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Etudes Celtiques

Le monde celtique au IIIe siècle av. J.-C. Rapport sur les recherches
récentes
Miklós Szabó

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Szabó Miklós. Le monde celtique au IIIe siècle av. J.-C. Rapport sur les recherches récentes. In: Etudes Celtiques, vol. 28,
1991. Actes du IX<sup>e</sup> Congrès international d’études celtiques Première partie. Les Celtes au III<sup>e</sup>
siècle avant J.-C. pp. 11-31;

doi : https://doi.org/10.3406/ecelt.1991.1947

https://www.persee.fr/doc/ecelt_0373-1928_1991_num_28_1_1947

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Abstract
The Celtic world in the 3rd century B.C. Report on recent research.
The eastward shift in the centre of gravity of the Celtic world was a determining factor in the history of
the 3rd century. The Balkan invasion of 280/279 B.C. is to be integrated into this context because of its
colonizing nature. The consequences of the defeat in Greece manifested themselves throughout a vast
area stretching from the British Isles and Central Anatolia to the plains of Northern Europe and the
Mediterranean by the formation of new units (the Scordisci, the kingdom of Tylis in Thrace, the Galatae
of Asia Minor) and also by the influence exerted upon the western territories by the new eastern centre
of La Tène civilization. The structural mutation of the Celtic World was accelerated by direct contacts
with the Mediterranean. The transformation of the Celtic army and the change in military equipment
and, similarly, the appearance of public sanctuaries, the beginning of Celtic coinage and the golden
age of La Tène art are inseparable from the historical context of the 3rd century B.C.

Résumé
Le facteur déterminant dans l’histoire du monde celtique au IIIe siècle fut constitué par le déplacement
vers l’Est de son centre de gravité. L’invasion balkanique de 280/279 av. J.-C. est à intégrer dans ce
contexte à cause de son caractère colonisateur, les conséquences de l’échec en Grèce de cette
tentative se manifestent sur le vaste territoire compris entre les Isles britanniques et l’Anatolie centrale,
les plaines d’Europe septentrionale et la Méditerranée, soit par la formation des unités nouvelles de la
Celtique (les Scordisques, le royaume de Tylis en Thrace, les Galates d’Asie Mineure), soit par le
rayonnement du nouveau centre oriental de la civilisation laténienne vers l’Ouest. La mutation
structurale du monde celtique a été accélérée par les contacts directs avec la Méditerranée. La
transformation de l’armée celtique et le changement de l’équipement militaire, ainsi que l’apparition du
sanctuaire public, les débuts du monnayage celtique et l’apogée de l’art laténien s’intégrent dans le
contexte historique du IIIe siècle av. J.-C.
LE MONDE CELTIQUE
AU IIIe SIÈCLE AV. J.-C.
Rapport sur les recherches récentes

MIKLÓS SZABÓ

Le IIIe siècle av. J.-C. se caractérise, d’une part, comme la dernière


grande période de l’expansion celtique et, d’autre part, comme le début
inévitable de sa régression. Les conséquences de ce processus ambigu se
manifestent sur le vaste territoire compris entre les Isles britanniques et
l’Anatolie centrale, les plaines d’Europe septentrionale et la Méditerranée 1.
Il faut souligner d’emblée que le facteur déterminant dans l’histoire
du monde celtique de l’époque fut constitué par le déplacement vers l’Est
de son centre de gravité (fig. 1), phénomène qui, par la consolidation du
pouvoir celtique dans la région du Moyen-Danube, remonte à la seconde
moitié du rve siècle av. J.-C. 2.
Pour ébaucher le tableau de cette période extrêmement mouvemen¬
tée, nous disposons de deux sources principales : les renseignements
fournis par les auteurs anciens et les découvertes archéologiques3.
Les sources écrites relatives à l’invasion balkanique des Celtes sont
lacunaires et souvent obscures ou contradictoires. Etant perdue l’œuvre
quasi totale des historiens grecs du IIIe siècle av. J.-C., il nous reste à
utiliser les fragments du XXIIe livre de Diodore, l’abrégé de Justin pré¬
sentant
de Pausanias.
les Histoires
Une nouvelle
Philippiques
vision
de Trogue-Pompée
de ces textes est
et les
duedeux
au relations
livre de

1. Hubert H., 19733, Les Celtes depuis l’époque de La Tène et la civilisation celtique,
Paris; Kruta V., Lessing E. et Szabô M., 1978 et 1982, Les Celtes, Paris; Les Celtes (Palazzo
Grassi, Venezia), 1991, Milano, 300-385.
2. Cf. Szabó Μ., 1988, Les Celtes en Pannonie. Contribution à l’histoire de la civilisation
celtique dans la cuvette des Karpates, Paris.
3. Sources écrites : Duval P.-M., 1971, La Gaule jusqu’au milieu du Ve siècle, Vol. 1,
Paris; Herrmann J., 1988, Griechische und lateinische Quellen zur Frühgeschichte Mitteleuro¬
pas bis zur Mitte des 1 . Jahrtausends u.Z. Erster Teil : Von Homer bis Plutarch (8. Jh. v.u.Z.
bis 1. Jh. u.Z.), Berlin; cf. Rankin H.D., 1987, Celts and the Classical World, London-Sydney.
— Sources archéologiques : Les Celtes... pp. 695-700. (Une bibliographie paraît régulièrement
dans Etudes Celtiques .)
12 Miklós SZABÓ

GERMAINS
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vThermopyles (279)
U\ Delphes Q

Fig. 1. - Le nouveau centre de gravité du monde celtique au iiic siècle av. J.-C.
(D’après Kruta-Lessing-Szabó, avec compléments)
■ sites et découvertes celtiques
O villes, sanctuaires et centres grecs, étrusques et autres
Δ territoire
= champs de celtisé
bataille
à fort substrat de souche différente
-> principales expéditions celtiques

Georges Nachtergael 4 qui a enrichi aussi bien les résultats de la Quellen¬


forschung que ceux de l’analyse historique. Passons brièvement à ces
derniers. Il est clair qu’en 280/279 av J.-C., la triple expédition celtique
a bouleversé le Nord des Balkans (fig. 2). Elle était suivie de la campagne

Royale
pp. 15-125.
4.deNachtergael
Belgique, Mém.
G., 1977,
de la«Les
Classe
Galates
des en
Lettres,
GrèceColl.
et lesin-8°-2e
Sôtériasérie,
de Delphes»,
T. XLII, Bruxelles,
Académie
LE MONDE CELTIQUE AU IIIe SIÈCLE AV. J.-C. 13

.Dardanii Tri balles

Péonie Thrace

Macédoine

■O a —Q.

