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MÉLANGES

D'ARCHÉOLOGIE,
D'HISTOIRE ET DE LITTERATURE,
RÉDIGÉS OU RECUEILLIS

PAR LES AUTEURS DE LA MONOGRAPHIE DE LA CATHÉDRALE DE BOURGES

( CHARLES CAHIER ET ARTHUR MARTIN).

COLLECTION DE MÉMOIRES

sur l’Orfévrerie ecclésiastique du moyen âge, etc.;


sur les Miniatu res et les anciens Ivoires sculptés de Bamberg, Ratisbonne, Munich, Paris , Londres, etc.;
sur des étofles byzantines, arabes, elc. ;
sur des Peintur es et Bas-Reliefs mystérieux de l'époque carlovingienne, romane, etc.

Second Volume.

BIROTEOVE S. J.
de Fontaines
pur 60 - CHANTILLY

Fulica (miniature du British Museum .)

A PARIS .
CHEZ M * DE POUSSIELGUE - RUSAND , EDITEUR .
ME

rue du Petit- Bourbon Saint - Sulpice, 3.


1851

GIBLIOTHÈQUE S. J.
Les Fontaines
60 - CHANTILLY
LE PHYSIOLOGUS
OU

BESTIAIRE

Sit apud te honor antiquitati : sit ingentibus


factis, sit fabulis quoque. »
( Plin . Epist. VIII , 24. )

AVANT-PROPOS " .

L'opuscule qui sera l'objet des études suivantes n'aurait guère fixé mon attention si j'avais
voulu prendre pour modèle plusieurs de ceux qui ont eu occasion de le rencontrer sur leurs
pas jusqu'à ce jour. Les auteurs qui ont succédé aux Bénédictins dans la rédaction de notre
Histoire littéraire ont été conduits plus d'une fois à en dire au moins quelques mots ?, et 2

toujours ils semblent avoir eu hâte d'en finir avec cette singulière production, que tant d'ob
scurité environne. On pourrait présumer que les premiers rédacteurs eussent été moins dédai
gneux s'il leur avait été permis de poursuivre leur æuvre ; du moins s'étaient-ils contentés
d'ajourner la question 3, à propos d'un ouvrage qui pouvait les mettre sur la voie. Et comme
ils promettaient une critique du Bestiaire attribué à Hugues de Saint-Victor, il semble que
l'examen de ce livre les aurait pu conduire à des recherches sérieuses qui eussent rendu inu
tile le travail auquel seront consacrées ces pages. Toutefois il est permis de douter que leurs
vues aient été bien méconnues en ceci par leurs successeurs, et que cette matière eût paru
aux compilateurs primitifs mériter beaucoup d'étude. Déjà ceux-ci avaient été fort laconiques
à l'occasion d'un petit poème tout semblable * publié sous le nom d'Hildebert, et qui avait cer
tainement puisé à la source qu'il s'agit ici de faire connaître ;mais dans une circonstance bien
autrement faite pour exciter leur attention , deux de leurs doctes confrères ne s'étaient pas

1 Durant l'absence de mon collaborateur, qui voyage dans 221 , 422 ; xix, 311. Legrand d'Aussy avait frayé cette facile
l'intérêt de nos études communes, je publie cette introduction route dans les Notices... des mss. ( t. v, 275, svv. ) ; et l'on
à un travail qui ne la suivra pas immédiatement. Il s'agissait dirait qu'après lui nul n'a cru pouvoir se permettre de songer
de ne pas retarder la livraison actuelle ; et d'ailleurs ce volume à remettre en cause une affaire écartée par un juge si grare.
ne s'achevera pas sans que le Bestiaire y trouve place. L'es- Cor Aristarchi ! dirait à bon droit un Rittershuys.
pèce d'enjambement produit par cette introduction quelque 3 Hist. littér., XII , 68 (Hugues de Saint-Victor ).
>

peu séparée de son texte sera du moins un commencement 4 Hist. litt., XI, 373, sv. Un Supplement au tome xi, qui a
de réponse à l'empressement obligeant de plusieurs personnes été publié récemment avec la réimpression de l'ancien volume,
qui, sachant que notre travail sur le bestiaire était depuis avance bien peu la question ( p. 22, sv. ) , et n'indique même
longtemps rédigé, ont pris la peine de s'informer soit auprès pas les divers mss. latins que possède la Bibliothèque du Roi.
de notre éditeur, soit auprès de nous, si cet opuscule serait Cela n'est donc satisfaisant ni comme bibliographieni comme
publié prochainement. histoire littéraire. Je ne m'en plains pas autrement; car cette
2 Hist. littéraire de la France, t. xii, 498, sv.; XVI , 220, incurie excuserait en moi, au besoin , l'escès opposé.
86 MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE

montrés plus émus. Il s'agissait de compléter la publication des cuvres de S. Ambroise en


réunissant les écrits qui avaient (à droit ou àà tort) porté son nom , et le Physiologus est de ce
nombre ; mais les éditeurs se contentent de l'indiquer , et de dire qu'il a disparu depuis
longtemps. Dom Malherbe (si je ne me trompe ) s'était chargé de préparer une nouvelle édi
tion de S. Ambroise, lorsque la Révolution de 1789 vint briser ce projet avec bien d'autres .
Avait- il remarqué cette lacune, et cherché à la combler ? Il se pourrait bien que non , parce
que les ouvrages faussement attribués à quelque saint Père ont généralement été assez mal
vus par la critique un peu hautaine des Bénédictins de Saint -Maur, que préoccupait le soin
de leurs principales publications ?. D'ailleurs , qui sait jusqu'où avait pu être conduit le travail
préparatoire de cette édition nouvelle ; mais, supposé que les recherches eussent été avancées,
qui pourra dire ce qu'elles sont devenues ? i

Il serait donc très possible, assez probable même, que plusieurs hommes capables
déclarassent médiocrement fructueuses les heures employées à faire revivre un écrit si peu
remarqué par des gens qui devaient s'y connaître ) ; mais tous ne seront point si sévères sans
4
doute. L'habile orientaliste Tychsen * et le savant cardinal Maïs n'ont pas cru devoir négliger
des lambeaux de ce même livre , qui s'étaient trouvés sous leur main ; or ce n'étaient pour
tant que des lambeaux ou rien (mais rien ) n'est entier. Deux anciennes traductions tudesques,
après avoir attiré l'attention de Lazius et de Michel Denis Ⓡ, ont été reproduites plusieurs fois
depuis quelque vingt années par des compilateurs allemands, comme monuments primitifs
de l'idiome germanique ; et même le patriotisme de M. G. Th Græsse 7? va jusqu'à lui faire
présumer que le Physiologus pourrait bien avoir été primitivement rédigé en langue allemande.
Il n'en est rien , selon toute apparence raisonnable ; et s'il ne s'agissait que d'ainour-propre
gational, la France serait un peu plus fondée à s'attribuer le livre et l'auteur, puisqu'elle peut
produire plusieurs manuscrits, latins il est vrai, mais antérieurs de plusieurs siècles, et dont
deux (ceux de Berne) viennent probablement de Saint- Benoît -sur-Loire 8. Mais de pareilles
querelles seraient une simple plaisanterie, car le texte original doit plutôt avoir été grec. Je

Ambros.. Opp. , 1. 11, Prafal., fol. a iij rº. vère critique prétend reconnaitre dans le Bestiaire attribué
* C'était la maladie du temps , la critique d'alors étant sur- à Hugues de Saint -Victor des emprunts nombreux faits à
lout négative : au lieu de chercher à qui appartenait un ou- S. Pierre Damien . C'étail dire équivalemment qu'il n'avait
vrage, on était tout heureux et tout aise de faire voir plus ou pas pris la peine de lire avec quelque attention les pièces du
moins clairement) qu'il n'était point de l'auteur dont il avait procès ; et il est un peu coutumier du fait. Défiez -vous, disait
porté le pom dans des éditions précédentes. Mais de qui le comte J. de Maistre, de la science des gens qui n'ont point
était- il ? ce n'était pas la question. On nolait d'ignorance et de conscience.
de crédulité ses prédécesseurs ; assez joli résultat, dont on se 4 Tychsen, Physiologus syrus... , Rostoch, 1795.
tenait pour satisfuit. Et le public d'applaudir ; car la critique 5 Classicor. auctori e valic, codd. I. vi, 588, sqq.
celte critique là , un peu expéditive ) était à la mode. Or la 6 Cl. 11. Hoffmann, Fundgruben für Gesch . deutsch. Spra.
mode, c'est tout dire, et particulièrement en France . che , 1 , 17 ,
• Quant à l'avis de Casimir Oudin (Comment, de scripti. ? Lehrbuch ein . Literuergesch ... d, Miltelall ., 1 A. , 11 H. ,
eccl. , t. II , p . 1107 , s94 .), il peut bien compter comme étant S 58 (p. 539) .
de nulle valeur au inoins dans le cas présent; puisque le sé- 8 L'un et l'autre ont appartenu à Bongars.

1
BESTIAIRES , AVANT- PROPOS. 87

l'avais soupçonné dès l'abord, avant d'en rien connaître que le nom, puisque j'avais cru pou
voir le faire remonter jusqu'à Tatien ' ; et ce soupçon acquiert tous les jours plus de consis
tance à mes yeux .

Quoi qu'il en soit, quelle peut être l'utilité de cette exhumation tardive? Mais d'abord ,-et
ce n'est pas une consolation fort ambitieuse, - cela vaudra bien, par exemple, certaines fa
céties (comme on les appelle) dont je n'ai, à vrai dire, jamais lu que les titres, — c'est bien
assez --- ; et que l'on a réimprimé de nos jours avec toute sorte de coquetteries typographi
ques, comme si une première publication faite il y a trois ou quatre siècles n'était pas déjà de
trop peut-être. Tristes restes de la dissolution d'un moyen âge avorté au moment de mûrir !
Quelle si grande hardiesse y aura - t -il à fouiller vers les germes de quelques idées qui ont pré
occupé ce moyen âge si complexe et si mystérieux, lorsqu'on pardonne à d'autres de se com
plaire aux débris de sa décomposition ? On exhume avec une sorte de respect certaines dé
bauches du seizième ou du quinzième siècle ; et il faudrait des excuses pour avoir recueilli ,
même avec quelque superstition , les pieuses naïvetés du onzième siècle et du cinquième, si
ce n'est même du deuxième ! Ne fùt- il donc question que d'un opuscule ignoré, mais qui at
testerait, sans autres conséquences, de communes préoccupations de l'esprit humain à une
époque où nos connaissances historiques ne pénètrent pas encore très avant, il y aurait ce
pendant de quoi ne pas encourir le reproche d'inutilité laborieuse. Car l'histoire mêine de
de l'erreur est une vérité ; et c'est une noble propriété de l'esprit humain que la découverte
du vrai, à quelque ordre qu'il appartienne, lui soit une jouissance qui paie bien des labeurs.
Ce n'est pourtant pas quelque chose de si purement spéculatif qui a déterminé cette re
cherche du bestiaire, dont voici les premiers résultats. Elle a été amenée presque inévitable
ment par la poursuite du langage que tenaient à nos pères quelques anciens monuments
restés aujourd'hui sans voix ; enquête où c'est débonnaireté peut-être, mais conscience, de ne
vouloir admettre que les dépositions des vieux textes, lorsqu'il serait si expéditif de se borner
au témoignage d'une imagination résolue et à l'expertise d'une sagacité plus ou moins tran
chante . Quelques scènes d'une zoologie étrange , reproduites dans les vitraux par la pein
ture , ou par le ciseau du sculpteur sur les chapiteaux et les frises jusqu'au quatorzième siècle,
auront sans doute attiré souvent et parfois découragé la curiosité des observateurs attentiſs.
L'obscurité de ces énigmes n'a point de quoi humilier ceux qu'elle arrète, puisque pour l'an
tiquité païenne elle-même, exploitée depuis longtemps par des scrutateurs infatigables, le sa

+ Monogr. de la cathédrale de Bourges, Vitraux du trei- saurait soustraire l'archéologie des temps chrétiens à des con
zième siècle, n° 44 , sv . (p. 77-82) . ditions de travail que l'archéologie profane subit et porte si ré
2 Assurément on peut donner dans l'excès d'un côté comme solument. C'est d'ailleurs pour notre genre de recherches pré
de l'autre, et l'érudition a ses entrainements aussi bien que cisément que le grave Baronius disait dans la préface de ses
l'interprétation spontanée ; mais soit qu'il s'agisse de la valeur Annales : « Quod a recentiori auctore de rebus antiquis sine
des résultats, soit que l'on pesc les facilités de l'étude, rien ne alicujus vetustioris auctoritate profertur, contemnitur. »

1
88 MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE .

vant E. Q. Visconti, aussi modeste qu'habile, convient que la signification des figures d'ani
maux dans les monuments est encore un point fort obscur. Mais s'il y a loyauté à convenir de
ce que l'on ignore , l'honneur veut qu'on ne s'avoue pas vaincu avant d'avoir épuisé toutes
ses ressources ; or l'antiquité chrétienne pourrait bien recéler sur ce sujet certaines lumières
qui ont été refusées ou dérobées jusqu'à présent à l'archéologie profane. Lors donc qu'inter
prétant les vitraux de Saint-Étienne de Bourges (en 1842) , nous eûmes à interroger les anciens
textes sur la signification de quelques-uns de ces symboles, nous trouvâmes les auteurs pres
que unanimes jusqu'aux temps d'Origène, à se réclamer d'un Physiologus ? qui devait avoir le
secret de la zoologie mystique, et qui nous échappait au terme de nos investigations. Ainsi la
lueur s'évanouissait à l'instant où il semblait qu'elle dût nous faire atteindre l'objet de notre
curiosité. Il fallut bien alors suspendre cette poursuite, mais ce ne fut pas sans entretenir
le projet de revenir à loisir sur un travail dont la simple ébauche avait fixé l'attention de
M. Hurter 3. Quelque chose d'assez complet devait avoir existé au fond de tout cela ; en sorte
que , moyennant patience et recherches, il y avait chance d'arriver à un livre utile pour
l'intelligence des monuments chrétiens. Vers le même temps avait paru à Londres un Bes
tiaire anglo -normand rimé ; mais ce n'était là que l'ouvre du douzième siècle, et rien n'obli
geait d'y voir autre chose qu'une expression individuelle sans portée peut-être, et conséquem
ment d'un intérêt fort restreint. Restait toujours à savoir ce qu'avait été le Physiologus
allégué par les vieux textes. Si ce n'eût été cet accord des témoignages, on aurait pu croire
que ce nom indiquait tout simplement, par une sorte de personnification, la science du natu
raliste telle que l'antiquité l'avait transmise. On pourrait penser toutefois qu'il s'agit peut-être
uniquement de quelque recueil de curiosités zoologiques, comme cette collection syriaque
qu'a publiée G. Tychsen, d'après un manuscrit du Vatican. Mais lorsque Tatien + nous an
nonce qu'il avait composé un traité sur les animaux, qui croira que ce génie impétueux et
animé d'un ardent prosélytisme a pu s'astreindre à une simple compilation scientifique ? En
outre , dès la première fois que les papes prononcent solennellement l'exclusion de certains
livres », nous trouvons un Physiologus noté dans ce décret comme ouvrage des hérétiques ; et
l'orthodoxie n'avait sans doute rien à voir dans un écrit de pure zoologie , quelque bizarre ou
fabuleuse que son auteur l'eût faite. Rédigé par un hérétique ou un athée , il n'importe ; ce

1 E. Q. Visconti, Esposizione... ď un antico musaico (di tendu me fut un encouragement à rechercher dès lors les
Poggiomirteto ), p . 8 . moyens de compléter des aperçus qu'il avait fallu jeter à la
2 Vitraux de Bourges, n° 44 , 52 , 53, 70-72 ( p. 77-81 , hâte en continuant un ouvrage où ils étaient de simples acces
96-102 , 127-132). Cet accord des auteurs à citer le Physio- soires.
logus dès le temps d'Origène n'a pas échappé à Tychsen .. 4 Tatian . Or. ad Græcos (ed. W. Worth ), n ° 24 , p. 57 ; et
Cf. Phys. syr ., p. X. ap. Galland, cap. 15 (t. 1 , 650) .
3 Dans son Geburt und Wiedergeburt, l'historien d'Inno- 5 Concil . Rom. , A. 496. Cf. Zaccaria, Stor . polem , delle
cent III a pris la peine d'analyser un fragment de ces pre- proibiz. de' libri, p. 33-56. Sedulii Opp. ed. Arevalo,
mières recherches tiré à part avec le titre : Sur quelques p. 424 , 438. Mansi, SS. Concil. supplem ., t. 1 , p. 374. -
points'de Zoologie mystique. Cet honneur tout à fait inat- Bianchini, Anastas. Vilt, roman . pontif., ti iv, lxvii.
BESTIAIRES, AVANT-PROPOS. 89

traité ne pouvait éveiller la sollicitude de l'Église que par des manifestations d'athéisme ou
d'hérésie. Comme d'ailleurs le décret dont il s'agit ne prononce guère que sur des ouvrages
qui avaient passé pour édifiants, au point même d'être parfois regardés comme propres à une
lecture publique dans les réunions des fidèles, il est évident que de la simple histoire natu
relle n'y aurait pas obtenu la mention qu'on en fait.
Le Physiologus si mal noté par S. Gélase, et sans doute aussi celui de Tatien (car il semble
bien que ce soit une seule et même chose), étaient donc très probablement un bestiaire mo
ralisé ; en sorte que les propriétés plus ou moins bizarres que l'on y attribuait aux êtres infé
rieurs n'y figuraient que pour amener des applications morales à la conduite de l'homme,
en manière de ce que l'on a nommé depuis les leçons de la nature ' . Que ce livre renfermât,
avec ces leçons de la nature, des erreurs ou des passages susceptibles d'interprétations hété
rodoxes, ce sont deux choses tout à fait compatibles, ainsi que je l'ai fait voir ailleurs ; mais
il y aura lieu de revenir plus tard sur ce point, car tout ceci n'est qu'une entrée en matière ,
et pour cette fois il semble bon de se borner à faire connaître le texte tel qu'il a pu être
établi . Plus tard , et même dans un autre volume, afin qu'il soit plus aisé d'avoir en même
temps sous les yeux l'ancien opuscule et son commentaire, on trouvera des considérations
qui pourraient ici entraver notre marche. De rapides observations sur l'origine des récits qui
ont fourni le fonds du Physiologus seront seules admises aujourd'hui ; et ces bases établies , il
sera temps de montrer non plus les précédents du Bestiaire, mais son influence sur les âges
postérieurs. La seule fusion des différentes sources qui concouraient à la rédaction du texte
exigeait déjà bien assez de notes pour réunir sous les yeux du lecteur les matériaux d'une
bonne critique , il a fallu ajourner presque tout le reste.
Trois manuscrits seront les principaux guides. Il en existe d'autres peut-être aussi impor
tants, quoique non pas à Paris, ce semble ; mais pour en profiter, il eût fallu des voyages
et des lenteurs dont le résultat eût bien pu ne pas payer la peine. De même, bien que j'aie
appelé à mon secours quelque texte imprimé, je n'ai guère tenu compte des ressources que
pouvait offrir entre autres Barthélemy de Glanvil. L'agglomération des variantes n'est pas un
labeur à quoi semblent devoir sourire beaucoup les lecteurs français ; tel qu'est ce travail , je
me tiens pour assuré d'y dépasser la patience de plusieurs, et c'était une chance qu'il importait
de ne pas aggraver.
Un manuscrit de la Bibliothèque royale de Bruxelles ? , que les auteurs du catalogue regar
dent comme appartenant aux dernières années du dixième siècle , a fourni un texte générale

1 Dans l'antiquité classique même nous voyons Élien se pro- peine que je prononce son nom , craignant sans doute qu'un
poser souvent un but assez semblable. mot de plus ne devienne un éloge de son obligeance et de la
2 Il est colé 10074, mais relié avec les nºs 10066-10075 et modestie avec laquelle il dissimule en quelque sorte ses sé
autres. J'en dois la connaissance à M. Stengel, qui permet à rieuses études sur le moyen âge.
12
90 MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE .

ment bon, mais trop souvent tronqué. Deux autres, du cabinet de Bongars, actuellement à la
bibliothèque de Berne , étaient fort bien indiqués par le catalogue de J. R. Sinner ' , et ils ont
suppléé fréquemment aux lacunes du manuscrit de Bruxelles. Leur texte est le plus souvent
fort maltraité et parfois presque inintelligible ; mais ayant fait exécuter, à la fin de 1843 , une
copie signée par M. Alb. Jahn qui en garantissait la fidélité scrupuleuse, je m'y suis aban
donné avec sécurité, comme appuyé sur une base solide. Aussi préférerai-je la leçon de
cette copie à celle que donnent les extraits publiés par Sinner, lorsqu'elles différeront l'une
de l'autre .
Les manuscrits de Berne sont bien moins deux exemplaires d'un seul texte que comme deux
traductions, plus ou moins libres, d'un même original . Dans certains articles ils paraissent
copier un modèle commun , tandis que dans d'autres ils se ressemblent à peine * ; et il est
des sujets qui sont exposés fort longuement dans l'un , sans figurer en aucune façon dans
l'autres . Ainsi le plus complet a besoin de celui qu'on aurait pris volontiers au premier
coup d'eil pour un abrégé. Mais lors même qu'ils semblent guidés par une seule pensée , on
reconnaîtra qu'il n'était pas inutile de les faire marcher de front. Le plus étendu et le plus
généralement conforme au manuscrit de Bruxelles est reporté par J. R. Sinner jusqu'au
huitième siècle, ce qui est bien peut -être lui faire beaucoup d'honneur ; mais je ne l'ai point
vu , et je n'ai point caractère pour réformer les jugements des paléographes. Il est in - folio , et
coté 233. Le second (in-1°, 318) est marqué comme appartenant au neuvième siècle ; ainsi
tous les trois seraient antérieurs aux manuscrits d'après lesquels on a publié les anciennes
versions allemandes 6. Voici les indications qui distingueront les manuscrits latins employés
pour le collationnement ; car un manuscrit latin du British museum (Harley. , n° 4751 , trei
zième siècle) , qu'il faut cependant mentionner , n'a été mis à contribution que pour un cer
tain nombre de miniatures qui seront imprimées çà et là dans notre texte 7 :
A. Manuscrit de Bruxelles , 10074.
B. Berne, 233.
C. Berne , 318.

D. Manuscrit de Paris : Bibliothèque du roi® , mss. lat ., 2780 (premières années du trei
zième siècle) .

1
Catalog. codd. mss. bibliothecæ bernensis, p. 128-136. 6 Cf. H. Hoffmann, Fundgruben ... t. I , 17.
2 Outre la garantie du nom de M. Jahn et de son témoi- ? La manière fière et large de l'artiste nous a paru mériter
gnage positif ( accuratissime descripsit), il était facile de cet honneur, quoique ses dessins semblassent assez souvent
reconnaitre aux notes nombreuses qui accompagnaient cha- simple affaire de fantaisie individuelle.
que page de la copie que l'attention y avait été poussée jus- 8 Les planches, comme le texte de ce travail, étant termi
qu'à ces minuties qu’un paléograpbe seul sait apprécier. nées bien avant la chute de Louis- Philippe, il eût fallu beau
3 Tel est par exemple l'article du Charadrius. coup de relouches pour l'unique avantage d'aboutir à un faux
4 Le nycticorax est de ce nombre. air de dates républicaines. Je m'en suis donc tenu ( texte et
5 Il suffit de citer d'une part l'article cerobolim, et de l'autre planches) au statu quo ante. Ceci soit dit une fois pour
le paradexion ou le lapis indicus. loutes, et Honny soit qui mal y pense.
BESTIAIRES, AVANT - PROPOS 91

E. Manuscrit de Paris : Bibliothèque du roi, supplément latin, 292 bis ( fin du treizième
siècle ) .
J'ajoute sous la désignation F, le texte imprimé de Vincent de Beauvais (speculum natu
rale, Douai, 1624) auquel j'aurai recours çà et là , mais très sobrement : m'étant con
vaincu que son Physiologus, dont il ne cite d'ailleurs que des extraits, était déjà fort
altéré par des compilateurs malencontreux.
Pour le texte français en prose :
P. servira quelquefois à marquer le manuscrit de l’Arsenal , qui sera bientôt signalé
( p. 94 , en note) avec plus de détail.
R. Manuscrit de la Bibliothèque du roi , mss. franc ., 72153 (quatorzième siècle) .
S. Manuscrit de la même collection , n ° 7284 3.3 (quinzième siècle) .

Les dernières lettres de l'alphabet indiqueront les manuscrits de la Bibliothèque du roi ,


qui ont été consultés pour le Bestiaire français rimé ; comme il suit :
V. Mss. franç., 72685 A5 ( première moitié du treizième siècle ).
X. Fonds N.-D. , 273 bis (Aº MCCLXVII°).
Y. Fonds Saint-Germain , franç., 1985 (Aº MCCCXXXVIII") .
Z. Mss. franç., 7535 ; fol. cclij, v°, etc. (premières années du quatorzième siècle) . Ce
dernier est le seul (entre les quatre exemplaires cités du Bestiaire rimé) où chaque article
soit accompagné de miniatures ; et comme elles ont peu d'importance, la gravure n'en re
produira qu'un choix assez restreint. Les peintures de P. et celles d'un manuscrit de la Bi
bliothèque du roi (S. F. , 632 25) qui n'a point servi pour le collationnement, ont seules paru
dignes d'être données presque en totalité. Treize planches, sans compter les gravures sur bois,
c'est un contingent bien passable.
Toutes les autres désignations par lettres capitales seront de simples abréviations faciles à
traduire, et dont le sens sera donné quand l'occasion d'en faire usage se présentera ( T. ms.
de Tolède , etc. ) .
La ponctuation et la coupe des mots ne seront pas transportées scrupuleusement dans
l'imprimé ? ; mais l'orthographe a été assez exactement suivie ; bien que , sans doute , l'habitude
eût donné plus de fixité à un paléographe de profession. Ceux qui savent ce que c'est que la
recension des manuscrits seront probablement les moins sévères ; et pourquoi se mettrait -on
en peine des autres juges ? Comme du reste les gens du métier eux-mêmes ne sont point
totalement d'accord entre eux aujourd'hui sur le degré d'asservissement auquel doit se ré

1 Nul ne regrettera sans doute de ne pas trouver exacte- aspido. Testudo cæcus ergo. est magna habens. super
ment reproduites une foule de curiosités semblables à inde corium, etc. ( ...quæ dicitur aspido -testudo. Cetus ergo est
uteronomio (in Deuteronomio) , inquidanima liasunt ... in- magna, habens super corium ); etc. , etc. Voilà ce que je me
quit, animalia sunt) , necor distui (ne cordis tui) , quæ dicitur suis permis de changer. Est-ce un grand délit?
9
.

92 MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE ,

duire un éditeur de vieux textes , le parti mitoyen a droit d'attendre de l'indulgence. A qui
accorde que les Baluze et les Sirmond n'ont pas été des éditeurs absolument parfaits, on per
mettra de croire aussi que ce n'étaient pas non plus des apprentis dont toute la manière soit
à changer de fond en comble . Que cela suffise. Il y aura certainement des hommes qui trou
veront que je n'en ai point fait assez, et d'autres qui jugeront que j'en ai fait trop ; je m'y
attends et m'y résigne : de plus habiles n'ont pas eu le bonheur de contenter tout le monde.
Les leçons que je parais adopter, pour ne les avoir point rejetées dans les notes , forment
une sorte de pastiche composé de phrases prises aux diverses sources où je puisais, mais
déterminé bien plutôt par le désir de faciliter les indications de variantes que par le choix
d'un texte préférablement à tout autre. Je dispose les pièces du procès comme je l'entends,
mais le jugement demeure réservé à qui il appartiendra.
J'insère dans le texte latin l'indication des passages puisés dans l'Écriture sainte , et je sou
ligne les paroles qui lui sont empruntées. Pour le français, je prends la liberté d'ajouter des
accents, des trémas et des cédilles. Partout je ponctue comme le sens me paraissait l'exiger,
et je substitue çà et là notre j (i long, ou i consonne) à l’i simple qui régnait seul . Tout cela ,
quelque peu que ce soit, ne laisse pas de former une sorte de glose , et il n'y en aura point
d'autre ' . Cependant pour les mots du vieux langage français qui sont tombés en désuétude ,
ou dont l'acception a changé avec le temps , quelques indications de mots semblables, encore
en usage dans les langues voisines de la nôtre , pourront aider à reconnaître le vrai sens.
Ces rapprochements ne veulent point dire ni que le français se soit formé de l'italien , de
l’espagnol , de l'allemand actuel , etc. , ni que ces langues soient sorties de la nôtre ; ces divers
idiomes ont puisé jadis à des sources communes , et chacun d'eux ne s'explique complétement
que par le recours à son origine ou aux dérivés qui la représentent. Quantité d'expressions,
expliquées ou non par les lexiques, s'interprètent beaucoup mieux par cette voie , si je ne me
trompe, que par toutes les définitions et circonlocutions des lexicographes ou des étymologistes
(du moins de ceux que nous avons en France jusqu'à ce jour) . Dans ces indications, ce qui sera
désigné comme latin sera souvent de la basse latinité ; on le devine aisément d'avance.
Le PhysioLOGUS, en dépit de la flétrissure que lui avait imprimée le décret de S. Gélase, se
maintint, ou se releva plus tard avec quelque honneur, et ne commença peut- être à déchoir
dans nos contrées que vers la fin du douzième siècle, quand l'insertion de ce décret dans la
compilation de Gratien ” répandit avec un caractère officiel la connaissance de cette réproba

1 Il eût été plus sévère d'exclure absolument les signes or- moyens d'interprétation qui seraient inutiles pour des hommes
thographiques modernes, dont l'emploi est pour le moins ar- habitués aux anciens monuments de notre langue.
bitraire dans un texte ancien. Mais tous ceux que celte publi- 2 Dist. XV, c. Sancta R. ecclesia. C'est aussi avant cette
cation peut intéresser sont-ils familiarisés avec notre vieil époque que se rencontrent souvent dans les écrivains ecclé
idiome ? Je crois que non ; et c'est pourquoi j'ai adopté non siastiques du moyen âge des emprunts faits aux livres apo
seulement bien des signes modernes, mais aussi plusieurs cryphes signalés par ce canon. A partir du treizième siècle ces

1
93
BESTIAIRES, AVANT-PROPOS.

tion. C'est du reste précisément l'époque où nous voyons les données du Bestiaire perdre du
terrain dans la sculpture des églises , et des remaniements de l'ouvre primitive chercher à la
supplanter ou à modifier son enseignement. Jusque-là, frappé en vain par une sentence qui
pouvait passer pour non promulguée, déjà même purgé peut-être de quelques-unes des doc
trines dangereuses qui s'y étaient glissées dès l'origine ' , il obtint assez de crédit pour ren
contrer des interprètes qui le firent passer de bonne heure dans les langues vulgaires. L'Alle
magne devait nous précéder dans cette œuvre de popularisation , parceque ses diverses tribus,
auxquelles leur idiome rendait le latin moins accessible , éprouvaient le besoin de parvenir
aux connaissances répandues par le christianisme, sans avoir à passer par l'étude des langues.
Aussi voyons-nous les dialectes germaniques se plier promptement à toutes sortes de formes
sous l'influence de l'Église ?, lorsque les nations du midi n'étaient guère occupées encore
qu'à percer et å rompre l'écorce latine pour s'en approprier les débris transformés. Nous
trouvons des traductions allemandes du Physiologus dès le onzième siècle ; et ces versions , en
quelque sorte prématurées, doivent d'autant moins nous surprendre que c'est là précisément
l'époque où la sculpture paraît s'être inspirée davantage du Bestiaire. Chez nous, la plus
ancienne version du Physiologus qui soit connue est en vers , et a pour auteur Philippe de
Thaun , trouvère normand des premières années du douzième siècle. Quelque cent ans plus
tard , un autre trouvère normand, Guillaume, rimait de nouveau le Bestiaire ; et presque au
même moment un clerc picard 3 le délayait en prose du Beauvoisis. Ces diverses élaborations
ne sont pas seulement curieuses comme monuments du vieux langage, et cela seul leur
donnerait bien le droit d'appeler l'attention tout aussi justement que mainte autre pau
vreté plus ou moins ancienne; elles importent en outre à la connaissance du texte original ,
comme moyen de vérification . Toutes s'accordent sensiblement sur le fonds, et chacune
d'elles a quelques parties qui lui sont propres; comme si jamais deux de ces auteurs n'eus
sent eu sous les yeux un même modèle. Quelque chose de pareil se voit dans les variétés que
présentent les exemplaires latins comparés entre eux . Pour dégager ce qu'il y a de primitif
en constatant ce qu'il y a d’universel , afin d'arriver plus tard à la publication du véritable
texte grec , on ne saurait trop multiplier ces parallèles. Il convenait cependant d'être sobre
dans cette première tentative, d'autant qu'une publication anglaise « fort récente nous dis
pense de songer à Philippe de Thaun . Réduits à Guillaume le Normand et Pierre le... Picard
légendes équivoques sortent généralement de la littérature des pages qui ne valent pas davantage. Du reste, que l'on af
ecclésiastique sérieuse pour passer dans la littérature popu- firme tout ce que l'on voudra, pourvu qu'on le prouve.
laire, où elles sont accueillies avec faveur sur leur réputation 2 Cf. Rud. v . Raumer , D. Einwirkung d. Christenthums
précédente de monuments authentiques. auf d . althochdeutsche Sprache.
1 Écartons ici le rapport qu'on pourrait chercher entre l'hé. 3 Il se donne le nom de Pierre dans les trois exemplaires
lérodoxie du PhysiOLOGUS et les doctrines suspectes de cer- que nous connaissons, et qui diffèrent l'un de l'autre en plu
tains constructeurs d'églises ; question très peu éclaircie, mais sieurs points (mss. P , R et S) .
qui demande une place à part. Car il est impatientant de voir 4 Th. Wright, Popular treatises on science, written du
semblables hypothèses décidées en un trait de plume, ou en ring the midle age (Lond. 1841), p. 74, svv.
94 MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE.

(comme je le suppose), nous ne primerons ni par la littérature ni par l'antiquité; mais le


Bestiaire en prose nous donnera lieu de remarquer une édition latine du Physiologus revu,
corrigé et augmenté, qui appartient au douzième siècle et à la France.
Le travail de Pierre le Picard (on peut bien lui hasarder décidément ce nom) , ayant plus
d'étendue que les autres, servira comme de souche. C'était la rédaction à peu près la plus
moderne ' qui fût d'abord à ma disposition quand je débutais dans ces recherches en 1842,
c'était par conséquent la moins bonne ; mais comme plus ample et très complète en minia
tures , elle offrait pour la disposition des articles en série continue un cadre quelconque
auquel je me suis arrêté, n'empruntant que certaines variantes aux exemplaires du qua
torzième siècle et du quinzième (Mss. R et S) que possède la Bibliothèque du roi , mais que
je n'ai connus d'ailleurs qu'après avoir fait mon plan.
Pour rapprocher de chaque article ceux des Bestiaires antérieurs, il a fallu bouleverser
l'ordre que ceux-ci avaient reçu dans les manuscrits ; mais tous différaient entre eux sous ce
rapport au moins par quelque endroit, et nul système ne pouvant être sans inconvénient,
celui-là n'avait pas l'air d'être le pire. Aussi bien il y sera remédié jusqu'à un certain point ,
soit par les indications qui vont suivre , soit en conservant aux articles déplacés le numéro
d'ordre qu'ils avaient (ou devaient avoir) auparavant.
Les lettres placées entre parenthèses près des titres, dans la publication du texte, renvoient
aux miniatures reproduites par les planches gravées.
Commençons les tables des matières par la seule qui se trouvât toute faite dans le manus
crit ; c'est celle de B. Elle y vient immédiatement après le titre général du livre, et les chiffres
y sont généralement assez exacts, tandis qu'ils cessent de l'être en tête des articles :
I. De natura leonis tres dicit. XIII . De herenacis (sic) . XXV . De perdice.
II . De autalops. XIIII. De bibes (sic) . XXVI. De mustella (et aspide].
III. De cerobolim lapides igniferi (sic) . XV. De vulpe. XXVII. De asida structio (sic) .
III (sic) . De serra in mare. XVI. De monocerus (ou monoceras). XXVIII . De turture.
V. De caladrius, XVII. De castur (sic ). XXVIII [1]. De cervo.
VI . De pellicano. XVIII. De hiennaque (sic) bellua. XXVIIII (XXX) . De salamandra.
VII. De nesticorace ( sic ). XVIIII. De hildris. XX[XI]. De simia. Article presque en
VIII . De aquila . XX . De corcon . tièrement eſlacé par la vétusté.
VIIII (sic) . De fenex (sic) . XXI. De onagro . XX[XI]i. De carnium esu vel piscium.
X. De uppupa . XXII. De folica. Ce dernier article est devenu à peu
XI . De formice (sic) natura. XXIII . De pantera . près illisible.
XII. De serenis et uno centauris (sic) . XXIIII. De aspido - calone (sic) .

La table de A serait à peu près ceci , mais le manuscrit ne la donne pas :

Supposons, ce qui n'est pas absolument certain , mais vrage primitif; et il est plus facile de l'affirmer que de le bien
je n'ai point à écrire un article d'histoire littéraire sur cet établir. Qu'on prenne donc cela comme un postulatum qui
ouvrage et son auteur, — que le véritable texte de Pierre le ne prétend rien établir de définitif, mais dont le but est de
Picard soit celui de l'Arsenal (Belles-Lettres franç., nº 283, résoudre un embarras pratique, afin de se porter en avant
in - fol., fol. cciii -ccxxxvij ; treizième siècle) . Dans cette bypo- sans encombre ; et avec toutes réserves pour ceux qui vou
thèse les mss. R et S ne seraient qu'une réduction de l'ou- dront débattre le cas litigieux.
BESTIAIRES , AVANT- PROPOS. 95

1. Lco. XIII, Unicornis, XXIX, Herinatii.


II . Autalops. XIV. Castor.
XV. Hyæna.
Ici un fragment sur l'Ibis n'a pas
III. Lapides igniferi. été remarqué par le copiste qui le
IV. Serra. XVI. Dorcas. transcrivait.
V. Caladrius. XVII. Onager. Cf. XXVI. XXX. Arbor Perindex.
VI. Pellicanus. XVIII. Ydris. XXXI , Eliphans.
VII. Nycticorax. XIX. Simia. XXXII . Agaten .
VIII. Aquila . XX. Perdix . XXXIII. Adamas .
IX, Phænix. XXI. Isida. XXXIV . Lapis sindicus.
X. Formica. XXH . Salamandra. XXXV . Herodius.
XI. Sirenæ et onocentauri. XXIII. Turtur . XXXVI . Panthera.
XII. Vulpes. XXIV. Columbæ . Ce serait au total XXXVII, en comp
Dans cet endroit, le ms. a été XXV. Epopus. tant l'ibis ; mais dans le fait XXXVI, si
interpolė, ou réparé, au treizième XXVI. Onager. Cf. XVII. l'on tient compte du double emploi
siècle. XXVII. Vipera. pour l'onagre (nº 17 et 26) .
XXVIII . Serpens.

Table générale pour C. Déjà l’on remarquera une grande dissemblance entre les diverses
séries , mais on en verra bien d'autres :
1. Leo .
XI. Serenæ et honocentaurus . est pas aperçu, à ce qu'il semble ) .
II. Animalia æsaure (sic) . XII. Yricius (sic) . XXI. Serra.
III. Calatrius. XIII, Vulpes . XXII. Elifantus et mandragora .
IV. Pelicanus. XIV. Panther (ou Pantherus ). XXIII. Lapis acatus.
V. Nocticorax. XV. Aspidohelune (sic) . XXIV. Lapis indicus,
VI. Aquila , XVI. Unicornis. Etc. Ce qui suit ne se trouve dans aucun
VII . Yppopus (sic ). XVII. Cervus.
autre bestiaire vraiment ancien que
VIII . Vipera [et serpens). XVIII. Salamandra .
IX . Formica.
je connaisse . C'est Galli cantus et
XIX. Arbor Peredexion . Caballus, compilation sans valeur.
X. Formiaca ( sic ). XX. Autalops (mais le copiste ne s'en

D , également sans table , et souvent sans titres , donnerait le résultat suivant, dont la valeur
est bien mince :

I. Leo. XVIII. Elephans (sic). XXXVI. Pulli birundinis.


II. Autula . XIX. Herodius. XXXVII. Milvus.
III . Onocentaurus . XX . Locusta . XXXVIII . Pulli corvorum .
IV . Vulpis . XXI. Scorpion (sic) . XXXIX. Aranea.
V. Rinoceron. XXII . Culex.
VI. Monocheros . XL . Septem virtutes ( ou simplicitates )
XXIII. Camelus. columbæ .
VII. Castor. XXIV. Cpupa. Là se termine le bestiaire dans ce
VIII. Ydrus. XXV . Vipera .
ms. Bien qu'il ait pour titre : Liber
IX . Crocodrillus (sic). XXVI, Lacerta .
Joannis Chrisostomi qui Physiolo
X. Hyæna (sous le titre : De pastore et XXVII. Capra (Dorcon) . Cf. XIII.
ejus tugurio ). gus appellatur, XL capitulorum, cet
XXVIII. Sirenæ. accord du titre et du nombre réel des
XI , Onager . XXIX. Formica.
XII. Simia.
chapitres n'est point concluant pour
XXX . Aquila. l'intégrité du livre. Outre qu'un feuillet
XIII. Caper (Dorcas). Cf. XXVII. XXXI . Nicticorax .
XIV, Panthera , XXXII , Fulica.
(pour le moins) a été perdu , l'article de
XV. Draco.
la colombe n'est ni du même copiste ,
XXXIII . Perdix.
XVI . Mustela . ni de la même époque, ni du même
XXXIV . Asida.
XVII. Cervus. genre de symbolisme.
XXXV. Phænix .

Le manuscrit E suit une marche toute systématique : il place en tête les bestiæ , désignation

1 Cette attribution du Bestiaire à S. Jean Chrysostome est quelques mots la question épineuse de l'origine du bestiaire.
répétée par un ms, français plus moderne, comme l'a fait ob- Aussi lui demandons - nous la permission de ne pas accepter
server M. Paulin Paris (Mss. françois..., t. vi, 395) dans une comme définitif tout ce qu'il en dit à cet endroit de son cata
notice rapide où il ne prétendait sûrement pas trancher en logue.
96 MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE .

qui comprend à peu près les quadrupèdes ; puis viennent les oiseaux , et enfin les reptiles ou
vermes (y compris les insectes dans le vieux sens le plus étendu) ; le tout sans s'interdire plu
sieurs dérogations au plan général. Ce qu'a de bon ce manuscrit, c'est, avec une certaine vérité
dans les miniatures, qui annonce un peintre sérieux, quelques vestiges épars d'un bon texte.
On en pourrait tirer des leçons fort plausibles , mais presque sans suite , et d'une autorité dou
teuse à cause de l'époque trop récente à laquelle il appartient ; et comme tout y semble com
plétement refondu soit pour l'ordre soit pour la rédaction , je n'en ai fait usage que de loin en
loin. Outre qu'il n'est venu entre mes mains que quand mon texte était à peu près établi , il
est visible que des éditeurs du dix-septième siècle en ont déjà fait quelque usage. D'ailleurs
le texte latin ne m'est, après tout, qu'un acheminement et une sorte d'échafaudage provisoire
pour arriver à l'original grec dont j'espère donner à la fin une reproduction passablement
satisfaisante .
C'est aussi pour ce dernier motif qu'il ne sera pas question du Physiologus attribué à
S. Épiphane, jusqu'à ce que le moment soit venu de l'apprécier exactement ei en détail .
Le relevé des titres du Bestiaire rimé de Guillaume le Normand (Mss. V , X , Y , Z) n'aurait
pas diſféré beaucoup , toutes variantes balancées, de celui qu'on va lire ; mais les anciens
copistes ne paraissent pas s'en être mis en peine. Pour nous il a de l'importance, étant singu
lièrement conforme à la table du manuscrit B :

I. Léon . XIII. Heriçon. XXIV. Pantére.


II. Aptalops. XIV . Ybex . XXV. Cétus.
III . Dous pières qui ardent. XV . Renart. XXVI. Perdriz .
IV . Serre . XVI, Unicorne. XXVII. Belète et aspiz.
V. Kaladrius. XVII. Bièvre. XXVIII. Ostrice .
VI. Pellican. XVIII. Yeine. XXIX . Turtre.
VII . Nicticorace. XIX . Ydrus. XXX . Cerf.
VIII. Egle. XX . Chèvre . XXXI . Salomondre .
IX . Fénis. XXI. Asne salvage. XXXII . Colons.
X. Hupe. XXII. Synge. XXXIII. Paredexion.
XI . Formi. XXIII , Fulica. Mais Guillaume ne la XXXIV. Olifant.
XII. Sereine . nomme pas . XXXV. Diamanz.

Ce même ordre a été observé dans R , sauf une exception qui ne mérite pas d'être men
tionnée ici . Mais S s'en écarte un peu plus ; voici la série des titres qu'on y suit :
I. Lyon . XIII . Yvex . XXV . Perdris .
II . Autula . XIV . Unicorne. XXVI. Moustoile et aspis.
III. Deux pierres précieuses (sic). XV . Castoire. XXVII. Assida.
IV . Serre . XVI . Yenne . XXVIII. Tourterelle.
V , Caladrius. XVII . Goupix. XXIX . Cerf.
VI. Pellican . XVIII. Ydre . XXX. Salemandre.
VII. Aigle . XIX. Chèvre. XXXI . Coulons.
VIII . Fenix . XX . Asne sauvage . XXXII. Dragon annemi des coulons.
IX . Huppe . XXI . Singe. XXXIII. Oliphant.
X. Formy . XXII . Fulica . Le hibou ne s'y trouve pas, peut
XI . Serainne. XXIII , Panthère . être par erreur du copiste.
XII . Hericon . XXIV . Lacovie .
BESTIAIRES, AVANT-PROPOS. 97

Voici donc deux manuscrits postérieurs à celui de l’Arsenal , et qui en suivent assez exacte
ment le texte, mais en retranchant tout ce qui ne correspondait pas aux anciens articles du
Bestiaire. Faudrait- il conclure que l'œuvre primitive du prosateur picard était déjà interpolée
considérablement dans le manuscrit du treizième siècle que nous avons transcrit ; ou bien les
éditions (car ce ne sont pas de simples copies) R et S annoncent-elles un remaniement posté
rieur à la rédaction première , fait avec l'intention d'écarter tout ce qui ne se rattachait pas aux
textes latins primitifs ? Je suppose que cette dernière hypothèse est la vraie.
On voit que la comparaison des diverses séries de matières peut conduire à des conclusions
qui ne sont pas sans intérêt pour l'histoire de ce livre si étudié jadis et si oublié depuis long
temps. C'est pourquoi il n'est pas inutile d'en compléter la liste par l'indication de la marche
qu'adoptait précédemment Philippe de Thaun dans son Bestiaire anglo -normand.
1. Léun. XVI. Élefant. XXXI. Huppe.
II. Monoscéros. XVII. Aspis. XXXII. Ibex.
III . Pantère. XVIII. Serra . XXXIII, Fullica.
IV . Porcon (Dorcon ?). XIX . Hérizun. XXXIV . Fresaie.
V. Idrus. XX. Gulpis. XXXV. Turrobolen.
. VI. Cerf. XXI. Onager . XXXVI. Adamas, etc.
VII. Aptalon (sic) . XXII . Singe . A partir des deux derniers articles ,
VIII. Furmie. XXIII. Cétus. ce n'est plus précisément le bestiaire,
IX . Honocentaurus. XXIV. Perdix. mais le lapidaire, comme les onze
X. Castor. XXV. Egle. articles précédents étaient ( ou à peu
XI. Hyena. XXVI. Caladrius. près) le volucraire ; car le trouvère
XII. Mustelète . XXVII. Fénix. normand avait l'esprit méthodique.
XIII . Asida. XXVIII. Pellicanus. Tant de gens se croient volontiers dé
XIV . Grylio (Salamandre) . XXIX . Colum. volue la tâche de réformateurs ! La ma
XV. Serena. XXX. Turtre . ladie en est vieille, comme on voit.

Que si dès maintenant, avant de passer outre, on désirait se former une opinion sur les
qualités distinctives des copistes qui ont fourni les matériaux de ces recherches, je dirai que,
pour le texte français en prose, le manuscrit de l’Arsenal (Ms. P) semble préférable à celui
de la Bibliothèque du Roi (Ms. R ) . Il est non seulement plus ancien, mais plus complet et
comme tout d'une venue ; tandis que le second paraît ( sauf meilleur avis) avoir été transcrit
à la hâte, avec des réductions faites à dessein , et des lacunes où la précipitation se trahit plus
d'une fois ; néanmoins des juges plus exercés ou moins prévenus décideront peut- être que P ,
malgré son antériorité, ne donne point la rédaction primitive; et que plusieurs inutilités y
accusent l'intercalation. Quoi qu'il en soit, son étendue, bien que souvent un peu pauvre, lui
était un titre de préférence, et l'a fait passer ici en première ligne. Je n'aurai donc recours à
R que pour faciliter l'intelligence du vieux français (on pourrait tout aussi bien dire du
picard) déjà modifié soit par l'époque, soit par le lieu où s'exécutait cette copie plus récente ;
ou pour corriger des erreurs et des omissions échappées à la plume de son prédécesseur.
S est de la famille de R , mais plus soigneusement travaillé. Cependant tout y est beaucoup
trop rajeuni pour pouvoir servir à des restitutions nombreuses.
II, 13
98 MELANGES D'ARCHÉOLOGIE .

Pour ce qui est du texte latin , les deux manuscrits de Berne (B et C) annoncent l'un et
l'autre un copiste patient et attentif, mais de courte intelligence ; une espèce d'homme de peine
dévoué à sa tâche avec une obéissance véritablement aveugle. Au contraire la main à laquelle
nous devons le manuscrit de Bruxelles (Ms. A) était dirigée par beaucoup plus de science ,
mais aussi par beaucoup moins de conscience. Son æuvre montre à la fois de l'entente et de
l'étourderie ; tant on y supprime facilement des lignes entières, pour peu qu'il se rencontre
une occasion (si ce n'est un prétexte) d'abréger.
D offre un travail réformé avec cette diffusion oiseuse dont le moyen âge possédait bien
souvent le triste secret, et qui a surtout sa source dans le défaut de tact uni à l'érudition mal
digérée. C'est un bestiaire plus long et plus maigre que l'ancien physiologus ; une coquetterie
dė mauvais goût étouffe le sujet primitif sous des additions de pauvretés zoologiques puisées à
la source classique de Solin, et l'assaisonne de malencontreuses étymologies empruntées aux
compilateurs de S. Isidore.
E, comme on l'a vu ( pages 95 , sv. ) , remanie aussi , quoique d'une façon un peu moins
maussade ; et doit d'ailleurs avoir été mis à contribution pour l'impression du Bestiaire
mélangé qui a grossi assez illégitimement les auvres d'Hugues de Saint- Victor.
Quant au Bestiaire rimé de Guillaume, le texte y sera formé d'une combinaison arbitraire ,
si l'on veut, des manuscrits V et Y surtout. Les écrivains de ces deux copies ne ressemblent
pas mal aux copistes des Bestiaires latins de Berne. On ne les calomnierait pas en affirmant
que bien des fois ils ont transcrit sans comprendre. Mais cela même n'est- ce pas un titre à la
confiance ? En fait de transcription rien n'est plus à redouter qu'un copiste avantageux ; et s'il
y avait å opter entre la présomption et la simple ignorance , c'est bien le premier de ces dé
fauts qu'il importe surtout d'écarter avec soin : l'autre n'est qu'un moindre mal . L'esprit
borné tronque et défigure de bonne foi ; mais quand l'incapacité s'avise d’être vaine il n'y a
plus de limites et presque pas de remède à ses ravages ; car il n'est sottise vraiment com
plète que la sottise savante. C'est alors qu'entièrement dépisté vous vous épuisez en conjec
tures infructueuses pour tâcher de comprendre ce que pouvait être la vraie route.
Il ne faudrait pas conclure de ceci que Z et X doivent être rangés parmi les productions de
la pire sottise , ni même que les autres manuscrits encourent habituellement la qualification
de simple ineptie. Cela veut dire, sans plus, que V et Y, malgré plusieurs preuves d'incapa
cité , présentent les éléments d'un assez bon texte. Leurs erreurs même sont de gens qui ne
songent point à rectifier, mais qui se trompent sans chercher à pallier leur maladresse. Ce
pendant Y est bien moins un exemplaire avec variantes qu'une sorte d'édition nouvelle où le
langage est sensiblement modifié. Aussi me suis - je tenu à V le plus qu'il a été possible.
X principalement est suspect d'une remise à neuf systématique : son auteur, plus réſléchi
peut-être que les autres , n'est pourtant pas exempt d'étourderie ; les retranchements affectés
BESTIAIRES, AVANT -PROPOS. 99

y sont nombreux, et ses rectifications ne sont pas toujours préférables à ce qu'il prétend cor
riger. Z ne m'a communément servi que pour résoudre certaines difficultés où le secours des
trois premiers ne suffisait point. L'idiome y est trop rajeuni, et tourne sensiblement au picard ,
qui n'était point le dialecte du trouvère. Toutefois, et sauf cette observation , on y re
connaît une bonne édition, mais transcrite par un copiste assez médiocre et quelque peu pré
tentieux.

Afin que le lecteur puisse juger par lui-même de ces diversités et du degré d'estime qu'elles
méritent, les variantes seront indiquées avec quelque profusion dans les premiers articles ;
après quoi les notes, prenant peu à peu un cours moins confus, se réduiront de plus en plus
au nécessaire ou à la stricte utilité.
En somme ce sera un espace de six à sept siècles qu'embrassent ces divers manuscrits , ce
qui déjà peut montrer combien le Bestiaire avait été pris au sérieux par le moyen âge.
Au moment de remettre les pièces entre les mains du public , l'avocat de ces vieux auteurs,
comme c'est l'usage, serait bien aise de prévenir les jugements trop sévères en déclarant
qu'il se reconnaît tout le premier un peu téméraire dans son entreprise. N'étant ni Normand
ni Picard , il n'a sur les dialectes provinciaux que de légères réminiscences comme celles qui
peuvent naître de quelques moments de séjour dans les campagnes consacré à tout autre
chose qu'à des observations philologiques. En ce point donc particulièrement un homme plus
expérimenté eût fait mieux ; cela est clair. Ce qui pourra servir d'excuse à mon intrusion ,
c'est que dans plusieurs de nos provinces les antiquaires négligent un peu trop l'idiome lo
cal et les études dont il contient le germe. L'incurie des tuteurs naturels provoque et absout
l'intervention officieuse du voisin que nul titre ne recommandait.
Mais, à vrai dire , je n'ai abordé que par une sorte de nécessité, et uniquement autant que
je le croyais indispensable, l'examen des anciennes formes de notre langue ; le principal et
véritable objet de cette publication est la recherche et la vérification du Bestiaire latin , afin
de préparer la restitution du texte grec primitif. En attendant ce dernier complément, et dans
l'état quelconque où ce travail se trouve conduit dès à présent, il semble que ses conséquen
ces (sur quoi nous reviendrons plus tard) suffiront pour couvrir ses défauts.
Les observations relatives à l'histoire des êtres réels ou supposés que nos Bestiaires mettent
en scène seront le plus souvent très courtes pour ne pas augmenter démesurément un opus
cule déjà trop exposé par sa nature à être souvent fastidieux. Loin de croire que tout soit
épuisé par ces rapides appendices, nous nous réservons au contraire le droit de reprendre
avec plus d'étendue un bon nombre de ces sujets quand ils se représenteront isolés dans les
monuments de l'art chrétien. Toutefois nous serions fort aise que, prévenant ces tâtonne
ments partiels, quelque savant naturaliste prît la peine de porter la lumière dans ce chaos de
l'histoire naturelle apocryphe : sujet d'études assez rebutantes , mais dont les résultats ne se
100 MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE .

raient pas à dédaigner si on les traitait à fond avec une connaissance un peu large des sciences
naturelles et de la philologie. Ceci ne veut point dire que j'ignore ou que je méconnaisse
les travaux de M. Berger de Xivrey sur les Traditions tėratologiques; mais le sujet qu'il s'était
proposé n'est qu'une partie de ce que je voudrais voir fait en entier.
Janvier 1846 .

CHARLES CAHIER .

P.S. (Août 1850. ) Tandis que ces recherches attendaient paisiblement l'instant de voir le
jour dans les Mélanges d'Archéologie, d'Histoire et de Littérature dont les matériaux se rassem
blaientavec une lenteurinévitable, Madame Félicie d'Ayzac publia sur les Bestiaires dans la Re
vue de l'Architecture (t. vii, p. 66-79, 97-107 , etc. ) , un travail où je puis bien dire que l'on re
connaît des études plus sérieuses que le symbolisme de l'art chrétien n'a coutume d'en obtenir
aujourd'hui. Mais, comme on ne s'y propose ni absolument le même but que nous ni surtout
la même marche, la première venue de ces publications ne ferme point la route à l'autre. C'est
principalement dans une autre partie, jusqu'à présent ajournée, que nous aurons occasion de
faire voir en quoi ces deux ouvrages diffèrent essentiellement. Dès à présent leur diversité se
fera suffisamment sentir, car nous n'avons point prétendu rédiger un Bestiaire, mais chercher
celui de l'antiquité chrétienne.
Le complément de l'opuscule que nous livrons aujourd'hui à l'impression eût exigé des
voyages que les malheurs de l'Italie m'ont fait ajourner. Les Bibliothèques de cette contrée
renferment, si je ne m'abuse , le texte grec que je pourchassais à travers les premières recher
ches que voici. Ce que j'ai pu trouver en ce genre dans nos collections de Paris, depuis la fin
de cette première partie, où je m'étais renfermé à dessein dans les traductions latines et fran
çaises, manque d'un certain caractère d'antiquité et de probité, pour ainsi dire '. Quant à la .

publication faite au seizième siècle par G. Ponce de Léon, sous le nom de S. Épiphane, il n'é
tait pas possible de la prendre au sérieux. Je n'ai pas cru devoir en faire autre chose que la
parcourir, jusqu'à l'établissement définitif du texte que je poursuis.

1 Sept mss. grecs que j'ai pu transcrire depuis la rédac- porterait le plus est à peu près celle que je réussis le moins
tion de ce premier travail jusqu'à présent se partagent sensi- à compléter. J'ai déjà lieu de croire que je serais plus heu
blement en deux familles bien distinctes; mais celle qui m'im. reux hors de France .

0
ÉTOFFES HISTORIÉES,
BYSANTINES ET AUTRES .

( PLANCHES IX-XVIII ET XXXII-XXXIV. )

Pour donner une idée bien exacte de ce que sont les tissus précieux représentés par nos
planches IX, X , XI , XII , XIII , XIV , XV, XVI , XVII , XVIII et XXXII-XXXIV, il serait bon
d'avoir eu sous les yeux les originaux qui ont servi de modèles. Or, celui de nous qui les a des
sinés dans divers trésors des églises d'Allemagne travaille encore actuellement à compléter
cette collection parmi les débris qu'ont pu sauver les sanctuaires de Castille, d'Aragon , d’An
dalousie et autres royaumes de la péninsule espagnole. La Germanie nous avait offert des
produits incontestables de la fabrication bysantine ; l'Espagne devait garder des restes de l'in
dustrie arabe ; c'étaientdeux éléments qu'il importait de réunir pour faire pénétrer une lumière
un peu vive dans un sujet où le moyen âge semblait ne nous avoir transmis que les expressions
singulièrement obscures d'une admiration malaisée à traduire en estimations passablement
précises. Nous trouvons bien en maint endroit la preuve de l'estime accordée jadis aux étoffes
fabriquées ou vendues par les Grecs et les Arabes établis autour de la Méditerranée ; déri
vation assez évidente de l'industrie phénicienne, lydienne, persane, indienne 1· même si · l'on

1 Je n'ai à parler que des temps chrétiens, et même des des métiers de Saïd (Sidon, seta) et de la Phénicie, non
siècles postérieurs à l'établissement des barbares. Tout com- moins célèbre pour ses riches étoffes que pour sa teinture ?
mentaire sur Pline ou autre témoin du luxe de l'antiquité est Les Arabes, si grands amateurs de vêtements de soie, que l’Al
donc en dehors de ces recherches, qui elles-mêmes, d'ailleurs, coran promet le bonheur d'en porter à ceux qui trouveront
ne prétendent nullement épuiser la question. place dans son paradis, furent longtemps les principaux four
Plusieurs noms attestent assez clairement l'origine asiatique nisseurs du luxe européen. Aussi les inventaires des égli
de diverses étoffes plus ou moins riches. Le damas, comme ses et des cours mentionnent-ils fréquemment les draps
la lévantine, est bien peu de chose au prix des brocarts d'or d'Alexandrie (vela Alexandria , ou panni alexandrini) et
et d'argent dont la fabrication est si ancienne dans la région les serica africana. On a prétendu, d'après quelques textes
du Liban ; mais c'est une indication géographique assez claire, qui ne sont pas sans appel,que le roi Roger avait introduit en
où il ne faut point tendre bien fort les engins étymologiques Sicile la fabrication des tissus de soie ; et pendant que les
comme on trouvera peut-être que je le fais ailleurs. Le sendal uns y voyaient une concurrence établie contre les manufactures
(cende, etc.) , qui pourrait bien être le talletas, n'aurait-il pas bysantines ou asiatiques, tel autre a voulu a priori que la
été primitivement livré au commerce des caravanes ou des broderie ou le tissage: qui occupaient nombre de femmes
flottes par les peuplesde l'Inde supérieure ( Sindh )? L'auriphry- fussent surtout un beau semblant, pour faire passer un harem
gium, dont nous avons fait le mot orſroi, rappelle, de même du princechrétien ( O philosophie de l'histoire ! ) . Si l'Espagne
que les vestes attalicæ, ces splendides draps d'or dont le secret peut s'attribuer la propriété du pannus de spanisco, il resterait
semble avoir appartenu longtemps à l'Asie - Mineure . Serait-ce à prouver que ce ne fût pas une tapisserie de laine. Le fait est
trop alambiquer que de voir dans le nom du satin une trace que , dans un dialogue entre le lin et la brebis (Ap. Ed. Du Méril ,
102 MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE .

veut, etc. ; mais de là aux véritables appréciations d'un art qui a souffert tant de vicissitudes
il y a loin . Si j'en juge par moi-même , qui n'entends pas bien distinctement la vingtième
partie des noms inscrits à chaque pas sous mes yeux par les magasins de tissus plus ou moins
à la mode, on serait très excusable de ne point savoir traduire cent expressions relatives à ce
genre d'articles (comme on dit) qui reparaissent mainte et mainte fois chez les écrivains du
moyen âge. Du reste , celui qu'arrêteraient ces difficultés des vieux textes, fût-il bien disposé
à en être fort confus, aurait un beau refuge à son amour-propre dans l'hésitation où pareil
langage jette des hommes comme Du Cange. C'est que tous les textes du monde n'expliquent
pas clairement certaines choses où la plume la plus habile a besoin d'être secourue par le
crayon et le pinceau. Mais, si je ne me trompe, on pourra désormais, grâce aux planches que
voici , soit comprendre, soit percer d'un coup d'œil plus net certaines phrases des vieux chro
niqueurs que de savants antiquaires, réduits aux seuls textes, avaient désespéré d'entendre,
ou avaient interprétées un peu vaguement.
Quant à moi , qui aurais beaucoup à apprendre même sur les tissus du dix-neuvième siècle,
et qui n'ai point vu ceux du temps passé dont il faudrait rendre compte ici, je me rappellerai
que j'ai toute sorte de motifs pour être modeste en cette matière ; aussi me réduirai-je à
placer ici une pierre d'attente pour que d'une part l'ordre des planches ne soit point en désac
cord avec celui des matières , et que de l'autre mon collaborateur puisse à son retour décrire
en artiste et de visu l'aspect, la matière, l'espèce de travail , l'état de conservation et les sou
venirs locaux qui compléteront passablement ce que l'on peut savoir de ces fragiles monu
ments parvenus jusqu'à nous à travers sept ou huit siècles. Toute ma tâche sera donc de
chercher dans les exemples que réunit ce volume quelques glanures pour l'histoire générale
des étoffes de luxe au moyen âge. Porter mes vues plus loin c'eût été méconnaître l'insuffi
sance de mes études sur cette matière, et devancer un travail grave dont on me dit que la
publication se prépare.
De quelle contrée précisément revenaient les moines qui sous Justinien apportèrent å
Constantinople la graine de vers à soie , et jusqu'à quel point les Grecs du sixième siècle
avaient- ils besoin d'apprendre ce qu'était la soie ? Ce n'est pas mon affaire de l'examiner au
jourd'hui . Ce qui est certain, c'est que de bonne heure nous voyons Bysance citée comme un
grand entrepôt (si ce n'est un grand centre de fabrication) des riches étoffes de soie. On disait
Poésies latines antérieures au douzième siècle, p . 396 ), Tunc statio sacri, tunc ipsa sedilia cleri
l'animal réclame comme siens les tapis espagnols : • Demulcent oculos munere tecta meo . »
Mais abandonnons ces détails aux savants qui , en ayant fait
« Nil adeo sacri testatur gaudia festi
Quam sacra festivis clara domus titulis : une étude spéciale, pourront peser le pour et le contre des
Tunc pretiosa suis surgunt aulæa figuris, diverses questions. Ce qui est certain, c'est qu'Alexandrie li
Ac in se raptis ora tenent animis; vrait au commerce des étoffes de lin et de soie aussi bien que
Tunc operosa suis hispana tapetia villis des tapis. Les Musulmans d'Espagne pourraient bien aussi
Hinc rubcas, virides inde ferunt species.. avoir réuni ces diverses fabrications.
ÉTOFFES HISTORIÉES. (Pl. IX-XVIII, ETC. ) 103

jadis articles de Bysance (Byzantea' , serica constantinopolitana) comme nous disons articles de
Lyon ; et les Bysantins paraissent avoir été assez jaloux de cette industrie, puisque Luitprand,
dans le récit de son ambassade ?, nous montre les officiers de Nicéphore faisant estampiller
certaines pièces d'étoffe qu'il avaient achetées, et confisquant les pius belles comme mar
chandises prohibées à l'exportation. Ces dernières étaient-elles du genre de celle qu'on ap
pelait impériale (Basilicia, de basilicio, ényirov, pannus imperialis, etc. ) ? De plus habiles que
moi n'en sauraient rien dire qui fût bien certain. Il semble qu'il y ait eu des manufactures
impériales quoique leur régime et leurs produits aient sûrement varié depuis Justinien, qui
visait au monopole3, jusqu'au temps où les Latins apprirent à se passer des Grecs 4. Mais, que
ç'ait été ou non l'occasion de nommer le basilicium , je ne sais si jusqu'à présent on avait jamais
signalé et surtout publié une signature de fabrique impériale, comme me paraît l'être évi
demment l'inscription calquée par mon collaborateur (Pl. XI ) sur le tissu qui enveloppe les
ossements de Charlemagne dans sa châsse d’Aix - la - Chapelle 5. Le primicier de la chambre
impériale, pour parler comme le texte grec, correspond assez exactement à ce que nous ap
pellerions grand-maître (ou ministre) de la maison de l'empereur (ou maréchal du palais) et
intendant de la liste civile ; et à la manière dont le nom d'un tel fonctionnaire est indiqué
il me paraît qu'on peut supposer ou une commande du souverain , ou une intendance attachée
à la charge du primicier. Le gouverneur de Négrepont y figure sans doute parceque la
fabrique appartenait à son gouvernement. Ce sont des données historiques qui se pourraient
compléter par les noms de Michel et Pierre , si on pouvait constater ſa coïncidence de ces deux
personnages à quelque point du douzième siècle ou antérieurement; car pour l'indiction 2* ,
c'est une ressource chronologique bien faible.
Quoi qu'il en soit, la pièce qui nous procure ces renseignements quelconques (Pl. XI , A ;
IX et X ) peut servir en outre à comprendre ce qu'étaient ces vêtements ecclésiastiques his
toriés d'éléphants qui sont décrits par Anastase dans sa Biographie des Papes 6 . Ailleurs nous .

rencontrons maintes fois des tissus historiés de griffons (routerCoutes , vestis de olovero cum gry
phis, etc. ) à la manière de notre planche XIII , où ces animaux portent en outre sur leurs poi

1 Toutefois je crois me rappeler que ce mot désigne le bysantine ; je me contente de combler les lacunes des abrévia
plus souvent une teinture. On trouve à chaque page, chez tions où il m'a fallu le coup d'eilsi sûr du savant M. Hase , qui
Anastase -le -Bibliothécaire, de blatthin (ou blatta ) bysan- n'y a pas hésité un seul instant.
tea, et quelquefois de blatthin neapolitana.. + ENI MIXAHA JIP ]MIKHPOT KOITQNOE EIalkor .
2 Cf. Baron , ad A. 968, Lxi-lxiv . + ΠΕΤΡΟΥ ΑΡΧΟΝΤΟΣ ΕΥΡΙΠΟΥ (sic) . ΙΝΔΙΚΤΙΩΝΟΣ Β.
3 Cf. Procop. Hist. arcan ., ed . Alemann. , p. 112. KOLTO (cubiculum ) dhésignait le trésor particulier (res pri
4 Quant aux Arabes, il est remarquable que les détails vata) de l'empereur. Cela se rencontre cent fois dans les
donnés par Sanuto, dans ses secreta fidelium crucis textes bysantins.
(XIVe siècle) , sur le commerce des chrétiens avec l'Égypte, 6 Anast, in Leon. III : « In diaconia beati Georgii fecit ves
accordent assez peu de place aux tissus précieux. L'Europe tem de fundato cum bistoria de elephantis. » Des paroles
s'était mise à se suffire sous ce rapport depuis les croisades. toutes semblables sont répétées par le même bistorien quel
5 Je transcris
cette inscription
en conservant l'orthographe à
ques lignes de là.
104 MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE .

trails des cartouches ornés de ces fausses lettres arabes que la célébrité des tissus sarrasins a
fait répéter dans une foule d'ornements du moyen âge en manière de contrefaçoné. Dans la
même pièce (Pl. XIV) se voient les paons si souvent mentionnés par les énumérations de ca
deaux faits à Rome ou à Constantinople (rcūves, vestis habensparones, etc. ) ; on trouve même
des paons chevauchés par des hommes ( cortinam alexandrinam miræ pulchritudinis ... habentem
historiam pavonum portantium desuper homines ), car la fantaisie s'est donné carrière de tout
temps parmi les détails de l'ornementation . Et, n'en déplaise aux habiles gens qui ont fait et
font encore des recherches linnéennes sur la Flore murale (pourquoi pas textoriale aussi ? ) , je
suis très porté à croire que l'ornement (arabesques, fleurons, palmettes, etc. ) puise surtout sa
sève dans un monde un peu conventionnel , et que les élèves de Raphael en ce genre procè
dent d'une poésie fort étrangère à celle de l'école flamande ou hollandaise. Aussi , malgré le
trait des contours qui est généralement emprunté dans une certaine mesure aux formes na
turelles par les dessinateurs de ces étoffes, on voit qu'ils prennent soin en quelque sorte d'é
chapper au monde quotidien par les couleurs , nous avons des cygnes ou des canards 2.verts ou
bleus (Pl. XI etXII),et des éléphants jaunes à trompe verdâtre ; comme Claudien nous peignait
dans les broderies de son temps 5 des cerfs rouges à cornes d'or. Ces bizarreries, si je ne me
trompe, appartiennent à la nature même de l'art qui nous occupe en ce moment ; c'est pour
quoi elles ont dû s'y reproduire aux diverses époques qui l'ont cultivé avec une entente franche
et spontanée. De là vient sans doute également ce nom de leurodeóvres que l'on rencontre chez
les écrivains grecs, et qui s'accorde si bien avec nos planches, où tout ce qu'il y a de lions
(Pl. XVI et XVIII) est précisément de couleur blanche.
Je vois d'ici plus d'un lecteur fort scandalisé d'apercevoir dans l'église des éléphants, lions,
aigles, griffons, licornes, faisans, canards, paons , etc. “ , et se demandant ce que tous ces ani
7

maux avaient affaire avec le lieu saint ; je réponds à cela que l'Église n'empêche personne de
faire mieux , et que de longue main les papes adoucissaient ce qu'il peut y avoir de profane
dans ces figures un peu séculières en les faisant accompagner de scènes bibliques brodées au
moyen desquelles la forme emportait le fond. Mais ajoutons aussi que l'histoire ne nous fait
point connaître qu'on s'en soit beaucoup scandalisé dans un temps où l'on prenait au sérieux
· Les miniatures même, jusqu'au seizième siècle, conser- 3 Claudian. De laudib. Stilichonis , 11, 352, sq.
vèrent cette façon de recommander un vêtement à l'attention a Aurea purpureos tollentes cornua cervos
du spectateur ; singulier hommage rendu à la réputation des Aureus ipse ferit. »
fabriques musulmanes. Je ne m'étendrai 'pas sur un tel sujet Sur quoi les commentateurs disent des choses tout à fait diver
après que M. Adrien de Longperrier, dans la Revue Archéo- tissantes, dans leur préoccupation de critiques et de grammai
logique (11° année, p. 696, svv. , etc.), a expliqué deux ou riens ; tandis qu'il s'agissait simplement de recourir au bon
trois fois cette singularité par quelques-unes de ces savantes sens et d'avoir un peu de goût. Mais tombe-t-il aisément dans
notices dont il est trop avare. l'esprit d'un grammairien ou d'un humaniste qu'il y ait une
2 Ceci nous remet encore sur la trace des signalements critique supérieure à la pesée des mots ?
donnés par Anastase -le-Bibliothécaire (in Greg. iv) : « Vela... 4 Cf. Anastas ., passim .
de olovero decem , habens unumquoque eorum anates. » It. Ibid. passim.
ÉTOFFES HISTORIÉES (PL. IX-XVIII, ETC.). 105

ce texte du psalmiste ' : « La terre est au Seigneur, avec tout ce qui la remplit, etc. , et ces au
tres paroles de l’Écriture sainte encore : « OEuvres du Seigneur, bénissez toutes le Seigneur,
louez-le et l'exaltez à jamais..... , oiseaux du ciel , habitants de la mer, troupeaux, bêtes fa
rouches, enfants des hommes, etc. » Si cela est changé, tant pis ; n'importe pour qui . Si tou
tefois l'on trouvait quelque chose de meilleur, tant mieux.
Cependant, poursuivons ce que nos planches peuvent nous donner de lumières sur quelques
unes des qualifications employées par le moyen âge grec ou latio. L'étoffe représentée par les
planches XIII et XIV n'offrirait -elle pas un échantillon des pzolvspódiva, dans son alliance
assez heureuse du vert avec le rose ? Puisque j'ai risqué cette espèce de conjecture, me trou
vera- t -on trop osé quand je proposerai les planches IX, X , XI A, et même XII , comme 're
>

présentant assez bien l'union de couleurs exprimée par les mots bysantins xoxxon paoivon et
Tepaoivotpi@hartov, entre lesquels on peut dire qu'il n'est guère question que de nuances (vert
et écarlate, vert et pourpre foncé) ?
Sipeu que soit tout ceci, j'admiré que dans mon ignorance des Opera Minervæ j'en sois
venu jusqu'au point où me voilà ; et de peur d'énormités qui pourraient être au bout de ma
plume, je supprime quelques aperçus au sujet des auriphrygia .(frixia , etc. ) que je serais
tenté de reconnaître dans la planche XVI , où l'or s'allie aux perles. De même j'aurais eu envie
>

de proposer comme impériale l'étoffe des planches XXXII, XXXIII et XXXIV, parcequ'elle >

représente un empereur, et que ces dessins ont l'air de n'avoir pas été absolument rares
au temps passé 3. Mais c'est principalement sur ce morceau curieux que mon collaborateur
devra revenir, tout en complétant les minces aperçus que je fais passer ici par interim . De
meurons en là pour diminuer d'autant les chances d'erreur dans une matière si obscure.

