi d'Aragon à acqué

son livre la suite non interrompue des événements, nécessaire rir « un noble lieu, tête de son royaume. » Ces deux intérêts

pour se former une idée d'ensemble du règne du Conquistador, se confondaient essentiellement avec ceux de la nationalité

on apprit à y connaitre l'homme dans sa vie et dans ses rap méridionale. Aussi lorsque de l'union de Marie de Guillem et

ports avec ceux qui l'entouraient , le souverain dans sa poli de Pierre II d'Aragon naquit à Montpellier , le 2 février 1208

tique intérieure et dans ses relations avec la France. Pour l'enfant qui devait être Jacme le Conquérant , les populations

compléter le tableau , pour ne pas séparer l'homme de son saluèrent en lui le futur roi de la majeure partie de la Gaule
méditerranéenne et de l'Aragon .
temps et le souverain de son peuple , il a mis en relief tous
les détails qui peuvent faire connaître le milieu intellectuel , Trois ans plus tard , en 1211 , celui qui devait détruire à
moral et matériel dans lequel son héros à vécu . Aussi a -t -il jamais leurs espérances , Simon de Montfort , se faisait livrer
parfois insisté beaucoup plus sur un simple détail qui lui sem cet enfant comme garantie de l'accord en vertu duquel sa fille
blait ajouter un trait à la peinture de la société méridionale devait être un jour la femme de Jacme...
du xie siècle, que sur un grand acte de politique extérieure En 1213 , Pierre II d'Aragon perdait la vie à la bataille de
dont le résultat n'a eu d'influence sensible ni sur la France , Muret... Avec lui, la nationalité méridionale voyait s'évanouir
ni sur les Etats du roi d'Aragon . » son unité naissante et sa force... L'unique héritier des Etats
Ce sont là les expressions de l'auteur , et le livre les justifie. d'Aragon , de Catalogne et de Montpellier était un enfant que
Dès les premières pages s'accentue la préoccupation de pré Montfort retenait prisonnier dans les murs de Carcassonne...
senter plus que l'histoire d'un homme ; consacrées à une L'Aragon et la Catalogne réclament le jeune roi, qui ne recou
35

vre sa liberté que sur un ordre impérieux du Pape à Simon On le voit , l'auteur a compris le règne de Jacme de façon
de Montfort. Jacme ne sera plus le représentant de la Gaule à pouvoir en révéler la véritable importance, plus grande que

du Midi ; celle- ci a succombé pour toujours , et dès lors son ne le ferait supposer l'étendue des possessions de ce roi...
histoire se relie plus directement à celle de la France qu'à L'étude des codes des États aragonais lui a montré le Con

celle des provinces aragonaises , quoique la maison de Barce quistador se transformant peu à peu . Le soldat , le chevalier
lone ait encore des possessions sur le sol français..... couronné des chroniques et des histoires est devenu pour lui
A ce moment et par la rationnalité des faits , l'intérêt du « un souverain aux idées larges et progressives... » Et dans
livre de M. de Tourtoulon se concentre sur Jacme et l'Aragon ; son deuxième volume , moins riche en faits que le premier, il
de judicieux préliminaires ont développé les causes générales , a cherché , développé , discuté puissamment ces idées , en
et l'auteur entre plus intimement dans son sujet. Il s'y montre sorte que cette portion de l'ouvrage devient la plus instructive ,
chroniqueur patient, sincère, complet ; il interrogela légende, ce me semble , et surtout la plus neuve, parce que la majeure
les documents et dégage cependant les idées philosophiques part en est consacrée à l'étude du mouvement législatif du
du détail des faits ou du choc des événements , quelque pré Xnrº siècle et de toutes les questions qui gravitent dans cette

cipitée que soit l'action dans les trente premières années de sphère.
la vie de Jacme , période à laquelle correspond le premier Je n'aborderai pas de plus près l'analyse du livre de M. de
volume de l'ouvrage..... Tourtoulon ; il me suffit d'en avoir indiqué le sens. Devant
Par une analogie de hasard , très harmonique à mon sens , une cuvre profondément consciencieuse , notre rôle , à nous
plusieurs années se sont écoulées entre la publication de ce qui voudrions seconder les penseurs, ne doit pas être de nous
premier volume et celle du second ... Le récit de la période ériger en dispensateurs de l'éloge et du blâme. J'ai peut -être
agitée , domaine naturel de la chronique, a concordé avec les une mesure à mon usage , mais j'estime que chacun doit se
années de première sève de l'auteur, tandis qu'il a fait son servir de la sienne. C'est pourquoi je crois de mon devoir de
deuxième volume à un âge où l'esprit plus libre en son essor , m'abstenir et de me borner seulement à rendre la physio
l'âme plus en puissance d'elle -même , voient plus profondé nomie des œuvres que j'ai à faire connaitre .
ment dans des horizons plus vastes . La conclusion par laquelle M. de Tourtoulon termine son
On le sent au souffle plus puissant qui anime l'ouvre , livre me parait rendre , en peu de mots , la figure du héros
à l'absence de préoccupations accessoires qui se retrouvent qu'il a choisi et accuser nettement le but de l'historien , ses
dans le premier volume, telles que le travail consacré à prou convictions , sa manière ; lui en emprunter quelques extraits

ver que toutes les dynasties actuelles de l'Europe , ou leurs me semble le plus sûr moyen d'obéir à mes instincts d'analyse

héritiers présomptifs , descendent de Jacme Ier d'Aragon ; on impersonnelle.


le sent à la tendance plus accusée chez l'historien à se mou « Le roi Jacme ſer conquit trois royaumes , gagna trente
voir en des conceptions plus générales et plus hautes. batailles rangées , fonda plus de deux mille églises ; il fut
L'auteur lui-même, en tête de ce deuxième volume, exprime vaillant , pieux , « de gentille apparence , généreux , miséri

cette direction plus hardie de son esprit : « Dans l'histoire des cordieux et magnifique ... Tel est le portrait que les historiens
pays d'Aragon , comme dans celle de l'Europe entière au se sont transmis de siècle en siècle , et auquel le Conquistador
XIIIe siècle , il est une étude plus fructueuse que celle des a dû sa renommée dans un temps où un grand souverain
faits , c'est celle des idées qui s'élaborent durant cette époque devait être avant tout un chevalier accompli. Mais cet ensem

féconde ... Au temps de saint Louis et de Jacme ſer, le choc ble de qualités n'est pas ce quimérite le plus l'admiration de
des armées a moins d'importance que le choc des principes... notre époque. A nos yeux , c'est peu pour un roi dn xie siè
Cette dernière lutte offre partout à peu près les mêmes carac cle que d'avoir brillé au premier rang des hommes de guerre ,
tères ; mais nulle part elle ne se présente avec la physionomie c'est beaucoup que de compter parmi les hommes d'État , les
saisissante que lui donnent , dans les États de la maison de réformateurs et les bienfaiteurs des peuples; d'avoir pressenti

Barcelone, les vieilles traditions de liberté du pays de So les transformations nécessaires de la société et de les avoir
brarbe , la diversité desmæurs des peuples soumis au sceptre secondées plus efficacement peut- être qu'aucun autre souve
aragonais , le génie essentiellement pratique et conciliant du rain de son temps.

souverain ... Il n'est pas une seule des grandes idées qui ont ► Une phrase de son codicille explique la vie entière de ce
agité le xijie siècle qui ne vienne s'offrir à nos regards durant prince : « Dieu aime les rois qui aiment leur peuple. » Toute
les soixante -huit années de la vie du Conquistador . La lumière la politique de ce grand règne est dans ces belles et simples
jetée sur ce point se reflète sur l'ensemble du tableau et paroles... Telle est la clef de la conduite du souverain , abs

éclaire l'histoire de la civilisation européenne . » traction faite des erreurs et des faiblesses de l'homme...
36

► Les idées qui ont inspiré à Jacme ses conquêtes et ses ré dans la voie de la tolérance religieuse , ne semble - t- il pas que

formes ne lui appartiennent pas en propre ; elles sont un pro le moment approche où le bon sens des peuples et des souve
duit de l'état social du XIIe siècle. Mais à l'ouvre de rénova rains, se gardant à la fois des périls de la licence féodale ou
tion qui s'accomplit, les uns apportent leur haine du passé et populaire et de ceux de l'absolutisme, va fusionner les idées
leur désir du changement; les autres, l'espoir d'un profit per justes sorties de deux sources opposées et s'élever à la com
sonnel ; quelques -uns seulement, l'amour du bien , le dévoue préhension plus nette de principes encore mal déterminés ?
ment à l'humanité . Parmi ces derniers dominent les nobles Ne croit- on pas apercevoir déjà les premières lueurs du jour
figures de saint Louis , de saint Ferdinand , d'Alfonse X et de qui, cinq cents ans plus tard , doit éclairer le monde, et n'est
Jacme Ier . on pas étonné , par exemple, en descendant le cours de notre
» A côté de Louis, de Ferdinand et d'Alfonse , Jacme a une histoire , qu'il ait fallu tant de siècles de grandeurs , de misè
place à part. Malheureusement pour lui , il n'est pas saint ; res , de despotisme et de révolutions , pour que la France de
saint Louis devint la France de 1789 ?....

..
heureusement pour ses sujets , il n'est pas savant : il est roi ,
il n'est que roi , mais il l'est dans la plus belle acception de » La monarchie absolue a eu sa raison d'être et son utilité .
ce mot , rex ; il est celui qui dirige son peuple dans les voies Pareille au balancier qui , écrasant le métal sous son poids,
de la justice et de la civilisation . Jacme est par excellence lui donne une forme, un nom , une valeur, elle a créé les
l'homme de l'action , de l'action intelligente , noble , dévouée , unités nationales, leur a imprimé leur physionomie et souvent
se proposant un but élevé ; s'il lui manque des vertus privées , même leur nom ; mais elle a fait chèrement payer ses services
il a au plus haut degré ce que l'on a appelé les vertus du et ses splendeurs .
métier , et, par -dessus tout , un sens pratique poussé jusqu'au S'ils étaient sortis de leur tombe après un long som
génie . meil, ces glorieux chefs d'une grande école : Louis IX , le
génie de la vertu ; Alfonse X , le génie de la science ; Jacmeler ,
» Quelle que soit la diversitéde leurs caractères, ces grands le génie de l'action , ils auraient sans doute regretté d'avoir
rois , auxquels revient la gloire d'avoir dirigé le mouvement tiré du vieil arsenal romain l'arme à deux tranchants de l'ab
réformateur de leur temps , se prêtent un mutuel appui en solutisme, en voyant les peuples livrés en pâlure à l'ambition
réunissant leurs efforts pour le triomphe des mêmes principes, de quelques hommes, la justice embarrassée dans les replis
et le peuple a vu dans le dévouement au bien public de ces d'une procédure tortueuse et inique, le pouvoir royal trônant
quatre princes les meilleures preuves de la légitimité de la sur les ruines de la liberté .....

cause qu'ils patronent. La popularité des hommes a fait la » Mais les grands principes de vérité et de justice ne péris
popularité des idées. sent point..... >
>> Parmi ces idées , il en est d'éternellement vraies ; il en Un livre qui finit ainsi porte son certificat d'origine... Il
est d'autres qui auraient dû servir uniquement de moyen de est peut-être, intentionnellement, destiné à servir une cause ;

transition , et qui , élevées à la hauteur d'un principe, ont fait mais , à coup sûr , il sert un principe , parce qu'il est l'ouvre
rétrograder les sociétés, bien loin de contribuer à leur progrès ; d'un esprit droit, préoccupé de vérité ; ce principe , plusieurs
car, par rapport aux institutions politiques et judiciaires , le proclament sous des noms divers , qui ne semblent pas
l'époque des Etablissements , des Partidas et des Furs est cer soupçonner l'identité des nomsnouveaux et des noms anciens
tainement plus près de nous que celles qui lui ont succédé . dont ils veulent l'appeler , et qui seuls les divisent en groupes
. ennemis : en cet enseignement est la véritable portée de l'ou
» Lorsqu'on voit au xie siècle , en Aragon et dans quel vrage .....
B. DUSAN .
ques autres pays , la nation affirmer sa souverainté , voter
l'impôt , participer au gouvernement et à l'administration de
Il m'a paru intéressant de cornaître le jugementdes écrivains d'outre -mont
la justice , les libertés communales se développer, la résistance sur un ouvrage consacré à l'histoire d'un de leurs rois... Des comptes-rendus
aux abus du pouvoir s'organiser légalement ; lorsque , en face de ce livre, publiés en Espagne , je n'ai pu me procurer que celui du Diario
de ces restes des anciennes institutions , on voit la royauté de Barcelone et d'El Imparcial de Saragosse. Leur appréciation m'a paru jus
tement bienveillante, trahissant un certain épanouissement d'orgueil nationalet
pressentir et favoriser l'avènement de l'égalité civile , dégager s'élevant à quelque hauteur de vues...
la propriété des entraves féodales , donner des garanties de
El Diario, de Barcelona. — 14 novembre 1867.
bonne justice , de sécurité individuelle et publique , se rendre
accessible aux petits comme aux grands , prêter l'oreille aux ... No se ha limitado el historiador de D. Jaime á accodalar
conseils et aux plaintes , permettre aux poètes politiques le materiales , ni á esponerlos con la claridad y el orden que siem
blâme aussi bien que la louange, faire même quelques pas pre seran propios del escritor cuż lecta potenter erit res; sino
37
que los ha beneficiado con aquella perspicacia historica que , tieuse , la fidélité de passion que révèle aux yeux les moins
sin apartarse de la rigurosa narracion de los hecos, deduce su exercés une pareille réunion de trésors. Dans ce commerce
valor y su sentido y se aprovecha de todos los datos é indi assidu des livres, qui fait le charme et la préoccupation de sa

cios para apreciar los hombres , los sucesos y los tiempes . vie , le Dr Desbarreaux - Bernard s'est familiarisé avec tous les
Animado del amor á su asunto y dotado de las cualidades de aspects de sa science favorite. Il connaît dans leur intimité la
estilo , de que ya pueden haberse formado idea nuestros lec plus mystérieuse toutes ces productions charmantes que l'art
tores, nos ofrece un cuadro atractivo y viviente y una lectura des typographes du xve siècle a fait éclore , comme une flo
tan amena como instructiva . Por otra parte , dejando al histo raison nouvelle, dans le monde éveillé et rajeuni de la Renais

riador la responsabilidad de algunas de sus opiniones en ma sance . A mille détails insaisissables pour un regard moins
terias tan delicadas como importantes, no puede menos de pénétrant, il discerne les origines communes et les parentés
estimarse en igual grado al hombre que al escritor ; la convic lointaines , il questionne les interlignes , les allures des carac
cion religiosa , el amor á la libertad legal y al bien publico , el tères ; il écoute ces « voix du papier » dont il parle avec un
respeto a la tradicion no reñido con el espiritu de mejora y sentiment si vrai et dont il est habile à interpréter les oracles ;
de prudente reforma, animan y avaloran todas las paginas de les pontuseaux , les filigranes, tous les éléments d'information
su obra ..... même les plus légers , acquièrent de l'importance par la vertu
y

M. Mila Fontanals .
de cette analyse éclairée , et prennent rang , comme pièces
indispensables , dans ce grand procès scientifique dont il
- 13 décembre 1863.
El Imparcial , de Saragosse .
poursuit l'instruction avec tant de persévérance et de bonheur.
..... Recomendamos , pues, á los buenos Aragoneses la lec Mais ces joies de collectionneur deviendraient des joies
tura de ese libro , que aunque escrito en idioma francés, puede égoïstes et laisseraient d'impardonnables regrets, si tant d'éru
debe considerarse , por la materia sobre que versa y por espi dition , tant de recherches patientes, tant de rapprochements
>

ritu de imparcialidad y justicia que en él domina, como una ingénieux et de conclusions inattendues ne devaient pas rece

ilustracion de nuestros anales, como una joya de nuostra his voir quelque jour une expression définitive . M. Desbarreaux
toria provincial..... Bernard a publié déjà ,nos lecteurs le savent , nombre de travaux
Pascual Savall y Dronda .
de détail fort recherchés sur diverses questions de bibliogra

phie. En commençant aujourd'hui, comme l'annonce la pre


mière partie de son Mémoire , une histoire d'ensemble de
l'imprimerie à Toulouse , il réunira bien des traits épars et
dégagera de ses précédentes études toutes les conclusions
L'Imprimerie à Toulouse au XV , XVIe et XVIIe siècle , par
importantes .
le Dr DESBARREAUX- BERNARD . (Mém . de la Société archéologique
du midi de la France , tome IX , 2e livraison .) Ce dut être une grande révolution , dans la vieille Univer
sité méridionale , que l'arrivée des premiers livres sortis de la
Par ce temps d'études faciles , où les vocations archéologi presse . Je retrouvais récemment, dans le livre des métiers de
ques s'improvisent comme bien d'autres , le rapprochement Toulouse , un écho affaibli mais encore intéressant de cette
de certains noms et de certains travaux offre quelquefois tout émotion . « Il y avoit pieca en ceste ville de Tholose , écri
l'attrait d'un spectacle inattendu ; mais si la curiosité peut vaient en 1478 les enlumineurs de manuscrits aux Capitouls ,
être aiguisée par ces sortes de surprises , à coup sûr la con nombre de docteurs et autres seigneurs qui faisoient escripre

fiance n'en est point accrue. Au contraire, l'esprit se trouve à livres scribentium manu , moyennant l'escripture desquels livres
l'aise et dans une excellente disposition à la foi, quand l'au les enlumineurs estoient entretenuz et passoient leur temps ;
torité de l'écrivain s'impose , pour ainsi dire , par une longue mais à présent , comme vous, mesdits seigneurs , en estes et
et complète expérience de son sujet. pouvez estre informez, plus ne se fait escripre de livres en
En abordant une publication bibliographique du Dr Desbar ceste ville de Tholose et és autres villes du royaume, si non
reaux-Bernard , quelque profane que l'on veuille s'avouer en au molle et par impresseure... » Quelques lignes plus loin ,
ces délicates matières , on s'attend d'avance à des résultats les malheurenx enlumineurs , frustrés de leur gagne- pain , se
sérieux et précis. On sait quelle merveilleuse préparation plaignent avec amertume des marchands de livres étrangers.
l'éminent bibliophile a donné à ses études en réunissant, à Ils accusent surtout « deux stationnaires qui sont en la très
grand peine , ce musée de livres rares dont il est si justement vénérable et saincte Université , relieurs de leur office , et ont
fier . Tous ceux qui ont eu l'heureux privilége de visiter cette charge de vendre et faire vendre toutes sortes de livres qui de
collection ont admiré la sûreté de goût, la tendresse minu hors pays sont amenés , comme d'Allemagne , Rome, Venise
38

Paris , Lyon et d'autres bonnes villes. » Les pauvres hères sont d'abord les ouvriers de Fust et Schoiffer, mais sous
implorent l'aide des Capitouls en leur déclarant que « chacun forme conjecturale ; puis, avec certitude , Jean Parix , Estévan
doit vivre de son office, » et, suivant l'esprit du temps, croient Clébat ou Cléblat, Henry Mayer et Jean de Guerlins.
trouver un remède à leur détresse en sollicitant des prohibi Le premier de ces imprimeurs doit à M. Desbarreaux- Ber
tions municipales , comme s'il eût été au pouvoir d'une magis nard d'être rentré en possession d'une partie de son auvre ,
trature quelconque, même de l'omnipotence capitulaire , d'ar dont on l'avait longtemps et très injustement dépouillé. Trop

rêter en son développement une aussi grave transformation . classique et trop ami de la périphrase , comme la plupart de
Quel dommage que ces bons enlumineurs qui ont désigné ses contemporains, l'auteur du Boetius avait signé un de ses
nominativement un des « stationnaires de l'Université (il livres par quelques hexamètres assez peu limpides , où son
s'appelait Guyot Brisson ) aient été aussi sobres de détails sur nom se trouvait enchevétré de la manière suivante :

les ouvriers qui, à Toulouse même, écrivaient des livres « au Nempe sub ingenia Teutonicus arte Joannes .
molle et par impresseure ! » La question des incunables dou
Les bibliographes , qui ont quelquefois des distractions
teux se trouverait alors tranchée d'un seul coup . Mais le
comme les épigraphistes , ne se demandèrent pas si Joannes
hasard n'a pas de ces libéralités envers les chercheurs. Ce Teutonicus et Joannes Parix de Almania étaient vraiment deux
n'est que lentement et pièce à pièce que l'histoire laisse déchi
personnalités distinctes , et inscrivirent bravement sous le
rer les feuilles sibyllines du passé .
nom de Jean Teutonicus quelques -uns des premiers livres
Pour pénétrer ces ténèbres , M.Desbarreaux- Bernard affec
imprimés à Toulouse. M. Desbarreaux - Bernard réussit à
tionne avec raison un procédé d'investigation dont il expose
démontrer que cette épithète littéraire, empruntée aux habi
et recommande les avantages dans son avant -propos . Guidé
tudes du beau langage , avait été maladroitement prise au
par son expérience , il s'étudie à former pour ainsi dire des
sérieux , et il restitue à Jean Parix la gloire d'avoir, l'un des
groupes géographiques d'imprimeurs , réunissant autour de
premiers , introduit l'imprimerie à Toulouse .
quelques types qui portent des signatures et des dates certai
Le nom du même imprimeur et celui d'Henri Mayer ont
nes, tous les livres que des analogies de caractères permettent
fourni à l'auteur l'occasion de rappeler , mais avec un surcroît
d'en rapprocher .
de preuves et d'arguments , l'ardente polémique antérieure
Par ce moyen , il réussit, comme il l'explique fort bien lui ment soutenue par lui relativement à la question des deux
même , à « suivre pas à pas les progrès de l'imprimerie dans Tolosa . Grâce à des recherches nouvelles , à des communica
les principales villes du royaume. Analysant ses livres en
tions venues d'Espagne et d'une grande importance dans le
leurs moindres détails, comme l'amateur de peinture fait d'un
débat, M. Desbarreaux-Bernard , qui a toujours été un cham
vieux tableau , il reconnaît chez chaque typographe « un faire
pion très fidèle et très courageux de Tolosa de Francia , a
tout particulier, ou mieux encore , si le mot ne paraît pas trop refoulé dans leurs derniers retranchements et contraint å
ambitieux, une manière qui leur était propre , » et il espère
demander merci les défenseurs trop longtemps obstinés de
ainsi , « sans grande difficulté , leur restituer cette part de
Tolosa de Guipuscoa . C'est un service dont nous souhaitons
leurs auvres qu'ils négligeaient si souvent de signer et de bien sincèrement que la cité de la Garonne comprenne le prix.
dater . »
L'espace nous manque pour signaler, ne fût- ce qu'en pas
Ce sera là , en effet, la véritable méthode qui fera peu à peu
sant, tout ce que renferme de petites découvertes inédites ,
disparailre des catalogues les généralités hypothétiques trop
d'aperçus ingénieux , la nouvelle publication de M. Desbar
fidèlement reproduites par les bibliographes .
reaux - Bernard . Ces travaux de détail se relisent toujours avec
D'après les conclusions de M. le Dr Desbarreaux -Bernard ,
plaisir et profit , mais ne s'analysent pas .
le premier livre connu imprimé à Toulouse daterait du mois
C'est un engagement de plus que le savant bibliophile vient
de juillet 1476 , deux ans avant la requête des enlumineurs ,
de prendre envers son public . S'il nous est permis de terminer
et déjà avant ce premier essor de production locale , le col
en exprimant un désir , nous engageons l'auteur , après avoir
portage de livres aurait suffi à détrôner subitement l'art anti
achevé le catalogue raisonné d'impressions toulousaines dont
que des calligraphes. Cette date étantadmise , Toulouse occu
il vient de publier la première partie , à dégager ensuite les
perait le cinquième rang parmi les villes de France qui ont
idées principales de son travail , à les réunir sous une forme
imprimé au xve siècle , villes qui se succèdent dans l'ordre moins austère et à constituer ainsi, comme lui seul est en état
suivant : Strasbourg, en 1465 (?) ; - Paris, en 1470 ; – Lyon ,
de le faire , l'histoire définitive de l'imprimerie à Toulouse .
en 1473 ; Angers , en 1476 .
ERNEST ROSCHACH .
Les typographes dont l'auteur retrouve et décrit les ceuvres
comme imprimées à Toulouse , dans le courant du xve siècle ,
39

Les Douanes et les Octrois chez les Romains , par M.Gustave moyenne, sous l'influence des guerres éternelles et surtout de
HUMBERT , ancien sous- préfet , secrétaire perpétuel de l'Académie la substitution du travail servile à celui des colons et des
de Législation , professeur à la Faculté de Droit. — Toulouse .
pelils propriétaires. L'abus des lois frumentaires , distribuant
Il y a des ouvrages dont l'analyse est singulièrement diff du blé à prix réduit ou même gratuitement aux trois centmille

eile ; lorsque l'auteur a condensé lui-même en quelques pages, prolétaires de Rome, activa la ruine de l'agriculture italienne,

sur une matière importante , le fruit de ses immenses lectures en donnant aux dépens du producteur une prime corruptrice

et de ses savanles investigations , il faut être bien téméraire à l'oisiveté de cette tourbe d'affranchis.

pour oser donner une idée forcément incomplète de son @ u Chez les anciens, le droit de participer au vote de l'impôt,
vre consciencieuse . Mais je m'adresse, et c'est ce qui me ras celle prérogalive aujourd'hui regardée comme caractéristique
sure, à des lecteurs archéologues qui, mieux que d'autres, d'un peuple libre, n'avait jamais été revendiquée par les ci
ont conservé celle habitude, des hommes d'autrefois, de con toyens. Mais il ne faut pas oublier que les Romains étaientap
sidérer un compte- rendu comme une simple indication biblio pelés à voler la déclaration d'une guerre, et les frais de guerre

graphique, comme un appel, une invitation pressante à lire étaient à peu près la seule dépense importante qui forçal
un bon livre . l'Etat de recourir au tributum ex censu .

Après avoir indiqué sommairement à quel point l'histoire L'impôt des douanes ne reparut qu'à une époque déjà avan
financière de Rome mérite d'attirer l'attention des juriscon cée de la République . Il fonctionnait, à Ostie , longtemps avant
sultes, des historiens et des économistes, M. Humbert passe l'année 555 de Rome, année où , d'après Tite -Live, les péages

en revue les différents auteurs qui, à l'aide des documents de Capoue, de Pouzzoles et du port de Castro furent affermés
imparfaits que nous a laissés l'antiquité, ont pu retrouver les par les censeurs. Quant aux villes municipales , elles gardèrent
principaux linéaments de cette histoire , sur laquelle il reste à sans doute des ressources particulières et des portoria pour,
faire, en France, une vaste synthèse . leurs dépenses communales. L'impôt des douanes, environ
M. Humbert « a voulu seulement offrir , dans un ordre par deux siècles après son rétablissement, fut supprimédans toute
ticulier, une esquisse de l'état actuel de la science sur un l'étendue de l'Italie , en 693 de Rome. Mais César , après avoir
point de détail, c'est-à - dire sur les douanes chez les Ro vidé le trésor pour récompenser ses partisans, fut obligé de
mains. ) le remettre en vigueur, à la frontière, sur les marchandises
L'expression portorium (de Portus) désignait principale étrangères. Les mêmes causes forcèrent les seconds triumvirs
ment tout ce que nous appelons les douanes et l'octroi. Les à réorganiser complétement les portoria .
portoria , nommés aussi vectigalia , étaient de véritables impôts Sauf quelques civitates federatæ ou même libere , ou liberi
indirecls (terrestres et maritimes), perçus à l'aide d'un tarif populi, qui conserverent le droit d'établir des douanes à leurs
el sans rôle nominatif , dont le recouvrement était confié, par frontières, les provinces, prædium populi romani, subissaient
voie d'adjudication , à des fermiers généraux , publicani. le régime fiscal des pays conquis, aggravé même au profit de
Dans l'époque ancienne du Droit romain , la taxe sur les l'ærarium . La plupart des marchandises de quelque valeur ,
besliaux envoyés aux pâturages publics forma, sous les rois, la destinées à la vente, res venales, élaient soumises au portorium
principale ressource du trésor ; le mot pascua désignait même dansles provinces romaines.
toute espèce de revenus publics. L'impôt des douanes porté sur les Tabulæ censoriæ élait
Après l'expulsion des rois, le Sénat abolil celle taxe odieuse adjugé publiquement aux enchères ; on nommait societas pu
au peuple , tous les portoria, nelaissant même peser , croit- on , blicanorum ou vectigalis, la société de spéculateurs qui prenait
l'impôt direct que sur les citoyens en élat de le porter . Plus à ferme le recouvrement des impôls . Elle formaitune personne
lard , il fut nécessaire de rouvrir celte source de recelles. morale , universitas, autorisée par l'Etat. Elle se continuait de
Pendant la République , les portoria étaient des taxes paya droit, malgré la mort d'un des commanditaires, entre les
bles à l'entrée ou à la sortie de certains ports, perçues en survivants .

argent d'après un tarif , fixé par les consuls jadis, puis par les Quant à l'octroi proprement dit, il était inconnu à Rome,
censeurs et approuvé par le Sénat, et, à l'occasion de cer dont les dépenses municipales se confondaient pendant la Ré
tains faits de circulalion des marchandises, ils n'étaient orga publique avec celles de l'Etat. Quelques villes le possédaient
nisés qu'en vue d'un but purement fiscal. La politique protec certainement, et le plus souvent alors les Romains et les alliés
tioniste n'apparaît pas dans le budget quinquennal tracé du nom Latin étaient exempts de péages sur terre et sur mer .
par les censeurs. Sous l'empire romain , le système des douanes , mieux orga
Quand l'agriculture italienne a succombé , dès le vie siècle nisé , dut venir puissamment en aide aux empereurs , dont le
de Rome, cette déchéance a suivi la destruclion de la classe trésor était épuisé par des charges sans cesse croissantes.
- 40

L'impôt paraît avoir frappé à l'entrée ou à la sortie des ports préserver l'empire de la décadence. Elle se produisit surtout
et des villes de commerce, à la frontière de l'empire, toutes au bas empire, « tant il est vrai que l'abaissement des forces
les res venales. La généralité même de cette règle et l'unité du morales, l'oubli des verlus d'un peuple libre, joint au mépris
tarif prouvent que les financiers romains ne se proposaient du travail et à la soif des jouissances purement matérielles,
nullement de favoriser l'industrie ou le commerce romain , amènent invariablement la déperdition de la richesse et l'anéan
chose d'ailleurs à peu près impossible ou bien inutile. Le Sé tissement d'une nation . )

nat, c'est-à -dire l'empereur, qui le dirigeait à son gré, déter Le Porlorium continua jusqu'au bas empire d'être soumis
minait le tarif ; Auguste, croit-on , l'éleva au huitième de la au système des adjudications à des publicani, tous les cinq ans
valeur vénale des marchandises, el ce taux se conserva jusqu'à d'abord et plus tard tous les trois ans. M.Humbert entre icidans
Justinien . A ce sujet, M. Humbert s'attache à distinguer le des détails les plus intéressants sur les adjudications, les so
portorium d'autres vectigalia analogues afin de dégager parfai ciétés de publicains, le mode de perception , et enfin les con
tement des textes et des monuments la preuve que le taux traventions aux lois censoriales ou douanières . Le défaut de
moyen des droits de douane était bien celui- là . déclaration des marchandises sujelles aux droits, fût-il dû à
En 811, Néron , pour contenter la masse des consommateurs l'ignorance du débiteur, constituait la contravention , commis
et spécialement la plèbe de sa capitale, proposa au Sénat de sum . Le placement sur un navire demarchandises prohibées ,
supprimer tous les impôls indirects . Le Sénat loua sa généro la fabrication d'objets sujets à un monopole , la vente à l'en

sité, mais lui fit remarquer que c'était marcher vers la sup nenmi de pierres à aiguiser , de fer, de blé ou de sel, entrai

pression des ressources indispensables à la puissance de l'em naient le commissum . L'action était prescrite au bout de cinq
pire. L'empereur rendit alors un édit qui, par de sages mesures , ans ; mais la demande formée dans ce délai empêchait la dé
réprimait surtout l'avidité des publicains. En même temps, chéance. Il ne faut pas confondre les actions accordées par
pour favoriser le négoce libre des blés, il fut décidé que les l’édit contre les publicains et les poursuites dirigées contre les
navires des marchands ne seraient point assujettis au tribulum fraudeurs en vertu de la lex censoria ; les premières paraissent
ex censu . Supprimés un instant par Pertinax , les vectigalia re avoir été régies par le droit commun. Les réclamations pour
parurent bientôt, et Marcien , qui vivait au temps de Caracalla commissum étaient régies par le droit administratif. Il est dif
et d'Alexandre Sévère, est l'auteur d'un traité spécial sur les ficile de savoir quel était le tribunal compétent pour staluer

dénonciations faites au fisc et contenant un extrait fort pré sur les contraventions dans les premiers temps de l'empire.
cieux des leges censoriæ , inséré par Tribonien au Digeste . Enfin Sous l'empereur Claude, les procès élevés en province relati
on a pu reconnaître que certains objets étaient exempts de vement à des res fisci furent attribués aux procuratores Cæsaris

droits, ou prohibés, ou qu'ils étaient l'objet de monopoles . ou rationales de la province par un sénatus-consulle. Pour les
Lorsque l'Italie entière eut conquis la civitas romana, Rome procés nés à Rome, Néron institua un préteur spécial.
cessant d'être une nation , devintla capitale du monde romain Enfin , il appartenait à l'empereur seul d'accorder des remi
elle eut alors un trésor distinct de l'ærarium et du fiscus , et ses soit des peines, soit des droits exigibles .
les produits d'un droit d'octroi sur certaines marchandises L'excès du despotisme et les invasions du bas empire mirent
furent une des ressources principales de celte caisse . fin à l'ère brillante de prospérité matérielle en détruisant la
Plusieurs cités de l'empire continuèrent aussi à posséder sécurité et la liberté de transaction . De plus , les entraves des

des octrois votés par décrets des curies, sauf approbation monopoles et des prohibitions mettaient obstacle à la forma
spéciale de l'empereur, sur le rapport du président de la pro tion et à la libre circulation des produits de toute nature , et
vince. Sous Théodose et Valentinien , le tiers des vectigalia pu par conséquent aux perceptions douanières, et l'impôl des
blica fut même réservé pour les besoins de la cité qui les fai douanes demeura comme un vestige gênant de l'ancienne pros

sait percevoir . Le fisc impérial gardait encore, on le voit, la périté commerciale, détruite , comme toute autre source de pros
part du lion . Mais en écrasant les curiales sous le poids de périté, par les détestables institutions de l'empire, suivant les
leur responsabilité solidaire de l'impôt, et surtout en détrui justes expressions de M. Baudi de Vesme.
sant l'autonomie municipale pour y substituer une centralisa < Si, ajoute M. Humbert en terminant, si la plus haute et
tion exagérée , le bas empire avait détruit la vie dans l'unité » la plus incontestable mission du pouvoir social consiste à
constitutive de l'Etat romain tout entier . » maintenir la justice, en assurant à chacun le libre dévelop
Cependant, durant les trois premiers siècles , l'empire, en > pement de ses facultés et le respect de sa propriété , l'Etat
dépit du tarif du Portorium avait joui d'une remarquable » qui manque à ce devoir primordial subit les conséquences
prospérité commerciale.Mais ces ressources immenses ne pu > fatalement attachées à l'oubli de sa fonction providentielle.
rent sauver les finances , et la prospérité du commerce ne put » Il est condamné à voir s'éleindre misérablement la vie et la
» richesse au sein des peuples , et avec elles les ressour Mais ce n'est pas d'aujourd'hui que l'histoire donne à tous
ces indispensables à l'existence même du gouvernement ; d'irréſutables leçons et que personne n'en profite !
> en semant la tyrannie , il a recueilli la ruine. ) EMILE CARTAILHAC ,

ERRATUM . Page 34 , au lieu de : Pierre de Guillem , lisez : Guillem VIII.

NOTE SUR LA DESTINATION USUELLE DE CERTAINS MONUMENTS DE LA HAUTE -LOIRE

(MESURES TOURNANTES ? )

En divers lieux de l'ancien Velay il existe despierres taillées tère plus marqué et qui est plus ornée que les deux autres,
dont la destination ancienne est encore une énigme pour l'ar ayant néanmoins avec elles une parfaite analogie : la forme de
chéologie locale... La première que j'ai vue gil parmi des frag ces monuments est celle d'une croix dont les croisillons sont
ments antiques et les débris plus récents épars sur le plateau égaux entre eux et dont les quatre extrémités sont creusées
fortifié constituantle château de Polignac. Façonnée en forme et polies avec beaucoup de soin , comme de petites écuelles.
de croix (voir le n ° 2 de la pl.) à branches égales, elle me Les croisillons en sont taillés octogonalement. Les vases creu
parut n'être qu'une sorte de clef de voûte, et j'attribuai les sés dans la partie supérieure de ces croisillons ont des becs
cavités pratiquées à l'extrémité de chacun des bras à quelque bien déterminés qui se correspondent, dans le même sens,
appropriation domestique d'une pierre hors d'emploi. d'un vase à l'autre ; au centre de la pierre, des deux côtés, se
Mais un monument analogue est conservé dans les collec trouve un pivot qui servait sans doute å la tenir suspendue el
tions du beau musée de la ville du Puy . Cette circonstance à lui donner un mouvementde rotation , ce qu'annoncent les
attira mon altention ; et je dus consulter l'érudit dont le zèle becs des vases pratiqués de manière à verser du même côté
a déjà résolu tant de problèmes de l'archéologie vellave : une liqueur quelconque . Son ornement consiste en huit pom
M. Aymart n'avait pas encore eu l'occasion de s'occuper de mes de pin détachées et supportées par des verges ou baguet
celui-là ; il voulutbien m'indiquer le seul auteur qui ait jusqu'à tes, dont quatre de chaque côté, et ces bagueltes partent d'un
présent signalé ces pierres inconnues , c'est Mangon de La cercle formant le centre , au milieu duquel est le tourillon
Lande. en fer .
Dans ses Essais historiques sur les antiquités du département » La hauteur de la pierre est de seize pouces .Son épaisseur,
de la Haute - Loire (Saint- Quentin , 1826 , page 162), se trouve d'un centre à l'autre, est de douze pouces et demi. Le dia
le passage suivant : mètre de l'ouverture des vases est de sept pouces et demi.
« Longtemps j'ai hésité à donner une idée de trois monu Leur profondeur a quatre pouces et plus .
ments singuliers. Semblables l'un à l'aulre , à très peu de » Je n'ai décrit ce monument que dans l'espoir qu'on
chose près , ils paraissent avoir été destinés à un même usage . pourra un jour en déterminer la primitive destination ... )
Le travail en est beau et porte le cachet antique. Leur La pierre ainsi décrite par Mangon de La Lande est celle
conservation est entière, mais je n'ai pas deviné à quoi qui figure aujourd'hui au musée du Puy (pl. n ° 3 ). Celle qu'il
ils ont pu servir ; d'autres n'ont pas été plus heureux que a vue à Polignac s'y trouve encore (no 2). Les neiges ne
moi. Chacun de ces monuments est d'un seul bloc et travaillé m'ont pas permis de visiter celle de Saint- Paulien ; mais, sur
de même sur les deux faces. Deux sont en grès blanc, et un l'indication de M. Aymart, j'en ai trouvé une au village de
troisième est en granit gris , à grain fin , micacé de noir . La Ceyssac (nº 1), el sur un renseignement fourni par M. Bau
première de ces pierres est à Saint- Paulien , gisante dans la douin , j'en ai pu étudier une quatrième tout près de la ville
cour deM.de Solilhac; la seconde est sur le plateau du rocher du Puy , au domaine du Petit-Versailles, appartenant à M. Ca
de Polignac , renversée par lerre à la porte de la ferme; la troi lemard de Lafayette (nº 4 )... Il en existe d'autres sur divers
sième est dans le jardin de M. Jules Bertrand , près la porte points du département de la Haute -Loire, si j'en crois les di
de Vienne , au Puy . res de plusieurs personnes consultées à ce sujet : elles n'ont
» Voici la description de cette dernière qui porle un carac jamais été l'objet d'un examen alientif, et je ne possède d'au
5
tres termes de comparaison que ceux que peuvent fournir les Mais la forme cubique de la pierre de Ceyssac prouve,
quatre pierres du Puy, de Polignac , de Ceyssac et du Petil l'inexactitude de telles hypothèses ... Elle oblige à constater
Versailles. Peul -être une opinion résultant d'observations fai seulement qu'en taillant ces pierres, on s'est inspiré surtout
tes sur ces quatre monuments sera - t-elle reconnue compléte de conditions d'équilibre et de mouvement régulier de ro
ment erronnée après l'examen d'un plus grand nombre ; je tation ...

devrai donc la formuler sous réserve d'erreur... Cette observation ne prouve pas cependant que ces cavités

Les tourillons puissants de deux de ces pierres et les traces n'aient pu servir de mortiers... Il existe de vrais mortiers de
qu'en offrent les deux autres sont un indice certain qu'elles pharmacie , en bronze et très lourds , munis de tourillons

étaient toutes posées de manière à pouvoir lourner sur ces qu'on utilisait comme poignées pour maneuvrer ces pesantes
tourillons comme sur un axe . Les petites rigoles ou les becs masses, et sur lesquels parfois on les faisait osciller. On me

pratiqués au bord de chacune des quatre coupes creusées signale , à Perpignan , de véritables mortiers de marbre mon

dans le bloc n'ont pu avoir d'autre utilité que de favoriser l'é tés sur des tourillons , comme les pierres à quatre cavités de

coulement d'un liquide ; on se rend aisément compte du jeu la Haute -Loire.

de ces sortes de machines , et l'on comprend combien il serait Certains détails, entre autres leur fond presque plat et leur

facile , en leur faisant décrire un quart de révolution , de faire peu de profondeur , me font hésiter à croire que celles- ci

écouler le liquide versé dans la cavité supérieure du croisillon aient eu une pareille destination et me portent à y voir des

amené dans la position verticale . mesures de capacité pour les liquides, peut- être aussi pour des

La disposition singulière que présentent ces pierres semble solides à l'état très divisé, tels que le blé et autres grains ( 1).
donc avoir eu pour but de faciliter, dans de certaines condi De prime abord , celle hypothèse semble inadmissible ,
altendu qu'il existe des différences très notables dans la capa
lions, l'écoulement d'une substance liquide.
Quelles conditions spéciales à remplir ont - elles pu motiver cilé des cavités pratiquées dans ces pierres, de quelque façon

une disposition pareille ? ... L'imagination s'égare volontiers en qu'on les compare entre elles.
Un tableau comparatif fera ressortir ces dissemblances.
d'étranges rêveries... Cette formede croix donnée à la pierre

1
de Polignac et à celle du musée , ces pommes de pin sculptées 2 3 4
sur cette dernière peuvent d'abord faire entrevoir une inten Capacité Capacité Capacité Capacité
Ceyssac. 5 litres 5 litres 2 litres 1/2 2 litres
tion mystique , et j'aurais volontiers reconnu en cesmonu Polignac 7 7 7 7 CC
ments des instruments de quelque culte où les pratiques du Le Puy.. 3 (C 3 3 3 C
Petit- Versailles . 7 3 6 3
druidisme se seraient combinées avec les rites du polythéisme
gallo -romain ... Mais si l'examen de ces chiffres fait connaitre des différence
Mais pourquoi les mêmes formes et les mêmes symboles ne
considérables, il permet de saisir certains rapports très im
se reproduiraient-ils pas sur chacun d'eux ?... portants dans la question .
Une tradition , la seule que j'aie pu recueillir, affirme que la
Les quatre cavités de la pierre de Polignac sont d'une capa
pierre de Polignac était destinée à servir de mortier pour
cité uniforme de sept litres : celle même capacité se retrouve
l'extraction du suc des herbes médicinales, et que chacune
très exactement dans l'une de celles de la pierre conservée
des cavités qu'elle offre était consacrée à la préparation d'un
au Petit- Versailles , et ce n'est point accidentellement que
élixir ou d'un vulnéraire spécial... Plusieurs habitants du l'ouvrier l’a obtenue ; il suffit de regarder la coupe , selon
pays croient à l'exactitude de cette tradition et voient autant
l'axe , de celle pierre pour reconnaitre , à la façon dont celle
de morliers quadruples dans chacune de ces pierres... Le cavité est creusée profondément, l'intention de lui donner
mouvement de rotation et les becs ou rigoles d'écoulement une capacité déterminée.
auraient eu pour but de permettre de décanter aisément les Il est à remarquer que la cavité 2 de cette pierre contient
sucs exprimés par le pilon ... Une telle destination pourrait , à exactement trois litres et demi, juste la moitié de la me
la rigueur, s'accorder avec le choix du type cruciforme et du sure 1 .
symbole de la pomme de pin , altribuls de Cybèle, qui a été En outre , la cavité 3 contient six litres, et la 4e trois seule
considérée parfois comme dispensatrice de la santé... On se ment, encore une moitié.
figurerail volontiers les adeptes des sciences occultes de l'an Or, cette capacité de trois litres est justement celle des
tiquité ou du moyen âge préparant les philtres magiques dans
ces mortiers dont les formes symboliques eussent, à leurs yeux ,
possédé une influence secrèle sur les résullals de leurs mani (1) Je ferai remarquer, incidemment, qu'on ne connait guère de mesures
pulations ... pour les liquides, en pierre...
- 43 –

FACES , PROFILS ET COUPES, AU DIXIÈME!, DES MESURES TOURNANTES DU VELAY.


44

quatre trous de la pierre conservée au musée du Puy , sauf ces rapports formels de capacités que par hasard ou inéme par
une très légère différence en moins pour l'un d'eux. tâtonnements , quoiqu'ils aient pu , au besoin , délerminer
Enfin , la pierre de Ceyssac a deux cavités de cinq litres cha l'exactitude rigoureuse de ces rapports par des relouches å
cune, une troisième de deux et demi, exactement la moitié , la courbe des parois et du fond des cavités.
et une quatrième de deux litres seulement, dont la capacité Cette exactitude de rapports et de combinaisons eût-elle
combinée avec celle de cinq litres, donne juste les sept litres été nécessaire s'il ne se fût agi que de creuser des mortiers ?
de la pierre de Polignac et de celle du Petit- Versailles. On n'en peut concevoir l'utilité qu'en attribuant à ces cavités
Peut-on admettre que de pareils rapports soient dûs au la destination toute spéciale de mesures .
hasard ? Evidemment non ... Ils pourraient, il est vrai, être le On objectera que dans ce cas il y aurait des identités par
résultat, pour ainsi dire géométrique, de l'emploipar l'ouvrier faites de capacités , sinon de dimensions , entre ces me
d'une mesure usuelle de longueur telle que le pied ou l'em sures...
pan et leurs multiples. Il est certain que des mortiers taillés L'étude de l'ancienne métrologie du Velay donnerait la so
sur des dimensions conformes à un étalon quelconque au lution immédiate du problème... J'ai évité de m'y livrer afin
raient nécessairement des analogies de capacité. Dans la de faire subir à ma théorie une épreuve concluante, celle du
question , d'après l'examen des dimensions des cavités, on ne résultat de recherches poursuivies par les érudils de la
saurait conclure à l'emploi d'une mesure de longueur ayant Haute -Loire.
dù établir des analogies de ce genre. La diversité des capacités de ces pierres, que je considère
Ici encore un tableau comparatif est nécessaire pour éla comme des mesures, ne peut aucunement être une objection .
blir les rapports de ces dimensions . On sait que, malgré la réforme tentée par Charlemagne, l'uni
formité des poids et mesures ne se maintint pas dans nos
Tableau des capacités et des dimensions des diverses cavités des
régions ; déjà, sous Charles-le- Chauve , chaque grand feuda
quatre pierres. (Les dimensions relevées en centimètres sont
taire y avait apporté des modifications plus ou moins considé
évaluées en pouces.)
rables. Ces altérations, résultat de causes peu connues, mais
Capacité Diamètre Profondeur
au nombre desquelles il faut compler la persistance du sys
5 litres. Om 240 ou 8 p . 1/2 environ Om 115
id . id . Om 120 4 p . env. tème gaulois parallèlement au système romain , se multipliè
1 Om 200 ou 7 pouces id . Om 113
2 1. 1/2 rent tellement que , de village à village , les mêmes mesures
2 litres . Om 195 ou 7 id . id . Om 086 3 p. »
changaient de nom et de valeur et se subdivisaient d'une
7 litres . Om 288 ou 10 pouces environ Om 133
4 1/2 » manière diferente . De plus, le nom restant le même, la valeur
2 { (Les ) cavités sont pareilles) .
3 litres. Om 195 ou 7 pouces environ Om 113 changeait selon la nalure des liquides ou des solides å
3 (Les 4 cavités sont pareilles , sauf une légère différence en p. » mesurer ...
moins pour une seule).
Dans le Toulousain , on faisait généralement usage , pour les
7 litres. Om 260 ou 9 pouces environ Om 197 7 p . env.
3 1. 1/2 (m 225 ou 8 id . id . Om 116 4 p . >> liquides, de mesures diverses nommées la velte , le péga, la
6 litres. Om 260 ou 9 id . id . Om 128 4 1/2 » pinte, le pot ou la juste.
3 id . Om 225 ou 8 id . id . Om 086 3 p.
La valeur de la velte variait entre ces chiffres extrêmes :
D'après ce tableau comparatif , il est aisé de reconnaitre : 6 litres 336 , – 7 1. 60 , – 71. 92 ; le péga , entre : 3 li
lº que les cavités de capacités pareilles n'ont été creusées ni tres 168, - 31. 782; la pinle, pot ou juste , entre : 1 li
sur un diamètre commun, ni sur une profondeur uniforme ; tre 526 , -21. 345 , - 41. 157.
20 que , de plus, les capacités égales à la moitié d'une autre La capacité du boisseau, employé pour le mesurage des
ne résultent pas de dimensions en rapports identiques de grains, variait en plus de trente endroits de 2 litres 192 à 3 1.,
proportions avec celles de cette capacité double et que ces - 41. 370 , - 51., - 6 1. 103, -- 71.947.
rapports varient pour chaque pierre. Ainsi la capacité de De plus , le boisseau usité pour l'avoine différait de celui
trois litres est, pour la pierre du musée du Puy, le produit dont on se servait pour les autres grains.
d'un diamètre de Om , 1955 (7 pouces), et d'une profondeur De celle diversité de chiffres pour le Toulousain , il semble
de 0m ,1130 (4 pouces), tandis que celle même capacité est rationnel de conclure à une diversité pareille pour le Velay.
donnée pour la pierre du Petit- Versailles par un diamètre de Par conséquent, la dissemblance des capacités des pierres
Om ,2250 (8 pouces), une profondeur de Om ,0860 (3 pouces). tournantes de ce pays ne prouve pas que celles- ci n'aient élé
N'est-il pas, toutefois, évident que les ouvriers qui les ont des instruments de mesurage .

taillées n'opéraient pas sans des données bien précises de Le rapport existant entre la valeur de ces mesures suppo
cubage ? Difficilement on pourrait admettre qu'ils n'ont trouvé sées et celle de la velte , du péga, du boisseau et autres mesu
- 45

res employées dans le sud du Languedoc est une preuve à La disposition que présentaient ces mesures me parait ins
l'appui d'une telle destination . pirée par un motif de manæuvre facile ; le mouvement de
Une autre preuve me semble fournie par cetle particularité rotation qu'on pouvait leur imprimer facilitait et abrégeait
que, sur la pierre du Petit- Versailles , les rigoles ménagées l'opération du mesurage. Les anses de la pierre du Petit- Ver
pour l'écoulement se correspondent deux à deux, de façon sailles en rendaient l'usage plus commode encore ; les pom
que la mesure de 7 litres est reliée à celle de 3 1. 1/2 , celle mes de pin de celle du musée du Puy offraient le même avan

;
de 6 litres à la mesure de 3 litres. Or, la valeur de 7 litres se tage par leur forle saillie ; peut- être aussi élaienl-elles une
retrouve à Polignac , celle de 3 au Puy, en sorte qu'il sem indication de la nature du liquide auquel elle était destinée
ble que la pierre du Pelit-Versailles réunit les deux mesures et qui eût été le vin , les branches et les pommes du. pin ser
de Polignac et du Puy, autrefois les deux centres administra vaient d'enseigne aux débits de ce liquide ... La pierre de
de la région , si toutefois celle dualité n'indique pas plutôt Polignac offre de petites saillies, sorte d'ornement très fruste,
une double destination relative aux substances à mesurer ( 1). qui n'avait peut-être d'autre utilité que de relenir un lien
au moyen duquel on manœuvrail aisément celle masse sans
plonger la main dans le creux une fois rempli, à moins qu'elles
(1) La capacité de chacune des cavités de la pierre de Polignac
n'indiquent une mesure destinée au grain , à l'avoine spéciale
est égale à 7 litres...; prises deux à deux , elles donnent 14. Leur total
est 28 , soit le résultat d'un tour complet ou 4 X 4. Deux révolutions ment ; la petite rigole ou goullière des autres pierres n'est
produiraient 56, et 112 serait le produit de quatre tours, soit encore guère apparente sur celle - ci...
1 X 4. La non uniformité des dimensions linéaires de ces mesures
Or, chacun de ces totaux se trouve correspondre à des mesures que est un résultat nécessaire de leur valeur de capacité , et peut
la métrologie de notre région désignait sous des noms divers ; c'é
être en est- elle précisément la cause .
taient, pour les liquides :
Un pega eny . 3 lit. Les mesures linéraires anciennes n'étaient pas uniformes ;
Une velte 2 pegas » la valeur de la toise , de la canne et de leurs multiples , le
Un barral - 4 veltes ou 8 pegas 28 »
pied , l’empan , le pouce n'était pas la même dans les diverses
Un double barral ou pipot = 8 veltes ou 16 pegas - » 56 »
)) 112 » régions du Languedoc.
Une charge = 16 veltes ou 32 pégas
Pour les solides : A plusieurs reprises , les dimensions linéaires des mesures
Un boisseau = 2 demi-boisseaux eny . 3 lit. de capacité furent réglementées ; j'en trouve un exemple dans
Unemesure = 4 boisseaux
une sentence rendue par le prévol des marchands de Paris,
Une pugnère = 2 mes. ou 8 boisseaux > 28 »
fixant les dimensions du boisseau et de ses divisions... Je ne
Un demi-setier = 2 pug. ou '16 boiss . 56 »
Un setier ou sac 4 pug . ou 32 boiss . » 112 » connais pas de document analogue pour nos régions, mais il
(On ne doit pas oublier que la valeur de ces mesures variait beau est évident qu'une pareille réglementation devait exister , et
coup, selon les localités ). l'on conçoit que selon la valeur donnée à la mesure linéaire
Le résultat d'une révolution de la pierre de Polignac aurait corres
adoptée pour la confection des mesures de capacité , la valeur
pondu à un barral ou à une mesure, unités d'un usage habituel en
core aujourd'hui; quatre révolutions auraient donné la charge ou le de celles- ci variait beaucoup , malgré une uniformité nominale
setier. tout apparente (1) ...
Le total des capacités de la pierre de Ceyssac est de 14 1. 112 , de
celle du Puy, 12 l., de celle du Petit-Versailles, 19 1.112 . La solution proposée dans ces pages subira le contrôle des
Ces diflérences peuvent s'expliquer, dans le sens de mon hypo
érudits de la Haute -Loire ; c'est à eux qu'il appartient d'élu
thèse, par des particularités dans les pratiques du mesurage, et par
des diversités de destination . L'analogue du total résultant d'un tour cider et de vider la question ; el ce soin revient de droit au
entier de la mesure conservée à Polignac, aurait pu être obtenu par savant M. Aymart, qui voudra bien , je l'espère, faire connaître
deux révolutions de celle du Puy , et, pour les deux autres, par des son opinion à nos lecteurs. Alors, seulement, leurs doutes se
modes de maneuvre que semblent indiquer le soin qu'a eu l'ouvrier ront résolus.
dedonner une forme prismatique et non exactement cubique à la B. D'USAN .
pierre de Ceyssac , et surtout par la manière dont sont tracées les ri
goles sur celle du Petit -Versailles.
Ainsi, par des combinaisons que l'on peut déduire de ces rapports (1) La valeur du pouce adopté pour les calculs donnés plus haut est celle
de proportions , un seul instrument de mesurage aurait donné les du pouce en usage dans le Toulousain , qui était la huitième partie de l'empan.
unités premières et les unités supérieures . Cette valeur est égale à Om 0281.
i
- 46 -

m
m
ET
-

BOUCLES TROUVÉES A GIBEL (Grandeur pature).


- 47 -

BOUCLES MÉROVINGIENNES (VISIGOTHIQUES ? )

TROUVÉES A GIBEL (HAUTE-GARONNE).

Des travaux de cullore exécutés sur un champ du domaine L'équipement du guerrier barbare , tel que les hasards des
de M. le baron Du Périer , entre Monestrol et Gibel, au lieu fouilles nous le font connaitre chaque jour ,permet de constaler
de Loubier , ont amené la découverte du grain de collier et des que les envahisseurs de la Gaule avaient apporté avec eux un
quatre boucles que reproduit notre dessin . art et une industrie dont les produits présentent un cachel
Ce grain est en émail noir, incrusté de blanc. Les boucles qui les distingue essentiellement de ceux de l'art romain ,
sont fondues en bronze , élamées du côlé apparent ; avant. même dégénéré ...

l'élamage, les ornements en ont élé gravés en creux , au burin On a admis que l'art antique s'est tranformé, durant une

probablement, sauf le pointillé qui parait obtenu par percus période vaguement déterminée, sous des influences byzantines,
sion à l'aide d'une pointe légèrement arrondie, d'une sorte de ou direciement orientales. On a vu dans l'art roman une dégé

repoussoir . Ce pointillé forme comme un fonds mat, légère nérescence direcle des traditions grecques, italiques ou gallo

ment champlevé , sur lequel ressortent en bruni les parties italiques... C'est négliger un élément important, que de ne
lisses. Les trails et les points sont tantôt profonds et gras, pas rechercher en ces évolutions de l'art les traces du génie

lanlôt ils effleurent à peine le métal, selon une entente habile artistique particulier aux Franks, aux Burgondes, sux Goths,
de l'effet à produire . à ces races qui, tout en devenant elles-mêmes les subjuguées
Les bossettes ou têtes de clous, à peu près hémisphériques, des arts des vaincus, n'en důrent pas moins imposer aux ar
dont la forte saillie donne de l'accent au relief uniforme de tistes, aux ouvriers latins qu'elles employaient, quelque chose

cette ornementation , ont été fondues à part et rivées de leurs instincts et de leurs élémentaires traditions artisti
dans des trous ménagés exprès, au coulage ; elles ne ques, empruntées à des sources loinlaines...

constituent qu'un ornement ; c'est par des appendices fondus On peut dire avec vérité que , sous la domination des bar
avec les plaques des boucles et en faisant parlie, que celles-ci bares, les productions de l'architecture et de la sculpture ſu
étaient fixées au baudrier ou au ceinturon , dans le cuir ou le rent encore des œuvres latines ou grecques, exécutées selon
tissu desquels ils pénétraient. L'épaisseur des plaques est ren les traditions anciennes ... Ce n'est donc pas en ces cuvres que
forcée, en - dessous, de deux nervures longitudinales . Les di put se traduire neltement le goût des races conquérantes ; ce
mensions et surtout le défaut de courbure de deux de ces bou goût, ce sentiment qui leur était particulier , parait s'élre ma
cles , indiquent qu'elles n'ont pu servir qu'à fixer le baudrier niſesté avec plus d'indépendance et d'originalité en des pro
sur la poitrine ; les deux autres, plus petites, sont légèrement ductions plus en rapport avec leurs mæurs que les auvres
arquées, de façon à s'adapter à la place qu'occupe le ceinturon d'art proprement dites .
autour du corps. Elles n'ont pas eu la compréhension de l'art, à prendre ce
Il a élé recueilli, sur divers points, un assez grand nombre mol dans son acception élevée ... En tout ce qui est haule con
de ces objets et dans des circonstances assez significatives ception , élude, science, grand art, ces races ne pouvaient que
pour que la destination en soit bien connue . Quant à l'origine copier avec plus ou moins de bonheur , et l'invention créatrice

des boucles de Gibel, l'ornementation en est conçue dans leur était interdite par leur inexpérience, autant peul-êlre que
un goût assez tranché pour permellre de la déterminer par par leur inaptitude.
voie de comparaison . Mais , en tout ce qui est détail , patience d'exécution , goût
Un wil exercé y reconnaîtra les caractères d'une ornemen naturel, art à la façon du sauvage ou de l'enfant, elles pou
lation étrangère aux races latines, tout en y retrouvant une vaient donner carrière à leur fantaisie , et c'est en cela seule
analogie singulière avec certains motifs, que le hautmoyen ment qu'elles modifièrent profondément les données antiques ,
åge a prodigués , en divers pays et chez des races diverses , sur parce qu'elles purent les combiner avec celles qu'elles possé
des monuments variés. C'est la donnée propre à ce qu'on a daient déjà .

appelé l'artmérovingien . Les monuments de celle influence sont, au principe , rares ,


48

peu authentiques et peut- être d'une originalité trop enlravée mérovingiennes trouvées en différents lieux , surtout la cu
par des inspirations diverses, si on veut l'étudier dans les cen rieuse série retirée des sépultures de Charnay (Côte- d'Or), on
vres de la sculpture. reconnaît entre ces objets et les boucles de Gibel, des si
Mais, à vouloir surprendre la physionomie caractéristique et militudes de formes et de fabrication, qui ne vont pas cepen

franchement originale de l'art des barbares, on ne saurait la dant jusques à une ressemblance absolue ; dans leur ornemen
chercher en des documents plus complets, où elle s'accentue tation , on constale des dissemblances suffisantes pour n'y pas
plus nellement, qu'en ces cuvres qui étaient nécessairement voir l'ouvre des mêmes ouvriers artistes, quoique tous procè

le fondsde sa production , les armes el lous les accessoires du dent d'après des inspirations communes.
costume guerrier. L'ornementation des boucles mérovingiennes , de celles de
Avant de posséder ou d'employer des architectes et des Charnay spécialement , emprunte des motifs à la nature ani
scalpteurs, ces races nomades el adonnées à la guerre , avaient mée ; on y voit des palmelles, des rinceaux , des ébauches
des fondeurs, des ciseleurs , des ouvriers etdes artistes natio d'animaux, parfois la représentation de l'homme. D'autres
naux , qui épuisaient dans une fabrication spéciale leurs con fois, des formes géométriques, diversement agencées , y cons
naissances industrielles et leur compréhension instinctive de tiluent une décoration d'un grand goût, qui devient souvent
la forme. hachée , minutieusement patiente , mais conservant, du moinsà
Que leurs productions se soient ressenties d'enseignements Charnay , une allure où se trahit plus de caprice que dans celle
étrangers, que par l'importation d'abord, et plus tard directe des boucles de Gibel, dans lesquelles s'accentue une ap

ment, l'industrie des populations latines en ait modifié le ca plication plus voulue ,plus systématique de combinaisons géo
raclère, on ne saurait le contester... Il est même probable métriques moins tourmentées. Des deux parts , on retrouve ces

que, dès leur établissementdéfinitif sur le sol de l'empire , les entrelacs compliqués dont hérita le moyen âge. Mais, sur les
barbares ont eu largement recours à la fabrication locale, boucles de Gibel , s'accuse plus de simplicité savante ;

mais ils ont conservé leurs artisans nationaux, et l'industrie règle a joué un rôle dans l'exécution des fretlés : le tracé de
spéciale de ceux- ci est demeurée en honneur parmi eux ... Si, ces cercles concentriques et des fleurons qu'ils encadrent
longtemps encore, des mains latines ou grecques continuèrent révèle l'usage familier du compas et décèle peut-être des habi
à peu près seules à tenir le compas et le ciseau , des Barbares tudes de précision moins évidentes dans l'ornementation des
monuments de Charnay ... Ces habitudes, propres aux peuples
manièrent le marteau , le burin , les instruments de l'industrie
nationale dont ils continuèrentles traditions. Comme ces tra constructeurs, rappelleraient peut- être les aptitudes de la race
ditions constituaient l’art nalional des vainqueurs , elles du gothique, plutôt que celles des Franks .
rent être adoptées par lesdépositaires même de l'enseignement On sait que les Visigoths restaurèrent les monuments ro

artistique des ateliers latins ; ils les appliquèrent bientôt dans mains, et qu'ils en élevèrent eux -mêmes ... La croix , can

leurs euvres, en sorte que l'art ancien en reçnt celle modifi tonnée de quatre fleurons, d'une des boucles de Gibel, est

fication profonde , dont on a longtemps méconnu la véritable conforme à un type fréquent sur les productions visigothiques.

origine , faute peut- être d'en avoir étudié les véritables mo Ce serait peut- être un indice de plus , un motif d'allribuer à
numents... ces objets une telle origine , et d'y voir des spécimens de l'art
On les confond encore sous une attribution générale un peu visigothique, où sont mêlés des souvenirs d'un autre art, oves
vague ; par des comparaisons, on arrivera sans doute à cons torsades ; des symboles anciens, tels que le serpent scandi
taler des gradations , des nuances qui permettront de mieux nave ; des symboles nouveaux , tels que la croix et le poisson
préciser et d'établir dans la filiation de l'art du moyen âge la des chrétiens , et des inspirations qui se retrouveront bientôt

part exacle de ses divers éléments ... dans les cuvres sarrazines.

C'est ainsi qu'en étudiant un certain nombre de ces boucles B. DUSAN .


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CHANDELIER ÉMAILLÉ DU XIIL SIECLE , AUX ARMES D'ALPHONSE DE POITIERS

M.Baldairoux , marchand de curiosités à Toulouse , a ré Castille ; à ce titre, il pouvait unir les lis de France aux cha
cemment trouvé, parmi le vieux cuivre qu'un fondeur de clo teaux castillans. C'est doncà ce prince ou à sa femme que doit
ches allait jeter au creuset, un chandelier qu'il s'empressa être attribué le chandelier ainsi armorié , soit qu'il ait été des
d'acquérir ... tiné au service du palais comtal ou de quelque institution
C'est une épave qui rappelle la publique, soit qu'il ait été offert en
vieille autonomie méridionale ; sauf don à quelque établissement reli
quelques rares sceaux et peut -être gieux . Cette dernière supposition
quelques carreaux émaillés, iln'existe semble justifiée par la provenance
guère, dans nos régions, de manu de ce débris , si loutefois on peut
ment où le blason résumeaussi com avoir quelque confiance aux asser
plétement la dernière page de notre tions des pourvoyeurs habituels des
histoire particulière... fonderies...

Sur un pied triangulaire , d'où La présence de l'écusson aux ar


s'élance une tige en cuivre doré , mes de France et de Castille pourrait
ornée d'imbrications au trail et de indiquer pour date de ce petit meu
nauds très saillants , qui s'épanouis ble le momentoù Blanche prit pos

sait en un large fleuron formant bo session du comté de Toulouse et

bêche , trois écussons s'encadrent l'administra en l'absence de son fils ;


dans des enroulements de rinceaux mais il n'y faut voir qu'une néces
empruntés à une flore idéale . sité de symétrie imposée par la
L'un de ces blasons présente la forme triangulaire du support, motif
croix de Toulouse , avec ses douze qui, sans doule aussi, a obligé l'é
points , se détachant du fond de mailleur à faire deux écussons dis
guenles ; sur l'autre, trois fleurs de tincls des armes de Toulouse et de
lis d'or, posées 2 et 1 , chargent un celles de France. Il s'est d'ailleurs

champ d'azur ; le troisième est parti conformé à un usage dont les preu

de ces mêmes pièces et de deux châ ves sont positives .


teaux . Dans leur Histoire de Languedoc ,
Les fleurs royales et la croix de les Bénédictins ont reproduit deux
Toulouse , reproduites isolément à sceaux appartenant l'un à Jeanne de
côté de ce dernier écusson , permet Toulouse , l'autre à Alphonse de Poi
tent d'y reconnaître les armes de tiers. Sur le premier, Jeanne est re
France , parties de Castille...
présentée ayant, à dextre, un chå
Pour qui entend le langage em teau et une ſcur de lis , à senestre ,
blématique du blason , la réunion de un lis et un château ; une autre
ces armoiries équivaut à un nom et fleur de lis coupe la légende :
à une dale. La croix de nos comtes SIGILLUM . IOHANNE . COMITISSE ,
n'a été accolée aux armes royales PICTAVENSIS .

Hauteur 0- 35 c. Au contre - sceau > la croix


qu'en des circonstances bien con
nues ; ce fut lorsqu’un fils de France , de Toulouse et celle légende : s .
Alphonse de Poiliers, par suite de son mariage avec la fille de IOHANNE . COMITISSE . TOLOSANE .
Raymond VII, dernier comte de la maison de Toulouse , acquit Dans le champ de l'autre sceau , est l'image d'Alphonse ,
les possessions de celle dynastie... Il était fils de Blanche de l'épée haute, monté sur un cheval au caparaçon fleurdelisé ;
50
autour on lit : S. ALFONSVS... ES...OLOSE . Le contre -sceau ou bien si ce fut quelque autre ville, Limoges, par exemple...
n'offre qu'une croix de Toulouse. Des maîtres émailleurs ont-ils jamais exercé leur étal à
Le rapprochement de ces deux sceaux et des écussons du Toulouse ? au xire siècle du moins ? Faute de documents,
chandelier qui nous occupe suffirait à établir l'origine de cet celte question m'est insoluble ...
objet parce qu'il explique leur sens héraldique ... Il n'est guère probable qu’un centre intellectuel el artisti

Ce serait peut- être une erreur que de conclure toujours à que comme l'était alors la ville des comtes n'ait pas renfermé

une origine spéciale de la présence de certaines armoiries sur des ateliers d'émailleurs , alors que des villes moins impor

les produits de l'art industriel du moyen âge . Les fleurs de tantes, telles que le Puy, paraissent en avoir possédé .
lis , par exemple , comme la croix de Toulouse dans nos ré D'où que provienne notre pièce émaillée, l'ensemble n'en
gions, ont pu souvent entrer comme simples motifs d'orne manque pas d'élégance ; il reproduit un type qu'on a long

mentation dans des sujets habituellement répétés en fa temps imité, en fer, dans nos contrées... Le pied a été
a été
brique . fondu , puis ciselé el champlevé ; dans le creux

Ici, toutefois, l'inlenlion héraldique est trop nettement coulé un émail d’un bleu un peu froid qui forme le fond ge
accusée pour qu'il soit permis de douter de l'attribution néral... Quoique d'une valeur secondaire comme exécution ,

particulière de ce chandelier , et de n'y pas voir le résultat cet objet est assez intéressant comme document historique

d'une commande comtale faite à quelque émailleur. pour éveiller le regret de ne pas le voir figurer dans un mu

Je laisse à de plus habiles le soin de déterminer si l'indus sée de nos souverains.

trie toulousaine eut l'honneur et le profit de cette commande, B. DUSAN .

LA VÉNUS DE MARTRES

AU DIRECTEUR... , tous, et il était aimé, compris et vivant, parce qu'alors il était


simplement réel (ce qui est loin de vouloir dire réaliste ), el
Vous me faites l'honneur de me demander mon avis sur le surtout parce qu'il était libre .
beau marbre de notre Musée, connu sous le nom de Têle de Maintenant, l'art n'est plus le pain quotidien , la chose né
Vénus de Martres, et vous me chargez d'expliquer le peu cessaire : il est le superflu de ceux qui ne font connaissance
d'effet qu'a produit à Paris ce chef-d'ouvre, classé dans le avec lui, et ne se font présenter à lui que leur fortune faite .
catalogue de l'Exposition sous celte simple rubrique : Celtes Souvent, il n'est pas même un plaisir, la chose qui illumine et
Gallo -Romains, marbre et pierre, nº 905. Tête de Vénus les égaie , il est une enseigne, une décoration .
cheveux retenus par des bandelettes, marbre blanc. Trouvée à De là, l'antagonisme entre les Mécènes improvisés et les ar
Toulouse , Musée de Toulouse . tistes .
Je vais essayer de répondre à vos difficiles questions avec Mais ce que difficilement je cherche à m'expliquer, c'est la
franchise que donnent la bonne foi et la conviction , à dé dégradation du goût chez les hommes, qui font de la beauté
faut de science et de talent. Il reste évident que ces idées, tout la pensée , l'étude constante de leur vie , et pour lesquels la
à fait personnelles, ne peuvent engager que moi-même. correction et la pureté antiques sont la compensalion des
S'il est de nos jours une chose triste à constater, c'est la mièvreries chargées et des lourdeurs léchées de notre
profondedépravation du goût artistique dans le peuple . époque.
Je ne demande pas que toutes les sculptures, toutes les Qui donc prendra l'héritage de nos maitres, encore cbauds
statues que l'industrialisme est forcé de produire pour nos ri dans leur tombe, David et Pradier , Delacroix et Ingres ? Qui
ches économes, descendent du Parthénon ; pas plus que je représentera leur force ou leur grâce , leur pureté ou leur fié
n'espère que tous nos monuments , toutes nos constructions, vreuse vigueur ?
seront dirigées par des Ictinus ou des Callicrates. Ce serait Et la responsabilité , la faute entière de notre décadence
être par trop exigeant. Les temps sont changés. ne retombe -l-elle pas sur ceux qui prétendent seuls gouver
Jadis l’art, aimé de tous, compris par tous, vivait pour ner, diriger l'esprit, le goût public, et qui, n'ayant pas le

-
- 51

sentiment du style et de la vraie grandeur, se laissent si sou Les catalogues de 1828 et de 1835 donnent à celle lígure le
vent séduire par la richesse de mauvais goût, le luxe exor nom de Vénus. On en pourrait aussi bien faire une Diane. Il
bitant, les ornements ruineux et les embellissements in semble même que la beauté fière du visage et l'énergique dé
sensés ? veloppementdes muscles du cou justifient plutôl celle dernière
De là l'antagonisme entre les artistes et les gouvernants. attribution , el trahissent la chasle déesse , habiluée à courir
Les uns s'étonnent que l'art, qu'ils parquent dans la copie les bois et à respirer å pleins poumons les brises fortifiantes
de l'homme ou des modèles légués par l'antiquité, n'arrive des montagnes.

qu'à de pâles et incorrecles contre- épreuves ; lesautres, forcés Est-ce donc une tête de Vénus ou de Diane ? ne serait-ce
de vivre, suivent les mæurs et les tendances imposées à l'épo pas une Niobide ?
que ; ils s'indignent de ne pouvoir être ni individuels, ni na Que n’a-l-on pas écrit sur l'art grec, el de combien d'er
tionaux, et se sentent avilis de commandes faites aux plus renrs le public n'est- il pas nourri ' Que de discussions sur
palronės, sans que le talent soit estimé ni compris. Ils sont l'ordre et le rang à donner aux figures grecques ! Que de rai
révoltés du succès de ces travaux qui séduisent, par leur fu sons pour obtenir la première place à l'Apollon , au Torse , à
tilité et leur libertinage énervant, les nations dés @ uvrées . l'Illinus , au Thésée , au Laocoon , aux diverses Vénus, à la

Ils voient l'art amollir el corrompre. Est- ce là son but ? Minerve, à la Diane ! Chacune de ses figures eut ses ardents
Mais ils sont forcés de suivre le goût public, et ce goûl, défenseurs, et chacun des défenseurs, un public qui trouve
jugez -le par ces productions déshabillées et déshonnêtes, vé facile et commode de prendre les idées toutes failes.
rilable atteinte à la morale publique , que vous rencontrerez De ces débats surgissent quelques vérités.
parlont, aux théâtres et aux vitrines de nos marchands, dans En Grèce fut l'art vrai ; là étaient son génie et son instinct
la salle des Marbres etauxmurs de nos expositions. el ses règles exactes , sa nudité était sainte . Tout cela esl vrai
Ainsi vont à la dérive lous les instruments de civilisa el dil partout, mais partout aussi vous trouverez celle couse
tion . quence : « Toute æuvre grecque n'a nul besoin de titre ; du
Honneur à ces hommes dont je cilais les noms loul à premier coup -d'oeil, vous découvrirez l'idée du sujet, la pensée
l'heure, ambitieux de gloire , avides de rénovation , sachant que l'artiste a voulu représenter, traduire . »
qu'on ne refait jamais , et que reproduire le passé c'est re Quelquefois, ô littérateurs, votre imagination vous emporte
lourner à ce passé , alors que Dieu a dit l'homme « marche. ) trop loin .
Ils furent des révolutionnaires, ils travaillèrent au développe Pouvez-vous me dire si cet admirable type de la beauté fé
ment progressif obligatoire . Honneur à eux ! minine dans son entier développement, dans sa pleine effusion ,
L'art est stationnaire aujourd'hui ; je me trompe, il est que nous reconnaissons tous pour le chef- d'æuvre des chefs
flétri , avec privilége. d'auvre , la Vénus de Milo , est bien réellement une Vénus ? Ne
Ainsi s'expliquent pour moi et le mauvais petit coin trop pourrait-elle pas être une Victoire couronnant un guerrier ?
bas accordé à notre Vénus, et le petit nombre d'admirateurs ou peut- être encore une Parque ? Sous un certain jour , à un
choisis qui ont su la découvrir, et le style d'inventaire du ca certain aspect, vous trouverez un air implacable et impassible
talogue de l'immense bazar de 1867... dans la tête .
Arrivons à la lêle elle-même. Et l'Achille, cet autre chef -d'oeuvre indiscuté, si puissant

Le catalogne, si bien refait de notre Musée, nous apprend dans son élégance , si vrai , si correct idéalement, est-ce le

que ce beau marbre ful trouvé vers 1827 , à Martres- Tolosa Tro os oxus d'Homère ?

nes, par M. Dumège , savant qui fut notre ami, el auquel on Laissons cela , el acceptons la dénomination première :
doit pardonner quelques erreurs en faveur des nombreux ser « Vénus de Martres , » parlageant cet avis de Platon et de

vices qu'il a rendus aux arts et à l'archéologie dans notre Midi. Montaigne, que « nous n'apprenons à dispuler que pour con

Je copie : 52. Tête de déesse, marbre grec. tredire, et chacun contredisant et étant contredit, il en ad

Tête de grande nature , avec le cou el le haut de la poi vient que le fruit de dispuler, c'est perdre et anéantir la vé
trine; lésion légère à l'extrémité du nez et à un sourcil. Les rité. »

cheveux , légèrement ondulés, sont retenus par une bande Acceplons aussi, el de grand cæur, celle appréciation de

lelle, et réunis en arrière par un naud très élégant. « Celle M. de Clarac. « Elle se rapproche des belles déesses d'Arles et
de Milo . C'est certainement une des plus belles qui exis
figure, antérieure comme style et comme ajustement à la
Vénus de Médicis, se rapproche des belles déesses d'Arles et tent. »
de Milo . C'est certainement une des plus belles qui existent. ) Quelles sont donc ces belles têtes ? Prenons nous-même le

Clarac , Mus. 11, 1re partie, p . 588. style d'inventaire et cilons de souvenir .
52 -

La Vénus de Milo , la Vénus marine, que d'autres nom venu de nos jours que la statuaire avait atteint son apogée
ment la Psyché, la Junon au diadème, la Diane de avec le siècle de Périclès ;. si nous savons, d'autre part, que
Gabies, - l'Ariane, - la Diane à la biche. Praxilèle sut apporter quelque grâce plus raffinée , quelque

C'est tout, je crois ; je veux excepter deux téles trop peu chose de plus délicat et de plus séduisant dans les têtes de
connues des collections anglaises, un bronze du Musée de femme; qu'il fut le premier qui sut rendre avec délicatesse
Madrid . les doux sentiments de l'âme, inconnus à l'ampleur de Phidias
La Vénus de Martres esl-elle inférieure à ces autres têtes ? et de Polyclele -le -Grand , ne nous est-il pas permis, peut- elre ,
Disons-le hautement, non . Elle est autre chose , c'est la d'altribuer notre Vénus à ce maître de la finesse et de la

beauté plus naïve et vue de plus près ; elle a peut-être moins grâce ?

de grandeur, elle a certainement plus de grâce. Ici je pourrais faire de l'érudition facile, et citer longue
Regardez-là : elle vous laisse cette impérissable et indéfinis ment l'opinion des prosateurs et des poètes sur les travaux de
sable impression que tout ami de l'art éprouve à la vue d'un Praxitele .

chef-d'oeuvre . Eludiez : quelle exquise finesse , quelle suave Qu'ajouteraient à mon sentiment des extraits de Quintilien

distinction , quelle douce expression dans ces yeux , que trou ou de Maxime de Tyr , de Diodore de Sicile ou de Pline , ou
ble et noie l'amour le plus pur, dans ces grasses lèvres, dans l'avis de Cicéron sur les Praxitelia capita ?
ce noble front ! Et quelle puissance élégante dans le cou , Peut-être n'est- ce qu'une copie (la multiplicité des copies
quelle fermeté et quelle douceur dans ses attaches, quelle co de l'antiquité nous dit en quel honneur et quel respect étaient
quetterie dans la bandelette qui retient les ondes de ses che alors les travaux des maîtres ) faile par un de ses fils ou par
veux, quelle sérénité dans l'ensemble et quel inimitable mo quelque Ménodore .
delé ! Tout cela est purement conjectural. L'authenticité est diffi
Ce n'est pas l'épouse adultère, c'est la jeune Vénus rêveuse , cile à prouver, après deux mille ans, et sans autres données
c'est l'imitation précise , harmonieuse de la femme, chef que la connaissance très imparfaite du style d'une époque, et

d’æuvre sublime el simple, senti et d'un seul jet comme tout des qualités qui illustrèrent et ont rendu immortel l’aini de
chef- d'oeuvre . Phryné , vous me permettrez de laisser résoudre cette question
Nous le répétons, avec M. de Clarac, notre tête est l'égale par de plus compétents.
des sept ou huit admirables têtes que nous a léguées l'anti
Recevez , elc .
quité grecque .
Et j'hésite , en écrivant ces dernières lignes ; s'il reste con FERNAND PAGÈS.

CHRONIQUE

LE MUSÉE D'HISTOIRE NATURELLE DE TOULOUSE Plâtres et celui des Antiques, ont été visités par le Congrès. Si
le troisième ne l'a pas été, celle abstention n'a pour cause ni
notre paresse, ni notre insouciance ; elle est même légitimée
par une infinité de très bonnes raisons, dont la meilleure est
Lettre à M. Charles des Moulins
Sous-directeur de l'Institutdes provinces. que ce Musée n'existe pas, ou , pour mieux dire , que le noyau
de ses richesses futures est si bien emballé dans des caisses,
Vous êtes, Monsieur, de ceux qui ont eu plusieurs fois dans si bien relégué dans des greniers, si bien caché par des objets
leur vie à commettre une bonne action , en disant tout haut d'encombrement, qu'on ne savait où loger ailleurs, qu'il nous
leur façon de penser. Un de ces méfaits fut consommé par a été impossible d'en apercevoir une seule pièce. Impossible,
vous , à Toulouse, en 1853. L'occasion se présente de vous le je dis mal ; car il m'était revenu à Bordeaux, par la voie des
rappeler , veuillez me permettre d'en profiler . Voici ce qu'on journaux , l'an dernier, que M. le comte de Foucaud venait de

imprimait alors sous votre nom ..... donner au Musée d'Histoire naturelle de Toulouse (c'est là le

« Des trois Musées que doit offrir la ville de Toulouse à la mythe dont j'entretiens en ce moment mes lecteurs) de lui
curiosité des étrangers, deux seulement, celui des Tableaux et donner , dis-je , une énorme et magnifique tele de je ne sais
53 .

plus quel mammifère fossile , exhumée dans ses terres de pour l'un ou pour l'au !re des occupants de la salle. Le bric
l’Albigeois, - et que , faute d'un local disposé pour l'exhibi à -brac en doit déloger, si l'histoire naturelle y demeure, et
tion de pareils objels, on avait déposé la tèle sous un des es vice versâ . >

caliers du Capitole. Evidemment, nous eussions pu la voir, si En sa désinvolture, Monsieur, votre amusant rapport cons
nous avions osé nous faufiler dans toutes les parties de ce latait très exactement, et sans exagération aucune, on le re
vaste monument, alors pris d'assaut par les paveurs, plâtriers, connaît ici, un étal de choses regrettable .
serruriers, charpentiers,menuisiers, vitriers, peintres et do Celle sorte de procès-verbal fournit aujourd'hui un lerme
reurs, qui travaillaient si bruyamment à rafraîchir sa toilette . de comparaison très utile , car il permet de constater qu'une
Mais enfin , il faut l'avouer, nous ne pouvions pas voir le idée bonne peut encore faire son chemin en notre cité palla
Musée, et nous n'avons pas su voir la lète. Certes, si j'avais dienne, et aboutir à une mise à exécution .
prévu , avant le don de M. de Foucaud , quel triste sort de Oui, Monsieur, le Musée d'Histoire naturelle de la
meurerail réservé à son pauvre fossile , je le lui aurais demandé ville de Toulouse n'est plus un mythe ; il est installé dans un
pour le Musée de Bordeaux ,... où cet animal antédiluvien eut local qu'il ne partage plus avec le bric-à -brac ; il a déballé
été logé, en très bonne compagnie de gens de sa sorte, dans ses caisses , disposé ses vitrines , rangé ses trésors el ses pau
un local, sinon d'une vaste et somptueuse étendue , du moins vretés ; ce n'est plus une entreprise difficile ni périlleuse que
convenable, el régipar un conservateur spécial... de le visiler : depuis deux ans, le public y est admis, sans
» Cela dit, je veux consacrer encore quelques lignes au autre formalité que de se présenter à des jours fixes et à des
Musée d'Histoire naturelle de la ville de Toulouse . Il est juste , heures déterminées. Les hommes d'étude du pays , les pèle

ce me semble , qu'il exisle quelque part, ne fût-ce que dansles rins de la science , les curieux en voyage même sont certains

pages du présent volume, en allendant qu'il soit appelé à une d'y jouir , aux heures de silence et de solitude , de lous les pri

existence plus visible, plus palpable , dans la ville qui lui viléges indispensables à leurs travaux ou favorables à leur cu

donne son nom . Le Congrès scientifique de France a cru de riosité, et que, dans un intérêt de conservation , il est sage de

voir formuler un veu à ce sujet, pendant sa 19e session . refuser à la foule .

Le Musée d'Histoire naturelle de la ville de Toulouse , donc, Ils y trouvent, en la personne d'un conservateur aussi mo

est possesseur nomimal d'une salle appelée salle de Roque deste que savant (lant vautnommer M. Trulat) , un hôle dis

maurel, parce que le savant capitaine de vaisseau de ce nom a crètement hospitalier, et, au besoin , un guide d'une complai

rapporté de ses voyages, et donné à sa ville natale , une masse sante érudition .

d'objets précieux d'histoire naturelle qu'on a la bonne intention Du reste, une généreuse pensée a procuré ce mêmeavan

(pardon pour ce mot malheureux qui me poursuit toujours) tage au public des dimanches, pour lequel une visite au Musée
de loger dans ladite salle. M. de Roquemaurel a joint à son se transforme parfois ainsi en un cours instructif, grâce au

don principal beaucoup d'objets provenant de l'industrie des zèle du conservaleur ou de ses aides, qui, présents à ces en

peuples sauvages, el il va bientôt, dit-on , rapporter de la vahissements populaires, redressent avec bienveillance les er
Chine et du Japon de nouvelles marques de sa libéralité filiale reurs formulées par les visileurs.
à l'égard de Toulouse ; mais il ne s'agit, en ce momcnt, qua Celle façon intelligente de mettre à profit la curiosité des

de ce qui est, depuis un bon nombre d'années, arrivé dans masses pour les instruire, me semble une excellente démons

celle ville et encarrassé, comme disent les tonneliers borde tration de l'utilité des collections publiques, el un argument
lais , derrière sans réplique à l'adresse des positifs, dont le positivisme con
siste à loul entraver et à ne rien faire. Que ceux - ci le veuil
Un formidable amas de lances et d'épées
lent ou non , on peut constater que, depuis votre rapport au
Qui du sang pbilistin furent jadis trempées...
Congrès scientifique de 1853, il a été positivementfait ici, dans
» A dire vrai, je ne sais pas si ce sont précisément celles l'intérêt de la science non doublé de spéculation financière ,
dont parle Joad ; mais, d'après ce qui m'a été dit de ce pou une chose dont peut s'honorer notre ville auprès du monde de
dreux bric -à -brac de la salle de Roquemaurel (où il ne m'a l'intelligence.
pas été donné de pénétrer), je conclus que les Sociétés des Je ne sais pourquoi je m'imagine que par votre rapport
Fêtes de Charité de la France et les Kermesses de la Flandre vous n'avez pas été étranger à ce résultat... Je m'imagine
y trouveraient de quoi fournir leurs cavalcades en armes de aussi, dans mon égoïsme de clocher, que la tentation vous
tous les pays et de tous les temps de l'histoire moderne. Tout prendra quelque jour de venir visiter ce Musée dont vous affir
cela est assurément fort bon à conserver, et je ne voudrais mâles l'existence avec la foi la plus robuste et en dépit de
pas qu'on en laissat perdre un fétu : mais non est hic locus toutes les apparences : c'est bien le moins, d'ailleurs, que
54

vous vous intéressiez à ce que je prétends un peu votre au couloir étroit, éclairé d'en bas, et dont vous louchez le pla

vre, et j'espère que vous voudrez constater par vous-même fond en levant la main , c'est notre Galerie des cavern es !
s'il y a lieu , pour votre patriotisme bordelais, de s'alarmer Mais voilà que vous oubliez le piteux aspect du local et que
011 n0nl . le contenu des vitrines vous allire impérieusement... Osse
A tout hasard et comme renseignement provisoire, laissez ments d'espèces disparues, ossements humains, produits de la
moi vous adresser quelques notes destinées à éclairer votre plus élémentaire civilisation , trouvés pêle -mêle dans les caver
détermination : aussi bien en pourra- t-il résulter quelque nes et les monuments primiliſs, vous rencontrez là une réduc
bonne fortune pour nous. tion du Musée de Saint-Germain , vous y retrouvez ces curieux
. 2 silex, ces os , ces bois de renne travaillés , dont vous et M. de
Le local dans lequel vous eussiez pu , avec beaucoup de per Gourgues avez formé de si précieuses séries... Mais vos ri
sévérance, visiter la riche collection donnée par M. de Roque chesses proviennent surtout du Périgord ; ici, les pays étran
maurel, ce local, étroit et non susceptible d'agrandissement, a gers, la France entière ont envoyé des pièces importantes très
été abandonné aux collections du musée archéologique , et authentiques , les unes en nature, les autres reproduiles par
N. Roschach, obéissant à son zèle habituel, y a déjà installé d'habiles moulages... Les grolles des Pyrénées , des Cévennes,
des séries intéressantes et précieuses.
de la Montagne -Noire et quelques-uns de leurs dolmens el de
Les collections d'histoire naturelle ont élé judicieusement leurs lumuli ont livré des séries régionales précieuses ... Le
transportées dans les dépendances de l'Ecole de médecine , tout est classé avec méthode, avec soin et avec goût...
logée elle-même à côté du Jardin des plantes... Les bâtiments Si vous tenez à vous faire une idée précise des contempo
de l'Ecole sont ceux d'un ancien couvent dont le cloilre rec
rains de ces premiers produits de l'art industriel, voilà, entre
tangulaire offre des galeries surmontées de salles d'inégale autres, un magnifique squelette de grand ours des cavernes
grandeur . Ces salles constiluent les appartenances du Musée très complet et fort habilement monté par son heureux inven
d'histoire naturelle . L'une d'elles est consacrée à la zoologie,
leur M. Trulat. La présence de ce formidable pyrénéen et de
à la paléontologie et à la géologie ; j'oubliais la bolanique. ses compagnons molive en quelque sorte celle de séries ar
La seconde, dile Galerie des cavernes, renferne les produits chéologiques dans un Musée d'histoire naturelle ...
de l'industrie primitive, mêlés aux débris des espèces contem Cet ensemble n'est pas sans valeur, semblez -vous me dire ,
poraines de nos ancêtres inconnus .Les deux autres sont occu
et Bordeaux peut en être jaloux ... Gardez -nous le secret ; on
pées par des collections d'anatomie comparée utiles à l'ensei n'aurait qu'à vouloir être plus riche que nous là -bas !...
gnement de la médecine, ou par des ateliers de préparation Il serait oiseux maintenant de vous promener dans la salle
anatomique, de taxidermie, etc ... d'anatomie comparée ; en la traversant, je vous en ferai pour
Il serait trop long d'énumérer les richesses accumulées dans tant remarquer les vastes proportions et la sévère élégance
la salle principale, celle de la zoologie , etc. La collection des éclairée par une belle lumière... Quelque jour, m'a - t -on dit
roches et desminéraux y est des plus complèles ; un très riche
en grand mystère , elle deviendra la Galerie des cavernes :
berbier y représente le règne végétal ; les animaux inférieurs, quand l'Ecole de médecine sera logée à notre future Sorbonne
les mollusques surtout, y forment des séries remarquables ; les
toulousaine et aura abandonné la place au Musée d'histoire na
animaux supérieurs s'y trouvent en nombre suffisant pour l'é turelle , définitivement et largement installé en plein Jardin
tude de la science ... Enfin , le mammifère fossile donné par
des plantes agrandi.
M. de Foucaud y figure en assez nombreuse et assez belle Le créateur de ce Musée , celui du moins qui en a poursuivi
compagnie pour n'avoir pas trop à regretter celle où vous l'organisation avec le plus de constante sollicitude , M.le pro
l'auriez si volontiers admis à Bordeaux ... Là , il n'eut pas été , fesseur Filhol, est plus que jamais à même, par ses fonctions
non plus , beaucoup mieux installé... Je vous enlends recon de Maire de la ville, de compléter une telle quvre . C'est dans
nailre que notre salle est vaste, que les vitrines, les étagères celle intention qu'il songe, on le dit, à faire appel au concours
et tout le mobilier sont très bien disposés, les collections bien de plusieurs hommes dont le dévouement à la science, bien
tenues... Mais pourquoi, direz - vous, ce maussade plafond qui connu de tous, contribuerait à donner encore plus de valeur à
écrase tout, avec ses jours verticaux, étroits et profonds nos collections .
comme des soupiraux , laissant dans l'ombre les deux tiers de Décidément, vous le reconnaitrez sans doute , nolre Musée
la salle ?... d'histoire naturelle, que vous viles jadis à l'état embryonnaire,
La remarque ne laisse pas que de m'embarrasser ... Pour a pris une véritable imporlance .
éviter d'y répondre, je me hâle de vous introduire ailleurs... Le succès de celle création n'est-il pas, Monsieur , un sé
..... Il faut en faire l'aveu pénible ! Oui, monsieur , ce long rieux indice du réveil de cette Belle -au - Bois- Dormant qu'on
55

appelle Toulouse ? Si forcené Bordelais que vous puissiez être, Cependant les seurs de Psyché, inquièles sur sa destinée ,
vous vous en réjouirez cerlainement, vous, le spirituel fron allèrent sur le rocher où elle avait été exposée pour s'assurer
deur qui maintes fois avez aiguillonné la léthargie provinciale de ce qu'elle était devenue. Psyché ordonna à Zéphyre de les
et qui avez bien mérité de Toulouse en persiſant un peu son transporter dans son palais, dont les splendeurs excitèrent
incurie, ce dont vous remercierait volontiers, s'il avait qua leur jalousie. Elles persuadèrent à leur sæur que les plus
lité pour cela , grands malheurs la menaçaient, que son amant élait le mons
Votre serviteur très humble ,
tre prédit par l'oracle d'Apollon , et qu'elle devait l'égorger
B. DUSAN pendant son sommeil.
Les conseils perfides de ses seurs fermentèrent dans la tête
de Psyché. Une nuit que Cupidon sommeillait à ses côlés, elle
LA PSYCHÉ DE M. PROUHA
alluma furtivement sa lampe, etau lieu d'un monstre elle vit ,
resplendissant de toutes les grâces de l'adolescence , le bel
Esl- ce un platonicien ou un sectaleur des doctrines orphi
ques qui créa l'ingénieuse allégorie de Psyché, popularisée par Eros, qu’une goulle d'huile brûlante lombée de la lampe ré
Apulée, dans son Ane d'or, déjà si voltairien près de deux veilla et qui s'enfuil en courroux .

mille ans avant Voltaire ? Quelle que soit l'origine de cette Vénus, irritée contre Psyché de ce qu'elle avait eu la témérité

allégorie , c'est une des plus divines créations de ce bizarre d'enchaîner son fils, la persécuta jusqu'à sa mort. Jupiter, in
esprit humain , si tristementmêlé de bassesses terrestres et de dulgent pour les faiblesses amoureuses, lui rendit la vie et lui
accorda l'immortalité en l'unissant à Cupidon . La Voluplé na
grandeurs sidérales. Je ne sache, en effet, rien de plus élevé
dans les destinées de la vile humanité, que celle poétique quil de leur union .

idée de l'amour inspiré par la beauté physique unie à celle de La peinture, la poésie, la sculpture ont, à l'envi, reproduit

l'âme; rien de plus touchant que les funestes effets d'une cu celle légende.

riosité téméraire , emblème des inquiétudes du caur martyrisé Raphaël l'a reproduite en entier en trente- deux composi
tions, gravées par les élèves deMarc -Antoine Raimondi. Douze
par l'idéal ; rien de plus consolant que celle purification de
l'esprit par la souffrance, qui trempe les âmes et donne des de ces compositions resplen dissent dans les magnifiques fres

ailes à notre corps si fatalement prédisposé à ramper. ques de la Farnésine. Les autres décoraient une maison , au

Apulée raconte qu’un roi avait trois filles d'une grande jourd'hui détruite , du Borgo -Nuovo . Toutes les ardeurs de la

beauté et que Psyché, la plus jeune, était la plus belle . Les jeunesse et les grâces de l'adolescence y brillent comme une

deux ainées épousèrent deux rois . Quand à Psyché, malgré aurore. Les Dieux de l'Olympe y cueillent, à pleines mains, les

tous ses charmes, elle ne trouvail point d'époux. Chacun l'ad fleurs de la vie . J'y vois comme l'épithalame de ce divin pein

mirait, mais redoutait sa trop grande célébrité et craignait tre d'Urbin , qui nourut d'amour dans les bras de celle

d'allier son sort au sien . Son père alla consulter l'antique Fornarina, qu'il a immortalisée comme Psyché.

oracle d'Apollon , lui fit de nombreux sacrifices, et le supplia Molière , la victime psychique de la Béjart, a aussi chanté la
de donner un époux à sa fille . L'oracle répondit : légende dans la tragédie-ballet de Psyché, à laquelle collabo
rèrent Corneille et Quinault. La fantaisie y déploie ses ailes

Qu'avec les ornements d'un pompeux hyménée, d'or et brille comme une fleur d'azur sur le fond morose des
Psyché sur un rocher soit seule abandonnée ; @uvres amères de ce grand mélancolique.
Là , son époux l'attend. Ce n'est point un mortel,
Henri Heine, le poète ironique, crucifié par les inquiétudes
Mais un monstre terrible , impérieux, cruel,
modernes, a écrit sur Psyché ces vers charmants :
Qui , volant dans les airs, livre à toute la terre ,
Par le fer et la flamme une éternelle guerre ,
Une lampe dans sa main blanche
Etdont les coups puissants , craints du maître des Dieux, Tremblante, le feu dans le cœur,
Epouvantent la terre, et l'enfer et les cieux .
Psyché sur la couche se penche
Où repose un divin dormeur.
Conformément au x prescriplions de l'oracle , Psyché fut ex
Elle rougit, mais son œil s'ouvre
posée sur le sommet d'un rocher sauvage . C'est là que Zephyre, Sur ce beau corps qui l'éblouit.
par ordre de Cupidon , vint la prendre et la transporter dans Hélas ! le Dieu qu'elle découvre
S'éveille et furieux s'enfuit.
un palais féerique, où e lle était servie par des nymphes invisi
bles. Cupidon l’y visitait pendant l'obscurité et se retirait avant Dix -huit siècles de pénitence !
Car l'Amour n'est plus revenu .
l'aurore , pour éviter d'en être aperçu , lui recommandant de
Quel long jeûne et quelle souffrance
ne point souhaiter de le voir . Pour avoir vu l'Amour toutnu .
- 56

M. Prouba , un Toulousain , a voulu , à son tour, incarner par une saillie du rocher et couvert de cailloux roulants que
l'allégorie de Psyché dans le marbre et s'est, à mon avis, tiré la gelée détache chaque hiver du flanc de la montagne. A
6 ou 7 mètres de l'ouverture , l'avancement du rocher cesse
avec honneur de celle lentative périlleuse . Sa stalue, à la fois
élégante et robusle , nerveuse et svelte, procède évidemment tout à coup , et le sentier continue sur un mur bâti en grand
appareil . A l'extrémité du mur, le sentier se détourne et
de la Renaissance , dans l'intimité assidue de laquelle l'artiste
l'entrée de la grolle apparait brusquement derrière un pli du
paraît avoir vécu . En examinant altentivement celte stalue ,on rocher. Celle ouverture , taillée très -régulièrement en plein
est porté à croire que M. Prouha s'est moins inspiré de la sta cintre, a 1 mètre 60 cent . de hauleur, sur 0 mélre 80 cent.
luaire légèrement grêle du xv ° siècle el encore asservie aux de largeur. Elle estmunie de deux trous pour un arc-boutant
mystiques émaciations du moyen âge hiératique , que de la flo de bois ; cet arc- boulant se fermait de l'extérieur ; ceci parai
rissante peinture raphaëlesque, enivrée de toutes les exubé - trait étonnant, si l'on ne voyait dans celle grolle qu'une sim
rances de la sève païenne, qui reprenait possession de l'hu ple habitation d'ermite ; mais la chose est loute simple, si l'on
manité. admet qu'elle ait été primitivement un lieu de sépulture ,
comme semblent l'indiquer les petites niches pratiquées à
Unemorbidesse générale donne un charme inexprimable à
l'intérieur, et qui paraissent destinées à recevoir des urnes
la Psyché de M. Prouha . L'artiste a évidemment choisi l'ins
cinéraires . On voit, du reste, les traces d'un cadre de porte
tant où l'Amour s'étant envolé, Psyché éprouve l'élonnement
el des tiges de fer qui devaient le fixer. Un couloir, long de
naïf et le regret anxieux de voir s'évanouir la divine vision . 1 mêlre 30 cent., sépare l'ouverture du corps mème de la
La léle, très en silualion et en parfaite harmonie avec le grotte .
mouvement du corps , est coiffée avec un goût exquis . Celle pièce, longue de 8 mètres 70 cent., large de 3 mè
Je ne prétends pas que la statue soit un chef-d'auvre ; je tres 80 cent., et baule de 2 mètres 20 cent., offre seule quel
serais même enclin à trouver de la manière, de l'afféterie ques vagues indications sur la destination de celle grolle; la
voûle en est légèrement surbaissée . A l'extrémité de la salle
dans les extrémités, mais j'affirme, sans crainte d'être dé
opposée à la porte, dans l'angle que l'on a à droite en entrant,
menti , que c'est de la sculpture élégante, spirituelle et sin
se trouve un trou carré de 0 mètre 80 cent. dans tous les
cère .
sens, creusé dans le roc qui forme le sol de la grolle ; il est
Je constate mes impressions, en laissant à de plus autorisés assez difficile de reconnaitre à quel usage il étail destiné; les
le soin de développer les qualités techniques de l'auvre . J'es parois de la grolle sont, comme je l'ai déjà dit, percées de pe
saie seulement d'allirer sur elle l'altention du public toulou tiles niches carrées de 0 mètre 10 cent, dans tous les sens,

sain qui ne paraît pas assez empressé autour de ce mar disposées par étages, et qui donnent à celte excavation l'appa
;
bre, dû au ciscau d'un compatriote, et dont l'Empereur a eu rence d'un colombier ; celte grolle serait- elle un Columbarium
Transforméplus tard en ermitage ? Je laisse à plus savant que
l'heureuse inspiration d'enrichir notre Musée, si pauvre en
moi le soin de répondre .
sculplure moderne .
Lorsqu'on entre par l'ouverture que j'ai décrite on voit à
On a beaucoup de prétentions à Toulouse . Il me semble
gauche, vers le milieu de la salle , un couloir ayant à peu
qu'il serait bon d'en légitimer quelques- unes : celle du goût
près les mêmes dimensions que le premier, mais long de
des arts, par exemple, dont on se targue avec emphase.
6 mètres environ ; ce couloir forme un angle vers son milieu,
L. 2. DJ V. etcommunique avec une espèce de terrasse , presque à ciel
ouvert, et au dessous de laquelle le roc est coupé à pic : c'est
ce que l'on désigne , dans le pays, sous le nom de soulėlhé,
DESCRIPTION D'UNE GROTTE ARTIFICIELLE parce que, dit- on , l'ermite allait s'y réchauffer au soleil .
Située aux environs de Labruguière (Tarn ). J'ai vainement parcouru les environs de la grotte pour re
cueillir les traditions qui auraient pu s'y rallacher . Un des
Lorsqu'on remonte le Tauré, le long de sa rive droite , on plus vieux paysans que j'ai interrogés à ce sujet, me dit tenir
rencontre , entre Caucalière et Labruguière , une grotte creu de son père , qui lui-même le lenait du sien , qu'autrefois un
sée de main d'homme et qui porte , dans le pays, le nom de ermite était venu s'ensevelir dans ces solitudes , pour se livrer
Grotto d'al Cruzel ou de Grolle de l'Ermite . au jeûne et à la prière. De lå serait venu le nom de Grotte de
Celte excavation , pratiquée à environ 16 mètresau-dessus du l'Ermite , donné à celte excavation .
niveau de la rivière , dans un rocher blanchâtre coupé à pic , Quoi qu'il en soit,la Grotle de l'Ermite est un spécimen cu
semble, au premier abord , inaccessible.On peut cependant par rieux d'excavation artificielle, d'autant plus remarquable que
venir à l'entrée , grâce à un sentier étroit et périlleux , soutenu rien dans les environs ne peut lui être comparé.