Fig. 2. - Les itinéraires de la triple expédition celtique en 280/279 av. J.-C.


(D’après Nachtergael).

de Brennos contre la Grèce centrale dont l’échec de Delphes signifia le


début de la troisième phase de l’invasion, c’est-à-dire la retraite vers le
Nord et l’établissement des groupes galates en Thrace et en Asie Mineure.
Si la chronologie des opérations est bien rétablie, des détails précis de
leurs itinéraires nous échappent5.
La tradition historique la plus ancienne, conservée par les trois
écrivains cités ci-dessus, nous rapporte le triomphe grec devant Delphes.
Cette version est confirmée par les sources épigraphiques contemporaines
qui, entre autres, nous font connaître l’introduction des «Fêtes du Salut»,
les Sôtéria à Delphes, pour commémorer la délivrance et le salut du
sanctuaire6. Le sac de Delphes et le transport à Tolosa des trésors

nistisch-römischen
«An
d’armes
in Greece
Historically
6.
5. galates
Ibid.,
Nachtergael,
, New p.àDerived
York,
Delphes»,
126
Zeitalter»,
p.etLes
Model
60
suiv.
Galates...
etActa
Bulletin
; suiv.
for
Môcsy
Antiqua
the
; de
Rankin,
p.Dorian
A.,
Correspondace
1501966,
Hungarica
etCelts...
Invasion»,
suiv.;
«Diep.Vorgeschichte
14,
cf.
86dans
hellénique
Amandry
p.
et 87
suiv.
Symposium
et 102,
suiv.;
P.,
Obermösiens
p.1978,
Winter
571
on the
«Consécration
et suiv.
F.A.,
Dark
im helle¬
1977,
Ages
14 Miklós SZABÓ

d’Apollon par les Tectosages fait, par conséquent, partie d’une tradition
légendaire7. L’ aurum Tolosanum était sans doute un or local - Ausone
évoque l’aurifer Tarnis 8 - et la création de la légende reflète certainement
la propagande anti-gauloise postérieure à la deuxième guerre punique,
de plus elle est à replacer dans son contexte politique, c’est-à-dire le
procès du consul romain Q. Servilius Cépion qui, en 106 av. J.-C. a «détour¬
né» la fabuleuse richesse de Toulouse (Tolosa), révoltée contre Rome9.
Les questions fondamentales qui se posent à propos de l’invasion
balkanique des Celtes sont les suivantes : est-ce une véritable migration,
une tentative de colonisation ou plutôt une série d’actes de pillages ? Un
élément important de la réponse se constitue par la situation globale du
monde celtique en pleine floraison vers le début du IIIe siècle av. J.-C. :
l’offensive méridionale ne s’explique pas par une force externe, mais par
le phénomène interne de l’explosion démographique. L’idée des mouve¬
ments colonisateurs qui visaient les Balkans est corroborée aussi par le
fait que
des femmes
la population
et des enfants
celtique
10 . migrante comprenait à côté des guerriers

L’analyse des sources écrites et des traces archéologiques, d’ailleurs


bien pauvres de l’invasion de 280/279 av. J.-C., nous autorise de localiser
l’arrière-pays des offensives, Yoikeia selon les auteurs grecs, dans la région
du Moyen-Danube. Notons aussi que la tribu celtique des Scordisques
après l’échec de l’expansion balkanique, en reprenant la route de l’inva¬
sion,Danube
du regagnaet son
de la
ancien
Save pays
11 . qui se trouva dans la région du confluent

Les historiens et géographes grecs ont amplement retracé l’histoire


de ce peuple celtique qui, installé aux confins du monde antique, avait
des ambitions propres à inquiéter ses voisins méridionaux. La recherche
yougoslave et hongroise consacre beaucoup d’attention à l’analyse des
sources écrites 12 . Le nom de tribu provient probablement du toponyme
Scardon oros, montagne dans le nord des Balkans. Son imposition semble
être postérieure à la retraite de ce groupe de la Grèce qui, primitivement,
appartenait à l’armée de Brennos. L’introduction du nom scordisque reflète
en elle-même la formation d’un nouveau pouvoir à la périphérie du monde
hellénistique qui servait en même temps de bouclier contre les tribus
voisines (fig. 3). En effet, selon Strabon, ces Celtes vivaient entre les

suiv.Pecine
de
«La nécropole»...
; Nachtergael,
7.
8.
9-
10. Ibid.,
11. Nachtergael,
Labrousse
Maier
Mócsy,
près Nachtergael,
Kostolac
F.,
p.«Die
M.,
Les
86-87.
1973,
Les
Galates...
Vorgeschichte»...
1968,
(Serbie
«Keltische
Galates...
Les
Toulouse
du
Galates...
p. Nord)»,
4p.Altertümer
etantique,
99
suiv.
p. et93;
p. Etudes
;suiv.
105-107.
cf.Szabô,
Paris,
inJovanovic
Celtiques
Griechenland»,
pp.
Les 129-136.
Celtes...
B.,
21, 1984,
pp.pp.
Germania
86-87.
«La18-19;
nécropole
cf.
51, Jovanovic,
p.celtique
459 et

12. Recueil des sources anciennes : Papazoglu F., 1969, Srednjobalkanska plemena u
predrimsko doba, (rés. : Les tribus indigènes de l’intérieur balkanique à l’époque préromaine),
Sarajevo, pp. 442-453; Alföldy G., 1964, «Des territoires occupés par les Scordisques», Acta
Antiqua Hungarica 12, p. 107 et suiv.; Mócsy, Die Vorgeschichte... p. 94 et suiv.; Szabô,
Les Celtes... p. 21 et suiv.
LE MONDE CELTIQUE AU IIIe SIÈCLE AV. J.-C. 15

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MACEDONIA

Fig. 3. — Le territoire occupé par les Scordisques. (D’après Alföldy)


