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Le dieu Eschmoun
Ernest Babelon
Babelon Ernest. Le dieu Eschmoun. In: Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 48ᵉ
année, N. 2, 1904. pp. 231-239;
doi : https://doi.org/10.3406/crai.1904.19744
https://www.persee.fr/doc/crai_0065-0536_1904_num_48_2_19744
COMMUNICATIONS
LE DIEU ESCHMOUN
PAR M. BABELON, MEMBRE DE L'ACADÉMIE
Fig. 1.
ig. 2.
IMP.CAESM-AVR'ANTONIVS-AVG.Bustelauré d'Éla-
gabale, à droite, la poitrine couverte du paludamentum.
JJf. COL-IVL-AVG-FEL-BER (Colonia Julia Augusta
Félix Berytus). Hygie nue, debout de face, entre deux
dragons qui se dressent de chaque côté d'elle en sens inverse ;
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une draperie est enroulée autour de son bras gauche. JE..
26 min.1.
Le nom à'Hygie que je donnais alors à cette figure me
paraissait sinon justifié, du moins vraisemblable, à cause
de la présence des serpents et de l'aspect féminin du corps
de la déesse. Récemment, en décrivant de nouveau cette
pièce, M. J. Rouvier a proposé d'y reconnaître au contraire
un Dionysos. « Son bras droit, dit-il, est relevé et tient une
grappe de raisin, son bras gauche est étendu comme pour
montrer quelque chose3. » En réalité, il n'y a point de
grappe de raisin dans la main droite du dieu, et les dra^'
gons qui se. dressent enroulés de chaque côté s'opposent à
ce qu'on donne à la figure le nom de Dionysos. Celui
<XHygie, la déesse qui nourrit un serpent dans toutes les
représentations figurées de l'antiquité, la parèdre d'Escu->
lape, continuait donc à me paraître mieux justifié que celui
de Dionysos, malgré que les représentations d'Hygie dans
l'antiquité fussent toujours drapées. Je ne crus pas avoir à
modifier mon interprétation jusqu'au jour récent où l'idée
m'est venue de comparer cette figure avec le type des
monnaies romaines sur lesquelles j'ai proposé de reconnaître
l'Eschmoun-Esculape carthaginois. Ainsi que tout le monde
peut en juger, le rapprochement frappe au premier coup
d'œil et s'impose.
Il est manifeste que, dans deux cas, il s'agit de la même
divinité, avec l'attribut des deux dragons. Le revers de la
monnaie de Berytus doit donc être décrit de la manière
suivante :
Eschmoun nu, debout de face, aux traits juvéniles, aux
formes efféminées, les cheveux arrangés en chignon, et
regardant vers la droite. Il lève le bras droit tenant la
n° 1.1306,
E. et
Babelont
pi. XXV,
Les25. Perses Âchéménides. Cypre et Phénicïe, p. , 186,
2. J. Rouvier, dans le Journal intern. d'archéol. numism. d'Athènes,
i III, 1900, p. 303, n° 583,et pi. IA, 9. .,
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main ouverte à la hauteur de sa tête ; une draperie posée sur
son épaule gauche s'enroule autour du bras étendu au-
dessus de l'un des dragons ailés, à tête cornue et barbue,
qui se dressent de chaque côté de lui symétriquement sur
leurs anneaux.
Il y a, si je ne m'abuse, un réel intérêt archéologique à
trouver ainsi une représentation de FEschmoun phénico-
punique, à la fois sur une monnaie d'une ville de Phénicie
et sur une monnaie qui se rapporte à Garthage. Dans les
deux cas, le nom à donner à ce dieu aux serpents ne saurait
être douteux : c'est Eschmoun.
Cette interprétation se trouve directement confirmée par
ce que la tradition littéraire nous apprend du dieu Eschmoun
qui avait un sanctuaire célèbre à Berytus. Cette ville même
est donnée par les sources gréco-phéniciennes, entre autres
Sanchoniaton et Damascius, comme étant le siège principal
et originaire de son culte.
Damascius { dit que l'Asclépios adoré à Berytus n'était
ni grec, ni égyptien, mais bien phénicien autochtone. Il
ajoute qu'il était le huitième et le chef des enfants de Sadik,
qu'on appela les huit Cabires; il insiste particulièrement
sur sa juvénile beauté et les formes efféminées de son corps
qui le firent assimiler à Tammuz-Adonis ; Eschmoun était le
plus beau des dieux, d'où l'épisode de la passion d'Astarté
ou Astronome. La jeunesse et le caractère efféminé
d'Eschmoun éclatent d'une manière caractéristique dans le
type de la monnaie de Berytus reproduite plus haut (fig. 2).
J'ajoute que sur une autre monnaie de Berytus à l'effigie
d'Elagabale, on voit les huit Cabires phéniciens vêtus de
longues tuniques et assis en cercle2. Les types monétaires
concordent donc rigoureusement avec le témoignage de