ARTHUR BATUT.
- 57

ÉTUDES D'ARCHÉOLOGIE PRIMITIVE

1. Age de la pierre travaillée à grands éclats .

AU DIRECTEUR..., publier la série entière des objels , dont quelques-uns seule


ment ont été publiés icimême, que mes premières recherches

Les découvertes d'archéologie préhistorique qui se font mirent au jour, et qui furent comme la révélation de l'exis

autour de nous et chez nous vous ont suggéré l'idée de tence de l'homme primitif dans le sud -ouest de la France.

Je m'associe de grand cour à votre projet , et je me fais favoriser des études qui, d'abord mal accueillies , ont fini,
un vrai plaisir de meltre à votre disposition tout ce qui , dans après avoir attiré bien des esprits et des meilleurs, par s'em
ma collection , vous semblera devoir intéresser vos lecteurs et parer vivement de l'altenlion publique .
7
- 58

Nous aurons à commencer par les cailloux taillés à grands après les grandes pluies, aurait entraîné, avec les fragments
éclats, caractérisant le premier âge de la pierre , qui ouvre résistants des roches de la localité qu'il rencontrait sur son
lui-même les temps qui ont précédé l'âge historique. Cette passage , et délaissé à la place où nous les avons trouvés , des
aurore de la vie de l'humanité , dans notre vieille Europe , ossements entiers et brisés , et des cailloux offrant ces deux
n'est pas riche en documents, tant s'en faut : pour l'interpré dispositions . Ceux- ci , d'origine pyrénéenne, conséquemment
ter, nous n'avons guère que quelques débris de squelettes hu complètement étrangers au bassin de l'Infernel, sont communs
mains, trop rares encore pour en tirer des déductions anthro au bord de l'Ariége , qui coule non loin de là en contre-bas de
pologiques définitives ; des produits de l'industrie humaine , la terrasse qui supporte le dépôt.
de mieux en mieux connus, il est vrai, quant à leurs formes , Or, ces ossements apparliennent, les uns, à des animaux
mais dont les usages auxquels ils furent destinés laissent une éteints , et les autres à des espèces qui existent encore. Les
une large voie à l'interprétation ; enfin des ossements d'ani premiers sont le grand Chat des cavernes, l'Éléphant Mam
maux qui ont servi à reconstituer la faune de cette époque : mouth , le Rhinocéros à crinière , le grand Cerf ou Daim des
ceux-là fournissant les moyens d'assigner une date , mais une tourbières ; les seconds, le Bæuf et le Cheval, espèces que les
dale géologique seulement , aux dépôts qui ont recélé ces ri paléontologistes s'accordent à regarder comme caractéristi
chesses. ques de la faune qualernaire , ou , comme on le dit assez com
Malheureusement , il est bien rare de trouver réunis munément, du diluvium .
ces trois éléments d'induction sur les points explorés. Aux Ainsi , à l'époque où les cailloux que nous venons de ciler,
environs de Toulouse , par exemple , où les restes solides de déplacés par l'homme, seul capable de les introduire dans
l'hommedes temps quaternaires ont jusqu'ici fail complètement une localité qui en est naturellement dépourvue, dont il
défaut, nous n'avons trouvé que dans deux occasions des pro façonnait quelques-uns intentionnellement, étaient déposés
duits de son industrie , mêlés à des ossements d'ani avec le gravier aujourd'hui sous-lehmien , notre pays était
maux appartenant incontestablement à la faune de celle habité par des animaux dont certains ont fini par être tout-à
époque . Mais à l'aide de ces données paléontologiques , fait anéantis, et par le Boeuf et le Cheval, qui s'y sont mainte

nous savons sûrement à quelle date cerlaine de la vie du nus à la suite d'une longue domestication .
globe que nous habitons, ont appartenu les êtres animés Quel était l'état de notre contrée à ces temps reculés ?
que ces débris représentent ; et , comme les circonstances On ne peut se le représenter qu'en se référant à ce que nous
qui les fixèrent dans les bancs réguliers où nous les rencon savons des conditions d'existence des animaux qui, dans la na
trons avec des objels sortis de la main de l'homme ont été les lure vivante, rappellent si bien ceux qui ont cessé d'exister . A
mêmes , on a le droit d'assigner aux uns et aux autres une de puissants carnassiers comme le grand Chat, il fallait de suf

date commune, au moins quant à leur dépôl,demême que de fisantes proies ; la présence des herbivores de la taille du Mam

conclure de la présence de l'anvre à celle de l'existence de mouth , du Rhinocéros , du grand Cerf des tourbières, du Bruf
l'ouvrier, c'est-à - dire d'affirmer l'hommecontemporain d'ani et du Cheval, témoigne de la richesse , de la vigueur de la
maux , dont plusieurs, après avoir joué un rôle imporlant dans végétation alors propre à la contrée.
la contrée , en ont été exclus ou même à tout jamais effacés L'homme animait ces lieux de sa présence en y étendant
de la liste des êtres vivants . de jour en jour sa domination . A en juger par ses premiers
En interrogeant les fails de géologie et de paléontologie outils , par ces cailloux qu'il façonnait grossièrement d'après
fournis par le gisement de Clermont, où nos premières décou certaines lois , on se représente , au début de la civilisation ,
vertes furent faites , en 1851 ( 1) , nous eûmes à constater qu'à des familles humaines déjà nombreuses occupant le sol de
l'époque où le gravier, sous-lehmien de l'Infernet, était dé l’Europe, semblables à celles actuellement disséminées à la
laissé par un courant, celui-ci ne dépassait pas , dans son surface de la terre , qui ne jouissent pas d'une industrie
parcours, le petit bassin hydrographique de ce nom , ainsi que plus avancée.
l'atleste la nature des débris constitutifs du gravier ossifère , Depuis que les lulles sauvages entre l'homme et les élres
composés de molasse et de marne durcie . de la nature se produisaient sur les lieux qu'il nous est donné
Ce courant , qui a son représentant dans le ruisseau d'habiter, au milieu de l'étonnante civilisation qui est l'hon
actuel, souventmis à sec pendant l'été, changé en un torrent neur de notre temps, le vallon de l'Infernet, suivant le sort

de la grande vallée de la Garonne, dont il dépend , s'est appro


fondi de dix mètres. Cetapprofondissement indique, sans qu'il
(1) Voir notre Mémoire sur un dépôt alluvien , renfermant des restes
d'animaux éteints, mêlés à des cailloux façonnés de main d'homme , soit néanmoins permis de le préciser, le laps de temps, long sans
découverts à Clermont, près de Toulouse. doute, qui s'est écoulé pendant que ce résultat se produisail.
59

A Venerque , dans un bassin qui confine à celui de l'In 6. Hache à grands éclats (Pointe de lance de certains ar
fernet, le terrain quaternaire nous a révélé des faits tout aussi chéologues) , en quartzite. De Venerque, à la surface de la
importants : nous avons retiré du lehm et du gravier sous nappe de lebm quaternaire , hors de gisement. (Fig . 6.)

lehmien des restes de l'Élépant-Mammouth , du Cheval ,du 70 Hache à grands éclats (Pointe de lance) , en quartzite .
Bouf et aussi du Remme. Avec les restes de ce dernier rumi De Venerque, hors de gisement. ( Fig . 7.)
nant, aujourd'hui retiré dans les régions les plus froides 8. Hachette triangulaire , à grands éclats, en quartzite . De
des deux continents, se trouvaient encore des cailloux ayant Clermont, à l'Infernet, hors de gisement. (Fig . 8.)

subi incontestablement l'action de l'homme. Étrangers, ainsi 9. Hache ovalaire , en quartzite. De Venerque , hors de
que ceux recueillis à l'Infernet , à la localité , leur présence gisement. (Fig . 9.)
seule suffirait à établir l'existence de l'Homme, seul être qui 10º Éclat , à bord convexe, avec des retouches, échancré
eut intérêt à les déplacer et qui süt les employer . symétriquement aux deux extrémités (Scie de certains archéo
En dehors de ces faits, d'une appréciation si facile , qui logues ), en quartzite . De Venerque , hors de gisement. Ce
ne permettent aucune ambiguité , nos recherches conti type s'est offert deux fois. (Fig . 10.)
nuées avec persévérance , nous ont procuré un assez 110 Grand éclat , à bord convexe , aminci , en quartzite ,

grand nombre de cailloux également éclatés, que je n'hésite coloré par le fer oligiste . De Venerque, hors de gisement.

pas à rapporter aussi au premier âge de la pierre, quoiqu'ils (Fig . 11.)


aient élé recueillis hors de leurs gisements primitifs, éparpillés 12. Très-grand éclat , à bord convexe aminci , avec une
à la surface du sol cultivé , où ils ont été ramenés pas des la retouche , en quartzite. De Venerque , hors de gisement.
bours successifs. Sans doute , on n'a pas , pour les apprécier, Ce morceau , qui n'est pas figuré à cause de ses dimensions,
lesmêmes éléments de conviction que pour les premiers ; mais mesure 25 centimètres de largeur et 15 centimètres de hau
ils ont été rencontrés dans différents quartiers des communes teur .
de Clermont et de Venerque, au -dessus de nappes de lehm , là 13º Éclat , à bord convexe, aminci à la suite de plusieurs re
où de tels cailloux , comme nous l'avons déjà établi , ne se touches, en quartzitu . De Venerque , hors de gisemenl. (F. 12.)
trouvent jamais normalement. 14 ° Éclat , à bord convexe , aminci sans relouche, en gra

A cette première donnée , il faut ajouter celle tirée de wacke . De Clermont, hors de place . Les éclats, dans ces trois
leurs formes, qui se rapportent à des lypes divers provenant dernières formes , sont fréquents. (Fig . 13.)
de couches quaternaires, soit dans notre localité même, soit de Tel est , monsieur le Directeur , l'outillage de l'age de

gisements étrangers, souvent fort éloignés. la pierre éclatée , que nos trouvailles nous ont fait con
Voici les plus importants ; leur connaissance pourra aider naitre . Ici , comme partout ailleurs , il s'est offert avec
à distinguer ceux que l'on aura l'occasion de rencontrer, et ce caractère d'un archaïsme tellement primitif , que les
qui, faute de termes de comparaison , pourraient sembler ne déterminations qui tout d'abord en furent faites, passèrent
pas mériter la valeur que nous leur accordons : pour les illusions d'esprits aventureux. Vous savez avec quel
10 Grand disque , en quartzite . De Clermont et du dépôt dédain savants et gens du monde accueillirent les premières
ossifère de l'Infernet ( 1) . (Fig . 1.) découvertes de M. Boucher de Perthes . On ne manqua pas
2. Petit disque , en quartzite. De Venerque , à la surface d'objecter à l'éminent archéologue d'Abbeville que dans la
de la nappe de lehm , qui a fourni le Renne . (Fig . 2.) vallée de la Somme, dont il étudiail le diluvium , les cailloux
3. Coin , en quartzite , à sommet tronqué. La base offre en silex de la craie abondaient, et que l'on devait attribuer au
une surface obliquement disposée et, ce semble, artificielle hasard seul ceux qui, dans des formes acquises , semblaient
ment polie . Celle particularité, que j'avais autrefois signalée , représenterdes types, souventmême répétés. Cela pouvait être
est digne de fixer l'attention , ce caillou provenant du gravier vrai pour certains peut-être, mais non pour tous . Il y en avait,
quaternaire sous-lehmien de l'Infernel, à Clermont. (Fig. 3.) comme on n'en doute plus aujourd'hui , après tant de décou
40 Coin , en siénite , Ironqué au sommet, comme le précé vertes affirmatives de celles de M.de Perthes, où le travail de
dent. Du dépôl ossifère de l'Infernel, à Clermont. (Fig . 4.) l'homme, dirigé par son intelligence , se lit sans hésitation .
5 ° Hache à grands éclats, en siénite. Du gravier sous Dans nos gisements du pays toulousain , cet argument n'a
lehmien , avec ossements de Renne, à Venerque ( 2). ( Fig. 5.) pu être invoqué , puisque les bassins hydrographiques aux
quels nos dépôts d'archéologie primitive appartiennent sont
(1) Il a été figuré dans ma brochure intitulée : Fossiles et cailloux tra tout -à -fait dépourvus de cailloux de la nature de ceux qui ont
vaillés, des dépôts quaternaires de Clermont et de Venerque , p . 9 , et
dans la Revue. Vol. I, p . 67. élé façonnés . Ici, il n'y a place pour aucun doute : les pier
(2) Cette pièce a été figurée dans le Mémoire précédemment cité, p . 20 . res d'origine pyrénéennes , mêlées aux graviers molassiques
-
5 6
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13

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sous-lehmiens sont venuesd'ailleurs. Par qui leur transport, en failes, mais qui répondent à des besoins hornés, quoique mul
l'absence des moyens naturels qui n'ont pas existé ? Par qui tiples, n'offrent- elles pas déjà le trail essentiel qui deviendra
le travail dont ils offrent la preuve évidente ? sinon par le seul plus tard , pour loute industrie portée jusqu'à ses dernières
être qui sache s'approprier les objels qui l'environnent et les limites de raffinement, le cachet du perfectionnement que
accommoder à ses besoins et à ses caprices. Benjamin Franklin chaque progrès ajoute : la spécialisation ?
a dit excellemment : « l'homme est celui qui se façonne des
Agréez , elc .
outils. » Outils grossiers sans doule au début de la civilisa
D'J. - B NOULET.
lion , mais qui ne rendent pas moins témoignage de l'excep
tionnelle intelligence de l'ouvrier : ces ébauches si impar Toulouse , le 1er mai 1868.

ÉPIGRAPHIE PYRÉNÉENNE.

La lettre suivante , que nos lecteurs liront avec intérêt, est Le village de Cadiac-les-Bains étant situé au - dessus d'Ar
dalée de l'automne dernier , et a été adressée par M. Barry, reau , dans la vallée d'Aure , qui faisait partie de l'ancien
à l'un de nos plus éminents épigraphistes. Néhouzan , ce serait aux Convenæ qu'appartiendrait géogra
phiquement le monument que nous venons de reproduire , et
Saint- Bertrand, le 3 octobre 1867. le culle local dont il nous a conservé le souvenir .

Les dieux se font rares, cher Monsieur, et leurs autels Le second autel, que j'ai copié et estampé moi-même, il

aussi. Nos montagnes elles-mêmes, qu'ils paraissent avoir n'y a pas plus de quinze jours , dans le village de Gajau , au

aimées , comme elles le méritent, du reste , d'une façon toute dessous et à quelque distance de Saint- Lizier (vallée du

particulière, et qu'ils ont évidemment quittées à regret au Salat), appartiendrait aux Consorani , dont l'épigraphie est
beaucoup moins riche jusqu'ici que celle des Convene :
temps du prêtre Patroclus , l'ami de Valeria Severa , ue nous
offrent plus que très- rarement de ces marbres et de ces noms UM
inédits que M. Dumège faisait sortir du sol, en le frappant du HALOISSO
C. POMPFI
pied , comme Pompée en tirait des légions .
NIVS
Voici pourtant deux de ces monuments dont je puis vous SVPER VS
garanţir, celle fois, l'authenticité, et qui vous intéresseront,
moins encore par le nom tout romain et le rang élevé du Jovi optimo maximo Haloisso , Caius Pompinius superbus ;

dieu auquel ils étaient dédiés, que par les épithéles caracté car le marbre porte indubitablement Pompinius et non point
ristiques dont le nom de Jupiler y est accompagné . Pomptinus, auquel vous aurez probablement songé, en vous
Le premier a été découvert , il y a quatre ou cinq ans, dans rappelant un Propréleur de ce nom , C. Pomptinus, qui gou
l'église de Cadéac ou Cadiac -les-Bains , en démolissant un vernait la Narbonnaise soixante -deux ans avant notre ère.
porche latéral dont l’arceau , formé de moulures concentri Quoique le mot iovi ait complètement disparu sur le mar
ques, était bâti presqu'en entier avec des autels votifs de bre de l'autel, dont la corniche parait avoir été brisée à une
marbre blanc sciés, écornés ou taillés de manière à les adap époque relativement ancienne, je suis convaincu que vous
ter à ce nouvel usage . C'est le seul de ces monuments, ainsi m’autoriserez à le rétablir à cause des deux sigles o . M., dont
mutilés, dont la légende nous soit parvenue intacte et encore les extrémités sont restées visibles , el de l'espace qu'elles
lisible, quoiqu'elle ait souffert aussi : laissent libre dans la première ligne.

I. 0. M Quant aux épithètes Beisirissis et Haloissus, qui pourraient


BEISIRISSI n’être aussi que des noms de lieux transformés en épithèles,
M VAL . POTE je vous avoue très- franchement que j'ignore absolument ce
NS V S L . M qu'elles signifient, et même à quelle langue elles appartien
Jovi optimo maximo Beisirissi, Marcus Valerius nent, n'en déplaise aux Ibérisants de nos montagnes qui
potens votum solvit libens merito . trouvent à toule chose des racines ou des étymologies Euska
63

riennes. Je me contenterai de vous faire remarquer seulement lesquels je vous signalerai le village de Bagiri, situé dans la
qu'elles ont toutes les deux des analogues plus ou moins éloi vallée supérieure de la Garonne .
gnés dans la géographie ou l'épigraphiedes Pyrénéescentrales ; Inutile d'ajouter , cher Monsieur et cher maitre , que c'est

Haloissus, dans le mot Lohisus que nous fournit une inscrip toujours avec un vrai plaisir que je me rappelle à votre bon
tion des Convenæ , malheureusement perdue aujourd'hui : souvenir, surtout lorsque j'ai, comme aujourd'hui , quelque
ALFIA 1 LOHISI 1 BULLVCA (Oienhart : notit. utr . Vascon . , pierre nouvelle à apporter à l'édifice que vous construisez .
p.519.) Beïsirissis, dans certains noms de lieux en iri, parmi EDW , BARRY.

FAITS NOUVEAUX CONCERNANT L'AGE DE LA PIERRE TAILLÉE .

La rive droite du Lhers (autrefois Lers -Morte) , a deux pe gue , c'est la matière et la nouveauté des formes des outils
tits affluents qui se nomment la Sausse et la Ceillonne. Dans qui la composent, outils les plus rudimentaires que l'on ait
les vallées que traversent ces ruisseaux , nous avons observé retrouvés jusqu'ici.
quelques fails remarquables qui nous paraissent devoir fixer Les habitants des stations que je signale avaient très -peu de
l'attention des savants .
silex , cet acier des âges antiques ; ils durent employer le
La Sausse, qui taril en été , a une longueur de 20 kilomè quartz, le petro -silex, les porphyroïdes, le granile même qu'ils
tres environ ; elle parcourt une vallée formée par l'érosion trouvaient, à l'état de cailloux roulés, dans les dépôts des
des eaux de l'âge diluvien , et profondément creusée dans le grands fleuves voisins (aujourd'hui le Tarn et la Garonne ).
terrain miocène dont les plus hautes couches apparaissent Ils devinrent très -habiles à façonner ces matières d'un cli
sous le lhem , au sommet des collines. Il est très essentiel de vage pourtant si difficile , et ils se procurerent ainsi toul un
remarquer ici que la Sausse a une position géographique telle , outillage, dont les figures ci-jointes pourront donner l'idée .
que son lit a toujours été indépendant de l'influence pertuba Nous avons aujourd'hui rangé ces nombreux instruments
trice et irrégulière des eaux montagneuses. Elle descend des
par séries qui rendentévident, aux yeux même des plus incré
hauleurs de Saint -Anatoly, village peu éloigné de Caraman , et dules, le travail intentionnel de l'homme.
l'on sait que ces points élevés sont séparés de la Montagne L'outil le plus rare, mais le plus parfait , est foriné d'une
Noire par la plaine de Revel. Un coleaŭ roide, haut de 50 mè pierre ovale à tranchants latéraux, et renflée en forme de
tres environ, coupé par de profonds ravins, forme la rive droite
poire vers la partie supérieure. (Nos 1 , 2 , 3.) Quelquefois
du ruissean , tandis que sa rive gauche, au contraire , se com sa partie tranchante est appointée comme le montrent les
pose de plaines inclinées d'une manière insensible vers la ligne figures (4 et 5 ). Il s'empoigne aisément , el devail servir
la plus basse de la vallée .
à de nombreux usages , si l'on en juge par le soin apporté à la
Dans ces plaines recouvertes de l'alluvion quaternaire retaille .
(sables , argiles), el où l'on rencontre à peine quelques gise Une autre forme très-remarquable est celle des hacheltes.
ments de petit gravier roulé , j'ai remarqué de nombreux et Cet instrument, façonné à grands éclats , présente un large
gros cailloux de rivière travaillés de main d'homme. Je les ai
tranchant dont l'arête est très- régulière. On peut le saisir fa
rassemblés et j'ai ainsi formé une collection que je croyais
cilement par une extrémité. (Nos 6 et 7.) On voit même dans
être pareille à beaucoup d'autres . Il se trouve , comme j'ai pu
le n ° 8 une coche fort habilement faite , dans laquelle l'in
m'en assurer en étudiant avec soin les vitrines de l'Exposition dex de la main droite se place très- naturellement. Cet outil
universelle de 1867, et celles du musée de Saint-Germain - en
est quelquefois disposé de manière à pouvoir être emmanché .
Laye, qu'elle est unique dans son genre (1). Ce qui la distin (N ° 9.) Alors il est plus petit , et sous celle forme on peut
croire qu'il était très -employé .
Les instruments pointus sont très nombreux et très-divers
(1 ) M. le Dr Novlet a trouvé à Clermont et à Venerque quelques outils
en forme et en grosseur. Ceux qui devaient être tenus à la
1

semblables, qu'il a signalés à l'attention de l'Académie des Sciences de Tou


louse . (Mém . de l'Acad. des Sciences de Toulouse, 5e série , l. IV, p . 265 .
- Voir aussi son Mémoire : Fossiles et cailloux travaillés des dépôts qua main sont gros et lourds ; tantôt coniques , comme les nos 10
ternaires), dans la Revue. et 11, tantôt semblables à des poires, comme le n ° 12 .
64

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Cours actuel

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( La-leinte grise indique les anciennes caux,


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anta Les croix noires ,leo Stations eíudicár )

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tellonne, Sausse) ?
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TrathoryST X Y. Ancien niveau des eaux

Carte indiquant le niveau des eaux dans deux Vallees du Bassin du Lhers

à l'Epoque de la pierre Taillée


67

Lorsqu'ils étaient destinés à avoir un manche , ils présen points , des stations évidentes ; dans l'une d'elles , j'ai pu re
taient, d'un côté, une partie amincie ou allongée de façon à cueillir en un instant plus de vingt instruments.
pouvoir être introduite dans une fente ou dans un trou prati Il étail nalurel de faire la même expérience dans la Ceil
qués dans le bois , et de l'autre , une pointe massive. (Nos 13 , lonne, ruisseau affluent du Lhers , parallèle à la Sansse , et
14 , 15 , 16.) silué dans les mêmes conditions géographiques ; là , dans des
Les flèches , les pointes de lance , les råcloirs, les coins, les situations analogues, j'ai découvert trois slations nouvelles.
marleaux (nº 17), les disques, sont aussi très-nombreux dans Au -dessus ct au -dessous d'une certaine ligne horizontale
les stations . sur les rivages de la Sausse et de la Ceillonne, on ne trouve
Tous ces objets , à part quelques rares exceptions, sont en plus la moindre trace de cailloux taillés , tandis que sur la
quartzite et en petro - silex . Ils sont taillés à grands éclats, el, terrasse, haule de 7 à 8 mètres, qui domine le cours actuel de
malgré leur grossièrelé , ils affectent des apparences régulières ces ruisseaux et les longe dans lout leurs parcours, on recon
et constantes, ce quiindique qu'ils avaient des destinations fixes nail une foule de points autrefois habités.
et spéciales. On peut les assimiler tous à quatre ou cinq types Dc telle sorte que le niveau constant de 11 stations bien
déterminés et caractéristiques qui, sauf un seul peul- être ,me caractérisées , aujourd'hui découvertes sur les deux ruisseaux
semblent diiſérer entièrement de ceux que l'on connait aujour que nous venons de nommer , nous permellent de conclure
d'hui en France . Celle singularité tient-elle à la matière même que l'homme de l'âge de la pierre taillée était contemporain d'un
des outils, ou à l'isolement de la tribu à laquelle ils ont appar régime fluvial tel qu'on peut se le figurer en elevant, dans nos
tenu ? Nous l'ignorons encore , mais nous croyous devoir pays; le niveau des eaux de 7 à 8 mètres au -dessus du plafond
signaler ce fait curieux. moderne ; niveau qui correspond à celui d'une terrasse actuelle
Ces restes d'une population antique se trouvent, comme ment très - évidente dans les cours du Girou , du Lhers, de ses
nous l'avons dit, dans l'alluvion quaternaire , à fleur de terre; affluents et de la Garonne.
la charrue les soulève ; rarement ils sont isolés . Aussitôt que Nous avions d'abord supposé l'existence de lacs el de ma

l'on peut ramasser un éclat de pierre dans ces terres si dé rais formés par l'ensablement à l'embouchure des ruisseaux
pourvues de cailloux , on en aperçoit bientôt un grand nombre pen rapides que nous observions , mais celte hypothèse ne
sur une surface dont le rayon alleint une vingtaine de mètres peut se soutenir pour les stations de Montrabe el de Gram
au plus . mont, qui dominent toute la plaine du Lhers . Du resle , la
Ce fait semblerait déjà indiquer que les habitants , dontnous terrasse, haule de 7 à 8 mélres, qui longe les deux ruisseaux,
retrouvons aujourd'hui les vestiges, construisaientleurs caba et sur laquelle on trouve les cailloux laillés, est trop régulière,
nes sur l'eau . Autour d'une demeure bâtie å lerre , en effet, trop longue, trop accusée pour n'avoir pas élé formée par des
les outils fussent lombés irrégulièrement épars sur le sol , et caux courantes.
non groupés, comme ils le sont encore , malgré la charrue, Il nous avait aussi paru possible, qu'en vertu d'une inonda
dans les cercles restreints el séparés . tion subite et diluvicnnc , les cailloux cussent élé enlevés à

Mais celle hypothèse se légitime d'une façon plus con leur véritable gisement el roulés ainsi hors de leur première

cluante par une circonstance qui , à notre avis , est extrême position par un cours d'eau devenu passagèrement lorrentiel ,
ment curieuse et pleine de conséquences . mais il faut aussi abandonner celle explication , car on trouve
Si l'on se place dans la vallée de la Sausse , en un des à Ravy, sur une hauteur voisine des stations fluviales , un

points où l'on trouve des cailloux taillés , el que de ce point grand nombre de pierres taillées. Ce lieu élevé, fréquenté sans
l'on se avec une lunelle à niveau d'eau , les autres stations doule à cause de i'horizon que l'on y découvre , et qui n'a

qui peuvent s'apercevoir à d'assez grandes distances , on ob jamais pu être atteint par les eaux, prouve d'une manière irré

serve qu'elles sont tonles dans un même plan horizontal. J'ai fulable que les outils sont encore à la place même où l'homme

soupçonné ainsi l'existence d'un rivage au bord duquel étaient primitif les avait laissés .

bâlies les cabanes de ces premiers habitants de nos pays . Nous croyons donc que l'homme de l'âge de la pierre

De ce point de vue nouveau devaient naître des recherches laillée a vu nos pays inondés par des eaux Très- haules (voir la

qui m'ont conduit à des résultats de la plus grande impor carte) . Il suivait les crêles émergées en s'avançant vers le

tance . nord . Un grand obstacle s'opposait partout à son passage : la

J'ai suivi la rive gauche de la Sausse, en me tenant toujours largeur des rivières. Savait-il les franchir ?

dans une même ligne de niveau , à la hauteur des stations déjà Des tribus voisines , mais séparées par un fleuve , devaient

connues , et sur une distance de 6 kilomètres, j'ai trouvé çà et demeurer inconnues les unes aux autres pendant de longues

là des pierres laillées , des outils très-caractérisés, et en trois années . Celle difficulté dans les rapports expliquerait peut
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• 69 .

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élre à la fois la rareté du silex à l'époque et dans le pays dont pourquoi les bords entièrement dépourvus de gravier de la
nous parlons, et la nécessité dans laquelle était l'homme habi Sausse et de la Ceillonne, auraient pu être choisis par des

lant nos contrées, d'employer la malière la plus imparfaile peoplades à qui les cailloux élaient absolument nécessaires.
qui ait jamais servi à façonner des outils . Toul concorde jusqu'ici pour appuyer les hypothèses que
1

Ces peuples, soit pour la pêche, soit pour fuir les bêles ſé nous avons brièvement exposées dans celle note . Il faut élen
roces , recherchaient le bor: des rivières, mais il leur fallait, dre maintenant les vérifications , mais nous croyons que la
parait-il, des eaux tranquilles ; les stations que je signale sem comparaison des niveaux où se trouvent les stations de l'age
bleraient l'indiquer ; car elles sont siluées dans des vallons re de la pierre taillée peul donner, aux éludes qui se rattachent à
tirés, sur le bord de ruisseaux qui furent loujours très -secon ces sujels, une base loule nouvelle.

daires , et qui n'avaient autrefois un niveau élevé que par le cle. V. D'ADHÉMAR . "
refoulement exercé à leur embouchure par les rivières où ils
venaient aboutir. Sans ce motif , on ne s'expliquerait pas Ravy, par Verfeil, le 1er mars 1868 .

LA SÉPULTURE DE JACOB , LE PÈLERIN D'ARMÉNIE

A L'ÉGLISE SAINT-GEORGES-DES -BARRIS DE PÉRIGUEUX

On vient de démolir à Pé dos, les pieds tournés vers


rigueux l'ancienne église de l'orient. Au niveau des vertè

St-Georges- des- Barris , pour bres dorsales et sur les côtes

élever à sa place la chapellede affaissées reposait une brique


l'école cléricale . Sous le mur de la longueur de la main , en

du nord , à gauche de l'autel, forme de losange, sur laquelle


se trouvait engagé , dans la est champlevée une croix gree

première assise , un cercueil que , à branches passées, sem

de pierre recouvert d'une blable aux croix de consécra

dalle , à bords taillés en bi lion qu'on voil sur les murs


seau. Sur le côle qui affleurait des églises , et munie , en lèle,

le parement extérieur et près d'un appendice ou bélière.

de la tele , on lit , dans un ca Chaque branche porte des let


dre dont le champ eslménagé tres profondément gravees el

en creux , l'inscription sui disposées comme dans ce fac


vante : simile.

+ Ce qui donne la phrase sui


XVII. KL. FBR . vanle , en commençantpar l'X
OB . TACOB . PE
REGRINVS. central, puis par le sommel,
ARMINIEN comme pour faire le signe de
SIS .
la croix :
Septima decimâ die kalenda
XRISTYS , PAX , REX , LX , LEX
rum februari obiit Jacob , pere
« Le Christ est la paix , le
grinus arminiensis.
roi , la lumière, la loi. »
. Le 170 jour depuis les
kalendes de février mourut Avant de chercher à lever
quelques doules qui existent
Jacob , le pélerin d'Arménie .,
sur l'interprétation de l'inscrip
La cuve monolithe contenait
tion lumulaire , constalons que
le squelette d'un vieillard de
haute slature , couché sur le les caractères qui la composent
-
- 71

sont de la même époque que ceux de la croix , c'est- à -dire pallées ; au centre, on lit la mine déclaration de ſoi de sou
de la fin du xie ou du commencement du xile siècle , el don mission au Christ, source de paix , de puissance et delumière,
nons des explications sur celle curieuse brique sculptée. que sur celle de Saint-Georges -des-Barris ; mais le mol DVX
Elle a servià mouler des croix de plomb qu'on avait l'habi remplace le mot LVX . De reste , on variait celle formule, car
lude, dès le xie siècle, de placer sur la poitrine desmorts. Le sur le portail de l'église Saint-Michel du Doral, qui est du
P. Dupuy , dans son livre de l'Estat de l'Église du Périgord , XII° siècle , le mot REX est substilué au mot LEX .
a été le premier à signaler ce genre de décoration funèbre . On a trouvé des croix à peu près semblables en Normandie
Le bénédictin D. Hugues Ménard lui a emprunté une partie el en Angleterre ; l'une d'elles porte l'inscription suivante :
de sa citation , et M. l'abbé Cochet l'a reproduite sans en con Crux pellit hostem , crux Christi triomphat. On voit par cette
nailre la source (1 ) . formule : la croix chasse l'ennemi (le démon ), la croix du
Depuis peu d'années , l'on a faict rencontre , dans quel Christ triomphe, que ces croix pectorales eurent d'abord pour
ques vieux sépulchres des moines de l'abbaye de Sainct- Front, but, ainsi que l'cau bénite qu'on versail dansles fioles mises près
d'une rareté qui monstre la practique de l'Église de ce temps des cadavres,de repousser les obsessions du démon ; celte cou
la ; c'est une croix de plomb de la largeur de huit ou neuf lume de proléger le mortavec une formule d'absolution écrite
poulces, dans laquelle d'un cosić estoit gravé : est d'origine grecque . De nos jours encore, en Russie, le pope
• Sacro fonte baptismatis donatur Illiante Elie vocatur obiit fait la lecture de celle prière sur le corps, el puis il la dépose
autem kalendas Maii anno Domini millesimo septuagesimo dans la main du déſunt, afin qu'il l'emporte dans la tombe . Ce
secundo , regnante Philippo Francorum rege. rapprochement est fort intéressant pour nous , puisque la ca
« Elau milieu il y a un 0 el un N. thédrale de Saint-Frontest de style oriental. Quelque religieux
De l'autre costé d'icelle : Dominus Deus omnipotens qui po grec, architecte de celle basilique, a urail-il indiqué ce mode de
testatem dedit sanctis apostolis suis ligandi alque solvendi sépullure aux moines de l'abbaye de Saint - Front ? Plus tard ,
ipse te dignetur absolvere F. Elia à cunclis peccatis tuis, et on y eut recours généralement. D. Mabillon (1 ) rapporle qu’Hé
quantum meæ fragilitati permittitur , sis absolutus ante faciem loïse demanda à l'abbé de Cluny, Pierre-le- vénérable, une prière
illius qui vivil et regnat in secula sæculorum . » d'absolution qu'elle déposa sur la tombe d'Abailard (1 142),

Lapremière partiede celle inscription est incomplète évidem Comment doit-on entendre l'inscription du cercueil? S'agit- il
ment et fautive ; nous l'avons rapportée telle qu'elle se trouve vraiment de Jacob , le pèlerin d'Arménic, ou de Jacques Péré
dans le P. Dupuy. Elle nous apprend que le frère baptisé sous grinus, Arménien ? Si l'on adoptail celle dernière acception , il
le nom d'Élie à ... (le P. Dupuy traduit Miante par Eyliac ?) est faudrait invoquer la fréquence du nom de Pérégrinus dans les
mort pendant les calendes de mai l'an 1072, sous le règne du inscriptions du midi de la France, et expliquer le surnom
roi des Français Philippe Ier. L'0 et l'N , Iracés au milieu de la d'Arménien par une de ces bizarreries qui fait que souvent,
croix , devaient être le chrisme qui est foriné d'un P et d'un X parmi nous, on a donné et on donne un sobriquet pour un mo
entre- croisés. Au revers dominus Deus, elc., est une prière til peu sérieux el mal justifé. Mais ce serait se tromper : au
d'absolution . Le P. Dupuy croyait, avec raison , que c'élait en xie et au xirº siècle , on ne plaçait pas, par fanlaisie, le tom
souvenir du viatique et de l'absolution donnés à l'article de la beau du premier venu dans le mur d'une église. Des évêques ,
mort que l'on enfermait dans le tombeau celle prière gravée ; des prêtres , des abbés , les maires, les seigneurs y élaient ra
nous ajoulerons que c'était aussi un témoin parlant, au jour rement inhumés, el encore n'étaient-ils admis que loin de l'au
de la résurrection, du repentir du défunt. tel. J. Beleth (2 ) veut absolument qu'on n'enlerre dans l'église
N. Vauthier, architecte, a donné au musée de Périgueux que les corps des saints fondateurs (patres),auxquels on a donné
deux croix en plomb (2 ), qui ont été trouvées pareillement le nom de patrons et de défenseurs, dont lesmérites servent de
dans les fouilles de la cathédrale de Saint- Front. L'une, mou protection à toute la contrée (patria ); tous les autres fidèles
lée, porte des ornements en saillie, figurant des pierres en doivent être inbumés autour de l'églisc . Guillaume Durand (3 )
châssées à la manière byzantine, cl au centre , les lettres cst du mêmeavis ; mais il lolère l'admission des laïques summæ
Alpha et Omega , symboles de la parole du Christ : Je suis le sanctitatis. L'inhumation dans le sancluaire d'un laique ,
commencement et la fin ; la seconde, découpée dans une même d'une éminente sainteté, était donc une chose rare ; à plus
feuille de plomb, a la forme d'une croix latine , à branches forte raison , sa collocation dans le mur, près de l'autel. Ordi

(1) Sépultures Gauloises Romaines, etc. Paris, 1857. ( 1 ) Annales Bénéd .


( 2) Catalogue du Musée déparlemental. Périgueux, 1862. Nos 290 (2) De sepult. Christinn .
et 291 , ( 3) Rationale divin off.
72

nairement, on élevait ce genre de tombeau extérieurement , tent les félicités du premier séjour du père de l'humain lignaige
entre les contreforts , comme on en voit deux encore à l'église de cet Eden ou jardin de volupté dans lequel l'homme était
d'Agonac , près de Périgueux . appelé à passer une vie ineffable de contemplation et d'amour.
A quelle époque remontait l'église de Saint-Georges qu'on Plus d'un Périgourdin , sans doute , ne se borna pas à aller
vient de faire disparailre ? Elle ne contenait aucun débris ro prier au tombeau du Christ et visila la contrée, témoin du der

main dans ses fondations; nous n'avons vu dans la nef qu'un nier pacte d'alliance entre l'homme et Dieu. Que ne racontail
tambour de colonne cannelée , apporté probablement desruines on pas de celle terre privilégiée ? Non loin des cimesneigeuses
de Vésone, et qui, creusé en forme d'auge, a dû servir de bé de l'Ararat , croissaient le sapin et le chêne , le palmier et le
pilier. L'appareil des archivoltes des fenêtres latérales , d'une citronnier ; là se récoltaient la poudre d'or , les perles, le
seule pierre , à plein cintre , recouvrant des embrasures étroites Bdellium ? l'onyx, la manne, les aromates, la laine et le lin
et en entonnoir, annonce le xuje siècle. Les autres parties de destinés aux tissus les plus délicats.

l'édifice avaient été remaniées et rebâlies au xve siècle par Mais les termes de l'inscription suffisent pour reconnaitre

l'évêque Elie de Bourdeilles (1447-1468). qu'il ne s'agit point d'un habitant de Périgueux , revenu du
On sait positivement que celle église était sous le vocable pèlerinage d'Asie .

de saint Georges (1), le chevalier d'Orient, le protecteur des Le nom de Pérégrinus ou de Pèlerin ne se trouve comme
Croisés, le patron de l'Angleterre , dont le culte commença à se nom propre dansaucune de nos inscriptions ou de nos titresdu
répandre dans l'occident après la première croisade . (C'est à ce moyen âge. Il faut remonter à l'époque romaine pour le voir
saint qu'est dédiée la charmante chapelle d’Auberoche , près figurer sur quelques monuments épigraphiques du midi de
du Grand-Change , si remarquable par les peintures que son con la Gaule (1) . Au Xue siècle, ce n'est plus un nom propre . Quant

daleur Hel. Belet, fil exécuter pour consacrer le souvenir de ses au nom de lacob , c'est avec raison que le savant conservateur

prouesses contre les infidèles.) Un sceau du xvie siècle , que con du musée du Louvre , M. A. de Longpérier , en examinant, il

serve le cabinet de Mourcin , et qui est frappé au nom de Pierre y a quelques jours, celte inscription , a fail observer aux per
Demiane , chapelain , représente saint Georges casqué, recou sonnes qui l'accompagnaient , le soin que le lapicide avaiteu
vert d'une armure sur un cheval bardé de fer ; dans le champ de conserver au nom de lacob sa forme orientale sans y ajouter
est un semis composé d'une fleur de lis , du soleil el de la lune, par un sigle la lerminaison latine us ; tandis que les autres
d'une palme ou épi et d'une pelile pyramide qui ressemble à mots KAL , FBR , OB , qui le précèdent, portent des signes

un clocher, mais qui doit être le fer de la lance que tenait saint d'abréviation .

Georges el que le graveur aura mal rendue. Pour légende : Ce qui vient corroborer cette opinion sur l'origine étrangère
« Sigillum Petri Demiani, capellani sancti Georgii. , de Jacob le pèlerin , c'est qu'à celle époque une partie de l'Ar
L'église de Saint-Georges -des - Barris était donc du xuie siècle , ménie fit sa soumission à l'Église Romaine (1136 ), et que dès
comme le tombeau et la croix qu'on y a trouvés ; reste à re lors il s'établit des rapports fréquents entre ce pays et l'Italie,

chercher si le personnage déposé dans ce monument tumulaire qui eurent pour conséquence, au xifre siècle , les établissements
était vraiment Arménien on Périgourdin . religieux et commerciaux des Arméniens à Gênes. Jérusalem
Si c'était un des nôtres , rien de plus facile que de le repré n'eut plus seule le privilége des pèlerinages. Tandis que le che
senter armé du bourdon et de l'escarcelle, bénis au départ, el min de la Terre -Sainte était ouvert à l'Europe, les étrangers

s'acheminant, en chantant des hymnes, vers la Terre- Sainte ou dirigeaient leurs pas vers celte Rome si grande encore avec

plutôt vers le berceau de toute civilisation , la terre Arménienne; ses rois de l'Église , ses tombeaux des apôtres et des martyrs.

c'était alors un pèlerinage dangereux, sans doute ,mais qui de Puis on accourut de toutes les parties du monde visiter, en

venait plus aisé , depuis que Jérusalem était au pouvoir des Italie, en France, en Espagne, les lieux consacrés par les tom
beaux des saints , des confesseurs, des bienheureux évêques ,
Croisés (1099), el que la société féodale était organisée en
Orient (1109). Le comté d'Edesse avoisinail l'Arménie chré saintIrénée , saint Martin , saint Martial et saint Front; quoique

tienne , un grand nombre de Croisés durent être attirés par à cette époque on ne connût pas exactement l'emplacement
ces contrées merveilleuses qu'arrosent l'Euphrate et le Tigre.

Les légendes du moyen âge sont pleines d'épisodes qui racon


(1) Voyez Inscriptions du musée de Lyon ( Peregrinus ) , de Nimes (Pere
grina). Au vje siècle, il y a eu , à Peschiera, wo saint évêque de ce nom . La
( ) Ce n'est pas Georges le compagnon de saint Front, ni le second Georges véritable origine de ce nom est la dénomination qui indiquait autrefois , à
ou Squirius, que la légende donne comme ayant été gouverneur du Périgord, Rome, la classe des étrangers appelés antérieurement hostes .
et qui, après avoir été persécuteur des chrétiens, confessa la foi et mourut (J'ai trouvé le nom de Peregrinus sur une inscription conservée à Jarols
martyr. (Gévaudan ) Ive siècle ( ? ) — Note du Directeur.)
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du tombeau de l'apôtre du Périgord depuis le pillage et l'in Ainsi après son séjour à Rome, le pauvre romeu (1 ), formant
cendie de l'église et de l'abbaye de Saint -Front par les Nor d'autres væux , tournait ses pas vers d'autres contrées ; ilmen

mands, et qu'il ne fût plus possible de s'agenouiller près de diait le pain du voyage, il ne reculait devant aucune fatigue,
lui, comme l'avaient fait saint Hilaire de Poitiers (368 ) et devant aucun péril; aveo l'espoir d'avoir racheté ses fautes,
saint Gaugeric ( 1). Ce ne fut qu'en 1261, le 30 avril , que il obtenait pour récompense de tant de pieux efforts, d'être
l'évêque Pierre de Saint-Astier le retrouva . Un détail qu'il ne regardé par toute la chrétienté comme l'élu et l'oint du Sei
faut pas oublier , c'est que ce tombeau ou châsse contenait gneur ; l'accomplissement seul de son entreprise était une
deux plaques : l'une de plomb et l'autre de cuivre , sur les preuve évidente de la protection divine. On baisait avec res
quelles étaient gravés les noms, les titres et la date de la mort pect sa robe déchirée ; c'élait une grâce insigne que d'obtenir
du saint , sans compter des vers à sa louange qu'on voyait à de lui une de ses images bénites, altachées à son chapeau ;
l'intérieur du coffre en plomb. Ces plaques rappellent les croix heureux celui qui recevait une coquille de ces lointains riva
pectorales du xie et du xirº siècle , et font naître quelques ges , de cette mer que Dieu avait rendue propice pendant la
doutes sur l'authenticité de celle découverte . Malgré l'incer traversée . Châteaux et chaumières offraient l'hospitalité au

titude qui régnait sur l'endroit précis qu’occupait le tombeau , pèlerin ; il semblait apporter avec lui le bonheur et le salut
les anciens itinéraires à Saint-Jacques de Compostelle, en spirituel ; c'était, vraiment, ce laïque , summæ sanctitatis, que
Galice , ne manquaieut pas de recommander aux pèlerins de désigne Guillaume Durand , et qu'il reconnail digne de repo
visiter les reliques de saint Front ( 2) . ser à l'intérieur de l'église , près des patrons Tutélaires.
Ce sont des motifs aussi puissants qui portèrent nos ancê
tres à déposer les restes de Jacob dans les fondations de
( 1 ) Au commencement du vile siècle , le chartreux Laurent Surius a
l'église de Saint -Georges. L'usage de faire protéger les monu
donné, d'après un auteur inconnu, le récit de cette visite, qui fut signalée par
un miracle : ments publics par un corps saint était babituel à Périgueux ;
« Le bienheureux Caugeric, évêque de Cambrai, était allé prier au tombeau on sait que le tombeau du Pont-Vieux , qui reliait la ville au
de saint Martin de Tours ; il saisit cette occasion pour visiter les biens que
son église possédait en Périgord. Dans ce voyage, il vint au tombeau du bien faubourg des Barris -Saint-Georges, élait pourvu d'un tombeau

heureux saint Front pour y prier le Seigneur; s'étant mis à genoux, il tendit reliquaire ( 2).
son bâton pastoral aux prêtres qui étaient placés derrière lui ; mais, distraits Grâce à cette croix de brique qui résume toute une profes
qu'ils étaient, ils ne s'aperçurent pas de son mouvement, et aucun d'eux ne sion de la foi chrétienne et qu'on peut multiplier à l'aide du
s'avança pour s'en charger. Dieu ne permit pas que les prières de son servi.
moulage, la voix de Jacob , le pèlerin d'Arménie , retentit
leur fidèle fussent interrompues un seul instant, soit par l'incurie de ceux qui
l'assistaient, soit par le bruit de la chute du bâton , et voulant faire éclater aux encore parminous, après huit siècles, affirmant el propageant
yeux des hommes les mérites de l'évêque, il ordonna au bâton que l'angélique celle vérité : que le Christ a été et sera éternellement la paix ,
main avait abandonné de se tenir droit et immobile , comme s'il avait pris
le souverain , la lumière et la loi du monde .
racine. Gaugeric ayant terminé sa prière , se leva et vit son bâton debout,
comme s'il avait compris son désir, etprêt à le servir . Il rendit gråces à Dieu ...))
XRISTVS , PAX, REX , LVX , LEX .
(Vid . Lipomanus, De vitis sanctorum .)
On pense que les biens que l'église de Cambrai possédait en Périgord pou
Or E. GALY
vaient provenir du patrimoine de saiut Waast, premier évêque de Cambrai, né
Directeur du Musée départemental de la Dordogne, etc.
en Aquitaine, sur les frontières du Périgord et du Limousin .
( 2) De corporibus sanctorum qui in itinere sancti Jacobi requiescunt,
quæ a peregrinis ejus sunt vesitanda.
(Manuscrit de la Bibliothèque impériale , nº 3,550.) ( 1) On désigne encore en Périgord , par le nom de chomirouméü cer
Le trésor de saint Front était très-riche ; on y conservait, entre autres reli tains chemins que suivaientles pèlerins.
ques une coeffe de la sainte Vierge. (2 ) Voy . Le Tombeau du Pont -Vieux . Périgueux , 1864.

9
- 74

UN DERNIER MOT SUR LA COLLECTION SOULAGES (1)

Personne n'a oublié , à Toulouse, la magnifique collection Paris. Un sénateur, membre de l'Institut de France, dont la
d'antiquités, de meubles gothiques, de faïences italiennes, de presse locale annonçait, il y a peu de jours, la présence à Tou
bijoux, d'émaux, de médailles et d'objets d'art de la Renais louse , y était venu tout exprès pour acquérir les monnaies
sance , qui formaient un splendide musée de la demeure d'un gauloises , entre lesquelles on signalait des variétés inédites.
de nos concitoyens , M. Jules Soulages. La ville de Toulouse , En même temps , se trouvait aussi dans notre ville le conser
on ne le sait que trop , ne crut pas devoir accepter l'offre qui vateur d’un Musée impérial , chargé de faire des acquisitions
lui fut faite dans le temps de lui céder , à des conditions très dans le médailler Soulages, pour le compte de l'État.
avantageuses pour elle, celte collection justement célèbre en Une série fort peu nombreuse devait au moins , dans les pré
Europe, une des plus remarquables qui eût été entreprise jus visions et les désirs de tous ceux qui en connaissaient l'exis
que -là par un amateur. Elle passa en Angleterre, où elle servit tence , revenir nécessairement à la ville de Toulouse , pour
d'abord à de lucratives exhibitions. Vendue plus tard aux en laquelle elle avait un intérêt tout particulier. Elle lui fut
chères publiques, les souverains et les capitales , les princes offerte le jour même où elle passa en de nouvelles mains, et la
de l'aristocratie et de la finance , s'en disputèrent les objets réserve faite en sa faveur fut une préférence upanimement
les plus précieux. Depuis la dispersion de la collection Sou appréciée. Ce petit bloc de pièces , toutes d'origine toulou
lages dans les principales galeries, un grand nombre de pièces saine, se composait d'abord de monnaies d'or frappées à Tou
d'élite , qui en firent l'ornement, se sont une fois trouvées louse sous les rois mérovingiens, avec la légende : TOLOSA
réunies de nouveau , en 1862 , pendant la dernière exposition CIVITAS , et le nom du monnoyer ou officier public chargé de
universelle de Londres . Chacune d'elles , pour se recomman frapper des monnaies pour le roi, dans l'atelier monétaire de
der à l'attention des visiteurs, portait encore le numéro et la Toulouse. Après ces pièces d'une grande rarelé venaient, par
notice du Catalogue de l'antiquaire toulousain . C'était un titre ordre chronologique , des monnaies d'argent au lype carlovin
d'origine qui constatait leur valeur ; mais , si nous en jugeons gien , portant aussi le nom de Tolosa ou TOLVSA, au revers
par nos impressions personnelles, cela augmentait singulière de ceux de Charlemagne, de Louis le Débonnaire et de Charles
ment les regrets de ceux qui s'intéressent à Toulouse , en leur le Chauve. On y remarquait surtout une monnaie de Pépin II,
rappelant que cette ville n'avait pas su profiter d'une occasion roi d'Aquitaine, petit-fils de Louis le Débonnaire. Ce prince
aussi favorable qu’inespérée , pour avoir le plus beau musée de déshérité , proclamé roi d'Aquitaine , en 839 , par une partie
province . N'insistons pas sur de tardives récriminations, au des seigneurs de ce pays, eut de grands démêlés avec Charles
moment où cette première et irréparable faute vient d'être le Chauve , son oncle et son compétiteur. Il exerça , à diverses
suivie d'une seconde qui paraîtra peut- être encore plus étrange . reprises, une royauté éphémère à Toulouse, avec l'aide des Sar
M. Jules Soulages avait fait une étude approfondie de la razins et des Bretons. En dernier lieu , en 864 , il s'allia aux
numismatique ; il conservait dans un médailler spécial les piè Normands pour s'emparer de ses anciens États , et fit à leur
ces les plus curieuses recueillies dans ses nombreux voyages , tête le siège de Toulouse , à la suite duquel il fut condamné à
au prix de grands sacrifices. Sa famille désira garder ce souve une prison perpétuelle . Le seul monument de sa souveraineté
nir de ses goûts éclairés. Ce dernier débris de sa collection , sur le pays toulousain qui ait survécu à sa mémoire est peut
dont il n'avait pas vonlu se séparer de son vivant, fut le seul être la monnaie dont nous parlons. On n'en connaît pas plus
que les siens ne mirent pas en vente après sa mort. Cependant de quatre exemplaires , dont un est dans la collection de la
il devait en dernier lieu tomber entre les mains de la spécula Bibliothèque impériale, à Paris.
tion , pour être revendu en détail. Celte série de Toulousaines comptait aussi des deniers et
Les séries de médailles grecques et romaines furent aussitôl des oboles d'argent frappés par les comtes de Toulouse , de
placées à Toulouse même. Lesmédailles ibériennes et gauloi puis Guillame- Taillefer ( 950-1037) , le plus ancien dont on
ses, celles -ci provenant en partie dn sol de Vieille- Toulouse , ait retrouvé des monnaies, jusqu'à Alphonse de France, frère
furent également enlevées avant qu'on pût les transporter à de saint Louis , qui avait épousé l'unique héritière de la mai
son de Toulouse . Elle comprenait enfin des monnaies royales
( 1) Communication faite à Société archéologique du Midi de la France , frappées à Toulouse par les premiers successeurs des comtes.
dans la séance du 5 mai 1868 . Cette série, tout incomplète qu'elle fut, offrait nécessairement
75

des pièces communes à côté d'autres presque introuvables et exigent une prompte solution . Dans le cas contraire , ce n'est

même des variétés uniques. Elles avaient une place obligée même que très-rarement qu'elle pourrait s'en occuper. La sol
dans le Musée de Toulouse, où l'on voil depuis peu une vi licitude de Messieurs du Capitole , comme on disait autrefois ,
trine à peu près vide renfermant certaines pièces loulousaines s'est montrée souvent rebelle à ce courant d'idées , qué le

qui semblaient attendre celles de la collection Soulages. sentiment populaire favoriserait et verrait se développer avec
L'inventaire détaillé de la série d'or et d'argent proposée à bonheur. Il ne comprend pas la sagesse administralive qui, en
la ville s'élevait à la somme lotale de 600 francs , et l'on con pareille matière , craint toujours de s'engager dans des dépen

sentail d'avance à tous les délais qu'on pourrait désirer pour ses réputées improductives . On a cru remarquer , à certaines

le paiement de ce prix . époques , une résistance plus ou moins accentuée , suivant les
M. le Maire de Toulouse fit, assure- t- on, le meilleur accueil goûts et les préoccupations de ceux qui prenaient part aux
à celle offre ; mais sa bonne volonté et celle du conservaleur conseils de la commune . Mais ce qu'il y a de trop certain ,
du musée des antiques ne devaient pas suffire , à ce qu'il pa c'est que d'habitude la bonne volonté de ceux qui apprécient
rait , pour faire aboutir la négociation . Nous en ignorons la est paralysée par l'indifférence des autres. Supposons qu'une
véritable cause el ne cherchons pas à la connaître. Nous rap découverte archéologique de la plus haute importance pour

pelons seulement, comme un fait regrettable, qu'après trois Toulouse ait lieu dans notre cité , sous nos propres yeux , et
mois d'attente et de démarches infructueuses, il fut impossible que l'inventeur melte sa trouvaille à la disposition de la ville :
au détenteur des monnaies loulousaines d'obtenir une réponse nous n'hésitons pas à dire que le Musée de Toulouse sera
à sa proposilion écrite . On ne put pas même lui donner ver celui qui aura le moins de chances de l'acquérir .
balement l'espérance qu'elle finirait par être agréée , dans un Un des derniers objets qui y ont été admis, nn bijou antique
avenir plus ou moins lointain . L'offre faite à la ville fut dès des plus remarquables qui puissent orner une collection publi
lors retirée et le marché rompu , non pas faute de s'entendre que , avait été offert à la ville presque au poids de l'or . Avant
sur les conditions de la vente , mais parce que la proposition d'être définitivement acquis, il a dû passer par un enchevêtre
était demeurée sans examen possible , à cause de certaines ment de formalités administratives prolongées pendant plus de
entraves administratives . Si l'on écoutait les bruits de la rue , six mois. Il a fallu que le détenteur de cel objet précieux eut
sans doute plus satiriques que fondés, et que nous ne repro pris à cæur d'en assurer la possession au Musée de Toulouse
duirions pas s'ils n'étaient un stigmate significatif de l'opinion et ne reculat pas, pour alteindre ce but, devant des démarches

publique, on se serait cependant préoccupé en certain lieu des nombreuses et des sollicitations désintéressées .
monnaies toulousaines....., sous le rapport de leur valeur Il n'en pouvait être de même pour les monnaies toulousai
intrinsèque . La question ainsi comprise , il devenait évident nes de la collection Soulages. L'acquéreur, étranger à notre
qu'on ne commettrait pas l'imprudence d'échanger de l'argent ville, qui se proposait de revendre le médailler par lots ou en
neuf sorii de la caisse municipale contre de petites pièces dé détail, tout en maintenant avec une rare persévérance le chiffre
monélisées depuis des siècles et qui pouvaient être rares , de sa demande, finit par regretter d'avoir cédé aux conseils de
après lout , mais , à coup sûr , d'un poids fort minime. ceux qui l'invitaient à réserver un lot à la ville de Toulouse ,
Ce qui vient de se passer accréd ile d'aussi fâcheuses supposi ne doutant pas qu'elle profiterait avec empressement d'une
tions. A ce sujet, on ne manque pas de rappeler le peu de aussi bonne fortune pour son Musée. Personne n'ayant qualité
sacrifices que s'impose Toulouse, la cité palladienne, pour ac pour traiter directement avec lui , il devait naturellement
croilre ses richesses artistiques et archéologiques. Elle est en prendre pour un refus le silence opposé à sa proposition et
cela au- dessous de bien des villes de province d'un rang infé croire qu'il s'était trompé d'adresse. Il retira donc son offre .
rieur au sien . Il en sera ainsi , lant que le budget communal Ainsi qu'il était facile de le prévoir, d'après les nombreuses
n'aura pas ouvert un crédit annuelde quelque importance pour demandes adressées de divers côtés, la vente des monnaies
les acquisitions à faire au nom de la ville.Ce crédit devrait être toulousaines faite au détail et de gré à gré , devait être beau
mis à la disposition d'un mandataire spécial, secondé au besoin coup plus lucrative pour l'acquéreur du médailler Soulages.
d'une commission , qui recevrait les offres pour le Musée de Elle a eu lieu , à Toulouse , aussitôl qu'on désespéra d'obte
Toulouse et ferait les démarches sans lesquelles une collection nir une réponse favorable de l'administration . Quelques
ne peut ni se créer, ni s'enrichir . heures ont suffi pour diviser le lol en plusieurs mains. Il n'a
Notre ville , au lieu de se trouver dans des conditions privi pas quitté cette ville ; mais l'intérêt qu'offrait la réunion de
Jégiés pour recueillir dans ses galeries tout ce qui a pour nous ces monnaies royales et comtales de Toulouse n'existe plus.
un intérêt local et se rattache à notre histoire , n'est pas en La Société archéologique du Midi de la France aime à êlre
mesure de profiter des occasions les plus favorables , si elles mise au courant de tous les faits locaux qui intéressent l'ordre
- 76

de ses études. En lui en signalant un nouveau , aujourd'hui, par ceux qui ont l'autorité nécessaire pour éviter le renonvel
nous ne voudrions pas seulement satisfaire sa légitime curio lement de semblables faits .

sité, nous désirerions surtout que notre communication pat


GUSTAVE DE CLASADE .
franchir l'enceinte de nos séances el être entendue au - dehors

FOUILLES AUX ENVIRONS DE NARBONNE

Nous recevons de M. Tournal la copie suivante d'une lettre adres mis de constater la présence d'un seul fragment d'os brûlé ;
sée par lui, le 28 mai, à M. le président du Comité des travaux histo il faut donc croire , si toutefois ce foyer a servi à brûler un
riques (section d'archéologie) : cadavre, comme cela est probable, que les ossements furent
soigneusement recueillis après la combustion pour être con

MONSIEUR LE PRÉSIDENT , servés dans une urne cinéraire (olla ossuaria ).


« Nous avons recueilli les débris de plus de quatre-vingt
« Un travailleur de terre m'ayant annoncé, la semaine der
lampes, dix seulement étaient intactes . Elles sont en terre
nière , qu'il venait de découvrir, à 4 kilomètres de la ville , et
cuite , très -fragiles, å un seul bec , munies d'une pelile anse,
au lieu désigné sous le nom des Impérious , plusieurs lampes
et d'une fabrication assez grossière . Leur diamètre supérieur
en terre cuite , je me suis empressé d'aller visiter cette localité ,
varie de 5 à 7 centimètres. La petite ouverture , destinée à
et j'ai l'honneur de vous communiquer quelques détails sur
l'introduction de l'huile , est toujours placée dans la partie
cette trouvaille .
centrale, lorsque la surface de la lampe est dépourvue d'orne
« Des fouilles exécutées dans un ravin à pente très - rapide,
ments.
et qui sillonne une colline de l'époque du lias, ont mis à jour Les marques de fabrique se réduisent aux trois suivantes :
un petit amas de terre très-noire , d'environ 0m60c de hau
M. NOVIVS
leur , sur 1m20c de diamètre , et situé à 0m25 ° au -dessous de S.OFF
la surface du sol. Le ravin est presqu'entièrement comblé par IVNIALEXI
des fragments sans cohésion de roche calcaire, transporlés Voici les principales figures : Lièvre , courant à droite ; -
depuis longtempts par les eaux torrentielles. Chien , muni d'un collier, el courant à gauche ; - Quatre
« La terre noire était circonscrite par une petile muraille feuilles ; - Masque comique; - Deux palmes; - Figure
en pierres sèches ayant subi l'action du feu , et le tout recou grotesque représentant une Victoire ailée, velue d'une longue
vert et entouré par les pierrailles dont je viens de parler. Ces tunique , el portant dans la main droite une couronne radiée
matériaux de transport ne renferment pas la moindre trace de et dans la gauche une palme, ses pieds reposent sur un globe ;
lerre végétale , et la surface est dépourvue de toute espèce de Grand vase à deux anses ; Esclave ayant les mains ap
végétation . puyées sur l'anse d'une grande amphore ; — Coq et palme; –
« C'est en exécutant une tranchée au centre de ce ravin , et Mime grotesque , armé d'une pique et d'un bouclier et bran
dans les pierrailles dont j'ai essayé de décrire la nature , l'ori dissant une énormemassue ; - buste de femme dont la tèle,
gine et les dispositions, que l'on a rencontré les traces de cet couverte d'une abondante chevelure, est entourée de cinq
ancien foyer, ou bien de cet ustrinum . rayons et dont le cou est orné d'une torques.
« Nous avons trouvé dans la terre noire , deux moyens Existe -t-il d'autres exemples d'une pareille accumulation
bronzes, l'un de Domitien , l'autre de Trajan , des fragments de de lampes dans le même foyer ? Quelque ancien auteur fait-il
charbon de bois, une grande quantité de lampes disposées allusion à celle particularité des cérémonies funèbres ? Je
sans ordre et en général brisées, et surtout des noyaux de l'ignore ; mais, quoi qu'il en soit, les détails des fouilles des
pin pignon (pinuspinea ) carbonisés, et d'une conservation par Impérious m'ont paru assez curieux pour être communiqués au
faite . C'est à la combustion de la térébenthine renfermée dans
Comité.
ces fruits résineux , el au dégagement du noir de fumée , qu'il
Veuillez agréer, Monsieur le Président, etc. , etc.
faut attribuer la couleur noire des cendres de cet ancien bûcher.
TOURNAL
« Les recherches les plus minutieuses ne m'ont point per
DÉCOUVERTE DE GALERIES DE MINES DE L'ÉPOQUE GALLO -ROMAINE

DANS LE DÉPARTEMENT DU TARN

A une vingtaine de kilomètres au nord -est d'Albi , non loin De distance en distance, nous avons remarqué sur les parois

du village de Fraysse, M. Mamert Ravailhe , banquier, a de la galerie de petites excavations de grandeur suffisante ,
repris l'exploitation de mines de fer et de manganèse an pour y loger le poing ; les mineurs les avaient faites, sans nul
ciennement connues , mais abandonnées depuis longtemps . doule, dans le but d'y poser leurs lampes. Nous avons complé
Le 3 mars 1868 , les ouvriers voulant percer une nouvelle plus de trente de ces creux espacés de 50 à 60 centimètres,
galerie dans les flanc de la montagne, découvrirent une exca à une hauteur variable . On voyait même, au -dessus de plu
vation d'environ 30 mètres de long sur 2 mètres de large , et sieurs d'entre eux , des traces de fumée .
une hauteur variant de 2 à 6 mètres. C'était une galerie aban La découverte de cet ustensile a une importance réelle pour
donnée, jonchée de décombres qui n'étaient autre que du l'histoire de notre pays. Elle prouve d'une façon évidente que
minerai de fer. L'eau ruisselait de toutes parts, et il s'était les abondants gisements de fer et de cuivre que possède le
formé sur les parois de la mine une nouvelle couche très-mince nord -est du département du Tarn étaient connus des Gaulois
d'oxyde de manganèse . et des Romains. Cette lampe a dû sortir des ateliers de poterie
Aucun indice n'annonçait l'époque où cette galerie fut de Monlans. M. Élie Rossignol a donné, parmi d'autres nom
creusée , lorsque quelques jours plus tard , dans un amas de breusesmarques de potiers , le nom inscrit sur l'objet de notre
décombres , on trouva une lampe d'argile rouge remontant élude (1 )

d'une façon incontestable à la période gallo -romaine.


BARONDIVÈRES.
Elle est de petite dimension , à un seul bec , munie d'une
anse, et d'une forme qu'on retrouve fréquemment. Le sujet
figuré en relief à la partie supérieure est un aigle lenant la
foudre dans ses serres. Le dessous porte en creux la marque (1) Des antiquités el principalement de la poterie romaine, trouvées à
C. OPPI. KES. Montans (Tarn ), par Élie Rossignol. — (Bulletin monumental, annde 1861.)

imprimée à l’estampille . La lampe était fendue en deuxmor


ceaux .

SQUELETTES HUMAINS DE L'ÉPOQUE DU RENNE

AUX EYZIES (DORDOGNE)

A la suite de l'époque glaciaire est venue la période hu lettes ont été détruits par les ouvriers. Deux seulement ont pu
maine ; désignée sous le nom d'époque du renne . Cette être sauvés . Dès que M. Duruy , ministre de l'instruction
période , tout d'abord signalée par M. Éd. Lartet, est mainte publique , a eu connaissance du fait, annoncé du reste d'une
nant étudié avec soin par grand nombre d'investigateurs manière assez emphatique par lous les journaux , il s'est em
habiles et éclairés. Pourtant, malgré toutes les recherches, pressé de donner à M. Louis Lartet la mission d'aller recueillir
l'homme d'alors est encore presque inconnu . Heureusement, les objets découverts etde bien constater les circonstances du
un événement fortuit vient, à ce qu'il paraît, de fournir d'im gisement.
portants documents sur ce sujet. En exécutant des travaux de M. Louis Lartet a rendu compte de sa mission à la réunion
chemin de fer , aux Eyzies (Dordogne ), les ouvriers ont décou des délégués des Sociélés savantes , séance du jeudi 16 avril
vert sept sépultures qui semblent remonter à l'époque du 1868, section des sciences , en présence du ministre et d'un
renne , dont la commune a déjà offert des gisements si remar très nombreux auditoire attiré par l'importance du sujel. Les
quables, explorés surtout par MM . Ed. Lartet et H. Christy, et squelettes, recouverts et protégés par d'abondants détritus,
par M. le marquis de Vibraye. Malheureusement, cinq sque accumulés pendant une longue série de siècles, étaient dans
78

la terre nue , accompagnés de colliers en coquilles marines, tous les caractères présentés par les ossements humains des
d'amulettes ou pendeloques en ivoire , de nombreux silex Eysies , se rencontrent dans la race actuelle des Esthoniens.
laillés à éclats, sans poli, et de débris d'animaux parmi les Enfin M. de Quatrefages a clos la discussion , cherchant à
quels figure le renne. établir que les caractères dolichocéphale et brachycéphale

Après M. L. Lartet, M. Broca a pris la parole et étudié les n'ont pas toute la valeur qu'on a voulu leur accorder jusqu'à
ossements humains. Dans leur ensemble, ces ossements déno présent.

tent de grands individus, ce qui est contraire à l'opinion En somme, l'auditoire a paru fort étonné de voir le peu
admise jusqu'à présent ; on croyait l'homine de l'époque du d'accord qui existe entre nos anthropologues les plus distin
renne de petite taille. Les crânes surtout sont grands et volu gués. Est-ce surprenant ?... Nullement !!... L'anthropologie
mineux. Leurs parois, contrairement aussi à ce qui était géné est une science toute nouvelle , qui se fonde . Il y a vingt ans,
ralement admis , sont minces . La forme est dolichocéphale ou il n'y avait pas une seule collection anthropologique à Paris.
allongée. L'angle facial est presque droit. Tout dénote une La Société d'anthropologie ne date que de huit ans. Pour le
race parfaitement organisée pour arriver à tous les développe moment, le rôle de l'anthropologie est d'enregistrer des faits,
ments de la civilisation . Pourtant ces crânes ont un aspect plus tard elle tirera les conclusions. Sur les caractères des
tout particulier. Sansavoir le prognatisme réel de la mâchoire, débris humains trouvés aux Eyzies , les trois anthropologues
il y a un prognalisme alvéolaire . L'ensemble de la mâchoire qui ont pris la parole sont parfaitement d'accord . Que peut-on
n'avance pas de manière à rendre aigu l'angle facial, mais les demander de mieux ? Ils n'ont différé d'opinion que lorsqu'ils
dents sont implantées obliquement en avant. Les yeux sont sont entrés dans la théorie ; c'est tout simple, ils manquent
surtout fort curieux . L'orbite est très -surbaissé el fort allongé d'une base solide !... Il faut encore beaucoup observer, beau
dans le sens horizontal. A côté des caractères propres à une coup travailler , et l'anthropologie , tout comme la chimie , la

race intelligente, M. Broca en a relevé d'autres, surtout dans géologie, la paléontologie, deviendra une science sûre, pré
les membres, qui ne se retrouvent que dans les types les plus cise , positive.
GABRIEL DE MORTILLET
inférieurs de l'humanité actuelle .

M. Pruner - Bey a succédé à M. Broca , pour démontrer que Extrait des Matériaux pour l'histoire positive etphilosophique de l'homme.)

CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE . 350 SESSION .

La Société française pour la conservation des monuments doit se Domination romaine. Topographie de la région . Architec
réunir en Congrés : à Carcassonne, le 20 novembre 1868 ; à Nar
lures, voies, numismatique, épigraphie , colonnes milliaires.
bonne , le 22 , et à Perpignan , le 24 . Nous croyons que nos lec
Domination visigothique. Restes de constructions. Vestiges
teurs de la région seront heureux de prendre part aux travaux dont
voici le programme : de la langue dans quelques noms d'hommes et de lieux. Ins
criptions. Monnaies.
PROGRAMME DES QUESTIONS.
Domination arabe. Quelques souvenirs sont- ils restés de

Questions générales. cette courte période, soit dans les monuments, soit dans
Age antéhistorique. Cavernes à silex . Cavernes à ossements. l'idiome local ? Est-ce de l'architecture des Arabes que pro
Habitations lacustres. cèdent quelques constructions , le Castillet à Perpignan , par
Population primitive des pays qui forment aujourd'hui les exemple ? Les Arabes ont-ils importé chez nous l'arrosage ?
départements de l'Aude et des Pyrénées- Orientales. Noms des Tours de signaux . A quelle date remontent celles que l'on
diverses tribus , leur origine ; délimitations respectives. voit encore en assez grand nombre dans la partie orientale
Les Phéniciens ont- ils fait échelle sur nos côtes ? Ont- ils des Pyrénées ?
Jaissé quelque trace dans la nomenclature topographique ? Connait- on des moulures ou débrismérovingiens, soit con
Existe -t-il dans la région des monuments dils celtiques, servés dans les musées , soit encastrés dans les murs des égli
pierres levées, dolmens, tumulus ? Ces derniers ont- ils été ses recoustruites quelques siècles plus tard ?
fouillés ? Faut-il croire que certaines pratiques superstitieuses Architecture religieuse au moyen âge. - Églises å dates

et traditions légendaires se rallachent à l'époque dite cel certaines, à trois nefs, à une seule nef. Églises de forme par
lique ? liculière (Rieux -Mérinville, Planes).
- 79

Établissements monastiques. Cloitres. romaines situées dans le quartier des Dames- Sainte -Marie
Architecture militaire. La cité de Carcassonne ; le Château (maisons Lasserre, Bouniol, Verrès, etc.) ? Faut-il y voir des
Majeur et le Castillet, à Perpignan . Ruines de La Clusa . caves, des prisons , des logements pour les esclaves , ou bien
Architecture civile. Le palais archiépiscopal, à Narbonne ; des loges pour les animaux ?
la Loge de mer, à Perpignan ; l'ancien Palais - de- Justice , la VII. Existe - t-il , dans le midi de la France , des monu
maison de la rue de la Main -de-Fer , à Perpignan . Maisons ments chrétiens antérieurs au règne de Constantin ?
anciennes de Villefranche.
VIII. Les tombeaux chrétiens avec figures, des premiers siè
Appareils. Emploi de la brique et du caillou roulé .
cles, que l'on observe dans les musées de la Provence , de
Mobilier des églises . Fonts baptismaux . Orfévrerie . Orne Narbonne et de Toulouse , onl-ils élé exécutés en France ou
ment sacerdotaux . Rétables anciens, peints ou sculplés. en Ilalie ?
Peintures murales .
IX . Existe -t-il, dans le midi de la France , des tours de si
Croix de chemin ou de cimetière .
gnaux, des monuments ou des restes de constructions que
Divisions géographiques, religieuses , administratives et ju l'on puisse , avec certitude, attribuer aux Arabes ?
diciaires de la région au moyen âge.
X. A quelle cause faul -il altribuer l'établissement du con
Langue maternelle . Transformations qu'elle a subies depuis sulat dans le midi de la France ?
le xulle siècle. Élat actuel.
XI. De quels monuments proviennent les inscriptions et les
bas-reliefs qui se trouvent encastrés dans les remparts de
Questions formulées spécialement pour la réunion de Narbonne. Narbonne ? Les monuments funèbres qui bordaient les voies
romaines existaient-ils dans le xvie siècle ? Les arènes, les
I. Existait-il, dans le midi de la France , une population
indigène antérieure aux plus anciennes invasions ibériennes acqueducs, les portes, les portiques , les théâtres, les temples ,

ou celtiques ? les thermes, étaient- ils encore en partie debout pendant le

II. Les divisions de la période préhistorique en âge de pierre, moyen âge, bien que les archives de la ville n'en fassent au

du bronze et du fer , reposent - elles sur des faits incontestables ? cune mention ? Ou bien le Capitole , avec ses tours et ses mu

III. Faut- il considérer les plus anciensmonuments mégali railles , avait-il seul échappé à la destruction des monuments

thiques du Midi de la France, de l'Espagne et de l'Algérie , romains ? S'il en était ainsi, n'est -on pas autorisé à croire que

comme ayant été élevés par une population locale, antérieure les inscriptions et les bas- reliefs des remparts proviennent des

aux plus anciennes invasions celtiques ? anciennes murailles dont Simon de Montfort ordonna la démo
lition ?
IV . Pourquoi désigne- t-on les haches polies de pierre sous
le nom de pierres de tonnerre , non -seulement dans toute XII . A quelles causes faut-il attribuer la non -exécution de

l'Europe , mais dans l'intérieur de l'Afrique et en Asie ? médailles au type de Narbonne , pendant la période gallo

V. N'est- on pas autorisé à croire , d'après les idées supers romaine ? Les premières médailles frappées dans cette ville,

titieuses dont ces pierres ont de tout temps été l'objet , en laissant de côté celles de l'époque celtibérienne , datent

d'après leur forme, les circonstances dans lesquelles on les elles seulement des rois visigoths ?

rencontre , leurs dimensions et la nature des roches à l'aide XIII. Le cours naturel de l'Aude, pendant la période gallo
desquelles plusieurs ont été exécutées, qu’une certaine classe romaine, était- il par Moussoulens et Narbonne ? ou bien la
doit être considérée comme des emblèmes, des talismans ou rivière suivait- elle cette direction par suite de travaux artifi
des amulettes funèbres ? ciels, comme cela existe aujourd'hui pour le canal de la
VI. Quelle destination peut-on attribuer aux substructions Robine ?

CHRONIQUE ARTISTIQUE

( AU RÉDACTEUR , Elle s'attacha par un lien puissant ce fastueux époux qu'elle


Le divin Platon raconte que, tandis que les dieux célé avait gagné par surprise , et Poros lui fit l'aumône d'un bel
braient la naissance d'Aphrodite, Pénia, déesse de la pauvreté , enfant. Cet enfant du plus opulent des pères et de la plus
attirée par le bruit du festin et l'espoir d'en tirer parti , vit indigente des mères , ambitieux et prodigue comme l'un ,
Poros , dieu de l’Abondance , s'égarer dans les jardins de misérable et affamé comme l'autre, s'appela l’Amour.
l'Olympe et, appesanti par les fumées du nectar, s'endormir . L'artiste comme l'Amour, est à la fois l'enfant de
80

l'opulence et de l'indigence. Généreusement pourvu à l'endroit de l'intrigue : MM . Jules Garipuy et Dominique Baron , dont
de l'intelligence , il est assez parcimonieusement loti du côté je tiens à m'occuper aujourd'hui.
de la fortune, et la foule ignorante et grossière , qui n'admet M. Garipuy est, depuis huit ans, conservaleur du Musée
ou ne tolère, au soleil de la publicité , que ceux qui sont faits et professeur à l'Ecole des Arts de Toulouse. Pendant celle
à son image , le méconnaît souvent , lorsqu'elle ne va pas jus période , ce professeur a préparé une foule d'élèves pleins de
qu'à le persécuter . promesses à deux brillants concours triennaux.
L'artiste , - surloul en province, est en butte au Le lauréat de 1863, envoyé à l'École de Beaux-Arts de
mauvais vouloir desmédiocrités jalouses, asservies aux lache Paris par la ville de Toulouse, s'y est fait remarquer si bono
tés humaines et toujours disposées à piétiner sur le talent. Je rablement, que M. Guillaume, directeur de l'Ecole , ayant
ne puis m'empêcher de me le représenter comme le condamné obtenu une grande médaille d'or à l'exposition universelle de
japonais qu'on enterre vivant jusqu'au cou , à la bifurcation de 1867, demanda que la somme destinée à frapper cette médaille
deux chemins , ayant sur la nuque une scie que tout homme d'honneur fut consacrée à l'exonération du jeune artiste.
qui passe doit tirer trois fois. Le patientagonise ainsi pendant Le concours pour le grand prix de composition de fin
plusieurs heures ; on le ranime avec des cordiaux, et , la plaie d'année de 1866 fut très -remarquable et embarrassa le jury,
ouverte, la scie dans les chairs , il souffre , avant d'expirer , des qui demanda à la municipalité une double pension pour en
lortures sans nom . voyer à Paris deux élèves qui lui parurent également dignes
Le supplice de l'artiste , plus long et plus poignant que de celle faveur . Toulouse n'aura pas à regreller sa munifi
celui du condamné japonais, dure habituellement toute sa vie cence ; car la première année, l'un des lauréats obtint le
dans notre société positiviste , enivrée d'industrialisme , qui , second grand prix de fin d'année.
selon l'expression orientale, cueille des chardons pour l'âne Les fails ont la brutalité des chiffres, et les éclatants suc
et n'attrape pas des moucherons pour le rossignol. cès des élèves de M. Garipuy témoignent baulement du mérite
L'art , si hautement glorifié dans l'antiquité et si efficace du professeur .
ment réhabilité à l'époque de la Renaissance , est devenu la Je ne veux pas analyser ici l'auvre de l'artiste ; jeme
slérile voluplé de rares apôtres enthousiastes, ou la distraction bornerai simplement à citer son tableau d'Attila après le
de quelques dilettantes blasés. Quant à la masse sociale , -- d'Aquilée, qui décore la grande salle du Musée de la ville.
mauvaise semence d'Adam , il mal seme d'Adamo, comme dit Ce tableau se recommande par une couleur lumineuse ,
Dante , - en perdant la tradition des inspirations supérieures, une grande fermelé d'exéculion et un effet pittoresque très
elle n'a pas acquis une culture suffisante pour apprécier les saisissant. Je reconnaîtrai volontiers les quelques défauts qu'on
grandeurs de l'idéal; car, dans l'ignorance, l'ennui et la fati est en droit de lui reprocher ; mais je défie que depuis Tour
gue des âmes , je ne vois de préoccupations que pour les nié, Chalelte, Rivalz et Roques , qui firent la gloire de l'École
frairies physiocratiques. toulousaine, aucun Toulousain ait produit l'équivalent de cette
Dans les arts, comme dans la plupart des connaissances toile . L'impression dramatique , les tendances élevées, les
humaines, l'habileté matérielle, les procédés mécaniques , préoccupations historiques et les évocations etnographiques,
qualités inférieures , en un mot , s'accroissent journellement, le mettent bien au -dessus des banalités couranles sur lesquel.
mais au détriment du sentiment, de l'intelligence pure . L'imi les s'évertue l'imagination énervée de la plupart des peintres
tation prend la place de l'invention , la virtuosité celle de la actuels .
science . L'initiative disparait ; et l'artiste , tenaillé par les M. Baron excelle dans le genre et surtout dans le paysage,
nécessités implacables de la vie , est obligé de marcher à la qui est une formule picturale essentiellement moderne. C'est,
remorque du public pour conquérir ses suffrages, parce que le en effel , dans les civilisations excessives que les esprits
libertinage a lué la virtualité et l'ardeur parmi nous. fatigués se réfugient au sein du monde extérieur, où ils
Je ne voudrais cependant pas être taxé de rigorisme ; semblent trouver des affinités sympathiques à leurs mélanco
aussi conviendrai-je que la somme des idées mises en circula lies secrètes .
tion par l'esprit humain se réduit à peu de chose ; que c'est M. Baron est le peintre allentif des séductions de la
par la manière dont elles sont exprimées ou réalisées qu'elles nature et des décamérons élégants. Sobre el consciencieux,il
appartiennentà l'art et à l'artiste, el qu'on n'invente rien d'une a un grand sentiment de l'arrangement et de l'effet. Sa pein
manière absolue, alorsmême qu'on combine les fictions les lure , imprégnée des poésies intimes de la création , est blonde
plus chimériques, qui se font toujours avec des débris de vé et argentine, transparente et lumineuse comme le soleil .
rités ; néanmoins, je souhaiterais rencontrer plus d'originalité Je ne pense pas avoir surfait le mérite de MM . Garipuy et
parmimes contemporains . Baron , et je suis certain que les esprits impartiaux et clair
Puisque vous m'avez confié le soin de faire , à celle place , voyants partageront, à leur endroit, mon opinion , que je crois
une chronique artistique , dans le double but de découra ger sincèrement marquée au coin de l'équité. Telle a été mon in
ceux qui font métier et marchandise de l'art et de stimuler les tention ; car j'ai, depuis longtemps, adopté pour principe cetle
talents de bon aloi, que l'on a une tendance funeste à élouffer, pensée du moine Pierre de Blois, qu'il y a deux choses pour
il est de mon devoir de signaler deux artistes loulousains , lesquelles nous devons lutter jusqu'au sang : la justice et la
deux peintres désintéressés , qui fuient les chemins souillés liberté !
L. B. DU V.
- 81 -

BAS-RELIEF DE L'ÈPOQUE WISIGOTHE AU MUSÉE DE NARBONNE.

Le Musée de la ville de Narbonne , déjà très -remarquable conculicabis leonem et draconem . Le personnage portant la croix,
par ses nombreuses inscriptions romaines et du moyen âge , signe du salut du monde, symbolise le triomphe des héré
possède aussi denombreuses sculp sies représentées par l'animal dans
tures. Parmi ces dernières, nous lequel on peut voir le lion .
avons remarqué un bas- relief en Quant au dragon , nous l'avons
"!!
marbre blanc, encastré dans le d'abord vainement cherché, mais
mur du haut du grand escalier . nous croyons l'avoir trouvé dans
Ce monument, dont l'exécution l'espèce de grosse corde qui s'é
est on ne peut plus barbare, repré tend d'un personnage à l'autre.
sente, croyons-nous , le triomphe Après un examen minutieux, elle
de la Croix .
nous a paru terminée par une lêle
Dans le bas, un personnage assis d'animal. Celte sorte de grande

sur une sorte de faldistorium , tient torsade est probablement la forme


de la main droite une grande croix . sous laquelle l'artiste barbare s'est
Un autre personnage , debout, sou représenté le dragon . Les colom
tient la croix de la main gauche et bes se désaltérant dans le canthare ,
semble relié au premier par une figurent les chréliens qui se nour
sorte de corde . Un animal fantas rissent de la divine Eucharistie.
tique se voit au-dessousdu faldisto
La forme pallée de la croix est
rium .
caractéristique et suffirait, à dé
La croix est pattée et recercelée
faut du style barbare du bas
et ornée de 41 gemmes ou pierre
&

relief, à lui attribuer une origine


ries ; les lettres symboliques , alpha
wisigothe. Nous ferons un jour une
et oméga , sont suspendues aux étude sur diverses croix pallées qui
bras de la croix . Au-dessus, se
existent dans plusieurs monuments
voient deux étoiles , une à six et
du Midi de la France et de l'Espa
une autre à cinq rayons . Enfin , gne, témoin la croix des couronnes
dans la partie supérieure , deux co du trésor de Guarrazar , aujourd'hui
lombes affrontées boivent dans un conservées au Musée de Cluny.
canthare. Une autre étoile et une Ce bas -relief, fendu en deux mor
Hauteur, 1in , largeur, 55 c .
coquille de limaçon se trouvent au ceaux provient de l'église ro
dessus du premier personnage . maine de N.-D. de la Major, à
Il est facile de reconnaitre dans ce bas-relief l'interpréta Narbonne , édifice en grande partie démoli.

tion de ce verset : Super aspidem et basilicum ambulabis et BARON DE RIVIÈRES .

Si notre explication est exacte, le geste du second personnage du bas-relief indiquerait une sorte de recours à la protection du signe du salut contre l'attaque du
Dragon . Il ne faut pas oublier que le Dragon n'est autre que le serpent, el que maintes fois les sculpteurs du haut moyen âge l'ont représenté sous cette fornie, et
non sous celle d'un reptile ailé : cette observation nous semble de nature à confirmer notre hypothèse, qui paraitrait peu plausible si l'on admettait que le Dragon n'a
jamais été représenté sous la forme réelle du serpent.
- 82

NOTICE SUR UN DENIER CARLOVINGIEN FRAPPÉ AU PUY.

Une lacune considérable , toutefois existe , quand à la


La numismatique du Velay se dégage peu à peu de ses
deuxième race.Mais l'avenir nous réserve sans doute plus d'une
obscurités ; elle compte aujourd'hui des éléments presque assez
surprise , et nous ne désespérons pas de voir apparaître un
nombreux pour qu'il soit possible d'en écrire la monographie.
Le monnayage gaulois des Vellavi, naguère entièrement in jour les monnaies des premiers rois carlovingiens avec le nom

connu , paraîtmaintenant être représenté par des statères d'or du Puy. En attendant, un heureux hasard vient de combler ,
pour cette époque, un de nos desiderata , en nous livrant une
et des deniers d'argent, dont l'attribution est extrêmement
vraisemblable. La série mérovingienne a fait de récentes con monnaie importante .
quêles (1 ) qui l'ont considérablement enrichie : de nombreux En 1866, on découvrit en Espagne (1) un trésor de mon

triens aux légendes Vellavos et Anicio , d'une lecture certaine naies arabes, auxquelles étaient mêlées une vingtaine de mon
naies carlovingiennes . C'étaient des deniers de Charles -le
el d'une attribution incontestable, se distinguent par la va
Gros ( Toulouse , Bourges, Nevers), d'Eudes (Limoges), de Char
riété de leurs types, et donnent à la cité des Vellaves une
place importante dans la Gaule mérovingienne. Le monnayage les -le -Simple (Melle, deniers et oboles), de Lothaire ( Quento

féodal de l'Eglise du Puy n'est pas moins riche (2), et les espè vic), de Guillaume ( Brioude, trois variétés), d'Orléans, de
Tours et Chinon (à la tête ), et deux ou trois exemplaires d'un
ces retrouvées nous offrent très-probablement une série com
denier nouveau de Raoul, dont voici le dessin et la descrip
plète de ses types successifs ; nous avons , en effet, les deniers
d'argent (Moneta sce Mariæ ) sortis de la trouvaille du Breuil, tion :

près Saint-Germain - Lembron , et leurs dégénérescences (mo


nela sce Manue) , de la fin du Xe et du XIe siècles ; les super
bes deniers d'argent pur (beatæ Mariæ Podiensis) , composant
le trésor de Solignac -sur-Loire, que leur style reporte à la fin INS
du XIIe siècle , et dont la beauté révèle dans le monnayage
du Puy une restauration véritable, qui s'accomplit , croyons
nous, au moment où les Evêques du Puy virent définitivement
† ANITO CIVIIT (Anitio civitas). Dans le champ, mono
assurer sur le Velay leur suzeraineté féodale si vivement dispu
grame de Radulfus.
tée par les vicomtes de Polignac ; et enfin les deniers et oboles
Revers . ~ + RADYLFVS Rex. Croix dans le champ.
de billon à la légende poies (poges) del Puei, dont la mention
Argent. — Deux pièces : l'une est entière, l'autre a été mu
sous les noms de pogesia , pogues , poges, pougeoise (3 ), revient
tilée d'un coup de ciseau par l'orfèvre à qui elle fut d'abord
si fréquemmentdansles charles du XIIIe siècle, et par lesquels
présentée .
cessa , au commencement du XIVe le monnayage féodal de
Poids du denier intact : 1 gramme 30 centigrammes.
l'Eglise du Puy, pour reparaître un instant au XVe siècle avec
C'est la monnaie que nous revendiquons pour le Puy .
les nodes (4 ).

de Notre-Dame. Elles servaient dans le principe aux distributions ordinaires


( 1) Collections de MM . le vicomte de Ponton d'Amécourt, prince de des clercs de la Cathédrale ( Université de Saint-Mayol). Jean de Bourbon, évê
Furstemberg , Bouillet, Aymard ; Musées du Puy, d'Autun, de Metz . que du Puy (1443-1445), d'accord avec les Consuls, autorisa l'usage de ces
( 2) Consultez : Anal. de Barthélemy. Numism . du moyen age et mod ., méreaux dans la ville , d'où il s'étendit dans tout le diocèse . Chaque node
p . 183. – B. Fillon , xxije Congrès scient. de France tenu au Puy en 1855, reçut la valeur nominale d'un denier ; à époques périodiques, le rembour
1. 11, p. 574 ; Etudes numismatiques, 1856 , p . 81 et 164 ; Monnaie fran sement en était fait par les bailes de Saint-Mayol. Des argentiers de las
çaises de la coll. J. Rousseau , 1860 , p . 62. Aymard , Découvertes d'an Taulas « bien entenduts à gravar coings et poinssos,» les contrefirent sur
ciennesmonnaies du Puy et de Brioude, Revue numismatique, 1856 , p . 113. une grande échelle . L'Université de Saint-Mayol s'en trouva bientôt obé
F. Poey d'Avant. Monnaies féodales de France, 1858, t. I, p . 337, rée, et les nodes furent démonétisées eu 1476. « Lo murmur fo grant en la
planche xlix. viala, car chascun se doblava qu'en vendria so que en advenguet. » Chro
(3 ) La pougeoise du Puy eut, au moyen âge, dans les provinces de la niques d'Est. Médicis, de las Nodas de Sainct-Mayol, lom . 1, p . 260-262
France centrale, tout autant de vogue que la pite de Poitiers ; leur valeur ( sous presse ).
élait d'ailleurs la même. (1) Ces renseignements m'ont été obligeamment fournis par MM . Rollin
(4 ) On appelait ainsi des bracteates en laiton , ayant pour type l'image et Feuardent, antiquaires à Paris .
83

La ville du Puy s'appelait anciennement Anicium , du nom La main débile de Charles-le - Simple n'était pas de force å
de la petite montagne d'Anis sur laquelle elle était bâtie (1) . réprimer les usurpations des grands vassaux , encore moins
Nolre denier offre le nom d'Anicium légèrement altéré. Le leurs révoltes. En 923 , après la mort de Robert, duc de
second I d'Anicium a été , par une faute du graveur, rejeté France , qui s'était fait proclamer roi, son gendre Raoul, duc
dans le mot civitas, qui est ainsi devenu ciivit. Quant à l'em de Bourgogne, fut à son tour élu roi, au mépris de Charles
ploi du T au lieu du C dans Anicio , quoique rare, celte va le - Simple, retenu prisonnier par Héribert, comte de Verman

riété orthographique se justifierait par plusieurs exemples dois. Les peuples du midi de la Loire , aux yeux desquels
tirés de chartes ou de manuscrits fort anciens; il suffira d'en Charles ne cessait point d'être le seul roi légitime, se refuse
citer un seul qui est décisif. Adalard , évêque du Puy, (918 rent à reconnaitre l'autorité du nouveau monarque. Mais Guil
926 ), fit don à l'Eglise de cette ville d'un manuscrit qui est laume II, duc d'Aquitaine et comte d'Auvergne el de Velay,
parvenu jusqu'à nous, et il eut le soin de constater son ayant consenti à lui rendre hommage, moyennant la restitu
offrande par la note suivante écrite de sa propre main en tête tion du comté de Bourges, la puissance de Raoul, par cette
du volume : Liber oblatus ad altare s(an )c(l)e Marie || Anitien soumission , s'étendit momentanément sur le Berry, l’Auver
sis ecclesi)e dono Adelardi ejusdem | sedis ep (iscop)i. Sit gne, le Velay, et les autres possessions de son vassal (1).
utenti grati)a , largitori venia , fraudanti a ( na)thema ( 2) , Comme conséquence naturelle de cette soumission, une
Le litre de civitas s'appliquait , comme on sait, aux seules officine royale fut- elle établie par Raoul au Puy ? Il est permis

villes épiscopales. L'évêché des Vellavi, d'abord établi à Revessio d'en douter. Il ne faut pas oublier que l'autorité des derniers

( Saint-Paulien ), avait été depuis longtemps transféré à Ani rois carlovingiens était beaucoup plus nominale qu'effective,

cium ( 3). D'ailleurs, en parcourant la liste des évêchés de la et je n'hésite pas à assigner à notre denier une autre origine .
Gaule , on n'en voit aucun autre dont le nom ait quelque reş Le 8 avril 924 , le roi Raoul, le comte Guillaume et Ada
semblance avec notre légende. lard , évêque du Puy (episcopus ecclesice Aniciensis seu Valla
Il est intéressantde rencontrer sur notre monnaie le nom de vensis), étantréunis à Châlon -sur-Saône , le roi donna å l'Evê

Raoul; à son règne se rapporte un des faits les plus conside que et à ses successenrs « le bourg contigu à l'église du Puy,
rables de l'histoire du Velay : c'est ce roi qui, en abandon et tout ce qui, dans cet endroit, appartenait au domaine du

nant aux Evêques du Puy l'exercice des droits régaliens, les « comte et dépendait de son pouvoir, savoir : les droits de
introduisit dans le système féodal et créa , en faveur de l'Eglise « marché, de tonlieu , de monnaie et de justice ( 2 ), ) Cette
2

du Puy, la grande place qu'elle y a tenue au moyen âge. concession se fit « avec le consentement du comte Guillaume..