— frontière de province romaine
■ ville antique
16 Miklós SZABÓ

Thraces et les Illyriens, ainsi le territoire que Justin leur attribue - la


confluence du Danube avec la Save - correspond grosso modo au noyau
de leur territoire au moment de leur établissement, vers 300 av. J.-C.,
dans la zone septentrionale des Balkans 13 .
Le récit détaillé des conséquences historiques des offensives celtiques
contre le monde hellénistique dépasse les cadres du présent rapport 14 .
Le chapitre balkanique n’est cependant pas complet sans l’évocation de
Tylis, l’obscure royaume celtique en Thrace qui existait de 276/5 à 213/2
av. J.-C. 15.
Un autre sujet bien étudié du point de vue historique est celui des
Galates d’Asie Mineure. Il s’agit du contingent, conduit par Léonnorios et
Lutarios, séparé de l’armée de Brennos en Dardanie. Après avoir utilisé
leur service, Nicomède I de Bithynie les installe entre son propre royaume
et celui d’Antiochos I de Syrie. Ce fut le dernier qui, après la fameuse
bataille des éléphants en 275/4 av. J.-C., oblige les Galates à se retirer
dans la partie la plus pauvre d’Asie Mineure, la région du plateau situé
de part et d’autre de Halys (actuelle Kizilirmak) (fig. 5). Séparé du milieu
celtique du Continent, cette minorité étrangère n’a pas pu marquer la
civilisation hellénistique beaucoup plus évoluée. Les particularités dans
la conservation de la langue et des traditions primitives nous sont parve¬
nues par les sources grecques et romaines l6.
Les historiens anciens parlent des mouvements dirigés vers l’Est au
cours du IIIe siècle av. J.-C. L’analyse de l’onomastique démontre que les
Bastarnes, protagonistes de l’histoire du Bas-Danube et de la Moldavie,
étaient, au moins en partie, d’origine celtique 17 . L’inscription de Proto¬
gène, datée de la deuxième moitié du IIIe siècle av. J.-C. énumère des
peuples qui ont menacé la ville natale de ce personnage respectable,
Olbie, colonie grecque du littoral septentrional de la Mer noire. Nous

JovANOvié
New
Par
Anatolie
Celtes
1980,
3,
Les
despp.
Galates..,
Etudes
contre,
Evidence»,
«L’état
13.
14.
15.
16.
17.
enauThrace
25-56;
B.,
Voir
Danov
Stähelin
Cf.
Anciennes
vme
l’hypothèse
des
«Les
p.
Idem,
Pippidi
Nachtergael,
lasiècle
Celtes
166
Studia
note
C.M.,
auScodisques»,
F.,1984,
et
iiie
D.M.,
1907,
90,
av.
précédente.
en
1975-76,
suiv.
Celtica
siècle
deJ.-C.
Thrace
1988,
Keltite
1961,
Les
Geschichte
Sergent
(avec
av.
paraît
Galates...
dans
«The
pp.
10-11,
avec
«Istros
na
n.è.
Cf.
bibliographie
339-358.)
balkanskia
B.
Les
Celtic
peu
capitale
encore
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concernant
dans
Celtes...
p.
29
probable.
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Invasion
164
etTodorovic
Tylis
Gètes
Thracia
suiv.;
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récente);
p. suiv.
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337
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J.,
et
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Rankin,
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suiv.
siècle
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mineure
Sofia,
pénétration
av.
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Celts...
M.,
Celtes
Leipzig;
n.è.»,
Novi
bulgare).
-p.1976,
inGalatie»,
25
d’Anatolie»,
p.
the
Sad
Studie
cf.et
188«Présence
des
Light
Nachtergael,
-suiv.
et
Beograde;
Pulpudeva
Celtes
Clasice
of
suiv.
; Revue
Idem,
Some
des

en
3,

pp. 53-66; Vulpe R., 1955, Le problème des Bastarnes à la lumière des découvertes archéo¬
logiques en Moldavie, Bucarest; Wozniak Z., 1976, «Die östliche Randzone der Latènekultur»,
Germania 54, pp. 383-4; Sulimirski T., 1976, «The Celts in Eastern Europe», dans To illustrate
the monuments. Essays on archaeology presented to Stuart Piggott, London, pp. 184-5.
LE MONDE CELTIQUE AU IIIe SIÈCLE AV. J.-C. 17

comprenons ainsi, pourquoi les géographes grecs considèrent Maïotis, la


mer d’Azov, comme l’extrême limite orientale de la Celtique 18.

de l’invasion
Comme nous
contreavons
la Macédoine
déjà signalé,
et lalesGrèce
événements
sont mal
postérieurs
connu. Leà théâtre
l’échec
des bouleversements fut énorme, mais des détails importants demeurent
obscurs 19 . Il se pose donc une série considérable de questions dont la
solution exige la participation de l’archéologie. Or, la mise en jeu des
trouvailles mises au jour avant tous des sépultures se heurtait longtemps
à l’absence d’un cadre chronologique suffisamment fiable des matériaux
laténiens de la zone danubienne. La situation actuelle est beaucoup plus
favorable, grâce aux progrès réalisés dans le domaine de la datation
absolue. En ce qui concerne le IIIe siècle av. J.-C., l’acquis le plus impor¬
tant est la détermination d’une date haute pour l’apparition des fibules
dites de La Tène II et des nouvelles formes d’objets qui les accompagnent :
variantes tardives des fibules à pied libre, parures annulaires à oves creux,
chaîne de ceinture et de ceinturon en métal, umbos de bouclier fabriqués
d’une seule pièce et munis d’ailettes de fixation, et autres. Daté ancien¬
nement vers la fin du IIIe siècle, ce phénomène de transformation
généralisée de parures et de l’équipement guerrier laténiens a dû en fait
débuter un demi-siècle plus tôt, dès le second quart du me siècle av. J.-C.
Autrement dit, le matériel archéologique de cette période historique de
transition présente aussi un caractère transitoire 20 .
L’histoire des régions danubiennes qui se situent au Nord de la zone
scordisque est basée presque exclusivement sur l’examen des trouvailles

