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Néa ‘Pouy

Rivista di ricerche bizantinistiche

(2005)
EE

Roma
Universita degli Studi di Roma «Tor Vergata»
2005
UNE NOTE SUR LADMINISTRATION
DE LEXARCHAT DE RAVENNE

Je voudrais attirer ici l’attention sur un sceau récemment édité et


dont la lecture, je crois, doit étre revue. Il s’agit du sceau, clairement
attribuable 4 la premiére moitié du VIII* siécle, d’un certain Marinos,
«comte de |’Opsikion et homme de l’exarque»'. J. Haldon a proposé le
premier d’identifier le titulaire avec le spathaire Marinus, envoyé en Italie
par Léon III, afin d’occuper le poste de duc de Rome, et qui s’avéra
incapable de s’imposer durablement dans sa charge. Il serait donc rentré
en Orient et aurait fait carriére en Anatolie?.
Cette hypothése pose évidemment bien des problémes. Si l’on con-
nait l’existence autour des grands personnages de PEtat de suites de
jeunes gens dédiés au service d’un patron puissant, leur assurant en con-
trepartie son appui dans leur carriére?, ce type de liens personnels n’est
jamais mis en avant sur les sceaux avant le XI* siécle+. Considérant ce
probléme, W. Seibt a, pour sa part, proposé une lecture faisant de Mari-
nos le fils d’un exarque, mais la reconstruction reste assez acrobatique’.

* Catalogue of Byzantine Seals at Dumbarton Oaks and in the Fogg Museum of Art,
Ill: West, Northwest, and Central Asia Minor and the Orient, ed. by J. Nespirt - N.
OrKonomipis, Washington, D.C. 1996 (dorénavant DOSeals, III), nr. 39. 32. Sur le
théme de l’Opsikion voir en dernier lieu T. LOUNGHIS, Ogua Opinov, dans ‘H Mixod
Aoia tév Oeudtwv, &x5. B. Brystbou - E. Kounroura - S. Lampaxts - T. LOUNGHIS ~
A. Savvipis, Athénes 1998, pp. 163-200, avec la bibliographie.
2 J. HaLpon, Byzantine Praetorians, Bonn 1984 (Poikila Byzantina, 3) (dorénavant
HALpDoNn, Praetorians), p. 360 n. 10. Sur le personnage, Prosopographie der mittelbyzanti-
nischen Zeit, dir. E WINKELMANNS, Berlin 2000 (dorénavant PmbZ), nr. 4817.
3 A. Kazapan - M. McCormicx, The Social World of the Byzantine Court, dans
Byzantine Court Culture from 829 to 1204, ed. by H. Macurre, Washington, D.C. 1997,
pp- 189-195.
4 Pour un exemple précoce, voir le sceau de Grégoire, spatharocandidat et
homme du duc, G. Zacos, Byzantine Lead Seals, Berne 1984, nr. 817, ou encore
Nicétas, homme du césar, ibid., nr. 643.
5 Il conviendrait de développer ainsi la fin de la légende: "Opux(iov) v(i)(08)
+[(od)] 2&de(you), avec iotacisme du v du deuxiéme terme: W. SEIBT, Compte-rendu
de DOSeals III, dans Byzantinische Zeitschrift 92 (1999), Pp. $40.
80 VIVIEN PRIGENT