CHARLES CAHIER

1 Ps. uu , 1. . 3 Anastas. in Gregor, iv, cc., « Velum oloverum .... ha


? Dan . , III, 57-82. bens historiam imperatoris. »

II. 14
106 MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE .

BESTIAIRES ,
TEXTES. PROSE FRANÇAISE ( PICARDE ) .

( PLANCHES XIX -XXXI) .

P ( Arsenal, No 283 ,Fol. cciii ). CHI COMENCHE LI LIVRES DES NATURES DES BESTES .

Cbi commence ( sic) li livres c'on apèle Bestiaire. Et por ce est il apelés ensi, qu'il parole '
des natures des bestes ; car totes les créatures que Dex cria en terre, cria il por home, et por
prendre essanple et de foi' en eles et de créance. En cest livre translater de latin en romans
mist grants travail et grant cure Pieres qui volentiers le fist par le commandement l'evesque
Philipon Cuers . qui service ne perist mie, car il est espece débonaires, eslaituaires 5 de fran
9
chise et confors 6 de guerredon. Et porce que rime se velt afaitier ? de mos & concueillis 9 hors
de vérité , volt 10 li evesques que cist livres fust fait sans rime tot selonc le latin que Fisiolo
ges uns des bons clers d'Athènes ' traita . Et ! ? en tous sens les natures des bestes et des oi
seaus à l'entendement des spiriteus coses.
1 (Fig. A, B). Si parole ci premièrement et commence du lion, par coi 15 il est rois de totes les
bestes. Si font bon à oïr et à entendre et à retenir les natures de li , dont li sens commence chi. 14
>

1 R. Parle. table à ses ennemis. Ces diverses faces d'un même caractère ,
2 R. et S. De.créance (éducation ?) et de foi, en elles. moins rare qu'on ne pense, ont été bien saisies par Walter
3 R. Lonc. Scott entre autres , dans son Claverhouse. Du reste le ms.
4 Philippe de Dreux, qui paraît être surnommé ici Cuers S dit tout simplement : Il est espérance des débonnaires.
( cæur ), peut-être à cause de son caractère belliqueux, était 6. Electuaire ?
petit -fils de Louis-le-Gros, et fut évêque de Beauvais depuis 6 S. consors.
l'année 1175 jusqu'en 1217. Le dialecte et l'époque probable 7 Mots.
de ce bestiaire français indiquaient tout d'abord qu'il fallait 8 Former, composer , dresser. Ce mot a longtemps duré
chercher au commencement du treizième siècle et en Picardie dans la fauconnerie .
( ou à peu près ) le protecteur du clerc Pierre ; cela posé, 9 S. Conquesties .
les listes d'évêques ne laissaient guère de doutes sur le choix .
10 S. Voult l'evesque que ce livre ... R. mist-il sans rime
Mais landis que je trouvais mon personnage avec bien des cest livre , selonc le latin du livre que, etc.
tâtonnements , les recherches de M. Paulin Pâris (mss. fran- 11 Peut-être le bestiaire passait-il depuis longtemps pour
çois de la bibliothèque du Roi, vi , 393) le conduisaient au être l'ouvrage d'un auteur grec. De là à en faire l'æuvre
même résultat d'une manière beaucoup plus concluante . d'un Albénien ou d'un élève des écoles d'Athènes, il n'y avait
De ce que R. supprime la mention de l'évèque, on pourrait qu'un pas ; et, cette distance une fois franchie , qu'y avait-il de
être porté à supposer que Pierre lui-même aurait retranché mieux parmi les bons clers d'Athènes que S. Grégoire de
cette indication avec bien d'autres détails, en resserrant son Nazianze ou S. Basile, ou par analogie S. Jean Chrysostome ?
travail pour Yolande, comtesse de Saint-Pol (Cf. P. Paris,mss. Voyez la note suivante, et celle sur le ms. D dans l'avant
fr. , l. cit.; 'et t. I , 220) . Mais S. ne maintient point cette sup- propos (ci-dessus, p. 95) .
.

pression ; on y lit... L'evesque Phelippe ouquelservise ne pé- 12 S. Et mist ens les natures des bestes, etc R. EI
.

rist mie. Nous verrons quelque chose de pareil p. 111 , note 6. Jehans Chrisostomus en choisi en les natures des bestes el
L'histoire ne nous représente point du tout Philippe de des oisiaus. Si parole , etc.
Dreux comme une espèce débonnaire ; mais il se peut que le 13 Parceque ; ITAL. perchè. R. por ce que.,
valeureux prélat fût aussi bon pour les siens qu'il était redou- 14 La suite du texte en prose française, p. 108.
BESTIAIRES (Pl. XIX et XXVI) . 107

BESTIAIRE LATIN.
MSS. A , B. MS . C.

I. INCIPIT PHYSIOLOGUS DE NATURIS ANIMALIUM ET


BESTIARUM 1 . 14. Est LEO REGALIS Omnium animalium et bestia
DE LEONE REGE BESTIARUM ?. rum . Ideo et Jacob, benedicens Juda, dicebat :
Etenim · Jacob, benedicens filium suum Ju- Catulus leonis Juda filius meus, et cetera. Physio
dam “ , ait (Gen. XLIX, 9) : Catulus leonis Juda logus narrat deleone quoniam tres naturas habet.
filius de germine, quis 5 suscitabit 6 eum ? Physiolo- Prima autem natura leonis hæc est 45. Quum am
gus ' dicit tres naturas habere leonem 9. bulat et iter facit in montes 46, venit ei 47 odor ve
Prima natura ejus est 10 ambulat in montibus ; et nantium ; et de 48 cauda cooperit vestigia sua 49,
si " contigerit ut quæratur a venatoribus, venit ei ut non sequantur vestigia venatores et inveniant
odor venatoris " ?, et de 15 cauda sua cooperit post cubile ejus et adprehendant eum 50. Sic et Salvator
ergum 14 vestigia sua quocumque ierit, ut non se- meus 51 , sensatus 52 ut leo vincens de tribu Juda
16
cutus 15 venator per vestigia ejus inveniat co» (Apoc. V , 5) radix David 53, missus a sempiter
bile 17 ejus 18 et capiat 19 eum . Sic et Salvator nos. no 54 Patre, operuit 55 intelligibilia 56 vestigia sua ,,
* B. Incipit liber fisiolo. To. expositus de natura ani- id est deitatem 57 : cum angelis angelos, cum thro
malum vel avium , seu bestiarum ( bestiarium ?) Ce .To,ex- nis thronos, cum potestatibus potestates; donec
posilus, écrit en quatre lettres capitales chargées de petites
lettres, pourrait bien avoir donné lieu aux titres réels ou pré- descendit in uterum genetricis Mariæ ut salvaret
tendus qui ont fait passer l'auteur de ce traité pour être un
Theobaldus episcopus, ou un Joannes Xpisostomus ( Cf. hoc quod erraverat genus humanum. Et Verbum
Bestiaire franç. en prose, p. 106, note 12 ; et Otto, Codd. bi- caro fuctum est, et habitavit in nobis (Joann. , 1 , 14 ) .
blioth... giessensis, p. 62) . Mais ceci appartient aux considé
rations qui doivent terminer la publication du Physiologus.
Le ms D. ne nous sera d'aucun secours dans ce premier ar 44 Point de titre général.
ticle , le texte y étant sensiblemeut retouché par un éditeur qui 45 Un fragment de Bestiaire mêlé aux æuvres de S. Isidore,
se souciait fort peu de nous conserver la rédaction primitive. dans un ancien ms. de Tolède ( Isid. Opp. , ed. Arevalo, t. iv,
Je crois utile d'indiquer dès à présent que tous les emprunts p. 521 ) , nous fournira quelques variantes. Je l'appellerai T.
faits par nous aux miniatures du ms A (de Bruxelles) sont Il commence par : Leo enim græce, latine vero rex dicitur.
renfermés dans les planches XXIII et XXIV : figures BV à CC. .
Tres naturas habet ; id est ( I ? ) quum ambulat, etc. Cette
2 B. De natura leonis. royauté du lion , sur laquelle tous nos textes insistent, me pa
3 B. Est enim . La leçon etenim paraît justifier la version raît être l'origine de ce globe (impérial) que les enseignes
donnée par C. : Est leo... Ideo, etc. continuent à placer sous la parte du noble animal. J'indiquerai
4 B. omis . cependant bientôt (ci-dessous, n° 8, Tigre) un récit qui peut
5 B. tres . avoir contribué à introduire ou à maintenir l'usage de ce globe.
6 B. suscitavit. 46 T. iter facil per arenam , odor venantium .
7 B. Fisiolocus . 47 T. omis .
8 B. tres res naturales. 48 T. omis.
9 A. leoni. 49 T. cauda sua operit vestigia, ut non possint eum
10 B. omis : Primam (primum ?) ambulat. venatores sequi. Ita et Salvator.'
11 B. omis . 50 T. omis ; voyez la note précédente.
12 B. venatores . 51 T. noster de tribu Juda, missus, etc.
13 A. omis . 32 T. omis ; voir la note 20, du texte latin, p. 109.
14 Post lergun ; A. omis. 53 T. omis ; voyez la note 51 .
15 B. secus . 54 T. omis .
16 B. post . 55 T. operit.
17 A. cu [bile ). 36 T. omis ; voir la note 20, déjà indiquée.
18 A. ip [sius). Une autre main que celle du copiste, mais 67 T... deitatem , ut appareret omnibus dum cum Patre
presque aussi ancienne, a écrit en surcharge cubile ipsius. ( cum Patre, dum descenderet ?) descendens in uterum Vir .
19 B. capit . ginis, ut salvarel quod perierat. Et Verbum , etc.
MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE .
108
Jacob , quant il bénéesqui Judam son fil, il dist 18 : Judas mes fils est chaeus 16 del lion , qui
>

lograes? dit
sioite
Phiusc
le res que li lions a IIII " 7 natures en soi. La première est que il hante volentiers
a
és mons ; et s'il avient que venères le quière , il ensent 18 l'odor del veneor et cuevre de sa
keue les traces derière son dos en quelconques lieu où il va, que li venères qui le sieut ne
truisse par ses traces où il converse , et qu'il ne le praigne. Altresi est li Savères 19 nostre espe
ritels lions de la lignie Juda, rachine de Jessé , fils de David 20, envoiés del souverain Père ;
|
covri as entendans les traces de sa déité . Et ce qu'il a ix ordres és ciels , et il est tous ès ix or
dres, et tot li ix ordre en lui. Il est angles avoec les angles , archangles avec les arcan
gèles (sic ), poestés avec les poestés . 21 Et quant il descendi en la Virge qu'il salvast le pechié
del humain lignage , et il monta après ès ciels à son Père ; li angles qui o els 22 estoient , disoient
as angles qui montoient avoec lui : 23 Qui est cis rois de gloire ? Il lor respondoient : C'est li

sires des vertus , meismes le roi de gloire.


La seconde vertu 24 del lion , est quant il se dort si cil 25 veillent . Voirement sont overt si
1
wil ; si que és cantiques tesmoigne li verais espous , qui dit 26 : Je dorm , mes (mes ?] cuers
veille . Ce est estimelogie 97 : mi sires dormi en la crois , et la deitės veilloit . Dont ne dormi
mie, ne ne dormira cil qui garde Israel 28. Ce est : il ne laira removoir de foi ne dormir cels
qui sont Deu véant .
La tierche vertu del lion ce est que quant la liondesse enfante son lioncel 29 ele le rent tot
mort par la bouche80,c'est une pièche de char en forme de lionchel ( sic ); puis le garde èle III
jors tot mors. Et al tiers jor vient li lions et si l'alaine , et demaine grant ruiement 5. sor lui ; et
32
tant li vait entor et ruit et alaine sor lui , que li met vie par son alener , et le resuscite que
par son alener que par la vois ; et saut sus par le ruiement que li pères demain 35, et le sieut.
Et alsi li poissans Père resuscita de mort al tierc jor son saint fils nostre Segnor Jhu Crist .
Dont Jacob dist 34 : Il dormi ensement 38 comme li lions et comme li chaels 36 de lion .

28 Ps. cxx, 4. Pierre lisait peut-être dormitavit, au lieu de


15 Gen. xlix, 9.
16 S. cheiaux ; Lat. catellus , catulus. dormitabit.
1 29 S. son chael, R. son faon , elle l'a mort ; et si le garde
17 R , S. III.
18
R , S. sent.
Ill jors. Au tiers jor, etc.
S0 Ceci est un petit emprunt à l'histoire merveilleuse de la
19 Sauveur ; ANGL. Saviour. belette (que nous verrons plus tard , nº 13, Mostoille ), pour
20 Apoc. v, 5. embellir l'histoire du lion.
2122 Puissanc
0, od, oues :; avec
Lat.; potestat es, ITAL. podestà, die
on dit encore do en Norman , avec 31 Bruit ; esp. ruido, ou lat. rudere (braire ).
32.Tant par son souffle que par son rugissement ; à peu près
ce même sens. S. qui és cieux estoient.
comme nous disons encore : qui d'un côté , qui de l'autre.
23 Ps. XXIII, 7.10.
24 S. nature .
33 Démène ; ITAL , menar rumore.
I
25 S. ses iex. 34 Gen. xlix, 9. -
Num. XXIV, 9.
26 Cant . V , 2. 35 Ainsi. Mot formé à la manière de quasiment qu'em
27 R. C'est estimologie ; comme qui dirait étymologie, mais ploient encore les campagnards.
36 R. chaiaus. Voyez ci-dessus, note 16 .
avec une signification un peu détournée.

1
109
BESTIAIRES ( Pl. XIX et XXVI).
MS . C.
MSS . A , B.
ter spiritualis 20 leo de tribu Juda, radix Jesse, Et ignorantes eum omnes 58 descendentem (sic ),
filius David (Apoc. V, 5) , missus a superno Patre, dicebant : Quis est iste rex gloriæ ?
cooperuit intelligentibus vestigia deitatis 21 suæ :: Secunda natura leonis talis est. Quum 59 dor
et est 22 factus cum angelis angelus 25, cum archan- mierit, vigilat, oculi aperti ejus sunt. In canticis 60
gelis 24 archangelus 25, cum thronis 26 thronus 27 , canticorum testatur 61 , et dicit :: Ego dormio , et cor
>

cum potestatibus potestas; donec descenderet 28 in meum vigilat. Non enim dormiet 62 neque dormita
uterum Virginis, et salvaret hunc (sic) qui erraverat 29 vit (sic) qui custodit Israhel.
bumanum genus. Ex hoc 50 ignorantes eum ascen- Tertia natura leonis talis est 65. Quum leæna 64
dentem ad Patrem , hi 51 qui 32 sursum erant angeli genuerit catulum suum , mortuum eum generat 65 ;
dicebant 53 ad eos qui cum Domino ascendebant et custodit filium lea (sic)66 donec veniat pater ejus
(Ps. XXIII, 8, sqq. ) : Quis est iste rex gloriæ ? Res- tertia die,et sufflaverit6? in faciem ejus 68, et suscitat
ponderunt illi : Dominusvirtutum ipse est rex gloriæ . eum. Sic et 69 omnipotens Pater omnium, 70 suscita
Secunda natura leonis est 54 quụm dormierit vit tertia die Primogenitum 11 omnis creatura
oculi ejus vigilant, aperti enim sunt ; sicut in canti- (Coloss. I, 15) . Bene Jacob dixit : Catulus leo (sic) 2
cis canticorum testatur sponsus dicens (Cant. V, 2) :
58 T.deEtcælo
Ego dormio, et cor meum vigilat . Etenim corpo- deret hoc et
ignorantes
ascenderethomines (omnes
, dicebant, etc.?), dum descen
raliter 35 Dominus meus obdormiens in cruce et se- 69 T. Secunda natura : Dum dormierit, oculi ejus vigi
lant ; aperti enim sunt.
pultus, deitas ejus vigilabat. Ecce [epim ?] non 60 T. cantica. D, qui a ici canticis, dit plusieurs fois
dormitabit neque obdormiet 36 qui custodit Israel ailleurs in cantica.
61 T. de eo dicitur : Ego.
(Ps. CXX , 4) . 62 T. dormit, neque obdormitat. Cette application est
Item 37 tertia natura leonis est 38 quum leæna bien vague pour être l'@uvre de la première main ; les mss. A.
et B. ont un sens bien plus plein et plus net. Voici comme
20 B. spiritale. Spiritualis, sensatus, intelligibilis, etc. , s'exprime D. , mais il ne faut pas oublier qu'il porte les traces
qui reviendront à diverses reprises, correspondaient sans incontestables d'un remaniement général : « ... Quum dormit,
doute, dans l'original grec, à vospes, yoritas, doyzós, elc.; ex- a oculi ejus vigilant. Quod bene dicitur de Christo in canticis
pressions souvent adoptées par les Pères grecs pour indiquer a canticorum : Ego dormio et cor meum vigilat. Dormivit
la notion que représente à peu près notre mot mystique. « enim caro in cruce moriendo, deitas vero vigilabat cuncta
11 A. carnis. a regendo. Unde psalmista : Ecce non dormitabit, etc. »
12 B. hoc est ; A. omis. 63 T. Tertia : quum genuerit.
23 B. angelos (ärpedos ?). 94 T. omis.
24 B. arcangelis. 65 C. omis. J'ai emprunté aŭ ms. de Tolède ce verbe sans
25 B. archangelos. lequel la phrase était incomplète dans le ms. de Berne.
26 B. tronos . 66 T. et leana filium custodif donec.
27 B. thronos. 67 T. insufflat.
28 B. discenderit .
68 T. ... ejus, cum ingenti rugitu , et suscitat.
29 B. eruerat. 69 T. omis .
30 B. omis : El ignorantes. 70 T. omis.
31 B. hic. 71 T. unigenitum suum. Unde per Jacob dicitur : Ca.
32 B. quæ. tulus leonis Juda,
33 B. dicebunt. 72 Là s'arrète le texte de ce premier article dans le ms. C.
36 B, omis Nous verrons bien d'autres désaccords entre les manuscrits,
35 B. porro aliter. qui semblent tantôt marcher de concert, à peu de choses près,
36 A. omis depuis ecce jusqu'à Israel. tantôt traduire chacun de leur côté un texte primitif tout diffé
37 A. omis. rent de l'autre . Cela doit remonter à des variétés fort an
38 B. omis. ciennes dans la rédaction du texte grec.
110 MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE.

Lion en grieu est rois en latin 37. Li lions a III manières 38 en soi. Li frons et la keue de
mostre lor corages. Lor vertus est el pis 69; lo fermeté ,el cief. Il s'espoentent*° d'espiés des ve
neors ; et si crièment " mult le cri des caretes, et moult plus crièment fu 42. Et jasoit ce que li
lions 'est rois 43 de tous autres bestes, et que tous le crièment, ne quedent 44 si crient il le
blanc coces.
Et quant il avient que li lions mangue sa proie et s'il avient que home passe d'en coste lui
qui le regarde, -por ce que figure d'ome porte alsi com une segnorie , de tant com il est fais
à la figure et à la semblance del segnor des segnors, -si convient que li lions resoigne son vis
et son regard. Et por ce qu'il a naturel et hardement, si a honte d'avoir paor ; si cort sus à
l'ome , si tost come il le regarde. Et cent fois poroit passer li hom en coste le lions, ne se mo
veroit por que $«6 li hom nel regardast ançois.
48
Li hom *7 si a une partie de la nature al lion. Car il ne se corechera ** , s'il n'est bléciés ou >

s'il n'a vergoigne. Par assi 49 dels essamples si est demostré sa miséricorde . Il espargne les
povres et laisse aller en pais les menus ; ne nul home n’ocist s'il n'a très grant fain . Ceste
example de misericorde doivent avoir en els li halt home, qui doivent espargner les povres 50:
37 Cette singulière interprétation parait avoir pour cause pilus timent, et magis ignem ; et quum ad nullius paveant
une décomposition bizarre du mot grec Βασιλεύς , Βασιλέως . occursum , feruntur album gallum valde timere... Captivos ho
58 S. natures. Voir le second alinéa de la note 45. mines sibi obvios repedare permittit ; et non nisi magna fame
39 Poitrine. Un trouvère du moyen âge, parlant de S. Jean interimit. Ad cujus exemplum rationales homines respicere
l'Évangéliste, l'appelle le disciple debent, etc, » Cf. Pseudo -Hug. a S. Victore, t. II , p. 418.
« Qui dormist el pis Jhesu . o Mais cette crainte des épieux ne reçoit aucune application
40 S'épouvantent (ESP. espanto) des épieux. dans la moralité, ce qui la rend tout d'abord suspecte d'o
11 S. et doutent moult le cry des roes des charettes. Il breption. Philippe de Thaun donne un sens moral à toutes
faut songer que quand les essieux sont en bois, les roues des les additions renfermées dans ces retouches du bestiaire latin,
chariots font entendre une étrange musique. Ceux- là seuls mais ce n'est qu'en rompantl'unité du symbolisme ; car le lion,
s'en forment une juste idée qui ont eu la mésaventure de ren- qui avait commencé par représenter Jésus-Christ, y Gnit par
contrer dans la Biscaye, par exemple, des convois de charret- signifier Satan. Cela n'est pas d'un premier jet.
tes nombreuses dont le cri lamentable se fait entendre au loin, 46 Pourvu que ; ITAL. purchè.
et sert du moins, dit-on, d'avis à ceux qui risqueraient de s'en- 47 S. La hobie (sic ?) si a une partie de la nature au lion.
gager tête à tête avec le convoi dans un passage resserré. 48 Courroucera .
42 Les Picards ne se sont point dessaisis de cette forme du 49 S. Par assidues exemples est démonstré.
mot feu , qui se prononce fou dans les Alpes valaisannes. $0 J'avais songé à présenter de front les divers textes du
43 S. que le lion soit crému ( craint), si crient le, etc. Bestiaire qui composent celte publication ; mais pour les im
44 Et néammoins. primer tous en regard il eût fallu avoir recours à des artifices
45 S. ours, évidemment par distraction ou sot esprit de ré- de typographie qui auraient compliqué singulièrement l'exé
forme; car les enseignes du coq hardi ( outre la planche xxvi) cution. J'ai pris ( excepté seulement dans ce premier article )
montreraient seules que l'histoire du lion épouvanté par le le parti de faire marcher constamment à la suite l'une de l'au
coq jouissait jadis d'une grande popularité. Quoi qu'il en soit, tre les différentes versions d'un même article. Ce sera donc
i’ours blanc dans un manuscrit français du moyen âge semble toujours désormais d'abord la prose française (ms. de l'Arse
un indice curieux des relations avec les pays septentrionaux. nal ) , puis la prose latine, et enfin le Bestiaire rimé du trou
Tout ce qui suit, jusqu'à Li hom si a une partie, etc. , vère normand ; chacun avec sa série continue de notes. Après
est omis dans R et S. mais D peut servir à trouver la source quoi chaque article sera clos et séparé du suivant par les ob
où sont puisées quelques-unes des différences qui séparent servations relatives au fonds zoologique commun à tous les
les bestiaires français et les anciens texles latins. Voici textes. Malgré ce changement à la disposition primitive, il
quelques citations qui en donneront une idée. « Leo enim est certaines phrases obscures que je n'interpréterai point,
græce, latine rex interpretatur..... Animos eorum frons et parceque le recours aux autres textes du même article suffira
cauda indicat ; vil ' us eorum in pectore constat, firmitas in pour lever la dfficulté sans qu'il soit besoin d'autre com
capite . Venabulis septi à venatoribus terrentur, rotarum stre- mentaire.
BESTIAIRES ( Pl. XIX et XXVI).
111
MSS . A, B.
peperit catulum , generat eum mortuum ; et custo
dit eum tribus diebus 39, donec veniens pater ejus N. B. Je ne m'occupe guère, actuellement , de
die tertia insuflat 40 in faciem ejus et vivificat eum. mettre en évidence les vestiges de gnosticisme qui
Sic omnipotens Pater Dominum nostrum Iesum se peuvent reconnaitre çà et là dans le Bestiaire.
Christum filium suum tertia die suscitavit 41 a mor- Ce sera l'un des objets que je me propose de traiter
tuis ; dicente lacob ( Gen. XLIX) : Dormivit 42 tam- quand je croirai être arrivé au texte grec primitif
quam leo, et sicut catulus leonis ; quis 43 suscitavit dont je suis en quête à travers tous ces échos qu'il
(sic) eum ? a suscités durant le moyen âge .
39 B. diebus tres.
40 B. et insufflet.
41 B. suscitavit eum .
42 B. dormitavit.
43 B. qui .
BESTIAIRE RIMÉ ( NORMAND ) .
1. Si qu'il n'i aveit messe dite ,
Ne cors mis en terre sacrée.
Qui ben comence , etben define " ; De l'entredit ne li agrée
Ceo est vérité seue 2? et fine,
Que à ceste feiz ' l plus en die 12;
En totes ovrainnes 3 en doit
Pur ceo que dreiture mendie
Estre loez ", qui que il soit.
Et léalté est povre et basse.
Livre de bone comensaille 5 Tote ceste cose trespasse
Qui avra bone définaille , Guilliame qui forment 13 se doelt 14,
Et bon dit et bone matire
Qu'il n'oze dire ceo qu'il volt
Velt GUILLIAME 6 en romanz dire ;
De la tricherie qui cort
De bon latin ù ? il le troeve
En l'une et en l'altre cort 15 ;
Ceste overainne 8 fu fète noeve 9
Mès il à plus dire se prent 16,
El tens que Phelippe tint France : Car en cest livre nus aprent
El tens de la grant mésestance , Natures de bestes et mors ' 7,
Qu'Engletére fut entredite 10 Non de totes , mès des plosurs ;

1 Finit .
rappelée encore par notre trouvère dans l'article de la tourterelle.
2 X. saine ; Z. c'est vérités sexure.
Ainsi les deux bestiaires français ( prose et vers ) se rédigeaient
3 Y. ovraingnes ; Z. ovrages.. presque simultanément dans le français de deux provinces qui se
4 Loué.
touchent.
5 Y et Z. commençaille.
6 Le clerc Guillaume, de Normandie, a eu soin de se faire con-
11 Z. fois
12 Guil laum e, lefoiz.
; Y. trouvère normand , ne dit point du tout, n'en
naitre dans ce prologue ; mais le ms. X, omet les quinze vers qui déplaise à Legrand d'Aussy ( Notices... des mss. , t. v, 275, sv . )
dataient le poème, et ne conserve que l'indication de la patrie de copié par M. Daunou ( list, litt, de la France, xvi, 220), 'que
l'auteur. Cette suppression doit avoir été faite à dessein , peut-être l'interdit ue ly agrée ; mais qu'il ne lui agrée pas d'en parler cette
par quelque plagiaire, puisque l'on a même pris soin de changer le fois, aussi bien en parlera-t-il ailleurs. Quant aux deux cours, pour
vers où Guillaume se nommait. On en a fait :
Veut un clerc en romanz escrire.
rait- on aflirmer qu'il ne s'agit pas de la cour de France au lieu de la
cour romaine ? Mais contre Rome on n'y regarde pas de si près.
7 Où. L'u représente fréquemment (et peut-être toujours) dans le 13 Beaucoup, fortement.
ms. V le son qu'aujourd'hui nous écrivons ou .
14 Z. deut , et veut ; Y, duet et voit.
8 Z. ouvrage. Overainne se prononçait sans doute ovrainne, et
peut-être n'est -ce qu'une faute du copiste. 15 C'est après ce vers que le ms. X reprend son texte , interrompu
depuis la ligne où était nommé Philippe - Auguste.
9 X. nove et trove ; Y, nueve : Z. treuve, etc.
10 Cet interdit, lancé sur l'Angleterre tandis que Philippe -Auguste 16 Comme nous disons : « Se prit à rire. »
17
régnait en France, nous donne à peu près l'an 1240 , date qui est plusors Z. , mours ( meurs ) : peut-être V devait-il avoir murs, ou
(plusieurs).
112 MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE ,

Où mult avra moralité , Comben Noé après vesqui ,


Et bon pas de devinité 18 Et coment Abraham nasqui ,
Où l'en 19 porra essample prendre;; Et Isaac et Ismael;
Rimés ert par consonancie 20. Cum 33 d'Isaac vint Israel
Li CLERS fu nez DE NORMANDIE Et son jumel 34 frère Esaü ;
Qui auctor est de cest romanz , Coment Joseph fu puis vendu ,
Ore oez que dit li Normanz . Coment 35 il servi Pharaon
Quant Deu primes le monde fist, Quand il fut hors de la prison ;
Et homes et bestes i mist ; Cum Israel fu en servage
A trestotes ces créatures En Egypte mult long estage 36,
Enposa diverses natures, Comment Moïse l’en getta
Et de totes, ceo est la some , Qui 37 tant sovent od 38 Deu parla ,
Dona la seignorie à l'home. Qui fist l'arche et le tabernacle ,
A home dona tel franchise Et pur qui Deu fist tant miracle 39
Qu'il solt 21 conoistre la devise 2:2 Et à qui il dona la lei ;
Que estoit entre ben et mal , Cum li Jueu 40 de male ſei,
Entre trichéur 23 et léal , Qui si 41 sunt mescréant encor 42 ,
Entre parais 21 et enfern . Aurèrent 43 le véel d'or;
Mès por le péché Lucifern Coment après Moïses 46 vint
Qui fu angles et puis malfez 25 , Josué qui lur gent meintint,
Fu home honiz et gabbez 26 ; Et coment Gédéon le fist
Et chaciez en fu en désert Quant la gent Madian occist ;
Dunt nuls qui Dampnedeu ne sert Come le greu 45 vendrent après
46
N’istra jammès pur tot le monde : Qui jugèrent le pople en grès
Ains chet en abisme porfonde 27 Desque 47 Saül le premier rei ;
Dunt nul ne retornera jà . Come cil fu de grant desrei 48
De dire comme 28 Adam pécha Vers Davi 49 qui prodome fu ;
El coment il fu eisillez 29 Come Golie 50 fu vaincu ;
Et del seint parais chaciez, Cum Salomon le temple ſist,
Et coment sa lignée crut, Que près de quarante ans i mist ;
Et qui nasqui et qui morut, Come après lui 51 vint Roboan ,
Et coment de ses eirs 30 avint ; Et come Danz 52 Jeroboan
Et coment li déluge 31 vint , Fu 53 de dis lignées reis ;
Comment l'arche fu compassée, Coment dunt changèrent les leis :
Et quel gent 32 out dedens salvée ; Coment fu le temple Boal 54,

18 Bons traits de théologie ; angl. divinity. 37 V. que .


19 On . 38 Avec. Voir page 108, note 22.
20 V. consonance, en dépit du rhythme. 39 X. Por qui Dex fist tant bel miracle.
21 X. sout ; Y. sot, 40 Juifs. X. Jeve ; Y. Juis.
22 La différence . 41 V et Y. omis.
23 X. tricheor. ANGL . treacherous. 62 V, en quer ; X. entor,
24 Paradis ; Esp . paraiso. 43 Y. Aorérent ; X. Et aourent, Véel se retrouve dans véler.
25 Y. maufez ;; malefidus ? 44 V et Y. Moises après ; X. Et comment dunques après.
26 Berné , attrapé ; ITAL. gabbato. 45 Serait- ce le graff des Allemands (grau) ? X. Li juge ; Y. le gen ,
27 X et Y. parfonde. ou geu .
28 V et Y, comment, 46 A l'amiable ?
29 X et Y. essiliez. 47 Dusque ? X. et Y. Jusqu'à. lat. ad usque (usque ad) .
30 Y. oir, hoirs; ANGL. heir. 48 Désarroi ?
31 Y. deluives. 49 X , David ; Y. Davit. On prononce encore Davi dans la Suisse
32 V. quels gens ; Y. ques genz. romande .
33 V. Et cum . 50 V. Galie ; X. Golias.
34 V. novel. 51 V. omis ; Y, Et comme après vint.
35 V. cum ; Y. com . 52 X. Don ; comme qui dirait Dom ( el senor).
36 angl. et Franç. stage. Y. aaje. Ce vers devient, dans X : : 53 X. Fu donc des dis lignées (Lribus).
Longuement en terre sauvage. 54 Y. Boval ; X. Baal.

1
.
BESTIAIRE Pl. XIX et XXVI).
113
Et 58 coment comença le mal Coment seint Pol se converti ;
Que al tens de tant 56 reis dura ; Coment li apostre le firent ,
Coment li poples meserra 67,
Et li martir qui tant soffrirent,
Cum il fu 38 en cheitiveison
Ce me serreit fort à retraire 72.
En Babiloinne, en la prison ; Mès vus orrez del Bestiaire
Coment Jérusalem fu faite ,
Si com vus ai en covenant ? ),
A 59 coment fu après refaite ; Si comencerai maintenant 74 .
Come li bon Machabé vindrent
Dreiz est que primes vus diom
Qui la gardèrent et meintindrent ; De la nature al 76 LÉON .
Come èle fu après mainmise 60, Léons est une beste fère 76
Et 61 fu puis à Rome soumise ; Et hardie de grant manière :
Et coment Deus 62 li duz , li piz 63, Treis natures ad 77principals
Out dunt pité de ses amis :
Coment il vint de ciel en terre 64
Le léons que si est vassals 78,
Chescone 79 vus sera ben dite.
Pur sa seintisme oeille 65 querre ;
Coment il nasqui de Marie, La primère est que il habite
Coment et par quel tricherie
En grant montainnes 80 par nature,
Furent occis les innocent
Quant ceo avent 81 par avanture
Que chacez est de veneor,
Plus de quarante mil et cent ;
De son espié ad grant pour 82
Coment Jhu Crist préécha 66
Si tant est que à lui atainne * 3.
Qui la novèle lei dona,
De mult loin sent en la montainne
Come il fu puis en croiz pénez
L'odur del veneor qui le 84 chace ;
Et des espines coronez ;
Dont covre od sa cue sa trace ,
Come il fu el sépulcre mis,
Qu'il ne sache eismer 85 ne atendre
Et com 67 pormist à ses amis Les convers ù il volt remandre 86 .
Qu'al terz jor levereit de mort ; De l'altre nature est merveille,
Coment la nef vint dunt à port 68
Que tant ot esté en torment, Car quant il dort é 87 si oil veille :
En dormant ad les oils overz ,
Ce dire 69 vus trestut coment
Clers et luisanz et ben apers 88.
Seinte Esglise 70 crut et flori :
La tierce nature 89 ensement 90

55 V. omis ; X. Coment donc .


56 X. cent ; Y. trois rois. passe, à vrai dire, la permission. Mais je n'ai pas voulu couper au
57 X. misera ; Y, mésara . vif dès le prologue. Que la responsabilité suit toute pour le trouvère.
73 Conformément à nos conventions (comme le covenant d'Écosse).
58 Coment furent ; Y. Comme furent. 74 V. demaintenant. ital. immantenente .
59 V, Come éle fu puis apres . 75 X. de lion.
60 Saccagée ; Ital. manomessa .
61 V, X, Y. omis ; Come ele fu , etc.
76 X, V et Y , fiere et manière,
77 X, Y, etc. a.
62 X. Dex li doux .
63 Miséricordieux ; Lat . pius. 78 Puissant, comme qui dirait : si grant baron ; à la manière des
ricos hombres d'Aragon .
64 V et Y, Coment il vint dunt en terre.
79 X. chascune.
65 Je suppose qu'il devrait y avoir centisme ( centième ouaille) , 80 Peut -être cette n doublée était- elle une manière d'écrire l'n
par allusion à la parabole du bon Pasteur. mouillée. Les autres ms. portent montaignes.
66 V. précha ; Y. prescha. 81 X et Y. avient.
67 V. Come.
82 X. poor ; Y. paour ; Z. paor.
68 Ceci peut être une sorte d'expression proverbiale, ou une allu
sion au vaisseau de l'Eglise (barque de Pierre) . 83 X et Y. ataigne et montaigne. Je le fais observer une seconde
fois pour toutes.
69 Y. Or vous dirai. Tretous s'emploie encore dans les cam
84 Venor ? X et Y, qui chace .
pagnes pour dire : tous sans exception.
85 Y. esmer ( conjecturer, estimer ); X. trover, n'ataindre.
70 X et Y. iglise ; esp. iglesia. 86 X et Y. remaindre.
71 V et Y ont omis ce vers. Z l'omet également, mais le remplace
87 X. Quer quant il dort li oil li veille.
par un autre qui comble la lacune des rimes : 88 X. Et clers et luisanz et aperz.
Et li martir , etc. .
89 V. L'altre nature est.
Qui por Dieu pener se laissirent. 90 Y. ausiment . De même que l'on dit encore quasiment, on
72 Nous atteignons donc enfin le bout de cette prétermission qui aura dit ainsiment et aussiment,

15
114 MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE .
91
Merveillose est estrangement, Si vus volez resurdre à vie ;
Et merveillos ensample 92 done. Car la déité ne pout 107 mie
Car 93 quant la femelle foonne 94 Estre baillée 108 ne sentue 109 ,
Li foons chet sur terre mort ; Ne escopie To, ne batue.
De vie n'avra jà confort L'umanité pot l'em " Il blécier
Desque li pères al tierz jor Sans la déité empeirer 112
Le sueffle et lecche 95 par amor. Sil ( cil ?) vus mustrera 113 par semblance 114
En tel manère le respire 96, Que n'en devez aveir dotance 115 :
Ne porrait aver altre mire 97 ; Trenchez un arbre halt et grant.
En tèle guise vent à vie. Quant li soleils serra raiant 116,
Ore entendez que signeſie 98, En l'oschée '17 del primer colpel 118
Signefiance i ad mult clère. Verrez le rai del soleil bel
Quant Deu , notre soverain père , Et cum plus creisez 119 l’osche avant,
Qui est esperital léon, Et li soleil par tut s'espant.
Vint pur nostre salvation Vus ne poez 120 le rei 121 férir,
Ici 99 en terre par sa grâce, Blescer, ne prendre , ne tenir ;
Si sagement covri sa trace Trestut l'arbre poez trencher
Que unc ne solt 100 le veneur 101 Sains 122 le soleil point enpeirer.
Que ceo fu 102 nostre salveor ; Altresi fu de Ihu Crist :
Et nature s'esmerveilla 103 L'umanité qu'il pur nus prist,
Coment il vint entre nus çà. Que pur l'amor de nus vesti ,
Del veneor devez entendre Peine et travail et mort senti ;
Celui qui fait homme mesprendre , La déité ne senti rien.
Et qui l'enchace pour occire ; Issi créez, si ferez ben.
C'est 'li malfez qui mal désire. Quant Deu fu miz el monument,
Quant cist léons fut en croiz mis Treiz jorz i fu tant solement ;
Par les Gieus 104 ses ennemis 105 Et al terz jor le respira
Qui le jugèrent od grant tort 106, Li Pères, qu'il 123 resuscita ;
L'umanité i soffri mort Altresi come 124 li léon
Quant l'esperit del cors rendi : Respire son petit foon .
En la seinte croiz s'endormi, Ore avom 125 del léon dit
Si que la déité veilla. La vérité solunc l'escrit.
Altrement ne l'entendez jà Li léons fait mult grant noblesce,

91 V. merveillose, et estrangement, 106 Injustice, par opposition à droit.


92 Y. essenple ; X. essanple. 107 X. puet ; Y. peut.
98 Car est ordinairement remplacé dans X. par quer (quare au 108 X. ballie ; Y. balie. Menée à volonté ; ital. balia.
lieu de quia ). 109 Le ms. X renverse l'ordre des deux rimes, mettant batuc au
94 Y. faonne, met bas des petits ( faons). premier vers.
95 X et Y. soufle et léche. 110 Conspuée ; ESP. escupir.
96 La suite (entre les renvois 123 et 125) montſera que ce verbe est 111 Y. peut l'en (l'on peut); X. puet en.
employé avec le sens transitif d'inspirare. 112.X. empeirier ; Y. empirer (détériorer ).
97 Médecin . 113 X. Si vos mosterrai ; Y. Se (ce ?) vous mostrera.
98 X et Y. senefie. 114 Y. sanblance ; comparaison, exemple.
99 X. Çå jus (ici-bas) ; ITAL. qua giuso. 115 Doute.
100 X. sout (sut); Y. sot. 116 Rayonnant.
101 Si cette leçon est bonne, quoique X et Y portent vencor, il 117 Entạille ; X. oche ; Y. ouche.
fallait que l'o accentué (comme dans salveor) approchåt du son ou. 118 Coup ; Ital. colpo, Esp . golpe.
Cela se rencontre encore dans quelques provinces d'Italie ; et quant 119 Aggrandirez, accroîtrez. X. creissiez.
au mot qui nous gêne ici pour la rime, le saviour des Anglais ap 1:0 Y. povez.
puierait cette supposition . 121 Y, rai, rayon. Nous ne le disons plus que pour une roue.
102 Y. fut ; X. fust nostre Sauveor, 122 X. sanz ; ITAL. senza , et sanza .
103 X et Y. se merveilla . 123 x. qui le resuscita .
104 Y. Juis ; X. Jevies, ANGL. Jewish . 124 Y. comment .
105 X et Y. ancmis. 125 Y, Or vous avons dou lion dit.
BESTIAIRE (Pl. XIX et XXVI). 115

Car nul cheitif 126 home ne blesce Quant atains est de veneor,
Si il l'encontre en mi sa veie ; De son espié 130 a grant poor 131.
Ne jà, se grant feim ne l'espreie 127, Escrousemenz 139 des roes crient ;
A nul home mal ne ferat Si merveille 133 dunt ceo li vent 134
Se devant corocié 128 pe l'ad. Que de blanc cok grant pour a,
Li léon qui est si hardiz Jà, qu'il poisse 135, pe l'attendra.
Porte tote sa force el piz 129;

126 Y. chéti , comme en Poitou . 131 Y et Z. paor.


127 X. aspreie ; ITAL . aspreggiare, inasprire. 182 Y. et Z. Escroissement ; il craint le bruit des roues (le cri des
128 V. corecié. Ce vers terminel'article du lion dans X. Le retran- essieux) ; ital. scroscio.
chement des huit autres est d'autant plus excusable que, outre les 133 Z. m'esmervel ; ITAL. mi maraviglio.
redites, tout cela est de nul eflet pour la moralité. 134 Y et Z. vient.
129 La poitrine. Cf. p. 110, note 39. 135 Y et 2. puisse ; pourvu qu'il le puisse.
130 Z. espiel, épieu.

OBSERVATIONS.

Élien, à lui seul , nous montrerait comme admises déjà dans l'histoire naturelle gréco -ro
maine presque toutes les propriétés attribués au lion par le Physiologus, et même par les ad
ditions qu'y font nos traducteurs français. Si l'on y joint Pline, rien n'y manquera ; et les au
teurs classiques demeureront seuls responsables des contes que notre écrivain ecclésiastique
a cru pouvoir accepter de confiance comme bases de ses leçons morales ou de son symbolisme.
Je ne prétends pas revenir sur ce que j'ai dit en expliquant les Vitraux de Bourges ( Nº 44 ,
45 ; p. 77 82) ; il pourra suffire de renvoyer aux passages d'Élien et de Pline où sont exposées
ces propriétés fabuleuses qui formaient une auréole au roi des animaux, avant que les obser
vateurs modernes se permissent de le découronner.
1 re nature : Æl. , de nat, animal. lib. IX, 30. Cf. VI, 1 ; XIII , 14 ; XVII , 26. Les mouve
ments brusques de la queue du lion et la sagacité que l'on prêtait à cet animal paraissent
s'être confondus dans une seule narration avec sa course bondissante , pour concourir à une
sorte de stratagème dont on lui faisait honneur.
2e nature : Æl. V, 39. Cf. Leemans, ad Horapoll . 1 , 19 (p. 220).
3° nature : Plin. , VIII , 17.
Les autres singularités se retrouveront presque toutes dans Solin (Polyhist., cap. 27 ) , et
dans Élien , IV, 34 ; V, 39 ; III , 31 ; VI , 22 ; XII , 7 ; VII , 6 ; etc. Cf. Oppian. Cyneget., lib. IV; -
v . 111 , saq , - Plin . , VIII , 16 (al . 17)—21 .
De tout cela les naturalistes modernes ne nous ont à peu près rien laissé qui pût consoler
les amateurs du merveilleux , et conserver au lion quelques débris des prestiges de son antique
royauté .
Serait - il trop hardi de rechercher l'origine du coq blanc redouté par le lion dans le coq.de
l'aube dont le chant (c'est à dire l'heure qui signale son chant) fait rebrousser chemin aux
bêtes farouches vers leurs tanières ? « Facta est nox , in ipsa pertransibunt omnes bestiæ silvæ
116 MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE,

(Ps. CIII , 20) . » — « Præco diei jam sonat , .... Hoc omnis erronum cohors viam nocendidese
rit... Gallo canente spes redit, etc. » C'est un aperçu, sans plus, sur lequel je ne veux pas>

insister aujourd'hui. Cf. 1 Petr. v , .


8. Du Méril . Poésies populairés latines du moyen âge,
p. 13. — Etc.

2 ( Fig. C) .

CESTE BESTE A NON ANTULA .

Une beste est qui est appelée Antula. Ceste beste si est si crueuse ' que nus ne l'ose apro
cher. Elle a II cornes sanblans á sooires ”, dont ele trence les plus grans arbles de la forest
où èle converse , et abat. Quant ce avient que cèle beste a soif, ele vient à une aighe qui a à
non Euffrate, et boit iluec joste le fleu 3. C'est I lius qui est apelés en grieu héricine * ; cis
lius est plains de menues vergèles 8 et solties 6 et deliés. La beste commence iluec à joer de
ses cornes ; et en son joer s'enlacent les verges en ses corneś tant durement que ele ne
s'en poet restordre?. Et lors gète I cri si haut que li venères l'ot, qui la gaities et espie ; et tan
tost comme li venères ot le cri , il i acort a grant haste et si l'ocit.
9
Tot altresi se tue li hom qui est estudiés as délis del monde , et qui n'aime estre sages et
caeste (en caesté ? ), et vivre esperitelment.
Hom eschive toi del deable , car tu as les II cornes : ce sont II entendements que tu as de
bien et de mal, qui sénefient les II testamens , le viès loi et la novele , par coi 10 trancher et
colper les plantes des menues vergèles. Ce sont tot li vice corporel : avostre " fornications,
avarice, ivrèce, envie , orgoels, homicide, détracions, luxure et tot altre manière de pechié.
Dont s'esjoiront li angle de toi, et totes les Vertus del ciel . Par ce te dois tu ben garder de
cest pecié, que par le dit 12 de luxure ne soies enlaciés, que li deables ne t’ochie. C'est li vé
nères qui tos jors te gaite por engingnier ; li vins et les femes départent home de Dieu 15.

1S. lant cruelle que nul veneur ne l'ose aproucher. 10 S..... de la viez, Loy et de la nouvelle , pour quoy on
-2 S. a une serre (scie) ; LAT, serra . puet... Amiens avail naguère une rue de la vièserie, c'est à
3 R. flupve. Jouxte (comme on disait) le fleuvr. dire des vieux habits , de la friperie.
4 R. evenchine ; dans les mss . grecs, toinen siv ;, tivy, etc. 11 R. avourire , adultère.
Mais on li donne comme indication d'un arbrisseau, et non 12 R et S. Délit, plaisir ; Esp. deleite. Il est bien d'autres
pas d'un licui , comme dans A , B , et M. mots, ici et ailleurs , que je pourrais absolument expliquer,
5 S. vergelles soulis. mais pour lesquels je me fie au lecteur intelligent. Je n'ai
6 Déliées ; LAT. subtilis. R. soulies. point prétendu fa iemeédition cum commentario perpetuo;
7 R. Ne s'en puet destordre ; S. estordre. et quiconque sera doué d'un bonnète instinct philologique
& Guette ; ITAL, guata . verra s'évanouir après quelques pages les embarras où il
• S. Tout autresy, toy, home de Dieu , qui cstudies à était arrêté d'abord. A tout autre, je ne sais vraiment que
estre saige et ( en ? ) chastetés , à vivre espiritelment , dire.
eschève -loy ( esquive-toi ) du diable. 13 Eccli. xix , 2 .
BESTIAIRE (Pl. XIX et XXVI). 117

MSS . A , B. MS . C.

II. DE AUTALOPS 1 .
.

XVIII 4. Figura ( sic) habentes ; ita ut arbores


Item ? est aliud 3 animal qui dicitur autalops “, magnos secent, et ad terra deponant. Quum enim 42
acerrimum nimis 5, ita ut nec venator ei possit ad- sitierint, venit fluvium 45. Sunt enim tenuis hulici
>

propinquare. Habet autem ? longa cornua serræ ramos ; et quum ludendo transcendeverit (sic ),
obligatur cornibus et tenetur ad ramos hulicis 44
figuram habentia, ita ut possit etiam arbores rese
tamquam si irritietur (sic) ; et clamat vociferans,
care 8 altas et magnas , et ad terram deponere. volens fugere. Et dum audierit eum venator, venit
Quum autem sitierit , venit ad magnum Eufraten et occidit eum.
fluvium 10, et bibit. Est autem 11 ibi frutex 12 qui Et tu , homo, serva duo Testamenta , novum et
dicitur græce 15 hericine 14, habens 15 virgulta, veteræ (sic ), quæ tibi pro salute animæ datæ
subtilia et 16 prolixa. Veniens autem , incipit " 7 lu sunt 45 : hoc est avaritia, luxuria, et omni pompas
46
sæculi, et eis incipias ti obligari .
dere cornu 18 ad herecinam (sic ); et dum ludit ,
obligat cornua sua 19 in virgultis ejus. Quum au- 41 Article tronqué, sans titre et sans tête .
42 Le texte grec avait sans doule yip , qu’un traducteur
tem diu pugnans 20 liberare se 21 non possit 22, timide aura prétendu rendre exactement par enim ; comme
il est arrivé plus d'une fois pour d'autres auteurs , même dans
des versions imprimées. La phrase suivante reproduit le même
1 A. point de titre ; D. autula ; Mai (Classic. auctor. , cas .
t. VII, p. 591 ; je l'indiquerai par M ) , autolops. 43 Ici nouvelle lacune, sans que le copiste la signale d'aucune
2 B. et D. omis. façon ; pas plus qu'à la fin de l'article précédent ou au com
3 B. omis ; D. Est animal quvdilam , Autula nomine , mencement de celui-ci.
nimis acerrimum . 44 Malgré les mots uler , frutex et virgulta, la miniature
4 B. omis : Est animal acerrimum . du ms. de Bruxelles (que nous n'avons point gravée) repré
5 A. omis. sente un grand arbre dans les branches duquel se trouvent
6 B. ut venatore possit ; D. nec ei venator possil acce . prises les cornes de l'autolops. Du reste, la forme des cornes
dere; M. nec venatores ei. est la même que dans les miniatures de l'Arsenal (fig. C ) ;
? D. enim magna cornua el alta ; quando autem fugit mais l'animal est tué d'un coup de lance dans la poitrine.
per silvas persequutus u venatore, incidit et secut silvam 45 Autre lacune encore .
cornibus; atque cava robora deponit ad terram . Quum- 46 Il est assez clair que le texte original devait faire usage
que sitim pulitur, venit ad flumen Euphraten , et bibit. ici du verbe žpyouzi, si fréquemment employé de cette façon
Voilà des phrases où l'on reconnait l'homme qui se met assez dans le grec de l'Écriture sainte.
à l'aise avec son modèle. Vincent de Beauvois (specul. naturale) , dont il faut tenir
8 B. secure ; M. secare. compte dans la recherche de notre texte primitif , cite fré.
9 B. et cum. quemment un livre De naturis rerum qui paraît représenter
10 B. fluvium Eufralen . sensiblement le vrai Physiologus, quoique dès lors bien mo
11 D. Est quoque frutex ibi, nomine herelicina ; M. Et difié. Ainsi pour l'Autalops (lib. xix, 3 ; Douai, p. 1385) :
est. " Aptalon (sic) est animal accerrimum , ita ut venator ei non
12 B. flules. « possit appropinquare. Habet autem longa cornua serræ fi
13 6. grege . « guram habentia, ita ut possit etiam arbores magnas et altas
14 B. herecine, M. hericina. « secare et ad terram deponere. Quumque sitit, venit ad flu
15 B. habet autem . « men Euphratem, et bibit. Est autem frutex qui Græce dici
16 B et M. atque . « lur herecin (sic) , habens virgulta subtilia et prolixa ; ad quæ
17 D. autem ad hereticinam , ludit ibi; atque obligat « Judens auditur, et a venatore occiditur. » Mais ce liber De
cornua sua virgullii ejus. naturis rerum, comme le Physiologus cité aussi dans la
18 B. cornis suis ; M. cornibus suis. même compilation (Ibid ., cap. 24, 28, etc.; p. 1386,1398, etc. ) ,
19 A. omis. doit s'être trouvé bien mêlé dès cette époque. Notre vieux Bes
29 D. luctans, se virgullis non potest capcdire, excla- tiaire primitif avait perdu son caractère ancien , et s'en allait
mat magna voce. par lambeaux garnir des recueils où il perdait surtout les ap
21 A. se liberare. plications morales qui avaient été son principal objet dans
22 B. posset. l'origine.
118 MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE . 1

tunc 25 exclamat voce magną. Audiens autem 24 BESTIAIRE RIMÉ .


venator vocem ejus, venit 25 et occidit eum. II. APTOLOPS 1 .

Sic et tu homo Dei 26, qui studes sobrius esse Ore 2 vus dirrai d'altre beste
Qui ad II. cornes en la teste
et castus, et 27 spiritualiter 28 vivere, cujus duo
Si trenchantes come alemèle ?;
cornua sunt 29 duo Testamenta , per quas (sic) po Iceste beste est si isnèle 4
teris 50
resecare et excidere abs te omnia vitia cor Que nul veneor ne l'ataint
Si cèle d'aler ne se faint 5.
poralia : hoc est adulterium, fornicationem , ava Et si vus poet 6 ben aficher
ritiam, invidiam, superbiam , detractionem , ebrie->
Que od ses cornes poet 7' trencher
32
Un arbre gros et parcreu ;
tatem 31 , luxoriam 52, et omnem lubricam hujus Ceo est esprové é º séu .
sæculi pompam 53. Tunc congaudent tibi angeli 34 Aptalops 10 ceste beste ad non,
Si habite en la région
et omnes virtutes cælorum 35. Cave ergo, homo U cort le fluvie 11 Eufratès.
Dei, ab ebrietate 36 ; ne obligeris luxuria 37 et vo- Quant seif 12 la prent, si cort adès 13
A cel fluvie 14 , et del ewe 15 beit 16
luntate 38, et interficiaris a diabolo . Vinum 59 enim
Quant béu ad , si va tut dreit
et mulieres apostatare faciunt homines a Deo Iloc 17 près à un boissenei 18
Si espès come un roncerei 19.
( ECCLI. XIX , 2) 40. Là sunt les raimes 211 si menuz ,
Si espès, si bel et si druz
23 B, D , M. omis. U 21 la beste se vait frotant.
24 M. tunc audiens. Iloc 22 s'envoise 23 et gieue tant
25 D. accurit.
26 A. omis. D prend une tout autre voie dans l'application
morale de cette histoire : Hoc animal significat viros ha tie1ntX.pasDe
.
atalos ; mais dans la suite cette orthographe ne se main

bentes magna cornua bonorum operum , sive scientiam 2 Y. Or vous dirai.


duorum Testamentorum ; qui quamdiu in his studuerint, 3 Lame (lamelle ?). Alemèle se dit encore en Lorraine, et les An
non solum modica, sed et grandia vitia resecant. Si vero glais ont conservé trenchant.
inde reversi ad illecebras et voluptates , hujus seculi vitæ 4 Rapide ; ALLEM . schnell ; ital. snello.
attenderint, gulæ quoque atque carnali delectationi in- 5 Je ne sais ce que cela veut dire .
servierint ; non solum virtutem bonorum operum , cor- 6 Y, Vous puis bien ; X. vos os bien afichier ; on peut (ou je puis)
nibus obligati hereticinæ , sed etiam præmia perdunt ha- vous assurer. Affirmer et assurer ne reposent pas sur une notion
benda . Pour inventer , on pouvait rencontrer mieux. différente de celle qu'exprime afficher (fixer ). L'usage seul aa déter.
27 B. omis. miné les fortunes diverses de ces expressions primitivement parties
d'un point commun.
28 B. spiritaliter . 7 X. puet ; Y. puit.
29 B. cui dua sunt cornua .
30 B. 8 Dans toute sa crue. Nous avons laissé perdre plusieurs mots for
... testamenta quem potes. més ainsi à la manière du pervelim des latins, entre autres.
31 B. æbrietatem (sic). 9 X et Y. et.
32 B. luxuriam ; A. omis . 10 X. Apthalos.
33 B. omne ludibrium... pompam . 11 Y. flueve ; X. fleuve.
34 B. omis.
12 X. sei ; Y. soi.
35 B. cælorum virtutes, 13 De même que sans cesse , ce mot a signifié à la fois immédia
36 B. Dei, æbrietatem . tement (ITAL. adesso) et toujours.
37 B. luroria . 14 Fluive ? X. flouve ; Y. fluie.
38 Voluptate ? B. voluntati. 15 Peut-être aurais-je da transcrire de l'euve. X. éve ; Y. aigues .
39 B. Unum . Nous avons encore évier et aiguiére, Aiguebelle, etc.
16 Y, boit et droit.
40 Il peut être bon de faire observer que, comme dans D, 17 X. ilec ; Y. illuc.
notre animal est appelé autula (ou altula) par l'auteur du 18 X. buisonnei ; Y. boissonoi et ronceroi.
bizarre poème De nummo (Ap. Otto, Codd. gissens. , p. 183) ,
9
19 Un fourré de ronces, comme saussaie, oseraie, rouvroi, etc.
quoique les manuscrits grecs du Bestiaire consultés par moi ne 20 X. rainsel ; Y. ramel. Trois mots différents, d'une même fa
donnent rien qui approche de ce nom. M. Otto a été réduit à mille ; de là, rinceau ( rainseau ), ramée, et ramer des pois. En Lor
dire : « Non novi hoc animal ; » et je ne suis pas beaucoup raine les haricots s'appellent fèves de raimes.
plus avancé que lui , malgré mes textes avec leurs miniatures. 21 X. et Y, où.
BESTIAIRE (Pl . XIX et XXVI ). 119

Od ses corns à val et à mont 24, C'est l'un et l'altre testament ;


Que tot envelupés 25 i sunt ; Qui l'ont apris et recordé 50,
Quant 26 ses cornes sunt atachées Et l'un à l'altre concordé
Es vergètes qui sunt dolgées 27, Si qu'il en sèvent toz 51 les pas 52.
Et èle est prise al runcerei Qu'il n'augent 53 al boisson juer 54
Cum un peisson 2 * en une rei, Et lor cornes envoluper 55 !
Dunt 29 sache 30 et tire à grand poer 31 Et quel boisson porrait ceo estre,
Quant ses cornes ne pot 32 aver. Fors cest malvais 56 monde terrestre ?
Mult c'esforce 33,> ne ren ne valt 31 , Qui est malvais 57 et deceivant,
Dunt se coroce et crie halt 35 U tant se juent li auquant 68
Que l'em le pot 36 de loinz çir . Que i sont pris et acrochiez.
Dunt vent li venères 37 d'air 38 ; Li venères , ben le sachiez 59
Qui la trove iloc enserrée 39; Est cil que le fol home sache 60
Si la firt 40 de lance u d'espée, Tant qu'il l'ataint en cèle place
U d'altre arme 41 ; si l'oscist 42. Suz 61 le boisson , et là l'oscist 62
9

Car ele 43 ne pot grant ne petit Sanz défen 63 et sanz contredit ;


De iloc fuir, ne sei 44 défendre ; Car Deu l'en soffre 64 la baillie .
Là li covent 45 la vie rendre. Pur ceo 65 fait cil mult grant folie
Seignors, ceste beste par ſei 46 Qui tant se délite et solace 66
Done grant ensample 47 de sei ; El monde 67,> et qui tant 68 s’i enlace
Iceste 48 beste signefie Qu'il ne pot ses cornes retraire .
Plosors homes 49 qui sunt en vie, Si me vent 69 mult 70 à grant contraire
Qui ont II. cornes finement Des clers, qui les dous 7l cornes unt 72,

22 Y. Illuc ; X. là . 45 X. covient ; Y, convient.


23 Se met en bonne humeur. Y. s'anvoise et jue; X. s'enveise et 46 Y. foi, et soi.
jeue ; ital, invogliarsi ; ANGL. inveigle ? 47 X et Y. Essanple.
24 Nous n'avons conservé que les locutions techniques en amont 48 Y. Et ceste.
et en aval. 49 V et Y. genz ; X et Y. plusors.
25 Ital. viluppo, etc. X. envelépé ; Y , envelopées. 50 Garde en mémoire.
26 Y. Cant. 51 X et Y. touz ; Z. tot le pas.
27 Menues (déliées); deliétes, dit Philippe de Thaun . Y. dougie's ; 52 Passages ; ITAL. passo .
53 X. n'aillent.
X. deugiés ; Esp . delgado.
28 X. comme peson ; Y. com li poisons est ou maroi. 54 X. joer. Boisson exprime bien mieux un petit bois, un bouquet
29 Y. don ; X. Donc. On a déjà pu remarquer que le sens du tunc d'arbrisseaux, que ne fait la forme moderne buisson .
latin est beaucoup plus sensible dans ce mot à l'époque de Guilliame. 55 X et Y. Enveloper.
30 Le sacar espagnol ne répond plus à toutes les acceptions de cet 56 Y. mauvais ; X, mauves.
ancien verbe, qui avait quelque chose du latin agitare (feras, etc.). 57 X. Qui si est faus.
Les Anglais, avec leur shake, le comprendront mieux que nous 58 ITAL. alquanti. Y , auquns genz ; X. tant se déduient In gent.
aujourd'hui. C'était à la fois secouer, lancer, remuer pour faire 59 X. remplace ce vers par un autre qui continue la phrase pré
sortir, etc. cédente :
31 X. Poeir et aveir ; Y , pooir, avoir. Par les vices ( runces ?) de lor péchiez.
32 X et Y. puet. 60 X , chace ; Z. cace .
61 X. soz ; Y. sos.
33 Y. se force ; X. s'esforce. Les copistes français du moyen age,
surtout à cette époque, confondent fréquemment l's et le c ; je n'y 62 X et Y. ocit.

ferai même pas grande attention en transcrivant. 63 X. deffense ; Y. défense.


34 X. Rien ne li vaut. 64 X. Dex l'en done ; Y. Diex li seufre la balie.
35 X et Y. haut et vaut. 65 X. Por ce fet cil ; Y. Pour ce fait il.
36 X. L'en la puet ; Y. l'on la puit. 66 Se délecte. Ital . sollazzo ; Lat. solatium .
37 X. veneor ; Y. venerres. 67 Y. au monde ; X. el munde. Ce vers, qui manquait dans V, est
38 De toute sa force , avec feu ; ANGL. airs. pris de z .
39 Enfermée, retenue . 68 X et Y , trop .
40 X et Y. fiert. Il ne nous reste que sans coup férir. 69 X et Z, vient ; Y. torne.
41 X , autre glaive. 70 X. à mult grant,
42 X et Y. ocit. 71 X. deus ; Y. II. Dans V les nombres sont parfois en toutes
43 X. Quer el ne puet ; Y. qu'ele ne puit. lettres, parfois en chiffres romains.
44 Y, soi deffendre. 72 X et Y. ont.

Hi
129 MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE .

Qui tot à costume 73 le funt : Vent sur els 47 , et là les acore 98


Al boisson vènent 74 tote jor, Od son glaive ; plus ne demore.
Et ben véient 75 le venéor Ha ! pur Deu 99, hom , porpense toi 100
Qui les enchace 76 pur oscire ; Qui en Deu 101 as créance et foi.
Mès tot adès 77 à sei les 78 tire Fui homicide , fui luxure ,
La veine gloire 79 et les délit 80 Renie orgoil 102, guerpis usure ,
Decest monde qui les oscist, Leissez avoistre 102 , fui yvresce ,
Et qui les plus sages encombre 81 Et envie qui l'alme 104 blesce.
Tant fet 82 bel estre dessuz 83 l'ombre Si tes corns ne pos désaerdre 11.5
Del boisson à lant se délitent, La vie t'en convendra perdre ,
Que trop volontiers 54 i habitent. Non pas del : 06 cors tant solement,
Là les tènent 65 les bels mangiers 86, Mès 107 cèle de l'alme 108 ensement.
109
Les bons beviers 87 suefs et chiers , Ne semblez pas la beste mue
Les bèles femmes 88, les bons 89 dras, Qui del boisson ne se remue
Les palefreiz 9 amblans et graz 91 ; Devant qu'èle i est entreprise 110 ;
L'or et l'argent, la grant pécune 92 Si ceste ensample as ben aprise
Qui 93 tant fet mal à qui 94 l'aune ; Et solunc ceo volez ovrer 1 ,
Tant demorent suz le boisson 95, Dunt ben i porras recovrer 112.
Que li venères al laron 96

95 X. soz cel buisson ; Y. sos le buisson .


73 X et Y. costume.
96 X. venéor li larron ; Y. venerres au laron.
74 X. jeuent. 97 X. sor eus ; Y, sus elir .
75 Y. voient. 98 Eventre. Je n'ose rapprocher cela d'accouer cerf.
76 X. enchauce ; Y. enchante.
99 Y. Pour Dieu ; X. Por Deu.
77 Z. adies.
78 Y et Z. à soi le tire.
100 Y. pourpense toi ; X. home garde toi.
79 V. glorie.
101 X. qu'en Deu aies... fei.
102 X. Reneie orguel ; Y. Regnoie orguel.
80 Plaisirs. 103 X. Lessc avoutere ; Y, Laise avoutire.
81 Retient, embarrasse ; ITAL . ingombrare.
104 X. âme ; Y. arme.
82 Y. fait ; X, tant a bel. 105 Y. Se tes cornes ne puis deserdre : X. ' Tes cornes t'estouet
83 X. desoz ; Y. desos.
désaerdre. Nous reviendrons ailleurs sur le sens précis d'aerdre, que
84 Y. voluntiers.
la Picardie a maintenu .
85 X , tienent. 106 Y. Dou cors ; X. Non pas le cors... , mes le cors et l'ame.
86 Y. menger ; X. boens mengiers.
87 X , ITAL. bevere. boens beivres ; Y. Li bon boire que il ont chier. 107 Y, mais.