1978,
cf. Hubert,
Le
20.
18.monde
19- Etudes
Pour
Cf.
LesSzabo,
Celtes...
lahellénistique.
récentes
datation
Lespp.
Celtes...
relatives
«vers
52-53.
La 230
Grèce
pp.à av.
21-23.
laetJ.-C.»
classification
l’Orient
de l’inscription
(323-146
des matériaux
av.J.-C.),
de Protogène,
laténiens
Paris, pp.
voir
du
437
Préaux
meetsiècle
523;
C.,

av. J.-C. : Kruta V, 1979, « Duchcov-Münsingen : nature et diffusion d’une phase laténienne»,
dans Duval P.-M. - Kruta V. (éd.), Les mouvements celtiques du x? au F avant notre ère,
Paris, pp. 82-3 ; Gebhard R., 1989, Der Glasschmuck aus dem Oppidum von Manching, (Die
Ausgrabungen in Manching, 11), Stuttgart, p. 74 et suiv. Cf. encore : Polenz H., 1971,
Mittel-und spâtlatènezeitliche Brandgräber aus Dietzenbach, Landkreis Offenbach am Main,
(Stadt und Kreis Offenbach a.M. Studien und Forschungen, Heft 4), Langen, p. 31 et suiv. ;
Stähli B., 1977, «Die Latènegrâber von Bern-Stadt», Schriften des Seminars der Universität
Bern, Heft 3, Bern, p. 74 et suiv.; Bujna J., 1982, «Spiegelung der Sozialstruktur auf latène-
zeitlichen Gräberfeldern im Karpatenbecken», Pamàtky Archeologické 73, p. 325 et suiv.;
Szabó M., 1986, «Archéologie des Celtes continentaux : contribution à une division dans le
temps et dans l’espace», dans Geschichte und Kultur der Kelten, Heidelberg, p. 57 et suiv.-
Pour la datation absolue: «Chronologie. Archälogischen Daten der Schweiz, Antiqua 15,
Basel, pp. 161-164 et 234-235 ; Etudes dendochronologiques : Haffner A., 1979, «Zur absoluten
Chronologie der Mittellatènezeit», Archäologisches Korrespondenzblatt 9, pp. 405-409; Ex¬
ploitation des données dans les zones de contact direct entre les Celtes et les civilisations
méditerranéennes : Kruta V., 1983, «Faciès celtiques de la Cisalpine au ive et me siècle av.
n.è. », dans Popoli e faciès culturali celtiche a nord e a sud delle Alpi dal V al I secolo av.C.,
Milano, p. 6 et suiv. ; Vitali D., 1987, «Monte Bibele fra Etruschi e Celti : dati archeologici e
interpretazione storica», dans Celti ed Etruschi nell’Italia centrosettentrionale dal V sec.a.C.
alla romanizzazione, Bologna, p. 351 et suiv.; cf. Szabó, Archéologie... p. 60, note 11.
18 Miklós SZABÓ

archéologiques21. A ce propos, il est nécessaire de noter que les nécro¬


poles dites scythes ou thraco-scythes de la Grande plaine hongroise ne
sont plus utilisées à partir de la première moitié du me siècle av. J.-C.,
au moment où apparaissent en masse des vestiges celtiques dans cette
zone22. Le dernier tiers de ce siècle marque l’apogée de la civilisation
laténienne sur un territoire allant de la Slovaquie à la Syrmie, du Burgen¬
land à la Transylvanie en Roumanie 23. Certaines trouvailles suggèrent que
l’échec de l’offensive celtique de Delphes avait des conséquences au-delà
de cette zone où en ce temps-là se fixent des contingents celtiques, venus
des
Carinthie
régions
ou du
de la
Sud-Est
Moravie24.
: il s’agit, par exemple, de la Slovénie, de la

Les recherches récentes en France, avant tout celle de V. Kruta, ont


démontré l’arrivée de groupes danubiens en Gaule vers le milieu du
IIIe siècle av. J.-C. Les nouvelles nécropoles champenoises s’installent
quelquefois sur l’emplacement des cimetières abandonnés depuis la fin
du Ve siècle. Des parallélismes surprenants entre la Champagne et la zone
karpatique se manifestent non seulement par l’usage vestimentaire, comme
par exemple le port d’anneaux de cheville par certaines femmes, mais
aussi par la présence de petits enclos funéraires, la relative fréquence de
la biritualité ou le décor des armes25. Tous ces phénomènes constituent
donc les conséquences d’une immigration celtique de la région du Moyen-
Danube qui a dû modifier le peuplement de la France septentrionale et
toucher même la Bretagne insulaire, comme l’attestent - entre autres -
les fourreaux décorés de paire de dragons (fig. 4) mis au jour de la Tamise 26 .

zàgon»,
Hungary),
note
Römisch-Germanischen
(éd.),
«Necropola
p.
keltischen
Rahmen
aussi
d’une
«Les
pp.
suiv.;
Archaeologica
tlu 327
Carinthia
1961,
64,
des Jugoslavije,
p.44-49;
keltischen
15
Celtes
note
1987,
«Postaveni
immigration
Megaw
21.
22.
23.
24.
25.
26.
269
et;(rés.
der
Idem,
suiv.;
MarXz,
Bref
Kruta
Cf.
A
Slovénie
141,
Gräberfelder
Stead
et
55.
cf.
Latène
Corpus
mitteleuropäischen
des
Janus
:suiv.-Pour
J.V.S.,
Szabô,
On
encore
Drachenpaarmotivs»,
Hungarica
Les
p.Carinthie
Ljubljana,
aperçu,
I.M.,
Moravy
V.,
Gaules
the
1981,
594
danubienne
de
Pannonius
Celtes...
of
: 1990,
1985,
1966,
Les
survival
Celtic
1984,
lalaetZentralmuseums
in
«A
note
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Pi§colt
vCeltes...
d’après
: 42,
suiv.;
1983;
«Semper
Müller-Karpe
Mähren»,
«Le
«Keltiv
p.
ràmci
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Finds
«Celtic
sujet,
50.
of
p.
11port
Muzeum
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au
La
jud.
the
Moravie:
55
pp.
et
GuStin,
l’archéologie»,
voir
inme
stredoevropského
Dragons
Sloveniji»,
Tène-Kultur),
aliquid
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des
et
bibliographie
Hungary
Communicationes
autochtonous
Pamàtky
Satu
11-12.
ôslakossàg
siècle
récemment
suiv.
anneaux
Évkônyve
H.,
; 1984,
31,
Mare»,
Voir
Cizmár
from
novum...»
1951,
av.
p.Archeolovski
IArcheologické
encore
:305
J.-C.»,
«Die
Pamàtky
the
Transdanubia
dans
tovàbbélése
Thraco-Dacica
de
: «Die
26,
population
sommaire
Μ.,
Szabô
etLaténu»
River
cheville
Kelten
Celtic
suiv.
p.
Keltoi.
Etudes
Geschichte
Archaeologicae
Zeugnisse
1975,
97-119.
M.,
Archeologické
Thames»,
;vestnik,
KovÂcs
Dragon-pairs
56,
(rés.
in
:en
«Die
1989,
La
Celtiques
ofSzabo,
Kelti
1,
Jugoslawien»,
pp.
Champagne
the
9,
Tène-kori
: der
Budapest;
und
relative
Die
i«17,
p.T.,
The
Beiträge
Scythian
417-437;
njihovi
Taurisker
49
Hungariae,
Archéologie...
Petres
GuStin,
Stellung
22,
Kultur
Antiquaries
52,
etRe-reviewed,
pp.
Kelet-Magyarors-
Chronologie
p.
suiv.
suvremenici
Németi
et
Age
zur
Écf.
Jahrbuch
275-281
27-51;
Die
der
in
et
le
Mährens
Geschichte
Meduna
in
Szabô
Kärnten»,
problème
p.Kelten...
J.,
Journal
Eastern
p.
119
Idem,
;1988,
Acta
voir
M.,
der
62,
des
na
im
J.,
et
LE MONDE CELTIQUE AU IIIe SIÈCLE AV. J.-C. 19

