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LE «DE LAPsa»
DE BACHIARIUS
PAR
DUHR, s. J.
BUREAUX DE LA REVUE
40, RUÈ DE NAMUR, 40
1934
IMPRIMATUR:
De mandata
t P. LADEUZE, Reet. Univ.
Lavanii, 20 a junii 1934.
INTRODUCTION
(1) PL, t. CVlIl, col. 1090; cfr De lapso, 15. PL, t. XX, col. 1052.
(2) La lettre est postérieure à l'année 1020: elle fait allusion à une
aum6ne envoyée par le duc à l'évêque de Chartres en vue de la reconstruc-
tion de la cathédrale, brûlée dans la nuit du 7 au 8 sept. IOZO ... propter
eleemosynam quam misit ad restaurationem ecclesiae nostrae.
(3) Sur Guillaume V et ses goûts littéraires, voir .Histoire littéraire de
la France, t. VII, ze édit., pal- M. PAULIN PARIS, p. 284-z89. Paris, 1867.
(4) FULBERT DE CHARTRES, Epist. LXV (olim LXXXI) ; PL, t. CXLI,
col. Z33 = De lapso, 12 ; PL, t. XX, col. I048 B, C.
(5) LÉOPOLD DELISLE, Inventaire des manuscrits latins de la bibliothèque
nationale 8823-18613, aux nOs 14849 et 14993. Paris, 1863-I87L - Le
manuscrit 14849 porte le titre Liber Bacharii (sic) ePiscoPi de paeniten-
tia, et divise la pièce en deux parties. La seconde est intitulée: Epistola
consolatoria.
(6) A. LAMBERT, art. Bachiarius, dans Dictionnaire d'histoire et de géo-
graPhie ecclésiastiques, t. VI, col. 62.
(7) L'édition se trouve reproduite dans la Bibliotheca Veterum Patrum,
t. V, p. II74-II8I. Lyon, 1677.
(8) PL, t. XX, col. 1037-I06z.
(9) H. FLOREZ, Espana sagrada, t. XV, p. 485-512. Madrid, 1787.
(10) A. GALLAND!, Bibliotheca Veterum Patrum, t. IX.
INTRODUCTION
7
faisant pour l'étude que nous allons entreprendre. Parfois
nous aurons cependant à le corriger en nous inspirant des trois
manuscrits de la bibliothèque nationale que nous avons colla-
tionnés, ainsi que des extraits recueillis par Raban Maur et par
Fulbert de Chartres.
JANVIER
(1) Et tu ex tribu Levi es, qui ecclesiastico servis officio (4· 1039 C).
(2) Lévite et diacre c'était tout un au IVe siècle. Voir en particulier,
pour ne citer que quelques témoignages: Lettre de S. SIRICE à Himère,
7-10; PL, t. XIII, col. II38, 1139; S. JÉROME, Adv. Jovin., 1. II, 34 ;
PL, t. XXIII, col. 332-3; S. AMBROISE, De officiis, 1. I, cap. L; PL,
t. XVI, col. 96 sq.; S. ISIDORE DE SÉVILLE, Etymol., lib. VIII, c. XII;
PL, t. LXXXII, col. 292 : Levitae ex nomine auctoris vocati. .. Hi graece
diaconi, latine ministri dicuntur ...
(}) Tu vero ... revertentem aeternae mortis paena cOlldemnas (5.
1040 C-1041 A) ?
(4) Nolo, ut eum longe segreges a Christi membris ... (9. 1045 D).
(5) Memento autem, ut omnes a conspectu ejus ejicias ... (7.1043 B).
(6) Et tu, beatissime, in defuncto fratre opus imitare Elisaei... (7.1043A).
(7) Voici comment saint JÉROME parle de l'élection de l'archidia.cre :
... Diaconi eligant de se, quem industrium noverint et archidiaconum
vocent. Ad Evangelum, Epist. CXLVI, 1; PL, t. XXII, col. 1194.
(8) Saint Jérôme nous apprend que l'archidiacre jouissait d'une telle
considération qu'il croyait déchoir en se faisant prêtre. Certe qui primus
fuerit ministrorum, quia per singula concionatur in populos, et a pontificis
latere non recedit, injuriam putat, si presbyter ordinetur (In Ezech.,XLVIII,
13; PL, t. XXV, col. 484 B).
(9) F. PRAT, Les prétentions des diacres romains, dans Recherches de
science religieuse, 1912, t. III, p. 472.
tES ACTEURS DU DRAME I3
que son infortune a laissés indifférents. Il lui propose d'imiter les
bourreaux de saint Étienne, qui, en accablant leur victime de
pierres, méritèrent que le martyr intercédât pour~eux (I). L'allu-
sion transparaît très nette. Le protomartyr, le plus influent des
sept diacres, 1'« unus e septem» (2), représente le diacre inexo-
rable que le lapsus doit fléchir à tout prix, et que Bachiarius
lui-même, dans toute la première partie de sa lettre, s'est efforcé
de rendre plus miséricordieux. Un diacre aussi influent ne peut
être que l'archidiacre, 1'« U11US e septem », ou, commecs'exprime
Prudence en parlant de saint Laurent, le « primus e septem» (3)
de l'église épiscopale. Cette conclusion est d'autant plus vrai-
semblable qu'un peu plus bas, Janvier est assimilé à Joab,
le chef de la milice (4), le « proximus» et 1'« amicus» de David (5).
En cet endroit Bachiarius propose au lapsus de faire comme Ab-
salon qui incendia la moisson de Joab, non pas pour lui nuire
comme à un ennemi, mais pour se concilier par cette violence un
regard de la part de celui qui dédaignait ses flatteries, et obtenir
d'être remis en présence de 1'« ami» et du «proche» de David (6).
Suivant le parallèle établi par Bachiarius lui-même, les « milites »
de David, sont les « ministri Christi », c'est-à-dire les diacres (7) ;
le chef de la milice, Joab, représente par conséquent l'archidiacre
LE « LAPSUS »
c. IV, 5; PL, t. XXV, col. II46 D). Or, Isidore de Séville définit le
{( Baetis » (le Guadalquivir) de la manière suivante: « Baetis autem
dictus, eo quod humili solo decurrat. Ba(J" enim graeci, humile vel mersum
vocant» (Etymol., l. XIII, cap. XXI; PL, t. LXXXII, col. 494 B). Il
ne serait donc peut-être pas trop téméraire de situer ce monastère dans
la Bétique, près d'une ville comme Cordoue, Hispalis ou Italica.
LES ACTEURS DU DRAME I9
reux, il se montra assidu à la prière et scrupuleux observateur
des règles. Nous n'en sommes pas réduits à supposer cette ferveur :
Bachiarius y fait une allusion très nette quand il conseille au
malheureux, après sa chute, de rentrer dans le monastère témoin
de son austérité, de remonter l'échelle de vertu dont il était tombé
et de regagner le degré de sainteté où il s'était haussé jadis (1).
