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Comptes rendus des séances de

l'Académie des Inscriptions et


Belles-Lettres

Inscriptions grecques trouvées à Suse


† Franz Cumont

Citer ce document / Cite this document :

Cumont Franz. Inscriptions grecques trouvées à Suse. In: Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et
Belles-Lettres, 75ᵉ année, N. 3, 1931. pp. 278-292;

doi : 10.3406/crai.1931.76089

http://www.persee.fr/doc/crai_0065-0536_1931_num_75_3_76089

Document généré le 04/06/2016


278 COMPTES RENDUS DE L 'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS
pire» en deux volumes publiée sous le titre « Gesellschaft und Wirt-
schaft-in dem rômischen Kaiserreich ». (Quelle und Meyer, Leipzig,
1931).
Le texte a été changé ici et là (p. ex. un nouveau chapitre sur la
Nubie a été ajouté), les notes ont été revues et l'illustration
augmentée. »

■■■■. COMMUNICATION

INSCRIPTIONS GRECQUES TROUVÉES A SUSE,


PAR M. FRANZ CUMONT, ASSOCIÉ ÉTRANGER DE l'aCADÉMIE.

II

Inscriptions de l 'époque des Séleucides,

Outre les deux documents remarquables de la période


parthe que nous avons fait connaître le mois dernier à
l'Académie *, les fouilles exécutées cet hiver à Suse nous ont
apporté des inscriptions grecques plus anciennes, remontant
au temps des rois séleucides. Notre confrère le Père Scheil
a bien voulu nous confier aussi les photographies et les
estampages qu'avait pris M. de Mecquenem de ces textes
intéressants, et nous communiquons ceux-ci à l'Académie,
comme les premiers, avec des notes succinctes, en
attendant le commentaire développé qui pourra être donné plus
tard dans les Mémoires de la Mission en Perse.
On verra que ces inscriptions sont pour la plupart des
débris d'actes juridiques. Après les avoir gravés sur la pierre,
on les avait exposés, selon l'usage, dans un temple, celui
de la grande déesse de Suse, que les Grecs appelaient Arté-
mis et les indigènes Nanaïa. Brisés souvent en menus
fragments, ces documents mutilés attestent encore la vio-

1. Cf. Comptes rendus, supra, p. 233. .


INSCRIPTIONS GRECQUES TROUVÉES A SUSE 279

lence avec laquelle fut saccagé le sanctuaire, dont les


richesses avaient déjà tenté la cupidité d'Antiochus IV l et
qui dut être pillé plus tard. Bien qu'on ne puisse l'affirmer
jusqu'ici d'une façon absolue, il semble bien que ces
consécrations fussent toutes, comme le document si
heureusement restitué par Haussoullier 2, celles d'hiérodules,
qui devaient servir la déesse un certain temps, puis être
affranchies. Nous savons que dans les grands sanctuaires,
où se perpétuait la pratique des prostitutions sacrées,
vivaient des centaines de femmes que la piété des fidèles
avait ainsi vouées aux déesses de la fécondité 3. On peut
donc se figurer quelle quantité d'actes de donation ont dû
être conservés de la sorte dans le temple de Nanaïa, et il
n'est point surprenant que quelques débris en soient
parvenus jusqu'à nous.

1. Petite plaque de pierre, brisée en trois fragments et mutilée du


bas. Larg. 17 cm. ; haut. niax. 8 cm. — Hauteur des lettres : 4 à 8
mill. Les caractères sont irréguliers et mal gravés ; les trous creusés
au foret pour marquer l'extrémité des traits restent visibles. On
notera la forme arrondie des a, empruntée à la cursive :

IWiXsûovtoç SsAe'jxou Itooç Xp' f.[Y)]vb[ç]


.