Par ailleurs, le poste de comte de l’Opsikion fut occupé par Artavasde, de


l’avénement de Léon III 4 son soulévement en 741°. Or, il est impensable
que Marinos ait exercé la charge de comte de l’Opsikion avant son
départ pour l’Italie. Il n’était que spathaire lors de son arrivée 4 Rome,
dignité bien trop faible pour le chef de l’armée de campagne de I’empe-
reur. En outre, avant la disgrace de l’Opsikion et son effacement devant
les tagmata dans la seconde moitié du VIII* siécle, cette armée est tou-
jours qualifiée sur les sceaux de théophylaktos et basilikos, ce qui n’est pas
le cas sur le sceau de Marinos’. Haldon propose donc, faute de mieux,
de placer son mandat au lendemain de la défaite d’Artavasde en 743.
Uhypothése de Haldon semble bien se heurter 4 d’importantes diffi-
cultés. Toutefois, je crois que son identification du titulaire du sceau au
Marinus, duc de Rome malheureux, est 4 retenir. Mais la lecture du
sceau doit étre revue et la titulature réinterprétée.
Durant la premiére moitié du VIII* siécle, ’autorité des exarques sur
V'Italie se fit sans cesse plus nominale*®. Le dernier d’entre eux, Eutychios,
limita largement son action 4 la diplomatie recherchant notamment au-
prés du souverain lombard un appui militaire®. Lune des raisons de l’im-
puissance de l’exarque semble avoir été le rejet de plus en plus sensible
de son autorité par les élites locales, lesquelles s’identifiaient largement A
Vexercitus dont lexarque était pourtant censé étre le chef. On a toute-
fois avancé que l’exarque contrdlait directement un corps de troupes qui
Yaccompagnait depuis Constantinople, noyau dur des forces sur lesquelles
pouvait réellement compter le représentant de l’empereur™. Ch. Diehl

6 PmbZ, nr. 632.


7 Une seule piéce semble faire exception: DOSeals, III, nr. 39. 22. Toutefois, i
s’agit d’une piéce maladroitement gravée, d’ot non seulement des difficultés de
datation, mais également la possibilité d’une légende appauvrie. Les sceaux DOSeals,
Ul, nrr. 39. 38 et 39. 39 ne mentionnent pas ces épithétes et pourraient étre de la
premiére moitié du siécle, mais ils mentionnent la dignité de protospathaire; or cette
charge ne perdit ses attributions effectives que dans les années 720. En conséquence,
les deux sceaux doivent étre repoussés au-deld de la révolte d’Artavasde.
8 On peut trouver une bonne mise au point sur Vhistoire de l’exarchat dans
J. FertuGa, L’Esarcato, dans Storia di Ravenna, II/1, Ravenne 1991, Pp. 351-378. Pour
une récente tentative d’interprétation de la création des exarchats, avec bibliogra-
phie, FE. Scuiosser, The Exarchates of Africa and Italy. Justinian’s Arrangements for Africa
after the Reconquest, dans Jahrbuch der dsterreichischen Byzantinistik 53 (2003), pp. 27-45.
9 J.T. HALLENBECK, The Roman-Byzantine Reconciliation of 728: Genesis and Signi-
ficance, dans Byzantinische Zeitschrift 74 (1981), pp: 29-41.
10 ‘TS. Brown, Gentlemen and Officers. Imperial Administration and Aristocratic Power
in Byzantine Italy, A.D. 554-800, Rome 1984, pp. $0-SI.
™ Brown, Gentlemen and Officers cit., pp. 1-52. On verra plus bas ce qu'il
convient de penser des sources qui sous-tendent cette assertion.
UNE NOTE SUR LADMINISTRATION DE LEXARCHAT DE RAVENNE 81

puis T.S. Brown ont ainsi proposé d’attribuer aux exarques un contingent
de membres des schéles palatines. En fait, on ne posséde, 4 ma connais-
sance, que deux mentions de schdlaires contemporaines de l’administra-
tion des exarques® et celles-ci renvoient 4 une époque ot ces régiments
n’exercent plus de fonctions militaires effectives. Lun de ces schdlaires
exercait d’ailleurs des fonctions financiéres pour le compte de l’Eglise*.
En réalité, pour les élites locales, ’obtention d’un tel titre présentait un
moyen d’échapper 4 certaines obligations fiscales. La Vie de Théodore de
Sykéon met ainsi en scéne des schdlaires, des domestici et des protectores qui
s’identifient 4 une élite urbaine provinciale". Or, ce texte fut rédigé vers
640 et traite d’événements du tournant des VI¢ et VII¢ siécles. Son témoi-
gnage est donc recevable pour les schdlaires des papyrus de Ravenne.
Un document, le Liber diurnus, semble pourtant pouvoir nous livrer
la titulature du chef de la garde de lexarque. On posséde trois manus-
crits de ce recueil de formules diplomatiques de la cour pontificale, issus
d'un formulaire effectivement en usage constant 4 la chancellerie ponti-
ficale et sans cesse mis 4 jour. Il est en revanche difficile de déterminer
le rapport exact qu’entretienne chacun des manuscrits avec ce recueil
idéal. La liste des formules n’est donc pas parfaitement identique dans les
trois manuscrits et une bonne partie d’entre elles pose les problémes de
datation inhérents 4 toute ceuvre de compilation”.