(1 ) Au Xe siècle , lorsque son église , dédiée à la Sainte-Vierge, ful (1) Dom Vaissele. Hist, gen . de Lang., t. 11, liv . XII. · Henri Martin ,
devenue un lieu de dévotion célèbre et le but de pèlerinages innombra Hist. de France , t. 11, liv. xvi.
bles, la ville d'Anicium reçut aussi le nom de Puy-Notre-Dame ( Podium Guillaume Il ne tarda pas à se détacher de Raoul que le Midi considé
Sanctæ Mariæ ), et elle fut depuis lors désignée en latin , indifféremment, rait toujours comme un usurpateur . Le comle Acfred , qui lui succéda ,
sous les noms d'Anicium ou de Podium , et même de Podium Anicii. Mais , continua aussi de résister. Les charles de nos contrées offrent de curieuses
dans le langage populaire, la dénomination romane lo Puey l'emporta sur traces de cette hostilité à la fois nationale et politique :
les autres qu'elle fit oublier . - « Quæ cessio a me facta fuit die martis, mense julio, anno primo re
(2 ) Cemanuscrit, donné par le chapitre du Puy à Colbert en 1681, fait gnante Rodulpho rege et Carolum in custodia tenente. » Carta 167.
aujourd'hui partie de la Bibliothèque impériale, Cod . Colb. 449, Reg ., Data fuit hæc cessio apud Celsiniacas ( Sauxillanges) quinto idus
3887 A., Lat. 1452. Il comprend deux recueils, l'un de Conciles , l'autre de octobris, anno quarto quo Franci dehonestaverunt regem suum Karolum
Constitutions impériales (des années 318 à 425) que J. Sirmond a publiées et contra legem sibi Rodulphum in regem elegerunt. » Carta 315.
et que G. Hænel a rééditées dans son Corpus juris romani antejustiniani, à - « Actum sexto idus decembris , anno quarto quo in fideles Franci
la suite des Novellæ constitutiones , sous le titre : XVIII constitutiones quas principem suum Karolum propria sede exturbaverunt et Rodulphum ele
Jacobus Sirmondus ex codicibus Lugdunensi atque Anitiensi Parisiis anno gerunt, Roberto interfecto . » Carta 327 .
XDCIIII divulgarit. Bonn , 1844, in -49. M. Aymard a eu la complai Cartulaire de Brioude publié par H. Doniol, 1863, in -4 " .
sance, dans un récent voyage à Paris, de vérifier, sur ma prière , avec (2) « .... Concedentes ei / Idlelardo episcopo) omnibusque successoribus
notre savant confrère M. Léopold Delisle, la mention inscrite en tête du omnem burgum ipsi ecclesie adjacenlem , et universa quæ ibidem ad domi
Ms., fº 2 , recto, et de m'en dessiner un fac-simile. nium et potestatem comitis hactenus pertinuisse visa sunt, forum scilicet,
( 3) Dom Vaissète, place ce transfert vers l'année 885, sous l'épiscopat teloneum ,monetam , et omnem districtum , etc ..... pro remedio animenostre ,
de Norbert(Hist. gen . de Languedoc, l. 1, p . 684-685). Mais cette opinion , consenciente fideli nostro Guillelmo comite , pro remedio anime Guillelmi
qui a contre elle la tradition formelle de l'Eglise du Puy, ne saurait être (Guillaume-le -Pieux ) avunculi sui atque omnium parentum suorum , etc ...
admise . On est aujourd'hui d'accord que ce fut l'évèque Evodius (Saint - Odo de Gissey, Hist. de N.-D. du Puy , l. 11, ch . 13 . Vora Gallia
Vozy ) qui transféra le siége épiscopal du Velay de Saint-Paulien au Puy, christ., t. 1, Instr . Eccl. Anic ., c. 211. Dom Vaissète , Hist. gén . de
et des raisons sérieuses autorisent à penser que cet évêque vivait à la fin Lang., t. 1. liv. Ili, et Preuves, c. 61. A. de Barthélemy, Numisma
du IVe ou au commencement du Ve siècle . Du reste, quelle que soit la tique du moyen age et moderne, p . 61
dale précise de cette translation , il n'en est pas moins certain que, dès La donation de Raoul en faveur des Evêques du Puy fut confirmée et
longtemps avant le règne de Raoul(923-936 ), le Puy était le siége de l'é même accrue par Lothaire en 955 , par Louis-le-Gros en 1134 , par Louis
vêché de Velay . le- Jeune en 1146 et 1173, par Philippe-Auguste en 1218 et par saint Louis
..
84

Guillaume II mourut en 926 , Adalard la même année, el monnaie royale , en réalité est-il purement féodal. Il forme le
Raoul en 936 .
point de jonction entre le monnayage féodal ecclésiastique du
Celle charte montre qu'en 924 la monnaie appartenait déjà Puy, à la tête duquel il prend naturellement place. Très-pro
au domaine du comte et était tombée en son pouvoir . En effet , bablement, ce type s'immobilisa et persista jusqu'à l'adoption
Guillaume II et, avant lui, ses prédécesseurs , avaient, comme du nouveau type ecclésiastique moneta sce Mariæ , vers la fin du
tous les grands vassaux de la monarchie carlovingienne , Xe siècle .

usurpé ce droit régalien . Il est probable qu'ils frappaient Les monnaies carlovingiennes de la trouvaille espagnole
monnaie aux types carlovingiens. Toutefois, ils ne tardèrent étaient presque toutes percées et munies de boucles d'argent
pas à substituer leur propre nom au nom royal, comme nous ayant servi à les suspendre à des colliers ou bracelets . Est-il
le voyons par les deniers Vlelmo coms-Brivites de Brioude . téméraire de supposer que ces spécimens de la monnaie cou
La libéralité que l'évêque du Puy Adalard devait à la faveur rante de la Gaule méridionale vers le milieu du Xe siècle ,
royale n'impliquait point de la part du comte de Velay l’abdi aient été rapportés à cette époque au - delà des Pyrénées par un
cation de son droit de battre monnaie. Le comte et l'évêque Maure, à la suite d'un voyage entrepris pour son négoce dans
eurent seulement dès lors un droit égal, et se trouvèrent sur les contrées du midi de la Loire ? La composition de ce trésor
le même pied . Par ce qui s'est passé ailleurs dans les cités où serait ainsi une curieuse preuve de plus des relations commer
l'autorité se partagea entre le comte et l'Evêque, on sait que , ciales des Maures d'Espagne avec le midi de la France et
suivant l'hostilité ou l'accord des deux pouvoirs, il y eut deux notamment avec le Velay . L'existence de rapports anciens et
officines rivales ou simplement une monnaie mixte (1). Au Puy , suivis entre l'Espagne et le Puy est indubitable . D'après une
après la concession de 924, il n'exista vraisemblablement qu'un tradition de l'Eglise du Puy, conservée par Vincent de Beau
monnayage commun , dans le principe, à l'Evêque du Puy et vais (1) (l'encyclopédiste du XIIIe siècle), et recueillie par notre
au comte de Velay qui s'en partageaient à l'amiable les profits. chroniqueur local Médicis (2) les Sarrasins occidentaux avaient
L'explication de cette entente, ou du moins de cette absence coutume d'envoyer des offrandes à Notre - Dame du Puy
d'antagonisme, est facile. Guillaume II n'était pas seulement « pour estre protégés de la tempeste et foudre, euls et leurs
comte de Velay, il possédait en outre le duché d'Aquitaine et champs , qui trop durement... les perséculoil . » La cathé
les comtés d'Auvergne et de Bourges . L'assiette territoriale de drale du Puy offre des traces de l'influence hispano -arabe dans
ses successeurs, bien qu'elle ait varié , n'en fut pas moins tou le style et la décoration architecturale de son porche méridio
jours très- vaste ( 2). Avec de tels domaines , il est douteux nal, qui donne sur la place du For . Sur une porte (XIIe siè
que ces princes aient jamais résidé,d'une manière fixe au Puy ; cle ) de celle église, M.Ad . de Longpérier a signalé des orne
cette ville ne leur offrait pas, par sa position géographique , ments sculptés sur le bord des panneaux , reproduisant des
d'aussi grands avantages politiques ou stratégiques que Cler caractères arabes plus ou moins défigurés , dans lesquels il a
mont, Bourges , Limoges ou Toulouse. L'autorité des Evêques relrouvé ces mots : Il n'y a d'autre Dieu qu'Allah (3 ). A La
du Puy put ainsi s'exercer paisiblement, grandir et tendre peu voû !e - Chilhac , on voit une porte d'église de la même époque
à peu à la prépondérance , pendant que celle des comtes d'Au et du même système d'ornementation (4 ). Les collections de
vergne, en tant que comtes de Velay, s’afaiblissait. MM . Aymard et Falcon renferment des ustensiles arabes en
On peut se rendre compte de ce qui eut lieu au Puy . En cuivre (coupes, bassins), des XIIIe et XIVe siècles, qui ont été
vertu de la concession royale, Adalard et ses successeurs recueillis au Puy ou dans les environs. Enfin , un mémoire
ouvrirent un ateliermonétaire et prirent, pour type de la mon officiel de 1420 , rédigé en langue vulgaire par les Consuls du
naie qu'ils frappaient, le nom et le monogramme de Raoul. Le Puy, nole, à l'occasion des foires de celle ville , que les Aragon
choix de ce type fut commandé à la fois par le prestige que le nais et les Catalans venaient s'y approvisionner de mulets (5 ).
nom royal avait aux yeux des populations et comme signe de
vassalilé envers le roi, bienfaiteur de l'Eglise du Puy. Notre
denier, suivant nous, est un produit de ce premier mon ( 1) Speculum historiale , chap . : de Sacrilegio locali .
nayage des Evêques ; aussi, quoique ayant l'apparence d'une (2) Chroniques , 1. 1, p . 45 et 355.
( 3) De l'emploi des caractères arabes dans l'ornementation chez les peuples
chrétiens de l'Occident. Revue archéologique, 1846.
(6) Aymard, Eglise et porte sculptée de Lavoûte-Chilhac (Ann. de la Soc.
en 1258. – Et. Médicis nous a conservé ces chartes de priviléges. Chroni acad . du Puy, année 1849).
ques, t. 1, p . 71 et suiv . (5) Item , en ladicta viala se fant cinq grosses feiras chascun an, so es a
(1) B. Fillon, Monn . franç. de la coll. J. Rousseau. Introd., p . xviij. scaber a Rozols ( les Rogations), (et) a las quatre Festas principalas de
(2 ) V. la dissertation de dom Vaissète sur les comtes de Velay et d'Ar Nostra Dona, de toutes marchandias, en especial de miouls et de mioulas
que se neurrissont el dict pays. - Item , a causa desdicts miouls, venont
vergne. Hist. gen. de Lang., t. 11, note 17.
--

-
85

Les deus exemplaires du denier qui fait l'objet de celle Une pareille manifestation fait le plus grand honneur au pa
notice appartiennent aujourd'hui au Musée du Puy . L'acquisi triotisme des habitants du Puy ; elle est une preuve nou
tion de ces deux pièces inédites et intéressantes lui avait été velle et significative du vif et intelligent intérêt qu'ils alta
proposée peu de temps après leur découverte, mais les res chentà la conservation des monumeuts de leur histoire locale .

sources du Musée n'étant pas en rapport avec le chiffre élevé Exprimons le væu, au nom des amis de la science, que l'exem
de leur valeur commerciale, l'idée d'une souscription publique ple donné par la ville du Puy trouve de nombreux imitateurs !

se produisit spontanément et fut réalisée en quelques heures.

el dict luoc et feiras del Puey plus que aultres gens de Pueymontes et
Savoyngs, de Aragones, de Cathalas, de Bordales, de Gascos, que y ve
nont crompar tant grant quantitat d'aquels miouls, que es impossible lo
grant argent et aur que laissant el dict luoc del Puey et pays . Chroni
ques d'Estienne Médicis, Enformation faicta sur lo faict de la nouvella
farga de moneda que se deu far el Peu . t. 1, p , 241 (sous presse ).

Nous devonsà l'obligeance de M. Chassaing l'autorisation de reproduire cet article,récemment publié dans les Annales de la Société académiquedu Puy. – T. 28, années 1866-67.

LES ANTIQUITÉS ET AUTRES ÉVÉNEMENTS REMARQUABLES DE LA PAROISSE DE SAINT- JULIEN -DU-TOURNEL

AU DIOCÈSE DE MENDE ET QUELQUES AUTRES DE SES VOISINES .

L'Histoire générale de Languedoc, dont les Etats de cette province avaient confié la publication aux Bénédictins, devait être complétée, d'après les plans de
Dom Vaissète, par une Description géographique et historique. Dom Vaisséte, mort sans avoir pu exécuter son dessein , fut remplacé par Dom Bourotte , qui
tenta de le réaliser... Dans ce but, on fit distribuer des circulaires, accompagnées d'un questionnaire à remplir.
« L'un de ces modèles était relatif à l'ordre civil de la province et convenait aux différentes sortes de juridictions, afin que le greffier de chacun des siéges qui
en dépendaient ou tout autre officier qui voudrait bien se charger de remplir ces articles, pût trouver facilementchaque objet sous les yeux. Il contenait huit questions
principales, auxquelles il fallait répondre, et deux tableaux à remplir pour les lieux qui relevaient nûment de chaque siége, et pour les justices royales et seigneu -
riales de chaque ressort... L'autre modèle des instructions, ou plutôt le second questionnaire, plus étendu que le premier, s'adressait à tous les curés du Lan
guedoc. Il était divisé en deux parties : l’une en douze articles , plus particulièrement historique ; l'autre en dix articles , plus spécialement de géographie
descriptive , ecclésiastique et administrative. » (Voir l'introduction bibliographique à l'Histoire générale de Languedoc, par M.E. Thomas, dans les Mémoires de la
Société Archéologique de Montpellier, tome 3.) Voici une reproduction d'une partie de ces modèles :

Modèle des instructions demandées à MM . les curés de Languedoc, destinées à la description géographique et historique de cette province .

Première partie . - 10 Le nom du lieu où est située l'église paroissiale, en latin et en français. – 20 La qualité de ce lieu, ville , cité, faubourg, bourg ,
villate ou village. 3 ° Le titre de l'église ou le nom du saint sous l'invocation duquel elle est dédiée. - 1 ° Le nom du diocèse et celui du doyenné, ou de l'ar
chiprêtré, ou de telle autre portion usitée, dont la paroisse fait partie. •50 Le collateur auquel appartient la présentation ou la nomination de la cure . - 60 Les
bénéfices simples, séculiers ou réguliers, qui se trouvent dans son territoire, ainsi que leurs titres et leurs patrons ou collateurs : si ces bénéfices sont réunis ,
il faut indiquer cette réunion et sa date . 70 Le nombre de feux, à peu près, que contient la paroisse. - 89 La justice royale ou seigneuriale dont elle relève
immédiatement. - 90 Le siége principal de justice où elle ressortit, viguerie, ou bailliage, ou judicature, ou comté, etc. — 10 ° Les noms et les qualités de tous
les lieux qui sont situés dans son territoire, annexes, succursales, fiefs, terres titrées, ou baronies, ou marquisals , etc.; châteaux, hameaux , une ferme même, un
vignoble ou unemétairie isolée ; en un mot, lout lieu qui porte un nom . - 11° Les familles nobles qui ont des domaines ou qui résident dans le territoire .
120 Les singularités remarquables dans le canton, par exemple : une min . de fer ou de cuivre ou de quelque autre métal ; une fontaine d'eaux thermales, ou d'eaux
minérales sulfureuses, salines, ferrugineuses, etc. Les productions propres du pais. Un monument ou une inscription antique ou moderne. Un champ de bataille
célèbre . Un édifice considérable, canal, port, chaussée, grand chemin , aqueduc, pont, etc. Les ruines mêmes d'un ancien édifice, tour, forteresse, église, chả
teau , etc. La découverte de médailles ou de mo anciennes. La naissance d'un homme stre, dans quel genre que ce soit. Enfin , tous faits mémorables,
ou consignés dans les registres de la paroisse, ou conservés dans la tradition du païs.
Seconde partie. - 1. Le nom du consulat ou de la communauté taillable dont la paroisse fait ou partie ou titre.— 2. La qualité du lieu dont ce consulat
porte le nom . — 3.La paroisse dans laquelle il se trouve, s'il n'est pas lui-même paroisse.- 4. Le nom du diocèse dont il dépend dans l'ordre économique, c'est
à -dire par rapport aux impositions. 5. Le nom de la mande, ou du colloque, ou du quartier dont il fait partie. — 6. La généralité à laquelle il appartient.
7. Le nom de tous les lieux qui composent la communauté et son mandement. Il serait utile de marquer encore, à côté de chacun de ces lieux, sa qualité de
proisse , d'aunexe , de hameau , etc...
86

Si quelques-uns de ces lieux dépendent, pour le spirituel, d'un autre diocèse que celui auquels ils appartiennent dans l'ordre économique , il faudra l'observer
aussi . – 8. Le nombre, les fonctions et les droits des consuls de la commnuauté et de ses autres officiers, si elle en a d'autres. Le temps que dure l'exercice des
uns et des autres . La manière dont se fait leur institution ou élection . 9. Le rang que ces consuls tiennent à l'Assiette et aux Etats particuliers du diocèse ; s'il
n'y entrentpas, le rang qu'ils ont dans leur mande ou dans leur quartier. · 10. Les particularités qui intéressent la communauté, relativement à l'administration
générale de la Province, et relativement à sa propre administration ...
L'appel de dom Bourotte n'eût pas tout le résultat qu'on en pouvait espérer .... Quelques curés prirent cependant à cæur d'y répondre de leur mieux ; de ce nom
bre fut celui de Saint-Julien-du-Tournel. Nous publions son manuscrit, dont nous devons l'obligeante communication à M. le vicomte de Moret, de Ser Ferettes ;
ce travail nous paraît propre à donner une idée très-nette de l'organisation ecclésiastique, administrative, etc., au dernier siècle, et de la façou dont on comprenait
alors un répertoire archéologique de la région.

Vers la fin du mois de septembre dernier 1763 , il nous fut PREMIÉRE PARTIE .
remis, de la part de Messieurs les officiers de la province , un
mémoire à remplir. Ce mémoire portait pour titre Modèle des La paroisse de Saint- Julien - du - Tournel , au diocèse de
Instructions demandées à Messieurs les Curés du Languedoc, des Mende, se trouve au levant d'hiver de sa capitale. Les villages
tinées à la description géographique et historique de cette pro qui en sont les plus proches en sont distants d'environ trois
lieues .
vince. L'on nous y proposait légalement l'ordre et l'arrange
ment que nous avions à suivre pour y répondre correctement. Les paroisses qui lui sont limitrophes et immédiatement

Ce Mémoire nous a fourni une idée pour ramasser dans un contigues , sont celles d'abord de Chasseradés et de Saint
Jean - de - Bleymard au levant , ensuite celle de Cubiéres incli
pelit recueil tout ce qui a pu venir à notre connaissance , soit
nantau midi, à son vrai midi se trouvent celles de Lubiérelte,
des antiquités , soit des autres évènemen!s arrivés sur notre
de Fressinet -de- Louzère et ensuite celle des Bondons entre le
paroisse . L'on s'est borné à rapporter uniquement ceux qu'on
midi et le couchant.
a cru établir par des bonnes autorités. Ce n'est pas dans la
Vers le couchant, la paroisse de Saint- Julien -de- Tournel a
vue de les produire qu'on a travaillé ; ce serait trop hardy de
celle de Saint- Etienne - du - Valdonnés et de la Nuéjols ; au vrai
notre part. La fin qu'on s'est proposée c'est de conserver à une
couchant , elle a celle de Chadenet et de Bagnols-les-Bains; å
paroisse sa patrie, le souvenir de bien des choses qu’on igno
rera dans la suite . son nord, elle confronte la paroisse d'Alerre .

L'on est bien aise aujourd'hui de connaître nombre de faits A en juger par son diamètre , celle paroisse a une vasle
étendue ; de l'ouest à l'est , il est au moins d'environ trois
ou autres évènements arrivés sur les lieux . L'on est même
lieux , c'est-à - dire depnis les extrêmités des dépendances des
fâché de ne pouvoir pas remonter plus loing . L'on sait bon
gré à ceux qui nous ont précédés de nous avoir transmis ce villages des Saignes et d'Auriac jusqu'à celles de la Barraque
des Laires. Il est à peu près de même du nord au sud ; des
que nous connaissons sur les antiquités du pays ; nous pen
extrêmités de la terre de la Bissière à celle du village de Na
sons que nos successeurs penseront de même.
levielle ou de l'ancienne Ville longue , il y a bien celle dis
Il y a une infinité d'évènements dont la mémoire se perd
dans la succession des temps , faute d'être consignée dans tance , si elle n'excède pas, l'on doute encore si dans trois

d'autres autorités que celle de la tradition . Sur la tradition jours l'on pourrait faire le circuit en ne suivant que les extré
mités de son territoire.
humaine , il y a souvent peu à compter. Elle a le sort des au
Telle que soit l'étendue de celle paroisse , ses habitanls
tres choses créées ; elle commence d'abord par s'affaiblir , elle
se corrompt dans la suite , et, enfin , elle ne dit rien du tout ou n'en sont pas plus aisés ni ne peuvent l'être . Ce qu'on a à dire

quelquefois elle donne le mensonge pour la vérité . dans la suite le prouvera ou en fera tout au moins douter .
Les Montagnes de la Louzére et de Goulet sont fameuses
Dans celle entreprise , l'on s'est conformé à ce qui a été
prescrit aux curés de la province. L'on a suivi le même ordre dans le Gevaudan ; à certains égards, elles doivent l'être même
et le même arrangement qu'on leur a adressé, c'est -à - dire que dans le royaume. Sur la paroisse de Saint- Julien , elles sont
ce petit recueil contient deux parties. La première regarde le comme parallèles du levant au couchant; la Lousére est au
nom , la position , les qualités de la paroisse ; la seconde dit ce midi et le Goulet au nord . Cette paroisse a toute sa situation
qui regarde le civil. sur ces deux montagnes ou sur leurs collines .
C'est à nos successeurs, les seuls dépositaires de notre ten Cela fait que le climat est extrêmement sujet aux grands
tative , à examiner et à corriger toutes nos bévues. Ils seront froids, au séjour des neiges , aux gelées , aux ravins et aux
en même de le faire à peu de frais. Il ne leur en peul couter greles qui emportent souvent non - seulement les récoltes mais
que la peine de consulter les autorités où l'on a puisé . Ce sont le terrain même. Il n'est presque point d'année qui n'en four
d'abord les registres et les autres papiers du bénéfice ; en nisse quelque funeste exemple dans certains cantons de celle
second lieu , les petites archives de bien de particuliers de la paroisse.
paroisse et , enfin , la tradition la plus soutenue et la moins Cela joint à la nature du terrain qui est extrêmement mal
suspecte . L'on tait une infinité de choses , qu'on prendrait gre partout, la culture qui en est difficile à cause des colli
plaisir de rapporter, si l'on les croyait bien appuyées . nes , des précipices et des rochers dont le pays est rempli el
- 87

qui le rendent en bien d'endroits impraticable aux animaux de première est sous l'invocation de Notre- Dame. M. le marquis
labour ; d'un autre côté les meilleurs fonds qui ne produisent de Villefort en a le droit de nomination aujourd'hui. Elle fat
que deux ans une fois ; les autres de dix en dix , certains de fondée par Mme Philippe du Tournel, en 1241. Son emplace
vingt en vingt, de trente en trente , et le reste de quarante en ment est à gauche du maitre -autel au -dessous du sanctuaire .
quarante ans une fois ou deux et les autres jamais ; tout cela La seconde chapellenie est dediée à saint Georges . L'autel
dis- je, réuni réduit ceux qui font valoir les biens fonds de la est élevé à plus de la moitié de la hauteur de la nef et dans le
paroisse de Saint-Julien à une vie dure et misérable en même mur. Il présente des vestiges qui prouvent que le Saint- Sacri
temps. fice y a été célébré . L'on ignore en quel temps. L'on ne sait
Dans cette paroisse , il ne s'y fait point de commerce ; l'on pas non plus quand nipar qui cette chapellenie fut fondée ; le
n'y recueille pas le blé nécessaire pour substenter ses habi patron aujourd'hui est M. de Cassagnoles.
tans. Il y a bien un cinquième si ce n'est pas le quart des jeu Le troisième autel est sous l'invocation de sainte Catherine.
nes gens qui sont assujétis à servir de domestiques ici ou M. le comte de Morangiex en est le collateur. C'est en qualité
ailleurs. de descendant des illustres maisonsdu Tournel ou de Chateau
Quoique la paroisse de Saint- Julien -du - Tournel ait le neuf, par défunte dame Louise Landré de Chateauneuf, samère .
malheur d'être limitrophe à certaines où les erreurs de Calvin L'autel est placé à côté des deux arceaux qui font le milieu de
sont établies , elle a le bonheur de n'avoir personne dans son l'église , du côté de l'Evangile ; quoi qu'on ait lu la fondation ,
sein qui les suivent. Le Seigneur a bien voulu jusqu'ici con l'on ne dira pas ici par qui ni en quel temps elle fut faite. L'on
server le sacré dépôt de la foi. Il le lui conserve encore par un sait cependant , à n'en pas douter , que cette chapellenie exige
effet de sa miséricorde ; il est inoui qu'il y ait eu jamais des la résidence de son titulaire .
hérétiques ; l'on ne sait pas cependant depuis quel temps elle Il y a eu autrefois dans l'église de Saint - Julien deux chap
a eu le bonheur d'embrasser la religion chrétienne. pellenies ; l'une sous le vocable de saint Antoine. Elle avait son
Le Lot est comme une troisième parallèle entre la Louzère emplacement du côté de l’Epitre , vis-à- vis de celle de la
et le Goulet ; cette rivière divise la paroisse de Saint- Julien Sainte - Vierge ; il n'en reste des vestiges que l'emplacement
en deux parties ; les villages de gauche sont tous situés sur la qui lui est désigné par la tradition . L'on n'a jamais vu ni en
montagne de la Lauzère ou à son pied . Ceux qui ont leur tendu parler d'aucun titre qui constate la fondation ni le droit
situation à la droite du Lot, sontou sur la montagne du Goulet de présentation , ni même les revenus de cette chapellenie .
ou sur ses collines ; quoiqu'elles ayent l'aspectdu midi , elles Il en est de même d'une cinquième qu'il y avait autrefois
n'en sont pas moins sujetles aux inconvénients des villages dans la même église . L'autel était dressé à l'honneur de saint
qui se trouvent sur la Louzère : la preuve en viendra dans la Julien , el il subsiste encore ; il est du côté de l'Epitre, sous le
suite ; il faut en venir à l'ordre qui nous a été prescrit dans premier arceau de la voûte de l'église . S'était sans doute à
les éclaircissements qu'on nous a demandés. celui- ci qu'on fesait les services de la Confrérie de Saint
Julien donton va parler .
ART . I ET 2 .
Dans le pays , cette Confrérie doit être un monument au
L'église paroissiale de Saint- Julien -du - Tournel est au vil thentique de la piété des fidèles de ce temps-là . L'on ne parle
lage de Saint- Julien même. Dans les anciens titres , on la pas seulement de la paroisse , mais encore de ceux des envi
trouve sous le nom de Sanctus Julianus de Tornello . rons ; les statuts , qui sont la seule pièce qui en reste , en font
foi ; ils furent renouvelles ou formés environ le règne de
ART . 3 ET 4 . François Jor ; ils sont écrits en langue vulgaire sur le par
chemin .
Cette église est sous l'invocation de Saint -Julien et Sainte
Basilisse, La fête se célèbre le neuf de janvier. La paroisse
Section II. Des chapelles de la paroisse de Saint- Julien .
est du diocèse de Nende , dans l'archiprêtre de Saugues ; dans
ce diocèse, les noms de doyen ni de doyenné ne sont point en
D'un temps immémorial , il y a eu sur la paroisse une cha
usage .
pelle ; elle était aux extrémités du territoire de Manel et au
ART. 5 .
levant de ce village; elle avait à son orient le bourg de Bley
La cure , qui est à simple congrue, dépend pour la présenla mard ; elle était à la distance de l'un et de l'autre d'environ
tion des MM . du vénérable chapitre de Saint- Pierre-de-Mont deux bons ports de fusil ; elle était sous l'invocation de saint
pellier ; le chanoine qui est en semaine y nomme.
Julianet ; ce local en porte encore le nom .
ART. 6 . Il ne reste de cette chapelle , demémoire d'homme, que les
décombres ; ils sont tous ensevelis sous la pelouse. A exami
Des BÉNÉFICES QUI SONT SUR LA PAROISSE .
ner aujourd'hui ce local de près , l'on ne croirait pas même
SECTION ſre. De ceux qu'il y a ou qu'il y a eû d'attachés qu'il y eut autrefois un édifice ; il ne présente qu’une petite
à l'église . élévation ; il n'y a que la tradition et la piété des fidèles des
Dans l'église de Saint - Julien , il y a trois autels outre celui environs qui en ayent conservé la mémoire . Du voisinage, l'on
de la paroisse. Ce sont tout autant de chapellenies dotées ; la y porle les enfants pour invoquer la Mère du Fils de Dieu pour
88

certaines infirmités, faiblesse de rheins et des jambes de leurs ART. 8 ET 9 .


enfants. L'on n'en connait par aucun titre l'époque de sa des
Des seigneurs de la paroisse .
truction , et l'on ignore encore plus celle de sa construction .
Quant aux revenus de cette chapelle , l'on peut assurer que ce Parmi le nombre d'environ seize ou dix -sept seigneurs qu'il
sont ceux de la chapellenie de Notre -Dame de Saint- Julien .
y a sur la paroisse , il ne s'en trouve que six ou sept, tant
L'on n'en a point d'autres choses à en dire , si l'on excepte la
ecclésiastiques que séculiers , qui ayent le droit de justice. Ils
résidence du titulaire. Il semble que la fondation l'exige par
la font rendre par des officiers qu'ils se choisissent. Tous ces
ces paroles : Modo oret in ecclesia Sancti Juliani.
différents tribunaux ressortissent à la Cour de M. le Sénéchal
Il existe encore une chapelle au village du Mas -Cartalier ; de Nismes et de là au Parlement de Toulouse . L'on dira dans
elle est dédiée à la Transfiguration de Notre- Seigneur. Il ne la suite le droit de chaque seigneur en parlant de leur do
s'y fait point de service aujourd'hui. L'on ne peut pas même y minité .
en faire en public les jours de fête ou de dimanche.
On ne sait pas au juste le temps de sa fondation , ni celle de ART. 10 .
sa construction ; l'on croit cependant qu'elles ne sont pas fort
Les noms et qualités des lieux qui composent aujourd'hui
reculées. Elles ne peuvent guère remonter plus loing que la
la paroisse de Saint- Julien .
sixième ou septième génération de la famille du sieur Lacoste
de Chateauneuf du Mas et peut-être encore moins. Ce fut en Dans l'élat présant, celte paroisse renferme dix -neuf vilages
viron ce temps -là que cette famille fit de grandes acquisitions ou hameaux. Le chef-lieu , comme on l'a déjà dit, est le vilage
et surtout celles de Pasque , que tous leurs enfants vivants pour de Saint-Julien . Il est situéau levant et à un quart d'heure du
lors en bons paysans ou en bons bourgeois de campagne sous chemin de Bagnols-les-Bains. Il y a environ trente- trois feux ;
le nom Gaillards, se firent bâtir leur chapelle et la dotèrent au sa position est sur une petite éminence ; le Lot, en serpentant
dépend de leur bien . Le sieur Lacoste de Chateauneuf, descen d'Orient en Occident, en fait une péninsule dont l'isthme

dant de cette famille par sa mère, en est aujourd'hui le patron . répond au couchant d'hiver du village ; cela fait que sa posi
M. le bailly de la commanderie de Gap -Francés dans l'ordre tion ne déplait pas même aux étrangers qui y passent.
de Malthe , perçoit la dixme du village de Malevielle et des ter Ses dépendances se trouvent toutes sur des collines escar
res de l'ancien Crussinas ; cette dixme porte le nom de las pées et des rochers , ce qui rend la culture de l'endroit fort

Barbailles. Ce n'est pas seulement le village de Malevielle qui difficile et d'un modique produit en même temps. Comme le
y est sujet par raport à Crussinas dont on parlera dans la vilage de Saint- Julien est le plus bas de la paroisse, elle est
suite, les villages de Mazel, de Vareilles, du Mas et d'Orsière , d'une difficile desserte ; les inondations du Lol y causent de

surlout ce quiregardela paroisse de Saint-Jean -du -Bleymard , grands préjudices dans le valon et les ravips partout ailleurs .
la payent à ce seigneur par rapport aux terres de Crussinas.
§ 1er . - De l'église de Saint-Julien .

Elle passe pour la plus belle de loutes celles qu'on voit à la


ART. 7 .
campagne dans le Givaudan , s'il faut s'en rapporter à des gens
très éclairés et fort versés dans l'histoire qui l'ont vue et exa
LE NOMBRE DES FEUX DE LA PAROISSE .
minée de près depuis peu ; elle a été bålie du temps de Char
La paroisse de Saint- Julien est composée d'environ cent lemagne. « Ce qui le fait croire , dil- on , c'est qu'elle est dans le
soixante - seize familles; dans ce nombre sont comprises non ( goût de celle de la Maguelone de Montpellier , qui fût battie
seulement celles qui y ont des biens fonds et l'habitation , mais ( sous le règne de ce grand monarque. La vôtre pourrait l'avoir
encore celles qui n'y ont que l'habitation seule ; l'on y com « été dansce temps- là » (M. Plantade , chanoine de la cathé
prend également ceux qui , n’habitant pas sur la paroisse , y drale de Montpelier , en 1759) .
sont représentés par des rentiers et ceux encore qui font valoir
leurs biens par des rentiers et qui font un feu à part ; ils sont $ 2. - Du monastère de Saint- Julien .
en tont soixante et dix .
Quant au monastère , l'on ignore entièrement l'époque fixe
L'on n'entend pas parler cependant de ces familles qui s'y
de la destruction et plus encore celle de la construction . L'une
trouvent en qualité simplement de locataires d'un logement et et l'autre doivent être fort reculées. Environ mil six cent qua
qui n'y ont point de biens fonds; l'on ne comprend pas non
tre -vingl-un, telle est la date ; on releva une partie de ce mo
plus dans le nombre des familles de la paroisse certaines per
nastère pour loger les curés.
sonnes qui y vivent en particuliers et qui sont membres d'au
Les anciens qui vivaient de ce temps ne savent apprendre
tres familles , et dont le tout à leur moment doit être réuni en
autre chose à leurs descendants , sinon qu'ils avaient toujours
masse. Le nombre des uns et des autres de ces derniers se
vu et su par ouï-dire à leurs prédécesseurs que d'un temps
porte à huit et par conséquent le total des familles a environ
immémorial le cloître de Saint- Julien était une masure ; tout
cent quatre- vingt- quatre .
cela parait supposer au moins le cours d'environ trois siècles ;
tout cela joint ensuite au temps qu'il a fallu pour faire tomber

-
89

en ruine un édifice tel que la tradilion et ce qu'on en a relevé A rapporter ensuite toutes ces conjectures , l'on devrait , ce
le représentent, n'étant pas encore tout à fait en ruine ; c'est semble , présumer que les moines en déguerpirent vers le
encore au moins l'ailaire de deux cents ans. onzième ou douxième siècle . ( A continuer .)

EXPLICATION ET RESTITUTION D'UNE INSCRIPTION EN VERS GRECS

ΔΩΣΙΝΗΛΙΟΣΚΑ
CONSACRÉE AU DIEU MITHRAS

ET GRAVÉE DANS LE PORCHE DE L'ÉGLISE DE LABÉGE (HAUTE -GARONNE ).

Renseignements nouveaux et tout a fait inattendus que fournit cette inscription sur Mithras et sur son culte.

Il y a quelque temps qu'un de mes savants confrères de l'Institut, de satisfaire à ce désir. Une fois sous ines yeux , l'inscription ne tarda
M Dulaurier , à son retour d'un voyage qu'il venait de faire dans pas à memontrer qu'elle avait une importance exceptionnelle, qu'elle
son pays natal , fut amené à me parler d'une inscription grecque ,
YENHTHN

était beaucoup plus complète qu'on ne l'imaginait, el qu'elle se trou


qui se voit dans le département de la Haute -Garonne. vail défectueuse pour des raisons qu'on ne soupçonnait pas. Toute
Gravée sur une pier fois, il memanquait en
re, à l'entrée de l'église core quelques renseigne
de Labége , village du ments que ne pouvait
canlon de Castanet, à medonner une copie ma
la distance de près de nuscrile, même la plus
: KEE

trois lieues de Toulouse, AY EINITANTAAL soigneuse ; j'avais besoin


celle inscription provo de connaître la forme
que stérilement depuis et le tracé des leltres ,
des siècles la curiosité leur disposition respec

Ι
H

des passants et des fidè live et jusqu'au moin


O

les et attend toujours dre vestiges du travail


son interprète . Non du ciseau. Pour cela ,
qu'elle n'ait été plus il fallait une reproduc
d'une fois soumise aux tion que la vue même
regardsin vestigateurs de ne suppléerait pas , une
juges réputés experts en reproduction au natu
de pareilles éludes , rel ; et je ne songe
pas ici à cette peinture
qu'on ne l'ait même
montrée jusqu'à des ar miroitante , si fertille
chéologues de profes en illusioas et si insta

sion ; mais le résultat ble , qu'on appelle pho


des divers examens a tographie ; je veux dire
été que l'on devait re . un estampage intelli
4 Z
noncer à tout espoir de gemment pris. J'avais
N

tirer un sens queleon besoin en outre qu'un


que de ce monument homme exercé vérifiât
attentivement l'inté
épigraphique , et qu'il
OGNOWZOINHZIV rieur de la pierre ou
n'y avait plus qu'à lui
adresser un adieu funè l'intérieur du cadre for
bre. C'était, s’accordait mé par l'inscription
on à dire, une série de non pour y chercher
lettres sans suite signi les prétendus restes de
ficative , le fragment celle inscription , car
d'une inscription qui se Largeur de la pierre, 0 m . 54 c. Hauteur, 0 m . 64 c . j'étais irrévocablement
continuait dans l'inté Ce Mémoire était déjà composé et imprimé une première fois, lorsque le fac -simile réduit de fixé à cet égard , mais
rieur du monument , et l'inscription qui en fait le sujet a été gravé. Nous avons dû ne faire exéculer la planche qu'après
avoir vu la pierre sous tontes ses faces. M. l'abbé Gounon, curé de Labége, a bien voulu metre pour lâcher de décou
quine donnerait jamais le plus louable empressementà la faire desceller pour seconder des investigations utiles à la science.
vrir quelque chose d'un
son dernier mot, faute Nous nous plaisons à lui en témoigner iei loute notre gratilude . (La Direction.)
sujet figuré , qui s'y
de ce qui avait disparu sous les mutilations endurées par cette par voyait primitivement représenté, et qu'on a depuis scrupuleusement
tie dumonument,mutilationsdont nous aurons à parler tout à l'heure. détruit. Je m'adressai encore à l'obligeance de mon confrère, laquelle
Ces détails, loin de me décourager , m'inspirèrent le désir de voir ne me fit point défaut. La fortune nous servit à soubait; M. Du
une copie de l'inscription ; M. Dulaurier s'empressa généreusement laurier pria son compatrio:e et ami M. Dusan , directeur de la Revue

11
- 90

archéologique du midi de la France , de vouloir bien se charger de « C'est toi que j'invoque, Premier -né, doué des deux sexes, éclos
l'estampage de l'inscription et de la vérification de l'intérieur de la « d'un euf, origine des bienheureux et des hommes mortels, Érice
pierre ; et M. Dusan m'a rendu ce double service de façon à mériter « pée, amenant une lumière éclatante, pure , ce qui fait que je t'ap
non pas seulement tous mes remerciments , mais les félicitations « pelle Phanès. »
et les compliments que lui envoie ma sincère estime.
Muni de ces secours, je pus justifier ma restitution , car je m'étais Le Soleil, d'après cette théologie antique, était donc mâle et femel
tout d'abord occupé de restituer l'inscription ; mais j'avais besoin le ; car Phanès n'estpas autre que le Soleil : « Le Soleil, dit Orphée,
que l'on nomme à présent et Phanès et Bacchus. »
d'être rassuré sur quelques points ; l'estampage me donna de la
sécurité, et la constatation de l'état de la pierre en m'aidant à déter
" Ον δή νύν καλέoυσι Φάνητά τε και Διόνυσον (4 ).
miner le caractère du personnage à qui fut dédié le monument , me
servit aussi à conjecturer le sujet figure , qui a été mutilé. Ajoutons même que, sous ce dernier nom , il réunissait encore les
Cette pierre , avons- nous dit , se trouve à l'entrée de l'église de deux sexes; en d'autres terines, que Bacchus élait aussi måle et femel
Labége . Elle est en effet encastrée au -dedans porche dans le mur
le. Dans cet hymne orphique, d'un ton si ambigu qu'il a dérouté les
de gauche, environ deux mètres au -dessus du sol. C'est un calcaire
érudits, les laissant incertains s'il s'agissait d'une déesse ou d'un dieu ,
blanc , offrant un carré long , formé par l'inscription , qui encadrait de la mère de Bacchus ou de Bacchus lui-même, tandis qu'il n'est
un sujet représenté au milieu. Ce carré comprend deux lignes paral
réellement question que du dieu , invoqué sous le nom de Misé, le
lèles , ayant trois centimètres de séparation qui réglent la hauteur
poëte appelle fort justement son équivoque divinité apéry sal 0712ins ,
des lettres. La ligne supérieure a Om ,49 de hauteur et Om ,40 de lar male et femelle :
geur. Les lettres sont gravées , et leur creux se rétrécit en angle ren
trant ; ce sont de belles capitales carrées , qui sembleraientdonner "Αρσενα και θηλυν, διφυή λύσειoν "Ιακχον (2 )
au monument un age qu'il n'a certainement pas. Elles sont égale « Le dieu mâle et femelle , å la double nature , qui affranchit des
ment espacées et distribuées avec une symétrie qui nous a été fatale , « soucis, lacchus. »
ainsi que nous allons le voir . Le sens dans lequel est disposée la
pierre nous est donné par la date 1542 , renfermée dans le carré . Mais le Soleil n'était pas la seule divinité que l'on eûtrevêtue de
Au milieu de ces caractères , qui courent à la suite l'un de la double nature ; dans les mêmes poésies, il est dit de Jupiter :
l'autre et reviennent sur eux-mêmes, par où commencer ? Par "Halos Jupiter naquit måle, Jupiter fut l'immortelle épouse.
xal doony , le Soleil et måle. Mais que signifie le Soleil et måle ? Un
mot a été supprimé devant opony , c'est Oñaus, femelle : le Soleil Ζεύς άρσην γένετο , Ζευς άμβροτος έπλετο νύμφη ( 3).
femelle et male. Nous voici reportés en pleine poésie orphique , el
cette première indication va , je l'espère , nous diriger. Il est dit de Minerve : « Tu naquis mâle et femelle. »
Le monument futdédié au soleil, et , par ce Soleil måle et femelle,
"Αρσην μεν και θηλυς έφυς ( 4)
nous rernontons à l'æuf primordial , où se forma l'être à deux sexes ,
qui devait éclairer le monde : « En dedans de la circonférence (de Et la Lune est appelée , absolument comme le Soleil, dansnotre
« cet auf) , est- il dit dans les Homélies attribuées à saint Clément inscription : « Et femelle et måle. »
a de Rome , il se forme par la prévoyance de l'esprit divin qui y
« réside, un animal måle et femelle , qu'Orphée appelle Phanès. – θηλύς τε και άρσης ( 5 ).
« "Ενδοθεν της περιφερείας ζώόν τι άρδηνόθηλυ ειδοποιείται , προνοία του
« ενόντος εν αυτώ θείου πνεύματος , ον Φάνητα Ορφεύς καλεί (1) . » Et Après Ošiaus zal apony , quels sont les mots qni doivent suivre :
un peu plus bas : « C'est de cet auf que s'élanca Phanès mâle - femelle . lávia olowo!v , donne tout. Ces mots suffiraient déjà pour compléter
Άρδηνόθηλυς εξέθoρεν Φάνης (2). le sens ; mais il y faut joindre abgelv , s'accroître, qui en est une dépen_
Confirmant cette double nature , Proclus nous dit aussi , dans son dance : Le Soleil femelle et måle , donne que tout s'accroît, donne à
Commentaire sur le Timée , « Que Phanės fut le premier en qui se trou tout de s'accroitre, tournure essentiellement grecque, et qu'il serait
« vèrent réunis le sexe femelle et mâle . Και εν αυτώ πρώτω το θηλυ inutile de confirmer longuement, rien n'étant plus fréquent que la
« xai atsev, » Et il cite à l'appui ce vers d'Orphée , où Phanès reçoit construction de ôtôóvei avec un infinitif ; bornons-nous à cet exem
le nom d'Éricépée, qui lui élait également donné : ple de Platon . Dans les dernières paroles du Phèdre, le philosophe
fait dire a Socrate : « Ω θεοί , δοίητέ μοι καλώ γενέσθαι τάνδοθεν έξωθεν
Θηλυς και γενέτωρ κρανερός θεός Ήρικεπαίος ( 3). « δε όσα έχω, τους εντός είναι μοι φίλια ( 6). « 0 Dieux, puissiez.
« Il est femelle et générateur , le puissant dieu Éricepée. » « vous m'accorder d'être beau , quant aux choses de l'intérieur, et
« tout ce que je possède extérieurement, être conforme à ces choses
C'est à tous ces litres réunis qu'un hymne orphique l'invoque : « de l'intérieur (et faire que tout ce que je possède extérieurement
« soit conforme, etc. ). »
Πρωτόγονον καλέω διφυή ..... ώογενή .... γένεσιν μακάρων θνητών τ'
Ainsi le Soleil dispense à tout la croissance et le développement ;
ανθρώπων ... Ήρικεπαΐον...
Λαμπρόν άγων φάος άγνόν , αφ' ού σε Φάνητα κικλήσκω (4).
(1) Ap. Macrob ., Saturn., I, 18 , 12.
(2) Hymn., XLI. 4 .
( 1) Ap . Galland , Biblioth . Vet. Patr., t. II, p . 679. (3 ) Ap . Aristot. De Mund ., VII , 10 .
(2) P. 681. (4 ) Hymn., XXXI, 4 .
( 3) In Tim ., III, p . 131. (5) Hymn., VIII, 4 .
(1) Hymn ., VI. (6) T. III, p. 279, ed. H. St.
- 91

mais là ne s'arrête point sa puissance. L'inscription continue : Kóquov “Ηλιος , [ ως θηλύς τε και άρσης , πάντα δίδωσιν .
LOnxe củysváty (EÜYevetny), il a établi le monde, qui est d'une noble
origine. D'où il suit que le Soleil est le père de tout ; telle fut la Ce premier vers comprend la moitié du carré, ou l'équivalent de
croyance de l'antiquité. On peutmême induire de cette théocrasie de deux côtés , aussi contient- il vingt- cinq lettres sur les cinquante et
la théologie païenne , qui confondait tant de Dieux ensemble, que le une que le lapicide a fait entrer dans sa bordure ; mais, commeaprès
Soleil comprenait toutes les grandes divinités présidant à la produc la restitution , ce nombre de vingt- cinq s'élève à trente-quatre, il
tion . Dans un poëme latin en son honneur , il est dit le même que s'ensuit qu'il y a eu neuf lettres de retranchées, ni plus ni moins, je
Bacchus, que Cérés , que Jupiter : le crois .
Passons au second vers . Ici la transposition a été moins forte que
Sol Liber , Sol alma Ceres, Sol Juppiter ipse ( 1) dans le premier , et n'a porté que sur un mot, łonxe nóguov , au lieu de
xóquoy Orixe. Sauf cet unique déplacement, la portion conservée du
Conformément à ces idées , Macrobe appelle l'astre créateur :
vers ne présente qu'une lecture rétrograde.
« Celui de qui toutes choses empruntent la vie : Sol, de quo
Nous avons vu que aŭzerv est une dépendance de olòword , dont le v
« vitam omnia mutuantur . » (2 ) additionnel le réclame déjà ; aussi commence- t-il le second vers, et
Nous voici arrivés à la fin de l'inscription quadrangulaire ; avons
cette place lui est encore assignée par le sens, et indiquée par la dis
nous à l'inscription originale tout entière , sauf le mot Cñhus ,
position que le quadrataire a donnée aux lettres.
femelle, quia été suppléé ? Il s'en faut. Devons-nous alors supposer
Apres αύξειν, la pierre donne en reculant ευγενήτην ; c'est aussi le
que ce qui manque se trouvait dans le champ de la pierre ? Cela ne
second mot qui doit suivre dans le vers, quand nous aurons toutefois
se peut.Sur le monument, il n'a jamais subsisté de l'inscription ori
rectifié la faute commise par le lapicide , et écrit cùysvétv. Entre
ginale que ce qui s'y lit encore aujourd'hui, et que je viens d'expli
Eůyevétny et la fin du vers, il existe une lacune : quel est le mot qui
quer . Je vais en donner les raisons , et qui seront, je crois, d'une
vérité sensible . la comblait ? Je crois qu'après l'épithète Eůyevétny , destinée à caracté
riser la noble naissance du monde, puisqu'il est l'auvre du Soleil, il
Il n'est point d'archéologue tant soit peu métricien qui, au pre
en venait encore une autre, destinée à caractériser la nature physique
mier aspect, ne reconnaisse ici une inscription mélrique , à tous les
de ce monde, et à préciser le sens un peu trop vague de Xonxe. Je
caractères absolument que présente une inscription de ce genre. Le
lapicide avait donc sous les yeux un modèle, une copie en vers ; et propose éroépavtov, infni, immense ; c'est l'épithète indiquée par cette
ces vers étaient même deux hexamètres, dont la fin s'est conservée philosophie mystique, qui appelle à chaque pas le monde år.elpos,
intacte, et frappe les yeux aussi bien que l'oreille. Par quelle bizarre Stelpédios, Artelowy : & n : pova noquov (1), et qui, dans un endroit, dit
fantaisie cependant a -t- il, comme à plaisir , troublé , mutilé son à Apollon lui-même.
modèle ? Il parait avoir été conseillé par le goût d'une régularité ma
Τόνδε συ γάρ λεύσσεις τον απείριτον αιθέρα πάντα (2 ).
térielle, qui suit à tout prix l'alignement, par le désir d'une symé
trie, qui ne craint pas de rogner, pourvu qu'elle égalise .
« Car c'est toi qui de ton regard embrasses tout cet immense
Après avoir mesuré la place dont il disposait, il vit qu'en espa « éther. »
çant également ses leltres, il en pouvait faire entrer treize dans cha
que côté du carré. Ainsi fit- il, à l'exception du coté gauche, où il Απέραντος m'a paru achever dignement ridée commencée par αύξειν ,
remplaça la treizième lettre par deux points, l'un au - dessus de l'au en étendant cet accroissement jusqu'à l'infini. Quand au rapproche
tre, pour annoncer la fin de l'inscription ; et tout ce qui dépassa dans ment des deux épithètes, il ne choquera pas ceux qui connaissent le
la copie le nombre de lettres fatalement exclusif que pouvait recevoir goût de la poésie orphique.
le carré , fut sacrifié . Disons toutefois, à la décharge du lapicide, Le vers est- il ainsi complet, et ne faut-il pas encore un mot pour
qu'il ne fit entrer dans sa combinaison que des mots entiers et non lier la proposition du second vers à celle du premier? A la rigueur,
écourtés. Mais cette combinaison , à son tour , imposa un choix parti nous pourrions voir ici la construction que les grammairiens grecs
culier entre les mots, et ce fut elle aussi, je pense, qui amena le ren appellent & súvõstoy , sans lien , laquelle supprime le lien de la conjonc
versement de l'ordre métrique, et qui a fait intervertir les hémisti tion ; et cela serait d'autant plus loisible que la première proposition ,
ches des vers. Quoi qu'il en soil, celte perturbation , une fois aper ce qui est une condition de cette sorte de construction , renferme im
çue , a servi à nous diriger, et nous n'avons eu guère , on le verra , plicitement la seconde. Mais la construction desunie me paraîtrait
qu'à rétablir l'ordre pour restiluer l'inscription . former une trop brusque transition , et je rétablis tè après cùysvétro :
Le premier mot de la phrase , avons-nous dit, c'est "HA!0s ; c'est ευγενέτην [ τ' απέραντον ] .
aussi le mot initial du premier vers. Comment se liait-il avec Otlus, La fin du vers suit d'elle -même : xóquoy Orxa . Qu'il se terminat
qui doit nécessairement précéder xal špory? A l'aide, je pense , d'un réellement ainsi, c'est ce qui ne fait aucun doute pour le métricien ;
monosyllabe commençant par une voyelle , tel que ús : " 12:05, ús mais la perturbation du lapicide elle-même le prouve. A l'endroit où
enhus. Mais 05hus, à son tour , a besoin d'une liaison monosyllabique il l'a transposé, Orxe aurait eu le v additionnel : Onzev e’yevény ;
..

pour s'unir à zzè őpony , et cette liaison est la conjonction tè , comme mais cet homme, qui s'étaitmis dans la nécessité de respecter si peu
l'a montré plus haut un vers orphique. Nous avons donc : "Halos l'ordre de mots, n'a pas altéré la forme d'un seul : et voilà pourquoi
[ús Orihus te) za & corr . Où sont les deux derniers pieds ? En avantdes il a laissé ?Onze à sa nouvelle place , tel qu'il se trouvait à la fin du
quatre premiers, par le fait du renversement que nous avons signalé ; vers où il ne réclamait nullement le v additionnel. Nous lirons donc
ils sont dans Távce dlowsiv , et le vers entier sera : ainsi ce second vers :

( 1) Anthol. Lat ,, t. II, p . 298 .


(1) Orph., Hymn., X , 20.
( 2) Comm . in Somn . Scip ., I. 6 , 57.
(2 ) Orph., Hyonn., XXXIV, 11.
92

die dès une haute antiquité , il s'établit en Perse , où il fut adoré

9
Αύξειν , ευγενέτην [ τ' απέραντον κόσμον έθηκε.
avec une dévotion particulière. Toutefois, il paraît que, dans l'an
Ce second vers comprend la seconde moitié du carré, ou l'équivalent cienne religion , Mithras n'était pas séparé des deux grands princi
à peu près de deux cotés, et il contient vingt-six lettres sur les cin
pes du monde, et qu'il fut destiné à leur servir de lien , et à consti
quante et une employées par le lapicide. Mais , comme, après la res
tuer une sorte de trinité. Plutarque, dans le traité Sur Isis et Osiris,
titution , ce nombre s'élève à trente - six , il s'en suit qu'il a dû y avoir
nous apprend que les Perses admettaient deux principes : l'un du
dix lettres environ de supprimées . bien , appelé Oromaze, l'autre du mal, appelé Arimane . Il ajoute
Je ne crois pas devoir faire part au lecteur des variantes de mon qu'ils comparaient le premier à la lumière, le second à l'obscurité ,
travail et des motifs quim'ont porté à les rejeter ; j'avouerai cependant
« Toy quèv kouzévai quri , tóvôd oubtw , » et qu'entre les deux ils pla
que j'ai songé un moment à chercher dans le second vers un penta çaient Mithras, nommant aussi ce dernier, pour cette raison , le Mé
mètre, et rien ne serait plus aisé que de l'en faire sortir, en lisant :

..
diateur : « Μέσον δ' αμφοίν τον Μίθρην είναι • διό και Μίθρην Πέρσαι τον
Μεσίτην ονομάζουσιν (1) . »
Αύξειν· ευγενέτην κόσμον έθηκε [ ν όλον ].
Ce sont là déjà , remarquons- le bien , les deux sexes de Mithras en
« Il a constitué le monde entier, qui lui doit sa noble origine .
germe, ou le Mithras-Soleil måle et femelle , tour à tour la lumière
Mais gardons- nous en ; ce sont deux vers épiques , et de la fabri
cédant la place à l'obscurité , et l'obscurité se retirant devant la lu
que de l'école d'Orphée .
mière. Bientôt, en effet, les Perses adorent particulièrement Mithras
Pour ne plus revenir sur ce travailde restauration métrique, nous
comme le Soleil : « Les Perses, dit Strabon ,honorent aussi le Soleil,
arrêterons ainsi la restitution des deux vers :
« qu'ils appellent Mithras: Πέρσαι τιμώσι και “Ηλιαν , ον καλούσε
"Ηλιος [ ως θηλής τε ] και άρσης, πάντα δίδωσιν « M !0pxv. (2) » C'est par ce Soleil qu'ils juraient, comme par la plus
Αύξειν , ευγενέτης [ τ' απέραντον ] κόσμον έθηκε. auguste divinité : Mi tov MlOprv (3 ). C'est par la puissante lumière
de Mithras que Darius fait jurer Yeunuque Tiree : « Σεβόμενος Μίθρου
« Le Soleil, en tant qu'il est femelle et mâle,donne à tout sa crois « pūspéyo (4 ).
« sance, et il a rendu immense le monde, qui lui doit sa noble ori Mais, en passant en Europe, le culte de cette divinité se modifie
« gine, » considérabiement, et se façonne à la nature et aux hommages des
Maintenant, en supposant que nous ayons ainsi remis l'inscription dieux de la Grèce et de Rome. De la Perse et de la Médie , il s'était
dans son premier état ; que nous lui ayons rendu son intégrité, sa rendu dans l'Asie Mineure, et c'est de là qu'il va pénétrer en Italie.
forme originale, nous n'avons cependant encore rempli que la moitié Plutarque, parlant de pirates Ciliciens, qui insultèrent si longtemps
de notre tâche dans l'étude du monument. Il nous reste à chercher à la puissance romaine par leur brigandages et leur déprédations,
un Soleil qui reçoive plus directement que le Soleil ordinaire de la nous dit : « Ils se livraient à de mystérieuses pratiques de religion ,
..

mythologie les qualifications que lui donnent nos deux vers, et à dé « dont faisait partie le culle de Mithras, qui s'observe encore de nos
terminer quelle est la divinité à qui s'adresse l'hommage. Il nous « jours, et qui fut révélé par eux pour la première fois. — Testés tivas
faut essayer de découvrir quel accord pouvait exister entre le sujet • απορρήτους ετέλουν, ών ή του Μίθρου και μέχρι δεύρο διασώζεται, κατα
représenté à l'intérieur et l'inscription qui lui servait de cadre, es <
Ôery.DeTom Tipótepov úra' ězelvev (5 ). » Ce fut pendant la guerre de
sayer de pénétrer quels motifs ont pu porter à la mutilation de ce Pompée contre ces brigands que l'importation eut lieu , entre les an
sujet. nées 70 et 68 , avant le Christ .
On n'a pas à chercher longtemps pour trouver à côté du Soleil Dans sa nouvelle patrie , le nouveau dieu prend un corps et une
de la Grèce et de Rome un Soleil étranger , qui brilla pendant quel forme humaine , rompant avec tous les usages de la religion spiritua
ques siècles jusqu'à les éclipser : c'est Mithras (1). Sorti de la Mé
liste des Perses ; et si on ne lui érige pasdes lemples, on lui consacre
des antres où s'accomplirontd'étranges mystères et d'affreux sacrifices .
Mais tout est connu sur ce sujet.
( 1) La plupart des archéologues écrivent Mithra, c'est une faute : la règle Dans sa nouvelle fortune , Mithras vit s'accroître ses priviléges et
demande Mithras, soit qu'on dérive ce nom du grec , soit qu'on le dérive du sa puissance. Plusieurs anciens avaient écrit sur ce dieu , sur ses
latin ; car les Grecs écrivent Miopas , et les Latios, après eux , ont écrit Mi mystères et sur sa religion . Eubulus notamment avait composé en
thras. Ce qui le prouve, c'est la valeur numérale que les uns etles autres atta
plusieurs livres une histoirede Mithras , au rapportde Porphyre (6).
chèrent auxlettres de ce nom , pour leur faire signifier, selon les idées gnosti
Le même philosophe nous apprend que Pallas avait recueilli dans
ques, 365, nombre des jours qui composentla révolution annuelle du soleil.
un ouvrage les plus précieux détails sur les mystères de Mithras , et
Saint Jérôme, condamnant les rêveries de Basilide, qui trouvait ce nombre
que , dans cet ouvrage , il affirmait qu'à partir du règne d'Adrien ,
365 dans le nom imaginaire Abraxas, ajoute : « Que les gentils (les païens)
on avait cessé d'immoler des victimes humaines (7). Plus loin , il
« désignent le soleil par le nom de Mithras, qui reproduit le même nonbre
« qu'Abraxas, avec des lettres différentes . Solem ethnici sub eodem nul ajoute que Pallas y expliquait aussi commentles mystères de Mithras
« mero aliarum literarum vocant Milhram ( In Amos. III, 3, 9 ). » Le s fina
est, en effet, si nécessaire, qu'il compte pour 200 , notons même qu'il fallut
lire Meißpas, au lieu de Miopas , pour obtenir 365 :
( 1) T , VII, p . 456 seq . ed . Reisk .
Μ Ε Ι Θ Ρ Α Σ 365 .
( 2) XV. p . 732.
40 5 10 9 100 1 200 ( 3) Xenoph . Cyrop ., VII, 5 , 53.
Dans ma Lettre à l'Académie des Beaux-Arts, à l'article Abraxas, je me ( 1) Plutarch ., Vit. Alex., & XXX .
suis assez lunguement occupé de la subtilité myslique du gnosticisme s'exer (5 ) Vit. Pomp. , % 24 .
çant sur la vertu mystérieuse des noms qu'engendrait artificiellement le nombre (6 ) De Abslin , p . 349.
365, et des noms qui naturellement représentaient ce nombre. ( 7) De Abstin , II, p. 202.
93

étaientun symbole de la migration des âmes (1).Malheureusement tous fermant dans une formule à peu près invariable. Le plus souvent
ces ouvrages sont perdus , et on s'en élonne moins qu'on ne s'en c'est : DEO. SOLI. INVICTO . MITHRAE (1). Au dieu Soleil in
afflige; les chrétiens durent montrer un zèle peut-être encore plus vincible Mithras. Quelquefois c'est l'invincible Mithras tout seul :
impitoyable pour la destruction des livres consacrés à la doctrine de INVICTO . MITIIRAE (2). Il en est demême en grec : HAO MIOPA
Mithras que pour le renversement de ses temples. Ce n'était plus, en ANIKITO ("Halo M109? dvertito ) (3).- Au Soleil Mithras invincible.
effet, une hérésie s'attaquant à quelques dogmes, qui se dressait de Comme c'est l'attribution de la qualité d'invincible, qui est fonda
vant eux ; c'était une religion armée de toutes pièces, avec son culte , mentale dans ces inscriptions, on s'est demandé si elle ne venait pas
ses cérémonies, ses mystères etses initiations,qui aspirait à dominer. de l'épithète århus, infatigable , donnée par Homère au Soleil. J'en
D'où nous peut donc venir aujourd'hui quelque lumière sur ce cherche la raison plus haut. En se séparant de la trinité persane et
dieu , que l'on dirait anéanti avec ses æuvres ? De certains faits con s'élablissant pour son propre compte en Europe, Mithras se substitua
statés par ses puissants adversaires eux-mêmes, de quelques fragments au bon Génie , au Génie de la pure lumière et du feu , et dès ce mo
conservés des livres dont nous venons de parler, et d'un assez grand ment il doit se proclamer le Soleil invincible. Remarquons d'ailleurs
nombre d'inscriptions. que si on tenait à tirer l'épithète d'Homère , elle conviendrait encore
J'écarte tous les détails qui ne vont pas directement au but, et me à Mithras, après qu'il est devenu l'unique dieu du feu ; car Homère
borne à citer deux passages de Porphyre extraits d'Eubulus et de appelle aussi le feu ακάματον ( ακάματον πύρ) , el consacre meme a cet
Pallas , mais qui ont une importance capitale pour le monument dont élément tous les emplois qu'il a fait du motdz.b1.7tos.
je m'occupe. Quoi qu'il en soit, de temps en temps on ajoute une seconde épi
Porphyre dit que l'antiquité était dans l'usage de consacrer les tliète , comme : SANCTO . INVICTO . MITHRAE (4 ). — Au saint
antres et les cavernes au Monde divinisé : « "Avtpx o rochani ya ? invincible Milhras ; ou on les remplace par une autre, qui tient lieu
« ornal2 to Kógu.o) zaOdépouv (2 ) ; » et il en donne des raisons allégo de toutes , et qui résume notre inscription elle -même: OMNIPO
..

riques et physiques. Plus bas il constate, et certainement d'après TENTI. DEO . MITHRAE (5 ). — Au tout- puissant dieu Mithras.
Eubulus, comme une conséquence de ce qui vient d'être avancé, lei Mithras enveloppe loutes les divinités de la sienne; ailleurs , il
« Que partout où l'on a reconnu la divinité de Mithras, on se rend ce semble avoir pris à Jupiter le symbole de la souveraineté. Dans une
« dieu propice en l'implorantdans une caverne. Πανταχού δ' όπου inscription grecque, on lit: ΙΙΑΙΩ ΜΙΘΡΑ ΑΣΤΡΟΒΡΟΝΤΗ ΔΑΙΜΟΝΙ
« τον Μίθραν έγνωσαν , διά σπηλαίου τον θεόν ελεουμένων (3 ). » ( Ηλία Μίθρα αστροβρόντη δαίμονι ( 6) . Au Soleil Mithras , à la
Notons ce rapprochement, qui fait pressentir Mithras comme divinité astre- tonnant (qui préside au tonnerre). C'est une concur
démiurge , ou qui nous prépare à ce que dit notre inscription , qu'il a rence manifeste au Jupiter tonnant de l'inscription latine : IOVI
constitué le monde, zogjov Onze. Mais avançons , Eubulus va s'expli SANCTO BRONTONTI (Spovtovt!) (7). A Jupiter saint tonnant ;
.

quer. Porphyre, rapportant textuellement ses paroles : « Zoroastre , et de l'inscription grecque : ΔΠ. ΜΕΓΑΛΩΙ . ΒΡΟΝΤΩΝΤΙ) Διί μεγάλω
« dit-il, ainsi que l'assure Eubulus, consacra le premier une caverne, βροντώντι) ( 8). A Jupiter grand tonnant.
qui était l'ouvre de la nature, en l'honneur de Mithras, l'auteur et Ce n'est pas que l'addition , la substitution d'un simple mot, soient
« le père de tout, parce que cette caverne lui offrait une image du chose indifférente dans ces inscriptions ; loin de là : ces changements
« monde, que Mithras a créé. Πρώτα μεν , ώς έφη Εύβουλος και nous permettent de suivre la fortune politique et religieuse du culte
« Ζωροάστρου αυτοφυές σπήλαιον ανιερώσαντος , εις τιμήν του πάντων de Mithras. Il aspirait à devenir religion de l'Etat , mais il lui faut
« ποιητού και πατρός Μίθρου, εικόνα φέροντος αυτότου σπηλαίου του κόσμου, lutter contre une compétition redoutable , celle du christianisme.
« όν ο Μίθρας εδημιούργησε ( 4 ). » C'est par la faveur des empereurs que ces religions se peuvent éta
Voilà , bien clairement, Mithras auteur de toutes choses et père du blir ; aussi, pendant quelques siècles , voyons -nous qu'à mesure que
monde; faut- il le voir encore comme cause de l'accroissementuni l'une est en disgrâce, l'autre étale son crédit. Sous Commode, Mithras
versel ? C'est implicite sans doute dans ce qui précède, mais le voici est invoqué pour le salut de ce souverain : PRO . SALVTE . COM
..

formellement. Porphyre, examinant pourquoi Mithras est représenté MODI. ANTONINI. AVG . (9) ; sous Caracalla , on l'invoquera pour
sur un taureau, nous en donne , d'après Eubulus ou Pallas, cette rai le salut et la conservation de la santé de l'empereur : PRO SALVTE .
son :: « Parce que Mithras, de même que le taureau , est un démiurge ET INCOLVMITATE. IMP. CAES . M. AVREL . ANTONINI (10) ; sous
« et un maître de la génération . Ως και ο ταύρος , δημιουργός ών Gordien , on lui adressera des væux et des prières pour le salut de
« ο Μίθρας , και γενέσεως δεσπότης ( 3) . » l'empereur : PRO SALVTE AVGVSTI, en l'honneur de la maison
Ces citations reproduisentdéjà (est-il besoin de le faire remarquer ?) divine (impériale ) : IN HONOREM DOMVS DIVINAE (11) ; sous Dio
la plus grande partie de notre inscription , et nous en pouvons con clétien , Mithras sera invoqué comme protecteur de l'empire : FAV
clure avec loute certitude que dans ce monument épigraphique il ne TORI. IMPERII (12) .
saurait être question d'Apollon , de Phébus ou du Soleil ordinaire ,
mais bien du Soleil-Mithras, du Soleil-invincible , selon sa dénomi
nation usitée. Ces qualifications nous amènent à dire un mot des
( 1) Gruter., p . XXXIV, 5 et 6 .
inscriptions dédiées à Mithras.
( 2 ) Ibid ., 3 .
Elles présententun caractère distinctif et qui leur donne une place ( 3) Gruter., p . XXXIII, 9 .
à part dans l'épigraphie , se montrant toutes fort laconiques et s'en (4) Gruter .. p . XXXIV , 2 .
(5 ) Ibid ., 1.
(6 ) Boeckh ., Corp. Inscr. Gr. n ° 6012.
( 7) Gruter., p . XVII, 12.
( 1) De Abstin ., IV , p . 331.
(8 ) Gruter., p . XVIII, 2 .
(2 ) De Antr Nijmph., c . V , p . 6 . (9) Gruler., p . MLXLI, 9 ; Fabrelti. p. 689 , 108 .
( 3 ) De Antr . Nymph ., c. IX , ! . 19. (10) Henzen ., Orell., collect. supplem ., 5855 .
(4 ) De Anır. Nymph., c . VI, p . 7 . (11) Orell ; Inser . Lar., 2348 et 2319.
(5 ) De Antr. Nymph ., c . XXIV , P. 22. (12) Oreil., Inscr ., Lat., 1031.
12
94

Mais cette faveur dure peu ; le zèle des adorateurs du Soleil invin « A la Mère de toutes choses , à Rhée, et à la race de ses enfants,
cible se refroidit chaque jour; çà et là les inscriptions nous signalent « ainsi qu'à Attis , le très haut, et qui embrasse l'univers, à celui qui
quelqu'un de ses lemples en ruine. En 311 , nous en voyons un que a en tous temps produit tout avec la plus constante régularité , un
l'on est obligé de reconstruire entièrement (a novo, à neuf) : A NOVO prêtre , consacré par les cérémonies mystérieuses du criobole aussi
RESTITVI FECIT , parce qu'il était tombé de vétusté : TEMPLVM « bien que du taurobole , ayant pour surnom un mot qui signifie
VETVST. CONLABSVM , et qu'il avait été abandonné pendant plus a divin présent d'Apollon , a dédié cet autel. »
de cinquante ans : QVOT FVIT PER ANNOS AMPLIVS. L. DESER L'inscription latine nous apprend que le donateur s'appelait Petro
TVM (4 ). nius Apollodorus , et qu'indépendamment de sa qualité de Pontifex
En vain le mithriacisme s'est - il allié de bonne heure à un culte major (Pontife d'un ordre supérieur), il était encore Prétre attaché au
qui a les plus grandes affinités avec le sien , au culte de la grande culte de l'invincible dieu Mithras, Pater sacrorum dei invicti Milhræ ;
Mère des dieux ; car c'est surtout par l'immolation d'un taureau , et que ce fut après avoir reçu le taurobole et le criobole (du culte de
ταυροβόλος τελετή que les deux cultes exercent leur vertu myste Cybèle) , taurobolio criobolioque percepto , qu'il dédia l'autel , aram
rieuse, sans compter le lien qu'établit encore entre eux le mystérieux dicavit, sous le consulat des Empereurs Valentinien et Valens, l'an
amant de Cybèle, Altis, cette autre personnification du Soleil, comme de notre ère 370 .
l'atteste Macrobe : « Solem sub nomine Attinis ornant fistula et Qui ne saisit , en effet, les rapports et les ressemblances que pré
°C virga (2 ). — Ils décorent le Soleil, sous le nom d'Attis, d'une flûte sentent entre elles l'inscription d'Apollodore et celle de Labége? Dans
« de Pan et d'une houlette ; » le mithriacisme n'en succombera pas la première, Rhée estappelée la mèrede toutes choses , uetitne TÁVIWV ;
moins. dans la seconde, Mithras est dit l'auteur du monde, zoopov Xonxe ;
Historiquement parlant, le culte de Mithras en Europe est plus dans la première, Attis, qui n'est autre que le soleil, ainsi que nous
ancien que les taurobolies ; car nous avons vu que son importation l'avons vu , produit tout avec la plus constante régularité, Osuspútecz
se fit entre les années 70 et 68 avant le Christ , ce qui suppose que TOÁVT& qúe! ; dans la seconde , Mithras donne à tout sa croissance ,
son établissement dut avoir lieu vingt å trente ans après, au plus Trávte člowoty güçsiv. Il n'y a qu'une différence , mais elle est con
tard ; tandis que les taurobolies ne se montrent que l'an 160 de l'ère sidérable : c'est que le dieu de notre inscription joue le rôle des deux

..
chrétienne. La plus ancienne mention que l'on en connaisse , en effet, divinités de l'inscription d'Apollodore , et que Mithras s'est agrandi
se trouve dans une inscription qui remonte à Antonin le Pieux , et jusqu'à comprendre la puissance de Cybèle et d'Attis.
date du consulat de Bradua et de Varus (3 ). Ce!le dernière observation , et le rapprochement, que nous venons
Quant à l'association des deux cultes , elle me paraît peu posté d'établir entre le culte deMithras et celui de Cybèle , amèneraient à se
rieure à Marc -Aurèle et ne pas descendre au -dessous de l'empereur demander lequel des deux l'emporta sur l'autre auprès de ses fidèles.
Sévère. Quoiqu'il en soit , rien n'est plus certain que cette alliance ; Je crois que ce fut le mithriacisme, qui obtint le plus de foi vive et
elle est constatée par mainte inscription , notamment par celle qui fut enthousiaste; tout inspirait chez lui de pareilles dispositions : l'obs
dédiée à Caménius, personnage considérable, que liaient à la religion curité dont il s'enveloppait, et qui a répandu beaucoup d'incertitude
de Mithras et à celle de Cybèle des fonctions importantes et des actes sur ses pratiques et ses cérémonies, mais principalement, les longues,
de foi. Cette inscription , publiée et très doctementexpliquée par Ode rudes et dangereuses épreuves qu'il imposait à ses futurs adeptes.
rico (Gaspar - Louis) (4 ), et reproduite par Orelli (5 ), doit être rap L'inscription que j'ai encore à citer prouvera du moins qu'il eut
portée à l'an 330 de notre ère . jusqu'à la fin quelques dévots fortement attachés à ses autels, et dont
Mais un monument qui consacre plus solennellement que tous les la ferveur semblait croître avec le déclin de cette religion. Dans le
autres ensemble les rapports des deux cultes , et qui, grâce à l'ins monument dont je parle, en effet, l'adorateur adresse un hommage
cription de l'église de Labége , nous découvre maintenant la raison de
au grand dieu Mithras, DEO MAGNO MITHRÆ , dieu puissant,
leur mystique union , c'est l'inscription que fit graver un certain POLLENTI, l'un des douze qui délibèrent avec Jupiter, CONSENTI,
Apollodore, en dédiant un autel à Rhée, la même que Cybèle , et à son saint Lare, LARI SANTO SVO . Il nous apprend en outre qu'il
Attis. Elle se compose de trois distiques grecs, suivis d'une inscrip s'est régénéré pour toujours par la pluie mystérieuse (du sang ), ARCA
tion latine , contenant sur le donateur les renseignements personnels NIS PERFVSIONIBVS IN AETERNVM RENATVS, et que c'est lui
que laissait à désirer l'inscription grecque . Voici ces trois distiques : qui a offert le taurobole et le criobole , TAVROBOLIUM CRIOBO
Μητέρι τη πάντων , Ρείη , τεκέων τε γενέθλω, LIVMQVE FECIT (1) .
"Άττει θ' υψίσω και συνιέντι το παν , Mais e'est là le dernier signe de vie que nous ont laissé les deux
Το πάσιν καιρούς θεμερώτερα ( 6) πάντα φύoντι , religions, qu'une affinité de nature avait rapprochées ,et qui devaient
Κριοβόλου τελετής ήδ' έτι ταυροβόλου se confondre dans une commune destinée . La date de l'inscription est
Μυστιπάλος τελέθων , τούτον συνθήκατο βωμόν , le consulat de Tatianus et de Symmaque, l'an 391 de notre ère.
Δώρον Απόλλωνος θείον έχων έπίκλης ( 7) . Nous avons suivi le mithriacisme depuis son introduction en
Europe ; je ne dis pas jusqu'à son extinction , mais jusqu'à la fin du
quatrième siècle (391 ), moment où nous perdons sa trace épigraphi
(1 ) Orell., Inscr., Lat., 1064 .
(2 ) Saturn ., I, 21, 9 . que ; car c'est par les inscriptions qu'il nous est surtout connu . Nous
(3) Orell., Inscr. Lat., 2322. l'avons vu , pour mieux résister sans doute à son redoutable adver
(4 ) Dissert. el Adnot., p . 131-174 .
(5 ) Inscr. Lat., 2351
(6 ) épnepos, qui va posément , avec ordre, qui revient réguliérement et
avec fixité. Hesychius a réuni les diverses significations de ce mot, mal com Gruter (P , XXVIII, 1), d été reproduite par Bonada (Carmina ex antiq .,
pris par les lexicographes modernes, et par les interprètes de l'Anthologie, lapid .', t. I, p 84 sq.) ; par Boeckh (Corp. Inscr. Gr., nº 6012 b.) et par
dans l'inscription d'Apollodore : « Oevien · Bebaia , ceuriti , ciotalts (V. Ocréer.) Henzen (Orell. collect. supplem ., 6040). L'inscription grecque a été insérée
..

Oepéen , fixe, grave (bien posée) bien réglée. » par Jacobs, dans l'Anthologie (Anthol. Pal. Append., 239.
(7) L'inscription grecque et latine de Petronius Apollodorus, publiée par (1) Henzen ., Orell. collect. supplem . , 6041.
95

saire, le christianisme, s'allier au culte de Cybèle ; et il y avait toute rappelé à côté des sacrifices de Mithras, comme l'étaient les sacrifices
raison de croire que cette alliance s'était faite à des conditions égales. de Cybèle. Ajoutons que, pour les monuments mithriaques, il y
Les inscriptions n'autorisent à supposer la prépondérance d'aucun avait des formules dédicatoires, auxquelles on revenait habituelle
colé ; aussi les savants n'ont-ils jamais songé à assigner de supé ment ; n'est, à vrai dire, que dans une inscription en vers, célé
riorité. brant la puissance de ce dieu , et en faisant ressortir les principaux
Mais l'inscription de Labége contredit aujourd'hui ouvertement attributs, que l'on pouvait signaler en liberté ceux qui la ratta
cette égalité présumée entre les deux cultes, en attribuant à Mithras chaient à la doctrine orphique. De là vient la curieuse révélation que
une supériorité qui efface la Mère des dieux, nous venons de le re nous a pu faire l'inscription de Labége.Aussi cette inscription est-elle
marquer. Que par ses pratiques extérieures et des cérémonies exci la seule en vers parmi toutes celles qui se trouvent uniquement dé
tantes ce dernier culte ait plus fortement saisi les imaginations, et diées à Mithras ; et cette particularité nous doit faire remercier une
fait des prosélytes plus ardents, je le conçois et je l'ai reconnu . Mais seconde foisla fortune qui préside aux heureuses trouvailles.
il y a loin de ces démonstrations de zèle à la supériorité que con Mais là ne s'arrêtent pas les services qu'est venue rendre l'inscrip
state l'inscription . Cette supériorité repose sur une doctrine reli tion de Labége; que le lecteur en juge.
gieuse , essentiellement différente de celle qui servait de base au culte Il y a dansHérodote un passage qui intéresse hautement la vieille
de Cybèle ; or, d'où venait cette doctrine, et comment s'était-elle religion de la Perse, et qui depuis des siècles résiste à tous les efforts
adaptée au culte de Mithras ? L'histoire et l'épigraphie n'en disent de la critique. Herodote , après avoir avancé que les Perses sacrifient
rien ; et c'est ici que l'inscription de l'église de Labége acquiert une au soleil et au feu « Θύουσι δε ήλιο και πυρί , » ajoute un peu
importance vraiment considérable. plus bas, qu'ils sacrifient également à la Vénus céleste , qu'ils appel
Dans les premiers siècles du christianisme, il y eut une grande lent Mitra : « Kahéouse Mlepav (1) »
fermentation des idées religieuses. Le paganisme sembla recueillir ses Est-ce une erreur de inémoire , est-ce une corruption du texte,
forces pour livrer une lutte suprême; des deux côtés on déploya tou s'est-on demandé, que ce nom de Mitra , donné à Vénus, quand tous
tes ses ressources. les anciens attestent que le nom de Mitbras était exclusivement ré
Une doctrine quiremontait haut, mais qui parut alors se ranimer servé au Soleil chez les Perses? De là des explications nombreuses,
d'une ardeur nouvelle, c'est la doctrine orphique, arme dontse servi dont je ne signalerai que les principales .
ront les deux partis. Toutefois, s'il est une religion avee laquelle cette Barth , dans son commentaire sur Stace (2), est persuadé qu'Héro
doctrine se puisse étroitementamalgamer, c'est la religion deMithras . dote ne contredit point ici les autres historiens, mais que les Perses
Nous avons vu , en effet, que dans la cosmogonie d'Orphée, c'était avaient réuni au Soleil måle la divinité femelle Mitra , parce qu'il
Phanès ou le Soleil qui jouait le rôle principal ; or, Mithras n'est pas n'est point vraisemblable qu'Hérodote ait pu si grossièrement prendre
autre que Phanès , ou son équivalent. Cette union s'opéra- t- elle donc un sexe pour un autre : « Herodotum ego nequaquam ceteris hic
réellement? Oui, nous en avons aujourd'hui la preuve dans l'inscrip « contradicere existimo, sed Persas masculo Soli etiam feminam
tion de Labége. Le signe caractéristique, irrécusable, ce n'est pas seu « deum Mitram adjecisse persuasus sum ; cum non sit verisimile in
lement l'affirmation que nous y trouvons de la puissance démiurgi « sexu tam crasse errare potuisse Herodotum . » Il y a là une hypo
que du Soleil ou de Mithras ; c'est encore et surtout l'attribution thèse gratuite et une erreur de jugement. Hérodote, en parlant du
des deux sexes à ce Soleil créateur. Les anciens s'accordent, en effet, à Soleil, s'est servi du nom vulgaire cos, sans rien ajouter ; tan
regarder Orphée comme le seul auteur d'une cosmogonie, d'après dis qu'en parlant de Vénus Uranie, il a soin de remarquer que les
laquelle celui qui était destiné à tout produire réunissait en lui Perses appellent cette déesse Mitra . Inférer de ces paroles de l'histo
les deux sexes, et se trouvait enfermédans un euf primordial, d'où , rien , qu'il avait nécessairementdans l'esprit Mithras, le représentant
au moment venu, il s'élançait, lui, et tout ce quidevait composer masculin du Soleil, et que, puisqu'il l'a passé sous silence, il a da
l'univers . J'ai rapporté des textes qui établissent authentiquement faire entendre que son nom se trouvait compris dans celui de Mitra ,
cette doctrine ; j'ajouterai encore un passage de Plutarque , qui les et que le dieu était confondu avec la déesse, c'est faire le plusridicule
confirme et les complète. Plutarque, s'autorisant des discours sacrés, abus de l'induction et renverser toutes les lois de la logique.
attribués à Orphée, discours où le théologien expliquait sans doute la Parmi ceux qui se sont occupés spécialement de l'histoire des reli
nature des dieux , nous assure « Qu'Orphéen'y déclare pas seulement gions antiques, plusieurs sont entrés dans la même voie d'explica
« que l'æuf est plus ancien que la poule,mais qu'il attribue encore à tion que Barth , pour éclaircir le passage d'Hérodote .Mais Creuzer est
« cet æuf l'antique éclosion de toutes les choses, prises dans leur uni celui qui a poussé le plus loin l'abus de cette interprétation ; il lui a
« versalité.- (Τον Ορφικών και ιερόν λόγον, ός ουκ όρνιθος μόνον το ώον même donné un caractère de gravité dangereuse, en la faisant dériver
αποφαίνει πρεσβύτερον , αλλά και συλλαβών άπασαν αυτή την απάντων d'un principe d'observation : « Partant, dit- il, de ce fait clairement
> ομού πρεσβιγένειαν ανατίθησι (4) . « exprimé, que plusieurs des anciens peuples de l'Asie révéraient
Il est donc certain qu'il y eut alliance de la doctrine orphique « sous différents noms un seul et même principe femelle de la nature,
avec le mithriacisme. Et, disons-le, cette alliance devait se supposer « nous y trouvons la preuve d'un autre fait, c'est que les Perses, du
avant d'être certaine ; car elle était déjà dans la nature des choses . a moins à une certaine époque, honorèrent dans Mitra une déesse ,
Comment cependant est-il arrivé que l'inscription de Labége ait « commedans Mithras un dieu , en sorte que Mithras-Milra était une
seule conservé le souvenir d'un fait si notable ? D'abord , beaucoup « divinité mâle et femelle ( 3)
d'inscriptions relatives à Mithras ont dû être détruites, nous n'en
savons que trop la raison ; ensuite Orphée , quoique très-près des
dieux, ne fut jamais, à le considérer par ses fonctionsles plus saintes, (1 ) I, 131.
qu’un prêtre initiateur ; il ne pouvait donc à aucun titre se trouver ( 2) Thebaid , I. 719, t. II, p . 246 .
( 3) Religions de l'antiquité, traduction de M. Guigniaut. t. 1, p . 338
sqq . Il faudra voir la note 8 , relative à ce passage, t. 1, p, 728 sqq . C'est
une note pleine d'érudition et d'intérêt, comme en a tant répandu le savant
(1 ) Sympos., II , t. VIII, 522. ed . Reisk . traducteur , dans ce livre, qui est presque devenu le sien.
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Ce n'est pas là raisonner juste. Creuzer ne connaît la déesse Mitra riens de Mithras et de sa religion , on doit conclure évidemment que
que par Hérodote ; or, l'historien ne dit nullement qu'elle renfermât dans notre inscription ilne saurait être question quede Mitbras, bien
en elle les deux sexes ; prétendre le conclure de ce qu'on adora parfois qu'il n'y soit point nommé. J'avoue cependant que, si le monument
sous différents noms un seul et même principe femelle de la nature, n'eût pas élé plus explicite , il y aurait quelque lieu de s'étonner de
c'est déduire une conséquence illusoire de premisses qui ne la con son vague un peu mystérieux. Mais il continuait sans doute ses ren
tiennent pas . D'une autre part, de ce que Mithras, dont Hérodole ne seignements au - dedans de l'inscription , et cette fois son langage était
parle point au reste, désigna chez les Perses le Soleil, etMilra , comme le symbole et peut- être aussi l'épigraphie.
nous l'apprend Hérodote, désigna Venus-Uranie , inférer de la l’union
Par les détails qui ont été donnés plus haut, on sait que le champ
de Mithras et de Mitra jusqu'à l'identité, c'est abuser étrangement d'un
de la pierre enfermédans le cadre de l'inscription a été mutilé, et qu'il
rapport d'écriture . Quelques qualités semblables, comme ici, par
n'y paraît aujourd'hui nul vestige du sujet qui s'y trouvait repré
exemple, une communauté d'influence sur la génération , suffisent
senté. On sait aussi qu'à notre prière, M. Dusan voulut bien exami
pour faire donner à peu près le même nom à deux êtres ;mais de ce
rapprochement à l'identité, il y a toute la distance qui sépare deux ner avec le pieux soin de l'archéologue l'état où la degradation avait
individus. Enfin , personnifier l'identification jusqu'à composer de laissé cette partie du monument ; voici le résultat de son examen :

toute pièce l'hermaphrodile Mithras-Mitra, c'est couronner toutes les « J'ai très attentivement étudié la pierre ; je l'ai lavée, raclée, nel -
hardiesses précédentes par une témérité, et compléter le sophisme. « toyée. J'ai enlevé une première couche de badigeon blanc, puis de
Que diriez - vous, en effet, de ce raisonnement : Mitra est une déesse ; « couleur verte et de couleur rouge ; il m'a été impossible de décou
or, Mithras est un dieu ; donc il existe une divinité Mithras-Mitra « vrir trace d'autres caractères que de ceux que reproduit l'estam
mâle et femelle ? C'est le syllogisme de Creuzer . « page . Par place , il y a des creux irréguliers, qui paraissent n'ètre que
Faut- il donc renoncer à concilier Hérodote avec les autres histo « des défauts de la pierre ou de traces de mutilations. Je n'ai pas vu
« autre chose . »
riens? Renoncer à expliquer comment il a passé sous silence le nom
de Mithras , que les Perses donnaient constamment au Soleil, tandis Quel pouvait être ce sujet que la mutilation avaitmis tant dezèle à
qu'il a mentionné soigneusement le nom de Mitra, qu'ils donnèrent faire disparaître ? Un sujet relatif au culte du Soleil Mithras, peut-on
à Vénus-Uranie , après avoir emprunté le culte de cette déesse aux répondre , je crois , sans trop d'hésitation . Nul dieu n'était plus fait
Assyriens et aux Arabes ? La principale difficulté que se sont créée pour provoquer tant de haine , et cette ardeur de destruction de la
les savants tient, je crois , à l'idée préconçue que Mitra était le même partde ses vainqueurs. Essayons de préciser davantage ; rien n'em
nom que Mithras, el que celui-là avait du par conséquent, dans l'in pêche de croire assurément que ce qui a disparu du champ de la
tention d'Hérodote , comprendre celui-ci. Le rapport d'orthographe a pierre offrait le tableau si ordinaire en pareil cas, le tableau symbo
joué, dans le cas actuel , un trop grand róle. Que la ressemblance lique d'une grande force domptée par une invincible puissance , un
approximative des deux noms en ait indiqué une plus ou moins éloi bas- relief du même genre que celui de la villa Borghèse : Mithras,
gnée enire l'influence exercée par les deux divinités, je le veux bien ; sous la figure d'un vigoureux et beau jeune homme, coiffé du bonnet
mais n'allons pas plus loin ; nulle identité possible, selon moi, entre phrygien , revêtu d'une tunique et d'un manteau qui flotte au gré du
les deux personnages. Mais alors pourquoi taire Mithras, et signaler vent, appuyant fortement le genou gauche sur le dos d'un taureau
Mitra ? Interrogeons le monument de Labége, qui, en nous fournis terrassé, et, tandis qu'il tient l'animal par le mufle, avec la main gau
sant d'abord sur la question principale , engagée dans le passage d'Hé che, lui enfonçant avec la droite un poignard dans le cou .
rodote , une réponse décisive, va peut- être satisfaire à tout le reste. Ce symbole est déjà parlant et détermine clairementla nature du
Que dit ce monument? Que le Soleil Mithras élait måle et femelle, Soleil de l'inscription ; mais rien n'empêche de croire qu'il y avait
dpory nzl Gt,aus, au même titre que beaucoup d'autres divinités dont encore dans quelque endroit du tableau une inscription comme
nous avons parlé , c'est-à - dire sans l'association d'aucune divinité celle -ci par exemple : DEO SOLI INVICTO MITHRAE. Dans le bas
femelle. Or, s'il en est ainsi , Mithras se suffit à lui-même, et il ne relief de la villa Borghese , cette même épigraphe se lit sur le ventre
faut plus songer à l'unir à une autre divinité ; ce serait doubler un du taureau . Je ne pousserai pas plus loin l'assimilation des deux mo
sexe contre toute raison ; ce serait , chose plus grave , contrarier la numents ; il pourraît paraître abusif de se demander si celui de
doctrine qui, en le faisant de deux genres, voulait le faire remonter à Labége offrait aussi, comme celui de la villa Borghèse , sur le cou
cet æuf primordial où résida Phanès , le futur créateur, mâle et fe du taureau , les paroles inexpliquées et peu explicables : NAMA.
melle aussi. Voilà donc déjà toule union rompue, ou plutct démon SEBESIO .
trée impossible entre Mithras et Mitra. Quant au silence d'Hérodote
sur le dieu , et à la mention qu'il a faite de la déesse , l'un et l'autre Il existait donc entre l'inscription quadrangulaire et le sujet très
vraisemblablement représenté à l'intérieur, une correspondance qui
s'expliquent. Il a pu omettre le nom de Mitbras , et il a dû signaler
les mettait en rapport, une liaison qui en faisait un tout s'éclaircis.
celui de Mitra ; car rien n'était plus connu de tous que le premier
sant et se complétant.
nom , et rien ne l'étaitmoins que le second, qui se montre une seule
fois pour disparaître sans retour. Du resle, quelque sens que l'on Nous avons encore à résoudre quelques points qui se rattachent
adopte sur certainsdétails de la phrase d'Hérodote, il subsistera tou naturellement aux questions précédentes, et qui, sans avoir la même
jours un grand fait, auquel elle sera désormais subordonnée , le fait importance, ne sauraient être négligés.

qui nous a révélé Mithras sous un jour si nouveau el si inattendu , Où se trouvait d'abord cette pierre et qu'elle fut sa destination pri
Mithras réunissant les deux sexes, et devenu l'allié des doctrines or mitive ? Elle devait avoir été placée à l'entrée d'une de ces cavernes
phiques. où l'on avait coutume de célébrer les mystère: de Mithras ; car on
Nous disons toujours, on a pu le remarquer, le Soleil Mithras , et éleva rarement des temples à ce dieu , quoiqu'il soit fait mention de
jamais le Soleil tout court , afin de prévenir l'équivoque. De toutes quelques -uns très clairement et sans équivoque possible. Là ces sortes
les autorités , en effet, que nous avons alléguées , et notamment des de pierres paraissent avoir servi d'enseigne religieuse au dieu à qui
passages que nous avons cités d'Eubulus et de Pallas , les deux histo les antres élaient consacrés, et qu'on appelait le dieu issu de la roche,
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Ogos èx TétPas (1). C'est ce qui explique pourquoi de pareils bas -reliefs phète théologien avec le culte de leur dieu , aient composé l'inserip
furent aussi sculptés dans la face antérieure du roc qui faisait partie tion , toujours comme formule épigraphique à l'usage de Mithras, et
de la caverne mithriaque ; il en existe encore des exemples ; et, pour toujours en vers, dans le goût de l'école orphique, seulement plus
ne pas sorlir de France, jeme contenterai d'en signaler un , qui n'est rapprochés de la dédicace de notre monument, quoique pouvant
pas bien éloigné de Labége : je veux parler de celui qu'on voit dans encore lui être assez antérieurs .
le département de l'Ardèche, près de Bourg - Saint-Andéol (2 ). Par Mais on objectera : Pourquoi donc ne pas admettre que cette ins
quelle fatalité cependant, ou par quelle ironie de la fortune , notre cription , tout orphique qu'elle est, a été composée pour une circons
pierre figure - t-elle aujourd'hui à la porte d'un temple chrétien Le tance particulière et unique, pour le monument dont nous nous
sort a eu , je crois , peu de part à ce renversement de destinée , et je occupons ? Ma grande raison , c'est d'abord que l'épigraphe porte un
vois ici l'effet d'une intention préméditée ; c'est la dépouille du dieu caractère de généralité qui s'etend plus loin qu'un cas délerminé;
vaincu , appendue comme trophée au dieu vainqueur de tous les c'est ensuite, et surtout, parce qu'il peut très bien se faire que nous
dieux.
ayons iciun pur fragment de poésie orphique assez ancienne. Ceux
A quelle époque cette nouvelle offrande se fil- elle ? On l'ignore . On qui ont quelque babitude de cette poésie mystique et sacerdotale
voit bien , il est vrai, dans le champdu monument les chiffres 1542 ; trouveront, je l'espère, ma conjecture vraisemblable .
mais ils expriment , selon moi , la date de la mulilation plutôt que Un détail tout matériel , relatif à l'inscription , et qui, aux yeux
celle de l'encastrement de la pierre, bien que les deux actes aient pu de l'archéologue, a beaucoup moins d'importance que la forme des
coïncider .
lettres , mérite cependant de nous arrêter ; c'est la disposition que le
Une date plus importante à constater , c'est celle de l'inscription . graveur a donnée aux caractères, enfermant le champ de la pierre
Si l'on ne considérait que la formedes caractères, on serait en droit dans un carré épigraphique. Cette disposition n'est pas ordinaire ,
de faire remonier cette inscription jusqu'aux premiers temps du mais elle se présente de temps à autre, lorsque , comme ici, la repré
christianisme ; les lettres sont carrées , belles et régulières , se per
sentation figurée occupe tout l'intérieur , et a forcément relégué l'é
mettan : à peine d'évaser légèrement les extrémités des jambages . criture au - dehors. Ainsi, dans les Antiquités d'Aquilée ,un monument
Mais la forme des lettres, quoique signe à considérer, ne saurait être
représente dans le champ de la pierre l'administration du baptême,
par elle-même un motif déterminant , et ne doit réellement avoir ,
et l'inscription encadre la cérémonie (1) . Paciaudi, dans son remar
aux yeux de l'archéologue , que la valeur d'un symptôme isolé aux quable ouvrage sur les Bains sacrés des Chrétiens, reproduit une
yeux du médecin . Ainsi l'ont pensé de grands épigraphistes, et pierre encastrée dans un mur et ornée d'un bas- relief chrétien , avec
Boeckh , dont l'autorité a tant de poids en pareille matière, a déclaré
une inscription circulaire qui l'environne et qui se rapporte au sujet
de son côté « que ce moyen de juger, qui se tire de la forme des let de la sculpture (2 ). Parmi les bas- reliefs consacrés à Mithras et qu'a
« tres, est beaucoup plus incertain que ne l'ont cru bon nombre publiés Fél. Lajārd , il en est un offrantun sacrifice mithriaque et
« d'archéologues . — Sed etiam illud judicium quod a literis repe distribuant son inscription au -dessus et au - dessous du sujet (3).
« titur, multo magis est anceps quam plurimi putarunt (3 ). » Sans
Un plus grand nombre d'exemples ne rendrait pas le fait plus cer
consulter done scrupuleusement l'âge des caractères, je dirai que
tain ; lerminons par une dernière question .
l'inscriptioa a pu etre gravée au troisième siècle, époque où le
J'ai dit que notre monument devait, selon toute probabilité, se
mithriacisme était en pleine ferveur, et avait fait toutes ses
trouver primitivement à l'entrée de quelque caverne mithriaque ;
alliances.
mais où se trouvait la caverne elle -même ? Était-elle près ou loin de
Est-ce à dire pour cela que j'assigne la mêmedate à la composition
l'église de Labége ? Profilons, puisque cela se peut en quelques mots ,
des vers ? Cela paraîtrait sans doute nature !; je pense pourtant tout de l'occasion qui se présente, pour mettre sous les yeux du lecteur
autrement, et si mon opinion élait partagée, l'origine que je sup l'itinéraire de Mithras.
pose à l'inscription ne serait pas la particularité la moins curieuse Ou suppose généralement le dieu sorti de la Médie ; c'est plus à
de notre monument, et elle en rehausserait certainement le prix l'orient qu'il faut placer son point dedépart; c'est dans la Bactriane,
Dans ces vers , j'ai vu ou cru voir un emprunt fait aux poésies
si nous en croyons l'homme le plus savamment versé dans les anti
orphiques, et deux explications me sont venues à l'esprit. quités mythiques. Nonnus fait dire par Dériades , roi des Indiens ,
Quand Mithras eut fait alliance avec Orphée, ses sectateurs s'em à l'envoyé de Bacchus : « Je te montrerai la terre Bactrienne, ou fut
pressèrent de lui conférer les attributs de Phanės, car c'était l’agran « le dieu Mithras, le Phaeton assyrien , dans la Perse . »
dir ; et, empruntant aux poëmes orphiques déjà existants des vers
qui se rapportaient au Soleil primitif, ils les appliquèrent au Soleil Δείξω Βάκτριον ούδας , όπου θεός έπλετο Μίθρης ,
invincible. De là notre inscription , quidevint, je crois, une formule 'Ασσύριος Φαέθων , ενί Περσίδι ,. ... (4).
épigraphique à l'usage de Mithras, bien qu'il n'en subsiste aujour
Plus loin , le poète fera dire par Bacchus lui-même au Soleil : « Que
d'hui qu'un seul exemple , celui de l'église de Labége. S'il en était
« tu sois Cronus ou Phaélon , aux noms divers , ou que tu sois
ainsi, les vers, on le voit, pourraient être d'une date fortantérieure
« Mithras, le soleil de Babylone.
à l'application que l'on en fit.
Il se pourrait cependant aussi, et se sera ma seconde explication, Εί Κρόνος , εί «Φαέθων πολυώνυμος , ε ' τε συ Μίθρης ,
qu'au sein de cette agitation religieuse dont j'ai parlé, des disciples Hέλιος Βαβυλώνος . . (6 )
d'Orphée , adorateursde Mithras, accordant la doctrine de leur pro

(1 ) Bertoli . Antich ., Aquil., p . 396 ,


(1 ) Justin ., Dial. c. I'ryph . cap . 70 . ( 2) De sacr . christ. Baln ., p . 141.
( 2) Bas- reliefs reletifs au culte de Mithras, publiés par F. Lajard , pl. (3) No LXXXIII.
LXXXVII ; cf. pl. LXXV. (4 ) Dionys., XXI, 248.
(3 ) Corp Inscr . Gi., l. I, p. 1. (5 ) Dionys., XL, 400 .
13
98

Nous voyons ici Mithras passer de la Bactriane en Assyrie, ou se aussi un souhait : ce serait que quelque jeune savant reprit, pour le
trouve peut-être comprise la Médie ; de l'Assyrie dans la Perse , et traiter à fond, le sujet de Mithras. Nous avons déjà sur la malière un
de la Perse dans la Babylonie . Se dirigeant toujours à l'occident, il travail estimable, celui de Philippe della Torre (1), mais insuffiant.
pénètre dans l'Asie-Mineure, d'où il se transportera en Italie, terre Pour écrire l'histoire de Mithras, pour en bien pénétrer la nature et
qui semble préparée à le recevoir et où il va longtemps fleurir à l'esprit, il faut sans doute s'appuyer sur tous les documents que
l'abri de la puissance publique . C'est de là que ce culte se répandit fournissent les écrivains ; mais il faut, et principalement, interro
dans l'Europe entière et qu'il s'établit dans les Gaules , surtout dans ger les inscriptions; c'est par l'épigraphie , et l'épigraphie à peu près
celles qui furent en contact plus immédiat et plus long avec la civi seule, que Mithras et sa religion peuvent être bien connus; or , l'éru
lisation romaine, comme la Gaule du centre ou Lyonnaise, et la dit dont nous parlons n'a pas assez puisé à cette source vive . Il
Gaule du midi ou Narbonnaise. C'est ce qu'allestent un bas-relief ne s'est pas non plus douté de l'alliance du culte de Mithras avec
de pierre calcaire trouvé à Vienne , départementde l'Isère, et déposé celui de Cybèle , et encore moins avec les doctrines orphiques ,
dans le musée de cette ville (1), et cet autre bas-relief sculpté dans ce qu'il ne pouvait pas du reste soupçonner .
le roc, dont nous avons parlé plus haut; c'est ce qu'attestent encore Félix Lajard s'occupa toute sa vie du culte de Mithras , encourage
les inscriptions découvertes à Lyon (2 ) et à Nîmes ( 3). par un prix de l'Académie des Inscriptions et Belles- Lettres , qui
Maintenant, que l'on ait pu découvrir aussi un monument tel que sembla moins encore lui avoir décerné une couronne qu'imposé une
le nôtre dans le pays des Tolosales et qu'il y ait eu là des Mithrium (4 ) mission . Toutefois, il est mort sans avoir terminé son ouvrage, bien
ou antres de Mithras, comme il y en eut près de Bourg -Saint qu'il soit mort de longues années après avoir obtenu son encourage
Andéol, rien d'improbable assurément. Ce qu'il a de certain , dans ment. Mais on a mis au jour récemment ce qu'il avait achevé, et ce
tous les cas , c'est que la petite église du village de Labége possède débris posthume, qui ne comprend guère que les grades ou degrés
depuis des siècles le plus curieux et le plus intéressant monument par où l'on faisait passer les initiés aux mystères de Mithras, forme
mithriaque qui soit actuellement, malgré la mutilation qu'il a subie , déjà un épais in -quarto d'environ 700 pages (2 ). En voyant des
et par la seule conservation de son inscription grecque. développements si disproportionnés et pourtant si incomplets, je me
Le prix et la rareté de cette pierre mefont regretter que l'autorité demande si Lajard avait la critique nette et précise qu'il faut pour
toulousainene l'ait pas jugée digne du Musée,où elle obtiendrait l'at traiter de pareilles matières ; s'il possédait même l'instrument indis
tention qu'elle mérite, et se prêterait plus commodément à l'étude . pensable, s'il était archéologue. Il est évident qu'il a souvent pris
J'ai expliqué sa présence dans le lieu qu'elle occupe par une suppo ses propres idées pour le sujet, et substitué ce qu'il croyait être à
sition vraisemblable ; mais ces sentiments, que le christianisme des réalité ; nulle part la pente n'est plus entraînante qu'ici ; de là
pouvait naturellement éprouver à cette époque, n'ont plus nimotifs tant de volumes boursoufflés d'inutilités qui nous apprennent ce
ni raisons depuis longtemps. A quoi bon triompher d’un ennemi qui que leurs auteurs ont pensé sur la question , mais sans pousser eux
ne vit que dans le souvenir des érudits et des archéologues ? mêmes la question plus avant, laissant toujours le champ libre à
Ce regret, qui n'est qu'un veu pour l'avenir , me porte à former qui le voudra parcourir encore .
Le sujet de Mithras, réduit à ses vraies proportions, c'est-à -dire
aux faits positifs, clairement expliqués et sobrement développés, n'a
qu'une médiocre étendue, et c'est à ce titre que je le recommande
(1) Bas -reliefs relatifs au culte de Mithras, publiés par F. Lajard , plan à quelque bon esprit.
che LXXIII.
J.-F. ROSSIGNOL,
( 2 ) Gruter. , p . XXXIII, 11. Membre de l'Inslilut, professeur de littérature grecque au collège de France .
Spon, Recherches cur. D'Ant., p . 71.
(4 ) Pour désigner l'antre consacré à Mithras, les Grecs disent Meoption ;
par conséquent, pour traduire régulièrement le mot, il ne faut pas écrire, Mi (1 ) Monum . Veter Antii, p . 157-252.
throum , nuais bien Mithrium , ou Mithreum . (2 ) Recherches sur le culte de Mithra, Paris, impr. Imp., 1867.