Aaiuiou sv ZsXeuxswti [t|îji ttpoq twi Ey-


Xaion àsiépuxTSv KaXXiçàW Aio5o>-


pou, ça[Aevoç sî[v]ai xwv ûxb AXÉ- .
5 ÇavSpov '.TCxéwv, 'AîtoXXtovi xat
'ApTsp.i§i AaiTtaiç û^èp t^ç [2s-
Xsjîcou tou ^aatX[é]to; xai A[as-
xîjç [^a<riX]ijaYj[ç

1. II Macchab., I, 13.
2. Mémoires de la Mission en Perse, XX, 1928, p. 85, n° 4.
3. Cf. Strabon, VIII, 6, £20, p. 378 C, à propos deCorinthe :"ûurenXstou?
T) ^tXta; Upo5oûXouç £xsxty)TO (to Upàv) éraipaç aç àvîti'Osarav xrj 0£w xal avôpe;
xal^uvaus;. Cf. XI, 14, § 16 pour le temple d'Anaïtis dans l'Acilisène et
XII, 3, § 36 pour celui de Ma à Comane.
280 COMl'TES RENDUS DE L 'ACADÉMIE- DES INSCRIPTIONS

L'orthographe est correcte, sauf qu'à la 1. 4, le lapicide a gravé un


M au lieu du N de eTvac. — De faibles traces du haut de caractères dans
l'angle gauche inférieur montrent que le texte se continuait sur la
partie manquante de la pierre.

« Sous le règne de Séleucus, l'an 130, au mois de Daisios, à


Séleucie de l'Eulaios, Calliphon, fils deDiodore, ayant déclaré
être un des cavaliers (servant) sous Alexandre, a consacré
à Apollon et à Artémis Daïttaï pour le salut du roi Séleucus
et de la reine Laodice ...»
La suite du texte mutilée devait indiquer ce que
Calliphon avait consacré aux dieux. Peut-être était-ce une jeune
esclave (xatciaxrj), comme dans l'acte d'affranchissement de
Suse que nous avons publié d'après les notes d'Haussoullier * .
Notre inscription, en effet, n'est pas une simple dédicace,
comme on pourrait le croire à première vue, mais le
préambule, ou, pour parler latin, la praescriptio d'un document
juridique, dont les formules sont analogues à celles de l'acte

1. Mém. Miss, de Perse, XX, 1928, p. 84, n° 4. Cf. sur cette forme de
Taffranchissementen Babylonie, Koschaker, Zeitsc.hr. der Savigny-stiftang,
LI, 1931, p. 429. et, plus complètement, Abhandl. Akad. Leipzig, X.LU n"l,
1931, p. 70 s.
INSCRIPTIONS GRECQUES TROUVÉES A SUSE 281

cité. On voit maintenant qu'il faut bien lire dans celui-ci,


à la 1 . 2, èv SsXeuxsiaTrjnupbç xôn EùXaiwt, comme nous l'avions
supposé J, Séleucie de l'Eulaios étant le nom officiel de Suse,
devenue une colonie macédonienne2.
Le mois de Daisios de l'année \ 30 des Séleucides
répond à mai-juin 183 av. J.-C. et il s'ensuit que le roi
nommé est Séleucus IV Philopator, qui monta sur le trône
en 187 et fut assassiné par son ministre Héliodore en 175.
L. 3, àapiépwaev, terme habituel à Suse pour a consacrer» ;
cf. Mém., l. c, n° 4, 1. 3, et infra, n° 5.
Calliphon, fils de Diodore « a déclaré être un des
cavaliers sous Alexandre». Il ne peut s'agir ni d'un des tazeiç
ayant servi sous Alexandre le Grand, comme ceux qui sont
énumérés dans une dédicace d'Orchomène 3, car la
chronologie s'y oppose, ni d'un descendant d'un de ces cavaliers,
car il faudrait alors une autre formule. L'expression tôv ùtzo
'AXsijavSpov l~id<ov signifie simplement que Calliphon sert
sous un commandant nommé Alexandre. De même, dans la
convention conclue entre Eumène de Pergame et ses
mercenaires 4, on lit : "Opy.oç ov wjaousv Ilapa;j.3voç -/.ai oî ^Y£i«V£? y-a-
otùç'aÛTsùç c-paTiwxai. . . */.al 'Aruvaç b '.Ttxxpyyiç xalcî ûç 'aÙTÔv
Ixzsîç. La tournure laoraip-svcç (ou wv) br.o xbv osïva est
habituelle à l'époque hellénistique pour marquer la relation entre
les simples soldats et leurs chefs immédiats •', qui sont
les y)vs;j.5vsç dans l'infanterie et les tXap/ai dans la cavalerie.
Alexandre était donc probablement non un hipparque, un
général en chef, de Séleucus IV, mais une simple « ilarque »
L'inscription ayant été trouvée à Suse, on peut conjecturer
qu'il commandait I'ïXyj {âajiXixrj, la troupe d'élite qui accom-