2 Ch. Dient, Etudes sur administration byzantine de Vexarchat de Ravenne, Paris


1888 (dorénavant DieHL, Exarchat), p. 183; BROWN, Gentlemen and Officers cit., p. 89 n.
16; P. GouBERT, Byzance avant I’Islam, Il: Byzance et I’Occident sous les successeurs de Jus-
tinien, 2: Rome, Byzance et Carthage, Paris 1965 (dorénavant GouBERT, Byzance avant
l’Islam), p. $3, ne reprend pas les schdlaires parmi les membres de la «garde militaire»
mais n’explique pas ses raisons.
3. Prosopographie Chrétienne du Bas-Empire, 1/1: Italie, éd. par Ch. et L. Petri, Rome
1999 (dorénavant PCBE), s.v Armatus, et J.R. MARTINDALE, Prosopography of the Later
Roman Empire, Ul: (527-641), Cambridge 1992 (dorénavant PLRE), Ill, 1, loannes 245.
14 Respectivement entre 590 et 602 et en 639.
15 PCBE, Il, 1, Armatus.
16 En dernier lieu, A. LANtADO, Recherches sur les notables municipaux dans l’empire
protobyzantin, Paris 2002 (Travaux et Mémoires du Centre de recherche d’histoire et
civilisation de Byzance du Collége de France. Monographies, 13), p. 168. Voir égale-
ment W. BRANDES - J. HaLpon, Towns, Tax and Transformation: State, Cities and their
Hinterlands in the East Roman World, c. 500-800, dans G.P. BRocioLo - N. GAUTHIER -
N. Curistig (éd.), Towns and their Territories between Late Antiquity and the Early Middle
Ages, Leyde-Boston-Cologne 2000, pp. 157-158; HaLDON, Praetorians, pp. 119-128.
17 Sur les questions relatives 4 la composition et 4 l'utilisation de cet ouvrage,
voir en général les études de H. Lecrerca, Liber diurnus romanorum pontificum, dans
Dictionnaire d’archéologie chrétienne et de liturgie, [X/1, Paris 1929, coll. 243-343 (doré-
navant LecLerca, Liber diurnus), et de L. SANTIFALLER, Liber Diurnus. Studien und For-
schungen, hrsg. von H. ZIMMERMANN, Stuttgart 1976 (Papste und Papsttum, 10).
82 VIVIEN PRIGENT

Dans les manuscrits Claromontanus et Vaticanus, la liste des formules


commence avec une série de superscriptiones. Toutefois, seul le premier de
ces deux témoins est utilisable, le second étant par trop abimé. On trouve
ainsi les superscriptiones 4 l’empereur, a l’impératrice, a l’exarque, au comte
de V’obsequium impérial et 4 lexarque, au consul, au roi; viennent
ensuite des ecclésiastiques: le patriarche, les évéques étrangers a la juri-
diction pontificale, l’archevéque de Ravenne, les évéques (qui relévent de
l’autorité du pape), les prétres, diacres, primiciers et secondiciers.
La datation de cette liste est difficile 4 établir avec précision. La for-
mule d’adresse 4 l’empereur est également proche de celle qui est em-
ployée dans les lettres pontificales adressées 4 Constant II, Constantin IV
ou Iréne”. On se situe évidemment avant 751 puisque Vexarque est
mentionné. Par ailleurs, l’une des formules attribue le titre d’archevéque
au titulaire du siége de Ravenne. Or, ce titre n’était pas encore reconnu
par Rome en 649”°. La liste appartient donc a la période comprise en
649 et 751. On peut sans doute resserrer cette premiére datation. En
effet, il semble que les relations aient été suspendues entre Rome et
Ravenne sous l’épiscopat de Maurus, décédé en 671. Elles furent rétablies
entre 676 et 682-37. En outre, il est plus que probable que le roi auquel
fait référence la formule, soit le souverain lombard, le seul avec lequel le
pontife entretenait une correspondance suivie. On peut donc envisager
que la liste soit postérieure 4 la reconnaissance officielle du royaume
lombard en 680, qui suivit de peu son adoption du catholicisme?*. Par
ailleurs, on note l’absence d’un personnage de marque: le stratége de
Sicile, dont les relations avec le pape devaient étre d’autant plus actives
qu’ étaient importantes les possessions fonciéres pontificales dans l’ile. La
fondation du théme de Sicile advenue entre 687 et 695 pourrait donc
nous fournir un terminus ante quem}. Par ailleurs, un groupe de formules
a été attribué par J.-M. Sansterre aux années 705-71574. Elles mention-