Tout en rendant hommage à la profonde érudition de l'honorable membre de l'Institut qui a bien voulu réserver pour la Revue l'article précédent , nous avons
cru devoir lui transmettre certaines objections qu'a soulevées la lecture de son ouvre. Nous publions les deux lettres que M. Rossignol nous a fait l'honneur de
nous répondre , après que nous avons pu examiner la pierre sous toutes ses faces. C'est une sorte de dalle , épaisse de dix-neuf centimètres. La face opposée à
l'inscription et les côtés ont été simplement équarris ; les arêtes et les angles sont émousses et comme usés . (La Direction .)

A M. Dusan, directeur, etc ....

« J'apprends que tout le monde, autour de vous, n'accepte pas ma sentées à mon esprit, c'est parce que je m'adresse avant tout aux
façon de restituer l'inscription de Labége, et que plus d'un juge éclairé archéologues et aux épigraphistes, qui n'ont besoin d'aucun éveil à ce
trouve que je vois ou crois trop voir dans cemonument épigraphique. sujet. Mais, puisqu'il le faut, plaçons-nous un moment au point de
Ils pensent, eux, que l'inscription, telle qu'elle est, ne laisse rien à vue de ces juges particuliers .
désirer, et présente un sens complet. Ces messieurs ne se doutent pas « On ne peut prêter un sens au grec du lapicide qu'à la condition
de la grave responsabilité qu'ils assument, en faisant ainsi cause de traduire : Le « Soleil donne que tout s'accroît, et,mâle, il a con
commune avec le lapicide. J'ai examiné l'inscription sous toutes ses stitué le monde d'une noble origine . » Et mále. Ici un archéologue
faces, et si je n'ai point signalé toutes les suppositions qui se sontpré sachant son métier , vous arrête, et vous dit : ces mots , tout seuls,
99

et,måle, ne formeraient vraiment pas une construction grecque, pour rigoureux que de rétablir des vers, qui se montrent sans équivoque ,
signifier, et, parce qu'il est måle, et, en tant que mâle. Mais, il y a surtout, si, commedans le cas actuel, ils ne demandent, pour être
plus ; il est inouï, dans l'histoiremythique, que l'on ait jamais appelé remis sur leurs pieds, que la transposition de quelques mois, et quel.
une divinité måle, sans indiquer clairement, ou déclarer expressé ques légères additions.
ment en même temps, qu'elle avait aussi l'autre sexe, qu'elle était « Il semble bien , pourtant, alléguerez- vous, que le lapicide a
aussi femelle. Et cela se conçoit : dans notre incription , par exemple , voulu de parti- pris former un sens. En vérité, l'autorité est imposante !
le Soleil n'est pas à moins juste titre appelé femelle que måle , à cause Savez -vous ce que luidirait nettement l'archéologue, qui parlait tout
de la production même, qui lui est attribuée ; et voilà pourquoi Pha à l'heure ? Il lui dirait qu'il n'a pas plus respecté l'histoire quela lan
nès est mentionné comme le premier en qui se trouvèrent réunis le gue ; il lui dirait, que par un goût de frivole symétrie, il a barbare
sexe femelle etmale . (Voir notremémoire, page 90). On ne peut donc ment mutilé un des plus précieux monuments de l'antiquité, monu
pas affirmer que l'inscription du lapicide présente un sens complet. ment que nous avons, je l'espère, restauré, moins peut- être une
« Et maintenant, que ferez -vous de cette prose poétique ? Car ici, épithète.
tout est poétique, le fond commela forme, où iln'y a plus moyen de K Agréez, etc....
distinguer les vers de la prose, qu'en ferez- vous ? C'est un devoir J.-F. ROSSIGNOL , membre de l'Institut.

« Monsieur le Rédacteur ,

« Autour de vous, on ne se convertit quedifficilement à moi, c'est plaçantl'un au -dessusde l'autre, comme dans le monumentde Labége .
à -dire à la restitution de l'inscription de Labége, témoin la première Et ce fait se montre dans les inscriptions les plus anciennes, dansdes
iettre que j'ai eu l'honneur de vous adresser . Aujourd'hui, c'est le inscriptions qui accusent le quatrièmeet le cinquième siècle avant le
monument lui-même qui rencontre des incrédules ; on lui dénie son Christ, On peut s'en convaincre, en ouvrant le recueil de Boeckh , et
antiquité . D'après la décision de ses juges, il ne remonterait pas au en consultant les Elementa epigraphices Græcæ , de Franz.
delà du seizième siècle. A Dieu ne plaise, assurément, que je songe « Venons à la langue que parle l'inscription , et au sens qu'elle ren
à débarrasser de leurs scrupules tous ceux qui en pourront éprouver , ferme. Certes, s'il est un grec antique, et d'une sincérité peu suspecte,
soit en lisant mon Explication , soit en voyant le monument. Je de c'est celui-ci. Les savants du seizième siècle auraient eu donc grande
mande pourtant à vous adresser encore une seconde et dernière lettre , ment à faire, pour atteindre à cette fidélité d'imitation , sans se trahir ;
afin de lâcher de dissiper , si je puis , quelques préoccupations, qui car la langue grecque étant plus variée, plus délicate, plus nuancée
empêchent ici de bien voir , quelques préventions, qui empêchent de que loute autre, les signes délateurs y sont plus nombreux , aussi
bien juger , afin d'essayer de défendre le monument, comme je me a-t-on observé que les inscriptions grecques fausses sont très-rares.
suis défendu moi-même. « Mais ce que les faussaires ne pouvaient, ce qu'ils n'auraient
« Parmi ceux qui ont la pierre sous les yeux , quelques -uns, dites jamais pu , c'est de renfermer dans les deux vers la science élevée et
vous, pensent que j'ai dû me laisser abuser sur l'âge de l'inscription profonde qu'ils contiennent. On ignorait au seizièmesiècle la plu
par les rapports erronés de personnes mal instruites, ou de témoins part des détails que nous fournit sur Mithras l'inscription de Labége ;
peu clairvoyants . et la raison en est simple, c'est que ces renseignements ne nous sont
« Je suis élonné de ce reproche, en vérité, après ce que j'ai dit . Je arrivés que depuis, par la découverte d'inscriptions, dont plusieurs et
n'ai consulté personne, et je n'aurais cru personne. Je compris, dès des plus importantes sont de beaucoup postérieures à cette époque . Au
l'abord , comme je l'expose au commencementdema brochure,qu'une seizième siècle, la critique épigraphique était peu avancée, et l'on n'y
copie manuscrite était insuffisante, et que pour exécuter mon travail soupçonna certainement jamais l'affinité du mithriacisme avec les tau
avec sécurité et sûreté, il fallait que j'eusse la pierre même dans mon robolies : ce qui le prouverait déjà , c'est que Philippe della Torre, qui
cabinet. Cette pierre, c'est vous qui m'en avez mis en possession , est l'auteur du travail le plus complet que nous ayons sur Mithras, et
Monsieur le Rédacteur ; car c'est vous quiavez bien voulu m'envoyer qui a publié son écrit au commencement du dix -huitièmesiècle, ne
l'estampage , intelligemment pris, dont je vous ai si justement re paraît pas lui-même s'être douté de cette affinité, ainsi que nous en
mercié . avons fait la remarque (voir notre mémoire , page 98) . Or, ce n'est
L'inscription n'a contre elle, je le répète, que la forme correcte que par la connaissance positive et très présente de l'union du culte
de ses lettres carrées, qui la remonterait plus haut que sa vraie date ; de Mithras avec celui de Cybèle que l'on pouvait être conduit à l'idée
mais j'ai fait remarquer, en m'appuyant sur l'autorité des plus illus de cette autre alliance que nous a révélée l'inscription deLabége , l'al
tres épigraphistes , notamment sur celle de Boeckh , que la forme des liance du mithriacisme avec les doctrines orphiques. Et l'on voudrait
lettres et le genre de l'écriture n'ont que la valeur d'un symptôme que les faussaires eussent franchi la distance sans intermédiaire ? qu'ils
isolé, pourdéterminer l'âge d'un monument. eussent trouvé la fin sans lesmoyens ? Mais je demanderais encore ,
a Quantaux points superposés, donton voudrait inférer une basse après eette concession , comment ils ont pu imaginer d'eux -mêmes et
époque pour l'inscription , c'est la conséquence contraire qu'il en fau sans l'appui d'aucun fait, d'aucun témoignage, cette mystique union
drait déduire. Les Grecs emploient souvent deux points ; et tantôt d'Orphée avec Mithras, donton ne trouve trace que sur la pierre de
ces deux points reçoivent seulement une position verticale, lantot, Labége. Ici, la question archéologique descend à une question de sens
dans la même inscription , ils reçoivent tour à tour la position hori commun , et elle est jugée pour tout le monile. Dirai- je ma pensée
zontale , venant l'un à la suite de l'autre, et la position verticale , se tout entière ? Non seulement les savants du seizième siècle n'ont pu
100

forger notre inscription , mais avec les ressources insuffisantes dont tout symétriquement distribuer ? Comment, enfin , lui ont-ils permis
ils disposaient, ils étaientmême incapables de la déchiffrer. de dissiper toute illusion , en lui permettant d'ajouter la date à son
« Pourquoi, cependant, avoir chargé leur mémoire de cette impos Quvre ? N'est- ce pas encore une suite de la même naïve effronterie,
déclarant qu'elle a seulement voulu montrer jusqu'où peut aller un
ture ? Il y a dans lechampde la pierre, comme on sait, une date, 1542 ;
habile imitation !
c'est ce chiffre fascinateur qui a offusqué jusqu'à l'aveuglement.
Etrange illusion ! c'est précisément cette date qui aurait dû faire re « Je ne me sens pas le courage de pousser plus avant ces puériles
porter la falsification, si falsification il y avait, à une époque très suppositions ; parlons sérieusement. Que la construction de l'église de
Labége soit du seizième siècle , qu'elle remonte plus haut, toujours
antérieure . Raisonnons ; les impossibilités se heurtent.
est-il certain qu'une pierre mithriaque, trouvée probablement dans le
« Une inscription n'a pu être quadrangulairementdisposée , comme
la nôtre, sans paraître lout au moins destinée à encadrer quelque re pays, après avoir eu sa représentation symbolique totalement muti
présentation . Mais dans l'hypothèse où on nous place , cette représen lée, et ne conservant que l'inscription grecque , qui encadrait cette re
tation , a -t- elle jamais existé ? Ce n'est guère probable ; car il n'est présentation , fut encastrée dans un mur de l'église ,avec une date dans
le champ de la pierre , date qui était cette fois éloquemment expres
point à présumer que l'on eût fait un travail d'art quelconque , pour le
sive , car elle transformait la consécration du monument, ainsi muti
détruire immédiatement après ; il n'y a eu donc qu'un simulacre de
lé, en une offrande expiatoire .
destruction .Mais alors pourquoi la date ? Car la représentation inté
« Du reste, les chiffres qui composent cette date de 4542 , sont si
rieure était censée offrir un sujet antique, etcesujet n'avait pour but
évidemment postérieurs de plusieurs siècles à l'inscription grecque,
que de faire croire à l'antiquité de l'inscription ; c'était donc, par
qu'un juge sévère pourrait les dire plus jeunes encore que les années
cette date malencontreuse, renverser d'une main ce que l'on édifiait
qu'ils se donnent. Les trois premiers, le 4 surtout, sont très moder
de l'autre . Comment ensuite n'avoir pas vu que la fraîcheur de la
nes, et il n'y a réellement que le 2 qui sente un peu l'époque. En
gravure des chiffres concordantavec celle de l'inscription , on se dé
outre, rien n'y annonce le soin élégant et l'habileté du lapicide grec ;
nonçait soi-même aux yeux les moins pénétrants ? C'était dire , en
ils sont disgracieux , irréguliers et n'ont pu être tracés que par un
effet, clairement : Nous jouons une comédie savante , voyez si nous
nous en tirons à notre honneur. ciseau inexpérimenté. S'il y a quelque rapport dans l'entaille de la
gravure, c'est un procédé du métier qui ne tire à nulle conséquence .
Poursuivons. Si les faussaires n'ont pas grave eux-mêmes l'inscrip
« J'ai tout dit, Monsieur le rédacteur, et il ne me reste plus qu'à
tion , ce qui est vraisemblable , ils ont du en charger quelque lapicide.
vous assurer de ma haute estime.
Mais,dans ce cas, comment concevoir qu'ils n'aient pas mieux dirige
cet homme? Comment , au lieu de lui recommander d'user d'une Paris, ce 2 novembre 1868 .
tromperie, habilement dissimulée par l'apparence de l'abandon et du J.- P ROSSIGNOL, membre de l'Institut.
défaut de calcul, l'ont-ils laissé, au contraire, tout régler, compasser,

LES INTERROGATOIRES DE L'INQUISITION DANS LE LAURAGAIS

EN 1245 ET 1246 .

La bibliothèque de la ville de Toulouse possède, catalogué sous le n° 155 , un registre mauuscrit, in- 4 °, folié de 1 à 255 , écrit au XIIIe siècle sur papier
très épais.
Sur les premières pages , on lit les titres suivants, anciennement écrits :
« Hic sunt duo volumina confessionum de libris fratris Bernardide Cancio transeripta : scilicet de Lauraguesio, et de multis aliis locis dyocesis Tholosani, per
fratres Guillelmum Bernardi et Reginaldum de Carnoto inquisitores.

Confessiones de Vo libro Laurag . Fratris Bernardide Caucio transcripte in hoc libro usque ad CLXXIII , fol.
Item a dicto folio et deinceps de quarto libro dicti fratris Bernardi.

Ces deux titres ont été abrégés dans cette rubrique moderne : « Confessiones anni 1245 et 1246. Coram f. Bernardi de Cautio inquisitore .
Ce manuscrit ne contient pas , comme d'autres registres provenant des archives de l'Inquisition , des procès-verbaux de condamnations et de supplices ; il ne
donne que des dépositions, des aveux , des témoignages recueillis par les inquisiteurs dans les diverses localités du Toulousain où ils se sont transportés pour
exercer leur office, presque au sortir de la lutte où avait succombé la nationalitéméridionale. Il n'en est pas moins un des plus précieux documents qui nous soient
parvenus sur les croyances donton fit le prétexte de la croisade contre les Albigeois , et sur la manière dont elles furent combattues après la guerre.
Nous en publions les premiers feuillets , et nous attendons l'avis de nos lecteurs pour en donner la suite , nous abstenant d'autre préambule, et n'ayant d'autre
intention que de mettre entre leurs mains une suite de matériaux pour une future listoire de nos contrées.
Les innombrables abréviations que présente l'original en rendent la lecture difficile ; nous les avons supprimées dans les premières pages , de même que nous
avons adopté une disposition Typographique un peu différente du manuscrit, afin de donner au texte plus de clarté. Les feuilles où nous reproduisons soit ce do
cument , soit d'autres que nous avons en vue, porteront une pagination spéciale, afin qu'on les puisse réunir en série.
B. DUSAN .
- 101

NOTE SUR LA CLASSIFICATION DES AGES ANTÉHISTORIQUES.

A peine née d'hier, la science antéhistorique compte déjà une Les premiers temps de l'humanité, qu'ils remontent à l'épo
armée nombreuse de travailleurs, et les résultats obtenus ont que tertiaire ou à l'époque qualernaire seulement, offrent ceci
tout à coup ouvert à nos investigations un horizon immense . de particulier que l'ensemble de la faune est composée d'es
Mais, comme dans toute chose nouvelle, l'incrédulité a long pèces perdues, ou tout au moins émigrées, etdont la taille est
temps répondu par un silence significatif à l'appel des initiés , en général supérieure à celles des espèces qui habitent actuel
el maintenant encore des doutes nombreux restent dans l'es lement lesmêmes contrées. Nous n'avons qu'à citer pour nos
prit de beaucoup . pays, le Mammouth , le Rhinocéros, l'Hippopotame, l'Ours et le
Malgré tout, la science nouvelle marche à grands pas et la Lion . Durant cette première période, l'homme en lutte avec la
vérité commence à briller de toutes parts. nature tout entière, est encore dans l'enfance de la civilisation ;

La plus part des faits essentiels sont maintenant élucidés c'est à peine s'il a appris à tailler les grossiers silex de la Somme

d'une manière presque complète, et les points encore douteux et les quartzites du bassin de Toulouse . A la fin seulement de

semblent n'avoir qu'une importance secondaire. Signaler cette première étape, une véritable industrie semble surgir
tous ces cas confus ou contestés demanderait un travail très tout d'un coup ; et les dépôts caractérisés par la prédominance
développé et de beaucoup au -dessus de nos forces, mais les du Renne ont, en effet, donné des armes finement travaillées ,

nombreuses observations qu'il nous a été donné de faire sur le et les premiers vestiges d'un art encore primitif, évidemment,

terrain nous ontpermis d'étudier d'une manière toute particu mais quelquefois d'une hardiesse et d'une élégance surpre
nantes.
lière l'ensemble de celle question, et c'est un des résultats
Il serait facile d'assigner d'autres caractères à cette première
principaux de ces recherches que nous allons exposer.
période; mais il nous semble que celui que nous avons tiré de
Il est maintenant admis que l'apparition de l'homme sur
la manière d'être générale de la faune est le plus essentiel.
notre globe remonte à une époque bien antérieure à toutes
La seconde période, lout en conservant les caractères les
les données que nous fournit l'histoire. Mais les premières re
plus positifs d'une civilisation naissante , est cependant totale
cherches ont bientôt montré, par la suite, quelestemps écoulés
ment distincte de la première , et il existe entre les deux une
durant celle première étape élaient si considérables qu'il
délimitation netle et facile à saisir . En effel, elle présente ceci
devenait nécessaire de distinguer différentes périodes, et possi
ble de les délimiter . De là les classifications diverses publiées de particulier, que la faune change non -seulement par les
espèces , mais aussi par la taille relative ; les espèces actuelles
en France , en Danemark , en Suisse et en Italie ; les unes
apparaissent toutes, et elles sont certainement domestiquées .
entièrement basées sur les données fournies par la Paléontolo
Il nous sera donc permis d'instituer deux grandes périodes
gie, les autres sur l'Archéologie . Comment pourrait-il en être
dans lestemps antéhistoriques ; l'une , la plus ancienne, sera la
autrement, puisque ces deux sciences s'occupent égalementdes
période paléontologique : la plus récente, la période archéolo
mêmes recherches ;mais de là aussi est résulté un commence
gique .
ment de confusion .
Il nous serait facile de montrer qu'à ces caractères
Pour nous, ces deux points dedépart aussi absolus ont été
essentiels viennent se joindre une foule de caractères secon
la cause de nombreuses erreurs, et de plus nombreux malen
daires. Ainsi, dans la première période , il estdifficile d'admet
tendus encore. Il nous semble cependant que l'étude générale
tre la domestication des espèces animales;nous savons bien que
des fails aurait dû montrer bien vite l'immense défaut de ces
M.Gervais a cru reconnaitre des traces de domestication dans
classifications et faire entrevoir ce que nous croyons être la
la période dile du Renne,mais le savant professeurn'indique
classification naturelle , c'est- à - dire l'expression de la vérité .
qu'une probabilité, et nos études particulières nous permettent
Il suffit, en effet, de jeter un coup d'oeil général sur les d'affirmer le contraire ; enfin , dans cette période, le chien
observations déjà recueillies pour y reconnaître deux grands
n'éxiste pas, et il est établi maintenant que c'est la première
caractères essentiellement différentiels , et qui doivent servir
espèce que l'homme ait asservie.
à séparer nettement en deux périodes cette longue série des Dans la seconde période, au contraire , la domestication est
temps antéhistoriques. positivement introduite, le chien se retrouve partout.

13
102

Dans la première période , les caractères de la faune indi Si nous suivions les enseignements de l'Ecole ancienne,
quent certainenient des conditions climatériques différentes nous trouverions une solution toute simple , et un bon cata
des conditions actuelles : les dernières recherches permettent
clysme nous tirerait d'embarras. Mais la science actuelle n'use
d'affirmer que la température offrait une grande régularité : plus de cesmoyens faciles, elle ne se contente plus de vagues
des élés moins chauds devaient permeltre su Renne d'habiter théories et n'admet que des faits. Jusqu'à présent , ces faits
nos Pyrénées, etdes climats moins froids amenaient dans nos manquent encore de cet ensemble qui donne seul la certitude,et
plaines marécageuses l'Hippopotame, le Rhinocéros et l’Elé nous pouvons indiquer que des probalités laissent à l'avenir
phant. le soin de résoudre la question .
Dans la seconde période, tout indique des conditions Nous ne pouvons, avons nous dit, admettre un cataclysme ;
climatériques identiques à celles de nos jours mais ne pourrions nous pas admettre que celle seconde période
Dans la première période, il est facile de constater une in a commencé avec un de ces grands mouvements des peuples

tensité bien plus grande que de nos jours des phénomènes dont l'Histoire nous a fait connaître l'existence ? La différence
météorologiques : nous n'avons qu'à citer la grande ex totale dans l'industrie d'une peuplade indique assez - bien une
tension des glaciers quaternaires, et l'immense étendue de nos origine différente , et c'est le cas, dans la question qui nous
plaines sous Pyrénéennes, toutes remplies par lesdépôts quater occupe, car si l'usage de la pierre est communaux deux pério
naires, dépôts continuellement remaniés par les eaux vérita des antéhistoriques, le polissage devient caractère essentiel et
blement diluviennes de celte époque. absolu de la seconde .

Dans la seconde période, tout semble rentrer dans l'ordre Nous pourrions donc conclure , de ce seul fait secondaire ,
actuel. origine différente : et si nous n'osons pas encore appeler à
La chasse seule semble avoir fourni à l'alimentation de notre aide les données fournies par les recherches anthropolo

l'homme paléontologique: nous ne trouvons en effet que des giques, nous devons dire cependant que c'est à elles qu'il est
armes simples, il est vrai, mais d'une puissance remarquable donné de trancher la difficulté .

et en quantité considérable. C'est à peine s'il est permis En admeltant, toutefois, l'immigration comme explication
d'admeltre l'usage des aliments végétaux durant l'âge du suffisante des différences considérables contastées dans l'indus
Renne. Les poteries sont, effectivement, extrêmement rares; trie de ces deux époques, nous ne faisons que dire comment
elles font le plus souvent complètementdéfaut , et leurabsence le mode nouveau s'est établi, mais non quelle a été la fin du

indique assez bien l'ignorance des aliments végétaux . régime précédent.


Dans la seconde période, les armes deviennent rares, elles En examinant un peu l'histoire chronologique de la faune
sont travaillées avec soin et semblent devenir des objets de de la première période, nous trouverons peut- être quelques
luxe ; les poteries, au contraire , abondent el les pierres à éléments pour résoudre cette partie du problème. Monsieur
moudre viennent affirmer l'usage des céréales. Lartet a démontré que les espèces perdues quaternaires s'é
Nous pourrions encore ajouter une foule de caractères oppo taient éteintes successivement dans un ordre déterminé , de
sés, mais ils seraient alors d'une importance secondaire; nous telle sorte que les plus éloignées du régime actuel disparais
n'en citerons qu'un seul : la hâche , ou pour mieux dire l’arme sent les premières , tandis que les formes actuelles se déve
ou l'instrument que l'on désigne communément sous le nom loppent en sens inverse . Evidemment, cette succession d'ex

de hâche de pierre, était mis en usage d'une manière totale tinction indique une modification simultanée dans les con
ment différentes dans les deux périodes. Durant la période ditions de milieu . Aussi, contrairement à ce que nous avons

paléontologique, c'était la partie la plus effilée , la pointe , qui constaté en ce qui touche l'homme, nous ne pouvons , de ce
servait ;au contraire, la partie élargie , correspondant au tran côté , poser de limites tranchées, mais la transition est insen
chant de la hâche de bronze, élait seule employée pendant la sible et, par ce côté , les deux époques se fontsuite sans inter
seconde période. ruption .
Mais, si nous croyons pouvoir établir ces deux grandesdivi Mais, hålons nous de le dire, les faits que nous venons d'étu
sions dans les temps anléhistoriques, il reste encore un point dier et les quelques conclusions que nous croyons pouvoir en
capital à éclaircir , et pour lequel nous n'avons réellement pas lirer , ne peuvent s'appliquer qu'à l’Europe centrale . Tout
encore de faits positifs. Comment une délimitation aussi tran semble, en effet, prouver que, si la succession générale des
chée s'est-elle produite ? Devons- nous attribuer à un phéno fails principaux de l'époque qui nous occupe a été partout la
mène subit la fin de cette longue période paléontologique , ou même, chaque grande région a eu des caractères particuliers
devons-nous chercher ailleurs la cause d'un changement si et qui lui ont donné une physionomie spéciale .
complet ? Aussi faudra -t- il de longues étudesetde nombreuses décou
103

vertes pour arriver à connaitre lesorigines réelles de l'homme ; sines; alors, combien ces états intermédiaires ont-ils dů pro
car, chaque région , après avoir eu un caractère tout spécial ,a duire de ces mélanges hétérogénes qui déroutent l'observateur !
pu souventse voir, envahie , bouleversée par des peuplades voi E. TRUTAT.

LE PRÊTRE JEAN .

PRÉFACE .

La légende du Prêtre Jean a rempli le moyen age, et par l'habitation du Verbe dans l'homme comme dans un temple.
tagé , avec celle du Juif -Errant, le privilége d'exciter la curio LesNestoriens, appelés aussi chaldéens ou chrétiensorientaux,
sité crédule du peuple . Le Juif-Errant est parvenu jusqu'à se répandirent jusqu'aux extremités de l'Asie et furent plu
nous, le Prêtre Jean s'est arreté au seizième siècle et à suc sieurs fois réunis à l'Eglise romaine.
combé sous les foudres de l'Eglise. Beaucoup de gens igno On lit dans Moreri que Godigne assure que le Prêtre Jean

rent, anjourd'hui, ce qu'était réellement ce personnage mysté était un roinestorien de la Tarlarie, que ses sujets l'appelaient

rieux , ce pape - roi, magnifique comme Salomon dans sa gloire , d'un nom commun à tous les princes de sa race : Juhanna, et

qui s'imposa, avec tant d'intensité et d'obstination , à l'imagina que le dernier de ces princes fût soumis par Gengiskhan .
tion exaltée des populations. Je pense qu'il est important de Scaliger prétend que le nom de Prête Jean dérive de deux
fournir quelques détails, généralement ignorés, sur la genèse mots persans , « Prele chan , » qui signifient roi apostolique ou
de cette légende. roi chrétien . D'autres avancent que Prester veut dire esclave et

Du Cange dit que Prêtre Jean , et par corruption Prestre « Prester chan » roi des esclaves. Quelques - uns en font remonter
Jehan , - ancien roi des Indes, ou de la Tartarie, était le l'étymologie auxmols persans « Preschten Gehan , » c'est-à - dire
nom d'un puissantmonarque , qui tirait son origine du nestorien « l'Ange du monde ». Plusieurs auteurs pensent que sur les
Joannes Presbyter, lequel, en 1145 , tua Coharem Khan et confins de la Tartarie , de l'Inde et de la Chine il y a eu des
usurpa sa couronne . princes nestoriens qui étaient appelés Uncha et leurs peuples
Les Nestoriens doivent leur nom à Nestorius, hérésiarque Jouan et que l'on donna le nom de Prête Jean à ces princes ,

néà Germanicie, en Syrie, élevéau monastère de SaintEuprépie parcequ'ils faisaient porter une croix devant eux comme font
d'Antioche, et qui fût promu au siége patriarcal de Constanti les évêques. Certains historiens identifiaient Prestre Jehan avec
nople, après Sissinnius, en 428. Il professa des erreurs qui le Dalaï-Lama, grand pontife des Mongols et des Kalmoucks, et
furent combaltues par saint Cyrille d'Alexandrie . Le concile de Marco -Polo fixait sa résidence entre la Chine et les royaumes de

Rome, en 430 , et le concile d'Ephése, en 431, le condamné Sifan et du Thibet.

rent, ledéposérent, et il alla mourirdemisère dans la Thébaïde , Ceux qui se sont imaginé que le Prêle Jean était l'empereur
en 432 . des Abyssins insinuent que ces peuples appellent leur roi « Belul
Le Nestorianisme consiste à dire qu'il y a deux personnes en Gian » et que Belul serait synonime de précieux , d'où Preciosus

Jésus -Christ ; que le Verbe, fils de Dieu , ne s'est pas fait Johannes , en latin , et Prête Jean , en français.

homme en prenant de la Vierge la nature humaine , mais qu'il Tout bien considéré, il est a peu près certain que l'origine

est descendu sur l'homme né d'elle ; qu'elle a enfanté le de la légende fut une race de princes talars : les Ouang-Kbans

temple de Dieu et non celui qui habite dans le temple ; ou Vang -Khans, qui, suivant les récits d’écrivains syriens et
qu’ainsi on ne devait pas appeler Marie « Mère de Dieu » , -- Theo arabes, convertis au christianisme, vers le commencement du
tocos, - mais bien « Mère du Christ » , – Christotocos .Les nes onzième siècle, par des missionnaires syriens nestoriens ,

toriens ajoutaient que le Christ était uni au Verbe, non pas formerent, jusqu'au treizième siècle, une dynastie chrétienne
d'une union hypostatique , mais d'une union morale et par dans l'est de la haute Asie .
- 104

C'est vers le milieu du douzième siècle qu'on recul, en Mestre Jehan par la grace de Dieu roy tout puissant sur

Europe , la première nouvelle de l'existence de ce souverain tous les roys chrestiens, mandons salut à l'empereur de Rome
chrétien , auquel on donna le nom de Prête Jean ou Prestre et au roy de France nos amys. Nous vous faisons scavoir de
Jehan . nous et de nostre estat et du gouvernement de nostre terre.
Le moyen -âge, affolé de merveilleux , accueillit avec avi C'est asavoir de nos gens et de nos manières de bestes. Et
dité tous les renseignements relatifs à ce personnage et la pour ce que vous dictes que nos Grecs ou gens grégoises ne
légende se fixa . s'accordent à adorer Dieu comme vous faictes en vostre terre,

Au quinzièmesiècle, cette légende, qui s'était un peu affaiblie , nous vous faisons scavoir que nous adoronset croyons le Père,
reprit une vogue nouvelle, par suite des voyages de décou le Fils et le Saint-Esprit, qui sont troys personnes en une déité
verte entrepris à cette époque, seulement on transféra dans et un vray Dieu seulement et vous certifions et mandons , par
l'Inde la résidence prétendue de ce souverain . Les Portugais nos lettres scellées de nostre scel, de l'estat et manieres de
provoquèrent d'actives démarches à cet égard . Une ambassade nostre terre et de nos gens. Et si rien voulez que faire puyssons,

de l'état negre de Benin leur apprit, vers 1484, qu'à vingt mandez le nous. Car nous le ferons de très bon cour. El si

mois de marche derrière ce royaume régnait un puissant roi vous voulez venir par de ça en nostre terre , pour le bien que

chrétien appelé Ogané. Une expédition partit, en 1486, aux nous avons oui dire de vous nous vous ferons seigneur après

ordres de Bartolommeo Diaz, pour explorer la côle occidentale nous et vous donnerons grande terre et seigneurie et habita
tions.
de l'Afrique , en même temps qu'une autre expédition , com
mandée par Pero de Covilha cherchaità pénétrer d'Egypte Item , sachez que nous avons la plus haulte couronne qui
vers la côte orientale, à l'effet de s'assurer s'il y existait réel soyt en tout le monde, ainsi comme d'or et d'argent et pierres

lement un royaume du Prestre João , et s'il était en rapport précieuses, etde bonnes fermetés de villes, cistés , chasteaux et
de bourgs.
avec celui de l'Inde . Covilha rencontra effectivement, dans
Item , sachez que nous avons aussi en nostre puyssance qua
l'Habesch ,un état chrétien , et de la sorte la légende parut enfin
justifiée . rante deux Roys tout-puissants et bons chrestiens.

Depuis cette époque , jusqu'à la fin du dix - septième siècle, Item , sachez que nous soustenons de nos aumones tous les
l’Abyssinie fut désignée sous le nom de royaume du Prêtre pauvres qui sont en nostre terre, soyent privés ou estrangiers,
Jean ,regnum Presbyteri Johannis, mais les voyages des savants pour l'amour et l'honneur de Jésus- Christ.

qui ont parcouru l’Afrique et l'Asie ont prouvé que le Prêtre Item , sachez que nous avons promis et juré en nostre bonne
Jean n'était qu'un nom sans réalité , et que jamais monarque foy à conquerre le sépulcre de Nostre -Seigneur et toute la
de ce nom n'a existé . terre de promission . Et si vous voulez nous l'aurons, si Dieu

Ce fut vers la fin du quinzième siècle, au moment d'exalta plaist, mais que vous ayez grande et bonne hardiesse en vous
ainsi comme il nous a été rapporté de bon courage vrai et
tation générale où les navigateurs remplissaient l'Europe des
récits merveileux de leurs explorations, des richesses, des loyal. Mais entre vous autres Françoys avez de votre lignage
mæurs , de la flore et de la faune des pays d'au -delà des mers, et de vos gens qui sont avec les Sarrasins lesquels vous avez
que parut la lettre du Prestre Jehan , que nous reproduisons fiance et cuidez qu'ils vous aident et doivent aider et ils sont
aujourd'hui. faux et traitres hospitaliers . Et sachez que nous les avons
Cette lettre, évidemment apocryphe, obtint un succès colos traynés et destruits ceulx qui estoient en nostre terre car ainsy
sal et éveilla un désir véhément et universel d'émigration vers le doit -on faire de ceux qui vont contre la foy .
ces pays fabuleux et féeriques. Item , sachez que notre terre est divisée en quatre parties
L'Eglise s'émut de ce mouvement, condamna la lettre et en car ils y sont les Yndes. Et en la Mageur Ynde gist le corps
fit rechercher les exemplaires pour les détruire. Il en est peu de saint Thomas, l'apostre pour lequel Nostre- Seigneur Jésus
qui échappèrent à ses recherches et les rares spécimens qui Christ fait plus de miracles que pour saincts qui soyent en
survécurent ont atteint des prix exorbitants aux ventes . Le Paradis . Et vcelle Ynde est en la partie d'Orient car elle est

dernier, qui n'a que deux feuilles imprimées en gothique près à Babylone la déserte et aussy elle est près d'une tour

romain , s'est élevé à 6,200 francs. qu'on appelle Babel en l'autre parlie devers Septentrion et y
L'édition de 1505 , la plus récente , est considérée comme la est grant abondance de pain , de vin , de chairs et de loutes
meilleure . C'est celle que nous réimprimons en n'en modi choses qui sont bonnes à soutenir le corps humain .
fiant l'orthographe que dans la mesure strictement nécessaire Item , en notre terre sont les olifans et une autre manière
pour en faciliter la lecture . de bestes que l'on appelle dormadéres . Et chevaulx blancs et
B. DU V. bæufs sauvasges qui ont sept cornes. Et ours blancs et lyons
105

moult estranges de quatre manières c'est asavoir rouges, verts, Item , nous avonsune aultre manière de gens en nostre terre
noirs et blancs. Et asnes sauvasges, qui ont deux petites cor qui ont les piés rons comme un cheval et aux talons derrière
nes, et lièvres sauvasges qui sont grands comme un mouton
ont quatre coustes fortes et tranchantes de quoy ils combattent
et chevaux verts qui courent plus que mille autre bestes et tellement que nulles armeures ne leur peuvent durer. Et si
ont deux petites cornes .
bons chrestiens et labourent volontiers leur terre et les nos
Item , sachez que nous avons des oiseaulx qui s'apelent les
griffons et portent bien ung beuf ou un cheval en leur nid tres et nous donnent grans truages chacun an .

pour donner à manger a leurs petits oiseaulx . Item , nous avons en une autre party du désert une terre.
Item , sachez que nous avonsune autre manière de oiseaulx qui dure quarante et deux jours de long et est appelée Femi
lesquels ont seignourie sur tousles autres oyseaulx du monde. nie la grande, et ne cuidez pas que ce soit en terre sarrasine
Et ont couleur de feu et leurs ailes sont tranchantes comme car celle quenous disons est en nostre terre . Eten ycelle terre
un raisoir. Et sont appelés yllerlons et en tout le monde n'en sont troys roynes sans les autres dames qui tiennent leurs ter

a fors que deux et vivent l'espace de soixante ans et puys s'en res d'elles . Et quant ycelles troys roynes veulent aller en ba
vont nayer en la mer . Toutefoys ils couvent premiers , et cou taille , chascune d'elles mène avec soy cent mille femmes en
vent deux ou trois aufs lesquels ils couvent lespace de qua armes sans les autres qui meynent les chars, les chevaulx e

rante jours et puis esclosent et deviennent petits oyseaulx. les olifans, qui portent les armes et les viandes. Et sachez
Et adoncques les graves , c'est asavoir père etmère , s'en par qu'elles se combattent fort comme si elles fussentdes hommes.
tent et s'en vont er en la mer comme dit est, et tous Et sachez que nul homme masle ne demeure avecque elles

oyseaulx qui adonques les encontrent leur font compagnie jus fors que neuf jours, lesquels durant il se peut déporter et
ques à la mer et ne se partent point d'eux jusques a tant solacier avecques elles et engendrer et non plus car aultre
qu'ils soyent nayés. Et quand ils sent nayés ils retournent et ment il seroyt mort.

viennent aux petits oyseaulx et les nourrissent jusques a qu'ils Item , celte terre est environnée du fleuve qui vient du para
soient graves et qu'ils puyssent voler et leur vie pour chasser . dis terrestre et est appelé Gyon et est si grand que nul ne le
Item , sachez que par deça sont aultres oyseaulx qui sont peut passer sinon en grandes barques.

apelés tigres et sont de si grande force et vertu qu'ils empor Item , sachez que entre celle terre a une autre rivière qu'on
tent bien ung homme tout armé et son cheval et le tuent . apele Pyconie, qui est si pelile qu'elle ne dure que dix jour
Item , sachez que une partie de nostre terre , dedansle désert, nées de long et sept de large. Et les gens sont aussi petits

a unemanière d'hommes qui sont cornus lesquels n'ont qu’ung qu’ung enfant de sept ans et leurs chevaulx pelils comme un
cil devant et troys ou quatre derrière . Et y a des femmes qui mouton . Et sont bons chrestiens et labourent volontiers . Et

sont pareilles aux hommes . nulle personne ne leur fait guerre fors que les oiseaulx qui
Item , en notre terre y a une autre manière de gens qui ne viennent chascun an , quant ils doivent cueillir leurs blés et
vivent que de chair crue d’ommes , de femmes et de besles et leurs vendanges. El adonques le roy de celle terre l'arme
ne doubtent point a mourir. Et quant l'ung deux est mort soit de tout son pouvoir contre les dils oiseaulx et font grande
père ou la mère ils les mangent tous crus et disent que bone luerye les ungs contre les aultres et puis les oiseaulx s'en re
chose naturelle est de manger chair humaine. Et font ce en tournent.

rémission de leurs péchés. Et celles gens sont maudits de Item , sachez que en nostre terre sont les sagittaires , qui
Dieu et sont appellés Got et Magot et est plus de nations de sont depuys la ceinture en amont en forme d'homme et de
celles gens que de toutes aultres gens, lesquels s'espandront contrebas en forme de cheval. Et portent en leurs mains
par toule la terre en la venue de l'Antechrist. Car ils seront arcs et fleyches et trayent plus fort que nulle autre manière
de son alliance et de sa compaignie. Et celles gens sont ceulx de gens et mangent chair crue et les prennent aucuns de nos
qui enclouèrent le roy Alexandre en Macédoine et le mirent tre court et les tiennent enchaynés et les gens y viennent
en prison et leur eschappa . Toutesfoys Dieu leur envoyra du les voir par grand merveille .
ciel fouldre et feu ardant qui tous les ardra el confondra el Item , sachez que en nostre terre sont les licornes, qui ont
l'Antechrist aussi et par telles manières serontdestruits et gas en leur front une corne tant seulement et y en a de trois ma
lés. Toutesfoys nous en menons bien avecques nous de ces nières de verls, de noir et aussy de blans et occisent le lyon
gens en la guerre quant nous y voulons aller et leur donnons aucunes foys . Mais le lyon les occit moult subtilement, car
licence et congé de manger nos ennemys si que de mille n'en quant la licorne est lassée, elle se mest de coste ung arbre,
demeure ung qui ne soyt dévouré et gasté. Et puis les faysons et le lyon va entour et la licorne le cuide frapper de sa corne
retourner en leur terre. Car s'ils demouraient longuement et elle frappe l'arbre de si grand verlu que puys ne la peut os
avec nous ils nous mangeroient tous. ter adonc le lyon la tue.
- 106

Item , sachez que en l'autre partie du désert sont les gens court moult fort et fait ondes terribles , el nul homme ne la
qui souloyent avoir soixante coudées de hault et maintenant peut passer fors que nous pour rien quon fasse et nous fay
n'en ont que vingt et ne peuvent yssir du désert car a Dieu sons porler à nos griffons ainsy comme fist Alexandre quant
ne plays mye . Car s'ils esloyent dehors ils pourroyent bien il alla conquerre le chateau enchanté.
combattre à tout lesmonde . Item , de cousle celle mer passe ung fleuve et en yceluy trou
Item , sachez que en nostre terre y a un oyseaulx appelé Fé veton moult de pierres precieuses et maintesbonnes herbes qui
nix et est le plus beau oyseaulx du monde. Mais en lout le sont bonnes en toutes médecines .

monde n'en a que ung lequel vit cent ans et s'en monte vers Item , sachez que entre nous et les Juifs passe une rivière,
le ciel, sy près du souleil lant que le feu se prend a ses hel qui est pleine de pierres précieuses et court tant fort que
les et puys descent en son nid et se ard . Et de ses cendres se nulle personne ne la peut passer , excepté le samedy, quelle re
congrue un ver et puys retourne un oyseaulx en la fin de cent pose et tout ce quelle trouve elle emporte en la mer Darayne.
jours aussy beau que devant estoit. Et yceluy pas nous fault garder car nous avons en ycelle fron
Item , en nostre terre y a abondance de pain , de vin , de lière quarante et deux chateaux , plus beaux et plus forls qui
chairs et de toutes choses qui sont bonnes à soustenir corps soyent au monde, et avons gens qui les gardent cest asavoir
humain . dix mille chevaliers et six mille arbalestriers et quinze mille
Item , sachez que en une partie de nostre terre ne peut en archiers et quarante mille Ferians à cheval en armes, qui gar
trer nulle beste qui de sa nature porte venin . dent les passages devantdits. Et pourtant si le roi d'Israel ve

Item , sachez que entre nous et les Sarrasins court une ri-. noit avec sa compaignye ne puysse passer avecque ses Juifs,

vière que l'on appelle Ydonis et vient de paradis terrestre, et lesquels sont plus bien deux foys que des Chrestiens et de Sar

est toute pleine de pierres précieuses et court par nostre terre rasins. Car ils tiennent les deux parties du monde. Et sachez

en maintes parties de pelites rivières et grandes et là , treuve que le grant roy d'Israel a en soy trois cents roys et quatre
ton moult de pierres précieuses c'est asavoir : esmerau mille princes, que ducs , que comtes, tous Juifs , qui lous à
des, safirs, jaspys, cassydoynes, robins , scarboucles, scobas lui obéissent.

ses et plusieurs aultres pierres précieuses que je n'ai pas Item , sachez que si les Juifs pouvoient passer ycelluy pas

nommées et de chascunes savons le nom et la verlu . tout seroient morts chrétiens et sarrasins .

Ilem , sachez que en nostre terre a une herbe appelée perma Item , sachez que nous layssons passer , chacun samedy, huyt
nable, et qui en porte sur soy il peut enchanter le Dyable et cens ou mille Juifs pour marchander , mais ils n'entrent point
lui demander qui il est et où il va , qu'il fait par terre et le dedans nos fermetes mais marchandent dehors de la double

peut faire parler et pour le Dyable n'ose estre en nostre que nous avons d'eulx el nemarchandent fors que en placques
terre . d'or et d'argent, car ils n'ont point d'autre monnoye. Et quant
Item , sachez que en nostre terre croist le poyvre, lequel ils ont fait leur marchandise il s'en relournent en leur pays.

n'est jamais semé et croyst entre les arbres et les serpents et Item , sachez que nous avons quarante et deux chateaulx
quant il est meur nous mandons nos hommes pour le cuyllir qui sont près l'ung de l'autre d’ung traict d'arbalestre et non
et y mettre le feu dedans le bois et tout se ard . Et quant le plus.

feu est passé ils sont grands morceaux de poyvre et de ser Item , sachez que nous avons, à une lieue près de là , une cité
pents et le bouleton avec et puis le porteton a l'ostel, et le qui rappelle Orionde la grand, la plus belle et la plus forte
laveton en deux ou en trois eaux, et puys on le fait sécher au qui soit au monde , et ung de nos roys la garde , lequel reçoit
soleil et en ycelle maniere devient noir, bon et fort . du grant roy d'Israel le tribut, car il nous doit chacun en deux

Item , sachez que de couste celle partie a une fontaine que cens chevaulx chargés dor et d'argent et de pierres précieuses.
qui en peut boire de l'eau troys foys a jeun il naura maladie Et outre la despence qui se fait en celle cité et est dessus dits

de trente ans et quant il en aura beu il lui sera advis quil ait chateaulx .
mangé toutes les meilleures viandes et espices du monde et Item , sachez que quant nous leurs faysons guerre nous les

est toute pleine de la grace du Saint Esperit et qui se peut occisons trestous ceulx qui sont en notre terre et pour ce ne

baigner dans la fontaine s'il est en l'age de cent ans ou de se soient mouvoir ne faire guerre . El sachez que les juiſves

mille il retourne en l'age de trente et deux ans et sachez que sont les plus belles femmes du monde et les plus chaudes. El
nous fumes né et sanctifié au ventre de nostre mère et sy sachez que près d’ycelluy fleuve qui est Darayane el vient de
avons passé cinq cens soixante et deux ans. Et nous sommes la mer Areneuse et nul hommene peutla passer. Et non pour
baignes dedans la fontaine six foys . tant quant le vent fiert dessoules adoncques s'espand par la

Item , sachez que en nostre terre naist la mer Darayne et terre. Et adoncques la peulon bien passer, mais que l'on se
107 -

haste de relourner car se on ne faisoyt on demoureroyt de tout bellement de peur que le serpent vienne . El ycelluy arbre
dans la mer. Et toule la ruyne qui s'en peut retourner se con est près de paradis terrestre d'une journée. Et quant ledit

verlist en pierres precieuses et ils ne peuvent vendre jusques serpent est esveillé il se courrouce et crye tant fort qu'on len
a tant que nous les ayons veues. Et se nous les voulons avoir tent d'une journée . Il est deux fois plus grand que ung cheval
nous les pouvons prendre à l'estime de nos marchands. el a neuf testes et deux helles et quand nous avons passé la
Item , en une partie de nostre terre a une montaigne en la mer il s'en retourne et nous porlons le cresme au patriarche
quelle nul ne peut habiter pour la grand chaleur qui y est, et de Saint Thomas, et ycelluy le sacre, de quoi nous sommes
illec se nourrissent aucuns vers qui ne peuvent vivre sans feu . chrestiens. Et le demeurant nous l'envoyons au patriarche de
Et auprès de cette montaigne nous tenons toujours quarante Jérusalem et celluy l'envoye au pape de Rome, lequel le sacre
mille personnes qui font illec grand feu . Car quanly ceux vers et multiplye par huyle d'olive et puis l'envoye par les chrestiens
sentent la chaleur du feu ils yssent de la terre el seu entrent de la mer .

au feu et illec font ung poil tel comme font les vers qui font Ilem , en nostre terre n'a nuls larrons privés ne estranges,
la soye , et de celluy poil foisons nos robes et celles à nos car Dieu et saint Thomas les confondroyent et les ferions
femmes que nous vestons aux festes annuelles . El quant nous mourir de mort, et sachez que nous avons chevaulx verts qui
les voulons laver, nous les mettons au feu et lors se retour portent un long chevalier tout armé trois ou quatre jours sans
nent belles et fresches. manger .
Item , sachez que nul roy chrestien n'a tant de richesses Ilem , quand nous allons en bataille nous faysons porter de
comme nous avons pource que nul homme ne peut estre povre vant nous par quatorze rangs aournés d'or et d'argent qua
en notre terre qui vueille gaigner . torze confarons aournés de diverses pierres précieuses . Et
Item , sachez que saint Thomas fait plus de miracles que autres roys qui viennent a piés qui portent banières de san
saint qui soyt en paradis. Car il presche une foys l’an corpo dal richement aournés.
rellement en son église à toutes gens, et presche en ung pa Item , sachez que devant nous sont armés quarante mille
lais que vous orrez . clercs et autant de chevaliers et deux cens mille hommes de
Ilem , sachez que en une autre partie de nostre terre y a pié , sans les charrettes qui portent les viandes et sans les oli
des gens d'estrange façon c'est asavoir qui ont corps d'homme fans et les chameaulx qui portent les armeures .
el la tête de chien et ne peuton entendre leur langage et sont Item , quant nousalons en bataille nous commandons nostre
bons pescheurs car ils entrent au plus parfons de la mer, et terre au patriarche de saint Thomas .
sont ung jour sans yssir de dehors, et prennent de tels poys Item , sachez que quand nous chevauchons simplement nous
sons qu'ils veulent et viennent tous chargés en leurs maisons faysons porter une croix de bois tout seulement devant nous
qui sont soubs terre . Et nous espyons où ils le mellent et en pour ce que nous ayons en ressembrance de Notre Seigneur
prenons tout ce que nous voulons. Et sachez que ycelles gens Jésus Christ.
font assez de moulx à nos bestes saulvaiges, car ils les mangent Item , à l'entrée de nos cités sont trois croix de bois affin
el se combattent contre les archiers et font souvent de belles que les gens adorent la Sainte Croix .
batailles. Item , quant nous chevauchons simplement nous faysons por
Item , en nostre terre a une manière d’oyscaulx qui sont de ter un bassin d'or plein de terre , en signe que nous sommes
plus chaude nature que les autres. Car quand ils veulent pon tous venus de lerre et qu'il nous faut en terre retourner. Et
dre ils pondent au fons de la mer el fonl xxi oeufs et devien faisons porter ung autre bassin tout plein d'or en démontrant
nent oyseaulx et puys s'en vollent et nous en prenons plusieurs, que nous sommes le plus puyssant roy et le plus digne de tout
car ils sont bons à manger tant comme ils sont jeunes, et se le monde .
nature estoyt faillye a l'homme ou à la femme et ils mangeoyent Ilem , sachez que nulle personne n'ose faire le peché de
de ses oyseaulx lantost leur nature leur retourneroyt et se luxure en nostre terre, car incontinent ils seroyent ors. Et pour
royent aussy forts ou plus que devant. ce establit Dieu mariaga.
Item , en nostre terre est l'arbre de vie , duquel vient le Item , sachez que nulle personne nose mentir en notre terre
cresme, et ycelluy arbre est tout sec et ung serpent le garde car il seroit mort et pendu .
et veille tout l’an , le jour et la nuyt, fors que le jour de la Item , sachez que nous visitons chacun avec le corps de
Saint Jehan qui se dort jour et nuyt. Et adonques nous allons saint Daniel le prophèle qui est au désert , et menons avec
å l'arbre et en tout l'an n’en vient que trois livres, lesquelles nous dix mille clercs et autant de chevaliers et deux cent
viennent goucle à goucte, et quant nous sommes auprès de chasteaulx bastis sur des olifans, qui portentun chasteau pour
celluy cresme nons le prenons et puis nous en retournons garder des dragons qui ont sept testes sur chacun d'eulx , et
108

sachez que en ce désert y a les meilleures dattes qui pendent Ilem , une autre grand merveille y a en nostre palais cest
es arbres et sont bonnes vertes et meures hyver et esle. Et de asavoir que nul mangera ni est appareille fors que une es
la fin du désert quatre vints et soixante journées et illec sont cuelle, un gril et ung tailloir qui sont pendus à ung pilier . Et
les deux patriarches de saint Thomas qui seent à table devant quant nous sommes a table et nous désirons avoir viandes
nous parce qu'ils ont le pouvoir du pape de Rome et avons elles nous sont appareillées par la grace du Saint-Esprit. Et
autant d'abbés comme y a de jours en l'an par deux foys et sachez que tous clercs qui sont au monde ne sauroient dire ne
quinze plus et chacun vient chanter une ſoys l'an en l'autel de retraire les biens qui sont en nostre palais et en nostre cha
saint Thomas et nous y chantons les festes annuaulx . Et pour pelle .
ce sommes appeles Prestre Jehan . Et sachez que tout ce que nous vous avons escript est vray
Car nous sommes prestres selon le sacrifice de l'autel et roy comme Dieu est. Et ne mentirons pour rien , car Dieu et saint
selon la justice et droicture. Et sachez que je ſus sanctifié Thomas nos confondroient et perdrions nos dignités. Se vous
avant que je fusse né. Car Dieu envoya à mon père ung ange voulez de nous quelque chose que nous puyssions, mandez le
le quel l'un dist qu'il fist ung palais qui seroit de la grace de nous, car nous le ferons de très bon cuer . Et vous prions
Dieu et chambre de paradis pour tout enfant qui est à venir . qu'il vous soyt en remembrance du saint passaige et que ce
Car il sera le plus grand roy terrien de tout le monde et vivra soyt prochaisnement et ayez bon cuer et grand bardiesse en
longtemps . Et qui sera au palais n'aura faim , ne soir, ne vous et soyez remembrance de mettre a mort ces faulx lem
pourra mourir et quand mon père se esveille de son dormir il pliers et payens et vous prions que vous nous envoyez res
eut grande joye et commence le palais tel comme vous oirez, ponse par le porteur de ces présentes . Et prions au roy de
premierement les paroys sontde cristal et la couverture de des France qu'il nous salue tous les feaulx chrestiens de dela la
sus est de pierre precieuse et par dedans est aourné déstoilles mer et qu'il nous envoye aucun vaillant chevalier qui soyt de
en semblance de celles des cieulx et le pavement est de cristal la bonne génération de France. En priant Nostre Seigneur
et au dit palais ne trouverez fenestre ne porte . Et dedens le qu'il vous donne perseverer en la grâce du Saint Esprit.
palais a vingt et quatre piliers d'or et de pierres précieuses de Amen .
toutes manières. Et illec tenons nostre corps en festes annuel Donné en nostre saint palais l'an de nostre nativité . Cinq
les et saint Thomas presche aux gens au milieu du palais. Et cens et sept.
dedens nostre palais y a les cuves et le meilleur vin du monde Cy finist le Prestre Jehan . Laus Deo .
et qui en boit ne désire des biens temporels ni ne scet où elle
va ne d’ou elle vient.

FOUR A POTERIE GALLO - ROMAIN ,

A MONTANS.

En Novembre 1868, Monsieur Constans de Saint Sauveur , d'ouverture et s'enfonçant verticalement dans le plateau au
riche propriétaire des environs de Montans, mais sur l'autre dessus duquel ils forment une saillie de 7 à 15 centim . suivant
rive du Tarn , rencontra en faisant labourer un de ses champs leur état de conservation ; contre ces tuyaux à l'extérieur est
des débris de matériaux anciens ; il fit aussitôt commencer des un applicage de lerre de 25 à 50 centim . d'épaisseur, rougie
fouilles en cet endroit, et après plusieurs jours de travaux par l'action de la chaleur : le tout est élevé de 50 centim .
intelligents, il mit à découvert le curieux monument dont environ au -dessus de l'aire rectangulaire, limitée par un mur
voici la description . en beton à gros caillous, dont ledit plateau occupe l'extrémité
Un plateau circulaire de 1 mètre 85 centim . de diamètre , orientale. En avantunelranchée profonde de 1 m . 15 contim .
dallé de larges briques, est bordé tout autour d'une rangée sur 70 centim . de large , est voûtée auprès du plateau au-des
continue de cinquante petits tuyaux , variant de 8 à 10 centim . sous duquel elle penètre par une ouverture de 35 centim . de
PL . 1.

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croquis die m : E.Rossignol.

OVES DES POTERIES DE MONTANS.


109

large, et se continue jusques au fond ; là, et perpendiculaire vauchant ; les assiettes, plats et vases de celte nature , renfer
ment à ce conduil, trois arceaux parallèles espaces de 25 més dans des espèces de cussettes ou éluis percés de trous où
centim . supportent le plafond du plateau ; ils sont réunis l'un passent de petites chevilles de terre destinées à soutenir les

à l'autre , à leur extrémité, par un petit arc circulaire, de telle ditesassietles et à les espacer les unes des autres ; ces cassettes
sorte que les tuyaux dont nous avons parlé communiquent s'empilent les unes sur les autres dans le four.
avec l'intérieur, sans aucune solution de continuité . Les parois Anciennement, il devait encore en être å pen prèsainsi,mais

de la tranchée des arceaux et de toute cette construction ce ne sont pas les découverles seules failes dans les fouilles
soulerrajne sont fortement vitrifiées. qui nous occupent , qui nous permeltent de l'avancer ; ce sont
Les plans et coupes ci-joints rendront plus sensible la des celles bien autrement importantes faites à Montans même, où
cription qui précède de notre monument, qui ne saurait être les fours étaient en si grand nombre : nous avons en effel

qu'un four à poterie . recueilli là beaucoup de débris de poterie de rebut, des vases
C'est ainsi que sont encore aujourd'hui généralement dis pris entre eux par la cuisson ou adhérents encore à leur support,
posés ces sortes de four. Une tranchée profonde, voutée en portant ainsi la marque évidente de leur position dans le four .
parlie, conduil à un foyer circulaire ou premier four souter De l'examen de tous ces objels , nous pouvons avancer avec
rain , car on y place les vases grossiers qui ne craignent pas la certitude que les urnes , les cruches et les cases ou bols dont
châleur, et dont la voûte ou dôme est percée tout autour de la le bord supérieur plus relréci que la panse ne permeltait pas
circonférence de soupiraux régulièrement espacés et de petits de les mettre l'un dans l'autre , étaientrangés les uns près des
trous distribués sur toute l'étendue de la calotte qui sert de autres : témoins, une cruche etun bolde notre collection offrant
support à l'aire d'un second four , à voûte également disposée, adhérante à leur panse , une portion du vase contre lequel ils
au - dessus duquel est un troisième four , et même parfois un étaient rangés . Pour les petits bols ordinaires , les assielles ,
quatrième , lequel est seulement recouvert par une toiture grandes ou petites, et généralement tous les vases allant en
ordinaire . Le feu placé dans la tranchée et à l'entrée du foyer diminuant du bord supérieur au fond et pouvant entrer l'un
souterrain , est fortement attiré par tous les conduils de ces dans l'autre, de manière à avoir leur cul ou rebord inférieur

voûtes superposées, et la chaleur communique facilementjus bien assis dans l'autre vase, ils étaient disposés pièces sur pièces :

qu'au dernier étage de cette espèce de tour, permettant ainsi nous en avons la preuve dans des piles d'écuelles et d'assiet
de donner aux vases différents deg rés de cuisson . les prises entre elles par la cuisson , dans des bols et des
Ici le mécanisme parait le même, à l'exception toutefois du assietles isolées, rejetées commedéfectueuses, et qui portent à
premier four , car la disposilion du foyer et de ses arceaux ne l'intérieur la marque circulaire du cul de l'assiette qui y avait
permet pas d'y placer des vases ; mais le temps ne nous a con été posée dessus. Les vases à sujets etaient encore placés les
servé que les premières constructions, celles qui étant souter uns sur les autres, sans aucun intermédiaire , quand leur forme
raines ont pu échapper à la destruction ; elles suffisent cepen le permettait ; mais quand ils ne pouvaientrenlrer l'un dans
dant pour montrer qu'autrefois comme aujourd'hui les procé l'autre , on exhaussait le vase supérieur, suivantle besoin , par
dés devaient être presque identiques. Ainsi, c'est pareillement trois petits supports rectangulaires , on bien encore par de petits
une tranchéeavec son foyer dont la chaleur était soutirée par les cylindres creux, tubes ou rondeaux, variant de hauteur et de
tuyaux de la circonférence du plateau etpassait peut- êlre dans diamètre , etdont les parois élaient le plus souvent percées de
d'autres fours supérieurs ; mais ici ces fours ontdisparu en trous pour la chaleur . Quant aux piles de vases ainsidressées ,
même temps que la voûte du premier , et nous serions même elles nous paraissent avoir été rangées dans le four à l'air
å nous demander comment était supportée celle voûle de ce libre sans être protégées par des cassettes , dont on ne retrouve
premier plateau , si nous n'étions convaincu que la terre fria aucun débris, el qui étaient d'ailleurs inutiles, par suite de la
ble et rougie qui est contre les tuyaux , à l'extérieur, n'était nature de la couverte si différente du rernis acluel, qui ne favo
des restes du mur en terre qui la soutenait et qui aurait été risait pas l'adhésion d'une pièce à l'autre , el prenait son brillant
emporté avec elle et les murs plus solides de l'enceinte du également dans les parlies recouvertes commedans celles librement
monument, exposées à l'air . Nos tubes ou rondeaux pouvaient aussi su !'por

Celle distribution à peu près semblable des fours anciens et ter des vases dalis d'autres positions ; ils abondent auprès de
modernes, nous amène aussià croire, par analogie, à unemême nos fours, ainsi que de larges disques évidés circulairement au
disposition des vases dans leur intérieur . centre, avec rebord sur la face inférieure , el percés parfois ,
Les vases sont aujourd'hui rangés tout autour des fours sui sur le champ, de petits trous : sans pouvoir le préciser , on

vanl des lignes concentriques ; les grands pols, cruches, urnes peut affirmer l'emploi de ces espèces de tablettes en terre cuite
el autres , à côté les uns des autres et superposés, mais se che ponr l'emménagement des vases dans l'intérieur des fours, el
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auprès de celui de Saint-Sauveur, où en a recueilli des débris veau ce que nous avons déjà avancé ailleurs sur la prodigieuse
de plus de cinquante . Nous donnons aussi le dessin de ces multiplicité de ces sujets. Nous ne les décrirons pas ici, mai
diverses pièces dout les semblables sont encore employées par il faut cependant mentionner une forme parliculière des oves
nos poliers modernes. si communément employés pour bordure supérieure, et que
En terminant enfin cette comparaison des fours d'autrefois nous n'avions pas encore remarquée sur nos vases de Montans
avec ceux d'aujourd'hui, ajoutons que de vastes constructions el sur ceux que nous avons pu cxaminer provenant d'autres
pour la confection des vases, pour le dépôt et la manipulation localités.

de l'argile , pour une prompte et régulière dessication et pou Les sujets en relief qui décorent les vases gallo - romains
l'emmagasinage, sont adossésaux fours actuels; anciennement sont disposés tout autour du vase , sur la panse, et habituelle
ildevait en être également ainsi, surtoutdans les usines isolées, ment ils sont encadrés dans deux bordures, l'une inférieure el
et à Saint- Sauveur ils se voient dans les restes de constructions l'autre supérieure . Celle -ci est le plus souvant formée d'un
dont on nous a signalé l'existence à côté du four, et quiauraient ornement qui rappelle les oves d'architecture et que nous dési

occupé un vaste emplacement. guerons du même nom , quoiqu'il soit loin de les reproduire
La céramique était une des branches, très importanle, de fidèlement. Ces oves différentbeaucoup entre eux , et la plan

l'industrie romaine, et nous avons cru devoir ne rien négliger che suivante où nous avons réuni leur formes les plus généra

de ce qui peut nous instruire sur ses procédés qui se rencon les d'après les vases de notre collection , montre combien ils
trent être presque les mêmes, après deux mille ans d'inter sontdivers et fait parfaitementcomprendre ce genre de déco
valle, que ceux usités de nos jours. Nous nous sommes d'ail ration . Ainsi les premiers numéros reproduisent assez exac
leurs complu dans ce travail car , à Montans, où se trouvait, tement les oves ; mais entre ces oves à plusieurs cercles con
comme nous l'avons montré ailleurs (1 ) une agglomération centriques, vient ensuite se placer une barre plus ou moins

considérable de potiers gallo -romains, ayant chacun leur ale longue el renflée en massue ou tréſlée à son extrêmilé infé
lier, four et dépendances distincts,nous n'avons paseu encore rieure , barre qui d'abord isolée, adhère ensuite aux oves avec
l'occasion de pouvoir étudier un de ces fours , que le hazard lesquels elle finit par s'identifier formant à côté du dernier

et des fouilles intelligentes viennent aujourd'hui de mettre à cercle un prolongement en pointe, en massue , ou à plusieurs

découvert dans la banlieue, nous disons dans la banlieue, car lobes (1) .Hé ! bien , ces formes diverses ont élé encore modi
dans ces lempsanciens le territoire de Montans s'étendait sur fiées au point de n'avoir avec les précédentes qu’une très légère
les deux rives du Tarn et arrivait encore au Xe siècle jusqu'aux ressemblance , cequemontrent trèsbien les exemplaires ci-joints
côteaux qui le bordent à droite. Ainsi la fabrique de cérami trouvés à Saint- Sauveur.

que de Saint- Sauveur élait dans les enclaves de Montans ; elle Ces détails paraîtront peul- êlre pnérils , mais rien n'est
se trouvait auprès de la voie romaine que nous avons signalée inutile , ce nous semble, en fait d'art, et avant de conclure å
commeallant de Montans vers le Querci, et ainsi se trouve jus l'identité de deux sujets, il faut bien en avoir remarqué toute
tifié le titre de celle note : un four à poterie gallo - romaine près les parties el noté jusqu'aux plus petites différences : les sculp
de Montans . teurs gallo -romains fabricants de moules, s'y arrêtaient bien ,
Auprès de ce four , on à recueilli au milieu de tuiles à et si nous publions un jour les vases de notre collection , on
reburds, de luiles convexes et de matériaux de construction verra combien ils avaient une prodigieuse variété de sujets
de toute sorte, des débris de poterie à sujets en relief.Le plus pour l'ornementation de ces vases que nous admirons lant
grand nombre sont marqués du nom nouveau de potier aujourd'hui. CROSSIGNOL
LOCIRNM . Les sujets de ces vases ou plutôt de ces fragments
de vases et de moules, se rapprochent beaucoup, sanstoutefois (1 ) Cette bordure d'oves est ſigurée sur 28 de nos moules et 69 de nos
leur être identiques, de ceux de Montans, ce quiconfirmedenou vases ; notre planche en reproduit toutes les formes qui se reduir entà 13 poor
les moules et 23 pour les vases. Parmiles premières, les types des n's 9 et 11
se t:ouvent reproduits quatre fois, et les nos 1 et 7. trois fois . Quelques-uns se
voient sur les vases, notamment le n ° 9 , qui reparaît sous le 110 16 le plus
( 1) Des antiquités, et principalement de la poterie gallo - romaine, trouvées à communément employé , car il figure douze fois sur nos vases, et le n ° 13 qui
Montans, 1er, 2e et 3e articles, au Bulletin -monumental, 1859, 1861 sous le n ° 23, est figuré dix fois ; puis ce sont, sur les vases ,le n ° 15 quiest
el 1862. reproduit sept fois, le n ° 4 , six fois, le n ° 17, cinq fois, et le n ° 14 , quatre fois.

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DU STYLE DANS
DANS LES
LES BEAUX ARTS .

L'æuvre que nous publions, promise depuis longtemps à la Revue, est devenue le discours de réception de l'auteur, à l'Académie des Jeux- Floraux. Telle est
la raison de la forme oratoire donnée à cei important travail ... Nous le publions en entier, sauf les premières lignes, consacrées aux remurriments académiques.
Parler des beaux-arts comme l'a fait M. Buisson , c'est faire de la baute archéologie, c'est donner le sens profund des recherches de détail.
LE DIRECTEUR .

MESSIEURS ,

Où fut-il plus à propos de parler de style que dans une Académie ? principal et parfait qui la lie, dans notre esprit, à l'expression idéale
Toutefois, je ne toucherai pas au style littéraire ; il s'agit ici du style qu'elle est chargée de nous révéler .
dans les beaux -arts , principalement dans la peinture et dans la Un penseur américain (1 ) a écrit dans une curieuse élude sur
sculpture . Me voilà contraint, dès les premiers pas, à solliciter une Platon : « La misère de l'homme est d'être frustré de la vue de l'es
faveur. Je demande l'entrée de l'Académie pour quelques termes tech - a sence, et d'être farci de conjectures ; car la réalité est le bien
niques usités partout aujourd'hui. Les mots propres à un art sont « suprême et la suprême beauté. »
commodes, ou contraires à cette politesse de l'art d'écrire , qui reste Le style serait-il donc aussi une conjecture, une hypothèse d'aca
l'apanage de notre langue quand déjà elle échappe à nos meurs : démie, une convention ? Résistera -t-il à l'instrument critique actuel
apanage important, privilege sacré, que je conjurerais tout le premier d'une trempe si mordante ? Éloigne -t-il, rapproche -t-il de cette réa
les diplomates académiques de mon pays de défendre jusqu'à la mort, lité entendue au sens métaphysique , qui est le bien suprême et la
si l'on tentait jamais de renouveler une nuit du 4 août, dans un suprême beauté ?
congrès réuni pour fonder une langue universelle. Savoir parler de Vous le voyez ,Messieurs, j'éludie avec vous , j'écoule et je recueille
tout, savoir tout dire en langue vulgaire , c'est le secret de la clarté vos questions, cherchant la vérité en vous comme en moi -même, et
française, la clef de cette universalité que nous avons presque con m'efforçantde réaliser l'idéal d'un discours académique qui doit être
quise sans congrès. Clarté , accès facile , pureté du langage, toules une communication sereine entre des esprits.
ces choses vous sont bien un peu confiées , et je sais que je m'engage Jamais étude ne fut plus opportune. Le dernier des peintres de
à les défendre habituellement avec vous. Je le ferai avec autant de style que nos contrées ont eu l'honneur de donner à la France,
fermeté que vous m'aurez montré de condescendance , en me permet Ingres, vient de mourir ; sa succession est menacée de deshérence .
tant une fois, une seule, d'oublier que vous en êtes les gardiens. Sous le nom de réalisme, une pratique s'est répandue, qui consiste à
peindre la nature telle qu'elle apparaît, sans choix, au premier veny .
On dit : le style de Michel -Ange, le style de Raphaël, pour expri Ses manifestations seraient toujours belles ; l'artiste p'a qu'à les re
mer la manière particulière à chacun de ces maîtres de dire les produire suivant son tein pérament. Droits absolus de la sincérité
mêmes choses. On dirait , dans un sens absolument identique, le style individuelle , imitation pure et simple de la nature , c'était loute la
de Bossuet, le style de Fénelon . C'est de ce style qu'il a été écrit une prétention des artistes. Cependant, comme il a eu ses ouvriers, le
fois pour toutes : « le style , c'est l'homme. » réalisme a eu ses doctrines ou ses défenseurs littéraires . On a nié le
Dans les lettres comme dans les arts, on caractérise aussi les habi style dans l'objet, l'idéal dans l'artiste, ou la recherche d'un type ,
tudes communes de langage, les modes communs de l'architecture la réduction à un type à l'occasion de l'objet ; tout s'est borné à des
de la peinture ou de la sculpture , dans une même époque, par cemol caractères extérieurs plus ou moins saillants , ordonnés suivant le
de style : Le style du seizièmesiècle, le style du dix -septièmesiècle ; degré de leur importance physique . Comment en auiail -il été autre
le style de la Renaissance , le style roman , le style gothique. ment ? En un temps où la sécurité de l'âme était troublée dans loutes
Enfin , on dit d'un objet, d'un être , d'un arbre, d'un animal, d'un ses facultés, où la hardiesse humaine lournait et relournait le monde
homme, d'une ouvre d'homme, d'un dessin , d'un monument, sans que Dieu a livré à ses dispules, le Beau pouvait-il prétendre à rire
les rapporter à un artiste ou à une école : ils ont du slyle. Cette plus que le Vrai, respecté par les chercheurs ?
acception nouvelle est spéciale aux beaux- arts . C'est elle qui va nous Les lutteurs sont de deux sortes dans celle bataille devenue sous
occuper. Si l'on voulait en trouver l'équivalent littéraire, il faudrait, nos yeux universelle, et qui précède, il faut l'espérer, de grands trai
je crois, parler de la vérité poétique, de cette vérité qui ne dépend ni tés de paix, l'union attendue sous le même abri : les uns frappent et
du temps, ni du lieu , qui est inhérente à l'objet, au sujet litté
raire .
Une forme a du style quand elle revêt distinctement le caractère (1 ) Emerson .
a

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reçoivent les coups , c'est l'armée des soldats , vulgarisateurs , publi magnificence , et on rencontre des images dont la puissance et le

;
cistes, orateurs, critiques ; les autres , en petit nombre, tiennent les grandiose ne sont ni dépassés par l'art le plus parfait, ni égalés
bras de Moïse levés sur la montagne. Ceux -ci surtoutmaintiennent le par la nature. Il a suffi du style à ce voyant, à cet artiste, pour attein
jour. Les dévols prient, les artistes de style peignent ; l'idéal fait ses dre d'emblée le but suprême de l'art , pour nous impressionner plus
preuves pendant qu'on le discute . Au milieu de la plus extraordi que la nature.
naire explosion d'orgueil et de démence qui ait passé à travers les Dès que le style est apparu dans une cuvre d'homme, le mariage
vides d'une admirable construction scientifique encore inconplète ,, entre unecertaine faculté de notre esprit et le visible, mariage qui va
deux ou trois âmes de saints inconnus font plus pour la conservation donner un corps à la beauté , a été accompli ; l'art a été trouvé, son
de l'humanité que les inventeurs des chemins de fer et du télégraphe élémeni principal a élé découvert .
électrique . Un poète persan disait à une âme de celle espèce : Le style est aussi le gage de la fécondité dans un art. Un peuple
« Avance hardiment et assieds-loi au banquet de l'être; tu es l'élue, débute par le style dans ses monuments; la Providence lui refusa -t
« le reste est admis à la suite . 1 « Les nations ne durent, dit aussi elle le temps et l'espace pour arriver au sommet de sa civilisation ,
« Bossuet, traduisant saint Paul (1) , qu'autant qu'il y a des élus à soyez en repos sur les destinées de son art, il ne mourra pas sans
« tirer de leurmultitude. » De même, Messieurs, les arts ne durent laisser d'héritier. Des Assyriens et des Egyptiensaux Grecs , le legs
que par les élus du grand art. Poussin , dans sa solitude de Rome,
est évident ; il ne l'est pas moins des Grecs aux Italiens , des Ita
Lesueur, dans le cloître des Chartreux , Prudhon , dans sa mansarde,
liens aux Français, et à tout l'Occident. C'est une loi de l'histoire :
peignant sans argumenter , feraient plus contre le réalisme qu'une ces germes puissants ne meurent plus ; ils errent ou disparaissent,
légion de raisonneurs. Les soldats pourtant ont du bon , même les soumis à des lois inconnues ; au moment venu , on les voit surgir et
soldats obscurs ; ils tiennent levé dans les mêlées le drapeau des élus. se développer avec l'opulence des forces longtemps contenues et une
Voilà pourquoi vous les nommez des înainteneurs, et il ne saurait apparence spontanée qui trompe sur leur génération ; une élude
vous déplaire de voir l'un d'entre eux debout aux avant-postes où attentive fait toujours retrouver leur filiation .
l'on respire la joie saine du péril couru pour les bonnes causes . Qu'un art, au contraire, manque de style etmérite ce nom de bar
Cependant, Messieurs, nos contemporains demandent des faits ; des bare, que l'on prodigue à tort à tous les commencements de civilisa
fails présents, s'il se peut, qu'ils puissent voir ou loucher; des faits tion , il ne suivra point les phases d'une croissance successive et com
patents, lout au moius, qu'ils ne puissent contredire. C'est précisé plète. Ainsi de l'art mexicain (1), de l'art indien , malgré ses colos
ment dans l'analyse des wuvres d'art anciennes ou modernes que sales tentatives (2 ). Avec toute la perfection de ses procédés matériels,
nous allons chercher des enseignements. la délicatesse du travail, et le goût de l'exécution , ce dernier, dans sa
Encore sous l'imp.ession des merveilleux fragments du Musée de meilleure époque, s'arrête encore à des ébauches confuses inutilement
Boulaq , dans l'exposition du vice - roi d'Egypte , la plus royale des enveloppées d'arabesques gracieuses comme d'un réseau précieux
Expositions , en 1867 , etdes estampages de Bab -el-Molouck (Thebes filigrane. Comment aurait-il connu la vraie grandeur , ne connaissant
Hécatompyles ] (2 ), j'ai revu , à Narbonne , les moulages des bas- reliefs point le style ? Les esthéticiens ontmontré avec raison, dans sa
assyriens, des statues ou reliefs archaïques d'Égine et d'Olympie (3) métaphysique, la cause de cette impuissance. En niant le monde des
J'ai retrouvé, dansmes cartons, des photographies ou des dessins des phénomènes, des formes et la création , les doctrines indiennes
@uvres des sculpteurs de Pise ou de Florence au seuil de la Renais niaient l'art même. Tout au moins ne pouvaient-elles conduire qu'à
sance , des peintures de Cimabuë et de Giotto : du rapprochement de un art arbitraire d'emblèmes bizarres et de vagues symboles , sans
ces quatre expérimentations supérieures, Egyptienne, Assyrienne, racines dans la réalité . En d'autres termes, le style qui implique à la
Hellénique , Italienne , ressort un fait aussi clair que la lumière. La fois l'affirmation la plus netle de la réalité de la forme( parce qu'il
perception du style précède , dans ces grands aris , la correction ou révèle le mieux son ensemble ou la loi de son unité ,) et l'affirmation
l'exactitude de l'imitation . Le style s'y montre nu , sans anatonie , de la réalité de l'idéal, du type , dans l'esprit de l'homme, reflet de
sans perspective , sans expérience du mouvement et du rhythme, en l'esprit créateur, le style n'était pas à leur portée.
un mot, dépouillé de tous les autres éléments du dessin . Il existe Le style est donc le fait principal des arts viables, des arts investis,
donc avant la science et avant les académies . L'oeil de l'homme en naissant, d'une sorte de souveraineté . Il faut reconnaître en lui
artiste dirigé pour la première fois sur la nature , pour un usage le premier organe (3) de la force esthétique originelle de l'humanité.
plastique, découvre avant lout, en une indivisible synthèse , l'unité Et comme, à lui seul, il résume lemérite de ces monuments primitifs,
saillante de la forme dans les objets. Ce n'est pas exactement la na on doit ajouter qu'il est aussi leur raison d'être . Quitlons désormais
ture , mais ce que la nature a de plus saisissant : la grandeur , la ces fables puériles qui font des beaux-arts un fruit de l'instinct subal
noblesse , la force ou la grâce perçues dans la fraîcheur naïve el terne d'imitation , et du dessin un fils d'occasion de l'amour, en nous
l'énergie irrésistible d'une première impression , par un voyant, montrant son origine dans un adolescent qui suit et trace sur un
par un artiste . Dans ces essais, le plus souvent hiératiques, où la mur l'ombre de sa maîtresse , afin de conserver son image. Ne leur
main et l'esprit de l'homme sont gênés par la religion , relenus par attribuons du moins qu'une valeur symbolique : ce jeune homme,
l'ignorance , un instinct plastique supérieur se déploie déjà avec c'est le génie plastique de l'humanité ; sa maîtresse, c'est l'invisible
et éternelle maîtresse, la Beauté . L'homme l'a reconnue; la conscience

( 1) Omnia propter electos. Tim . 11 , 10 .


(2) Notamment l'estampage du dénombrement des bæufs , tiré du tom
beau de l'intendant Chambati (XVIII• dynastie), qui a été rapporté de (1) Voir : Les monuments anciens du Mexique et du Yacalan - Palingué ,
Bab -el-Molouck par M. Léonce de Guiraud , un nom cher à Clémence et ( ccocingo etautres ruines ,par M. l'abbé Brasseur de Bourbourg . Paris,
Isaure. Il a été gravé depuis dans la publication de M. Prisse d'Avennes Artus Bertrand, rue Hautefeuille.

Histoire de l'art égyptien , 3« livraison , Sculpture. (2 ) Voir la belle série de photographies des monuments indiens dans
(3) Empruniés au British-Muséum de Londres ou aux Galeries du l'exposition britannique : Champ-de-Mars, 1867.
Louvre . ( 3) Organum , instrument, au sens baconien .
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qu'il en avait s'est éveillée, tout ce qu'il y avait en luidefraternel pour vous avait arrêté,mais vous ne l'aviez point discerné. O peinture , o
la création s'est ému. Il a sculpté, il a peint pour affirmer sa décou poésie , vous êtes plus réelles que la nature !
verte, l'accord primordial entre sa pensée et la nature des formes. Celle commotion, cet effet plastique, en quoi diffèrent-ils de l'effet
Son jeune enthousiasme a démêlé la sympathie secrète des choses et même des reliefs où l'artiste égyptien gravait, il y a des milliers
de l'homme. Elles lui étaient bonnes pour l'usage immédiat, elles lui d'années , ses inspirations naïves ?
deviennent bonnes pour un usage désintéressé, par la révélation d'une . Principe, raison d'être des arts du dessin , signe de leur fécondité ,
harmonie délicieuse . mesure de leur progrès, le style en établitdonc encore l'unité. A tra
Telles sont les données historiques puisées dans les monuments vers les différences de race, de latitude, de génie, il est le lien de pa
primitifs de l'art. On ne peut nier le style dans la nature, puisque renté qui les unit, dans tous les pays, dans tous les temps.
c'est la première chose que l'homme y voit ; on ne peut pas davantage Dans le langage général, le style n'indique guère plus que le rap
nier dans l'homme une correspondance intérieure , un idéal, puis - port d'une forme à l'idée de grandeur, et l'usage tend à prévaloir de
que les images sculptées par lui impressionnent plus que la na limiter cette expression au grandiose, au monumental. Pour aller au
ture (1). Le sentiment du beau est donc inné dans notre esprit. fond des choses il faudrait l'étendre davantage. Le monde extérieur
. est chargé de nous parler par figures ; le langage des figures traduites
J'en trouvais récemment une preuve directe et fort inattendue
dans une étude de physiologie sur l'æil et la vision (2). Un ocu par notre sens esthétique, voilà le sujet de la plastique. Découvrir le
liste distingué de Nantes , esprit curieux et bardi , ayant opéré style d'une chose, ce serait, en ce sens, trouver le mot propre qui
un aveugle de naissance âgé de douze ans, mit devant lui sa mère, sert à l'exprimer dans la langue des formes, à la marquer définitive
paysanne laide et mal vêtue, et une des plus belles femmes de la ment du signe même de la réalité, à lui donner un nom plastique (1).
ville ; l'enfant établit aussitôt la distinction entre sa protectrice et Le style ne caractériserait plas seulement alors l'élément du dessin
sa mère . Heureux docteur, préoccupé d'idéal, même le scalpel à la que nous essayons de séparer, il s'appliquerait à tous les éléments
main ! Heureux enfant! son premier regard lui révélait à la fois la des beaux -arts , même à la couleur , à la perspective aérienne, au
lumière et la beauté ; noble enfant, qui mérite de devenir célèbre. En clair -obscur , à toutes les communications physiques nommées ou
allant à l'idéal avant de courir à sa mère , il affirmait les titres di innommées , connues ou à connaître des apparences extérieures avec
vins de l'humanité . notre faculté idéaliste (2) .
A vouloir poursuivre l'histoire des beaux-arts chez les peuples L'hommea découvert le style, désormais, il le cherchera partout
artistes, on constaterait un autre phénomène incontesté ; la splen et en tout. L'histoire de l'art n'est pas autre chose que l'ascension
deur du style marque l'apogée , la décroissance du style mar des formes au style par le travail et l'observation des peintres et
que la décadence de l'art. Allons plus loin , Messieurs : le style des sculpteurs. Une sorte de tourbillon animé, dont l'artiste occupe
n'en constituerait-il pas aussi l'unité ? Figurez -vous une scène de le centre, attire de plus en plus toute la création . Règne minéral,
la vie rustique analogue à celles que nous avons admirées dans règne végétal, les animaux et l'homme sont tour à tour entraînés,
les sculptures de Bab -el-Molouk : un bouvier , conduisant son tirés de l'obscurité , mis sous leur jour ideal par un enchanteur qui
attelage, se retourne à demi, et, sans cesser de marcher, il lève révèle au nionde leur perfection cachée. Toute forme visible et tout
le bras pour appeler ses beufs de l'aiguillon . Je ne sais quoi, devant ensemble de formes arriveront ainsi, par l'homme, à la lumière du
cel acte si simple, a longtemps fixé votre attention et l'a charmée . style ayant que l'art ne soit accompli.
Un jour, en parcourant une exposition, vous en retrouvez l'image
dans une peinture de Mlle Rosa Bonheur. L'artiste a remarqué ,
Infatigables à chercher la vertu plastique des choses comme des
comme vous, le bouvier, les bæufs, le geste ; le dessin est exact,
étres, nous avons trouvé déjà l'adaptation artistique et l'harmonie
vous vous sentez en pays de connaissance; mille détails réveillent
naturelle de tous les matériaux - éléments. Nulle part notre puissance
vos souvenirs ; vous êtes à la campagne, vous respirez... O fortuna
intuitive n'éclate davantage ; la série des inventions est ici magnifi
tos nimium , sua si bona norint agricolas... Cependant, le soir ou que, et « de quelque façon que ce soit , l'idée parvient toujours à se
le lendemain vous n'entrevoyez plus que dans le vague et l'acte créer son corps (3 ). » L'Égypte fixe le style du granit formidable ,
même et sa reproduction . Le tableau vous a distrait , tout est obs
immuable ; la Grèce le style du marbre. « Ils taillaient, dit un au
curci. A côté, c'est M.Meissonnier qui a répété le même sujet : vous
teur , le Pentélique comme la neige , et leurs @uvres accomplies d'ar
vous arrêtez plus longtemps , car le peintre a plus de nerf et de vie .
chitecture et de sculpture semblaient choses toutes simples. » L'Italie
Il a rendu les mouvements avec plus de suite , il a serré, accentué elle -même n'a plus retrouvé, à la Renaissance, le secret de la grâce
la connexion physiologique qui les produit ; vous suivez, sous le sobre d'une matière à qui sa richesse virtuelle suffit. Lesmonuments
vēlement de l'homme, sous le cuir des bêtes , le résultat instantané marmoréensde Pise , de Sienne, de Florence, de Milan , de Venise ,
de l'impulsion partie du cerveau . Votre impression devient plus Saint- Marc, le Campanile de Giotto , ces ouvrages demarquetterie
claire : M. Meissonnier est déjà un petit maître. Mais qu'un grand
..

gigantesque , ne caractérisent que des nuances. Pour la pierre, elle a


maitre esquisse simplement la scène et l'indique par ses trails essen
tiels, c'est bien autre chose . L'effet reprend sa gravité naturelle, vous
restez muets : votre impression première se ranime, elle vit ; l'artiste
(1) De même qu'il y a des gens qui ne parlent, d'autres qui n'écrivent
la complète, il s'en empare ; peu à peu l'image qui est devant vous a
que par périphrases, il y a des peintres qui ne peignent que par péri
pris irrévocablement sa place. Ce je ne sais quoi, le maître l'a saisi. phrases. Ils excellent à tracer des pa inutiles autour du nom , qui
Qu'était-ce donc ? C'était le style ; le style y était ; c'est le style qui est illisible ou peu clair ; ils n'ont point de style.
( 2) C'est ainsi que les artistes spécifient déjà les styles différents de la
couleur dans Véronèse ou Delacroix, par exemple. L'un a nommé l'enve
loppe harmonique d'une scène, la perspective aérienne ; l'autre a inventé
(1) Ars est homo additus naturæ . Bacon . l'atmosphère dramatique du sujet.
(2 ) Revue d'oculistique : Article du docteur Guépin . (3 ) Lamennais : Esquisse d'une philosophie.
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eu diverses expressions bien marquées. Les constructions civiles des calice entr'ouvert ou épanoui du lotus , presque sans y rien changer.
Romains, acqueducs, thermes, cirques, arcs triomphaux , manifes En Grèce, la feuille d'acanthe n'arrivera que très tard , par une trans
tent sa plus naturelle portée , la masse, la solidité, l'aspect monu - formation grandiose , à remplir pareil office architectonique, et à
mental. Mais le moyen âge lui fait parler un double et plus délié lan caractériser l'ordre corinthien . Des architectures nationales semblent
gage , attestant un plus libre génie. Dans l'archilecture militaire et se passer aisément de ces flores de pierres que d'autres cultivent
féodale, entée vaillamment sur les escarpements et les pics , la pierre avec excès. Les monuments si originaux des Arabes sont très sobres
jaillit de la pierre avec la force ascendante d'une greffe vigoureuse ; d'imitalions de plantes. Et pourtant, on dirait que l'art, ici, se dé.
végétalion rigide, aux vives arêtes , hérissée et résistante, ne trahis dommage de l'interdiction qui frappe la figure humaine par des
sant le secret de la présence et de la dominalion de l'homme, à ces inventions tellement exquises, qu'elles emportent le droit de nommer
hauteurs, que par les combinaisons à la fois simples et savantes des le genre entier des ornements d'imagination pure du nom d'ara
lignes de faîte. Dans les édifices religieux de l'Ile -de-France et de besques; dénomination heureuse , heureusement empruntée à un
l'Allemagne, elle revêt une physionomie, s'il se peut, plus inatten peuple dont l'écriture même est une décoration monumentale.
due, mystique, sombre ,mais animée d'un élan sur-matériel et sur L'artbyzantin et l'art roman , suivant le principe antique , méla
humain . Les roches volcaniques se créent un règne à part. Sur tout morphosent plus qu'ils ne les copient les végétaux et les animaux
le plateau central de la France, elles ont donné aux églises romanes qu'ils entrelacent dans leurs chapiteaux massifs. Il faut arriver à
un cachet spécial, ou l'air robuste des bâtisses romaines s'allie au goût l'art gothique et à la Renaissance pour voir de vraies feuilles de char
de la coloration byzantine. Au Puy, à Issoire, à Brioude, des brè don , des feuilles de choux , des branches d'arbre , des fleurs , des
ches, des scories, des laves, mêlées et re iées par des filets rouges de plantes imitées naïvement concourir à un effet d'ensemble . Le hardi
brique ou de Pouzzolane , sont devenues les fleurs ignées des plus palmier devient le soutien hardi d'une gerbe de voûtes. Une séve
chaudes floraisons du génie national. Il n'est pas jusqu'aux maté inconnue et mystérieuse pousse l'édifice à monter, à percer les nues
riaux fabriqués qui n'aient rencontré leur révélateur. Le style de la et les nervures de l'ogive à se rencontrer en haut comme les bran
brique a ſeuri dans le pays toulousain du douzièmeau dix -septième ches des futaies. Les fleurs , les fruits , les tiges élancées ou capri
siècle. L'église des Jacobins en est le type le plus fier. Denos jours , cieuses s'élèvent, se pressent, s'enroulent mêlées d'oiseaux , d'insectes
les architectes ont peur de cette note cuivrée, ardente, qui portait ailés , d'écureuils et de serpents , dans l'architecture mondaine de la
dans le bleu du cielméridional, comme un son de clairon , des tours Renaissance. A la vivante peinture est réservé l'honneur de réu
enflammées. On recherche la brique pâle, on taille la brique, on la nir et d'animer ensemble des groupes de plantes , de terrains ,
fait jurer (0 ) d'édifices , des sites complets. On ne sait pas si les Grecs ont peintde
Le bronze aussi a eu son âge et ses triomphes dans les spirales des grands paysages. Les découvertes les plus récentes ne nous les mon
colonnes héroïques. L'avènement du fer ne date que d'hier . Il a trent peut-être pas assez familiers avec la perspective aérienne pour
trouvé son style dans les constructions industrielles contemporaines. qu'on puisse l'affirmer. Jusqu'à preuve du contraire , le style du
Prolige de l'art , noble renversement d'idées , l'or et l'argent n'ont paysage serait une création des temps modernes , dont les monu
pas atteint l'importance pittoresque de ces rudes métaux . L'orfè ments les plus considérables ne remontent guère qu'au Titien , au
vrerie indienne et persanne, merveille de goût, la sévère orfèvrerie Dominiquin , à Claude Gelée et au Poussin .
étrusque , telle que nous l'ont révélée les tombeaux de Corneto , toute Pour le style des bêles , la poursuite en a été soumise aux vicis
la ciselure de la Renaissance italienne et française mélangée denacre , siludes les plus curieuses. Tant s'en faut que nous soyons tou
d'iv oire, de perles, de pierres précieuses , montrent ce que le génie de jours allés en progressant. Ce sont tantôt des intermittences, tantól
Th omme peut ajouter à la valeur des plus riches matières , en décou des reculs bizarres , puis des progrès inattendus , dont les causes
vrant leur style ( 2) . seraient également intéressantes à rechercher. Du cheval d'Orient de
grande et de petite race , des reliefs ninivites et des frises du Par
thénon , il faut sauter aux chevaux de Géricault , des lions de Kors
L'entraînement du règne végétal a été plus lent. L'architecture ne Abad aux lions de Rubens , de Delacroix , de Barye (1 ) . Rome, la
l'emploie que peu à peu et avec réserve. Cependant , l'Egyple lui
grande Renaissance italienne , notre dix -septième siècle, n'ont pres
emprunle de nombreux détails pour la décoration des stèles et des
que connu que des chevaux et des lionsde cérémonie, bêtes hybrides et
plafonds des salles sépu.crales ; elle termine ses colonnes par le
paternes qui sont pour beaucoup dans les calomnies dont on accable
le style et les instituts. Les bæufs des frises du Parthénon repro
duisent les attelages superbes des scènes agricoles de Bab -el-Molouck
(1) La vapeur mettant à la disposition de tous la belle grisette des bords sans les éclipser ; quelques bronzes romains les rappellent plus par
du Rhône, n'y aurait-il pas, pour un artiste de talent, des ressources de la force que par l'élégance . Depuis lors , nous redemanderions en
neuve el joyeuse harmonie à fèler, sous notre soleil, la cinquième cin vain à l'artdes Flamands , des Hollandais , à la plupart de nos ha
quantaine du pimpantmariage accompli, sous Henri IV , entre la brique et biles contemporains , des portraits héroïques de ces puissants tra
la pierre ?
vailleurs. L'aigle du Capitole est un autre fait d'art saillant. Mais
(2) Je passe volontairement sous silence la Minerve d'or et d'ivoire de en somme , les Assyriens et surtout les Égyptiens ont idéalisé plus
Phidias el loute la statuaire chryséléphantine desGrecs, dontnous ne pou
de beles que les Écoles belléniques ou romaines et toutes les Écoles
vons parler que par ouï-dire . En réalité , ces décorations opulentes n'ont
modernes de l'Occident. Dans les estampages réunis autour de
pu avoir une grande importance que dans la Rome des Césars ou dans
l'imitation du temple de l'Ouest de Philæ , au Champ de Mars , les
la Rome moderne, centre de la catholicité ; les contributions du monde
types se complent par centaines. Le graveur , le sculpteur, l'orfèvre
étaient seules capables d'en faire les frais .Elles neméritent pas, d'ailleurs,
d'être signalées, au point de vue qui nous occupe. L'emploi de l'or, de
l'argent, des matières premières, est ici plutôt, en général, le signe de la
décadence que la révélation d'un effetartistique spécial, nouveau et supé (1) Ce dernier a plus ajouté à lui seul à la faune sculplurale que des
rieur. époques ou séries d'époques justement célèbres .
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des bordsdu Nil se montrent familiers avec toutes les espèces indi
teehnique, quand on réfléchit à des différences de dates qui se comp
gènes de la vallée du fleuve ou importées de l'Éthiopie et de l'Inde. tent par quarante et soixante siècles , de cette statue aux statues
Quelques -uns arrachent à l'ombre et à l'oubli jusqu'aux insectes. helléniques ou italiennes, il n'y a pas tellement loin que le génie plas
L'ouverture de la momie de la reine Aah -Hotep nous révèle , sans
tique doive beaucoup s'en enorgueillir. Cependant, entre ces euvres
nous dire son nom , l'enchanteur , le poèle du scarabée , des mou et les statues grecques, les différences restent fondamentales.
ches d'or , des sauterelles. Le goût le plus exigeant s'accommoderait Nous assistons dans le paradis de la Grèce à une émancipation , ou
encore de la parure d'une princesse qui vivait il y a 6,000 ans. D'un plutôt à une naissance, à la naissance de l'homme libre , libre à la
autre côté , dans l'Asie orientale , des arts inférieurs et de tradition fois de la servitude de la matière et de la servitude sociale des castes .
manouvrière , l'art japonais , l'art chinois , n'ont modelé et peint
Que l'art était pauvre dans sa richesse apparente , et qu'il était vide
que des bêtes fantastiques et chimériques. De combien l'art égyptien
avant l'apparition de ce génie de la terre ! c'est une fête pour l'âme
n'a -t- il pas dépassé toutes ces tentatives anciennes ou modernes humaine , avec la nouveauté , les élans, les fleurs, les chants , la joie
dans le discernement du style des animaux ?
des naissances . Le monde bat des mains et depuis il n'a pas cessé
d'applaudir . Désormais , tête , centre, roi de l'imagination , l'homme
Dès que nous touchons à l'homme, les fails s'éclairent et se simpli devient la mesure de la grandeur dans les arts du dessin , et tout
fient. Il y aurait ici un livre à faire ; nous nous contenterons d'en se proportionne à lui. Les dieux même concourent à cette hu
indiquer les têtes de chapitres. maine , universelle et harmonique efflorescence de la beauté. Le
point de vue religieux de la race, l'anthropomorphisme reste , en effet,
l'auxiliaire le plus puissant de l'art, rar la nature des choses en fait
Si nous revenons sur les bas -reliefs de Memphis , de Thèbes et de
une nécessité de la plastique . On aura beau changer de religion et
Ninive , l'art s'y montre bien plus avancé dans les lions , les che
monter vers la lumière ; la loi des artistes sera toujours de prendre
vaux, les bæufs et toute la faune élégante des temples et des hypo
au pied de la lettre , en l'appliquant au corps , la grande affirmation
gées, que dans la représentation de l'homme. Mais à peine entrons
divine écrite pour l'esprit : que l'homme est fait à l'image de Dieu .
nous dans l'évolution bellénique que celui- ci devient , en peu de
Laissons, Messieurs , ces prédestinés de l'imagination sculpter Jupiter
temps et pour toujours, l'objet le plus important des beaux-arts. En
et Minerve ; laissons-les suspendre Dieu le Père aux voûtes de la
s'humanisant , l'art grandit de cent coudées. Il est, à la fois, plus
Sixtine ; en 'peignant simplement la beauté humaine dans sa plus
attachant et plus déterminé dans sa marche . Une olympiade grec
noble gravité ou dans l'éclat de sa puissance , ils auront , suivant
que vaudra dix siècles des obscurs empires asiatiques .
l'expression d'un ancien , augmenté la religion des peuples (1).
Comment l'être idéalisateur en personne a - t- il pu , durant des
L'alliance intime entre le culte, la politique et l'art, les aptitudes
milliers d'années, percevoir et rendre la beauté des autres étres avant
du peuple, ses habitudes physiques, la beauté de son type, le parfait
d'arriver à rendre sa propre beauté ? C'est que l'homme n'est pas
équilibre entre l'idéal grec et les moyens ordinaires de la peinture et
seulement le terme parfaitde la série des êtres animés et le sommet ,
de la sculpture, une sorte de milieu divin , ont produit à un moment
difficile à saisir, de la génération des formes, sur notre glebe ; il est,
donné, dans ce petit coin du globe, un art modèle qui obsède légiti
à lui seul, un monde. En lui se consomme l'union du visible et de
mement l'imagination humaine . Par moments, il a conduit le monde
l'invisible d'une façon unique et plus haute , parce qu'elle emporte la
jusqu'à l'illusion de la satiété el de l'ivresse . Il n'a fallu rien moins
conscience de cette union . L'art n'avait donc pas seulement à
qu'une manifestation divine pour réveiller dans l'homme le désir in
déchiffrer et à atteindre sa perfection physique ; il avait encore à
fini. La Grèce, en effet, n'a point épuisé l'art. Le monde moderne a
poursuivre , en tant qu'elle se révèle par l'extérieur , l'expression de
eu sa Renaissance, époque justement nommée , non pas en ce sens
sa personne morale . Pour sculpter et peindre un homme complet ,
qu'elle aurait été le retour, la copie d'un age écoulé , mais parce
pour trouver toute la signification plastique de l'homme , il a fallu
qu'en appliquant les méthodes grecques retrouvées et mieux connues
dégager ce privilégié de la création de la poudre cosmique , constater
à un hommenouveau , au chrétien , elle a exprimé une autre nais
les deux faces de son élre el saluer en lui non -seulement le premier
sance .
parmi les êtres visibles créés , mais le libre confident de cette partie
Les quarante années du gouvernement de Périclės marquèrent
des secrets du Créateur qui importe à l'espèce humaine.
l'heure triomphale du style en toute chose, dans les édifices, les vête
Au milieu d'une population presqu'entièrementhiératique et immo
ments, les armes et jusques dans les ustensiles . Il était familier à la
bile , la statuaire égyptienne nousmontre bien , il est vrai, des images
vie publique et privée des Grecs et comme inhérent à leurs usages.
d'hommes. Dans les æuvres les plus remarquables de l'ancien empire
Pour le corps de l'homme, janiais on ne le mieux parler. C'est le
des collections européennes ou du musée deBoulaq (1 ), le vieux captif
règne de l'action oratoire dont l'action plastique fait partie. J'ima
de la terre et des doctrines panthéistes commence à se mouvoir ;
gine que, plus d'une fois, le style des attitudes a pu devenir un élé
quelques figures (notamment la statue en bois de l'homme quimar
ment d'influence politique chez un peuple aussi sensible à l'art.
che), manifestent déjà avec le mouvement et la vie , le sentiment de
Entendit-on jamais aussi bien son langage ? Il fut la note la plus
la proportion et du rhythme ; et même, au point de vue purement vibrante de la musique oratoire du théâtre et de l'agora , car il par
venait là où la voix même ne pouvait atteindre. Les Parisiens d'au
jourd'hui, les plus compréhensifs des auditeurs, seraient encore les
(1) Noler spécialement le roi Chéphren des grandes Pyramides, le per
barbares des Gaules auprès de la bourgeoisie d'Athènes savourant le
sonnage debout et en marche, statue de bois trouvée aussi à Memphis ;
un fellah demême provenance , les bras collés au corps et la jambe en rhythme du débit de Démosthène ou de Périclės.
avant ; les trois femmes pétrissant du pain , et, enfin , la statue d'albâtre Le peuple romain était plus positif et plus borné; la majesté ro
de la reine Améniritis , recueillie à Thèbes (Karnak), uvre élégante et
d'une grande pureté de formes . Voir également : le Combat de Séti Jer con
..