C'est par cette vie de prière et de pénitence que notre moine se
prépare au diaconat (2). Il devait avoir environ vingt-cinq
ans quand il fut élevé à cette dignité (3). Parmi les sept
(1) ... Scalam illam Jacob (Gen., XXVIII, 12) unde lapsus es, dum
velis ascendere, adhuc posita nondumque subtracta est: et licet in ruina
tua omnia membra colliseris, tamen iterum conare ascendere : et donec
venias ad illum gradum unde cecidisti, fortiter te serva atque custodi...
(16. 1054 B). - Saint Jean Chrysostome rappelle lui aussi à Théodore
sa ferveur d'autrefois, son mépris des aises, son assiduité à la prière, à
la lecture; son humilité qui lui faisait taire ses titres de noblesse,
et embrasser les genoux de ses frères (Ad Theodorum lapsum, 1. II, 1 ;
PG, t. XLVII, col. 310).
(2) Saint JÉROME, dans sa lettre à Rustique, conseille au futur clerc
de se préparer dans un monastère à la réception de sa dignité.
... Sancti sunt c1erici et omnium vita laudabilis. Ita ergo age, et vive
in monasterio, ut clericus esse merearis, ut adolescentiam tuam nuna sorde
commacules, ut ad altare Christi quasi de thalamo virgo procedas, ...
Cum ad perfectam aetatem veneris, si tamen vita comes fuerit, et te
vel populus, vel pontifex civitatis, in clericum elegerit, agito quae c1erici
sunt, et inter IpSOS sectare meliores (EPist. ad Rusticum, CXXV, 17;
PL, t. XXII, col. 1082). - Bachiarius nous dit clairement que le lapsus
était diacre, dans cette objection qu'il place dans la bouche de Janvier.
« C'est un lévite, celui qui est tombé, il n'y a donc pour lui aucun remède»
(... Levita est iste qui cecidit: non ei remedii potest medicina conferri)
(4- 1040 A).
(3) Concil. Carthag. III (a. 397) cano IV: Item placuit, ut ante viginti
quinque annos aetatis nec diaconi ordinentur ... (MANS!, t. III, col. 880).
- Cette règle resta longtemps en usage en Gaule: cfr Cone. A gathense,
(a. 506), cano XVI; MANS!, t. VIII, col. 327 C; Conc. Arelatense, IV (a.
524), cano I; MANS1, t. VIII, col. 626 B; et en Espagne: cfr Concil.
Tolet., II (a. 531 ?), capit. 1; MANS1, t. VIII, col. 785 B: ... Quod si...
vigesimum et quintum annum aetatis suae peregerint, ad diaconatus
officium... promoveri debent. Concil. Tolet. IV (a. 633), capit. XX;
MANS!, t. X, col. 625 D. Dans ce canon on rappelle d'abord la coutume
juive, et l'ancien usage de l'Église: In veteri lege, ab anno vigesimo
quinto levitae tabernaculo servire mandantur: cujus auctoritatem in
canonibus et sancti patres secuti sunt. On déplore ensuite l'abus qui
provenait de ce qu'on avait abandonné cet usage: Nos et divinae legis
20 CHAPITRE l
(1) Age ergo, amice, cons urge ; et perdita inter fluctus saeculi mel'cede
atque substantia, velut naufragus ael un am tabulam, boc est, ad scientiam
te divini canonis tene ... (22. 1060 D-1061 A). - Bacbiarius n'attend pas
longtemps, car le scandale est encore assez récent. Si la faute est gigantes-
que (jam gigas est) c'est moins à cause de sa durée, qu'à cause de son énor-
mité (enormis nimium) (21. 1059 B, C).
(z) ... donec etiam recludatur in cavea ... (13. I050 B).
(3) Qui vero captus est in rete vitiorum (13. 1050 B).
(4) Donec muscipulam fornicationis evaseris ... (13· r050 C).
(S) ... fiens et lugens redde atque restitue (19. 1058 A).
(6) Sed cur, frater, adhuc jacentem te torpor delectat (15. 1053 A) ?
(7) Quid expavescis ? Quid refngis curam (16. IOS3 B) ?
(8) ... me autem l1ecesse est quotidie persecutorem saeculi formidare,
qui in me dedecus proximae suae optat u1cisci (15. 10S2 A).
(9) Veniat ille qui dicit, crimen hoc emendandum nuptiis, et de scele-
ris tanti nomine, conjugium esse vocandum (zo. IOS8 B).
(IO) Donec muscipulam fornicationis evaseris, non te ebrietatis laqueis
credas ... Bachiarius note que les deux vices vont d'ailleurs ensemble:
quia luxuria atque ebrietas, quaedam sibi in vitiorum nativitate germa-
nitas est (13. 10S0 C). Cette remarque rappelle le mot de Tertullien
« •• , Duo ista daemonia conspirata et coniurata inter se sunt ebrietatis
et libidinis)) (De spectaculis, cap. X ; Corpus script. eccl. lat., t. XX, p.
12, 1. 19, 20).
(II) ... l1equaquam in te desperatio inimica crescat, eo quod asserat
ille infidelis, lapsum non posse reparari. .. (zz. 1060 C).
CHAPITRE l
BACHIARIUS
(1) ... nec arguat me quispiam esse praesumptionis ... (17. 1055 A).
(z) Non est minimum, si extremam aut summam auriculam de leouis
faucibus extrahamus (Amos, III, 12) : tametsi beatissimum pontificem ...
non aliud reor quam Davidicum opus imitari ; ut quandd de grege leo aut
vrsus ovem rapuerit, insurgat adversus eum et praestrangulatis faucibus
praedam ex gutture eripiat ... (1 Sam., XVII, 34-6) (17. 1055 B).
(3) Tamen animam tu am mihi cupio sociari ... (17.1055 A) .... huic vi-
duae conjllngar ac proximem, ut auditis his, possit ,sine difficultate con-
cipere, et salutis spiritum parturire (17. 1055 B).
(4) Ne, quaeso, beatissime ... (6. lo4I C); ... Ne spernas, q~taeso,
fratrem defundum ... (7. 1042 C); Ne, quaeso, beatissime, percussum
fratrem ... relinquamus ... (8. I044 A). - Nolo, ut eum longe segreges ...
(9. 1045 D). Sed ... plangatur defundus, sepeliatur mortuus ... (II. I047B).
... interrogare te vola ... (5. 1040 B).
(5) Dans le De (ide on remarque déjà la même liberté de langage. -
Les diacres se faisaient remarquer parfois par leur franchise arrogante
(S. JÉROME, In Ezech., c. 48; PL, t. XXV, col. 484 B).