18 Nous revenons plus bas sur le cas de cette formule.


19 J.D. Mansi, Sacrorum Conciliorum nova et amplissima collectio..., -XX XI, Floren-
ce-Venise 1759-1798 (dorénavant Mansi), X, col. 790; XI, col. 1050; et XII, col. 1056.
20 MawnsI, X, col. 798.
21 LECLERCQ, Liber diurnus, col. 263-264.
22 P. Detocu, Il Regno longobardo, dans Storia d’Italia. Longobardi e Bizantini, dir.
G. GaLasso, Turin 1980, p. 100.
23 N. OIKONOMIDES, Une liste arabe des stratéges byzantins du 7° siécle et les origines
du theme de Sicile, dans Rivista di studi bizantini e neoellenici, n.s. 11 (1964), pp. 121-130.
24 J.-M. SANSTERRE, La date des formules 60-63 du «Liber Diurnus», dans Byzan-
tion 48 (1978), pp. 226-243; voir également Brown, Gentlemen and Officers cit., pp.
I40-I4I et n. 26.
UNE NOTE SUR LADMINISTRATION DE VEXARCHAT DE RAVENNE 8 3

nent un eminentissimus consul de ’armée romaine et en paralléle le groupe


des consules et duces romains*s. Le premier personnage est donc a l’évi-
dence un individu d’un statut tout particulier, peut-étre le duc de Rome
puisqu’il semble représenter l’armée. Or, la liste de superscriptiones du
Liber diurnus mentionne également, dernier parmi les dignitaires impé-
riaux, un eminentissimus consul, trés certainement distinct des consuls ho-
noraires, qui semble avoir la préséance sur les rois étrangers aux yeux de
la chancellerie pontificale. Seules ces formules attestent lexistence de
cette institution qui semble avoir été éphémére®. Sous toute réserve, je
proposerais donc de rapprocher notre liste de l’€poque a laquelle est at-
testé 4 Rome ce consul si particulier. Tous ces éléments aménent donc a
dater la liste des années 680-695, ou plus largement du tournant des VII*
et VIII* siécles. Cette hypothése est conforme aux conclusions sur la
limite basse de la composition du recueil avancées par Leclercq qui re-
léve que le dernier pape mentionné dans les formules est Agathon, mort
en 682 et le dernier empereur Constantin IV, décédé en 68577.
Par ailleurs, quelques erreurs de copie se sont manifestement glissées
dans le texte du manuscrit. La quatriéme formule est dite subscriptio alors
méme qu’il s’agit clairement d’une superscriptio. Par ailleurs, on trouve en
cinquiéme position la formule «superscriptio ad regem superscriptio ad
patriarcham. Dilectissimo fratri ill. ill. et subscriptio eius. Deus te incolu-
mem custodiat dilectissime frater». Il semble donc que l’on ait affaire a
une méme formule, a utiliser pour un roi ou pour le patriarche. Toute-
fois, les intitulés des lettres pontificales conservées montrent clairement