tre les chefs de Tchennou. ( Thèbes, Karnak , XIXe dynastie , dans l'ouvrage
( 1) Avant eux, el en essayant de réaliser directement leur idéal divin ,
de M. Prisse d'Avennes .)
l'Inde et l'Égypte n'avaient enfanté que de monstrueuses idoles.
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maine fut moins simple el sa gravité moins gracieuse. L'art, néan Créateur >> Vierge et mère , « non- seulement elle conserva la vir
moins, s'aida encore de la vie publique , assez pour que la statuaire ginité ,mais elle inclinait tous ceux qui l'approchaient à la pu
romaine reste empreinte d'une espèce de style du Forum ,moins uni reté (1) . » Nul type ne fut à la fois plus humain et plus divin . Sous
versel et plus politique , surtout imposant et måle . la dictée des Pères de l'Eglise, l'Athènes des temps nouveaux, Flo
L'allure passionnée des républiques italiennes du moyen âge ne rence , fit de la virginité de corps et d'esprit une fleur suave, dont le
lui fut pas non plus défavorable. calice posait sur la terre,mais dont les racines plongeaient dans le
En France , au moment où tout inclinait l'élite de la nation à le ciel. Mino de Fiesole, Fra Beato la sculptèrent et la peignirent les
mieux comprendre, une certaine raideur , quelque chose d'artificiel, premiers. Avec eux , après eux, nous avons imaginé, inventé , j'em
et comme un excès d'ordonnance habilla la grandeur du temps et la ploie l'expression parce qu'il n'y en a pas d'autre, d'après le type de
priva, extérieurementdu moins, de la spontanéité , de l'entrainement, la Sainte- Vierge , le style de la virginité . Derrière le portrait de
du naturel ; de telle sorte qu'entre elle et le style il y eût toujours l'Areopagite, j'entrevois des foules angéliques, des vierges, des enfants
l'épaisseur de l'étiquette. Dans les temps modernes, la vie publique divins, un ordre entier , inépuisable et admirable, un ordre inconnu
n'a guère de ces fortunes artistiques . Notre conception de la grandeur de la Beauté .
est plus spiritualiste, plus intérieure ,plus indépendante de l'expres Notre art a traduit aussi, à sa manière et dans son langage
sion plastique et théâtrale . Nous la développons d'ailleurs en d'au propre , tout ce que la science chrétienne de la douleur ,
Tres sens. Il n'y a plus de ces petites républiques de style que l'art puisée dans le Christ et dans sa mère , a ajouté de profondeur ,
n'est pas seul à regretter. Le style a eu pourtant ses rares moments de puissance , d'activité spirituelle, de sympaihie, de poésie, de
de révélation irrésistible. Que le président d'une assemblée violée par passion à la connaissance humaine. « La douleur, a dit un
l'émeule se découvre devant la tête sanglante d'un collègue portée au de ces grands anglais, convertis au catholicisme, qui nous apportent
bout d'une pique, on voit d'ici le style de son gesle ; en des temps l'indépendance d'aperçus et la richesse de caractère naturelle à leur
moins orageux , qu'un ministre, debout à la tribune, repousse d'une race , « la douleur est la substance de la vie naturelle de l'homme,
main superbe l'ardeur d'une opposition s'oubliant jusqu'à l'injure, on « et on pourrait presque dire sa na'urelle capacité de surnaturel...
croit voir le style de son dédain . Le ministre vit encore : celle atti « La puissance de l'artest dans le triste ... La poésie n'entre pas dans
tude impérieuse a marqué le pli de son éloquence ; il en reste quelque G
l'âme d'une nation ou n'y séjourne pas , si elle ne porle la douleur
chose sur sa personne et dans la dignité d'une vie qui honore l'his « avec elle.Glorifier la peine est une des plus haules fonctions...de la
toire interrompue des ministres responsables . « sculpture et de la peinture.... » Que sont les Niobides de Scopas
Grâce à un accord inoui de circonstances, à des dons rares , à l'ex ou de Praxitele , dans leurs attitudes éplorées ; le Laocoon ... à côté
cellence de leur méthode, les Grecs ont donc pratiqué l'art le plus du Christ triste jusqu'à la mort au jardin de l'agonie, ou de sa mère
simple et le plus parfait, le plus immédiatementconforme à la nature douloureuse debout au pied de la croix ? Le grand style de la douleur
des choses , le plus dénué de toul mélange avec des arts et des objets est bien réellement notre propriété, la conquête du sang divin .
étrangers. Ils ont conquis, ils ont retenu la palme du style . De ce Si étrange que cela paraisse, après le champ chrétien de la dou
côté, l'art moderne leur reste subordonné. Nous n'en avons pas moins leur, le champ chrétien de la mort a fourni sa riche moisson . Sur les
largement étendu , même en ce qui regarde l'homme, l'idéalisme hel monuments funéraires de l'aimable Grèce, on trouve à peine des
lénique. S'agit -il de la jeunesse et de la maturité de la vie de la allusions à la mort, des scènes d'adieux, des amis se serrant la main
beauté humaine dans la plénitude de son épanouissement? l'art grec comme au départ, des animaux de course symbolisant le voyage .
est sans rival. Mais nous avons mieux exprimé les deux termes de Plus affermi, plus assis dans la certiiude de la résurrection entière,
l'existence , l'enfance et la vieillesse. Donatello , Gamberelli , Luca l'artiste moderne entre dans le vif du sujet. A partir du quinzièmesiè
della Robia ont créé des enfants de style divin , plus vivants , plus cle , la série des statues couchées sur les tombeaux révèle le style de la
souples, plus naïfs, plus enfants ; ils ont donné davantage à l'enfance mort. Sous ces faces muettes , un ariaudacieux a saisi la lueur ſugi
son allrait propre, pendant que Michel-Ange, lui, ajoutait une puis tive d'Idéal que l'âme projetle, au passage , sur le compagnon de sa
sance que Lysippe eût admirée et qui fait oublier tout ce que l'anti roule, et il nous fait deviner , au delà du visible, plus de vie que
que a pu dire d'Hercule au berceau . Que ne doit pas au grand n'en ont vécu sur la terre tous ces personnages illustres ou inconnus
Buonarotti l'idéal nouveau ? le Moïse , les prophètes, le Père-Eternel qui, mourant dans la foi, ont paru seulement mourir .
de la Sixtine, les statues couchées de la chapelle des Médicis inaugu La source de ces nouveautés est la même, unique et purement
rent cette vieillesse moderne, âge idéal, aussi libre d'allure que la chrétienne, si bien que, vu de haut, l'art moderne n'a qu'un nom ; il
maturité, superbe de force accumulée, porlant vaillamment le poids s'appelle , à lout jamais, l'art chrétien .
de la vie résumée dans la peine et l'ascension , noa dans la jouis Bien que l'art grec, à son déclin , ait essayé quelques portraits et
sance. Semblables à leur auteur , ces vieillards terribles sont plutôt que les Romains nous en aient laissé de très-beaux, la predominance
apaisés que pacifiques , et leur sérénité vigoureuse s'éclaire , dans de la téle humaine et du portrait dans la peinture, son importance
leur paix conquise , de reflets d'orage . nouvelle dans la sculpture sont, en grande partie, dues à la même
Les Athéniens ont connu et adoré la chasteté, la virginité dans la origine . Qu'il y songe ou qu'il l'oublie, l'artiste né et élevé dans un
grande déesse qui avait nomméet qui protégeait leur ville. Leur art, pays chrétien , ful-ce avec plus de livres, d'idées el d'ouvres anti
toutefois , n'a traduit ces idées que par leur caraclère extérieur de ques, que d'auvres chrétiennes, ne peut s'empêcher de considérer
fierté intacte qui n'est que la dignité de la nature. Voici le portrait dans tout visage d'homme « une têle consacrée » éclairée des lumiè
dune autre vierge pleine de grâce, « sculptée par Dieu niême dans res de la Rédemption. Son æil fixe en lui , à travers le voile et les
toute sa perfection , » suivant l'expression de saint André de Jérusa - accidents du milieu terrestre , le corps spirituel et glorieux que saint
lem . Saint Denis l’Areopagite , qui l'avait vue , disait d'elle : « Les Paul a nommé. L'art antique n'a rien de comparable aux transfi
hommes , sous l'impression de sa beauté , tomberaient à genoux , si
je ne sais quoi de pur et de céleste en sa personne ne détachait
d'elie pour élever l'esprit et le cæur à la pensée et à l'amour du ( 1) Saint Ambroise .
117

gurations d'hommes qui donnent depuis cinq cents ans à notre art hardies qu'ils n'ont pas connues . Les révélations de la formene sont
un intérêt si pathétique et si présent. L'avénement du règne de elles pas, d'ailleurs, variées et graduées ? Celles que nous travaillons
l'espèce humaine distingue l'art hellénique de l'art indien , assyrien , à élucider et à traduire, depuis des siècles , ne sont-elles pas plus
égyptien ; l'avènement du portrait distingue notre art de l'art des hautes ? La langue universelle de l'art se forme peu à peu . L'Attique
Grecs. C'est leur différence fondamentale. Les types de la statuaire n'en a -t- elle pas écrit la grammaire avant qu'elle ne fut aehevée ?
sont, chez eux , des portraits de race ; nos types sont des portraits Nous l'avons vu , les Grecs n'avaient point épuisé le clavier plastique
d'homme. Il y a plus d'âme et de pensée dans une tête de Michel de l'homme ni, sûrement, celui de la nature.
Ange, dans un portrait de Raphaël ou du Titien , que dans l'auvre Mais que devient le style dans ces recherches idéales du côté
grecque tout entière. humain le moins directement accessible aux arts de la forme et à
Après que le torrent de la sève spiritualiste et chrétienne eut en l'instrument plastique ?... L'Italie, la France , l'Europe ont pronvé
vahi à ce point les créations des artistes, comment s'étonner qu'on qu'il était compatible avec une plus grande abondance de vie supé
ait pu penser, sans trop l'oser dire , de la magnifique statuaire grec rieure (1) , avec une expression plus variée, plus étendue , plus
que, prise en masse, qu'elle avait l'air bête ? Le bel Antinous, non élevée, plus sympathique , plus complète de l'âme et des passions
plus que Jupiter lui-même, n'a l'air intelligent (1) ; et, si nous humaines . L'architecture, la sculpture et la peinture ne nous de
examinons, à ce point de vue, un de leurs chefs-d'œuvre les plus vraient-elles que les accroissements de l'idéalisme indiqués précédem
authentiques et les plus intacts, la Vénus de Milo , nous trouverons ment, notre amour d'infini n'eut pas encore été si malheureux dans
à sa superbe quelque chose de borné. Il est certain que nous nous ses applications, aux arts de la forme.
faisons aujourd'hui une autre idée de la miséricorde du divin , ou A recopier les Grecs, on ne satisfait pas l'âmemoderne...
seulement de la sérénité dans le triomphe des grandes natures hu Ce qu'ilfaut retenir d'eux , à tout prix , c'est leur méthode, méthode
maines. féconde dont l'application est indéfinie , et qui, loin d'emprisonner
Je suis loin de penser d'ailleurs que nos ambitions chrétiennes l'artiste dans des types convenus, l'aidera toujours à être neuf. Ils
aient rendu l'art plus facile. En se penchant avec les autres facultés avaient devinė d'instinct la relation , si peu éclaircie scientifiquement,
de l'âme sur la trouée lumineuse ouverte par le Christ dans le monde entre le caractère des phénomènes de vision et leur adaptation spéciale
invisible, l'imagination a semblé parfois s'y précipiter. De là, parfois au but de l'art. Leur manière était admirablement conforme à la na .
aussi un art compliqué, démesuré, subtil, obscur. Heureux artistes ! ture synthétique des impressions de l'organe qui perçoit les formes,
pourrions-nous dire des artistes antiques , on ne leur demandait que de l'imagination qui les emploie, de la mémoire qui a besoin de les
le style et la beauté directement réalisable par le style. Ils n'étaient simplifier , de les réduire à l'unité, de la raison qui les rattache à un
assiégés que par des images ! exemplaire. Le soleilmême avait été le précepteur de l'oeil oriental et
Qu'on se figure, au contraire, un artiste contemporain à hau des merveilleuses facultés innées d'une race merveilleuse. Vu au grand
teur de la culture intellectuelle du dix -neuvièmesiècle : il est assiégé soleil, dans leur pleine et sereine lumière, à une distance normale,
par des idées. De l'âme ! des âmes ! toujours plus d'âme: lui crions un objet se grave fortement par les plans principaux d'ombre et de
nous à l'envi. Vainement s'en défendrait -il, malgré ses prétentions lumière, avec une clarté qui s'impose. Les demi-teintes, les dé.
de positivisme et de dédain transcendant, jamais homme ne fut tails, les accidents s'éliminent d'eux-mêmes pour laisser parler la
plus inconsidérément altéré que l'homme moderne d'âme, d'infini ! forme générale et caractéristique , le soleil les dévore, l'intention de
Jamais hommene voulut, avec une plus insatiable ardeur , échapper la nature se manifeste avec évidence. L'alphabet plastique putdonc
à la matière et se rapprocher de l'idée, de l'idéal, de Dieu . Et, peut se lire à livreouvert, en Egypte comme en Grèce . Les caractères qu'on
être , ceux- là qui,passant le Rubicon de l'inviolable patrie des âmes, avait sous les yeux étaient superbes, les mots décisifs se formerent
ont résolument absorbé Dieu dans l'homme, peut-être , ceux-là ne d'eux-mêmes, sous l'ail clairvoyant des élèves qui devinrentainsi
sont- ils que les désespérés de la soif éternelle , éloignés du puits des les précepteurs naturels du reste du monde .
eaux vives par l'énervement de l'âme et l'orgueil de l'esprit, égarés Contre les tendances du spiritualisme trop absolu des rbrétiens, la
par des mirages, perdus dans les sables du désert sans issue ! L'artiste méthode grecque se présentera naturellement comme un obstacle , car
est de son temps ; il se sent en secret notre complice ; lui aussi, il est elle amène infailliblement au style, et le style est la pierre de tou
séduit, entraîné par les âmes. Il poursuit avec passion toutes les che des inspirations vraiment plastiques. Pour qu'un sujet convienne
expressions de l'âme individuelle ou générale, par dessus la forme. aux artsdu dessin , il faut qu'il ait des qualités palpables : la plus
Histoire, littérature, sciences, morales, sociales ont envahi son éminente de ces qualités étant le style , chaque fois qu'il ne suffira
domaine. Il le quitte à chaque instant. Le champ des beaux - arts est pointà donner au sujet sa puissance d'expression , l'artiste devra s'en
pavé d'enclaves où il croit marcher chez lui, ayant les pieds sur un défier et le renvoyer, le plus souvent, à d'autres arts, à d'autres
sol étranger. L'ambition de la science universelle a encore ici tout sciences, à la musique, à la poésie, à l'histoire, à la philosophie , sui
mélé sans avoir ordonné jusqu'à présent. Nous payons, du prix de la vant qu'il trouvera dans ces divers modes de mise en valeur de la
sérénité, l'abandon des lois que le génie grec de la limite avait mar pensée humaine sa traduction naturelle .
quées avec une précision aussi sûre que le contour d'un temple ou Qu'il se pénètre aussi de ce te idée que la langue plastique s'adresse
d'une statue. Nous en codlåt-il davantage , nous ne marchanderions avant tout à l'imagination . Reine des arts de la forme, celle -ci doit
point. Nos glorieux ancêtres de la Grèce ont voulu enfermer la plas aussi être la reine de l'artiste, reine obéie avec amour. A la diffé
tique dans ses frontières les plus naturelles ; ils l'ont voulu et ils l'ont rence des autres hommes, il doit penser , parler, exposer en images
pu sans effort. Nous essayerions vainement de rétrograder pour l'y ou en figures. Les lois primordiales de son ordre sont les lois de l'ima
contenir. L'âme nous importe davantage , « cette haute partie d'elle gination ; non les lois de la raison . C'est ici plus que jamais le cas de
même qui ébranle tout le reste » excite l'imagination à ces démarches répéter : « la raison a beau crier, elle ne peut mettre le prix aux

(1) Dominé ou dominant par l'intelligence . ( 1) La vie dont il a écrit : Ut vitam abundantiùs habeant.
15
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choses. » Voilà pourquoi le style se montrail à nous, dans les essais de saint Augustin , où ce grand homme renferme les principaux traits
grandioses des premiers arts, indépendant, dans une mesure notable, de la beauté du Christ : « Que partout il se montre à notre foi dans
de l'exactitude matérielle. Il ne l'estpas moins des conditions histori « sa beauté... beau dans le ciel, beau sur la terre, beau entre les bras
ques, des conditions dramatiques du sujet. Tel personnage, dans une « de ses parents , beau dans ses miracles , beau sous les coups de
scène pathétique , offre une signification morale insuffisante ; celui-ci « fouet, beau , nous invitant à la vie, beau , méprisant la vie, beau
est vēlu en Romain , dans un sujet hébreu ; au nom de l'histoire et de « dans le sacrifice , beau dans la résurrection, beau sur la croix , beau
l'âme, vous vous détournez , vous vous récriez ; un artiste s'arrête et a dans le sépulcre ! » Mais on objecterait peut-être que saintAugustin
salue dans ces êtres grandioses, mal en scène , le phénomène primiti n'est qu'un platonicien converti , et il rentre davantage dans le plan
de la beauté. Voilà une belle personne, mais on dit d'elle, dans le de ce discours de remarquer qu'avec le style , nos maîtres modernes
monde, qu'elle n'a pas d'expression ; dans l'ordre moral affectif , il et chrétiens ont fait de beaux Christ en croix , de beaux Spasimo , des
semble , en effet, qu'il y ait peu à apprendre et à retirer d'elle . Pieta sublimes.
Avons-nous le sens plastique ? Nous reconnaitrons, cependant, que Où sont, en tout ceci, les bornes du réalisme, et que devient, de
sa vue est un bienfait. vant l'histoire et l'analyse , sa grossière conception des arts du des
C'est encore dans le style qu'il faut chercher la solution des équi sin ? Ce n'est pas de lui qu'ils ont pris naissance, ce n'est pas par lui
voques familières à l'ancienne critique française sur l'action morali qu'ils sont devenus la parure de la grandeur humaine ; grâce à Dieu ,
sante des arts de la forme, sur l'emploi du nu et sur l'exagération ce n'est pas vers lui qu'ils doivent tendre. Limite-t-on l'art aux au
des droits des influences externes religieuses, politiques, philosophi vres , même les plus célèbres , des écoles et des peintres réalistes ?
ques, à gouverner despotiquement les beaux - arts. nous sommes tentés aussi!ôt d'appliquer à leurs auteurs celte apos
L'action morale des arts n'est point directe , ce qui revient à dire trophe du Coran : « Croyez - vous donc que c'est pour plaisanter que
qu'ils ne sont point de la morale en action . Mais ils contiennent la Dieu a créé le monde ?... (1) » Nul ne conteste , d'ailleurs, la valeur
morale en puissance, parce qu'il ne se peut pas qu'une faculté de du réalisme, pourvu qu'il soit défini et circonscrit. De tout temps,
l'âme bien dirigée aille contre le but de la vie humaine, l'édification , il a été un instrument d'étude et de contrôle . Le style et l'idéal de
l'élévation , le progrès en tout sens. Un artiste médiocrereprésentant vant être pris du vrai, qui a songé jamais à rechercher la loi de la
un trait de dévouement peut faire pleurer des enfants, toucher une forme telle qu'elle doit être, sans copier patiemment la forme telle
foule, et la convertir directement par l'exemple. Il n'y a là rien de qu'elle est ? Mais le génie plastique de l'homme a anticipé cette loi
propre à l'art; la vue matérielle de l'acte, un conte écrit eussent pro de beauté sans attendre les vérifications réitérées de l'expérience. Les
duit le mêmerésultat. Pendant que le public vulgaire s'émeut, l'élite , choses ne se passent pas autrement dans l'âme de l'artiste qu'elles
le public des arts, les artistes, passent en disant: ceci ne nous regarde ne se sont passées dans l'histoire. Les voyants, les forts, apportent
pas. Mais qu'un vrai peintre traite le sujet le plus indifférent à la avec eux le don , la faculté de divination qui s'élend, s'aiguise et s'af
morale, aux passions, au sentiment ,qu'il personnifie sa source, par fermit par la culture ; ils ne demandent au réalisme que ce qu'il est
exemple, il peut nous transporter, nous faire perdre terre, nous dans sa nature de donner. On ne peut pas plus se passer , qu'on ne
élever à des hauteurs, dans des régions où le Beau touche le Bon ; peut se contenter, de l'imitation . Les hommes de talent qui,de nos
où l'âme ravie repousse le Laid comme le Mal, admirant, adorant jours, ont soutenu bruyamment le contraire, ont forcément infligé
quelque chose par delà l'image, par delà l'artiste . Une telle secousse dans leurs propres cuvres, plus d'un démenti à leur doctrine . Si
ne se donne pas, un tel effet ne se produit pas sans le style. leurs extravagances ont soulevé une opposition d'abord peu libérale
Il en est de même de cette question de l'emploi du nu dans les dans ses procédés, c'est que, combattant en révolutionnaires , ils affec
arts, si fort grossie dans tous les temps et pourtant secondaire. « Le taient des allures violentes et prétendaient à l'omnipotence . Il est
nu est un langage merveilleux ou détestable, qui corrompt aussitôt permis de croire que le mode de résistance employé contre eux a
qu'il n'élève plus (1) . » Pour tout être douédu sens plastique, c'est contribué à grossir leurs partisans , et l'on se demande aujourd'hui
au style à rendre le nu salubre. Les Grecs païens adorant le corps, si on n'a pas exagéré le danger de tels paradoxes. Car , riche de tout
que le christianisme nous enseigne à porter avec tant d'honneur, le passé, notre idéalisme a surtout horreur de l'appauvrissement; il
mais avec tant de défiance , nous ont laissé des nudités dont les réclamedes nouveautés, mais il n'a jamais tant répugné à la misère.
chrétiens proclament la chasteté. L'art crée un état idéal « d'indé Et, pour tout dire d'un mot : au jugement des anciens comme des
modernes, s'arrêter au réalisme, c'est rester élève.
pendance physique(2) » et de décence héroïque. Au moyen du style,
l'artiste peut, en effet, nous sauver de l'homme inférieur, de la bête Les maîtres, joignant à l'analyse et à la science l'instinct anté
et réveiller l'ange. D'autre part, le nu n'est pas si nécessaire à la rieur et supérieur de la reconstruction et de la synthèse , montent
peinture et à la sculpture que Raphaël, André del Sarte , Poussin et seuls les degrés du style et de l'idéalisation . Le dernier denos stylistes ,
d'autres ne soient arrivés à rendre, avec des personnages vêtus, des celui d'entre les Français qui a fait au portrait l'application la plus
effets analogues à ceux que lesGrecs derpandèrent, sur la fin du règne haute de la méthode etdu goût antiques, Ingres, se montrait un pro
de Périclės , au corps sans voile. fesseur très -réaliste devant la nature, mais il avait parfois des accès
Enfin , des écrivains ingénieux, exagérant des remarques qui ont d'idéal, et il enseignait alors avec autorité comment on atteint le
un fonds de vérité et une importance réelle sur la diversité du point style. Entrant un jour dans son école , il s'arrêla brusquement de
de vue religieux des anciens et sur le nôtre , ont été jusqu'à vouloir vant le carton d'un élève : « Que faites -vous ? Cette figure est hor
brouiller le christianisme avec la beauté. Que n'ont-ils pas dit sur
cet idéal de supplicié mis en croix que nous adorons, et qui eût ré
volté le goût attique ? Nous pourrions leur répondre par un passage ( 1) On serait tenté de leur adresser celle invective , si l'art était borné
à ces æuvres, ou si leurs auteurs ne rachelaient pas la basse condition du
réalisme de la forme par des conquêtes, par des révélations, parfois écla
(1) Ch. Levesque : l'OEuvre païenne de Raphaël tantes, de qualités moins souveraines que le style , mais ayant encore la
(2 ) Ch. Levesque, ut supra . valeur d'un élément dans les beaux -arts.
119

rible ! Elle est laidedans le modèle, objecta l'étudiant. - « Laide ! sensible de notre communication avec lui : recherchez le style , re
cherchez l'idéal.
On est artiste ou on ne l'est pas ; regardez -là commemoi, je la vois
belle ; je suis artiste . » Et lui prenant le crayon des mains , il Cet idéal, l'atteindrons -nous jamais ? Qu'importe ? C'est une loi
mit vivement en saillie le rudiment debeauté obscurci dans la figure d'esthétique, comme de morale pratique et de balistique, de viser
par des accidents insignifiants : toute la salle la voyait belle... plus haut que le but, pour s'en rapprocher le plus possible. Idéali
Tirer la beauté de la nature et d'eux-mêmes, pour l'usage des au sons, Messieurs ! c'est surtout aux académies à répéter ces exhorta
tres hommes , tel est, en effet, le rôle des vrais artistes. Ce n'est pas tions courageuses. Si nous ne pouvions aspirer à l'idéal et y chercher
vainement que nous les appelons des maitres, c'est- à -dire les institi un refuge, que nous servirait de peindre, et de sculpter, et d'écrire ?. .
teurs de la Beauté . Nous avons le droit de leur dire : la beauté éclate il ne vaudrait pas la peine de vivre !
surtout par le style, c'est l'élément principal du dessin et des arts du J. BUISSON .
dessin , c'est l'instrument par excellence de l'idéal, le signe le plus

CARTES A JOUER ANCIENNES.

Le treizième et le quatorzième siècles, épris demélaphysique Mais de même que le livre en tuant le manuscrit, avait im
et d'allégories subtiles, passionnés pour le quintessencié jus mobilisé pour longtemps les types des caractères et des vignet
ques dans leurs amusements, avaient inventé les ingénieuses tes , de même la carte imprimée immobilisa relativement les
combinaisons des Jeux de Tarots, où les figures et les devises, types et les jeux . Si l'imager avait pu, à chaque série de tarols
tracées sur le velin , formaient les termes de problèmes que qu'il peignait, modifier les figures et la marche même du jeu ,
devait résoudre moins le hasard que la sagacité des joueurs, il ne put pas lesmodifier aussi aisément lorsqu'il eut à se servir
et dont la solution avait toujours un sens moral. demoules ou planches gravées que l'élévation du prix ne per
Les beaux tarots à fonds d'or et à miniatures, ou ceux mettait pas de renouveler souvent. C'est même peut- être là
même d'un travail moins précieux , exécutés à la main , qu'il faut voir, non -seulement la cause principale da la persis
étaient des auvres d'art d'un prix trop élevé pour que les jeux tance des types des cartes et de la marche de certains jeux ,
auxquels ils servaient fussent jeux de vilains. mais encore le motif qui a fait longtemps attribuer l'invenlion
Les imagers, que leur exécution enrichissait, s'ingéniaient à des cartes à jouer au règne de Charles VI.
les varier , et cette recherche dans laquelle chacun s'efforçait A cette époque, à peu près, remontent les premiers essais
d'inventer , était favorable aux curieuses combinaisons, autant d'impression et l'origine du jeu de piquet. Les premiers mou
qu'au progrès de leur art. les gravés furent dessinés d'après les costumes du temps el
Mais on dut songer au grand nombre, à la multitude qui pre selon les règles du nouveau jeu ; le bon marché relatif des
nait goût aux nouveautés... Les écoliers en leurs universités, nouvelles cartes en répandit l'usage et popularisa le jeu ; l'in
les soudards sous la tente, au corps- de - garde ou dans les térêt des tarutiers ou cartiers à ne pas renouveler leur moules ,
tavernes , les marchands, les gens de toute robe en leurs inté arrêta les types et la règle.
rieurs, délaissaient volontiers les dés pour les tarots, d'une Plus tard , d'après ces types et sur la foi des chroniques , on
installation plus facile que les échecs, d'un jeu moins savant, ne data l'invention des cartes à jouer que de quelques années

et qui, toutefois, laissait peu au hasard . Il fallaitmultiplier les avant cette fixation de formes, ce qui est exact pour les cartes
exemplaires des tarots en raison du nombre des joueurs et de du jeu de piquet.Mais celles de tarot, véritables modèles de ces
leur fortune . cartes, étaient en usage bien avant celte époque ; certains au
Déjà , les imagers avaient inventé de reproduire à l'aide de teurs ne lescroientmêmepas d'origine française. Il n'en serait
la gravure en taille de bois, les contours et les traits des orne pas de même des cartes et du jeu de piquet qui semblent bien
ments ou des figures qu'ils prodiguaient dans leurs œuvres. nous appartenir, quoiqu'ils soient seulement unemodification
L'impression de tarots fut, sans doute , une des premières ap des tarots dans le sens des opérations de la guerre, selon

plications de leur invention , et devint l'une des origines de diverses interprétations.

l'imprimerie . Il est certain que dès la première moitié du Celte modification fut admise , dès le quinzième siècle , chez
quinzième siècle, les Allemands faisaient un grand commerce les Allemands et les Espagnols. Mais, au lieu de nos couleurs,
de cartes à jouer imprimées . les premiers adoptèrent le Lapin , pour le Carreau ; pour le
120

Cœur , le Perroquet ou Papegeai ; ils remplacèrent le Pique types primitifs (1 )... Sur le moule à imprimer de M. Ducos,
par l'Eillet ; le Trèfle seul fut maintenu. Plus lard , ils eurent par exemple, les costumes rappellent les premiers temps du
le Grelot, leGland ou Vert, le Cour et le Trèfle règne de Louis XII ; ses cartes, par trop incomplètes malheu

Les Espagnols substituèrent à nos couleurs les Calices, reusement,ne sont pas de beaucoup postérieures.
Copas ; les Épées, Espadas ; les Deniers, Dineros ; les Bâtons , Lebeau moule appartenant à M. Baldeirous, d'une complète

Bastos . Comme les Allemands, ils adjoignirent quatre Cavaliers conservation , est évidemment moins ancien ; ses détails accu

aux quatre Valets, et, comme eux, ils supprimèrent les noms sent une transition des vieux types peu modifiés depuis Char

que nous donnons aux Rois, à leurs Dames , et à leurs ser les VII, à des types plus modernes. Le roi d'Épée, le roi de

vants . Båton ont encore la figure entièrement rasée comme aux pre

Cependant, ces modifications à notre jeu de piquet ne fu miers temps de l'invention du jeu ; mais la barbe des autres

rent pas aussi exclusivement nationales que l'ont avancé nos rois indiquerait les temps postérieurs à François (er , lors-même
que leurs coiffures et leurs costumes, aussi bien que l'armure
auteurs. Les planches que nous publions prouvent que les cou
leurs espagnoles eurent cours aussi en France , au moins dans du cavalier d'Épée, l'ajustement des Dames, et la forme des

le Midi, à la fin du quinzième et pendant le seizième siècles, lettres ne désigneraient pas une époque voisine du dix -sep
tième siècle...
principalement.
Le moule, dont nous devons la communication à M. le doc Il serait superſlu d'entrer ici dans des considérations au
sujet de l'adoption des cartes espagnoles en France , et des
teur Ducos, ne présente , il est vrai, d'autre indice d'origine
française que les fleurs de lys des couronnes des rois ; mais motifs qui en répandirent l'usage, au moins dans le Midi.
D'un autre côté, assez d'auteurs ont étudié le sens allégorique
une des cartes retirées par cet amateur éclairé de sous la ser
de leurs couleurs pour que nous évitions de nous lancer dans
rure d'un meuble gothique , est chargée d'une devise fran
des interprétations nouvelles ou dans des redites.
çaise.
Nous n'avons pas la prétention de faire un historique de
Sur le moule appartenant à M. Baldeirous, chaque figure
l'origine des cartes à jouer, à propos des planches que nous
porte sa désignation en français.
publions. Ce n'est pas que le sujet nous paraisse d'un moin
Dans ces trois séries , dont les couleurs sont évidemment les
dre intérêt que beaucoup d'autres chers aux archéologues .....
mêmes ,deux sontentièrement françaises ; la troisième, trouvée Mais cette histoire a donné lieu à tant de controverses, que,
dans notre région , l'est aussi probablement.
n'ayant pas d'éléments nouveaux à introduire dans la question ,
Ces documents suffisent à établir que les coupes , les épées,
il nous parait préférable de nous abstenir et de signaler seule
les deniers et les bâtons des cartes espagnoles, comme leurs ment les solutions secondaires que nous octroie la providence
cavaliers , ont été en usage de ce côté des Pyrénées . des chercheurs .
L'as de denier, Douro , trahit l'origine espagnole du jeu B. DUSAN .

puisqu'il porte les armes de Castille, Léon , Aragon et Gre


nade ; mais les fleurs de lys des coiffures royales sur l'un des
( 1) Les deux moules à imprimer sont des planches de bois de cormier ou do
moules, la devise et les noms en français des autres cartes
prunier, épaisses de 4 à 5 centimètres , sur lesquelles les traits se déta
témoignent d'une fabrication française . chent en relief très-accentué, comme le nécessite la gravure en taille de bois,
Après ces indications, il faudrait signaler encore celles que seule pratiquée jusqn'à l'invention de la gravure sur bois debout. Le moule de
M. Baldeirous a été reproduit tel quel dans nos planches ; celui de M. Ducos a
fournissent nos planches pour l'histoire de la gravure sur bois
été divisé en deux , afin d'éviter que le pli du papier ne cachât une partie du
et pour celle des modifications apportées aux costumes et aux dessin .

L'espace nous manque pour insérer une lettre de M. Henri Poydenot, annonçant la découverte d'un cimetière à silex et à poteries gallo
romaines , à Luchon .
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DES CRYPTES D'APPROVISIONNEMENT

A PROPOS DE TROIS SOUTERRAINS DE SAINT -PAU (LOT -ET-GARONNE).

A Monsieur Aug. Capgrand département de Lot- et-Garonne; qui, par le canton de Mézin ,
touche au département des Landes avec lequel il finit par
Mon cher ami, s'identifier complétement, autant par la nature du sol que par
En me séparant de vous, après quelques jours passés dans ses cultures. Le vaste manteau de sable rejeté par l'Océan , qui
la plus complete intimité , sur le domaine de Saint-Pau dont recouvre , en s'étendant au loin dans les terres, le littoral

vous veniez à peine de prendre possession , je m'engageai à aquitanique , se continue en effet jusqu'à la courbe que décrit
la Baïse à travers les gracieuses collines de ce pagus qui
vous faire connaitre mes appréciations sur les trois souterrains
taillés dans la roche vive , qui nous avaient été signalés près relève de Nérac, un peu avant que l'humble, mais fertilisante

du vieux manoir, et que vous veniez de faire déblayer pour rivière ne gagne la grande vallée de la Garonne et ne vienne so
donner satisfaction à ma curiosité d'archéologue de ces temps perdre dans le fleuve pyrénéen .

préhistoriques dont l'étude, à peine commencée, sera pendant Cette couche de sable siliceux, fin et brillant, repose tantôt
bien des années encore enveloppée d'épaisses ombres. Vous sur un sous-sol d'argile tenace, tantôt sur l'un de ces calcaires
le savez , si ma foi en l'ancienneté de l'homme, bien plus étagés qui, dans l’Agenais, présentent de si larges et de si cons
reculée qu'on ne le pense ordinairement, reste inébranlable , tants horizons géologiques . (1)
il n'en est pas demême de la valeur que j'accorde à une foule Là où les sables se trouvent modifiés par les roches sous ja
de preuves invoquées pour en fournir la démonstration . On centes (argile ou calcaire ), le sol acquiert une suffisante ferti
s'est fort souvent trop hâté de conclure en interprétant des lité qui permet les cultures champêtres : on y cultive du blé
faits incomplétement connus et en invoquant des hypothèses pour une petite pari, du maïs et du mil ordinaire, ainsi que
qui n'étaient qu'ingénieuses. celui d'Italie ; la vigne y prospère. Ces terrains priviligiés cons
C'est là ce qui est arrivé, ce me semble, quand on a voulu tituent comme autant d'îles ou d'ilots, disséminés dans la vaste
fixer la date et les attributions de cette classe de soulerrains fôret à laquelle la contrée semble appartenir. Ce sont, après le
creusés de main d'homme, dans laquelle rentrent les trois pin maritime, trois chênes qui y règnent en souverains; le Su
cryptes de Saint- Pau . rier ou chêne-liége, le chêne Tauzin et le chêne blanc se disputent
Si l'on en croyait certains archéologues, ces galeries, qui
l'espace , tantôt séparés par essences, tantôt croissant dans un
accusent incontestablement un certain art, remonteraient jus pêle-mêle qui a sa grandeur . La végétation de ces beaux arbres
qu'à l'âge de la pierre polie , c'est- à dire à cet âge encore étran et jusqu'à celle des arbustes communs y est des plus vigoureu
ger à l'usage des métaux . D'après d'autres , il faudrait beaucoup se; l'abondance du bois s'y trouve extrême, ce qui permet de
rabattre de cette haute antiquité, et se contenter de les rappor se montrer généreux à l'endroit des arbres de belle venue: il y
ter aux XIIe et XIIIe siècles de l'ère actuelle . Il y a donc in a en grand nombre de séculaires, qui sont considérés com
un très grand intérêt à accumuler les recherches sur ces CU me des titres d'honneur pour les propriétés qui les possèdent.
rieux monuments si longtemps négligés par les savants. La Le château de Saint-Pau est très heureusement posé sur une
science vous sera reconnaissante du zèle que vous avez mis légère éminence que couronne le calcaire marbré supérieur. La
à rendre accessible aux investigations ceux qui sont aujourd'hui roche solide, qui sert ici de moëllon , forme un ressaut naturel
votre propriété et que vous vous proposez de conserver avec qui a été converti en terrasse toutautour du vieux manoir . Ce
un très-grand soin .
Permettez -moi, avant de les décrire, d'arrêter un instant
(1) Ces calcaires ont été formés sous les eaux douces, ainsi que
mes souvenirs sur la localité qui les recèle, sur le petit pays le prouvent les intéressantes coquilles fossiles qu'ils recèlent.Ils sont éla
qui est le vôtre, dont le séjour de Paris n'a pu vous détacher gés et séparés par des zones plus ou moins puissantes de molasse . Le
premier ou le plus inférieur, qui apparait aux bords de la Baïse, à Né
et que vous avez su me faire aimer. Ce sont mes notes de rac , à Vianne, etc., est blanc ou légèrement jaunâtre ; l'intermédiaire,
voyage que je transcris en les abrégeant. sans préjudice de quelques autres moins importants, est gris plus ou
moins foncé ; l'un et l'autre sont lacustres. Le supérieur, plus argileux
Saint-Pau , paroisse avant la Révolution , aujourd'hui annexé que lesdeux autres, est souventmarbré de jaune : il est d'origine flu
à la commune de Meylan , appartient à ce coin exceptionnel du viale, el couronne les hauleurs, 15
- 122

lui-ci consiste en une sorte d'enceinte commençant par une fer C'est ainsi que les souterrains de la Vendée, de Tarn-et
mė, limitant une premièrc cour spacieuse , encadrée par les bâ Garonne, du Tarn , de la Haute -Garonne et du Gers , se mon
timents de l'exploitation ; puis vient la cour d'honneur au de trent plus compliqués et d'une ordonnance bien plus variée de
vant du château , grande maison sans caractère , du 170 siècle. l'un à l'autre. Tout en restant conformes à une donnée pri
De ce point on jouit d'une vue fort étendue, mais l'horizon a
milive et en quelque sorte typique, on y constate une part plus
une teinte invariable d'un vert sombre ; il n'y a d'appliqué aux grande laissée , ce semble, au goût ou peut-être aux besoins de
cultures champêtres que les environs immédiats du château :on ceux qui les établirent.
dirait une de ces primitives abbayes créées au moyen -âge, au Le plan général adopté et l'ordre architectural admis , si l'on
milieu des forêts de notre vieille Gaule .
peut s'exprimer ainsi, consistent en des entrées, – habituelle
En réalité, ces bois de pins et de chênes sont eux aussi de ment il n'y en a qu'une, - fort réduites, faciles à déguiser à
grandes et productives cultures , et avant tout une inappréciable l'extérieur, à descente rapide, en des couloirs ou galeries étroi
conquête obtenue sur les sables mouvants de l'Océan , qu'ils ont tes, rectilignes, à direction souvent brisée en zig -zag , et dont
arrêtés dans leurmarche conquérante . Qui pourrait dire jusqu'où le plancher conserve rarement le même niveau. La voûte est
leurs envahissements se seraient étendus s'ils n'avaient été fixés ordinairement taillée en arc surbaissé , et non à plein - cintre,
par la digue vivante ? Ici, en se servant de la forêt, c'est le doigt comme on l'a dit si souvent. Les couloirs aboutissent à des
de l'homme quia dit à la vague sablonneuse : « Tu n'iras pas chambres peu spacieuses , avec leur voûte ou plafond le plus
plus loin ! communément en V renversé ou en chevron par la rencontre
Un paysage aussi peu varié dispose à la rêverie et, à la longue
de deux surfaces rectilignes et que l'on a décrit comme formant
peut-être, à la tristesse . Quelque goût que l'on eût pour la vie
o give, régnant régulièremeut suivant l'un des axes. A ces
rurale ,on se trouverait là bientôt trop séparé du reste du monde. voùles apparaissentde loin en loin d'étroites ouvertures circu
Que l'on arrive à Saint- Pau , ou que l'on en sorte , il faut se laires , sortes de soupiraux se continuant sous formes de tubu
demander par où on devra passer , et si l'on ne s'égare pas en lures coniques jusqu'à l'extérieur du sol, en traversant toute
suivant, à travers des bois qui semblent sans fin , de l'un des in l'épaisseur du plancher .
nombrables sentiers à peine indiqués sur l'arènemobile. Le plus souvent, les entrées des chambres présentent des
A ces impressions tirées des lieux, ajoutons que le pays, avec
feuillures et des rainures destinées à fixer des portes mobiles ,
ses eaux souterraines mal écoulées et ses marais apparents, est
Des entailles quadrilatères placées aux deux côtés en se corres
malsain : les fièvres intermittentes paludéennes y sont endé pondant, peuvent recevoir une traverse ou barre en bois pour
miques, comme dans toute la Lande. La population ouvrière assujettir les portes en dehors des chambres. Ce mode de
ne porte que trop souvent sur ses traits le cachet qu'y impri barrage existe aussi dans les couloirs, qui pouvaient être ainsi
me cette énervante maladie, et peut-être que l'apathie que l'on coupés en compartiments séparés .
est tenté de reprocher aux colons quil'exploitent, ainsi que leur Lesmurailles des galeries et des chambres ont été taillées avec
peu d'initiative , tiennent à ce déplorable état de choses . assez de soin dans le sous- sol, qui se montre de nature
Je sais , mon cher ami, tout ce que votre excellent ceur se différente selon les localités. Les instruments employés pour
propose de faire pour assainir votre domaine et atténuer, si obtenir ce résultat devaient être fort analogues, sinon identi
vous ne pouvez espérer de les faire disparaître complétement, ques, à ceux actuellement en usage : le pic , avec la pointe
ces détestables conditions hygiéniques. en pyramide quadrar.gulaire, et la pioche, à la lame épaisse et

C'est dans le massif même de calcaire argileux sur lequel est tranchante, ont partout laissé des traces évidentes de leur
action .
le château, qu'ont été creusées les trois cryptes qui nousont
Ajoutons que bon nombre de ces souterrains renferment, soit
tant intéressés. Leur caractère général est de rentrer parfaite
dans les compartiments , soit précédant leur entrée, des silos ;
ment dans la classe de ces excavations factices que l'on a ré
cemment signalées à l'attention des savants, sous les dénomina des niches, à différentes hauteurs , se montrent taillées dans les
murailles.
tions de souterrains-refuges, d'habitations troglodytiques. Ceux -ci,
vous le savez , creusés de main d'homme, et fort différents des Comparées aux souterrains ordinaires, les trois cryptes de
Saint-Pau , ainsi que je l'ai déjà dit, ont été construites sur un
grottes et des cavernes naturelles, se composent de couloirs et
de chambres, comme on a pris l'habitude de désigner leurs plan uniforme d'une rare simplicité. Elles sont placées à une
compartiments étroits ou dilatés, centaine de pasl'une de l'autre. La première, le souterrain de la

Le caractère particulier des cryptes de Saint-Pau , c'est d'être Terrasse , est d'une excellente conservalion , à l'exception de

relativement fort restreintes , et d'offrir dans leur disposition l'entrée qui a eu à souffrir de l'action des agents atmosphériques
intérieure une plus grande simplicité et une uniformité de plan et aussi de celle des racines d'un vieux surier , d'un bel effet,
planté tout auprès . En voici le plan. Fig. 1. (1)
plus marquée que la plupartde celles qui ont été déjà obser
yées . (1) Réduit à un centimètre par mètre .
- 123 -

preuve que cette excavation fut creusée à l'aide du pic, qui


était indispensable pour attaquer le calcaire dur et résistant, et
que les parois furent suffisamment parées en employant un ins
trument tranchant.
Tel est dans sa gracieuse simplicité ce souterrain . Connu de
tout temps , il a sa légende. On raconte que les bonnes petites
GII FIB CIUD E
Fées de Saint- Pau ne cessent de le fréquenter et de s'y livrer à
de gais ébats. Maintes fois , on y a entendu leurs frais éclats de
rire .
А
671 70
Pluspositif, l'un des derniers propriétaires du château utilisa
celte crypte en y logeant , pendant des hivers rigoureux , des
Fig . 1 .
pommes de terre , qu'il en retira dans un excellent état de con
De l'entrée et du couloir de descente A , il ne reste que les
servation . En le déblayant, nous avons trouvé dans l'intérieur ,
cinq marches ; le couloir avait (m 10 de longueur et conduisait
à ce que j'appellerai, avec trop d'ambition sans doule , couloir renversée, une porte libre , en planches , s'adaptant aux entrées
que nous venons d'y signaler ; elle datait, à n'en pas douter ,
vestibule B. En rétablissant par la pensée l'escalier et l'ouver
d'une époque récente .
ture qui lui donnaient accés, on se représente celle -ci comme
Tout ce que nous venons dedire du souterrain de la Terrasse
fort basse et à peine cintrée à la partie supérieure. C'était
est applicable au souterrain de la Ferme, que nous désignons
presque en rampant qu'on devait s'y introduire. Les cinq
degrés taillés dans le roc conduisent au petit ves ainsi,parce qu'il es, situé au -devant de la ferme qui borne à l'est
la première cour du château . Celui- ci est un peu plus spacieux
tibule B. long de 1m 25 et large de Om 50 , avec la voûte
de 1m 59 d'élévation , taillée en V renversé . Le plancher que le premier , mais il en présente loutes les dispositions inté

est plan : par l'extrémité de droite, il aboutit à une entrée rieures. Il est à regretter qu'il ait eu beaucoup à souffrir de l'ac

de porte avec feuillure et rainure prononcée, C , présentant tion des agents extérieurs : ses parois , ses voûtes sont dété

à droite un trou quadrilatère pour recevoir une traverse riorées en grande partie. Le calcaire a été dissous à la surface
de bois, et à gauche une entaille en biseau pour permettre par des eaux chargées d'acide carbonique ; aux voûtes sont ap
le jeu de cette pièce, que l'on a dû fixer à l'aide d'un piton pendues de loin en loin de rudimentaires stalactites.
en fer , dont la base existe encore, et qui la traversant, recevait Il se réduit, comme le précédent, à la forme d'un T , Fig . 2 .
une cheville ou un cadenas. L'ouverture est en chevron ; les (1) L'ouverture, représentée par la jambe de cette lettremajus
montants vont en ce retrécissant un peu vers le bas. Cette cule , est en regard du sud -est ; ladescente en escalier A est très
porte franchie , on descend quatre marches et à Om 65 en rapide. Le vestibule ou allée transversale B , a 3m 25 de long . La
contre-bas on pénétre dans une petite chambre irrégulièrement chambre de droite C a la voûte en four, elle est elliptique, avec

circulaire E , à parois perpendiculaires et à plancher. plan.Cette le grand axe dans la direction de celui du vestibule , de 2m 30,
chambre a un diamètre de 1m 65 sur 1m 15 de hauteur . Le pla et le petit axe de 1m 60. La chambre de gauche D est en
fond est en voûte de four surbaissée. quadrilatère allongé transversalement à la direction du couloir
Du côté gauche, l'extrémité du couloir- vestibule vient aussi
6

aboutir , après une descente de deux marches, à une entrée de


porte ogivale F , également rétrécie vers le bas ; elle porte une
feuillure et la rainure entaillée dans les deux murailles à Om 25
centimètres de profondeur . A gauche, est placé un trou qua Е.
drilatère , et à droite l'entaille en biseau pour faire jouer la barre
avec les reste du piton ayant servi à la fixer . с.
P В
L'entrée franchie, on descend trois marches quiprécédent
une chambre G , parallèle à celle de droite ,mais rectangulaire,
ayant la forme d'un carré allongé, le grand diamètre étant
opposé à angle droit de l'entrée ; celui-ci a 2. 10, le petit diamè А.
tre n'a que 1m 40. La voûte est en V renversé ou en fausse ogive
ainsi taillée dans la direction du grand are ; elle va en s'incli
7m 30
nant vers ses deux extrémités. Sa hauteur est, au milieu de 1m
40 , et de 1m . 15 seulement le long des murailles. Le plancher
Fig. 2 .
estuniformément plan .
On ne trouve aux voûtes aucun indice de tubulures et soupi vestibule. Malgré les dégradations subies par la voûte , on y

raux pouvant communiquer avec l'extérieur, Partout on a la ( 1) Réduit à un centimètre par mètre.
124

retrouve sensiblement la forme en V renversé: celle-ci a, au tant à une grande ancienneté , alors que les approvisionnements
milieu , 4m 20 d'élévation , son grand diamètre est de 4m 10, et le ne devaient pas être considérables, comme il conviendrait de
pelit, de {m 60. Le plancher de ce compartiment offre cette les attribuer à des familles ne cultivant guère les grains que
particularité qu'il est séparé en deux portionspar une lignedroite pour leurs besoins, et ne faisans provision de glands et de fanes
qui fait suite à la muraille du vestibule opposée à l'entrée. Ce que pour la nourriture de quelques animaux. L'usage de ces gre
compartiment E conséquemment plus petit que l'autre de 60 niers, que l'on a déjà retrouvés sur une aire fort étendue , dut
centimètres, est uniformément plus élevé en une sorte d'estrade se continuer fort longtemps, en se confondant à la fin avec les
de 20 centimètres formant un ressaut, avec un léger rebord å silos proprement dits , dont certains se trouvent déjà munis .
sa partie libre. On dirait un point d'arrêt transversal, propre à Après que les greniers souterrains eurent été abandonnés, ces
empêcher les objets que l'on voudrait y placer , de glisser ou derniers se maintinrent et ont duré jusqu'à notre temps . Gé
de rouler dans le compartiment établi plus bas . néralement employés dans le sud -ouest aux 17e et 18e siècles ,
ils ne sont pas encore tombés complétement en désuétude (1).
Ce souterrain ,placé sous l'aire un peu trop vaguement limitée , Mais j'ai hâte de vous dire que celte conclusion , que je trouve
occupée par les fumiers retirés des étables, fut découvert il y a sinaturelle et si péremptoire , n'a pas encore été , je crois , for
une trentaine d'années. On le fouilla avec soin , et l'on n'en retira mulée , et que les savants explorateurs qui, les premiers, ont
que le côté d'un bois (le cerſ qui gisait dans la chambre ovale. attiré l'attention sur ces cavités souterraines, ont émis des opi
Le troisièmesouterrain est celui du jardin ; il est creusé dans nions bien différentes : ils les ont regardées comme des habita
les assises un peu plus profondes du même massif calcaire, par tionshumaines, temporaires ou permanentes , qu'ils ont rappor
conséquent à un niveau inférieur de quelques mètres aux deux tées à des dates qui sont bien loin d'être concordantes . Il y a
autres. On ne pul en déblayer que l'entrée et une chambre cir donc opportunité à examiner ces opinions avec tout le soin
culaire , le reste étant en partie effondré , peut-être à la suite
qu'elles méritentet la déférence due à leurs auleurs .
d'éboulements qui nous ont paru récents .
Dans cette revue, je vais lâcher de m'écarter le moins possi
A l'époque , certainement peu reculée , de l'établissement du
ble de l'ordre chronologique des principaux travaux publiés
jardin , tel qu'il existe encore dans ses dispositions principales, jusqu'à ce jour, afin d'attribuer à chacun les droits de priorité
alors que l'on dut, pour niveler le sol, recouvrir l'entrée de qui lui reviennent.
ce souterrain d'une assez forte couche de terre, on s'ingénia à Nous trouvons d'abord ce qui a été écrit en 1860 sur le sou
la conserver néamoins, en prolongeant assez loin le couloir qui terrain -refuge de Réaumur (Vendée), par M. Léon Audé (2),
y donnaitaccés . Cette galerie nouvelle tranche du tout au tout composé d'une série de longs couloirs irréguliers, avec des
avec lereste de la cryple : au lieu d'être entaillée dans le roc étranglements ayant servi probablementà barrer le passage ,
vif , elle est bâtie ; ses murailles et sa voûte sont construites en
aboutissant à des chambres plus ou moins spacieuses. De loin
pierres sèches brutes ; elle vient présenter son ouverture près en loin , le plafond est percé de trous de sonde ou tubulures
de la surface , en regard du sud -ouest, ainsi qu'un trou pratiqué ayant 10 à 12 centiméires de diamètre, destinés à aérer le sou
pour la plantation d'un arbre le fit reconnaître, il y a quelques terrain . Les différences de niveau sont peu sensibles à l'inté
années à peine. rieur ;mais du côté de l'entrée , le souterrain remonte rapidement
Le soin pris pour pénétrer dans le souterrain du Jardin nous pour aller s'ouvrir à la surface du sol. Il est creusé dans un schiste
parait témoigner de l'intérêt qu'il offrait à ceux qui , loin de tendre appartenant aux terrains paléozoïques. Les refuges de la
le sacrifier , comme ils auraientpu le faire , en le comblant de Caucadière et du Poiré (3) sont ouverts dans un granit à peine
terre , voulurent se réserver le droit d'y pénétrer à volonté . Ne agrégé. On distingue sur les voûtes du refuge de Réaumur trois
semble-t-il pas qu'ils se proposaient d'en tirer parti , comme sortes d'empreintes d'instruments : lesunes semblables aux traces
vous-même vous proposez de le faire, en convertissant le sou
terrain de la Terrasse en une charmante fruiterie ? ( 1) (1) Les silos du sud -ouest de la France sont fort communs : ils sont
creusés dans la forme de ces grands vases dont les Grecs se servirent
pendant toule l’antiquité pour conserver leurs grains. Les Romains ne
Cecime conduit à vous dire ce que je pense , après de mûres firent pas autrement ; ils avaient le Dolium . Les livres de Raison con
réflexions, des usages auxquels on destinait ces lieux. Je ne sais servés par les familles relatent très-souvent la quantité de blé confiée
à tels ou tels silos de leurs domaines ou même de l'habitation du maître.
voir, dans ces excavations méthodiquement construites , que des Dans nos anciens villages du Toulousain , on en trouve dans l'intérieur
endroits propres à la conservation des récoltes alimentaires . A des maisons quelque peu anciennes, creusés soit dans le sol des corri
dors ou passages, soit dans celui des chambres du rez -de -chaussée et
mon avis, nous devons y voir des greniers souterrains remon aussi au devant des maisons qui sont précédées de couverts. Celle de ma
famille , à Venerque, en possède dans toutes ces conditions :mon aieul
(1) Pendant notre séjour à Saint-Pau , un de vos meilleurs amis, M. les utilisait certainement.
A Grisolles (Tarn - et -Garonne), quelques propriétaires emploient encore
Dulong-de-Beaufort, qui nous trouva occupés à éludier vos souterrains,
reconnut celuide la Terrasse pour être identiquement semblable à deux les silos à la conservation du blé .
(2) Le souterrain -refugede Réaumur , dans l'annuaire de la Sociélé
souterrains bien plus grands qu'il possède sur son domaine de la Souque,
dans la communede Nérac. Les gens de la localité disent que les Fées d'émulation de la Vendée, pour 1860.
vont laver leur linge dans de pelites flaques d'eau qui, par les temps de (3 ) La Vendée a d'autres souterrains : on peut citer ceux de Cauca
grande humidité , s'établissentdans l'un d'eux , dière ,de Dolbeau, de Sal'gny, dePoiré , ele .
125

du taillant etde la pointe d'une pioche, les autres manifestement en dehors , sans qu'il leur fùt permis en conséquence de so rlir
pratiquées avec le ciseau . Les pioches employées devaient res à leur gréde chambres si réduites , auraient pu tenir longtemps
sembler à nos piochos de terrassier , sauf que le taillant, plus ainsi, dans l'obscurité la plus profonde, ou éclairés par des
étroit,mesurait 2 centimètres et demià peine de large . La voûte lampes , les moyens d'aération manquant ou élant insuffisants ?
des deux salles est ogivale ; tout le reste est à plein cintre (1). On n'y trouvait pas le moyen d'y faire du feu , car en supposant
M. Audé en conclut que probablement la construction du refuge que les soupiraux auraient servi de cheminée, les colonnes de
de Réaumur appartient à la période de transition d'un style à fumée qui s'en seraientéchappées à l'extérieur auraient trabi ces
l'autre , c'est-à-dire à la fin du 12e siècle ou au commencement retraites en les indiquant à l'ail exercé de l'ennemi.
du 13e (2). L'intérieurdu souterrain n'ayant fourni aucun moyen On a cru que les couloirs en zig -zag, les niches qu'ils présen
d'information , c'est du style architectural scul, au moment tent, le moindre soupirail, avaient pu servir à la défense de
qu'il serait passé du plein -cintre à l'ogive dans l'architecture ceux qui s'y seraientrenfermés , et que des actions, des combats
civile et religieuse , que M. Audé a tiré la conclusion que les ont dû être livrés dans ces réduits . Etait-il bien besoin pour se
souterrains -refuges de la Vendée doivent être attribués à la défendre d'aller se risquer dans de telles profondeurs, lorsqu'il
période du moyen -âge qu'il leur a assignée. suffisait à l'agresseur d'employer pour réduire à merci les
Pour qu'une telle conclusion fût autorisée , il faudrait donc assiégés , disons mieux, pour les ensevelir vivants dans de tels
avoir trouvé dans ces souterrains la preuve du passage du repaires , le cruelmoyen qiel'historien Florus raconte avoir
plein -cintre à l'ogive. Or, cela n'a pas eu lieu : les voûtes ou étémis en usage contre les Aquitains réfugiés dans les ca vernes
plafonds, soit des couloirs, soit des chambres , n'offrent rien de leur pays ; César les y fit enfermer : Jussit includi, dit-il, en
de semblable. Ce qui a été pris pour l'arc à plein -cintre est un parlant du parti que prit le général romain (1) .
arc très surbaissé, et on ne peut plus variable. A son tour, la L'explication qui consiste à considérer ces excavations comme
prétendue ogive ne représente nullement l'arc en tiers point, car des cryptes d'approvisionnement, satisfait à toutes les objections :
on ne peut désigner ainsi des voûtes en 1 renversé, plus ou l'entrée étroite , ouverte à fleur de terre, pouvait être facilement
moins ouvert, produites par l'écartement fort divers des deux masquée ; les compartiments séparés isolaient les produits ; les
lignes droites ou à peu près droites, quiles produisent. couloirs tenaient en réserve de l'air confiné, lentement renou
Ce point de fait nié, rien ne vient dès lors appuyer l'opi velé , restant à une température sensiblement égale , à l'aide de
nion de l'origine relativement récente de ces souterrains , ventilateurs étroits , qui livraient aussi passage à l'humidité en
et il ne reste qu'à examiner celle de M. Audé sur la des excés.
tination de ces excavations : la dénomination par lui em Nous ne procédons pas autrement de nos jours en établis
ployée pour les désigner (souterrains-refuges), et ce qu'il dit des sant nos celliers , nos chais , nos caves , nos fruiteries , et enfin
tubulures destinées à aérer les compartiments, fait clairement les silos ou emmagasinements souterrains, employés à la con
comprendre que l'auteur a voulu lui faire signifier qu'elles servation des racines, telles que la betterave , la pomme de
avaient été destinées à servir de lieux de refuge durant l'époque terre , etc. Ainsi s'explique alors le barrage des entrées par des
si agitée des 12e ou 13e siècles , à laquelle il les rapportait. portes mobiles fixées à l'extérieur et venant s'appuyer contre
Si, par l'expression de souterrains-refuges, M. Audé n'a en des feuillures , pénétrant même dans des rainures latérales et
tendu que des endroits propices à protéger, pendant quelques perpendiculaires , ce qui permeltait d'opérer la fermeture en
heures ou pendant quelques jours peut-être, des familles hu superposant des planches de bas en haut. Je le répète , quel
maines et ce qu'elles possédaient de plus précieux , en prévision est le malavisé qui se croirait en sûreté dans une chambre à une
d'une attaque de la part d'ennemis sans pitié , rien ne s'oppose seule issue , derrière des portes fermées sur lui, et qu'il serait
à une telle induction .Où ne cherche-t-on pas un asile dans de si facile à l'agresseur de forcer ? Aussi, et nous le redisons à des
pressantes conjonctures ? mais alors pourquoi tant de soins sein , si, dans un moment de panique , on a pu se réfugier dans
pour un résultat passager !
de tels souterrains, si on y a enterré des morts, il ne faut pas
Si, contrairement, on fait de ces cavités , comme nous le pro néanmoins les prendre ni pour des habitations permanentes , ni
posons, des cryptes d'approvisionnement, on comprend que les pour des caveaux mortuaires.
précautions même minutieuses , et celles qui pouvaient leur
Tout ce que nous venons de dire de la destination des sou
assurer une longue durée , devaient être prises. Quant à en terrains de Saint-Pau et de la Vendée nous semble ressortir
faire des habitations même temporaires , tout y est contraire : également de l'appreciation de ceux de Tarn -et-Garonne étudiés
outre que la plupart de ces galeries ne se prêtaient point à avec une très grande attention par M. Devals, archiviste à
recueillir un grand nombre de personnes à la fois, comment Montauban , d'abord dans son important Mémoire sur les habita
comprendre que ceux qui s'y seraient enfermés , les portes fixées ions troglodytiques en général et spécialement sur celles du
département de Tarn -et-Garonne, communiqué au Congrés ar
(1) Nous avons dit que ce n'était là ni l'ogive, ni le plein -cintre
(2) V. l'analyse du Mémoire de M. Audé, par M. de Mortillet, dans les (1) Aquitani, callidum genus, in speluncas se recipiebant : jussit
Matériaux pour servir à l'histoire positive de l'homme, 1865. includi. — Florus . liv . III, chap . XI.
126

chéologique de la Société française , réunı à Rodez en 1863 et » verses de bois ; mais son ornementation est autrement
publié dans les comptes -rendus de ses travaux, et en brochure remarquable. Ses jambages couronnésde deux plinthes super
en 1864 (I), et en 1866 dans diverses notices (2) . >> posées , formentune imposte grossière qui supporte les relom

Nous négligerons avec intention l'avant-propos qui ouvre le bées d'une archivolte de physionomie byzantine à trois zones ,
Mémoire de M. Devals , rempli de savantes recherches sur l'inférieure et la supérieure mouchetées de petits trous al
l'usage que les peuples , depuis les plus anciens jusqu'à ceux de longés, et la zone intermédiaire parfaitement lisse , de même
nos jours , ont fait des caveaux, des grottes naturelles, et des » que le tympan , qui est très bien accusé.
souterrains artificiellement creusés , parce qu'il nous semble Les murs de cette salle qui sont perpendiculaires sur une
difficile, sinon impossible, d'établir sans réplique l'identité que élévation de 1m 95 offrent, dans le sens de la longueur de la
M. Devals suppose avoir existé entre les souterrains de Tarn pièce, une retraite d'où s'élance , à une hauteur de 2m , une
el-Garonne, dont il avait à s'occuper, et ceux de l'Asie , de voûte dont les côtés, comme dans l'arc en milre, sont
l'Inde, des îles de la Méditerranée et enfin de l'Allemagne, qu'il formés de deux faces rectilignes qui se réunissent supérieu
leur assimile . » rement à angle aigu .
Nous allons donc tout droit à la partie descriptive , traitée La décoration , sans contredit la plus remarquable de la
avec une rigoureuse exactitude par M. Devals, réservant pour grande salle , consiste en une colonne-pilier engagée dans l'an
la fin l'examen des opinions de ce savant, au point de vue gle sud-est, et qui, sans avoir rien à supporter, s'élève jusqu'au
de la date de ces monuments , comme à celui de leur destina niveau de la retraite ou la voûte prend son point d'appui. Cette
tion . colonne trapue, due probablement à une fantaisie artistique
Les souterrains décrits par M. Devals , sous la dénomination d'un des habitants du souterrain , est haute , tout compris , de
d'habitations troglodytiques, sont au nombre de neuf (3). Ils » įm 95. Elle se compose d'un piedestal, d'une base , d'un fût
sont tous creusés dans le sable ou grès en voie de formation du quadrangulaire et d'un chapiteau . Le piédestal qui ne ressem
terrain de mollasse d'eau douce tertiaire; seul, celui de Saint ble à aucun piédestal connu , est forméd'une large plinthe,
Pierre de Livron est taillé dans le tuf. d'un chanfrein , d'une seconde plinthe beaucoup plus étroile
Ce que M. Audé a dit de la disposition intérieure des souter » et d'un dé conique. Il pourrait très bien passer pour un chapi
rains de la Vendée est de tout point applicable à ceux-ci. On » teau renversé . La base se compose d'un tore elliptique , et le
les trouve composés de longs couloirs étroits à direction sou fût est couronné d'une astragale formée d'un tore elliptique
vent brisée, avec le niveau du plancher variable et le plafond plat. Quant au chapiteau , il offre quelque analogie avec les
soi-disant à plein -cintre; de chambres plus ou moins spacieuses , chapiteaux d'ordre dorique du portique de Philippe, à Délos,
mais relativementrestreintes , à voûtes prises pour ogivales et à » dont le large tailloir n'a point de saillie et dont l'échine, éga -
soupiraux , ayant leurs entrées munies de feuillures, accom lementlarge , ressemble plutôt à une corbeille conique qu'à
pagnées de trous disposés pour permettre un barrage à l'exté un ove. Mais il diffère encore moins des chapiteaux aux formes
rieur. Tout y est donc identique etdoitnous conduire aux mêmes pesantes et cubiques adoptées par les byzantins à partir du
conclusions, corroborées même par la présence de quelques » IVe siècle , et il a notamment plus d'un rapport avec les
niches, dans l'une desquelles on a trouvé des châtaignes, des D chapiteaux de la Kapnicaréa d'Athènes, et surtout, sauf l'orne

noix , du mil, et de plusieurs silos. Ainsi, d'après notre manière > mentation qui est nulle ici, avec ceux de l'Eglise Saint-Vital

de voir, les cryptes de Tarn-et-Garonne , comme celles de la de Ravenne et de l'église de Parenzo, en Istrie . Ce chapiteau
Vendée et de Saint-Pau , auraient été construites pour servir de a pour tailloir une large plinthe non saillante et sa corbeille
greniers. conique repose sur une seconde plinthe plus étroite , qui a
Cependant un de ces souterrainsmérite notreattention , comme » loutes les allures d'une autre corbeille conique, et sur un
il a attiré celle de M.Devals quil'a fait connaître. A cause même chanfrein . Le tout, chapiteau , fût, base et piédestal, est par
des particularités qu'il présente , nous emprunterons à cet au faitement lisse, et n'offre pas la moindre trace d'ornementa
teur le récit qu'il en a fait. Ce souterrain est celui de Saint tion . (1 ) »
Servin - d'Ordalilles, commune de Saint-Nauphary ; . La porte Ainsi, ce souterrain , un de ceux d'ailleurs qui ont présenté
quidonne accès dansla grande salle est munie sur ses tableaux des silos (2), offre dans une de ses parties une véritable orne
» de deux trous carrés superposés , propres à recevoir des tra mentation qu'on n'a signalée dans aucun autre. Ce trait indi
viduel, intéressant en lui-même, ne s'oppose nullement au

( 1) Montauban, Victor Bertuot, in - 12, avec plans. maintien de nos déductions. De ce qu'un ouvrier quelque peu
(2) Revue archéologique du Midide la France, par M. B. Dusan , artiste aura , à ses heures perdues , décoré fort naïvement l'en
Mém . cité.
Au congrès archéologique de France, XXXIIe session, tenuc à Montau
ban, en 1866, M. Devals a donné la liste de toutes les grolles artificielles ( 1) Devals, Mém . sur les habitations troglodyliques du départ. de
connues à cette date dans le département de Tarn -et-Garonne. Turn- et-Garonne,Montauban , 1861, in -12, p. 22 et suiv.
3 )Le département deTarn -et-Garonne en compte aujourd'h'i'un bien (2) Il y a aussi un puils profond , sorte de buvard destiné à recueillir,
plus grand nombre , d'après M. Devals . sans aucun doute , l'eau provenant des infiltrations intérieures .
127

trée d'une salle destinée à recevoir des provisions, que convié perpétua aux temps chrétiens,même jusqu'après le moyen -âge
par la docilité de la roche à se laisser entamer , il y aura taillé D'après certains rites , et l'on a de fréquents exemples ,
une sorte de colonne aux proportio ns étranges , disparates, pour on brisait les vases qui avaient servi aux cérémonies des funé
le seul plaisir qu'il y prenait, nous ne trouvons pas le moin railles et l'on en déposait les débris auprès des morts.
dre argument contre notre manière de voir , le plan général Mais si la position des deux squelettes dont il s'agit ici, et
du souterrain ne s'en trouvant altéré en aucune façon . des poteries intentionnellement placées près d'eux , indique une
Nous aurons bientôt à discuter l'opinion de M. Devals sur le sépulture régulièrement pratiquée, c'est aux indices fournis par
caractère et la valeur de ces ornements. Mais auparavant les débris des poteries à nous diriger dans la recherche de l'âge
examinons ce que les fouilles faites dans les souterrains de de cette inhumation .
Tarn -et-Garonne ont fourni d'objets dignes d'attention à leur Or, d'après M. Devals, juge compétent en de telles matières ,
savant et consciencieux explorateur. la provenance gallo-romaine de ces poteries ne saurait être mise en
Ces objets ont été rares et n'ont été rencontrés que dans un doute . Dès lors , il faut reconnaître que les souterrains qui nous
petit nombre de souterrains. Ils ont consisté : 10 en ossements occupent ont une ancienneté plus reculée que celle du XIIme
humains; 20 en poteries ou débris de poteries. ou du XIIIme siècle que M. Audé leur a attribuée, et cela vient
Lors de la découverte du souterrain de Saint-Pierre de Li confirmer ce que nous avons précédemment établi à ce sujet.
vron, dans la commune de Caylus, « des ossements humains , Toutefois ce que l'on est convenu de comprendre sous la
» dit M. Devals, furent recueillis dans la partie du souterrain dénomination de période Gallo -Romaine, doit être entendu
» situé au nord de la grande salle . On y recueillit également dans un sens très-large ; il ne faut pas perdre de vue que la
plusieurs vases en terre cuite d'une forme grossière et d'une Gaule devenue romaine adopta la religion , les meurs , les arts
, pâte micacée et granuleuse.. (1) des vainqueurs , et y resta fidèle après la chute de l'Empire .
Le même archéologue raconte qu'il recueillit dans le souter Livrée aux barbares , elle défendit les traditions romaines avec
rain des Poulidets, commune de Montauban , « au fond de la plus de vigueur qu'elle n'en avaitmis à défendre les traditions
D première salle , entre les squelettes de deux femmes, plu nationales, lorsqu'elle eut été asservie. Que d'efforts violents
> sieurs débris de poteries dont la provenance gallo -romaine ne
n'eut pas à faire le christianisme , pour déraciner les rites
saurait être mise en doute en présence de la finesse et de la païens ? Ainsi pourrail-on considérer l'âge de cette sépulture
compacité du grain , de la perfection de leur moulure et de comme remontant tout au moins aux premiers siècles de notre
» leur brillante couverte rouge. Un autre fragment de couleur ère,mais rien ne s'oppose à l'attribuer à une date bien plus
> noire est orné d'une belle torsade en relief. (2 )
ancienne .
Sila présence de restes humains , accompagnés de vases ou de
débris de poteries , dans le souterrain de Saint-Pierre de Livron , Le fait de la sépulture dans ce dernier souterrain aura pu
est trop vaguement indiquée pour en chercher la vrai significa - faire naître la pensée que les excavations dont nous recherchons
tion , il n'en est pas de mêmede celle des ossements des deux les usages étaient des cryptes mortuaires. Mais , outre la rareté

femmes, découverts dans le souterrain des Poulidels . Ici, tout des preuves qu'on en aurait eu jusqu'ici, il serait difficile de

est sujet à interprétation , quoiqu'il soit à regretter que M. De comprendre toute la peine et les précautions inutiles prises par

vals ne se soit un peu plus étendu sur tout ce qui touchait à la ceux qui les établirent, pour isoler les chambres, souvent à
conservation des os, à leur disposition sur le sol, ainsi que sur travers un dédale de couloirs ; le soin qu'ils auraient eu de
percer les voûtes de soupiraux, de fermer les portes à l'aide
la place exacte occupée par les fragments de vases déposés
entre les deux squelettes. d'un barrage en bois mobile , etc.
Si l'on éloigne l'idée de caveaux funéraires permanents, comme
Disons pourtant que le peu demots accordés à ce fait si inté
nous avons écarté celle d'habitations et de lieu de refuge établis
ressant par M. Devals, se trouve pour ainsi dire commenté par
ad hoc, on comprend que des familles , pour obéir à des croyan
la représentation qu'il a faile des deux squelettes et des poteries
ces religieuses prohibées , et pratiquer en secret et en toute
brisées, dans le plan qui accompagne la description du souter
sûreté des cérémonies réprouvées , aient eu recours à ces asiles
rain qui les a fournis. (3 )
privés, afin d'y déposer les restes d'ètres aimés, dont elles au
Il nous semble, en effet, impossible de ne pointtrouver, dans
raient accompli les dernières volontés .
la position de ces deux squelettes , la preuve que les cadavres
Nous maintenons donc nos conclusions après l'examen im
d'où ils proviennent avaient été inhumés d'après une coutume
partial que nous venons de faire des opinions contrairement
bien connue , que l'on observe déjà à l'époque des dolmens, des
tumulus et des cavernes ou grottes sépulcrales , coutume qui émises. Mais nousnous hâtons d'avouer que dans l'état actuel
de nos connaissances et en l'absence de tout texte écrit, nous ne
devint générale pendant la période gallo -romaine , alors que
savons rien du peuple , de la race d'hommes, auxquels doit être
l'inhumation avait succédé à la crémation des corps , et qui se
attribuée l'idée première des cryptes d'approvisionnement ,
( 1) Devals, Mém.cité, p . 12. répondant à une intention répétée en tant d'endroits et caracté
(2) Devals, Mém . cilé , p. 15
(3) Ibid ., plan nº 2 , en regard de la page 13 . risant une tradition constante et longtemps continuée .
128

D'où était venu cet usage ? Combien de temps dura -t-il ? ces souterrains comme des habitations à l'usage de familles
Ce sont là des questions enveloppées du plus profond mystère. galliques de l'âge de la pierre polie (1), M. Devals comprendra
Une seule chose est hors de doute c'est que leur construction de même que des familles aient dû les habiter encore en plein
ndique une époque de civilisation relativement avancée et épanouissement de l'ère chrétienne. Je crois que c'est beaucoup
éloigne par conséquent toute idée de les attribuer à des peupla trop compter sur l'abnégation de tout bien -être de la part
des vivant de la vie sauvage. d'hommes arrivés à ce degré de civilisation , que de les croire
capables de s'être contentés de terriers étroits , insuffisamment
En ceci, nous le regrettons, nous nous trouvons en désac aérés , sans lumière du jour et sans foyer !
cord avec M. Devals , dont personne plus que nous n'estime le Je nem'arrête pas au caractère byzantin attribué aux orne
caractère et n'apprécie les travaux historiques. Pour ce savant, ments du souterrain de Saint-Sernin d'Ordalilles. Il faut ne voir
les souterrains de Tarn -et-Garonne, qu'il a nommés à cause dans ces dessins ,dans cette colonne, que des ressouvenirs de
de cela habitations troglodytiques, servirent de demeure à des décorations employées dansles constructions publiques ou pri
familles galliques de l'âge de la pierre polie , qui les auraient vées au temps gallo -romain , et exécutées par un ouvrier igno
creusées en se servant de ces haches ou coins en pierre que l'on rant de la symétrie et des proportions qui constituent l'art
a pris l'habitude de désigner sous le nom de haches celtiques architectural. La colonne, par exemple , du souterrain d'Orda
(Celtæ ) (1) , supposition basée sur l'état tendre et arénacé du lilles , où toutes proportions font défaut, n'en est pas moins
sous-sol dans lequel ont été établis la plupart des souterrains une colonne avec sa base , son fût, son astragale , son cha
de Tarn -et-Garonne , mais qui devient improbable , dès que l'on piteau , comme on l'a déjà fait judicieusement remarquer à
arrive aux souterrains taillés dans des roches d'une grande M. Devals (2) .
dureté , tels qu'on en connaît bon nombre . Pour établir la très haute antiquité des souterrains de Tarn
C'est en raison de ces conclusions sur l'âge et la destination et-Garonne , M. Devals a aussi invoqué l'interprétation qu'il a
des prétendues habitations troglodytiques , conclusions dans faite de vases brisés . d'une pierre à aiguiser et d'un os qu'il
lesquelles il fut mainteuu par l'assentiment que leur donna une assimile aux poinçons du Verdier , près de Montauban (3), objets
commission déléguée par la Société des sciences et arts de trouvés dans le souterrain de Léojac, le même qui a fourni une
Montauban , que M.Devals, pour expliquer la présence dans le niche avec glands, chataignes , noix et petit mil. Il en conclut
souterrain des Poulidets, des deux squelettes qu'il considérait que celui-ci, comme les autres souterrains de Tarn-et-Garonne
comme d'origine gallo -romaine , peut-être même du commence « appartiennent aux temps primitifs, contemporains de la vie
V
ment de l'ère actuelle, eut recours à un système qui consiste à sauvage et de l'âge de la pierre. (4 ) » Pour nous, ni les tes
dire que les deux cadavres qui les ont fournis furent aban sons, ni l'aiguisoir, et encoremoins l'os pris pour un poinçon ,
donnés dans cette babitation dont l'existence remontait à une n'autorisentune telle conclusion. Nous connaissons des poteries
date bien plus reculée, ce que l'on peutadmettre sans accepter qui da ent sans conteste du moyen -âge, et qui paraîtraient dé
la conclusion définitive : à savoir son établissementà une époque noter une tout aussi antique origine. L'os est un fragment de
où les métaux n'étaient pas encore en usage. cubitus de petit ruminant, de brebis sans doute , dont l'extré
Je laisse la parole à M. Devals : « Il y a plusieurs siècles, un milé manque en entier : or , c'est cette extrémité qui, en formant
drame terrible s'accomplissait dans le souterrain des Pouli le bout appointi, lui donnerait seule le caractère de poinçon
» dets : deux femmes trouvèrent une mort affreuse au fond de quilui fait défaut.
..

D ce lugubre séjour. Cette mort fut-elle le résultat d'un crime Un an après que M. Devals eut fait connaître les curieux
» privé , ou d'un simple accident, d'un éboulement, par exemple, souterrainsde Tarn-et-Garonne, M. Rossignol indiquait, au Con

survenu pendant que ces infortunées, chrétiennes peut-être , grès archéologique de France , tenu à Albi, en 1864, de nom
réfugiées dans la demeure gallique, se dérobaient ainsi aux breux souterrains visités par lui dans le département du Tarn .
persécutions ordonnées par un des empereurs romains (2) ? » L'arrondissementde Gaillac seul lui en avait fourni une quin -

M. Devals n'a pas employé d'autre méthode quand il a eu à


interpréter l'ornementation du souterrain de Saint-Sernin d'Or (1) Devals, Revue archéologique du Midi de la France .
(2) M. l'abbé Carrière, rapporteur de la Commison chargé de visiter
dalilles ; il s'est expriméainsi: « On ne peut, à mon avis , expli ce souterain pendantla tenue du congrès archéologique de France, Ses
· quer la présence de sculptures byzantines dans une habitation sion de Montauban , 1866, p . 232.
(3) Le Verdier, sur la rive gauche du Tarn, est occupé par des tuileries.
gallique, qu'en admettant que du 5e au 8c siècle de l'ère La terre employée est l'ancienne alluvion laissée par la rivière , dans la
actuelle , ce souterrain ait été habité de nouveau (3). » quelle on découvre journellement des haches en pierre polie et des
poinçons en os, commeon en trouve dans certains dolmens et à l'entrée
Vous le voyez , fidèle à l'idée qu'il avait conçue de regarder d'une foule de cavernes. On s'est trop hâté d'en faire une sta
lion , un village, où l'on avait cru voir les assiettes de cabanes ,
etc. Tous les objets découverts au Verdier sont dus au transport
(1) On les connail communément sous les dénominations de pierres par les eaux du Tarn ; ils sont déposés sans aucun ordre : ce
de foudre, de pierres de tonnerre. sont donc des objels remaniés par le courant après avoir élé enlevés
(2) Devals, Mém . cilé, p . 15 . de leurs gisements primitifs.
(3) Devals, Mém , cité, p . 25. ( 4) Devals, Mém . cilé .
129

zaine . Ce zélé archéologue disait : « Sans avoir la même impor Il me reste à relater la découverte de haches en pierre polie .
» tance , tous ont entre eux les plus grands rapports et un plan de haches dites celtiques, faite dans deux souterrains depuis les
» presque identique. Les uns sont composés à peine de deux publications des travaux que je viens de vous signaler, et que
ou trois chambres (rondes ou carrées), contigües, avec leurs M. Devals surtout n'aurait pas manqué d'invoquer , s'il l'eût
• silos particuliers et une entrée commune, et les autres ont de connue , en faveur de son système sur l'âge préhistorique de
vastes appartements , composés de plusieurs pièces, et reliés ces monuments.
» entre eux par une chambre centrale où vont aboutir leurs Trois de ces coins furent rencontrés à l'entrée du sou
D corridors étroits en zig zag ( 1). » terrain d'Espanel , commune de Molières (Tarn -et-Garonne) :
Ajoutons les entrées des chambres et les couloirs avec trous l'un d'eux , qui est en siiex et tronqué à la grosse extré
pour recevoir des traverses en bois , présentantdes échancrures, milé, a été déposée au muséum d'histoire naturelle de Montau
afin de faciliter le service de celles -ci,des tubulures coniques aux ban par M. Victor Brun , qui en est le généreux fondateur .
voûtes, des niches et de plus nombreux silos que dans les sou Depuis, trois autres de ces objets ont été retirés d'un souter
terrains de Tarn -et-Garonne, et nous aurons le tableau complet rain fouillé par M. Prosper Dufaur, à Estramiac , (Gers), arron
de ceux du Tarn dont ils sont tout-à -fait similaires. dissement de Lectoure . Ces engins gisaient avec des débris de
Un seul, le petit souterrain de Convers, n'ayant qu'une salle poteries grossières noires et grises , dans deux niches entaillées

unique de 2m 50 sur 4m 50 , a offert la porte de celle -ci avec des dans le principalcouloir de cette Habitation troglodytique, comme
ornements parmilesquels une croix à sommet trèflé ; on y trouva la désigne M. Dufaur dans un mémoire manuscrit (1) adressé
des débris de poterie grossière etdeux médailles d'argentfrustes à l'Académie des sciences, inscriptions et belles- lettres de Tou
du moyen -âge (2). louse , pour le concours des médailles d'encouragement ouvert
Ne s'arrêtantpas avec raison pour déterminer l'âge de ce en 1869, et qui valut à son auteur une médaille d'argent.
souterrain à ces objets relativement récents , M.Rossignol con M. Dufaur pense que ce souterrain , avec ses soupiraux , a

clut, comme M. Devals ,mais avec moins de précision pourtant , dû servir de lieu de refuge et d'abri en hiver , mais non de
demeure permanente (2).
en attribuant les creux du Tarn aux peuples primitifs de la Gaule,
en faisant remarquer , ce qui est important, a que le plus grand Nous ignorons jusqu'à quelle époque les haches en pierre

nombre des souterrains se trouventsur des points quiont été polie , connues sous le nom de haches celtiques et que le vul

occupés par les Romains et des tribus celtiques, ou au moins gaire regarde comme tombées du ciel (pierres de tonnerre), furent

tout auprès (3). » Il pense , d'ailleurs, que ces souterrains ont été employées et quelle fut au juste leur destination ,mais une sorte

longtempshabités, ce que prouve, dit-il, d'une manière irré de respect superstitieux n'a pas cessé de les entourer ; on
« cusable la détérioration par le frottement de la partie inférieu croit encore de nos jours que leur présence dans les habita
a re de la plupart desmontants de porte et des angles de cou tions préserve celles-ci de la foudre ; d'autres y trouvent des
loirs (4 ). » D'après notre manière de voir, il nous suffira de amulettes et des remèdes contre certaines maladies des trou

changer un mot de la phrase de M. Rossignol pour la faire ser peaux; danstous les cas, il est rare qu'un paysan qui les rencon
vir à notre argumentation , en disant que ces souterrainsont été tre, pour peu qu'elles soient conservées, ne les recueille ou
longtemps fréquentés. tout au moins ne les dépose en un lieu sûr où il pourra les re
L'arrondissement de Lavaur ( Tarn ) a offert à M. Ch . Grellet trouver , choisissant pour les placer l'entrée d'un souterrain ,
Balguerie l'occasion d'étudier plusieurs souterrains ne différant une excavation dans les rochers, le pied d'un arbre , les bornes
d'un champ
que par quelques détails de ceux que nous venons de citer, en
treautres celui que cet intelligent observateur a désigné sous la Nous devons donc nous tenir en garde contre les conclusions
dénomination d'Habitation souterraine forti fiée de Fiac (5 ) parce à tirer de ces faits encore si rares. Ne savons-nous pas que les
qu'il a cru voir à l'intérieur des travaux de défense . Ecrivant cryptes d'approvisionnement furent fréquentées à l'époque
en dehorsde toute idée préconçue , M.Grellet- Balguerie a cons gallo -romaine, pendant le moyen -âge et, depuis, jusqu'à nos
taté quele pic en fer avait été employé à creuser ces galeries , jours ?
en faisant observer que leurs voûtes ne présentaient qu'un faux Dans tous les cas, les inductions tirées de la présence de ha
semblant du style ogival. Ce que j'aidéjà dit de l'état de nos ches en pierre polie dans nos souterrains , en supposant qu'elle
souterrains comme impropres à tout système de défense à l'inté
rieur me dispensede revenir sur cette question . (1) Avec plan et dessins de haches polies et de tessons.
(2) Dans cette élude nous n'avons relaté que les cryples au sujet
desquelles on a formulé des opinions touchant leur âge et le mode de
(1) Congrèsarchéologiquede France, XXX Session , à Albi, 1864, p. creusement employé ; mais on en connait un bien plus grand nombre ;
370 . M. Léon Drouyn a fait connaître le Refuge de Lugagnac (Lot) ; M.Dusan
(2) Rossignol, ib . pp. 377-378. a indiqué des souterrains à Aulerive et à Caujac (H.-Garonne) ; on en
(3 ) Rossignol, ib . p . 380 . a constaté à Toulouse et dans ses environs, à Périole, à Pouvourville , à
( 4) Rossignol, ib . p . 381. Lavalette, à Mons, à Flourens, à Montgiscard , elc. M.de Puy-Montbrun
(5 ) Revue archéologique du Midi de la France, 1866, pp. 183-187, vient d'en découvrir un à Auriac.
avec plan , el pp. 220-225. 16
130

pût dater de l'époque où ces instruments étaient encore en usa Mais quelle était cette nation ? Les objets recueillis, qui
ge , ne contrarieraient en rien nos précédentes conclusions, auraient pu porter la lumière sur cette importante question ,
ne sachant pas , ainsi que je viens de le dire, l'époque à laquelle sont fort rares . Les souterrains de la Vendée n'en ont pas
on cessa de les employer, comme armes ou comme outils , et, fourni ; ceux de Tarn -et-Garonne en ont livré de fort intéres
peut-être à la fin , en se rapportantà d'antiques traditions, comme sants : une chambre avait servi de dernier asile à deux femmes
objets de culte. déposées sur le sol et ayant à leurs côtés des restes de poteries ,
hommage laissé par ceux qui leur accordèrent les suprêmes
adieux. Or, il faut faire remonter cette inhumation à l'époque
Il est temps de me résumer et de vous redire , mon cher ami, gallo-romaine à laquelle doivent être attribués ces débris. Bien
que pour moi les souterrains factices qui ont été appelés souter mieux, puisque le souterrain avait nécessairement précédé la

rains-refuges, habitations troglodytiques, ne furent pas cons sépulture, et que celle-ci était, croyons-nous,un cas exceptionnel,
truits pour servir de demeure même temporaire à des familles rien ne s'oppose à ce que l'on recule jusqu'à l'époque gauloise
humaines ; ils ne présentent, comme je l'ai dit, aucune des con l'existence de la crypte , sans que l'on puisse préciser autrement:
ditions les plus indispensables à une telle destination . Le dé cette date . Aller au delà serait s'aventurer dans le domaine de

faut d'espace, d'air et de lumière s'oppose à cette interprétation . l'imagination , sans être soutenu même par des présomptions ;

Avait-on voulu en faire des lieux de sépulture ? nous ne le nous ne connaissonsau juste nil'époque à laquelle on commença

pensons pas non plus, quoiqu'ils aient pu être parfois utilisés à inaugurer l'usage des cryptes d'approvisionnement ni celle

comme tels, ainsi que cela est arrivé. A quoi auraientservi lant où l'on cessa de les employer à ce titre : sachons attendre du
de soins, dont certains auraient été contre-indiqués , tels que les temps qu'il nous fournisse des documents plus complets. Peut
être qu'en étudiant avec une très grande attention les mœurs,
soupiraux, par exemple ? Que nous reste -t-il de suppositions
à faire ? les usages de nos ancêtres les Gaulois,on pourra parvenir à com

Je ne trouve que celle que j'ai formulée et qui consiste prendre qu'autour des bourgades etdes maisons disséminées dans

à les considérer commedes galeries souterraines destinées à la les bois, ayant quelques champs cultivés aux environs, de ces

conservation des approvisionnements, véritables greniers établis maisons que les historiens nous représentent construites avec
d'après un mode de construction d'une remarquable unifor des poteaux et des claies dont les intervalles étaient remplis de

mité , et si bien combiné qu'il se trouve conforme aux règles glaise battue, le faîte recouvert de chaume, ils avaient leurs

indiquées par la science moderne : isolement des produits , re souterrains destinées à recevoir les grains et les fruits qu'ils ré
nouvellement lent et modéré de l'air , à l'aide de couloirs coltaient. Qui sait si on ne parviendra pas un jour à supputer,
étroits et de soupiraux au plafond des chambres ; ouverture d'après leur importance relative , celle de la famille ou du clan
exigüe, ras de terre, pouvant être facilement déguisée au be qui les utilisait ?

soin . Aussi, est- ce pour rappeler les usages que j'attribue à ces
Mais je m'arrête,mon cher ami, ne voulantpas, après la sévè
galeries, que je proposerai de les désigner sous la dénomina
re revue des opinions d'autrui sur la destination de ces curieux
tion de cryples d'approvisionnement.
monuments, melaisser aller à mon tour au trop facile et trop
attrayant plaisir des suppositions. N'ouvrons pas la porte aux
1 Les soins apportés à leur construction , et cette sorte de cor conjectures ,de peur que quelque esprit sceptique et railleur ne
rection qui les caractérise , l'application continuelle des mêmes
nous renvoie aux contes de vos serviteurs, aux bonnes et fami
règles, démontrent qu'elles sont dues à un peuple arrivé à un lières Fées de Saint-Pau .
état suffisantde civilisation . Pour obtenir, en effet, de tels ré
Agréez .....
sultats, il fallait le pic et la pioche en fer , deux instruments dont
Dr J. B. NOULET ,
l'action se trouve inscrite en traits innombrables sur leurs parois
et que les roches dures nécessitaient. (1) Venerque, fer cctobre 1869 .

(1) M. Devals a maintenu devant le Congrès archéologique de France ,


réuni à Montauban , ses appréciations sur le creusement des habita mais non sans trouver des contradicteurs parmi ceux qui avaient visité
tions troglodytiques de Tarn - et-Garonne à l'aide de haches en pierre , certaines de ces excavations.
131

NOTE SUR L'ORIGINE ET L'EXPLOI DES TOURS

que l'on rencontre dans quelques vallées des Pyrénées Centrales .