LES ACTEURS DU DRAME
(1) Neque absque damno meo hoc accidisse dixerim malum, ubi mem-
bl'um corporis mei, diabolica sagitta percussit, cum Apostolus dicat:
« Si patitur unum membrum, compatiuntur omnia membra)) (1 Cor.
XII, 26; 1. I037 B-1038 A). On presserait trop, semble-t-il, l'expression
membr'um corporis mei, si on voulait en conclure que le diacre infidèle
était un membre soit de sa famille charnelle, soit de sa famille spirituelle,
qu'il s'agisse d'une communauté religieuse ou d'un diocèse. La citation
de saint Paul précise le sens de « corporis mei )), qui doit se traduire par
« d'un corps qui est mien )), dont je fais partie, c. à. d. du Corps du Christ.
-- Le lapsus n'eût-il été que simple chrétien, c'eût été par conséquent
pour Bachiarius une raison suffisante d'intervenir dans son cas.
(2) J. DUHR, Le «De (ide)) de Bachiarius, dans RHE, t. XXIV, 1928,
p. 7-8. - Dans un passage du De lapso, Bachiarius revendique l'antique
Joseph comme sien, à un titre spécial: Sicque etiam sextam civitatem
Sichem quam JosePh noster in haereditatem consequitur, propter quod
ibi sepultus est, valebis intrare (15. I053 A). Sur le tombeau de Joseph à
Sichem, au temps de saint Jérôme, voir: Liber Hebraicorum quaestionum
in Genesim, c. XLVIII, 6; PL, t. XXIII, col. I601.
Voici les raisons qui expliquent cette préférence curieuse:
a) Bachiarius se proclame fils d'Abraham (desiderantes Abrahae filii
fieri ... De (ide, 1. 1019 C). Il a donc comme « frères » tous les ({ patriarches )),
les descendants d'Abraham (De lapso, 4. 1040 B pour Lévi) et tout
particulièrement Joseph que Prudence appelle le « patriarcha noster))
(Cathemerin. VI, 57 svv.).
h) Joseph, le continent . le pauvre était tout naturellement regardé
comme le chef de ceux qui ont renoncé à tout (Paulin diacre, Libellus de
benedictionibus Patriarcharum, c. X, ; PL, t. XX, col. 731 A), et le Père
des saints (S. ISIDORE DE SÉVILLE, De ortu et obit~t Patru-m, c. XXIII;
PL, t. LXXXIII, col. 136 - cfr déjà PRISCILLIEN, T1'act. X; Corp.
script. eccl. lat., t. XVIII, p. 101, 1. 13-15), par conséquent des moines.
c) Bachiarius qualifie le Christ de Samaritain (De (ide, l ; PL, t. XX,
col. 10Z1); il se compare lui-même à la Samaritaine interrogée près du
puits (De (ide, l ; 1. c., I019 D), et affirme qu'il ne rougit pas d'être traité
comme un Samaritain (De (ide, 2; 1. c., 1024 B.); or Joseph avait 5011 tom-
beau en Samarie. Il pouvait être appelé par conséquent Samaritain .
d) Peut-être pourrait-on ajouter que le nom de Joseph signifie Sauveur
( ... et vocavit eum lingua aegyptiaca Salvator m'btndi) (Gen., XLI, 45).
Bachiarius pouvait donc dire «Josephnoster)), comme il dit « David noster.
pour • Christus noster)) (De lapso, 13; 1. c., r050 A; 19. 1058 A).
26 CHAPITRE l
e) Il n'est pas impossible enfin que Bachiarius ait voulu marquer que
Joseph était bien chrétien, contre des païens qui essayaient de l'accaparer
en l'assimilant à Sérapis (cfr FIRMICUS MATERNUS, De errore prolan. relig.,
c. XV; PL, t. XII, col. IOII SVV.).
(1) C'est du moins ce qui semble résulter de la manière toute naturelle
dont Bachiarius s'offre à reconduire le lapsus dans son ancien monastère
et d'y séjourner avec lui: ... manda; et ego ad ducendum te sine dilata-
tione properabo (16. 1054 C).
(2) Tillemont, dans ses Mémoires (t. XVI, p. 475), conclut de l'inter-
pellation « beatissime frater)), adressée par Bachiarius à Janvier, que le
premier était au moins du même rang que le second. Cette argumentation
ne vaut pas, puisque dans le De (ide Bachiarius interpelle de la même ma-
nière saint Jérôme, qui était prêtre. Mais peut-être trouvons-nous un
indice plus sérieux de sa dignité dans le fait que Bachiarius en s'adres-
sant à Janvier appelle le lapsus « notre frère» (ne, quaeso, beatissime,
tratrem nostrum in profundo putei ... demersum, ... 6. 1041 C). Or, Janvier
et le diacre sont frères parce qu'ils sont tous les deux lévites (Et tu ex
tribu Levi es ... Levita est iste qui cecidit. .) (4. 1039 C-I040 A). - Une
allusion plus nette au diaconat de Bachiarius se trouve dans le De (ide.
En parlant des évêques, Bachiarius ajoute cette relative « quibus (episco-
pis) capita pro sancti(icatione submittim~!s » (7. 1035 B). Or, dans le De lctpso
le même auteur réserve précisément ce mot sancti(icatio à l'ordination
des diacres, et l'oppose à la consecratio de l'évêq\w ... adhuc nec levitae
$ancti(icati erant, nec pontifex consecratus .. (4- 1040 B). - Le « capita ...
submittimus )) se comprend parfaitement de l'imposition des mains faite
par l'évêque, telle que la prescrit, par ex., le IVe concile de Cartbage,
cano IV: Diaconus cum ordinatur, sol'us episcopus, qui eum benedicit,
manum super caput illius ponat ... (MANSI, t. III, col. 951). - Le « sub-
mittimus» nous rappelle le conseil que Commodien donne précisément
aux diacres ... « Rebus in diversis exemplum date parati; - Inclinate
caput vestrum pastoribus ipsi)) .. (COMMODIEN, Instruct., lib. II, cap.
XXVII, dans Corpus script. eccl. lat., t. XV, p. 97).
(3) Ecce in communes inimicos processit frater nobiscum in praelio ...
(2. r038 A).
(4) Hoc, dilectissime frater, tui amore et dolore compulsus ... (23.
1062 B).
LES ACTEURS DU DRAME
LA DATE DE LA LETTRE
3. Thamar et Absalom.
Quid postquam Thamar virgi- Imitare ilium Amnon Davidis
nem frater et consanguineus pol- filium (II Reg. XIII, 15 sqq.).
luisti, versus in Absalom, occi- Qui CUln in sororis suae stuprum
dere eum cupis ... illicita fiamma caluisset, post-
(l. C., 9; PL, t. XXII, col. 1202.) modum eam magis exosus est,
quam antea amaverat, et pro hoc
facto occisus est a tratre, ...
(13. 1050 B.)