Fig. 4. - Fourreaux en fer décorés de la paire de dragons (type II de De Navarro) :


1. Montigny-Lencoup, 2. Taliàndôrôgd (1-2 : d’après Bulard, Etudes Celtiques
1979), 3. Battersea (d’après Stead).

Une autre poussée originaire également du milieu danubien a été


identifié en Gaule méridionale. La diffusion des objets laténiens caracté¬
ristiques des faciès centre-européens peut être mise en rapport avec
l’installation des Volques Tectosages dans la région de Toulouse27. L’ar¬
mement laténien apparaît subitement dans de nombreux mobiliers
funéraires languedociens 28.
Par contre, en ce qui concerne l’extrémité orientale de la Celtique,
la civilisation matérielle de la Galatie en Anatolie centrale nous reste pour
le moment très peu connue (fig. 5). Une des explications possibles de
cette lacune dans les trouvailles de type laténien serait donnée par un
fragment de Memnon, chroniqueur d’Héraclée du Pont : selon lui, Nico-
mède I de Bithynie aurait fourni l’armement aux Galates après leur
traversée du Bosphore 29 .
Il est également très difficile d’interpréter la présence d’objets
d’origine danubienne en Italie à partir du deuxième quart du IIIe siècle
av. J.-C. Sont-ils liés aux groupes migratoires ou, plutôt, au rayonnement

Assimilation
vie
A.,
pp.
tombe
actuel
Istanbuler
dossiers
1987,
Congrès
264-265.
27.
28.
29.
de
d’Ensérune
77,
«Le
l’archéologie
Voir
Kruta
Rapin
Mitteilungen
pp.
Int.
torque
et Bittel
résistance
76-77
A.
d’Etudes
V.,(Hérault)
etgaulois
1983,
; galate
Schwaller
K.,
voir
38,Classiques,
à1976,
«Les
en
p.
»,aussi
:laRevue
or
Müller-Karpe
189culture
M.,
Celtes
de
«Die
les
etCivray-de-Touraine
1987,
archéologique
Madrid
travaux
suiv.
Galater
orientaux
gréco-romaine
«Contribution
A.,
1974),
cités
in
1988,
etKleinasien
ci-dessus
de
Bucureçti
la
«Neue
Narbonnaise
(Indre-et-Loire)»,
dans
Gaule»,
à l’étude
galatische
(note
-learchäologisch
Paris,
Histoire
monde
de25)
20,
l’armement
p.Funde
; ancien
cf.
pp.
La
241
et cependant
Archéologie
revue
155-183.
gesehen»,
et
aussuiv.
(Travaux
celtique
Anatolien»,
du -Louvre,
Duval
Bilan
dans
: : du
les
la
20 Miklós SZABÓ

OL·
Ankara

Fig. 5. - La diffusion des fibules de type La Tène II (triangle) et de la céramique


dite galate (cercle) en Anatolie centrale. (D’après Polenz, Bonner Jahrbücher 1978,
avec compléments).

culturel du nouveau centre oriental de la civilisation laténienne 30 ? C’est


également en Italie que se manifestent dès le début du me siècle les signes
de la régression celtique. Les événements sont bien connus : il suffit
d’évoquer les deux dates qui marquent les moments décisifs de la
conquête romaine. C’est 295 av. J.-C., la bataille de Sentinum et, 191 av.
J.-C., la date de la soumission des Boïens31.
Les Celtes impliqués dans des conflits en Italie et dans les Balkans
utilisaient l’armement standardisé et la technique de combat basée sur
l’efficacité du premier assaut furieux32. Leur talent militaire faisait d’eux

av.
andere
suiv.
alumna,
16, p.n.è.31.
30.
81Fundstellen
», Milano,
etPeyre
Cf.suiv.
Savaria
Kruta
C.,
pp.der
16,
V.,
1979,
288-9,
keltischen
pp.
1982,
La215-217;
pi.
«L’Italie
Cisalpine
VI.;
Epoche
Cf.
et gauloise
Idem,
l’Europe
Vitali
im 1988,
Gebiet
D.,
intérieure
du «I1985,
von
ih®·
Celti»,
au
Bologna»,
«Monte
dudans
i-sièele
Ve siècle
Bibele
Italia
Kleine
av-auJ.-C.,
(Monterenzio)
omnium
Schriften,
débutParis,
du terrarum
ne
Marburg
p. siècle
43und
et

32. Brunaux J.-L. et Lambot B., 1987, Guerre et armement chez les Gaulois. 450-52
av. J.-C. Paris, p. 68 et suiv. Voir encore les travaux cités dans les notes 36, 38 et 40.
LE MONDE CELTIQUE AU IIIe SIÈCLE AV. J.-C. 21

des mercenaires très demandés sur le marché méditerranéen. Le service


mercenaire devient au IIIe siècle une véritable «industrie» celtique : ils
étaient présents partout dans les armées hellénistiques. Notons cependant
que le témoignage archéologique nous reste pour le moment très peu
connu,
de la solde
car ilmilitaire
est pratiquement
33 . impossible de distinguer le butin de guerre