88 X et Y. fames. 108 Y. L'arme.


109 Y. sanbler ; X. semble .
89 X , beaus .
90 Z. Li palefroix ; Y. les palefrois. 110 Embarrassée, arrêtée.
91 X , soés et cras ; Y. et blans et gras ; 2. el biel et cras . 111 Y. Et selon ce vuilles ourer.
9. X et V. pécunie, sans que la rime correspondante soit changée. X. Et tu la veuz bien retenir,
93 X et Y. Qui. Mult t'en porra bien avenir .
94 X. Qui fet mal à cil qui. 112 Y. Grant bien... retrover .

OBSERVATIONS .

Tychsen, qui travaillait sur des fragments du Physiologus ( Physiolog. Syrus, p. 4,36-42 ),
et M. Berger de Xivrey, dans ses Traditions tératologiques (p. 299-302), ont reconnu la diffi
culté d'accorder ce récit avec l'histoire naturelle positive. S'il faut remonter à un fait réel
aussi peu éloigné que possible des données de notre vieil auteur, il semble que la présence de
i l'élan dans les régions de l'Euphrate à une époque reculée est une supposition un peu trop
gratuite ; tandis que le daim , avec son bois aplati, garni de nombreux andouillers, et terminé
par une large empaumure dentelée sur ses bords , satisfait passablement à ce que l'on peut
BESTIAIRES (Pl. XIX et XXVII) . 121

attendre de vrai dans le fond de cette narration , On a très bien fait observer que pour trou
ver un fondement à cette idée d'arbres sciés au moyen des cornes il fallait supposer un ani
mal du genre de ceux qui refont leur tête chaque année, et qui touchent au bois, comme l'on
dit, pour frotter leurs dagues et les dépouiller de la peau qui les recouvre encore lorsqu'elles
sont entièrement formées et solidifiées. Cependant, si l'on voulait suivre les manuscrits de
plus près, et accorder même quelque confiance aux miniatures , qui pourraient bien avoir eu
un point de départ authentique, les antilopes ne répondraient pas mal aux exigences du pro
blème. Les anneaux de leurs cornes n'auraient pas été comparés fort improprement à une
scie ; et quelqu'un de ces agiles animaux retenu par la tête dans les broussailles aura prêté
un thème suffisant à l'imagination orientale, qui n'est pas exigeante. En ce cas, l'urus du texte
grec attribué à S. Epiphané ne serait peut-être pas mal traduit par bubale; car, pour l'aurochs,
il ne semble pas qu'il y ait moyen d'y songer.

3 ( Fig. D ) .

CESTE BESTE EST NOMÉE SERRE 1 .

Une beste qui a éles et vole , et èle converse en mer ; si est nomée serre. Ele est merveilleu
sement grans de cors et d'èles. Quant èle voit la nef a tot son voille drécié , ele se liève à eles
estendues ?, et se lance parmi la mer et commence à nagier contre la nef ainsi que s'ele estri
3
vast por passer plus isnèlement que la nef . Et şi estrive 3 en tel manière à la nef, por s'isnèleté
esprover ; et cort en coste la nef a estrif à èles tendues, ben (?) XL liewes * ou C à une alé
née. Mais quant alaine li faut 5,'si ahonte d’estre vencue ; si ne reçoit ormie 6 d'estre vencue
petit et petit por faire son pooir, savoir s'ele pooit la nef estaindre. Mais sitost com èle voit
que recroire ? le covient par le grant travail et par "les grans ondes ; et èle voit que la nef le
trespasse ne tant ne quant 8, si met jus 9 les èles et les trait à lui. Et lors se laisse tot aler à I
fois 10 duscal 11 font de la mer, et ele laisse la nef en la mer el parfont 12 en son liu ; et les on
des reportent la beste al lieu où ele fu prines (primes ? ) .

1 S. De la serre . Cet article est fort abrégé dans R et S. ? Se démentir, se désister ; ITAL . ricredersi.
2 S. Elle liève ses elles, et commenre à nager encontre... 8 Quoi qu'elle fasse.
3 s'élance ; ESP, estribar, estribo : mot qui a fini par exprimer 9 Bas ; ITAL . giuso, giù .
à la fois élan, appui , rivalité, reprise animnée dans un chant, etc. 10 Tout d'un coup.
4 R. XXX estages (stadia ) ou XL ; S. de XXX estages ou 11 Jusqu'au fond. Cf. p. 112, note 47.
de Xl.. 12 S. Ele recroit pour le grand travail, et trail à soy,
5 Lui manque ; ESP. , faltar. ses èles ; et les ondes de la mer l'emportent et la plungent
6 Je ne réussis pas à m'exp.iquer cette phrase, qui manque en la parfondesse en son lieu. Lamer, porte ...
dans R et S.
IL. 16
122 MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE .

La mer porte la samblanche de cest siècle ; la nef porte l'example des justes qui sans nul
périi de foi passèrent parmi les torments et les tempestes del monde , et venquirent les mortels
ondes :: c'est les contraires poestés del siècle où nos somes. La serre qui volt nagier contre la
nef, sénefie cels qui comencent à manoir 13 en bones oevres, et en après sont vencu de plusors
vices : c'est de covoitise, d'orgoil , de luxure, et de plusors altres vices qui les plongent en en
fer ; si -comme les ondes de la mer traient la serre al fons. Et cil qui permaint en bon com
mencement de si la fin , èrent sauf ²4.
. Itèle est la sanblance de la beste qui poissons de mer est 15 semblant, et beste criée el
monde.

13 S. Mouvoir. 15 R et S changent celle phrase sans arriver à une forme


14 Matth. , xxiv, 13. S. Geulx qui permainnent... jusques à plus claire.
la fin , seront sauf.

BESTIAIRE LATIN .

MSS . A , B. MS . C.

IV . DE SERRA I IN MARE .
XIX. DE NATURA PISCIS MAXIMO (sic) QUI DICITUR
Est bellua 2 in mare, quæ dicitur serra , pen SERRA .

nas 35 habens inmanes 4. Hæc quum viderit navem Hæc (sic) piscis longas habet valde alas. Si viderit
in pelago 5 velificantem , elevat ’ pennas suas su navigantes naves in mare , emittatur velit tenere 59,
, 2

per aquam 8 et contendit velificare 9 contra na


et exaltat alas, et continet navigantes. Si autem cur
vem 10. Ubi vero II currerit 12 contendendum 13
rerit ( sic) stadia XXX vel XL, laborat et collegit
1
alas suas, et fluctus eum referunt in locum ubi
A. bellua. Point de serra dans D.
? B. belua . prius fuerit .
3
M. ( p. 595 ) Serra belua est marina , pinnas , etc. Le
bestiaire français en prose adopte pennas pour le lexte , et Mąre mundus est ; navis sancta Ecclesia, in qui
pinnas pour la miniature (voyez aussi pl, xxv, fig. CD) ; mais bus (sic) sunt populi Dei. Hic autem pisces (sic)
plusieurs peintures donnent réellement des ailes à cet animal :
fantastique. Le peintre du ms. de Bruxelles fait plus encore : diabolus est, qui transfigurat se in angelo (sic) lu
prenant sans doute inmanis pour équivalent d'in manibus, cis ( II Cor. XI, 14 ) , ut incautas animas facilius
il a représenté une sorte de sirène (pl. xxiv, fig. BZ) dont
les bras et les mains sont garnis d'un appareil d'ailes. possit decipere 40.
6 B. inmanis .
5
B. in pelago navem .
6 B. vide sicantem . 39 Enititur velificare.
7 B. evelat . 40 Vincent de Beauvais (Spec. nat. , XVII , 27 ; p. 1313) , qui
8 B. omis.... suas, et contendit ; F. pennas, et contendit. . cette fois cite le Physiologus, donne un texte tout semblable
>

9 B. velifacere. aux mss. A et B ; mais un peu abrégé et, comme toujours,


10 B. cum navem ; F et M. cum nave. sans moralité. Je m'en suis servi quelquefois dans les notes
11 A. omis, depuis ubi jusqu'à stadiis. sous la désignation F, comme l'annonçait la préface des bes
12 M. cucurrerit ; F. concurrerit stadiis... tiaires ( ci- dessus, p. 91) ; et je le ferai encore çà et là dans
13 M. contendendo. la suite de ce travail.
123
BESTIAIRES ( PL. XIX et XXVII).

contra navem stadiis XXX aut XL 14 ; laborem non BESTIAIRE RIME.


sustinens 15, deficit 16 ; et deponens pennas suas " ?
IV. Une beste qui ad non SERRE ;
ad se adtrahit eas. Undæ 18 vero maris 19 jam Si n'abite mie ' en terre,
lassam reportant 20 eam ad pristinum locum suum , Més en cèle grant mer habite.
Ceste beste nest pas petite,
in profundum mare 21 . Ainz est durement corporue ;
Ergo hæc bellua figuram hujus sæculi gerit 22. Granz éles ? ad la beste mue.
Quant èle voit en cèle mer
Navis 25 vero justorum habet exemplum , qui sine Les nefs 3 et les dormons sigler 5,
ullo 24 periculo vel naufragio fidei transierunt per En ses èles 6 recolt 7 le vent ,
Vers la nef 8 sigle dorement 9.
medias hujus mundi procellas ac tempestates ; et 25 Le vent la porte suz les undes
mortiferas vicerunt undas, id est hujus sæculi con Qui sunt salées et parfondes ;
Issi vait 10 longement siglant
trarias potestates. Serre vero, id est bellua illa 26
9
Qu'ele n'i " poet sigler avant.
quæ 27 non valuit velificare 28 cum navi 29, figuram Dunt chet 12 aval et se recreit 13,
E 14 la mer la sorbist et beit,
gerit eorum 30
50 qui in initio 51 quidem cæperunt in Et la traist 15 aval al parfond.
operibus bonis 52 consistere ; postea vero 33 non per Li notunère 16 qui par vond (sic)
Ne la quèrent 17 jà encontrer,
manentes in eis, victi sunt cupiditate , superbia, Car c'est un grant peril de mer ;
ebrietate 34 luxuria 35, ac diversis vitiorum generibus Si 18 fait souvent la nef périr
A qui el poet ben avenir 19.
quze 5636 illos, tamquam fluctuantis 37 maris 38 unda ,
Iceste beste , sans dotance ,
mergunt usque ad inferos. Qui vero perseveraverit Porte mult grant signeſiance :
La mer, qui est grande et parfonde,
usque in finem , hic salvus erit (Matth. , XXIV, 13) . : Signefie cest présent monde 20
Qui mult est malveis et amer,
Et périlos 21 si cum la mer.
14 A. et M. stadiis triginta vel quadraginta . Cil qui par la 22 mer siglant vont,
15 B. sustenens.
16 B. ale fecit.
17 B. omís : deponens ad se, etc.
18 B. unde. . 1 X. nient,
19 B. mares ; A. omis. ? Y. Ales.
20 B. reputant. 3 X et Y. nes.

21 M et F. omis :... locum suum (F. in) profundum . 4. X. dromonz ; Y. dromons. Grandes barques, lat. dromo.
22 B. ergo seculi hujus figura (sic) gerit. 5 Cingler ; ALLEM . segeln ; Angl. sail.
6 Y. Ales.
23 B. naves .
? X, requeut ; Y. reçoit.
24 A. omis . 8 Y, né .
25 A. omis depuis et jusqu'à potestates. 9 X et Y. durement : fortement.
26 B. qui . 10 X. Vet longuement ; Y. va siglant longuement.
27 A. omis. 11 X, ne puet ; Y. ne puit.
28 B. velificari. 12 X et Y. Chiet.
29 B. navibus. 13 Y. Recroit , et boit.
30 A. illorum . 14 X et Y. et.

31 B. qui initiis . 15 X. tret ; Y treit . De là l'expression traire une vache .


32 B. omis : ... in operibus postea non, etc. 16 X , les notonniers ; X. li maronier ; X et Y qui par mer vont.
33 B. omis. 17 Ne désirent pas... ; ESP. no quieren .
18 V. et.
34 B. cebrietates.
19 Y. cant ele i puit bien. Avenir, pour atteindre, rappelle notre
35 B. luxoria .
mot parisien aveindre.
36 B. qui . 20 X. munde, et parfunde. "
37 B. fluctuantes. 21 Y. périllos ; X. périlos comme.
38 B. omis. 22 Y. par tot mer ; V. par mer , vers faux.
124 MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE.

Signefient les bons que i sunt 23, Puis retrait 36 et chet al parfond ,
Qui vont par cest monde najant 24, Signefie plusors que i sont 7 ,
Et lur 25 nef à dreit conduiant Qui commencent à ben ovrer,
Por les undes, par les lormens 26, A Deu servir et amer ;
Contre les périls 27 et les vens ; Et quant ils vénent as périls 38
Ceo est à dire et entendre 28 : Des grants aises et des délis,
Ceo sunt li bon que entreprendre Des coveitises qui grant sunt,
Nes puet cil, ne faire neyer 29, Que 39 les traient el val parfont,
Qui nes fine des guerréier 30. Dunt retraient *o de dreit nager ;
Parmi cest monde vont siglant A dunt les estut 4 périller
Li prodome 31 , et lur nef menant Et chaïr 42 en adversitez,
Si dreit que li fel 32 adverser 35 Es péchez, és 43 iniquitez
Ne les poet fère périller. Qui les traient és fons aval
La beste dunt je vus ai dit, Dedenz la 44 méson infernal.
35
Qui par la 31 mer sigle petit
23 X et Y. qui. 33 X. Aversier, et perillier ; Y. avresier. lat. adversarius.
24 X , noant : ITAL. nuotare. 34 V. omis .
25 X. lez nés ; Y. Lor nef a droit 35 X. un petit, un peu.
26 Tourmentes. Esp. tormenta , tormentoso , 36 Reorcit ?
27 X. pérız ; Y. péris. 37 Qu'i sont ? X. qui sunt; Y. qui i sunt.
28 X. C'est à dire et à entendre. De toute façon il fallait que l'e 38 X et Y. és périz. La rime correspondante ne changeant pas,
muet final persistat ou s'élidat à volonté dans la rencontre d'une sans doute que périls et périz se prononçaient l'un et l'autre de la
voyelle qui commençait le mot suivant. même manière,
29 Ce vers, qui manque dans V, est restitué d'après Z. Nes et des, 29 Y. qui les treient ; X. qui les plusors renéier font.
dans ce vers et dans le suivant, doivent être une contraction pour 40 X. don recreient ; Y. dun recroient.
ne les et de les. X et Y s'en passent : qui ne fine de, etc.. 41 X. Estuet ; Y. сovient.
30 Y. queroier, et noier. 42 X. chaer; Esp . caer. Y. cheir:
31 X. Prudom ; X. Li boen prodome, et najant. 43 V. et és iniquitez.
5 ? Ancien primitif de félon ; ital, ſello, angl . fell. 44 V. En la meson ; Y. en la maisson . Vers faux de part et d'autre.

:: .. OBSERVATIONS,

Avant de rechercher ce qui a pu donạer lieu aux inventions dont se trouve embellie l'his
toire de la Serra , il importerait d'accorder les narrateurs entre eux . L'animal a - t -il des ailes
ou des nageoires ? Sa course rapide, ou son vol , a-t-il pour but de nuire au vaisseau qu'il
poursuit ; ou n'est-ce qu'une simple émulation ? Poursuit-il même le navire , ou bien se dresse
l-il pour lui intercepter le vent par l'interposition d'ailes immenses qu'il déploierait derrière
les navigateurs ? Dans l'incertitude où nous laissent les variations des divers textes, nous au
rons une excuse à notre hésitation . L'ancienne réputation de l'échénéis ou remora, qui passait
pour arrêter invinciblement les vaisseaux dans leur course, aura pu avoir quelque influence
sur le rédacteur de cet article ; mais si ce n'était l'immensité des ailes ou nageoires dont la
bête a été gratifiée, on serait fondé à penser que le spectacle des poissons volants ou des nau
tiles à la suite d'un'vaisseau aura fait naître cette histoire. A la vue de cette espèce de vol ou
de cette navigation, brusquement rompus dans leur cours par une submersion subite , on a pu
croire à une jalousie que l'impuissance tournait tout d'un coup en dépit et en découragement.
Que si l'on voulait y voir vin énorme poisson , et un grant péril de mer , comme paraît l'in
diquer le Physiologus syrus (Cf. Tychsen. I. cit. , p. 172-177. — Bochart, Hierozoic. P. 11. I. VI.
BESTIAIRES (Pl. XIX et XXVII) . 125

cap.XV, 9,10; ed . Lugd . t. II , p. 864) , le requin , qui suit volontiers les navires, satisferait assez
bien à cette hypothèse. Néanmoins le nom de serra, qui semble indiquer le xiphias ou la scie ,
nous ramenerait peut- être aux poissons volants sans trop de détour. Car le museau pointu du
pégase dragon, par exemple , et de ses congénères, ou les piquants du dactyloptère, remarqués
déjà par Élien ( u , 50 ) , ont bien pu suggérer l'idée de les comparer à l'espadon ou à quelque
squale, pour peu que les voyageurs ne fussent point doués d'ure certaine finesse d'observa
tion , ou que les premières relations se soient altérées avec le temps.
Une autre histoire d'un dragon qui , pour se rafraîchir, va humer l'air dont les voiles sont
enflées (ap. Berger de Xivrey, l. cit.. p. 444) , paraît être née de celle-ci; vu surtout la répu
tation qu'avait jadis le dragon d’être sans cesse en proie à une soif ardente. Or, qu’un poisson
volant s'abattant sur le pont d'un vaisseau ait pu être pris pour un dragon , je n'en veux
d'autre preuve que le nom seul (tout moderne qu'il est) du pégase -dragon, poisson qui préci
sément vit dans l'Océan indien ; et je tiens l'auteur primitif du bestiaire pour un asiatique.

4 (Fig . E) .

DE II PIÈRES QUI RENDENT FU ' .


Deus pieres sont quirendent fu ”, en I mont d'Oriant”, qui én grieu sont apelées turobolein “.
Li une est malle 6 et liautre femèle. Quant ces II pières sont à la fois l'une loing de l'autre , il ne
rendent point de flambe; et quant la femèle est par aventure aprocié au malle, lor nature si est
tels que erraumento rendent fu si grant qu'il samble que totes les coses ardent en cel mont.
A ceste example , vos home fils de Deu , qui en ceste vie estes , prendés gardes , si vous des
7 9
seurés ? loing des femes ; que par lor aprocemens'n'espraignes à la fois en vos li doubles ? fus,
et qu'il ne déguast tº les biens que Dex a mis en vos. Car il est un angle deable qui tos " jors
guerroient les justes ; non tant solement les sains homes, mais les femes chastes. En la fin
12
Sanson et Joseph'furent andui " tempté par feme : li uns venqui , et li autres fu vencus. Eve
et Susanne furent temptées : l’une venqui, et l'autre fu vencue. Por ce devons garder nos co
rages 13,et amonester les devins commandemens; car l'amor des femes, par coi li péchiés com
mencha dès le commencement, dès Adam de ci aore '4 , [rend] les cuers des homes inobédient.
1 R. pierrez ardans; S. pierres précicuses: 8
Séparer. Peut- être aurait-il fallu écrire désevrer; comme
2 R et S. feu . nous disons sevrer un enfant (le séparer du sein) .
3
R , S. orient . 9 S. le feu de péchié, et que il ne dégaste.
* R. Terrebolen ; S. Turobolen (c'est à dire 620 22001, 10 Dévaste, gâle.
probablement, comme semble l'indiquer le texte latin ). 11 R. de déable.
5
R. måle ; S. maale. 12 Tous deux ; ital, ambedue, aniendue. S. furent tentés.
6 Immédiatement. Ce mot s'écrit parfois erranment, es 13 Cæurs ; ESP. corage (Oupos ).
rant, errunt, esranment. 14 R. De ci que ore, fait desver et esboulir les cuers, etc.
? On dit encore en Lorraine : esporre, esperner ou esper. S. jusques ahui mès.. Je pense que desver se rattache aux mots
nir (a'lumer ) le feu . Cf. p. 127, note 20. populaires endevé (endiablé ? ) et faire endiver. ANGL. devil .
126 MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE.

BESTIAIRE LATIN .

MSS. A , B.
tur ignis ille genuinus 16 in vobis, et consumat 17
III. DE LAPIDIBUS IGNIFERIS 1.
bona quæ Christus contulit vobis 18. Sunt enim an
Sunt in quodam monte Orientis ? lapides igniferi geli satanæ qui semper impugnant justos 19 : non

qui græce * dicuntur TERROBULI 5 , masculus et fe- solum viros 20 sanctos, sed et 21 feminas castas 22 .
9

mina. Isti , quamdiu 6 longe sunt ab invicem, ignis Denique Samson et Joseph ambo per mulieres 2;
in eis non accenditur; quum autem casu ?7 adpro- temptati sunt ; unus vicit, alter victus est. Eva 24
pinquaverit femina masculo, statim ignis accen- et Susanna temptatæ sunt ; sed Eva 25 consentiens
ditur in eis, ita ut ardeant : omnia quæ sunt circa lapsa est, Susanna vero.lege (sic) custodiendo vicit.
illum montem . Igitur divinis præceptis muniendi sunt omnes erga
9
Unde et vos, homines 9 Dei , qui istam vitam ge- feminas : quia 26 illarum peccatum ab initio cæpit,
ritis 10,' separate vos longe II a feminis 12 ;; ne - id est ab 27 Adam , — [et
[ ?] usque nunc 28 filiis 29
dum 15 appropiaveritis 14 ad 15 invicem, accenda- inobedientiæ 3050 debacchabatur 31.

1 B. De carobolim (et dans la table, ceroboljm) lapides 18 B. In vobis.


igniferi. Cet article manque entièrement dans C, D et M. 19 H. Viros sanctos, sed et fæminas castas.
J'aurai donc recours au texte quelconque qui se trouve parmi 20 A. omis.
les compilations de ce genre réunies sous le nom d'Hugués 21 B. Etiam castas fæminas.
de Saint- Victor (Opp. t. II. p. 425) , avec le titre de Bestiis. 22 Cet ange de Satan est sans doute ce qu'on a voulu
représenter dans cette espèce d'ange entièrement nu que
Il sera désigné par H, ici et plus tard.
2 B et H. Sunt lapides igniferi in quodam monte Orien- la miniature de Bruxelles (Pl. xxiv, fig. BY) place près du
moine. Le texte attribué à Hugues de Saint-Victor con
tis (B. montes Orientes). tinue en ces termes : Memores enim esse debetis bello
$ B. Quæ ; H. quos Græci vocant chirobolos, id est ma
rum quæ peregerunt sancti viri, sicut Samson et Jo
nipulos, dicunturque masculus, etc.
4 B, Greci.
seph . Ambo siquidem tentati sunt per mulieres ; sed alter
5 B. Terebolim ; F. thereboleni. vicit, etc.
23 B. Mulierem ,
6 B. Quando ; H. in istis, quando ab invicem separan
24 H. Eva quoque et Susanna tentatæ sunt ; allera vicia
? H.ignis
tur, non, etc.
Quum autem ad invicem casu aliquo appropinqua- est, altera vicit. Ideo nolite securi esse, nec confidere in
verint, statim in eis lantus ignis accenditur. A. quum au solita castitate ; sed munite corda præceptis divinis, ut
tem caro fæminae appropiaverit masculo. vos non deterreat fallax amor mulierum quarum pecca
8 H. Omnia ardeant quæ circa illos sunt. tum ab initio , – id est ab Adam, usque nunc in filios
9 B. Homini. inobedientiæ debacchatur. $

10 B. Geretis ; H, qui vitam geritis monasticam . 25 B. omis : ... sunt ; hæc vicit, áliter (sic) victus (sic) est.
11 A. omis. Custodiendum igitur cor , et divinis proceptis omnimodes
12 H. Mulieribus, quoniam si illis appropinquaveritis, (sic) monendum (muniendum ?) ergo ( sic) etc.
statim noxius ignis accendetur in vobis. 26 B. Quarum peccatum.
13 B. Nec quum . 27 A. Omis.
14 B. Adpropinquaretis. 28 A. Omis .
15 B. Ab. 29 B. Filius.
16 B. Geminus. 30 A. Obedientiæ.
17 B. Consumet; H. Consumetur omne bonum quod 31 B. Debaccabatur; debacchatur .
Christus Dominus vobis contulit,
BESTIAIRES (Pl. XIX et XXVII ). 127

BESTIAIRE RIMÉ.
III. Notre matire est mult estrange Fuir 22 deivent la conpainnie 23
Car sovent se deverse 3 et change, De femmes 24 ententivement 25 ,
Et ne purquant 4 si est tot une ; Et lor carnal 26 aprestement ;
Car les ensanples 5 qu'ele aüne Que cele flambe 27 et cèle ardor
Sont totes pur l'amendement Que vent 28 de la charnèle amor
D’ome 6 qui erre folement. N'arde 29 les bens 30 que en els sunt ,
En orient là sus amont ? Que Deus qui est sires del mond 31
A DOUS 8 PIÈRES sur un halt mont, Ad en els 32 par sa grâce mis.
Qui mult sunt d'estrange nature, Car en poi d'ure 33 sunt malmis
Car il portent feu et ardure. Les bens ù cèle flambe cort
Si sunt come madle 9 et femèle, Que des 34 choses femèles sort.
Et n'oistes unques novele Por vérité saver 35 devom
Plus merveillose, ne plus veire 10 Que tuz jors ad l'angle félon 36
Que ' l li livres nus fait acreire. Son aguait 37 pur faire pécher
Quant li pières sunt loin à loin , Le chaste hom et le dreiturier 388 ;
Feu n'en istroit 12 pur nul besoin ; Del 39 chaste femme ensement.
Mès si 13 par aventure avient Eve 40 de le comencement
Que l'une près de l'altre vient, Pécha par inobedience;
Si esprènent 14 et feu en ist De cest pécié remest semance 41
Que ambedous 15 les pierres bruist 16; Que 12 tuz jorz crest et multiplie 43,
Et tant 17 creit le feus et engraigne 18 Car dèbles 41 pas ne se oblie .
Qu'il esprent tote la montainne, Par la flambe d'itel pecché 45
Et quant que ad 19 de chescone part Ad meint home esté enginné 46
De la montainne, esprent 20 et art. 47 fu tempté 48 et Samson ,
Joseph *7
Ici deivent ensample prendre L'un fu vencu [et] l'altre 49 non ;
Cil qui a Deu se volent rendre L'un fu vencu, l'altre venqui ,
Et qui mangeient 21 en bonne vie : Unques 50 la fiambe nel corompi.
1 Y , matière ; V. nature. 25 X, enterignement.
2 Y. mont , 26 X. charnel approchement ; Y. charnel aprosmement.
3 X et Y. diverse : se diversifie. 27 Y. flame.
4 V. ne porquant ; Y. non pour quant : ce nonobstant. 28 X et Y. qui vient.
5 X. essanples ; Y. exanples. 29 X. n'ardent,
6 Y. home qui herre. " 30.X et Y. biens qui en eus (Y. ex) sont.
? Ce vers, omis dans V, est sans aucune variante dans les trois au 31 X et Y. mont .
tres exemplaires. 32 X. eus ; Y, ex .
& X. deus ; Y et Z.II. Guilliame ne donne point de nom à ces pierres. 33 X. d'ore ... maumis ; Y. En pou d'ore ; Ital. in poco d'ora .
9 X. malle ; Y. male. 34 X et Y. de chose femele.
10 X et Y. Voire, et acroire. 35 X. saveir devon ; Y. savoir devons.
11 X. quer le livre nos fet. 36 X. Angre ; Y. angel. V. fléon, au lieu de filon .
12. X. ist reit por nul besoing, et loing; Y. n'en itroit feux pour , etc. 37 V. Agait ; X, aguet.
13 Y. mais se ; X. et quanl. 38 Y, droiturier .
14 Y, enprènent et fex en it. 39 De la ? X et Y. et la .
15 x. quiandui les pierres; V. quiandex les pierres ; Z.que ambe II. 40 Z. et vées le commencement pieca par inobedience .
16 Y. bruit ; Z. brist ; brûle. Ital. (dial. ) brusar ; Franç. braise. 41 X. remaint, etc ; Y. somence. Ce vers , omis dans V, a été réta
17 Z. Tant esprent li fus. bli d'après Z.

18 X. Engreigne. Nous aurons ailleurs graignor et graindre. 42 X, Y, Z. qui toz (z, tos) jors.
19 X. quant qu'à. Les copistes de cette époque se passent souvent 43 X. creist et mouteplie ;; Z. croist ; Y et Z. monteplie.
de l'apostrophe, lors même que le rhythme indique la suppression 44 X. Quer déable.... s'oublie ; Y. diables... s'oblie ; Z. car li dia
d'une voyelle. bles ne s'oblie.
20 Y. éprent. Il ne nous reste plus guère qu'épris, et encore n'a 45 X. de cest pèchie ; Y. flame de cel péché.
t-il plus qu'un sens figuré. 46 Y. a mains hom... engigniez ; X. d .... enginnie.
21 Manoient ? X, maignent ; Y, mainnent. 47 Y. Josep ; ITAL. Giuseppe.
22 Le rhythme indiquerait que l'on prononçait fuir ; X. fóir ( foir?). 48 Y , tentez ... Sanson .
23 X et Y. compaignie. 49 X. li un fu vaincu, l'autre ; Y. li uns fu vaincuz, li autres.
24 X et Y. fames. 50 X. Onc.... corrunpi ; Y et Z. ainc la flame, etc.
MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE ,
128

OBSERVATIONS .
Elien parle de pierres qui prennent feu au contact de l'eau ou de certaines huiles , et le re
cueil de récits merveilleux attribué à Aristote (ed . Beckmann , p. 84 ,257, 367) contient plu
sieurs curiosités semblables . Quant au sexe de divers minéraux , il en est question dans Pline
(Nat. Hist., XXXVI , 39) ; mais j'ignore si quelque ancien auteur a mentionné cette inflamma
tion spontanée de deux pierres quand on les rapproche. Le nom que donne le Bestiaire latin
(cerebolim ) à cet intéressant minéral peut conduire à des conjectures assez plausibles . Ce
semble être une altération de repauvoćólıs (bolide, pierre de foudre , ou météorique; aérolithe ) ;
et si Tatien n'est pas étranger à la composition du Physiologus, sa patrie avait dû l'initier aux
merveilleux récits et à la haute estime que les Parthes faisaient du ceraunium et des bétyles
(Cf. Plin . XXXVII, 51, 52, 48 , 49 ; XXXVI , 29) . Serait-ce trop se hasarder que de vouloir
reconnaître là un témoignage altéré des feux météoriques qui accompagnent fréquemment la
chute des bolides ? De là seront nées aisément les belles opinions que l'on s'était formées sur
l'origine des feux de l'escarboucle et sur les vertus magiques de divers ceraunia ( Cf. Plin . ,
Salm . in Solin ., 1689 ; p. 196 , sq: ; 168, etc.); car cette espèce paraît avoir eu des
1. cit. , -

limites assez mal déterminées . Je soupçonne même que l'aétile ', avec ses précieuses vertus
( Cf. Plin. , X , 4 ; XXX , 44.— Tychsen , l. cit., p. 107-109 . Salmas . in Solin ., p . 502-504 ;
505, sq.; 168, 177) , y avait trouvé place d'après plusieurs savants grecs et latins , pour la
plus grande gloire du ceraunium .
Mais ne s'agit-il pas aussi peut-être de la pyrite , qui fit très longtemps la fonction du silex
pyromaque des modernes, détrôné lui-même de nos jours par les fulminates artificiels ( les
allumettes chimiques , par exemple) ? Le fait est que les étincelles données par le fer sulfuré
au choc de l'acier ou d'un autre minéral dur (Cf. Plin. XXXIV, 30 ; al . 19 ; XXXVÌI , 73 )
pouvaient prêter à des interprétations comme celles de notre Physiologus. On serait même
passablement autorisé par la miniature de Bruxelles (Pl. XXIV, fig. BY) à prétendre qu'il s'a
git précisément d'une pyrite frappée par le briquet ; cependant je suis très porté à croire que
l'espèce d'anneau placé là dans la main droite du moine doit être interprété autrement ;
chose qui n'est pas d'une importance urgente.
Tout cela était déjà fort obscur dès le temps de Vincent de Beauvais, puisque ce compilateur
nous en donné au moins deux versions : l'une à propos de l’aétite ( Specul. nat. , VIII , 23 ;
p. 505) ; et l'autre à l'article de l'andradamas (Ibid. VIII, 28 ; p. 507) , sous le nom de theroboleni.

1 Nous aurons occasion d'en parler dans la suite de ces re- quelque chose de semblable au sujet du gagales, d'après
cherches. Le Speculum niturale dit (VIII, 22 ; p. 504) le livre De naturis rerum .
BESTIAIRES ( Pl. XIX , XXIV, etc. ). 129

5 (Fig. F) .

D'UN OISEL QUI EST APPELÉ CALADRES.

Uns oiseaus est qui est apelés caladres ' . De cest oisel est escrit en un des livres Moysi ?, qui
est apelé Deutronomus, 3 que on n'en doit mangier. Phisiologes dist de cest oisel qu'il est tos
4
blans * et si a II cornes droites com de chièvres et nule noireté n'a en lui . Et se uns hom
eust les ex 6 coraus ne raeillans, ' li caladres est de tel nature que il gariroit les ex par vertu de
Deu qu'il a en lui; et en sa cuisse , s'on li touchast, tèle vertu a la quisse del caladre. Et si a
encore I autre vertu en lui, et si est trovés és roiax porpris : s'aucuns est en enfermeté, par la
caladre est coneus s'il mora 8 ou s'il vivra. Se l'enfermetés del home est à mort, sitost com li
3
caladres le voit, il oste ses ex del malade ; dont est coneu qu'il mora 10. Et se l'enfermetés n'a
partient à mort , li caladre esgarde l'enferme sor la face; et totes les enfermetés de lui aüne
en soi par nature de lui meisme. Et puis vole en l'air vers le soleil , et art totes les enfermetés
de lui et espart. Ensi est sanés li malades .
Cis caladres porte la samblance de nostre Segnor Jhesu Crist, qui tous est blans et nule
noireté n'a en lui ; si comme il meismes tesmoigne en l'Ewangile, qui dist ' ! : A moi vient li
princes de cest monde, et si ne trova en moi nul mal. Cil qui ne fist onques,pécié, ne en qui
bouche nule voisdie 19 ne fu trové, vint de ses sains ciels de (à ? ) l'enferm pople des Juis. Il
torna 13 d'els sa face pour la mescréance , et torna ses ex à nos Gens , et osta totes nos enfer
metés et nos péchiés quant il fu levé en crois ; et quant il monta ès ciels, qu'il mena notre chai
14
tiveté ? * , et si nos dona dons. Car icil qui le créirent ' 5 , ne le rechurent mie ; dont il dist en
1 S. caladrius. corbeax, oisear, où nous n'avons fait qu'introduire l'u.
2 Comme nous avons vu Judam , p. 108. S : de Moyse. Quant à coraus, j'imagine que cela veut dire rouge, (co
3 R. Deuteronomius ; S. Deuteronoine. rallin) , roux, injecté de sang, etc.
4 S. tout blanc et qu'il n'a nulle taiche noire. La graisse 7 Au lieu de cette phrase, R. porie : La cuisse del calądre
du caludrion sauve le mal des ier, et l'oisel est trouvés en sane le ruil (la rouille ?) de ieur. Icist est trovés en remis
royaux pourprins. (éloigné ?) liu . S'aucuns, etc. Sur le malentendu qui paraît
5 Ce qui est renfermé ici entre les renvois 4 et 5 se trouvait avoir amené le mot cuisse, Cf. p. 130, note 12.
écrit en surcharge, mais par une main contemporaine, et me 8 S. morra .

parait être une interpolation ; d'autant plus que le ms. R. n'a 9 R. torne .
pas un mot de cette addition . Peut-être aurait -on droit de soup 10 S. morra .
çonner une retouche analogue dans la miniature (fig. F) , où 11 Joann ., XIV , 30.
les cornes de l'oiseau semblent formées par un trait de plume 12 Trahison , fausseté ; LAT. versutia ? R. 'boufoie (que
postérieur qui indiquerait une retouche faite après coup . relle ?) . - Apoc ., xiv, 5 : In ore eorum non est inventum
6 Yeux. On a pu remarquer déjà que les finales ex et ax mendacium .
doivent avoir exprimé dans le français de cette époque nos 13 S. trestorna .
sons eu et au ; du moins elles ont été fréquemment rem- 14 Captivité. Pour traduire le texte latin il faudrait ajouter :
placées par cette nouvelle orthographe dans le langage en chaitivaison , ou quelque chose de semblable ; mais je ne
moderne : comme pour les mots Dieu ( Diex, Dex) , mieux trouve ce complément nulle part.
(mies) , etc. Voyez au bestiaire rimé, p . 132 , note 1. L'x rem- 15 B. porterait à supposer qu'il faut lire : icil qui ne le
plissait une fonction semblable dans les anciens mots bear, creirent mie.
II 17
130
MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE .

l'Ewangile 16 : Tos cels qui le rechurent donra - il poesté d'estre fil de Deu : à cels voirement qui
creoient en son non sans mesdire de lui 17.

16 Joann ., 1, 11 ,
. 12 . 17 Ces quatre derniers mots sont omis dans R et S.

BESTIAIRE LATIN .

MSS. A , B. MS . C.

V. DE CALADRIUS I.
III. DE NATURA VOLATILE ( sic) QUÆ DICITUR
4
Item : est volatile 3 qui * dicitur caladrius. De 5 CALATRIUS ,

boc scriptum est (Deuteron. , XIV, 18) in Deutero Sicut in Deuteronomio scriptum est 65. Physio
nomio 6 : Caladrium ? non manducabis 8. Physio- logus narrat de ipso quoniam totus albus est, nul
logus ' dicit de hoc 10 quia totus albus est, nullam " lam partem habens nigram . Interiora ejus infirma 66
partem habens nigram ; cujus interior fimus 12 cu- curant quorum oculi caligant 67. In atriis 68 regum

rat 15 caliginem oculorum. Istud in atriis 14 regum 15 invenitur ; et si quis infirmus est, ex 69 eo cala
invenitur. Si quis autem est in ægritudine 16 consti- trius 70 cognoscitur si vivat aut moriatur. Et ? si
tutus, ex hoc caladri) cognoscitur si vivat aut 17 est infirmitas 72 hominis 75 ad mortem , avertit fa
moriatur. Si ergo est infirmitas hominis ad mortem , ciem suam calatrius?“, et omnes cognoscunt quia mo
mox ut viderit infirmum avertit faciem suam ab eo rietur. Si autem infirmitas hominis est 75 ad vitam ,
caladrius, et omnes cognoscunt quia moriturus est. aspicit calatrius hunc eum , et infirmus calatrio 76 ;
Si autem infirmitas ejus pertinuerit 18 ad vitam 19, et absorbet ?? infirmitatem hominis 78 , et aspergit
intendit in 20 faciem ejus 21 caladrius et assumit 22 eam , et salvabitur his (sic) qui infirmatur 79.
• Cet animal ne paraît point dans D ; A , sans titre. 65 Le fragment du ms. de Tolède (Isid. Opp. , t. IV, 522) ,
2 B. omis .
déjà cité, nous guidera encore dans cet article, mais pour la
8 B. volatil . dernière fois. Il entre ainsi en matière sans nul titre : Cara
4 B. quce . drius natura sua totus albus nascitur, nullam habens
6 B. omis . nigredinem ; et in Deuteronomio de eo scriptum est ; et
6 A. Deuteronomium . interiora ejus , etc.
: B. omis. 66 Infirmos ?
8 B. Manducandum. Dans les extraits que renferme la 67 C. semble défier ici toute interprétation :... ejus foe ...
collection du cardinal Maï, cet article commence ainsi : Cha- ma (illisible; fæmora ?) tam curam puram oculi quorum
radrius, avis quæ in Deuteronomio præcipitur non man- caliginant oculi.
ducari. 68 C. etiam tres ( et in atriis ).
9 B. Fisiolocus . 69 T. ab.
10 A. eo . omis .
70 T.
11 B. nulla . 21 T. omis.
12 B. interius femus. De là sera née la leçon femur. 72 C. omis .
13 B. currat . 73 T. omis .
14 B. studi natrius ; M. in vasis. 74 T. omis .
15 B. regnum . 75 T. si ad vitam .
16 B. egretudine. 76 T. aspicit ad infirnium , et infirmus ad illum . El
17 B. ut .
cum (tum ? ) volat sursum contra radios solis.
18 B. non pertinet . 77 T. comburit .
19 B. mortem . 78 T. omis.
20 B. omis .
21 A. omis .
79 T. et spargit , et infirmus salvabitur ; personam
22 B. adsumet .
Christi gerens qui tolus est niveus et mundus, nullam ha
bens nigredinem .
--
BESTIAIRES (Pl. XIX, XXIV , etc. ). 131

A , B. C.

omnem ægritudinem 23 hominis 24 intra 25 se ; et Hæc calatrius simul bona persona 80 accepit
volat in aera contra 26 solem 27, et comburit 28 infir- Salvatoris ; totus enim albus est Dominus noster,
mitatem 29 éjus , et dispergit eam ; et erit 50 salvus non habens neque unam 81 nigritudinem . Dixit
infirmus. enim quoniam princeps hujus mundi venit 82. Ve
Caladrius igitur personam accipit 31 Salvatoris niens enim de sanctorum cælorum à Iudæis deita
nostri : totus est candidus Dominus noster, nul- tem (sic ). Veniens autem ad Gentes, tollens a no
lam habens 52 nigredinem 55 , sicut ipse testatus 54 bis infirmitates et languores portavit; exaltatus est
est ( Joann ., XIV, 30) quoniam venit princepshujus super lignum crucis ; ascendens in altum capti
mundi, et in me non invenit quicquam ; quia 35 pec- ram duxit captivitatem , dedit 83 dona hominibus.
catum non fecit, nec inventus est dolus in ore ejus Bene ergo Physiolocus arguit de calatrio. Sed
( 1 Petr., II, 22 ) . Veniens autem Dominus 56 de dic [es ?]mihi quoniam calatrius immundus est ; sed
excelsis cælis 37 suis ad infimum 58 populum Israel , adferet ( adfers autem ?) eum in persona Christi.
38

avertit faciem suam ab eis 59 propter incredulitatem - Et serpens inmundus est ;; Iohannes dicit quia 84
illorum 40 ; et 41 convertit se ad nos Gentes, tollens sicut exaltavit Moyses serpentem in deserto, ita
infirmitates nostras ; et peccata nostra portans exaltari oportet Filium hominis. Prudentior est;
(Ps. LIII, 4 ) , exaltatus est in lignum 42 crucis. As- duplicia enim creatura, et laudabilia et vitupera
9

cendens enim 43 in altum 44, captivam duxit cap- bilia 85.


tivitatem , dedit dona in 45 hominibus (Eph. IV, 8) .
80 Avis quidem immunda , sed simul bona , perso
nam ? etc.
23 B. omnes egritudines. 81 Version diaphane, qui accuse le grec ynde uia, cude
24 B. omis.
μία.
25 B. infra. 82 Pbrase supprimée dans T... nigredinem ; desursum a
26 B. omis.
Patre veniens, et sui eum non receperunt. Et a Iudæis
27 B. solus.
avertit faciem suam ; Gentes autem sua deitate aspexit
28 B. comburel .
toliens infirmitatem peccatorum. Et languores nos -
29 B. infirmitates.
tros ipse portavit ut exaltaretur super lignum ; ascen
30 A. ejus. dens, etc.
31 B. accepit. 83 T. omis :... captivitatem . Sed dicis : Caradrius im
32 B. habel .
mundus est ad escam , quomodo polest portare figuram
33 B. egritudinem . Christi ?
34 B. de se cestatus (sic) . On sait qu'à diverses époques du 86 T. audi loannem evangelistam : Sicut exalta
moyen âge, le cC et le t se ressemblent au point de se confondre
vit, etc.
très aisément.
85 Au lieu de cette phrase, qui ne s'expliquerait pas sans sa
35 B. quippe qui. confrontation avec A et B. , voici comme T. termine : ... Fi
36 B. omis.
lium hominis. Nam et filii Israel quando aspiciebant
37 A. omis :... de excelsis, avertit faciem , etc. æneum serpentem , sani efficiebantur. Le ms. de Bruxelles,
38 Les bestiaires français montrent que nos traducteurs
avaient lu infirmum . qui ne cile pas ce texte du Pentateuque, a néanmoins le serpent
39 A. a Iudæis.
du désert parmi les miniatures ( lig. CA) qui accompagnent la
calandre; mais nous ne l'avons pas reproduil.
40 B. eorum .
Vincent de Beauvais (Spec. nat. , XVI, 44 ; p. 1183) au rait
41 B. omis .
pu nous être utile pour cet article s'il n'avait deux textes sur
42 B. ligno .
le charadrius, et tous deux sensiblement arrangés soit
43 A. omis. par le compilateur, soit par ceux qu'il copiait.
44 B. alto.
45 A. omis.
1

132 MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE .


1
In sua venit, et sui cum non 16 receperunt ; quot
BESTIAIRE RIMÉ .
quot 47 autem receperunt eum 48, dedit eis potes
V. KALADRIUS est un oisels 1
tatem filios 49 Dei fieri, his qui credunt in eum
Sor tuz altres corteis et bels,
(Joann. , I , 11 , sq. ) . Altresi blancs cume la neifs 2.

Sed forsitan dicis quia caladrius secundum Le Mult parest 3 cist oisels corteis.
Alcone 4 foiz le trove l'em 5
gem immundus est. Certum est ; nam 50 et serpens El pais de Jerusalem .
inmundus est, et Johannis ( sic) testatur 51 de eo Quant uns hom est en maladie
Que l'em despeire 6 de sa vie ,
dicens 52 quoniam sicut Moyses exaltavit serpen Dunt est cist oisels aportez .
7
tem in deserto , sic eraltari 55 oportet filium homi Si cil deit estre confortez
8
Et repasser 8 de cel malage,
nis (Joann. , III , 14 ) . Et alibi (Gen. , III , 1) pruden L'oiscl li torne le visage
tior dictus 54 est omnium bestiarum . Similiter Et trait à sei l'enfermeté ;
Et s'il ne deit aver sancté 9,
etiam et leo et aquila inmunda sunt ( Levit. , XI ) ,
L'oisel s'entorne 10 d'altre part ;
sed ille 55 ferarum rex est, et 56 illa volatilium. Se Ja ne fera vers lui regart.
Ore est réson que je vus die
cundum regnum ergo 57 Christo adsimilata sunt, Que cest blanc oisel signefie ,
secundum rapacitatem vero diabolo. Et alia multa Il signefie sanz error
Ihu Crist nostre salveor
sunt in creaturis 58 habentia 59 duplicem intellec Qui unques neires plumes " n'out,
tum; alia quidam 60 laudabilia, alia vero 61 vitupe. Ainz fu tut blanc, si cum li plout 12.
rabilia ; et deferentia 62 inter se atque discreta , 65 En lui n'out unques nereté 13 ;
Il mêmes 14 , qui est vérité,
sive moribus sive naturis 14. . Dit en l'evangelie 15 de sei 16 :
Li princes, dit-il, vint à mei
46 B. omis :... hominibus. Etenim qui non crediderunt, De cest mond , mès ren n'y trova
non, etc. C'est ce texte, ou peu s'en fallait, que Pierre le De tot iceo que il quida 17 ;
Picard avait sous les yeux. C'est à dire ren qui son 18 fust,
47 B. quotquod.
48 B , omis.
49 B. Filius. 1 X. oiseaz, ct beaus ; Y, uns osiaus, et bear.
50
A. omis : ... inmundus est , et Iohannis , etc. Dans le
2 ITAL, neve ; 'Esp . nieve. X, neis ; Y. nois et cortois. ]
3 V et Y. est .
ms. de Bruxelles, un mot répété à quelque distance de son
4 X et Y , aucune.
premier emploi a souvent occasionné l'omission d'une ou
5 X et Y. l'en ; mais la rime correspondante est la même partout.
deux lignes intermédiaires.
51 A. omis . 6 Y. despère, désespère.
7 Guéri , soulagé.
52 A. dicit. 8 Revenir, relever.
53 B. exaltare. 9 X. santé.
54 B. datus. 10 X. se torne ; Y. s'antorne.
55 B. illi . 11 X. pennes ; Y. noire plume.
56 A. omis. 12 Si je comprends bien cette fin de vers, elle ne doit point sigui
57 A. et tam (etiam ?) . fier grand chose ; mais elle fournit une rime.
58 B. creata . 13 X, ne out..... nerté; ital. nero. Nous disons encore negre,
1 59 B. habeat. quoique noir ait prévalu sur neir.
14 Y. méismes.
60 Quidem ?
61 A. Quidem . 15 Nous trouverons plus d'une fois cette finale ie ( glorie, pécunie)
n'ayant pas dans le vers plus de valeur qu’un e muet. X et Y, l'é
62 A. diſſerentiam habent.
vangile.
63 A. discretionem . 16 Y, soi, et moi.
64 B, natures. 17 X et Y , cuida. Outrecuidance a seul survécu à sa parenté ;
ITAL. tracotanza ; Lat. cogitare.
18 X. soen ; Y, sien,
BESTIAIRES (Pl. XIX, XXVI, etc. ) 133

U péché chalenger 19 péust. De lor esgart torna sa face 31 .


Si s'en tint mult à enginné : Par sa benigne 32 seinte grace
Car Deu ne fist unques péché, Se torna donques 33 vers nos Genz !!
N'en lui ne fut unques troveie 20 Qui estoions laz et dolenz,
Nul tricherie proveie. Sans fei et sanz enseinement 35,
Icest verais Kaladrius En grant miseire 36 et en torment;
Est nostre Salveor Jhésus Nos enfermetez visita,
Qui vint 21 de sa grant majesté Nos péchez en son cors porta
Pur esgarder 22 l'enfermeté El seint fust de sa croiz veraie ;
Des Gieus que il ot tant amez, Dunt li déables mult s'esmaie 37,
Et garniz 23 et amonestez, Issi 38 faire le conveneit :
Tantes fois péus 21 et gariz, Aussi cum Moïses aveit
Tant honurés 25 et tant chériz ; Halcié 39 la serpent el desert,
Et quant il vit que ils moreient 26 Ausi 40 covenait en apert
En la non-fei 27 ù ils esteient, Le fiz de femme 41 être enhalcié 42,
Vit leur malice et lor ordesce 28 , Et en la seinte croiz drécié 48.
30
Et lor malquer 29 et lor péresce

19 Imputer, revendiquer, calomnier, chicaner ; Angl. challenge ; 30 Paresse ; ESP. pereza.


LAT. calumniari. 31 X. adonques lor torna.
20 X et Y. trovée et provee. 32 X. sa seintime (sanctissima ) douce grace.
21 V. que unques vint de grant. 33 V. dunt .
22 Esgurt signifie quelquefois consultation (judiciaire ou médi 34 Nations païennes, les Gentils (Gentes, čové, dans le style de la
cale), examen ; et, par suite seulement, décision péremptoire, con Bible) , ethnici .
clusion. 35 X. enseignement; Y. ensoignement.
23 Entretenus, soignés ; ANGL. garnish. 36 X. misère.
24 Nourris , repus. 37 Se déconcerte, se påme ; kp. desmayar.
25 X. ennorez ; Y. honorez, 33 Y. Ensi; V. et issi.
26 Y. moroient et estoient, 39 X. drécié le serpent ; Y. haucié le serpent ou désert.
27 Y , nonfoi infidelitas); comme ailleurs nonsachant (insipiens), 40 Y. ansi convenoit.
nonchalant. Cf. ci -desssous, note 29. 41 X et Y. fame ; quoique l'Évangile et les Bestiaires latins disent
28 Souillures, impureté; il nous reste encore ordure, ordurier , filium ho ais.
ITAL . lordo, lordura ( luridus?) X et Y. durece et perece. 42 Elevé, exhaussé ; ITAL. inalzare.
29 Y, malcuer ; comme ailleurs, maufé, etc. ; X. lor mauvais cuers. 13 V. halcié ; Y. hauciez. Franç. hausser.

OBSERVATIONS.

La calandre con la trouve appelée calandria ) nous a suffisamment occupés dans le texte
des vitraux de Bourges (n° 71 , p. 128-130) , à propos d'une verrière de Saint-Jean de Lyon.
Contentons-nous de renvoyer à Élien (XIII, 17) , et aux considérations par lesquelles Tych
sen voudrait établir ( libr. cit ., p. 88-94) que cet oiseau doit être le cacatoès blanc ; bien que
rien n'autorise à mettre sur le compte de ce dernier les vertus médicinales attribuées au
charadrius, sauf le soulagement quelconque que la vue d'un objet blanc aura été censée pro
curer à des yeux affectés par la jaunisse. Car la jaunisse seule, et c'était bien assez, était la
vreie maladie qui avait primitivement pour spécifique la calandre. Plus tard on a fait de ce
précieux oiseau un véritable catholicon :
« Vires adquirit eundo. )
134 MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE .

6 (Fig. G) .
CESTE BESTE AA NON WIVRE 1.

Une beste est qui est apelée wivre. Phisiologes


dit qu'èle est de tel nature qu'ele ne naist onques
devant ce qu'èle a tué son père et sa mère. Car la
femèle conchoit par sa bouche la teste delº malle ;
en tel manière que li malles li boute sa teste en la
goule, et en deme[n ]tiers 3 que il se délite en sa
goule ; la femèle li trence tote la teste as dens , et
l'engloute ; et de ce conchoit , et li malles demore
mors . Et quant che vient après, et la wivre doit
enfanter ; si enfante par le costé, et ensi le covient
crever et morir .
De ce dist Phisiologes que envieus muert en tel manière comme la wivre. Et dit en tel
manière que quant li envieus hom a envie de son proisme “, et il en parole à autrui, et enortes
les biens les ricèces de son proisme, tant que cis en est tos plains d'envie par l'enortement
que cil li a dit. Si a conchut par la bouche, si comme li wivre. Cil qui à l'autre ce enorte, il
est père à le wivre, cist est mors d'envie ; et li autres qui a concheu par sa bouce, mora de
che qu'il a concheu, si comme la femele. Car qui envie a, ele ne puet morir se cist ne muert
avant qui le porte. Por ce muèrent tot envious si comme la wivre.

1 Guivre, vipère : J'aurais peut-être mieux transcrit en cards ont laissé subsister ce mot du treizième siècle.
mettant vuivre. Cet article manque dans R. Son prochain ; ITAL. prossimo ; ESP. progimo.
2 Il se pourrait que le texte eût ici une lacune. 6 Exhorte, dit le lexique de Barbazan ; mais le contexte
3 Pendant que. Esp. mientras ; ital. mentre. Les Pi n'indiquerait-il pas ici exalter, vanter, etc. ?

BESTIAIRE LATIN ,

MSS. C, A. dixit fugere a ventura ira ? Physiolocus monet de


VIII. DE NATURA VIPERÆ ! , vipera quoniam faciem habet hominis 3 viri mas
Bene ? dixit Johannes ad pharisæos (Matth ., III, culus “,4 femina autem 5 mulieris usque ad umbili
7 ; Luc. III , 7) : Generatio viperarum , quis vobis cum ; ab 66 umbilico autem usque ad candam , cor

1 A. DE VIPERA. Rien sur ce sujet dans B. pectore usque ad umbilicum , femina est ; ab umbilico, etc.
2 A. Dominus ait in Evangelio ( Matth ., XII , 34 ; 3 C. omis. Aucune miniature, tout étrange qu'elle soit, ne
XXIII, 33) Generatio viperarum . Vipera faciem ( sic) ha répond à ces données merveilleuses du texte latin .
bet, etc. M. ( p. 595) commence ainsi : Vipera genus est A C. omis .
serpentis venenose . Physiologus autem de vipera di 6 C. omis .
cit quoniam a capite usque ad pectus, masculus est ; a 6 C. et usque, etc.
BESTIAIRES (Pl. XIX , XXV, etc. ).
135
7
codrilli ' habet figuram . Vadum 8 autem ' feminæ Bene 29
ergo similavit Iohannes viperæ phari
non habent 10 in sinu " I suo, sed ut 12 foramen acus sæos ; quoniam 30 sicut hæc generatio occidit pa
habent 13. Et si 14 masculus fiat 15 cum femina, trem et matrem 31 , sic pharisæi 32 occiderunt in
effundit semen in os 16 feminæ . Et si ebiberit " 7 tellegissimos ( sic. Cf. p. 109, note 20 ) parentes
semen ejus 18 femina 19, præcidit 20 veneria 21 ne- prophetas et Salvatorem nostrum Iesum Christum ,
cessaria masculi ; et moritur 22 masculus statim 23. et matrem 55 terrestrem Hierusalem . Quomodo
Quum autem 24 creverint filii ejus in utero matris ergo 34 fugient ab ira ventura 55 ? Pater autem nos
suæ 25, non habens illa senum unde pariat, filii ter lesus Christus 36, etmater Ecclesia 57 vivunt in
.
adaperiunt latus matris suæ 26; et sic foris 21 exeunt æternum 58; ipsi autem peccatores 39 mortui sunt.
patrueli et matrueli 28.

? C. corcodrillo ; M. crocodrili. 27 C. omis ; A. et exeuntes occidunt patrem et matrem.


8 A. mulier non habet in se senum (sic) , sed. 28 M. exeunt. Patrolæ ergo sunt et matrolæ . On devi
9 C. omis .
nera sans peineles mots grecs πατραλώας et μητραλώας, dont
10 C. habet .
l'étrangeté dans leur costume latin aura désorienté le copiste
11 C. in sexu , sed. du ms. C.
12 A. sicut ; M. et. 29 A. similabitur ergo Salvator noster pharisæos, si
13 A. omis ; C. habet. cut, etc.
16 M. omis ; A. si autem . 30 A. omis .
15 M. voluerit cognoscere feminam , effundit. L'expression 31 C. sicut occidit vipera patrem aut (sic) matrem .
employée par A et C, a l'avantage de faire reconnaître le verbe 32 A. sic et hic populus sine Deo est, palrem lesum
grec oúv-elle, qui était sans doute dans le texte primitif. Christum , etc.
16 C. hos . 33 C. et Ecclesiam . Quomodo, etc.
17 C. bibit; M. et dum sorbuerit femina, præcidit. 34 A. omis .
18 C. omis. 35 C. fugiant futuram iram. Et quidem pater et mater
19 A. omis . vivunt.
20 C. præcedit. 36 C. omis.
21 C et M. omis. 37 C. omis .
12 A. omis : ... masculi. Quum autem . 38 C. in sæcula.
23 M. omis . 39 C. omis.
25 C. omis ; M. Dum autem . Malgré l'air d'antiquité qu'a cet article, je ne le trouve point
28 M. omis : ... creverint in utero matris filii, comeduni dans mes bestiaires rimés ; et il est assez remarquable que ,
ventrem matris, et sic erient, etc. même dans la prose française, le symbolisme soit changé :
26 C et M. omis.
comme si la rédaction primitive eût été perdue.

OBSERVATIONS.

Quoique Élien ( I, 24) et Pline (X, 82) , après bien d'autres (Cf. Leemans, in Horapoll.,
p. 351 , sq. ) , répètent les détails du parricide des vipères, l'antiquité avait commencé à s'en
7

déprendre avant que les observateurs modernes renversassent tout cet échafaudage tragique ;
si bien qu'Élien lui-même (XV, 16), revenant sur ses pas, demande pardon à Hérodote de ce
qu'il ose écarter son témoignage en cette matière. Mais les amateurs du merveilleux ne tin
rent nul compte des rétractations, et continuèrent longtemps à suivre le Père de l'Histoire.
Du reste, si la vipère proprement dite est réhabilitée en cela par les naturalistes, rien ne
nous garantit que chez quelque autre serpent asiatique la femelle ne traite point son mâle
136 MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE .

aussi traîtreusement que le fait chez nous l'araignée. Tychsen fait remarquer ( l. cit. , p. 50-54)
que nous ne sommes pas encore en état de traduire bien sûrement tous les noms de reptiles
que renferme la Bible ; et quant à la singulière idée des vieux Bestiaires latin , qui veulent que
la vipère ressemble à l'homme par la partie supérieure du corps, il se rejette sur le naja ou
serpent à lunettes, en qui, de l'aveu de. Lacépède , plusieurs ont cru voir une ressemblance gros
sière avec les traits de l'homme. De cette sorte , une bonne partie de notre conte reposerait
sur des fondements tolérables. Mais , pour le reste , on n'y peut guère voir jusqu'à présent
qu'une contre-vérité ; car les vipéreaux sont parfois mangés par leur mère , au lieu de lui
donner eux-mêmes la mort. (Cf. Lacépède, Hist. nat. des serpents, vipère commune. )

7 ( Fig. H ) .
D'UN OISEL QUE ON APÈLE PELLICAN " .

David dit en une seaumeº premier 33 : Je sui samblablesó al pellican . Physiologes dist del
pellican qu'il aime moult ses oiselés ; et quant il sont né et creu , il s'esbanoients en lor ni
contre lor père , et le fièrent de lor eles en ventelante ensi com il li vont entor ; et tant le
fièrent qu'il le bléchent és ex. Et lors ? les refiert li pères et les ocit. Et la mère est de tel
8
nature que ele vient al ni al tierc jor , et s'acoste sor ses oiselés mors , et éle oevre 8 son costé
de son bec, et en espant son sanc sur ses oiselés ; et ensi les resucite de mort. Car
li oiselet par nature rechoivent le sanc sitost comme il saut 9' de la mère , et le boivent. Tot
autresi dit nostre sire Jhesu Crist par Ysaïe le prophète 10 : J'ou criai fils et norri, et il me dé
pistrent " . Voirement li verais crière 12 de totes créatures, quant nos n'estions mie nos fist que
nos fuissons ; et nos le ferons en la face. Car nos servons à toute créature qu'il fist, ne mie al
créator. Por ce monta nostre sire Jhesu Crist en la crois, et sofrit (s'offrit?) à ovrir son saint
costé, dont sans et aighe issi por nostre salu en vie perdurable ; l'aighe est la grâce de bap
tesme, li sans est li calisses del novel testament que nostre sires rechut en ses mains et bénéi
grâces rendans ; et nos donna 13 en rémission de nos péciés.

1 R. Du pellican ; S. Du pelican. 8 S. et se fiert de son bec en son costé, si qu'il espani le


2 R. en la saintisme (très saint) siaume première. Peut sanc ...

être devrait-on lire centisme . première (101) . S. ou 9 De Saillir , sauter ; ITAL, salire (errumpere).
centisme siaume du sautier. 10 Isai. I, 2.
3 Ps. CI, 7. 11 R. despirent. LAT. despicere; ITAL, dispetto.
4 S. samblans. 12 Créateur, comme qui dirait créeur; à la manière de
5 S'ébattent. Salvère. Ce qui était beaucoup plus français.
6 ITAL , sventolando ? ANGL . wanton ? 13 Le ms. de l'Arsenal omet donna en . S : et le nous
? R. Et li pères iriez rcfiert cus et les ocist . donna.
1

BESTIAIRES (Pl. XIX et XXVIII) . 137

BESTIAIRE LATIN .

MSS . A , B. MS . C.
IV. DE NATURA ANIMALIUM ET NOCTICORACOS 29.

VI. DE PELLICANO I.
Bene David dicit (Ps. CI , 7) : Factus sum sicut
pelicanus in deserto, et sicut nocticoracus in domo -
Dicit David in psalmo C• I• : simile (sic) factus cilio (sic) . Physiolocus narrat de pelicano quoniam
.

2
sum pellicano solitudinis. Physiologus 2 dicit de amator est filiorum nimis, si autem genuerit natos
pellicano quoniam amorem 5 filiorum nimis. Quum * et creverint, percucient ( sic) in faciem parentum .
Parentes autem colaphizant 50 eos 51 et occidunt
autem genuerit natos 5 , et cæperint 6 crescere, eos 32. Deinde misericordia 33 ducti 34 parentes ,
.

percutiunt parentes suos in faciem ?. Parentes autem tribus 3555 diebus lugent 56 filios suos quos occide
8 38
repercutientes 8 eos, occidunt filios suos. Tertia runt ; et 37 tertia die venit eorum pater, et 58 erum
vero die, mater 10 eorum percutiens costam suam pit 39 latus suum ; et 40 sanguis ejus stillat 41 , si
aperit" latus suum ,, et incumbit 12super pullossuos, pra 4262 mortua corpora pullorum ; et de 45 ipso san -
guine suscitat 4+ illos de mortuis.
et effundit sanguinem suum 15 super corpora mor
Ita et Dominus noster per Esaiam dicit : Filios
tuorum filiorum ; et sic sanguine suo suscitat 14 eos genui et exaltavi, ipsi aștem me spreverunt . Fabri
a mortuis .
cator noster genuit nos, et percussimus eum . Quo
Ita et 15 Dominus noster lesus Christus per modo percussimus eum ? Servivimus creaturæ
plus quam Creatori. Veniens autem in altitudi
1 A , point de titre ; mais le ms. a été coupé en cet endroit. nem crucis Salvator noster, aperiens et exterrens
1

D, point de pélican ; ce qui doit être l'effet d'un retranche- (sic) suum latus, et stillavit sanguinem in salu
ment opéré dans le ms. avant qu'il fût relié; car il manque tem [et] vitam æternam. Sanguinem , propter quod
au moins un feuillet avant l'article intitulé De Herodio .
2 B. Fisiolocus. dicit (Luc. XXII, 17, etc. ) : Accipiens calicem be
3 Outre que le texte du ms. C peut servir à comprendre ce nedirit ; aquam autem , propter baptismum peni
qu'ily a de singulier dans celui-ci en cet endroit , voici le dé- tentiæ. Bene physiologus arguit de pellicano.
but de l'article Pelicanus dans la compilation publiée par le
cardinal Maï (p. 594) : Physiologus dicit quoniam amator 29 Ce titre, lout altéré qu'il est, et la citation complète du
filiorum nimis esi. Psalmiste annoncent que l'on avait prétendu réunir sous un
4 M. si. seul chef les deux animaux dont parle David dans le septième
5 B. natus. versel du psaume CI .
6 M. et modicum creverint. 30 C. colofaciant.
? M. percutiunt se in faciem parentum. 31 C. omis.
8 B. percutiunt. J'ai suivi pour ce mot le ms. A , où une 32 M. omis .
coupure a mutilé les premières phrases. Voici tout ce qu'il en 33 C. misericordiam .
reste : Pellicanus . . . est nimis . Quum autem ge 34 C. omis .
nuerit .. .rint crescere , per ..... Paren
.
35 M, duobus.
tes autem reper.... entes eos, etc. Jusqu'à cet endroit, où 36 C. lugentes .
le ms. de Bruxelles me rend un moyen de vérification , j'avais 37 C. omis .
eu recours à la collection du cardinal Maï, qui suit évidem 38 M. omis.
ment ici le même texte que le ms. C. Pour le reste de l'article, 39 M. corripit. J'aime autant erumpit, qui représente sans
je n'en ferai plus usage que dans la colonne voisine. doute le verbe αποσχίζω οι απορήσσω,
9 A. omis. 40 M. sic.
10 B. pater. 41 M. adspargitur. Peut- être était-ce pzi-ouc .
11 B. aperiens . 42 M. super .
12 B. incubuit. 43 M. ex .
13 A. omis. 44 M. calefacti mortui suscitantur .
14 B. suscitans. 45 Le mot grec rendu par plus et par potius était saus
15 A. omis . doute uanos.
II. 18
138 MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE ,

MSS. A , B. BESTIAIRE RIMÉ .