25 Liber Diurnus Romanorum Pontificum, éd. par H. FOERSTER, Berne 1958 (doré-
navant Liber Diurnus), 60, p. 213, |. 24-30: «...per harum latores ill. sanctissimum epi-
scopum (etc.)..., ill. et ill. viros honestos cives et de florentissimo atque felicissimo
Romano exercitu ill. eminentissimum consulem seu ill. et ill. viros magnificos tribu-
nos miliciae»; 61, p. 216, 1. 10-17: «in uno quippe post triduo, ut moris est, conve-
nientibus nobis, id est sacerdotibus et reliquo omni clero, eminentissimis consulibus
et gloriosis ducibus ac universitate civium et florentis Romane exercitus...».
26 Malheureusement, l’étude de B. Bavant, Le duché byzantin de Rome. Origine,
durée et extension géographique, dans Mélanges de I’Ecole Francaise de Rome. Moyen-dge
91/1 (1979), pp. 41-88, ne mentionne pas ce probléme (dorénavant Bavant, Duché de
Rome). Sur le titre de consul en Italie Brown, Gentlemen and Officers cit., pp. 137-143.
Notons que la datation proposée n’entre pas en conflit avec la date d’apparition
de l’Opsikion impérial dont la premiére mention certaine remonte aux actes de
Constantinople III en 680-681. On peut remonter jusqu’en 668 si l’on admet l’au-
thenticité des lettres de Grégoire II 4 Léon III.
27 LECLERCQ, Liber diurnus, col. 251. En général, les col. 251-270 offrent une
réfutation argumentée des conclusions de Th. von Sickel qui voulait placer la for-
mule qui nous intéresse vers 625.
8 4 VIVIEN PRIGENT

que l’expression dilectissimus frater ne désigne jamais un laic?*. En consé-


quence, il est nécessaire, soit d’admettre la disparition de la formule ré-
servée aux rois et qui devait s’intercaler entre regem et suscriptio, soit de
considérer que le scribe a dédoublé une formule du type superscriptio ad
Regiae Patriarcham, au sens de patriarche de Constantinople. La premiére
solution semble toutefois largement préférable, car il est peu probable
que la chancellerie pontificale soulignerait 4 loisir la proximité a la per-
sonne impériale dont jouissait le rival de Constantinople. Il y a donc
indéniablement traces de corruptions dans le formulaire.
Venons en a la formule qui nous intéresse. Aprés la superscriptio réglant
, la correspondance avec l’exarque, on lit: «Subscriptio ad comitem impe-
| riali obsequii et ad exarcum. Incolumem excellentiam vestram gratia su-
perna custodiat domine fili»®. On a déja signalé qu’il convient de voir ici
une superscriptio. Par ailleurs, par comparaison avec les autres formules, il
manque |’élément initial qui précise le prédicat auquel a droit le digni-
taire3°. On voit également que la formule d’adresse ne fait référence qu’a
une seule personne («excellentiam vestram») alors méme que le titre
annonce une formule pour deux dignitaires. Il faudrait donc admettre,
comme pour la formule pour le roi et le patriarche, deux intitulés fondus
et rattachés 4 une formule unique. Mais, dans ce cas, on se trouverait face
a un doublet avec deux types de superscriptio pour Vexarque?'. Enfin, il
est possible de discerner une double hiérarchie au sein de cette liste de
formules: de ’empereur au roi, puis du patriarche au clergé. En consé-
quence, la quatriéme formule non seulement dicterait une seconde for-
mule pour l’exarque mais subordonnerait celui-ci au comes imperialis obse-
quii. Il faut donc, je crois, admettre que la formule initiale renvoyait 4 un
comes imperialis obsequii exarchi ou tout autre formule équivalente3.