Dans les expéditions autour de la Méditerranée, les Celtes se sont


adaptés à des formations groupées de combat. De plus, au cours du
me siècle l’armée celtique change de structure : la cavalerie devient de
plus en plus importante, avant tout à l’époque de Hannibal34. Il ne faut
cependant
sur les Balkans,
pas oublier
Pausanias
qu’à emploie
propos le
desterme
Celtesdequi
trimarkisia
avaient fait
quiirruption
signifie
«trois cavaliers», donc une espèce d’unité opérationnelle35. Avec ce chan¬
gement fondamental, change aussi l’équipement : les épées s’allongent
ainsi que les pointes de lance, les umbos recouvrent parfois toute la
largeur du bouclier. Les cavaliers constituent très probablement le noyau
d’une nouvelle aristocratie guerrière36.
La diffusion des armes celtiques à partir de la péninsule ibérique
jusqu’à laartisanale
maîtrise Thrace ou dulatravail
Scythiedereflète
fer37. laLes
réputation
nouvelles
«internationale»
recherches ontdedé¬
la
montré l’influence militaire des Celtes sur l’armement des populations
d’Italie 38 . Il faut également signaler la popularité de la longue épée et
de la pointe de lance laténienne parmi les Thraces après la chute du
royaume de Tylis : il s’agit d’une couche de chevalier d’origine locale 39.

Archäologisches
von
Mittelmeerwelt
problème
et
Brunaux-Lambot,
Grande-Grèce
der
p.
die
of 186;
l’armées
César
1978,
3numismatique:
the
Apennin-Halbinsel»,
66
Iberischen
Neapolis
Das
33.
34.
35.
36.
et
37.
38.
39-
et
Hellenistic
Woíniak,
lahellénistiques
suiv.
de
Voir,
Woziak,
Sur
Cf.
Paus.
Rapin
Stary
keltische
Gaule,
laauf
note
et
;leHalbinsel»,
bis
documentation
par
Szabó
X,
A.,
Korrespondenzblatt
P.F.,
Guerre...
monde
mercenariat
Die
der
zur
World,
la
XIX,
Paris,
Die
32.
Gräberfeld
«L’armement»,
exemple
1986-87,
östliche...
Krim»,
phase
M.,
Herrschaft
I,östliche...
Hamburger
9-12.
celtique»,
pp.
Paris,
Cambridge,
pp.Germania
«Mercenariat»,
Madrider
initiale
:267-8.
-celtique
«Die
archéologique
68
bei
Lenerz-De
p.Cf.
pp.
pp.
etder
390;
Jenñúv
dans
militärischen
Hubert,
-71
490-534;
11,
Beiträge
Mitteilungen
du
390-394.
Römer,
pp.
Pour
voir
; Rieth
43,
Rolley
Les
pp.
La
monnayage
dans
Wilde
63-7
Ujezd
Wienicke
p.
Magna
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Les
Celtes...
315-19
du
A.,
zur
Breslau
Nachtergael,
Les
159
C.,
et
Celtes...
mercenariat
Rückwirkungen
1965,
M.,
in
Archäologie
23,
1990,
Celtes...
252-4;
et
; Grecia
social
Böhmen
p.Stary
A.,
celtique»,
1981,
;p.«Bemerkungen
suiv.
Griffith
325
p.
«Contacts,
114
1927,
Launey
cf.
p.
et«Keltische
48.
P.F.,
et
Les
cf.
et
II,Waldhauser
il13-14,
333-336.
suiv.,
Keltisches
Kruta
suiv.;
G.T.,
Etudes
lontano
Galates...
Teplice,
1982,
der
M.,
rencontres
cf.
keltischen
pp.
1935,
V.,
zu
«Keltische
Sulimirski,
Funde
1954,
Celtiques
Goudineau
Occidente,
pp.
einem
65-117.
Söldnertum
1982,
pp.
J. The
Recherches
et
212
aus
et170-1;
«Archéologie
«workteam»,
Langschwert
Invasion
Mercenaries
influences
Waffen
et19,
TheSpanien»,
C.,
Taranto,
suiv.
p.
in
Celts...
Sur
1990,
81;
auf
der
sur
le:
22 Miklós SZABÓ

L’enrichissement considérable de nos connaissances sur l’armement


celtique est en grande partie la conséquence des recherches consacrées
par le laboratoire de Compiègne sous la direction d’André Rapin au
mobilier des sanctuaires gaulois, principalement à celui de Gournay-sur-
Aronde 40. L’apparition du sanctuaire public, symbole de l’unité de peuple,
reflète un changement religieux de grande importance. Les exemples les
plus anciens de ce type de lieu de culte remontent dans les régions
occidentales du monde celtique au moins jusqu’au début du IIIe siècle av.
J.-C. Il n’y a donc rien d’anachronique dans le récit de Strabon, selon
lequel le lieu de la réunion des délégués de la fédération galate en
Anatolie centrale fut leur sanctuaire commun, le Drynéméton. Il va de soi
que dans la société celtique du IIIe siècle la classe religieuse a dû être
fondamentale, non seulement dans le domaine des cultes, mais aussi dans
le fonctionnement des affaires publiques41.
Cette société, selon les données archéologiques, a été déterminée
par la classe militaire extrêmement dynamique qui vivait, en général,
relativement dispersée dans des petites agglomérations rurales où le chef
était à peine plus riche que les autres guerriers42.
La mutation structurale du monde celtique a été sans doute accéléré
par les contacts directs avec les civilisations de la Méditerranée qui se
sont multipliés
service mercenaire
au me
et les
siècle
relations
av. J.-C.
commerciales.
par les expéditions
Les débuts
militaires,
du mon¬ le
nayage celtique (fig. 6) s’intégrent dans ce contexte historique43; aussi
paraissent-ils évidents les rapports des émissions monétaires avec les
racines de la civilisation des oppida , ancrées au me siècle44.