4. Saül:
.. .cum et Deum paeniteat,quod Ille nuntius Saulis mortis (II
Saul in regem unxerit (1 Reg. 15). Reg. l, 2 sqq.) ... illum (David)
(1. C., 4; PL, t. XXII, col. suo gladio peremit .. .
II98.) (10. 1046 B.)
S. Caïn.
Quod ad Caïn dictum est, tibi Quid vero ille fratricida, cui
dictum puta ... ob hoc signum dominus mandat
(l. c. 9; PL, t. XXII, col. imponi. .. (3. 1039 B.)
1202.)
1. ... Non enim sani opus habent Ut quid, rogo, medicus noster .. .
medico ... (1. c. 3 ; PL, t. XXII, constituit genera pigmentorum .. .
col. Iog7.) (3. 103 8 B.)
... N umquid medicus non est
in Galaad ...
(1. 1037 A.)
2.... Non enim sani opus ha- Porrige manum tuam iacenti
bent medico, sed male habentes fratri. .. (9. 1045 B.)
(Luc., V, 31), iacenti manum por- . .. stolas suas et candidas eas
rigo, et conspersum in sanguine fecerunt in sanguine Agni ... (22.
suo, ut propriis fletibus lavet~w, 1062 A.)
exhortor. Et tu ergo lava stolam tuam in
(I. C., 3; PL, t. XXII, col. II97·) fonte lacrymarum ... (23. 1062 A.)
6.... qui non vis erigi post nti- ... In ruina tua omnia membra
nam, nec oculos ad caelum levas ... colliseris... (16. 1054 B.)
(1. C., 1; PL, t. XXII, col. II95·) ... ruina seminetur ...
(10. 1046 C.) .
... qui de humili labitur, levlOr
est ruina ... (22. 1061 B.)
3
34 CHAPITRE II
(1) 9. 1045 C.
(2) Nous ignorons malheureusement la date précise de cette lettre.
Cfr F. CAVALLERA, Saint Jérôme, t. II, p. 159: «Lettre CXLVII, de date
inconnue, à Sabinien». - L'établissement définitif de saint Jérôme en
Orient, date de la fin de l'année 385 (F. CAVALLERA, op. cit., t. II, p. 156 ).
LA DATE DU « DE LAPSO » 35
génie, qui le menace de sa vengeance au cas où il abandonnerait
la compagne de son crime (1), qui lui conseille de transformer le
concubinage en un mariage légitime, qui lui inspire enfin le dé-
sespoir en lui montrant que tout repentir, tout retour est impos-
sible. Voici les textes: ... « me (c'est le lapsus qui objecte) autem
necesse est quotidie persecutorem saeculi formidare, qui in me
dedecus proximae s'uae optat ulcisci» (2).
... « Veniat ille qui dicit, crimen hoc emendandum nuptiis, et
de sceleris tanti nomine conjugium esse vocandum» (20.
1058 B). - Enfin le dernier... « nequaquam in te desperatio
inimica crescat, eo quod asserat ille infideZis, lapsum non posse
reparari... » (22. I060 C).
D'après ces phrases, le signalement de ce redoutable personnage
est le suivant:
Il est d'abord un « très proche parent» de la vierge infidèle.
Tillemont conjecture qu'il s'agit vraisemblablement du père de la
malheureuse (3).
(1) PRISCILLIEN semble faire allusion à cette apologie dans son Tractatus
l (dans Corpus script. ece!. lat., t. XVIII, p. 3) ... quamvis frequentibus
libellis locuti fidem nostram hereticorum omnium docmata damnaveri·
mus et libello fratrum nostrorum Tiberiani, Asarbi et ceterorum ...
(2) Il s'agit du drame de Trèves en 385. - Sulpice Sévère nous apprend
que Tibérienprésent, avait été épargné, mais pour être exilé dans l'He
« Sylinancim» (îles Sorlingues ?) (SULPICE SÉVÈRE, Chron., II, cap. SI ;
Corpus script. ece!. lat., t. l, p. I04, 1. 13) ... Tiberianus ademptis bonis
in Sylinancim insulam datus.
(3) Tiberianus Baeticus scripsit, pro suspicione qua cum Priscilliano
accusabatur hereseos, apologeticum tumenti compositoque sermone,
sed post suorum caedem, taedio victus exilii, mutavit propositum et
iuxta sanctam scripturam « canis reversus ad vomitum suum », filiam,
devotam Christo virginem, matrimonio copulavit (De vil'. inl., c.
CXXIII, éd. BERNOUILLI dans Texte und Untersuch., t. XIV, p. 53).
(4) ... sed etiam totum orbem famae ipsius desperatione compleri ?
(IO. 1°46 C. D. ; - cfr aussi 21, I059 B).
(5) Dans le De fide, nous avons eu plus d'une fois l'occasion d'insister
sur l'exactitude et la précision des termes que Bachiarius emploie. Dans
le De lapso nous retrouvons partout la même précision.
CHAPITRE II
S. Jérôme. Bachiarius.
In joribus evangelii, Anna fllia Ecce in ipsius introitu scholae
Phanuelis univira inducitur, sem- (îl s'agit de la sainte Écriture)
perque jejunans ... occurrunt illi duo auctores semi-
(Adv. Iovin., II, 15; PL, t. nis carnalis.
XXIII, col. 309 B.) (3. 1039 A.)
Igitur cum per has portas (des Reaediflcentur ergo per tropo-
sens), quasi quidam perturba- logias nominum claustra porta-
tionum cunei ad arcem nostrae rum, Restruatur ... porta probatica
mentis intraverint... (ouïe) .. porta piscatoria (vue) '"
(Adv. Jovin., II, 8; PL, t. (18. 1056-7.)
XXIII, col. 298 A.)
... et illud imperet : Ne sis jus- Respice illum qui dicit: noli
tus multum (Eccles., VI, 17)." nimium esse justus.
(Adv.]ovin., 1,14; PL, t.XXIII, (9. 1045 C.)
col. 232 C.)
3. Samson.
[Samson]. .. et multo piures hos- majorem inimicorum exer-
Hum moriens, quam vivus occi- citum prostravisse, quam ante
derit ... quando Nazaraeus, hoc est, imma-
(Adv. J ovin., l, 23; PL, t. culatus fuerat, reperitur ?
XXIII, col. 241 D.) (6. 1042 B.)
CHAPITRE II
4. Rebecca.
Denique et Rebecca in Gellesi Tunc, credo, ei (au Christ) in
ob nimiam castitatem et Eccle- conjugium copulata est (la vierge),
siae typum, quem in sua virgini- quando secundum exemplum Re-
tate signabat, ALMA scribitur, non beccae ad Isaac de Mesopotamia
Bethula, .. (Gmt., XXIV, 4Z) .. , venientis, pallium quo velaretur
(In Jovin., 1. I, 32; PL, t, XXIII, caput, accepit (Gen., XXIV, 65).
col. z54 D.) (20. 1058 D-I059 A.)