VI. Del PELLICAN ' vus devom dire
Esaiam prophetam (Is. I. 2) dicit 16 : Filios genui U mult a reson 2 et matire ;
et exaltavi, ipsi vero 17 me 18 spreverunt 19. Genuit N'orrès 3 mès plus bèle à un an “.
igitur nos 20 auctor et conditor totius creaturæ Dampne-Deu 5 dist del pellican
Par le voche 6 le bon Davi,
omnipotens Deus ; et quum non essemus, fecit ut Que de grace fu repleni,
essemus.. Nos vero 21 servivimus creaturæ potius Que il s'ert fet a li semblable.
Pellican est oisel mirable 7 ;
quam Creatori . Idcirco autem 22 ascendit Dominus Si habite en la région
noster Iesus Christus in altitudinem 23 crucis, et D'un fluvie qui Nilus ad non ,
El rivage de Nil habite ;
24
percusso latere ejus exiit sanguis et aqua in sa Et ceo me dit l'estoire 88 escrite
lutem nostram et vitam æternam. Aqua igitur est Qu'il en i åd de dous ' manères ;
Cil qui habitent en rivères 10
baptismi gratia 25 ; sanguis vero ejus, calix novi tes Ne manjuent se peisson non ;
tamenti et 26 æterni 27 , quod accipiens dedit nobis Cil qui ne manjuent peisson
Habitent en la désertine,
potum in remissionem et vitam æternam 28. Et ne manjuent fors vermine.
Del pellican est grant merveille ,
N. B. Ni le tigre ni la grue ( dont les articles suivent
Que ' l unques nule mère oeille 12
N’ama tant son petit ainel 13
cel ci) n'ont trouvé place dans les manuscrits latins
Com il fit son petit oisel.
que je consulte, pas plus que dans les Bestiaires rimés. Quant ses pusinės 14 ad esclos 15 ;
En els norir et char et os
Met tote sa peine et sa cure ;
16 B. dicit prophetam . Mès mult fet male noriture 16.
17 B. autem . Car quant il sunt créuz et granz
18 B. omis. Et alques 17 sages 18 et poissans 19.
19 B. speraverunt. S'il bekent 20 lur pères 21 és vis,
20 B. omis .
21 B. vero non (sic) in conspectu ejus servivimus , etc. 1 X et Y. pelican.
2 ? B. omis. 2 Y. raison.
23.05. Les Pères grecs emploient parfois la simple ex 3 Y. n'orreiz mais. X. n'orreiz plus bele mès .
pression cis iyos, sans mème y joindre le nom de la croix. X et Y. O an.
5 Dominus Deus.
24 A. omis.
25 B. baptimi gratia. 6 Voix ? Ital . Voce. Y, bouche ; X. boche, qui se dit encore en
26 B. omis . Lorraine.
7 La trace de cet ancien mot nous est demeurée dans Montmirail.
27 B. æterne testamenti. 8 V. l'estorie.
28 Le ms. A ajoute in sæcula sæculorum . 9 Y. II. maniéres,
10 X et Y. és riviéres.
11 X. quer onques..... oelle, et mervelle.
12 Brebis ; FRANÇ. cuaille ; esp. oveja .
13 Ainnel ? X et Y. aignel.
14 X. poucinez .
15 Ce verbe avait alors le sens transitif , comme le latin excludere.
16 On s'aperçoit bien que ce mot a la signification d'éléve, comme
Dous disons l'élève des bestiaux.
17 Quelque peu ; ESP . algo.
18 Comme qui dirait éduqués.
19 X, puissans ; forts
20 X. si béchent lor peres.
21 Nous dirions aujourd'hui leurs parents (ESP. sus padres ), mais
lur ou lor était sans doute invariable alors, comme l'est encore loro
en italien. Cf. ci - dessous, note 26.
BESTIAIRES (Pl. XIX et XXVIII) . 139

Et tant lor sunt feuls 22 et eschis 23 A sa créature maint jor,


Que lor père de fin 21 coroz 25 Et neient 45 à lui créator.
Les oscient 26 et tuent toz. Plénèrement le reméames 46
Al tierz jor vent lor père à els, Quant pières et fut 47 aürames ;
Si le comuet 27 pitels 28 et duels ; Pour ceo à nus se corocat,
Tant les aime d'amor parſite , Si nus guerpit et nus chaçat
Que dont vent 29,9 et si les visite. En la main 48 al cruel félon .
Od son bek perce son costé Por nos péchez morz estéom 49
Tant qu'il en a del sanc osté ; Quant al Père pité 505" en prist ;
Del sanc qui de iloc ist fors Nostre Salveor Jhu Crist,
Ramaine il la vie as cors 30 Son cher fiz, envoia en terre
De ces pucins 31 , n'en dotez mie, Pur faire pès 51 de nostre guerre.
Et en tel sens les vivifie . Deu devint hom pur nos péchez,
Seignors entendez que ce monte 32 ; Circoncis fu et baptisez ;
Jà entendriez vus un conte Et pur nostre salvacion
D’Artur 33, de Charle 34 ou de Ogier ; Soffrit il 52 mort et passion.
Cil 35 a à beivre et à mangier 36 Prendre se lessa et tenir,
A l'alme 37 de chescon féel 38 Lier, bender 53, et escopir 51 ,
Qui volt aver 39 de Deu conseil 40. Et en la sente croiz péner,
Deus est li verrai pellican Et des espines coroner ,
Qui pur nus traist peine et ahan ; Et clous ficher ès 55 pez et mains.
Oez que dit la prophécie Li Salvères, de pité pleins,
Par li bon prophète Isaïe : Se lessa férir el costé.
J'engendrai, fait Dampnedeu , filz ; Ceo savom ben pur vérité ,
Quant les eus créuz et norriz, Que sanc et ewe še en issi ;
Ils me despistrent et haïrent, Par cel sanc nus sumes gari.
Et mes comandemenz desfirent. Cel seint sanc nus rechatą 57 vie
Certes, seignors, c'est vérité ; Et nus osta de la baillie
C'est la verraie auctorité 4 !. Al félon qui ad non Sathan.
Nus sumes ces fiz, ces pignons 42 Deus qui est verrai pellican ,
Que 43 , come malveis et félons, Nus rameint 58 en ceste manère
Nostre Seigneur el vis férimes Come la gent qu'il ot mult chère.
Quant nus par devant li 44 servimes
39 X, aveir ; Y. avoir.
22 X et Y. fel. Cf. p. 124, note 32. 40 La rime correspondante ſerait penser que conseil se prononcail
23 Grossiers (mal appris) . ITAL. schivo. comme on le fait encore dans la Flandre française (solel pour soleil.)
24 Cet adjectif marquait, et marque encore en plusieurs provinces, 41 Citation, comme on disait auteurs auctoriaux (écrivains dont
un haut degré dans l'expression qu'il accompagne : le fin fond , le les textes ont force décisive ).
fin premier, fin bien, un coquin fini ; comme on dit fin or. ANGL. fine. 42 X. ses pijons, poussins.
25 X. corriz ; Y. corros. 43 X et Y. qui.
26 Ce pluriel indique de nouveau qu'il s'agit des parents , et non 44 X et Y. lui.
du père seul. 45 Y. naient ( néant ).
27 Y., commuit pité à eax . 46 Délaissames ? X. renei ames ; Y. renoiames.
28 X. pitié a d'eus. 47 Fust (bois) ? X. fuz ( feu ) ?
29 X. donc vient, 48 X. main au couvert,
30 X et Z. el (Y. es) cors. 49 Les paysans des environs de Paris disent encore j'étiomes.
31 X. poucins ; Y et Z. pocins. L'ancienne orthographe était bien X et Y. estion .
plus conforme à l'origine que témoigne l'italien pulcino. 50 Y. pitié. Piteux rappelle l'ancienne forme.
32 X. ore oez que ce monte (à quoi ceci conduit) . Ital . montar 51 Y. pais.
(gloria , etc. ) ; niente monterebbe . 52 X, soffri torment.
33 Y. Artus. 63 Bander (voiler) les yeux ; ITAL. bendar,
34 X. challe ; Y, ou de Karle , ou d'Ogier, 54 Conspuere ; esp . escupir.
35 X et Y. ci a. 55 X et Y. cloufichier ( Y. cloficher ) et piez et mains. Ainsi clavis
56 Cette locution, un peu détournée pourtant, subsiste encore dansfigere s'était fondu en un seul verbe français.
le langage familier. 66 X. eve ; FRANÇ. évier. Y. aigue ; esp . agua. Cf. p. 118, note 15.
37 ital. et Esp. alma ; X, áme. 57 X. rachatıı ; Y. racheta.
38 Fidèle ; esp . fiel ; ital, fedele. 58 Répara. V. raent ; lat. redemit.
140 MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE .

OBSERVATIONS.

Le pélican , à cause d'une fausse application qu'on en a faite souvent depuis deux siècles
surtout " , est l'animal auquel nous avons accordé le plusde place dans l'explication des Vitraux
de Bourges (nº 52, 53 ; p. 96-102) ; et je ne puis d'ailleurs porter entièrement à la charge des
auteurs classiques l'histoire fabuleuse de cet oiseau. Il a hérité, chez les écrivains ecclésiasti
ques, de quelques-unes des merveilles dont le vautour avait été doté par les anciens. J'en
avais dit un mot dans l'occasion que je viens de rappeler ; mais je l'ai trouvé depuis beaucoup
mieux exposé par M. Leemans dans ses notes sur Horapollon (p. 278, 171 , 179, sq.). S'il ne
s'agissait que du pélican proprement dit , remplissant de poissons le sac de peau qui agrandit
son bec, les apportant à ses petits, et mourant plutôt de faim que de se nourrir avant de les
avoir repus, l'histoire naturelle répondrait seule de tout; mais , comme on voit , il s'agit d'un
oiseau qui verserait son sang pour rendre la vie à ses enfants après qu'ils ont mérité sa co
lère. Là, l'observation ne se porte plus pour garant ; il n'était point de figure qui se prêtât
bien à la réalité donnée par l'Évangile.

1 Je dois dire pourtant qu'à Rome, dans la basilique mo- symbolisme quand on a placé le pélican au dessus du siége
derne de Saint-Pierre, on s'est parfaitement conforméau vieux qu’occupe le grand pénitencier.

8 (Fig. 1 ) .
TIGRE ! .

Une beste est qui est apelée tigre , c'est une manière de serpent ? . Cèle beste est de tel na
ture qu'èle est si fière et si cruels que nus hom vivans ne l'ose abiter 3. Et quant il avient que
ceste beste a faons, et li veneor ont espié où il sont , si li emblent * en tel manière com vos
orés chi dire. Li veneor prennent mireoirs et les portent avoec els quant il vont enbler le
faons de le tigre. Lors le gaitent tant qu'il le voient aler déduire , et que il n'es[t] pas sor sa
fosse à ses faons; et dont li emblent hors de sa fosse. Et li vénéor prennent lor mireors , et les
metent en la voie si comme il s'en vont. Et la tigre si est de tel nature que ne sera ja tant co
recié se ele voit I mireor que il ne li covient ses ex aerdres. Lors quide que ce soient si faon
qu'èle i voit ens ; et conjoit s'ymage par grant déduit, et quide chertai[n ]ment avoir son faon
trové. Et se délite tant à regarder la beauté de sa bone taille , que ele en oblit à cachier 6 cels

1 Cet article manque dans R et S. 5 Si je comprends bien cette pbrase, le mot aerdre s'y écar
2 L'écrivain et le miniateur ne sont point d'accord en ceci. terait un peu du sens que lui donnent aujourd'hui les Picards;
• J'ignore s'il faut substituer quelque autre mot à celui - là. et signifierait : fixer, arrêter fortement . Cf. p. 120 , note 105.
4 Enlèvent, dérobent ; lat. involare (voler) , que l'on a Cette déviation , du resle, n'a rien de très étrange.
écrit parfois imbolare. 6 Chercher, poursuivre ; ITAL . caccia, procacciare.
BESTIAIRES (Pl. XIX ). 141

qui ses faons li ont emblé. Et s'areste iluec tote coie alsi come s'ele fut prise ; et en itel ma
nière enportent li veneor les faons.
De ce dist Phisiologe : Prendons nos garde que nos ne somes tels com la tigre. Et Amon ? li
prophès dit que cist siècles est example de la forest où les tigres conversent, et rueves à cas
cun de nos qu'il soit ententieus de garder son faon : c'est s'âme. Car li veneor nos gaitent et
espient, et ont adés 10 lor mireors prest se il peusent notre faon enbler. Les mireors sont les
grands viandes, les grans déduis del monde que nos désirons, de robes, de cevals, de bèles
femes, de tos altres péciés ; si comme li venère a portrait en son mireor que il gete l'ome en
devant. Par ce se doit cascun hon tenir el service de sen créator ; quar dont" n'a anemis
pooir (fors ?) sor l'âme del home , c'est li faons qu'il covoite à embler.

7 Amos , ui, 4. rencontre dans quelques auteurs, donnerait lieu de songer


8 Prie, conjure ; Esp, ruego . au latin in dies (ad dies) , qui ne serait qu'une autre forme
Attentif , soigneux. Lat. intentus. de notre expression toujours. Cl. p . 118, note 13.
10 Constamment, toujours. L'orthographe adiès, qui se 11 Alors ; LAT, tunic.

OBSERVATIONS.

Bien que les additions faites au Bestiaire primitif aient assez peu de portée, il pourra n'être

pas inutile de chercher à quoi peuvent se rattacher certaines bizarreries qu'elles renferment.
Si le copiste n'a point trahi l'auteur en classant le tigre parmi les serpents , ce serait le seul
>

serpent non pas à ailes, mais à quatre pieds, dont nos miniatures offriraient l'exemple . Cette
addition des ailes doit donc avoir une autre cause ; et s'expliquerait mieux par l'expression
dont se sert le livre de Bestiis attribué à Hugues de Saint- Victor ( p. 433) en exposant pour
quoi cet animal , comme le grand fleuve de la Perse , a reçu un nom qui rappelle le vol d'une
flèche : Tigris vocala est propter volucrem fugam : éclaircissement philologique qui aura en
traîné un quiproquo zoologique. Du reste cela n'est pas de pire invention que l'hippopotame
qualifié de serpent par un des auteurs qu'a publiés M. Berger ( Trad. tératol., p. 456, 459) ,
ou la vipère transformée en bipède par nos miniateurs .
Les miroirs jetés au devant de la tigresse sont des globes de verre, d'après le même auteur
( De bestiis) comme d'après Albert-le-Grand (ap. Berger de Xivrey , l. cit. , p. 525) ; et S. Am
broise ( in Hexaem . , VI , 21 , ed . BB. t. 1 , 120, sq. ) , peut-être même Claudien (De rapt. Pro
serp ., III , 268) étaient sans doute leurs autorités. Les lions que l'on voit représentés posant la
griffe sur une sphère se sont apparemment enrichis de cet emblème aux dépens du tigre ; car
les curiosités d'histoire naturelle ont fréquemment été transportées d'un animal à l'autre.
Une fois dévolu au lion , ce globe peut avoir passé ensuite pour un de ses insignes royaux , de
même que dans le manuscrit E le miniateur aa décoré son lion de la couronne ; mais bien des
142 MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE .

attributs , dans la zoologie populaire, et particulièrement dans les enseignes, ne sont proba
blement que des vestiges du crédit dont jouissait le Bestiaire chez nos ancêtres. J'en donnerai

plus tard d'autres exemples, qui ne s'expliquent guère si l'on ne remonte à cette source.

9 ( Fig. K).
DE LA GRUE 4.

Uns oiseaus est qui est apelés grue , si'a moult de porvéance ? en soi. Phisiologes nos dit
que là où auques 3 en a ensamble , il i a tos dis une qui les autres gaite , et veille tot adès quant
les autres dorment; et si font la gaite cascune à son tor. Et cèle qui gaite , por ce que ele ne
vieut pas dormir, si prent petites pierètes en ses piés ; porce que ele ne se poet fermement
ester, ne que se poet fermement endormir.

De ce nos dist Phisiologes que la grue qui les autres gaite est porvéance, que on (qui?) doit
garder tous les autres vertus de l'âme ; et li pié sont les volentés. Car alsi com on va par les
piés, alsi va l'âme par la volenté , d'une pensée en autre ; et li hom d'un bienfait en autre.
Dont met la grue la pière en ses piés porce qu’èle ne puist fermement ester et porce que ele
ne s'endorme , quand la porvéance tient si corte la volenté que li autres sens ne fient * mie
tant qu'il soient décheu. Qui ensi se voldrait gaitier contre les engiens del deable , comme la
grue se porvoit et gaite c'on ne le prent $. Ja crestiens n'eust garde des engiens al deable, et
tu hom qui as entendement que Dex t'a doné de bien et de mal , tu te dois mielsé par droit
porveir que la grue. Car Dex a totes les coses faites qui en terre sont , por toi servir ; et puis
que totes les a fais por toi servir, dont est ben droit que tu le serves. Et garde de dormir ,
c'est à dire que tu ne l'oblies par péchié que tu fais ; et que tu soies adės veillant en bien
fais. Adont aras-tu les pieres si com la grue en ses piés , qui ne le laise dormir ; car bienfais
veille adès sans fin .

1 Article omis dans R et S. phrase. Mais il est clair que tout ce symbolisme alambiqué re
2 Prudence , prévision ; LAT. providere. monte à peine au XIIe siècle.
3 Plusieurs, quelques-unes ; ESP. algo ; LAT. aliqui. 5 Qu'on ne le prenne.
4 Je ne me rends pas bien compte du sens précis de cette 6 Mieux.

OBSERVATIONS.

La timidité des grues, qui ne se laissent presque point approcher par le chasseur, leur avait
valu une réputation de vigilance à laquelle force embellissements sont venus faire cortège
BESTIAIRES (Pl. XIX. ) 143

dès le temps d'Aristote (Hist. anim ., IX , 10) ; et à mesure que les compilateurs ont pris la
>

place des naturalistes , on a plutôt augmenté que réduit le nombre de ces belles choses. Les
pierres, soit avalées, soit portées entre leurs doigts, leur servaient, disait-on , de lest ou comme
de sonde pour diriger et soutenir leur yol (Cf. Plin. , X, 30, al. 23 et 33. - Leemans, in Horap.,
p. 379) ;; et même ces pierres étaient devenues des pierres de touche. Le soin avec lequel cet
oiseau est aux aguets pour se rendre inaccessible est à peu près tout ce qu'il en reste depuis
que l'observation a voulu voir par ses yeux ; et d'ailleurs tous les écrivains de l'antiquité qui
ont parlé d'histoire naturelle ne doivent pas être rendus responsables de ces contes. Anti
gone de Caryste (40 , al. 46 ; ap. Westermann, Paradoxogr., p. 72 ) , par exemple, est beau
coup plus modéré. La singulière attitude des échassiers, qui se reposent sur une seule jambe,
aura bien pu faire penser que l'autre patte se repliait uniquement pour soutenir quelque
chose à distance de terre ; et l'on a imaginé que c'était une espèce de moniteur tenu en ré
serve pour prévenir les surprises du sommeil. Cf. Bochart, Hierozoic ., P. II , libr. I , cap. II
( t. II, p. 68-80 ) .

10 ( Fig. L ).

D'UNE BÈSTE QUE ON APÈLE WOUTRE ! .

Une beste est que on apèle woutre. Ele est de tel nature que quant èle voit I home nu , si en
a mult très grant paor ; et èle le fuit quan qu'ele puet san se soi aseurer de nient. Et se èle le
voit vestu , si li cort sus ; ne ne le prise noient ” ; ains fait tote sa volonté de lui .
Cis examples conſerme ben con doit comparer l'ome nu à celui qui n'aime mie les terriens
biens del monde ; et le vestu à celui qui les aime. Li hom qui est vestu de covoitise et de
luxure, et d'envie et des autres mal vices del siècle , la woutre l'asaut, ce est deables ; et ne le
prise rien , si l'estrangle et ocist en ses péciés dont il est vestu . Et i’ome qu'èle voit sans covoi
tise et nus d'envie , et nus de mal visces , la woutre a grant paor de lui et le fuit quan qu’èle
puet ; car Dex ne velt pas qu'èle ait pooir en lui. En tos lieus de livre 3 Dex ses sert des deables
et de lor pooirs.

" La troisième nature prétée au serpent par l'auteur l’Arsenal. Raban Maur (De universo, libr. VIII , cap. 2 ; Opp.
quelconque du troisième livre De Bestiis attribué à Hugues t. 1 , p. 135) parle à peu près comme le livre De Bestiis. Les
de Saint- Victor ( cap. 53 ; Opp. t. 11, p. 445, sq.) et par le bestiaires rimés, assez fidèles au texte latin , n'ont rien de cela.
manuscrit A , pourrait faire croire que woutre est ici pour Rien ne rappelle cet article dans R ni dans S.
wivre. Si telle est l'origine, il semble que le miniateur n'en 2 Rien, néant; de même que ci- dessus nient. Ital. niente .
a rien soupçonné ; car rien ne ressemble moins à un serpent 3 Il faut sans doute lire : .... délivre Dez ses sers (servi.
que l'animal tracé en tête de cet article dans le Bestiaire de teurs ), etc.
144 MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE .

BESTIAIRE LATIN .

MS . A.
serpens 19. Si ergo 20 habes 21 vestem mortalem ,
XXVIII. DE SERPENTE 1.
hoc 22 est veterem hominem , et vis audire 23 invete
Tertia ejus (serpentis) natura ? est : si viderit rate dierum malorum (Dan. XIII , 52) , exiliet 24 in
5
hominem nudum , timet eum “, si autem viderit te serpens. Si autem expolies (sic) te indumento
eum vestitum , exilit 6 in eum. principum et potestatum 25 sæculi rectorum 26 , et
Sic et nos spiritualiter intellegamus ? quoniam 8 spiritus nequitiæ in cælestibus, sicut Apostolus di
28 .
primus homo noster 10.Adam quamdiu fuit nudus cit ; tunc non potest ? in te exilire serpens
in paradyso " , non prævaluit serpens exilire 12 in
Je n'ai point trouvé d'hirondelle dans les rimes nor
eum, Sed quando 15 tonicis 14 indutus est, hoc 15 est
mandes, ni dans les manuscrits latins qui me servent ici
mortalitatem 16 corporis 17 tunc exilivit 18 in eum à rechercher les sources du Bestiaire français.

· Ceci n'est qu'un fragment de l'article du serpent, mais je versions allemandes publiées par M. Henri Hoffmann (Fund
le détache pour suivre la marche du Bestiaire de l'Arsenal. B gruben für Geschichte deutsch. Spr ., t. 1; p. 21); on s'est
et C n'ont rien sur ce sujet. arrêté brusquement à in eum, sans chercher à pallier la sup
2 H (p. 445) . Natura ejus ;; D. natura Draconis (quoi- pression. Mais l'autre manuscrit (p. 29) peut bien avoir omis
que le titre soit De Viperis). ces lignes par pure inadvertance ;car il retranche également la
3 H. quod si. première phrase de l'article suivant, de manière à rendre inin
4 D. timens fugit eum . telligible la quatrième nature du serpent. D ne dépasse point la
5 H et E. et si viderit. première phrase du second alinéa ; en sorte qu'on ne voit pas
6 H et E. insilit ; D. insilit super eum . s'il a prétendu donner une leçon morale.
7 H et E. intelligamus ; D. prudenter intelligamus. 18 H. exiliit .
* H. quod, 19 A. omis.
9 H. omis :... primus Adam . 20 E. autem habes in te mortalem vestem , id est .
10 H et E. omis . 21 H. o homo, habes, etc (comme E) .
11 H. in Paradiso, quamdiu fuit nudus, non, etc. 22 H et E. id est.
12 H. omis ; E. in eum insilire. 23 H et E. et inveteratus es (E. omis) dierum . Le texte A
13 H et E. postquam . rappelle l'hellénisme axovely pour vocari, dici.
14 H et E. ( unica est indutus. 24 E. erilit.
15 H. et E. id est. 25 H et E. principatuum (E. potestatum ) hujus sæculi et
16 A et E. mortalitate. (E. omis) tenebrarum ; tunc, etc., etc. Cette leçon, combinée
17 Après ce mot, le soi-disant Hugues de Saint-Victor (ou avec celle d'A, montre que l'auteur primitif transcrivait pro
du Fouilloy), si ce n'est son éditeur, se sera aperçu qu'il bablement presque tout le passage de S. Paul. (Eph ., vi , 12) :
transcrivait unlivre mediocrement orthodoxe. Il a voulu en de- Προς τας αρχάς, .. τάς εξουσίας,.. τους κοσμοκράτορας του σκο
charger sa conscience par cette addition qui pouvait passer τους του αιώνος τούτου, προς τα πνευματικά της πονηρίας εν
pour un correctif : vel consensu per quem sequuta est mors Tois ètrouperios: citation qu'affectionnaient les gnostiques.
nostra etipsius ; tunc , etc. Pierre le Picard suivait, ce sem- 26 H et E, omis ; voyez note précédente.
ble, un texte entièrement remanié ; ou bien il aura lui-même 27 H et E. poterit erilire in te.
corrigé les assertions de son original. Dans l'une des vieilles 28 H et E. ajoutent : in est diabolus.

OBSERVATIONS.

Rien n'annonce que le prosateur picard ait pensé traiter d'un serpent, bien que les Bes
tiaires latins s'accordent sur ce point bizarre. Quoi qu'il en soit, si tout n'est pas fiction dans
leur récit, je ne sais du moins comment dégager ce qu'il pourrait y avoir de réel sous ce fonds.
BESTIAIRES ( Pl. XIX ). 145

Tychsen (l. cit., p. 57, 58) a montré que les peuples asiatiques conservent des traces de cette
>

assertion ; mais l'Asie n'est point la région des sciences positives (comme on dit) , et l'expé
rience y est souvent écartée par l'imagination et la poésie.

11 ( Fig. M).
LA NATURE DE L'ARONDE ! .

Une manière d'oisèles qui sont apelé arondes. Nos dist phisiologes lor nature , si nos fait à
entendre que ele quiert sa pasture tot en volant ; et si est très isnèle qu'ele n’a garde de nul
oisel de proie que il le prenge. Et si a encore I autre nature en soi , que en quel lieu où èle
onques fait son ni, èle le plaque de terre ; et fait joindre et serer si qu'il est fort tenant . Et
lors i pont ses oes et kewe tant qu'ele en a arondeax . Et s'il avenist que nus les arondeax pre
sist, et crevast à cascun les ex ; et maintenant a les remesist el ni arière , et en laissast la mère
covenir ; tant qu'il peussent voler ; l'aronde set tant de sens de sa nature, qu'èle avroit fait
ses arondeax veir tot clèrement. Mais nus ne set comment èle le fait, ne par coi ; mais il ont
les ex tot cler véant quant il sont si dru “ , que il poent voler et sièvent lor mère et lor père.
Tu hom , pren example que tu est l'aronde. Ta pasture que tu quiers en volant, c'est qu'il
ne te chaut 8 comment mais que tu aies ta volonté de ton cors et les délis del monde. Li ni ,
c'est les lieus ou t’arme 6 aa deservie à manoir. Li fait que tu fais, soient bon ou mal, ce sont li
oest ( oes ?) que tu keuves. Li arondel qui a crevé les ex , c'est li ame de ton cors par le péchié
que tu as fait. Cist qui li a l'oeil crevé , ce sont diable, qui ja ne le fera reveir s'il puet. Ce
que l'aronde porchase la medichine à son arondel , qu'il puet veoir et voler quant il est dru ;
c'est à dire que nos guerpisons nos max, et en alons à confesse : dont verra nostre âme la joie
de paradis, et porons voler en parfaite joie , se nos definons en bones oevres et en repentement
de nos péchiés et en penanche ?. Ce est la medicine de l'âme à qui li deables aa l'ạil crevé.
1 Article omis dans R et S. Le vieux nom de l'hirondelle 3 Faire à sa convenance ?
s'est conservé dans l'expression queue d'aronde, qui fera 4 Forts, robustes. Les nourrices disent un enfant dru.
mieux comprendre arondeaux (comme vipéreau et louveteau) . 5 Il ne t'importe ; Ital. non ti cale ; FRANÇ. nonchalance
2 De suite. L'ancienne signification de ce mot correspon- (insouciance ), il ne (ou peu) m'en chaut.
dait à nos expressions : sans désemparer, immédiatement, 6 Ton âme ; ITAL. anima, alma.
incessamment. ITAL . immantenente. 7 Pénitence ; ANGL . penance.

OBSERVATIONS.

Il y a peu àà rectifier dans l'enseignement de notre naturaliste sur un oiseau si facile à étu
dier. On a remarqué depuis longtemps (Cf. Aristot. , Hist. anim ., II , 17 ; VI, 5. — Antigon .
>

II. 19
146 MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE .

Caryst., 72 ; p. 80. Plin. XXV, 50.-- Ælian . III , 25) que les petits de l'hirondelle se ti
raient fort bien de plusieurs expériences assez cruelles faites sur leurs yeux. Mais il n'est pas
constant qu'il faille faire honneur de cette guérison à leur mère et à la vertu d'une médica
tion dont elle posséderait le secret. Il paraît beaucoup plus simple de recourir à une explica
tion déjà proposée par Aristote : savoir que, sortant de l'euf sans avoir encore l'organe de la
vue formé, ces oisillons retrouvent avec le temps leurs yeux que les expérimentateurs n'a
vaient réellement pas entamés au vif, puisque le développement ne s'en fait qu'à la longue.

12 ( Fig. N) .

LA NATURE DEL VOLTOIR ' .

Phisiologes nos dist chi la nature d'un oisel qui est apelé voltoir, qui par costume sieut les
os a les tornois por ce que il mangue les caroignes. Si set tant par nature de lui meisme que
il i avra homes ocis. Car il en mangue volontiers les ex, et puis en trait tote la chervele par
3
les ex ; et sovent mangue la car del home, car il est moult ort 3 oisel . Et si a une nature en soi ,
que il sent bien une caroigne III jornées de loing , ne ja cis oiseax ne gostera de nète cose ne
de bone cose ; tels est sa nature .
Cis oiseax est example de diable . Li rice home qui dérobent à la povre gent et enforcent
le lor par plait et par autre mal art qui de covoitise lor vient, ce est example de cels qui vont
en tornoi et en ost , et dérobent li un l'autre et s'entrocient. Dont est li oiseaus tot près qui
les mangue quant li tornois ou l'ost se depart ; c'est à dire quant il sont de cest mortel siècle
trespassé , que deables emporte l'âme en enfer. Et là est dévorée et mangié par le fait que li
cors prennoit et roiboit * contre raison et droiture.

1 Le voltoir (vautour, ital, avoltojo) reparaîtra encore au 2 Ost, et... ? les armées, etc. ITAL. Oste .
nº 68 de ce même bestiaire, miniature BQ . Cet article (n° 12) 3 Malpropre. Cf. p. 133, note 28.
manque dans R et S. 4 Dérobait ; ital , rubare ; ALLEM . raub .

OBSERVATIONS.

Les singularités sans nombre attribuées au vautour par les anciens ( Cf. Leemans, in Horap.
p . 171-187 . — Querc . in Georg. Pisid . De mundi opificio, v. 1087-91 ; et V. 1136-53.
Tychsen , l. cit. , 106-110) sont réduites ici à bien peu de chose ; mais il se trouve que ce peu
n'est pas encore sans quelque exagération , tant il est difficile de se borner à la simple vérité.
Ce malheureux oiseau, après avoir été presque en vénération dans l'antiquité (Cf. Ælian . , X ,
22 ; II , 46 ; 1 , 45 ; etc. ; Plin. , passim ), a été maltraité outre mesure par les modernes. Nori
-
1

BESTIAIRES (Pl. XIX , XXV ). 147

contents de lui enlever ce prestige d’emprunt dont il avait été entouré par une science en
fant, mais naïve et pleine d'amour pour les auvres de Dieu , nous n'avons plus voulu voir en
lui qu'un objet rebutant et digne du dernier mépris. C'est pousser la critique jusqu'à mériter
ses censures, en corrigeant un excés par un autre.

13 ( Fig. O ) .

D'UNE BESTE QUI EST APELÉE ASPIS - .


Supe
r

b
idem 7 allira
y
am
b
.

Phisiologes nos dit d’une beste qui est apelée aspis , et ce est I serpens, qui garde le bau
me ?; si n'ose nus aprochier l'arbre dont li baume dégoute , tant com il veille.
Et Amon 3 li prophètes dist de la mostoille * que la loi commandes que on n'en mangue mie
1 R. De la mostoile , sans autre titre; mais sous le seul nom de cel animal. Mais cette propriété confondait l'aspic avec la
de l'aspic ou de la belette, divers bestiaires réunissent ces vouivre, l'hyène, et le crapaud même, dont on a raconté la
deux animaux. La miniature de la page 148 associe la mus- même chose. C'est une branche de l'histoire des bézoards,
toile au basilic. Cf. ci-dessous, article 34. aujourd'hui un peu déchus de leur ancienne réputation .
2 Nulle mention de l'arbre à baume dans les mss. R et S, où Nous retrouverons plus bas (article 59€) cette prétendue
d'ailleurs le texte de cet article est sensiblement réduit et mo- garde faite par un dragon auprès de l'arbre à baume.
difié. Le baumier si bien défendu reparaît à une époque fort 3 Amos. P mettrait volontiers sur le compte de ce prophète
postérieure, dans la bizarre lettre du prestre Jehan qu'a réim- force assertions du bestiaire. Mais, pour cet endroit en par
primée M. F. Denis ( Le Monde enchanté , p. 200) . Cf. Moyen ticulier , il n'est pas aisé de lui trouver même un prétexte.
âge et renaissance, superstitions, fol. VII ; chapitre que je Aussi les mss. R et S disent tout simplement : De la mos
ne prétends point du tout louer, d'ailleurs. toile comande la lois c'on n'en menjuce. La forme de ce
Selon Albert- le -Grand (De animalib ., xxv ; Opp. t. VI. , 665), dernier mot est encore à peu près celle du subjonctif en pi
qui du reste n'y engage pas sa responsabilité, l'importance card : que je m'envoiche (que je m'en aille).
que l'on mettait à la capture de l'aspic aurait eu une autre 4 Belette ; Lat. mustela ; en Lorraine mostodje .
cause : il s'agissait d'une pierre précieuse cachée dans la tête 5 Levit. XI , 29.
1

148 MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE .

de sa char, car moult est orde beste. Si nos fait chi à entendre sa nature que ele a en soi, et
dit que ele rechoit semence de malle 6 par la bouce ' et quant ce vient que ele doit faonner , si
s'en delivre 8 par l’oreille. Et se ce fust cose que on trovast sa fosse, èle remuerois ( sic) son
lieu 10 et enporterroit ses faons aillors. Et se on li presist ses faons, et tuast, èle est tant sage ?
de sa nature que ele le sussiteroit se ele eust son faon .
Autre tel " si sont li feel 43 en Dieu , qui volentiers rechoivent la
13

semenche de la parole Deu. Mais s'il deviènent puis inobedient , et il


1 entrelaisent 14is ce qu'il ont oï de Deu, cil ne samblent mie la mos
toile , mais le serpent dịt qui est apelé aspis.
Cis serpens garde l'arbre dont li baumes dégoute ; ne ja nus hom
n'iert 15 tant hardis qui en ose prendre tant qu'il veille . Et quant on
vielt 16 aler à l'arbre por du baume avoir, si covient il que on l'en
dorme anchois 17 que on i ose adeser 18. Et li veneor portent estrumens 19 avoec els, de mainte
manière, et les font soner 20 por lui endormir ; et tantôt qu'ii ot le son , se il ne li plait ben ,
il a tant de sens de sa nature meisme que il estoupe 21 l'une de ses oreilles del bout de sa keue ,
et l'autre frote tant à la tere que il l'a emplie tote de boe 22. Et quant il est ensi asordis, si n'a
garde que on l'endorme ; car il ne puet oir la vois de l'encanteor qui le velt endormir.
D’itel nature sont li rice home qui l'oreille mètent as desirs , et l'autre estopent de lor pé
chiés. Li serpent qui est apelés aspis, il estoupe seulement ses oreilles ; mais li riche omme
cloent lor ex 95 par les terrienes covoitises et par les rapines : si qu'il n'ont oreille dont il voe
23

lent oïr les commandemens de Dieu , ne oeil dont il les puisent regarder vers le ciel et penser
à celui qui tos nos done bonté et justice. Mais cil qui ore ne le voelent oïr , l'oront au 24

grant jor de juise 25 quant il dira : Vous, maleoit26, desevrés vous 27 de moi ; et alés el pardura
>

ble fu 28 ki est apareillés 29 as déables et as angles 30.


6
S. maale.
7 R. bouche .
19 Instruments, ITAL. stromenti. L'ancienne forme du trei
8
* R et S. èle le rent.
zième siècle s'est conservée, si je ne me trompe , dans les dia
lectes wallons .
9 s'il arrivait que... Un analogue de cette locution entor · 20 Tei est encore aujourd'hui, છેà peu près le sens de l'italien
tillée existe encore dans la bizarre conjonction italienne con- suonare. De même pour tantost (sitôt); ITAL. tanto tosto.
ciossia (ou fosse) cosachè.
21 Boucher, obstruer ; Lat. stuppa; en Lorraine : stopè.
10 Elle changerait de place ; LAT. movere locum . 22 R. il met son chief à terre, et joint l'une oreille à la
Cette nature de la belette n'est point mentionnée dans les terre, et l'autre estoupe de sa coe ; qu'il n'oie la vois de
mss. R et S.
l'enchanteor . Itel et de tèle nature, etc.
11 Habile, savante ; esp. sabio , sabiduria. 23 R. ieux .
12 L'italien altretanto est un idiotisme du même genre. 24 R. l'orront , entendront.
13 Fidel, féal. Cf. p. 139, note 38. S. Ainsi sont li feal de 25 Jugement; ESP. juicio (judicium ) , juez (judex ).
Dieu.
26 Maudits ; ital. maledetto . Malth ., XIV, 41 .
14 Négligent, perdent de vue ; ital, tralasciano . 27 Séparez-vous, éloignez - vous; d'où sevrer. Cf. p. 125 ,
15 N'est, ou ne sera ; ESP . eres, etc. note 8.
16 Veut .
28 R. feu . Cf. p. 110, note 42.
17 Ainçois, etc. , avant ; ital, anzi che ; ESP. antes. 29 Préparé ; ITAL. aparecchiato .
18 Approcher , atteindre ; lat. adhærere, ou adesse ? 30 R. as lor angles ; S. au dyable et à ses anglez (sic).
-
>

BESTIAIRES ( Pl. XIX, XXV ) . 149

BESTIAIRE LATIN .

DE ASPIDE .
MS . B.

Physiologus II" dicit quoniam 12 aspidis 15 hanc


XXVI . DE MUSTELA " .
habent naturam ut si quando advenerit Marsus 14
Præcipit Lex (Levit. XI , 29) non debere mandu- ad speluncam ubi habitat 15 aspides, et precunta
>

care mustelam , quia inmundum animal est. Fisio- tis 16 omnibus carminibus ut exeant 17 de cavernis
locus dicitur ? quoniam mustela semen masculi per suis ; ille (illæ) vero 18, ne audiant vocem incantan
7

ore 5 accepit, et sic in uteruin habeat “ ; tempore tis, ponunt capita sua 19 in terris 20. Et unam qui
pariendi per aures generat. 23., alia 24
dem 21 aurem suam premittit 22 in terram 25
Sic sunt aliquanti infidelium 5 : libenter quidem vero aurem 25 suam 26 de cauda sua 27 obturat 28.
6
accipiunt verbi divini semen ; sed , inobedientes Tales sunt istius mundi homines divites qui
effecti, prætermittunt et dissimulant ' quæ audie- [unam qui]dem 29 aurem suam 50 depremunt ( sic)
runt. Isti 8s tales non solum mustelæ comparantur , terrenis desideriis ; alii 51 vero, posterioribus pec
sed etiam aspidi 9 surdæ quæ 10 obdurant (sic) catis suis peccata nova 32 semper addentes 53 , ob 33
9

aures suas . durant 34 corda. Et ita fit ut non audiant incantan

* Comme les bestiaires français, qui associent la belette et nosæ quarum naturam Physiologus exposuit dicens, si
l'aspic sous l'unique litre aspis, B (au moins dans la table) tamen credendum est : Aspides hanc habent, elc .
semble ne donner à l'article de ces deux animaux que le titre 12 H. quod.
mustelu . Cette bizarrerie apparente a été conservée dans le 13 H. aspis hanc habet.
livre De bestiis (H , p. 424) . 14 H. aliquis homo.
2 N'ayant qu'un seul texte complet, je ne pourrai souvent 15 M. sunt; H. habitat aspis .
indiquer aucune variante dans cet article. Il est, du reste , des 16 M. præcantaverit ; H. incantaril cam .
corrections que tout le monde devinera sans que j'aie besoin 17 H. exeat.
de les signaler. D , tout en maintenant la moralité , se permet 18 H. illa ne audiat, etc.
(le faire ses réserves quant aux propriétés altribuées à la 19 H. ponit caput suum .
mustoile par ses prédecesseurs : « Falso autem opinantur qui 20 H et M. ad terram .
dicunt mustelam ore concipere, aure effundere partum . » 21 H. omis.
H , qui ressemble beaucoup à D, ne pousse pas si loin la bar- 22 H. premit ; M. premunt.
diesse ; il se contente d'écrire dicunt. 23 M. in terra .
3 Des équivoques comme aurem et orem (pour os) auront 24 M. aliam ; H. alteram .
pu occasionner les différentes versions également merveil- 25 H. omis : aurem cauda.
leuses qui couraient sur l'enfantement de la mustoile. H ne 26 H et M. omis.
se permet pas de prononcer entre les divers récits ; mais Guil- 27 B. omis.
liame prend délibérément parti dans la question , sans allé- 28 M. obturant. La compilation recueillie par le cardinal
guer nul motif. Maï ajoute : « Unde et David : sicut aspides surdæ et
4 Εν γασρί έχει . « obdurantes (sic) aures suas, quæ non exaudiunt voces
5 H. nonnulli fidelium. Pierre le Picard suivait un texte a incantantium (version qui ne suit point les Lxx) . Bene ergo
conforme à celui - là . « de aspidibus physiologus . » Ici je cesse de pouvoir recou
6 H. divini verbi. D , qui prend un tour fort différent, ne rir à M. qui jamais n'a l'application symbolique.
peut servir à aucune vérification . 29 H. unam aurem deprimunt in terrenis, etc.
7 B. desimulant, 30 H. omis.
8 B. Iste. 31
Malgré l'accord de H et de B, il y a lieu de penser que ce
B. aspidis. devrait être aliam .., oblurant... , indurantes cordu .
10 H. et obturanti aures suas ut non audiat vocem in- 32 B. omis.
cantantis (Ps. LVII, 5) . D omet l'aspic entièrement. 33 B. addendentes.
11
1 B. Fisiolocus; M. (p. 591 ) . Aspides, serpentes vene 34 B. obturant.
150 MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE .

tes 35 vocem, hoc 56 est prædicatores 37. Et hoc prædicatores et divinas scripturas audire VO
quidem solum aspides faciunt ut non (sic) obtu- lunt ( nolunt ) , audient in die judicii dicentem
rent ; isti vero et oculos suos obcæcant terrenis (Matth ., XXV, 41) : Discedite a me, maledicti, in
cupiditatibus et rapinis, ita ut nec auribus audire ignem æternum qui ( quem ) præparavit Pater
vellent divina manda[ta] , hæc (nec) salvare (sic); meus 38 diabolus (diabolo) et angelis ejus.
hæc (nec) occulis adtendere in cælum , et cogitare Trisnon , corbeau, harpie, rossignol, espech, paon et
illum qui semper cælum (sic ), et facere bonitatem alerion sont choses inconnues aux vieux manuscrits la
tins. Cependant je donnerai un article quelconque du
et justitiam. Hii (sic) qui nunc eum (Deum ? ) per corbeau, puisé à des sources moins reculées.
35 H. vocem incantantis. bestiaires latins s'écartent presque toujours de la Vulgate, et
36 H. id. parfois même du texte grec des Lxx tel que nous l'avons. Il
37 H. prædicantis verbum Dei. Là finit toute ressem- semblerait que l'ancienne version italique fût généralement
blance entre mon manuscrit et l'article du traité De bestiis. leur guide, ce qui serait déjà un indice de date bien élevée
38 Nous aurons souvent l'occasion de remarquer que les vieux pour nos traductions occidentales du Physiologus.
BESTIAIRE RIMÉ.

XXVII. De la BELETTE est grant merveille : De là les chace où ele " les scet.
Car èle enfante par l'oreille ' , Sont fols cil qui vont afermant
Et parmi la boche receit Que èle receit et espant 12
La semence par quoi ? conceit. La semence parmi l'oïe ,
Del madle quant èle i 3 aproche Seurement ceo ne lui ail mie 13.
Prent la semence par 4 la boche 5 , Ceste beste sunt paragiez !
Que dedenz son ventre norrist, Plosors 15 qui sont encoragiez 16
Et parmi l'oreille s'en ist. De ben ovrer 17, de Deu servir ;
Ceste beste petite 66 mue ? De la parole Deu oir
Porte ses faons 8, et remue Sont corius 18, mult i entendent,
Soventes feiz de liu en liu ; En lor corage 19 à Deu se rendent ,
Ne tent mie une place en feu 9. Et comencent ben à ovrer 20 ,
Les serpenz et les soriz het 'o, A Deu servir et 21 amer ;
1 Guillaume se charge là , et quatorze vers plus bas, de trancher « mutata sede de loco ad locum eos transfert et collocat ( H. muta
un différent de fort vieille date ; mais erreur pour erreur, autant va- « taque sede locat). »
lait opter pour celle qui conservait plus d'accord entre le récit et la 10 La haine de la belette contre le serpent (ou le basilic) est men
leçon morale ; et c'est ce qu'il n'a pas fait. tionnée par plusieurs auteurs. Cf. Hug. ( ?) , De best . , libr. III ,
2 Ce vers, emprunté à x, était hypermètre ou presque illisible cap. 41 ( t. II , p. 444) . · Berger, Tradit. tératolog. , p. 540-542 .
dans les autres ; sauf dans Z qui dit : La semence dont le conçoit. - Isidor. Etymolog., lib. XII, cap. 4. ( t. IV, 64, sq . ) . etc. Je

3 Y. omis ; X. l'aproche. pense qu'on a confondu le serpent avec le crocodile, et la belette avec
4 V. parmi . l'ichneumon . Mais nous reviendrons là -dessus ailleurs (article 42) .
5 Les manuscrits que j'ai examinés donnent tous cette répétition, 11 X et Z. où les set. Autre nature exposée par Het D dans les
quoique ce soit beaucoup de deux affirmations pour un conte. Mais mêmes termes : « Serpentes etiam ac mures persequitur. » Mais ni cette
l'auteur voulait sans doute insister sur la forme à laquelle il appor- propriété ni la précédente ne sont d'aucun emploi pour le symbolisme.
tait le poids de son avis. 12 Répand.
6 X. petite beste. 13 Y et Z. segurement (2. séurement) ce n'i a mie. Ce vers et les
7 Muette. Cet adjectif, qui chez un grand auteur serait qualifié d'é- trois précédents manquent dans X.
pithète prise de la nature des choses, sera peut-être chez notre trou 14 V. Aporagez.
vère regardé comme une cheville . « Habent sua fata libelli . » 15 V. encoragez.
8 V. chaieus ; Z. caiaus . Ce mot n'existe plus que dans la langue 16 X et Y. plusors ; Z. une gent k'est encouragié.
de l'horticulture , avec une acception quelque peu figurée (caïeu ). 17 V. ovrir.
Cela , jusqu'à meilleur avis. Cf. p . 108 , notes 16 et 36. 18 Y. curier ; X. curious.
9 On dirait que c'est l'expression : n'avoir ni feu ni lieu. Quant à la 19 Cæur. Cf. p. 125, note 13 ; sauf le respect dû au comte J. de
propriété que ces vers attribuent à la belette, sans sortir des bestiai- Maistre .
res, nous la retrouvons dans D (très conforme à H en ceci) : « Hæc, 20 V. ovrir .
ingenio subdula, in domo ubi habitat, quum catulos genuerit, 21 X. i amer ; Y. et bien Deu ; Z, et à Diu .
BESTIAIRES (Pl. XIX , XXV): 151

Et en petit d'ore recréient 22 Que l'alme mène à tel destresce


Et ce que il aiment mescreient 23. De la peine qui tot dis dure,
Et ne sont mie obédienz , En la forneise et en l'ardure
A faire ces 24 comandemenz De la .puor qui tot jorz art.
Richesces sunt de male part,
Sicum orent ainz 25 promis.
Al serpent qui ad non aspiz 26 Car à grant travail sont conquises
Ke sont compares tels i a ; Et à grant pour 36 sunt porsises,
Si vus dirrai quel costome a Et a grant dolur sunt guerpies
Cèle serpent dunt jo vus di , Et donées et départies 37,
Pur ceo fist ben jadis un sage
Ne purquant 27 unques ne la vi , 39
Mais ceo est vérité provée. Que mult aveit tot son éage
Quant èle crient estre enchantée A sa richesce entenduz,
Por l'enchanteor qu'ele craint 28, Tant que la memorie ot perduz
L'une de ses oreilles prent
29 De Deu servir et honorer ;
A la terre mult durement 30 Un jor se prist à porpenser ,
Et od sa coue finement Esgarez 39 fu que il fereit :
Si à ses faucheors irreit
Estope l'altre oreille ci ( si ? )
Que de li } l ne pot 32 estre oi U à ses vignes, u à ses blez.
L'enchanteor en nul guise. Durement estoit esgarez
De tel manère est sa cointise 33, De ses pécunies qui moreient,
D'altre tèle manère sont De ses nefs qui par mer coreient ;
Les riches homes de cest mond. De ses molins iert en porpens
Sont tot encombrez et chargez Qui n'avoient ewe tot tens.
De richesces et de pecchez ; Dunt li venoient messager
Quant il oent de Deu parler, Que là porreit tant agaainner 40 ;
L'oreille n'i poent torner. Altre messager reveneient
Par richesces sunt asordez Qui altres novèles diseient,
Et par coveitise assorbez Que ja tant 41 perdu aveit
Qu'il n'oent ne ne veient gote 31 ; Que nul le nombre ne savoit.
Tos jorz tènent malvaise rote . Là ù il ert en tel destresce ,
L'evangelie pour veir atliche : Garda 42 amont, et les oils dresce
Plus grève chose est un hoin riche Vers Deu qui tot lemond forma ;
En la glorie del ciel entrer , Et de sa richesce mult 43 pensa
Que faire un chamuil trespasser Que li avoit fait oblier
Par le chaas 35 d'une agoillette Ceo qu'il déust le 44 plus amer ;
Que seit estreit et petitette. Et tant i 45 avait mis son quer 46
Maldite seit cele richesce Que il ne peut à nul feur 47

22 En peu de temps se démentent ; ITAL. ricredersi. Cf. p. 124 , 35 Petit trou ; X. la chasse d'une aguillète ; 2. par le casse.
36 Y. paor .
note 6 ; et p. 127, note 33.
23 ital. miscredente ; Franç. mécréant. Ce vers et le précédent 37 Le trouvère traduit évidemment cette phrase rapportée par
manquent dans Y et v . Pierre de Blois dans un de ses sermons ; « Opes... cum labore ac
24 Y. ses ; Z, les. « quiruntur, cum timore possidentur, nunquam sine dolore amit
25 Y. avant ; Z. si com ils orent ; X. si cum illi orent. & tuntur . ”

26 La rime montre bien ici que l'aspic appartient à l'article de la 38 X. ange ; Y. aige, et saige.
belette et fait partie d'un même ensemble. 39 Préoccupé, absorbé dans une considération profonde ?- Indécis ?
27 Néanmoins, malgré tout cela ; ITAL. per tanto. w Z. guaigner ; ital, guadagnare. Y. guaigner.
28 V. grent ; X et Z. crient. 41 X. que del suen tant perdu .
29 Attache, presse fortement ? Lat. premere. 42. Y. regarda (regarde ?) ; X et Z. regarde.
30 V. dorement. Ital. duramente. 43 X. omis .
31 X. d'éle. 44 V. omis ; X. ce que il déut plus.
32 X et Y. puet. 45 V. omis ; X. y aveit,
33 Ruse ; nous retrouverons l'adjectif cointe, d'où le nom propre 46 Si la seconde rime ne doit pas réellement être fuer , comme dans
Lecointe. V et Y. coveitise. X, Y et Z, il fallait que la prononciation effaçat la disparité de ces
34 Y. goute ; et cependant rote demeure à la rime. On dit encore deux finales.
en Lorraine je ne vous (vois) gote. 47 Compte, en nulle façon.
152 MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE .

Devoluper 48 sei ne départir 49, N'à la halte joie venir 66.


Ne honoréement issir . Seignors, pur Deu l'onnipotent
Dunt se purpensa mult estroit Ne semblez mie le 67 serpent
Que tot ensemble guerpiroit Qui les oreilles clot et serre
Ses pécunies et son trésor ; Od sa coue 68 contre la terre ,
Vendi tot, si acata 60 or . Qu'ele n'oie l'enchanteor.
Quant 51 il (qu'il ?) ot en or ajusta, Quant la parole al Salveor
En une masse l'asembla Orrez, ne vus estopez mie
Com I moele de molin. Ne la véue ne l'oie.
Quant il ot tot vendu enfin , Aspiz crient mult l'enchantement.
Que ren n'i ot remis (remés ? ) à vendre De son lignage i ad grantment.
Dont l'em péust un dener 52 prendre 53 , Dispas 69 en est, la felonesce,
Tos ses dras vendi à devise 54 Que mult est male et traiteresce :
Forz ses braies et sa chemise , Si tost com [un] home, aura morz ,
Que plus à vendre ne lessa 55 ; D'angoisse de sei 70 moert li corz.
Son or devant sei roela 56 Un altre i ad, prialis 71 ,
Quant il ot trestot assemblé. Que est de la lignée 72 aspis ;
Dunt l'ad 57 issi atorné Qui en dormant la gent oscit
Que un chaène 58 le teneit, Sicum li bestiaire dist.
Unc ne fina desqu'il veneit La réine Cleopatras
Sor une roche lez la mer. Qui tant cremeit de mort le pas 73,
Lors comença le 59 floz à monter ; En mit od sei une poinnant 74 ;
Quant la mer fu rasez 60 et pleins Si morut si 75 cum en dormant.
Dunt enpeint 6 , ad pez et od mains, Altre en i ad qui mult est fère 76
Son or ès greinnors 62 parfondesces. Et de pélirose 77 manère.
Si ad dit pois : Alez richesces Cumme dreit sanc 78 est sa color ;
;j .
A mil[le?] et cinc cens 63 déables ! Si point de si fère vigor
Ne serez od mei mès manables , L'ome où la femme, et 79 tant le grève
Car vus me quidates néier ; Que chescone veine li crève.
Mès jo vus néierai primer. Si seigne tant cum seigner poet,
Maldite seit la vostre escost 64 ! Après le sanc morir l'estoet 8 .
Qui en vus od son quer repost, Encore i a un(e) plus male
Ne poet bone vie 65 tenir, Qui mult a venin en sa male ;

48 X. desveloper, ne départir. 66 X. haute joie venir ; Y. ne an la haule joie venir.


49 Y. partir. 67 Assez ordinairement le serpent est féminin dans les vers de
50 X et Y. achata. Guilliame, comme en italien et dans nos dialectes du midi ; mais ici
51 X. quanque il out, en or chanja. tous les manuscrits sont d'accord .
52 X. denier . 68 Y. coe ; X. de sa coue et de la terre.
53 V. rependre. 59 Alyas. J'accorderai quelques mots tout à l'heure ( note 82) ,
54 A tête reposée, de parti pris ? Angl . devise. aux divers serpents indiqués dans ce bors -d'æuvre.
55 Y. ni laissa . 70 Soif; ITAL. sete, Esp. sed.
56 X. roola ; ITAL. rotolare. 71 LAT. pristis (Topicmp) ?
57 Dunques l'ad ? X. quer il l'out. 72 V et Y. del lignage.
58 Y. une chaine ; X. une chaène. Esp. cadena . 73 Passage.
59 X. omis. 74 Y. poignant ; X. pongnant ; lat. pungens ; FRANG. poindre,
60 Quant il couvrit ses bords ; FRANÇ. rasade ; car je ne crois pas poignard ; ital . pugnere, pugnale ;
qu'il s'agisse de l'allemand rasen. Ce n'est point une tempête, mais 75 X. tot cum ; V. aussi cum ; Y. si morist ansi comment en
le flux. X. quant il fu tot haucié. dorment, vers énormément faux.
16 LAT. ferus ; X et Y. fiere. Il s'agit de l'hæmorrhois .
61 Y. enpaint ; Lat. impingere, ital . spingere.
62 Y. grignors ; X. plus granz. Cette dernière transformation ai- 77 ESP . peligrosa ; X. périllose.
dera ceux qui n'auraient pas reconnu le latin grandior dans grei- 78 Absolument (exactement) comme du sang. De là l'expression po
gnor. Cf. p. 127, note 18. pulaire tout dreit, pour dire : très juste, à point.
63 Z. à V. C. (500) dyables ; X. sexante déables. 79 V. omis.
64 X et Z. le vostre acost ; Y. la vostre apost. Votre approche ? 80 X. l'estuet. Il lui faut ( il est réduit à) mourir. Les six vers sui
68 Y. voie ; X. veie ; Lat. via. vants ne sont pas dans X.
BESTIAIRES ( Pl. XIX , XXIV, etc.). 153

Ceo qu’èle point ja ne garist,


Car le cors meintenant 81 porrist ,
Et chet tot en puldre et en cendre ; 18
L'alme li convent tant tost rendre 82.

Guillaume-le-Normand ne parle ni de trisnon , ni de


corbeau, ni de harpie, ni de rossignol, ni d'espech, ni de .
paon, ni d'alérion , et je fais remarquer unedernière fois
pour toutes, que le Bestiaire rimé est généralement assez

งง
conforme à mes anciens manuscrits latins.

เง
WW
81 Y et Z maintenant; aussitôt, immédiatement. Il s'agit du tabi .
ficus seps.
87 Tous ces détails d'érudition hors de propos sur les diverses sor
tes de serpent ne doivent pas être portés entièrement à la charge du
trouvère normand. C'est tout simplement un emprunt fait par quel
que compilateur à S. Isidore ( Etymolog. lib. xlr, cap. iv, nº 12-17 ,
Opp. t. iv, p. 65, sq .), qui énumère les natures de l'aspis, du dipsas,
de l'hypnalis, de l’hæmorrhois, du prester et du seps . Cf. Pseudo
Hug. , De bestiis. lib. II, cap. 30 (Opp. t. 11, p. 430) . qui elle mort ( sic) ; et l'autre qui a non prialis (hypnalis) , fait tant
J'ai fait graver à la fin de cet article un spécimen des espèces mer- dormir que il muert ; et l'autre qui est apiélé enioroit (hæmorrhois ),
veilleuses dont le genre serpent avait été enrichi par les compilateurs li fait fondre tout son sane jusqu'à la mort. Chieus qui a non preste
et les artistes, à la suite des noms et descriptions données par les (prester ), vait tous jors bouche ouverte ; et quant il estraint nului a
classiques (Solin , Pline, Lụcain, etc. Cf. Codd. giessens., l. cit. ses dens, il enfle tant qu'il devie, et maintenant pourist si malement
v . 266,,sqq .; p. 173, sq. ) . Celui- ci est l'amphirena (sic, c'est à dire que c'est diablie.
amphisbæna ); et j'en aurais pu donner bien d'autres si j'eusse cru que « Et sacés que aspide porte en sa teste la luisant et précieuse pière
cela fût de quelque utilité . Mais pour ne pas laisser tout à fait sur que l'en claimė clarboucle (escarboucle ); et quant li enchantères qui
l'appétit ceux qul auraient le goût de ces belles choses , je transcrirai viut oster la pière, dist ses paroles , maintenant que la fière beste s'en
du moins l'article De l'aspide dans le Trésor de Brunetto Latini aperchoit, fiche l'une de ses oreilles dedens terre, et l'autre estouppe
(Bibl. Royale, mss. fr., n • 7068, fol. 43 v ) : « Aspide est une ma- elle de sa keue en tèle manière qu'èle n'ot les paroles conjurans. »
nière de venimeus serpent qui ochist homme de ses dents ; ja soit ce On voit qu'il était quasi de rigueur d'accepter les conséquences
qu'ils sont de plusieurs manières, et cascims a une propriété de mal du mot générique conis , en complétant l'article aspic par une
faire. Car chis ki est apiélés aspide (dipsas) fait mourir de soif l'omme énumération de divers serpents curieux.

OBSERVATIONS.

La belette transportant ses petits suspendus entre ses mâchoires , à la manière du chat, aura
sans doute obtenu ainsi son antique réputation d'enfanter par la bouche ; bien que la minia
ture du ms. suppl. fr. 632 25 représente les petits de la belette sortant par ses oreilles ( Cf.
supra, p. 150 , note 1 ) , conformément à la leçon de Guilliame. Le reste peut bien n'être venu
qu'à la suite de ce premier embellissement d'un fait réel ; et les assertions n'ont pas manqué
aux contes qui étaient venus le grossir comme par alluvion. (Cf. Plin. Nat. Hist., X, 85 ;
. 65. — Bochart , Hierozoic , P. I , libr. III , cap. 35 ; t. I, p. 1033-1035 .
al. Saumaise, in
Solin , p . 325. Leemans, in Horapoll., p. 333, sq ., et 395. – Tychsen , l. cit., 73-75.
Antigon. Caryst., 21 , p. 67 : yadeos .) Car la belette fut mise sur le pied de prêter et d'em
prunter à tout ce qui lui resseinblait par la forme extérieure ou par le nom : lézard, chien-de
mer, ichneumon (ixtis), fouine, furet, martre, putois, loutre , etc. Doté donc à l'envi par les
compilateurs, ce petit quadrupède s'est bientôt trouvé en mesure de prêter au lion même ;
comme je l'ai fait remarquer ailleurs. (Supra, p . 108, note 30. — Vitraux de Bourges, n° 44 ;
IL
20
154 MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE.

p. 79 , note 7; et pag. 80, note 2. ) Pline y peut avoir donné lieu (Nat. Hist., VIII , 17) en com
parant les lionceaux nouveaux nés aux petits de la belette. Quoi qu'il en soit , grandie à ce
point, la belette a passé pour faire la guerre non seulement aux couleuvres, mais même au
basilic (Cf. supra , p. 148) ; comme si on eût craint de ne point lui attribuer assez de merveilles.
Quant à l'aspic, ou au reptile quelconque caché dans cet article sous le nom générique dotis ,
qui est la ressource ordinaire des LXX , son histoire rappelle du moins un fait au sujet duquel
l'antiquité n'a qu'une voix : c'est le pouvoir de certains peuples ( Psylles , Marses ou Thessa
liens, etc. ) sur des reptiles redoutės par tous les autres hommes. Jonglerie ou incantation
réelle, il n'importe ; cette espèce de science s'est transmise jusqu'à nos joursen plus d'une con
trée (Cf. Champollion -Figeac, l’Egypte ancienne, p . 20, 21. –Lacépède , serpents, naja.—Roulin ,
sur les curanderos d'Amérique, dans la Revue des Deux -Mondes; octobre 1833 ) , et les témoi
gnages des auteurs classiques sont presque sans nombre à ce sujet. Le docte Bochart (Hie
rozoic ., P. II , libr. III. c. 6 ; t. ' II, p. 385-394) en a réuni une foule qui pourrait conten
ter l'amateur le plus curieux ; après de tels hommes on ne peut guère que glaner. Je me
bornerai donc à indiquer Beckmann (In Aristot. lib. de Mirab. auscult., p. 334, sqq. ) , les
notes de M. Westermann sur les Paradoxographes grecs (Antigon. Caryst. , 16 ; p. 65. --
Apollon . , 11 ; p. 107) , les commentateurs de Pline (Nat. Hist., XI , 30, al, 25 ; VII, 2 ; etc. ),
et un mot de Strabon (lib. XVII ; ed . Casaub . 1620, p. 814. - Cf. Plin. VII , 38 ; XXVIII, 6 ,
al . 3) qui n'est pas éloigné de croire que les Tentyrites possèdent quelque charine semblable
contre les crocodiles . Aussi ai-je vu une gravure allemande du dix-huitième siècle, ou du dix
septième, qui représentait je ne sais plus quel saint évêque égyptien à cheval sur un croco
dile ; et , si j'ai bien compris l'intention de l'artiste, cela indiquait tout simplement que le
saint homme était de Denderah ( le pays des philocrocodiles ).
De l'arbre à baume, je ne sais que dire ; et franchement je n'y ai pas mis grand'peine,
parceque les bèstiaires vraiment anciens ne lui ont accordé aucune mention. Mais il ne sera
pas tout à fait oiseaux de rapporter une autre forme populaire de ce récit, laquelle ne repose à
vrai dire que sur la parole de Brantôme ( Mestres-de-camp catholiques; OEuvres, éd. Monmerqué,
t. IV , 326 ), et encore en un de ses endroits les plus gascons : « Les bonnes gens et bonnes
7

vielles femmes de notre pays sont encore en cette badine opinion que pourquoy les gens
d'aujourd'huy ne sont si gens de bien que le temps passé, disent-ils, parce qu'ils ne sont bapti
sez d'un si bon et si saint cresme que du temps que les Bourdeilles l'alloient querir par delà
Jérusalem , et l’alloient prendre dans l'oreille d'un dragon qu'il faloit qu'ils tuassent de leurs
mains ; et puis en tiroient de ladite oreille, de la substance dont on faisoit le cresme; et le
sanctifioit -on dans Jérusalem par les saints prélats qui y estoient ; puis le rapportoient à leurs
pays, et en fournissoient les églises. » Voilà qui s'élève dans le merveilleux jusqu'au burles
BESTIAIRES (Pl. XIX). 155

que, tout en reflétant une lueur bien reconnaissable du conte primitif ; mais c'est le cas,
ce me semble, de conclure avec le même auteur en un autre lieu (ibid. p. 335) : « Je m'en
.

rapporte à ce qui en est, il ne sera pas damné qui le croira ou décroira, ,


Je ne garantis pas plus la forme que le fond des enseignements zoologiques donnés par
nos manuscrits . Toutefois, malgré les ailes données à l'aspic par le manuscrit P , il est utile de
faire observer que le bois gravé donné en tête de cet article ( p . 147 ) peint cet animal d'une
façon passablement conforme à la miniature de cet autre manuscrit du British Vuseum dont
nous avons parlé précédemment ( t. I , pl . XLV , fig. F ; sous les pieds des juges iniques).
>

ooo

14 ( Fig. P) .

D'UNE BESTELETTE QUI EST APELÉ TRISNON !.

Une petite bestelète qui est apelée trisnon , Physiologes nos dist que sa nature est tèle qu'il
aime tant le canter qu'il en pert son mangier ; et qu'il s'entroblit? tot en chantant, et s'en
laise aporcachiers, et muert tot en chantant.
>

Par le trisnon prendons example del juste home qui adès est en benfaits * et en pénanche ;
et met totes les choses del monde et tos délis del cors en obli , et pense por la joie pardurable,
et est adès en orison " , et muert tot en orrant 6 : c'est à dire qui ensi muert qu'il muert tot
en cantant , alsi comme li trisnon .

4 Grillon, probablement, ou cigale. Ni R ni S ne disent 4 Bonnes cuvres.


rien de cet animal. 5 Prière, oraison .
2 Il s'oublie entre temps, comme dirait encore un wallon. 6 Priant; lat. orando. On connaît le mot attribué à
s Pourchasser, poursuivre, atteindre; itak, procacciare. S. Louis au sujet des Anjorrant (Ange orrant) .

OBSERVATIONS.

Ce mot trisnon, ou crisnon , que je ne connais pas , me paraît être le nom du grillon, que
l'on aura investi des propriétés attribuées à la cigale , inconnue dans nos climats. On sait que
l'espèce de chant dont la cigale est douée lui avait valu de nombreuses mentions honorables
chez les anciens. Cf. Leemans, in Horapoll., p. 347, sq. – Plin. XXXIV, 19, 9. Etc.
156 MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE .

15 (Fig. Q ) .

DE LA NATURE DEL CORBEL !.

Uns oiseax est qui est apelés corbel . Phisiologes nos dist que sa nature est tele que tant
que si corbellot sont sans plume , et porce qu'il ne sont noir et qu'il nel resamblent mie , ja ne
9
les gardera ne paistera ; ains ne vivent se de rosée non ", dusca dont* qu'il sont vestu de
plume qu'il resamblent lor père. Et si sont encore d'une autre nature : se il truevent I home
mort, la première cose qu'il en mangue ce sont li oeil . Et par iluec en trait la cervele ; et com
plus en trueve , miels en trait.
De ce dist Phisiologe , c'est li essamples de nos meisme. Quant Dex fist l'homme, il le fist
et forma à sa samblance ; dont devons avoir de ses plumes et li resanbler de plumes ; ou 8 il
ne nos conoistra nient plus, ne ne fera nient devant ce qu'il nos en verrą vestu : c'est à dire
que nos soions vestu d'aumônes, de humilité, de pitié , de pacience et de soffrance encontre 6
nostre proisme. Dont nos conistra Dex por ses fils par ces plumes, si comme li corbaus fait ses
corbellès quant il les voit en plumes et li resambler.
Li corbaus qui trait les ex del omne qu'il trueve mort, c'est à entendre li bon pechières
qui s'anme ? a trovée morte par les ex de son cors, par la covoitise des teriens biens ; et puis
regarde o les ex de son cuer et o les ex de l'ame, la grant merchi de nostre Segnor ; et vait à
confession et fait vraie penance, et despit8 tous les délis del monde. Cis trait les ex de le morte
anme, et le fait revivre et veir les biens que Dex pramet à ses amis : c'est la vie permanable
et joie pardurable. Phisiologes dit que confession et pénance trait les ex de covoitise tat fors
del cief, alsi ben com li corbaus fait al mort home.

1 Rien sur le corbeau dans R et S. 5 Ou bien, sinon .


2 Nourrira; FRANÇ. paitre, pâture, etc. 6 Envers, à l'égard du prochain.
3 Si non (si ce n'est) de rosée. 7 Son âme ; on trouve tantôt anme, tantôt arme, etc.
8
4 Jusqu'à ant... LAT. usque dum. Méprise, LAT. despicit.

BESTIAIRE LATIN ,

MS . D. cognoscunt esse filios suos. Sed interim clamant ad


XXXVIII . DE PULLIS CORVORUM I. Dominum et invocant eum . Et inde dicit psalmista
Pulli corvorum ex quo nascuntur , usque ad duode- (Ps . CXLVI, 9 : Et pullis corvorum invocantibus
cim dies, a parentibus suis non pascuntur; quia non eum . Postquam vero figurati, patrem matremque
1 J'emprunte cet article au seul manuscrit D, pour faire en- lui) aura puisé ses articles additionnels lorsqu'il se proposa,
trevoir les sources où Pierre le Picard (si ce n'est un autre avant sans doute, d'embellir et de compléter le Physiologus primitif.
BESTIAIRES (Pl. XX). 157

similant, tunc demum pascuntur a parentibus. quam similaverimus patrem et matrem , sanctæ
Ita et nos, homines, pro peccatis desperare non Ecclesiæ, non permittet nos fame perire ; sed pas
debemus ;; sed semper sperare (en marge : clamare) cèt pane et esca spiritali abundanter in vitam æter
ad Domimum , qui plenus est misericordia. Et post- nam . Amen (sic ).

OBSERVATIONS.

Je ne suis pas de force à rien ajouter aux recherches du savant Bochart (Hierozoic. P. II ,
libr. II , c. 11 ; ' p. 205-208 ) sur cette prétendue nature du corbeau. On y verra que les Orien
taux surtout'ont affectionné ce conte , et qu'il peut bien avoir été naturalisé chez les nations
occidentales par les rabbins. Car tout ce que les auteurs classiques ont de plus semblable à
cette fable est l'assertion de Pline (INat. Hist., X, 15) , qui prétend que le corbeau chasse ses
petits de leur nid pour les obliger à se pourvoir eux -mêmes de nourriture. Mais Vincent de
Beauvais ( Specul. natur. XVI , 61 ) est entièrement de l'avis du Bestiaire picard. Cela s'était
élevé jusqu'à une certaine autorité ecclésiastique, après ce qu'en avaient dit Cassiodore
( in Ps. CXLVI ; ed. Garet, t. II , 494) et S. Grégoire le Grand (Moral, in Job , libr. XXX ; ed.
>

Galliccioli , t. III , 238 , sq. ) ; quoique ce ne fût chez ces docteurs ni le même symbolisme ni
absolument le même exposé .

16 (Fig. R ) .

DELE ARPIE, SA NATURE '.

Unne beste est qui est apelée arpie. Phisiologes nos dit qu'èle a samblant a home , et
chevels ; et si º ſa cors de lion et èles de serpent et coe de ceval ; si] est une des plus cruels
bestes qui soit. Si est de tel nature qu’èle ocit le premier home qu’èle encontre devant lui. Et
après s'en vait maintenant sor I aighe, si se mire ens. Si voit iluec qu'ele a morty son sam
blant, et èle en demaine * moult grant dolor ; et à totes les fois qu'ele se voit et mire, reno
vèle sa dolor .