trophées»,
A.
Archéologie...
suiv.
p.
admise.
les
CNRS
Bericht
ropas
pp.
Alba
Novi
zen
Gallia
Latènezeit,
le
2
urbaine
: moment
7«Economies
Late
627-222;
données
aus
;Sade;
Regia
etaus
40.
41.
cf.
42.
de
43.
Cisalpina
44.der
suiv.
Voir
La
Südbayern»,
I:Besançon)
Müller
der
Brunaux
Malgré
Pour
Cf.
Revue
Szabó,
(Veröff.
20,
Kellner
Tène
Römisch-Germanischen
La
Szabó
par
archéologiques»,
-Kruta
p.Zeit
etpp.
Pour
ville
für
la69
exemple
Settlement,
Arch,
F.,
sociétés
la
Les
zwischen
datation
M.,
43-56.
J.-L.,
Seminars
H.-J.,
die
J.-L.
et
pauvreté
V.,
antique,
1990,
le
Paris,
Die
Celtes...
suiv.
Drynéméton,
1983,
Entstehung
1980,
de1986,
-Ausgrabungen
1990,
en
-Kruta
Der
Picardie,
p.;Rapin
archéologique
Cf.
Novi
Gaule
300
Polenz
Marburg,
du
«Audoleon
«La
Paris,
p.
60;
dans
Massenfund
«Die
Les
Popovió
33
V.,
témoignage
und
Gaule
Sad
Waldhauser
A.,
der
Gaulois.
non-méditerranéenne
et
19905,
Archéologie
voir
Kommission
p.
H.,
Münzfunde
Paris,
50
suiv.
-Sonderband
1988,
Oppida-Kultur
195
intérieure»,
P.,
1982,
Beograd,
De
v.
und
in Les
;p.des
1987,
Chr.
et
Manching,
von
Vries
cf.
Sanctuaires
archéologique,
«Gournay
9die
«Münzen
suiv.;
Celtes,
J.
Jovanovió
etvon
débuts
et
Geburt»,
der
68,
J.,Anfänge
1987,
Lep.suiv.
rapports
dans
3--
1961,
monnayage
Tiefenau
pp.
Manching
Frey
199
(Que
», du
«Keltische
12,
dans
II:
in
Pour
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63-66.
et
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B.
Bayerische
Keltische
latènezeitlichen
O.
monnayage
sais-je),
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München.
l’idée
Boucliers
rites,
sociaux
et
suiv.
-H.,
Studien
les
bei
Jovanovic
G.
siècle
und
ostkeltischen
des
(éd.),
Celtes
Paris,
1984,
Bern,
est
Gräberfelder
Religion,
Paris,
die
Scordisques,
en
actuellement
avant
Vorgeschichtsblätter
zuetHistoire
celtique,
keltischen
p.
«Die
orientaux,
(Antiqua
Gaule
Siedlungsfragen
M.,
pp.
lances;
15
Gräbern
notre
Stuttgart,
1988,
Münzprägung»,
Bedeutung
99-101
et(Table
in
desuiv.,
voir
ère
Belgrade
20),
Fundmün¬
dépôts
largement
Böhmen»,
Gomolava
voir
laMitteleu¬
; d’après
France
p.
Duval,
Kruta,
Basel,
ronde
6lpour
189.
der
47et-,
der
LE MONDE CELTIQUE AU IIIe SIÈCLE AV. J.-C. 23

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(1)
4-9
La
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1983).
en le
argent
celtique
même de type
type
de Magyarszerdahely,
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vase (7)(2-3)
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caché.
datée
celui
le vase
dud’Egyhàzas¬
début
en argile
de
24 Miklós SZABÓ

L’art de ce siècle a été longtemps considéré comme un phénomène


plutôt maniériste par rapport aux créations celtiques du Ve siècle av. J.-C.
En réalité, il s’agit de l’apogée de l’art laténien où l’originalité, la vigueur
d’expression, la richesse d’invention et la perfection de l’exécution se
manifeste dans les œuvres d’une manière incomparable aux autres phases
artistiques45. Le déplacement vers l’Est du centre de gravité du monde
celtique influence d’une façon déterminante le domaine de l’art46.
Grâce aux recherches récentes, avant tout aux travaux de V. Kruta,
l’importance privilégié des ateliers de Bohême dans l’élaboration du Style
plastique est devenue évidente47. La diffusion de ce type de parure,
caractérisé selon P. Jacobsthal par «a new very original calculated plasti¬
city», s’explique en partie par le déplacement des groupes celtiques à
l’époque de l’expansion balkanique. Citons à titre d’exemple des garni¬
tures de char répandues depuis la Gaule jusqu’à la proximité de la
frontière turque en Bulgarie, à Mezek, ou des torques en or depuis le
Nord de la Yougoslavie (Gajic) jusqu’à la région toulousaine (Fenouil-
let)48.

Le changement d’orientation dans le domaine de l’art celtique trouve


son reflet aussi dans l’apparition en masse d’épées aux fourreaux riche¬
ment ornés. Ce phénomène est certainement lié à la structure de la société
celtique où les chevaliers (les equites avec l’expression de César) ont
formé une classe privilégiée49. Le Style des épées hongroises (fig. 7-8)
dont la naissance remonte au début du me siècle av. J.-C., constitue sans
doute la contribution la plus importante de la région du Moyen-Danube
à l’art celtique 50 . Ce courant est comparable au Style des épées suisses
(fig. 9) quasi contemporain, dont les documents, magistralement étudiés

bibliographie
L’art
fehérvàr;
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1982,p. celtique,
L’art
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Etudes Celtiques 13, p. 644 et suiv.; Idem, 1975, L’art celtique en Bohême. Les parures
métalliques du ve au ne siècle av. n.è., Paris.
48. Jacobsthal P., 19692, Early Celtic Art, Oxford, p. 97. Pour la diffusion du style,
voir Karpates»,
des Szabó M., Acta
1989, Archaeologica
«Contribution Hungarica
au problème41,dup.Style
17 etplastique
suiv.; 1985,
laténien
«Les dans
tombes
la cuvette
à char
des princes et des guerriers celtes», Histoire et archéologie: les dossiers 98 ; Duval A., Le
torque...
49. Cf. les notes 36 et 42.
50. Szabó M., 1977, «The Origins of the Hungarian Sword Style», Antiquity 51, p. 211
et suiv. ; Duval P.-M. - Kruta V. (éd.), L’art celtique... (plusieurs études relatives à ce sujet);
Duval P.-M. - Kruta V. 1986, «Le fourreau celtique de Cernon-sur-Coole I : Analyse et
description», Gallia 44, p. 1 et suiv.; Szabó M. - Petres É.F., 1992, Decorated Weapons of
the La Tene Iron Age in the Carpathian Basin (Inventaria Praehistoria Hungariae), Budapest.
LE MONDE CELTIQUE AU IIIe SIÈCLE AV. J.-C. 25

Fig. 7. - La phase ancienne du Style des épées hongroises : 1. Cernon-sur-Coole


(d’après Duval-Kruta 1986), 2. Szob (Budapest, Musée National), 3· Dma (d’après
Zachar, Zbornik Slov. Nar. Mùzea 1974).
26 Miklós SZABÓ