8. Les Gabaonites.
Gabaonitae occurrunt filiis Melior fuit concubina Saulis
Israel, et caesis aliis gentibus, in filia Respha, (II Reg. XXI, 10),
lignarios et aquarios reservantur. quae eorpora defunctorum quos
(Adv. Jovin., II, 33; PL, t. David pro Gabaonitarum uitione
t. XXIII, col. 331 A.) percusserat,. . (2. 1038 B.)
LA DATE DU (1 DE LAPSO » 43
g. S. Étienne.
[Stephanus] ... qui primus mar- [Stephan us] . .. confessorum ca-
t31rio coronatus est. put et martyrum, ..
(Adv. J ovin., II, 35; PL, t. (14. 1051 A.)
XXIII, col. 259 B.)
c) LES IDÉES ET LA MANIÈRE D'ARGUMENTER.
(1) Sans citer le vers de Virgile, Bachiarius utilise la même idée. Noter
les trois pensées parallèles :
1) ... prudentissimo consilio .. . Suggesserat ille sapientior ... Sed
2) ... de Apostolo docuisti .. . video ad quid ... convertat; scrip-
tum est enim, inquit (Apostolus),
Il melius est nubere ...
3) ... occultos adulteros in aper- .. . publiee tibi coeperis vindicare.
tas" .
44 CHAPITRE II
Et tamen ille qui nobis objecit Sed nec ego contradico huic
Zachariam et Elisabeth, .. sciat, conjugio, si potes talem frudum
de Zacharia et Elisabeth J ohan- eX hoc matrimonio procreare,
nem fuisse generatum, id est, qualis processit de Bethsabee at-
de nuptiis virginem,.. de matri- que David ... Salomon, ..
monio castitatem, ut a Propheta (ZI. 1060 A, B.)
virgine, virgo Dominus et annun-
tiaretur, et baptizaretur.
(Adv. Jovin., 1, z6; PL, t.
XXIII, col. 246 A.)
3. Saint Jérôme affirme nettement que l'union matrimoniale
que tenterait après sa prise de voile une vierge consacrée au
Christ, serait non seulement un adultère, mais un inceste.
Cette même idée nous la trouvons longuement exploitée dans le
De lapso.
Et si nupserit virgo, non [Toute l'argumentation de Ba-
peccavit. Non iUa virgo, quae se chiarius n'est que le développe-
semel Dei ettltui dedieavit : harum ment de cette idée ... ].
enim si quanupserit, habebit (les nOS 18, Ig, 20).
damnationem, quia primam :fi.dem Quin immo et illa quam tibi
irritàm fccit .. .Virginesenim, quae fecit sceleris culpa consortem,
pàst Cànseerationem nupserint, non revertatur ad virum suum.
tarft adulterae .sunt, quam ineestae (18. 1055 C.)
(Adv. Jovin., 1, 13; PL, t. XXIII, Non vult David, hoc est,
col. 229, B, C.) Dominus Christus, ut in conspectu
ejus ab alio viro habeatur uxor
ejus. (Ig. 1058 A.)
Et quis dicit, adulter habeat,
utatur, exerceat ? Sed video ad
quid se pro sui defensione con-
vertat ; scriptum est enim, inquit,
« melius et nubere, quam uri» (1
Cor., VII, 9). Hoc de virgine dic-
tum est, vel vidua. Ista fam virgo
non est ... Virgo non est, quia cor-
rupta est: vidua non est, qu,ia vir
ejus vivit in aeternum.
U xor patris erat haec juvencula
quae deliquit, illius Patris qui
nos genuit in verbo veritatis (]ae.,
l, 18). (Cfr nO 21; 20. I058-9·)
... « Ruben ... et ipse torum pa-
tris maculavit illieite.(I5. 1052 A.)
LA DATE DU « DE LAPSO » 45
Ces similitudes sont telles que, à notre avis, il faut conclure
à des emprunts. Et cette fois encore nous n'hésitons pas à déclarer
que c'est Bachiarius qui a utilisé saint Jérôme. Nous ne revenons
pas sur la raison extrinsèque que nous avons développée à propos
de la lettre de saint Jérôme adressée au diacre Sabinien. Le
lecteur a pu se rendre compte lui-même comment Bachiarius ex-
plique, développe, exploite des idées que Jérôme énonce et res-
.serre dans quelques mots ou dans quelques phrases. En bonne
critique c'est le texte le plus long, le plus clair, le plus développé
qu'on doit considérer comme le dérivé.
Nous concluons par conséquent que Bachiarius a rédigé son
De lapso après l'Adversus Jovinianlltm, c'est-à-dire après 393.
(1) De te autem quid dicam, filio serpentis ... Cap. IX, n. 39; PL,
t. XVI, col. 379-380.
LA DATE DU « DE LAPSO »
47
Nicétas ici ne fait évidemment que développer, délayer une
idée qui est tout à fait dans la manière de Bachiarius, et que
celui-ci exprime avec précision et concision.
Dans le second passage, Nicétas administre au coupable, mais
avec de la rhétorique en plus, la pénitence conseillée au lapsus par
l'ascète espagnol.
lngredere monasterii tui car- Petas nItro carcerem paeniten-
cerem; et tenebras solitudinis ... tiae, obstringas catenis viscera,
exquire ... ac sicut catena rigentis animam tuam gemitibus jeju-
ferri, sic duriori consuetudine et niisque crudes; sanctor~tm petas
lege constrictus... veniam... ex- auxilium, jaceas sub pedibus elec-
specta. (16. 1054 A, B.) torum ;.. ,
. -. opportune, importune non (De lapsu, virginis, IX, 40 ;
desinas supPlicare ... PL, t. XVI, col. 380 A.) (1)
(r4· 1051 A.)