Parmi les divers monuments des âges anciens qui attirent l'at est la plus plausible et je ne fais aucunedifficulté de m'y rallier
tention des archéologues dans nos belles vallées des Pyrénées , complétement.
il n'en est pas de plus attrayants que ces nombreuses tours, d'une Je me propose , en conséquence , d'étudier dans ce premier ar
construction si solide, que l'on rencontre presque partout, et ticle l'ensemble du système de signaux qui pouvait être établi
toujours perchées sur des hauteurs d'où la vue peut embrasser au moyen des diverses cours construites dans les vallées avoi
un vaste horizon . sinantBagnèresdeLuchon et se prolongeant jusqu'à Valentine,
On remarque tout d'abord que ces constructions ont été éle à la vallée de la Garonne et même jusqu'à Toulouse.
vées dans presque tous les endroits où se trouvent des ports , Quelques -unes de ces tours dontla construction , la forme et
c'est-à -dire des passages-frontières donnant accès d'Espagne en la situation, sont à peu près identiques , sont en parfait état de
France, et sur toute la longueur de la chaîne des Pyré conservation , soit parce qu'elles ont été restaurées , soit parce
nées . que leur construction les a mises à l'abri de l'action du temps ou
Assurément ce n'est pas sans motif que cet ensemble remar des efforts destructeurs des hommes : d'autres, au contraire ,
quable de constructions a été établi, et l'on ne peut s'empêcher tombent en ruines, etenfin , dans d'autres endroits, c'est à peine
de reconnaître que des idées bien arrêtées ont seules pu faire si on peut retrouver les vestiges apparents de celles qui y ont
bâtir toutes ces tours dans des conditions aussi bien déterminées existé .

de solidité et de position dominante . Dans l'ancien temps, il est certain que les passages les plus
Nous savons bien que toutes les forteresses du moyen -âge se fréquentés pour passer d'un côté à l'autre des Pyrénées, étaient;
distinguaient principalement par le choix des emplacements éle vers le centre de la chaine, le port d'00, celui de Vénasque,
vés où leurs possesseurs les perchaient comme des nids d'oi el la vallée de Fos, où est aujourd'hui la limite des frontières
seaux de proie . internationales ,marquée par le Pont du Roi.
C'est qu'en effet tous les seigneurs et les hobereaux de cette Eh bien ! la disposition et la combinaison des tours que l'on
époque si fertile en guerres continuelles, ne se préoccupaient rencontre dans ces divers passages indique bien clairementqu'el
guéres dans la construction de leurs châteaux , que de choisir les les y furent édifiées pour protéger ces passages ,mais bien plus
sites les plus inexpugnables, soit pour mieux défendre les rustres encore pour pouvoir signaler à toutes les populations environ
et les manants qui venaient se grouper autour de leurs manoirs, nantes, et même à de grandes distances , l'approche des inva
soit pour être plus à l'abri des représailles après leurs attaques sions si fréquentes à cette époque primitive de notre histoire.
contre leurs ennemis . Toutefois , il est bon d'observer que ce n'est que sur notre ver
Mais les tours carrées dont nous nous occupons paraissent sant quel'on rencontre ces défenses, et que malgré toutes les
avoir été bâties à un autre pointde vue, et tout à fait en dehors recherches, il n'en a pas été découvert de traces sur le versant
de ces préoccupations. méridional : c'est là un fait remarquable et qui semble pouvoir
Les archéologues ne sont pas d'accord sur leur âge et leur ori permettre de penser que la construction de ces tours remonte
gine . Quelques auteurs ont soutenu que c'étaient des restes de à l'époque où les Visigoths et les Sarrazins firent de si fréquen
constructionsdes Sarrasins ou Maures d'Espagne ; d'autres ont tes irruptions chez nous, c'est-à dire dans la période comprise
prétendu que c'étaientles ruines de forteresses que les Romains entre le VIIe et le IXe siècle de notre ère.
avaient élevées de distance en distance pourmarquer et assurer Ainsi, l'ennemidescendait-il par le port d'00 ? il était bien
leur domination sur les peuplades vaincues par eux de ce côté vite aperçu par la tour de Gouaux ,située sur un rocher quidomi
des Pyrénées , et pour protéger les voies de communication qu'ils ne le village à l'entrée du vallon d'Astos : mais ce n'était pas
y entretenaient à grands frais. Les uns veulent que ces lours ne assez que d'apercevoir l'ennemi s'avançant pour ravager et
remontent pas plus haut que l'époque des guerres de religion , et rançonner tout le pays , il fallait pouvoir le signaler dans le val
enfin les autres pensent que ces constructions sont beaucoup lon et les hameaux les plus rapprochés ; il fallait aussi pouvoir
plus anciennes , qu'elles remonlent à l'origine du moyen -âge , et mettre la population des vallées en garde contre l'invasion me
qu'elle avaientprincipalement pour mission de servir de signaux naçante , et c'est ce qui pouvait et devait se faire très facilement.
se reliant les uns aux autres, et formant ainsi une véritable télé En effet, la tour de Gouaux pouvait communiquer ses signaux
graphie aérienne. à celle de Castelblancat soit directement, soit par l'intermé
Après mûrexamen , je dois avouer que cette dernière opinion diaire des tours secondaires de Garin et de Gouron , qui ont au
132
jourd'hui à peu près complétement disparu , mais dont on re permettait à toutes de voler au secours des points menacés .
trouve des traces. La disposition des tours était telle que , non
seulement elles pou
Par la tour de Castelblancat et celle de St- Paul, tous les vaient toutes communiquer entr'elles pendant le jour, mais
villages de la vallée d'Oueil étaient mis sur leurs gardes . que même elles pouvaient échanger des signaux de ſeu pen
Dans la ville de Luchon , existait autrefois une autre tour qui dant la nuit .
pouvait parfaitement communiquer avec celle de Castelblancat. J'ai dit plus haut que toutes ces constructions devaient dater
Or, de la tour de Luchon on communiquait avec celle de Mous à peu près de la même époque, ce que semble bien indiquer
tajon , soit directement, soit par l'intermédiaire d'une autre l'identité de leur forme et de leur architecture . Toutefois je
tourdont on retrouve quelques vestiges au haut du village de pense que la plupart d'entr'elles n'étaient pas de simples tours
Montauban . isolées, mais servaient comme de donjons à des forteresses re -
Si l'invasion avait lieu par le port de Vénasque, c'est la tour lativement bien plus importantes.
de Castelvieil qui se rencontrait la première de ce côté, et qui Ainsi, celle de Castelvieil située au haut d'un mamelon dans
trarismettait les signaux d'alarme dans le val de Burbe , le fond de la vallée de la Pique, devait être entourée de fortes
et à Luchon. murailles, et probablement d'autres constructions dont les rui .
De Luchon , par Castelblancat et Gouaus , aux vallées du Lar nes sont encore visibles.
boust et d'Oueil, et par Montauban , Moustajon et Castelfort, dans Quant à celle de Moustajon que j'ai le mieux étudiée , j'ai fait

toute la vallée de la Pique. pratiquer quelques tranchées dans la petite prairie qui l'entoure
Sienfin l'ennemi commun descendait d'Espagne par la vallée du côté de la grande route de Montréjeau , et j'ai mis à nu des

d'Aran , il rencontrait comme sentinelle avancée, d'abord la masses imposantes de murailles solidement bâties en pierres

tour de Pomorin ou Puymorin , dominant le Pont du Roi et pou reliées par d'excellent ciment.
vant communiqueravec celle de Léer , celle de Ladivet aujour En outre, avant d'arriver à la tour proprement dite , on est
d'hui détruite , puis celle de St Louis , derrière et dominant arrêté par un mur massif qui s'élève encore à environ trois
l'église de St Béat. mètres hors de terre , et dont l'épaisseur n'est pas moindre de
Enfin , cette dernière se reliait à celle de Marignac , au un mètre soixante centimètres. La maçonnerie en est excessive
point de jonction de la vallée de la Pique avec celle de Saint mentcompacte et solide , il en est de même de celle de la tour .
Béat. Le ciment fait corps partout avec la pierre .
De ce point central deMarignac , les signaux pouvaient remon La tour elle -même a la forme d'un carré long dont la par
ter à volonté vers Luchon et la montagne, ou bien au contrai tie la plus large regarde la route ; elle est percée de fenêtres

re redescendre la vallée de la Garonne par la correspondance à une assez grande hauteur. Dans l'une d'elles , celle qui est la
bien établie des tours de Rouziet , de Fronsac et d'Izaourt . plus élevée, j'ai trouvé des restes de vieux bois qui devaient
Cette dernière pouvait communiquer avec celle de Brameva sans doute provenir des anciennes embrasures .
que et de là , avec celle de Mauléon - Barousse (1) au point de Les pierres qui ont servi à la construction de la tour et du
réunion des vallées de Sost et de Ferrères, formant la haute gros mur dont j'ai parlé, sont des éclats de schistes pro
Barousse . venant de la montagne de Cazaril, à laquelle la tour est presque
La tour d'Izaourt pouvait encore transmettre ses communi
adossée.
cations à celle de Barbazan ; par celle-ci, à celle d'Ardiège , et Quant aux constructions que m'ont fait découvrir mes fouilles
enfin à celle de Montespan , près de StGaudens. dans le pré qui précède la tour , je croirais volontiers qu'elles
De là ,les signaux pouvaientmême être transmis jusqu'à Tou sontles ruines d'une forteresse beaucoup plus ancienne, sur
louse par cette suite non interrompue de formidables châteaux l'emplacement de laquelle on a élevé la tour actuelle .
:

féodaux élevés sur les côteaux qui bordent le cours de la D'abord, les matériaux ne sontpas les mêmes : ici il у bien
Garonne. des pierres schisteuses, mais il y a encore plus de gros galets
Cette organisation admirablement adaptée à la défense du enlevés aux lits torrentueux de la Pique et de l'One . Puis j'ai pu
pays, rendait toutes les vallées solidaires les unes des autres, et recueillir quelques objets qui,mélangés avec ces ruines, doivent
me faire penser qu'ils datent de la même époque.
(1) Cette ancienne capitale des quatre vallées : Aure, Barousse , Neste ,
Ces objets sont : quelques débris informes de poterie assez
Magnoac, et résidence des comtes de Comminges, leurs seigneurs et
maitres, est aujourd'hui un chef-lieu de canton de l'arrondissement de grossière , dans le genre decelle que j'avaisdéjà pu recueillir dans
Bagnères de Bigorre . Située à l'angle de réunion des deux vallées d'Ost
legrand tumulus Gallo -Romain deGarin ; puis des boules de granit
et Ferrères qui forment la Haule -Barousse ou la Savoie des Pyrénées,
cette petite ville preside à la vallée unique quidescend vers St Bertrand, porphyroïde bien arrondies etpolies par la main de l'homme :
et constitue la Basse - Barousse. Sur le rocher qui la domine est la
tour à signaux qui surveillait celle vallée et communiquail, par celle de des pierres plates,des ardoises, arrondies tout autour et percées
Bramevaque, avec les tours portant à Toulouse les signaux envoyés des d'un trou à leur centre . Le grand diamètre de ces pierres peut
vallées Luchonnaises.
(Les Pyrénées et les eaux Thermales de Bagnères de Luchon par MM . être de cinq à six centimėlres : d'autres pierres plates et arron
E. Lambrou el C. Lezat. 1864,Paris Nap . Chaix : Tom . II page 737.) dies, mais sans trou au milieu : des fuselières, c'est-à -dire de
- 133
petits blocs de poterie grossière , rougeâtre , arrondis , et d'en faire la base ou le fondement de cette opinion ; et quant
percés au milieu d'un trou bien rond qui, suivant quelques aux constructions elles mêmes, d'après ce que j'ai dit plus haut
archéologues , servaient à mettre au bout des fuseaux pour que des ruines de celles de Moustajon , le lecteur peut voir qu'il
les ménagères pussent les faire tourner plus facilement : puis n'y aurait rien d'étonnant à ce qu'elles fussent contemporaines
des boucles grossières de bronze , et quelques fers de flèches de de la période Gallo -Romaine, qui a laissé tant de traces dans
forme carrée recouverts d'une forte couche de terre et d'oxyde : ces contrées. Mais ce n'est qu'avec une extrême réserve qu'i!
enfin un morceau d'os travaillé , et lamoitié d'unemeule demou faut assigner des dates aussi reculées à des édifices dont rien ,
lin à bras , en granit poli. (1) dans l'histoire du pays, ne permet de baser solidement la
D'après cela , il estpermis de supposer qu'il a dû exister sur cet génération .
emplacementune très ancienne construction quiaura été détruite
On trouve dans la charte des priviléges accordés par Bernard
probablement dans le VIIIe siècle , à l'époque de la grande inva
comte de Comminges, en 1315 , aux vallées de Luchon , des traces
sion des Sarrasins d'Espagne (2 ). Plus tard , on aura inis à pro bien évidentes de l'utilité des chateaux- forts à cette époque.
fit l'admirable situation où se trouvaient ces ruines , pour y
Ainsi, il y est question souvent de son château de Bagnères de
bâtir un autre château avec son donjon carré.
Luchon ; de celui de Castelblancat ; de sa châtellerne de
D'après son architecture , cette seconde construction doit da
Frontigues, et on voit qu'il exerçait les droits de justice haute ,
ter du XIIe ou du XIIIe siècle. C'est aussi à cette même époque
moyenne et basse, depuis le territoire de Moustajon jusqu'à la
que je crois pouvoir attribuer avec quelque certitude, les autres frontière.
tours carrées de ces vallées, celles au moins que j'ai pu visiter , - En outre la charteajoute : « Et primo quod deinceps et in futu .
comme Moustajon , Castelvieil, Castelblancat, St Paul, St Louis, « rum nostri subditi castellaniæ Frontiguesii solventet pagabunt
* pro quolibetmula , an bove, vacca pro omnijure foranæ quæ
et Marignac.
C'est aussi vers cette même époque que fut construit le châ volebunt passare in Hispaniam tempore pacis et quando arma
« non movebuntur inter nos et hispanos, videlicet de iis que
teau dit de Moncade à Orthez , dont le beau donjon subsiste
nutriuntur et hibernabuntur in Castris, Castellis, Urbibus,
encore , et n'estpas sans analogie avec les tours carrées qui Villis , Villagiis et oppidis de Fronsaco, Blancato , Gauxio et
nous occupent : le château de Sauveterre, aussi dans le Béarn , « Borderis cum subditis nobilium domiciliorum de Larbusto ,
et quelques autres encore debout en partie de ce côté des Py sexdecim solidos turones. »
rénées, sont évidemment contemporains. On voit donc que l'étatde guerre avec les Espagnols était,pour
Il estde tradition dans le pays que les tours actuelles en ont les habitants de nos frontières, l'état ordinaire des choses au
commencementdu XIVe siècle ,époque à laquelle je crois que l'on
remplacé de beaucoup plus anciennes, élevées sur le même lieu
peut faire remonter la dernière reconstruction des tours et for
vers le Ve siècle , époque d'incessantes invasions, et que leurori teresses qui nous occupent.
gine serait Gallo -Romaine . Selon moi , cette opinion peut Bayonne, le 12 janvier 1870.
parfaitement être émise et soutenue , quoique je ne connaisse Henry POYDENOT.
aucun document historique authentique qui puisse permettre

(1) Evidemment ces objets n'appartiennent pas à la même époque ; les (2) A ce sujet, la Chronique d'Auch renferme la phrase suivante :
uns, tels que les os travaillés et le moulin de granit se rapprochent des « Vers 721 et724 les cités et églises deGascogne furont détruites par les
temps primitifs et préhistoriques, d'autres rappellent la période Gallo Sarrasins. » La tradition conserve encore de nos jours le souvenir des
Romaine, d'autres enfin appartiennent sans aucun doute aux com dévastations et des massacres qu'ils commirent dans le Comminges et
mencements du moyen -âge. tout spécialement dans les lieux dont nous nous occapons.
Mais ce qui est non moins incontestable c'est que la réunion de ces Ainsi, il est constant que déjà vers la fin du VIII° siècle les Maures
divers débris dans une même enceinte , prouve qn'à toutes les époques avaient pénétré dans les vallées de Larboust el deLuchon. Nous trouvons
on a élé frappé de la position exceplionnellement heureuse de ce point encore dans de vieilles coutumes, que les quatre vallées Neste , Aure,
fortifié presque naturellement, et que toutes les générations qui se sont Barousse et Magnoac, possèdent les priviléges a que Don Sanche
Succédé y ont laissé de profondes empreintes de leur passage. « Abarca, roi d'Aragon , avait accordés en 901, au com !é d'Aure el terre
Il seraitdonc possible qu'il y cût eu une véritable série de constructions « d’Aure, lorsque les habitants se soumirent volontairement à lui, en
de toutes les époques, élevées successivement sur le même emplacement. « reconnaissance de ce qu'il les avaitdélivrés de l'oppression des Maures
Des fouilles plus complètes, dirigées avec intelligence, et discerne a qui avaient constamment régi les habitantsde toutes ces vallées
ment, pourraient peut-être fournir à cet égard des éclaircissements pré
cieux et d'un haut intérêt pour la science et l'histoire archéologique. ( Histoire des populations Pyrénéennes, par M. Castillon . )
- 134

DES HABITATIONS TROGLODYTIQUES .

Lettre à M. Noulet .

BIEN CHER MONSIEUR , greniers établis d'après un mode de construction d'une


Je viens de lire avec la plus grande attention et surtout avec remarquable uniformité ... Les soins apportés à la construc
le plus vif intérêt le remarquable travail que vous publiez « tion de ces cryptes d'approvisionement (désignation proposée
dans la Revue archéologique du Midi de la France sur les Cryp a par vous) et cette sorte de correction qui les caractérise ,
tes d'approvisionnement, qui existent en si grand nombre dans « l'application continuelle des mêmes règles , démontrent qu'el
le Tarn -et-Garonne et les départements voisins. Je n'ai rien à · les sontdues à un peuple arrivé à un état suffisant de civili
objecter contre les cryptes de ces derniers, que je ne connais a sation . Pour obtenir, en effet, de tels résultats , il fallait le pic
point, et j'admets très- volontiers à leur égard , la destination « et la pioche en fer, deux instruments dont l'action se trouve
que vous leur assignez , parce qu'en fin de compte rien ne s'op inscrite en traits innombrables sur leurs parois et que les ro
pose à ce que quelques-uns de ces souterrains, impropres pour ches duresnécessitaient. »
plusieursmotifsà servir d'habitation ,aient pu servir degreniers; Avant que j'entre en matière, veuillez me permettre , mon
mais il ne saurait en être de mêmepour ceux de notre départe cher Monsieur , de revendiquer, pour mon propre compte les
ment, que j'ai étudiés
avec soin et dans aucun desquels, en droits de priorité que , faute de renseignements , vous avez cru
dépit demabonne volonté , je ne puis reconnaître le caractère pouvoir attribuer à M Léon Audé, auteur d'un mémoire écrit,
de ceux que vous avez observés à Saint-Pau (Lot-et-Garonne ), en 1860 , sur le Souterrain refuge de Ré aumur (Vendée), non que
quelle que soit la déférence que je professe pour les opinions j'attache une grande importance au fait d'une publication qui
d'un hommeaussi compétent que vous l’ètes , notamment pour serait un peu antérieure aux miennes sur un sujet analogue,
tout ce qui se rattache aux époques préhistoriques . Je prendrai par la raison bien simple que le travail de M. Audé m'est enco
donc la liberté de vous soumettre quelques objections , non
re inconnu et par conséquent n'a pu me servir , mais parce
pour la vaine satisfaction de contredire un travail conscien que , la question de priorité étantposée, il me paraît de toute
cieux , mais parce que je sais que vous n'êtes pas un homme justice de rendre à chacun son dû . Mes premières études sur
. de parti pris, et qu'au -dessus desmesquines préoccupations de les habitations troglodytiques ont été , en effet, adressées sous
l'amour-propre vous placez avec raison l'intérêt sacré de la formede rapport, le 26 septembre 1847, peu de jours après la
vérité . Or, cette vérité , je ne la recherche pas avec moins de découverte du souterrain des Poulidels , au Comité historique des
passion que vous, et aujourd'hui qu'il s'agit d'une question de Arts et Monuments établi près le ministère de l'Instruction pu
nature à jeter une vive lumière sur une période bien peu con blique, et, l'année suivante , j'envoyai un nouveau rapport sur
nue encore et pourtant si intéressante , puisqu'elle a trait aux les souterrainsdu Fau , d'Arbussy et du Cruzel, situés dans la
débuts de la civilisation , je ne crois pas devoir accepter sans commune de Montauban .
contrôle les conclusions que vous étendez aux cavernes artifi Personne n'a jamais contesté ce fait que la civilisation ne s'est
cielles de notre département, et qui me paraissent allérer le pas établie simultanément chez tous les peuples de la terre et
véritable caractère des curieux monuments que nous a laissés que,dans samarche de l'Orient à l'Occident, elle a laissé de vas
cette civilisation primitive, alors surtout qu'une étude scrupu tes régions plongées dans d'épaisses ténèbres , tandis qu'elle
leuse des nombreux souterrains que renferme le département brillait du plus viſ éclat dans d'autres régions plus favorisées.
de Tarn -et-Garonne m'a permis d'asseoir sur une base , oserai-je Si, de nos jours encore , certaines peuplades des sauvages de
dire inébranlable, l'opinion qui s'est peu à peu formée dans l'Océanie et de l'Amérique septentrionale se creusent, au dire
mon esprit au sujet de la destination réelle de ces antiques des missionnaires chrétiens, des grottes profondes pour leur
souterrains. servir d'habitation ou de refuge, pourquoi cet usage si naturel
Selon vous « les souterrains factices qui ont été appelés sou n'aurait-il pas existé, dans les temps primitifs , sur les divers
· terrains refuges, habitations troglodytiques, ne furent pas pointsde l'Asie et de l'Europe qui se trouvaient en dehors du
a construits pour servir de demeure même temporaire des courant civilisateur ? Eh bien ! ici comme ailleurs , l'humanité
a familles humaines, et ne présentent aucune des conditions a débuté par la vie des cavernes et, de même que nos mission
a les plus indispensables à une telle destination . Le défaut d'es naires l'attestent aujourd'hui pour quelques tribus de l'Océa
« pace, d'air et de lumière s'oppose à cette interprétation . On nie et de l'Amérique , de même les auteurs grecs et romains
« ne doit les considérer que comme des galeries souterraines , le constatent pour les tribus sauvages qui habitaient de leur
destinées à la conservation des approvisionnements , véritables temps le continent asiatique et européen . Comment pourrait-on
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conserv er encore quelques doutes sur la destination réelle des de petits dessins en forme de croissant faits avec l'ongle ,
souterrains artificiels , en présence des textes siclairs et si précis et de cordons en relief offrant l'empreinte de doigts de femme,
d'Eschyle , de Xénophon , de Strabon , de Virgile , de Pline l'An . et des doigts inexpérimentés d'un enfant. C'est encore là que
cien , de Pomponius Méla , de Quinte-Curce et de Tacite (1) , qu' les femmes devaient préparer et coudre les peaux de bêtes qui
servaient de vêtement à leur famille . Voilà , si je ne me trompe,
tous établissent d'une manière péremptoire que , dans diverses
régions, l'homme se creusait des cavernes souterraines : ici dans quel sens on peut affirmer, avec Xénophon et Pline l’AQ
pour en faire son habitation permanente : là pour se ménager cion , que ces cavernes étaient réellement les maisons de nos tro
un refuge assuré contre les rigeurs de la température et les at glodytes. (Az o'oixía prav tatayelok. --Troglodytæ specus excavant,
teintes de l'ennemi ? hæ illis domus. )

Un seul texte, parmi tous ceux que je viens d'indiquer , sem Examinonsmaintenantles conditions d'habitabilité qu'offrent

blerait venir à l'appui de votre opinion sur la destination de les cavernes artificielles du Tarn -et-Garonne.

ces monuments primitifs : c'est celui de Tacite, dans le passage, Quand on pénétre dans ces souterrains, on est d'abord frappé
où il fait, des cavernes artificielles de la Germanie , un lieu de du nombre et de l'intelligence des précautions prises pour en in .

dépôt pour les grains (receptaculum frugibus).Mais il faut bien se terdire l'accès à tout autre qu'à leurs possesseurs. Partout, en

garder de prendre cette explication dans un sens absolu , car , effet, plusieurs issues , deux au moins , débouchantdans des di.
lom d'exclure en aucune manière l'idée d'habitation , elle la rections opposées , et visiblement destinées à assurer la fuite des

compléterait au contraire , ainsi que le témoignage d'ailleurs, habitans, au cas où l'une des entrées aurait été découverte et

surabondamment l'existence de silos et placards à provision , forcée par un ennemi.

dans la plupart des souterrains de notre département. Du reste , Partout, de longs et étroits corridors disposés en ziz -zag et

le grand historien a eu bien soin de prémunir ses lecteurs con coupés de distance en distance par un barrage, dont les rainu .
treune interprétation si opposée à sa pensée et à la vérité des res perpendiculaires pratiquées dans les parois accusent oncore
faits, en disant que les peuples de la Germanie n'habitaient l'existence, dans le but évidentde ralentir ou même d'arrêter la
marche d'un agresseur.
point des villes, et qu'ils ne souffraient pas des demeures con
tiguës, mais qu'ils vivaient séparés et dispersés ,... et que les Partout, des réduits latéraux creusés dans les galeries, quel
cavernes souterraines qu'ils avaient contumede se creuser étaient quefois en retour d'équerre comme au Cros , et solidement for.
aussiun refuge contre l'hiver (suffugium hiemi),parce que la dis tifiés, à l'entrée , par des traverses de bois, pour s'y embusquer
position de ces lieux adoucissait l'âpreté du froid quia rigorem et défendre ainsi l'approche des chambres .
frigorum ejusmodi locis molliunt. Pas n'est besoin d'insister , je Partout, des chambres en nombre proportioné à l'importan
le pense , pour qu'il soit rigoureusement établi que ce texte ce de la famille qui habitait le souterrain , et variant, dans notre
de Tacite, qui paraissait d'abord favorable à votre supposition , département, de deux à quatorze .
doit être interprété dans le sens d'une habitation au moinstem . Partout, à l'entrée de ces chambres, de larges et profondes
poraire des souterrains artificiels de la Germanie et par suite rainures pratiquées perpendiculairement, de chaque côté des
des souterrains du même genre existant en France . portes, pour recevoir une forte barricade qu'épaulaient encore ,
C'est ici le lieu d'expliquer de quelle manière nos grottes fac à l'intérieur des chambres et non en dehors, comme vous le sup
tices pouvaient servir d'habitation . Occupés durant le jour à la posez , des traverses de bois fixées dans des trous ronds ou car
chasse ou à la pêche, les hommes n'habitaient guère ces souter rés.
rains que la nuit et dans la saison froide et pluvieuse , pendant Ici, des trappes kéantes , sous forme de citerne, comme à
laquelle la température de ces grottes est relativement très-éle Saint- Sernin -d'Ordalilles et à Bonrepos ; sous forme de silos ,
vée, ou bien encore lorsqu'un danger sérieux menaçait la famil commeaux Poulidets, ou simplementsous forme de trous circu .
le . Quant aux femmes, elles ne devaient guère s'en écarter que laires de 1 mètre 50 cent, à 2 mètres de profondeur, comme
pour ramasser l'herbe sèche destinée à la couche et dont on voit aux Proats -Hauts ( commune de Léojac) et aux Garrigues (com
encore l'empreinte sur les parois des chambres, notamment mune Lamothe-Capdeville), creusées à l'entrée ou au détour des
dans le souterrain du Cros, à Léojac, et aussi pour cueillir les galeries, pour engloutir un imprudent envahisseur .
glands,les noix et les châtaignes qui, d'après les découvertes fai Là,comme au Cros ,de volumineuses pièces de bois assujetties
tes dans l'habitation souterraine du Cros, constituaient, avec en guise d'entraves , de distance en distance , dans des trous
le petit millet, les principaux approvisionnements de nos sauva . existant de chaque côté des corridors, à vingt centimètres envi.
ges aïeux. Le soin d'élever les enfants et de préparer le repas de ron au dessus du sol, pour faire choir l'assaillant et ménager
la famille les retenait, la plupartdu temps , soit dans les sou. ainsi au défenseur du souterrain le moyen de s'en défaire sans
terrains, soit à leurs abords. C'est là que devaient se façonner
courir les risques d'une lutte parfois inégale.
ces vases grossiers qu'on trouve dans presque toutes nos exca . Telles sont les précautions habituelles prises pour la défense
vations, et que jai recueillis en si grand nombre au Cros et aux de ces souterrains, précautions combinées uniquement, ainsi
Proats-Hauts, vases généralement décorés de filets irréguliers, qu'il est aisé de le constater, en vue de repousser des attaques
- 136

venues du dehors. On ne les comprendrait plus s'il fallait con Le défaut d'espace ? Je prends au hasard dix de nos souter
sidérer ces cavernes comme des cryptes d'approvisionnement, rains. Sur les trente -trois chambres qu'ils re nferment.
et on se demanderait avec raison à quoi bon , dans ce cas, on 6 ont de 5 à 6 mètres carrés.

aurait multiplié , à l'intérieur de ces prétendus greniers, des obs 6 de 6 à 7 id .

tacles forts gênants et qui n'auraient pas eu leur raison d'être , 3 de 7 à 8 id .

lorsqu'il aurait évidemment suſfi d'assurer la commodité de la 4 de 8 à 9 id .

circulation au moyen d'une galerie unique et plus large, abou 4 de 9 à 10 id .


5 de 10 à 11 id .
tissant en ligne droite et sans encombre au grenier souterrain
1 de 11 à 12 id .
et d'une seule porte extérieure assez solide et assez cachée
aux yeux des malfaiteurs , pour garantir la sécurité du dépôt. 1 de 12 à 13 id .

1 1
Vous ne croyez pas que « les couloirs en ziz -zag , les niches de 13 à 14 id .
qu'ils présentent, le moindre soupirail, aient pu servir à la de 19 à 20 id .
« défense de ceux qui se seraient renfermés dans ces souter 1 de 26 à 27 id .
rains, et que des actions, des combats aicnt dû être livrés C'est en moyenne 9 mètres 13 cent. carrés par chambre et

· dans ces réduits. Était-il bien besoin pour se défendre , ajou 30 mètres 15 cent. carrés par habitation souterraine, avec une
« tez -vous, d'aller se risquer dans de telles profondeurs, lors hauteur de voûte variant 'de 2 mètres 50 cent. à 3 mètres 75

• qu'il suffisait à l'agresseur d'employer , pour réduire à merci cent. Vous conviendrez avec moi que, pour de misérables
les assiégés , disons mieux, pour les ensevelir vivants dansde sauvages étrangers aux mille exigences de notre civilisation ,

sa tels repaires, le cruel moyen que l'historien Florus raconte c'était bien suffisant. Combien de gens civilisés voudraient

« avoir été mis en usage contre les Aquitains réfugiés dans les a ujourd'hui pouvoir être aussi amplementlogés !
• cavernes de leur pays ; César les y fit enfermer : jussit includi, Le défaut d'air ? — Lorsque ces grottes étaient habitées, leur
dit- il, en parlant du parli que prit le général romain . » ventilation ne laissait rien à désirer, grâce aux deux ou trois
Débarrassons d'abord le terrain des niches et des soupiraux issues qu'elles possédaient, ainsi qu'aux soupiraux ouverts
qui n'ont rien à faire pour la défense des souterrains, et repor. au nombre d'un à trois , à la voûte des chambres et aboutissant

tons-nous, non pas au temps de César, où ces excavations ser à la surface du sol extérieur. Aujourd'hui même que les issues

virent accidentellementde refuge, et où les moyens d'attaque et les soupiraux sont en très grande partie bouchés , on y res

différaient totalement de ceux qui avaient été jadis employés, pire fort librement, et je puis affirmer , pour en avoir fait moi
même l'expérience, qu'on peut, sans en être nullement incom
mais au temps où les hommes, comme dit Tacite au sujet des
modé, demeurer plusieurs heures dans celui de tous nos souter
Germains , « n'habitaient point des villes et vivaient séparés et
dispersés, à l'abri de cavernes souterraines , et vous recon rains dont l'aération est actuellement la plus inparfaile, celui
naîtrez , je n'en doute pas, qu'avec le système de défense dont de Goudou (commune de Lamothe-Capdeville), où les galeries et

j'ai donné un aperçu , système en rapport avec les moyens d'at les chambres sont tellement obstruées , qu'on ne peut se glisser

taque de ces temps primitifs, l'homme pouvait lutter avantageu dansles premières qu'en rampant, et qu'il faut absolument se
sement contre des ennemis en très-petit nombre , que l'étroitesse croupi dans les secondes.
tenir accr
calculée des corridors contraignait à se présenter un à un , et Le défaut de lumière ? — Celte fois je conviens que l'objec
que les piéges ouverts sous leurs pas , joints aux obstacles accu tion est fondée , bien qu'à la rigueur, lorsque les soupiraux
mulés devant eux, mettaient hors de combat ou rebutaient. élaient ouverts , ilpûtpénétrer un peu de jour au fond des cham
Vous reconnaitrez aussi qu'après avoir surmonté tous les obsta bres, comme il est aisé de s'en assurer à Saint-Sernin -d'Ordalil
cles, ce qui, à mon avis, était bien difficile , sinon impossible , ·les , où le soupirail de la grande chambre a été dégagé par mes
l'assaillant n'avait pas pour cela réduit les assiégés, parce que , soins.Mais fort heureusement l'homme a depuis longtemps trou
dans presque chaque chambre, il existait une galerie de fuite plus vé les moyensde suppléer à la lumière du jour, et d'avoir raison
étroite que la principale et dont l'entrée, surbaissée à dessein , des ténèbres les plus épaisses. Eh bien ! nos sauvages aïeux
était facile à défendre assez longtemps pour permettre aux avaient, eux aussi, mis ces moyens en pratique, et ils nous ont
habitants de s'esquiver dans les fourrés épais où débouchaient laissé la preuve dans les nombreuses niches encore enfumées ,
toujours ces sortes de corridors , loin de l'entrée ordinaire du creusées dans les chambres ou au détour des corridors, que
souterrain . l'on remarque dans la plupart de nos souterrains, niches dont
Après avoir discuté les conditions de sécurité que nos grot la destination évidente était de recevoir une lampe ou la chan
tes artificielles offraient à leurs habitants, examinons si, comme delle de cire, de suif ou de résine à l'usage des populations
vous l'affirmez , « elles ne présentent aucune des autres condi galliques.
a tions indispensables pour servirde demeure , même temporai Je crois avoir répondu à toutes vos objections contre la
a re , à des familles humaines , et si le défaut d'espace , d'air et possibilité d'habiter nos grolles artificielles.Permettez-moimain
• de lumière s'oppose à celle interprétation . » tenant, cher Monsieur, d'ajouter quelques considérations propres
137

à démontrer d'une manière plus évidente que ces grottes réu ter , décore la grande chambre du souterrain de Saint- Sernin
nissent toutes les conditions désirables pour servir d'habitation d'Ordalilles, et qui a été l'objet de tant d'interprétations , eût ja
dans le sens que j'ai indiqué plus haut. dis servi de support au fétiche du lieu.
Nous avons pu nous convaincre que tout y était admirable Parlerai-je encore des autres ornementations qu'ont reçues
ment combiné pour la défense , et que rien n'y faisait défaut certaines de nos cavernes, telles que les moulures des portes,
sous le triple rapport de l'espace , de l'air et de la lumière , arti aux Poulidets , à Bonrepos, au Cros, à Saint- Sernin -d'Ordalilles
ficielle s'entend. Voyons si elles étaient aussi bien partagées etc , et les imbrications des voûtes dans les galeries du Cros ? Ce
sous celui d'un certain bien -être qui, même dans l'état sauvage, sujetm'entrainerait trop loin et n'ajouterait pas grand'chose à
est toujours recherchépar l'homme. ma démonstration . Personne n'ignore aujourd'hui que ,même à
Les approvisionnements recueillis pour la mauvaise saison , une époque antérieure à nos souterrains, il se trouvait parmi les
durent être d'abord entassés dans les coins d'une chambre, mais sauvages de véritables artistes, et que depuis il a dû s'en trouver
c'était là une cause d'encombrement et d'embarras que l'on sin aussi pour décorer tant bien que mal les habitations où ils
génia à faire disparaitre . C'est à coup sûr pour obvier à ces in étaient contraints de passer une partie de leur existence.
convénients que furent creusés les silos qu'on voit dans les sou Je vous le demande maintenant, cher Monsieur, que peut-il y
terrains des Poulidets ( commune de Montauban ), de Saint-Ser avoir de commun entre les silos , les placards à provisions, les
nin d'Ordalilles et de Bonrepos ( commune de Saint-Nauphary), citernes, les bancs, les niches à idoles, l'ornementation de nos
de Renoy ( commune de Monpezat ) , de Raynaud ( commune de grottes artificielles, et de simples greniers ou cryptes d'approvi
Lauzerte),etc., et les placards à provisions , encore plus com sionnement, comme vous les appelez ? Ai- je besoin de faire res.
modes , qu'on remarque au Cros (commune de Léojac ), à Bon sortir tout ce qu'offriraient d'étrange des silos, creusés dans des
repos (communede Saint-Nauphary), à Dardé (commune de Cor silos, et peut-on comprendre le rôle qu'auraient joué dans ces
barieu ,) à Allard (commune de Réalville) , à l'Olmède (commu prétendus greniers, les citernes , les bancs et les niches des
ne de l'Honor - de-Cos ) à Renoy, etc. Ces silos et ces placards idoles ?

suffisaient et au delà aux besoins de la famille troglodyte. Puison Après avoir démontré que nos souterrains non seulement
dut se dire que plus rien ne manquerait à l'habitalion , s'il était étaient parfaitement habitables,mais qu'ils ont dû aussi être habi.
possible d'y avoir sous la main l'eau indispensable au ménage , tés, et que la plupart présentaient même certaines conditions de
qu'il fallait quelquefois aller chercher à une assez grande distan bien -être qui, à cette époque reculée , devaient en rendre le sé.
ce . De là , sans doute , le puits de Saint- Sernin -d'Ordalilles, jour relativement attrayant, il mereste à établir , grâce aux dé
le bassin long et étroit de Bonrepos , le bassin ovale de Saint couvertes opérées dans leurs profondeurs, qu'ils ont été réelle
Maurice ( communede Lafrançaise ) , la citerne de Raynaud , les ment habités. En voici la preuve :

bassins profonds de Mezard (commune de Puygaillard ) et de Re Il n'est guère de souterrain , dans le département de Tarn
noy , qu'alimentent constamment des sources souterraines , etc. et-Garonne, qui n'ait fourni son contingent plus ou moins co
Ce n'était pas tout encore dans certains souterrains, comme à pieux de poteries antiques. Ceux du Cros et des Proats-Hauts en
Marsal (commune de Lamothe Capdeville ), au Catou , ( com renfermaient notamment une quantité considérable, et, de plus ,
mune de Mirabel ) , à Saint-Victor commune de Molières ) , le premier a donné un polissoir en grès à veines rougeâtres ou
etc., on poussa l'amour du confortable jusqu'à tailler dans le tranchantdes haches de pierre a laissé plusieurs sillons des
les parois des chambres un banc qui faisait le tour de la pièce plus caractéristiques. Le second contenait, mêlés aux poteries,
et qui, tout en permettant aux habilants de la grotte de s'asseoir plusieurs os de bæuſ, de cheval et de cerf , taillés, en long, de
d'une façon plus commode que par le passé , semble avoir plus main d'homme.
spécialement consacré les chambres de ce genre aux réunions Les cavernes factices du Cros et des Proats- Hauts ont encore
de la famille . donné plusieurs de ces petits disques, faits avec des tessons
Après les commodités de la vie , il fallait bien que l'idée reli de vases qu'on arrondissait avec une corps dur faisantl'office
gieuse reçût aussi satisfaction .Nos habitations souterraines ren de marteau , et percés au centre d'un trou rond . Ces disques
ferment, comme nous l'avons déjà vu , plusieurs niches visible sont absolument identiques à ceux qu’on a recueillis , en 1866 ,
ment affectées à l'éclairage des chambres et des corridors ; mais dans les quatre dolmens de Keryaval , en Carnac. On les a
il en est d'autres qui ne portent aucune trace de fumée et dontla d'abord désignés par le nom de fusaroles ou de pesons de fuseau ,

forme ou l'ornementalion semble indiquer une destination dif mais on croit aujourd'hui qu'ils ne sont autre chose que des
férente .Cette destination inconnue, qu'aurait-elle pu être , sinon grains de collier . Un de ces grains , percé aux trois quarts , était
la mise en évidence , dans le lieu le plus apparent, de l'idole à resté inachevé : ce qui prouve que la fabrication de ces objets
qui ces pauvres sauvages rendaient un culte grossier ? Ces ni de parure avait eu lieu à l'intérieur du souterrain .
ches à idoles existent aux Poulidets, au Cros, aux Proats-Hauts, Des restes d'anciens approvisionnements ont été recueillis
à Dardé, à Saint-Maurice, à l'Olmède, etc., et je ne serais pas aussi dans le souterrain du Cros. Ils consistaient en une cer
étonné que la colonne-pilier rudimentaire qui, sans rien suppor taine quantité de petit millet, renfermédans des yases grossiers,
17
.
138

en noix de très -petit volume et en détritusde glands et de châ troglodytes qui ont creusé ethabité les excavations qu'offre la
taignes . Les vases contenant le petil millet avaient été brisés par vallée située à l'ouest de Medina . (H. T., Voyage à Malte , page
la chute du barrage au pied duquelils avaient été déposés , et qui 61).
fut détruit par le feu, et quelques ossements calcinés d'un en C'est encore à une race inconnue, sæur des troglodytes
fant de quatre à six ans qui avait péri victime de l'incendie , fu égyptiens , que les croyances populaires assignent pour demeu
rent retrouvés au milieu de ces débris . re les grottes factices de la vallée d'Espica , en Sicile (Ch . Didier ,
Passons maintenant aux armes fournies par nos grottes ar Voyage en Sicile , page 44) .
tificielles : Dans le Tarn -et-Garonne, on attribue généralement ces ex
Celle de Gibiniargues (commune de Puycornet) a donné une cavations à des sauvages. Vous constatez vous-même que , d'a
gaîne de hache de pierre , en bois de cerf ;, prés les récits du pays, le souterrain de la Terrasse, à Saint-Pau
Celle de Dardé (commune de Corbarieu) , deux haches en (Lot-et-Garonue), est sans cesse fréquenté par les bonnes peti
pierre polie ; tes fées de Saint-Pau , qui s'y livrent à de gais ébats (Des cryp
Celle de Marsal(commune de Lamothe-Capdeville), trois haches tes d'approvisionnement, page 123).
du même genre ; C'est bien déjà quelque chose en faveur de la haute antiqui

Celle de Croquelardit (commune de Cordes- Tolosanes), une ha té des souterrains artificiels , que cet accord à peu près unanime
che du même genre ; sur leur origine surnaturelle ; mais, après tout, ce n'est là que
Celle de Laperuguie (commune de Molières), deux baches du de la légende, et il nous faut aujourd'huides preuves plus po
même genre ; sitives.

Celle d'Espanel (commune de Molières), trois haches du même


genre ; Quelques -unes de nos habitations troglodytiques ont été, à
Celle d'Espiémont (commune de Saint-Paul-d'Espis), trois ha diverses époques, utilisées commelieu de refuge par les familles
ches du même genre ; établies dans leur voisinage. Nous avons à cet égard , pour la
Celle de Saint Pierre-de- Livron (commune de Caylus), deux période correspondante à la conquête de la Gaule par César,
haches dumême genre ; le témoignage de Florus et des preuves matérielles à l'Olmede
Celle de Sainte- Livrade (commune de Moissac), une pointe de et aux Proats-Hauts ; des preuves du même genre aux Poulidets,
flèche et un couteau en silex noir . pour les invasions des barbares ; à Mézard , pour les guerres
Il faudrait , je crois , agir de parti pris pour ne pas accepter anglaises; et à Saint-Maurice, pour les guerres de religion . Je ne
la présence de ces divers objets dans nos souterrains comme mentionnerai ici que les objets trouvés dans les deux souter
une preuve décisive que ces souterrains ont jadis servid'habi rainsque je viensde citer les premiers.
talion à des familles humaines : aussi ne vous ferai-je pas, cher Lorsque celui des Proats-Hauts fut découvert (1866 ), on trou
Monsieur, l'injure d'insister sur ce point. va dans la grande salle, au-dessous d'une couche de sable for
mée par d'anciens éboulements de la voûte , une quantité consi
Abordonsmaintenant, pour terminer, la question si impor dérable de poteries rouges, assez fines , consistant en grandes
tante de l'antiquité de ces curieux monuments. urnes avec anses et en petits vases, dont la physionomie
Comme toutes les choses dont l'origine se perd dans la nuit permettait de lesrapporter sans hésitation aux premiers temps
des lemps , les habitalions souterraines sont depuis longtemps de la domination romaine . L'année suivante , en ouvrant le
tombées dans le domaine de la légende. souterrain de l'Olmède , on recuillit presque à la
surface, dans
Ainsi, du temps de Strabon , c'est-à- dire dès les premières an e ale
la chambr princip , le culot d'une grande amphore . Ce gen
nées de l'ère chrétienne, les Grecs attribuaientaux Cyclopes les re de vases était, on le sait, connu des Gaulois bien avant la
cavernes en forme de labyrinthes, c'est-à -dire indentiques aux conquête . Le principal mérite de ces découvertes, quipermet
nôtres, creusées de main d'hommedansdes couches très tendres tent déjà d'assigner une date assez respectable à la construction
dela gorge qui existe en arrière du faubourg deNauplie (Strabon , des deux souterrains , est de servir de repoussoir aux poteries
Géographie, liv . VIII. - E. Puillon -Boblaye, Recherches géogra autrement anciennes que les fouilles firent exhumer en abon
phiques sur les ruines de la Morée, page 50). dance , dans le premier à une profondeur de 75 cent. et de 30
Dans l'Inde, on regarde ces grottes artificielles comme l'au cent. dans le second , au - dessous de la couche sur la quelle repo
vre des démons et des mauvais génies (Valentia , Voyages and saient les fragments de vases gallo -romains, et de rejeter ainsi
travels to India ) l'origine des deux cavernes bien au delà de l'invasion de la Gaule
A Gravina, dans les Pouilles , on croit que les innombrables par les légions de César. L'examen de ces antiques poteries
souterrains qui s'ouvrent sous la ville même et aux alentours , justifia complétement cette appréciation . Remarquables par la
ont jadis servi de retraite aux dieux d'abord , puis aux bom grossièreté de leur pâle mêlée de grains pierreux et quartzeux ,
mes. (Ch. Didier, Voyage dans les Pouilles, page 52). elles étaientde couleur grise ou noire , et offraient des dessins
A Malte , ce sont, d'après une tradition exacte cette fois, des irréguliers non moins qu'étranges faits en creux, les uns sim .
139

plement avec l'ongle, les autres avec un poinçon , ou bien en ont été ouvertes dans la couche aréneuse des collines, la civi.
relief, par la pression symétriquedu doigt sur un cordon sail lisation de ces contrées était à peu près au même niveau que
lant, avant la dessiccation des vases. En un mot elles étaientab . dans l'île de Pâques, et les indigènes auraient probablement
solument identiques par leur forme, leur grossièreté et leurs or été aussi embarrassés que ceux de l'Océanie , pour se servir
nements barbares, à celles qu'on tro uve dans nos dolmens et d'instruments de fer , simême alors ils avaient pu les connaître.
dans les stations préhistoriques , notamment à Cazals, à Saint Laissons donc une bonne fois de côté une opinion absolument
Antonin et au Verdier ( commune de Montauban ). Cette identi inconciliable avec ce que l'analogie et les découvertes opérées
té fut d'ailleurs pleinement confirmée par les grains de collier dans nos souterrains nous ont révélé , et recherchons concien
en terre cuite , semblables à ceux des dolmens de Keryaval, et cieusement quelle est la nature des outils employés par nos sau
qui étaientmêles aux débris de vases dans la caverne des Proals vages ancêtres, à une époque où les métaux, le fer surtout,
Hauts. J'ajouterai que les poteries recueillies dans les autres sou étaient encore bien loin d'être connus .
terrains du département, où il n'existe pas des fragments super Il est bon de faire remarquer auparavant que l'aréne coagu
posés de vases gallo -romains, sont de la mêmenature que cel lée par l'argile, dans laquelle toutes nos grottes artificielles ,
les dont je viens de donner une description sommaire. Ce serait saufune, ont été creusées, est tendre à ce point qu'avec le doigt
donc à l'âge de la pierre , âge auquel appartiennent en général seulement on peut à son gré la façonner. Il est probable que,
les dolmens, qu'on devrait faire remonter la construction denos pour activer la besogne, qui n'aurait pas marché très-vite si
habitations troglodytiques. Ces conclusions rigoureuse tirées de l'on avait uniquement employé au début la hache de pierre,
la comparaison des poteries troglodytiques avec celles des dol on attaquait les travaux d'excavation avec des pieux de bois
mens, reçoiventdu reste une éclatante confirmation de la pré durci au feu . Nous verrons bientôt qu'en effet le bois a joué
sence , dansneuf de nos souterrains, de la pointe de flèche et du un rôle dans le creusement de nos souterrains. Lorsque l'ex
couteau en silex , de la gaine de hache en bois de cerf et des cavation était suffisamment dégrossie , on devait reprendre le
seize haches de pierre polie . travail, le retoucher et le finir avec la hache de pierre et peut

S'il est désormais hors de doute que nos habitations sou être aussi avec un petit pic en bois de cerf, formé d'une
terraines appartiennentà l'âge de la pierre polie , comment se des perches et d'un andouiller , el analogue à ceux qu'ont
rait- il possible de concilier ce fait avec l'opinion ' que vous fourniles tourbières d'Abbeville et les stations lacustres de la
émettez sur leur mode de creusement ? « Pour les creuser , Suisse . L'action de ce pic me paraît inscrite sur les parois de
• dites-vous , il a fallu le pic et la pioche en fer , deux instru nos cavernes , sous formes de sillons creux et étroits quidécri
« ments dont l'action se trouve inscrite en traits innombrables vent une parabole dont le développement varie de 20 à 40 cen
« sur leurs parois . La réponse à cette affirmation se trouve timétres , et se terminent par un
trou circulaire de forme coni
dans ces quelques lignes du F. Eugène Eyraud , insérées en que. Quant à l'action de la hache de pierre, on la reconnait
mai 1866 , dans les Annales de la Propagation de la Foi: partoutdans les sillons bien plus courts (3 à 5 centimètres) et
. Toute l'ile (de Pâques , en Océanie) est percée de grottes creux aussi , mais dont le fond est vif comme s'il avait été
profondes, les unes naturelles , les autres artificielles, qui ne produit par le tranchant d'un instrument, avec cette différen
· communiquent au -dehors que par une ouverture très-étroite. ce que , tout près de l'empreinte de ce tranchant, les bords s'é
Quelques pierres suffisent pour en fermer et dissimuler l'en vasent comme si l'outil eût été assez fortement renflé dans
« trée . La population tout entière de l'île , à un moment don cette partie , renflement qui caractérise
exclusivement les ha
né, pourrait disparaître en se cachant dans ces souterrains.' ches de pierre. L'empreinte de ces sortes de haches est surtout
Les doigts et la première pierre venue, voilà tous leurs apparente aux voûtes des chambres , à l'Olmède (commune de
instruments (des indigènes). Au surplus, ils ne savent pas se l'Honor -de-Cos) et à Simon (commune de Saint-Vincent. Ce
& servir d'un instrument européen . S'agit-il de se couper la barbe ? sont des sillons creux et très -longs de quatre centimètres de lar
Ils prendrontune pierre tranchante. La pierre encore leur ser ge , tels qu'on pourrait les tracer , ainsi que j'en ai moi-même
« vira pour couper le fil, eussent-ils des ciseaux à la main . , fait l'expérience, en raclant légèrement la surface de ces voûtes
Voilà , si je neme trompe,des faits qui établissent clairement avec le tranchant d'une hache de pierre polie et en opérant dans
qu'ailleurs comme chez nous l'existence des cavernesartificielles le sens de la largeur de la hache. Ce qu'il y a de remarquable
correspond admirablement à l'âge de la pierre. Du reste , à tou dans ces sillons, c'est qu'on y retrouve cette particularité qu'of
tes les époques et dans tous les pays, l'homme primitif a procé frent un grand nombre de haches de pierre polie; c'est- à -dire

dé à peu près de la mêmemanière . Si nos souterrains n'ont que la courbure dessinée par le tranchant est oblique , ce qui
pas été creusés, comme vous l'avancez , avec des instrumentsen avait lieu ordinairement par suite d'ébréchure latérale qu'il
avait fallu faire disparaitre .
pierre , avec quels outils pensez - vous donc qu'ont été creusés
Le souterrain de l'Olmede a permis aussi de savoir comment
ceux de l'ile de Pâques , où les naturels ne savent pas se servir
on s'y prenait pour creuser les soupiraux qu'on observe aux
des instruments européens, c'est-à -dire des outils de fer ?
voûtes des salles. Trois de ces soupiraux, commencés dans la
Lorsque les habitations souterraines de notre département
140

grande chambre , ont été abandonnés après avoir été forés sur montagne, dut suppléer parson industrie à ce défaut d'habitations
une longueur d'environ 40 centimètres , et offrent encore un naturelles en se creusant les souterrainsquenous retrouvons au -
moule parfait de l'instrument qui a servi au forage. C'était évi jourd'hui, et qui sontla reproduction perfectionnée des grottes
demment une bille de bois ronde,bien droite et taillée,d'un bout, naturelles de Bruniquel, Saint-Antonin , etc. Eh bien ! c'est
en pointe légèrement obtuse , à laquelle on laissait ses rugosités justementdans la zone qui, surune largeur d'environ huit kilo
et dont on se servait en tournant toujours, comme si c'eût été mètres, louche au terrain jurassique et au calcaire grossier du
une vrille. Quand une bonne partie de la bille avait pénétré , terrain éocène, que ces souterrains artificiels' se présentent en
on adaptait un manche dans le bout inférieur, puis successive plus grand nombre, puisque , sur les 13't connus jusqu'à pré
mentune série d'autres manches fortement liés les uns à la sent dans le Tarn - et -Garonne, celle zone en contient 81. Plus
suite des autres , jusqu'à ce que la bille de bois fût parvenue à on s'éloigne des montagnes jurassiques et éocènes, en se rap
la surface extérieure du sol. prochant de la rive droite du Tescou , du Tarn et de l'Aveyron ,
Un mot encore, en guise de corollaire , sur la distribution des plus les habitations troglodytiques deviennent rares ; on n'en
grottes artificielles dans notre département. compte plus , en effet, dans cette seconde zone que 40, qui,
Je disais , dans un petitmémoire récemment publié sur l'Age réunies à celles de la première ,donnentun chiffre totalde 121 .
antéhistorique dans le département de Tarn -et- Garonne , que Elles finissent par disparaître à peu près dans la région qui s'é
lorsque les étages supérieurs du terrain tertiaire étaient encore tend à la gauche du Tescou , du Tarn et de la Garonne. En effet,
couverts de forêts impénétrables et d'immenses marais qui les les 13 autres sont éparpillées ainsi qu'il suit : 4 entre le Tescou
rendaientinaccessibles à l'homme, le terrain jurassique et cal et le Tarn , 3 entre le Tarn et la Garonne et six au delà de ce der
caire grossier du terrain éocène, émergés depuis de longs siécles , nier fleuve .
offraientrelativement, à l'est et au nord du département, d'ex
cellentes conditions d'habitabilité et avaient dû naturellement Je m'arrête : aussi bien ai-je maintenant fourni, je le crois du
attirer tout d'abord l'hommeprimitif. Le moment dut venir tou moins, tous les éléments propres à donner à cette question si

tefois où , poussé soit par l'accroissement de la population , soit importante de l'habitation primitive de l'homme la seule solu
par l'esprit d'aventures , l'homme entama cette région mysté tion qui lui convienne. C'est au public à juger aujourd'hui le
rieuse et encore inexplorée des marais et des forêts vierges . Il quel des deux , de vous ou de moi, « s'est laissé aller au trop fa
cile ettrop attrayant plaisir des suppositions, et s'est trop hà
paraîtrait qu'il se résigna difficilement à perdre de vue ses che
res montagnes jurassiques et calcaires, berceau des ancêtres, té de conclure en interprétant des faits incomplétement con
« nus et en invoquant des hypothèses qui n'étaient qu'ingénieu
et qu'il resta longtemps établi sur la lisière de cette région
qu'il s'était proposé de conquérir . Les collines miocènes « ses
et pliocènes du terrain tertiaire n'offraient ni cavernes ni
DEVALS.
abris, et l'homme, obéissant aux traditions rapporlées de la

L'abnégation avec laquelle des savants tels que MM . Noulet et Devals, mettent la recherche de la vérité au -dessus des questions personnelles, nous
engage à réunir dans la même livraison deux travaux qui sontloin d'aboutir aux mêmes conclusions.
La Revue publiera prochainement d'autres documents inconnus peut-être à MM . Devals et Noulet, et qui pourront apporter un élément nouveau
dans la question . B. DUSAN .

LES ANTIQUITÉS ET AUTRES ÉVÉNEMENTS REMARQUABLES

DE LA PAROISSE DE SAINT- JULIEN DU TOURNEL

(LOZÈRE )
(Suite, voir à la page 83, volume 2 , 17 ° livraison.)

l'on ajoute encore comme fesant la partie sainedu clergé de la com


$ 3.La communauté des prètres séculiers de l'Eglise de St Julien .
mune de St Julien du Tournel.
L'on ne serait pas dans un moindre embarras s'il fallait déter
L'on a observé , et ce qui parait être digne de remarque ,
miner le temps où il commença de se former à St Julien une
c'est que presque tous ces prêtres visaient au bien de leur com
communauté de prêtres séculiers ; d'après la règle de St Benoit.
munauté, les clauses ordinaires qu'ils mettaient dans leurs tes
il est cependant constant qu'elle a été nombreuse , plusieurs
taments en semblent faire foi, ces actes sont non seulement des
actes du seizième siècle en font foi. Ce sont des transactions ,
monuments de leur piété , du secours qu'ils voulaient se procu
des testaments, des acquisitions que ces prêtres faisaient. Dans
rer par les suffrages de l'église après leur mort ; mais encore
la plupart de ces titres, il y en a de nommés jusqu'à dix -huit,

&
341

des avantages qu'ils prétendaient faire à leurs confrères et suc 40 LA VINTOLE .


cesseurs . C'est une mélairie mi-chemin de St-Julien à Malmont. Elle
De tout ce qu'on vientd'avancer l'on tire ses preuves invinci• est située sur la colline. C'estl'endroit à la vérité le plus chaud
bles et très édifiantes en même temps des testaments de certa ins de la paroisse ; mais ses terres sont très sujettes aux ravins et à
d'entr'eux. Vers le seizième siècle il y en eûtun qui fit une fon la sécheresse.
dation à perpétuité d'une messe chaque année ; il légua dans son 50 LE TOURNEL .
acte à tous les prêtres de la communauté qui y assisteraientune
Ce vilage est sans contredit, le plus mémorable de la paroisse .
certaine somme à la réfection corporelle pourvu qu'ils la pris
Sa position d'abord , la baronie ensuite quiporte son nom , enfin
sent en communauté . A l'issue ils devaient se transporter à l'é
son ancien château fournissent nombre de choses et d'événe
glise pour y rendre les actions de grâces devant le maître au
ments qui semblentmériter d'être rapportés .
tel. De là ils devaient passer à l'une des chappelles qu'il leur dé
Si Le lieu du Tournel el sa situation .
signa et ilsdevaient y faire certaines prières et tout de suite ve
nir en corpsau cimetière pour en faire d'autres sur son tom Le Tournel est comme les vilages précédents, à la droite du
beau . Lot. Il consiste aujourd'hui en neuf familles. Il a son corps de
En preuves de tous ces faits l'on pourrait citer bien d'autres paroisse à l'occident et Malmont à son nord . Il n'est guère
piècesauthentiques. L'on est surpris que parmi lant de titres qui distant de St- Julien que d'un quart de lieue.
les avèrent, il n'y soit jamais fait mention d'aucun Curé, l'on Sa situation est toute sur le rock qui est escarpé de toutes
ne connait le nom que de deux avant le dix -septième siècle ; parts et aride presque partout. Les maisons y sont toutes en
encore est-ce par des actes qui regardent directement leur bé amphithéâtre soitau midi ou au nord du château où elles sont
néfice où leur intérêt particulier . toutes placées. Ce vilage ne présente que précipices de tous
20 LA BISSIÈRE . côtés. Le Lot en fait une péninsule dont l'isthme se trouve au vrai
nord de l'endroit.
Après avoir dit ce qui peut concerner le village de St Julien ,
Les terres soit cultes ou incultes de ce vilage ont presque
l'on va commencer la description des autres par ceux qui
toutes la même situation , de là vient que ses habitants sont
sont à la droite du Lot; l'on en viendra ensuite à ceux qui sont
obligés,presque partout, de suppléer par euxmêmes aux béles
à la gauche en tournant du nord au levant, du levant au midi
de charge et aux animaux de labour.
et ensuite au couchant: le premier est la Bissière.
Tout cela expose souvent ces pauvres gens à la perte deleurs
La Bissière n'est aujourd'hui qu'un hameau de deux habitants .
animaux , et eux mêmes à des chùtes , par lesquelles les uns
la situation de leurs terres et celles de leurs maisons sont au nord
périssent sur terre et les autres dans lwau . Depuis environ
de St Julien ; les maisons en sont éloignées d'environ un bon
douze ans nous en avons quatre exemples funestes. Deux de ces
quart de lieu par un chemin impraticable aux chevaux sur les
habitants ont perdu la vie dans l'eau , un autre par une chûte
terres de la paroisse.
qu'il fit et la quatrième a été privée de l'usage des jambes jus
L'aspect de cet hameau est celui du nord ou du couchant. Il
qu'à la fin de ses jours pendant six ou sept ans.
en est de même de presque toutes ses dépendances ; le tout
est placé surdes collines fort rudes. Le ruisseau de Valette , qui S 2 de la Baronnie du Tournel.

coule dans un vallon extrêmement resserré , laisse la Bissière à Sur l'origine de cette baronnie l'on doit avouer qu'elle est
sa gauche . Ce ruisseau répand d'abord ses eaux de l'est à l'ouest trop ancienne pour la connaître' ; l'on n'oserait avancer ce
et ensuite du nord au midi. Il les jette enfin dans le Lot à l'ex qu'une ancienne tradition ou certains écrivains en ont dit pour
trêmité du village de Bagnols vers le couchant. Il les tire pres la faire remonter aux anciens comtes de Toulouse. Car cela
que toutes des dépendances des villages de la Bissière , de Mal parait trop approcher de la fable ou roman pour y ajouter
mont ou de celui du Feljas.
foi; l'on se contente de dire que la maison du Tournel a existé,
30 MALMONT. que celle de Châteauneuf lui a succédé.
L'existence de la maison du Tournel ne peut être révoquée
Malmont est un vilage de cinq habitants . Il est situé au levant
en doute . Le seul titre de la Baronnie le prouve assez ; que la
de St Julien à la distance d'un gros quart de lieue; l'on n'y va
famille de Châteauneuf y ait été transplantée ,le fait est enco
que par un chemin extrêmement rapide . Il est placé presque
re certain et hors de contestation . Cette dernière a régné sur
sur le sommet d'une montagne qui est au couchant de celle du
cette terre de depuis son établissement jusqu'à environ mil
Goulet si ce n'est pas le Goulet-lui-même à son extrêmité occi
sept cent vingt cinq ou vingt sept. C'est dans cet intervale
dentale . Les récoltes y sont casuéles par raport aux grands
que M. Pierre Charlet de Molette marquis de Morangeix épou
froids. Les terres sontsujelles aux ravins pour la plus part,
sa dame Claudie -Louise de Châteauneuf hérilière et succédante
et d'une culture difficile .
à tous ses droits de cette illustre famille .
142

Pour en revenir à présent au temps auquel la maison de Châ conde porte est placée presqu'au levantd'hiver du château , sur
teauneuf fut entée sur celle du Tournel , l'on serait embarrassé les bords d'un précipice affreux. Il a au moins deux cents toises
d'en fournir une époque fixepour l'année. – tout ce qu'on peut d'une hauteur perpendiculaire : sa base est le Lot et ses gouffres .
avancer de plus certain sur cet article c'est que le nom du L'on admire encore dans cet auguste monument de l'antiqui
Tournel existait dans cette maison vers le trezième siècle et à té une citerne creusée dans l'endroit le plus élevé du château
son milieu . En mil deux centquarante-un , la chapelle de notre et plus bas un cachot pour y enfermer ses criminels : le tout est
Dame de St Julien fût fondée , comme on l'a déjà dit, par dame taillé dans le roc et d'une grande profondeur ,
Philippe du Tournel. Avant de finir tant de choses qu'on aurait à rapporter sur le
Vers le commencement du quatorzième le nom de Château château du Tournel, l'on ne doit pas oublier qu'il rend hom -
neuf y était transplanté. En mil quatre cent sept, Pierre Guerin mage à Monseigneur l'Evêque de Mende. En cas de troubles
de Châteauneuf en qualité de baron du Tournel transigea avec en temps de guerre , les possesseurs sont tenus de le lui
céder si sa Grandeur le requiert. Il est vrai qu'ils peuvent éxiger
un certain nombre de ses amphitéosés pour certains cas au Bley
mard . L'on ne sait pas par quel moyen les Chateauneuf succédé un inventaire des meubles et autres effets qui s'y trouvent et
rent aux Tournel ; si ce fût par titre de succession ou autre forcer le prélat dele remplir après sa retraite .
ment. L'on pense, cependant, que la maison du Tournel ne chan L'on a ouï dire encore que ce château a été battu par le canon ,

gea de nom qu'après être tombée en quenouille . mais l'on n'a jamais entendu fixer le temps auquel cet événement

A l'occasion de cette baronnic ou de son siège en particulier arriva . L'on ne peut pas , cependant, se refuser à ce témoignage

il resterait bien des choses à dire. L'on se borne à rapporter cel de la tradition ; les gens de l'art, à ce qu'on dit, l'ont fait remar

les dont certains vestiges en établissentune tradition toujours quer sur la maitresse tour qui est afi midi du château , sur le haut
soutenue. Telles sont les hospices et les amphiteoses que ce sei le dehors du mur est emporté et le dedans qui est en voûte sub
geuravaient autour de son château du Tourneldans le temps siste . L'on prétend que la distance de l'endroit d'où on la battait
des troubles ou des guerres intestines. Il en reste encore de et la disposition des murs évilèrent à cet édifice des plus grands
grands vestiges , surtout au midi. Ils étaient également en ravages .

amphithéâtre et presque tous audessusdes maison qu'on habi Enfin la tradition rapporte qu'un parti des camisards des Cé.
te aujourd'hui. vennes trouva moyen de se rendre maître du château du Tour

Les anciens de ce vilage disent encore que les deux marchés nel. Ce cas arriva sur le commencement du dix septième siè
par semaine qui se tiennent aujourd'hui au Bleymard se te cle . L'on ne dira pas ici par quelmoyen ils y réussirent, l'on sait
naient autrefois au Tournel. La transmutation n'a point de dale cependant à n'en pas douter que ce fût sous la conduite d'un
qu'on connaisse , non pas mêmedans la tradition . Tout ce qu'on nommé Gasque leur chef. A l'abri de cette forteresse ils exer
connaît là dessus est l'emplacement où se faisait le débit des caient des brigandages affreux sur la paroisse et sur les autres
unes et autres denrées . Les habitans d'aujourd'hui le désignent terres du seigneur de Châteauneuf. L'on appelait tout cela Bouty
lout comme le théâtre des colporteurs. Dans l'endroit où ces produire butin , aller au Bouty , revenir du Bouty .
derniers se plaçaient l'on voit des trous faits dans le roc. Ces Anne de Châteauneuf était de ce temps là le possesseur du

gens là s'en servaient, à ce qu'on prétend , pour faire l'étalage château du Tournel: il fesait pour lors sa résidence à celui du
de leurs marchandises. Cet endroit est sur les hiéres deGachon Boy. Son concierge Anne Boulet l'informa qu'une troupe d'en
de Malmont et de Galy du Tournel. viron quinze brigands lui désolaient ses terres et ses environs.
Ce seigneur en fut touché de la compassion la plus vive , il trou
S 3. Le château du Tournel .
va moyen de les en déloger dans la ruse de son concierge . L'on
Le château du Tournel quoiqu'a présent en masure doit tenir
va la rapporter sur le témoignage de gens qui vivent et qui là
un haut rang dans les fastes du Gévaudan . Sa position d'abord tiennentdu fils du concierge dont on vientde parler .
devait en faire une place respectable. Il est assis sur le baut du
A un jour indiqué le seigneur de Châteauneuf se transporta
rocher et au dessus de tout ce dont on vientde parler.Les appar
à son château du Tournel. Son concierge avaitdéjà fait les avan
tements étaient au moins à environ près de dis toises audessus
ces qui lui avaient été inspirées . Que croyez vous, dit-il à cette
de la première porte: il y avait sept portes, qu'il fallait franchir
petite troupe, que les cailles tombent ici rôties ? suivez moi, allons
avant d'y pouvoir pénétrer; l'une servait de deffence à l'autre .
au bouty . M. (en parlant de Gasque), aura soin du château , il ne
L'on ne dit rien ici des six tours qui lui servaient de déffence
ni de ses autres fortifications. L'on ne parle pas non plus d'un nous reste plus de vivres, il faut en aller chercher ailleurs .
Il se mit ensuite à la tête de ces brigands: il les conduisit
chemin de retraite ou plutôt une fausse porte qu'il y avait en
dans plusieurs vilages de la paroisse . En arrivant il inlinnait
tre le nord et le couchant de ce château :
des ordres partout de porter des provisions. Vous porterez telle
Lapremière porte emportée , la seconde était en état d'être dé
chose et vous telle au château demain , faule de quoi vous aurez
ffendue : elle était située dans un endroit où l'on prétend que
une garnison et telle amende. Il avait soin cependantde rassurer
centhomme pouvaient faire face à mille et les culbuter. Cette se
les habitants de ces vilages avant son départ .
143

Dans cet intervalle le seigneur se rendit au Tournel. Souspré L'on ne dira plus rien non plus sur une infinité de faits ou au
texte qu'il manquait de l'eau au château ,il fitappeller toutes les tres choses consignés dans la tradition touchant le château de
femmes du vilage pour y en porter . Tandis que tout cela se pas Tournel. Il serail assez difficile de les élayer comme celles dont
sait , Anne Boulet reconduisait sa troupe au château ou feignit on vientde parler . L'on croit au moins que n'étant consignées
de l'y ramener. Il le fit par une route à elle inconnue et très que dans la tradition on aurait lieu de les suspecter , comme
difficile, il prit les devants . Sa suite à cette démarche ou à la vue nous le fesons nousmême.
des femmes qui portaient de l'eau au château soupçonnèrent 60 LE FELJAS .
quelque trahison .
Le Feljas fait un vilage qui consiste aujourd'hui en dix habi.
Dès lors sans aucun ménagement pour leur guide ils commen tants. Il est à la distance de St Julien d'un quart de lieue et demie ;
cèrent à luitirer dessus. il fut même assez heureux de ne rece
et à son levant. Ce vilage nist remarquable , con nie les précé
voir aucune blessure à travers une forêt de boulait(bouleaux) par dents, que par ses collines et ensuite par le reste de ses dépen
où il se sauvait ; il n'y eût que les arbres qui reçurent les dances sur la montagne du Goulet, ce qui les rend d'un modi
marques des coups de fusil. Il n'y a pas encore quarante ans
que produit et surtout par rapport aux grêles où ce vilage est
qu'on en a coupés où l'on a trouvé des balles d'un calibre extrêmement sujet , toutcommeà la quantité des neiges que la
considérable .
bise y transporte des montagnes qui sont à son nord .
Pendant que tout cela se passait en perspective du château Le torrent de Chatounel tire ses eaux des terres du Feljas. Il
du Tournel, le seigneur fitmanœuvrer les femmes au dedans . El les roule du nord au midi laissant le vilage à sa droite. Ses sei
les trainèrent dehors le chef des brigands, elles le forcèrent gneurs sont M. le Bailly de Gapfrancés M. le comte de Moran
à prendre le chemin le plus court et lemoinsaisé sans lui don geix aujourdhui, et le seigneur de Serviés. Par la découverte
ner toutefois le loisir de choisir ses pas; les coups de pierre qui que l'un d'entre eux a fait de certains autres droits qu'il avait sur
lui tombaient dessus furent son unique cortège jusqu'à la gau ce vilage , ces pauvres malheureux ne sontpas fermiers de leurs
che du Lot. fonds. Malmont ce trouve dans le même cas et bien d'autres vi
Enfin Gasque échappa de la mutinerie des femmes du Tour lages de la paroisse .
nel. Il fut joindre sa troupe, commeil put. Il repassa en Céven 70 SAUVAGES .
nes par le pont du Mont- verd . La tradition qui rapporte ceci Ce vilage ne mérite point d'autres annotations que celles
ajoute qu'au delà du pont de Mont- verd , il trouva un renfortde qu'on vient de donner à celui de Feljas. Son éloignement du
sept centshommes de sa clique qui venaient à son secours. Si par corps de paroisse peut être de quatre à cinq ports de fusil de
malheur ils fussent arrivés à temps, tout le pays aurait été plus vers le midide St Julien . Ses terres qui sont aux dessus
dans la désolation et peut-être encore que tout le Gévaudan s'en du vilage ne peuvent être sujettes aux ravins, à la sécheresse, à
serait ressenti.
cause des pentes et des clapiers dont le pays est rempli. C'est le
Il n'est que trop certain qu'environ ce temps là , le parti de la dernier vilage que nous avons à la droite du Lot venant de l'oc
Réformeexerçait des cruautés inouïes dans le diocése de Mende ; cident au levant; tous les autres sontà sa gauche. Il est à une
nos registres mortuaires en fournissent une preuve. Ces actes petite distance de Saint-Jean de Bleymard ; ses terres donnent
font foi qu'en mil six cents vingtet un , vers le mois de mars, six naissance à deux torrents qui les endommagent quelquefois.
hommes du seul vilage de Serviés furent tués et mutilés par les En toutes saisons , ce vilage a beaucoup à souffrir pour l'usage
infidèles hérétiques. Sur la fin du mois de septembre mil six cent de l'eau dont les habitans ont besoin pour leur usage.
vingt huit,autres deux habitants du même lieu furent tués d'un La maison de M de Cultures habitante de la ville de Mende en
coups d'arquebusade par deuxc voleurs Hugenots. En mil six cent a le droit de directe, l'on ne sait pas comment ni depuis quel
vingt neuf encore, au mois de mars , un autre paysan de Servies temps ;mais ses titres le disent: et ils aprenent en même temps
aussi fut tué et occis par les Hugenots de Louzère pour défendre que cette ancienne et respectable famille jouit encore du droit
sa personne et son bien . de toute justice sur les dépendances de ce vilage, dans les der
LE CHATEAU DE TOURNEMIRE. nières reconnaissancesde ce seigneur ses emphitéotes le lui ont
Sur les terres du village du Tournel, il y a eû autrefois le consent par exprés.

château de Tournemire ; il appartenait égalementà la maison du 80 LE MAZEL .


Le Mazel est au midide S Julien , son corps de paroisse et à
Tournel. Il était bâti au midi du vilagede Sauvageset à la gauche
du Lot. Il étaitassis sur un rocque cette rivière flote etauquel elle plus de trois quarts de lieue de distance. C'est le premier vilage

servait de fossé du côté du levant, du nord etdu couchant. Du le qu'il y ait à la droite du Lot en venant par le midi à l'occident

vant au couchant sa distance était presque égale de St J. du Bley de S. Julien : il a quatorze feux , il est assis dans un vallon fort
mard au Tournel. Il ne reste de cet autre monument de l'anti étroit et très pelé au pied de la Louzère; la plus grande partie

quité que quelques vestiges desmurs et les décombres ; à en ju de ses revenus viennent de cette montagne , de là vient qu'ils
ger par la vue, l'on dirait que c'était un édifice de conséquence , sont ordinairement casuels .
Ce vilage est encore remarquable par le ruisseau de Combe
l'on ne saurait en dire d'avantage sans trop hasarder .
sourde qui l'arrose et l'innonde souvent. Il coule du midi au Le ruisseau d'Orciérette qui coule du midi au nord et qui
nord . Sur la fin du siècle dernier, il grossit tellement par un son embouchure au Lot vis-à vis du Tournel, divise le vilage
temps d'orage qu'il submergea dans les écuries tout les cabeaux d'Orcière en deux parties . Celle qui est à la droite de ce ruis
du vilage. Cet événement est avéré par le témoignage de bien seau appartient à la paroisse de St Jean du Bleymard ; elle con
des gens qui l'avaient vu et à qui l'on l'a entendu rapporter; siste à environ vingts feux .

il y en a qui vivent encore. La partie qui est à la gauche n'en a que cinq ; c'est ce qui
M. du Fayet de Gabriac y a un château ; il a au moins partie regarde la paroisse de St Julien .Les fonds de ce vilage sont égale
du droit de toute justice dans ce vilage. L'on en a des preuves ment bons comme ceux de Vareilles . Mais leur petite étendue
non équivoques et toutes récentes en la personne de Françoi dans le bon terrain , la multitude de ses habitants rendent sesha
se Beys du Mazel trouvée morte dans son lit le 1er de l'an bitans participants du sort de Vareilles. "Ces deux vilages sont
mil sept cent cinquante cinq ; les Juges de ce seigneur firent trop peuplés , leurs terres trop étroites pour y pouvoir vi.
faire la vérification du cadavre . vre .
90 MALVIEILLE . 120 LE MAS .
Le vilage de Malevieille est à noter par la distance qu'il a de Le Mas partage encoreavec les vilages voisins dont on vientde
son église paroissiale , elle est de plus d'une lieue. Malevieille est parler, les mêmes inconvénients ; il est à craindre qu'il n'en éprou
au midi de St. - Julien . Il a sa situation en entier sur la Louzére ve de plus grandsdans la suite . Il n'y avait antrefois que trois
et toutes ses dépendances; aussi de la vient que le produit de familles ; de nos jours il s'y en forma une quatrièmeau dépens
ses fonds est fort casuel , comme ceux des autres endroits de la de l'une d'entrelles.
paroisse. Depuis environ neuf ans ou huit , il y en a neuf. Ce vilage est
La rigueur du climat, la distance de leur église paroissiale pri encore à la veille d'en former d'autres. La position d'ailleurs de
ve souvent ses habitans, surtout en hiver , de se rendre à leur ses biens fonds sur des collines incultes la plupart ou sujettes
église mere en ayant de plus proches, (celles de St Jean de Bley aux ravins , sa proximité de la Louzère, l'aliénation de beaucoup
mard et celle de Cubiéres ; ) l'on a cependant la consolation de terres que les vilages voisins possèdent anjourd'huine peu
de les voir gémir sur cemalheur de leur sort et de les voir un vent que rendre que misérables ses habitants présents et plus
exemple d'édification quand il peuvent s'y rendre. Il prostestent encore ceux qui habiteront le vilage du Mas dans la suite .
encore qu'étant ailleurs pour remplir les devoirs de religion ils Le vilage du Mas, est situé sur le couchaut ou le nord de ce
se regardent commedes brebis hors du bercail, lui d'Orciére, il peut en être à la distance d'un port de fusil au
Malevieille n'a aujourd'hui que cinq habitants. M. le Baillifde pis aller ; il est au midi de St Julien , et il en est éloigné d'en
la commanderie de Gapfrancés y est seigneur en toute justi viron un quart de lieue et demie.
ce ; il l'a également par rapport à l'ancien vilage de Crussinas 130 LE CHEIROUX .
partie au Mazel, à Vareilles , Orcière et au Mas. Ce sont ces Le Cheiroux est un village composé de quatre familles. Il est
vilages là qui possédent les terres de Crussinas, après qu'il fut situé au nord de celuidu Mas et à une fort petite distance. Il est
détruit. L'on en parlera dans la suite. Cette Commanderie a bien également, comme ceux dont on vient de parler, au midide son
d'autres directes sur la paroisse et le droit de toute justice église de paroisse ; il en peut être éloigné d'environ un quart de
comme à saint Julien , au Mas et ailleurs. lieue au pis aller. Le ruisseau d'Orcièrette le laisse à sa gauche
Ce seigneur est encore décimateur à Malevieille et à Crussinas toutcomme le Mas.

donton vient de parler. La diximairie porte le nom de pas Bar Les terres labourables de ce village sont sises sur des endroits
bailles . M. le chevalier Olivari habitant à Aix en Provence en presque tous remplis de cailloux ; ce qui rend aux habitants la
est aujourd'hui le Baillif. culture très difficile ; le reste se trouve sur des collines presque
100 VABEILLES . arides : quant aux ſourages ils n'y sont pas ni ne peuvent être
Vareilles est au midi de St Julien ; il en est éloigné d'environ fort abondants , les eaux qui proviennent des neiges ou la
demie lieue ou quelque chose de plus. Sa situation est la plus pluie fournissent l'arrosement, de là vientque tout est fort ca
belle et son terrain le plus fertile de la paroisse, mais le nombre suelsoit pour les fourages ou les grains au vilage du Chei
roux .
de ses habitans fonciers , quoiqu'il n'en ait que treize en tout ,
ou la proximité des vilages voisins le restraignent dans des 140 FRAISINET .

bornes étroites. De là vient qu'il fait comme les autres de la Après la Viniole, Fraisinet est le lieu le plus proche du corps

paroisse un village rempli de la misère. M. le comte du Champ en de Paroisse. Il n'y a que deux habitants. Fraisinet est placé sur
une hauteur considérable à la droite du Lot presqu'au levant
;

a toute la directe. ; il en faut excépter ce qui regarde Crus


d'hiver de St Julien , et au midi du Tournel : il peut être à la dis
sinas.
110 ORCIÈRE . tance de l'un et de l'autre d'environ un port de canon : Son ter- .
Orciére est un autre vilage presque contigu á Vareilles ; un ritoire participe à toutes les incommodités des autres vilages de
port de fusilau pis aller , en fait la distance. Il est au couchant la paroisse .
de Vareilles ; au midi de St- Julien et plus prés que Vareilles, Fraissinet dans sa petitesse est un endroit mémorable. Son
145

ancien château le rend digne des fastes du Gévaudan , s'il y en a . Il semble que le château de Serviés a eû des hospices pour
Il ne rend homage qu'au Roi, niles terres qui en relèvent. Il en ses vassaux autrefois comme celui du Tournel. Audessous du
a au vilage de St Julien du Cheiroux, au Mazet et à Chadenet ét château et à son midi et à son levant l'on découvre encore au
toute justice dans ses dépendances. jourd'huides vestiges demurailles. Ils ne peuvent pas être cer
Il est encore mémorable par l'illustre famille à qui il appar tainement ceux de murs de jardins. La petitesse de leur circon
tient aujourd'hui : c'est celle de la maison de Rettes du Vilaret férence, leur multitude ensuite et enfin l'aridité du terrain le
habitante de Mende. M. l'abbé Dyssoire chanoine de la Cathé prouvent. Ce n'est aujourd'hui que des terres incultes et qui ne
drale, archidiacre du diocèse de Mende et grand vicaire de Mon peuvent rien produire .

seigneur l'Evêque, en porte le nom . C'est aujourd'hui Messire D'un autre côté quand les habilants du Clauzel en déguer
Charles de Rettres de Serviés qui en est le seigneur. Cette illustre pirent pour venir se loger auprès du château de Serviés , ils
famille est en possession de cette terre depuis au moins le cherchérent à se procurer quelqueavantage. La chose parait trop
quinzième siècle . naturelle et trop raisonable . En quoi cet avantage pourrait-il
Quand au château l'on doit dire qu'il n'en reste à présentque consistér ? Dans la situation d'un climat un peu plus doux ,mais
les crénaux d'une tour et ceux d'un mur qu'on regarde com en mêmetempsdansl'assiette de leur logement,plus difficile que
me celui de l'enceinte ; à considérer les débris l'on juge que c'é ne pouvaient l'être celle de ceux qu'ils abandonnerent. A l'oc
tait un édifice de conséquence; son étendue y donne lieu . Il casion du Clausel, l'on aura peut-être quelqu'autre chose à dire
sur cela .
était placé sur l'éminence de la monticule donton vient de par
Le château de Servies 'donne encore son nom aujourd'hui à
ler et presque attenantaux maisons des habitants d'aujourd'hui
et à leur nord . Il avait ses fourches patibulaires à son levant, un vilage, ce vilage n'a pour le présant qne seize familles. Il y
à presque une égale distance du château du Tournel et de ce en avait autrefois quatre ou cinq de plus, elles se sont retirées
lui de Fraissinet. La tradition en a conservé le souvenir et le ou réunies sans laisser celles qui existent plus aisées .
local encore; l'on voit là une espèce de fondement de bâtisse, Les maisons de ce vilage sont pressées et presque tenantes au

que tous les environs désignent sous le nom de fourches pati château, il y en a partie au midi et le reste au couchant ou au
bulaires du château de Fraissinet ; l'on ne sait pas depuis quel nord. L'assiette du vilage est encore moins favorable que ne
temps cet édifice est en ruine. La tradition même n'en dit rien pouvait l'être celle du château quand il existait. La pente des
sur quoi l'on puisse compter ; l'on ne sait rien sur l'époque de rues est presque impraticable aux animaux de charroit et
sa construction , ni mêmede sa destruction . même dans la belle saison ; en temps d'hiver les glaces et les
150 SERVIÉS, neiges les rendent inaccessibles pour l'ordinaire aux hommes
Serviés fait une autre place qui relève du même seigneur. Il même.
y avait autrefois là un autre château que la position seule ren Toutes les terres du vilage de Serviés soit cultes ou incul
dait dignede respect. Il était situé sur un roc fort élevé , sur tes, sont situées sur la Louzère; les frimals de cette montagne
tout du côté du midi. Il était inaccessible de toutes parts à l'ex enlévent souvent ses récoltes , les grêles y sont fort communes .
ception du couchant ou le château avait son entrée . Son climat Pendantquatre ans, ce vilage n'en a presque point faites par
le mettait à l'abri de toute insulle pendant trois ou quatre mois
rapport à ces différents accidents . Ils commencèrent en mil
de l'année ; il n'en reste aujourd'hui que le roc où il était assis, sept cent cinquante sept.
et quelques vestiges demur qui en marquaient l'enceinte ; il
Le séjour des neiges y est également fort long sur son terri
avait l'aspect du midi et du levant, et sa situation sur la monta toire. Vers les années mil sept cent quaranle trois ou quarante
gne de la Louzère. Leruisseau d'Orsiérette, quia sa source dans quatre l'on en a trouvé sur son ressort vers la mi-août. Le ruis
les terres de Serviés, roulle ses eaux au midi du château et du seau d'Orsieirétte prend sa source dans les terres de Serviés; ce
vilage. Il les mêlle enfin avec celles du Lot vis -à - vis du château vilage est distant de celui de St Julien d'environ une bonne
du Tournel ; on l'a déjà dit.
lieue, le chemin par où l'on y va est dangereux en temps d'hiver
Le château de Serviés rendait hommage à celui du Tour pour s'égarer. Il est situé au vrai midi de St Julien .
nel. Quand le baron du Tournel était obligé de céder le sien à 160 LOUZÈRETTE
Monseigneur l'Evêque de Mende , le Seigneur de Serviés était Louzèreite, ainsi que son nom le dit, est presque sur la mon
tenu de céder celui de Serviés au baron du Tournel , le tout tagne de la Louzère . Ce vilage il y a presque les deux tiers de
devait se passer aux mêmes conditions. ses fonds, ce qui le rend sujet aux mêmes inconvénients de
Serviés fait une seigneurie en toute justice, elle a d'autres Serviés , les terres en sontlimitrophes . Le premier a les siennes
grandes dépendances dans toute la paroisse de St Julien . L'on ne au couchant ou au nord de celles de Serviés.
parle pas des autres qu'elle a ailleurs. Parmi le nombre de seize Ses autres fonds qui sont les meilleurs, se trouvent sur des
ou dix sept Seigneurs qu'il y a dans la paroisse , le Seigneur de collines rapides et fort élevéres et par conséquent très sujettes
Fraissinet et de Serviés est le plus étendu et le plus fort en cen aux ravins. La culture y est pénible et les récoltes casuelles.
ses. Sur notre paroisse c'est aujourd'hui Messire Charles de Ce vilage comprend dix familles. Il estau couchant d'hiver de
Rhets . son église paroissiale, il en est éloigné d'environ demi- lieue. Le
18
146

chemin qui y mène est fort rude. Il est souvent impraticable ARTICLE Ile

aux chevaux par raport aux glaces. Des familles nobles qui ont des domaines et qui ont eu autrefois
habitation sur la paroisse de Saint- Julien .
170 LES SAIGNES
Paragraphe 1.
Les Saignes fait un autre vilage presque aussi enfoncé sur la
Les familles nobles qui ont desdomaines sur la paroisse sont les
Louzère que celui de Serviés. Il consiste aujourd'hui en douze
MM . du vénérable chapitre St Pierre deMontpellier , M.le com
feux, il est sujet aux mêmes malheurs que les autres qui ont leur
le de Morangiés , le seigneur de Serviés, et M.du Fayel de Ga
situation sur cette montagne ou à ses environs ; les neiges et les
briac. Il n'y a que ces quatre seigneurs quiayent des domaines
grêles nuisent beaucoup à ses récolles. Le vilage est au couchant
sur la paroisse.
de St Julien et à la distance d'environ une lieue .
Les premiers en ont un au vilage de St Julien . Vers la fin du
Le ruisseau de Felgeirėtte prend sa source dans les terres quinzième siècle ils cédèrent à titre de nouveau bail le reste
des Saignes ; il coule d'abord du couchant au levant jusqu'au des terres qu'ils avaient au territoire de St Julien ; ils en excep
dessous du vilage et un peu plus bas, il grossit ses eaux au midi
térent certaines pièces et quelques autres droits de censive sur la
par les torrents qui descendentde Serviés ou de Louzèrette qui
partie cédée. La réserve que ces MM. firent de ces pièces fait
sont à sa droite . Il dirige ensuite sa course du midi au nord , il
aujourd'hui leur domaine qui consiste en peu de chose.
se précipite enfin dans le Lot aux portes de St Julien et à son
Il en estdemême de celui de M.le comte de Morangiés ; il est
vrai couchant, avec un bruit à déconcerter les gens intrépides
situé au vilage d'Auriac. Ce seigneur en jouit en qualité de des
dans un temps d'orage.
cendantdela maison du Tournel et de Châteauneuf par sa mère .
180 OLTET.
Il est encore de moindre conséquence que celui de St. Pierre de
Oltet a sa situation au pied de la Louzère ; ce vilage est placé Montpellier .
sur une haute et rapide colline vers le milieu ; il a l'aspect du Le Seigneur de Serviés en a la partie d'un autre au terroir
levant d'hiver . Le ruisseau de Felgeirėttes qui coule au dessous de St Julien et le reste à celuide Bagnols.
et au midi du vilage et dan sun valon fort étroit , le laisse à sa M. Dufayet, Seigneur du Mazel, en a deux sur le territoire de
gauche. ce vilage. Niles uns ni les autres ne sont pas de grande con
Ses biens fonds sont situés sur des côtes extrêmement rudes. séquence. Les autres revenus que ces quatre seigneurs tirentde
La culture en est fort difficile et fort ingrate par raport aux ra la paroisse consistent tous en censes . Il en faut dire autant d'au
vins et à la proximité de la montagne de la Louzère el aux au tres douze seigneurs qu'il y a de plus. Chacun n'y a en particu
tres inconvénients où la paroisse est sujette . lier que son droit de censive .
L'on en doit cependant excepter le chapitre cathédral St
Vers l'année mil sept cent vingt deux ou vingt trois, un orage
Pierre de Montpellier etM. le Baillif de la commanderie de Gap
entraîna partie du parc et environ cinquante bêtes de celles qui
francés. Celui-là outre la plus grande partie des censes qui
y élaient encloses ; le berger même y perdit ses sabots quele ravin
sélèvent au vilage de St Julien , et celui-ci en entier à celui de
entraîna tout comme les bêtes dont on vient de faire mention .
Malvielle et au lerroir de Crussinas, jouissentdu droitde la diame
Le vilage d'Oltet est au sud -ouest de celuide St Julien , il ne
dans toute l'étendue de la paroisse , comme on l'a déjà fait re
faut guère moins de demie heure pour en revenir'. Pour y aller
marquer.
il faut quelque temps de plus; ce village n'a aujourd'hui que Paragraphe 2.
quinze habitants.
La paroisse de St Julien a autrefois eu l'honneur d'avoir pour
190 AURIAC .
habitansun seigneur, chacun dans leurs châteaux. Présentement
Auriac est un village dont la situation est presque sur la elle n'en a aucun qui y réside niquipuisse y faire résidence; tons
Louzère ; il en tire une grande partie de ses récoltes ; l'aspect du ces châteaux sont en ruines.Le dernier quil'a abandonnée est M.
vilage est celui du couchant ; la bise est celui de la plus gran du Fayet de Gabriac , il s'est retiré du château du Mazel dans
de partie de son territoire ; les récoltes y sont également casueles une autre de ses terres du côté de Genolhac ; il y a environ tren
et la culture fort difficile. le -cinq ans de sa retraite .
Le vilage est situé sur le milieu d'une colline. Il faut presque La maison de Châteauneuf l'avait précédé en terminant la
une heure de temps pour s'y transporter du corps de paroisse . sienne sur la fin du dix-septième siècle. Elle acheva pour lors
Dans la mauvaise saison , le chemin qui communique de l'un à de déguerpir du château du Tournel, et de l'abandonner. L'on
l'autre est souvent impraticable. croit, cependant, ou toutau moins l'on présume qu'elle avait
Auriac est situé au couchant de St Julien , le ruisseau de commencé plutôl.

Rieufrech prend sa source dans ses terres. Il coule du midi au Depuis mil six cent cinq les régistres des baptêmes , des ma
nord et il a son embouchure dans le Lotau levant et aux por riages, ni les mortuaires ne font mention que d'un seul bap
tes de Bagnols ; il laisse à sa droite les terres de St Julien aux tèmede l'auguste maison de Châteauneuf. L'on ne sait pas non
quelles il sert de bornes d'avec cellesde Bagnols. plus si elle commença plutôt d'habiter son château du Tourne).
1
147'

L'on n'en a jamais entendu parler et du reste comme nous n'a La plaine de Montbel a environ deux lieues en longitude et
vons que les régistres depuis mil six cent cinq, il n'est pas pos une en latitude . Elle appartient en partie à la paroisse d'Alene ,
sible d'avancer des conjectures sur ce fait là ans hazar partie à la paroisse de St Frézal d'Albuges et le reste à celle
der . Quand à l'abandon des autres châteaux, l'on serait dans des de Chasseradez. L'on ne fait mention de l'événement dont on
plus grands embarras d'en fournir les époques, tout comme cel vient de parler, que par rapport à la proximité de notre pa
les de leurs ruines : l'on ne connait pas non plus la véritable roisse . Elle a pour ainsi dire toute l'inspection de la plaine de
raison quiobligea ces seigneurs à déloger soit de Fraissinet , Montbel par rapport aux terres de la Barraque des Laires, de cel
de Serviés où de Tournemire. les du Feljas ou du village de Malmont. Les dépendances de
Cependant si l'on osait faire l'aveu de ce que l'on pense là tous ces endroits dominentau midi ou au couchantde la plai
dessus , l'on dirait tout ingénûment que la rigueur du climat ne de Montbel dont on vient de parler .
d'abord , la stérilité du pays ensuite pour les denrées nécessai- L'on a déjà répondu en passant à nombre de questions qui
res à ces maisons et surtout le bois , la difficulté des avenues, la peuvent regarder le douzième article. Celle qui concerne la re
position seule de ces anciens édifices ont occasioné le déguer production du pays paraît suffisament éclaircie par la descrip
pissement de ces seigneurs des châteaux qu'ils avaient sur la tion qu'on a fait des villages ou hameaux qui composent la pa
paroisse. roisse .
De tout ce qu'on vient de dire sur la désertion des seigneurs Tout ce qu'on peut ajouter de plus est que son produit en
de la paroisse ou de la ruine où ils ont laissé tomber leurs
grains ne consiste qu'en seigle etmême en petite quantité ; l'on
châteaux, l'on doit conclure que celuide Serviés , du Tournel n'y recueille point d'autres fruits que ceux que les buissons,
et de Tournemire n'étaient que des maisons de force. L'on croit les arbrisseaux ou des arbres sauvages produisent, lels sont
qu'ils n'étaient habités ni battis que pour habiter en temps de descerissiers , des fayards, des noisetiers, des grosseliers et autres
troubles. L'on doit raisonner différament sur celuide Fraissinet; de cette espèce et point d'autres.
outre la force, il avait l'agrément et une belle vue. Celui du Ma
zel ne présante rien de l'antiquité des autres . $. 2 .

12e ARTICLE . LA RIVIÈRE DU LOT..