1. Cf. aussi m/ra, nM 2 et6.


2. Mém., l. c. p. 82.
3. C1G. Sept., 1, 3206, = Michel, 1112.
4. Michel, n° 15= Dittenbergeiy Or. /user., 266, 1. 20; cf. 1. 59.
5. Cf. l'inscription de Théangéla publiée par Rostovtzeff, Revue des
études anciennes, XXXIII, 1931, 1. 7 ss.et les exemples cités dans le
commentaire, p. 13, notamment Dittenberger, Or. Inscr.,n" 229, 104 : Tt'fxtovt
i Ç évo'.i \>r.o Ttfifova.
282 COMPTES RENDUS DE L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS

pagnait le roi1, mais rien ne l'indique dans le texte. L'ex-r


pression « un des cavaliers sous Alexandre » rappelle
l'usage constant à l'époque romaine de désigner les
centuries ou les turmes dont font partie tel ou tel légionnaire
ou eques, par le nom du centurion ou du préfet qui les
commande 2. .
Le libellé de notre inscription otxuevoç thaï se
comprendrait difficilement s'il s'agissait d'une simple dédicace de
Calliphon lui-même, mais il s'explique dans le préambule
d'un acte dont la copie authentique a été gravée sur la
pierre. Le rédacteur de ce document juridique a simplement
noté la déclaration de Calliphon, sans en prendre la
responsabilité. Il ne paraît pas possible de rattacher çipsvoç
etvai au nom qui précède et de traduire « ayant dit être fils
de Diodore » , car on s'attendrait dans ce cas au verbe YSY^vevai,
non stvau
L. 5-6. Calliphon a consacré quelque personne ou quelque
objet à Apollon et Artémis AaiTTaiç. Ce surnom intéressant
se retrouve à Daphné près d'Antioche, dans une lettre par
laquelle Antiochus III désigne un nouvel « archiprêtre » de
ces mêmes dieux 3 : T'îj^ àp^ispaxruvyjç tgu 'AtcôXXwvoç xa't tîjç
ApT£|M$oç tôW Aai'-wv xat twv aXXwv lepfôv wv Ta tsu.évtj suitv
exl Aa?VTjç TCpoffSsoj/ivYjç àvofo^ spiXcu, SuvYjaojAévcu Se Tîpoaxyjvat
â^iax;. Mais cette épithète inconnue a paru suspecte aux épi-
graphistes, qui l'ont corrigée de trois façons différentes *. La
pierre est conservée aujourd'hui à l'Université de Yale et
M. Rostovtzeff, qui a attiré mon attention sur elle, m'a

t. Cf. Realenc, s. v. I'Xyj, col 997, n° 2; Berve, Das Alexanderreich, 1926»


I, p. 104 ss.
2. P. ex. en Egypte, y(âpxi]ç a' Q^aidiv -:ùp^.r\/; Ilpewxou (Lesquier, V&r-
mée d'Egypte, p. 136 ss., n° 22). La ressemblance est d'autant plus étroite
que sous les Romains i\dpyrr\i est en grec le terme technique pour leprae-
fectus tnrmae.
3. Dittenberger, Or. Inscr., 244, 1. 21.
4. Hadley avait proposé Sattfpjwv, ce qu'a rejeté Dittenberger, qui a
adopté la conjecture de Schœmann, Aaçvaîwv. Mais Hadley ayant
contesté la possibilité de cette lecture, Waddington proposa otSjjxtov .
INSCRIPTIONS CRECQUES TROUVÉES A SUSE 283
donné l'assurance qu'elle porte bien AAITTQN. 11 ne s'agit
plus que d'expliquer ce mot, dont l'orthographe est
désormais certaine.
On pourrait songer à un dérivé de Saiç-Soutsç. On
honorait à Troie un héros des festins appelé Aatnjç *. A Éphèse,
on offrait dès banquets rituels à l'Artémis Aatuç2 et des
my stes y font une dédicace à l'Aphrodite Aocitiç 3. Ces déesses
participaient à des ©eoSauna, à des banquets liturgiques que
leurs fidèles célébraient en leur honneur4. Un nom de mois,
@eo5a(<noç, qu'on trouve dans plusieurs cités, dérive de celui
de cette fête, et le calendrier syro-macédonien l'a adopté en
l'abrégeant sous la forme Aawioç 5. Il est donc bien tentant
de reconnaître dans l'Apollon et l' Artémis Aaîxtat, les
divinités qui festoient, à certains jours solennels, avec leurs
adorateurs. Mais le double Tfait difficulté et semble s'opposer
à cette étymologie.
Il se pourrait que nous ayons ici le surnom macédonien de
dieux que Séleucus Ier avait transportés de sa patrie dans son
royaume asiatique. Lalettre d'Antiochus III nepermet pas
de douter que le culte d'Apollon et d' Artémis Aai-cxai ne fût
officiel : c'est le roi lui même qui en nomme l'àpyispeuç. La
nouvelle dédicace, qui prouve que ce même couple divin était
adoré à Suse et y a reçu l'offrande d'un soldat de l'armée,
confirme cette conclusion. Apollon et Artémis sont les dieux
de la dynastie des Séleucides. Dans la colonie macédonienne
de Doura on vénérait Artémis et Apollon àpyr^oi^. Mais