I. LA POSSIBILITÉ DU PARDON
* '"
Relisons dans la lettre du pape saint Sirice, adressée à l'évêque
de Tarragone, Himère, le 10 février 385, la décision qui concerne
les clercs tombés dans le péché d'impureté. « Comme plusieurs
de ceux dont nous parlons, c'est du moins ce que nous apprend
ta sainteté, regrettent d'être tombés par ignorance, à ceux-là
nous ne voulons pas refuser le pardon, à cette condition toutefois
que, sans espoir d'avancement, ils restent fixés dans l'office (la
dignité) qu'ils occupaient au moment de leur chute ... Quant à
ceux qui se prévalent d'un privilège illicite leur venant soi-disant
de la Loi ancienne, pour user du mariage, de par l'autorité du
siège apostolique, ils sont destitués de toute dignité ecclésiastique;
ils ne pourront plus jamais administrer les mystères sacrés
(l'Eucharistie) dont eux-mêmes se sont privés en aspirant à
satisfaire des désirs impurs. Et parce que les exemples présents
nous engagent à prendre des dispositions pour l'avenir: tout
évêque, prêtre et diacre qui agira désormais de cette manière ...
qu'il sache que dès maintenant (jam nunc) nous lui refusons tout
accès au pardon. C'est par le fer qu'il faut retrancher des blessures
qui résistent aux remèdes» (r). On aura remarqué, je pense, la
gradation marquée dans les châtiments infligés aux clercs cou-
pables. Ceux qui ont péché par ignorance peuvent rester ce qu'ils
étaient. Seul l'espoir de pouvoir être promu à un office, une dignité
supérieure, leur est ôté. Seront au contraire dégradés, ceux qui
se prévalent d'un prétexte illusoire pour excuser leur conduite
impure: ils pourront toutefois ~ être pardonnés et prendre rang
(1) Il faut noter que Sirice donne ce châtiment comme une mesure
nouvelle (in futurum) prise par lui pour garantir la pureté des clercs
qui entourent le « Saint des saints)). Il ne s'agit pas ici, comme on le voit,
du droit de l'Église de pardonner les péchés et tous les péchés; c'est la
question du fait qui est seule en cause.
(2) La lettre de Sirice ne traite directement que de l'usage du mariage
avec des femmes légitimes. Ses mesures valent à plus forte raison quand
il s'agissait de rapports cbarnels avec des femmes illégitimes.
(3) Sed non admittitur in totum animus meus lamentationi vacare
vel ftetui, quia adversus vos mihi locus est irascendi (2. I038 A).
(4) Ecce jacet frater ab boste percussus: adhuc forsitan palpitat;
et vos, quia sine vulnere revertimini, ne consolationem quidem plagae
ipsius deferri tentastis. Nolite esse sine formidine, beatiisimi fratres;
fortiorem pe~cussit inimicus, ut celerior postmodum ei fieret aditus ad
reliquos (2. 1038 A, B).
CHAPITRE III
somme (r) ; au lieu de lui lancer la corde (2) pour le retirer du puits
du vice, il accable le noyé des pierres du désespoir (3) ; au lieu de
tendre la main à celui qui, atterré par la honte, n'ose même plus
lever les yeux (4), il l'évite regardant comme une flétrissure
d'entretenir encore la moindre relation avec ce pécheur (5);
au lieu de prier pour lui pour que le feu du jugement ne le con-
sume pas (6), il le méprise (7) ; au lieu de le reconduire, nouveau
Samaritain, à la bergerie (8), il le maintient séparé loin du trou-
peau, loin des membres du Christ, comme une brebis galeuse (9) ;
au lieu de le séquestrer dans un endroit solitaire et, comme un
autre Élisée, de réchauffer à son contact et de ressusciter ce
nouveau fils de la Sunamite (ro), il a la cruauté de se pavaner
au-dessus du cadavre du malheureux: pareil au gladiateur qui
pose le pied sur son adversaire vaincu (II); au lieu d'être le
médecin qui sauve, il imite celui qui conseille d'achever le blessé
qu'il désespère de guérir (r2).
Pareille manière de faire suppose évidemment la conviction
que, pour ce diacre coupable, tant la pénitence publique que la
pénitence privée est impossible. Non seulement le malheureux est
dégradé mais il reste retranché des « membres du Christ », de la
communauté des fidèles; nous n'avons d'ailleurs pas besoin de
deviner cette conviction. L'archidiacre nous la communique clai-
*' * >1<
(1) 4. I040 A.
(2) ... quilibet episcopus, presbyter, atque diaconus, quod non opta-
mus, deinceps fuerit taUs inventus, jarn nunc sibi ornnern per nos indul-
gentiae aditurn inteUigat obseraturn : quia ferro necesse est excidantur vulnera,
quae fomentorum non senserint medicinam (PL, t. XIII, col. 1140 B-
II41 A).
(3) Les critiques ne s'accordent pas sur la date précise de ces deux lettres.
Tillemont et Montfaucon adoptent l'année 369; par contre Rauschen
les place entre 371 et 378 (cfr O. BARDENHEWER, Gesch. d. altchr. Lite-
ratur, t. III, p. 345. Fribourg-en-Br., 1912).
CHAPITRE III
* "' *
Ouvrons maintenant le De lapso, pour apprendre ce que Ba-
chiarius pense du cas jugé désespéré par l'archidiacre. On s'aper-
cevra très vite que sous un langage différent et parfois très original
se cachent les idées et l'optimisme ensoleillé de saint Jean Chry-
sostome.
Désespérer du salut de ce pauvre malheureux (1), faire con-
naître le scandale au lieu de l'étouffer (2), livrer son cadavre en
proie aux bêtes sauvages et aux oiseaux, c'est-à-dire aux vices ou
aux hommes du siècle (3) : c'est un crime impardonnable et qui
mérite le sort de l'écuyer de Saül qui étrangla son maître, déses-
pérant de le voir vivre (4). Le pécheur, quelque coupable qu'il
soit, DC doit jamais désespérer. Le désespoir est le grand mal
qu'il faut extirper à tout prix. « Avant tout, ô mon frère, ainsi
s'exprime Bachiarius, que le désespoir ennemi ne vienne pas à
grandir en toi, parce que cet infidèle t'affirme que la chute est
irréparable en alléguant la parole du Seigneur: tous les péchés,
même les blasphèmes sont pardonnés aux hommes, mais celui
qui aura péché contre l'Esprit ne sera pas pardonné (S. MATTH.,
XII, 3I). Et moi je te dis « désespérer du Seigneur, voilà le péché
contre l'Esprit, car le Seigneur est Esprit )} (S. JEAN, IV, 24).
En conséquence, si les fautes ne sont pas remises c'est parce que
le pécheur croit que le Seigneur ne peut lui rendre ce qu'il a
perdu (5). Quel obstacle (je te le demande) pourrait-il exister au
(1) ... qui etiam Pharaonem arguit, quare nequaquam paenitere digna-
tus sit ... (n. 1048 A). - L'indulgence de Bachiarius dépasse cependant
parfois les limites. Au moyen d'une « tropologie )) par trop hardie il parvient
à garantir le salut à Caïn (3. 1039 B) ; à la race d'Héli « rejetée par Dieu
à cause des péchés graves, mais massacrée pour David, c. à. d. le Christ ))
(6. I042 B, C) ; à Salomon l'idolâtre, sous prétexte qu'il fut enseveli avec
ses pères (12. 1048 C) ; à Coré et à toute sa bande (synagoga illa Core)
parce que leurs « petits autels)) (arulae) (LXX. = 7Tvp"îa, réchauds)
furent épargnés (12. 1048 C-I049 A).