Fig. 8. - La phase récente du Style des épées hongroises : 1. Halmajugra (Eger,


Musée
(d’aprèsDobó),
Zachar2. 1987),
Dobova4. (Brezice,
Szob (Budapest,
PosavskiMusée
muzej National).
; relevé de V. Kruta), 3. Izkovce
LE MONDE CELTIQUE AU IIIe SIÈCLE AV. J.-C. Tl

Fig. 9. — Style des épées suisse : 1-2. La Tène (Neuchâtel, Musée Cantonal d’Arch.).
28 Miklós SZABÓ

par De Navarro51, sont cependant moins raffinés. Il ne faut pas non plus
sous-estimer le rôle du foyer danubien dans la formation de «Irish scab¬
bard style» dont nous devons l’analyse à B. Raftery52.
L’orientation décidément danubienne et balkanique de la civilisation
celtique au IIIe siècle av. J.-C. se manifeste par la formation de la commu¬
nauté culturelle et artistique des Celtes dits orientaux, dont les documents
n’ont pas d’homologues à l’Ouest. Les objets en question présentent
l’aspect le plus original de la civilisation des Celtes de la cuvette karpa-
tique : leur création fut le résultat de la fusion des éléments laténiens
avec la tradition des peuples autochtons et voisins 53. L’introduction d’une
forme de canthare (fig. 10) est, par exemple, à attribuer à l’influence
hellénistique 54, tandis que la vogue d’imitation des ornements en filigrane
ou en granulation sur les bijoux fondus en bronze (fig. 11), répandus
depuis la Moravie, à travers la Slovaquie et la Hongrie, jusqu’à la You¬
goslavie et la Roumanie, constitue l’une des conséquences de l’influence
illyrienne et thrace 55 . Il faut également noter la présence de la tradition
d’origine 56.
orientale steppique (fig. 12) dans les manifestations de cette koiné celtique

found 51.
in them,
De Navarro
Oxford,
J.M.,
p. 239
1972,et The
suiv.
Finds from the Site of La Tene I : Swords and Scabbards
52. Raffery B., 1984, La Tène in Ireland, Problems of Origin and Chronology, Marburg,
p. 75 et suiv.
53- Voir la note 46. - Cf. 1983, “L’expansion des Celtes de la Gaule vers l’Orient»,
Histoire et archéologie : les dossiers, 77.
54. Kruta V. - Szabo M., 1982, «Canthares danubiens du me siècle av. n.è. Un exemple
d’influence hellénistique sur les Celtes orientaux», Etudes Celtiques 19, pp. 51-67; cf. Szabo
M. - Knez
20-21, p. 80T.,et1980-81,
suiv. -Ein keltischer Kantharos aus Novo mesto, Archaeologia lugoslavica
55. Szabó M., 1975, «Sur la question du filigrane dans l’art des Celtes orientaux», dans
The Celts in Central Europe, Székesfehérvàr, p. 147 et suiv.
56. Szabó M., 1973, « Tierkampfszene auf einer keltischen Urne», Folia Archaeologica
24, p. 43 et suiv. ; Zirra V., 1976, «Über die Henkelgefässe im ostkeltischen Raum (Transyl¬
vanien)», dans Festschrift für R. Pittioni, Wien, p. 777 et suiv. - Voir encore la note 22.
Fig. 10. - Canthares hellénistiques (1. Corinthe, argile; 2. Szob, Hongrie, bronze)
et leurs imitations celtiques en argile (3,5: Karaburma, Yougoslavie; 4. Chotin,
Slovaquie). (D’après Kruta-Szabó 1982).

Fig. 11. - Parures en bronze à décor de pseudo-filigrane : 1. Bracelet de Chotin


(d’après Ratimorska), dans The Celts in Central Europe ), 2. Fibule de Rezi-Rezicser
(d’après KovÂcs - Petres - Szabo 1987), 3. Bracelet de Ciumesti (d’après Zirra,
Un cimitir celtique..), 4. Fibule de Brezice (d’après Gustin 1984).
30 Miklós SZABÓ

Fig. 12. - Urne celtique en argile de Làbatlan (Hongrie) avec la représentation


incisée et estampée d’un combat d’animaux. (Budapest, Musée National).
LE MONDE CELTIQUE AU IIIe SIÈCLE AV. J.-C. 31

RÉSUMÉ

Miklôs
recherches
Szabo,
récentes.
Le monde celtique au //Ie siècle av. J.-C. Rapport sur les

Le facteur déterminant dans l’histoire du monde celtique au IIIe siècle


fut constitué par le déplacement vers l’Est de son centre de gravité.
L’invasion balkanique de 280/279 av. J.-C. est à intégrer dans ce contexte
à cause de son caractère colonisateur, les conséquences de l’échec en
Grèce de cette tentative se manifestent sur le vaste territoire compris entre
les Isles britanniques et l’Anatolie centrale, les plaines d’Europe septen¬
trionale et la Méditerranée, soit par la formation des unités nouvelles de
la Celtique (les Scordisques, le royaume de Tylis en Thrace, les Galates
d’Asie
la civilisation
Mineure),
laténienne
soit par vers
le rayonnement
l’Ouest. La mutation
du nouveau
structurale
centre oriental
du mondede
celtique a été accélérée par les contacts directs avec la Méditerranée. La
transformation de l’armée celtique et le changement de l’équipement
militaire, ainsi que l’apparition du sanctuaire public, les débuts du mon¬
nayage celtique et l’apogée de l’art laténien s’intégrent dans le contexte
historique du IIIe siècle av. J.-C.

ABSTRACT

Miklôs Szabo, The Celtic world in the 3rd century B.C. Report on recent
research.

The eastward shift in the centre of gravity of the Celtic world was
a determining factor in the history of the 3rd century. The Balkan invasion
of 280/279 B.C. is to be integrated into this context because of its
colonizing nature. The consequences of the defeat in Greece manifested
themselves throughout a vast area stretching from the British Isles and
Central Anatolia to the plains of Northern Europe and the Mediterranean
by the formation of new units (the Scordisci, the kingdom of Tylis in
Thrace, the Galatae of Asia Minor) and also by the influence exerted upon
the western territories by the new eastern centre of La Tène civilization.
The structural mutation of the Celtic World was accelerated by direct
contacts with the Mediterranean. The transformation of the Celtic army
and the change in military equipment and, similarly, the appearance of
public sanctuaries, the beginning of Celtic coinage and the golden age
of La Tène art are inseparable from the historical context of the 3rd
century B.C.

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