Ceste arpie senefie l'ame qui a mort son semblant ; car Jhésu Cris fu mors por nos péchiés ,
1
1

1 Une main que je crois postérieure d'un siècle a écrit près Point de harpie dans les manuscrits R et S. 1

de la miniature : « A el cors de lion , et elles (ailes ?) de ser- ? Tout ce qui est ici compris entre les deux crochets a
pent, et coue de cheval . » Pour la tèle, le texte et la peinture été écrit en surcharge, mais à la même époque que le texte.
donnent de concert à leur barpie une face passablement hu- 3 Tué ; locution que la langue italienne a conservée.
maine. Quant aux ailes de serpent, nos minialeurs n'en sont 4 On a déjà vu (p. 108, note 33) cet emploi du même verbe,
jamais avares. qui correspond à l'italien menar gran rymore.
158 MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE .

qui prist nostre sanblance. De ce doit avoir li ame grant doel. Si comme la torterelle qui a
perdu son compaignon ; si èle vient el lieu'où il fu mort, et èle en trueve plumes ou alcun si
gne , si en demaine moult grant doel . Ensi doit faire li ame qui a perdu son compaignon
Jhésu Crist : ele doit faire sicom une damoisele fist, fille de roi , qui remests; si li tolirent si
anemi son iretage 6. Li fils d'un roi en ot pitié, si prist la damoisèle, si l'espousa, si se com
bati por lui?; ensi reconquis son iretage, et puis fu mors 8 en bataille por lui . La damoisèle

prist les armés al cevalier qui por lui estoit mors ; si les gardoit ' cascun jor , et cascun jor
ploroit sor ces armes, et menoit grant doel. La fille le roi qui remest orfène et perdi son ire
tage, ce fu li ame Adam qui fu monlt haus hom quant il fu en paradis ; mais il perdi son ire
tage quant il fu fors mis et jetés , par son pechiet. Li fils Deu ot pitié de l'âme, car ele estoit
desevrée de lui et de son iretage; si descendi et si l'espousa. Le jor que il fu nés, furent faites
les espousailles quant il acompaigna 10 sa déité à nostré humanité, XXXII ans se combati 11

por nos; al daérain 12 en combatant morut il por nos en la crois. Et nos devons faire alsi come
la damoisèle : tos jors devons avoir sa mort en ramenbrance , et regarder ses armes (c'est sa
crois et sa lance , et les claus et sa corone , et tos les estrumens de sa passion ) ; et plorer cas
cun jor de ce que nostre dous amis fu mort por nos en 'la bataille .
9
5 Resta... ; LAT. remansit ; Angl.
NGL .
remain. Le copiste aura Regarder, ITAL . guardare; comme plus haut (page précé
probablementoublié le mot orfine (orfeline), qui compléterait dente) mire, ital. et Esp. mirar ; FRANÇ. point de mire, mi
le sens du verbe, et que nous retrouverons bientôt ailleurs. roir , etc.
6 Héritage, Ital. retaggio. 10 Associa , wit.
7 Elle. Lui invariable, ne nous est resté que pour le datif. 11 L'auteur suppose , je pense , que notre Seineur est
(J'en demande pardon à qui cro rait le français privé de cas.) mort âgé de trente - trois ans; sur quoi les écrivains de cette
8 Tué ; nous venons de rencontrer, ນilໍ້ n'y a qu'un instani, époque ne sont pas tous d'accord.
celte locution que la langue française a laissé tomber en dé- 12 A la fin ; mot à mot au dernier (ad ultimum ), en dernier
suétude. lieu . On écrivait aussi darruin .

OBSERVATIONS.

Ce que notre prosateur raconte de sa harpie semble emprunté à une propriété dont le cro
codile était ġratifié au moyen âge. On disait tantôt qu'il imitait les lamentations d'un homme,
pour attirer les voyageurs dont il voulait faire sa proie ; tantôt que pour dévorer ses victimes
il lui fallait détremper leur chair de ses larmes. Les humanistes de la Renaissance ont sou
yent pris cette pauvreté comme une occasion à leurs jeux d'esprit , et les larmes de crocodile
ont été exploitées par maint faiseur d'emblèmes. Je n'aperçois pas que cette invention puisse ,
remonter bien haut; à moins qu'on n'y veuille voir une altération de ce que dit Élien (XII , 15)
lorsqu'il attribue au crocodile cette ruse de répandre l'eau à pleine bouche là où il prévoit
que les grands animaux, peut-être même les hommes, doivent passer ; afin que, quand ils tom
bent ou chancellent sur le sol ainsi rendu glissant, il puisse s'élancer de sa cachette vers
eux à coup sûr. Cf. Nicol. Brand, Crocodilus lacrymans, Jena , 1733 ; cap. I , S 4. sq.
BESTIAIRES ( Pl. XX). 159

Vincent de Beauvais, dans son speculum naturale (XVI , 94.; p. 1211 , sq. ) transcrit un au
teur qui semblerait avoir dirigé Pierre le Picard dans plusieurs de ses détails scientifiques.
Voici ce texte : « Ex libro de natura (alias , naturis) rerum . Harpya est avis in solitudine
juxta mare ionicum , fame rabida, fere semper insatiabilis. Ungues habet aduncos , .....
faciem tamen habet hominis, sed in se nihil humanæ virtutis... Primum hominem quem in
deserto viderit, occidere fertur ; et jam inde quum fortuito aquas invenerit, faciemque suam
in eis contemplata fuerit, mox sui similem hominem occidisse se perspiciens, immodice tris
tatur : et hoc aliquando usque ad mortem, plangitque occisum omni tempore vitæ suæ. , A ce
compte , ce serait quasi la harpie classique, qui dans l’Enéide en effet ne se montre méchante
qu'à demi.

17 (Fig. S).
LA NATURE DEL LOUSEGNOL 1 .

Uns oiselés qui est petis, si est apelés lousegnols. Phisiologes nos dist que il se tient volen
tiers en beax forés et en beaus gardins, et cante tote nuit ; et contre 2 le jor se renvoisit 5 et
chante plus haut. Et quant il voit le soleil levé, si s'efforce de chanter, et demaine si grant
joie de li meisme et de son chant qui tant li plaist, que por I poi que il ne * se déronto tot
en chantant.

Cis oisèles est example de la sainte âme qui en la nuit de ceste vie atent nostre Segnor le
vrai soleil de justice. Et quant èle sent qu'il est venus en son cuer par grasse (grâce), si a
grant joie ; si qu'èle ne le puet de [l ] tot dire, ne del tot 6 taire. Ceste joie a à non jubilation ,
que bouce ne le puet dire ne del tot taire 7.

* Le texte semble avoir eu d'abord rousegnol, mais l'r a une certaine manie de précision sévère et de clarté un peu
été changée postérieurement. Nous avons du reste l’une et froide nous a fait sacrifier de ces idiotismes qui avaient du
l'autre lettre dans les formes latire, espagnole , et française mo- jet et de la sève gauloise. Ce n'est pas que celui -ci m’inspire
derne . luscinia (lusciniola), ruisenor, rossignol. Les Ita- de très vifs regrets, mais d'autres méritaient un meilleur sort.
liens, au contraire , n'ont ni l'une ni l'autre dans leur usignolo, 5 Crève, Lat. disrumpere .
qui a supplanté rusignuolo. 6 Tout à fait, entièrement ; ITAL . del tutto. Du tout est
Les manuscrits R et S ne font nulle mention de cet oiseau . réservé aujourd'hui aux expressions négatives.
2 A l'approche (à la rencontre ) du jour, 7 Les quatre derniers mots peuvent bien être venus se placer
3 Renforce son chant, se remet en vois. ici par une distraction du copiste, qui aura répété la fin de l'a
4 Peu s'en faut qu'il.... ; comme l'italien poco meno. Mais vant-dernière phrase.

OBSERVATIONS.

Notre auteur est si modéré ici dans ses assertions , qu'il y aurait sévérité à vouloir les res
treindre pour les réduire à une exactitude parfaite. Il n'est personne d'ailleurs qui ne puisse
en appeler à ses propres observations sur ce chanteur de nos bois.
DO
160 MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE.

18 (Fig. T) .

D'UN OISEL QUI EST APELÉ ESPESCH ' .

Uns oiseaus qui est apelé espesch ; Physiologes dist qu'il est de tel nature que quant il
trueve I arbre cruesé et à petite entrée , il fait son ni par dedens le crues ?. Et alcunes gens
sont qui sa nature voelent esprover ; si estopent le pertuis de une cheville que il. i fièrent3 ens
à grant force. Et quant il avient al arbre , et il troeve l'entrée en tel manière estopée si fort
que sa force n’i poroit soffire, si vaint la force par engien et par I sens qu'il set de sa nature.
>

Car il conoist de sa nature I herbe qui a pooir de desfermer “ totes les coses qui sont fermées
de fer et de fust 5 , et de liiens que on puise liier. Il s'en va et le quiert tant que il l'a trovée ;
3

lors s'en revient, et la porte en son bec , et le touche à la cheville. Et tantost com ele i est tou
chié, la ceville saut fors et troeve l'entrée tote délivre 6 ; et puet tot aaisiément aler à son ni .
C'est example de nos meismes. Li hom qui est en bones oevres, il fait son ni por manoir en
la parfaite joie de nostre Segnor. Cil qui sa vertu voelent esprover, et estoper l'entrée de son
ni, ce sont diables qui ses benfaits li quide tolir par ses mal engiens et par son art. Et quant
diables l'a mis hors de bone oevre , dont est l'entrée estoupée du ni où li ame doit reposer. Et
quant li om se regart des ex de l'arme, et voit que l'entrée estopée li est ; lors li ensegnent
les ex de l'arme l'erbe par coi l'entrée de son ni trovera tote délivre. Et ceste erbe si est à
entendre parole de prestre en confession : que si tost que li hona muet la langhe por ses pé
chiés dire à prestre en confession , la cheville saut fors qui fut ferue por estoper le ni de l'ame;
et li fait delivre voie por l'âme aler à son .
ni. C'est à entendre que vraie confession et bone
repentance conduist l'âme del home en la parfaite joie nostre Segnor Jhesu Crist , qui est per
durable et permanable sans fin.

1 Pic varié, épeiche ; ALLEM . specht; ANGL. speckt. Rien 5 Bois ; Lat. fustis." Nous n'avons plus guère que les déri
sur cet oiseau dans R ni dans S. vés futaie, futaille.
2 Le creux . 6 Libre, ouverte ; l'ancien sens ne s'est conservé que dans
3 Enfoncent, frappent ; LAT. ferire ; commme plus bas, férue. délivrer, délivrance. Je n'ai pas cru devoir accentuer la
* Ouvrir ; comme le latin recludere, ITAL . schiudere. dernière lettre , comme si c'eûl été délivrée.

OBSERVATIONS.

Selon Élien ( 1,45) , ce n'est pas seulement d'une cheville que l'épeiche (ou le pic-vert , qui
n'est pas précisément l’épeiche) sait venir à bout au moyen de son herbe ; il peut même, tou
jours par ce moyen , faire éclater une pierre qui fermerait l'entrée de son nid. Pierre le Pi
card est donc bien loin d'avoir enchéri sur les autorités classiques; il faut même, si l'on veut
être juste, lui savoir gré d'une réserve qui l'approche d'autant plus de la vérité qu'elle l'é
BESTIAIRES (Pl. XX ) . 161

loigne davantage des maîtres anciens ( Cf. Plin. X , 20 ; al. 18) . Élien raconte même de la
huppe (III , 26 : ërcy ) un fait assez semblable .
Vincent de Beauvais ( specul. natur. XVI , 132 ; p. 1229) répète presque la même histoire,
mais avec des expressions un peu vagues, d'après le Liber de naturis (ou de natura) rerum .
« Picus martius est avis parva, aduncos ungues habens, et arbores rostro penetrans. Quum
que supinus corticem arboris percutit, subesse pabulum intelligit.. Pullos in arboribus cavis
educat ; in quas quum sagittam vel aliud tale quis miserit, picus admota quadam herba sta
tim ejicit, quantalibet vi ingestum sit. »

19 ( Fig . U) .

LA NATURE DEL PAON.

Uns oiseax est qui est apelés paon. Phisiologes nos dist qu'il est de tel nature que quant
il dort par nuit, et il s'esveille soudainement, qu'il crie ; por ce qu'il quide avoir sa beauté
perdue.
2
Si senefie l'âme qui en la nuit de cest monde doit tos tans ' crémir ? qu’èle ne perde les
biens et la grasse que Dex li a donée. Si doit crier à grant destroit 3 en lermes et en prisons ,
quant èle sent alcune oscurté de pechié en soi ; et doit soi meisme conoistre, et en chercher
a bone foi totes ses défautes 8.
Et Amon li prophète nos dit del paon que c'est uns oiseaus qui grant porvéance a en lui ;
et Phisiologes dit que li hom qui n'a porvéance en soi est moult povre cose, et valt autre tanto
mains, come li paons enlaidist de sa keue perdre. Car keue de paon senefie porvéance, por
ce que keue , de tant qu'ele est par derière, senefie ce qui est à avenir. Et por che senefie la
keue de paon porvéance ; ne autre cose n’apele on porvéance que de prendre garde ce qui est
à avenir .

Et si est confermé par une des natures del lion qui, quant on le cace 8 por prendre, et il
doit fuir, il cuevre les traces de ses piés del train de sa keue ; por ce que on nel sache où şuirº
Alsi fait sages hom qui a porvéance, quant il li covient alcune cose (mucer ? ] dont on le blas
meroit s'on le savoit. Il se porvoit si al faire que on nel saura ja ; si que sa porvéance cuevre

* En tout temps. Rien sur le paon dans R et S. 6 Fautes, défauts.


2 Craindre . Cf. supra , p. 110, note 43. 6 D'autant moins, ITAL. altrelanto .
Ś
Effort, peine, empressement. Les Italiens donnent un sens ? D'autant.
presque semblable à leur mot strelte. 8 Chasse, ITAL. caccia ; ESP. cazar.
4 Larmes. ' 9 Suivre. Cf, supra , p. 108.
II. 21

1
!

162 MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE .

les traces de ses piés : c'est à entendre que on se gart del cop 10 avant que on le voit venir et
que on sace que il venra, que on le puist guenchir " par porvéance. Car I home de povre sens
poroit bien eskiever 12 le cop que il verroit devant lui. 1

Amon li prophètes nos dist que tot dis13 quant li hom pèche, anemi li plaie 14 s’anme et le
fiert et blèce malement. Tu hom , qui es fors et délivres 18 , or te porvoi qu'ele ait mire à ses
plaies garir ains qu'èle soit morte ; c'est à entendre confession et pénance en ta vie , et vraie
repentance devant que li cop de la mort vient à toi. Car se tu es ataint à la fin en péchié ,
dont ne t'as tu pas porveu , dont t'a li cop de la mort ochis. Ce sont diables, et ont tarme
traie 16 et morte à tos jors vivre en mort sans fin . Por che doit li hom penser et soi porveir,

que s'anme n'ait garde del cop de la mort ; et soi tenir en la cremor 17 de nostre Segnor. Qui
crient son maistre , il l'aime.

10 Coup, ital. colpo. 1 Libre, déluré ? en santé , dispos. Cf. p. 160, note 6 .
11 Eviter, détourner ? 16 J'ignore s'il faut lire traïe (trahie) , ou traie ( entraînée,
12 Esquiver , ITAL. schivarc. blessée , frappée) ; FRANÇ. trait, traire.
13 Toujours. 17 Crainte. Nous avions plus baut crémir , et à une ligne
14 Blesse, Lat. plagare . d'ici nous trouverons crient.

OBSERVATIONS.

Tout en cherchant à nous montrer le paon comme un modèle utile, le compilateur n'a
pas réussi à lui faire jouer un rôle fort honorable. Il le peint en vérité si niais (j'ai presque
dit : si niaisement) , que les manuscrits de la Bibliothèque du Roi (R et S) ont fort bien fait
de l'omettre, et qu'il mé tarde à moi-même d'atteindre un autre articlė , quelque affection
qu'un éditeur puisse nourrir pour l'ouvrage qu'il exhume.

20 ( Fig . V ) .
LI ALERIONS " .

Uns oiseaus est, si est apelés alerions. Phisiologes dist que li alerions a moult grant segno
rie sor tous les oiseaus del monde , et sa colors est semblant a fu . Et ses èles sont alsi tran
chants comme un rasoirs ; et il est petis I pou, et il est plus grant d'un aigle ? ; ne en tot le 1

i Point d'Alerion dans les manuscrits R et S.


accorder
son langage
avec le nom d'aiglelle que l'on donnait
2 Grammaticalement, celte façon de construire une propo- à l'alérion, et avec la miniature qui a évidemment voulu pein
sition comparative serait aujourd'hui un italicisme. Zoologi- dre un oiseau plus petit que l'aigle ? Mais, encore une fois,
quement, si le copiste n'a pas fait quelque erreur, comment j'accorde peu d'importance à ces rallonges du Bestiaire primitif.
BESTIAIRES (Pl. XX). 163

monde n'en a que une seule paire. Et quant li paire a vescu LX ans ; lors font II oes ; et lors
les keuvent par LX nuis et par LX jors. Et quant li LX jor sont passé, s'escloent et sont II po
cins. Et quant li père et la mère les voient, erraument s'entornent fuiant plus tost qu'il on
ques poent voler. Et li autre oisel de la contrée s'acompaignent avoec els, et les convoient "
trosqu'à * la mer. Et li alerion volent en la mer , et se plongent dedens, et si se noient iluec .
Et tuit li autre oisel s'en retornent erraument à l'aire et as pochins. Si les gardent et noris
sent tresc'a dont qu'il sont dru et qu'il poent ben voler. Lor s'en départent li autre oisel , et
ensi se norissent li alerion .
C'est example del rice terrien home qui tot son parage 8 a sormonté de richoise 6 , et est li
chies (chief?)) de tot şon parage en cest siècle ; et les passe tous, qu'il n'a nul per par ses
grans richoises que il a conquis en tolte ? et en roberie et en autre deşraison 8 ; ne lichaut com
ment, mais qu'il ait º. Quant ce vient vers sa fin , si pont II oes ; c'est la mort qui prent le cors,
et la mort (li déables ?) qui prent l'âme. Quant la mort vient, s'escloent si ja II pochins ; c'est li
caitive 10 âme que diable enportent, et la caroigne de cors que li ver manguent. Lors viènent
11
si ami et si parent estraigne " , si le convoient. Là il se plonge en merre , et noie : c'est à
entendre el fons d'infer, ains qu'il soit covert de terre..
Cist n'ot son pareil el sicle 19 en son parage, nient plus que li alerions.
Les trencans èles del alerion , ce sont li fait de mal hom . Coment que li avoirs soit porca
chiés, chi l'estuet 15 laisier 14 ; et autres l'aura, et autres l'ot devant celui . Par male covoitise
est mainte âme confondue et damnée. En tos lius sont li trop plus blamé que loé ; ne nule
.cose ne valt tant come mesure et raison , et ce maine l'ome à bone fin .

3
Accompagnent, escortent ; FRANÇ. convoi. 9 Peu lui importe comment, pourvu qu'il s'enrichisse.
4
Jusqu'à. Nous avons déjà rencontré les autres formes 10 Misérable, méchante: L'italien cattivo, notre chétif, et le
dusc'a, ou dusqu'à , et tresqu'à. poitevin cheti, montrent que l'idée de prison (captivus) a con.
5 Tous ses égaux , ANGL , peerage . duit à celles de misère et de culpabilité ; de même que le reus
6 Richesse . des latins a été pris tantôt dans le sens de prévenu, tantôt dans
* Maltóte appartenait probablement à cette famille de mots celui de condamne ou convaincu (coupable ).
aujourd'hui ellacée de notre langue. LAT. tollere (auferre ), 11 Etrangers, LAT. extranei, ital, stranco .
ITAL, tolto. Il s'agit sans doute de rapine, vol de vive force . 12 Dans le siècle, le monde ; Esp. siglo.
8
Tort; celle expression rappelle la razon de la sinra 13 Il convient, il faut.
zon , etc.,9 du grand satirique espagnol. 14 Laisser, abandonner; ITAL. lasciar.

OBSERVATIONS.

Voici un conte dont je ne sache pas que les naturalistes de l'antiquité puissent être sérieu
sement rendus responsables. Il semble que quelque moderne leur áit envié l'invention de leur
phénix, et qu'il se soit proposé d'en faire une contre-épreuve àà sa façon. L'alérion des héral
distes est-il antérieur à cette belle histoire ? ou bien , une fois cet oiseau introduit dans le bla
164 MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE .

son , a -t- on prétendu lui composer une généalogie et des meurs.qui ne le cédassent à nul au
tre ? Je pencherais vers la seconde hypothèse, quoique je n'aie nul droit de décider entre l'une
et l'autre ;n'ayant guère retrouvé les alérions avec quelque détail quedans la prétendue lettre
du prestre Jehan reproduite récemment par M. Ferdinand Denis ( Le monde enchanté, p. 188), >

où notre oiseau est nommé yllerion. Là se rencontre encore l'oiseau appelé tigre, dont nous
avons hasardé l'explication précédemment. Mais cette lettre du prêtre Jehan ayant sans contre
dit puisé aux mêmes sources que nos compilations des douzième et treizième siècle , il faut
convenir qu'un tel document avance très peu la question. Que des hommes de plus de science
et de plus de loisir que nous en fassent, s'ils le veulent, l'objet d'un travail spécial ; nous leur
en cédons l'honneur, sans précisément le mépriser. Car l'histoire de ces bizarreries est insé
parable de la véritable histoire littéraire. Cependant, s'il était permis de hasarder un simple
aperçu , je dirais que les aiglettes ont pu tirer à elles un démembrement de l'histoire fabuleuse .

des aigles. Et comme les traits classiques, pour ainsi dire, de ce dernier ne pouvaient être
transférés à un autre oiseau sans faire crier au larcin , on se sera rejeté sur les traditions rab
biniques qui : n'avaient point été exploitées. Ainsi la mort de l'aigle dans la mer (D. Kim
chi, etc. , ap. Bochart, l. cit. P. II , libr. II , cap. 1 ; p. 167) et les aiglons recueillis par l'orfraie,
2

lorsque leur père les chasse du nid (Aristot. Hist. animal. IX, 34 ; VI , 6) , sont des débris
dont se sera formé le partage de l'alérion. Toutefois, comme il faut savoir tenir compte d'un
élément qui ne laisse pas d'expliquer bien des choses humaines, la niaiserie ou l'étourderie,
indiquons en outre une description du phénix par Claudien (De laudibus Stilichonis, lib. II .
v. 414 , sqq .) qui , mal copiée ou mal comprise, a pu devenir l'une des sources de l'historiette
sur les alérions.

21 ( Fig . X ).

LI AIGLE.

David dist el setisme : seconde siaume : Ta jovente 3: ert renovelée si con * cèle del aigle.
Phisiologes dist que li aigles est de tel nature que quant il envielliot * , si sont pesant ses éles ,
et bruiller le rail 8 de ses ex par le rai del soleil. Après descent en une fontaine et plonge soi

1 S. D. Dist ou sautier, en la centisme seconde... 6 S. ses éles sont pesans, et ses ier obscurs, etc. Adonc
2 S. CII , 5. R ou setisme (centisme ?) siaume secont. quiert une fontaine et vole dessus en hault vers le soleil ;
3 R. jovance. illec art ses elles , etc.
4 De même que, ITAL. siccome. 7 Brûle.
5 Devient vieux, ITAL. invecchia. 8 R. le ruil. Cf. supra , p. 129, note 7.
BESTIAIRES (Pl. XX , XXIII, etc. ). 165

ens par III fois. Erraument sont ses èles renovelés, et si vil sont tot cler ; et il est tous reno
velés mieus que devant.
Pren garde, tu hom quel que tu soies , juis ou paiens, qui vestus es du viés º testament, e 10 9

que li oeil del cuer sont plain de roill "! ; et quier espérituel fontaine de Deu, qui dit 12 : Qui
regnes 13 d'aighe et Saint Esperit, il ne puet entrer el règne des ciels. » Qui baptisies ert el
n'est regnés
non del Père et del Fil et del Saint Esperit, il lèvera les ex du cuer à Dieu qui est verai soleil
de justice ; il ert renovelés comme li aigles, et verra aitresi cler.
Quant li aigles est en haut en l'air, il voit les poissons en mer en l'aighe. Quant il regardeel
soleil , il ne flencist ? ' mie ses ex par la force del rai. Il kevve (keuve ? .) ses oes de regarder 15 sor
le ni : quant la feme a pops ses oes en son ni, sor I arbre ele s'envole ; et li aigles vole sor I autre
>

arbre , et regarde sor le ni XL jors tot en junant 16. Et al cief ! de XL jors escloent li oef, et
sont pocins ; et lors quiert sa proie. Et quant ses aigleaux sont I poi dru , si les met contre
le soleil pendans à ses ongles. Cils que il voit tenir lor ex contre le soleil, il les garde digne >

ment comme les siens ; et cels qui flancissent 18 les ex , jete 19 et renie.
Altresi tient Dex cels à siens qui ben le croient , et de cels n'a cure qui ne le voelent croire
ne conoistre ; cảr il ne les tient mie à vrais fils.

9 Vieux. Cf. supra , p. 116, nole 10. disent pas un mot de cette merveilleuse propriété des yeux de
10 S. et.
l'aigle; et j'ignore où l'on aura puisé cet intéressant récit , que
11 R. ruil ; S. ræil . d'autres prêtent à l'autruche , etc.
2 Joann . III , 3. 16 Jeûnant.
13 S. régénérés. '17 Au bout de... , ITAL. in capo a...
14 R. et S. fléchist; P , plus bas, flancir. 18 R et S. fléchissent. Cf. supra, note 14.
15 En regardant, par le regard. Les manuscrits R et S ne 19 R. giete fors.

BESTIAIRE LATIN .

MSS. A , B.
MS . C.

VII. DE AQUILA ' . VI. DE NATURA VOLATILE AQUILÆ 24.

Dicit David in centesimo 2 secundo psalmo : Re- David dicit (Ps. CII, 5) : Renovabitur sicut
novabitur sicut 3 aquilæ * juventus tua. Physiolo- aquilæe juventus tua. Physiolocus dixit de aquila

? A. point de titre. 24 M (p. 589) ne peut prêter ici aucune aide, l'article de
? A. psalmo centesimo secundo ; D. Dicit ergo David in l'aigle ne s'y composant que de ces deux lignes : « Aquila avis
psalmo C ° 1°. C'est, du reste , selon la Vulgate, Ps. cii , 5 ; et « magna et regalis, de qua David dicit : Renovabitur sicut
selon les Lxx , le Ps. CIII . aquila juventus tua. »
s D. ut aquilæ, comme la Vulgate. Je ne ne cite point H, 25 Serait-ce à todoxquáčow ( rejicio, repello) ? Simple con
qui , remanié ici entièrement par l'auteur du traité De Bes. jecture, que je laisse dans l'état où je l'avais établie avant de
tiis, ne peut servir de rien pour le collationnement . trouver de nouveaux manuscrits ; autrement il me faudrait
4 B. Aquila . aussi faire intervenir un manuscrit éthiopien.
166 MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE.
MSS . A , B. MS. C.

gus 5 dicit de aquila talem habere naturam : Quum quoniam si senuerit, gravabuntur alæ ejus, et cali
senuerit, gravantur 6 alæ ipsius ? , et obducunt cali- ginant oculi ipsius. Quid ergo facit ? Quærit fontem
7

ginem oculi ejus. Tunc quærit fontem aquæ , et aqua (sic) munda , et volat in aera solis ; extendit
contra 8 eum fontem evolat in altum usque ad alas, et descendit in fontem aquæ . Baptizatur per
9
aerem solis; et ibi incendit 10 alas suas, simul llet ter, et ascendit reprobans 25 caliginem oculorum ;
caliginem oculorum exurit 12 de radio solis. Tum 15 et renovabitur , et novus fit.
demum descendens in 14 fontem , trina vice se mer- Sic autem et tu veterem (sic) indumentum ha
git ; et statim renovatur tota , et 15 in alarum vigore bens , et caliginant tibi oculi ; quære spiritale ( sic)
>

et oculorum splendore, multo 16 melius renovatur. fonte, Dei verbum , qui dixit (Jerem. II, 13) :- Me
Ergo et tu homo, sive Iudæus, sive gentilis , qui dereliquerunt fontem vivam (sic) aqua . Et volans
vestitum habes vetere (sic) et caligant 17 oculi cor. in altitudinem solis justitiæ Jesus Christus (sic ).
dis tui, quære spiritualem 18 fontem Domini, qui Et ipse exuet ( exue ?) te veterem (sic) indumen
19
dixit (Joann . III , 3) : Nisi quis renatus fuerit ex
.
tum diaboli ; et baptizare in sempiternum fontem ,
aqua et Spiritu sancto, non potest intrare 20 in reg. in nomine Patris et Filii , et Spiritus sancti. Hoc
2 Nisi 22 ergo baptizatus fuerit 25 ergo David dicit : Renorabitur sicutaquila juven
num cælorum 21.
in nomine Patris et Filii et Spiritus Sancti , et sus- tus tua .

tuleris cordis tui oculis ( oculos) ad Dominum qui


est sol justitiæ tuæ ; tunc renovabitur sicut aquilæ
juventus tuæ ( sic.).

* B. Fisiolocus ; D. Phisiologus dicit aquilam talem na 14 B. ad. €

turam habere ut quando senuerit . 15 B. omis : ... tota. Ita et Salvator vitiorum ( salvatur a
6 B et D. graventur. vitio ?) et oculorum .
? B. ejus ; D. ejus, et oculi ipsius obducuntur caligine. 16. B. multum .
Tunc vero quærit fontem aquæ vivæ, et contra fontem 17 B. caliginantur ; D. caligantur oculi tui cordis se
evolat. cundum sensum spiritualem Domini qui, etc.
8 La fonction singulière que reçoit fréquemment dans ces 18 B. spiritalem .
manuscrits le mot contra s'expliquerait si l'on y substituait 19 A .... fuerit denuo in nomine Patris et Filii et Spiri
Tapi , qui signifie tantôt prope, tantôt contra, à peu près tus sancti, non, etc.
comme le français contre. 20 B et D. introire .
' B. aeram ; E. aerem ; D. ignem solis; ibique incendit. 21 A et D. Dei ; A continue ainsi : Eleva mentis oculos ad
10 B. intendit. Deum qui est fons justiliæ , et tunc renovabitur in te sicut
11 B. omis . aquila juventus tua.
12 B. conburit ; D . emendat : surgens autem de radio so- 22 D. Si ergo baptizalus fueris, tunc renovabitur ... lua .
lis , demum descendit in fontem; tribus vicibus se mergit, Suit une addition empruntée par le compilateur à divers écri
statimque renovata est. Ergo tu , o homo Dei, judæcus vains ecclésiastiques.
sive gentilis, qui vestitum (E. vestimentum) habes vetus , et. 25 Le contexte montre que ce doit être fueris.
13 A. Tunc . 25 Voir au recto de ce même feuillel , 2e colonne.

1
BESTIAIRES (Pl. XX , XXIII , XXVIII). 167

BESTIAIRE RIMÉ .

VIII. LI ÈGLES ' est reis des oisels ?, Et en son ni altres méist,
Quant volt si devenir povels 3, Si qu'il nel seust ne ne véist,
Por mult merveillose nature Quant li pucin seraient grant
Une fontainne clère et pure Anceis !!19 qu'il fuissent ben volant,
U l'ewe seit vive 4 et boillant 5 , Les portereit la sus en l'eir
Quant soleil est plus cler raiant , Contre le rai, contre l'escleir 20
8
Cerche ? li ègles quant est vielz 8 Del soleil quant miels 21 raéreit ;
Et mult ad oscuri 9 les iels, Celui qui ben esgardereit
Et chescone èle grève et veine 10. Le rai del soleil sans cillier 22,
En l'air desuz cèle fontainne , Ameroit - il et tendroit cher ;
Comence mult halt à monter A celui qui n'avroit vigur
Contre le soleil qui raie cler. D'esgarder contre la luur,
Quant là sụz vent en la chalor, Come avoltre 23 le guerpiroit,
Ses ieulz afiche en la luior 11 Jà plus ne s'en entremetroit 24.
Del soleil, et tant i esgarde L'ègle qui si se renovèle ,
Qu'avis 12 li est que trestot arde. Nus done ensample bone et bele ;
Iloc en cèle ardor esprent Car altresi devroit ovrer
Ses ieuls, ses èles ensement ; Home qui volt renoveler
Puis descent jus en la fontainne 13 Son viel vestement ancien ,
U lewe est plus vive et plus saine ; Soit gieu 25 u soit crestien.
Si se 14 plonge et bainne treiz fois ; Quant li oil de son quer 26 serroient
Tant que il est, ben le sachoiz 15 , -Si aumbré qu'il ne porreient
Tot freiz et tot renovelez, Véoir la 27 sauveté certaine,
De sa viellesce tot sanez. Dunt devroit querre la fontainne
Tant ad li ègles clère veue : Que est espéritable et vive :
S'il iert si halt cum une nue C'est le baptesme qui avive
La sus 16 en cel air roant 17, Trestuz cels que il seinteſie 28.
Si voit il le peisson noant De céo trei -je ?9 en garantie
Soz li en fluvie u en mer ; L'évangelie ù je troef 30 escrit,
Dunt descent por li enconbrer, Que cil qui d'ève et d'Esperit
A li se joint is, et tant estrive Ne serreit einz 31 seintefiez
Que par force le trait à rive. Qu'il en fust renez et purgés,
Une altre manére ad estrange : Ne porroit en nule guise estre
Qui feroit de ses oes eschange Qu'il entrast el règne célestre.

1 X et Y. aigles. 17 Serait -ce un analogue de l'italien rovente, par allusion à la


2 X. de oiseaus ; Y. rois des oisiax. sphère du feu ?
3 X. Quant veuz est, si devient noveaus ; Y. Cant viez est, si de 18 On dit encore rejoindre et même joindrc, pour atteindre .
vient noviax. Quant à estrive, Cf. supra, p . 121 , nole 3.
4 Y. l'aigue soit clere ; X. où l’eve seit clere et bollant, 19 X. ainçois ; ESP . antes ; ITAL, anzi.
5 Non pas bouillante, sans doute, mais réchauffée ; comme on di 20 Les Italiens diraient chiarore.
sait Saint -Martin -le -bouillant, pour la Saint -Martin d'été. 21 X. meuz ; Y. bien .
6 V et Y que ( Y. cant) li soleil. 22 Y. ciller ; X. clinier.
7
ITAL. cercare ; ANGL . search . 23 Adultérin. Cf. p. 120, note 103 .
8 X. veuz et eux ; Y. viex et oelz . 24 V. entremectroit ; X. en d'entor lui le jétereit.
, Y. oscurciz. 25 Y. Juif, soit.
10 X et Y. grieve et vaine ; appesantie et sans force. 26 X et Y. cuer .
11 X et Y. luor,
27 V et Y. omis ; X. si aumbrez qu'il ne verroient
12 Il lui semble, il s'aperçoit ; V et Y que vis. Voie ne vérité certaine.
13 X. fonteine. 28 Y, cui il sainte fie
14 V. s'i plonge ; Y. se plonge ; X. plunge. 29 V, traige ; X. trai je.
15 X , sachiez ; et feiz. 30 X et Y. je truis.
16 Z. Lassus et ons en l'air vloant (volant ?) . 31 V et Z. si saintefiez,
168 MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE ,
Qui en ceste fontainne clère, C'est Jhu Crist, li dus, li piz.
Est baptisez el non del Père , Qui en lui ad son regard miz,
Del Fiz et del seint Espérit, En l'esgarder se renovèle
Séurement sans contredit Altresi cum fait li oisèle
Porra véer et esgarder En l'altre soleil que cist fist 33
Li verai soleil qui raie cler : Qui loz les élémenz 33 assist.

32 X et Z. cil. 33 Y. alemanz, ce qui passe la mesure d'une simple variante.

OBSERVATIONS.

L'un des traits dont se compose ce tableau de l'aigle nous a occupé ailleurs (Vitraux de
Bourges, n° 70 ; p. 127 , sv. ) . Mais le roi des oiseaux a été partagé largement chez les natura
listes d'autrefois, en sorte que son apanage est comme inépuisable ; d'autant qu'on lui asso
ciait assez généralement le vautour (Cf. Tychsen , l. cit., 83-88 , 106-110 .. - Leemans , in Ho
rap. , p . 342, sq. ; 348, sq.; 380 , sq. ; 178 , 403 , 64 , 302-34; etc. - Pseudo - Aristot., De mirab.
auscult. c. 61 , al. 60 ; ed . Beckmann , p . 127-130), et que les diverses espèces d'aigles jouis
saient en commun de toute prérogative une fois accordée à l'une d'entre elles. En outre,
pour ne pas demeurer en reste avec l'antiquité , les compilateurs du moyen âge ont plus d'une
fois amplifié les données déjà très hardies qu'elle leur avait transmises. Ainsi la vue perçante
du roi des airs s'est étendue jusqu'à la vertu de couver ses œufs du regard : énormité dont je ne
crois pas qu'aucun écrivain classique se soit rendu coupable. Sonæil fixe aux feux du soleil , et 9

l'épreuve qu'il fait de ses aiglons par ce moyen ( Aristot. Hist. anim. , IX, 34.-Antig. Caryst. ,
46 ; p. 74.--Æl. II , 26. -Plin. X, 3) , puis ce que l'observation la plus simple peut apprendre
>

sur sa mue et l'accroissement de son bec qu'il aiguise parfois sur la pierre ; tout cela, combiné
avec les récits des orientaux (ap. Bochart, Hierozoic. P, II , libr. II , cap. I ; p. 167, 168) , a
conduit aux derniers compléments la légende de l'aigle telle que nous la trouvons dans nos
Bestiaires .
Ce sujet a été traité, mais d'une manière bien maigre, par Erdm. Walter dans une disserta
tion académique ( Aquilae natura'e sacris litteris, etc. , Lipsiæ, 1747) . Du reste il n'est pas rare
que ces dissertations des vieilles universités allemandes trompent très fort l'attente de ceux
qu'aurait affriandés un titre curieux. J'engage donc ceux qui pourraient s'y laisser prendre à
ne pas s'y fier plus que de raison .
Si c'était le lieu de montrer l'emploi qui a été fait de l'aigle dans la littérature et les arts
des siècles chrétiens, les exemples ne manqueraient pas ; mais cette première partie a surtout
pour objet l'exposition de la doctrine fondamentale qui a servi de base à toutes les applications.
Le reste trouvera place plus tard.
BESTIAIRES (Pl. XX , XXVIII). 163

22 ( Fig. Y) .

LE CAUVE SORRIS ' .

David dit el setismeºseaume : Je sui comme li


nicticorax . Phisiologes dist que li nicticorax aime
wowa
moult les tenèbres plus que le jor ; a á samblance,
et voirs est que il ne velt onques voler par jor.

WW
UU
Del nicticorax a -li poples des Juis la samblance,
que il déboutèrent nostre Segnor quant il vint
por els sauver. Lors distrent li Juis 4 : Nos n'avons
iul roi fors César : cestui, ne savons nos qui il esi ”;
U E
et por ce amèrent il plus ténèbres que le jor 6. Dont
s'entorna nostre Sires à pos Gens, et nos enlumina
qu'estions en ténèbres ; et en la région de mort nos
fu née lumierre?. De ce dist li Salvère par le prophète 8 : Li purple que je ne connui mie, ine
servi.C'est à entendre nos , Gens. Del pople des Juis qui miels amèrent les ténèbres que la lu
mierre , de ce dist nostre Sire en une seaume ! : Vi fil estrange ont menti à moi, mi fil estrange
sont avieus 10. Car il s’ostèrent de lor droite sonte ' l ; et por ce héent 12 la veue, si comme le
nicťicorax le jor 13. C'est à entendre que lui ne créirent pas que Dex s'aombra 14 en la sainte
Virge pucèle , Nostre Dame sainte Marie sa beneoite mère; et ne le voldrent conoistre par l'os
curté de lor mescréance. Et por ce amèrent il l'oscurté, quant il ne créirent clèrement la
poissance de Nostre Segnor ; et por ce resamblent Jui le nicticorax : il het lumière del jor, et
aime ténèbres. Et tot li oisel l'ont en despit, et tot crestiens ont Jui en despit * 6.

1 R. propriété du niticorace. Cet article n'existe pas 2 R. en ceste meime siaume. Ps. cii , 7. Cf. p. 136, note 2.
dans S. La miniature Y se prononce pour la chauve -souris, 3 Ecartèrent, repousserent.
comme le texte en prose française ; mais il s'agit du hibou 4 Joann . XIX , 15 .
réellement, ou de la chouette. Le latin et les rimes normandes 5 Joann. IX, 29.
sont en cela d'accord avec les monuments , comme nous le 6 R. que la lumière.
ferons voir dans la suite. Mais pour ne pas trop laisser lan. 77 Matth . iv , 16. Isai. ix , 2 .
guir ceux qu'impatienterait l'attente de quelque application, il 8, Ps, XVII, 145 .
peut être opportun de citer dès aujourd'hui ce texte d'un P's. xvii , 46.
vieux chant latin du moyen âge, { (ap. Ed. Du Méril, Poésies 10 R. envielli.
latines untir, au douzième siècle, p . 191 ) : 11 R. sente : voie, sentier ; ESP. senta ; en Lorraine, sole.
« Christus- a noctuis datur supplicio. » 12 Haissent.
L'éditeur n'explique'point cette singularité, mais le Phy 13 R. comme li niticorax fait le jor. Là se termine l'arti
siologus donne le mot de l'énigme; et le piète latin montre cle du manuscrit R.
clairement, par sa briévelé meme, combien les données du 14 Cette expression fait peut-être allusion au texte de S. Luc
Bestiaire étaient jadis familières au peuple, Car qui aurait pu , (1, 35) : « Virius Altissimi obumbrabit tibi, » où le verbe
sans cela , trouver quelque signification à ce vers devenu si aurait été lu à la forme passive.
étrange pour les lecteurs d'aujourd'hui ? 15 Mépris .
II. 22
1

170 MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE .

BESTIAIRE LATIN .

MSS . A , B. MS . C.

VII. DE NECTICORACET . V. DE NOCTICORACIS (sic) .


David ? dicit ( Ps. CI , 7 ) in psalmo : Factus Dixit Physiolocus 26 : volatile est diligens noctem
.

S
sum sicut nycticorax 5 in domicilio. Nycticorax 4 magis quam diem.
Dominus noster Iesus Christus dilexit nos qui in
inmundum est (Deuteron . XIV, 17) , et tenebras
tenebris sedebamus et umbræ (sic) mortis ; popu
amato magis quam lucem .,
7 8
lus ( sic) Gentium supra populum Iudæorum quia
Hic ? figurain gerit 8 populo (sic) ludæorum ; ( qui ? ) tunc adoptionem et Patrum permissionem
* ' D. nicticorace ; A. point de titre. La forme necticorax, (promissionem ) habuerunt ; propter ea et Salvator
maintenue par B, celle de serene, et autres que nous rencon- dicit (Luc XII , 32) : Nolite timere pusillus greix
trerons dans les articles suivants, pourraient bien être dues à hoc unum ( enim ? regnum ?) in eo ( meo? tuo ? )
une négligence orthographique assez fréquente chez les Grecs
de la décadence ; et qui consiste à échanger les équivalents conplacuit Deo.
phoniques les uns pour les autres : νηκτικόραξ pour νυκτικόραξ, Sed dic 27 mihi quoniam nocticorax inmundus
σηρής οι συρήν pour σειρήν; ήπου (peut-etre, puis υποψ, d'ου est secundum Legem . Ideo 28 Apostolus dicit
hypopus ) pour έπους φοίνιξ, ου φώναξ pour φοίνιξ ; ίδιες pour
ίβις, Ισαίας pour Hσαίας, etc. Je connais tellhelleniste qui ne ( II Cor. V , 21) de Salvatore : Non cognovit pec
croit pas qu'on ait suflisamment tenu compte des effets de catum , peccatum non fecit 2 '; et humiliavit se ut
cette permutation ; et qui pense que, rigoureusement appré- nos exaltaret ( II Cor. XI, 7 ? ) . Bene ergo Physio
.

ciée , elle conduirait à une réduction sensible des mots enre


gistrés par les lexicographes sous diverses formes, dont plu- locus narrat de nocticoracis.
sieurs pourraient bien n'être qu'abusives. Quant à moi , tout
ce que j'en réclame en ce moment, c'est une conjecture de 26 Les extraits du Physiologus recueillis par le cardinal
plus pour l'origine grecque du Bestiaire. Maï n'ont rien sur le nycticorax ; mais on pourrait absolu
2 B. In ecdem psalmo David dicit. Dans A , B, C, le nyc ment recourir à l'opuscule de ce nom qui a été si cavalière
ticorax suit immédiatement le pélican , el ces deux oiseaux ment publié par Ponce de Léon, sous le nom de S. Épiphane
sont nommés dans un verset du psaume ci . Un motif tout (Epiph. Opp. , ed. Petau, t . 11 , p .216 ). Le manuscrit C semble
semblable pouvait avoir fait rapprocher les sirènes, le cen cette fois n'en être qu'une mauvaise traduction . Mais les mss.
taure et le hérisson, qui se suivent en effet dans B el C, comme grecs offrent aussi des différences de texte très marquées.
dans le Bestiaire rimé de Guillaume-le -Normand ( ainsi que 27 Dices , ou dicis .
dans Isaïe , X111,22 ) . Quant au manuscrit de Bruxelles (A) , 28 Le grec avait probablement xzi pris ou zai tol, qui indi
un feuillet rapporté à l'endroit où devait être le hérissonquent lanlôt opposition , tantôt conséquence ; et le traducteur
ne permet plus de savoir quel ordre on y avait observé pri a fait choix, naturellement, de la signification qui convenait le
mitivement. D, qui place le nycticorax à la suite de l'aigle, moins.
comme Pierre le Picard , commence par In præcedentipsalmo, 29 Au lieu de eum qui non noverat peccatum , pro nobis
centesimo scilicet, dicit David : Factus sum , etc. Il avait peccatum fecit ; ut nos efficeremur justitia Deiin ip so.
indiqué précédemment le renouvellement de l'aigle (Ps. cii , 5) Ne fût-ce que pour utiliser le pied de celle colonne, je ha
comme mentionné par le psaume ci. Donc, à moins de sup- sarde un spécimen du Nicticorux de Philippe de Thaun. On
poser une série d'inexactitudes entraînées par une première y verra que le trouvère prétnedait parler non pas anglo -nor
erreur, il faudrait admetre que l'auteur comptait les psau- mand, mais bel et bien français; et que le langage de notre
mes autrement que la Vulgate et les lxy. Suivait-il une des divi. Guilliame est déjà fort modernisé au prix de celui-là :
sions marquées dans les textes hébreux ? « Fresaie le apelum
3 B. necticorur ; D. nicticorax . En franceise raisun .
4 Comme à la note précédente.
5 A. in domum ; D. immunda avis est , et magis tenebras Fresaie signefie
( linal quum , Judeus en ceste vie :
6 B , omis. Que quant li Creaturs
Les volt mettre à luurs
? A. llis (is) ; D. ergo convenienter significat Judæos,
qui. Nel l' voldrent recuillir
8 A. omis.
Ne ses cumanz oîr, Etc. »
1
BESTIAIRES (Pl. XX , XXVIII). 171

A , B. A , B.

qui 9 adveniente Domino et 10 Salvatore nostro ad prophetam dicit 17 (Ps. XVII , 45) : Populus quem
salvandos eos, reppulerunt eum a se ! dicentes non cognovi servivit mihi, obaudilu 18 auris obedi
(loann. XIX , 15) : Nos regem non habemus nisi vit mihi ; et alibi (Os. II , 24 ; Rom. IX , 25 ; etc. ) :
Casarem, hunc autem quis e [ s][ 12 nescimus Vocabo non plebem meam , plebem meam 1°; et non
(loann . IX, 29). Et ideo plus dilexerunt tenebras dilectam ,
20, dilectum 21 : De illo 22 populo Iudæo
quam lucem . Tunc Dominus convertit se ad nos rum qui amaverunt mugis tenebras quam lucem
Gentes , et inluminavit nos sedentes in tenebris et (loann . III , 19) , dicit Dominus in psalmo (Ps.XVII,
23
regionem 15 umbræ mortis ( Is. IX, 2) , lux magna 14 46 : (Filii alieni mentiti sunt mihi 25 , filii alieni in
9

16
orta 15 est nobis . De hoc populo Salvator per veterali sunt, et 24 claudicaverunt a semitis tuis 25 .

9 B. quem . 16 B: omis.
10 A et D. omls ; D. Thu xpo, a se repulerunt præsentiam 17 D. ait.
ejus, dicentes : Non habemus regem nisi. 18 B et D. omis : .... mihi ; et alibi.
11 B. omis : ... eum , dicentes. 19 B. omet la répétition de ces deux derniers mots.
12 A. quiscit ; D... autem nescimus quis sit . Ideoque plus 20 B. delectum.
dilexere tenebras quam lucem . Et propterea dignatus est 21 B. omis.
Dominus ad Gentes se convertere ; et illuminavit seden 32 A et D. omis ; D. econtra de populo Judæorum dic
tes , etc. tum est : Filii alieni.
13 A et D. in regione. 23 D. omis : ... mihi et claudicaverunt.
14 D. omis. 24 A. etc (sic) . Tout le reste est omis.
15 B. horta. 25 D. suis.

BESTIAIRE RIMÉ.

VII. Or vus dirrai del NiCTICORACE ' , Quant il vint ça & pur nus raendre 9.
Un oisel de malveise estrace , De Deu , qui est verrai soleil 10
Fréseie 2 ad non en dreiz romanz. Ne voleient ' l creire le conseil ;
Cest oisel est orz3 et puanz , Ainz le refusèrent par tut ' 2,
De jor ne de soleil 4 n'ad cure ; Encontre 13 lui furent debut ' 4,
Toz jorz est tèle sa nature. El tut plenièrement 15 diseient
Noit 55 et ténèbres aime adès, Que nul rei for César n'aveient 16.
Ben est semblant qu'il est malveis. Dont se mustra ' 7Deus a nos Genz
En cest oisel sunt ſiguré Qui estéoms laz 18 et dolenz
Li fols 6 Gieu maléuré En ténébrose 19 région.
Qui ne voldrent [à ?] Deu entendre ? En l'ombre de mort séion 20

1 X. vos diron del nicorace ; Y. vous dirai de nitichorace. 10 X. verai solel, et consel.
2 Y. fresaie a. 11 Y vorent ; X, voudrent .
3 Y. ors ; malpropre. Cf. p. 133, note 26. 12 Z. partout (ital. del tutto) , et debout.
4 X. solel. 13 V et Z. et encontre.
5 X et Y, nuit. 14 Cette expression me parait être l'équivalent de l'italien contra
6 X. faus jève ; Y. faux juif. En Lorraine, Joei. stare pris dans sa notion primitive ; et de notre vent debout.
7 X. ne voudrent Deu aourer 15 X. planiement.
ça pour nos sauver. 16 Y. n'avoient et disoient.
Z. qui ne voelent Deu esgarder, etc. comme X, 17 X. se monstra Der.
8 V et Y. omis. 18 Misérable, ital. lasso ; Franç . hé- las !
9 Racheter, LAT. (redimere ; d'où raention , raenchon , raençon , 19 Y. ténébrouse .
et enfin rançon (redemptio ). Cf. p. 139, note 58. 20 Lat. sedebamus ( stabamus) Cf. Is. IX, 2. Ce mot devait se
MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE .
172
Feit 30 Notre Sire , me servi,
Quant la lumière nus nasqui
Et en oiance m'obéi ;
Qui de la seinte Vergne 21 issi 22.
Et fiz 31 estranges me mentirent,
Adunt fumes enluminez ; El clochèrent 32 et enveillirent.
Dunt fu li termes afinéz 23
Pur ceo enveillirent et clochèrent
De la peine , de la dolur 24 Que comandemenz il lessèrent 3.3,
Que ?5 nus aveit tenu meint jor.
Li Gieu sunt en oscurité ,
Devant ceo esteom nis tristre 26 ;
De nus dist Deu par le psalmistre Ne voient pas la vérité ;
Davi 27 qui tant fu ben de lui : Les ténèbres amèrent plus
Li poples 28 que je ne connui 29, >
Que le verai 34 soleil là sus.

prononcer en trois syllabes, puisque ce vers est sans variantes. 30 X. fet ; Y. fait (dit) .
21 Ital. vergine. X et Y. virge On verra ailleurs rirgne ; ESP. 31 Y. fiz . X, Et cil qui pas ne me servirent,
Clochièrent, et si enviellirent.
virgen ; Angl . virgin ; FRANÇ. Lavergne. Mais cette variante s'écarte un peu trop du texte qu'il s'agissait de
2. X. essi ; lat . exiit ; ITAL, uscire, escire.
traduire.
23 Conduit à sa fin .
32 LAT. claudicaverunt Nous n'avons plus guire, au sens propre,
24 X et Y. dolor. que a cloche-pied (pede claudo) ; et ce calembour d'enfants, qui fait
25 X et Y. qui. entrer les boiteux dans l'église par le clocher . Mais enfin ce sont des
26 X et Y. triste, et psalmiste (Y. salmiste ).
27 X et Y. David .... bien . restes qui ont leur valeur philologique.
28 X. Le pueples ; esp. pueblo, ANGL . people. Y. le peuple . 33 X. lessièrent ; Y, laisserent.
34 V. veir (veïr ? ) .
29 X. quenui.

OBSERVATIONS .

Quoi qu'en dise le prosateur picard, il s'agit non pas de la chauve -souris, mais de la chouette,
du Duc ou du hibou . Ainsi le versificateur normand a bien mieux choisi en employant le mol
fresaie, qui est encore dans quelques provinces le synonyme d'effraie ; les monuments figurés
1
lui donnent raison , comme nous le montrerons ailleurs.
Quant à dire que la chouette , ou même notre chauve-souris , fuient le grand jour , c'est ce
qui est parfaitement à l'abri de la critique et très facile à vérifier. Toute observation de
notre part à ce sujet serait donc en pure perte (Cf. Tychsen , l. cit. , p. 114-116) .
1

23 ( Fig. 7) .
LA SERAINE .

Ysayes dist ?2 : La seraine et li diable 3 manront en Babiloine ; et li hérichons et li haneion “


mandront en lor maisons et habileront. III manières 5 de seraine sont, dont les Il sont moitié
1 Sirène. 4 R. honocentors ; S. onoceniors. On voit bien qu'il ne
? Isai . xiii , 22 . s'agit pas du tout de hannelons.
3 R. deables ; S. le diable. La Vulgate dit : struthiones et 5 Le ms. R. n'établit nulle distinction de forme ou d'instru
pilosi.. , ululæ ... et sirenes. ments entre les sirènes.

1
BESTIAIRES (Pl. XX , XXIV). 173

feme 6 moitié poisson ; et l'autre moitié feme moitié oiseax. Et chantent totes III , les unes en
buisines ? et les autres en herpes 8 , et les autres en droite vois '.
Et li honocentons, c'on apèle sacraire 10, est dis porce que il est moitié home et moitié
asne ' ' . De cels, dist Ysaies : Li home portent sa semblance, qui ont dobles cors et dobles pa
roles ; c'est quant il dient bien devant, et mal derière.
Phisiologes dist que la seraine port 12' 2 samblance de ſeme de si 13 al nonbril , et la partie
d'aval est oisel 14. La seraine a si dous chant qu'èle déchoit 18 cels qui nagent en mer ; et est
lor mélodie tant plaisant à oïr, que nus ne les ot, lant soit loing '6, qu'il neli conviegne venir.
Et la seraine les fait si oblier quant èle les i a atrait, que il s'endorment; et quant il sont en
dormi, èles les asaillent et ocient en traïson que il ne s'en prennent garde.
Ensi est de cels qui sont ès richoises 17 de cest siècle, et és délis endormis, qui 18 lor aver
saire ocient : ce sont li diable. Les seraines senefient les femes qui atraient les homes par lor
blandissemens 19 et par lor déchèvemens 20 à els , de lor paroles; que eles les mainent à po
verté et à mort. Les èles de la seraine , ce est l'amor 21 de la feme qui tost va et vient.

6 R. fame, mais feme est encore la forme picarde de 13 S. de ci au nonbril .


femme. 14 R. d'oisel .
* Trompe ou trompette ; LAT. buccina ; Esp. bocina. 15 R. Déçoit.
8 Harpes. 16 Quelque éloigné qu'il soit.
9 Simple chant, rien que la voix . 17 R. richèces.
10 R. Li honocentors c'on aprle la sagelaire. S. Li ono 18 R et S. que .
centors, que on appelle sujetaire, est dis pour ce qu'il est. 19 Caresses, Lat, blandimenta .
11 S. cheval. 20 T. omperies ; FRANÇ. décevoir.
13 R. porte. 21 R. la mors ; S. l'amour.

BESTIAIRE LATIN .

MSS . A , B. MS . C.

XII. DE SERENE ' ET UNOCENTURIS ?. XI . DE NATURA SERENÆ ET HONOCENTAR 94 .

Esaias 3 propheta dicit (Is. XIII , 22) : Serenæ Esaias propheta sic dixit quoniam serena et ho
et dæmonia saltabunt 5 in Babylone 6, et herena . notaurus (sic) et iricii (sic) ibi sultabunt. Physio
logus sic dixit quia serenas dicit esse mortiferas ;
1 A. syrenis. et in mare clamitant vobis (vocibus) diversis, ut
* A. onocentauris. D , qui consacre à chacun de ces objets
un article fort éloigné de l'autre, a pour titre dans le second navigantes dum audierint seducantur. A capite
De sirene, et dans le premier De ono centauro. usque ad umbilicum hominis figuram habet, et
3 A. Isaias ; D. Ita dicit Ysaias : sirena et damonia
saltabunt in domibus eorum . Sirenarum figurum Phisio. deorsum usque ad caudam volatile est.
logus ita disseruit.
* A. Syrenie . 94 Nul moyen jusqu'à présent de bien collationner ce teste .
5 B. subbacta .
La compilation publiée par cardinal Maï n'a point de sirènes
6 A. habitatione . ni d'onocentaures.
1

:
MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE .
174
C.
A , B. Similiter et honotaurus ; pars ejus corporis est
cüz
rum.? etUniunocentauri 8 habitabunt
uscujusque nat in log
uram Physio domibus eo hominis , altera autem pars asini similitudinem
us 10 dis-
9

habet .
seru it 14,
tifera Syrenæ
" . quæ usqitue 15,ad ani
12,teinqu
a capi umbmal
9 iliiacum t mo
sunfig urarm His ergo comparantur viri duplici corde, qui ha
hominis 15 habent ; extremas 16 vero partes 17 usque bent figuram pietatis , personam accipientes , et
ad pedes , volatiles 18 habent 19 figuram . Et 20 musi- habent 9s adversariorum et hereticorum . Nam per
cum 21 quoddam ac 22 dulcissimum 25 melodiæ 24 suavissimam (sic) eloquia sua , sicut serena sedu
carmen canentia 25 ; ita ut, per suavitatem vocis, cunt corda innocentium .
95 Si le texte est complet , il faut supposer que le figurum
.
auditus hominum 26 aa 27" longe navigantium 28 mul de la pbrase précédente est sous -entendu dans celle -ci.
ceant 29 et ad 50 se trahant, ac nimia suavitatis mo
1
dulatione 51 perlectant 52 aures , ac sensus 5355 eorum nuvigantes decipiuntur ; ita ut persæpe auditum demul
centes , sensumque delinientes (sic) , in soporem verlun
delectantes 34 in somno 35 vertant . Tum demum 56 tur (sic ). Et tunc illæ videnles cos esse sopitos , etc.
26 H. omis.
quum viderint 37 eos in 38 gravi somno 39 sopitos 40 , 27 B. ac ; H. omis .
41 et dilaniant carnes 42 eorum ; ac sic 28 A. vigilantium ( velificantium ?) .
invadunt eos 29 B. multiant ; H. invitent.
persuasione 43 vocis, ignaros 44
** et incautos 45 ho
30 B. a.
mines decipiunt et mortificant 46. Sic 47 igitur 48 31 B. modolalione ; H. suavilate modulationis.
32 B. prolira tanta ; H. perlectent.
decipiuntur 49 qui in 50 delitiis 51 et pompis , et 33 B. arcensi.
teatribus 52 ac 35 voluptatibus 54 delectantur 55 , id 34 B. delinentes ; H. dilinientes .
35 B. sonum ; H. somnum .
est 56 comediis 57 et 58 tragediis (sic) ac 59 diversis 36 R. tunc deinde ; H. tunc demum .
37 B. viderent .
7 A. herinatii. 38 H et B. omis .
8 A , honocentauri. 39 B. sono ; H. gravissimo somno .
9 B. natura. 40 A. subito .
. 10 B. fisiolocus. 41 A et B. omis ; D. invadunt, et lanianl carnes eorum .
11 B. deseruit. Sic igitur decipiuntur illi qui diabolicis pompis , elc.
12 B. serone ; D. sirene . 42 B, aures .
1314 B.
A. inqui d.
mortifera sunt. La compilation publiée sous le nom 43 B. persuasionis ; H. per suavis suni voces .
d'Hugues de Saint-Victor peut offrir quelques variantes utiles,
44 B. ignarus .
parmi des additions qui trahissent une remise en œuvre. 45 B. insipiens.
Voici comme elle ouvre cet article ( p. 430, sq .) Dicente 46 H. necant.
47 B. sibi,
Esaia de Babilonia : syrenæ habitabunt in delubris volup
48 H. omis .
tatis ejus. Syrenæ animalia sunt ipsis acquiescentibus 49 H et B. et illi.
mortifera ; quæ, ut Physiologus describit, super ne usque 50 H et B. omis.
ad umbilicum , etc. 61 B. diliciis ; H. deliciis hujus sæculi.
15 D. feminæ ; H. muliebrem . 52 D et H. theatralibus. Voluptatibus.
16 D. extrema pars ; H. inferna. 53 B , D , H , omis .
9

17 H. pars . 54 B. voluntatibus.
18 D. volatilis imaginem tenent (sic) ; H. piscis. 55 D. delectati , vel tragediis musicis soluti, et velua
19 H. habet ; A. habent et. (sic) somno mentis gravati, efficiuntur , etc.
20 D. atque ; A et H. omis.
21 A , musicam ; H. mirificum . 56 B. idem ; H , omis.
57 B. comedii stragædus; H. tragædiis el comædiis dis
? ? D. omis.
soluti.
23 H. dulcisonum .
2. B. mel hodie. 58 B. omis.
25 A. omis ; H. canunt ; D. cantan ', per quod homines 59 H. omis.
BESTIAIRES (Pl. XX, XXIV ). 175

A , B. A , B.

musicis 60 melodiis dissoluti , et 61 velut in 62 som - His 82 adsimilantur 85 vecordes 84 atque bilin
63 64
no
i totum mentis 65 vigorem 66 amittunt 67; gues 85 homines 886, et 87 moribus biformes; di
grave ":
et subito efficiuntur 68 adversariorum virtutum 69 cente 88 Apostolo (II Tim . III , 5) : Habentes 89
avidissime præde (sic). quidem promissionem "I pietatis, virtutem au
Similiter et honocentaurum 70 duabus ' naturas tem 9 ejus abnegantes. De 95 quibus et propheta

constare Physiologus 72 adserit 73. Id est superior David dicit (Ps. XLVIII , 21 ) : Homo quum in ho
par's 74 homini 15 similis, deterior 1676 vero ejus 77?? nore esset, non intellerit ; comparatus est jumentis
pars 18 asini 79 membra sunt ; natura 80 vero valde insipientibus, et similis factus est illis.
81
egresse sunt.

60 B. musicus. Il n'est pas besoin de faire remarquer que 79 B. omis .


80
tous ces détails annoncent un écrivain antérieur au moyen A , omettant, comme de coutume, tout ce qui était entre
àge. Aussi nos traducteurs français ont- ils donné un autre le premier sunt et le second (selon la mésaventure très habi
tour à ces enseignements. tuelle aux copistes et aux imprimeurs, j'en sais quelque
61 H. omis. chose , de broncher contre les Opoco récutz ), n'offre aucune
62 B. omis . lumière pour rétablir le texte d'une ligne extrêmement mal
63 B. somnio. traitée par B. Il saute brusquement de membra sunt à His
64 B. gravato ; H. velut gravi somno sopili, adversario- assimilantur
81
; et ni D ni H n'ont celte phrase.
rum præda efficiuntur. Agrestes ?
65 B. mentes . 82 B. hoc ; D et H. huic .
66 B. vigore. 83 A , D , H. assimilantur.
67 B. omis :... vigore sopiti efficiuntur. 84 B. vecordis.
68 A. eflitiuntur. 85 B. bilinguis.
69 A. virlule ; D. adverse virtutis avidissima præda. 86 B. hominibus.
70 B. similitudine et unocentaurus. D, qui n'associe pas 89 B, D , H, omis. D et H ... homines ; unde apostolus
ces deux sujets, commence l'article de l’onocentaure par : (H. omis) Paulus dicit : Habentes .
Onocentarum duabus naturis, etc.; H , de mème (p. 419) . 88 B. dicentem .
71 A. diaboli natura . 89 B. habente .
72 B. Fisiolocus. 90 B et H. omis ; D , autem .
73 A et D. asserit; H. asserit, dicens : superior, etc. 91 A. spetiem ; D. speciem ; H. promissionnes. Les textes
74 B, omis . Jatins, même celui qui porte le nom d'Hugues de Saint- Victor,
75 B. hominis ; H. centauro homini similis est . s'écartent encore tous ici, du moins par quelque endroit, de
76 Esp. detras ? D et H. inferior ; A. inferiora . la Vulgate et des LXX.
77 B , D , H , omis ; D. vero , similis asino. Huic assimi. 92 D. vero ; H. factis autem abnegantes.
93
jantur, etc. H. vero, ono, id est asino. Huic , elc. B , D , H , omis ; B. Propheta , etc.; D et H , et Psal
78 A , D , H , omis. mista : Homo.

BESTIAIRE RIMÉ.

XII. De la SEREINE ' vus dirom , En guise de femme 6 est formée ;


Que mult ad estrange façon ? : L'altre partie est figurée
De la centure 3 en amont Come peisson ? u cum oisel.
Est la plus bele rien 4 del mond 5, Tant chante 8 ducement et bel ' ,

1 Y et Z. seraine. X omet les quatorze premiers vers. disons : Je ne le ferais pour chose (rien) au monde. Mais en Savoie,
2 V. signacion . autre curiosité, on dit : Je n'ai rien (point du tout ) dormi.
Y et Z. cainture. 5 Z, mont .
4 Chose ; lat. rem. Les mendiants de certaines parties de la Pro 6 Y. fame ; Z. feme.
vence demandent souvent l'aumône en ces termes : cauca rem 7 Y, poisson ; 2. pisson.
( quelque chose) ! Ce mot aa fini par revêtir le sens de néant, à force 8 Z. cante cointement (gentilment, habilement ); Y. doucement .
d'être employé dans un sens vague et indéfini ; comme quand nous 9 Z. biel et oisiel,
176 MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE .

Que cil que vont par mer négant '' , Qu'à force nos y endormom .
Si tost cum il oient " cel chant, Idonc nus oscist la sereine,
Ne se poent 12 mie tenir C'est li malfez 26 qui mal nus meine,
Que là nes 13 convenge venir ; Que tant nus fet plonger 27 és vices
Tant lor semble 14 le chant suef, Qu'il nus enclot dedenz ses fices 28 ;
Que il s'endorment en lor ner, Dunt nus asalt, dunt nus cort sure 29
Et quant trestoz sunt endormis , Si nus occist et nus devore
Dunt sunt décéuz et trahis ; Ausi 30 cum les sereines funt.
Car les sereines les oscient 15 Les mariners 3' qui par mer vont
Sanz brai 16, sanz noise, qu'il ne crient. Ne les quèrent jà encontrer ,
La sereine qui si ben chante Car ceo est un grant péril de mer ;
Que par son chant les genz enchante , Més il iad meint mariner
Done essample 17 à cels chastier 18 Que s'en 32 set garder et guciter :
Que par cest mond deivent nagier : Quant il va 33 siglant par la mer ,
Nus que par ce monde passom , Ses oreilles prent à estoper 34.
Sumes décéuz par tel sou ; Qu'il n'oie chant qui les deceit 35.
Par veine glorie 19i9, par délit Tot ensement faire le deit
Ce ceo monde qui nus oscit Li hom 6 qui passe par cel monde ;
Quant le délit avons amors , Chaste se deit tenir et monde,
La luxure , l'aise 20 del cors, El ses oreilles estoper :
La glotonie et la iveresce21, Qu'il n'oie dire ne parler
Laissez 22 délit et la richesce , Chose qui en péché le maint.
Les palefreis 23, les chivals gras, Et issi se défendent maint ;
La noblesce des riches dras. Les oreilles 37 et les oils gardent ,
Toz jorz pus traion de 24 cel part , Que il n'oient ne qu'il n'esgardent
De là venir nus est mult tard ; Les déliz ne les vabitez 38
Iloc tant nus endelitom 25 Par qui 9 plosurs suit enchantez.

10 Y, najant ; Z. noant. 26 X. maufi.


11 Z. oent le cant. 27 X. plungier, orthographe plus conforme à plumbum ; ITAL.
12 Y. povent ; Z. pucent. piombare ; Angl. plunge.
13 Y. que ne les coveigne, 28 Barrières, frontières, enceinte. Ce vers manque dans V.
14 Y. samble li chant soué, et la né ; Z, sanle li cans suueſ. 29 X. sore et acore .
15 X et Y. ocient, 30 Y. ainsi com ; ITAL, siccome.
16 X. si soudement qu'il nes defrieni. 31 Y. maroners ; 2. maroniers ; X. mariniers. Plusieurs vers déjà
17 Y. eranple . employés pour la serre ( supra, p . 123) reparaissent ici.
18 Corriger, redresser. 32 Y. qui s'en sevent munt bien garder.
19 Y, vaine gloire ; X. par la glorie. 33 V. il les roit... par mer .
20 X. l'ese. 34 X. ses orelles fet estoper ; Y. prent estoper .
21 Y. la glotenie et la ivrece ; X. et la glotonnie et l'ivrece . 35 Y. decevit , et doit.
22 Les sept deliz ? X, l'é'se del mont et la richice. 36 X. sage qui passe par cest munde.
23 Y. palefroiz, les chevaz etc.; X. dames les chevaus cras . 37 X. lor orelles et lor eur.
24 Y. nus traions cele ; X. nos treon céle etc. 33 Y. vainnetez ; X. mauresties.
25 X. iléque tant nos demoron ; Y. illuques tant, nus delitons. 39 X. par quei plusor's... engigniez.

OBSERVATIONS.

Les sirènes et les centaures ont perdu de bonne heure leur prestige , et le moyen âge ne les
à guère pris au sérieux. L'antiquité même n'avait pas attendu longtemps pour s'en déprendre;
et les centaures surtout avaient bientôt été relégués dans le monde des fables, malgré le dire
de quelques compilateurs.qui semblaient vouloir réhabiliter cette création des temps primitiſs
(Cf. Ælian . XVII , 9) . On a tant écrit sur ce sujet, que je ne prétends rien ajouter aux der
BESTIAIRES (Pl. XX, XXIX). 177

nières recherches rassemblées dans les auteurs suivants : Tychsen , l . cit., p. 144-150. — Beck
mann , in Pseudo -Aristot., c . CX. , p. 222-224 . - G. Leopardi, Errori degli antichi, c. XVI ,
p. 253-262 . Berger, Tradit. tératol. , p , 25-27 , 28-37 .
Bien que certaines indications permettent de supposer que l'Asie ait accordé une queue de
poisson aux sirènes ( mais sirènes mâles, généralement) , ou à la formation mélangée qui de
vint l'origine de cette fable , la véritable configuration classique de ces monstres est celle qui
les fait moitié femme moitié oiseau . En quoi leur histoire touche de bien près à celle des
harpies et des lamiæ . Toutefois les monuments du moyen âge, aussi bien que les récits du
Nord, les représentent avec la queue de poisson , comme nous aurons plus d'une fois occa
sion de le montrer ; et Gervais de Tilbury (Olia imperial. Dec. III , cap. 64) ne se con
tente pas de leur assigner cette forme, il les loge de plus dans la mer britannique . Mais il est

bon d'observer que le patriotisme de ce compilateur lui fait adjuger à son pays bien des mer
veilles que les explorations modernes n'ont encore pu rencontrer dans aucun recoin de
l'univers .
ooo

24. ( Fig. AA ) :

LA HUPE .