78 La facon la plus simple de s’en convaincre reste sans doute de feuilleter la


correspondance de Grégoire le Grand.
29 Liber Diurnus, p. 181, 1. 19. Le texte donne subscriptio mais la logique interne
du document oblige 4 y voir une superscriptio.
3° On a ainsi juste avant la formule excellentissimo atque praecellentissimo filio pour
lexarque et juste aprés eminentissimo filio pour le consul.
31 La superscriptio 3 s’adresse ad patricium et mentionne un ex(...) patricius qui ne
peut étre que l’exarque, ce fonctionnaire étant le seul couramment désigné par son
seul titre, Brown, Gentlemen and Officers cit., p. 137. I en allait de méme en Afrique
pour l’exarque de Carthage, Ch. Dreut, L’Afrique byzantine. Histoire de la domination
byzantine en Afrique (533-709), Paris 1896, p. 484. Que cette formule fasse référence au
stratége de Sicile n’est pas recevable car elle placerait l’exarque sur un pied d’infée-
riorité vis-a-vis du nouveau gouverneur de T'ile.
32 On peut également envisager que la préposition ad explique le rapport entre
Pexarque et le comte, au sens d’une délégation du comte auprés de l’exarque.
UNE NOTE SUR L’ADMINISTRATION DE LEXARCHAT DE RAVENNE 8 5

Reste entier le probléme de l’usage de l’épithéte «impériale» pour


qualifier la garde de l’exarque. Lexarque était certes considéré comme
un représentant direct de l’empereur en Italie. Les provinciaux décla-
raient ainsi voir en lui leur seul secours aprés Dieu}. Son statut semble
donc supérieur 4 celui d’un simple fonctionnaire et il apparait comme
lieutenant, au sens fort, du basileus. Il se substitue d’ailleurs également a
lui dans la ratification des élections pontificales et décide seul de la paix
et de la guerre face aux Lombards3+. Ainsi pourrait s’expliquer que sa
garde, comme celle du souverain, puisse étre qualifiée d’imperiale obse-
quium3s, Mais l’explication reste hasardeuse.
Je crois donc nécessaire d’envisager que l’exarque, face 4 la détério-
ration de son autorité en Italie, ait regu lappui d’un corps de troupes
détaché de I’ Opsikion impérial. Cette armée regroupant des unités d’élite
du VI¢ siécle comptait certainement dans ses rangs des vexillationes ou des
banda, susceptibles d’étre aux ordres d’un comte*. Lune de ces unités
put trés bien étre envoyée 4 Ravenne. Un passage du Liber Pontificalis de
Ravenne pourrait sans doute étre avancé 4 l’appui de cette hypothé-
se. Lors du soulévement de Ravenne contre Justinien II, les forces de
Ravenne furent organisées au sein de onze numeri3’. Neuf, dont la dési-
gnation renvoie 4 des toponymes, étaient clairement d’origine italienne.
Les deux derniers portent les noms d’invictus et de Constantinopolitanus. I
est difficile de se prononcer sur le premier de ces deux régiments. Il

33 DigHL, Exarchat, pp. 174-175 et n. I.


34 Dieu, Exarchat, p. 175, et GOUBERT, Byzance avant I’Islam, pp. 49-51 qui veut
toutefois limiter les pouvoirs diplomatiques de l’exarque aux seules tréves.
35 Le sens d’obsequium n’est certes pas limité 4 celui de garde militaire. Voir en
dernier lieu sur cette question, W. Branpes, Philippos 6 otgatnddtyg tod Baowlinod
‘Owmiov. Anmerkungen zur Friihgeschichte des Thema Opsikion, dans Novum Millenium.
Studies on Byzantine History and Culture dedicated to P. Speck. 19 December 1999, Alder-
shot-Burlington 2001 (dorénavant Braves, Philippos), pp. 23-24. Toutefois, c’est
dans ce sens qu’il est attesté dans les sources du VII*: ainsi les hommes de Théodore
Calliopas venus arréter le pape Martin. On ne peut toutefois préjuger de la valeur
technique du terme: S. Martini Papae Epistulae, dans PL 87, col. 200. Par ailleurs,
Théodore n’est pas 4 ce moment exarque de Ravenne, voir P. PEETERS, Une vie
grecque du pape Martin, dans Analecta Bollandiana 51 (1933), pp. 232-235.
Je crois donc
fondé ici le rapprochement avec l’armée personnelle de l’empereur. Par ailleurs, un
passage du Liber Pontificalis sur lequel nous revenons plus bas, semble devoir confir-
mer cette impression.
36 Hatpon, Praetorians, pp. 191-204.
37 AGNELLUS DE Ravenne, Liber Pontificalis, 38, 140 [Agnellus von Ravenna. Liber
Pontificalis, trad. Cl. Navertu, Fribourg-Bales-Vienne-Barcelone-Rome-New York
1996, p. 506, 1. 7-9].
86 VIVIEN PRIGENT