Le Lot est une rivière qui prend sa source à une lieue du vil
Des singularites remarquablesdans le canton .
lage de St Julien du Tournel. Il n'est à son origine qu'une
Pour répondre au douzième article l'on va commençer par petite fontaine : il la tire , son origine, des terres du vilage des
les questions qui n'ont point !ieu dans la paroisse. L'on en
Alpiés sur la paroisse de Cubières: à la distance de trois ou qua
viendra ensuite à celles qui peuvent se constater ,
tre ports de fusil, il commence à grossir tellement ses eaux par
Paragraphe 1 . celles qui s'y déchargent des dépendances de la nôtre , que
Il est inouï que sur la paroisse de St Julien du Tournel l'on presque la moitié ou tout au moins le tiers de celles que le
y ait ouvert des mines d'aucune espèce. Ilne s'y trouve non Lotroule à Mende viennent du ressortde la paroisse de St Julien .
plus aucune source d'eaux thermales, ni minérales, sulfureu L'on peut compter d'abord à la gauche du Lot Irois ruisseaux
ses, salines, ni ferrugineuses, etc etc. qu'on ne peut presque jamais passer à pied sec , ce sont ceux 10
Elle ne peut pas non plus se glorifier d'aucun monument de Combesourde : celui ci se décharge le premier dans le Lot à
ni d'aucune inscription antique nimoderne, La position de une fort petite distance de St Jean du Bleymard et à son midi.
toute la paroisse est trop mauvaise pour avoir jamais été le 2. Celui d'Orciérette . 3. Celui de Felgeirettes et enfin celui de
théâtre d'une bataille , nipeut-être encore d'un combat consi Rieufrech .

dérable. Il ne lui reste aujoud'hui aucun édifice qui mérile A la gauche du Lot il n'y a que celui de Valette qui mêle ses

quelque attention que le vaisseau de son église. Elle n'a jamais eaux avec celles de cette rivière. L'on ne parle pas cependant

eû ni n'a pu avoir ni canal ni port, ni aqueduc , ni chaussée de six torrents perpétuels ni d'un grand nombre d'intercalaires
niautre chose de cette nature . qui ne s'y précipitent qu'après avoir fait des dégats infinis ; l'on
L'on a rapporté en son lieu la ruine des édifices quiméri ne parle même ici que de ceux qui ont leur source dans la
taient attention . Il ne s'est jamais fait dans la paroisse des dé paroisse .
couvertes, qu'on sache, soit de médailles ni de monnaies an Quoique le Lot soit une rivière qui fertilise beaucoup le pays
ciennes . qu'il arrose, il le fait cependant peu à sa source et sur la pa
Si la paroisse de St Julien ne fournit pas des monuments roisse de St Julien . Sur cette dernière paroisse son cours est
pour des batailles, le voisinage le fait. La tradition nous ap rapide presque partout, il est en cascade en bien d'endroits ;
prend que sur la plaine de Montbel il s'en livra une entre les rochers lui servent de lit et de bords partout ou il passe , et
les troupes de l'Evêque de Mende et celles de quelques autres son vallon est fort étroit. Dans tout le reste de sa course sur la
seigneurs du pays. Elle ne dit pas en faveur de qui la victoire paroisse , il n'arrose qu'une partie d'un vallon étroit qu'il par
se décida, ni en quel temps elle se donna. court. C'est tantôt celle de sa droile et tantôt celle de sa gau
148 -

che ; s'il lui donne quelque fécondité aussi l'endommage-t- il d'autres choses à dire;mais la tradition ne nous apprend rien
de plus. C'était Messire Anne Guérin de Châteauneuf.
souvent par ses inondations.
Nous pouvons encore,nous devonsmêmenous féliciter d'avoir
S. 3 .
LA ROUTE DE VILLEFORT A MENDE . donné des lieutenant généraux aux armées du Roi. C'est en la
LaRoute de Villefort à Mende traverse la paroisse de St Julien ; personne de Messire Pierre-Charles de Moletle , marquis de Mo

en partantde Mende elle va du couchant au midi. Elle coupe rangiés ; nous pouvons encore nous glorifier d'avoir eû Mon

ou passe par les terres des vilages d'Oltet, du Cheiroux , du Mas , sieur le comte de Morangiés, son fils , élevé au grade de Brigadier

sans entrer dans aucun de ses villages. Le grand chemin divise des armées du Roi à l'âge de trente ans au pis aller.
ensuite celui d'Orsiére, il passe ensuite au midi de ceux de Va Les hommes fameux dont on a à parler ne sont pas issus de

reilles et du Mazel. ces grandes familles ni des autres qui ont habité la paroisse ,
bien s'en faut. Ce sont deux hommes de la lie du peuple dont
Ce grand chemin a un pont d'un seul arçeau sur le ruisseau de
Felgeirettes ; il est situé au vrai levant du village d'Oltet et à une une tradition soutenue a conservé le souvenir. Il paraît même

petite distance ; il en a un autre sur le ruisseau d'Orsiérelte qu'on ne peut pas se refuser à son témoignage par raport à la

presqu'au milieu du vilage d'Orsiére. Il en a enfin un troisième proximité du temps et des événements ou des anciens de qui on
les a appris .
sur le ruisseau de Combesourde au Mazel et à bout-touchant
Le fer de ces hommes était le nomméle Rouge de Malmont.
des premières maisons.
Il vivait dans le seizième siècle et dans le temps que les pro
Communément les grandes routes portent quelque avantage
testants se furent rendus maîtres de la ville de Mende sous la
aux endroits où elle passent. Il n'en est pas de même de celle
conduite de Merle , en mil cinq cent septante neuf.
dont on parle ici, aucontraire ; d'abord les denrées qui y passent
Le téméraire était originaire du village de Malmont. Il se mit
sont à si bon compte après trois ou quatre lieues de transport
en tête, à ce qu'on a ouïdire par les anciens qui vivaient il y a
plus loing qu'elles ne le sont ici. Cette route fournit d'ailleurs
trente ans, d'enlever un beau cheval que Merle montait. Ils
l'occasion de transporter ailleurs les grains qu'on y recueille
disaient encore qu'il y réussit effectivement. Le stratagême
et qui seroient nécessaires pour substenter ceux qui les ont cul.
dont il se servit pour cela fut celui du prophète pour se tirer
tivés.
de la maison d'Achas : il s'avisa de contrefaire le fou ; il partit
Cette grande route procure encore la consommation d'une
de chez luiavec un petit panier d'oeufs et une bayonnette .
grande quantité de fourages de la paroisse. Il est constent que
Pour bien jouer son rôle et pour mieux faire son coup, il s'é
le particulier et le public même pourrait en tirer un plus grand
quippa d'une façon digne de son personnage. Entr’autres choses
parti. Enfin ce grand chemin passe presque sur tous les meil
il se chaussa d'un sabot et d'un mauvais soulier, il ne quitta
leurs fonds des villages dont on vient de parler . Sa situation
jamais dans les rues de Mende ni son panier ni le poignard dont
est exposée aux ravins qui y causent de grands préjudices. On
il couvrait les veufs qu'il y avait dedans. Pendant quatre ou cinq
ne peut les réparer qu'aux dépends des terres voisines aux quel
jours qu'il fit ce manège dans les rues de Mende, il s'y fit le nom
les il porte de grands préjudices pour le remettre .
qu'il voulail s'y faire pour se procurer l'exécution de son dessin ;
L'on ne dira rien sur les autres inconvénients où les endroits
enfin l'occasion se présente .
qui voisinent les grands chemins sont sujets ; il y en a beau
Après plusieurs allées et venues par la ville , il rencontra le
coup. Tels sont d'abord les vols et les brigandages que les pas
cheval et le palfrenier qui le montait pour le conduire à l'a
sants y exercent quelque fois, souvent d'autres vexations et en
breuvoir , il le suivit pas à pas jusqu'au griffou ; ce fut là qu'il se
fin la dépravations des meurs, qu'ils y laissent pour l'ordinai
signala dans son personnage. Il s'approcha du valet d'écurie .
re .
Celui-ci le prit pour tout autre qu'il n'était certainement pas ;
S. 4 .
il lui demanda entr'autres choses s'il voulait vendre son poi
LES HOMMES ILLUSTRES DE LA PAROISSE .
gnard . Notre héros l'amusa quelque temps par des réponses qui
Dans le mépris où l'on peut regarder aujourd'hui la paroisse répondaient parfaitement au rôle qu'il jouait ; il choisit son mo
de St Julien du Tournel, elle ne laisse pas d'avoir produit des ment; dans le temps que le cavalier n'y pensa pas, le Rouge s'é
hommes fameux dans leur genre. Il est incontestable que les
tant saisi de son arme l'enfonça dans le corps du palfrenier et le
augustes maisons qu'elle a ell en qualité d'habitants n'en aient culbuta dans le bassin .
fourni en tout temps et en tout genre. La seule famille du
Avant, pour ainsidire, que personne s'en fût apperçu , il fut
Tournel a d'abord pourvu le siége episcopal de deux Evêques ,
sur le cheval. Il commença tout de suite à crier « Place place ! lais.
Aldebert du Tournel en mil douze cent soixante cinq occupa
sez passer I laissez passer ! le cheval de M. a les avives ! Il condui
le siége épiscopal de notre capitale . sait cet animal à loute bride,on luicourutaprès,mais inutilement:
La maison de Châteauneuf qui lui succéda a donné un il avait déjà gagné des avances . Il prit la montagne de la Lou
mestre de camp des armées du Roi vers le milieu du dix sep zère par une route inconnue à ceux qui le poursuivaient ; il
tième siècle, en mil sept cent trente sept. Si l'on avait à sa dis fondit enfin dans le château du Tournel par la colline du Chey
position les annales de ces augustes familles , l'on aurait bien la qui est à son vis- à -vis du côté du midi.
149
S. 5e,
L'autre personnage dont on a ici à parler , était également ori
Les villages ou hameaux de la paroisse qui ont été détruits .
ginaire de Malmont. Il était connu dans le pays par le surnom
La description qu'on vien : de faire de la paroisse de St Julien ,
de Lamouroux. L'on ne sait pas précisément en quel ten ys il a ve
les faits ni les événements qu'o ., vient de rapporter ne com
cu il n'est pas cependant douteux que son règne n'ait été
prenrent pas tous ceux que la paroisse fournit . Il en reste nom
dans le seizième siècle, ou peut-être sur le commencement du
bre d'autres qui semblentmériter quelque attention . Telle est
dix -septième. Environ ce temps là , les protestants des Cévennes
d'abord la destruction de dix neuf villages ou hameaus qui est
fesaient des incursions dans le Gévaudan et des n.gurtres im
arrivée dans la succession des temps . La tradition en a con
punément et pour ainsi dire tète levée , on en a parlé á l'occa
servé la mémoire. Bien de titres fournissent des preuves sur
sion du Tournel.
presque tout.
Lamouroux joua un rôle différent de celui de son patriote, il
L'on va en entreprendre la description dans le même ordre
imita en quelque façon cet héros grec qui surprit ses ennemis
qu'on a suivi dans celle des villages qui existent. Il y aura cette
dans le camp ayant faitmettre des torches allumées aux cornes
différence qu'on va commencer par ceux de la gauche du
d'une troupe de bæufs .
Lot, en venant du midi au couchan ., ensuite au nord et de là
Au retour de quelque foire qui s'était lenue du coté de Châ au levantde la paroisse.
teauneuf ou peut-être à Châteauneuf même , Lamouroux fut 10 LE FRAISSE .
informé que les camisars avaient dérangé le comerce et enle
Selon l'arrangement qu'on a pris pour décrire les villages
vé la plus grande partie des bestiaux qu'on y avait exposés en
dont les habitants ontdéguerpi, celui du Fraisse est le premier.
vente. Qu'est ce qu'il fit ? Il vint trouver le seigneur de Château Ce village existait encore sur la fin du seizième ou au commen
neuf qui se trouva heureusement dans son château du Tournel
cementdudix -septième siécle. Bien d'actespassés par main publi
ce jour là .
que en font foi. Il consistait en six ou sept familles, selon la
Lamouroux informa ce seigneur de ce qui venait d'arriver . tradition ;
il était situé à la droi'e du ruisseau de Combesourde
Il lui demanda en même temps cinq ou six hommes pour es et à une fort petite distance ; il avait l'aspect du couchant. Le
corte , autant de caisses et des armes. Il le pria encore de lui
village du Mazel était à son sud ouest, il n'en était distant que
fournir des munitions pour tirer cinq ou six foix chacun . Tout d'un bon port de fusil. Le Bleymard était à son levant et la
cela lui fut accordé; il partit avec sa petite troupe, l'obscurité de la paroisse de Cubières à son midi.
nuit favorisa son entreprise . Il rencontra ceux à qui il en vou Il ne reste rien des décombres de ses maisons; les anciens du
lait au bourgdu Blaymard. C'était là que ces brigands avaient al village du Mazel n'en désignent l'emplacement que par quatre
lumés des feux dans les rues soit pour se refaire de leurs fati ou cinq arbres qu'on voit et iin tertre sur une colline. Les en
gues , soit pour se préparer des vivres . virons sont aujourd'hui tout ei. ' erres cultes . Les habitants du
Danscet intervalle notre Annibalarrive , sur le point de fondre Bleymard possédent à présent presque tous les biens fonds du
sur eux ; il fit battre ses caisses el tirer quelques coups. I es gens villagedu Fraisse . Ceux de Neyrat sur la paroisse de Cubières
du bouty en furent tellement déconcertés qu'ils abandonnė en possédentune autre partie ; c'est ce qui rend les uns et les au
rent et leurs vivres et leur butin . Ils crurent avoir toute la foi. tres taillables à la paroisse de St Julien ' ceux du Mazel jouissent
re et unemain - forte armée à leurs trousses; après cette alerte du reste .
chacun ne pensa qu'à la retraite et à se sauver. Il ne se trou 20 VILLELONGUE .
vait parmi eux personne qui voulût faire l'arrière garde. La tradition du pays rapporte que Villelongue a été telle
Tandis que tout cela se passait parmiles camisards, le héros qu'on vient de le dire, certains vestiges semblent le confirmer .
de Malmont n'eût garde de les poursuivre . Il s'occupa et fit A un bon quart de lieue de Malevieille vers son midi, l'on у dé
occuper sa petite troupe à ramasser tous les bestiaux qu'on couvre ce que l'on donne pour l'emplacement de Villelongue.
avait enlevé à la foire dont on vient de parler . La nuit, le trou C'est dans un vallon , quoique sur le sommet de la Louzère.
ble et la fuite de ceux qui avaient fait l'expoliation le favorise Là l'on trouve un chemin presque tout en pavé , pártout de la
rent encore :maîtres du champ de bataille sans avoir répandu longueur susdite . Cet endroit porte encore aujourd'hui le nom
du Sang ni faitrépandre , Lamouroux fit conduire au château do de Villelongue. Au nord -ouest de ce chemin l'on découvre
Tournel par des routes inconnues aux protestants l'exploitation des restes de murailles qui sont presque toutes sous la
de la foire qui n'élaient pas petite . pelouse, elles présentent au milieu des enfoncemenls. C'est ce
Peu de temps après le seigneur du Tournel, disons de Château qu'on regarde et ce que la tradition donne pour les vestiges de

neuf, fit proclamer à tous les environs de l'endroit où la foire Villelongue et les décombres de ses habitations.
avait été tenue qu'on n'avait qu'à venir sous bonnes indices Pour confirmer que cet endroit a existé, l'on pourrait ajouter
réclamer ce qui leur avait été enlevé. A des nouvelles de cette qu'on a connu des gens qui ont attesté avoir lu des actes
espèce, iln'est personne de sourd ; chacun vint réclamer ce qu'il qui concernaient les habitants de cet endroit. L'on peut di
avait perdu et justice fut rendue à tout le monde. re aussi que leur témoignage ne peut pas être suspecté, c'était
18 *
150

un homme de probité et en état de déchiffrer les antiquités; sons; mais encore plus à l'ingratitude de son terrain ou aux dif

il en avait beaucoup chez lui ; il n'y a guère plus de vingt huit férents accidents où il est sujet ; ce qui le rend d'un modique
ans de sa mort, Antoine Jouanain de Serviés. produit.
Quant à la destruction de Villelongue ce serait trop hasarder En parlant du village de Malevieille l'on a dit de quel seigneur
de lui donner une date; la tradition n'en fournit point. Cepen celuide Crussinas releva, soit pour les censes ou la dixme ; l'on
dant, s'il était permis d'en chercher une on la trouverait, mais a parlé encore des villages qui possèdent aujourd'hui les fonds
peut être incertaine, dans la destruction de la forêt qui était qui luiappartenaient.
autrefois sur toute la montagne de la Louzère. L'on aura occa Ce village quand il existait, avait le Mazelà son levant, et
sion dans la suite d'en parler pour ce qui regarde la Louzère Malevieille au midi, à son couchant celui de Serviés , au nord
sur la paroisse de St Julien . ceux d'Orcière et de Vareilles , il y avait la distance des uns aux
Par rapport à la Villelongue l'on se contente d'ajouter que autres de plus d'un gros quart de lieue ; il était au midide St
ses terres rendaient notre paroisse limitrophe à celle de Frut Julien ; il en était éloigné d'environ cinq quarts de lieue ou d'une
gères par les villages de Lespitalet, de Gapfrancès et celui de bonne lieue au moins.
Sarrejas. Ses terres fesaient encore confronter les paroisses de 40 LE CLAUZEL.
Cubières et de Cubeirettes avec celles de St Julien . La premiè Le territoire de Serviés nous fournit également l'emplacement
re par les dépendances du village de Louzeret, et la seconde d'un autre village dont ses habitants furent contraints dedéguer
par celles des hameaux de Broussoux et de Plamontgeaux . pir ; C'était le village du Clauzel ou plutôt l'ancien Serviés à ce
La paroisse de St Julien ne posséde presque rien aujourd'hui qu'on prétend.Lelocal était du midi du nouveau et à un bon quart
du territoire de Villelongue. Le village de Mallevieille est le de lieue plus enfoncé dans la montagne; l'ancien avait le vérita
seul qui pourrait le faire par rapport à son voisinage. Ce qu'il ble aspect de la bise.
en possède est peu de chose. Villelongue était au midi et à une L'on ne peut rien dire de fixe sur le nombre de ses habitants ,
bonne lieue et demie de St Julien dans la belle saison ; en l'on sait cependant, à n'en pas douter , qu'il a effectivement exis
temps d'hiver le chemin devait être impraticable la plus part du té : outre la tradition qui l'assure , la ruine des maisons qu'on
temps ou presques toujours. voit sur les lieux, des ustensiles de cuisine qu'on y a déterrés il
30 LE VILLAGE DE CRUSSINAS . n'y a pas encore quatre vingls ans, tout cela dis -je réuni, en

Crussinas est un autre village qui a eû le même sort que l'en fontune preuve invincible. L'on ne parle pas encore des titres du

droit dont on vientde parler . Il avait, à ce qu'on dit, sept ou seigneurde Serviés ni de presque tousles actes des habitants de
huit habitans, il avait sa position sur la montagne de la Lou Serviés qui en fontmention .

zère, sur une colline à l'aspect du midi. Cela faisait que le villa L'abandon de l'ancien Servies n'a point de date qu'on puisse
ge n'était pas si rude que bien d'autres pour le séjour des ha dire ici bien constatée. L'on croirait cependant que la désertion
bitans; ils n'en furent pas cependant moins obligés d'en délo des babitants de Crussinas doit être à peu près l'époque de la re
ger. La neige en écrasa les maisons. Selon la tradition , Crussi traite de ceux du Clauzel : leur voisinage, la même élévation sur
nas existait en 1630 , la neige en accabla les habitations. lamêmemontagne, les mêmes inconvénients pour les uns et les
Le ruisseau de Combesourde puise les eaux de sa source dans autres en faut douter.
son territoire. Ses terres confrontent avec celles de Malevieille et Toutce qu'on peutdire , sans craindrede trop avancer, est que
du Mazel au levant ; avec celles de Villelungue ou Malevieille ces pauvre gens s'ennuièrent d'être enfoncés dans les neiges ,
au midi, avec celles de Serviés au couchant, et avec celles de cinq ou six mois de l'année ; il leur était dur encore, catholiques
Vareilles et d'Orcière au nord . comme ils étaient , de se voir privés presque pendant tout ce

Il n'y a pas peut-être encore soixante ans qu’un particulier temps là d'aller remplir leurs devoirs de religion à leur paroisse

fut se donner une retraite pour la belle saison parmi les décom ou ailleurs. Pour éviter ces deux inconvénients , ils songèrent à
bres de Crussinas : il le fit dans la vue de mieux faire valoir les se procurer une autre retraite. Ils la choisirent la plus avanta
geuse qu'ils purent sans abandonner leurs fonds. Ils vinrent aux
pelites possessions qu'il avait sur le territoire de ce village . Il fut
extrémités de leurs terres et peut être plus loin établir leurs de
bientôt contraint de désister de son entreprise ; soit la rigueur du
meures . C'est autour du château de Serviés qu'ils fondèrent le
climat, soit les horreurs de ce désert ou quelqu'autre je ne sais
villagedont on a déjà parlé sous le nom de Serviés. Les terres du
quoi l'obligèrent à venir reprendre son air natal; il aima mieux
faire comme il avait fait auparavant, c'est-à - dire , cultiver les Clauzel rendent la paroisse de St Julien contigue avec celles de

fonds qu'il y avait avec plus de peine, et en être loin , que d'en Fraissinet, de Louzère etdes Bondousau midi.
50 LE MAS DE PASTOUREL .
tirer un plus grand profit et d'être obligé d'y faire résidence.
Le Mas de Pastourel a élé un autre village qui a eù le sort de
L'on ne connait point l'époque fixe du déguerpissement des
ceux dont on vient de parler . Il avait sa siluation sur les
habitants de Crussinas, ni de l'entier abandon qu'ils firent de
terres de Louzerétte aujourd'hui. Il était placé sur une hauteur
leurs habitations ; l'on en impute la cause non seulement à sa
considérable de la Louzére. Il avait la perspective de Louzerét
mauvaise situation sur la Louzère, la neige en écrasa les mai
151

te et sa situation plutôt au couchant qu'au midi de ce dernier rétte , il fut faire une autre tentative au delà du pont de Mont
village . verd où il échoua également, la masure de l'édifice le prouve
L'on découvre encore aujourd'hui les débris des masures du encore .
Mas de Pastourel ; à les voir l'on croirait qu'il y avait plus de LeMartinet était situé à la droite du ruisseau de Felgeiréttes , il
quatre habitants. La tradition qui en parle ne dit rien de bien en tirait les eaux du moulin . Il était bâti dans un vallon profond
positif sur leur nombre. au couchant de Louzerétte , au levantdes Saignes et presqu'au
Pour aller du village de Louzerélte à celui de Pastourel il y nord d'Oltet. Il était là comme au centre d'un triangle formé par
avait un vallon à franchir de près d'un quart de lieue, le dernier ces trois villages. Il était éloigné de celui des Saignes d'environ un
avait l'aspect de la bise ou plutôt l'on doit dire qu'il devait être quart de lieue ; de ceux d'Oltel et de Louzerétte quelque chose
battu par toute sorte de vents . Il avait le niveau du Clauzel et de moins. Il pouvait être à la distance de son église paroissiale
une éminence commeon a déjà dit. environ un demiquart de lieue de plus qu'Oltet, il était au sud
L'on ne connait point l'époque de la réunion de ses habitants est de St Julien
avec ceux de Louzerélte , elle n'est pas cependant douteuse .
7 ° LE MAS DEL BOSC .
Louzerétte jouit aujourd'huide toutes les dépendances du Mas
Le village des Saignes a été à certains égards dans le cas de
de Pastourel. Elles confrontent au levant et au midi avec cel
celui de Serviés. Il avait à ses environs deux hameaux d'où
les de Serviés, au couchantavec celles du Mas del Bosc, à leur
les habitants furent contraints de déserter , comme ceux des
nord avec les terres de Louzerétte .
autres villages dont on vient de parler ; l'un portait le nom
L'on croit que la cause de la réunion des habitants de ce vil
du Mas de Bosc et l'autre celui du Mas des Fonds.
lage avec ceux de Louzeréite ou plutôt l'abandon du Mas de
Le Mas del Bosc confrontait au levant les terres de celui de
Pastourel est la même que celle de ceux dont on vient de par
Pastourel,au midi, celles de Serviés ou de Clauzel, au couchant
ler . La rigueur du climat, la stérilité de ses fonds par rapport
avec celles du Mas des Fonds et peut- être encore avec celles du
aux neiges, aux glaces et aux orages en firent déloger ses
village des Loubiés , paroisse de St-Etienne du Valdonnés, et au
infortunés habitants .
nord celles des Saignes et à environ un quartde lieue de distance
60 LE MARTINET DE LOUZERÉTTE .
des uns et des autres . On ne sait pas en quel nombre pouvait
Le Martinet était autrefois une habitation de la paroisse de St
être celui de ses habitants , mais l'on sait que les neiges en
Julien . Elle ne pouvait être qualifiée nidu titre de village nimê
causèrent la destruction vers mil cinq cent deux ; elle écrasa
me de celui de hameau . Ce ne fut dans son origine qu'un édifice
au moins partie desmaisons. Il n'y a pas encore , peut-être , soi
qu'on y dressa, l'on ne sait pas précisément quand . Ce fut dans
xante ans qn'on y a trouvé des ustensiles de cuisine que les ha
l'espérance d'y fouiller une mine de fer aux environs. L'on y
bitants y avaient laissés en se retirant aux Saignes.
construisit la fondrière , le moulin et sansdoute quelque habita
80 LE MAS DES FONDS.
tion pour les ouvriers .
Quand la tradition ne dirait rien sur le Martinet de Louzerél Quant au Mas des Fonds l'on ne sait rien de particulier sur

te , les vestiges parlent. L'on y voit à l'endroit où il était cons la cause ni l'époque de leur retraite aux Saignes. L'on croit
truit des murailles presque entières qui subsistent. Le local des cependant que la grande quantité de neige les y contraîgnit,
décombres présente l'emplacementde deux ou trois maisons comme ceux du Mas del Bosc . La proximité de ces deux ha
des artisans de la campagne. Les régistres mortuaires de la meaux, leur mêmeaspect et leur même élévation sur la mon
tagne semblentle dire .
paroisse en font encore foi. En mil six cent vingt cinq l'on
Le Mas des Fonds avait à son levant celui de Bosc , à son cou
donna la sépulture au cimetière de la paroisse au nommé
chantles terres de Loubiés , paroisse de St Etienne du Valdonnés,
André Corrigiac du Martinet ; il y était décédé en qualité
d'habitant. au levant celles des Saignes et au nord celles des Sagnols ou
L'on ne sait pas ni l'on n'a pu savoir après des perquisitions d'Auriac à la distance des uns et des autres d'environ un quart
de lieue.
si cet édifice subsista longtemps après cette date. {L'on croit
encore que sa construction neļpouvait remonter guère plus Quand les deux derniers hameaux, dont on vient de parler ,
loin . La mine ne réussit pas à ce qu'on dit, et à ce que tous existaient, ilsallaient répondre à la paroisse de la Nuejols pour
les évènements démontrent. le spirituel et le temporel. Les habitants des Saignes y répon
Une seconde preuve qu'on en peut donner, ce sont les ac dent encore aujourd'hui par rapport à leur réunion pour le tem
tes d'une famille de Louzerétte : ce fut un étranger issu du côté porel.
d'Anduse ou de St Jean deGardonenque en Cévennes qui en fit L'on a déjà fait sentir que la mauvaise situation de ces deux
la dépense ; il vint s'établir dans la maison dont on vient de hameaux força les habitants à changer de gite et de pasteur
parler. L'on ne sait pas si ce fut avant ou après son établisse en même temps. Quand ils étaient habités , ils étaient éloignés
mentqu'il jetta les premiers fondements du Martinet. La tradi de leur église paroissiale d'une lieue et demie ou environ ; de
tion le dit, elle ajoute encore que n'ayant pu réussir à Louze celle de St Julien , d'une demie lieue de moins.
152
90 LES SAIGNOLES . ne connait par aucun endroit le nombre des habitants que les
Les Saignols ont été autrefois un endroit habité sur la pa Piniole pouvait avoir ni le temps auquel ils en déguerpirent. Elle
roisse de St Julien du Tournel ; l'on n'a jamais entendu dire en était située au couchant l'hiver de St Julien et à un moindre éloi
quoi consistait le nombre de ses habitants, ni en quel lemps gnement que Oltet.
leurs maisons existaient, Le local n'en conserve d'autre trace
. Il n'y a pas encore soixante ans qu'on changea le chemin de la
qu'un enfoncement du terrain ; la tradition des habitants a'Au route de Villefort à Mende ; on trouva pour lors des ruines du
riac donne cet emplacement pour celui des Saignoles. Mas de les Piniole. L'on ne parle pas ici des actes qui fontmen
Quoi qu'il en soit du local ou de la tradition , l'on ne peut pas tion de son existence , tels sont par exemple des papiers des vil
révoquer en doute que les Saignoles n'aient eû autrefois des lages de Louzerétte et d'Oltet qui en parlent.
habitations. Les seuls titres de la chapellerie de la très sainte
120 FROUMENTAL .
Trinité de l'Eglise de la Nuejols en font foi, elles prouvent
L'on peut dire de Froumental ce qu'on vient de dire sur les
invinciblement. Les directes qui relèvent de son territoire fu
Piniole. Il ne portait que le nom d'un hameau de trois habitants.
rent affectées pour doter cette chapelle. L'on ne sait pas quand
Leurs maisons avaient l'aspect au midi dans un assez bon cli
ni par qui la fondation fut faite .
mat. Toutesleurs terres étaientpresquedans le mauvais en temps
Ce qu'on peut avoir à dire de plus sur les Saignols regarde
d'hiver surtout, une partie par rapport aux neiges et le reste par
son emplacement. Il était sur la Louzère comme le Bosc et les
rapport aux glaces , aux collines, ou aux autres inconvénients
fonds dans un climat peu différent, s'il n'était pas égal. Il était
de la paroisse .
entre le nord et le couchantdu Mas des Fonds, il avait le châ
Froumental était au vrai nord d'Oltet , il n'en était guère
teau de la Loubière à son nord , le village d'Auriac à son le
plus éloigné que de trois ports de fusil ; les terres en étaient
vant, celui des Saignes à son midi : il pouvait être éloigné des
contiguës, elles confrontaient au couchant avec celles du Bous
uns et des autres d'environ un quart de lieue et de celui des Sai
chet paroisse de Chadenet, vers le nord avec celles de Bagnols ,
gnes, quelque chose de plus que des autres.
au levant avec celles de St Julien . Les habitations étaient à la
Le territoire des Saignols comportait au couchant celui des
gauche du ruisseau de Felgeirétte et à unemoindre distance de
Brajoux , paroisse de la Nuejols ; il était attenant au noid avec
St Julien que le village d'Oltet.
celuidu seigneur de la Loubière, aujourd'huiMonsieur de Pomei S'il fallait à présent fonder le temps de la destruction de
rols habitantà Mende. Ses dépendances par conséquent rendent ces trois hameaux et celui de la réunion de leurs habitants avec
les paroisses de la Nuejols et de Chadenet limitrophes à celle de ceux d'Oltet, l'on ne serait pas dans un petit embarras. La
St Julien au couchant de la dernière. tradition ne dit rien là dessus ; l'on n'a jamais entendu parler
100 CHABRITS . d'aucun acte qui établisse des faits de cette nature. Le local
Le village d'Oltet à son tour fournitdes antiquités. Il y a eu non plus ne présente rien qui prouve leur existence , et leur
autrefois dans son territoire trois hameaux qui n'existent plus , réunion avec les habitants d'Oltet est incontestable . Les seuls
Chabrits , les Pigniole et Froumental. actes d'Oltet en font une preuve que personne ne peut con
Chabrils était au midi d'Oltet sur un cotteau extrêmement tester .
rude. Il avait l'aspect du couchant ; ces deux endroits se fai Si l'on osait avancer des conjectures sur cette réunion ou sa
saient face et ils avaient à peu près la même élévation . Oltet cause , l'on dirait qu'elle se fit pour se partager les petites
est à la gauche et Chabrits était à la droite du ruisseau de Fel aisances et se dédommager en même temps des incommodités
geirétte . réciproques que ces trois hameaux pouvaient avoir ; pour tout
L'emplacement de Chabrits ne laisse entrevoir a'cun vestige dire, la réunion des habitants des hameaux de Chabrits , de celui
de son existence. L'on ne connait pas le nombre des habita de Froumental fut occasionnée encore par rapport à la mauvaise
tions qu'il pouvait avoir. Ce n'est uniquement que sur la tradi situation de leurs habitations.
tion et certains actes qui font mention des Chabrits qu'on dit 130 LA FE'LGEIRE.
qu'il a existé . La Felgeire a été un hameau situé sur les dépendances du
Pour ne pas trop avancer l'on ne dira pas ici ni en quel temns village de St Julien . Il a fait une augmentation de son ter
ni pourquoi les habitants en désertèrent, car l'on n'en sait rien ritoire ; il était à la gauche du ruisseau de Felgeiréttes et à une
de bien positif. Il avait Louzerétte à son vraimidi et à une dis fort petite distance du corps de paroisse. L'on ne sait pas au
tance de quatre ou cinq ports de fusil, Ollet à son couchant, le juste la cause ni l'époque du déguerpissement d'un seul habi
Martinet de Louzerétte presque altenant entre le couchant et tant qu'il y avait. Bagnols les Bains possède aujourd'hui quelque
le midi, et son église paroissiale à la même distance à peu près , chose de ses fonds et St Julien le reste . Cet hameau élait situé
que le village d'Oltet. sur une colline à l'aspect du midi, au couchant de St Julien . Il
110 LES PINTOLE (L'Espiniole ? ) avait Bagnols comme à son nord .
Les Piniole autrefois portait uniquement la qualité de ha 140. LE PEYROU .
meau ; il était situé au levant d'Oltet, il en pouvait être éloigné Au couchant de Fraissinet et au midi de St Julien l'on décou
d'environ trois ou quatre ports de fusil au pis aller. L'on vre les ruines d'une masure ; elles sont sur une hauteur et à
153 -

une distance presque égale de Fraissinet et de St Julien . L'on au Cheila . Il n'y a pas peut-être encore quarante ou cinquanta
ne connait par aucun endroit le temps ni la cause de la des ans qu'en cultivantles terres l'on en sortil quanti'é de pierres
truction du Peyrou . C'est le nom qu'on lui donne. Les anciens de laille très-bien ouvrées et avec des marques d'y avoir été em
disent que c'était autrefois la maison du domaine des moines ployées. L'on prétend que la grande quantité des serpents du
de St Benoit quand ils habitaient St Julien , la tradition n'en territoire en délogea ses habitants.
rapporte pasdavantage. Le Cheila avait le Tournel entre le levant et le nord , Orsière
Vis-à -vis du châleau du Tournel et à son midi, il y a eu au au midi et le Cheiroux au couchant, il était à peu près à la distan
trefois un hameau ou village qui portait le nom de Cheila . Le ter ce des trois villages de trois ou quatre ports de fusil; il pouvait
ritoire en porte encore le nom . L'on ne sait pas de quel nombre avoir de St Julien cet éloignement de plus que le Cheiroux ou
d'habitants il élait composé ; sa destruction est trop reculée pour le Tournel ; il était situé au levant d'hiver de St Julien . Les habi
que la tradition nous l'apprenne , quoiqu'elle parle de son exis tants d'Orsière sur la paroisse de St Jean de Bleymard jouissent
tence ; le local aujourd'hui non plusn'en présente plus de ves de la plus grande partie des dépendances du Cheila ; ceux du
tiges . Tournel et du Cheyroux possèdent le reste.
Il n'est pas cependant douteux qu'il y ait eu des habitations ( A continuer.)

AGRICULTURE DU MIDI DE LA GAULE

SOUS LA DOMINATION ROMAINE.

Etude suivie d'un essai sur l'origine des noms de plusieurs communes, hameaux et domaines du Gard , de l'Aude et de l'Hérault.

La civilisation du midi de la Gaule (1) et plus tard , celle de la Ces antithèses de rhéteur sont contraires à toutes les vrai.

Gaule entière fut l'ouvrage des Romains. C'est à tort qu'on semblances (3 ). Quelle était en effet, vis-à -vis de la vasle contrée
attribuerait aux Phocéens de Marseille l'honneur d'avoir trans qui s'étendait des Alpes aux Pyrénées, et de l'Océan au Rhin ,
formé cette contrée. Justin est le premier qui ait émis cette opi la position de Marseille ? elle avait, il est vrai, jeté quelques
nion et l'exagération de son langage prouve combien il s'est colonies sur le littoral de la Méditerranée, Nice, Agde , Anti
écarté de la vérité (2 ). Suivant cet historien qui écrivait deux siè bes .. mais ces faibles rejetons qu'enveloppait de toutes parts
cles après la conquête de la Narbonnaise , la Gaule serait devenue , la Gaule celtique , ne pouvaient rien pour la métropole . Si
dès la fondation de Marseille , une nouvelleGrèce : « les Gaulois, Rome n'était accourue avec ses légions au secours de la cité

dit-il, abandonnèrent alors leurs coutumes barbares, reçurent phocéenne, il ne lui restait qu'à monter sur ses vaisseaux et à
« des Grecs desmæurs plusdouces,apprirent d'eux à cultiver les chercher au delà desmers une autre plage et de meilleures des

• champs, à ceindre leurs villes de remparts, à planter l'olivier, à tinées .

• tailler la vigne , et à vivre non par les armes ,mais par les Le territoire de Marseille dépassait à peine l'enceinte de la

« lois. Leshommes et les choses de ce paysacquirent un tel éclat ville ; bornés aux nord par les Salluviens, les Voconces et les
(nitor ) qu'on aurait pu dire : « ce n'est pas la Grèce qui a Cavares, au sud- est, par les Ligures Oxybiens et Décéales, les
« émigré dansla Gaule, mais la Gaule qui a été transplantée dans
• la Grèce . (Justin , livre 13me). les annalistes de tous les peuples el a donnélieu aux fables les plus ridicu
les. C'est ainsi que nos anciens historiens, pour rehausser la gloire de
(1). Nous entendous par le midi de la Gaule, la région que les Romains la palrie, assuraient gravement que les Francs tiraient leur nom de Fran
appelèrent d'abord Gallia Braccala , puis, la Province et enfin , sous cus ou Francion fils d'Hector, el que Troyes ( en Champagne) devait son
Augusle , Narbonnaise . Elle fut occupée par les Romains, l'an 121 et origine à des Troyens qui après la ruine d'Ilium , cherchèrent un asi
suivants avant J.-C. ; le reste de la Gaule ne fut soumis par César que le dans les contrées lointaines de l'Oecident.
62 ans après. La Narbonnaise comprenait lout le pays que vous avons ( 3) M. Amédée Thierry , dans son Histoire des Gaulois , parle de l'état
nommé dans les temps modernes, Alpes maritimes, Savoie, Dauphiné, florissant de l'agriculture dans le midi, avant l'occupation Romaine, et
Provence el Languedoc ; plus tard , elle ful divisée en deux parlies , nous en montre les montagnes couverles de vignes , d'oliviers , d'orangers
Narbonnaise première et Narbonnaise deuxième. etde richesmoissons ; les autorités qu'il invoque sont Strabon et Pline
(2). On sait que Justin a abrégé l'Histoirr universelle que Trogue l'ancien . L'historien de la Gaule aurait dû remarquer que les écrits du
Pompée composa sous le règne d'Auguste . Si l'abréviateur a puisé dans premier sont postérieurs de plus de 100 ass, el ceux du second, de 190
son modèle ce qu'il raconte de l'influence de Marseille sur le midi de la ans, à la conquête de la Narbonnaise. Strabon et Pline ont décrit celte
Gaule , on ne doit pas en être surpris ; Trogue-Pompée était un gau province lelle qu'elle était de leur temps ; le géographe grec , dans
lois de la tribu des Voconces, laquelle habitait à l'est de la Drôme. lequel on a puisé tantde précieux renseignements sur nos contrées, dit
Devenu citoyen Romain , cet auteur aura voulu sans doule , par un expressément età deux reprises, que les Gaulois ne se livraient à l'agri
reste de patriotisme, jeler le plus vif éclat sur le passé de son pays : ce culture que forcés par les Romains, « nunc coguntur agros colere. »
sentiment, pé del'amour- propre individuel et national, se retrouve chez (Strabon , liv , 4.)
1
154

Massaliotes ne possédaient même pas le sol sur lequel le consul le ne s'occupèrent sérieusement d'agriculture qu'après la con
Sextius fonda la ville d'Aix (1). Si grâce aux libéralités de Pompée quête romaine ; 2 , que l'influence deMarseille fut purementlit
dontils avaient suivi la mauvaise fortune, ils occupèrent quel téraire , encore même, sous ce rapport, n'a -t-elle laissé que de
ques villes de l'intérieur, cette détention fut de bien courte du faibles traces, tandis que la langue et la littérature des vainqueurs
rée , puisque sous César et principalement sous Auguste , tout sont devenues celles des vaincus.
le midi de la Gaule se peupla de colonies et de villes Lati Notre intention n'est pas de rappeler, même sommairement ,
nes ( 2) les chaogements radicaux que Rome apporta dans l'état social,
Cernée par des tribus barbares convoitant ses richesses et politique et religieux de la Gaule . De plus habiles que nous
ne respirant que la guerre, Marseille était impuissante à changer l'ont fait avec toute l'autorité qui s'attache au génie et avec une
les mœurs des peuples qui l'entouraient ; d'ailleurs, dans le ampleur qui interdit de nouvelles recherches . Notre but, pour
long intervalle de 500 ans qui sépara la fondation de cette ville être plusmodeste, ne manque pas néanmoins d'intérêt : aujour
de l'occupation romaine, la Gaule fut constamment agitée. Nous d'hui que l'agriculture, trop longtemps vassale de l'industrie , a
ne parlerons ni de ses révolutions intérieures, ni de ses expédi repris le rang qu'elle n'aurait jamais dû perdre, il y a , ce nous
tions en Italie, enGrèce et dans L'Asie mineure. Un pays soumis semble, quelque opportunité à raconter ses commencements
à de telles vicissitudes et emporté par de continuelles invasions parmi nous et à mettre en relief tout ce qu'elle doit à la
bien au -delà de ses frontières , ne peut se plier aux exigences colonisation romaine.
de la civilisation .
Pour résoudre la question de l'influence grecque sur le midi II

de la Gaule , il faut distinguer deux époques : avant que les Ro


mains eussent franchi les Alpes , cette influence était, pour ainsi Trois causes s'opposaient aux progrès de l'agriculture chez les
dire , nulle ; après l'occupation , elle produisit quelques heu Gaulois ; leurs habitudes guerrières , leurs divisions en tribus
reux effets, par l'intervention des vainqueurs depuis longtemps ennemies , leur étatpolitique et social. Il est inutile d'insister sur
alliés des Phocéens et déjà initiés aux arts et aux sciences de la la première de ces causes , l'agriculture ainsi que les sciences
Grèce . C'est dans Strabon , le plus judicieux et le plus exact des et les arts étant le fruitde la paix ; la seconde a besoin d'être ex
écrivains de l'antiquité , que nous trouvons cette distinction . pliquée . Ce qui détermine , en effet, l'importancede la production
« Après la guerre de Pompée contre César, dit cet auteur, et encourage la culture , est évidemment le commerce rendu
les Massaliotes ayant embrassé le parti des vaincus , perdirent plus facile par les voies de communication et les moyens de
presque toute leur importance; néanmoins, on voit encore par transport. Or, dans l'état de la Gaule avant la conquête, aucun
• mieux certains vestiges des arts qu'ils exerçaient autrefois , lien ne réunissait les diverses parties de ce vaste territoire , cha
a comme la fabrication des machines de guerrre et la cons que pays produisait tout au plus ce qui était nécessaire à ses
truction des navires . Lesmœurs de leurs voisins s'étant adou habitants; commelaGaule était couverte d'immenses forêts et que
cies et les Gaulois ayant abandonné la guerre pour l'agricul le besoin d'une culture plusétendue ne se faisaitpas sentir,les dé
. ture et les arts de la paix , à cause dela puissance romaine , les frichements étaient nuls et la charrue abandonnée pour le soin
« Massaliotes se livrèrent avec moins d'ardeur à leurs anciens des troupeaux ; enfin , la troisième et principale cause de cette
a travaux , ce que démontre l'état actuel de leur cité ; en effet incurie en matière d'agriculture provenait de l'état social.
« quiconque, parmi eux, aspire au premier rang , se tourne Les Gaulois étaient partagés en trois castes, les druides, les
« vers l'éloquence et la philosophie ; cette ville devenue depuis grands, que César appelle les chevaliers (equites) et le peuple :
peu l'école des barbares, a excité chez les Gaulois une telle ce dernier , exclu des assemblées où se discutaient les intérêts
passion pour les lettres , qu'ils écrivent en grec les formules de de sa tribu , n'ayant aucun droit politique , écrasé par l'impôt et
leurs actes ; aujourd'hui, les plus nobles Romains, au lieu de par l'usure , était véritablementesclave. (1)
faire le voyage d'Athènes , se rendent à Massalie ; ce que vo Dans une nation ainsi constituée , l'agriculture ne peut vivre,
yant, les Gaulois , qui vivent maintenant en paix , consacrent son support naturel , le droit de propriété , étant à la merci du
• volontiers leurs loisirs à ce genre d'occupations ..
plus fort ou se trouvant paralysé par l'énormité des charges .
Ce passage de Strabon que nous avons traduit littéralement, Telle était encore, il y a quelques années, la misérable situation
prouve avec évidence ; l», que les peuplades du midide la Gau de la Turquie ; avec quelques maîtres au sommet et l'esclavage
au centre et à la base,toute émulation s'éteint et le travail, cette
(1) Aquæ Sexliæ , Aix (Bouches du Rhône), à 30 kilomètres de Mar
seille . Aix De fut pas à proprement parler une Colonie Romaine , mais grande et sainte loi de l'humanité , n'est plus qu'une amère et
un oppidum ou lieu fortifié occupé par une garnison . stérile déception .
(2) Les Colonies Romaines exislant daus la Narbonnaise , sous le règne
d'Auguste, élaient au nombre de six : Narbonne , Arles, Vienne, Orange, Pour se rendre compte de l'influence colonisatrice des
Béziers et Fréjus. Parmiles Villes Lalines, qui jouissaientdesmêmes droits Romains sur nos contrées , il suffit de rapprocher leurs ins
que les Cités d'Italie, figuraient, Antibes, Aix, Carpentras, Cavaillon,
Avignon, Carcassonne , Toulouse , Nimes , etc.
( 1) César , Commentaires.
155 -

titutions de celles de la Gaule. Quoique le patriciat fût in . Sous une administration aussi ferme que tutélaire , la trans.
vesti à Rome d'une grande puissance , le peuple avait néan formation de la Gaule par les arts, les sciences, les lois et prin
moins uneaction politique prépondérante ,en disposant des plus cipalement par l'agriculture, s'opéra rapidement. La Province

hautes charges de l'Etat. Le plus illustre des Romains par la Romaine étant une autre Italie à cause du sol et du climat, les
naissance ou le génie , s'inclinait humblement devant les co méthodes de cultures furent lesmêmes ; de nombreux domaines
mices , s'il aspirait au consulat, à la preture, ou au com se formerent sur tous des points du territoire , véritables fermes
mandement des armées. Le peuple romain était véritablement modèles ,où lesGaulois vinrent apprendre la pratique d'un art qui
un peuple roi, non seulement parce qu'il dominait au loin , devait faire de leur pays la plus riche nation de l'Europe .

mais encore et surtout, parce qu'il gouvernait chez lui. La vigne couvrit nos côteaux ; on connait la prédilection des
Dans ces conditions, l'homme de la plebe devait naturelle Romains pour ce précieux arbuste (1): nous en avons la preuve

menttendre à la propriété , car rien ne relève autant la dignité dans les Géorgiques de Virgile et les écrits de Columelle. Pline

du citoyen et n'assure son indépendance que la possession du nous a laissé dans le 14me livre de son Histoire naturelle, un
sol ; aussi, dès les premiers temps dela République, la culture traité d'Ampelographie et d'OEnologie universelles : il connait et

des terres fut-elle en honneur . C'est la charrue qui donnait décrit la plupart des variétés de la vigne, notant avec soin les
des dictateurs à la patrie en péril, c'est à la charrue qu'ils re diverses qualités de vins qu'elles produisent. Après avoir énu
tournaient, après l'avoir sauvée.
(1)Avantla conquêle, la vigne n'était pas cultivée,même dans la Narbo
Calon le censeur, Varron , le plus savant des Romains, écri nnaise, ou l'était sur une Irès- faible élendue: le vin était si rare dans la
Gaule , que suivant Diodore de Sicile qui vivait sous Auguste , les indigènes
vaient des traités d'agriculture qui sont venus jusqu'à nous ; donnaientun enfant en échange de chaque lonneau de vin que leur ap
plus tard , Virgile en célébrait les charmes eten dictait les pré portaient les marchands Italiens ou Massaliotes. Cependant, la vigne
existait, mais à l’étal sauvage, dans le pays. Pline en comple plusieurs va
ceptes dans des vers immortels ; la vie des champs n'était pas riétés qu'il désigue par les noins des contrées où on les trouvail, vilis
pour lui une fiction poétique ; ce fils d'un paysan des environs Helvica , Allobrogica , Arvernorum .
de Mantoue avait lui aussi tracé des sillons et entendu mugir Dans son remarquable travail :ur les vignes du midi de la France,
M.Henri Marès, de Montpellier, soulieat que la vigae y est indigène ,
sous le joug les bæufs de son père (1). Cicéron , Horace , les deux mais il pense toutefois que les plants les plus estimés sont venus d'Es
pagne ou d'Italie .
Pline aimaient avec passion la campagne, non -seulement comme
« Notre conclusion serait, dit-il, que la vigne est indigène dans le
un lieu de recueillement et de repos , mais encore comme une a midi de la France, où elle est actuellement cultivée sur de si grandes
source de productions et de richesses. Cet attrait des Patriciens « surfaces, et que plusieurs cépages qui fornent la base de nos richesses
« viticoles, pourraient bien être eux -même indigènes ; un assez grand
pour l'agriculture,les Plébéiens le partageaient.Que demandaient « nombre cependant nous sont communs avec l'Espagne et nous viennent
à Sylla , à Pompée et à César les vétérans des légions victorieu « de cette contrée. Plusieurs cépages peuvent aussi nousavoir été légués
« par les contrées voisines et étre fort anciens. Pourquoi ne posséderions
ses ? des terres ! c'étaient aussi des terres que le peuple reven « nous pas encore ceux qui ont été cultivés dans l'antiquité el dont Ca
diquait par les lois agraires, non pour se distribuer le patrimoi a lon , Varron et surtout Columelle ont décrit la culture avec une fidélité
« quireproduit un grand nombre denos usages méridionaux ?La zone
ne des grands, comme on l'a faussement prétendu, mais pour a méridionale de la France si longtemps gouvernée par les Romains,
obtenir une part du sol étranger que ses armes avaient conquis. « jouit d'un climatanalogue à celui d'une portion considérable de
« l'Italie et son agriculture étail conduite d'après les mêmes mé
Dès leur entrée dans le midi dela Gaule, les Romains y fondé
a thodes. Aujourd'hui on retrouve la tradition latine encore suivie
rent des colonies. Narbonne fut la première ; de ce centre , « dans nos campagnes et ses instruments aux mains de nos paysans.
(Livre de la ferme, chapitre 9 , Des vignes du midi de la France, page
l'activité des conquérants rayonna sur toute la Province; la divi. 269,)
sion des terres s'opéra entre les indigènes, les colons et la Répu . Nous croyons devoir ajouler, à l'appui de l'opinion de M. Marès sur
l'origine des cultures méridionales, que les noms de la plupart de nos
blique.Malheureusement, des spéculateurs, des gens de finance, travaux agricoles dérivent du latin ; nous en cilerons quelques uns.
fermiers des impôts et des pâturages publics , industriels de tou Travaux des champs.
tes sortes , groupés en société , se ruèrent sur la Narbonnaise lº Laoura (Labourer) latin , laborare ; littéralement , travailler.
sous les noms de publicani, aratores , pecuarii. Un gouverneur le labour était le travail par excellence .
20 Séména (Semer) latin , seminare .
concussionnaire les favorisa de tout son pouvoir ; accusé par 3. Séga (Moissonner) , secare aristas, couper les épis.
les Gaulois , Fontéius eut pour défenseur Cicéron qui nous a 4 ° Caouca (baltre le blé), Calcare, littéralement, fouler aux pieds ; le
battage du blé s'opère dans le midi en faisant courir des chevaux sur les
laissé , des premières années de l'occupation, un tableau dont épis .
Travaux des vignes .
il lâche vainement d'affaibir les sombres couleurs. (1).
5 ° Pouda ( Tailler la vigne), putare vitem (Virgile ).
Mais tout cela n'eut qu'un temps . César, puis Auguste en ac 6 ° Escauocéla (creuser une fosse autour d'un cep) lat, excalceare, litté
cordant aux Cités gauloises le droit de latinité (jus Latii) et la ralement, déchausser.
70. Soumessa (Provigner), vitem submittere, coucher le sarment d'un
nomination de leursmagistrats , les mirent à l'abride l'arbitraire
cep dans une petite tranchée, et en redresser le bout pour en former un
et de la violence . Pline dit expressément que la Cité de Nimes, cep nouveau .
devenue latine, n'avait rien à démêler avec les préfets envoyés 8. Foutcha (fouir la terre) fodere , supin , fossum , creuser ; première
façon donnée à la vigne.
de Rome. 9. Bina (2e façon)de Binus.
100 Bendemia . (Vendanger) latin , Vindemiare.
(1) Mugilusque booum ... (Virgile ,Géorgiques.) llo Prensa (exprimer le jus du raisin au moyen dupressoir) latin ,
(1) Cicéron , Pro Fonteio . Prensare, serrer .
156

méré les vignobles d'Italie , l'auteur franchit les Alpes et juge ville, sont des montagnes très-fertiles couvertes de vignes ,

nos vins, en habile connaisseur ; d'après lui, celui de Marseille qui fournissent aux habitants un vin aussi noble que le
Falerne. » Les vins de la Côte -d'or n'ont pas dégénéré et font
est trop gras (pingius); celui de Vienne à un arrière goût de poix ;
la réputation du vin de Béziers est grande dans lesGaules,mais encore les délices de nos gourmets.

ne s'étend pas au-delà . Quant aux autres crûs de la Province , il L'édit de Domitien de l'an 92 de notre ère , qui défendait de

ne peut, dit- il, les apprécier , parce qu'on les colore avec de la nouvelles plantations de vignes en Italie , et ordonnait la sup

fumée (1) et qu'on y méle de l'aloés et autres plantes dont il re pression , par moitié, de celles de la Gaule et de l'Espagne , ne
doute la nocuité . fut pas et ne pouvait être longtemps en vigueur ; heureuse
Pline nous apprend aussi, que sur quelques points de la Nar ment pour l'humanité et la viticulture, ce fou sanguinaire dis
bonnaise , on se servail d'échalas pour soutenir la vigne, à cause parut quatre ans après son stupide rescrit et la vigne dut
de la violence des vents et surtout de ce maudit Circius qui reprendre son essor sous des princes tels que Nerva, Trajan et
Adrien .
renversait des chariots pesamment chargés et qu'on s'efforçait
vainement de fléchir en lui élevant des autels. Si Domitien fut l'implacable ennemi de la vigne, l'empereur
Voulez-vous savoir quel était, l'an 71 de notre ère, le plant de Probus en favorisa au contraire le développement; pour occuper
vigne le plus en faveur dans la Narbonnaise ? Pline nous fournira ses légionnaires, il les transforma en vignerons et leur fit plan
ce curieux renseignement. « Il y a sept ou huit ans, dit- il, qu’on a ter les ceps qui font la richesse et la gloire de la Bourgogne et
découvert dans les environs d'Alba Helvia (aujourd'huiAps, en de la Champagne .
Vivarais , Ardèche) une variété de vigne qui perdant sa fleur en Lutéce , cette bourgade (oppidulum ), aujourd'hui Paris, vou
un jour, est par cela même à l'abride toutdanger ;on la nomme lut aussi avoir des vignes. Le césar Julien qui l'habitait l'an
la vigne Narbonnaise , et maintenant, toute la Province la 355 , en trouvait le vin excellent. (1) « La vigne, dit-il, prospère ,
plante. (2) - «dans cette partie de la Gaule parce que les hivers y sontdoux .»
Nous savons par ce passage du 14me livre de l'histoire naturelle , Le vin et le climat ont singulièrement changédepuis, à moins
d'où venait ce singulier cépage dont la plantation remonte que fidèle à son austérité de parade, le prince qui se vantait
à 1799 ans : mais où le retrouver aujourd'hui ? Nousn'en de cacher la pourpre impériale sous le manteau des stoïciens,
connaissons aucun qui perde sa fleur en un jour ; en a-t-il n'ait célébré par forfanterie le vin de Suresnes et les brouil
jamais existé de pareil (3 ) ? Pline est certainement un auteur lards de Paris ,avec la même sincérité que ses maîtres en phi
d'une immense érudition , mais il se trompe souvent et l'é losophie niaient le mal.

crivain est chez lui bien supérieur au naturaliste. La culture de l'olivier suivit de près celle de la vigne. Pline
La vigne d'abord cultivée dans la Narbonnaise , le fut suc rapporte que de son temps, elle avait franchi les Alpes et s'éten
cessivement au centre et au nord de la Gaule , après les con dait sur le midi de la Gaule et le centre de l'Espagne. La Pro
quêtes de César. Du temps de Strabon , elle semontrait déjà au vence a conservé ses oliviers et la réputation de ses huiles ;notre
delà des Cévennes; plus tard et dans les trois premiers siècles littoral languedocien voit au contraire disparaître de jour en
de notre ère, elle remonta , pour ainsi dire, le cours du Rhône, jour cet arbre précieux , remplacé par la vigne qui naguère
parut dans les Lyonnaises première et quatrième, dans la Bel rampait à ses pieds.
gique deuxième (Champagne), et dans la grande Séquanaise (Bour Nous n'avons parlé , jusqu'ici , que des principales cultures ;

gogne) . toutefois, les autres étaient également pratiquées dans la Nar


Grégoire de Tours , dans le 3e livre de son histoire , par bonnaise , suivant la nature des terrains et la différence du cli
le ainsi des vins récoltés près de Dijon : à l'occident de cette mat qui, mêmedans cette région , varie sensiblement d'un lieu
à un autre ; on élevait aussi dans la Province de nombreux
(I). En critiquant cet usage des Gaulois, Pline n'aurait pas dû oublier
qu'ilétait presque général et que ses compatriotes employaient le même troupeaux .
moyen pour donner à leurs vins une vieillesse anticipée. Dans une Ode Malgré leur indifférence aristocratique pour le négoce , les
adressée à Mécéne, Horace rappelle celle coutume et invite son pro Romains se virent forcés, par la nature même des choses, d'en
tecteur à déboucher une amphore dont le vin avait bu de la fumée, sous
le consulat de Tullus. reconnaître les immenses avantages . Afin de mettre à la
Hic dics, anno redeunte, festus portée de tous les denrées nationales et étrangères, il faut au
Corticem adstrictum pice dimovebit
Amphoræ fumum bibere institutæ commerce des voies de communication nombreuses et faciles ;
Consule Tullo . les vainqueurs le comprirent et s'occupèrent avec activité de ces
( Livre III, Оde septième)
(2) Nous avons pu déterminer la date précise de cette plantation , voici grands et utiles travaux, la Province fut sillonnée de routes ; on
comment. Dans ce même livre 14me, Pline parlant de Virgile , dit qu'il établit des manufactures, des marchés, on creụsa des canaux et
s'est écoulé 90 ans depuis la mort du poète ; or cel événement ayant eu
lieu l'an 23 avant notre ère, il n'y a qu'à déduire ce nombre de celuide des ports ; ceux de Fréjus, d'Agde devenue ville romaine , de
90 ; reste 71. Pline mourut, huit ans après, viclime de l'éruption du Narbonne, de Port-Vendres (Portus Veneris) mirent la Province
Vésuve, l'an 79 de notre ère.
(3) D'après M. Henri Marès dans sa notice sur les vignes du midi de en rapport direct avec l'Espagne, l'Italie , l'Afrique et la Grèce .
la France, l'époque moyenne de la ſoraison paraît être le 5 juin , el
sa durée de 15 jours environ. (Livre de la ferme, tome 2 , page 272). (1) Voir l'écritde Julien iplilalé, Misopogon .
157
Certaines denrées d'une consommation usuelle furent affran Si dans l'exposé des trois modes d'exploitation agricole , M.
chies de toute taxe. ( 1) Troplong s'est montré aussi judicieux qu'érudit , nous avons le
Les fleuves , ces chemins qui marchent, suivant la belle expres regret de dire qu'il a été beaucoup moins heureux dans les
sion de Pascal, apportèrent aux régions du nord , de l'ouest et observations suivantes : « La conquête de la Gaule par les Francs
du centre, les productions du midi de la Gaule et des contrées 0 fut certainementaccompagnéede beaucoup d'infortunes et d'un

lointaines. La Celtique , autrefois indépendante mais isolée , entra • grand abus de la force , mais dans ses résultats généraux , elle
dans la grande famille des nations qu'un même lien unissait à fut le principe d'incontestables progrès et, par exemple, sous
la capitale du monde; les échanges, devenus possibles, se multi le point devue de la propriété , elle opéra le premier fraction
0 nement de ces latifundia qui, sous le gouvernement des em
pliant, la richesse de chaque peuple s'accrut de la richesse
pereurs , étaient devenus d'impénétrables solitudes. Autant
des autres. (2 )
Mais revenons à l'agriculture dont cette digression accessoire 0 les Romains aimaient les délices des villes, autant les Ger

etpourtant nécessaire, semble nous avoir éloignéet recherchons mains péféraient le séjour des campagnes , et ce fut là parti
quel était le systèmed'exploitation suivi dans la Province . « culièrement qu'ils s'établirent , quand la Gaule leur appar
M. Troplong a exposé dans la préface de son commentaire tint. Les chefs de famille occupèrent de vastes domaines sur
sur le louage, les divers modes d'exploitation en usage chez les · lesquels ils amenèrent leurs lites etleurs esclaves. Les mai
Romains ; ils étaient au nombre de trois : 1° l'exploitation par « sons rurales se multiplièrent et les campagnes jouèrent un
des fermiers libres ; 20 par des colons partiaires ; 30 par des plus grand rôle dans l'organisation sociale. On voit apparai
esclaves soumis à la surveillance d'un régisseur (villicus) et « tre ,dès lors , des noms de localités qui puisent leur origine
travaillant pour le compte du propriétaire. D'après M. Troplong, « dans les noms des propriétaires germains qui s'en mirent on
ce dernier mode était généralement adopté en Italie; il prévalut possession . Toutes ces appellations germaniques quisurgissent
aussi dans la Narbonnaise, et c'est presque le seul que les pro dans les campagnes inhabitées etdans des localités sans noms,
priétaires du midi pratiquent encore ; la terre est entre leurs a annoncent que la propriété foncière était beaucoup plus di
mains un capital productif dont ils ne consentent pas à se des « visée qu'elle ne l'était du temps des Romains, et que les rési
saisir, quelle que soit l'importance des fermages ; d'ailleurs, ils dences rurales s'étaient accrues et disséminées à des interval

craindraient pour la vigne, la plus importante de nos cultures , « les plus éloigne que jadis du sein des cités . Ces domaines fu

l'avidité des preneurs qui l'épuiseraient bientôt pour s'enrichir : • rent le centre aulour duquel se groupèrent peu à peu des ba
nous avons donc gardé sur ce point, comme sur tant d'autres, • meaux , des villages et mêmedes villes dont les noms se ter
les habitudes romaines . minent encore aujourd'hui en court, ville ,ménil ; le nombre

(1) Quatre grandes voies s'ouvraientdans la Narbonnaise; la première de se rendre à Toulouse, les agents du Préleur n'en exigeaient pas
passait par les Alpes cottiennes, le territoire des Voconces,alteignait Va moins la moitié ou le quart du droit.Nos ancêtres, qui aimaient à boi
lence , suivait le cours inférieur du Rhône, et traversait la région aujour re à bon marché, accusèrent Fonteius de concussion ; une députation
d'hui comprise dans le Gard , l'Hérault, l’Aude et les Pyrénées orien fut envoyée à Romepour soutenir les griefsde la Province.Cicéron qui de
tales; c'était la voie Domitienne quiavait aussi un embranchement sur fendit Fonteius, convient que le chef relatif à l'impôt sur le vin est d'une
l’Aquitaine : on y travaillait encore 50 ans après la conquête. (Cicéron, extrême gravité, mais pour rendre les plaignants odieux et détourner
pro Fonteio ). l'attention des juges, l'avocat du gouverneur reproche aux Gaulois les
La deuxième voie avait son point de départ dans les Alpes grecques méfaits de leurs aïeux, tels que la prise et l'incendie de Rome, le pil
et le territoire des Allobroges (Savoie et Dauphiné) et reliait Vienne à lage du temple de Delphes et autres iniquités passées. — Cela s'appelle
Valence. aujourd'hui, déplacer la question. Nous ignorons si Fonteius fut con
La troisième commençait à Cessero (aujourd'hui St Thibéry, Hérault) damné; tout ce que nous savons c'est que le vin n'a jamais été absous
et se dirigeait vers les Cévennes. et qu'il est resté la matière imposable par excellence
La quatrième, construite par Agrippa pendant qu'il résidait à Lyon, Curieux de connaitre la quotité de la taxe établie par Fonteius en
conduisait directement de cette ville à Marseille (Herzog , Histoire de la l'appliquant aux mesures actuelles, nous avons fait les calculs sui
Province Romaine ). vants .
Manufactures. Il existait à Narbonne une teinturerie célèbre , dont L'amphore romaine, contenant 26 litres, 50 centilitres, la taxe de
la directeur étail compté parmi les dignitaires de l'Empire, sous le nom 3 fr. 40 c . par amphore, produirait de nos jours, 12 fr. 83 c . par hec
de Procurator baphii Narbonensis, tolitre ; nous sommes en progrès depuis Fonteius, car on perçoit à Pa
Et à Vienne, des manufactures de toile, sous la surveillance de l'Etat ris, pour droit d'entrée et d'octroi, 19 fr. 80 c. par hectolitre sur les
(voir , Notitia dignitatum imperii Romani). vins en cercles , el 27 fr. 50 c . sur les vins en bouteilles. (Décrets du 17
Les deux marchés les plus importants de la Gaule, étaient ceux de mars 1852 et novembre 3-9 1855).
Narbonne etde Lyon (emporia) : celui de Narbonne avait la primauté, à Le vin frappé par le préteur d'une taxe qui paraissait énorme à nos
cause du nombre considérable de négociants et d'étrangers qui s'y aïeux, provenait d'Italie , et entrait par le port de Narbonne ; Cicéron
rendaient de toutes les parties de l'Empire. (Strabon , livre 4). le dit en terme exprès (Vectigal frugibus nostris impositum ) C'est pour
Ports.M . de Marca,Archevêque de Toulouse,nous a laissé une description cela qu'il trouve l'accusation si grave (magnum crimen ). L'aurait-il ainsi
aussi curieuse que détaillée des travaux exécutés par les Romains, dans qualifiée, si le vio eût été un produit gaulois introduit en Italie ? Nous
le lac Rubrensis, par où l'Aude communiquait avec la mer : on le nomme ne le pensons pas. L'orateur romain était trop bon patriote pour ne pas
aujourd'hui l'étang de Ségean ; les navires,après l'avoir traversé,remon comprendre le libre échange, à la manière des Anglais.
taient le fleuve, et venaient jeter l'ancre sous les murs de Narbonne. (2) Qui ignore, dit Pline, que la puissance romaine ayant mis le
(Sidoine Apollinaire, dans le poème intitulé Narbo). monde entier en communication avec ses diverses parties, la vie des
Taxes. M.Fonteius, gouverneur de la Province, (l'an 70 avant J. C.) peuples a progressé (vilam profecisse) par le commerce ou l'association ,
avait établi une taxe de quatre deniers par Amphore (environ.3 f.40 cent.) fruits de la paix ? Qui ne sait aussi que bien des choses autrefois inconó
sur les vins transportés de Narbonne à Toulouse ; si les conducteurs pues à certaines nations, sont devenues, par ce moyen , la propriété com
évitaient une certaine bourgade située entre ces deux villes et refusaient mune de toutes les autres ? (Pline livre 14).
158

, en devint plus considérable de siècle en siècle, et c'est en gran pagne : et ce vers d'Horace nous revient à l'instant à la pensée :
» de partie aux hommes amenés par la conquête ou à leurs O rus ! quando te aspiciam ??
descendants, qu'on en doit l'établissement. Cet attrait pour la vie champêtre existait encore dans
Ces assertionsdeM.Troplong sonten flagrante contradicton avec toute sa force, au 5e siècle de notre ère : les lettres de Sidoine
l'histoire et avec toutes les idés reçues jusqu'à ce jour. On pen Apollinaire nous montrent ses amis, personnages consulaires ,
sait généralement, que les Francs sortis de leurs forêts avaient préfets du prétoire , habitant leurs villas et se livrant à des
détruit dans les Gaules tout vestige de civilisation , et les voilà travaux agricoles dont il cherchait vainement à les détourner
maintenant supérieurs aux Romains dans cet art de l'agriculture pour les jeter dans la vie publique.

qui futune des gloires de ce grand peuple ! Comment l'auteur a -t M. Troplong se trompe encore, quand il attribue uniquement
il pu concilier ce qu'il imagine avec cette peinture des meurs aux Francs la création d'un grand nombre de domaines qui se
germaines tracée par la main de Tacite : « Quand leGermain ne raient devenus plus tard, des hameaux, des villages , etmême
« fait pas la guerre et ne se livre pas à la chasse , il passe tout des villes; la liste qu'il en donnedans une note , est bien modeste ,
« son temps à dormir et à manger ; les plus nobles et les plus cinq ou six tout au plus : il serail absurde , assurément, de nier que
« braves,plongés dans l'oisiveté, abandonnent le soin des affaires les Francs aient fondé dans les Gaules quelques établisse
domestiques etla culture des champs , aux femmes, aux vieil ments agricoles ; mais, avant eux, les Romains avaient créé de
• lards, aux plus faibles de la famille. » vastes et nombreux domaines sur tous les points du territoire ,
Dès que les Francs eurent franchi le Rhin , dépouillèrent Si M. Troplong eut pris la peine de parcourir nos contrées, il
ils subitement et spontanément le vieil homme? l'histore répond se serait convaincu que plusieurs de nos communes, villages ,
que depuis les premiers temps de l'invasion jusqu'à Charlema fermes et hameaux , portent des noms exclusivement romains,
gne, c'est-à -dire pendant trois siècles , ce peuple pillard , remuant ayant appartenu aux fondateurs de ces même domaines.
et grossier ,ne connut que violence et anarchie et ne sut rien fon La troisième partie de cet essai est spécialement consacrée
der sur le sol de la Gaule . Quelle idée originale et féconde nous à la démonstration de ce point d'histoire et servira de pièce
est-elle venue d'outre Rhin ? Devons-nous aux Franċs, comme jnstificative à ce qui précède ; elle tendra aussi à établir , contre
on l'a dit , le germe de nos institutions libérales ? Non , car ce l'opinion de M. Troplong , que la propriété foncière était
peuple représente ,dans notre histoire,l'oppression et la féodalité , beaucoup plus divisée sous les Romains que sous les Francs .
et pour dégager l'élément romain enseveli sous tant de décom Les premiers ne dépouillèrent pas les Gaulois de la totalité
bres, il n'a fallu rien moins que la révolution de 1789 ! de leurs terres ; ils en distribuerent seulement une partie
Afin d'établir que les Franos restaurèrent l'agriculture , M. aux colons qui , au lieu de les ravager, les fécondèrent ;
Troplong nous montre les Romains préférant les plaisirs de la les Francs ne suivirent pas cet exemple ; le territoire fut
ville aux rudes travaux des champs, tandis que les Germains, partagé entre leurs chefs et, plusieurs siècles après , quand
dit-il, s'établirent dans les campagnes . s'établil le régime féodal, nous retrouvons le pays, presque
C'est encore une erreur : nous avons prouvé par d'illustres tout entier , au pouvoir des hommes de leur race !
exemples, que les Romains se plaisaient infiniment à la cam
MAFFRE ,
Juge suppléant au Tribunal Civil de Béziers.

UNE SUPPLIQUE A LA MORT DE RAYMOND VII


COMTE DE TOULOUSE .

Les hasards des ventes ont mis en ma possession , parmid'au . Ces mots sont un certificat d'origine ; ils prouvent que la
tres parchemins, la pièce inédite , en langue romane, dont je pièce a dû appartenir aux archives de l'ordre de Malte, de cel
publie le texte et la traduction , parce qu'elle offre un caractère les du grand -prieuré de Toulouse spécialement, car une anno
à part. tation pareille et de la même écriture se trouve sur un grand
Ce document, écrit sur le recto d'un parchemin de petite nombre de pièces, autrefois conservées à l'hôtel de Saint-Jean ,
dimension (21 centimètres sur 7 de hauteur) , ne présente aucune qui forment aujourd'hui le plus riche trésor des archives dépar
date , aucun sceau , aucune signature ; la forme des caractė tementales de la Haute-Garonne. Elle n'a dû jamais cependant
res indique le treizième siècle , quoique la lecture en soit faire partie de ce dernier dépôt , puisqu'elle ne porte aucune
moins facile que ne l'est d'ordinaire celle des manuscrits de trace des inventaires qui en ont été dressés. Elle était donc
cette époque ; au verso , d'une écriture moins ancienne, est sortie des archivesdu Grand -prieuré avant la Révolution ; elle
tracée cette note : « La présente supplication ne fait rien pour se trouvait , en dernier lieu , dans les collections du trés .
la Religion . - regrettable marquis de Bournazel.
- 159
W. Faure de Pog ermier soplega e prega vos autres senhors Willem Faure de Pog ermier ( Puygermier ?) supplie el prie
gaziers per mosenhor lo comte de Toloza de bona memoria , vous autres seigneurs ' gagiers pour monseigneur le comte de
so es a saber a vos senher Sicart Alaman e a totz los autres que Toulouse de bonne mémoire, c'est à savoir vous seigneur Sicart
vos li fasatz restituir D C. sols de tolzas, per amor de Dio , e de Alaman et tous les autres, que vous lui fassiez restituer six
salut de larma demosenhor lo comte de Tolosa sobredigz . los cents sous toulzas, pour l'amour de Dieu et du salut de l'âme
cals D C. sols li tolc mosenhor lo coms a tort e a pect. de monseigneur le comte de Toulouse susdit, lesquels six cents
sous lui enleva monseigneur le comte à tort et à péché. [ pect,
erreur , faute .]
Item . Prega e soplega lo sobredigz W. de Pogermier a vos au Item . Prie et supplie le susdit W.de Pogermier vous autres
tres senhors gaziers sobredigz quelh fasatz redre MM . sols de tol seigneurs gagiers susdits, que vous lui fassiez rendre deux mil.
zas , loscals mosenhor lo coms sobredigz li tolc a pect , don el le sous toulzas, lesquels monseigneur le comte susdit lui enleva
vos prega vos autres senhors gaziers permosenhor lo comie es. à péché. Il vous prie de la, vous autres seigneurs gagiers établis
tablitz que vos per amor de Dio e de salut de la sua arma li fa par monseigneur le comte, que pour l'amour de Dieu et du sa
siaz restituir totz aquestz diniers sobredigz . lut de son âme, vous lui fassiez restituer tous ces deniers sus
dits .
Item . Prega lo digz W. quel fasats tornar en quella fran
Item . Prie ledit W. que vous le fassiez remettre en cette
queza en lacal mosenher lo coms sobredigz lavia mes e afran
franchise en laquelle monseigneur le comte susdit l'avait mis et
quit de sirvitut e domenatge em per aiso val ? car el pres per
affranchi de servitude et d'homenage , en raison de ceci qu'il
molher de mandamen de mosenhor lo comte, la filha deu
a pris pour femme, du mandement de monseigneur le comte , sa
(pour den ?] W. Arnauda... (Arnaudo ?) E aiso prega e requier
fille W. Arnauda (la fille de W. Arnaudo?) Et de ceci il prie et
que totaiso sobredigz li fatz restituir peramor de Dio e de larma
requiert que tout ce dessus dit lui fassiez restituer, par amour
de mosenhor lo comte sobredig .
de Dieu et de l'âme de monseigneur le comte susdit.

Le mot à mot de cette traduction à l'usage de lecteurs qui payer ou faire payer toutes les dettes du testateur, de restituer
ne connaissent pas la langue romane, est exempt de toute pré tout ce qu'il aurait injustement acquis ou indûment enlevé ,
tention à l'élégance et vise seulement à l'exactitude, il est etc.
superflu de le dire .
A la mort de Raymond VII, arrivée quatre jours après la
Tout incomplet qu'il paraisse de prime abord , ce document
date de son testament, son gendre ; Alphonse de Poitiers et sa
ne laisse pas que d'avoir quelque valeur pour l'histoire locale.
fille Jeanne se trouvant en route pour la Palestine , Sicard Ala
La date ne s'y trouve pas précisée , mais elle est suffisamment
man gouverna jusqu'à la prise de possession des états des com
indiquée par le nom de Sicart Alaman et par la qualification de
tes de Toulouse, au nom d'Alphonse de Poitiers, par les soins
gazier qui lui est attribuée conjointement avec d'autres person de la reine Blanche. Cette autorité lui fut d'ailleurs confirmée ;
nages. Les senhors gaziers per mosenhor lo comte establitz ;
en 1251 , il se qualifiait vicaire général du comte de Toulouse
ne sont autres que les exécuteurs testamentaires institués parle pour le comte Alphonse.
comte , car notre mot roman gazier, qu'on retrouve sous la for C'est bien évidemment à ce personnage que W. de Pog er.
me gaziaire, gaziador, (statuts de Montpellier de 1258 ) ne differe mier adresse sa supplique, comme au principal des exécuteurs
pas du latin gagiarius , gadiator, gagierius, signifiant curator tes. testamentaires de Raymond VII ; c'est donc de peu de temps
tamenti, et qui, dans le vieux français, se traduisait par gagier , après la mort de ce comte que ce document doit être daté , de
testamenteur . l'année 1249 à 1250 environ .
Sicard Alaman est donc un des exécuteurs testamentaires d'un L'absence du nom d'Alphonse semblerait indiquer qu'il a été
comte ; il suffit de connaitre un peu l'histoire du Midipour sa
écrit pendant l'interrègne que constate cette formule d'un acte
voir que ce prince est Raymond VII , dernier comte de Toulouse fait en octobre 1249, Louis étant roi de France ; Raymond ,
de la maison de Saint-Gilles. Par son testament écrit à Milhau évèque : Toulouse n'ayant pas de comte. > Tolosc vacante
en 1249, Raymond institua pour ses commissaires ou exécu comite .
teurs testamentaires , commissarii seu gadyatores, Sicard Ala L'auteur de la supplique, W. de Pog ermier, ne figurait pas
man , ou d'Aleman , Sicardus Alemani, et les évêques de Toulou nominativement parmi les légataires, mais il se trouvait tacite
se, Agen , Albi, Cahors , Rodez , Carpentras et Cavaillon , plus ment compris dans le nombre, du momentqu'il avait à préten
Bernard , comte de Comminges et quatre bourgeois de Toulouse , dre des restitutions.
au choix de ce dernier et de Sicard. Celui-ci reçut en outre le
Il demande, en effet, qu'on lui fasse restituer certaines som .
gouvernement de tousles états du comte ,avec puissance d'en per mes dont il dit avoir été frustré par le comte défunt.
cevoir tous les revenus, de délivrer tous les legs de Raymond Il demande, en outre , sa réintégration en cette franchise en
conjointement avec les autres exécuteurs testamentaires, de laquelle le comte l'avait mis, en l'affranchissant de servitude
- 160
et d'homenage, c'est-à -dire de certaines obligations de service D'un autre côté, le deu est assez incontestable pour que l'on
personnel et de charges pécuniaires. puisse soutenir l'opinion qu'il s'agit d'une fille naturelle du
Cet affranchissement,il l'a obtenu parce qu'il a épouséune fille , comte ,avouée et reconnue pour telle et portant le nom de
par ordre du comte, et sans grand effort de déductions, on peut Willelme Arnaude.
admettre que telle est aussi l'origine de la dette dont il récla Il est certain que le caractère insolite de l'intervention de Rai
me le paiement. mond VII dans le mariage de cette fille , ajoute un problème à
Evidemment, W. Faure était serf de corps du comte de Tou l'étude de l'histoire locale . Lors même qu'on écarterait celui de
louse , et pour lui promettre certaines sommes, pour l'affranchir la naissance , il n'en resterait pasmoins à expliquer le rôle du
de servitude et d'hommenage , celui-ci dût obéir à quelque comte et celui de W. de Pog ermier .
motif bien particulier . Comment W. Faure avait-il perdu les effets de son affranchis
Quelle était cette fille dont il prenait soin d'assurer ainsi l'é sement , et comment était-il retombé dans sa première condi
tablissement en promettant, semble -t-il, une dot , et en affran tion ?
chissant ainsi l'épouseur ? Le nom de W. Faure se retrouve parmi ceux des sectaires,
La question se résoudrait d'elle-même si les termes de la sup mais non accompagné de celui de Pog ermier, que je n'ai pas
plique de W. Faure indiquaient, sans équivoque possible, qu'il traduit parce qu'il m'a été impossible de le découvrir parmiles
s'agit d'une fille du comte nommée W. Arnauda : mais il n'en nombreux vocables où figure encore le mot Puy , Pech ou Puch ,
est pas ainsi. traduction du roman Pog et du latin Podium , en sorte qu'il
Sur le parchemin , on lit : « ... car el pres per molher de man serait imprudent d'avancer que W. Faure de Pog ermier est le
damen demosenhor lo comte la filha deu W. Arnauda... » même personnage que le W. Faure, ministre albigeois.
Les lettres du mot deu sont trop bien formées pour qu'on Qu'advint- il de sa supplique ? Nous l'ignorons ; mais elle
puisse lire den (de en , le en ou ’n que le Roman place avant les n'en est pas moins un document rare parmi ceux qui jettent
noms propres) , et non pas deu (de eu , de ejus). quelque lumière sur un des faits les plus intéressants de
Mais l'A final de Arnauda , qui indiquerait un nom de femme, notre histoire , c'est-à-dire sur les conditions dans lesquel
est douteux et peut être un 0 , ce qui en ferait plutôt un nom les le frère du roi de France dut prendre possession des
d'homme. états du comte de Toulouse , et dont on ne connait guère que
On doit donc hésiter entre cette leçon : « la filha deu W. Ar les actes officiels .
nauda.. » la fille de lui (du comte) W.Arnaude : Quant aux diverses questions que soulève celui-ci, j'entrevois
Et celle-ci : a la filha den W. Arnaudo.. la fille de plusieurs explications, plus spécieuses l'une que l'autre ; mais
W. Arnaudo . n'ayant aucune donnée suffisante pour en adopter une avec
Un Willem Arnaudos figure parmi les chefs que le poëte de certitude, je suis heureux de laisser à ceux des lecteurs de la
la croisade énumère dans sa Cansos de la Crozado contr els Ere Revue que favoriserait le hasard de leurs recherches, le soin de
ges Dalbeges, commese partageant la défense des divers postes dissiper le petit mystère quis'attache au document queje publie .
de la ville, lorsque le fils du roi de France vient assiéger Tou B. DUSAN.
louse, après la reddition de Marmande. N'était-ce pas le Willem
1

Arnaudo , dont la fille épouse W. de Pog ermier ?

BIBLIOGRAPHIE .

MONOGRAPHIE DE LA CATHÉDRALE D'URGEL, par M. l'abbé Carrière . mengault bâtit l'église et le cloître . . . La tradition recueillie par
ETUDE SUR L'ÉGLISE JADIS COLLÉGIALE DE SAINT-GAUDENS (Hte -Garonne), Richard , dans sa Géographie écclésiastique, quiattribue l'érection
par M. Morel .
LE PRIEURÉ D'UNAC (Ariége), par M. l'abbé Authier . de cette église aux temps de Charlemagne et de Louis-le-Débon
(Mémoires de la Société Archéologique du Midi). naire , lui paraît convenir mieux à l'église de Saint-Michel exis
tant près du cloître et qui serait la cathédrale primitive. Sans
Les trois Mémoires que je groupe à dessein dans la même me faire juge, et pour cause, de cette façon de voir, je signale
analyse parce qu'ils se rapportent à des monuments de la re. avec plaisir à M. l'abbé Carrière une indication plus précise
naissance romane , sont consacrés à la description d'édifices éle peut-être que celle du Proprium sur la date de la cathédrale
vés pendant les deux premiers tiers du 11e siècle , d'après l'o dont il a publié la description . D'après le Marca Hispanica , la
pinion de leurs auteurs . dédicace en fut faite le 28 octobre 1040, en présence de Gui
M.l'abbé Carrière adopte cette date pour la cathédrale de la Seu fred , archevêque de Narbonne, d'Héribal, évêque d'Urgel , et
d'Urgel ; il se conforme, dit- il, en cela au texte du Proprium du de plusieurs autres.
bréviaire romain , pour le diocèse d'Urgel, d'après lequel St Er Cette cathédrale est donc un édifice à date certaine : l'étude
dColonne
à5.
la
deroite
Chapiteau cheur
du
Colonne
15e
la
de
Chapiteau
Triforium
) dà roite

0
á ,0025
Plan

GAUDENS
ST
DE
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maron

mo

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*Coupe en avant de l'Abside .

00.000
Gm

Echelle de 0,005 parmetre


Elévation de l'Abside, a l'exterieur
ÉGLISE DE ST GAUDENS.
lii

B. Dusan
ÉGLISE D’UNAC
(Ariège .)
+

B.Dusan TLitho
, oulouse
Cassan
S IECLE
XVIII
DU
PROCESSIONELLE
.CROIX
.
Garidech
de
l'Eglise
dans
conservée
161
n'en est que plus intéressante , et M. Carrière a très-heureuse. loin de l'Andorre, dans la haute vallée de l'Ariége, près de la
ment choisi son sujet. ville d'Ax.
Il est par cela mêmeà regretter que son mémoire ne soit ac M. l'abbé Authier la décrit avec d'autant plus d'amour dans.
compagné d'aucun plan , d'aucun dessin ; on en est réduit à la son essai historique sur le prieuré d'Unac auquel elle apparte
description , très-bien faite d'ailleurs, pour se rendre compte de nait, que cette notice retrace l'histoire de la paroisse depuis
l'ensemble et des détails , et le résumé suivant n'en sera que plus longtemps desservie par lui. Son travail contient entre autres,
incomplet. des détails intéressants sur l'organisation des marches d'Espa
L'église a des collatéraux, un transept avec chapelles , et une gne et sur les établissements alors fondés par Charlemagnedans
abside circulaire : l'intersection de la nef et du transept est mar la haute vallée de l'Ariége en particulier, au nombre desquels il
quée par une voûte hémisphérique. faudrait compter l'abbaye militaire d'Unac .
Le mur de façade est cantonné de deux tours inachevées entre Pour compléter la description jointe à l'historique, M. Au
lesquelles s'ouvre un portail à voussures sculptées et à colonnes , thier s'est 'malheureusement borné à dessiner seulement le
accosté de deux grandes arcades aveugles et sans ornements. chevet de son église : il eût été utile d'en reproduire le plan
Au dessus, sur toute la largeur de la façade, règne une frise ainsi que des détails de sculpture dont il signale l'intérêt. Son
avec personnages et animaux . Trois fenêtres à plein -cintre la dessin suffit pourtant à faire connaitre les deux parties impor
surmontent, au dessus desquelles le mur se termine en pignon tantes de l'édifice , le chevet et le clocher .
ajouré d'une baie entre deux colonnettes et deux aveugles cir Il existe entre les détails de construction de celui-ci et ceux
culaires. de l'église une telle différence que M. Authier n'hésite pas à
Les rampants de ce pignon ainsi que le couronnement du le regarder comme un reste de l'établissement religieux et
transept, sont ornés d'une frise à arcatures surmodillons sculp militaire créé au commencement du 9e siècle . Des dissemblances
tés. A l'abside, cette frise est remplacée par unepetite galerie de matériaux, d'appareil et d'épaisseur des murs , des traces
d'arcatures aveugles avec colonnettus, formant couronnement. évidentes de raccords, l'absence complète de sculptures
Cette dernière disposition est fort rare dans notre région ; le au clocher où les meneaux des baies ne sont que des dalles
principal exemple que j'en connaisse est l'abside de l'église de posées debout, et leur abondance au contraire dans l'église,
St-Guillem du désert (Hérault), où elle est accompagnée d'un déterminent l'auteur à croire que cette église a été soudée à
système très-complet de frises à arcaturesavec pilastres de dis une construction plus ancienne, servant à la fois de clocher et
tance en distance . Le tout rappelle beaucoup les édifices alle de tour de garde .
mands du 1le et du 12e siècles où la galerie d'aveugles devient Pour retrouver l'époque de cette transformation et par con
une véritable galerie de service, à colonnettes éloignées du séquent la date de l'église , il supplée ingénieusement à l'absence
mur. de documents positifs à l'aide d'une pièce reproduite par
Mabillon . C'est une donation faite, en 1073 , aux abbés de Lézat
On peut relever encore, dans la description faite par M.l'abbé
Carrière, un détail qui rapproche la cathédrale d'Urgel d'un et de Cluny par Roger comte de Foix , de divers alleux situés
dans la vallée de Savartés , avec le château -fort de Lordat et une
type inconnu , je crois , dans le Toulousain proprement dit. Le
• soubassement des jambagesdu portail est formé de deux ani église remarquable qu'il venait de faire construire dans une de
ses citadelles.
« maux très - frustes qui paraissent être des lions dévorant un
a être huipain .. Unac se trouvant à proximité du Savartés, en vue du château
de Lordat, c'est une présomption pour croire que ce lieu se trou
A StGilles, à St Trophime d'Arles, fréquemment en Italie et
plus rarement en Allemagne, on voit dans les édifices romans vait compris dans le périmètre de la donation faite par Roger .
Il paraît d'autant plus rationnel de retrouver lå l'église cons
des colonnes ainsi supportées par des animaux .
truite dans une citadelle , que l'église d'Unac élait entourée de
Ce n'est là cependant qu'un détail secondaire, au point de vue
fortifications constituant un château-fort dont il est souvent
du classement de type de la cathédrale d'Urgel : les couronne
question dans les chartes du pays de Foix : en outre , dans le
ments à arcatures offrent un caractère distinctif qui rattache
Lordadais, il n'existe aucun autre monument auquel on puisse
cet édifice à un type régional ou dominent les frises et les ban
appliquer l'épithète d'église remarquable.
deaux à arcatures indiquant les divers étages, et auquel appar
D'après ces considérations judicieuses, M. l'abbé Authier con
tiennent les clochers de St Michel de Cuxa, de Prades, de Cor.
clut que son église est bien celle qu'avait fait construire le
nella , St Martin du Canigou , elc ., qu'on retrouve dans une
comte de Foix avant la donation de 1073 .
partie de l'Espagne, notamment à l'église de Saint Pierre et de Ce serait donc un édifice de la seconde moitié du 11e siècle et
St Paul, à Barcelonne, au clocher de la cathédrale et à l'église dont l'érection coinciderait à -peu -près avec celle de la partie la
Ste Lucie à Girone, auxquels se rattachent, chez nous, les égli
plus importante del'église Saint-Sernin de Toulouse , si même elle
ses de StGuillem du désert, de St Martin de Londres, de Cruas,
ne la devançait un peu .
etc, et quidomine dans beaucoup d'églises allemandes. Sans entrer dans un détail de description que nous espérons
A un autre type appartient évidemment l'église d'Unac , non
donner plus tard avec les planches nécessaires, il est bon d'in
162 .
diquer que l'église d'Unac possède une nef voutée en berceau celte reconstruction n'est pas le Bernard qui figura au synode
plein - cintre contre-buté par des demi-berceaux couvrant les de Toulouse en 1056 , mais Roger- Bernard qui occupa le siège
bas-côtés , avec arcs-doubleaux plein -cintre. La base du clocher de Comminges de 990 à 1003. Il lui attribue les premiers travaux
est comprise dans le collatéral et ouverte sur deux faces de ma de reconstruction qui auraient été continués, sinon terminés, par
nière à le continuer ; l'abside est ornée , à l'intérieur, d'un étage l'évêque Arnaud , vers 1035. Un de ses arguments est tiré de la
d'arcades aveugles avec colonneltes et chapiteaux . On remar présence du mot Arnaldus sur un chapiteau où est figurée une
quera les toitures de cette abside et des absidioles formées d'é cérémonie religieuse.
paisses ardoises, reposantdirectement sur l'extrados de la voûte L'argument est spécieux ; mais il tire quelque valeur des
et débordant une corniche à modillons. rapprochements de date et des documents sur lesquels s'appuie
Ce dernier trait rattacherait l'église d'Unac au type adopté la thèse de M. Morel.
pour St Sernin , en opposition ce semble de celui où dominent Quelle que soit l'opinion adoptée au sujet du vrai construc
les bandeaux et les frises à arcatures et les galeries de baies teur de l'église de St Gaudens, il semble hors de doute qu'elle
aveugles , à l'extérieur . appartient à la première moitié du 11° siècle et qu'elle est an
L'église de Saint Gaudens,décrite par M.Morel, est fondée sur térieure à celle de St Sernin .
un plan analogue à celui de l'église d'Unac , mais les galeries Elle a de commun avec celle-ci de n'avoir été terminée que
établies sur les collatéraux, avec leur voûte en demi-berceau longtemps après les premiers travaux de reconstruction . Il est
contre-butant la grande voûte et leur claire -voie de colonnettes évident que ces travaux se sont arrêtés d'abord aux deux
supportant les arceaux du trifori'ım , la corniche sur modil tourelles indiquées sur le plan . A partir de ce point, la corni
lons de l'abside et de la nef, les contreforts passantdu pilastre che à modillons de la nef est remplacée par un simple biseau ;
à la colonne engagée , les bandeaux à plusieursrangs de billettes les colonnes engagées formant contrefort deviennentde simples
comme les archivoltes, la rallachent plus nettement au type pilastres nus ; en outre des restes de murs, observés par M.
adopté pour celle de Saint-Sernin . Morel indiquent une reprise à laquelle appartient le clocher,
Les planches dont est accompagné le consciencieux travail de dépourvu aussi d'ornementation .
M. Morel permettent de se rendre compte de ces diverses dispo
sitions, ainsi quede la façon particulière dont s'accusent, à l'ex
GARIDECH (Haute -Garonne), par M. Antoine du Bourg .
térieur, le berceau de la nef et les demi-berceaux des galeries.
Dans les deux élévations, on peut remarquer l'espèce de trifo
rium placé au dessus de la voûte de la grande abside. L'histoire des Ordres religieux, leur action dans les événe
Il est bon d'être averti que le clocher dont on peut voir la ments locaux, aussi bien dans les faits de l'ordre politique que
place sur le plan à l'opposite de cette abside, n'a pas été repro dans ceux de l'ordre artistique, scientifique ou littéraire ,
duit en élévation , vu son état incomplet. En outre, le petit ont été l'objet de laborieuses recherches de la partde nombreux
clocher qui surmonte le mur du chevet est une restauration , tout érudits .
comme les toilures et quelques parties des couronnements,même Pour notre région , ces études se sontà peu près bornées jus
celui de la tourelle octogonale seule représentée en élévation .. qu'ici aux Ordres purement religieux, et les abbayes ont été
Il en existe une seconde ,moins complète il est vrai, dont le presque exclusivement les sujets des monographies publiées.
plan indique la position . On a par trop négligé peut- être les Ordres à la fois religieux
L'église de Saint-Gaudens meparait se rattacher , ai-je dit plus et militaires dont l'influence fut d'autant plus considérable
haut, au type adopté pour celle de Saint-Sernin . Elle procède, qu'ils se trouvèrent, dès leur origine , acteurs dans les plus im
dans ma pensée , d'un type antérieur à Saint-Sernin et qui est portantes péripéties de l'histoire méridionale .
commun aux deux églises, de façon que l'église de StGaudens Ces Templiers, ces Hospitaliers qui se recrutaient parmi les
n'est pas une copie modifiée de celle de St Sernin . principales familles du pays , dont les maisons s'enrichirent
On pourrait admettre le contraire si on adoptait la date du 12. rapidementdes libéralités des roturiers et des nobles , et queleurs
siècle indiquée par M. Viollet-le-Duc pour St Gaudens, ce que ne pérégrinations lointaines entretenaient dans des habitudes d'ex
signale pas M. Morel. prit particulières , ont certainement introduit dans leurs rapports
Mais la construction de cet édifice doit être reportée à la pre avec les populations méridionales des éléments multiples qu'il
mière moitié du 11e siècle , d'après les documents dont celui serait intéressant de caractériser.
ci invoque le témoignage . Le bréviaire d’Auch rapporte que Toute une série d'institutions aussi bien que de monuments
cette église fut bâtie au 11e siècle , par un évêque de Comminges , les rattachent à l'histoire locale d'une manière à la fois trop net
du nom de Bernard , qui vivait vers 1050 ; le bréviaire de Com tement tranchée et trop intime pour que des études conscien
minges rapporte aussi que l'évêque Bernard agrandit et orna cieuses dans cet ordre d'idées demeurent stériles. Celles qu'a
l'église de St Gaudens au onzième siècle . entreprises à ce point de vue M. Antoine du Bourg sont déjà
M. Morel semble réussir à prouver que l'évêque auteur de fécondes et promettent de sérieux résultats.
163
Il dépouille patiemment cet immense recueil de documents pour l'archéologie. L'église seule a été conservée. Reconstruite
dont se composent les anciennes archives du grand-prieuré de avec soin pendant la première moitié du seizième siècle , elle
Toulouse, déposées dans les salles des archives du département n'offre guère d'autre intérêt que celui qui peut s'attacher aux
de la Haute-Garonne, telles encore que les trouva la Révolution . monuments secondaires de cette époque ; l'aspect sobre et sé .
L'esquisse d'un travail sur la maison prieurale de Toulouse vère de la façade lui donne pourtant quelque originalité .
lui a déjà valu une des distinctions accordées par l'Académie Du mobilier dont les Hospitaliers l'avaient dotée , il ne reste
des sciences de cette ville . qu'une croix de procession que notre planche reproduit et dont
Poursuivant son @uvre, il vient de publier dans les Mé M. Dubourg a donné la description suivante .
moires de la Société archéologique du Midi, la monographie de « Les quatre branches, décorées d'ornements délicats, se ter
l'une des nombreuses commanderies dont les titres se retrou « minent par des quadrilobes encadrant des sujets divers ; ainsi,
ventau dépôt de la Préfecture. C'est celle de Garidech . • sur la face où est représenté le Christ, nous trouvons à l'ex
L'histoire et les archives sont muettes sur l'époque de l'éta « trémité des bras, deux personnages en adoration , probable
blissement des Hospitaliers à Garidech ; tout porte à croire que « ment la Vierge et l'apôtre St Jean ; au -dessus, un pélican
la donation leur en fut faite immédiatement après la fondation · dans sa pitié, symbole de charité et de sacrifice qui convenait
de l'hôpital et du prieuré de St Gilles (1113), auquel ce fief fut • particulièrementà l'hospitalité de l'Ordre ; au dessous, le Sau
d'abord réuni. « veur sortant de ce tombeau dont la défense avait été un des
0 principaux buts de l'institution des chevaliers. Sur l'autre face,
Il faisait partie du bailliage de Buzet, domaine particulier des
comtes de Toulouse, et par suite fut inféodé aux Hospitaliers • autour de la statue de St Jean - Baptiste tenant à la main le
par quelqu'un de ces princes, en qui l'ordre de Saint-Jean livre des règles de l'Ordre ..., sont figurés les symboles des
trouva toujours des protecteurs déclarés, depuis Raymond de quatre évangélistes...
Saint-Gilles jusqu'à Raymond VI qui voulut recevoir l'habit de Cette œuvre d'art a été achetée dans les premières années du
frère de l'Ordre . XVIIIe siècle par le Commandeur et la Communauté de Garidech
Au commencement du 13e siècle , le fief de Garidech dé. au prix de 800 livres, ainsi qu'on le trouve mentionné dans les
pendait de la maison de Toulouse. Vers 1250 , il fut érigé en procès verbaux de visite . Mais l'ensemble et les détails de l'or
commanderie, relevant du grand-prieuré de Saint-Gilles . Après nementation aussi bien que la forme générale , indiquent l'art
l'érection de celui de Toulouse en 1315 , il fut réuni à ce der d'un autre siècle . Par un curieux exemple de la persistance des
nier par le grand-maître Dieudonné de Gozon > en l'année vieux modèles , si elle a été fabriquée à l'époquede l'achat, com
1347. me semble le prouver M. du Bourg, elle l'aura été à l'aide de
La commanderie de Garidech prit une importance spéciale moules d'emboutissage et de repoussé copiés sinon datant du
quand l'héritage des Templiers fut dévolu aux Hospitaliers . seizièmesiècle, comme l'indiquent la forme des lettres et le
Dans cet héritage se trouvait la maison du Temple de Tou motif de la décoration .
louse , située presque vis -à- vis celle des frères de St Jean . Le mémoire de M. du Bourg se distingue par un juste senti.
Pour utiliser ce bâtiment conformément au but de l'institu ment de la mesure ; l'auteur a évité d'aborder les questions gé
tion de l'Ordre, Raymond de Lescure , grand -prieur de Toulouse, nérales à propos d'un sujet secondaire. Il poursuit laborieuse
ment sa tâche sur les mêmes données , se préoccupant surtout
y fit ériger un hôpital pour les pauvres et en particulier pour
les informes allant en pèlerinage à St Jacques de Compostelle de réunir d'excellents matériaux avant que de commencer le tra .

ou ailleurs (1408) . Garidech fut affecté à l'entretien du nouvel vail d'ensemble.Il produira certainement une œuvre aussi origi.

établissement, et le précepteur devint aussi précepteur de l'hô nale qu'utile ,en restant fidèle au plan qu'il s'est tracé. Toutefois,
pital du Temple de Toulouse . il serait peut- être bon qu'il le modifiât en un point, celui de la
Dès lors, la commanderie de Garidech , une des plus peti. reproduction des preuves. Si une traduction suffit à certains

bom
tes et des moins riches de l'Ordre, acquit une tout autre impor lecteurs que M. du Bourg avait galamment en vue , il serait re.
tance . grettable que le travail difficile auquel il se livre pour lire et
Cet état de choses dura jusqu'en 1524 , époque à laquelle les copier les pièces des archives n'aboutit pas à la publication des
capitouls de Toulouse réunirent un grand nombre d'hôpitaux , textes . B. D.
parmi lesquels celui du Temple , au grand Hôtel-Dieu St Jacques.
La maison du Temple ne servit plus dès lors que de demeure NOUVELLES RECHERCHES SUR LA VILLE DE CALAGURRIS CONVENARUM
Par M. Gantier .
lemporaire aux commandeurs de Garidech qui en tiraient un
revenu de location .
Dans un Mémoire qui a paru dernièrement sous ce titre , l'au
La commanderie de Garidech subit en 1790 , le sort commun
teur rappelle d'abord combien sont nombreuses les positions
aux autres maisons de l'Ordre et devint bien national. assignées à un oppidum mentionné dans l'Itinéraire d'Antonin ,
Les bâtiments qui en dépendaient n'existent plus ; s'il faut sous le nom de Calagorgis. Il énonce ensuite des preuves qui
en juger par le procès-verbal de 1650 , ce ne fut pas une perte paraissent lui faire préférer la dénomination de Calagurris à
164 -
celle de Calagorgis. Passant à une revue succincte des événe Lamort ne lui a pas permis de mettre la dernière main à ses
ments dont l'Aquitaine fut autrefois le théâtre, il conclut cette Etudes d'histoire locale , mais elle ne l'a pas surpris assez tôt
règle : que l'on doit ,dans la recherche pratique des villes an pour qu'il n'eût pas déjà réalisé ses projets comme président ;
ciennes de cette contrée , se préoccuper de la découverte de deux l'activité nouvelle imprimée aux séances et aux publications de
centres distincts d'habitations , qui sont presque toujours reliés la Société en sont le témoignage irrécusable.
entre eux ; l'un primitif et pauvre , antérieur à la conquête Ro L'hommage isolé que je rends à la mémoire de M. le baron du
maine , l'autre plusriche, plus confortable , généralement établi Périer serait autrement complet si je pouvais me faire ici l'in
dans le voisinage du premier dès l'introduction de peuples terprète de toute la reconnaissance, de tous les dévoue.
plus civilisés dansles Gaules. ments et de toutes les sympathies que sa bienfaisance aussi déli
Des considérations sur les riches découvertes faites à Martres cate qu'infatigable , ses qualités morales et sa droiture lui assu
ne permettent pas à M.Gantier de partager l'opinion de M. du raient de la part des plus humbles, comme de la part des hom
Mėge quiplaçait près de cette petite ville moderne l'antique op mes éminents qui purent l'apprécier.
pidum Celtibérien . Les débris extraits aux alentours de Martres B. DUSAN .
sont, d'après M. Gantier , trop riches pour avoir appartenu à la
majorité des habitants d'une ville primitive .
Le nombre des sépultures qu'on a pu y signaler est par trop
Dans le canton de Montgiscard (Haute-Garonne), un tronçon
restreint. Les mesures itinéraires relatives à la distance de Martres
de voie romaine connu dans le pays sous le nom de Pountils,
à St Bertrand de Comminges , de Martres aux environs de la sta
à cause de la série d'arceaux qui portent la chaussée , connu
tion de Vernosolis, n'autorisent même pas l'opinion émise par
aussi sous le nom de chemin des Romains , a été attaqué par la
l'auteur de l'Archéologie Pyrénéenne. Ces mêmes considérations
pioche des agents-voyers .
sur l'Itinéraire d'Antonin infirment les systèmes avancés par
Il s'agit de quelque ouvrage destiné à contenir les inondations
les Bénédictins , par d'Anville, par Sanson .
du petit Lhers, de par décision de la municipalité de Baziège .
Aprés de délicates discussions, l'auteur du mémoire que
Sur une demande qui lui fut adressée pour la conservation de
nous analysons , propose d'adopter pour position de l'anti
que ville le quartier aujourd'hui appelé plaine de St-Cizy . Il ce monument, M.le Préfet de Launay a bien voulu ordonner la
suspension des travaux. Nous ignorons quelle décision a été
dépeint un centre primitif d'habitations qui y est représenté par 1
prise,mais nous nous associons volontiers aux væux formulés
l'oppidum de Serres. Cette vaste éminence retranchée , qu'il a
par les auteurs de la demande que M. le Préfet a eu le bon goût
pu fouilleravec soin , a produit des débris intéressants à plusieurs
d'accueillir avec une bienveillance donton doit lui savoir gré .
titres : ils prouvent qu'en ce point 'la civilisation romaine s'est
à peine révélée. Mais si nous suivons M.Gantier dans la descrip
tion de la plaine de St Cizy, nous apercevons qu'il y avait là une On nous écrit de Narbonne, le 25 Juin 1870 :
ville civilisée avec une nécropole considérable qui livre tous
L'observation publiée dans le dernier numéro du bulletin de la
les jours des richesses archéologiques qu'il collige avec soin .
Société archéologique deMontauban , et relative à des ossements
Après leur description détaillée , l'auteur de cet intéressant mé.
d'enfant de l'époque gallo-romaine, qui avaient été ensevelis dans
moire déplore que l'histoire soit si muetto à l'égard de l'antique
des amphores brisées,n'est pas un fait isolé. Nous avons trouvé ,
cité de Calagurris et regrette que l'absence de documents ne lui
l'année dernière , dans les fouilles de la nouvelle promenade,
permette pas de faire , à son sujet , une étude plus complète .
deux sépultures de ce genre. Les ossements ne présentaient au
M. L.
cune trace de combustion . Les vases avaient été déposés dans
un sol plusieurs fois remanié, renfermant des cailloux roulés
CHRONIQUE. de l'époque quaternaire .
Notremusée vientde s'enrichir de six tableaux espagnols, bri
M.le baron du Périer , président de la Société archéologique
ques émaillées (azulejos ), des dernières années du XVIIe siècle
du Midi, s'est éteint récemment après une longuemaladie dont
et représentant un paysage, St Antoine de Padoue, Ste Barbe ,
il a surmonté les souffrances pour s'occuper , jusqu'à la dernière
St Joseph , St Jean et St Chritophe :ces compositions naïves
heure, des intérêts de la compagnie qu'il présidait.
étaient encastrées dans lesmurailles de l'ancien hôtel d'Ortaffa , à
J'obéis au dernier veu d'un mourant en rappelant ici qu'ils
Perpignan .
furent sa préoccupation constante et qu'il eût voulu marquer
La tapisserie de St Just, sur la quelle vous avez publié une
son passage dans ces fonctions autant par les æuvres qu'il pré
si curieuse notice, fut exécutée d'après les compositions, main
parait pour revendiquer les droits de la science sur des monu
tenantdétruites, de Jean de Maubeuge .
ments de l'histoire locale destinés à disparaitre, que par l'im
Tout à vous.
pulsion donnée aux travaux de la Société.
TOURNAL .
-1

DE MANSO SANCTARUM PUELLARUM .

(LeMas saintes Puelles. Canton de Castelnaudary).