Il est dit en la Loiº : Honore ton père et ta mère ; et de rechief3 : Qui les maldira, ilmorra de
mort .

Uns oiseaus est qui est apelés hupe %. Si est de la grandor du gaio , et est de moult diverses
plumes pintelés ? Si porte une creste comme paons en som s la teste. Qui de son sanc seroit
oins, s'il dormistº, avis li seroit que diables l'enportast tos dis en dormant. Phisiologes dist un
example de sa nature : la hupe quant èle a ses oes 10 èle les aime moult, et keuve moult vo
lentiers ; et quant ses oes escloent, èle aime moult ses pocins et tient chièrement et soef " :
19
tant que il sont grant et que il se sacent bien porchasier. Phisiologes nos dist que li hu
plot 13 sont de tel nature que quant il voient lor père et lor mère envieillir, il en sont tot
triste. Et nature de le hupe est tèle qu'èle pert le voler et le veir por viellèce ; etquant li joene

1 Dans R cet article, sans litre, s'est comme égaré à la suite 6 Geai ?
du texte relatif au phénix. S est beaucoup plus conforme que 7 Mouchetées .
P aux anciens textes latins représentés par le ms. B. 8 Au sommet de...
2 Exod. xx, 12. 9 S'il dormait. Cette construction serait aujourd'hui un ita
3 De nouveau , derechef. licisme : Se dormisse.
* Exod. xxi, 17. 10 OEufs .
5 R ... hupe, dont Physiologes dit que quand si oiselet 11 Doucement, ITAL. soave ; LAT. suavis.
voient lor père, etc.; sans nulle mention des caractères ex 12 Jusqu'à lant qu'ils soient.
térieurs de l'animal. 13 Les petits de la huppe ; comme angelot , vieillot, etc.
II. 23
MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE .
178
hupelot voient lor père et lor mère si à meschief !4 , si esrachent 15 les vielles pènes 10 de lor
père et de lor mère ; si les norissent sous lor eles, tant que lor penes sont creues 17 et lor cil
renluminé, et renovelé tot lor cors ; qu'ils poent ben veoir et voler sicomme devant. Dont is
rendent li père et li mère grâces à lor oiselés que tant bonement les ont servi . Et li oiselet
lor dient : « Sicom vous nos noristes d'enfance , et meistes grant paine en nos, si vos devons

nos servir en vostre viellèce . »


Puisque cist oisel , où il n'a point d'entendement , font ce à lor père et à lor mère ; bien doit
dont li hom , qui a sens et entendement, servir son père et sa mère et li aidier en toutes ma
nières , se il eust défautes de coses que il li peust aidier ne faire .
Et d'autretel nature est la chiwingne 19 come la hupe est.
18 S. Lors renitent li père et la mère grans gruces à
14 En si mauvais état ; ITAL . scapito (discapito ).
leurs oisellous ....
1. Arrachent ; LAT. e [x ]radicare, 19 Cigogne? Celte addillon n'existe pas dans R et S. Cf. in
16 Plumes, pennes ; LAT. penne .
17 R. recrewes .
fra, observations, p. 180 .

BESTIAIRE LATIN .
MS . B. MSS . A , C.
X. DE UPPUBA I.
Dictum est in Lege ( Exod. XX , 12) : Honora VII . DE NATURA VOLATILE QUÆ DICITUR YPPOPUS 10.

patrem tuum et matrem tuam . Et 3 iterum


Bene scriptum est Il : Qui maledixerit patrem
( Exod . XXI, 17) : Qui maledixerit patrem et ma aut matrem , morte moriatur. Et quomodo sunt pa
Fisiolocus dixit : est avis quæ dicitur uppa ; ho- tricidze 12 aut matricidæ ! Est avis quæ 1315 dicitur la
trem , morte moriatur.
; 15. Hujus 16 filii si viderent parentes
tine 14 yppopus
rum filii quum viderint parentes 5 suos senuisse , suos senescentes 17 , et 18 [ca] liginasse oculos eorum ;
5

neque volare posse, neque videre [ob ?] caliginem evellunt pennas 19 veteres 20 parentum , et lingunt 21
oculorum , tunc filii eorum evellunt vetustissimas
oculos eorum , et calefaciunt 22 parentes suos et
pennas parentum suorum , et diligunt ( delingunt ?)
6
oculos eorum ; et fovent parentes suos sub alas 6
10 A. de epopo.
suas , donec crescant pennæ eorum et reluminent 11 Ces préliminaires du lexte C sont rejetés à la fin de l'ar
1 Dans la table générale de ce même manuscrit, on lit up- Licle dans A , qui commence par Est avis .
pupa ; D , De upupa . Pour cet oiseau , A et C suivent sensi- 12 On lit encore dans B patrocidæ et matrocidit, qui ont
blement le même texte ; M ne dit mot, et H suit un texte refait été changés par une main plus récente.
13 Au lieu de ces trois mots, B n'a que aliqui (ales ? ) qui
2 D. scriptum est quippe in Lege.
3 D. et reliqua . Phisiologus dicit, etc. dicitur, etc.
14 A. omis.
4 D. upupa , cujus filii.
5 D. quod parentes eorum senuerint, el præ caligine 15 A. epopus.
cernere non potuerint; delingent (sic) oculos parentum , 16 A. omis : ... epopus. Si viderit , etc.
ac fovent eos sub ... 17 A , senuisse.
6 D. alis suis usquedum renovantur in statum priorem . 18 C. omis ; ... senescentes , evellent.
Et qua mente sunt qui parentibus propriis honorem debi 19 A. plumas.
tum non persolvant ! Le qua mente est.curieux pour l’his · 20 A. omis.
toire de notre mot comment . Du resic on voit bien que D 21 A. oculos eorum lingunt.
s'écarle sans gène du texte primitif. 22 A. calefaliunt.
BESTIAIRES ( PL. XX , XXIX ) . 179

MS . B. MSS . A , C.

(sic) oculi eorum ; ita ut toto corpore renovari pos- novi fiunt 25. Et 24 dicunt parentibus suis : « Sicut
sent (sic) sicut antea, et videre et volare et gratias laborastis nutrientes nos, similiter vobis facimus. »
agere filiis suis quia tam pie exæquium ( sic) suum Quomodo 25 inrationabiles ( sic) homines non
et (sic) habuerunt circa parentes suos. Sed et di- amant parentes suos ! Bene 26 Physiologus arguit
cunt illis filii sui : « Ecce , dulcissimi parentes, si de yppopus.
nos ab infantia edocuistis nos (sic) , et omnem la
Point de traces ( Argus dans mes mss, anciens, ni dans
borem nostrum & impedisti circa nos ; in senectute les Bestiaires rimés.
vestra eadem servitia obsequiorum dependimus
vobis . 23 A ... fiunt parentes eorum . Au dessus du dernier mot,
une main plus récente a écrit ipsorum .
Si hoc oves (sic) inrationabiles in invicem sibi 24 Toute cette phrase est omise dans C , qui saule immédia -
faciunt, quomodo homines, quum sint rationabiles, tement de fiunt à quomodo.
25 A. Rationales vero homines.
parentum suorum vicem reddere nolunt! 26 Au lieu de cette dernière phrase, A termine à peu près
comme C avait débuté : .... SUOS ! El Lex dicit : Qui male
7 Vos . dixerit patrem aut matrem , moriatur. Et quomu do sunt
B Vestruin . patridi (sic) et matricida !
' Impendistis.
BESTIAIRE RIMÉ .

X. La Hupe est un oisel vilain ; Quant il les ont issi " gariz,
Son ni n'est pas corteis ne sain, Ben lor poeient dire lur fils :
Ainz est fait de tail et d'ordure. Bel père, bèle mère chère ,
Més mult sunt de bonne nature Altresi et en tel manère
Li oiselet qui de li issent ; Cum vus méistes mult grant cure
Car quant les pères enveillissent, En nus , en nostre noreture ;
Qu'il ont perdu tut lur poer ? Pur gueredon 12 de tel servise
Et de voler et de vuer , Li ravom nus ore en vus mise
Dunques les socurent lor filz. Et rendu bonté pur bonté,
Quant les voient si envielliz ", Si qu'il n'i ad ren mesconté.
Dunt lor esrachent od lur becs Seignors, quant ceste créature ,
Les veilles 5 plumes tot adès ; Que sanz réson est par nature,
Puis 6 les eschalfent 7 dulcement Oevre 13 en tel sens cum dit vus ai ;
Et les covent 8 tot ensement Mult poet 14 home estre en grant esmai,
Com cils firent tot (od ? ] els anceis ', Que 15 lote la réson entent,
Tant qu'il sunt tot gariz et freiz, Et de ceo garde ne se prent.
Et reclarziez 10 lor véues, Allas 16 ! tant fu nez à mal ore 17
Et lor pennes ben revenues Que 18 père et mère déshonore 19

1 Boue. 11 Y, ensi .
2 X. pocir , et véir ; Y. pooir et voir. 12 Récompense, compensation ; ITAL: guiderdonc, oni guidardonc ;
3 X. norrisent ; Y: secorent, ANGL . guerdon.
4 Y. enveulliz . 13 X. ouire .
5 Y. veulles. 14 X. deit ; Y. puet.
6 V. Plus. 15 X et Y. qui.
7 X et Y. eschaufent. 16 X, Halas ! Y, alas.
8 Y. crevent (coevent ?) . 17 X et Y. hore. ital . in malora.
9 Y. ançois. 18 X et Y. qui.
10 X, resclarcies ; Y. reclarcis. 19 N'honore pas.
180 MÉLANGES, D'ARCHÉOLOGIE .
Quant il les voit devant ses iels Morir l'estuet de male mort.
Malades et freslez 20 et viels ; Car Deu comanda en la lei ,
Et si n'en prend garde ne cure. Que nus devom garder en fei,
Mult est de malveise nature Que l'em père et mère honurast,
Home qui discrecion 21 set, Et k'em les servist et gardast ;
Et son père et sa mère het, El promist que de mort morreit
Et les maldit mult à grand tort ; Que 22 père ut mère maldireit.

20 X. fiebles, ital. Gevole, lat. Nebilis, Franç. foible. Y. fralles ; 22 X et Y. qui. Je pourrais bien ne plus revenir sur cette va
ITAL. frale, lat. fragilis, FRANG. frèle. • riante : V s'en tient , comme on voit, assez constamment au che
21.Discernement ; comme on dit encore l'âge de discrétion. italien ; et les autres manuscrits s'en écartent presque toujours.

OBSERVATIONS.

Les anciens avaient décerné à plusieurs oiseaux l'honneur d'être cités comme modèles de
piété filiale. Le pélican même , qui chez les auteurs ecclésiastiques surtout (Cf. Leemans. I.
cit , p. 404. Etc. ) joue un tout autre rôle, semble rangé par Élien au nombre des animaux
exemplaires en ce genre ( Cf. Ælian . , III , 23) ; mais c'est une simple apparence qui résulte du
>

groupement un peu confus avec lequel cet auteur réunit les faits, dès que la moindre occasion
de les associer se présente. La cigogne, ou la grue , avait surtout la réputation d'être un oi
seau modèle en fait de tendresse pour ses parents ( Cf. Ælian ., III , 23 ; -Plin ., X , 32. - Aris
Aristoph ., Av. v . 1353-57 ; ed . Brunck , t. II , p . 215. -- Etc., etc. ) ; si
tot. IX , 13 , al . 20 .
bien que les Grecs avaient formé de son nom le mot dverteldpuses
αντιπελάργωσις pour exprimer la recon
naissance (Ci. Suidas, V. aviitedupysiv). Cependant le mérops partageait cette gloire avec la
cigogne , il lui est même préféré par plusieurs (Cf. Aristot. , l. cit.— Ælian ., XI , 30. — Plin . X ,
9

51) ; et les rapports du mérops avec l'alcyon et le céryle auront bien pu amener les contes
touchants qui ont été faits sur la tendresse des femelles de ces deux oiseaux envers leur måle
(ap. Bochart, lib. II , cap. 3 ; t. II , p. 180 ) .
Quoi qu'il en soit, les anciens Bestiaires ont choisi la huppe de préférence à tous les autres
animaux qu'avait glorifiés l'antiquité classique pour leur piété filiale ; et déjà Élien (XVI , 5)
constatait l'origine asiatique de cette réputation faite à notre oiseau. L'Égypte ancienne se
joint à l'Asie en cela comme en bien d'autres traditions, et le cucupha ornait le sceptre de
ses dieux (Cf. Leemans, l. cit. , p . 279-282 . Tychsen , I. cit. , p . 116-121.
> Etc. ) , pour
rappeler aux mortels le devoir de la gratitude.
J'ignore, et ne recherche pas bien curieusement, jusqu'à quelle époque reculée peut re
monter cette persuasion bizarre de l'effet onirocritique que devait produire le sang de la
huppe ( supra, p . 177) sur celui qui s'en serait frotté. L'origine de ce conte serait- elle due
au respect inspiré par un animal que l'on supposait doué de qualités si édifiantes ? Cf. Bo
chart, l. cit. , P. II , lib . II , lib . II , c. 31 ( t. II , p . 346 , sq .).
9
BESTIAIRES (Pl. XX , XXIX ). 181

25 ( fig. AB) .
ARGUS LE VACHIER " .

Phisiologes nos raconte chi d'un home qui ot cent ex. Il dit qu'il fu une dame qui avoit
une mult très bone vache, et très richement bèle de grant beauté ; et la dame l'amoit tant
qu'èle ne le volt perdre por nul rien ?. Si le bailla à garder à un vachier qui avoit à non Ar
gus. Cis Argus si avoit C ex , si ne dormoit onques que de II ex ensamble ; et tot adès se re
posoient si oeil doi etdois, et tuit li autre veilloient et gaitoient. Et parmi tot che “ , fu la va
che perdue. Car I home qui la vace avoit amée, i envoia un sien fil qui à merveille savoit ben
canter en une longe,verge crueses qu'il avoit ; et ciels (cils ? ) avoit à non Mercurius. Cil
Mercurius commencha à parler à Argus d'un et del 6 , et à chanter à la fois en sa verge. Et tant
li ala entor qu'en chantant qu'en parlant, que Argus s'endormi de II ex , et puis de 11 ; et tant
s'endormi de ses ex II et II , que il s'endormi de tot C. Et si tost comme Mercurius l'aper
chut de tos les C ex dormant, trencha il Argus la teste , et enmena la vache à son père.
C'est exsample de nos meismes. Nos somes sicomme Argus le vachier : la bone vache est
example de l'âme que nos devonts gaitier et garder; li æil del cief, ce sont li xil qui dorment;
li bienfait , ce sont li æil qui l'âme gaitent et gardent. Li hom qui envoia son fil por la vache
avoir, nos senefie diable qui envoie son message por l'âme engingnier 8 par luxure , par covoi
tise , par orgoeil, par envie , par haine et par tot altre manière de péchiés; tant qu'il engingne
l'ome. Et quant il a l'ome engingniet, dont dorment tot si oeil qui l'âme doivent gaitier et
garder ; et lors le dévore et ocist , et enmaine la vace à son père : c'est à diable son maistre.
Ensi engingne diables l'ome, quant il met s'entente as délis del monde et as aultres mals
visces par coi il vient à male fin .

1 Rien sùr ce point dans les manuscrits R et S. 4 Valgré (avec) tout cela ,
Argus changé en vacher est tout à fait en harmonie avec la 5 Creuse ; une sorte de pipeau, sans doute.
marche de cet article où la nymphe lo devient une simple vache, 6 De chose et d'autres.
Junon une sorte de nourisseuse, et Mercure un voleur de 7 Bonnes actions .
bestiaux. 5 Tromper, ITAL . ingannare. Lafontaine citait encore le
2 Chose ; Cf. supra , p. 175, note ! . vieux mol engaigner', dont la trace ne subsiste plus chez
: Deux à deur. nous que dans engin . ANGL . engine, engineer,

OBSERVATIONS .

Ce n'est ici que comme un échantillon de ce qui a été pratiqué par d'autres bien plus en
grand ; car plus d'un auteur au moyen âge a pris la peine de tourner toute la mythologie
en moralité chrétienne. Mais c'est là un ordre d'idées si différent de celui qui a présidé au
véritable Destiaire, qu'il vaut mieux en renvoyer l'examen à d'autres temps (și ce n'est à
d'autres personnes), et à des traités spécialement rédigés dans cet unique dessein .
182 MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE ,

26 ( Fig. AC ) .
LI FENIX " .

Uns oiseaus qui est apelés fénix . La semblance de cest oisel porte Nostre Sires Jhesu Crist ,
qui dit en l'Ewangile ? : J'ai poesté de metre m'âmes et de reprendre la 4. Por ces paroles le
voloient lapider li Jui , qui le sens n'entendirent mie .
Li fénix converse en Yndes, si est l grant oiseaus et beax à grant merveille. Il porte sor son
cief une creste comme paon ; et pis et gorge li resplendist de rouge color, et reluist comme
fin or ; et vers la coe , est autresi blou 6 comme li purs ciels quant il est clers. Et quant ? il a
Vans, dont est ses eages meurs par droite nature , lors vole sor un mont qui est apelés Liban.
Sor 8 cel mont a la meillor fontaine que on saroit penser, et I grant arbre pardesus, que
mult est haus plus que nul arbre que soit sor cel mont. Là fait son repaire et son ni sor cel
arbre, d'espises º de si grant valors c'on ne poroit meillors trover. Puis fait un estruit 10 de fu
dedans son ni el mois de march , ou el mois d'avril . Si se drèce sor son ni par dedans, si muet
les èles et débat vers le soleil tant que une grant calor ist de lui , qui esprent " les espices en
son ni , et art tot environ lui , tant qu'il est ars et bruslés en son ni . Et ensi s'art iluec , et de
cèle poldre renaist il meismes al tiers jors tot noveax ! ? .
13
Tot altresi li salvères del mont 15, Nostre Segnor Jhesu Crist, résuscita al tierc jor comme
voirs 14 hom et voirs Dex. Puisque li fénix a poesté 15 de Deu de soi faire morir et revivre, nus
n'en doit merveiller de la parole que Dex dist ci devant, quant il dist :: J'ai poesté de metre
m'âme 10 et de reprendre la . Car quant il descendi des' ciels, il raempli ses èles de très dous
aromatisemens : ce est de sens esperitieus;; dont il dist ' ? : Je ne vieng,18 mie destier la loi,
mais aemplir 10 .

* R. fénis. Uns oisiaus est qui, etc. S, Illec remplist ses èles des douces odours des vergelis
2 R. levengile (le vengile ?) . Joann. X , 18. que il emporte ; et fail ou mois de mars ou d'avril 1. es
3 S. m'arme.Cf., p. 145 , note 6. truit de feu , puis volette entour l'estruit.
9
4 La reprendre. Nous avons perdu cel emploi des sullises , Epices, aromates ; Ital. spezzierie.
que nos voisins du midi conservent encore . 10 Monceau (bûcher ? ) ; LAT. strues. J'aurais soupçonné
5 R. Inde. qu'il devait y avoir ensuite fust , au lieu de fu ; mais les ma
6 Bleu ; les Italiens prononcent blou (blù ). nuscrits R et S disent I estruit de feu.
? R. De lui dit l'hisiologes que quant il a vescu : V. cens 11 Enflamme, embrase. Cf., p. 125 , note 7.
anz, il entre entre les arbres qui sont apeié Liban ; et ilnec 12 R. au tiers jor toz noviuus.
raemplist ses ailes de douces odors etc. Rien sur la forme et 18 R. li Suuverres du monde.
la couleur de l'oiseau, ni dans R , ni dans S. 14 Vrai .
Comme il est diflicile d'imaginer que le Liban fût quelque 15 S. a povoir de soy mortifier et revivre.
chose d'inconnu à cet auteur, on pourrait supposer que les 16 S. de m’arme mettre, et de la repran'tie.
arbres qui sont appelés Liban sont une expression dans le 17 Malih . V. 17.
genre de Wald employé par les Allemands pour désigner une 18 R. ving ; je ne suis pas venu (?) ; S. Je ne vieng mye
chaîne de montagnes (hauteurs boisées) ; mais le latina ligna pour desloier la loy, mais pour rumplir.
Libani, et il faut bien avouer que la version ne fait pas hon
neur au traducteur picard.
BESTIAIRES (Pl. XX , XXIX) . 183

BESTIAIRE LATIN .

MSS . A , B.

novo Nisan aut Cedar 20 , id est Sarmath 21 aut


IX . DE VOLATILE FENIX ? .
Faminoth ?2, quod est Martio 23 aut Aprile mense.
Fenix 2 figuram gerit Domini : nostri Iesu Christi Quum autem hoc 24 significatum fuerit sacerdoti ,
qui dicit in evangelio suo (Ioann. X, 18) : Potes- ingreditur et implet aram de lignis sarmentorum 25.
tatem habeo ponendi animam meam , et potestu- Quum autem advenerit volatile illud 26, introiit 27 7

tem *habeo iterum adsumendi - eam . Propter 6 hæc in civitatem Eliopoli 28, repletum 29 omnibus aro
verba iratisunt ludæi, et ? volebant eum lapidare matibus in utrisque alis suis ; et statim videns fac
( Ibid . , 31 , 33) . tum struem 50 sarmentorum super aram , ascendit et
Est ergo avis in Indiæ partibus, quæ & dicitur fe- circumvolvens 51 se,
8
, de aromatibus 52 ignem sibi
nix ". De hac dicit Physiologus 10 quia expletis ipse 53 incendit, et ipsum 54 exurit. Alia autem die
quingentis annis vitæ suæ , intrat in lignis Libani, veniens sacerdos, videns exusta ligna quæ conpo
et 12 replet utrasque 15 alas suas 14 diversis aroma- suerat super aram , et 5553 scrutans diligenter 36 inve
tibus 15 ; et li quibusdam indiciis significatur hoc 17 , nit ibi 5 vermiculum modicum suavissimo 38 odore
18
sacerdoti civitatis 1 [Heliopoleos 19, id est mense flagrantem 59 ; et 40 secundo il vero die veniens, in

? A et D. De phenice; M et C, rien sur cet oiseau. 17 B. hutc .


? A. hujus; D. Est volatile quod dicitur phenir, cujus 18 B. civitates.
figuram . 19 B. Eliopolis.
3 A et D. dominus noster Ihs xpc. 20 A. Nisun nautdar (sic ); aut Adar ?
« A. omis : ... et iterum . 21 A. frarmuth ; pharmuthi ?
5 A et D. sumendi. 22 Phamenoth ? A omet les deux derniers mols .
6 D. nemo eam tollet a me. Propter haec enim verba . 23 B et D , marcio .
7 D. omis : Est itaque hæc avis. 24 B, omis.
8 D. omis : De ea dicil. 25 B. sacramentorum .
A. pheonir. 26 B. omis .
10 B. Fisivlocus. 27
B. intrvivit.
11 D. intrabit in lignum . 28 B. Eolopole.
12 D. repletque ambas suas alas diversis. 29 A. repletas (habens) utrasque alas suas aroinatibus ;
13 B. ut ardeat qui. La forme de pluralité donnée ici à et , etc.
uterque est probablement calquée sur celle qu'avait uporipos 30 B. struentem sacramentorum .
dans l'original. 31 B. circumvolvit,
14 B. omis. 32 B. aromalis .
15 B , aromatas. 33 A. omis.
16 D. ejusdem ligni, faciensque variis de pigmentis in 34 A. se ipsam .
clusum nidum ; congregatque sermentorum (sic) acervum 35 B. omis.
maximum , subtus domum ponens; accendensque ad aërem 36 B. omis .
(accedensque ad aram ?) solis, ignem altrahil secum , et in 37 A. omis .
cendit sarmenta ; ac ingreditur in nidum suum mense fa 38 A. suavissimi odoris.
me nothi (en marge : farmothi) , id est marcio , el comburit 39 A. fraglantem . Ces deux formes combinées donnent
(sic) se ipsum . Et euns (sic) primo die vertitur in vermem ; les éléments de la véritable, qui est sans contredit 'fragran
secunda die, in volucrem ; tertia vero die revocatur in tem .
pristinum statum , Hac avis significat Christum utrisque 40 A. omis .
alis odore suavissimo repletis, id est Veleris et Novi Tes 41 A. secondo.
tamenti. Sed et scriba erit in regno cælorum qui profort 42 A saute une demi-phrase : ... figuratam . Perfecta autem
de thesauro suo nova et vetera . ' pheonice (sic) valefaciens sacerdoti.
184 MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE.
A , B. A , B.

venit iam aviculam figuratam . Rursum +242 tertia die mendi eam . Ergo, sicut iam supra 49 diximus, fe
veniens secundos (sic), invenit eam stato ( sic) suo nix 50 personam accepit Salvatoris nostri. Etenim 51
integram , atque perfectam seneam 45 valentem fa- descendens de cælis 52 sanctis 55 suis , utrasque 54
cientem º sacerdoti , et volat et pergit ad locum 45 alas suas suavissimis odoribus replens secum de
pristinum suum. positis 56 , id est novi et veteris Testamenti , divi
sermo ; dicens 58 (Matth . V ,
Si ergo volatile hoc potestatem habet seipsum nus 56 ac præclarus 57
mortificare, et rursum semetipsum vivificare, 17) : Non veni solvere legem sed adimplere 5". Et
quem admodum 46.stulti homines irascuntur in iterum (Math. XIII , 52) : Sic erit omnis ( o scriba
^7 , ut verus doctus “lin regno cælorum qui profert de thesauro
verbo Domini nostri Jesu Christi, qui 47
SUO nova et vetera .
homo et vere Dei filius, potestatem habuit ponendi
animam suam , et iterum potestatem 48 habuit su- Nulle mention du perroquet dans mes munuscrits.

43 Fenicem ? 63 A. omis :... cælis, utrasque.


44 Valefacientem . 54 B. utriusque.
45 A. ad pristinum locum suum. B5 A. deposuit.
46 A, nescio cur stulti. 56 B. divinos.
47 omis . 57 B. præclaros sermones.
48 A. omis : .... iterum sumendi. 58 A. dicit .
49 B. omis . 59 A. implere .
50 A. pheonix . 60 B. omis.
51 B. omis. 61 B. doctissimis .
52 B. cælo .

BESTIAIRE RIMÉ.
IX. Un oisel que ' ad non FÉNIS 2 De la désertine s'envole
Habite en Ynde 3 et meint 4 tut dis , En la cité de Léopole
Aillors nel 5 sot 66 l'em pas trover. A un prestre de la cité
Cist oisel est tot dis ' sanz per 8, Esta acointé pur vérité ,
Car jà n'en ert fors un ensemble ; Par alcun signe, ou autrement,
Cinc cens apz vit ',2 ce me semble, De cist oisel l’aveinement;
D'un estat et 10 d'une manère. Et quant il seit qu'il doit venir,
A bon semblant, a bonne chère " . Il fait rains de sarment 17 coillir
Quant V. C. anz sunt acompliz , Et lier 18 en un faisselet ;
Donc li semble qu'est 12 envielliz ; Sur un mult bel auter 19 les met
Si se charge d'espèces 13 chères, Qui a cel oes 20 est adenti .
Bones, et de plosurs 14 manères . Et li oisel, si cum jo di ? ,

1 X et Y. qui a. 12 V. qu'il est ; X. se semble trop envieilliz.


* X. fénix ; Y. féniz. 13 X et Y. espices ; épices, plantes aromatiques. Cf. p. 182, note 9 .
» X. Inde. 14 X et Y. plusors manières.
X et Y. maint toz, 15 X. Leupole ; Héliopolis.
5 X ne seut l'en ; Y, n'en puet l'en. 16 X. Acostume por vérité,
6 Ce mot, que ses différentes orthographes sembleraient parfois 17 X. fanol. Le correcteur aura pu voir dans le fenouil un aro-..

rattacher au verbe savoir, appartient réellement au vieux souler : mate ; mais il laisse reparaître le sarment à dix vers de là.
LAT. solet, Esp , suele. 18 Y et Z. loier .
7 X. jorz. 19
ESP , autar ; X. et Z. autel. Du reste, même dans V, nous retrou
8 Compagnon , pareil (pair ) . Cf. p. 163, note 5. verons bientôt autel.
9 X. dure ; Y. vit, si ce... 20 Z. oeus ; usage. X. Li oisel, sicom je vous di,
10 V et Y. omis. Charchie d'espices, vient à lui.
11 X. chière ; Z. ciere (miue); ITAL , cera , ou ciera ; Esp . cara . 21 Z. et li oisiaus, sicon jou di.

!
BESTIAIRES (Pl. XX , XXIX , ctc. ). 185

Charchié 22 d'espèces 23 vent al liu 24 , Pur les prisons 40 que enfern tint ;
Od 25 son bek alume le feu ; En l'autel 41 de la croiz sacrée ,
Car tant fert sur la père 26 dure , Que 42 tant est duce et onorée,
Que feus en salt 27 por aventure, Fu sacrefiez cist oisels
Que mult tost avive 28 et esprent Qui al tierz jor resurt 13 novels ;
Es espèces 29 et al sarment. Mès plosurs ne le * 1 volent creire
Quant li feus est clers et ardent, Que la chose fût issi veire.
Si se met enz 30 demeintenant ; Il ont grant tort , ce m'est avis :
Si se art en poldre et en cendre. Quant l'oisel qui ad non Fénis .
Dunt vent li prestres por aprendre Se démet et se mortefie ,
Coment la bosoinne 31 est alée ; Et al terz jor reprent sa vie,
La cendre trove amoncelée, Mult est à creire plus léger
Et la départ 32 tot suavet De Deu qui tot ad à juger;
Tant que dedens trouve un vermet Et 45 ceo qu'il dit en son sermon
Que 33 done asez meillor 34 odor U ren n'ad 46 si vérité non .
Que rose ne nul 35 altre flor. Ceo dit Cil qui est vérité :
Li prestres le lendemain vent Jo ai, dit- il 47, la poesté
Pur véer coment se content 36 De poser m’alme 49 et de reprendre.
L'oisel qui est ja figure ; Veir dist , et veir nus fist entendre,
Al tierz jor est oisel formé 37 Si devom oir et retraire;
Si qu'il ad 38 quanque 39 doit aver. Jo ne vint pas , dit-il , desfaire
Al chapelein cline pur veir, La lei, ainz la vint acomplir,
Puis s'entorne lez et joianz ;
Et assumer 49 et aemplir.
Ne revent devant cinc cenz anz. Issi est li sage écrivain
Por cel oisel devez entendre El règne del cel 50 soverein,
Nostre Seignor qui volt descendre Qui de son trésor met avant
Çà jus pur nostre salvement. Les viels choses et les novels
De bones odors finement
Qui ensemble sunt bons et bels.
Fu chargez quant en terre vint
22 Z. cargiés ; Y. chargez. chimistes et les marins diraient dans diverses occasions assez sem
23 X et Y. espices. blables : comment se comporte, etc.
24 X et Y. au leu.
37 X. clamé. Il peut être appelé (ITAL. chiamato) oiseau.
25 X , @ ;; Y. ou ; Z. d. 38 X. Si a quanque il deit aveir .
26 X et Y. pierre . 39 Y. quanqu'il doit avoir.
27 X et Y. saut .
40 Captifs, prisonniers. Ital. prigione.
28 X. alume ; Y. esvive. 41 Y. auter.
29 X et Y. espices. ITAL . spezie, speziale, 42 X et Y. qui.
30 Y, dedanz , demenant. 43 Ressuscita . Ital. risurse ; Lat. resurgere.
31 X et Y. besoigne. 44 X. veulent.
32 Ecarte, sépare. Cf. infra, p. 138, note 23. 45 X. ce que il dist.
33 X et Y. qui. 46 X. où n'a rien se . Y. où il n'a se...
34 X. mellor ; orthographe espagnole. Cf. infra, p. 186, note 2. 47 X. dist -il.
35 X et Y. nule. 48 X. ame ; Y. arme.
36 X et Y. contient ; nous n'avons plus, et encore avec une notion 49 X. assummer : Y. assomier ; consommer .
un peu écartée, que contenance (attitude) ; ITAL. contegno. Les 50 X et Y. de (Y. dou) ciel soverain.
OBSERVATIONS.
Que dire du phénix , sans répéter des indications déjà données cent fois ? Pour éviter des
redites fastidieuses, qu'il suffise de renvoyer aux travaux les plus récents qui ont résumé , ne
fût-ce qu'en partie, les recherches faites sur ce sujet. Cf. Rittershuys in Coripp ., lib. I ,
v . 350. – Tychsen , l. cit., p. 95-98. - Ad . Martini, in Lact. carm . de phænice, p. 38-53 ,
106-109. – Leemans, l.cit. , 241-245 ; 349 , sq. G. Leopardi , l. cit. , p. 271-283.- Vitraux
de Bourges, n ° 55 (p. 105 , sv. ) .
990

II. 24
186 MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE ..

27 ( Fig. AD).
LI PAPEGAIS !.

D'un oisel qui est apelés papegai. Phisiologes dist qu'il en i a de 11 manières, et li uns sont
asés plus gentils que li autre. Si nos fait entendre que li vilain ont III dois à lor piés, et les
gentils en ont VI à lor piés ; et ben sèvent parler s'on les aprent. Si est uns petit oiseaus I
poi graindre 3 que une pie , et si a longhe keue comme de pie ; et il est tos vers à I poi de bloue
color entremellé. Si a corbe * bec et tort comme espreviers. Si het moult la pluie, et il set
tant de sa nature que il s'en garde ben que pluie ne grant tempeste ne le souprent defors 5 le
bois là [où ?) il hante et converse. Quer 6 il est de tel nature que pluie li griève ? moult, et
que sa color moult enlaidist; et por ce s'en garde comme sages oiseaus.
Ensi est à entendre del home; li uns est asez plus gentieus que li autres :: c'est à entendre
esperituelment à vivre et Deu crémir et servir totes ores et adès, Li hom qui si vit, est li gen
tieus papegai. Cil fuit la pluie et la tempeste d'infer; cist ne s'enbat8 mie defors le bos, il ne
9
puet estre sopris º de tempeste. Li hom qui pèce c'est li vilains papegais ; et cist est sopris en
pluie et en tempeste que moult li griève et moult le enlaidist et tue par force d'orage. Il ne
set où eskiver la tempeste , il est trop loins de bos. C'est à entendre qu'il est sopris en péchié
à sa fin , et muert en péchié et est perdus ; et demore à tos jors en la tempeste d'infer
entre diables.

1 Perroquet, Esp. papagayo. Nulle mention de cet oiseau * Courbe, recourbé ; comme Courbe-voie.
dans R et S. 5 Surprend dehors ; ITAL . di fuori.
· Beaucoup, ital , assai. On trouve le latin satis employé • Car, Lat. quare. Cf. supra, p. 114 , note 98.
avec cette signification au cinquième siècle . ? Lui nuit, FRANÇ. gréver, grief ; ESP. agravio .
3 Plus grand ; nous trouvonsailleurs greignor, autre défor 8 S'abbat ? se pose . ITAL. imballersi.
mation du latin grundior. 9 Surpris. Nous avions plus haut souprent.

OBSERVATIONS .

C'est une étrange idée que de transformer le perroquet en une sorte d'oiseau peint dont
les couleurs risquent d'être lavées par la pluie. Mais il ne serait pas impossible que ce fût le
résultat d'un emprunt fait sans intelligence à ce que S. Isidore ( Etymol. XII , cap. VII , 21 ;
ed. Arevalo, t. IV , 91 ) dit de l'Ardea, qui s'élève au-delà des nues pour éviter les orages ; car
les belles couleurs de certains hérons auront peut-être donné lieu de leur appliquer les pro
priétés d'un oiseau qui paraissait rarement dans nos climats. Les Arabes, qui parlent d'un oi
seau préoccupé de la crainte de voir le ciel fondre sur lui (ap. Bochart, l. cit., lib. II , c. 30 ;
t. II, 341 , sq. ) , pouvaient bien aussi , dans leurs fables ou leurs contes fantastiques, doter
le papegai d'une préoccupation comique comme celle-ci. Mais je ne suis pas en mesure de sui
vre l'histoire naturelle sur le terrain de la littérature orientale ; quelques ressources que j'y
BESTIAIRES ( Pl. XX , XXIX) . 187

soupçonne pour la solution de bien des problèmes fort anciens, où nous ne tâtonnons peut
être sans résultat que faute de consulter l'Asie. Cependant il se pourrait qu'il y eût quelque
chose à prendre dans une forme de ce récit qui est donnée par Albert-le -Grand (De ani
mal. XXIII , 24 ; t. VI , p. 645) . Selon ce naturaliste, l'eau de pluie n'est nuisible au perro
quet que comme breuvage. Ici encore « je m'en rapporte à ce qui en est. »

28 ( Fig. A E ) .
LI FORMIS.

Salemons ' nos dist che que nos prennons garde del fremi ” ; car ja soit ' ce qu'il soit petis et
de petite forche “, moult reponts et aporte de forment en esté.
Phisiologes dist que li formis ont III manières. La première est que quant il issent de lor
fosse, il vont tot ordenéement et quièrentles grains de quel semence que ce soit, et aportent
en lor fosse . Et li autres formis qui vont quère les grains, et il n'en ont nul , et quant li wit 6
encontrent les formis qui les grains aportent, il ne dient mie : Donés - nos de vostre blé ?; ansi
en vont querre par les traches 8 aoes lor oes, et aportent en lor abit '. Et lor oes governent et
garnissent si qu'il ne périssent par défaute dels.
Et puisque ces bestes 10, qui sans entendement sont , se contiènent si sagement que nule ne
remaint fole ; tu , hom qui raisnable entendement as, ben dois ci prendre garde. Car les V vir
ges qui avoient raison furent foles par négligence, quant èles durent ensièvre " les V sages et
aprendre 12 en lor vaisiax de l’oille dont èles 13 ne quesissent par ( quenussent pas ?) soffraite '4 .
13
Quant èles distrent 18 : Donés-nos de vostre oille, ben dussent 16 ensièvre le sens del fromi . Mais
dementres 17 que eles en alèrent querre, li espous vint ; si remestrent is comme foles defors,
estaintes lor lampes. Ci (si ?) devons nos garder que nos lampes soient garnies d'oille : ce est
que nostre cuer soient (sic) plain de bones vertus et de bones oevres ; que nos soions avoec l'es
pous, c'est avoec Nostre Seignor.
1
S. Salmons dist de petite chose qui a non le formi, 10R. besteletes.
que nous preignes garde à lui. 11R. ensuivre. Lat. insequi.
? Fourmi , Les Picards disent encore fremion ; et les Lor . 12R et S. prendre,
rain , fremi . 13 R. dont eles (cèles ?) pristrent, qu'éles ne quesissent
* Bien que. On peut reconnaître dans cette vieille locution pas soffraite ès V sages quant èles distrent,etc. Je n'ose
un autre analogue du conciossiache des Italiens (p. 148, n. 9) . rais pas assurer que je comprends très bien cette phrase .
4 S. force . 14 Diselte. Nous n'avons plus que souffreteux.
5
Amasse, lat, reponit. 15 Matth . XXV, 8.
6 Vidc ( vuide ); c'est à dire ceux qui ne sont point chargés , 16 Elles eussent bien dû ; ITAL. dovessero .
qui cheminent à vide. Peut-être aurais-je dû écrire vuit, de 17 R. et S. endementières . Cf. p. 194, note 29.
même que Euvangile . S. Quant li un encontre l'un l'autre. 18 Demeurèrent , restèrent; Lat, remanserunt. Nous avons
7 S. vostre anoine (annona). déjà rencontré plusieurs formes du verbe remanoir, aujour
8 R. traces, avec lor oes. d'hui totalement perdu pour nous, mais dont les Anglais ont
9 Habitation . conservé une trace dans leur remain ,
1
!

188 MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE .

Quant li formis met ses grains en sa fosse, il les devise 19 en II parties ; que l'une ne défaille
en l’iver. Et tu, hom de Deu, partº! ensiu (ensi? ) l’escriture en II pars dou viés testament ? ! :
ce est selonc l'estoire et selonc l'entendement 22. Départ23 la verité de la falseté 24 , descue
vre25 les esperitels coses des corporels ; garde l'esperitels sens qui vivifie, que tu ne périses 26
de fain par la letre qui soit péri 27 al jor d'iver : c'est à entendre al jor del juise, que li 28 Apos
tles dist jors esperitels n'est 29 mie corporels ; la letre ocist, li esperis vivifie. 50 Li juif ensievent
la lètre de la viés loi , et les esperitels sens despisent . Por ce furent il ochieors 31 des prophètes,
et lor Segnor meisme livrèrent à mort ; et por ce périsent 32 il de faim de si aore 35. Car il lai
sent le grain et le 34 perdent (por ?] la paille ; ce est qui 35 laissent les esperitels sens por la
letre:

19 Partage , divise , S, si les entame. 2. R et S. pori ie (pourrie) . C'est encore la forme picarde.
20 Partage. R. parliz ausi ; Lat. partiri . 28 R et S. car li Apostres dit (Rom. vii, 14) : Loiz espe
21 R. I'Escripture du viez Testament en Il parties. riteus est , ne mie corporeus.
22 R et S. l'esperitel entendement. 29 Ne (?) mie corporel.
23 Cf. supra , note 19. Nous nous servons encore de ce mot 30 II Cor. iii, 6.
dans le langage chimique et métallurgique. S. de par (dépars) , 31 Ř , ocirreor , meurtriers ; LAT. occisor.
FRANÇ. se départir. 32 R. périssent.
24 R... la véritez de sa figure. 33 R. de ci à ore, jusqu'à cette heure ; ITAL . finora.
23 R. Dessoirre, sépare.Cf. supra, p. 125, note 8. 34 R. et voient en la paille ; S, vivent en la paille.
26 R. pirisses. 35 R et S. c'est qu'il laissent l'espéritel sens, etc.

BESTIAIRE LATIN .
MS . C. MSS. A , B.

X. DE FORMIACA (sic) EXIGUA " . XI. DE FORMICE (sic) NATURA " ,


Est enim ? formica quæ majoribus audivit 3 viri De 12 qua Salomon dicit (Prov. VI , 6-8) : Vade
14
bus, neque servitium adoperando (ad operandum ) ad formicam o piger, et meditare 15 eam ; quæ
cogitur, sed spontaniæ (spontanec ) proposuit (pro- 11 D. De formica ; A. De formicis. Bien que souvent dans
mes mauuscrits l'æ soit représenté par un simple e, j'ai trans
1 Ce fragment, que je tiens pour étranger au véritable Phy- crit scrupuleusement le titre de B, parceque nous rencontre
siologus, venait après l'article De natura formicæ , qui sem- rons ensuite formicem et formices.
ble incomplet. J'ai interverti cet ordre pour suppléer en quel- 12 A. omis : Salomon dicit in proverbiis : Vade. D. sans
que façon par une sorte de prologue aux lacunes du chapite nulle citation de Salomon : De formica dicit Phisiologus
qu'il accompagne, et m'y restreindrai aux seules lumières que quod tres naturas habeat. Prima natura ejus : Quum
donnaient mes manuscrits, sans consulter l'Hexaëmeron de exierit de speluncu sua , ambulat ordinale , id est secun
S. Ambroise (v1 , 16 ; 1 , 1 , 118, sq.) . Quel que soit l'emprunteur, dum ordinem suum . Quærentes autem grana formicæ ,
le texte primitif pouvait avoir été retouché par celui qui se ore suo singula grana in speluncam deferunt. Aliæ autem
l'était approprié ; et ma recension fournira du moins quelque formicæ quæ vacuce portantibus obviant, non tollant (sic)
variante pour une édition de S. Ambroise, quand on voudra in via quicquam de annona earum ; sed pergent , et illa
s'en occuper . (ut illæ, et ?) congregant cibaria propria.
2 Peut- être faudrait-il lire Exigua est enim , etc. , malgré le Hoc non fecere illae virgines quinque faluæ que , non
copiste, qui se prononce pour le contraire. assumpto oleo, vacuisque lampadibus , pergentes dixerunt
3 Cette singulière locution serait-elle le reflet d'un hellé sapientibus : Date nobis, etc. Il est clair que l'auteur de
nisme traduit'maladroitement? Axovely , avec le sens de dé7 :6001, ce texte s'est emparé du thème pour le modifier à son goût ;
équivaut à peu près au latin laudari; et la phrase s'explique- H (p. 429) est un peu plus scrupuleux : De formica Salo
1 rait sans peine si on lisait... (prae] majoribus laudata est mon ita dicit , etc.
13
viribus : d'autant plus que l'on passe ensuite à l'énumération A. imitare.
des dillicultés surmontées par la fourmi. Cf. p. 144, note 23. 14 B. qui ; A. omis : ... eam . Formica lres naturas ha

:
1
BESTIAIRES ( Pl. XX , XXIX ). 189

C. A , B.
posito ?) proscientiæ ( sic) futura alimentorum sub- quum sit viribus in firma, multum prostate 15 fruc
sidia sibi præstruit ; cujus uti meteris (ut imiteris) tum sibi. Physiologus 16 dicit tres naturas 17 habere
industriam Scriptura te commonet , dicens : Con- formicem 18. Prima ejus natura 19 est 20 exierent (sic)
forte (confer te) ad formicam , o piger, et considera de spelunca sua, ambulanta ordinatim ” , et quæ 22

vias ejus, et eslo sapientior. Illa enim nulla runt 23


grana cujuslibet seminis 24. Quum autem 25
(nullam) cultura (culturam) possidet “, neque enim invenerint 26, in 272 ore suo 28 adprehendunt 29 sin
(sic) qui se cogat habens, neque sub dominio agens, gula grana 50 et 51 portant 32 in speluncam suam .
55.
quem ad modum præparat escam , absque ( atque ?) Aliæ vero formicæ non habentes grana in ore suo,
de tuis laboribus 5 sibi messem reconditº ; et quum sed sic 54 vacuæ obviantes 55 eis 56 quæ vehunt 37
tu plenum que (plerumque) egeas , illa non indi
geat ?. Nulla sunt ei clausa orrea (sic ), nulla inpe- bet. Prima ejus natura hæc est ut ordinate ambulent, et
unaqueque
petrabilis custodiæ (custodia ), nulla ei inviolabilis vana yrunum bujulet in ore suo ; et ea (sic) quæ
(z -vos ) sunt, non dicunt : Dale nobis de grano ves
:

acero (sera ?) ; spectat custus (custos ?) furta que iro, sed vadunt per vestigia priorum ; et veniunt (venien
tes ?) usque in locum ubi frumentum invenerun !, assula
(quæ ? ) prohibere non audebat (sic) , aspicit sua munt frumentum , et aſſerunt in cubili suo .
dampna possessor, necuindicat (nec vindicat ?) . Hæc quidem ad significationem virginum prudentum
dictu sufficiunt ; quia sicut in aestate formica congregat
Nigro convictator (connectuntur ?) agmine, præ- unde hyeme ulatur, ila prudentes virgines in hoc præsenti
dam per campos ferent (ferunt ?) , se miscunt (sic) seculo congregant unde in retributione remunerentur .
Second natura a (sic) ejus .
4 Celle manière d'exprimer les paroles de Salomon sur la 15 H. per aestatem frumentum reponit.
fourmi autoriserait à conjecturer que, traduisant sur le grec, 16. B , Fisiolocus .
on a lu ympyézs ( culture, ferme) au lieu de yewbylou (fermier, 17 H. hubere virtutes formicam .
intendant). C'est d'ailleurs le sens qu'ont suivi les versions 19 Ces quatre derniers mots sont répétés une seconde fois
syriaque et arabe, ainsi que l'ancienne version latine citée très exactement dans B.
par S. Ambroise. 19 H. virtus.
5 Nouvelle singularité, qui se résoudra de même si l'on sup- 20 Dans les extraits du Physiologus que le cardinal Mai a
pose une variante du texte grec : tñauen gou , au lieu de tõ aure publiés, le texte de la fourmi ne commence qu'à cet endroit
. Je ne connais point d'autre version (sauf celle de S. Am- (p. 593 ) ; outre que toutemoralisation y est supprimée, comme
broise) qui appuie cette variante. B. Vaile ad formicam , o à l'ordinaire. Formica , minutissima animalia, et quodam
piger , et æmulare vias ejus, et esto illa sapientior, Illa modo prudentissima ; de quibus Physiologus ita dicit :
enim cuiturum nullam possidet, nec qui eam cogat habet, quum exierint. H. quod quum formicæ exierint.
nec sub domino agil ; quem ad modum præparál escam , etc, 21 B. Ambularint.
6 E .... escum , quæ de tuis laboribus unde vivere possit 22 M , A , D, ordinale .
sibi messem recondit . 23 B. quaer (sic) .
7 E. indiget . Sans eſfacer les traces de mes premières con 24 B. semiines.
jectures, je transcris ce texte qui est venu, un peu tard pour 25 B, enim .
moi, fixer le sens de plusieurs mots : Nulla sunt ei clausa 26 B. invenirent .
horrea , nullt impenetrabiles custodiæ , nulli inviolabiles 27 H et B. omis.
acervi (lecture douteuse). Spectat custos furta que prohi 28 H. omis.
bere non audeat, aspicit sua dampna possessor, nec vin 9 B. adprehendent.
dicat ; nigro convectitur agmine praeda per campos, fer 30 B. singulos granos .
vent semitæ comitatu viantium ; et quæ in angusto 31 H et B. omis.
comprehendi ore non possunt, humeris grandia frumenta 32 H. portantes ea.
traduntur . Spectat hæc dominus messis, el erubescit tam 33 B. spelunca sua .
pauca pire industriæ negare compendia . E ajoute encore 34 H. omis .
quelques pbrases, mais dont l'antiqu ité n'est point suffisam 3i H. obviam venientes.
gar
ment antie, pas plus que celle de tou tes les leç re
ons n 36 M. omis.
fermées dans ce qui précède. Ainsi, quel que soit le bon sensº 37 M. quce veniunt cum cibariis, non rapiunt ab eis
général du texte E , la moralité y manque lout à fait. grana , sed vadunt, etc.
190 MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE.

C. A , B,

comitatum viantium (sic ) ; et quæ compræhendi cibaria 58 in ore suo, non dicunt eis : Date nobis de
(sic) angusto ore non possunt , humeris gradia (gra- annona 59 vestra ; sed vadunt quærentes per vesti
na ?) frumentum ( sic) tunduntur 8. gia illarum , et sumunt sibi 40 sicut et illæ, et adfe
Expectat Dominus meus si se (si te ?) erubescit runt in habitaculis suis.
tamquam parcapie (pia ?) industriæ negare com- Et hæc quidem dicta 42 sunt de inrationabilibus a3
pendia . animalibus atque infirmis 44 reptibilibus , quod tam
IX . DE NATURA FORMICÆ .
prudenter agunt 45 quod nulla 46 illarum stulta 4767
Quando recondit triticum in terra , dividet ( sic) remanet, sed omnes argutæ 48 et sapientes inve
grana ejus in duas partes, ne forte hiems compre- niuntur 49. Quanto magis 50 illæ quinque virgines
hendit (sic) eam , et infundens pluvia (pluviam ?) ; et rationales, que per negligentiam suam factæ sunt
germinent grana, et fame pereant. stultæ , debuerunt imitari illas quinque sapientes,
Et tu verba veteris Testamenti ad spiritalem in- et sumere etiam oleum in vasis suis unde et 51 illæ
tellectum (discerne ?) , nequando littera occidit (oc- sumpserunt; et non per desidiam 52 ac per stultam
cidat?). Paulus dixit (Rom. vii , 14) quoniam Lex spem suam petere ab illis sapientibus, dicentes
.

spiritalis est. Solum enim carnaliter adtendentes (Matth . XXV, 8) : Date nobis oleum 55 de rasis
Iudæi , fame negati (necati) sunt, et homicidæ facti
38 B. cybaria.
sunt prophetarum 10.
39 B. anona. C'était cito ;, sans doute (blé, vivres, et pro
DE NATURA FORMICES SECUNDA , visions) .
40 H et M. omis.
Sæpius in agro vadit, ascendit in spica (sic) in 41 H. speluncam suam ; M. habitarula sua. Quando au
tempore messis, et deponit grana ejus. Priusquam tem recondunt grana .
42 B. data .
ascendat , adorat (odorat) deorsum spicam ; et ab 43 H. irrationalibus animantibus.
udore magna ( sic) scit si triticum est aut ordeum 44 B. infirmus.
45 B. egerent.
(sic ). Si ordeum est , dimittit eum , et vadit super 46 B. ul nullo .
47 B. stulti remanerent.
triticum :
48 B. arguite.
Est ergo (ouy ?) ordeum pecorum esca, et acce 49 H. ajoute aut efficiuntur.
50 B. quantum agis quum essent rationabiles illæ quin .
pit (sic) triticum quia reponitur in orreo ( sic ). Or- que sapientes, et sumere sibi oleum , etc. Sans même com
dius (sic) enim ( 72.0 ?) similabitur aliena doctrina, parer ce texte à nul autre, on y apercevrait des traces de
mutilation. Aussi n'ai-je pas hésité à suivre H. Ce rationales
triticum æquitatem fidei spiritus (signat?) . ou rutionabiles, quoiqu'appliqué aux vierges folles, n'a rien
qui doive surprendre si l'on se rappelle ce que nous avons fait
8 Aucune hypothèse satisfaisante ne s'offre à mon esprit observer à propos du lion (p. 109, note 20) sur le mot voepós
pour débrouiiler complétement ce chaos. Du reste, on doit ou noczós qui doit se trouver dans le texte grec,
voir que, si le copiste est pour sa part dans l'obscurité de ce 51 B. omis .
bizarre chapitre, l'auteur ou le traducteur latin contribue par 52 B. proderit jam ad stultitiam suam peterent (sic) ab
sa prose poétique au mécompte du lecteur. Cf. supra, note 7. illis, etc. Cette leçon , malgré sa chétive apparence, pourrait
9 Parca piæ industriæ negare compendia pourrait ab- bien n'être pas méprisable. Elle présenterait un sens fort to
solument signifier que celle leçon de sagesse chrétienne, lérable si l'on suppose que ad soit une traduction un peu
offerte au paresseux, est, pour ainsi parler, renfermée sous gauche du mot uita , qui dans le fait aurait équivalu à post.
un petit format. Le cinquième siècle présenterait plusieurs De cette sorte on arriverait à ce résultat au moins passable :
exemples propres àà justifier cette interprétation du mot com non profuil jam post stultitiam suam pelere, elc.
pendium . Cf. supra , note 7. 63 H. de oleo vestro, Je regarde cette variante (de D et H)
10 Ceci a l'air de n'être qu'un abrégé de A. (Voyez note 74) . comme une correction faite à l'époque où l'usage de la Vulgate
BESTIAIRES (Pl. XX , XXIX). 191

A , B. A , B.

vestris. O quam fatua stultitia 54 ! Nam si ex se non menti divide in 14 duas partes , hoc 75 est secundum
potuerunt 55 intelligere ut inde peterent unde et historiam 76 et secundum spiritualem intellectum .
illæ petierunt , vel formicarum solertiam 56 imitari Divide e [r ]go 77 veritatem a figura , separa 78 spiri
>

debuissent. Sed dum de alienis vasis oleum sperant , talia' a corporalibus 79, transcende 80 aa littera occi
superveniente Sponso foris 57 remanserunt 58 stultæ dente ad spiritum vivificantem , ne littera germi
cum lampadibus extinctis. nante in die hyemis , id est in die judicii, fame pe
59
EJUS NATURA .
reas. Dicit enim 81 Apostolus Paulus 82 : Lex in
SECUNDA
quit 83 , spiritale est in corporale (Rom . VII , 1 ) .
Quando recondit 60 grana 61 in spelunca sua 62 Et rursum (II Cor. III, 6) : Littera occidit, spiri
63
dividit 65 64
ea per 65 medium 66 , ne forte hieme 67 tus autem vivificat. Et alibi (1 Cor . X, 11) : Hæc
85
madefacta 68 humus 69 sémina 70 inlata infundat. autem in figura contingebant 84 illis, scripta sunt
Et tu , homoDei ? ! , scripturam 72 veteris 75 Testa- autem 86 propter nos in quibus 87 finis (sic) sæculo
était devenu dominant. D. de oleo vestro, quia lampades d'infundat à tempore quoque messis. Cf. sur cette compila
nostræ extinctæ sunt. Superveniente sponso, sapientibus tion , supra , p. 86; et p. 189, note 20.
introductis, fatuæ vero foris detrusce sunt. 19 A. verba ; B. scriptura.
Item natura ejus secunóla, etc. 73 B. uteris.
54 B. O infatuata (sic) stul'iliam ! lam si. 74 A. id est discerne inter spiritualia et carnalia , ne .

65 B. intellegere non potuerunt, et (sic) exinde sibi pete- litera te occidat ; quoniam Ler spiritualis est . Et ite
rent unde et illi (sic) petierunt. rum dicit : Littera (sic) enim occidit, spiritus autem vivi
56 B. solertia (sic) debuerant inmitare (sic) . Sed, etc. ficat.lu dæi autem solam litteram aspitientes (sic) , fame
57 B. omis. necati sunt ; [et facti sunt ?] homicidæ prophetarum . Sed
58 B. remanserunt stulti (sic) inanis cum vasis vacuis et lucob tradens (radens ?) virgas ut pariantoves (Gen, xxx ,
a [c] lampadibus [ex ]stinctis. 37-41), et sabbata et scenophegia (scenopegia), hæc omnia
59 A. seconda ejus nutura est, quando, etc. ; H. recon- figuraliter ( en surcharge : spiritaliter) sunt intellegenda.
dit autem grana. D. item natura ejus seconda est : quan- Tertia natura, etc.
do recumdiderit (sic) frumentum in spelunca sua, findit 75 B. et secundum . D. id est inter historiam el spiritua
singula grana per medietatem sui;, ne ex humore made- lem intellectum , ut intelligas veritatem ; a figura autem
facta grana germinent, et ne hiemis tempore fume pe separa spiritalia et alta sola (sic) ne ingerminante (sic)
reant. die hiemis, hoc est in , etc.
Sic et lu, homo Dei, scripturas veteris Testamenti, etc. 76 B. istoriam .
60 M. aulem recondunt. 77 H. omis.
61 B. granum . 78 B. sperabo (separato ?) .
62 A. cubili suo ; M. speluncam suam . 79 H. corporalia a spiritalibus.
63 M. dividunt. H. omis :... sua , ne ex humore made- 80 B. me transcide aliter (et transcinde a litera) spiritum
facta germinent... (comme D, note 59) ... pereat. Le compi- vivificantem , nec aliter (ne qualiter ?) a germinante in die
lateur (ou l'éditeur) ne s'est pas aperçu que par suite de ce hyeme ( sic), id est judicii, etc.
retranchement, ou de cette distraction, toute la moralité sui 81 B. ei.
vante portait à faux. 82 H et D. omis : Ler spiritalis (H. spiritualis est) , non
64 B. illum ; M. illa. (H. ego) carnalis. Et (H. omis : Liltera occidit, etc. ) uli
65 B. omis ; A. in duo, ne. bi : Littera enim occidit, spiritus autem vivificat. Item
66 A. omis ; voyez nole précédente. (H. Et alibi : Hæc aulem in ' figura , etc.) in alio loco :
67 B, reme; A. hieins comprehendat eas, infundens plu . Hæc in figura , etc.
viam, et fame pereant. El tu, elc. 83 H et D. omis ; voyez note précédente . Quant à la forme
68 M. adfecta ; B a réellement nade fucta, que j'ai cru que donne B à ces paroles de S. Paul, elle n'est semblable à
pouvoir corriger. aucune leçon que je connaisse .
69 B. omis. Ne pourrait-on pas restituer humor... perſun- 84 B. contingebat .
dat ? 85 H. scripta autem sunt ad correctionem nostram .
70 B. semen . 86 D. omis.
71 A. omis ; M, franchissant toujours la moralisation , saute 87 H et D in quos fines, etc.
192 MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE.

A , B. A , B.
103.
rum devenerunt. Iudaei.enim 88 litteram sequentes , ITEM TERTIA NATURA

spiritalem 89 intellectum contemnentes , facti sunt Tempore 104 messis ambulat 105 inter segetes , et
91
prophetarum contemptores '90 ac sui °' Domini inter ; de odore intellegit 106 an ordeum 107 sit spicus 108
fectores. Et ideo nunc usque.fame pereunt 92 quia ille 109 an triticum. Si 110 autem " Il fuerithordeum'12,
inanibus 95 paleis vacantes, triticum perdiderunt 94. transit 115 ad alium spicum 114 et odoratur 5 ; et
Tu vero 95 , homo Dei , rade 96 virgas et tolle corti- quum senserit 116 quia spicum 117 tritici est, ascen
cem 97 earum sicut 98 fecit Iacob ; et sic 99 eas mitte dit 118 sursum 119 in spicum 120, et tollens 121 inde
in aquis (sic) ut oves tuæ 100 mundos ac spirituales, granum 122, deponit 125 et portat 124 eum 125 in habi
non carnales ac vitiosos faciant fætus. Hæc enim 101 culo 126 suo. Ordeum 127 enim brutorum anima

omnia spiritalia (spiritaliter?) sunt credentibus 102 lium 128 cibus 129 est. Denique 150 lob (XXXI , 10)
intellegibilia (sic) ; nisi enim credentes (Isai, VII , dicit 131 : Pro tritico prodiit 152 mihi ordeum .
9 ;; selon les LXX ), neque intellegentes (sic) . Fuge 153 tu, homo Dei , ordium ( sic).; hoc est doc

88 D. autem , solam litteram attendentes, et spiritualem 106 M. advertunt.


107
intellectum non habentes, sui Domini interfectores exti- M et H. hordeum .
.tere, Unde et famepereunt, etc. 108 A. spicum ; H. in spica illa.
89 H. spiritualemque. 109 A. omis.
90 B. interemptores, Domini interfactores (sic) . 110 H. et si fuerit hordeum .
91 B. omis. Voyez note précédente . 111 M. enim 2 ; B. si ordeum autem fuerit.
92 B. periunt. 113 A et B. ordeum .
93 B. incunibus paliis vocantes (sic) . 113 M. transeunl.
94 B. prodiderunt. 114 H. aliam spicam.
95 D. autem . 115 M. odorantur ; H. odorat.
96 B. rede. 116 M. senserini.
97 D. corlices. 117 H. quæ spica.
98 H. omis : ... earum , ul oves tuæ. 118 M. ascendunt.
99 D. ita decorticatas milte in aquas, ut pariant oves 119 B. rursum ; A. in summitatem spici.
tuce spirituales fælus ; non carnales aut viciosos, sed 120 H. spicam .
puros et uniformes . Hæc autem spiritualibus intelligibiliu 121 M. tollentes.
sunt ; si autem non credideritis , non intelligetis. 122 M. grana ,
Item natura formicæ tertia, etc. 123 M. deponunt.
100 B. ut pareant (sic) oves tuæ mundis et spiritale fruc- .
124 M. portant ea.
tus, non carnale ac vitio[sos) fætus. 125 H. illud .
101 H et D. autem .
126 M. habitacula sun ; et là s'arrête l'article des four ·
102 H.... omnia spiritualibus quidem credentibus sunt mis dans cette compilation.
intelligibilia ; non credentibus vero , non intelligibilia. 127 B. ordium ; H. hordeum autem brutorum .
Tempore messis, etc. 128 A. animarum .
103 A. Tertia natura formicæ est : Tempore . 129 B. cybus.
104 D. Quum enim tempore messis in segelem ambula- 130 H. omis : ... cibus est ; unde et hæreticos significal
verint, ex olfactu proprio intelligunt utrum ordeum vel qui, pravo cibo animas hominum pascentes, occidunt .
triticum sit. In ugro si ordeum fuerit transit ad aliam Fuge igitur, o christiane , fuge Sabellium et Donatum et
spicam, odoraturque ; et si senserit spicum triticeam , Photinum ; a quibus tanquam , elc .
ascendit in culmum ejus. Ordeum brutorum animalium 131 A. omis.
est .
132 A. prodidit. Si A et B ont prétendu iraduire exacte
Fuge autem ordeum, o homo Dei, hoc est, etc. - M. sans ment ces paroles de Job, j'ignore quel texte les guidait.
titre, Tempore quoque messis, etc. 133 A. omis. Sautant d'un ordeum aux paroles qui suivaient
105 B et H. omis ; H... messis inter segetes , ex odlore in- l'autre, le copiste a écrit ..... mihi ordeum , hoc est doctri
telligit formica an ; A. ambulant. nas, etc. Cf. supra , p. 175, note 80.
BESTIAIRES (Pl. XX, XXIX), 193

A , B. A , B.

trinas hæreticorum . Ordeatiæ 134 enim sunt et pro- Fotinum 143 , et omnes qui ex Arrii 145 peste 145, tam
cul 135 abiciendæ 136, quæ 137 disrumpunt ei interfi- quam ex utero draconis , serpentini 146 fætus pro
ciunt animas hominum 138. Fuge 159 igitur Sabellium , grediuntur 147. Horum omnium 148 dogmata falsa at
Martionem 140, Manichæum ; .cave Novatum 141 , que 14° inimica sunt 150' veritati 151.
Montanum , Valentinum 142, Basilidem , Macedonium ,

134 B. ordiacii : D. ordeacia enim sunt, pro squaloribus cem (sic) qui omnes fetore [m ?] draconis spargunt ubique;
proicienda, quæ disrumpunt (sic) mores et interficiunt, etc. horum hominum dogmata falsa, atque inimica sint ( sic)
135 B. pro scopulis . veritati. Je reviendrai plus tard sur l'époque où ces divers
136 A. ubitienda (sic) . noms ont pu être ajoutés au Bestiaire.
137 B. qui. 162 B. omis : Montanum, Machedonium ,
138 B. heresis. 145 B. fortinum (Photinum ). •

139 B. fugite ; D. fuge ergo Sabellium sive (sic ) Mani- 144 B. Arriane (sic) stirpe. La version allemande écrit
chæum. aussi Arrius.
140 B. et fuge Martionum (sic ), fugite (sic) Manichæum . 145 B. stirpe .
141 B. Noatum . Celle variante pourrait suggérer l'idée de 146 B. serpentinit.
lire Noetum ; mais une des versions allemandes publiées par 147 B. progrediunt.
M. Hoffmann (p. 32) se rapproche beaucoup plus de A , en 148 H et D , hominuin .
écrivant Novicianus (Novatianus) ; et elle est appuyée par D , 149 H. sunt, itaque inimica veritati.
qui porte Novatianum et Montanum ; fuge Valentinum , 150 B. omis .
Basilidem , Machedonium , Fotinum , et omnem auruspi 151 B. veritate .

BESTIAIRE RIME.

1
XI. Salemon dit al peresus La ù il est formé et dors ;
Que se il velt estre rescus 2 Et quant il sont venu al grein ,
De malveisté et de peresce, De ceo seiez très ben 9 certein ,
Qu'il prenje 33 garde à la pruesce 4
Por l'odor del chaume desuz
Del FORMI qui si est petiz . Sèvent conustre 10, tant sunt pruz,
Sages et pruz est li formiz ; Si c'est orge . sègle , u froment " ,
Si se porveit el tens d'esté Si orge u sègle est, ensement
Qu'en ivern 5 ad tote plenté 6, Le guerpissent et ayant vunt
Et nul altre beste nel fait. Tant que al forment venu 12 sunt.
Quant il issent de lor receit, Dunt montent amont en l'espi ;
Si vont mult ordénéement Quant se sunt chargié et garni 13,
L'un avant l'altre bèlement A lor recet tornent arière
Tant qu'il vènent al blé major 7 Bèlement tote la charière 14 .

1 x et Y. péréçous. cependant ne pourrait-on pas douter s'il faut transcrire d'or ou dor?
2 X. rescous ; délivré, tiré d'affaire, débarrassé ; ANGL. rescue ; 9 X. trestuit ; Y. soiez trestoz.
ITAL. riscuotere ; FRANÇ. escousse, rescousse. 10 X. quenoistre ; Y. conoistre.
3 Y. prègne ; formes subjonctives, comme on a vu précédemment : 11 Y. Se c'est orges, seigle [ou] frement ;
qu'il augent, pour qu'ils aillent. Cf. p. 147, note 3. Se seigle ou orge est, finement
4 X et Y. proece ; habileté, capacité, avantage; ital. prodezza. Le grepissent, etc.
En anglais, ce mot a tourné au ridicule (proud, proudness); comme Z. S'il est orge, soile u forment ;
nous disons : un homme avantageux , un air capable, une prude. Se orge u soile est, finement.
5 X. Yver ; Y. iver ; lat. hybernum (tempus) . Le grépissent, etc.
6 Y : planté. L'autre forme mettait mieux sur la trace de pleni- X. Se c'est orge, seigle, o aveine,
tudo ; mais la mauvaise orthographe prit le dessus, et passa dans ' . Tot par leur nature demaine (deveine?). Etc.
plantureux; angl. plenty, plenteous. 12 Y. plenu.
7 X. meur et dur. Cf. infra , p. 200, note 12. " 13 Z. cargié et warni ; pourvus.
8 Nous avons rencontré dorement pour durement ( fortement); 1. Z. cariere; route , chemin des voitures.

II. 25
1
196 MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE .
Car jà as noeces n'enterunt Qu'averont 79 lor lampes emplies.
Qui lor lampes pleins 7525 n'averunt Més qui la lampe voide 89 avra,
De bon oille , por vérité , Sachez qu'il jà 81 n'i entera ;
Ceo est d'oille 78 de charité. Ainz remeindra , pur vérité,
Cil enterunt , je vus afi 77, En doel et en cheitiveté :
Od l'espos al riche convi 78, El feu ardant, el grant torment
De bones oevres en lor vies Qui durra pardurablement.

75 X et Y. plaines n'aront, et n'enterront. 79 X. qui aront ; X. kil aront.


76 Y. bone eule ; X, boin oile, 80 X et Y. vuide.
77 X. Cil i enterront, je vos di. Cf. supra, p. 118, note 6 . 81 X et Y. que já.
78 Festin ; ITAL . convito.

OBSERVATIONS .