1. Athénée, IV, 174 a. Cf. Roscher, Lexikon, s.v.


2. Etym. magnum s.v., cf. Heberdey, Oesterr. Jahresheftè, VII, 1904,
p. 210; et Keil, ibid., XVII, 1914, p. 144 s.
3. Keil, l. c. : Mu<jtt)ç xal jjuicciç Âaixfôoç 'A<ppo8tTYiç.
4. Cf. Saglio-Pottier, Dict. ant., s. v. ; Nilsson, Griechische Festé, pp. 279,
471. Lire dans Pline, II, 231, theodaesia (Kroll, Kosmologie des Plinius,
1930, p. 90).
5. Cf. Dittenberger, dans Realenc, s. v. « Aataioç ».
6. Dédicace trouvée en 1930 dans le temple d' Artémis à Doura et qui
paraîtrabientôtdansle troisième rapport de l'Université de Yale: '
xaî Axo'XXwvt àp/riyoïç (en 2 ap. J-C.)
284 COMPTES RENDUS DE L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS

comme ici, à Suse, par suite d'une identification d'Artémis


avec la grande déité indigène Nanaïa, c'est la déesse, qui
dans ce couple a la préséance sur le dieu, et l'on parle
souvent d'un temple d'Artémis ou de Nanaïa, sans nommer
son parèdre1. De même à Hiérapolis le sanctuaire où l'on
rendait un culte à Hadad et Atargatis, était communément
appelé celui de la déesse Syrienne.
L. 6-8. La consécration est faite ûxàp ty); SeXeiixou too
3aai>ia)(; %ai AaoBixYjç xftq fiasChitjGr,, awr^ptaç 2. Ce texte
apporte un témoignage décisif, qui tranche une vieille
controverse. Déjà au xvue siècle, le Père Frœhlich avait
conjecturé que le roi Séleucus IV, après la mort prématurée de son
frère aîné Antiochus, en 193 3, avait épousé la veuve de celui-
ci, Laodice, qui était leur sœur à tous deux 4. Mais cette
hypothèse n'avait pas été généralement admise 5. Elle reçoit
de notre dédicace une heureuse confirmation et il apparaît
qu'Haussoullier avait vu juste en restituant dans
l'inscription n° 3 de Suse6 : Aaoci/.r(ç tyJç 2sXs6[xou tou $x<sikétàç
vovaixô;]. Gomme me l'a fait observer mon confrère et ami
M. Holleaux, on s'explique ainsi très bien que la fille de
Séleucus IV, qui devait s'unir en 177 à Persée, le dernier
roi de Macédoine7, se soit appelée aussi Laodice, comme
sa mère.
Peut-être la veuve de Séleucus IV, après l'assassinat de
son deuxième époux, en 175, devait-elle convoler encore