existe encore au milieu du VIII* siécle, époque 4 laquelle apparait dans


un acte de vente Apollenaris, domesticus numeri invicti, v. c.38. T.S. Brown
voit dans ce corps l’héritier des invicti iuniores en garnison dans l’est de
VIllyricum au début du V¢ siécle29.J. Ferluga propose quant a lui d’y voir
la garde du palais de l’exarque, mais ne justifie pas sa position4?. En re-
vanche, il est trés probable que le numerus Constantinopolitanus fut consti-
tué 4 Porigine d’un corps de soldats de l’'armée centrale en poste 4 Ra-
venne*#. Or, au début du VIII* siécle, la garnison de la capitale incombe
aux forces de l’Opsikion#.
Lexemple de ce numerus permet d’envisager que l’épithéte «impé-
rial», qui apparait dans la formule qui nous occupe, puisse s’expliquer
par Porigine d’un régiment détaché de l’Opsikion impérial auprés de
lexarque sous les ordres d’un comte et non par référence a ce fonction-
naire lui-méme.
Revenons-en au sceau de Marinos: la lecon adoptée par les éditeurs
est Oeotoxe Ponber Magive xouity tod ‘Owprxiov t[@ t(od)] ZEce(you). La lec-
ture proposée repose donc sur l’interprétation d’une lacune d’un espace
dune seule lettre au début de la derniére ligne. Je crois qu’il convient de
corriger ainsi: Ocotéxe BorGe. Magive xduity tod "Opinion t[(ot)] 2ce(xov).
Marinos serait donc le chef de ’Opsikion de l’exarque.
Si lon retient cette lecture l'ensemble des problémes posés par |’at-
tribution de Marinos au théme de |’Opsikion disparaissent. Le Liber Pon-
tificalis nous donne quelques précisions. Marinus apparait comme duc de
Rome, en arriére-plan d’une tentative d’assassinat de Grégoire II 43. Vau-
teur précise alors qu’il avait été envoyé directement de Constantinople.

38 J.O. TJADER, Il nuovo papiro ravennate dell’ VIII secolo a Belluno e il papiro Mari-
ni CXI (Introduzione e Parte I), dans Bollettino dell’Archivio Paleografico Italiano, n.s. 2-3
(1956-1957), p. 351.
39 Brown, Gentlemen and Officers cit., p. 90.
4° J. Ferituca, L’organizzazione militare dell’Esarcato, dans Storia di Ravenna cit.,
p. 386.
41 J’avoue ne pas comprendre pour quelle raison on a proposé d’identifier ce
corps avec le numerus Theodosianus: H.W. Haussic, Anfaénge der Themenordnung, dans
F ALTHEIM - R. StiEHL (hrsg.), Finanzgeschichte der Spatantike, Francfort 1957, p. 106
n. 76 (la note est fort longue et le passage qui nous intéresse se trouve p. 108).
42 HALpon, Praetorians, p. 198, et 1D., Strategies of defense, problems of security: the
garrisons of Constantinople in the middle Byzantine period, dans Constantinople and its
Hinterland, ed. by C. Manco - G. Dacron, Cambridge 1995 (Publications of the
Society for the Promotion of Byzantine Studies, 3), p. 147.
43 Liber Pontificalis, 91, 14, éd. L. DUCHESNE, Le liber pontificalis. Texte, introduction
et commentaire, Paris 1886 (dorénavant Liber Pontificalis), p. 403.
UNE NOTE SUR VADMINISTRATION DE LEXARCHAT DE RAVENNE 87