(2) Considera ergo, frater, quam paucis tribuitur ut de amphitheatro
mundi istius, ubi cum feris, hoc est, cum vitiis depugnatur, immaculati
a peccati morsu membra liberent sua. Quod expertus ille dicebat : ne
tradas bestiis animas confitentes tibi (Ps. LXXIII, 29) (12. I049 A). -
Saint Jean Chrysostome dit, lui aussi: ... nemo plane, nisi forte paucis-
simi numero, in regnum caelorum ingrederetur ... (Ad Theodor. Epist.
II, 15 ; PG, t. XLVII, col. 301).
(3) ... mare illud, hoc est, forma baptismi... in nobis cito periclitatur
aut frangitur (9. 1045 B).
(4) Lubrica est via saeculi hujus ... (9. 1045 B).
(5) ... id est, non usque ad extremum vitae suae finem peccatorum
suorum mala fuerit secutus (5. 1041 B). Cette exégèse diffère de celle
d'un saint Ambroise par exemple (De Paenit., l, 9-II, n. 40-50; PL,
t. XVI, col. 478-482) qui entend par péché « ad mortem » un péché parti-
culièrement grave, dont le pardon ne peut être obtenu que par un homme
particulièrement saint; - ou d'un Pacien (EPist. III ad Sempron.,
n. 16; PL, t. XIII, col. 1074 = induratio in peceato). Dans ses Rétrac-
tations (1. l, c. XIX, n. 7; PL, t. XXXII, col. 616), saint Augustin se ren-
contre avec Bachiarius :... peccatum fratris ad mortem ... ita definivi
ut dicerem « Peccatum fratris ad mortem puto esse, cum post agnitio-
nem Dei per gratiam D. N. J. C. quisque oppugnat fraternitatem, et
adversus ipsam gratiam qua reconciliatus est Deo, invidentiae facibus
agitatur» (= Sermo Domini in monte, 1. l, e. XXII, n. 73). Quod quidem
non confirmavi, quoniam hoc putare me dixi : sed tamen addendum fuit,
si in hac tam scelerata mentis perversitate finierit hanc vitam; quoniam
de quocumque pessimo in hac vita constituto non est utique desperan-
dum, nec pro illo imprudenter oratur, de quo non desperatur.
CHAPITRE II1
brisées contre les pierres des tentations (r). Aux regards du Dieu
de la miséricorde, la vertu de continence équivaut à l'innocence
qu'on aurait eu le malheur de perdre (2). Bien plus, le soldat,
lâche dans une première rencontre, peut se ressaisir et redevenir
plus intrépide et plus redoutable qu'il ne l'a été précédemment (3)·
Samson, vaincu par les cajoleries d'une femme, a détruit, en
mourant martyr, une armée plus considérable d'ennemis, que
durant tout le temps qu'il était nazaréen, c'est-à-dire imma-
culé (4).
* * *
Ce pardon de Dieu, qui a comme condition essentielle la
volonté de se défaire du péché (5), s'étend à toutes les fautes
graves, même à celles de la luxure. « Eh! quoi, s'écrie Bachiarius
en apostrophant l'archidiacre, toi qui ne détestes pas l'avare,
toi qui ne fuis pas l'envieux, toi qui n'évites pas le calomniateur,
ni le voleur, pourquoi punis-tu de la mort éternelle un frère
qui revient, après un moment d'égarement? (6) Pourquoi cette
rigueur inégale vis-à-vis de péchés que l'Apôtre condamne avec
la même sévérité (7) ?
(1) Sic vasa sua nequaquam figulus patitur interire (jerem., XVIII,
6) qui etiam ea confracta et in lapidibus illisa redintegrare posse se dicit
(6. 1042 C).
(2) •.. ut cognoscamus tantam esse misericordiam Domini, ut etiam
interruptae castitatis tempora possint restructa ad priorem similitudinem
continentiae virtute revocari (r8. 1057 B).
(3) Solet percussus miles in primo certamine, in secundo fortius dimi-
care, et contra percussorem suum, magis iratus insurgere (6. 1042 A). -
Cette idée se retrouve également chez saint Jean Chrysostome: ... miles
etiam saepe post fugam, bellator strenuus evasit, hostesque profiigavit ...
verum quia in ipso procinctu certaminis te supplantavit, id solum effecit,
ut fortiorem te redderet ad pugnam cum ipso ineundam (Ad Theod.
laps., Epist. II, 1; PG, t. XLVII, col. 309-310).
(4) ... quem cum in perniciem sui mulieris blandimenta vicissent;
postmodum in fine obitus sui, sub martyrii passione, majorem inimico-
rum exercitum prostravisse, quam ante quando Nazaraeus, hoc est,
immaculatus fuerat reperitur (6. 1042 B) ?
(5) Unde vides quod sicut peccati contagione maculamur, ita expul-
sione ejus abluimur (5· 1041 C).
(6) Tu vero, qui avarum non detestaris, qui invidum non refugis, qui
detractorem raptoremque non devitas, fornicatorem ad tempus fratrem
revertentem aeternae mortis paena condemnas (5. 1°40 C-1041 A) ?
(7) Lege ergo beatum Apostolum qui dicit: «Neque fornicarii, neque
LES IDÉES DU « DE LAPSO)} 65
.;; * *
Bachiarius, on levait, oppose à la sévérité de Janvier, un opti-
misme consolant puisé, comme celui de saint Jean Chrysostome,
dans la sainte Écriture. L'archidiacre, comme saint Sirice, met
l'accent sur les exigences qui pèsent sur les prêtres et les diacres
du fait que le divin Maître a voulu que l'Église, son Épouse, rayon-
ne d'une pureté sans tache. A partir du jour de leur ordination,
I. LE REPENTIR.
(1) S. SIRICE, Epist. ad Himerum, VII, IO; PL, t. XIII, col. II39 A,
B.
(z) C'est ainsi qu'on peut comprendre comment à S. Calliste, plus in-
dulgent, succède S. Sirice plus sévère et plus rigide.
(3) Sed et tu frater, quisquis tibi hoc suaserit, exsecrare (ZI. I059 A).
68 CHAPITRE III
que pareil mariage est une abomination, une insulte à Dieu (1),
parce qu'il est un sacrilège, un adultère, un inceste.
Il est d'abord un sacrilège, pareil à celui que commit Bal-
thazar, le roi de Babylone, en violant les vases sacrés du temple
de Jérusalem (Dan.,V, 2 sq.). Ces vases, en effet, explique Bachia-
rius, ce sont les vierges du Seigneur (2).
Il est de plus un adultère. Car le jour où, à l'exemple de
Rébecca venant de la Mésopotamie pour épouser Isaac, cette
vierge a reçu le voile (Gen., XXIV, 65), elle s'est unie par le ma-
riage à son Époux (divin) toujours vivant (3).