1. Les textes ont été cités, Mémoires, l. c.,p. 86. Ajouter Pline, H. N.,
VI, 135 : « Eulaeus circumit arcem Susorum et Dianae templum augustissi-
mum illis gentibus ». — Cf. inf'ra. p. 236, n. 1.
2. Sur la formule urclp utoiripta;, cf. Mém., p. 87.
3. Sur la date de cette mort (étédel93), cf. Holleaux, Cambridge ancien t
history, t. VIII, p. 201, note 2.
4. Frœhlich, Annales regum et rernm Syriae nummis illustrati, éd. de
1744, p. 42.
5. Babelon (Rois de Syrie, p. xc), la déclarait « toute gratuite».
6. Mémoires, p. 81 .
7. Polybe, XXV, 4, 8; cf. Tite Live, XLII, 12,3; Appien, Maced., XI, 2.
— Cf. Mémoires, i.c, p. 83.
INSCRrPTIONS GRECQUES TROUVÉES A SUSE 285
avec son troisième frère Antiochus IV Épiphane *. Sa
première union étant antérieure d'une vingtaine d'années
(196), elle devait être sensiblement plus âgée que ce
troisième mari, mais les charmes de l'épousée comptaient pour
peu de chose dans ces alliances dynastiques. Celles-ci
tendaient à la fois à préserver la pureté du sang de la race
souveraine et à conserver à la couronne l'apanage de la
princesse royale, en même temps qu'à satisfaire les sentiments
de la population indigène, laquelle regardait les unions entre
proches comme les plus saintes de toutes 2. Un intérêt
politique considérable put conseiller particulièrement le
troisième intermariage de Laodice. Si, comme on l'a
conjecturé3, Séleucus IV, quand il fut tué, laissait un fils encore
enfant, qui fut associé à la royauté par son frère et
successeur Antiochus IV, celui-ci se serait emparé du pouvoir
du consentement de sa reine, qu'il aurait épousée, et aurait
exercé une sorte de régence au nom du jeune prince son
neveu, qui était l'héritier légitime du trône.

2. — Fragment d'une plaque de pierre portant une inscription


large, actuellement, de 10 cm., haute de 8 cm. Jolies lettres, finement
gravées h. de 4 à 9 mill. — Le texte est complet en haut et à droite,
où nous avons là fin des lignes. La partie g. de la pierre a été
rongée et les caractères peu profonds ont disparu. Larges interlignes,
qui atteignaient jusqu'à 40 mill.
Ce texte est si mutilé qu'à première vue on pourrait
désespérer d'en saisir la portée, mais les restes des deux
premières lignes prouvent que nous sommes en présence d'un
document daté, analogue au précédent, et les formules
employées dans de pareils actes se répètent si exactement4

1 . Conjecture de Bouché-Leclercq, cf. Stâhelin, dans Realenc. s.v. « Lao-


dike.n0" 18-19.
2. Cf. sur l'intermariage en Orient, C.R. Acad. Inscr. 1924, p. 53 ss. ;
Kornemann, Klio, XIX, 1924, p. 356 ss. ; et nos Fouilles de Dotira, p. 545 ss.
3. Bevan, dansla Cambridge history, t. VIII, p. 713 s.
4. Outre notre n° 1; voir Mém. Mission en Perse, l.c, p. 85 n°4. Cf. pour
l'époque parthe les parchemins de Doura (Rostovtzeff et Welles, C.R.
286 COMPTES RENDUS DE L? ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS

qu'on en peut restituer avec une certitude suffisante la


teneur, même s'il n'en subsiste comme ici que peu de lettres
de chaque ligne.

AA1

[Itouç ] xat éxaxo(7ToIJ


[jjwjvoç to3 Jsîvoç itpwTYji? ÈTc'sixjaît
[èv SeXeuxeiat, xî;i "npbç twi EùÂajiwi
5 [<j;3)i£pa)ff£v vwpiai 'ApxspiiSt (?) NJavaiai
-

[o Scîva xou Sstvoç 6:uèp t^'ç 'Av]i;ir/ou


[tou PaaiXswç xai 'Avtiô^ou toû Vcwiipou] . >
[PaatXéw; jwTYjptaç . J ■
La ligne 3, donnant la date du mois, je l'ai restituée d'après les
parch.de Doura n° III (Fouilles, p. 306) : "Exou;. . . T£Tpa/.oato<jToù
ji,T)vôî .risptTtou nf[X7irrn i^'eixaS-.. et n* X (Comptes rendus Acac/.J 1930
p. 160) : Aatat'o'j extï)i èn'eixàSc.