Son titre de spathaire lidentifie d’ailleurs comme un agent dépéché par


le pouvoir central, puisqu’a cette époque le titre ne s’est pas diffusé en
Italie*#. On pourrait d’ailleurs en raison de la rareté du prénom et sur-
tout — a l’époque en Italie — du titre, lui attribuer le sceau contemporain,
conservé 4 Rome, d’un spathaire impérial homonyme*. Aprés l’échec du
complot, il se serait retiré pour raison de santé, sans doute une excuse
commode pour quitter la ville4*, Lauteur ne précise nullement l’endroit
de sa retraite 47. Il enchaine sur l’arrivée en Italie de l’exarque Paul, pré-
cédemment stratége de Sicile4’. Il semble donc que Marinus ait tenu le
duché avant 723, date traditionnellement retenue pour l’arrivée en Italie
de Paul4?. Lui succéde alors un autre spathaire, également envoyé de
Constantinople et chargé par Léon III de déposer le pape‘°. Afin de le
seconder dans ses efforts, Paul lui dépéche un certain nombre de séides
«cum suo comite atque ex castris aliquos». Il s’agit de unique mention
a ma connaissance d’un comte dans I officium personnel de l’'exarque*. Le
Liber Diurnus, me semble-t-il, permet d’accepter la valeur technique du
terme de comte et d’identifier le chef des soldats envoyés par l’exarque
avec son comes obsequii.
Il est trés probable que ce fonctionnaire soit 4 identifier avec le pré-
cédent duc de Rome, Marinos, arrivé. de Constantinople 4 Rome, il
n’exerca pas ses fonctions de comes obsequii avant d’étre placé a la téte
du duché de Rome. Ce personnage était d’ailleurs particuliérement dési-
gné pour se joindre 4 une nouvelle entreprise pour abattre Grégoire II,
puisque sa fuite de Rome fut la conséquence de son échec dans la ten-

44 Brown, Gentlemen and Officers cit., p. 135.


45 V. LAURENT, Les sceaux byzantins du Médaillier Vatican, Cité du Vatican 1962, nr.
71. Cette identification a déja été proposée par Bavant, Duché de Rome, p. 75. On
peut en rapprocher la piéce G. Zacos - A. VEGLERY, Byzantine lead seals, Bale 1972,
nr. 928. Signalons par ailleurs que la formule d’invocation est extrémement rare; le
seul autre cas que je connaisse apparait précisément sur le sceau de Jean, consul et
préfet d’Italie, ibid., nr. 1163.
46 Liber Pontificalis, 91, 14, p. 403.
47 On peut toutefois soupconner avec vraisemblance qu’il aura rejoint le terri-
toire encore fidéle de l’exarchat.
48 Liber Pontificalis, 91, 15, p. 403.
49 PmbZ, nr. 5815.
5° Liber Pontificalis, 91, 16, p. 404.
3st Liber Pontificalis, 91, 16, p. 404. Notons que ce passage confirme bien les attri-
butions militaires du comte de l’exarque.
52 Diehl tire pourtant argument de ce passage pour postuler l’existence de plu-
sieurs comtes au sein de cet officium: Diput, Exarchat, p. 183.
88 VIVIEN PRIGENT

tative précédente. Le coup de force échoua du fait du soulévement des


Romains et des Lombards en faveur du pontifes. Telle quelle cette car-
riére est chronologiquement proche de lépoque des superscriptiones du
Liber Diurnus qui mentionnent le comes imperialis Obsequii (de l’exarque).
En conclusion, je crois donc nécessaire de supprimer Marinos de la
liste des comtes de l’Opsikion micrasiatique et de le tenir pour le seul
titulaire nommément connu de la charge de comte de l’Obsequium de
lexarque de Ravenne. Par ailleurs, la mention de Philippe, stratélate de
VOpsikion impérial, dans les actes du concile de Constantinople III,
devra étre analysée a la lumiére de l’existence de cette fonction au sein
de V officium de lexarque. Il semble en effet que ce militaire fut un temps
en poste en Occident. Toute ambition d’en tirer argument pour la pré-
sence de l’Opsikion auprés de Constant II, lors de son expédition ita-
lienne, doit prendre en compte que Philippe exerca peut-étre ses fonc-
tions plus tardivement et 4 Ravenne‘.

VIVIEN PRIGENT

33 Liber Pontificalis, 91, 16, p. 404.


54 Branpbes, Philippos, pp. 29-31.

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