Quelles que soient l'industrie et l'activité de nos fourmis indigènes, l'antiquité avait proba
blement emprunté à l'Asie et àà l'Afrique une vague connaissance des fourmis (ou soi-disant
fourmis) étrangères dont les grands travaux auront servi à gonfler l'éloge des fourmis euro
péennes (Cf. Ælian ., XVI , 15) . Du reste nos fourmis, même les plus communes , n'ont pas
eu le sort de tant d'autres animaux beaucoup plus célèbres, qui ont été dépouillés de toute
leur gloire par les progrès de l'observation . Cette petite créature , au contraire, n'a fait que
grandir quand elle a trouvé des hommes qui l'étudiassent de près ; et après les merveilles que
ses historiens ont constatées , surtout dans notre siècle , elle peut sans regret se dépouiller des
concessions gratuites qu'on lui avait faites autrefois. Car Dieu lui a donné bien au-delà de ce
que les hommes lui prêtaient. De ses soins pour distinguer , préserver et emmagasiner le fro .
ment, malgré les assertions constantes des écrivains (Cf. Bochart, l. cit. P. II , libr. IV,
c. 20-22 ; t. II , p. 588-6.2. Plin .; XI , 36 , al . 30 ; X , 93. Ælian . II , 25. – Leemans , l.
cit. , 275. ) , il ne reste aujourd'hui à peu près rien ; et si la matière est belle encore pour celui
qui voudrait tourner en applications morales l'histoire des fourmis, elle serait du moins tout
autre que ne la faisaient les vieilles leçons. Tychsen - prévoyait déjà sans doute cette révolu
tion imminente de l'histoire naturelle en ce point quand il se montrait si sobre de détails
dans le chapitre qu'il accorde (p. 79-83) à ce curieux insecte. En effet, quelques années plus
tard un nouveau jour se leva sur les meurs de ces petites républiques qui ont échangé leur
réputation de moissonneuses contre celle de peuple pasteur, architecte et conquérant.
B ESTIAIRES (Pl. XX ). 197

29 ( Fig. AF)

LI OSTRISCHE

Un oisel qui est apelés ostrische . Phisiologe dist qu'il est de tel nature que il mangue fer se
il le trueve. Et si a I lonc col comme un chispe ? ; et tele teste, mais qui est plate deseure ;
et bec de cine, mais qu'il est plus lé “ . Si a jambes comme asne, et les quises ensement ; et
ses piés fendus comme de cerf. Et quant ses tans est s que il doit ponre, si pont el sablon ;
et laise son oef iluec gisant, ne ja puis ne le regardera. Mais li solax e , qui est come calors
dont totes coses vivent ça aval ? , le norist el sablon ;; et ensi vient à vie, ne ja autrement n'iert
covés . Et si tost comme li oes est escloes, si quiert li ostriceaus sa pasture.
Li ostriche est example del home qui vit en carité , et est paciens et humles 8 , et soffrans et
pitious . Ces vertus escaufent l'âme, et le mainent à vie ; c'est en joie perdurable et perma
nable sans fin . Et quant l'âme est en ceste joie , dont est èle covée et norie en vie del verrai
soleil de justice ; si come li oes de l'ostriche est cové par la calor del soleil . Dont Amon li
prophètes nos dist que il n'est nule cose qui mels 10 valt de carité; car Dex dist meismes " :
Qui maint en carile, il maint en moi, et je en lui.

· Autruche ; ESP . avestruz, ITAL, struzzo , LAT. struthio . 5 Quand est venu le temps où il doit pondre.
Sous divers noms cet oiseau a reçu l'honneur de deux arti- 6 Le soleil. Nous avons ailleurs solaus.
cles dans le manuscrit de l'Arsenal. Mais c'est plus bas, nº 52 , 7 Ici bas.
qu'on trouvera le véritable texte inspiré par les vieux Bes- 8 Humble .
tiaires. Ni R ni S n'ont celui- ci. 9 Pieux ; ITAL. pietoso. Notre mot piteur conserve encore
2
Cygne ; Esp. cisne. la vieille forme, tout en recevant une signification un peu
* 3 Dessus, les Picards disent encore desur ; LAT. desuper, différente .
ITAL. disopra. 10 Mieux ; Lat, melius.
* Large; Lat. latus. Cf. supra, p. 195, note 62. 11 I Joann. IV, 16.

Les observations trouveront place plus naturellement au n° 52 de ce même Bestiaire. Fai


sons seulement remarquer, dès maintenant, quant à l'iconographie de cet oiseau curieux , que
sa réputation de manger et même de digérer le fer l'a fait souvent représenter avec un fer
de cheval dans le bec. C'est ainsi que le peint la miniature du manuscrit E, par exemple. En
blason, comme ailleurs , il n'y faut point chercher, si je ne me trompe , d'autre signification
que celle de ces deux vers consacrés à l'autruche dans l'Image du Monde:
L'ostriche ſer mangüe bien,
Ne ja ne li grèvera rien.

Le tout, sans rien préjuger du reste sur les rébus et autres bizarreries qui ont motivé par
fois l'adoption de cet animal.
198 MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE .

30 ( Fig . AG ).
LI HÉRICHONS " .

Une beste est qui est apelés hérichons. Phisiologes dist que il porte la samblanche º del
porcel alaitants. Li hérichons est defors tot espinous *. Et quant ce vient al tans que roisin 5
7
sont, il entre en la vigne ; et là où il voit la bone crape 6 , il monte sor la vigne ; et si escoust ?
>

si que li roisin en chient 8 à terre. Après descent, et envolope soi ' ès roisins tant que il sont
tot fichié en ses espines 10, si les porte à ses faons " . Et se il encontre chien ou altre beste qui
.

mal li velt faire, il se volope tot en une roele ' ; si qu'il ne li'osent mal faire por ses espines ,
ensi escapa sovent. Et tot dis quant il va cargiés à ses faons, si va chantant.
Et tu, hom de Deu , garde toi del hérichon, c'est del déable ; il est espinous, et si est plains
7

d’agaitemens 13. Que la cure et li délis des corporels ex 14 ne puisse fichier des esperitels co
ses 18 en ses espines ; et que il ne te face viande as bestes, et que t'âme ne soit mie nue et
vaine et wide 16 si comme la vingne 17 qui est escoée 18 qui remaint sans grape ; que tu ne cries
après 19 : Je gardai malvaisement ma vinge (vingne ? ) . 4

R et S. heriçon . manuscrit D : « Hujus autem herinacii natura ést ut si quando


2 R. sanblance. a senserit hominem , contra omnes insidias protegit (se?) suis
s Cochon de lait. Cf. infra ,.p. 200 , note 6. « spinis, et in globum colligit; ac velud (sic) plaustrum stri
4 R. et S. espineus. « det. »
R. raisin ; S. les roisins. 12 Boule.
6
6 S. Grappe. 18 Embûches, projets perfides, etc.; ITAL. agguato. Notre
? R. et sequeut la crape si que, etc. Il secoue ; ITAL. SOC- mot guetter, guel , aguet, est un reste de celle famille .
cuote. Nous avons encore escousse pour signifier un élan 14 R. des temporeus (S. corporeux) biens.
brusque, S. esqueut la grappe. 15 S, tes esperiteux biens.
8 Tombent, choient; S: le roisin chiet . 16 R. vuide et vaine si com li ses (cep) qui remaint sans
9 Se roule, c'est le sens primitif d'envelopper ; lat. volu: les raisins. S. et l'arme ne soit vuide ne vaine, sicomme
tare, S. se enveloppe. lez ses qui remaint sans grappes...
17
10 S. ses piquons. Vigne
11 Les deux phrases suivantes, qui manquent totalement 18 Secouée ; LAT. excussus. Cf. note 7 ; et p. 193, note 2 .
dans les manuscrits R et S, se retrouvent à peu près dans le 19 Cant. 1, 5.

BESTIAIRE LATIN .
MSS . B , D.
MSS . C, A.
XIII. DE HERENACIIS .
XII . DE NATURA YRICII 38.
Physiologus 2? dicit quoniam herenacius figuram
habet porcelli lactentis 4. Hic de foris 5 totus est 6 Ericius quidem figuram habet totum ( sic) spi
1 D. de herinacio ; M (p. 592) . Erinacius. neam , et totus de spinis plenus est. Physiolocus
? B. Fisiolocus. ( sic) dicit de eo : tempore vindimiæ ( sic) ascendit
3 D et H (p. 419 ), de herinacio (H. herinaceo) quod figu
rain ; M. si tamen creditur, quoniam figuram .
38
6 B. lactantes, A. de her inaliis. Herinatius est spinis plenus . Ascendit
5 D. est lotus spinosus; qui tempore vindemiarum ; B. de autem in botro (sic) vitis , et deicil racemos in terra (sic) ,
foras ; H. omis.... lactentis et est totus, etc. (comme D) . hoc est uvas ; et volvens se super eas, adhurrent spinis
6 M. spinosus est . ejus, etc.
BESTIAIRES ( Pl. XX). 199 .
B, D. C, A.
spinosus ; sed ? tempore autem vindemiarum in- in vitem super brutuum (botrum ) et deicit grana
greditur in 8 vineam ", et ubi viderit 10 uvam bo- ejus in terra ; et descendens volutat se super grana ,
8

nam , ascendit super II vitem 12 et exacinat 15 uvam 14"4 et adhærent in spinis ejus ; et adferet 39 filiis suis ,
illam ita ut cadant 15 omnes acini 16 in terram 17.
et dimittit recema 40 butrui (racemum botri ) va
Tum demum descendens, volvit se 18 super illos ;
cuum .
ita ut omnes acini 19 figantur20 in spinis ejus. Et sic
portat escam 2 filiis suis. Et tu, christiani 4!, si fueris Dei vitis , conserva
Tu vero, homo Dei 22, custodi diligenter 23 vineam ergo te ne ascendat as (síc) ad te diabolus ; ne
tuam et 24 omnes fructus ejus spirituales 25, ne 26 te quando corrumpat viam tuam bonam et dispergat
occupet 27 istius seculi sollicitudo 28 et temporalium filiis suis, id est idolis et adversariis potestatibus ,
bonorum voluptas; et spinosus diabolus dispergens29 et dimittat recemum (sic) tuum vacuum . Quia si
omnes spiritale (sic) fructus tuus (sic) et figat (infi- botrus (sic) tuus custodieris , poteris adduci ad
gat?) spinis suis 50, et faciat te escam bestiis ; et 51
spiritalem torcolarem (sic) ut reponaris in cellario,
fiat anima tua nudą , vacua 32 et inanis sicut pampi
55 clamabis boc est in atria regis Christi , quæ possunt vinum
, Et post hæc gratis 35
nus 57 sine fructu 34.
dicens (Cant. I , 5) : Vineam meam non custodici, bonum in lætitiæ (sic) cordis homini præstare.
sicut 36 in canticis canticorum Scriptura testatur
39 A. defert .
congrue . 40 A. racemum butronis (botryonis ?) .
Igitur Fisiolocus naturas animalium 57 contulit et 41 A. christiane, operare abstinens in omnibus. Astitisti
contexuit intellegentiæ scripturalium ( spiritua spirituali vineæ ; propter quod aferes in spirituali tor
reco culari, affer
ndens in atriis regis, quod tur in sanc
lium ?) scripturarum rerum ?) . tum tribunal Christi in vitam æternam . Quomodo dimi
sisti illum spiritum nequissimum ascendere in locum tuum
7 M. omis ; D et H. qui, voyez note 5 . ut spolia adversariis virtutibus divideret !
8 D et H. omis. Juste autein statuit Physiologus naturas animalium
9 B. vinea . spiritualibus rebus. Bien que A et C n'aient réellement que
10 H. invenit vitem oneratam , ascendit supra et excu quelques lignes en commun, on y reconnaîtra sans doule deux
lit racemos ad terram ; deinde descendit et involvit se variations d'un seul theme, pour ainsi dire.
super congregalos racemos ut infigantur in spinis suis, et Remarquez, en passant, l'ancien symbolisme chrétien des
sic ſert escain calulis suis . vendanges.
11 M. per ; D. supra , etc. , comme H , jusqu'à involvil.
12 B. vitæ .
28 B. sollicitudinis temporalium virtutum (sic) volupta
13 B. exacenat .
tes ; et tunc spinosus, etc.
14 M. eam , ita ut.
15 B. cadeni.
29 D et H. infigat spinis suis omnes (D. omis) fructus
tuos spirituales, et det (H. faciat escam ) eos escam, etc.
16 B. aceni.
30 B. spinarum suarum .
17 B. terra .
31 B. ut fialte (sic) anima.
18 M. sese ; D. involutat se super erpansos racemos , etc. , 32 D. et vacua .
comme H , jusqu'à fert ; voyez note 10. 33 B. facinus (acinus? racemus?) ; H. pampinus , sive vi
19 B. acene.
tis, ablatis uvis. Post hoc enim frustra clamabis : Vineam .
20 B. fugantur. 34 D. uvis . Post hæc autem incassum et gratis clama.
21
D. eos escam filiis suis. Après quoi D et H intercalent bis : Vineam .
cette phrase parfaitement oiseuse : Est autem aptus medi- 35 Δωρεαν, ου μάτην .
cixit , coclus et comeslus proficit . 36 D et H , après custodivi, ajoutent une autre propriété du
12 B. Deo
hérisson ; et H seul s'efforce d'en tirer une moralité dont le
23 D et H. omis .
style trahit une époque bien plus récente que celle du Phy
24 B. ut .
siologus.
25 B. spiritales. 37 Mot qui était difficile à lire, et pour lequel je n'ai aucun
26 B. nec .
moyen de collationnement dans les manuscrits employés pour
17 B..occupat . ce travail.
MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE.
200

BESTIAIRE RIMÉ.

XIII. Del bestiaire ai ' mult à dire , Et il est aval descendu ,


Sunt 2 essample et bone 3 matire Pardessus se croulle 15 et enverse
Et sentence et bone raison. Et al long et à la traverse.
Or vus dirai del HÉRICON ", Tant que les résins sont fichées 16
Que 5 est fait cum un porcelet Es brocimes 17 qui sont dougées 18.
Quant il est chargé durement ,
Quant il alleite 6 petitet. Si s'en revent 19 tot dreitement
Mult parest richement armé,
A son recet à ses foons ;
Car de nature est espiné ? ;
Et quant il ot, u veit 8, u sent Et tant cum dure la saisons ,
Près de li 9 u bestes u gent, Des pomes fait il altresi
En ces armes se clost 10 et serre ; Cum des reisins duot jo vus di .
Puis ne dote ' l il guères la guerre. Bon cristiens 20 qui reisons as,
D’omme ne se pot il défendre, Ceste essample n'obliez 21 pas :
Mès si bestes le volent prendre, Mès gaite 22 tei del heriçon 23,
Ne sai comment le dévorast Del traître 24 colvert 25 félon ;
26
Que malement ne s'enpeirast. Garde ta vigne et top pomer
Mult est cointes li héricons Del séduianz 27 laron fraiter 24,
Qui meint en bois et en boissons ; De malfé qui toz jors enginne 29
Une mult grantcointise fait Que il ait le fruit de ta 30 vigne.
Quant sa viande quère vait : Si nule bone overainne 31 as fète 32 ,
Tote sa petite aléure Li déables 33 toz jors agaite
S'en vait à la vigne majore 12 , Qu'il te ait tien 34 et enginné
Tant fait qu'à la vigne est monté Et boté 35 en alcon pecché 36 ;
U plus ad de résins 13 planté , Tant qu'il poisse 37 le frait 38 escorre 39
Si la croule 14 si durement Qui te deit aider 40 et socorre 41 .
Que il chéent espessement. Dès que li deables aprent
Quant à terre sont espandu Que la cure del mond te prent ,

1 X. El bestiaire a. 21 X et Y. n'oblie.
3X et Y. Grant. 22 X et Y.garde ; Y, toi.
* X. bele matire ; et au vers suivant, bele raison . 23 Y. iriçon ; 2. hyreçon .
24 X. Y. Z. traitor ; ESP . traidor,
4 Y. de li riçon (del iriçon ?) ; Z. del hyreçon.
25 X. cuvert ; Y. couverl ; Z. cuivert ; perfide. Si ce mot vient du
5 X et Y. qui. latin coluber (fraus serpentina ), Colbert aurait fort bien traduit son
6 Y. alaite ; un cochon de lait. Nous aurons ailleurs porcel allai
nom en choisissant pour armes parlantes un serpent (couleuvre).
tant (lactens ). 26 Z. pumier.
7 Y. espinez et armez , 27 Y. Dou traitor laron franter ;"
8 Y. ou voit, ou etc. Z. Del traitor cuivert frotier. Ce vers et le précédent man
9 X et Y, lui ou .... ou. quent dans X.
10 Y, s'enclot. 28 Ce mot m'est inconnu . Aurait -il fallu lire fruitier ?
11 Y, ne doute quaires. 29 Y et Z, engigne.
12 Nous avons déjà rencontré (dans l'article fourmis) major pour
mür ; et sans ce nouvel exemple on pourrait y soupçonner une inad 30 X. la.
vertance de copiste. Du reste, cette fois encore X et Y ont méure. 31 X. ovraigne ; Y. ovraige.
32 Y. faite.
13 Y. rasins ; lat. racemus.
33 Y. anemis .
14 Agite, ébranle ; IȚAL. crollo . Y. crole.
34 Tenu, saisi , pris . X et Y, t'ait trai.
15 X. voutre ; Y. voute; FRANÇ. vautrer .
16 Y. fichie, et dougie. Cf. supra , p. 119, note 27. 35 Y. bouté an ... péché.
17 Y. brocones ; X. prochétes (sic) ; épines. Franç . broche, bro 36 X. aucun péchié, et enginnié.
chette ; ITAL. brocchetto . 37 X et Y. puisse.
38 X et Y fruit .
18 X. deugèes .
19 X. s'en torne tot bélement ; Y. s'en retorne droitement. 39 Secouer, faire tomber ; Lat. excutere.
40 X. édier.
20 X et Y. crestien .
BESTIAIRES (Pl. XXI) . 201

De bien boter enz tei se haste 42, Ta vigne et ton pomer escot 3
Tes fruis espéritels dégaste , Issi 41 te guerroie - il 45 par tot.

41 X et Y. secorre . 43 X et Z. escout ( secoue ).


42 Les diverses variantes de ce vers ne m'offrent rien de satisfai 44 Z. Ensi.
sant. Ne pourrait-on pas supposer : Di se bouter en : tvi, etc. ? 43 Z. gerroie ; X. guerreie de bot .

OBSERVATIONS .

Faut-il s'étonner si les mœurs d'animaux étrangers ont été l'objet de maintes contestations
ou d'un scepticisme moqueur, lorsque nous voyons Buffon douter si le hérisson monte sur les
arbres et s'il emploie ses pointes à recueillir le butin qu'il veut transporter dans son réduit ?
Bien que ce petit quadrupède choisisse volontiers les ténèbres pour faire ses excursions , il ne
faut pas du moins de grands voyages ni une application bien minutieuse pour étudier sa
manière de vivre. Mais, à défaut des naturalistes modernes, les chasseurs et les agriculteurs
confirment à peu près les relations des auteurs anciens. Cf. Elian. III , 10 , — Bochart, P. I ,
libr. II, c. 36 ; t. I , p. 1038. — Antholog. græc. libr. VI , tit. 7, epigr. 4 , 5 (ed. de Bosch,
t . III , p . 98 ). – Tychsen , p . 69-73.
000

31 ( Fig. AII ) .

UN OISEL C'ON APÈLE YBEX ! .

Uns oiseax est qui est apelés ybex. De eestụi dist Phisiologes que il n'est mie 2? nès 3 oiseax.
Car il vit tos jors de caroingnes morte, qu'il trueve sor le rivage de la mer ou d'autres aighes.
Et quiert par jor et par nuit les mors poissons ou la charoigne qui est jetée 6 hors del rivage .
Car il n'ose entrer en l'aighe, por ce que il ne set noer . Ne il ne n'i 6 met mie paine àà l’apren
dre, por le délit des caroignes , et por ce ne poet il aler as hautes ondes où li poisson sont
8
net ? ; ains ſuit les pures aighes & où il ne poet vivre se à grande caitiveté non '.
Tu, hom crestiens, qui d'aighe 10 et dou Saint Esperit es rengénérés " , entre les esperitels
aighes 12 ; c'est en la haltèce del mestier 15 Deu . Et iluec pren les esperitex viandes et les nè
tes , que li Apostres reconte 14 ; qui dist 15 : Li fruis de l'Esperit est charités, paix , pacience,

1 Ibis. Cf. súpra , p. 170 , note 1 . 9 Si ce n'est en grand malaise.


2
S. qu il n'est pas net oisel. 10 S. diaue et de...
3
Propre, net. 11 R. qui d'ève et de saint Esperit iès než.
4 R. charoignes ; S. charongnes. 12 R. les espéritueus choses ; S. espériteux yauis.
5 R. qui porrie est gelée fors de l'ève. 13 Enseignement, doctrine ; LAT. magisteriun . De là sont
6 R. ne il ne set, ne il ne met nule paine, etc. venues les maitrises et les métiers.
7 R... sont net, et où il peust vivre nètement, 14 R. raconte ; énumère, récite.
8 R. èves . 15 Galat. v, 22.
IL. 26
202 MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE .

bontés 16, bénignités, fois, temperance, contenance , castées, et autres vertus. Et se tu ne vels en
trer ès hautes aighes à prendre de ces esperitex viandes, dont ières 17 tu encraisies 18par defors
des ordes caroignes et des mortex 19 dont li Apostres dist 20 : Les oevres de la car sont apertes.
Quels 21 sont èles 22? Fornication, luxure, ivrèce, avarice, covoitise. Ce sont les arnels et les
mortels viandes dont les maleurouses ames sont nories à soffrir paine .
Tu hom apren à noer en ceste mer : c'est en cest siècle où il a tant de bestes rampans, qu'il
n'en est nombres; c'est de contrariétés , ne tu ne pues sormonter se par signe de crois non .
Quant tu dois aorer 23, tent tes mains as ciels ; car la vertu de la crois deffent totes ores les
orans qui dient 24 : Sire, saignié est la lumière de ton volt a sor nos. Car se li solaus n'estendist
ses rais , il ne luiroit mie ; ne la lune, s'éle ne se descovroit ; ne li oisel meisme ne poent 26
voler se il n'estendent lor èles ; ne les nès,27 corre, se li voille ne sont dréchié al vent. C'est à
entendre que nos ne poons vaincre les contraires ondes de cette mer, — c'est la volentés de
cest monde , — se nostre voille ne sont levé et drécié , et se nostre cuer ne sont levé en bones
.

oevres. Tant comme Moyses tenoit ses mains droites et levées, tant venquoit il Amalec et son
pople qui contre Dieu ert 28; et quant il les tenoit basses, dont venquoit Amalec. C'est à enten
7

dre tant que nos atendons 29 droit en bones oevres, tant vencons nos le diable. Et quant nos
retraions nos cors 30 de ben faire , dont nos vaint li diables. Li saint sont figuré à cest exam
ple , qui sormontèrent la mer, — c'est le monde; - et vindrent à droit port, c'est as règnes
des ciels. Cil qui ne sèvent noer espéritelment, nagent 31 ès mortels oevres , et sont fors clos
32
del célestiel règne ; et il sont mort et perissent avoec les mors dont Dex dist en l’Ewangile :

Laisies 53 les mors ensevelir les mors.

16 S. pacience, continence, foy , chasteté , humilité, et 26 S. porroient.


autres. 27 Navires, neſs. Ces allusions à la forme de la croix, toutes
17 R. donc ères tu encraissies ; S. dont seras tu engrais forcées qu'elles semblent être, sont répétées avec une affec
siés par dehors d'ordes charoignes. tion marquée par les SS. Pères des premiers siècles ; et il
18 Nourri, engraissé, de même que nous avons vu crape eût été aisé d'en citer maint exemple, si cela eût pu être utile
( grappe ); LAT. incrassatus. ici. Mais je n'ai pas cru que l'on me sût beaucoup de gré si
19 R. morteus ; S. morteur. j'avais à cette occasion entassé force textes des écrivains
20 Galat. v, 19. ecclésiastiques grecs et latins. Toutefois S. Justin (Dialog.
21 S. C'est assavoir fornicacions, yuresse , avoutire, et cum Tryph ., c. 86 , 89-91 , 94, 97, etc. — Apologet. c. 89-97)
convoitise. mérite peut-être d'éire particulièrement désigné quand il s'a
2. Le traducteur lisait évidemment un texte où la ponctua- git d'un ouvrage qui m'a semblé pouvoir être attribué à son
Lion était différente de celle qu'a fixée notre Vulgate. La mème disciple Tatien .
forme se retrouve dans le Bestiaire rimé. 28 S. estoit.
23 Prier Dieu, adorer. R. quant tu oureras. (S. aoureras), 29 R. Tant com nos nos tenons droit en bones vertus,
ten ... tant vaincons nos Amaleth , ce est le deable.
24 Ps. iv, 7. 30 R et S ... cuers de bien faire , donc, etc.
25 Visage ; lat. vultus, ital. volto. Nos aïeux juraient par 31 S. noient.
le saint voult de Lucques, portrait (ou censé l'ètre) de notre 32 Luc. 18 , 60.
Seigneur , qui attirait de nombreux pélerins en Italie. 33 Laissez ; ITAL. lasciate. R. laissiez.
BESTIAIRES (Pl. XXI). 203

BESTIAIRE LATIN,

MSS . B, H.

XIV. VOLATILE QUOD DICITUR HYCUS I. · fugiens 18 puriores 19 et altissimas aquas unde pos
Hoc est ? secundum legem (Levit. XI, 17) in- sit 20 mundis 21 vivere.
mundum est præ omnibus volatilibus, quoniam
.
Tu igitur, christiane homo, qui ex 22 aqua et spi
morticinis 3 cadaveribus vescitur ; et secundum 5 ritu jam 23 renatus es , ingredere ad 24 intelligibiles
littora maris vel fluminum vel stagnorum die noctu- 6 et spirituales aquas, id est in altitudinem præcep
que moratur ? , quærens aut mortuos pisciculos aut8 torum - Christi ; et inde 26 tibi sume spiritale[s]
aliquod ' cadaver. Nam 10 in aquam II ingredi ti- et mundissimos cibos quos enumerat Apostolus
met 12 quia natare nescit ; nec dat operam ut dis- (Gal. V, 22) dicens : fructus autem Christi (sic)
cat, dum 15 mortuis cadaveribus delectatur 14. Ideo est caritas, gaudium , par, patientia 27 , longanimi
non potest in altitudinem 15 aquæ ingredi, ubi tas 28, bonitas, benignitas, mansuetudo, fides, mo
mundi pisciculi demorantur, ut inde sibi capiat destia, continentia,, castitas. Quod si non 29 volue
cibum 16 ; sed semper foras " ? oberrans circuit, re- ritis (sic) in altiores 30 aquas ingredi, et 31 de ipsis

1 Hybus, peut-être. Quand nous n'aurions pas les textes d'un article consacré à notre oiseau ; Ibit (sic) circa labia
français qui nous mettent sur la voie, nous pourrions, à l'aide fluminum vel stagnorum , et depascit (sic) non potest in al
du prétendu Hugues de Saint- Victor et de Vincent de Beau- titudine ; sed ubi immundi pisciculi demorantur et inve
vais (Specul. natur ., XVII, 96 ) , reconnaitre l'Ibis traité niuntur foris ab altissimis locis. Dissce (sic) nunc spirita
peut-être ici avec d'autant plus de rigueur qu'il avait été plus liter naturas (natare ?) , et vineas (undas , sinus ?) intellec.
haut placé par le paganisme égyptien . Du reste, quoique cet tuales. Altum flumen , altum (Sibos, profunditas) divitia
oiseau ne soit pas aussi ignoble dans ses goûts que le prétend (divitiarum ?) sapientia ( sapientiæ ?) et virtutes (virtutis?)
notre Physiologus, l'antiquité gréco -latinc (Cf. Savigny , llist. Dei (Rom . xi , 33) sunt. si vis ascendere in altitudinem ,
de l'Ibis, 105-108, et 193-195) n'avait été guère moins rigou- et mysteria Domini nostri Iesu Christi discere. Ce frag
reuse envers lui. Dans le fait, il fouille habituellement la fangement s'arrète ainsi, plus brusquement encore qu'il n'avait
et les eaux basses, pour y chercher des vermisseaux et de commencé. Je regarde le vineas (pour undas) comme une
petits mollusques ; mais, comme le dit notre texte, il évite les cause ou un effet de la bévue qui a fait incorporer ces lignes
grandes eaux, et ne s'approche même pas de la mer. Cf. Savi- à l'article du hérisson. Du reste des intercalations de ce genre
gny, l. cit. , p. 53 , sv. se reuouvent dans presque tous les Bestiaires latins manus
2 D. point d'Ibis ; H ( ). 417). Est volatile quod dicitur crits que j'ai pu étudier.
Ibis. Hoc secundum Legem . Pour A, voyez la note 111. 15 B. altitudine,
3 H. mortuis et morticinis , etc. 16 B. cybum .
4 B. vestetur. 17 H. foris.
5 H. super. 18 B. refugens.
6 H. nocte . 19 B. priores.
7 B. conbulat ( coambulat ?) . 20 Posset ?
8 H. vel. 21 H , mundus.
9 B. Aliquid. 22 B. et (per ?) aquam et Spiritum sanctum .
10 H... cadaver quod ab aqua, jam putridum vel madi.. 23 H. sancio .
dum (tabidum ?) ejectum fuerit foras. Num . 24 B. et intelligibile et spiritale (sic) aquas.
11 B. aqua . 25 B. justorum ( jussorum ?) .
12 B. ingreditur et quia , elc. 26 H. omis : ... Chrisii , quce sunt charitas.
13 H. quia . 27 B. panitentia.
14 A , dans son état actuel , semble avoir omnis entièrement 28 H. benignitas, longanimitas, bonitas, mansuetudo.
l'Ibis (comme M ) ; mais à la suite du hérisson, sans nouveau 29 H. quia si nolueris in.
titre, ni alinéa, ni point, viennent immédiatement les lignes 30 B. altioribus.
suivantes, où il n'est pas possible de méconnaitre le débris 31 B. ingrediit.
204 MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE .
B. H.

spiritales 52 escas 55 tibi capere et sumere ; sed cir- non exierit (exserat )?) cornua sua, non lucet ; volu
cumiens 54 foris et oberrans, mortuis et foedissi- cres cæli , nisi expanderint 47 alas suas 48, volare 4 ",
mis 55 cadaveribus saginari 36 volueris , de quibus non possunt ; naves , nisi levaverint 50 vela sua,
dicit Apostolus (Gal . ,
V, 19) :manifesta autem sunt vento flante si non movebuntur. 52 Denique dum
opera carnis, quæ sunt immundicia, adulteria , for- Moyses levabat 55 manus suas, superubat Israel ;
37
nicatio, impudicicia , luroria (sic) , idolatriæ 57 , quum remitteret manus suas, convalescebat Ama
abrietas, avaricia 58, cupiditas ; hæc sunt carnales lech (Exod. XVII , 11 ) . Sic 51 igitur omnes sancti
et 59 mortiferæ escæ quibus infelices animæ nu- in hoc figurantur tamquam aves (naves) pertran
triuntur ad pænam . Disce igitur natare 40 super hoc seuntes (quæ ?] perveniunt ad regna cælorum
mare magnum 41
et spatiosum manibus, sunt illic [velut ad] quietissimum portum . Nescientes autsi
reptilia quorum non est numerus (Ps. CIII , 25) . (autem ) spiritaliter naturæ (natare), sed terrenis
Nec aliter 42 ea superabis nisi per signum crucis. ac mortuis operibus vacantes, exclusi sunt de regno
Et 45 tu , quum oras, extende manus tuas ad cæ- cælorum , [et] mortui (cum mortuis] pereunt ( sic) ;
lum 44, quia virtus crucis semper 45 defendit oran- sicut dicit Dominus in Evangelio suo (Matth . VIII,
tes et dicentes ( Ps. IV, 7) : signatum est super 22) : Dimitte mortuos sepelire mortuos suos. Con
nos lumen vullus tui, Domine. Nam et sol ipse , veniuntur 55 .
nisi extenderit radios suos , non fulgit 46 ; luna, si

32 H. spiritualibus. 44 H. cælos.
33 B. escam . 45 R. super (sic) oportet operantes (sic) et dicentes.
34 B. arguens deforas se oberrans. 46 Fulget; H. lucet ; et volucres, etc. Tout un membre de
35 B. et de ſedissimis . cette phrase, comme on le voit, a été omis dans l'imprimé qui
36 B. saginares quibus dicil. porte le nom d'Hugues.
37 H. omis . 47 B. ertenderit. Dans B, tous les mots compris entre
38 H. ebrietas, commessalio, avarilia, cupiditas, ad im- exierit et valere (Cf. infra, note 49) ont été écrits en murge
mundorum societatem pervenies. Hæ sunt. L'éditeur d'Ilu- par une main plus récente.
gues de Saint-Victor a fait (ou laissé) imprimer en italiques ad 48 B omet les deux derniers mots .
immandorum ... pervenies, comme s'il cît pris ces mots 49 B. valere.
pour une citation de l'Écriture sainte ; B, ne les a pas , mais sa 50 B. lcvaverit.
phrase demeure suspendue de façon à laisser soupçonner une 51 B. ventis plentibus (sic) .
lacune . 52 B. movetur (moventur).
39 B. omis . 53 B. elevare [ ] .
40 B. notare ; serait -ce l'italien nuolare ? 54 H. s'arrête à la fin de la phrase précédente. Du reste .
41 B. omis. tout ce qui suit dans B. n'est qu'un équivalent de ce qui avait
42 H. eos aliter suporabis. été intercalé précédemment dans II.
43 H. sancti igitur, tamquam naves pertranscuntes, per 65 Convenienter. La dernière phrase, représentée par ce
veniunt ad regna cælorum velut (ail] quietissimum por- mot, a été non seulement tronquée, mais fondue dans le titre
tum . Nescientes autem spiritualiter natare, excludentur suivant par le manuscrit B. Il sera aisé de la restituer à l'aide
a regno cælorum ; et mor !ui cum mortuis peribunt; sicut des paroles qui terminent l'intercalation faite par H ( supra ,
dicitur in Evangelio : Dimille mortuos sepelire mortuos. note 43) . J'aurais pu dans cet article m'aider de Gesner ( llisi .
Convenienter ergo hoc de Ibi Physiologus dicit; et quod animal. libr. II ) qui parait avoir lu le physiologus latin :
serpentes violenter (volantes ?) fugat. El tu , quum oras. mais c'est assez de variantes, ce semble.
BESTIAIRES ( Pl. XXI). 205

BESTIAIRE RIME.

XIV. Un oisel est , unc ' ne ſu tex , Et que je trois 14 en son escrist ;
Que en latin ad non YBEX ; Nul ne doit tenir à eschar 16.
Son non ne sai en roman mie , Les oevres , dit- il, de la char
Més mult est de malveise vie , Sunt apertes, et mult malveises;
Nul n'est plus ord ? ni plus malveis. A l'alme engendrent grant meseises.
Cest 3 oisel si habite adès Coment'ont ces overaines non ?
En rive d'estan 4 u de mer : Orgoil et fornicacion ,
Saver 5 se il porreit trover Conveitise , iveresce 16, avarice,
Charoinneou peisson porri Enrie qui mult est mal vice.
Car de tel viande est norri. Tèle viande use le las 17
La charoigne que la mer gecte , Qui n'ose, ne qui ne volt pas
U home u peisson ou glecte , En la bèle ève clère entrer ,
Cèle atent et cele manjue Ne iloc aprendre à noer
Quant à la rive est venue, As bons peissons qu'il trovereit
En l'ewe n'ose il pas entrer : Si en clère ewe entrerait 18.
Ne 9i ne sait naient noier 10, Bon cristien fait altrement
Ne il ne s'en volt entremettre , Qui est baptisez saintcment,
Ne à l'aprendre peine mettre. Et renez d'yaue 19 et d'Esperit ;
A la rive atent famillos , Cil 20 entre sanz contredit
Tant est malveiz et péréços ; Es clères yaues 21 délitables :
Jà en clère ewe n'enterra , C'est és mestiers 22 espéritables
Ne bon peisson ne manjera. U les bones viandes sunt
Bon crestien qui volt aprendre, Que raençon 23 de l'alme funt .
Deit à ceste parole entendre ; Là vit l’om des viandes pures ,
Et si orra que signefie Bones et seines et séures,
Cest oisel de malveise vie . Que l'Apostre por vérité
Il signefie voirement Apèle joie et charité,
Le chaitif péchéor dolent Humilité et pacience,
Qui en son péché gist et meint, Fei, chasteté et continence .
Et nule féiz 12 ne atent Icestes viandes, pur veir 24,
As viandes esperitels ; Font prodome vivre et valer ;
Mès 13 toz jors so vit des charnels, Por ceste se deit l’om pener
El quèles sunt les charnels viandes ? De ben nager, et halt noer 25,
Par fei, quant tu le me demandes, Nus sumes ausi 26 en cest monde
Je te dirai que seint Pol dit, Cum en la halte mer parfonde

1 Y et Z. uns oisinx ; Z. ainc ne fu teus, qui... a non Ybeus. cédents, laissés en blanc dans X par le premier copiste, semblent n'a
Y. Ibe's, et tés. voir été écrits qu'un siècle plus tard.
2 X. ort ; Y. ors . 14 X, Y, Z. truis .
3 X. Icest..., est tot adés. 15 Chichement, avec avarice ; ITAL . scarso ; ANGL . scarce .
4 X. estanc; esp. estanque . 16 X. yvrece ; Y. ivréce.
5 X. saveir ; Y. savoir. C'est à peu près le scilicet ( videlicet) latin . 17 Le misérable ; ITAL. lasso, d'où lé las (ai lasso ) !
6 X. charonne ; Y. charoigne. Puis, à deux lignes de là : V. cha- 18 Ceci serait-il une sorte d'italicisme, ou faudrait -il lire comm
roigne ; X. charogne ; Y. chareigne ; Z. caroigne. Y : se il en la clere aigue entroit ?
7 X et Z. giete ; Y. gile. 19 X. ève.
& X, Y, Z. glète, matières rejetées ;; angl. gleet. 20 Icil ? X. cestui.
9 X. quer il ne saureit pas. 21 X. éves.
10 X. noer : Y. nouer . Naient, synonyme de pas, est encore usité 22 Faut-il lire mostiers, comme X : ou bien n'est - ce pas doctrine ,
en Piémont sous la forme nen , et se traduit en Savoie par rien ( Je profession (magisterium ) ; euvres, comme dit Y ? Cf. p. 201 , node 13 .
n'ai rien dormi). 23 Y. rension ; X. raançon . Cf. p. 174. note 9 ( rimes).
11 X et Y. famellous, et pereçous ; Lat. famelicus. 24 Y. voir, et valoir .
12 X. fiée ; ital. fiata . 25 Si noer ne signifie pas nager, je ne le comprends pas.
13 X. omis : Totes voies vit ; ITAL tuttavia. Ce vers et les six pré- 26 Y. ensi. Ce vers et les trois suivants manquent dans X.
206 MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE .

Qui nus turmente et nus encombre, Si la nef ne dresceit sa veille 34


Tant i ad mal que il n'est nombre ; Quant sigle al cors de l'es! eille 35 ,
Sagement estovroit 27 noer Ele ne porreit mie 36 sigler ;
Qui totes les volt 28 sormonter. L'oisel ne porreit mie 37 voler,
Porter li convent une enseigne : Se il ses èles n'estendeit ;
Qui el non Ihu Crist se seigne, Si la lune ne descovreit
Et li prie devotement, Ses cors 39 , orbe 39 sereit tot dis.
>

Cil noe ben à salvement. Quant li filz d'Israel jadis


Dévotement devom orer, Contre Amalech se combateient,
Et nos mains vers le ciel lever ; A totes les ores venqueient
Et dire à Deu od simple chère : Que Moïses ses meins levout 40 ;
Sire ton volt et ta lumière Et sitost cum il les besout ' ' ,
Est le signe par desus nus 29 Li Gieu èrent le péjor 12.
Et ton seint signe glorios. Pur ceo ſait mult riche labor
Quant nus tenon en halt nos meins , Qui cest monde poet trespasser
Signe de croiz i ad al meins 30 ; Si que lui n'estuèce enfondrer
Et si nus de bon quer orom , Es adversitez qui grant sunt,
Tot dreit vers Dampne Deu noom Que traient home el val parfont.
Parmi cest monde périllos Mult est malveis que ci n'aprent
U li plosors sunt fameillos A noer espéritalment,
Des viandes espiritels ; Et des charnels viandes vit :
N'il ne se volent faire tels, Od les morz moert sans contredit ,
Ne mettre peine ne entente 31 Si cume dit en l'évangire 43
Que il sachent par la tormente Ihu Crist nostre verrai sire :
De cest malveis monde noer ; Lessez 44 les morz les morz covrir ,
Pur ceo les covent enfondrer . Enterrer et ensevelir .
32
Pur Deu, Seignors, car aprenom Et Deus qui toz les bens governe
En quel guise noer devom : Seit nostre veille 45 et nostre verne 46 !
A Deu qui est dus et humeins Que nus par cest monde présent
Devom lever et cors 33 et meins ; Poissons 47 passer séurement
C'est li signe que nus portom A noi 48, que nus n'i perissoms ;
Porquei vers Dampnedeu noom . Mès à dreit port venir poissoms.

27 Estouroit ? Z , convenroit ; Y. convendroit. 38 Cornes; nous disons encore un cor de chasse, et un cerf dir cors.
28 Y. les varoit monter ; Z. totes vauroit sormonter. 39 Ronde (orbis), ou borgne (orbus ?).
29 X et Y. nos. 40 Y. levoit et basoit .
30 X. au meins ; Y. és meins. 41 X , bessout ; baissait.
31 Attention , application ; lat . intentus. 42 Y. pior ; X. peor, comme dirait un Espagnol .
32 Cet emploi de car n'est pas sans analogie avec le sed enim des 43 Peut- être aurais -je dû lire le vangire ; ital. vangelo. X et
Latins. écrivent évangile sans changer la rime correspondante.
33 X et Y. cuer . 44 Y. laisez : X. lessiez,
34 X. veile ; Y. voille, et estoile . 45 X, veile ; Y. voile.
35 Etoile ; Esp . estrella , ITAL . et Lat. slella . 46 Gouvernail ? au moins disait -on vernal.
36 X et Y. pas . 47 Y , povons ; X. puissons.
37 X. pas ; Y. li oisiax ne poroit voler. 48 A la nage ; Y. à nou.

OBSERVATIONS.

L'ibis, car il n'est guère douteux que ce soit lui , figure ici bien déchu du rang honorable
où l'Égypte l'avait placé (Cf. Leemans, l. cit., p.. 246, sq.. ; 368. — Plin. , X, 40 , al. 28 ; et
7 2

nott. in h . I. ) . Mais, outre que les Égyptiens paraissent s'être beaucoup exagéré les services
de cet oiseau , il pouvait bien ne pas jouir du même crédit chez les Orientaux, ne fût-ce que
BESTIAIRES (Pl. XXI, XXX). 207

comme inventeur d'un remède (Plin. , VIII , 41 , al. 27 ; et nott. in h. l. , etc. ) que plusieurs
d'entre eux repoussent encore avec dédain (Cf. Sichel, Revue archéolog ., 1846, p. 228) . Après >

les lenteurs de la science pour retrouver le véritable ibis, on sera indulgent sans doute envers
le moyen âge , qui en fait communément un grand échassier et suppose qu'il se nourrit de ca
davres (Cf. supra , p. 203, note 1 ) . Cependant il est très vrai qu'il ne peut point nager, et
>

que sa nourriture est assez peu délicate. Tychsen (p. 102-106, 78) , écrivant à une époque où
.

les recherches de Savigny et de G. Cuvier n'avaient pas encore fixé ce qu'il fallait entendre
par ibis, s'est trouvé assez embarrassé pour se déterminer sur le véritable oiseau qu'avait ho
noré l’Egypte , et cet embarras lui fait honneur ; aujourd'hui ces difficultés n’existent plus, et
tout le monde sait à quoi s'en tenir. Aussi l'ibis a-t-il été tellement réduit par les naturalistes
à sa plus simple expression , que les serpents ailés dont il purgeait l’Egypte pourraient bien
être tout uniment des chenilles ou autres larves, au lieu des basilics ou des scorpions volants.

32 (Fig. Al ) .

LI GOLPIS REINART ' .

Une beste est qui est apelés goupils. Phisiologes nos dist que il est moult tréchière ?, et plain
d'enging 3 ; ne nule ore ne va droite voie . Il est de tel nature , que quant il a fain , et il ne
8
trueve que mangier, il se volope * en rouge tère : si qu'il pert (apert? ) º estre sanglans. Puis
s'estent envers ’ à terre, si comme il fust mors, et retient s’alaine 8 ; et enfle soi ' si que il ne
?

9
solle ne pou ne grant, et laisse sa langhe pendre dehors sa bouce. Et li oisel qui le voient issi 9
gésir goule baée 10 , estendu à la terre si laidement en boe, et enflé , il quident que il soit mors.
1 R. Du gourpil (S. goupir) . Li gourpiu est moult tri- cula, vulpes) , l'usage commun n'a guère conservé en France
cherres, etc. On connaît le poème Reinhardus vulpes, et la que goupillon ; comme qui dirait queue de renard, de même
nombreuse lignée de poèmes qui ont suivi la première don- que l'on désigne une sorte de balai sous le nom de tete
née . Le personnage mis en scène sous le masque de l'animal de-loup. Je ne parle pas des noms de lieu , comme la Ver
(reinard, renoard , renauld) a fini par supplanter l'animal lui- pillière, etc.
même dans notre langue; tant cette satire avait eu de po- 2 Perfide, tricheur.
pularité chez nous ! Tout en respectant les doctes recherches 3 Finesse, ruse , invention ; ital , inganno. La fin de cette
faites par les Flamands pour revendiquer la propriété de phrase doit avoir été empruntée aux mêmes sources que cette
cette æuvre littéraire, qui pourrait bien cependant appartenir addition du manuscrit D : « Et nunquam recto itinere, ' sed
aux pays wallons, je ferai remarquer que dès le douzième « fraudulentis et tortuosis anſractibus currit, »
siècle Jacques de Vitry , abbé d'Oignies (dans le pays wallon) , 4R . s'envolope; S. s'envelope.
constate déjà l'effet de ce roman satirique sur le langage 5 R ... terre loz envers, com s'il fust mors, et retient sa
français. Parlant des confessions faites sans véritable repentir, laine, et enfle soi, qu'il ne soufle noient , etc.
il dit (Serm . ad pueros et adolescentes, sub fin . ) : « Hæc est 6 S. si que il samble.
confessio vulpis, quæ solet in Francia , appellari conſessio 7 A la renverse ? ou tournant le dos à la terre.
Renardi, etc. , etc. » Le fait est que jusqu'en Provence et 8 Son haleine ; ITAL. lena.
en Languedoc le nom bistorique a fait disparaitre le mot 9 Ainsi, R... le voient si enflé et si rouge gésir envers ,
zoologique. Et maintenant, de toutes les formes anciennes goule baée.
du vieux mot gourpil (goupil , verpil, elc.; LAT. vulpe- 10 La gueule béante.
08 MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE .

Lors volent li oisel a lui, et s'asient'l sor lui ; si li quident mangier la langhe et la char de
lui. Et al si tost que li oisel sont sou ( sor ?) lui asis, ou si près que il les puet aerdre ! ? , il les 2

prent maintenant as dens et as piés, et les estrangle et mangue.


Ceste beste porte la figure al déable, car il se faint à estre mors à tos vivans selonc la char .
Se li diables a les peceors en son goitron 13 , il sont 14 mors as parfais en foi. Cil qui traveiller
voelent en ses oevres, il desirent à estre engraissié de char ; c'est à entendre des oevres al dia
ble : fornication , homecide , luxurious, faus tesmoins. Dont li Apostres dist 15 ; se vous vivés 16
selonc la car , vos morrez ; se vous mortefiés la char, vos vivrés. Cil qui carnèlement vivent sont
parchonier 17 al deable , et porriront 18 avoec lui. Dont David dist 19 : Il entreront ès baséches 20
de la terre, et seront livrés és mains d'espée ? ' .

11 Se posent. R. si s'assieent. 18 R et S. périront.


12 Saisir, mot resté en Picardie. Cf. p. 140, note 7. 19 Ps. LXI , 11 .
13 Gosier ; le mot goitre conserve la trace de celle signifi- 20 Profondeurs, bassesses. S. en la bassèce.
cation. 21 Si les trois manuscrits dont je me sers n'avaient fini ini
14 S. il est . formément au mot espée, j'aurais cru devoir ajouter, il seront
15 Rom . viii , 13. parchonier as golpis. La fin de cette citation étant le point
16 R. se nous vivons selonc la char, nous morrons. de contact le plus apparent entre le verset du psaume el
17 Participants et co partagean ou portion (livré en proie ). l'histoire du renard , on serait tenté d'attribuer à une distrac
R. parsonier ; S. perconnier du diable. tion du copiste l'absence de ce complément.
BESTIAIRE LATIN .
1
MSS. A , B. MS . C.

XV . ERGO FISIOLOGUS DE VULPE DICIT ).


XIII . DE NATURA VULPIS .
4
Vulpis ? est animal 3 dolosum et nimis fraudu
Dolosum est animal hujus modo (sic) . Si autem
lentum 5, et argumentosum . Quum esurierit Ⓡ et esurierit, et non inveniat quod manducet, quærit
1 A et D. de vulpe. Dans le manuscrit de Bruxelles, le re . scissuram terræ (sie) , et proicit se supinam sursum
mard a été inséré vers le treizième siècle pour combler une adtendentem , et adducit flatus ( sic) suum infra
lacune occasionnée par la suppression d'un feuillet (si ce n'é. (intra) se omnimodo ; et putant volatilia eam esse
tait davantage). Le format et la qualité du parchemin , ainsi
que l'écriture, y sont tout différents de ce que l'on voit dans mortuum (sic) , et descendent (sic) ut devorent
les autres parties de ce Bestiaire. Le feuillet : suivant, con- eum . Illa vero subito exsurget (ersurgit) et rapit,
forme au reste du manuscrit, commence par les dernières li
gnes de l'article unicorne ; mais il semble que pour raccor et comedit.
der ces deux parties on ait cllacé avec soin ce reste d'un au- Huic 'similabitur diabolus. Dolosus est in omni
cien texte décomplété. opera sua ; qui ergo voluerit accipere de carnibus
2 H (p . 419, sq .). Vulpes.
3
D commence par une de ces considérations étymologi- ejus, id est de actibus ejus, statim moritur. Nam et
ques que le moyen age aimait tant, mais où il n'était commu- Salvator de Herode filio Herodi (sic) diaboli “ sic
nément pas heureux.
4 D. fraudulentum animul et ingeniosum ; H. fraudu- ait (Luc. XIII , 32) : Etdic vulpi illi. Ei in canticis
lentum et ingeniosum . Cette substitution d'ingeniosum à canticorum : Capite nobis vulpes erterminantes
l'argumentosum des premiers siècles chrétiens (Cf. oſlice vineam ; de qua vinea David dixit (sic) .
de sainte Cécile, à laudes) annonce déjà un texte réſormé.
5 B. fraudolentum .
6 A. esurit, et invenit ; D et H. Quum enim esurit, et
non invenit. 61 De Herode filio diaboli ?
209
BESTIAIRES (PL. XXI, XXX ).

A , B.

non invenerit quod ' manducet, requirit & locum habeat. Spiritalibus42 vero et perfectis in fide mor
8

ubi est terra rubra 10, et volvit se super eam ita " ! tuus est, et ad nihilum redactus 43. Qui ergo 44 ha
>

ut quasi cruenta appareat tota ; et proicit se in 15 bet45 voluntatem exercere opera ejus, ipsi 46 desi
terram " , et 15 volvit se super eam tamquam mor- derant saginari “7 carnibus diaboli : quæ sunt
tua 16, et attrahens17? intra se 18 flatus suos 19 ita 20 (Matth. XV, 19 ; Marc.. VII, 21) adulteria, forni
>

se inflat 21 ut penitus 22 nec respiret 25. Aves vero cationes 4% , idolatria , veneficia, homicidia , furta ,
diversæ 24 videntes eam sic 25 inflatam 26 et quasi a falsa testimonia , et cætera his similia. Dicente 49
cruentam 28 jacentem extensam 2) , dum 5030 putant Apostolo (Rom . VIII , 13) : Scientes 50 hoc quia si 51
eam mortuam esse 51 , descendunt 32 et sedent 33 SU secundum carnem vixeritis moriemini ; si autem
per eam ut 54 comedant eam . Illa vero 35 rapit eas , spiritu carnis 52 opera mortificacerilis , viretis.
et devorat. Qui 53 ergo carnaliter vivunt, diaboli operibus oc
Vulpes (sic) igitur figuram habet diaboli 36. Om- cupati, ab eo tenentur obnoxii; et pares ejus effecti,
nibus ergo 37 secundum 58 carnem viventibus , fingit simul cum illo peribunt: dicente David (Ps. LXII ,
se esse mortuum donec 39 eos 40 intra guttur 41 suum 11 ) : Intrabunt 5654 in inferiora terra , tradentur

7 A. quid. 35 D et H. aulem sic rapit.


8 Det H. omis : involvit se in rubea (H. rubra) terra , 36 D et H donnent à cette phrase la forme suivante : Istius
ut appareat quasi cruentata ; et proicit (H. projicit) se. denique (H. autem ) figuram diabolus gerit (H. possidet).
9
9 A et M (p. 595) . omis. 37 D et H. enim ; B. igitur.
10 B. omis ; M. rubra lerra ; D. rubea . 38 D et H. viventibus secundum carnem , figuram (H.
11 A. omis. omis) fingit .
12 B. omis. 39 B. quum ; D et H. quoad (H. quousque) intra gultur
13 D. postmodum in terram, retinetque flatum suum ; suum peccatores (H. eos habeat et puniat) rapiat et de
ita ut penilus non spiret. Aves autem , videntes. voret .
14 M. terra , tamquam mortua . 40 A. omis.
15 H. retinetque flatum suum ; ita ut non spiret. Aves 41 B. gutture suo.
vero . 1 2 A. omis :... habeat. Qui ergo, etc. Det H. spiritalibus
16 B. mortuam . (H. spiritualibus) tamen viris, in fide viventibus (D. omis)
17 B. trahans ; M. altrahens quoque. quæ per (H. omis) dilectionem operatur , vere mortuus.
18 B. intrare . 43 B , rediсtur (sic) .
19 H et D. flatum suum . 44 D et H. autem volunt exercere.
20 M. omis : .... suos ut penitus nec respiret. 45 B. omis : .... ergo exercere.
21 A. inflans. 46 A. ipse desiderat ; D et H. omis :... ejus, moriuntur ;
22 B. puemitus; A. omis. teste (H. dicente) Apostolo.
23 B. respiceretur . 47 B. sagnari carnalibus diaboli.
24 B , D , H. omis. 48 A. omis ; ... adulteriu , idolatria , furta, et his similia .
25 A. omis ; D et H. non ſlantem , et quasi. Là se termine cet article dans le manuscrit de Bruxelles tel
26 M. infectum . qu'il est aujourd'hui.
27 M et B. omis. 49 Il semble qu'il faudrait ici quelque chose comme le mo
28 B. cruentem ; Dei H. cruentatam , et linguam ejus riuntur de D et H, ou le peribunt qui se rencontrera plus
ore (H. ore ejus) ejectam , putant. bas. Guillaume-le-Normand paraît avoir eu sous les yeux un
29 M , D , H. omis ; M .... jacentem ; descendentes sedent
9 texte ainsi modifié ; mais Pierre-le -Picard suit assez exac
super . tement notre manuscrit B.
30 D et H. omis. 50 D. hoc scitote quiu .
31 D et H. esse mortuam . 51 B. omis.
32 M et B. descendentes . 52 D et H. facta carnis, comme la Vulgate.
33 B. sedentes ; D et H. descendunt sessum . 53 D et H. omis : ... vivelis . Et David.
34 D , H , B. omis :... super eam . Illa. 54 H. introibunt, comme la Vulgate.
II . 27
210 MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE.
A , B.

in manus gladii, partes vulpium erunt. Denique 55 ( a ?) Salvatore (Matth. VIII , 20 ; Luc. IX, 58) :
et Herodes adsimilatur ( adsimilatus) est vulpi do- Vulpes foveus habent. Et in canticis canticorum
losi (sic ), dicente domino (Luc. XIII , 32) : Ite, (II , 15) : Capite vobis 37 vulpes pusillas 58 extermi
dicite vulpi illi. Et alibi 36 scriba audiens (audit ?) ad nantes vineas 59.Fisiolocus adseruit 6o de vulpe .

65 D et H. omis :... erunt. Et Dominus, de Herode : lte suivant (exlerminantes) n'appartienne point à la version de
el (D. omis) dicite. Comparez ce passage à la fin de cet ar- S. Jérôme.
ticle dans C (p. 208). 59 D. eas .
56 D et H. omis : ... illi. Et in canticis. 60 Celte dernière phrase, qui manque dans A, D et H ,
57 D et H. nobis .
commençait sans doute primitivement par Bene ergo comme
$8 H. parvulas, comme dans la Vulgate ; quoique le mot dans beaucoup d'autres articles du Bestiaire.

BESTIAIRE RIME.

XV. Asez ' avez oï fabler ? En une place descoverte


Come RENART soleit embler 3 Qui est à ces oisels aperte ;
Des gelines 4 costains 5 de noes ; Dedans son cors retent s’aleine 17 ,
6
Sovent en fist troter ses joes 7 Si a la pance dure et pleine.
Li golpiz 8 en totes seisons Li colvers 18 qui tant seit de bole 19,
De gelines et de chapons. Trait la langue hors de sa gole 20 ;
Tot adès vit de roberie !, Les oilz clot et les dens reschine 21
De larecin , de tricherie ; En iceste manère engine
Tant est traître et députaire 10. Les oisels qui gisir 2 ' le veient 2 ,
Oez " qu'en dit le Bestiaire. Que 24 certeinement mort le creient ;
Li golpiz est alque arteillos 12 Dunt descendent por li béker.
Quant il est mult ben fameillos, Més quant il les sent aprochier
Et il ne set ù querre preie 13. Près de ses dens, et il voit eise 25 ,
Pur la feim qui forment l'espreie, Si félonessement les beise
S'en vait à une roge 14 terre ; Quant en sa gole sunt enclos,
Là se voltre et toille 15 el merre Que tot dévore, et char et os.
Tant qu'il resenble tot sanglant. Cest gopil qui tant set de fart 26 ,
Pois s'en vait cocher 16 bèlement Que nus apelom si renart 27 ,

1 X et Y. assez, 16 X , couchier ; Y. coucher .


2 Raconter, dire ; ITAL. favellare ; esp. hablar ; Lat . fabulari. 17 Je n'ai pas cru devoir écrire sa leine, malgré le lena des Ita
3 Enlever, dérober, voler ; lat. involare (souvent écrit imbolare). liens.

* 4 Z. ghelines, forme plus rapprochée de la glène des Picards et du 18 X. cuvert ; Y et Z. cuivers. Cf. supra , p . 200 , note 25.
lorrain hline, tandis que l'autre est plus analogue à notre gélinotte. 19 Tromperie . Y. boule et goule.
5 Cela signifierait-il que les larcins et les fraudes du renard sont con 20 Gosier et bouche (gueule). NORM. goule (pour gosier) .
stantes et bien connues ? X. costanz ; Y, costant ; Z. coinles des noes . 21 X et Y. rechine . Montre les dents ; mais le sens précis de ce
6 X. volentiers fet. mot m'échappe; Franç. rechigner, rechin ; lat. ringere.
7 Joues, mâchoires ; ITAL. gota. 22 X et Y. yesir.
8 X. goupil ; Y. goupiz ; V. avait gupil pour titre de cet article. 23 Y. voient, et croient.
9 Rapine; ITAL. rubare ; ALLEM. raub ; FRANÇ, dérober . 24 X. quer' ; Y. qui certainement.
10 Infàme. X. députehaire. 25 Il voit la facilité (Ital. agin; d'accomplir son dessein ?
11 X. mult artillos, et auques famellos. X .... ile ses denz et de sa bouche,
12 Artillos, ou artillox , c'est à dire rusé, artificieux . Si..... les toche (sic , comme en Lorraine ).
13 X. proie et asproie ; Y. esproie. Y. aisse , et baisse.
14 Y. rouge ; mais vers la même époque, le Dante disait roggio. 26 Dissimulation ; FRANÇ. fard, farder .
15 X. se voutre et toole ; Y. toille, vostre ; Z. se viltre et toelle. 27 Z. regnart, autre forme de rcinard . J'ai aussi oublié goupille
Se vautre, se frotte (ou se démène) et s'enfonce en terre. (qui s'enfonce dans un trou, comme le renard se terre) .
BESTIAIRES (Pl. XXI, XXX). 211

Signefie le mal gopil Li gaiz 3* i descent, et la pie,


Que 28 le pople 29 met en eissil 30 , Et meint qui ne se sèvent mie
C'est li malfez qui nus guerreie 31, De sa grant traïson garder ;
Chascon jor vent sur nus en preie. Légier sunt mult à enginner.
A cels qui vivent charnelment, De fole gent est tot 39 ausi :
Se feint 12 tot mort certeinement Tant sunt apris et adenti
Pur ceo que plus près les atraie 23 ; A leicheires 40, à malvesté 41 ,
Més il n'i ad point de manaie 34 Que jà ne seront chastié
Pois qu'il les tent en son goitron , Jusque il cheient és denz renard
Tost les dévore cel larron 35 Et donc 42 vent le chastier tard.
Cume li gopils fait l'oisel Més 43 li sages qui aperceit **
Quant le sent près de son musel. Le larron qui les fol desceit,
Mès il i ad oisels plosors Se trait en suz5des léchéries ,
Que les guiches 36 et les estors 37 Des ivresces , des béveries
Del gopil aparceivent ben ; Que 16 les granz ordures norrissent
Si n'i descendereient pur ren. Dunt 47 le cors et l'alme porrissent 48.
Vi l'araignée, ni le basilic, ni l'arbre aux oiseaux n'ont trouvé place dans les vicur Bestiaires de ma connais
sance .

28 X et Y. qui. 38 X. jais.
29 On dit encore en Picardie : se moquer du peuple, pour .... des 39 Y. est- il ausi ; X. ret autresi.
gens. I. pueple : Y. puple . 40 X et Y. lécherie,
30 X et Y. essil ; ruine, perte, désastre. 41 X et Y. maurestié .
42 X. adone ; Y. adon .
31 X et Y. guerroie, et proie.
32 X. fet ; Z. fait ; Y. faint. 43 X et Y. omis. Li sages, qui bien.
33 X. apaie. 44 Y. aperçoit, et déçoit.
34 Merci, quartier ? Je n'ose rapprocher cela de l'italien maunaja. 45 Cette expression s'est conservée chez les Picards pour dire se se
35 Y. li gloton. parer, quitter, abandonner.
36 Finesses ;Allem. Witz ? On sait que Rebert Guiscard (Guichard) 46 Z. dont ; X. donc : Y. don .
fut ainsi nommé à cause des ressources de son esprit matois. 47 Y. omis : Les cors et les armes ; X et 2. qui.
37 Attaques ; ALLEM. sturm ; ital, stormo. 2. retors. 48 X. enordissent, souillent.

OBSERVATIONS.

Quelles que soient les ressources du renard et sa fécondité en expédients, je ne pense pas
que jamais sa ruse exposée par notre Physiologus ait été racontée par un témoin dont l’auto
rité fût de nature à contrebalancer l'étrangeté du récit. Ce n'est pas qu'Élien n'en ait (VI , 24 )
de presque aussi singuliers, mais il ne se porte point garant de ce qu'il rapporte ; et comme
on prête volontiers aux riches, il est probable que les ruses du renard lui auront fait ouvrir un
large crédit chez les conteurs comme chez les fabulistes. Il est certain que plusieurs oiseaux , >

et la pie en particulier, haïssent le renard ; mais que ce soit au point de donner dans un sem
blable piége, voilà ce qui mériterait confirmation, et ce que je ne saurais attester.
J'aurais peut-être dů ( supra, p. 207, note 1 ) , pour quelques lecteurs, avertir que je me
.

range à l'opinion qui regarde le poème Reinardus vulpes comme une sorte de pasquinade en
quatre chants, contre un Reinhart, ou Rainer , gouverneur du Hainaut et de la Hesbaie au
neuvième siècle. Voyez l'édition princeps donnée par M. Mone (Stuttgard, 1832) .
212 MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE .

33 ( Fig. AK ) .
L'ARAINGNE ET LA MOSCHE 1 .

Phisiologes nos dist de l'araingne que ce est une orde beste et malvaise ; et si dist que la sa
2
live d'ome en jun- tue le bots et l'araigne, se il en gostasent pou ne grant. Si nos fait ci à en
tendre que li araigne trait de ses entrailles le fil qu'ele file, de coi ele fait sa roi *. Et si a tel :
nature : quant èle a sa roi ovrée , ele se muce en I angle, et repont soi , que on ne le voit ; et
ascoute adès à sa roi se mouche i vole ens, ou autre petit ver 8 que sa roi puet tenir. Et quant
ce avient que la mouche i vole ens, ele crie durement et se paine moult por issir ; et quant
l’araingne l'ot crier, èle cort à la mosche et le dévore et cist (ocist ? ), et li mangue le sanc 7

qu’èle a en soi.
Tot altresi a deables adès sa roi apareillie et tendue por prendre l'âme del home. Quant li
home pèche par luxure, par ivrèce, ou d'omécide, ou par covoitise, ou en altre manière com
ment que ce soit ; dont l'a deables en sa roi. Et si tost comme deables l'a en sa roi, il cort
cèle part 6. Se il li trueve dedens, il l'estrangle et ocist, sicomme l'araigne fait la mosche ; et
li mangue le sanc hors del cors : c'est à entendre l'âme que il li prent hors du cors , et l'em
porte avoec lui en infer ; et là est èle dévorée de diables, à fos jors vivre en dolor sans morir.
Et iluec brait ? et crie entre les mains d'anemis, comme la mosche fait en la roi quant li irai
gne ( sic) le tient et dévore .

1 Mouche, ITAL, mosca ; en Lorraine, inol Cet article ne elle désigne ainsi la plupart des bêtes malfaisantes que l'on
se trouve point dans R et S. tue presque uniquement pour les détruire, et non pour aucune
? A jeun. utilité que l'on prétende tirer de leur chair ou de leur dé.
3
Serpent. pouille. Mais c'est en anglais surtout que le vieux mot ver
4 Toile , filet, rets ; L'AT, rete , ESPAGN . rez. min a conservé quelque chose de son ancienne étendue.
5 Insecte, annelide, etc. Le mot ver mine témoigne encore 6 Vers cet endroit.
de l'ancienne extension donnée à la classe des vermes. La ré- ? Gémit, pleure. Les Picards donnent encore ce sens au
nerie enchérit sur cette classification déjà si ample quand mot braire.

OBSERVATIONS.

Notre compilateur français est à l'abri de la critique dans ce qu'il dit du travail de l'arai
gnée ; mais quant à l'effet toxicologique de la salive d'homme à jeun sur divers animaux mal
faisants , si on le conteste, il pourra en appeler à Élien ( VII, 26 ) et à Pline (XXVIII , 7 ; VII,
2 ; etc. ) entre autres.Du reste l'auteur de l'Image du monde dans le même manuscrit ( fol . 173 v °)
se déclare aussi pour l'affirmative :
La salive del home en geun
Tue araigne et bot tot en un .

Que dire à cela ? Une seule chose, ce me semble, c'est que l'empirisme et la théorie ont
BESTIAIRES (Pl. XXI). 213

perdu en bien des choses le droit de se condamner mutuellement. L'excès de l’affirmation et


l'excès du septicisme se confèrent un droit réciproque à l'absolution ; car pour nous borner à
l'agent que vante ici notre empirique du moyen âge, il est sûr que si la médecine populaire a
beaucoup exagéré ses vertus, souvent elles ont été beaucoup trop dépréciées aussi par la mé
decine savante. On se doit donc indulgence de part et d'autre ,
« Veniam petimusque damusque vicissim . » )

34 (Fig. A L) .

BASILE COC ' .

Une beste est qui est apelée basilecoc. Phisiologes nos dist de sa
nature comment il naist, si nos fait à entendre que il naist del
oes d'un coc. Quant li coc a passé VII ans, si li croist I oef el
ventre. Et quant il sent cel oef, il demaine ? merveillé de lui
meisme, et sent la plus grant angoisse que beste peust sentir ne
soffrir. Lors quiert il privéement I liu caut, sor I fiemier ou en
un estable , et grate des piés tant qu'il y fait une fosse por ponre
ens son oef. Et quant li cos 3 ara sa fosse faite, il i corra cascun jor X fois de plus , que tot
dis s'en quidra délivrer. Et li crapaus est de tel nature que il sent par flair le venin que li
coc porte ou ventre ; si le gaite adès, que il ne puet aler à la fosse que il ne le voit. Et assitost
comme li coc se départ dou liu où il doit ponre son oef, alsitost i est li crapaus por véir se
li oef i est pons. Quer il est de telle nature que il prend l'oef et le kewe 4 , se il y puet en
alcune manière avenir. Et quant il l'a tant cové que tans est d'esclore, si est une beste qui
a la tête et le col et la poitrine tèle comme de coc ; et le cors par daval (ďaval? ) est tel
comme de serpent 5. Et alsitost que cèle beste puet, si quiert I privé lieu en une viès crevache
ou en une viès anchienne chisterne ; et iluec se tient, que nus ne le puise véir. Quer il est de
tel nature se hom le peust veir avant que il veist l'ome, que il en morait; et se il voit l’omme
ancois, il en covient l'ome morir. Quer la beste est de tel nature qu'èle gète son venin par

1 Basilic. Cet animal, qui reparaîtra une troisième fois 5 Celte singulière naissance du basilic est un fait constant
dans le Bestiaire de l'Arsenal (n° 44) , n'a point trouvé place pour la plupart des naturalistes du moyen âge, en dépit d'Al
dans les autres éditions du Physiologus que j'ai rencontrées. bert- le - Grand, qui s'en moque (Opp. t. VI , 666 : « lloc ve
2 Je pense que ce mot signifie cette fois : il reste, il de . rissime falsum est, et impossibile » ). Certaines circonstances
meure ; c'est pourquoi j'ai écrit merveillé avec un accent. varient dans les récils qu'ils nous en ont faits, mais le fond
Cog. On sait que l's final est en roman un signe du no- demeure. Cf. Theophil. Divers, art sched. , lib . III, cap. 47
minatif singulier. En Picardie on prononce co. (ed. Car. de l'Escalopier, p. 180, sqq.; et 275) ; et ci-des
4
Couve ; il aurait peut- être fallu transcrire keuve. sous, p. 215 (aux observations) .
214 MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE .

les ex ; et a si venimeux regart, qu'ele en tue les oiseaus qui par deseure lui volent, se èle les
puet veir entre les II ex. Cele beste est rois sur tous autres sarpens , et redoutés de tous autres
serpens; si comme li lions est poissans et redoutés sor tous autres bestes. Et si ne passe ja
erbe ne
sor terre, que cil lieu où èle passe ne pert sa vertu : qu’èle jamais puise riens porter,
altre cose. Et se il touche à arbre il en pert sa vertu , que jamais ne portera fruit ; si le co
vient périr et séchier. Ne quedent est la beste bèle, et de bele color tachelée ? de blanc. Mais
il est ensi de mainte cose qui bèle est, et si est maise 8. Qui ceste beste voldroit tuer, il li 7

covenroit avoir 1 cler vaisel º de cristal ou de voire 10 par coi il peust veir la beste parmi la
clarté . Quer quant il aroit la teste el voire ou el cristal, que il ne peust celui aperchoivre que
dedans seroit, et que li regars de la beste arestast al cristal ou al voire : que la beste aa tel na
ture quant èle gète son venins par les ex , et s'il areste encontre alcune cose , qu'il ressorst sor
lui ariére ; et si l'en covient morir.