C'est la première fois, croyons-nous, qu'on rencontre


dans une inscription grecque une datation par le règne,
simultané de deux Antiochus, mais elle se retrouve
fréquemment dans les tablettes cunéiformes de l'époque séleu-

Acad. /asc, 1930, p. 161 ; Yale Classical studies, II, 1930) et d'Avroman
(Miuns, Journ. hell. stndies, XXXV, 1915, p. 22 ss.).
INSCRIPTIONS GRECQUES TROUVÉES A SUSE 287

cide '. Les chiffres de l'année qui l'accompagnent, montrent


qu'elle se rapporte tantôt à Antiochus Ier Soter (231-260) et
à son fils Antiochus II Théos, tantôt à Antiochus III,
tantôt à Antiochus IV. Mais la date que donnait la seconde
ligne de notre dédicace se plaçant nécessairement entre 101
et 199, c'est-à-dire entre 211 et 113 av. J.-C, la première
des trois hypothèses est exclue.
Antiochus III au moment d'entreprendre sa grande
expédition dans l'Est de l'Iran, associa à son pouvoir, en 209,
son fils alors âgé de onze ans2, et le jeune prince mourut
dans l'été de 193 3.
D'autre part, on trouve nommé à côté d' Antiochus Epi-
phane, depuis l'année 174 jusqu'à 158 av. J.-C, un co-sou-
verain, qui est soit son fils, le futur Antiochus V Eupator,
comme on l'admet d'ordinaire 4, soit un fils de Séleucus IV
portant le nom d' Antiochus, comme l'a conjecturé tout
récemment M. Bevan 5.
Entre les deux couples de rois, nous avons donc le choix,
toutefois la forme des caractères employés paraît convenir
à la fin du me siècle mieux qu'au milieu dune et l'on peut
assigner avec quelque probabilité notre inscription au règne
d'Antiochus III. C'est le sentiment de M. Holleaux, qui a
bien voulu nous communiquer sur ce point son avis
autorisé.

1. Strassmaier, Zeilschr. fur Assyriol., VIII, 1893, p. 108(Antiochus Soter


années 39, 46, 47 des Sél.), p. 109 (Antiochus III), p. 113 (Antiochus IV
Epiphane). Cf. Clay, Babylonien Records, II, 83 ss. et infra, note 3.
2. Holleaux dans la Cambridge history, t. VIII, p. 140. Cf. Realenc.,8.v.
« Antiochos », n° 26, col. 2470. Cet Antiochos apparaît avec le titre de roi
dans plusieurs inscriptions (Dittenberger, Or. inscr., Index, p. 606). Noter
surtout nc 233, 5 (Magnésie) : BacrtXsw; 'Avxidyou xàî tou oî'ou aùfou jîaai-
Xéwç 'Avndyou.
3. Holleaux, op. cit., p. 201, n. 2. Une tablette d'Erech datée de janvier
192 nomme encore le jeune Antiochus à côté de son père (O. Sehrœder,
Rontrakte der Seleukidenzeit aus Warka, p. 42, n° 32), mais M. Holleaux
faitobserver qu2 c'est certainement un anachronisme.
4. Cf. Kolbe, Beitrage zur syrischen und jùdischen Geschichle, 1926,
p. 48 s. Cf. Realenc, s. v. «Antiochus »,n° 28.
5. Bevan dans la Cambridge hist., t. VIII, p. 713 s, (note 5),
288 COMPTES RENDUS DE L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS
L. 5. Le nom indigène de Nanaïa apparaît pour la
première fois ici dans un document de Suse ^ où la déesse est
le plus souvent désignée seulement par son nom grec, Arté-
mis, comme dans notre première inscription. Les actes grecs
dont les fragments ont été retrouvés dans les fouilles de
M. de Mecquenem, proviennent probablement tous, nous
l'avons dit, (p. 276) du temple détruit d'Artémis-Nanaïa,
où ils étaient exposés.

3. — Fragment de moulure, formée d'un listel, d'un cavet et d'une


doucine, brisé à droite et à gauche. Haut. 17 cm. Larg. max.
actuelle 40 cm. Sur la surface convexe de la doucine est gravée
l'inscription. Haut, des lettres de 1 à 2 cm.