Folio l . Anno Domini Mº.CC.XLº quinto . Vi kalendas junii, Arnaldus lit; et sunt Vi anni vel circa . Item . Vidit in domo P. Cap de
Garnerii, tcstis juratus, dixit quod vidit in domo Petri de sancto porc , pluries, B. Johannis, P. Fabri hereticos et vidit ibi cum eis
Andrea , B. de sancto Andrea, fratrem dicti P. et socium ejus here R. den Amiel, Poncium Rainardi, W.Amielh de Folha,Guaillardum
ticum , et vidit ibi cum eis dictum P. de sancto Andrea et uxorem dicti Amielh et plures alios de quibus non recolit, et omnes et ipse testis
Petri,et ipse Garnerii, testis juratus, adoravit ¡bi dictos hereticos, se i adoraverunt pluries dictos hereticos, et sunt VII anni vel circa .
non vidit alios adorare, et sunt VI anni vel circa . Et quando ipse Item . — Dixit quod quando erat puer vidit hereticos publice stan
testis exiit domum , invenit Willelmum de Rozergue intrantem ad tes apud Mirapeis. Alibi non vidit hereticos quod recolat. - Item .
dictos hereticos. Et vidit in loco quidicitur Oliver B. de Mairevilla et Dixit quod credebat hereticos esse bonos, et habere bonam fidem , et
socium ejus hereticum , et vidit ibi cum dictis hereticis Guarnerium esse veraces et amicos Dei;et audivit hereticosdicentes quod Deusnon
patrem ipsius testis, W.Vitalis, W.Barbas et Jordanetum del Mas , et fecerat visibilia , et quod in matrimonio non erat salus, et ipse testis
alios de quibus non recolit ; et omnes et ipse testis adoraverunt ibi credidit sicut ipsi dicebant: de hostia sacrata , de baptismo, de re
dictos hereticos ; et sunt VII anni vel circa -- Item . – Vidit in domo surrectione carnis , non audivit hereticos loquentes, et sunt XII anni
WillelmiVitalis, Arnaldum Prader et socium ejus hereticum , et vidit quod primo credidit hereticos esse bonos, et sunt quatuor anni
ibi cum eis P. Barrau , Jordanelum del Mas, Jordanum de Quiders, ultimo dimisit illam credulitatem , et fuit confessus fratri Willelmo
et W.Vitalis prediclum , et uxorem dicti W. Vitalis, et omnes et ipse Ar. et fratri Ferrario inquisitoribus ; sed non habuit penitentiam ;
testis adoraverunt ibidictos hercticos; et sunt VII anni velcirca . Item et post non vidithereticos. Item . - Vidit B. de Planis et socium
Vidit in domo Bernardi Fabri, filii de na Matheus, Ar. Prader et ejus hereticum in domo de Cap de porc, et vidit ibi Ar. de Roseugue
socium ejus hereticum . et vidit ibi cum eis P. Barrau , Jordanum de parentem ejus testis, et ambo audierunt predictos hereticos ; et ado
Quiders, Jordanetum del Mas, W. Vitalis, Bernardum Fabri et ma raverunt eos ; et sunt quatuor anni, et abjuravit heresim el juravit,
trem dicti Bernardi ; et omnes et ipse testis adoraverunt ibi dictos etc., testes predicti.
hereticos ; et fuerunt VI anni vel circa Item . - Vidit in domo
Willelmide Canast- brus, Donatum etP. Willelmi et alios duos here HUGO DE MAMIROS.
ticos quorum nomina non recolil ; et vidit ibi cum eis dictum W. de
Canast et B. Ademari, P. Barrau ; el omnes et ipse testis adoraverunt Item . - Anno et die quo supra, Hugo de Mamiros, testis jura
ibi dicloshereticos; et sunt VIannivel circa . Et omnium predictarum tus, dixit quod nunquam vidit hereticos, nec credidit, nec ado
fuit confessus fratri Ferrario , inquisitori, et post dictam confessionem ravit, nec dedit, nec misit, nec duxit, nec duxi ſecil, nec receptavit,
non vidit hereticos, vel hereticas. — Item . Dixit quod credebat nec eorum predicationes audivit.
hereticos esse bonos homines , et habere bonam fidem , et esse veraces
et amicos Dei ; et audivit hereticos dicenles quod Deus non fecerat P. LAPASSA.
visibilia, sed ipse testis non credidit predicto errori. De baptismo,
de hostia sacrata , de matrimonio ,de resurrectione carnis, non audivit Item . Anno die quo supra , P. Lapassa senior, testis juralus
hereticos loquentes; et sunt VII anni quod primo credidit hereticos dixit idem per omuia quam predictus Hugo de Mamisos.
esse bonos, et sunt quinque anni quod ultimo dimisit ipsam credu
litatem ; et non habuit penitentiam a fratre Ferrario ; et abjuravit WILLELMUS DE Silva .
heresim , et juravit, et celera ... Testes, Ar. prior sancti Saturnini.Ar.
Cerda et frater Willelmus Pelisso, predictus, et frater B. de Caucio Item . — Anno die quo et supra, Willelmus de Silva , testis juratus,
inquisitores. dixit quod vidit in domo P. Cap de porc P. Volvena et socium ejus
hereticum , et vidit ibi cum eis P. B.Mazeler, et ambo adoraveruntibi
WILLELMUS DE ROSENGUE. dictos bereticos, et sunt X anni vel circa . - Item . Vidit in domo
Willelmi de Canastbru Bertrandum Marti et socium ejus hereticum ,
Item . Anno et die quo supra, Willelmus de Rosengue, et vidit ibi cum eis B. den Amelh et P. B. de Mazel ; et ipse testis
adoravit ibi dictos hereticos el vidit alios adorare : et sunt XII anni
..

testis juratus, dixit quod ad instanciam Arnaldi Godalh , ipse testis


et RaimundusGuarnerii duxeruntW. Vitalis et socium ejus hereticum vel circa . — Item . - Vidit in domo de Narrica Bernardum filium
de porta de Mal cosseil usque ad Puhbusqua, et tradideruntdictos de Narrica et socium ejus herelicum , et vidit ibi cum eis P. Gauta se
hereticos Petro Cap de porc, sed ipse lestis non adoravit dictos here niorem , P.B.Mazeler, W.bru de Canast, Ar. Maiestre , sed non reco
ticos, nec vidit alios adorare ; et sunt VI anni vel circa . — Item . - lit si ipse et alii adoraverunt ibi diclos hereticos; et sunt XII anni
Vidit W. Vital et socium ejus hereticum in loco qui dicitur lo Radel vel circa ; alibi non vidit hereticos quod recolat. Dixit etiam quod
et vidit ibi cum eis Jordanum de Quiders et P. Barrau et Ar.Gar credebat hereticos esse bonos homines et habere bonam fidem ,
nerii et Poncium fratrem dicti Arnaldi et Poncium Gauta , Guallar et esse veraces et amicos Dei, sed non audivit hereticos loquentes de
dum Amelh et Poncium Rainart et plures alios de quibus non reco invisibilibus, de baptismo, de hostia sacrata nec de matrimonio . Au
- 2

divit tantum hereticos exprimentes errores fuos dicunt heretici, bruna, sed ipse testis nesciebat ipsam esse hereticam quousque domi
sed ipse testis nunquam credidit predictis erroribus ; et sunt nus Episcopus tholosanus cepit eam in hospitio ipsius testis, et ipse
XV anni quod primo credidit hereticos esse bonos, et sunt X anni qui loquitur similiter fuit caplus propter hoc ; dixit etiam qnod post
quod non credidit, et fuit confessus fratri Ferrario , sed non habuit modum fuit reconciliata dca heca per dom Epm . tholosanum , et sunt
penitentiam ab ipso et abjur. heresim et jur. etc. Testes predicti. XII anni vel circa . - It . Dixit quod vidit he. publice stantes in
terra , et sunt XXX arini velc . Alibi non vidit he. Nec credidit, nec
PONCIUS RAINARDUS . adoravit, nec dedit, nec ministravit, nec duxit, nec corum predica
tiones audivit. et abjur ., h . elc.., T. predicti.
Item . - Anno die sic quo supra, PonciusRainardus, testis juratus,
dixit quod vidit in domo P. de sancio Andrea Johannem Cambito
PONCIUS GODALH .
rem et socium ejus hereticum ; et vidit ibi cum eis W. Vitalis B.
dominum del Mas, Ar. de Rozeugue , R. de Causit et plures alios Item . Anno et die quo supra , Poncius Godalh , t.j.d. quod quando
de quibus non recolit; etomnes et ipse testis adoraverunt ibi dictos erat puer, vidit R. de Nariqua et soc. ejus . he. in quadam palarga
hereticos ; et suntXIIII anni vel circa . Item . Vidit W. Vitalis ubi jacebat ipse t. et duxit eos ibi Ar. Godalh , et fuerunt ibi predicti
deGibel et socium ejus hereticum in loco qui dicitur lo Radel, et vidit he. per noctem , sed ipse t, non ado. ibi dcos. he. nec vid . ado. et
ibi cum eis Poncium Guarner ., Guallardum Amielh , P. Ar. Godal, sunt XII anni vel cca . alibi non vid .he. nec cred .nec ado. nec ded .,
Poncium Grant, Poncium Gauta , et plures alios de quibus non reco nec misit adj., nec e. predicationes, audivit.
lit, et omnes et ipse testis adoraverunt ibi dictos hereticos, et sunt
VII anni vel circa. Item . Vidit in domo Willelmi Vitalis Ber
W. DONAT.
trandum Marti et socium ejus hereticum , et vidit ibi cum eis
dictam Camonam , ipsum Willelmum Vitalis et uxorem ejus, et Item . Anno,die quo supra. W. Donat t. j. dixit quod ipse t.
ipse testis adoravit ibi dictos hereticos et vidit alios adorare , et et W.de Canast, inveneruntapud Laurac et duxerunt inde W. B.
sunt XII anni vel circa . Item . - Vidit in domo ipsius et soc. e. he. apud Mansum , etintroduxerunt eos in domum W.de
t. P. Bonet sororium ipsius t. et soc. e . he .; et vidit ibi cum Malhorgas, avunculi dicti W. de Canast ; et ipse W. de Malhorgas
eis W. Vitalis, et Bernardam uxorem ipsius et sororem dicti P. Bo infirmabatur tunc ; et dicti he. hereticaverunt dictum W .; et inter
net, heretici : et ipse et alii adoraverunt ibi dictos he., : et sunt
fueruntdicle hereticationi ipse t., W. de Canast predictus, et V. de
VIII anni vel circa . — It. - Vidit in domo de na Camona Rixens
Canast senior, avunculus ipsius t., Durandus Vadis, Johannes Vadis, Folio 2 .
et socias ejus bereticas, et vidit ibi cum eis dictam Camonam , sed non Willelma Sicresa filiastra dicti hereticati : et omnes et ipse t. adora
adoravit ibi dictas hereticas, nec vidit alios adorare : et sunt verunt ibi dictos her .; Et sunt XIX anni, vel circa . It. - Dixit
VII anni vel circa . - It . Vidit in domo Bernardi de Quiders, quod non vidit he. publice stantes in terra ; alibi non vidit he., et
Bertrandum Marti et soc. e . he., et vidit ibi cum eis R. de Causit ,
suntXXX anni, etc. – It. — Dixit quod credebat h . esse bonos et ha
W. Vitalis, et Ar. Godalh , et ipsum B. de Quiders : et omges et bere bonam fidem ,et esse veraces et amicos Dei; et audivit he. dicentes
ipse t: adoraverunt ibi dictos he.; alibi non vidit he . quod recolat .
quod Deus non in visibilia fecit, et quod baptisma aque nihil valet,
- It. Dixit quod credebat hereticos esse bonos et habere bonam et quod hostia sacrata non est corpus Christi, et quod in matrimonio
fidem , et esse veraces etamicos Dei, et audivit hereticos dicentes quod non est salus, et quod mortui non resurgent; et ipse t. credidit tunc
Deus non ferat visibilia , et quod hostia sacrata non est corpus sicut ipsi dicebant, et sunt XXX anni quod primo credidit he., et
Christi et quod baptisma aque nichil valet, etquod in matrimonio non
sunt XIX anni quod ultimo dimisit ; et fuit confessus fratri Ferrario,
est us, et ipse lestis credidit quod ipsi dicebant ; et sunt XINIanni
sed non habuit ab ipso penitentiam , neque vidit he., et abj. he. et
quod primo credidit heresim et sunt VI quod ultimo dimisit , et fuit
jur., etc., T. predicti.
confessus fratri Ferrario , sed non habuit ab ipso penitentiam , et pos
tea non vidit hereticos vel hereticas. - It. - Vidit in domo P. de
PAULUS VITALIS.
sancto Andrea Donatum et socium ejus hereticum , et vidit ibi cum
eis P. de sancto Andrea et na Mateus, et P. Fabri filium dicte Mateus, Item . — Anno et die quo supra, Paulus Vitalis, t. j. dixit quod in
sed non adoravit nec vidit adorare, et abjur., heresim et jur., etc., loco qui dicitur Oliver, vidit R.de Narrica et B. de sarcio Andrea ,
Testes predicti he .; el vidit ibi cum eis B. Aychart, Poncium Grant et Companh ; et
omnes et ipse t. ador. ibi. diclos he.; et suntduo anni vel circa .
B. DE VASEGA. It. Vidit in domo Petri de sancto Andrea , B.de sancto An
Item . Anno et die quo supra , B. de Vasega , testis juratus, dixit drea , fratrem ipsius P. et soc. e. he . ; et vidit ibi cum eis W. Vitalis,
quod nunquam vidit hereticos, nec credidit, nec adoravit, nec dedit, Poncium de Lamans, et omnes et ipse t. ador., etc., et hoc fuit pre
dicto tempore , alibi non vidithe. quod recolat It. Dixit quod
nec ministravit adjuvamentum , nec duxit, nec receptavit, nec eo
credebat he . esse bonos homines, et habere bonam fidem , et esse veraees
rum predicationes audivit.
etamicos Dei ; et audivit he . dicentes quod Diabolus fecerat visibilia ,
et quod baptisma aque nihil valet, et quod sacrata (hostia ) non est
P. DE VASEGA.
corpus Christi, et quod in matrimonio non est salus, et quod corpora
Item . Anno die quo supra , P. de Vasega , testis juratus, dixit idem mortuorum non resurgent. Et ipse credidit sicut heretici dicebant; et
per omnia quam B. de Vasega predictus. suntduo anni quod primo credidit , et est annus quod ultimo dimi
sit . - Dixit etiam quod B. Aychard predictus duxit ipsum t. ad dic
PONCIUS DEL MAS.
tos h . utdictum est. et abj. h , et jur . T. predicti .
Item . Annoetdie quo supra , Poncius del Mas vel de Lobeira, testis T.omnes predicti in hocquaternio quorum confessiones suntnegative
juratus, dixit quod tenuit per mensem in domo ipsius testis Rixens abj. h . etjur. etc., testes predicti.
- 3

B. COGOTA . Willelmi delMas, patris ipsius t. et W.del Mas. Vidit ibi cum eis
patrem ipsius t. et Fabrissam matrem ipsius t. et ipsa t. et dicta
Item . - Anno quo die supra, idus Junii, B. Cogota, t. j.dixit quod mater ipsius t. adoraverunt dictas he. ter flexis genibus, dicendo :
vidit in domo W. Vidal. Bertrandum Marti et soc. ejus he.. et vidit (C Bene, bone mulieres, orate Dominum pro nobis. » Et sunt XXV
ibi ipsum W. Vitalis, et Seguram uxorem ipsius W. Vitalis, Ar. anni vel circa. - It. Dix . qud . vid . predictas he. in domo R. de
Maiestre, Ar. Godall , B. Cap de porc, W. de Canast- brus, Ar. de Canast, ubimorabatur lunc, nEstolt de Rochavila ; et vidit ibi simi
Canast, et P. Vidal et plures alios de quibus non recolit, et ipse t, et liter he. quos r.on novit, sed nullum vidit ibi, exceptis dictis he. et
omnes alii audierunt predicationes eorum et adoraverunt eos, ter ipsa 1. adorare ibi dictas he., et fuit eodem tempore. It. Dix .
flexis genibus ,dicendo : « Bene, probi homines, orate Dominum pro qd . vid . in domo P. Fabri, he. quos non novit. et vidit ibi cum eis
nobis . » et sunt XII anni vel circa . It. – Dixit quod vidit in Fabrissam , matrem ipsius t., et Willelmam Meca , uxorem Bernardi
domo Petri de Cap de porc , Johannem Cambiaire et soc , s . h .; et vidit de Quiders, sororem W. del Mas, et Guiraldam , uxorein W. de Ro
ibi cum eis B. del Mas seniorem , Ar. de Rozergue, Garnerium , P. chafort, et Marquesiam uxorem B. de Rochafort, et Aymengardam
Gauta seniorem , et ipsum P. Cap de porc et B. fratrem dicti P. Cap de Causser, et ipsum P. Fabri, et plures alios de quibus non recolit ;
de porc , et plures alios de quibus non recolit, et ipse t. et omnes alii et ipsa t. et omnes alii ador. , etc., et sunt XX duo anni, etc.
adora verunt dictos h . et sunt X anni vel circa . - It. Dixit quod It. · Dix. qd. vid . in domo W.de Canast, Bertrandum Marti et soc.
vidil, in domo de Nariqua, Raimundum filium dicte Rique et soc. s , e. he., et vidit ibi cum eis Fabrissam , matrem ipsius t. et W.Meca ,
h.; et vidit ibi Roggerium Sartre , P. Gauta senjorem et Sebiliam et Mariam uxorem Bertrandi de Quiders et P. B. Camfice et ipsum
filiam dicte Rique , et ipsam Riquam , et plures alios de quibus non W. de Canast, et matrem ipsius W. de Canast, et plures alios de
recolit. Et ipse t. et omnes alii adoraverunt dictos h . et fuit eodem quibus non recolit, et ipsa t. et omnes alii, excepta Maria uxore Ber
tempore. — It. - Dixit quod vidit in domo den Companh , sabaterii, trandi de Quiders adur , etc., et suntXIIII anni, etc. — It. - Dix .
P. Petit et soc. s. h ., et vidit ibi cum eis W.de Canast brus. et ipsum qd. vid. Guillaberlum de Castras et soc. s. he. apud Mirapeix, in do
Companh et Willelmam Gaufresa ,matrem dictiCompanh , et Esmen mibus pertinentiis ipsorum hereticorum : et vid . ibi Craidanam soro

..
gardam filiam dicte W.Gaufresa , et ipse t. et omnes alii adorave rem suam , el Ceseliam , filiam dicte Braide, et Avam uxorem Rai
runt ibi dictos h . et sunt XII anni vel circa. - It. -- Vidit in domo mondiGancii, et P. Audoys, P. Raimundi Roi, et plures alios de
Willelme, filie quondam den Companh, concubine Ar. Maiestre , B.de quibus non recolit ; et tunc dicta Braida et ipsa t. miserunt lunc
Mairevila et soc. s. h .; et vidit ibi cum eis W. Poncium de Recauth dictis hereticis fogassas, et intraverunt, et ipsa 1. et omnes alii ador .
et Petrum fratrem ejus , et W. Teisseire , et Raimundum de Recau, et etc., et sunt XVIII anni, etc. - It. — Dix . qd . vid . in domo de na
Ar. Maiestre qui jacebat tunc infirmus in infirmitate quâ deceesit, et Laureta , apud Mirapeis, Franciscam , matrem W. de la Ilha et Folio 3.
Willelmam sororem dicti Ar. Maiestre , et R. de Las de Recaut ; et sociam suam hereticam ; et vidit ibi cum eis Ransanam , uxorem
tunc dicti h hereticaverunt dictum Ar. Maiestre , ipso t. vidente , et Ysa rni de Fano Jovis , et ipsam Laurelam ; et ipsa t. et dicta Ransana
ipse t. et omnes alii adoraverunt ibi dictos h .; et sunt XII anni vel ador ., etc., et fuit eodem tempore. It. Dix . qd stetit apud
circa . Predictos h . credebat esse bonoshomines et amicos Dei, et posse Peirelham cum Hysarno de Mont-Server, viro suo, et vidit ibi in
salvari per ipsos, licet sciret quod ecclesia persequeretur eos , et audi domo de na Forneira , matris Rdi de Peirelha heretice , Johannem
vit eos dicentes errores, de visibilibus, quod Deus non fecerat ea , et Cambiaire et soc. s. he. ; et vid . ibi cum eis Corbam , uxorem Rdide
quod hostia sacrata non est corpus Christi, et quod in baptismo et Peirelha , et Ceciliam sororiam ipsius t. que erat luncheretica ; et ipsa
matrimonio non erat salus, et quod carnis resurrectio non erit, et ipse t. et omnes alii ador., etc., et sunt XVI anni, etc. — It. – Dix . qd .
credidit tunc sicut ipsi dicebant; et sunt XVI anni quod primo cre stetit apud Montem securum , et vidit ibi J. Cambiaire et plures alios
didit h , esse bonos, sed non credidit VIII annisunt, et fuit confessus he. et hereticas ; et audivit predicationes ipsius Johannis Cambiaire ;
fratri W. Ar et soc. s. inquisitori apud Tholosam , et venit coram eis et vid . ibi in illa predicatione, Ar. Rogger, Raimundum de Peirelha ,
non citatus ; et fratri Ferrariò apud Sayssac ; et postea non vidit h . et Sorbam , uxorem dicti R. de Peirelha , et Sebiliam uxorem Ar.
et credit dictas confessiones esse veras, It . Dixit quod P. Rotger , et W.de Mirapeis qui est da Pamias, et plures alios de quibus
Gauta loqutus est publice Bernardo, domino del Mas coram ipso non recolit ; et omnes, exceplo dicto W.de Mirapeis qui non dili
t. in hunc modum : « Bernarde del Mas, est ne bonum quod aliquis gebal hereticos, ador., etc., et sunt XV anni, etc.
qui detexerit vos, eal vivus super terram ? » et propter illa verba ,ipse It. — Dix . qd. vid .apud Culham , in quadam domo ubi jacebat
t. cum familia sua exivit de Manso . - It. Dixit quod Jordanus infirmus llysarnus de Mont Server , maritus ipsius, Bertrandum
de Quiders dixit nuper ipsi t. : « Modo apparebit quis expeditus erit Marti et soc. s. he.; et vid . ibi cum eis Ar. Rogger qui duxit ibi dic
cicius vos qui prevenistis alios in confessione. » Et abj. h . et jur., tos he., et Ponciam de Vilar , uxorem quondam Ysarni del Vilar,
etc , T.Ar, prior Sti Saturnini etmagister P.de Caramag et fr. B. inqui et Ceciliam , ux . Arnaldi Riquer, Raymundum de Mont server et
sitores. Guaillardam de Romengos ; sed non ador., nec vid . ador , nec dictus
maritus ejus fuit hereticatus, et sunt XI anni, etc. – 11. - Dix . qd .
W. AR. GUITTOS in eadem villa , in domo F. de las Combas, vidit Raimundum de

Item . — Anno , die quo supra , W.Ar. Guiltos, t. j. dixit quod Cuc et soc . s. he.; etvid . ibi cum eis ipsum P.de las Combas et duas
nunquam vidit h . nec credidit, nec adoravit, nec dedit, nec misit, feminas quas non novit, et Armengardam , uxorem P. de Mazerolas ;
nec eorum predicationes audivit. et ipsa t., et dicta Aymengart, ado . ibi dictas he. ; et tunc comede
bantdicte heretice , et ipsa t., et dicta Aymengart, de pane ab ipsis
benedicto , et suntVanni, etc. - It Dix . qd. vid . in eodem cas
PELEGRINA.
tro , in domo Dominici, qui erat de Cathalonia , tres hereticas de
Item . - Anno, die quo supra , Pelegrina, uxor quondam Ysarni Fano Jovis, quarum nomina ignorat ; et vid . ibi cum eis matrem
de Mont Server, filia W. dicti domini del Mas, t.j. dixit quod vidit dicti Dominici, et Esmengardam , uxorem P. de Mazerolas ; et tunc
Guallardam , amicam suam , et sociam suam hereticam , in domo ipsa t. et dicta Esmengarda ado. ibi dcas he. et fuit eodem tempore .
-- ll -

It . Dix . qd. misit per dictum Dominicum Braide matri Marti, sui t. j. dixit qd vidil Adelasiam de Cuguro , hereticam , apud Mansum
socerui ipsius t., heretice, duo sextaria frumenti, apnd Montem secu sanctarum puellarum , quam tenebat ibi publice in domo sua B. de
rum ; et fuit eodem tempore. - It. Dix . qd . alia vice, misitdic te Manso , miles, dominus ejudem castri ; et sunt XIX anni. — It. -
heretice per Petrum de Fagars, qui erat de Lavelanet, tres solido s Dixit qd cum ipse t. staret in hoslagiis apud Ferrant, in Redesio , in
tholosanos , et fuit eod . tempore . It. Dix . qd. vid . Ar.de Pencha, domo W.Ar.de Ferrant, vidit ibi quamdam ancillam ejusdem domus
et B. S. he. stantes in domo W. del Mas, et dicti he. colligebant herelicam manentem ibi publice, et sunt XXVII anni. Alibi nun
bladum dicti W. del Mas , patris ipsius t. sed non ador., nec vid . quam vidithe. nec cred ., nec ado ., nec ded ., nec misit eis adj., nec
ador ; et sunt XX an , etc. - It. - Dix . qd . quando siabat apud eor. pdic. audivit. Et abjur. he. et jur. elc., 1. infra scripti, excepto
Perelha , misit Forneire heretice, duas fogassas et unam plenam can nepote clerico .
tinam vini, per quamdam ancillam suam ; et suntXV an . v. cca . Pre R. GASC .
dictos hereticos credebat esse bonos, et habere bonam fidem , et posse
Item . — Anno et die quo supra. R.Gasc, t. j. d . qd nunquam
salvari per ipsos ; etaudivit eos dicentes errores de invisilibus, qd. Deus
vidit he., nisi aptos , nec ado., nec ded., nec mi., nec eor. p .
non fecerat ea, et qd . hostia sacrata non est corpus Domini et qd . in audivit.
matrimonio non est salus ; sed ipsa non credidit erroribus, pdis. et
ARNALDUS DE GOTUES.
sunt XXIII an . qd . primo cred . he. esse bonos ; sed non cred . post
quam fecit confessionem suam de heresi fri. Ferrario et socio suo Item . Anno et die quo supra predictis. Arnaldus W. de Go
inquisit. , apud Saysac ; et fuit confessa predicta et plura alia de qui tues, t. j. d . idein per omnia qd dixit R. Gasc .
bus modo non recolit ; sed omnia credit esse vera . Dix . etiam qd
Hysarnus , vir suus, morluus sunt X anni, et non fuit hereticalus ; et P. RAIMONDI .
abjur.he. et jur. etc. T. B. de Ladinhac , Silvr. ca. de Viridifo , P. Fresa
Item . - Anno et die predictis. Petrus Raimundi Persat. t. j. dixit
pa. et fr. B. inquisitor legit.
qd vidit P. Amelii et Poncium Germani he. publice stantes apud
W. AMELH .
Mansum sanctarųm puellarum ; et sunt XXXV anni et amplius .
Item . Anno et die quo supra, W. Amelh . t. j. dixit qe Alibi nunquam vid. he., nec ado , nec ded., nec mis. eis adj., nec
nunquam vidit he., nec cred ., nec ado., nec ded ., nec mis., nec e. p . dux ., nec eor . prdic audivit. - It. — Dixit qd cum ipse t. essetapud
aud . Mansum , in operatorio Petri Gauta, simul cum quibsudam aliis ho
PONCIUS DE ROZENGUE. minibus deManso , Bernardus de Quiders, indutus propria voluntate
Item . Anno et die quo supra , Poncius de Rozenge 1. j dixit minxit super coronam ipsius t qui est acolilus in opprobrium et in
stuprum totius ecclesie catholice, ut credit ipse i. firmiter, et sunt
qd vid .W. Vidalis et soc s.he. juxta vineam den Johan Carabula ;
XXVI anni : lestes hujus rei sunt,B.Amelii , ctAr. Donat et W. La
et vid . cum eis W.de Rozenge , frem . ipsius l., Ar. Godalh , Poncium
Garnerii, Ar. Garnerii, frem . dci Poncii Garnerii , P. Albarie, Pon passa , et Ar. Lapassa , H. Raimondusden Dolz , et plures alii ; et sunt
XXIX anni vel circa. et abjur. h . et jur , etc. T. infra scripti.
cium Raynaut et plures alios de quibus non recolit ; et omnes el
ipse t. ador. ibi dcos. he. ter flexis genibus, dicendo : « Bene, boni B. GARRIGA.
homines, orate Dominum pro nobis. » Etsunt VI. an . y. c. Predictos
Item . – Anno et die predictis. B. Garriga, t. j. d . qd vid . he.
he. cred . Tunc esse bonos homines et babere bonam fidem , licet sciret
stantes publice in terra , et sunt XXXVI anni. Alibi nunquam vidit
qd ecclesia persequeretur eos , sed non audivit eos dicentes errores
he. nisi captos, nec cre., nec ado., nec mis. eis adj., nec duxit, nec
de invisibilibus, nec de sacramentis, nec ipse cred . pdcis erroribus.
eor, prdic. audivit.
Alibinon vid . he. nec cred .,nec ado., nec adj. dedit,nec misit ; ethoc
fuit confessus Ferrario inquisitori, apud Saysac ; etabjur . he. et jur. AR . DE MOZIER .
elc. T. Ar. prior scti Saturnini, et magister p . de Caramanh et fr. B ,. Item . Anno et die pdcis. Ar. de Mozier, t. j. dix . qd nunquam
inquisitores,
vid . he. ni. capt., nec ado., nec ded ., nec mi., nec e . p . aud .
Poncius GAZANHA.
B. LAPASSA .
Item . — Anno et die quo supra , Poncius Gazanha, 1. j. dixit qd .
Item . Anno et die predictis. B. Lapassa , t. j. dixit idem per
vid . he. publice stantes apud Mansum , sed non adoravit, nec vid .
ador. , el sunt XX anni, vel circa. Alibi non vidit he., nec cred . ; omnia quod dictus Ar. del Mozier .
nec ado ., nec adj. dedit , necmisit , nec eor . pr. audivit. Petrus Persat id . quam . . B.Garriga .
Petrus Lapassa , juvenis. Ar. del Mozier .
R. BARRA.
Ar. Lapassa B. Garriga .
Item . Anno et die quo supra, R. Barra , t. j. dixit qd nunquam W. Paraggos. 2 Id .
vidit be. nec cred ., nec ado ., nec adj. ded ., nec misit , nec eor. pr. Ar. Marsolh . Ar. delMozier.
audivit. Poncius Persat. Id .
P. DURAN . R.Gauta del Puh . Id .
Item . Anno et die quo supra , P. Duran , t. j. d . idem qd B. LAPASSA .
R. Barra .
Item . Anno et die predictis, B. Lapassa , t. j. dixit id . quam R.
Omnes predicti quorum confessiones sunt negative, a W. Ar.
Gutos. abj. he. et jur. etc. T. qui in confessione Poncii Roserge. Persat et B.de Quiders et de minctu super coronam P. R. Persat,
sed non recolitde circumstantibus qui ibi fuerunt, quos nominavit
AR. JORDANI.
dictus P. De loco . dix . id . qd . Petrus. De tempore, dixit qd . sunt
Item . - Anno et die quo supra. Xº kalendas julii ; Ar. Jordani XXV anni. t. predicti .
. - 5 -

AENALDUS DE NA CONDORS. Dómini , orate Dominum pro isto peccatore , quod faciat me bo

Folio 4 . num christianum et perducat ad bonam finem . Etsunt XVIII anni.


Item . Anno et die predictis, Arnaldus de na Comdors, t. j., dixit
It. Dixit quod vidit apud Mansum , in domo Bernardi de sancto
qd nunquam vidit he. nisi captos ,nec cred . , nec ado. , nec ded .,
Andrea , P. Bolhena , et soc. e. he . qui predicaverunt ibi de nocte ;
nec misit eis adj. , nec duxit, nec receptavit , nec eorum predica
tiones audivit . et interfuerunt ipsi predicationi ipse t. et P. Gauta senior , et W.Vi
dal, et B. de Manso, miles, et Bertrandus de Quiders, miles : et dic
Item . Anno et die predictis , Raimundus Gomberga... P. Peiro
tus B. de sancto Andrea , et omnes, et ipse t. ado. ibi dcos he.; et
nelh ... B. Peironelh ... Ar. Lapassa Rog .... Johannes Jugge... Perri de
sunt XVIanni, vel circa . It. Dix . qd P. de sancto Andrea et Ar. Go
na Esquiva ... RaimundusGasthau ... Arnaldus Mondinassa ... Pau
dalh adduxerunt de nocte duos hereticos , quorum nomina ignorat,
lusden Saissac... Johannes Jordani, t. j...dixit idem quod Ar.de na
ad domum ipsius t. dum Wilhelma uxor ipsius t. infirmaretur ibi
Comdors.
in infirmitate qua decessit ; et tunc dicta infirma non permisit se
... Poncius Martini... Germanus Fabri ... Ar. Vesia Arquiaire ...
hereticari a predictis hereticis. Et erant ibi ipse t. et Petrus Roggerii,
Raimundus Gairaudi... Petrus Fabri juvenis ... Bonet Judex , 1. j...
et Garnerius, et Raimundus Garnerii; sed ipse t. non ado . nec vid .
dixit idem
per omnia quod dictus Johannes Jordani.
adorare ; et sunt X anni, v. c . It. Dix . qd vid . apud Mansum , in domo
PONCIUS TALLARIC .
Garnerii , P. Bolbona et soc. e . he.; et vid . ibi cum eis dictum Gar
Item . Anno et die predictis , Poncius Tallaric , t. j. , dixit se vi nerium , sed ipse t. non ado . nec vid . ado.; et sunt XIX anni.
disse he . stantes publice in terram , XXXVI anni sunt. Alibi nun It. Dix.qd vid . apud Mansum , in domo deNarrica ,R. de Manso , he
quam vidit he. nisi captos, nec cred . unquam , nec ado. , nec ded . reticum ; et vid . ibi cum eo Jordanum de Manso , militem : sed ipse
nec misit eis adj. , nec duxit , nec e. p . audivit. t. etc ... et sunt X anni, v . C. Alibi nunquam vid . he. Dix . etiam Folio 5 .
It... Johannes Asser ... vidit apud Mansum , etc. et suntXXXVIII quod cred. he. esse bonos homines et habere bonam fidem , et esse
anni, etc. veraces et amicos Dei; sed non audivit he. loquentes de baptismo,
Item ... Petrus de na Lissent... Willelmus Dayros , t. j. dix . idem nec de hostia sacrata , nec de matrimonio . Tamen semel audivit a
per omnia qd dictus Johannes Jordani. quodam he. qd Deus non fecerat visibilia , et qd caro et sanguis reg
WILLELMUS DE CANAST. num Dei non possidebunt ; et nunquam cred . ipse t. pdictis errori
bus. Et sunt XX anni qd primo credidit he. esse bonos, et sunt
Item ... Willelmus de Canast , juvenis , l. j., dixit quod nun
X anoi qd ultimo dimisit illam credulitatem . Et confessus fuit fratri
quam vidit hereticos , nisi captos , nec credidit unquam , nec adora Ferrario , sed non habuit ab ipso penitentiam . Et jur., etc. T. pre
vit , nec dedit, nec misit eis adjumentum , nec duxit, nec eorum dicti.
predicationes audivit.
BERNARDA, GUARNERII.
Item ... Poncius Lapassa ... PetrusMilo... Poncius Aymerici... Rai
mundus Martini... Willelmus Auriol... Raimundus Cathalani... Wil Item . Anno quo supra, Bernarda uxor Garnerii, testis jurata,
lelmus Passero ... Germa Passeira ... Raimundus Cathbert ... Raimun dixit quod vidit in domo Raimunde dels Amaniels, Fabrissam dicte
dus Hot... W.Martini... Petrus de Camvel... idem per omnia quod Raimunde, hereticam ; et vid . ibi cum eis Mariam , uxorem Bertrandi
W. de Capast. de Quiders, Willelmam Meta , matrem Bernardi de Quiders, et ipsam
Item ... B. Duran, t. j., dixit quod nunquam vidit he. , nec cred . R. dels Amanels ; sed non ado., nec vid . ado.; et sunt XX anni,
nec ado . , nec ded ., nec misit, nec eorum predicationes audivit. vel circa . It. Vid . in domo sua et Garnerii viri sui, P. Bolbena he.
...Petrus,.. dix. idem qd B. Duran . qui venerat visitare dictum Guarnerium virum ipsius t. qui tunc
Item ... Arnaldus de Camvel. t. j. dix qd vidit he. stantes publice erat infirmus ; et vid . ibi cum eo Stephanum de Rozengue , et W.Vi
in terram , XXXV anni sunt. Alibi nunquam vidit he. nisi captos , dal qui venerat ibi cum dicto he.; sed non ado. nec vid . ado . Primo
nec cred . , etc., etc. quam cito vid . dictum he., permaxima ira commota exivit domum ,
et sunt XVIII anni., v . C. Alibi non vid . he. nec cred . unquam
Item ... W.de Moirovila , 1. j., dix . qd vidit he . stantes publice
apud Mansum et per totam terram , et sunt XXXVI anni. Alibi , esse bonos, nec ado . eos, nec aud . predicationes eorum , nec adj.
nunquam , etc. , etc. dedit, nec misit, nec duxit, nec duci fecit . Predictas fuit confessa fri
B. Sicre ... dixit idem , etc. Ferrario apud Saisag . Dix . etiam jd iste Albaric, primus vir suus,
Ilem ... Bernardus del Pug . t. j., dix . qd nunquam vidit he. nisi non fuit hereticalus. Et abjur ., etc. T. Ar, de Manso sanctarum Puel
captos , nec cred . , etc., etc. larum , Ar., prior Saturnini, et frater B., inquisitor .
It... Arnaldus del Pueg ... B. de na Comdors... idem quod pre WILLELMA COMPANHA
dictus B. del Pueg .
Item . Anno et die quo supra, W.Companha, t. j., dixit qd vidit
Omnes predicti a Raimundo Gasc citra , quorum confessiones sunt
in domo sua Rixen et Stephanam , hereticas ; et vid . ibi cum eis
negative , abjur. heresim et jur., etc. T. Gaillardus, prior de Manso
B. de sancto Andrea , P. de sancto Andrea qui postea fuerunt here
sanctarum Puellarum , et Nepos de Daurnia, et frater B., inquisitor.
tici, et Ar. Maiestre concubinarium ipsius t. qui duxerat ibi dictas
STEPHANUS DE ROZENGUERT. hereticas, et Aymengardam matrem ipsius t. que jacebat infirma; et
Item . Anno et die predictis , Stephanus de Rozenguert, t. j., dixit tunc dicte he .monuerunt dictam Aymengardam matrem ipsius t. qu
qd vidit hereticos stantes publice apud Mansum et per totam ter faceret se hereticam , quod ipsa facere noluit ; et dictus B. de sancio
ram , et sunt XXX anni et amplius. It. dix. qd vid. apud Mansum , Andrea et P., fratres, et Ar. Maiestre ado. ibi dictas he.; sed
in domo Bernardi de Quiders, Johannem Cambitorem et soc . e. he. ipsa t. neque mater sua non adoraverunt eas ; et sunt XIIII anni
qui predicaverunt ibi. Quorum predicationi interfuerunt ipse t. et v . e . It. Vid . alia vice in domo ipsius t. Bernardum de Maire vila
B. de Quiders , et Moreta , et B.de Manso , miles , et alii de quibus et Raimundum de Narrigua, et vid . ibi cum eis Bernardum de sant
non recolit. Etomnes , et ipse t. adoraverunt ibi dictos he. , dicendo Andreu et P. de sant Andreu , Roggerium Sartre, W. Tesseire,
quilibet per se , ter bene flexis genibus ante ipsos , et addentes : B. Aichart, W.Poncii de Rocaut, Aymericum de Molavila, B. Co- * :
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got et Ar. Maiestre concubinarium ipsius t. qui jacebat ibi infirmus ; et qd corpora mortuorum non resurgent, et qd in baptismo et ma
et tunc dicti heretici heriticaverunt dictum Ar. Maiestre ; et ipsa t. trimonio non erat salus ; et ipsa credebat sicut ipsi dicebant ; et
et omnes alii ado . ibi dictos he., ter flexis genibus, dicendo bene : suntXXII anni qd primo cred . he. esse bonos, sed non cred . post
Boni homines, orate Deum pro nobis. Et sunt XII anni, v.c. Predic quam fr Ferrarius reconciliavit ipsam , nec postea vidit he . nisi cap
tos he . cred . esse bonos homines et habere bonam fidem , et posse tos. Omnia predicta fuit confessa fri Ferrario apud Saysac. Et
salvari per ipsos, licet sciret qd Ecclesia persequeretur eos ; sed non abj., etc. Testes predicti .
audivit eos dicentes errores de visibilibus , nec de sacramentis, nec NA GAUDIA .
ipsa credidit pdictis erroribus. Et sunt XX anni quod primo cred .
Itern . Anno et die quo supra, na Gaudia , filia P. Aribert, t. j., dixit
he. esse bonos homines , sed non cred . X anni sunt. Pdicta fuit con
qd nunquam vidit he. nisi captos , nec cred ., nec ado ., nec adj.
fessa fri Ferrario apud Limos . Et abj., etc ... Testes predicti et An .
dedit, nec misit, nec eor. predicationes audivit (1 ).
Cerda .
RAIMUNDA,GONDAUBOU . R. ALEMAN ( 2 ).
Item . Anno et die quo supra , Raimunda uxor quondam Gon Item . Anno et die quo supra , R. Aleman , t. j., dix . qd vidit Ber
daubou , t. j., dixit qd . vidit Willelman Audena, amittam ipsius t., trandum Marti et soc. s. in domo W. Vitalis ; et vid . ibi cum eis
he., apud Cabareths ; et stetit cum ipsa per tres annos; et ado. eam Gualhardum Amielh , avunculum ipsius t., Raimundum Amielh
pluries, et sunt XX anni vel circa . It. Dix . qd Willelmus Ber fratrem dicti Guallardi, R. B. et ipsum W. Vitalem , et uxorem dci
trandi de Laura , cum aliis quatuor hominibus , venit apud Narbo W. Vitalis; et ipse t. et omnes alii ado. ibi dictos he., ter flexis
nam in domo ipsius t., et comedit et bibit in ipsa domo, et dci genibus, dicendo bene : Boni homines, orate Deum pro nobis ; et
homines erant nuncii hereticorum , sicut ipsa audivit postea , et duxe sunt XIV anni, v . c . It. Vid . in domo Bernardi Brus et Petri Brus,
rant apud Narbonam hereticos , in domo Rdi Johannis ; et tunc bal fratrum , P. Bolbæna et soc. s . he.; et vid . ibi ipsum P. Brus et
livus dni Archiepiscopi Narbone cepit ipsam t. et Florenciam soro B. Brus et Rixen Bruna, sororem dci P. Brus ; et omnes, excepto
rem ipsius t. quare credebat qd heretici quos pdicti homines duce dicto t. ado. ibi dictos he.; et sunt XX anni, v . c . It. Vid . in do.
bant fuissent in domo ipsius t. ; sed non fuerunt; et tunc frater Bernardi Cap de porc, Johannem Cambiaire et socios suos usque ad
Ferrarius quitunc erat inquisitor auctoritate dni Archiepiscopi re VIII hereticos ; et vidit ibi cum eis he. B. del Mas, Jordanum del
conciliavit ipsam t. et Florenciam sororem ipsius t., et fr Ferrarius Mas, fratres, Gualhardum Amielh , Rdum Amielh , P. Gauta , senio
venit tunc cum ipsa t. usque ad Mansum ; et reconciliavit eam , et rem , W. Vitalem , B. Cogota , P. W.Garnerium et W.Garnerium
reddidit eam viro suo apud Mansum , et habuit litteras dicte recon filium dci Garnerii, et plures alios de quibus non recolit : et tunc
ciliationis a dco fre Ferrario , et sunt XVI anni; et postea non vidit dicli heretici fecerunt appareilhamentum suum , et ipse t. et omnes
he. Predictos he. cred . esse bonos hoies , et habere bonam fidem , et alii adoraverunt ibi dictos he, et audierunt predicationes hereticorum ,
posse salvari per ipsos ; et audivit eos dicentes qd Deus non fecerat et in crastinum dci heretici recesserunt equites ; et ipse t. et Rdus
visibilia, et qd hostia sacrata non erat corpus Domini , et qd in Amielh associaverunt eos usque extra villam ; et tunc Estolt de Rocha
baptismo et matrimonio non erat salus , et qd corpora mortuorum vila et Ar. dels Cassers receperunt dictos he. et recesserunt cum
non resurgent, et ipsa credebat tunc sicut dicta Willelma dictis he.; et sunt XII anni v . c. Il. Dix . qd vid . apud Falgairag ,
amitta sua docebat ipsam . Et abj., etc. Testes predicti. in Charamauhes, plures hereticos exeuntes de nemore, et intrantes
FLORENSA , P. DE FORNERS. domum Austorgue, uxoris Petri de Resengas; et dicta Austorga
Item . Anno et die quo supra , Florensa uxor quondam Petri de faciebat panem decoquidcis hereticis , et heretici colligebant bladum
Forners, soror predicte Raimande , t. j., dixit qd stetit per medium ipsius Austorgue; sed non adoravit nec vid . adorare, nec fuit loqutus
apud Laurac cum Willelma Auderna amitta ipsius t. heretica , et cum eis; et sunt V anni v . c. It. Dix . qd vid . apud Cargodas, in
comedebat et bibebat cum ipsa , et pluries adoravit eam sicutdca he. domo Bertrandi Aleman , R. Fort et soc. s. he., et vid . ibiipsum
docebat ipsam t. adorare; et sunt XX anni vel circa . It. Dix . qd * B . Aleman et Austorgam , uxorem P. de Resengas; et tunc B. Ale
stetit apud Cabareth cum viro suo per duos annos, et vidit ibi plu man et dca Austorga clauserunt hostium camere, et dixerunt ipsi
ries hereticos et hereticas , et pluries ado. eos etaudivit predicationes t. qd adoraret he., et compulerunt ipsum adorare pdictos hereticos,
eorum . Et vidit qd omnes homines et milites de villa veniebant ad et ipsi adoraverunt eos similiter ; et sunt V anni, v. c. It. Dix . vid .
predicationem he. publice, et ado . eos , et sunt XVIII anni v. c. It. Ar. de Vila pencha, et B. de sant Esteve, hereticos, intrantes domum
Dix . qd dum ipsa t. et Rda soror sua starent apud Narbonam , vene Ar. de Resenge, et sunt XX anni, v. c. It. Dix. qd vid . duas here
runt ad domum ipsius t. et sororis sue quidam qui vocabatur W. ticas, nomina quarum ignorat, filantes ante hostium Ysarni B.Matfre,
Bertrandicum aliis quatuor hominibus, et comederunt in domo ipsius et vid . ibi cum dcis he. Camonam , uxorem dci Ysarni, et fuit eodem
1., et dci bomines erant nuncii hereticorum , et duxerant duos he. tempore. Predictos be . cred . esse bonos homines et habere bonam Folio 6 .
ad domum Rdi Johannis, de Narbona ; sed ipsa l. neque soror sua fidem et esse amicos Dei, et posse salvari per ipsos, licet sciret qd
sciebant hoc ; sed postea audierunt dici quando fuit captus dictus Eclesia persequeretur eos, et audivit eos dicentes errores de visibi
Raimundus Johannis ; et tunc ballivus dni Archiepiscopi Narbone libus, qd Deus non fecerat ea , et qd hostia sacrata non est corpus
Christi, et quod baptismus et matrimonium non valebant ad salu
cepit ipsam t. et sororem suam , et duxit eas ad curiam dvi Archie
piscopi ; et tunc fr Ferrarius qui tunc erat inquisitor auctoritate tem , et qd corpora mortuorum non resurgent; et ipse credebat tunc
dniArchiepiscopi, reconciliavit ipsam t. et Rdam sororem ipsius t., et sicut ipsi dicebant ; et sunt XX anni qd primo cred . he. esse bonos,
dimiseruntipsas ire; et tunc idem fr Ferrarius fuit cum Raimunda so sed non cred. X anni sunt, licet ad instanciam Bertrandi Alamandi
rore sua usque ad Mansum , et reddidit eam viro suo; et suntXVI anni
V. C .; et postea non vid . he. Predictos he. cred . esse bonos homi
nes et habere bonam fidem , et posse salvari per ipsos, licet sciret qd (1) Dicitur qd huic fuit promissa .
Ecclesia persequeretur eos. Et audivit eos dicentes errores devisilibus (2) Dicitur qd pater ejus fuit hereticatus in morte ; hoc scit quidam qd scit
qd Deus non fecerat ea, et qd hostia sacrata non erat corpus Christi, Ar. Pitrel.
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et Austorgue uxoris P. de Resengas, ado . eos a V annis citra. Predi Predicta et pertola alia de quibus non recolit fuit confessa fratri Fer
cta fuit confessus fri Ferrario , apud Limos . In domo Florencie , rario apud Saysag : et omnia cred . esse vera. Et abj. he. et jur . etc.
vid . P. Peti et soc. s . he., et vid . ibi P. Bru et B. Bru , fratres, et P. T. predicti .
ALISSOY.
Faure , et omnes adoraverunt eos, ipso t. excepto . Dixit etiam qd
ipse t. et Willelmus de Manso junior, et Bertrandus de Quiders Item . Vo nonas Julii, anno quo supra , Alissoy , divinatrix , dixit
qd . pluries mandavit infirmis qd mitterent sibi zonam vel cami
et Moreta , et P. Gauta junior, intraveruntdomum prioris de Man
so cum cultellis et lapidibus in gremio , et furati fuerunt duos ronci siam , vel peplum , vel sotulares, et quando habebat ipsa dictas zonas,
nos, et si monachus vel aliquis exiret, condixerant qd interfice vel camisias vel sotulares, conjurabat crystallum et postea dicebat :
rent eum , et sunt X anni, v . c. Etabj. , etc. Testes predicti. — Dix . Faciatis tale emplastrum vel tale de herbis : et hoc totum dice
etiam qd ipse t. non interfuit morti Inquisitoris nec scivit ; sed in bat ut posset habere denarios . It . Dix . quod multociens jescit
crastinum scivitapud Falgairat, et audivit Austorgam uxorem P. de plumbum infirmis ut haberet denarios, et nullam virtutem crede
Resengas dicentem totum esse liberatum , et Estor et vir ipsius bat in plumbo. It. Dix. qd na Garejada de Vilario conjuravit mul
dixit totum esse mortuum . Testes predicti. Predicta confessio fuit tociens plumbum , et dedit intelligere gentibus qd cum plumbo con
recitata dicto Raimundo Dalamans per A. capellano ecclesie Tholose jurato liberabantur ab infirmitatibus. It. Dix . qd nunquam vidit
quam concessit esse veram ; presentibus ibidem . magistro. A. capellano he. nisi captos , nec ado., nec cred ., nec eorum predicalione audi
vit, nec adjumentum eis dedit.
cancellario et inquisitore una cum dicto capellano , et Bertolmeo
qui hoc scripsit. PETRUS ALBARICE .
WILLELMA , GODALH . Item . Anno quo supra , VII kalendas Junii, Petrus Albarice, t. j .
Item . Anno et die quo supra, Willelma, uxor quondam Ar. Go dixit qd vidit in vinea den Carabula , extra villam de Manso , W.
dalh que nunc est uxor R. Pitrel, t. j., dixit qd vidit Donatum et Vital. et soc. s. he., et vid . ibi cum eis Ar. Godalh qui duxit ipsum
SOC . s. he. in domo P. Cap de porc, et vid . ibi cum eis R.del Pont, qui loquilur ibi, et Willelmum Germani, Gualbardum Amiel, Jor
W.Barbas juniorem , W.de Canast Brus, R. Gauta del Pla , Geral danum de Quiders, Poncium Gran, Poncium Rainart, Poncium
dum del Vilar , et ipsum P. de Cap de porc, et Ar. Godalh , virum Gauta , Poncium de Rozenge, W. Ayner, Poncium Garnerii, fra
ipsius t., et Susannam uxorem P. de Cap de porc, et tres hereticas : trem ipsius t., et plures alios de quibus non recolit ; et omnes,
et ipsi et omnes alii audierunt predicationes hereticorum ibi, et ado excepto dicto t., audierunt pdicationes he., et adoraverunt eos, ter
raverunt eos, ter flexis genibus, dicendo , bene : Boni homines, orate flexis genibus, dicendo bene : Boni homines, orate Dominum pro
Deum pro nobis. et sunt VIII anni v . c. It. Alia vice , vidit in eodem nobis. et sunt quatuor anni, v . c . Predictos he. non cred .
hospitio B. de Cap de porc, fratrem dicti Petri, et soc. s. he.; et vid . esse bonos nec habere bonam fidem , nec posse salvari per ipsos, nec
ibi cum eis W. de Rosenge, et Susansam , uxorem P. Cap de porc ; audivit eos dicentes errores ; de visibilibus, de baptismo, de matri
sed non adoravit nec vid . ador.; et sunt IX anni v . c . It. vid . in monio, de hostia sacrata , nec de resurrectione carnis, non audivit
domo Hysarni Matfre duos he. quos non novit; et vid . ibi cum eis eos loquentes. Alibi non vid . he ., nec cred ., nec ado., nec adj. de
Alazais, uxorem dicti Hysarni ; et ipsa t. portavit tunc dictis he. dit, nec misit. Et omnia predicta fuit confessus fri Ferrario apud
duos panes quos mittebat eis Ar. Godalh , maritus ipsius t., sed non Saysac. Et abjur. he . et jur. et c. T. Ar., prior sancti Saturnini, et
ador.nec vidit ador., et fuit eodem tempore. It. vid . in eodem hospi fr. B., inquisitor, et fr . W. Pelisso , ordinis predicatorum .
tio Bernardam et Wilhelmam , hereticas ; et vid . ibi cum eis dictam ' RAYMUNDUS DE NA AMELHA .
Alazais ; et comedit cum dictis hereticabus, sed non adoravit eas, et Item . Anno et die quo supra , Raymundus de na Amelha, t. j., dixit
ſuit eodem tempore. It. Vid . in domo W.de Canast Brus Bertran qd . vidit in domo de Nabarona quam conducebat de Bernardo de
dum Marti et soc. s . he., et vid . ibi cum eis Ar. Godalh , maritum Quiders et erat concubina ipsius B .., Bertrandum Martini et soc. s .
ipsius t., et ipsum W. de Canast ; et ipsa t. ador . ibi dictos he., he., et vid . ibi ipsum B. de Quiders , et P. Amelh , Gualhardum
sed non vid . alios adorare , et fuit eodem tempore. Et tunc dicta t. Amelh , P. Gauta seniorem et Garnerium patrem ipsius t., et Gual
portavit dictis hereticis unam fogassam quam comederunt ante hardum , et Jordanum del Mas, fratres, et plures alios de quibus non
quam redirent inde. It. Vid . in domo de na Gauzia Tersola , Dona recolit ; et ipse t. et omnes alii audierunt ibi predicationes heretico
tum , fratrem dicte Gauzie, et soc . s. he., et vid . ibi cum eis ipsam rum , sed non adoravit nec vid . adorare ; et sunt XV anni, v. c. It.
Gauziam , et W. filium dicte Gauzie , et non adoravit eos quod reco Vid. pdictos he. in domo W. Vitalis, et vid . ibi cum eis Ar. de
lat, et non recolit de tempore. It. Vid . in eadem domo predictos he.; Canast, et Ar.Godalh , et P. de Sant Andreu , vel de Cap de porc ,
et vid . ibi cum eis omnes superi nominatos, et ador. eos sed Bertrandum de Quiders, et plures alios de quibus non recolit, et ipse
non recolit de aliis si adoraverunt vel non . It. Vid . in do . de na t. ador. ibi dictos he ., sed non vidit alios ado.; et sunt XVI anni,
Matheus, uxorem B. Fabri quondam , predictum Donatum et soc. s. V. C. It. Vid . pdictos he. in domo Willelmi de Canast, qui dicitur
he.; et vid . ibi ipsam Mathes ; et. ipsa t. ador. eos ibi, et sunt Brus, et vid . cum eis P. Bernart, et W.de la Selva , sed non ado. nec
VIII anni, v. c. It. Vidit predictos he. in eadem domo, et vid . ibi vid . ado., et sunt XII anni, v . c. It. Vid . in do. P. de sancto An
ipsam Mateuz , et ipsa t. ado. eos ibi ; et tunc ipsa t. portavit dictis drea P. Fabri et socios s. he., et vid . ibi cum eis Ar. Godalh , et W.
he. panem ex parte Gauzie uxoris dicti Donati heritici, et ipsa t. de Rozenge, sed non ado. nec vid . adorare quod recolat, et sunt X
ado. eos, et fuit eodem tempore. It. Vid. alia vice in eadem domo anni, v . C. It. Vid . in quodam casale de la Capela , extra villam
predictos he., et portavii eis ex parte Ar. Godalh , mariti sui, quem de Manso , Bertrandum Martini et soc . s. he., et vidit ibi cum
dam pannum lineum , sed non recolit si ador. eos tunc, et fuit eo eis Gualhardum del Mas , et Moretam , R. Gauta , P. Amielh et B.
dem tempore. Predictos he. credebat essse bonos homines et habere Aychart, Companhet, R. de Cauzat, et Ar. Godalh , et P. de Sant
bonam fidem , et posse salvari per ipsos, licet sciret qd Ecclesia per Andreu , et P. Gaita seniorem , et plures alios de quibus non recolit :
sequeretur eos . Sed non audivit eos dicenles errores de visibilibus et ipse t., et P. de sco Andrea ado. ibi dictos he., sed non vid . alios
nec de sacramentis, nec ipsa credidit pdictis erroribus; etsunt X anni adorare, et sunt X anni, v. c. It. Dix . qd ipse t. et W. de Rozenge
qd primo cred . he. esse bonos homines, sed non cred . sex annisunt. duxeruntW. Vital. soc. s. he. de Manso usque ad Podium Busca ; Folio 7 .
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et recepit eos ibi P. de Sant Andreu vel Cap de porc ; sed ipse t. non bus , dicendo bene : Probi homines , orate Deum pro nobis.
adoravit nec vidit adorare, et sunt VIII anni, v. c . It. Vid . in quodam et sunt XII anni, v . c . It. Vid . in eadem domo Donatum etsocios ejus
campo Bernardide Quiders, duos hereticos quos non novit ; et vid . hereticos , et vidit ibi cum eis P. de Cap de porc et uxorem ejus ,
ibi cum eis P. Barrau, et Ar. Godalb , et P. de Cap de porc, W.de Ar. Godalh , et plures alios de quibus non recolit ; et ipse t., et
Canast Brus ; et ipse t. et omnes alii ado. ibi dictos he., et sunt VIII omnes alii ado. ibi dictos he. , et fuit eodem tempore . It. Vid . in
anni, v.c. It. Vid . he . quos non novit in domo Stephani de Rozenge, et eadem domo P., W. de Mont Auriol, et soc. s. he., et vid . ibi cum eis
vid . ibi cum eis ipsum Stephanum de Rozenge et Guarnerium patrem Raimundum Pinaut vel Borrel , et W. del Pont fratrem ipsius t. ;
ipsius t., P. Rogger , etVillelmam uxorem dicti S. de Rozerge que et ipse t. et omnes alii ado . ibi dictos he. , et ipse t. et omnes alii
tunc erat infirma in infirmitate qua decessii, sed non ado. nec vid . associaverunt dictos he . usque ad portam del Mal cosseil; et tunc
ado., et sunt XV anni, v. c . It. Dix . qd ipse R. Pinaut vel Borres dcus R. Pinaut recessit cum dictis hereticis , et fuit eodem tempore.
duxerat P. Faure et soc. s. he. de Manso usque prope Puh Busqua ; It. Vid . in eadem do . Ar . Prader et soc. s. he., et vid . cum eis ipsum
et erat cum eis W. Barbas ; sed non ado. nec vid . ado., et sunt P. Cap de porc , W.de Rozerge , et Bernardam filiam Petri Presat ,
VII ann v . c . It. Vid . W. B., et soc. s. he. in quodam nemore
i, et Raimundam filiam dicte Bernarde, et plures alios de quibus non
inter Engarravacas et las Toelhas ; et vidit ibi Guarnerium patrem recolit ; et ipse t. et omnes alii ado . ibi dictos he. , et fuit eodem
ipsiust. : et pater suus adoravit ibi dcos he., et sunt XVIII anni, v . tempore. It. Vid . Bernardum Cap de porc et Donatum hereticum
c. II . Dix qd in exitu domus de na Riqua obviavit Raymundo de na in quodam loco prope Podium Busca , qui dicitur de la Fontanela ;
Riqua filio dicte Rique, et sociis suis hereticis ; et vidit ibi cum eis et vid . ibi cum eis Ar. den Duza , Bernardum Vital, Poncium
P. de Sancto Andrea vel Cap de porc, et Ar. Godalh ; et ipse t. ado . Laurencium , B. Marii , P. de Graissenx , et plures alios vel ali
ibidictos he . ; et sunt VIII anni, v. c . Predictos he. credebat esse quos alios de quibus non recolit; et ipse t. et omnes alii ado . ibi
bonos homines et habere bonam fidem , et posse salvari per ipsos , dictos he.,etfait eodem tempore . It. Vid . predictos he . apud Nogarols ,
quamvis sciret quod Ecclesia persequeretur eos; sed non audivit eos et vid . ibi omnes predictos ; et ipse t. et omnes pdicti ado . ibi
dicentes errores de visibilibus, quod Deus non fecerat ea : dehostia dictos he. , et fuit eodem tempore. It. Vid . in quadam barta que
sacrata, de baptismo, de matrimonio , de resurrectione carnis , non dicitur den Gauter prope de Mont Auriol , W. Cap de porc et
audivit eos loquentes , nec ipse credidit predictis erroribus. Et sunt socios ejus hereticos ; et vid . ibi cum eis P.de Cap de porc, fratrem
XVIII anni qd. primo credidit he. esse bonos , et sunt anni quod dicti Willelmi, et Galterium de Mont Auriol ; et ipse t. et omnes
dimisit omnino credulitatem illorum . Predicta omnia fuit confessns alii , etc ... eodem tempore. It. Vid . in quadam cabana prope fontem
fri Ferrario , Inquisitori , apud Limos, et omnia credit esse vera. Et de Falgairac , Willelmam de Falhota et soc. s. he., et vid . ibi P.
abjur , etc. T. predicti. Fabre de Cargodas, et Pages de Falgairac , et P. Bosquiera , etGui
P. ROGGER .
raldum del Vilar ; et ipse t. et omnes, etc... eodem tempore. It. Vid .
Item . Annoet diequo supra , P. Rogger, t. j., dixit qd vidit in domo predictas hereticas inter Falgairac et Seguervila ; et vid . ibi Pages
W. Vital., Bertrandum Martini et soc. suos he .; et vid . ibi cum eis de Falgairac ; et ipse t. et dictus Pages adoraverunt ibi dictas here
W. Bru et Aymengardam Boeira, et Seguram uxorem W. Vital ; ticas , el fuit eodem tempore . Predictos hereticos , etc... et esse ve
sed non adoravit nec vid . ado., et sunt VII anni v. c. It. Vid . in do. races et amicos Dei , et posse salvari , etc... Et audivit eos dicentes
;

Stephani de Rosengue Raimundum Jaulei et soc . s. he. ; et vid . ibi errores ; de visibilibus, quod Deus non fecerat ea ; de hostia sacrata ,
cum eis Ar.Godalh , et P. Cap de porc, etGuarnerium , et Raimundum qd non est corpus Christi vel Domini ; de baptismo et matrimonio ,
Amielh ; et ipse et omnes alii ado . ibi dictos he., sed non flexis geni qd non valent ad salutem ; de resurrectione carnis , qd non erit; et
bus , sed inclinavit se eis , sed non dixit bene ; et sunt duo anni ipse sicut ipsi dicebant. Et sunt VI anni, v . c. qd primo cred . ,
V. c . Predictos he. credebat esse bonos homines , et habere bonam etc. , sed non credidit postquam fecit confessionem suam de heresi
fidem , et posse salvari per ipsos , licet sciret qd Ecclesia perseque fratri Ferrario et soc. s. Inquisitor. apud Limos. Predicta fuit con
retur eos : nec audivit eos dicentes qd Deus non fecisset visibilia . fessa dicto Ferrario et plura alia de quibus non recolit, sed omnia
De hostia sacrata , de baptismo, dematrimonio nec de resurrectione credit esse vera . Et abjur. he. et jur. , et ceterum . T., predicti.
carnis , non audivit eos loquentes , nec unquam audivit predica ARNALDUS DURAN.
tiones eorum ; et sunt VIII anni v . c. qd primo cred . he. esse bonos , Item . Anno et die quo supra , Duran , t. j., dixit qd nunquam vidit
sed sunt quatuor anni qd non cred .. Predicta omnia fuit confessus he., nec cred. , etc.
fri Ferrario et soc. suo Inquisitoribus apud Limos, et plura alia de ... Bernardus Duran , frater Arnaldi... W. del Puh ... id. qd Ar.
quibus non recolit : et omnia cred . esse vera. Et abjur. etc... T. Durandi.
predicti. Item . Anno et die quo supra , Ar. Fabri, t. j., dixit qd vidit he .
ARNALDUS DE NA MAMEL .
publice stantesapud Mansum , sed non adoravit nec vid . ador; et sunt
Item . Anno et die quo supra, Ar. de na Mamel , t. j., dixit qd XX anni... Alibi non vidit, etc.
vidit he. publice stantes apud Mansum , sed non ado . , nec vid . ado Item .... Johannes Ayners ... qd nunquam vidit he. nisi captos,
rare , et sunt XXX anni , v . c. Alibi non vid . he. , nec cred . , nec nec cred ., etc.
ado . , etc.
.... Poncius Belenger ... P. Sicre ... id . quod J. Ayners.
. W.del Pont, senior... vid . he. stantes per terram . sed , etc.... WILLELMUS DE CANAST.
RAIMUNDUS DEL PONT. Item . Anno, etc. W. de Canast, t. j., dixit qd vidit Bertrandum
Item . no et die quo supra , Raimundus del Pont, t. j., dixit Marti et soc. s. he. in domo ipsius t. propria ; et vidit ibi Jorda
qd vid . in domo P. de Cap de porc Bernardum Cap de porc , fratrem num del Mas , P. B. Mazeler , Jordanum de Quiders, et Willelmam
dicti P., et soc. s. he.; et vid . ibi cum eis R.Gauta , W. de Canast Meta matrem dicti Jordanis, Raimundam , matrem WillelmiGer
Brus , Willelmam uxorem Arnaldi Godalh , et W. de Rozerges, mani, et plures alios de quibus non recolit ; et ipse t. et omnes alii
Geraldum del Vilar, et Pages de Falgairac , et plures alios de quibus
ado . ibi dictos he., ter flexis genibus, dicendo bene :Bonihomines orate
non recolit , et omnes et ipse t. ado. ibi dictos he., ter flexis geni Dominum pro nobis. et sunt X anni, v. c. It. Vidit predictos in dicta

-
9

domo ipsius t., et vidit ibi P.Gauta seniorem , etGuarnerium et Poncium nes Badias, defunctus,WillelmusSicresa , P. de Malhorgas filius dicti
filium Guarnerii, et Flors uxorem Jordani del Mas , et Willelmam W.de Malhorgas. Et ipse t. et omnes alii,etc.etsunt XIX anni, v.c.
Meta , Bertrandum et Jordanum de Quiders, et plures alios de quibus It. Dix . qd dum dictus W.de Malhorgas melioraretur recognovit quod
non recolit ; etipse t. et omnes alii audieruntpredictos he. et ador. male acciderit ei quare fuerat hereticatus, et comedit carnes, et fecit
eos , et fuit eodem tempore . It. Vid . in eadem domo Bernardum de se portari ad abbatiam de Bolbona, etmortuus fuit ibi et sepultus, et
Mairevila et soc . s. he; et vid . ibi cum eis Guaillardum del Mas, et fuit eodem tempore. It. Vid . in domo W. Vital, Ar. Pradier et soc. S.
Folio 8. Flors uxorem ipsius Guaillardi, Jordanum del Mas, et Barravam he., et ... cum eis Ar. Garnerii filium Garnerii, Petrum Barrau et
uxorem . Bernardi Barravi, et Ar. de Canast, avunculum ipsius t ., ipsum W. Vital., et Seguram uxorem ipsius W. Vital., et ipse t. et
qui morabatur in dicta domo cum ipso t., W. Vidal, et plures alios omnes, etc. etc., sunt VI anni. Predictos he. credebat esse bonos
de quibus non recolit; et ipse t. et omnes alii ado ., etc... eodem homines et habere bonam fidem , et esse amicos Dei et veraces, licet,
tempore . It. Vid . in eadem domo sua P. Bolbena et soc . s. he., et etc , et si moreretur tunc, velletmori in manibus eorum : et audivit
vid . ibi cum eis Ar de Rozerge, Stephanum de Rozerge, fratres , W. eos dicentes quod Deus non fecerat visibilia , et qd hostia sacrata non
de la Selva , et Petronam Fabrissam uxorem Arnaldi Fabri de erat corpus Christi, et qd in baptismonec matrimonio non erat salus,
Milhas, etR. Faure filium dicte Petrone, Mateuz uxorem Bernardi et qu carnis resurrectio non erit ; et ipse t. credebat tunc sicut ipsi
Faure de Rana vila , et Bernardum filium dicte Mateuz, et plures alios dicebant. Et sunt XXV anni quod primo credidit he. esse bonos,
de quibus non recolit ; et ipse t. et omnes, etc ... et sunt X anni, v . sed non cred . duo anni sunt. Predicta fuit confessus fratri Ferrario
c . It. Vid . pdictos he. in domo Ar . de Rozenge, et vid . ibi ipsum et socio s. Inquisit.apud Limos, et plura alia de quibus non recolit,
Ar. de Rozenge, et Bernardam uxorem ejus; et ipse t. et omnes, et omnia credit esse vera . It. Vid . in domo de na Rica , R.del Mas et
etc ... sunt XII anni, v . c. It. Vid . ibi in domo P. Cap de porc vel de soc. s. he., et vid . P. B. Mazeler, Ar. Maiestre, W.de la Sala et P.
sant Andreu , Bernardum de sancto Andreu fratrem dicti P.
Gauta et dictam Ricam ; etomnes et hic qui loquitur ado . pdictoshere
et soc. s. he., et vid . ibi cum eis R. Gauta , R. del Pont, W. ticos. Et abjur. he. et jur. et ceterum . T. predicti.
de Rozerge, Petrum de sancto Andrea , et Suzannam uxorem dicti, P. VITALIS .
P., Ar. Godalh , et plures alios de quibus non recolit; et sunt VI Item . Anno quo supra , VI kalendas Junii,P. Vitalis, t. j., dixit qd
anni, v . c. It. Vid . Bertrandum Marti et soc. s . he. in loco qui dici vidit Ar. Prader et soc. s. he . in quodam loco qui dicitur del Pon
tur de la Capela , et vid . ibi cum eisGuailhardum del Mas etPetrum tilho , et... cum eis W.Vital., et Bernardum Aichart, et Moretam ; et
Gauta seniorem ,Raimundum Gauta , Bernardum Aychart, Ar.Godalh , ipset. et omnes alii ado . ibi dicſos he. flexis genibus, ter dicendo bene.
et plures alios de quibus non recolit, et W. Vital, et P. Amiel et ipse Boni homines, orate Dominum pro nobis; et sunt VII anni, v. c. It.
t . et omnes, etc ... et audierunt predicationes eorum , et sunt VIII Vid . Bertrandum Marti et soc. s. he . in domo W.Vital., et... cum eis
anni, v. c. It. Vid . pdictos he. in domo Bernardi de Quiders, et vid . Bertrandum de Quiders et Petrum Gauta ; et ipse t. et omnes, etc.,
ibi Guallardum del Mas, et Jordanum del Mas, et B. del Mas, fra et sunt VIII anni, v. c . Predictos he. credebat, etc. licet, etc., sed non
tres, et ipsum B. de Quiders , Bertrandum de Quiders , Raimundum de
audivit dicentes errores. De visibilibus, de hostia sacrata, de bap
Quiders , Jordanum de Quiders, fratres, Gualhardum Amiel, w . tismo, de matrimonio nec de resurrectione carnis, non audivit eos
Vital , et Flos uxorem Gualhardi del Mas, et Saurimundam uxorem loquentes. Etsunt VIII anni qd primo, etc., sed non cred ., VIanni
B. del Mas, et uxorem Bernardi Barrau, et plures alios de quibus non sunt. Predicta fuit confessus fri Ferrario et soc. s. inquisit. apud
recolit ; et ipse t., et omnes alii audieruntpredicationes hereticorum Limos, et omnia credit esse vera, et abjur. he. et jur. etc. T. predicti
et adoraverunt eos ; et sunt XII anni, v . c. It. Vid . in do. Arnaldi Dixit etiam qd tempore quo venit ipse t. ad frem Ferrarium , B. del
Fabri de Milhas , P. Bolveda et soc. s. he., et vid . ibi cum eis W. Mas et Saurimunda uxor ejus et Jordanus de Manso , et Gualhardus
Vital et Peironam uxorem Ar. Fabri, et Raimundum filium ejus, et del Mas et Aribertus del Mas prohibuerunt ipsi t. quod non dice
omnes adoraverunt, etc ... et sunt VIII anni, v . c. It. Vid . apud los ret veritatem Inquisitor., et postquam rediit ab Inquisitoribus, dicta
Cassers Raimundum Gancis, diachonum hereticorum , et soc. s. he., Saurimunda predicta requisivit ab ipso t. si fuerat locutus ad eos de
et ... cum eis B. Bernardi qui venit ibi cum ipso qui loquitur : et ipsa ; et ipse t. respondit quod sic.; et tunc ipsa minata est ipsi t.
ado . eos, et comederunt et biberunt ibi cum dictis he. ; et inde ipse Et abjur. he. et jur etc. T. predictis.
t. et sociussuus iverunt ad quamdam cabanam querere Ar. Fabri R. VEZIAS .
et invenerunt eum ibi, sed non adoravit nec vid . adorare ; et sunt
XII anni, v . c . It. Vid . apud Cugmer in domo de na Gauzio , P. Item . Anno et die quo supra, R. Vezias , t. j., dixit qd nunquam

Bolvena et soc. s. he., et... cum eis ipsam Gauzion et Stephanum vidit he., nec cred ., etc. nec eorum predicationes audivit.
virum ipsiusGauzion ; et ipse, et omnes , etc, et sunt VIII anni, v . Omnes predicti quorum confessiones sunt negative abjurant here
c . It. Vid . in domo sua P. W.de Mont auriol et Donatum he. et... sim et jurant persequi hereticos, et jurant stare in Ecclesia . etc. T.
cum eis Ar.Garnerii filium Garnerii, P. Barrau et Bernardum Ade pdicti.
BENEEIT VITALIS .
mar, et plures alios , etc, et Petronam matrem ipsius t.; et ipse t., et
Item . Anno quo supra , V kalendas Julii, Beneeit Vitalis, t. j.
omnes alii, excepta matresua , ado.... et sunt VII anni, v . c . It. Vid .
dix . qd nunquam vidit he. nisi captos, nec credidit, etc.Iste abjur .
in eadem domo Bernardam et Brunam hereticas, et... cum eis
he. et jur., etc .. T. Ar., prior sancti Saturnini, et Ar. Cerda, et
Riquam , sed non ado . nec vid . adorare, et sunt VIII anni, v . c. It.
Helyas, ca. dairos, et frater B. Inquisit.
Dixit quod dum W. de Malhorgas avunculus ipsius t. esset infirmus
JOANNES AMELII.
in infirmitate qua decessit, voluit habere hereticum quihereticaret
ipsum , et inde ipse t. et W.Donati veneruntapud Laurac et adduxe Item . Anno quo supra , Kalendas Julii, Johannes Amelii de Manso
runt Raimundum Bernardi et soc. s. he. ad domum ipsius Willelmi sanctarum Puellarum , t. j., dixit se vidisse he. stantes publice apud
ubi jacebat dictus infirmus ; et dicti heretici hereticaverunt tunc Mansum , sed non adoravit eos nec vidit adorare. Alibi nunquam
dictum W. de Malhorgas avunculum ipsius t.; et interfuit dicte here he. nisi captos, nec cred . , nec ado. , nec dedit , nec misit eis adj.,
ticationi W.de Canast avunculus ipsius t., Durandus Badias et Johan nec duxit, nec receptavit, nec eorum predicationes audivit .
10

WILLELMA SICRESA . de Quiders, et Bertrandum de Quiders fratrem ejus, et dominam


Item . Anno predicto , V nonas Julii , Willelma Sic resa , uxor Metam matrem dicti Bernardi de Quiders, et Willelmum Vitalem , et
qondam den Sicre, 1. j., dixit se vidisse he stantes publice apud Man Seguram , et W. de Canast bru, et Ar. de Rozenge , et B. de Cap de
sum , sed non adoravit, et sunt XXXVI anni. It. Dix . qd audivit dici porc, et Ar. Godalh , et dominam Flors uxorem dicti Gualhardi de
qd W.de Malhorgas, victricus ipsius t.,hereticavit se., sed postea fuit Manso , que adduxit ipsum t. ibi ; et omnes etipse t. ado. ibi dictos
confessus, et reddidit se ordini Cisterciensi , et sunt XVIII anni. he., et audierunt predicationes eorum , et sunt XIIII anni, v . c . alibi
Alibi nunquam vidit he. nisi captos , nec cred ., etc. Et abjur. he. et nunquam vid . he., nisi captos. It. Dixit quod credebat he., etc,
jur. etc. T. prior de Manso sanctarum Puellarum , Arcialdus, archi et esse veraces et amicos Dei, et posse salvari per ipsos. Et nunquam
presbyter de Vauro , et Ar. Cerda , et fr. B. inquisit. audivit he. loquentes qd Deus non fecisset visibilia , et qd baptimus,
Item . Anno et die quo supra , Bernarda Sicreza , filia Willelme aque et alia sacramenta Ecclesia non prosint ad salutem . Et sunt
Sicrese, t. j.. dixit quod nunquam , etc., nec eorum predicationes au XIII anni, v . C., qd primo credidit hereticos esse bonos homines, et
Folio 9. divit . sunt XIII anniqd ultimo dimisit illam credulitatem . Et fuit confess us
RAIMUNDUS PITRELLUS. fri Ferrario apud Saxiacum , et postea non vidit he .. Et abjur . etc.,
Item . Anno quo supra , V nonas Julii , Raimundus Pitrellus filius T. qui in confessione Willelme Sicresia .
Ar. Pitrelh , t. j., dixit qd vidit apud Mansum , in domo P. de sancto RAIMUNDUS BERNARDI (1 ).
Andrea qui postea fuit he., R. de narriqua de Manso et soc . s. he., Item . Anno et die predicto, Raimundus Bernardi , i j., dixit se
et... cum eis Ricam matrem Raimundi heretici , et Companh , et vidisse apud Mansum in domo W. Vitalis, Bertrandum Martini et
Suzannam uxorem dicti P. de sancto Andrea predictum , sed ipse soc . e. he ., cum ipse t. venisset ad petendum quoddam debitum quod
t. non ado . nec vidit ado ., et sunt XII anni , v . C. Adjescit etiam debebat ipsi t. Petrus Fabri de Mont Auriol qui fecerat se hereticum ,
qd dicta Peirona adoravit ibi dictos he., ipso t. vidente. It. Dix . et.. cum eis Rixendam Petita, et Raimundum Dalamans juvenem , R.
se vidisse he. stantes publice apud Mansum , sed non ado . eos , et Amelii, et dictum W. Vitalem , et Seguram uxorem ejus ; sed ipse t.
sunt XXXVI anni , v. C. Alibi nunquam vidit he. , nec cred ., etc.., non ado . ned vidit adorare , et sunt XII anni et amplius. It. Dix . se
Et abjur. he . et jur. etc. T. qui in confessione Willelme Sicrese . vidisse casualiter apud Mansum in domo W. de Canast Bru , prope
Item ... Ar. Gasc... Nauda , amasia Raimundi dels Alamans... dictos hereticos et ... cum eis Bernardam uxorem W.Gasc , et Peiro
Willelma , uxor Dominici Lapassa ... Germana, uxor Johannis nam uxorem Ar. Fabri, et Peiro nam matrem dicti Willelmi de
Jordani... P. Bernuz ... Raimunda , uxor P. Bernuz.... dix . idem per Canast, sed ipse t. non ado . nec vid . ad., et fuit eodem tempore. It.
omnia quod dicta Bernarda Sicresa. Dix . qd cum ipse t. infirmaretur de quodam morbo quem habebat
Item . Anno et die predictis, Dominicus Lapassa , filius quondam in tibia , dictus W. de Canast consuluit ipsi t. quod quereret Ar.
Dominici Lapassa , t. j., dixit se vidisse he. stantes publice apud Fabri, hereticum , qui de illo morbo curaret ipsum t. Quo audito
Mansum , et sunt XXXVI anni; sed non adoravit eos. Alibi, nunquam ipse t. cum dicto W. de Canast venerunt apud Cassers et invenerunt
vidit , nisi captos, nec credidit, etc. ibi in quadam domo plures he.; et ibi ipse t. et dictus W. de
Item ... Willelma, mater Roggerii sartoris, t. j., dix . se vidisse he. Canast comederunt de herbis quas dieti heretici dederunt eis, sed
stantes publice apud Fanum Jovis, et sunt XXXVI anni et amplius. ipse t. non ado . eos nec vid . ado.. Etcum ipse t. et ds W. de Canast
Alibi,... nisi captos ; nec credidit, etc. non invenerent ibi dictum Ar. Fabri he., venerunt in quodam
... Willelmus Amplas ... W.Gari... Bernarda... uxor W. Amplas, nemore juxta Lantarium , et ibi invenerunt in quadam cabana dcm
... idem quod dictus Dominicus Lapassa . Ar. Fabri et socios e . he; et tunc dictus he. dedit ipsi t. herbas ad
Item ... Girmunda , uxor B. Roggerii, t. j., dixit qd nunquam vidit curandum morbum predictum , sed ipse t. non ado. eos nec vid .
hereticos, nisi captos, nec credidit, etc .., nec eorum predicationes ado ., et sunt XII anni et amplius. Alibi nunquam vidit he. nisi
audivit . captos. It. Dix . quod nunquam adoravit, nec credidit eos esse bonos
... Willelma, uxor W. Roggerii... Marquesa, uxor W.de Vil homines, nec esse veraces et amicos Dei , nec posse salvari per
mona ... W.Roggerii... RaimundusGasc, filius B.Gasc ... Raimunda, ipsos, nec audivit he. loquentes. Et fuit confessus fri Ferrario
uxor W. Mundinassa ... B Roggerii ... Paulus Anna... Bernarda apud Saxiacum , et postea non vidit he. Et abjur ., etc. T. qui in
confessione Willelme Sicresa .
Esquiva... dix . idem per omnia quod dicta Girmunda .
... B. Vezia textor, t. j., d . idem qd dicta Girmunda ,excepto quod GUALLARDUS AMELII.
vidit he. stantes publice in terram ... Raimunda, uxor B. Vezia ... idem ,
Item . Anno et die predictis, Guallardus Amelii, t. j., dixit se
excepto qd vidit he. stantes publice apud Mansum , et sunt XXXVI
vidisse de nocte apud Radell in territorio de Manso , W . Vitalem et
anni et amplius.
B. Cap de porc soc. e . he., et... cum eis W.Germani, Ar. Lapassa
W. Mundinassa... dixit se vidisse apud Mansum in domo
fratrem dicti Dominici Lapassa, P. Barrau , Jordanum de Quiders,
Gauzie Tersola, duos hereticos quorum nomina ignorat, sed non Poncium Rainardi, Poncium Gran , et W. de Rozenge, et alios de
adoravit nec vid . adorare, et sunt VI anni, v. C. Alibi... nisi captos, quibus non recolit; et omnes et ipse t. ado . ibidictos he., et audie
nec credidit , etc. runt predicationes eorum , et pacem acceperunt ab eisdem hereticis ;
W. GOTUER (1) . et sunt VI anni, vel circa VII. It. Vid . apud Mansum in domo W.
Item . Anno quo supra , kalendas Julii, W. de Gotuer , t. j., dixit Vitalis, Bertrandum Martini et soc . e . he ; et... cum eis R. Ameli ,
se vidisse de nocte apud Mansum in domo Bernardi de Quiders, Ber fratrem ipsius t., R. Dalamans, juvenem , et dictum W. Vital
trandum Martini, et soc. e . he,... et cum eis B. de Manso , militem , et Seguram uxorem ejus ; et omnes el ipse, etc. et audierunt, etc.
et Jordanum de Manso fratrem ejus, el Gualhardum de Manso , et B. et sunt XVIII anni, v . c. It. Vid . apud Mansum in domo Bernardi

(1) Hic dicitur esse catholicus et babuit neptem Arnaldi Pitrelli. ( 1) Hic dicitur esse catholicus.
11 -

de Quiders, Bertrandum Martini et soc. e., he ., et... cum eis Bertran Jordanum de Manso senem , et R. Gauta del Pla , et dominum P. de
dum de Quidersmilitem , B. de Quiders fratrem ejus, et Jordanum de sco Andrea, et Suzannam uxorem ejus; et omnes et ipse t, ado. etc.,
Manso , et Bernardum de Manso , et Gualhardum de Manso , et Pon etc., et sunt X anni, v. c. It. Dix . se vidisse apud Mansum in do .
Folio 10. cium Rainardi , et W. Vitalem et Seguram uxorem ejus, et alios, Bernardi desco Andrea, Johannem Cambitorem et soc. e.he., et... Ber
etc. et omnes ipse t., et audierunt etc., et sunt XII anni, v. c . nardum de Manso , militem , et P. Gauta senem , et R. den Amielh ,
It. Dix. se vidisse apud Mansum in domo P. de Sancto Andrea qui et Stephanum de Rozenge, et Ar. Godalh , et dictum B. de sco
alio nomine vocabaturCap de porci, Johannem Cambitorem et soc. e. Andrea , et Petronam uxor . ejus, et alios de quibus, etc. Et omnes et
he., et... cum eis B. de Manso militem , et Jordanum de Manso fra ipse t. ado... et audier... et pacem acceperunt ab eis , ; et sunt
trem ejus, et Garnerium senem , et P. Amelii fratrem ipsius t., XII anni, v. c. It. Vid . apud Mansum Bernardum Martini et soc. e.
et alios plures usque ad XXX vel XL de quibus non recordatur ; et he. in domo Bernardi de Quiders , et... Bertrandum de Quiders et
omnes et ipse i. etc., et pacem acceperunt ab eis , et sunt XII anni, Bernardum de Quiders fratrem ejus, et R. Bartholomeum , et W.
V.c. Alibi nunquam .. nisi captos. It. Dix . se credidisse he. essebonos, Moreta , et R. den Amielh , et Ar. Godalh , et W. Vitalem , et Poncium
etc., et habere, etc., et esse veraces et amicos Dei, et posse salvari per Rainardi, et alios de quibus non recordatur. Et omnes et ipse t.
ipsos. Et audivit loquentes qd Deus non fecerat visibilia , et qd ado... et audierunt... et sunt XIII anni, v . c. It. Vid . apud Man
baptismusaque nichil valet,et qd hostia sacrata non est corpus Christi, sum in do. W. Vitalis, P. Bolvena et soc. e. he. et... dictum W.
et quod in matrimonio non est salus, et qd mortui non resurgent; et Vitalem et Seguram ux. ejus, et Ar. Godalh , et Guarnerium senem ;
ipse t. credidit sicut heretici dicebant. Et sunt XII anni qd primo et... ado . he. et audierunt... et sunt XXXVI anni et amplius. It.
cred ... et sunt V anni qd non cred . Et fuit confessus fri Ferrario apud Vid . he. stantes publice apud Mansum , sed non ado. eos,; et sunt
Limosum , et postea vid . he. Et abjur., etc. T. predicti. XXXVI anni et amplius. Alibi nunquam vidit he. It. Dix . se
ARNALDUS Donat ( 1) . credidisse he., etc., etc., et esse veraces et amicos Dei, et posse sal
Item .. Anno et die predictis, Ar. Donat, t. j., d . se vidisse he . vari per ipsos. Et audivit he . loquentes qd Deus non fecerat visibilia,
stantes publice apud Mansum , sed ipse t. non ado. eos; et sunt XL et qd baptismus aque nichil valet , et quod hostia sacrata super
anni vel amplius. It. Vid . apud Mansum in do. W. Vitalis, Poncium altare non est corpus Christi, et qd in matrimonio non est salus, et
Bolvena et soc . e . he ., et... cum eis W. Vitalem et Seguram uxorem qd mortui non resurgent,; et ipse t. credebat sicut ipsi dicebant. Et
ejus, et P. Gauta senem ; et ipse t. et dictus P. Gauta ado... sed non sunt XXII anni qd credidit be . esse bonos. et sunt VIII anni qd
vid . alios ado., et sunt XIIII anni, v. c. It. Vid . in do. W. de non credidit. Et fuit confessus fri Ferrario apud Limosum , et postea
Canast Bru Bernardum de Mairevila ,et soc. e . he., et.. cum eis dictum non vid . he. Et abjur ., etc. T. predicti .
W.de Canast et Peironam neptem ejus, et Peironam matrem dci W., RAIMUNDUS AMELII (1 ).
et ibi ipse t. ado.; sed non vid . alios ado ., et sunt XIII anni., v. c.
Item . Anno et die pdictis, R. Amelii, t. j. d . qd vidit apud Man
11. Vid . apud Mansum in do . de na Rica , Raimundum de na Rica
sum in domo Bernardi de sco Andrea , Johannem Cambitorem et
filium dicte Rique. et soc. e.he., sed ipse t. non ado. nec vid . ado .,
alios tres hereticos quorum nomina ignorat, et... B. de Manso , et
et sunt X anni et amplius . It. Vid . apud Mansum extra villam juxta
Jordanum de Manso , et Aribertum deManso , milites, et Roggerium
capellam beati Michaelis , Bertrandum Martini et soc. e . he., et..
Sartorem , et Ar. Godalh , et P. de sco Andrea , et Susannam uxorem
cum eis Gualhardum de Manso , et R. Gauta del Plan , et Compa
ejus, et Poncium Barrau , et W. Vitalem , et W. Gasc, etGarnerium
Gaufre, et W. Vitalem , et W. Moreta , et Ar. Godalh , et P. Cap de
et filium dicti Garnerii medici, et alios plures usque ad LXX et am
porci, et P.Gauta senem , et alios de quibus., etc. et omnes et ipse
plius; et omnes et ipse t. ado . ibi diclos he. et audierunt pdicationes
l., etc, et audierunt, etc. et sunt anni et amplius. It. Vidit apud
eorum , et sunt XIII anni, v . c. Et in crastinum associavit predictos
Mansum in do. B. Roggerii, P. Bolvena et soc. e. he., et... dictum
he. extra villam . It. Vid .apud Mansum in do . W. Vitalis, Bertrandum
B. Roggerii et Gualhardam uxorem ejus , et Raimundam uxor. P. Martini -et soc. e . s. he., et ... W. Vitalem et Seguram uxorem ejus,
Fabri; et sunt XVIII anni ; sed ipse t. non ado.. nec vid . ado. Alibi et Galhardum Amelii, fratrem ipsius t. et R. de Alamans, juvenem ,
... nisi captos. It. Dix . se credidisse he. esse , etc. et habere, etc. et Et omnes et ipse t. etc., etc., et sunt XII anni, v. circiter. Alibi nun
esse veraces, etc. et posse, etc. Tamen non audivit he. loquentes de quam vid . he. nisi captos. It. Dix . se credidisse he.esse bonos , etc ...
visibilibus, nec de sacramentis Ecclesie; et sunt XX anni qd primo Et audivit he. loquentes qd Deus non fecerat visibilia, et qd baptis
cred ., etc., et sunt X anni qd non cred . Et fuit confessus apud
mus aque nichil valet, et quod hostia sacrata non est corpus Christi,
Limosum fri Ferrario, et postea non vid . nereticos. Il. Audivit dici
et qd in matrimonio non est salus, et qd mortui non resurgent, et
pd Ermengarda mater ipsius l. fuit heretica , et sunt L. anni. Et t.
ipse t. credidit sicut ipsi dicebant. Et sunt XV anni qd primo cred....
abjur. etc .. T. qui in confessione Willelme Sicresa .
X anni qd non credidit. Et fuit confessus apud Limosum fri Ferra
RAIMUNDUS CAUSITZ.
rio , et postea non vidit he. Et abj. he. et ceterum . T. predicti.
Item . Anno et die predictis, R. Causitz , t. j., d . se vidisse apud
P. WILLELMI.
Mansum , juxta capellam beati Michaelis, Bertrandum Martini et
soc. s. he., de nocte, et ... P. Gauta senem , B. den Amiel, W. Item . Anno et die predictis., P. Willelmide Rechaut, t. j. d . quod
Morela , Ar. Godalh , Gualhardum de Manso, W. Vitalem , R. vidit apud Mansum in domo W. Vitalis, Bertrandum Martini et soc .
Bartholomeum , et P. de sco Andrea, et alios de quibus non recorda e . he., et... dictum W. Vitalem , et Seguram uxorem ejus, sed ipse .
tur ; et omnes et ipse t. etc. etc., et pacem acceperunt ab eis; et sunt t. non ado. nec vidit adorare,; et sunt XX anpi, v . circiter . It . Vid .
X vel XII anni. It. Vid . apud Mansum in do. P. de sco Andrea qui apud Mansum in do . P. de sco Andrea , Joannem Cambitorem et soc.
alio nomine dicitur Cap de porc, P. Bolvena et soc. e . he., et... et. he. ; et... Ar Godal, et dictum P. de sco Andrea et Suzannam
uxorem ejus, sed ipse. t. non ado . etc., et fuit eodem tempore. Alibi

( 1) Sororius Arnaldi Pitrel.


Hic mansit apud Tholosam vel apud Auriacum . ( 1) Sororius Arnaldi Pitrel.
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nunquam vid . he.nisi captos, nec cre. etc ... nee audivit he. loquentes Mansum , in do . W. Vitalis, et... W. Vitalem et Seguram uxorem
de visibilibus, nec de sacramentis Ecclesie . Et fuit confessus fri ejus, et ipsa t. et omnes, etc .; et sunt XII anni. It. Vidit qd B.
Folio 11. Ferrario apud Limosum , et postea non vid . he. Postea dixit quod Martini et socius suus hereticus intraveruntdomum ipsius t., sed
qualibet vice quando vidit he. prediclos adoravit eos , ter flexis sine consilio ipsius t.; et cum eis venit Ar. Godalh qui ducebat eos,
genibus, dicendo bene. Et audivit eos dicentes quod Deusnon fecerat et venerunt ibiGarnerius, P. Gauta senior , Gualhardus de Manso
visibilia , et qd hostia sacrata non est corpus Christi, et qd matrimo et Flors ipsius Gualbardi ; et dictus B. Martini predicavit eos ibi ,
nium non estmeritorium , et quod mortui non resurgent. Et ipse t. et finita predicatione, he. et alii exieruntdomum ipsius, et nescit ipsa
credidit tunc sicut ipsi dicebant . Etcredebat eos esse bonos, etc., et t. de lie . quo iverunt, sed non ado.nec vidit ado. ; et suntXIII anni.
esse amicos Dei, sed non cred . XV anni sunt, et sunt XX anni qd It. Vid . Praderium et soc. e. he. in do . ipsius t., et... Jordanum de
primo cred. Et abjur. etc. T. predicti. Quiders, R. de Quiders, Jordanum de Manso qui adduxerat dictos
P. DEL CASTLAR . he. ibi ; et dictus Jordanus de Manso dedit eis ad comedendum in
do . ipsiust., et post prandium dicti heretici recesserunt, sed non ado .
Item . Anno et die predictis, P. del Castlar, t. j. d . quod nunquam
nec vid . ado ., et sunt V anni, vel VI. Predictos he. cred . etc., et ha
vidit hereticos nisi captos, nec credidit, etc... nec eorum predica
bere... et sunt XL anni qd primo cred . he. et suntXII anni qd ultimo
tiones audivit.
dimisit errores eorum . Alibi non vid . he. nec cred ., nec ado., nec
... Alissen , medica... W.Gailhart... dix . idem ... qd dictusP. del
comedit cum eis, necmisit eis adj. Et fuit confessa fri Ferrario . Et
Castlar.
abjur . etc. T. B. de Ladinhac, Silvester, ca. de Viridifo ., et fr B.
... W.de Villanova... dix. idem .
Inquisit., et P. Fresapa .
Fabrissa,uxor R.BernardideManso ... Bernarda, uxor quondam
W. P. BARBA .
W.Gastanh... Raimunda Saissaga , uxor quondam den Sauxas... Ber
narda , uxor quondam P. Feneilha ... W.Fenella ... B. Fenelha ... Ber Item . Anno et die quo supra , W. P. Barba senior, t. j. d . qd
narda , uxor quondam W. de Canels ... Bernarda , uxor Stephani vidit he. stare publice in terram , et sunt XX anni.Alibi non vidit
Gomberga... Bernarda , uxor Poncii Gauta ... Raimunda , uxor P. he., nec cred . etc ,. Et abjur., etc. T. Ar., prior sci Saturnini, et
Roggerii... Ar. Aycart... t. j. dix . idem per omnia quod dictus W. magister P. de Caramanh, et fr B. Inquisit.
de Villanova . PonciuS GARNERII.
... Raimunda de Manso , uxor quondam B. Roggerii ... Bernardus
Item . Anno quo supra , II idus Junii, Poncius Garnerii, t: j.d.
Dominici... Stephanus Gomberga... Lauressa , uxor W.Garnerii...t.
quod vidit he. in domo W. de Canast apud Mansum , et vid : ibi
j. dix . idem qd dictus W. de Villanova , excepto quod vid . he.
cum eis P. Gauta, Guarnerium patrem ipsius, Jordanum de Manso ,
publice stantes in terram , vel apud Mansum , et suntXXXVIanni et 1
W. de Canast, Flors, uxorem Gualhardi de Manso , Raimundam ,
amplius . uxorem B. Barrau ; et omnes, excepto ipso t., ado . eos ibi; et sunt
... Raimunda, uxor quondam Johannis Badi.... idem ... et sunt XL
X anni. Et statim ipse t. et omnes alii recesserunt, et dicti he.
anni et amplius.
remanserunt ibi. It. Vid . B. de sco Andrea et soc. s . he. apud
... Petrona , uxor Poncii Lobeira ... idem .... idem ... sunt XXXVII
Radelh , et... W. Resenge, Poncium de Rosenge, Jordanum de Qui
anni. Hec tenuit Rixen Bruna que fuit heretica in domo ipsius t., et
ders , Poncium Gauta, W. Germa, Ar. Godalh , P. Barrau, W.
fuit ibi capta .
Ayner, et alios... Et omnes et ipse t. ado. he. ibi; et sunt VIII
anni. Alibi non vid . he., nec cred ., etc. Predictos he. cred ., etc. et
Omnes predicti quorum confessiones sunt negative abjur. here
sim , et jur. etc. Testes. Ar., prior sancti Saturnini Gualhardus, habere, etc. Et sunt VIII anni qd primo credidit ipsos esse bonos,
et in eodem ino dimisit errores. Et abjur. etc. T. Ar., prior Sci
prior deManso , et Ar. Dastarac , ca. de Podio Laurentii.
Saturnini, et magister P. de Caraman , et fr B., Inquisitor.
WIELLELMA META (1) .
B. VEZIAT .
Item . Anno et die quo supra, IIII idus Junii, Willelma Meta ,mater
Item . Anno et die quo supra, B. Veziat, t. j., d . qd vid . he stare Folio 12 .
Bernardi et Jordani de Quiders, t. j. d . quod vidit na Garsen , matrem
publice in terram . Alibi non ... nisi captos, nec credidit , nec , etc.,
ipsius t., bereticam , apud Mansum , in domo propria dicte Garsen
nec eorum predicationes audivit.
heretice, publice stare , et ipsa t. pluries adoravit eam et vid . alios
adorare, sed non recolit nomina eorum qui adorabant dictam hereti ... P. Acer.. idem per omnia quod B. Veziani.

cam ; et sunt XL anni, v. c . It. Dix . qd in eodem tempore dicta R. FABER .


Garsen he. venit ad domum visitatum Nod de Quiders, filium ipsius Item . Anno et die quo supra, R. Faber de Milhars... vidit P.
1. qui infirmabatur; et abstraxit dem Nod a domo ipsius t. et fecit Bolvena et soc . s. he . in domo W. Vitalis apud Mansum , et... W.
referri ad domum suam et ibi hereticari, et infra tres dies mortuus Vitalem et Seguram uxorem W. Vitalis, Ar Godalh ,; etnon recolit
est hereticus, et ipsa t. non vid . ipsum quousque fuit mortuus. It. si adoravit eos vel non ; et sunt XIII anni.. It. Vidit he . apud
Vid . stare pluries he. publice in terram , et fuit eodem tempore . It. Mansum in domo P. Cap de porci, et... cum eis P. Cap de porc , Ar .
Vid . Bertrandum Martini et soc. s . he. apud Mansum , in domo Ber Godalh , et uxorem Cap de porc, sed non ado . ned vidit ado .; et fuit
nardide Quiders , et vid . ibi cum eis Jordanum de Manso , fratrem eodem tempore. Et fuit confessus aliis Inquisit. Alibi non vid . he .,
ipsius t., B. de Quiders, R. de Quiders, filium ipsius t., et plures alios nec cred ., etc., nec errores eorum audivit. It.Dixit postea qd pdictos
de quidus non recolit. Et ipsa t. et omnes alii adoraverunt eos, ter he. esse bonos homines et habere bonam fidem ... etc. T. qui in con
flexis genibus , dicendo bene: Boni homines, orate Dominum pro fessione Poneii Garnerii .
nobis. et sunt XII anni, v . c. It. Vid . B. Martini et soc. s. he. apud It. Anno quo supra , quatuor kalendas Marcii, predictus R. Faber
dixit qd in domo W. Vitalis vid . he. et adoravit eos ter in diversis
locis, flexis genibus, dicendo bene. T. W., ca. de Manso, Nepos cle
( 1) Soror est dom . de Manso . ricus, fr Johannes de Sancto Petro , Inquisit.
Cable des matièr
des es

Doole surune statutte en jais trouver dans la grotte du Saimvogeaw -d'Alcor womte de Sambucy- hazınçon .
2
Tvole surlagrotte de Samogcau Salw ., 8. Cartilhac
le
Junipfaque en impone sui saimk . Sulpice -de la - Pointe,W du trong
Sibliographie : Cousidération ,'sm P'influence Sey corporations de l'empire'zomam ,parM.Helin deX S
Lesgrand.com/Su demier Sour Guayenne,Mb.Pripes-Cazes 8
Isai historique surBuzet, No. Pulbi Ihaspel. ୨
Saint- Sulpice.de.la - Poiule), a . Su Browng 10

antiquités du Sahara algérien , 3 "Urmieur


Syecherches sur la munisulalique des Alaims,32 12
di pena Perigueux , 7. de Dirmeifhet Li. Gaueberet 12
Bibliographie rikospeelise
:

Chroniqu :de musle de Périgueus, 13 Dusan 15


Chroniquv arlisligue: Peiniles- series, l.3 V. Sw
quotes sul quelques coherdes archtologiques faites dans lesmou lagues S'Aubrac ( Oppidum .- lilis
lacusties . Stálion iomaine S'as°silamimi. - Puuines diverses'._ Voie S'Agrippa elvórciyallo .

wa mimo bordie So sepultures), 9" Pruniires


Bibliographiv rikospulive : Publications deqla Société des amis des sciences et ailede
ni ue 1/50
p ot r bonne commu urnal, etc.
J a c m e s le b r o n z e T r o u d é à Y v a par ro Vo , ek . alls de l'aregres
32
congurani,wi S'Uragon , ck ,pai M !ch: Se voustoulow , B.Pasan 38
L'imprimeric i voulouse,au XV ° $ vrº xvil viüles, par qru. O., barıcaus".Permaid , . Nur schech Oy
desdorsamis et Pes pelrois chez les Ivomains,parM.G. Kumben , é. lantailha
Vootes sur la destinaliou duurtains sommet de la Ibaite- dvireamesures foninutes !Pusarz. 39
del
mérovingiomes(visigothiques.)louvées a Gibel, zb.Dusan (1fia)
68
Chandelier émailfe du xins pičilc,aux armesSaphonse de Poitics , B.Dusao (oling)
49
Sony Venus S. Orvaries,Bemand Tugil
Chronique : le Monste S'histoire naturelle de voulouse, My Browser so
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há Psychistosouha,d. B Sil
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Grotte sitificielle aux environs de labruguicio ( vam ),Authu Saatut
56
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Etudes.S'archiologie primitive (1.- ugedela pierre travailler à grandsclass),9"7. B Nyrulut (18 hing
Epigraphic pyrinimne ,'Esw. Harry
Sails nowinus concernaub f'ägedela pierre, taillis,C .. 9. S'adfimar.( 11 fig.,'cave)
63
bu cipulture'Ye Jacob le-pielerin s'Arminie" à Périgueux,@ * b.Gaiz cosig.'
Ilu Semicu moi sur la collection Soulagoo,s, de lousade
douilles aux environs de Narbonne, Cournal ‫ور‬

7
Quouverte de galeries de mines de l'epogme gallo-romaine dino le varir,baron de Kvivières
Squelettes fminins de l'époque dureme,G di Martillet

Cowgisarcheologiques de Bosne, asi massion !S.gramme


chroinque arlisligne, L. Bs du F.
Garoselies de l'epoque Visigothe aw murce S. Nuarbonne:Savon de Swires
81

Noolice our undeniu cailovingien . frappi auGwy,A.Charfang.jugeau Vibunal civil su Puy 82


dos antiquitio d autres evinemely remarquables de la paroiſse de Sainh - Juliendu'bournel (ancie mamwas ) 88
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exyphialiou elvestíbulion d'une Juscription envers gudio consacrew sudicu Worthias
,église So fabége:
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Pálenogalines de l'Inguisition danslebauragais 6.Dusan
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Yoote sur la claſsification der ägas aulehistorique? a . Urutat
108
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de pičlie Jưau ... Po.du V. 103

Du style Sans les beaux ails, yule Huifon


119
Carles à jouer anciennes ft. Dusan
137
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Agrimstune du midi de la Gaule
Wing zagayoligar a la mort S. Svaymond VIIcombo de voulouse'. 5 Dusan is8
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Sibliogiaphie'.- Pronographie de la cathédrale Y'Urgel, par M.l'abbi Carriène
lide mon triglise jadis collegiate Si Saint Candino( 46" Garosime),pov My.Monel 160
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