Cette beste seneſie diable, le meisme sathanas qui mucha 11" en paradis, qui Evain 12 engin
gna et Adam ; par coi mangièrent le fruit devée 13. Par coi il furent caciés fors de paradis ; et
quant il trespassèrent del siècle ' 4, trébuchirent il en la cisterne d'enfer. Ensi furent enve
7

nimé, et tuit cils qui vindrent d’Adam III M ans 15, qui tot morurent et trébuchèrent en la
>

chisterne avoec le basilecoc ; c'est à entendre avoec le diable en infer. Un fils de roi en prist
pitié que cele beste fut si venimeux et qu'il tua ( tuast ?) tote la gent, et nus ne pot la beste
tuer ne veir. Lors se mit le fils le roi en un vaisel asés plus cler que voire ne cristal ; c'est à
entendre que le Fils Dieu se mist el beneoit cors Nostre Dame, la plus clère nète virge , Marie
sa mère. Lors geta li basilecoc par les ex son venim , del regart qu'il fit sor le vaisel où li fils le
roi fu ens ; et li venin aresta encontre le vaisel , que il ne pot nuire à nului s'à la beste non . Et
lors resorst li venin arière sor la beste , et langui la beste tresc'a dont que li fils le roi fu
hors del vaisel où il estait ens ; c'est à entendre que Dex Jhésu Crist fu el ventre sa mère, de
coi li anemi languisoit tresc'a dont que il fu mis en crois , dont morut. Et quant Dex fu mis en
sa sépulture, et il resuscita al tiers jor ; lors ala li fils al roi , Jhesu Crist, et entra en la viés
cisterne; et en traist 16 hors tos ses amis que li basilecoc i ot attrait et tués par son venin ,
dès l'ore que Adam i chai ens ; et les mist en clarté et en joie tot cels qu'il enmena o lui. C'est

6 Il est réduit à périr, il faut qu'il périsse. Les Italiens con- 11 Mucher, ou mucer ( comme chisterne ou cisterne) est
tinuent à employer cette locution d'une manière assez sembla- d'un usage quotidien en Picardie et ailleurs, pour dire cacher.
ble à l'usage que nous en faisions autrefois. Nous la retrou- 12 Plus bas nous trouverons Eve, et ailleurs Jonain pour
vons deux phrases plus loin : il li convenrait avoir ( il lui Jonas. Cette finale était souvent donnée aux noms propres.
faudrait... ) etc. 13 Défendu ; ITAL . divieto .
7 Nous avons rencontré ailleurs pintelė, p, 177 , note 7. 14 Du monde, de la vie ; locution empruntée au latin ec
& Vauvaise ; en Lorraine , máhe . clésiastique.
9 Vase ; vaisselle a conservé la trace de cet ancien nom , 15 Quatre mille ans; sorte d'ablatif pour dire : durant
qui ne subsiste plus qu'avec un sens détourné dans le mot quatre mille ans. Une main postérieure a écriten surcharge :
vaisseau. et plus.
10 Verre . 16 Retira ; LAT. Iraxit .
BESTIAIRES (Pl. XXI ) . 215

à entendre que Dex despoilla infer de ses amis, por la mort qu'il volt soffrir pour son
pople.
OBSERVATIONS .

Le basilic ( pauvre bête ! ) se trouve n'être plus aujourd'hui pour les naturalistes qu’un
saurien un peu singulier, mais presque aussi inoffensif que nos petits lézards gris d'Europe.
Toutefois ce n'est là , il faut bien le dire, ni le basilic de l'histoire ni celui des fables. Le
basilic historique est l'uræus (Cf. Horapoll. llierogl. I, 1 ; II , 61. — Leemans, in hh.. II.,
ll
p . 118, sqq.; et 354 ) , que les monuments égyptiens reproduisent mille fois , et que la nature
ne désavoue point : c'est la vipère Hajé. Quant aux fables un peu graves par l'antiquité des
récits ou la qualité des narrateurs, aucune d'elles ne fait du basilic un animal pourvu de pieds.
Il n'aurait donc pas fallu embrouiller, par une fausse application de ce mot, une thèse d'his
>

toire naturelle ancienne qui était déjà suffisamment inextricable sans ce nouvel élément de
confusion . Au point où en est venue aujourd'hui l'obscurité produite par ces mélanges dis
parates de relations puisées à diverses sources, il faudrait une sorte de Mémoire pour établir
un peu nettement ce que l'on a entendu par le basilic aux époques dont les assertions ont
quelque portée. Or, comme l'occasion d'ébaucher ce travail s'offrira bientôt à nous dans une
suite prochaine de ces recherches ( Nº 42) , il peut suffire pour le moment d'avoir nommé
les principaux écrivains qui ont traité ce point d'érudition avec détail. Tels sont Bochart,
P. II , libr. III, c. 9 et 10 (t. II , p. 399-407) ; – L. Bossi , Dei basilischi, dragoni, etc.
(Milano, 1792 ) ; – Leemans, d. cit.; — Savigny, Ilistoire naturelle..... de l'Ibis, p . 121-124 ,
199-205 ; - Berger, I. cit. p . 543-545.
Pour moi, j'en ai déjà fait un peu mention dans ces Mélanges ( t. I , p . 153 , sv. ) à propos
d'un chapiteau de Vézelai ( ibid ., pl. XXV bis) ; et actuellement je me contente de laisser la
9

parole au grave Albert-le- Grand , dont voici quelques passages. — De animal., XXIII , 21
(Opp. t. VI , p. 639) : « Quod autem dicunt decrepitum gallum ovum ex se generare, et hoc
in fimo ponere ; ... et quod ovum fimi calore fæcundetur in basiliscum qui est serpens in om
nibus sicut gallus, sed caudam longam serpentis habet; ego non puto esse verum . Tamen
Hermetis dictum est , et a multis acceptum propter dicentis auctoritatem . » - Id. , ibid .,
libr. XXV , tract. unic. ( ibid. p. 666 ) : « .... Dicitur autem quod mustela interficit eum , et
quod incolæ ( Terræ Achobor in Nubia ).... immitunt mustelas in antra eorum , et quod .... mus
tela interficit eum . Et si hoc est verum , hoc videtur esse mirabile .... Dicit etiam Hermes
quod argentum cinere ejus delinitum (Cf. Theophil., l. c. ) accipit auri splendorem et pondus
9

et soliditatem . Dicunt etiam quidam quod est quoddam basilisci genus quod volat, sed hoc
non legi ego in libris sapientum et philosophorum . Etc. »
216 MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE .

35 ( Fig . AM) .

L'ARBRE DONT LI OISEL NAISENT FORS ET CHIENT ' JUS QUANT IL SONT MEUR ?

70

Phisiologes nos dist qu'il est un arbre sor une aighe de une mer, qui porte oiseax qui re
samblent ouwes3 , mais il sont I pou plus petit. Et quant ces oiseax croissent, il pendent par
le bec à l'arbre tant qu'il sont meur. Et quant il sont meur, si cheent jus sicon une poire fait
d'un arbre quant èle est meurre. Et quant cil oisel chient jus , cels qui chient en l'aighe il
flotent en voie 4* et sont gari, que il n'ont garde de mort. Et cels qui chient de fors l'aighe sor
la terre , cist demerent iluec tot coi 5 gisant , et muèrent, et sont perdu.
Ce sénefie que nus hom n'est rengénéré, ne parfais, se il n'est avant cheus en aighe où il est
lavés en nom de baptesme. Et ceaus qui ne sont lavé en aighe par nom de baptesme, il sont
perdu sicomme li oiseax qui ciet de l'arbre sor la terre , qui mort est et perdu .
1 Du verbe cheoir, bien entendu; ESP. caer. Cf. 198, n. 8. Cil c'a terre chiet ne puet vivre
2 Mûrs. Ce curieux arbre a été négligé par tous les autres Etc.
Bestiaires que je connais. R ni S n'en disent mot. D'après Mais Gervais de Tilbury (Otia imperial. Dec. III. cap. 133)
l'image du monde dans ce même manuscrit de l'Arsenal réclame cette gloire pour l'Angleterre, et désigne le lieu pré
( fol. clxxviji vų) , c'est en Irlande (pays de l'imagination) que cis où naissent ces oiseaux, ainsique le nom qu'on leur donne.
se voyait cette merveille. 3 Oies ? Je ne saurais dire bien au juste quel animal est
Devers Irlande sor la mer caché sous cet ancien nom.
Voit on alcuns oisiaus voler 4 Cela voudrait-il dire en vie ?
Qu'en arbre croissent par les bés ( becs) ; 5 Immobile , LAT. quietus ; nous avions jadis le verbe acoi
Et quant de méạrer (mûrir) sont près, ser, calmer , etc.; ITAL, quietare .

OBSERVATIONS.

Que nombre d'oiseaux naissent sur les arbres, ce ne serait pas une grande nouvelle ; mais
l'arbre dont il est question dans cet endroit produit les oiseaux en guise de fruits pendants
1
BESTIAIRES (Pl. XXI). 217

par branche, et l'imagination ne s'est pas arrêtée en si beau chemin. Cependant, pour ne pas
être trop rigoureux envers l'auteur de cette historiette, disons que probablement une parabole
( ou , si l'on veut, un apologue ) un peu bizarre aura été prise pour un récit réel; en sorte
qu'au lieu de fonder une leçon morale, comme ailleurs, sur des faits que l'on avait lieu de
croire exacts, on aura ici composé un fait d'après la leçon qu'il s'agissait d'inculquer. Puis
l'apologue symbolique aura été religieusement recueilli par un compilateur de curiosités ins
tructives, plus empressé de grossir sa collection que d'en vérifier les diverses parties prises
de confiance. C'est ce que je trouve de plus obligeant et de plus scientifique à dire sur l'ori
gine de ce conte, qui ne serait sans cela qu'une mystification impertinente ; mais si c'est une
idée transformée en un fait , l'origine d'un tel conte plaide pour la circonstance attenuante.
Quoi qu'il en soit, Albert-le-Grand (Opp. t. VI, p. 613 et 617 ; De Barbatibus, etc.) n'épar
7

gne pas les qualifications de mensonge et d'absurdité à ceux qui répétaient ces enfantillages
avant Pierre-le-Picard. Vincent de Beauvais n'est point du même avis (Spec. natur. XVI, 40 ;
p. 1181 ) ; il a vu l'oiseau , et c'est la bernache. ( Je le veux bien , car j'en pourrais dire autant ;
mais les avoir vus pousser sur l'arbre, voilà l'affaire !) Plusieurs témoignages complètent sa
narration , et ses éditeurs y ajoutent Giraldus Cambrensis. Qui voudra quelque autre curiosité
sur lemêmesujet la pourra trouver dans Le moyen âge et la renaissance, chasse, fol. XXIV, sv.

36 ( Fig. AN ).

UN SERPENS QUI EST APELÉS TIRIS ; DE LI FAIT ON LE TRIACLE QUI OSTE LE VENIM ”.

Une beste qui est apelé tyris (sic) ; et c'est I serpens dont on fait le triacle qui les venins
oste où on le toche. Phisiologes nos dist qu'il est moult sages de sa nature , et qu'il vit tant
longement que nus hom ne le crérait se il ne seust de sa nature. Quant il se sent foibles par
sa viellece, il se confont par jeuner ; si se laise tant afamer que il n'a nient de son cors fors sa
pel . Si va à une piere que trueve treuée 3 ; et se met parmi le treu outre, à moult grant des
troit et à moult très grant paine, si que tote sa peax i demore. Et puis li revient novèle peax
arière ; et ansi reforme son eage et sa force et sa vigor, comme beste qui moult est sage.
C'est example del home qui a maint jor vescu en péchié ; la piere où il se met outre, que la
peax i demore, nos sénéfie le prestre à qui il dit sa confession. La pénance nos sénéfie no
1 La thériaque . 4 On verra fréquemment le mot arière signifiant de nou
* Cette bête ne figure point dans R et S. veau, une seconde fois (comme le zurück des Allemands) .
s Percée, trouée; à quelques mots d'ici paraîtra treu , qui Les Picards s'en servent lous les jours avec certaines accep
est demeuré en Picardie. tions singulières que je n'ai jamais pu exactement analyser.
IL. 28
218 MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE.

vele peaus et force et vigor dont il se refait, et reforme son cors et s'âme comme sages. La
bone volenté à Dieu servir et la bone repentance des mesfaits, et la vraie créance d'avoir
merci et perdon, nos sénéfie le triacle qui oste le venin .

BESTIAIRE LATIN .

MSS . C, A. MS C.

II . DE NATURA ANIMALIUM ÆSURÆ 25 .


VII. DE NATURA SERPENTIS SECUNDA 1 .
Est qui vocatur æsauræ elicæ 21. Dixit Physiolo
2
Dominus ? dicit in Evangelio (Matth. X, 16) : cus ( sic) : Quum senuerit, impeditur duobus oculis
Ergo - estote prudentes sicut serpentes , et simpli- et excæcatur [ita ut ? ] non vidit ( sic) solis lumen .
3

Quid ergo facit naturæ sue ? Quærit parietem ad


ces ' sicutcolumbæ . Bene 5 Physiologus narrat de eo
tendentem ?? ad orientem , et ortu solis intrans in
quoniam quattuor ( sic) naturas habet serpens . scissuram (fissuram ?) parietis, aperientur oculiejus .
Hæc natura serpentis est : Quum senuerit, cali Ne cordis tui aliquando impediantur [oculi],
gant 6 oculi ejus ? ; et si voluerit novus fieri, absti- quære ergo qui oriri facit solem justitiæ Dominum
net se et jejunat quadraginta ? diebus 10 , donec lesum Christum , cujus nomen Oriens vocatur per
8 9

prophetam (Zach. III , 8 ; VI, 1 ) ; et iste sol jus


9 >

titiæ aperiet tibi intelligibilis (sic) oculos cordis.


A. De serpente. Dans C et D cet article n'est qu'une se
conde partie de celui qui est consacré à la vipère ; et comme 25 Dans un même manuscrit, voici la même propriété at -
la vipère servait à la préparation de la thériaque, ce titre de- tribuée à un autre animal, avec très peu de dillirence.
vait prévaloir, ce semble, sur celui d'A et d'E, où la propriété II ( p. 429) et D , sous le titre lacerta , développent le thème
merveilleuse du prétendu tiris n'est donnée que comme une de l’asura avec d'autres expressions : Est volatile animul,
première nature du serpent. M et B n'ont rien de tout cela . quod larerta dicitur, clarum (H. ulrisque oculis clura) ut
2 A. salvator ; D. omis : lla in Evangelio dicit : Eslote. sol. Physiologus dirit de eo (H. ea) quia (H. quod) quando
3 A et D. omis. senuerit, utrisque (H. lumen ejus ita impedilur ul ) oculis
4 D. omis : et reliqua ; C. simplicis. impeditur ita ut nec solis lumen vid al ; sed suc nuturæ
5 A et D. omis. A ... columbit. Serpens tres naturas ha- hujusce (1. hujus) modi præstat (II . præstul) medicamen
bet . Prima ejus natura hæc est : quum senuerit. D. Phi- lum . Inquirit parietem , utlendentem (II . tendintem ) con
siologus dicit : Tria sunt munera viperarum nocentium . tra orientem solem (H. omis ) ; et per foramen arctum
Primum : quando senuerint, impedimentum habent oculo- (D. omis) erit , et (H. omis) apertis oculis renovatur (H. et
rum ut non videant. Sed vide quid faciat. Jejunat enim sic renovutur ).
quadraginta , etc. Le soi-disant Hugues de Saint-Victor, qui Sic (H. omis) et tu, homo qui veteri tunica indutus es,
répète cette mème narration jusqu'à trois ou quatre fois sous quando oculi tui cordis culiyentur (H. culigant), quere
divers titres (p.425 , 429,445), suit assez exactement A au cha. (H , quiere) locum intelligibilem (H. tendentem ) orientem
pitre lui du troisième livre; après quelques lignes qui n'ont versus, id est aid solum justitiæ Christum Dominum Ihm
rien de commun avec notre texte , il entre de la sorte en ma- (H. nostrum ) te converle , cujus nomen Orientis (H. Oriens)
tière : Serpens autem tres habet naturas. Prima est hac : dicitur ; quatenus oriatur in corde tuo per Spiritum sunc
Quum senuerit. tum , el lucem misericordice suce ostendat (II. ostender)
6 C. calignant . tibi qui illuminat omnem hominem in (H. venientem ....
7 H. ejus oculi. mundum ) hunc mundum venientem .
26
8 H , a cibo , et jejunut. Guupz viesma (Lacerta solaris). Cf. Bochart, t. 1 , 1048.
9 H et E. multis. Tychsen, 62 , sqq. ; et 55, sq . Le Physiologus syrus,
10 C. dies et noctes ; D ... diebus et quadraginta nocti- comme C , attribue celle propriété au serpent et au lézard .
bus, donec laretur pellis ejus ; luncque vadens, querit (sic) 27 Je me suis permis de disposer à ma guise l'ordre des
excisum petræ, et per ipsum transitum facit; sicque expo- membres qui composaient cette phrase. Le manuscrit la donne
liatur (sic) el juvenescit. ainsi : Quærit puréptem , intrans in scissurum parirtis ad
Angusta est porta , el arta (sic) via quæ ducit ad vitam . tendentem ad orientem , el ortu solis aperientur oculi
Ainsi se termine cet article . ejus .
2

BESTIAIRES (Pl. XXI). 219

C. A.

pellis ejus relaxetur II , et 12 quærit fissuram 15 an- minem et indumentum ejus. Sed 2 et tu quære
gustam in petram ; et intrat 14 in fissuram 15 et con- spiritualem petram , Christum ; et angustam 22 fis
>

23
tribulat 16 se et deponit pellem veterem 17. suram , id est angustam 25 portam quæ 24 ducit ad
Sic 18 et nos, per multam abstinentiam 19 et tri- vitum , et pauci intrant per eam (Matth. VII , 14) .
bulationes pro Christo, deponimus 20 veterem ho

11 H. laxetur ; C. relaret. 15 H. eam .


12 C. omis ; H. et tunc. 16 H. confricat ac constringit se.
13 C. petram aut fissuram angustam ; H et E. angustam 17 H. veterem pellem.
rimam in pelra . 18 A et E, omis .
14 C. omis : et inde se coegit (cogit) Iransire ; et tribu 19 H. angustiam corporis et abstinentiam pro ; E. tri
lat corpus, et deponit senertutem , et novus fiet (fit ) . bulurionem et angustias et abstinentias pro.
Siset hoino, si hoc (sic) prudentissimum suscipiat (sus 20 H et E. deponamus.
piciat ?) serpentem , qui voluerit veterem senectutem se 21 A et E. omis : ... ejus el quæramus spiritualem .
culi deponere, por angus'am et tribulatum (viam ] frsti . 22 A. angusta.
net primo corpus jejunia (jejunio ) adſligere. Angusta enim 23 H. omis .
via et tribulata quæ ducit ud vitum aeternam . 24 H et È s'arrêtent à portam .

OBSERVATIONS.

Dans l’exemplaire de l’Image du monde que renferme le manuscrit de l'Arsenal , une erreur
du copiste ( je le suppose) a fait confondre ce serpent avec le tigre :
Altres (serpents) i a c'ont non tvgris (lyris)
C'on prant à alcunes fois vis ;
C'est cil dont on triacle fait,
Altre venin oste et desfait.

Puis on y raconte , mais comme d'un autre serpent, le procédé de rajeunissement attribué
ici au tyris.
Quant aux Bestiaires latins, tantôt c'est à la vipère qu'ils semblent attribuer cette nature ,
tantôt c'est au serpent sans nulle désignation d'espèce particulière ; tantót c'est le lézard, ou
un lézard dont ils ne cherchent point à déterminer les caractères spéciaux. Dans le fait, les
serpents et les sauriens présentent plus sensiblement qu'aucun autre ordre le phénomène du
dépouillement; mais au lieu d'être un remède extrême ménagé à la vieillesse , c'est une ré
novation périodique que ramène au moins chaque année, et qui se répète même bien plus
souvent chez les salamandres . Ainsi s'expliquerait le choix que certains textes ont fait du lé
zard pour cet article . Les observations les plus exactes confirment passablement ce que disent

nos Bestiaires sur le jeûne qui précède cette crise et sur le soin que prennent les reptiles
d'aider ce travail de la nature par un frottement qui leur facilite le rejet du vieux fourreau.
Des auteurs arabes (ap. Bochart, P. I , libr. IV, c. 1 ; t. I , 1048) ont adjugé au crocodile
> >

quelque chose de ces propriétés, mais le résultat le plus glorieux de tous ces récits a été pour
le lézard ; car après avoir dû peut-être à cette rénovation de sa vue par l'effet du soleil levant,
220 MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE.

le nom de lézard solaire (Cf. Tychsen , 62-66 ), il a fini par devenir ( dans D et H ) éclatant
comme le soleil (Cf. supra, p. 218, n. 25 ; etc. ) . Après tant d'honneur, ce qu’Élien (IX, 16)
et Pline (VIII , 41 ; al . 27 ) disent du remède qu'emploie le serpent pour recouvrer la vue mé
rite à peine quelque attention .
Pourquoi le Bestiaire rimé (entre autres) omet-il cet animal ? C'est ce qu'il faut renvoyer
à l'histoire des transformations du Physiologus.

37 ( Fig. AO ) .
LI UNICORNE.

Une beste est quiest apelée en grieu ‘ monoceros, c'est en latin unicorne. Phisiologes nos dist
de 2 sa nature qu'èle est moult bèle de cors, et si n'est mie grant beste. Si a cors de ceval et
piés d’olifant, et teste de cerf, et halte vois et clère , et coe torte comme porcel ; et une corne
enmis le front, qui de longor a IIII piés, droite et agüe *. Et de cèle corne déront et depèce
parmi quanqu’èle ataint devant lui quant èle est irée. Et cele beste ne puet estre en nule ma
nières prise fors par une vierge ben parée . Li veneor amainent une virge meschine 5 bel et
6
bien parée , là où èle converse 6 ; et le laisent là , séant en une chaière , seule ou bos ?. Si tost
comme li unicornes 8 le voit, il vient à lui ; et la mescine li oevre son giron '. Et la beste flécist
ses jambes devant la mescine, et met son cief en son giron tot simplement ; et si s'endort ens.
Lors sont li veneor près, qui le gaitent et le prennent tot en dormant ; et le mainent el roial
palais.
Tot altresi nostre sire Jhésu Crist 10 descendi en la virge pucèle Marie. Et por la char que
vesti por nos , fu pris des Juis et menés devant Pilate , et présentés à Hérode ; et pus " l cruce
fiiés ( crucefijés?) en la sainte crois, com il 12 devant ert o (od ?) son père non véables. Dont il
meisies dist en le saume 13 : ma corone 14 est ensi essauchie 18
16
comme li unicorne.

1 R. en griu monocheros. o S. repaire .


2 R. Phisiologes dit que l'unicorne a tèle nature qu’èle 7 R et S. bois.
est petite beste et sans bouche. (Ce dernier trait est un peu 8 R... l'unicorne la voit, èle s'endort en son giron . Ainsi
fort, aussi n'en est-il pas question dans S. ) Ele a une corne failièrement ( ITAL, così fattamente) est prise des véneors,
en mi son chief, et est si crueus que nus hom ne le puet et menée au roi au palais. Autre exemple de réductions,
prendre se par ceste manière non (sinon par...) qui nous par lesquelles on pourra juger du reste.
ert ci-dite : Li veneors, etc. On peut juger par ces lignes de 9 Ce mot, qui n'est plus guère français qu'avec une sorte
la réduction qu'a subie Pierre-le -Picard dans l'édition du d'acception mystique, fleurit encore en Picardie dans toute
quatorz ième siècle. sa sève première ; mais on y dirait sen gron ; Lat. gremium .
8 Au milieu ; nous n'avons plus que parmi, et encore en 10 R. Tout autresi nostre sires Jhu Gris, espéritueus uni
avons -nous restreint l'emploi. corne, descendi en la Vierge ; et par la char qu'il vesti, etc.
4 La mesure précise de cette corne se trouve aussi dans le 11 R. puis crucifiés.
manuscrit D à l'article du Rbinocéros : « Unum cornu in me- 12 R. come cil qui devant iert...., (S. ert) nient (S. non )
dia fronte habet, pedum quatuor , ita aculum et validum , etc. ) véables à nos (S. nous).
5 Pucelle ; nous trouverons plus bas l'orthographe mes- 13 Ps. xci , 11 .
cine, qui rendait peut-être le même son , comme aujourd'hui 14 R et S. corne ; c'est évidemment le vrai mot .
en Italie. 15 Exhaussé. Cf. Ps. CXI .
BESTIAIRES (Pl . XXI, XXX) . 221

Ce qu'il dit ensi 16 : l'unicorne a une corne el cief, ce sénéfie ke 17 li Sauvères dist 18 : Je et
mes pères 19 somes tot I ; li cief de Crist, si est Dex 20.
Ce que la beste est cruels, c'est que poestés ne dominations, ne enfers ne pot entendre la
poissance de Deu 21. Ce qu'il 22 dist : l’unicorne est petite ; c'est à entendre qu'il humilia 23 por
nos, si comme l'unicorne s'umilia devant la virge meschine'en qui giron 24 il mist son cief et
dormi por l’incarnations, dont il meisme dist 25 : Aprendés de moi car 26 je sui sajes 27 et hum
les de douchor 28

16 R. ce que il (Phisiologes) dit ici que l'unicorne a une 23 R. s’omilia por nos par l'incarnacion ; dont, etc.
corne en mi son chief, sénefie que (ce que) , etc. 24 Dans le giron de laquelle ; ITAL. nel cui grembo.
17 S. ce que li sauverres. 25 Matth . XI , 29.
18 Joann . .. , 30. 26 R... moi que je suis soués et humiles de cuer .
19 S. Moy et mon père sommes tout ung . 27 Peut- être ai-je mal transcrit (soies ? souef); mais les
20 I. Cor . xi , 3. textes R et S sont assurrément préférables cette fois. S porte :
21 R. puissance de Dieu . car je suis debonnaires et humbles de cuer .
22 R. ce qu'il dit ci, que l'unicorne, etc. 28 Erreur du copiste, sans aucun doute (dou cuer? ) .

BESTIAIRE LATIN .

MSS . A. B,
MS . C.

XVI. DE MONECERON (sic) ' . XVI . DE ANIMALE UNICORNIUM .


Est 2 animal quod græce 3 dicitur monoceron “,
6
latine vero unicornis 5. Physiologus 6 dicit ’ uni In psalmo sic dicit : Exaltabilur sicut unicornis
cornum 8 hanc habere 99 naturam ; pusillum 10 ani- cornum (sic) meum . Physiologus de eo dicit quod
mal est , simile II hædo 12, acerrimum nimis, unum minor (sic) sit animal. Est autem animal simile
edum (hædo), mansuetum valde ; unum cornum
· Cet article, intitulé De unicorni dans A , s'y trouve sur le
feuillet intercalé dont j'ai parlé à propos du renard( p. 208, habet ( habens ?) super caput, et non potest venator
n . 1) , et qui porte actuellement le n° 146 tracé au crayon. Je adpropinquare ei propter [ea ? ] quod valde fortis
ne me servirai point de D , qui diffère beaucoup de A , B et C.
? A. item est ; M. (p. 594, sq .) Rhinoceron animal est simum habet cornum. Quando tamen tripudiando
quod , etc.
discurrit, sic ( hoc ? ) modo conprehenditur. Proici
B et H (p. 420) . omis.
4 A. rinoceros ; H. monoceros ; D, monocheros. Le ma- tur (objcitur ?) ante eum virgo castissima ; et dum
nuscrit B , qui maintient ici le inonoceron du titre, avait à la
table monocerus ou monoceras. videret ( viderit ?) virginem , statim venit mansuetus ,
5 Ces trois derniers mots sont délayés dans une phrase en- et in sinu ejus se conlocat. Et dum calefiet, sic eum
tière par le texte H : monoceros autem græce, unicornis
dicitur latine ; eo quod unum cornu habet in medio ca portat festinans in domo regis. Nam nullus eum
pite.
6 B. Fisiolocus.
venator adprehendere valet.
7 B. dicitur . Ita et Salvator noster est, de quo propheta dicit :
8 B. hanc unicornem habere, etc. Ererit cornu salutis nobis in domo David. Dum
9 A. ejus .
10 H. quod sit pusillum animal et hædo simile, acceri. (donec ?) enim in seculum videretur, nulli reges
mumque habet in capite cornu unum ; ipsumque nullus
venator vi aut prævenire aut capere potest, sed hoc dun. nullique ( sic) potestates maligne (maligna ?) va..
tarat commento ac dolo capiunt illud : Puellam , etc. luerunt nocere eum ( sic) ; quum ( quo ad usque ? )
11 B. similis.
12 A. hedo ; B. ædo. Verbum caro factum est et habitavit in nobis.
222 MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE .

MSS . A , B.

cornu 15 habens in medio capite ; et quia 14 pullus cornis cornu 38 meum . Et Zacharias (Luc. I , 69) 9

omnino venator eum 15 capere potest , hoc argu- dicit 39 : suscitavit cornu 10 salutis nostræ 41 in domo
mento capitur 16 : Puellam 1217 virginem 18 ducunt in David pueri șui. Et 42 in Deutèronomio , Josue 45
illum locum 19 ubi ipse 20 moratur, et dimittunt benedicens tribum Joseph ( Deuter . XXXIII , 17) : 2

eam in 21 silva 22 solam . Rinoceros 25 vero, ut 2 Primitivos (sic) tauri species ejus, cornua ejus tam
viderit illam , insilit 25 in sinum virginis, et anplec- quam cornua unicornis. Quod auiem unum cornu *
titur eam , et sic comprehenditur 27 ; el 28 exhibe- habet in 45 capite, siguificat hoc quod dicit 46 Sal
26

tur in 292 palatio regis. vator : Ego et Pater unum sumus ( Ioann. X , 30) .
Sic et Dominus noster 50 Jesus Christus, spirita- Caput 48 enim Christi Deus, secundum 49 Apos
lis 51 unicornis, descendens 32 in uterum virginis,, tolum ( I Cor. XI , 3) . Acerrimum vero quod dicit
per carnem ex ea sumptam captus a ludæis , eum , id est quod neque principatus 50 neque po
morte crucis damnatus est. De quo David dicit testates, non ! throni neque dominationes intelli
(Ps. XXVIII , 6) : Et 5355 dilectus sicut 54 filius uni- gere 52 Deum 55 potuerunt 54 , nec ipse 55 subtilissi
>

cornium 35. Et 36 rursum 57 in alio psalmo ipse de mus (sic) diabolus investigare potuit, nec infernus
se dicit ( Ps. XCI, 11 ) : El exultabitur sicut uni- tenere valuit. Quod 56 autem dicit pusillum animal ,

13 B. unicornum . 35 B , unicorniorum .
14 A. omis. 36 A. Oinis : ... unicornium . Unum cornu habet, etc. ; en
15 A. venatorum capere, etc. santant plusieurs lignes. Cf. p. 175 , n . 80 ; et p, 132, n . 50.
16 M et B. eum cupiunt. 37 H. ulibl : El exultabitur, etc.
17 B. puella . 38 B. cornum .
13 H. Virginemque speriosam ducunt, etc. 39 II . omis.
19 A. loco illo ; H. locum illum ; M. illo loco . 40 B. eum vobis (nobis ?) cornu salutis in domo, elc.
20 B , H , M. omis. 41 Celle version porterait à penser que l'on a lu dans le grec
21 H. solam . Quum autem ipsa viderit illud, aperit si- ripens au lieu de vuzu
num suum , quo viso, omni furocitate deposita , cuput suum 42 H. om s : ... sui. Quia vero habet hoc animal unum
in gremio ejus deponit ; et sic dormiens deprehenditur cornu in capite , etc. La vieille version allemande dont j'ai
ab insidiutoribus, et exhibetur in palatium regis, etc. parlé précédemment suit sensiblement le texte du manus
22 M et B. silvum , crit B.
23 M. i le ; B. omis .... solum , Silit (sic) in sinum , etc. 43 La version allemande dit Moyses, conformément à l'Ecri
24 M. mor (ul? ). lure sainte .
25 M et B. silit, 4. B. unicornium .
26 Met B. complectitur. 45 A. omis : .... habet, de quo dicit; etc.
16 H , salvator uit.
27 A. capitur.
28 A. omis : ... capilur. Sic et Dominus Christus. 47 A. in evangelio.
29 M. omis ; exhibetur termine l'irticle. 48 A omis i .. sumus. Quod dicit acerrimum , quia neque
30 | et A. omis ; voyez la note 28. principalus, etc.
31 H. spiritualis ; B. spiritule. 49 H. est. Quia acerrimum dicitu “, significat quod
32 A et B. omis :... unirornis, de quo David, etc. Cette neque, etc.
omission se retrouve dans la vieille version allemande (p. 9 ) 50 B. principatos.
déjà citée ; mais les deux Bestiaires français que je publie sa 51 A. neque virtutes cum intelligere, nec ipse , etc. II . ne
conforment à peu près au texte H. que .
33 A. omis . 52 B. intellegere.
34 H LA quemadmodum . Le feuillet intercalé au treizième 53 B. omis .
siècle dans le manuscrii A pourrail bien avoir accordé à la 54 H. valent sirut est. Quia autem dicitur pusillum , etc.
Vulgate celle retwuche, regardée alors sans doute comme une 55 B. omis : ... potuerunt, nec infernus , etc.
chose de rigueur. 56 A. Pusillus uicitur, propler, etc.
BESTIAIRES (Pl. XXI, XXX ). 223

A , B.

, et habitavit in nobis
propter incarnationis 57 ejus 58 humilitatem ; de 59 Et verbum caro factum est,
qua ipse dicit (Matth. XI , 29) : Discite a me quo- (Ioann. I , 14) . Quod 67 autem simile est hædo 68
niam comitis 61 sum et humilis corde. In 62 tantum unicornis 69, et 70 Salvator noster 71 secundum 72
autem acerrimus, quod eum nec ille subtilimus Apostolum (Rom . VIII , 3) factus est 73 in similitu 2

(sic B) diabolus intelligere 63 aut 64 vestigare po- dinem 74 carnis peccati, et 75 de peccato damnarit
tuit ; sed sola voluntate Patris descendit 65 in ute- peccatum in carne. Bene ergo dictum est de 76
rum virginis Marize 66 propter nostram salutem . unicorne.

57 B. incarnationes ; H. incarnationem ejus et humili- 68 A et B. hello.


latem . 69 B. unicornius.
58 A. omis . 70 A ( feuillet intercalé) id est; H. quia.
59 B. dicente se ipso ; H. dicente ipso . 71 Hl . omis .
60 H et A. quia. Il y aurait ici encore lieu à la conjecture émise 7. A. quia secundum .
ci-dessus (11. 34) au sujet de quemadmodum substitué à sicut. 73 B. omis .
61 B. millis. 76 B. simi itudine.
62 Hl . qui in tantum acerrimus est , ut subtilissimus, etc. 75 H. ut de peccato damnaret peccatum , et là s'arrète le
A. omis : ... corde. Similis hado , etc. Le feuil et intercalé texte H Le feuillet intercalé dans le manuscrit A termine
dans le manuscrit de Bruxelles saute donc ici la phrase qu'il l'article de la licerne par cette phrase , qui suit immédiate
mint le mot pecrali : lunc nemo capere potuit, sed sola
avail seul place dans l'avant dernière explication ; et il semble
qu'évitant ainsi une répétition sans utilité il offre un texte
voluntate Patris descendit in uterum Virginis propter
préférable. Car les textes qui réintègrent ici le passage donné
nostram salutem ; et Verbum caro factum est, et habila
précédemment par le manuscrit de Bruxelles avaient cepen- vil in nobis. Le copiste du treizième siecle, qui s'était chargé
dant fait déjà l'application mystique du mot acerrimum . Je de cette intercalation , semble avoir voulu simplifier le raccor
me suis néanmoins décidé à ne pas rejeter ce double emploi dement de son feuillet avec le reste du manuscrit en effaçant
dans les notes, parcegne je le retrouve dans l'ancienne ver- les trois lignes qui commençaient la page suivante et qui
sion allemande qu'a publiée M. Hoffman (p. 24 ) . étaient la véritable fin de article consacré à la licorne par l'é
63 B. intellegere. crivain du dixième ou du onzième siècle. Au moyen d'une so
64 H , et investigare incarnationis mysterium non value- lution de noix de galle, j'ai réussi à raviver assez l'encre de
ril ; sent, etc. ces lignes pour les lire sans dilliculié. Les voici : in nobis .
65 B. discendit . Quod autem similis est hedo unicornis, el Salvator noster,
secundum Apostolum , factus est in similitudinem carnis
66 II . omis : ... virginis. Et verbum , etc. Ce que le texte H
retranche ici , lis manuscrit de Bruxelles le réintégrera plus peceati; et de peccato damnavit peccatum in carne . Bene
bas ; mais l'ancienne version allemande l'omet absolument, ergo dictum est de unicorne. On voit que l'ancien article de
conforme en cela au texte li . la licorne dans le texte primitif de ce recueil était beaucoup
67 B. quid ; H. hærlo autem similis est unicornis, quia plus semblableau manuscrit B que ne l'est ce feuillet rapporté.
Salvator secundum , etc. A (feuillet intercalé) similis est, etc. 76 B. omis.

BESTIAIRE RIME.

XVI. Or vus dirrai del UNICORNE, De totes cèles que i sont.


Beste que n’a fors une corne Ben se combat à l’olefant " ;
Ens el mileu del front posée, Tant ad le pié dur et trenchant,
Iceste beste est tant osée , Et l'ongle del pié si agu ,
Si combatante , et tant hardie, Que ren n'en poet estre ſéru
C’al éléranz ' prent aalie ? ; Qu'ele nel perce u ne le fende.
3
La plus ègre 3 beste del mond N'est pas poer que s'en défende

1 X. olifant ; Y. oriflanz. On sait qu’olifuni avait fini par devenir asticoter ; Franç. hate ? X. porte envie.
le nom de l'ivoire, à peu pris comme marfil en espagnol. 3 Y. aigre ; Lat. acer , acris.
2 Animosité ; Ital . astio ? d'où, peut-être, notre mot populaire * X. olifant; Y. oriflanc.
224 MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE.

L'olifant 5, quant èle requiert ; En ceste prist humanité


Car desuz le ventre le fiert Par ù al monde s'aparut.
Del pié trenchant cum alemèle, Son pople mie ne le crut 27
Si forment que tot l'esboèle 6, Des Gieus, anceis l'espièrent
Ceste beste est de tel vigor Tant qu'll le pristrent et lièrent.
Qu’èle ne crient nul veneor : Devant Pilate 28 l'amenèrent,
Cil qui la volent enlascier ?, Et iloc à mort le dampnèrent 29.
La vont primes por espier Cèle corne verraiement
Quant èle est en dedoit 88 alée Que la beste ad tant solement,
U en montainne u en valée. Signefie l'humanité 30,
Quant il ont trové son convers ', Sicum Deu dit pur vérité
Et très bien avisé ses mers 10, En l'evangelie 31 aperte et cleire :
Si vont pur ll une damoiselle 12 Nus somes un jo é le Père ;
Qu'il seivent bien que est pucèle ; Et li bon prestre Zacharie ,
Pois 13 la font séer et atendre 14 Ainz que Deus nasqui de Marie ,
Al rescet 15, por la beste prendre, Disi que en la maison Davi
Quant l'unicorne est revenue , Son bon enfant, son bon ami,
Et ad la pucéle véue, Drescereit Dampne Deu son cor.
Dreit à lui 16 vent demeintenant, Et Deu 32 méismes dist encor
Et somilie 17 (s'omilie ?) en son devant ; Par Davi, qui ce crie et corne :
Et la damoisèle le prent Si cum li corns del unicorne,
Come cil que à lui 18 se rent. Serra li miens corns eshalcie .
Od la pucèle envoisely tant Si cum Deu l'ot convenancié
Qu'endormie est 20 en son devant ; Fu ceste parole aemplie 33,
A tant 21 saillent cil qui l'espient , Et le dit et la prophécie ,
Ilec la prennent et la lient, Quant Ihu Crist fu coroné
Pois 22 la meinent devant le rei 23 Et en la verrei 34 crois péné.
Tot à force et à desrei. La grant agresce 35 signefie,
Iceste merveillose beste , Dunt ceste beste est raemplie,
Que une corne ad en la teste, Que unque ne porent saveir
Signefie nostre Seignor 24 Les poestés del ciel pur veir,
Ihu Crist nostre Salveor 25 ; Throne, ne dominacion
C'est l'unicorne espéritel L'oevre de l'incarnacion .
Que en la virgne prist ostel. Onque ne sot veie ne sente 36
Qui tant est de grant digneté 26, Li de [a]bles qui grant entente

5 V finit par se rencontrer avec X, qui ne varie pas sur ce mot, 18 X. le ; Y et Z. li .


non plus qu'Y. 19 X. jeue. C'est à peu près le même sens. Cl. p. 119, n . 23 .
6 Z. esboiele ; ITAL , sbudellare; FRANÇ. boyau . 20 Y et Z. qu'ele (Z. k'ele) s'endort.
7 X. essaier ; Y. enlacer. 21 X, adonc ; Y. adon.
s Y. déduit ; passetemps, etc. 22 X et Y. puis.
9 Repaire. 23 Y. roi, et desroi.
10 L'analogie de ce mot avec mer et marais me fait penser qu'il 24 Y. seignour.
exprimait peut-être ce qu'en terme de chasse on appelle la souille, 25 X. sauveor.
endroit bourbeux où certaines bêtes fauves viennent volontiers se 26 X. dignité.
vautrer. Cf. supra, p . 210, note 15. 27 X. le pueple mie nel quenut - Des jeves, enceis, etc.
11 X. por. Un Espagnol ne parlerait pas autrement : Voy por 28 X. pilatre.
agua. 29 Y. dannèrent.
12 X. dameisèle ; Y. dameselle, 30 X. sénefie solempnité.
13 X. puis ;; Y. pus. 31 X et Y. levangile.
14 V. entendre.
32 Z. Dix et Damedix . Cf, supra, p. 129, note 6 .
15 X. recet .
33 Y. acomplie.
16 X. le ; Y. li. 34 X. veire.
17 X. se chouche (couche) ; Y et Z. sumelie (s’umélie ?), sommeille, 35 X. égrèce ; ITAL . agrezza .
ou plutôt s'agenouille ; comme on dit : faire la révérence. 36 Voie ni sentier ; ESP. senda, sendero ; Lat. semita .
BESTIAIRES (PL. XXI, XXX). 225

Mist al saveir ; mult soleilla 37 , Homble al de quer , nenni estuls 42.


Onc ne sot coment ceo ala. Sul 43, por la volenté del Père,
Mult fist Deu grant humilité Passa Deu por la Virgne mère ;
Quant pur nus prist humanité ;, Et la Parole fut char faite,
Si cum il méismes le dit, Que virgineté n'i ot fraite 41 ;
Et en évangelie 38 est écrit : Et habita en nos méismes.
De mei, ceo dist Deus, aprenez , Si que la grant gloire véismes
Que 39 entre vus ci me véez , Coine del verrai engendré ,
Come je suis suef 10 et duls , Plein de grâce et de vérité (Joan. 1).

37 Subtilisa . Nous avions, p . 116 (not. 5 et 6) , soutics et solties. estoz .


38 X et Y. l'évangile. 42 Fier, arrogant ; lat. extolli ? ou bien plutôt allem. stolz.
39 Y. qui. 43 X. sol : Y. seu ; seu ) .
40 X. simpler ; Y. 8007. 44 Atteinte , brèche (brisure ); lat. fractus. X. n'i oul frète. De là ,
41X, humble de cuer, non pas estouz ; Y. humles de cuer, nenie sans doute, la frette du blason et de l'architecture.

OBSERVATIONS .

Malgré mon indignité, et malgré l'exclusive formelle donnée par le savant G. Cuvier à toute
licorne passée ou future, j'avoue que je ne désespère pas du tout de l'avenir pour cet animal
>

si décrié après tant de panegyriques. La 'corne sera mobile ou non , persistante ou caduque ,
ce n'est pas ce qui m'importe ; mais elle sera unique, j'ose m'y attendre; et l'unicorne figu
rera dans nos collections à côté de l'ornithorhynque, qui était bien aussi improbable qu'elle
avant qu'on nous l'eût envoyé, ou bien dans ie voisinage des pterodactyles, qui avaient été à
peu près absurdes aussi jusqu'au moment où ils ont reparu quasi de toutes pièces.
Quant à la licorne des anciens et à son histoire, je ne répéterai point ce que j'en ai dit
ailleurs (Vitr. de Bourges , n° 72 ; p. 130 , sv . ) ; d'autant plus que ce symbolisme et les récits
sur lesquels il repose se trouvent pour ainsi dire partout.
La belle réputation octroyée dès l'antiquité à la licorne par les Orientaux, qui semblent en
avoir fait le symbole des animaux purs, a donné lieu de vendre chèrement sa corne, ou
ce que l'on présentait pour tel , à raison du merveilleux office qu'elle était censée rendre
en signalant la présence du poison ou même en le dissipant d'une manière infaillible.
Aussi la corne de licorne figure-t-elle fréquemment dans les services de table chez les princes
du quinzième siècle surtout. Et puis comme on ne trouvait pas toujours de la corne de licorne
parfaitement authentique, on étendit quelque chose de ses vertus à la corne de céraste. Voici
ce qu'en dit Albert-le-Grand (De animalib. lib. XXV ; t. VI , 667) avec sa prudence ordinaire :7

« Cornu cerastis sunt qui dicunt præsente veneno sudare , et ideo ferri ad mensas nobilium ;
et fieri inde manubria cultellorum quæ, infixa mensis, prodant præsens venenum. Sed hoc
non satis probatum est . »

29
226 MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE.

38 (Fig. A P) .
LI GRIPONS !.

V
Uns oiseax est, qui est apelés gripons. Phisiologes nos dist que il est en une partie des dé
sers d'Inde abitant ; et iluec conversent cist oisel . Si nos dist que ces manières d'oiseax n'is
sent onques des désers, si ce n'est cose ? que il ne poent trover que il voelent mangier. Cil
oisel sont par droite nature si fors que il prennent ben I buef tot vif ; et s'envolent atot ", et
l'enportent à lor pochins.
Cest oisels senefre diable ; le buef senéfie l'ome qui vit en mortel péchié, et il ne s'en velt
départir ne retraire. Quant la mort vient , si l'estuet morir ; lors vient li gripons des désers
volant, et quiert sa pasture. Et prent la caitive âme , et s'enrevole vers les désers atot , et le
jète devant ses pochins ; et li pochin le prennent et detirent ou ni . Et iluec brait et crie la
caitive, comme un torporó la honte qu’èle endure. Li désers sénéfie infers dont il vint volant .
Li pochin sénéfient diable qui gisent és désers ; c'est ens les ténèbres d'infer où la caitive âme
est ostelées entre les mains de ses anemis.

1 Rien sur cet animal dans les manuscrits B. et S, pas plus 3 Avec ; dans les campagnes qui environnent Paris on dit
B C, etc. , quoique le griffon paraisse fréquem- encore étout et itout (avec le tout , brochant sur le tout) .
que dans A , B,
ment dans les sculptures du onzième et du douzième siècle , 4 Je ne sais ce que cela veut dire.
et qu'il figure dans certains manuscrits grecs du Physiologus. 5 Logée ; il ne nous reste qu'hôtel, hôtellerie. Hótelier
2 Si ce n'est qu'ils ne puissent... Voici de nouveau l'ancienne (angl. hostler) n'appartient presque plus aujourd'hui qu'au
trace de l'expression alambiquée qui subsiste encore chez les langage monastique ; mais les Poitevins disent encore ous
Italiens sous la forme conciossiacosach . Cf. p. 187, n. 3. teau (logis).
BESTIAIRES (Pl. XXI ). 227

OBSERVATIONS.

Vincent de Beauvais (Specul. hist., IV, 37) a décrit cette bête merveilleuse dans les voyages
d'Alexandre -le -Grand, d'après les conteurs grecs ; aussi la retrouve-t-on en un passage du
Romans d'Alixandre ( ed . Henri Michelant, Stuttgard, 1846 ; p. 385, svv.) que les monuments
nous donneront occasion de rappeler quand nous traiterons des applications du Bestiaire, après
avoir terminé la publication des textes du Physiologus. Mais si l'on veut percer au - delà de ces
récits, c'est une grande affaire entre les défenseurs de l'antiquité et ceux qui font bon marché
de son témoignage que de savoir ce qu'il faut penser des griffons. M. Berger ( Trad. tératol.,
p . 485-490 , 264, svv .) a rassemblé avec beaucoup d'érudition les éléments dont nous pouvons
disposer jusqu'à présent pour la solution de ce problème; et ce n'est pas une conjecture trop
hasardée que celle de M. Roulin, qui propose le tapic comme ayant été le type primitif de
cette création complexe. Mais quand Élien (IV, 27 ) et Ctésias vont jusqu'à décrire la couleur
des plumes du griſſon sur les diverses parties de son corps, il fallait que l'ornithologie eût déjà
englouti le tapir avec une certaine puissance d'assimilation. Si d'ailleurs nous faisons atten
tion à l'analogie sensible qui rapproche à la fois les noms de la grue et du griſfon (gruis, ou
mème yu $ , et ypül ) d'une part, puis les guerres de la grue avec les pygmées (Leopardi , l. cit. ,
241-2/17) et celle des griffons avec les Arismaspes (Leopardi, 265–269), n'est-il pas permis d'es
pérer qu'une connaissance plus complète soit des meurs des animaux étrangers, soit de la
littérature et des monuments asiatiques, nous ouvrira une voie différente pour l'explication
de cette énigme (Cf. Brotier, in Plin . X , 23, al . 30) ? Il semble que ce devra être la lutte de
7

quelque peuplade misérable, peut-être même de certaines espèces de singes, contre de grands
oiseaux de proie ; ou un récit altéré de ces chasses faites en commun par l'homme et les fau
cons : fait dont on avait douté malgré les relations classiques, et qui s'est trouvé exister en
core en plus d'un endroit et sous plus d'une forme (Cf. Roulin, Revue des deux Mondes ). Le
rok des conteurs arabes (Mille et une Nuits, passim ) semble se rattacher aussi au griſſon par
quelques traits, et le rok pourrait bien correspondre à quelque réalité dont nous aurions
perdu la trace .
Quand notre prosateur picard parle des bæufs enlevés par le griffon , il prétendait sans
doute donner une idée plus grande du poids que pouvait soulever le monstre; mais la vérita
ble tradition du moyen âge était surtout pour la lutte entre le griffon et le cheval, comme nous
le ferons voir ailleurs en expliquant d'anciennes sculptures historiées. La miniature du Bri
tish museum (en tête de cet article) est donc plus fidèle aux vieilles données lorsqu'elle peint le
griffon enlevant un poulain.
228 MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE .

39 ( Fig. AQ ) .

LI CASTOIRES ".

Une beste est qui est apelée castoires. C'est li bures ? qui moult est soef beste. Phisiologes
dist que ses coilles ont grant médecine en els, et porfitent à plusors enfermetés. Et la beste
est de tel nature que quant li veneor le cacent qu'il esgarde tos jors derières soi ; et la beste
est tant sage de nature de li meisme, que ele sąit bien que on le cace por ses coilles avoir, et 9
+

por medicine faire. Et por ce fuit à grant paor, et regarde adės se li veneor li aprocent. Et
quant la beste voit qu'èle est si apressée que près est du prendre , si gète les dans as coilles et les
aert, et les trenche jus ; si les gète al veneor en mi le vis. Li venères les rechoit et ne le sieut 6
plus ; et s'en retorne atot les coilles de la beste. Et s'il avenist que autres vénères por cèle
meisme beste cachast , il est si sages , s'il voit que il ne poet escaper, il mostre al veneor que il
a tranchiés ses coilles ?. Et quant li vénères voit que la beste n’a S nules coilles , si s'en retorne
et laist la beste, que plus ne le velt cachier.
Tot altresi cil qui velt garder le commandement de Deu , et vivre nètement, il doit tren
chier : soi meisme de tos mals vices et de tos mesaaisiés ( sic) fois ( fais), et jeter les el visage
del veneor ; c'est del diable qui tous jors le cache 10. Et quant li diables voit qui (qu'il) vit en
Đeu et qu'il est sans viesce !!, il s'en retorne ; et quant il voit que li hom est mal ovrant, et
qu'il se tient ès malvais visces , si dist diables de lui 12 : Je le sivrai et le prendrai. Et por ce ,
hom , ne dois tu avoir oevre en toi qui al diable apartiengne ; que 13 tu puisses dire 14 : A moi
vint li princes du monde, et si n'i trova nul mal. Li Apostres nos dist et amoneste que nos ren
dons à Deu ce que nos li devons ; c'est fruis esperitels. Quel sont-il ? charités, pacience, pais,
contenance 18 , en bones oevres permanoir : en almosne 16 , en visiter les malades et en la cure
>

des povres , et en la loenge de Dieu . Ensi resamblerons nos le castoire 17 qui oste ses générai
nes 18 ; c'est que nos arons osté trestos les vices de nos 19.

1 Casior ; R. castre . ? R. génetaires; S. génetoires.


2 R et S. ce est li bièvres. Je suppose que le texte primitif 8 R ... n'en a nul, il s'entorne.
aura écrit bivre (ALLEM. biber ). Il paraît que certains exem 9 R. trenchier ses genetaires ; ce sont toz les vices ; el
plaires de R. Sal. Jarchi donnent bivre ( BiBRA) comme nom loz les mauvais gès ( gesta ? S. fuis) geſer ou visage, etc.
français du castor ; Cf. Tychsen. op . cit . , p . 35. Le manus 10 Poursuit, chasse : Pic . cachoire (fouet). S. chace .
crit D porte « Est animal quod dicitur castor vel liber, uimis 11 R et S. vice. Nous aurons visces à la ligne suivante .
acer ingenio ; cujus , etc. » 12 L'auteur fait sans doute allusion au Ps. XVII , 38 .
3 R. Souez besle. Și génétaire ont mécine, et porſi 13 S. si que ti ...
tent , etc. 14 Joann. XII , 31.
4 R.... chace (S. chasscnt ), il esgarde. 15 Gal. v, 22 .
5 R. darrier (comme nous disons en arrière) soi ; et 16 R. aumones ; ANGL. alms, almoner ; ALLEN . almosen .
quunt il voil le veneor aprochier de lui, il trenche a ses 17 R. castre ,
dens ses génelaires, et les giète devant le vis au veneor . 18 R. genetaires ; S. genitoires.
6 R... suit plus, mais retorne s'en . S'il avient que, elc . 19 R. de seur (S. desur) nous.
BESTIAIRES (Pl. XXI, XXX ). 229

BESTIAIRE LATIN.

A , B.
perquirens 21 eum inveniat 22 et sequatur post 25
Point de Castor' dans C.
eum , ille videns se jam evadere non posse, erigit
XVII . DE ANIMAL (sic) casto " . se et demonstrat 24 virilia sua venatori. Venator
3
Esta animal quod 5 dicitur castor 4, mansuetum 5 autem quum viderit eum non habentem 25 testicu
nimis ; cujus testiculi in medicinam proficiunt ad ? los 26 , discedit ab eo.
diversas valetudines 8. Physiologus ? exposuit 10 na- Sic et omnis qui secundum mandatum 27 Dei
turam illius dicens quia quum vestigaverit eum ve- conversatur, et caste vult vivere 28 , secat 29 aa se
nator , sequitur post eum. Castor Il vero quum res- omnia vitia et omnis 50 impudicitiæ 3151 actus , et 32
pexerit post 12 se, et viderit venatorem 1315 post 14 se proicit eos 55 post se in faciem diaboli. Tunc ille
venientem , statim morsu abscidit testiculos suos , videns eum nihil suorum 54 habentem , confusus
et 15 proicit eos 16 ante faciem venatoris ; et sic fu- discedit ab eo. Ille vero vivit in Deo, et non capi
giens evadit 17. Venator autem veniens, colligit eos ; ' tur a diabolo 5535 qui dicit (Ps . XVII , 38) ; Persequens
et ultra jam non persequitur eum ,, sed * 18 recedit 19 ( persequar ?) et 36 comprehendam 57 cos 58. Nihil
ab eo. Si autem rursus evenerit ut 20 alter venator igitur diabolicum in se homo Dei habere debet, ut 2

1 Point de titre ; D. de castore. sua virilia evulsa ) genitalia venatori. Venator autem
2 A. item est . (H. vero) videns eum emasculalum (H. omis : videns, dis
3 A. qui. cedit) , discedit ab eo.
4 B, castus, et dans la table, castur; M (p. 592) , sans au: Sic et ille qui secundum mandatum Dei caste vult, etc.
tres préliminaires, castor animal est mansuetum . 19 B. redit.
20
A. mansuelus ; H. (p. 421 ) et D. vel fiber , nimis acer M et B. omis.
H. acri) ingenio Hajoute
( : et nimis mansuetum ani- 21 M. ut perquirens inveniat, et ; B. perquirat inveniens
mal), cujus . eum .
6 H et M. medicina . 22 A. et inveniet (sic) persequitur eum , ille erigit se.
B. et ad diversis ( sic). 23 A. omis ; voyez note précédente.
SA el M. valetudines; D. invaliludines. 24 M , omis .
9 B. Fisiolocus. 25 A. habere.
10 M. et posuit ; D et H. naturam ejus exponens (H. eä' 26 B, lesticulo (sic) .
primens) , refert quia (II. quod quum investigatus fuerit 27 B, mandatam .
et insecutus (D. omis ), ac acerrime timens capi a venatori, 28 B. videre.
bus, respicit ad ( D. omis) eos ; morsuque lesliculos suos 29 D. abscidit ; H. abscindit.
(H. omis) abscidit H. abscindit ), et ante eos proicit (H. pro- 30 D et II. omnes impudicos actus abjicit (D. omis) in
jicit) fugiens. Veniens ( H. venatorque veniens) autem faciem diaboli. Ces citations doivent suflire pour montrer le
venator , colligit eos (H. illos) et ulira non sequitur eum. caractère de la rédaction D et H , qui s'écarte sensiblement de
11 B. castus , l'ancienne que nous cherchons. Je n'aurai donc plus guère
12 M. omis :.. , respexerit el viderit. recours qu’à A et B au sujet du castor ; car M retranche tou
13 B. omis.
tes les applications morales, comme de coutume.
14 M. omis : ... venatorem venientem . 3. B. puliciti .
15 B. omis . 32 B. oms.
16 A et B. omis. 33 B. omis.
17 B. vadit. 34 B. omis .
18 A. omis : ... cum . Si autem ; Det H. si autem evenerit 35 B. diaboli.
ut alter venator eundem (H. eum inveniat, quum vide- 36 B. omis.
rit, etc. ) castorem inveniat, quum fortasse viderit se non 37 B. conprehendendum .
posse evadere , erigit se, demonstrans sua (H, venatori 38 B. eum .
230 MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE.

A , B.

fisus 59cum Domino dicere audeat ( loann . XIV , timorem tanquam domino. Et seppara (sic) te (a te ?)
30) : Venit 40 princeps hujus 41 mundi, et in me non opera carnis 48, quod est vectigal et tributum
invenit 42 quicquam . Monet 45 etiam nos, et dicit diaboli ; et 49 adipiscere 50 fructus spiritales : id est
Apostolus (Rom. XIII, 7 ) : Reddite 44 omnibus de- caritatem 51 , gaudium , pacem , patientiam , bonita
bita ; cui tributum , tributum 45 ; cui vectigal, vec- tem , mansuetudinem 52, fidem , continentiam ; cari
>

tigal ; cui timorem , timorem ; et 46 cui honorem , tatem 55 in omnibus 54 operibus bonis : id est n
honorem 47. In primis ergo diabolo reddantur quæ ele[e ]mo[sy ]nis 55, in visitationibus infirmorum , in
>

sua sunt, hoc est renuntians illi et omnibus, operi- curis 56 pauperum , in 57 laudibus Dei , in gratia
bus ejus malis ; tum demum ex toto corde conver- rum 58 actione, et ceteris quæ Dei sunt .
sus ad Deum , reddes illi honorem tanquam patri et

39 A. fidus; D et H. nichil ergo homo (H. commune ha- 48 Pour les variantes d'A , voyez la nole précédente.
beat homo Dei cum , etc. ) Dei habeat cum diabolo ; ul 49 B. omis .
securus (H. tulus dicere cum , etc. ) cum Domino audeat 50 B. adipescere.
(H. valeat ) dicere. 51 A. Karitatem ; D..caritatem ,patientiam , bonitatem ,
40 A. veniet. fidem, mansuetudinem , continentiam , et cetera (sic).
41 B. mundi hujus. Ainsi finit l'article .
42 A. inveniet. 52 B. fidem , mansuetudinem .
43 B , monil ; D omet toute cette phrase, qui n'est que mo- 53 H. adipiscamur fructus spirituales et charitatem in
difiée dans H. operibus bonis ; in eleemosynis, in visitationibus infirmo
44 B. reddita . rum, in consolatione pauperum , in laudibus Dei et ora
45 B. omis. tionibus assiduis. D'après le passage de S. Paul (Galat. v ,
46 A. omis. 22 , 23) qui servait de: guide dans cette énumération , il fau
47 A semble ajouter à cette phrase les mois tamquam Do- crait continentiam , castitatem ; les textes que j'avais sous
mino ; mais c'est que, sautant d'un honorem à l'autre, il a les yeux n'autorisant pas celle correction, j'ai cru devoir me
franchi plusieurs lignes. Aussi ajoute -t -il et repelle a le opera contenter de marquer une ponctuation plus forte après conti
ejus, quod est vectigal. Nous avons eu bien des occasions nentiam .
de remarquer cette étourderie de copiste (Cf. supra , p. 98 ; 54 B. omis.
p . 175 , note 80 ; et p. 132, note 50) ; mais ici elle se 55 B.. , id est elymosinis (sic ).
complique beaucoup, puisqu'après avoir sauté d'un honorem 56 A ... infirmorum , curam pauperis.
à l'autre il en fait autant pour tamquam qui venait immé 57 A , et .
diatement après. 58 A. orationibus, et celeris.

BESTIAIRE RIMÉ.

XVII. Une beste est qui ad nom BIÈVRE, Et de si près , pur veir , chalcié :
>

Un poi ', ceo quid , greinnor que lièvre ; Qu'il veit qu'il ne poet eschaper.
6
Mult cointes, et durement sage , Dunt se haste 5 de tost colper
N'est pas privé, mès est salvage. Ices 7 membre tot à un mors ;
Si fait l'om de ses génitaires 2 En tel guise raient , son cors.
Mescines 3 à nlosors afaires. Tant i ad Deu doné la grâce ,
Quant de veneor est chascié, Que il seit pur quei l'om le chace ;
1 Y. I pou gregnor, ce cuit ; X. Un poi, ce cuit, greignor ; Z. I 4 Cf. infra, noles 16 et 23.
poi, je croi graindre, de lievre. Cf. p. 132, 1 ). 17 ; et Lafontaine : 6 Y. aste.
« Tel, comme dit Merlin, cuide engaigner autrui. » 6 X. couper ; Y. coper .
2 X. génetaires, 7 X. iceus.
3 X. mecines à plusors ; Y, medicine à pusors ; 2. médecine si 8 Rachète, sauve. Cf. supra, p . 171 ( rimes), note 9 ; et 139,
pluisors, pote 58.
BESTIAIRES (Pl. XXI, XXX). 231

Issi se raient chèrement A l'essample de cette beste.


Por ses membres demaintenant : Li Apostle nus amoneste
Devant le veneor les lesse ", Que serviage et treu 26 rendom
Et li venères ne s'eslaisse 10 A cil 27 a qui nus le devom ;
Naient avant, ainz le guerpit ; Et là ù nus devom honor,
Car il en ad ceo qu'il en quist. Rëndom od crieme 28 et od amor .
En tel guise raient la vie Por vérité devom entendre
A son cors, par une partie. Que au dé[a]ble devom rendre
Et si altre feiz avenoit Primes ceo que nus li'devom ;
Que il refust'l en tel destroit 12, A ce que nus le renéiom
Et que venéor le chasçast Et ses 29 overainnes à plein ;
Que 13 ces membres i espérast ; Issi serroms hors de sa mein .
Quant vendroit al estreit bosoin Péchéor qui sages serreit ,
Qu'il ne porreit fuir plus loin, En tel guise se gardereit ,
Trestoz envers se tornereit Et se raendreit 30 vers celui
Et al venéor mustereit 14 Qui toz jors brace 31 son ennui 32
Que ren n'i ad de son espeir ; Les oevreins 33 qui la char délitent,
Issi 15 le fereit remaneir. U toz mals creissent et habitent,
Altresi oevrent linement Trenche de sei cil qui est sage.
Les sages homes sagement Quand il 34 i ad itel triwage
Quant les enchauce 16 li venères Rendu , come ceo que soen est ,
Li suduianz, li culvert lerres 17 Come sa proie et son conquest,
Qui tot adès lor mal porchace ; Et geté lui enmi la face ;
Més il li gectent 18 en la face Cil remeint, et en pert la trace.
Ceo que son 19 est : ceo est à dire Car il ne set, ne ne voit mie ,
Fornicacion , avoltire , Pois que 35 il entre en seinte vie .
Tote manère de pecché. Dunt troeve il les froiz 30 itels ,
Quant home ad ceo de sei trenché, Cum jo dis ainz, esperitels.
Et gecte al dèble 20 enmi le vis, Fei , pacience, humilité,
Cil le guerpit, jo vus plévis 21 ; Continence et bénignité,
Quant voit qu'il n'i ad ren de soen , Et charité , et bone pez 37,
Ceo ne li semble ren de boen 22. Joie qui ne faldra 38 james.
Quant prodom se vait enchacer 23 Et Deu , qui de joie est seignor,
Al dé able 24 , si deit trencher Nus maint à la joie greinnor
De sei toz vices et toz mals ; Qui ne fine, ni n'est muable ,
Issi poet ben eschaper salfs 25 Ainz dure toz jorz pardurable.

9 Y, laise, abandonne : X , sache (arrache, se débarrasse. Cf. su 23 X. enchaucier ; Y. enchaucer .



pra, p. 119, note 30) , et le chace. 24 V a très souvent dèble, dans des vers qui manquent d'une syl
10 Se précipite, ne s'élance ? labe.
11 Y et V. que il fust. 25 Rime bien pauvre. X et Y ont saus et maus.
12 Détresse . 26 Tribut ; nous trouverons bientôt triwage ( ou triuvage ) et
13 Y. qui. treuage, avec la même signification.
14 X. mosterreit ; Y. mostreroit et torneroit. 27 Y et V. celui.
15 Y. ensi. 28 Y. ou creime (crainte) et ou, etc.
16 Serre de près, comme qui dirait emboiter le pas ; ITAL, incalzar. 29 X. ses ovres ; ses euvres .
De même pour le mot chalcié, supra , note 4. 30 Z. rembroit ; Y. raimbroit. Cf. supra, note 8.
17 Larron. 31 Z. cace ; cherche, poursuit.
18 X. gietent ; Y. getent en la place. 32 Y , annui. Ennui avait jadis un sens beaucoup plus profond, et
19 X, soen ; Y. sien . qui s'est conservé assez bien dans l'espagnol enojar.
20 X. geté au déable el vis ; Y. géle au diable . 33 X. ovres ; Y , euvres.
21 Garantis ; mot de la même famille que plége . 34 Y. de lui a.
22 X. suen, et mie boen ; Y. rien dou sien, et mie bien . Les for 35 X et Y. puis que.
mes boen et soen n'avaient pas encore paru dans le manuscrit V 36 X. fruiz ; Y. fruis.
avant cet article ; non plus que les imparfaits en oit (vendroit) , ce 37 Y. pais ; X. pe's.
me semble. 38 X et Y. faudra ; es ?. ſaltar ; FRANÇ . faute, il faut.
1
1

232 MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE .

OBSERVATIONS.

La glande placée sous le ventre du castor, et qui contient le castoreum , a donné lieu depuis
longtemps à l'historiette que développe le Physiologus après les auteurs anciens. Quant à notre
auteur, il n'y a guère mis du sien que la moralisation , où il prête beaucoup au soupçon de
1
gnosticisme ; mais ce n'est pas le point de vue qui doit nous occuper en ce moment. Les habi
tudes du castor ont été trop peu étudiées par les naturalistes modernes pour qu'on puisse bien
déterminer sur quel fondement réel a pu être construit ce conte rapporté par Apulée après
Pline (VIII, 47 ; al 30) , Élien (VI , 34) et Juvénal (Sat. XII , 36) . Serait--ce parceque l'animal
porte fréquemment la bouche à cette glande comme pour lécher et sucer la substance qu'elle
sécrète? ou bien, ainsi que le suppose Cuvier (in Plin . , l. cit. ) , parceque , fatigué d'une sorte
d'engorgement de cet organe, le castor cherchera parfois à en décharger le trop plein en le
comprimant sur les pierres ou les arbres qu'il rencontre? d’où l'on aurait conclu qu'il préten
dait abandonner aux chasseurs le castoreum qui le faisait poursuivre. Albert-le -Grand ( De
animalib ., lib. XXII , tract. II , cap. 1 ; opp. t. VI , p. 584) dit sans hésiter que cette prétendue
finesse du castor ne repose que sur un conte, et il en appelle à l'expérience de ses compa
triotes pour maintenir son arrêt :...... falsum est...... sicut frequenter in partibus nostris
est compertum .*» Du reste , quand même les castors de l'antiquité auraient pu trouver leur
salut dans cette invention dont on leur a fait honneur, elle serait d'une bien faible ressource
pour leurs successeurs, auxquels le chasseur moderne demande non plus seulement cette subs
tance pharmaceutique, mais leur fourrure, c'est à dire rien'moins que leur peau . Il n'y a
donc nulle raison d'espérer que les castors d'Amérique, par exemple, donnent désormais aux
observateurs le spectacle que ceux du Pont passent pour avoir donné à nos devanciers .
Quoi qu'il en soit , si ce n'était que Pline associe le castor à la loutre , et semble le désigner
assez clairement, le silence que garde l'antiquité sur l'instinct d'architecte qui se montre dans
cet animal et sur les petites cités qu'il forme autoriserait presque à conjecturer que l'on a
quelquefois attribué au castor des passages qui regardaient certaines espèces de civettes .
Ajoutons que le fond de l'article consacré au castor par le Physiologus a pris place d'une
manière assez gauche dans les recueils de fables grecques dont Ésope endosse complaisam
ment la responsabilité. Cf. Fabul. Esop. e cod . august.... ed . J. Gottl . Schneider ( Bres
lau, 1812 ) , fab. 117 ( p. 61 , sq . ) .

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