...tôv Seïva toO] NixàvSpou tov a[-rpaTr,Ysv b SsEva to3 cetvsç b


èiui to)]v

L'intérêt de ce texte, déplorablement mutilé, réside dans


le titre tov stci twv icpowoojv qui peut être restitué à la fin avec
une certitude presque entière. Ce titre se retrouve dans
plusieurs monarchies hellénistiques : il est fréquent en Egypte
sous les Lagides 2, et l'on connaît à Pergame un agent du
roi, b stcitûv îepûv wpoaôowv, chargé de surveiller
l'administration des biens cultuels 3. De même dans l'empire des
Séleucides, ce nom désignait à la fois le ministre des finances

1. Nous l'avons restitué d'une manière hypothétique dans l'hymme en


l'honneur d'Apollon, Mém.^ l . c, p. 90, n° 6, 1. 6. Sur son temple à Suse, cf.
supra, p. 282 n. 1. — Sur la diffusion de son culte, cf. nos Fouilles de Doura-
Europos, p. 106 ss.
2. Dittenberger, Or. Inscr., 179, 4; 194, 4, etc. Cf Maspero, Finances
des Ligides, p. 208.
3. Ibid., 483, 166. Cf. Rostovtzeff, Cambridge hist., VIII, p. 602.
INSCRIPTIONS GRECQUES TROUVÉES A SUSE , 289
de l'État tout entier1 et des fonctionnaires adjoints aux
gouverneurs locaux 2, comme sous les Romains les procurateurs
l'étaient aux proconsuls ou légats. Tel est probablement le
sens de cette expression dans notre dédicace : le personnage
inconnu, placé èici twv irpoffôowv de la Susiane, paraît avoir
fait une dédicace au stratège de cette satrapie.
Toutefois, comme me l'a fait observer M. Rostovtzeff, au
11e siècle les fonctions d'àzlrcôv xpoaôowv étant souvent
exercées en Egypte gar les stratèges des nomes, il est possible
qu'il en ait été de même dans l'Etat séleucide et qu'il faille
lire tov !G-.oa~riYÔv|x.a'c sict -ûlv TCpoaiSwv.

4. — Petit fragment d'une plaque incomplète de tous côtés, sauf


à gauche. — H. act. 6 em. ; larg. max. 10cm. — Largeur de la marge
à g. environ 15 mill. Haut, des lettres de3à8 mill. Ecriture de la
fin du ni* ou du début du ne siècle.

[Map-upsç
'AvTi[x[a^oç xou ^
Apaxaç MsYa[p£(o; .(?). Ka-
t TWV TrOÀlTWV" A[l3-

Fin d'une inscription ; il y a un blanc après le dernier mot.


Je dois l'explication des lignes 2-3 à la perspicacité de
M. Louis Robert, qui a interprété notre texte comme une
liste de témoins terminant un acte juridique : auraient signé

1. Appien, Syr., 45 : (Antiochus Epiphane) Suptaç xzt tôv ;tepY aÙT7)v


èOvôv l^xpaxi); Tjpy £ araTpa^r,v exsv è'y^wv BaSuXôSvt Ti[j.ap"^ov, kizi Se tat?
j:po<jo'8ot; cHpaxXec'Sr]y, àSeXcpo) àXXrjXotv.
2. Dittenberger, op. c, 238 :Qi èv x^t «pi "EptÇav Ortap^tac «uXaxïxat...
ô8 Zt|8ou tov èrti Tôv^podôStov.
1931. 19
290 COMPTES KENDU8 DE L,' ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS

d'abord ceux qui occupaient une charge, magistrats ou


prêtres, puis les simples citoyens. Cette suggestion mérite
d'être retenue : dans un acte d'affranchissement de Suse,
datant du règne d'Antiochus IV, 1' âxtffTaxvjç ypeofuAxxtou \
dans un contrat de vente de Doura remontant à Tannée de
195 av. J.-G. le^psoçpjXa^ signent avant les autres témoins,
comme le fait souvent en Egypte le cjyYP*?0?^3^- Ces
témoins doivent d'ailleurs être des citoyens : un autre
parchemin de Doura-Europos les qualifie de avw ovtsç Eyp<o-
rcatoi 3
Pour le nom Apdaaç, cf. Apdavjç (Aristoph., Lysistr., 254 ;
Eccl., 294, etc., cf. Pape-Beuseler, s. v.)et Apàxwv, qui est
fréquent.

5. — Fragment d'une plaque mutilée de tous côtés, sauf à gauche.


H. 75 mill. ; larg. 13cm. L. delà marge à gauche env. 2cm. Haut,
des lettres 4 (o) à 20 (<p) mill.

A A © A | K H C tUV'1ll\ Aaootv.Yj; . . .
.

A pXIAcAplcT°M>

« AlA<j> i€

xatà auY

Getexte est encore un fragment d'un acte analogue à


nos nos 1 et 2, comme l'indique le verbe àœiepwaaç. Il faut
probablement restituer au début : [ûrcèp 'Avucr/co ou SsXeû-
xou) tou ^aa».Xéw; xai] AaoSîxYjç[-c^; $zoùd<s<rrtç ffWTtjpfaç.] —
Rapprocher de la ligne 4 le parchemin I de Doura, 1. 3 : */.axà

1. Mémoires, l. c.,p. 86, n° 4,1.1". Au lieu de i8tô5t*'., qui ne remplit


pas la lacune, suppléer d'après notre inscription xat t<Î>v X
2. Fouilles de Doura, p. 287, 1. 7 et p. 295.
3. Ibid.,p. 300, 304.
INSCRIPTIONS GRECQUES TROUVÉES À 8USE 291

[auvr.OîyivYjv èv toi]. ..«ta (Fouilles, p. 287), et le


document d'époque parthe publié par Rostovtzeff et Welles1.
6. — Petit fragment d'une plaque, brisée de tous côtés, sauf à
droite, où nous avons' la fin des lignes. H. 10 cm. ;larg. max. 55 mill.
H. des lettres, 3 à 8 mill.

"o _ t° Y
èvsv»j?]xo[ff]Toî>
...jjiYjvb; Au]j[xp]ou e7
èv S
•spbç t
AS «

THS ...Wt
. . i6tv
I N

Préambule d'un acte analogue aux précédents. La


restitution est très conjecturale, sauf, 1. 4, celle du nom de Séleu-
cie del'Eulaios.
7.. — Tesson de poterie portant une inscription peinte. Haut. 45
mill. Larg. 6 cm. H. dès lettres 4 à 6 mill.

1. Lignes 17-21. Cf. supra, p. 283, note 3.


292 COMPTES RENDUS DE l'aCADEMIE DES INSCRIPTIONS

Pour la restitution èçvjiAsptaç, cf. le. tesson déjà publié


Mémoires, l. c p., 98, n° 8, et supra, p. 224. Il s'agit
probablement d'une équipe qui devait prendre son tour de service
et avait pour chef le personnage dont le nom est mutilé.

LES RECHERCHES ARCHÉOLOGIQUES AD MAROC,


PAR M. LOUIS CHATELAIN.
Depuis la dernière communication d'ensemble que j'ai eu
l'honneur de présenter à l'Académie1 le Service des
Antiquités du Maroc a poursuivi sans interruption des travaux
de déblaiement et de consolidation de Volubilis, assuré le
contrôle technique des fouilles de Sala, et commencé des
fouilles à Dchihira, dans la banlieue de Rabat.
J'adresserai prochainement à l'Académie, en collaboration
avec M. Henri Terrasse, directeur des études d'archéologie
et d'art musulmans à l'Institut des Hautes-Etudes de Rabat,
une communication sur les fouilles de Dchihira. Bien
qu'entrepris en vue de retrouver Yexploratio ad Mercurios de
l'Itinéraire d'Antonin, ces travaux ont eu jusqu'ici pour
résultat la découverte de constructions islamiques
anciennes, pour l'étude desquelles l'intervention d'un
spécialiste de l'art musulman se révélait indispensable.
L'attention de l'Académie a été attirée, en novembre
dernier, sur les fouilles pratiquées depuis deux ans à Chellah,
l'antique Sala, par M. Borély, chef du Service des Beaux-
Arts, et par sa collaboratrice, Mme Riaz2. Je rappelle pour
mémoire la belle découverte du forum, de la basilique

1. Comptes rendus, 1929, p. 258-263.


2. Comptes rendus, 1930, p. 336-340. Cf. Bull, archéol. du Comité, 1930,
procès-verbal de novembre, et 1931, procès- verbal de février.

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