Mais voici des objections spécieuses formulées soit par le lapsus
soit par ses mauvais conseillers.
a) D'abord, l'Apôtre ne dit-il pas « Il vaut mieux se marier
qu'être brûlé)} (1 Cor.,VII, 9)? - Saint Paul, répond Bachiarius,
a en vue la vierge ou la veuve (1). Or, celle dont il est question ici,
n'est plus vierge, et elle n'est pas veuve; elle n'est plus vierge
parce qu'elle a été connue; elle n'est pas veuve parce que son
Époux est éternel (2).
b) Adultère tant que vous voudrez! Pourtant Bethsabée n'est-
elle pas devenue l'épouse légitime du roi David? - Il est im-
possible, réplique Bachiarius, d'assimiler des cas si différents.
Bethsabée était l'épouse d'un soldat, celle-ci, au contraire, est
celle d'un roi. Là il s'agit d'un homme terrestre qui a pu être
trompé; ici il est question du Roi céleste, immortel, éternel.
David au moins n'admit pas Bethsabée, tant qu'Urie fut présent;
mais toi tu revendiques cette union adultère alors que le mari,
un roi immortel et éternel, est vivant et présent! - A la rigueur
ce mariage adultère pourrait-il se tolérer s'il pouvait en sortir
un autre Salomon, c'est-à-dire le pacifique qui tient sous son
sceptre tout l'univers, c'est-à-dire tout l'homme (3). Mais un tel fils
est le fruit de la pénitence. Ce sont les larmes et les gémissements
qui l'engendrent (4). - Enfin David, lui-même adultère dans sa
jeunesse, montra dans sa vieillesse l'exemple de la continence (III
Reg., l, l sqq.), nous faisant comprendre par là qu'une longue
chasteté après la faute équivaut à la virginité (5)·
c) Enfin, dernière objection. Cette épouse infidèle n'a-t-elle
pas été répudiée, rejetée (par son Époux) ? Dès lors n'est-elle pas
redevenue libre de disposer d'elle-même (6) ?
Erreur, mon frère (7) ? Dieu lui-même te dit par la bouche
(1) Hoc de virgine dictum est, vel vidua (20. 1058 C).
(2) Virgo non est, quia corrupta est, vidua non est; quia vir ejus vivit
in aeternum (20. I058 C). Voir le même raisonnement, exprimé d'une
façon moins originale et moins crûe, chez S. JEAN CHRYSOSTOME, Ad
Theodor. laps. Epist. II, 3; PG, t. XLVII, col. 3I2) et dans le De lapsu
virginis (PL, t. XVI, col. 372 C-373 A).
(3) ... Salomon, hoc est, pacificus et universi orbis, id est, totius hominis
tenuit principatum (21. 1060 B).
(4) Talis filius nascitur ex paenitentia: talem parturiunt gemitus et
lamenta plangentium (21. I060 E).
(5) ... ut intelligamus, quia post peccatum longa castitas imitatrix
est virginitatis (2I. !O60 B).
(6) Sed fortasse dicas: Agnita stupri causa, vir ejus eam dejecit ...
(21. 1060 A).
(7) Fallis te, frater, quia per Prophetam ipse proclamat ... (La citation
n'est pas littérale) « Quis liber repudii matris vestrae, quo eam dimisi
(Is., L, 1) ? Et alibi: numquid qui cadit, non resurget ? aut avertens non
70 CHAPITRE III
(1) S. Luc, XII, 20. (20. 1058 B). - Pour détourner le lapsus de
son mariage, Bachiarius ne fait pas une seule fois allusion à sa dignité
de diacre. Cela peut étonner car vers la fin du IVe siècle le célibat ecclé-
siastique était de plus en plus inculqué au clergé supérieur: évêques,
prêtres et diacres. Non seulement il leur était défendu de vivre mari-
talement avec leurs épouses (cfr HEFELE-LECLERCg, Histoire des con-
ciles, t. II, Partie II, Appendice VI, p. 1341-1344; et E. VACAN DARD,
Les origines du célibat ecclésiastiq~te, dans Études de critiq~te et d' histoire
religieuses, t. I, p. 10Z-IOS), mais saint Ambroise n'hésitait pas à dire
que les ordres supérieurs étaient incompatibles avec le mariage. « Sors
(Levi) virginitas est)) (Exhortatio virginitatis, c. VI, 39; PL, t. XVI, col.
347; De officiis, 1, 50, n. 248; PL, t. XVI, col. 97-8). Celui qui cherche
une épouse, dit encore le même docteur, ne peut pas dire « mon partage
c'est le Seigneur)) (Qui quaerit uxorem, non potest dicere : « Portio mea
Dominus )) ; Exhort. virginitatis, 41; PL, t. XVI, col. 348). Sans constituer
encore un empêchement dirimant du mariage (il ne le deviendra qu'en
1I23 sous Calixte II), la dignité de diacre semblait exclure l'union conj u-
gale (... alieni etiam ab ipso consortio conjugali, sacri ministerii gratiam
recepistis ? S. AMBROISE, De Officiis, 1. I, c. L, n. 248 ; PL, t. XVI, col.
97-8).
Au moment où Bachiarius écrit, cette incompatibilité n'était pas encore
si fermement reconnue ni défendue. Son silence s'explique à la lumière
de la décision du concile d'Elvire (can. 33, cfr MANSI, t. II, col. I I C),
pareille à celle que formulera plus tard le concile d'Ancyre (3 1 4) (can.
JO ; MANSI, 1. C., t. II, col. 531) : suivant laquelle le mariage après la ré-
ception des ordres sacrés est valide mais entraîne simplement la dégra-
dation. « Mais si, au moment de leur élection ils se sont tû (€Z TOrES
atW7l'~aav1'€s ... ) et ont accepté, en recevant les ordres sacrés, de vivre
dans le célibat, et si plus tard ils se marient, ils perdront le diaconat
(cfr HEFELE-LEcLERcg, Hist. des conciles, t. l, Part. I, p. 3 12 -3 1 3).
Bachiarius ne fait pas davantage appel à la législation civile. Il eût
pu invoquer pourtant au moins deux lois qui se rapportaient plus ou
moins au scandale qui le préoccupait: Cod. Theodos., 1. IX, tit. XXV:
De raptu vel matrimonio sanctimonialium virginum vel viduarum:
1. Imp. Constantius A. ad Orfitum. Eadem utrumque raptorem
severitas feriat: nec sit ulla discretio inter eum qui pudorem virginum
sacrosanctarum et castimoniam viduae labefactare scelerosi raptus acer-
bitate detegitur. Nec ullus sibi ex posteriore consensu valeat raptae blandiri.
Dat. XI Kal. Sept. Constantio VII et Constante Coss. (a. 354)·
Interpretatio: Quicumque vel sacratam Deo virginem, vel viduam for-
tasse rapuerit, si postea biis de conjunctione convenerit, pariter puniall-
tur.
2. Imp. Jovianus A. ad Secundum P. P. Si quis, non dicam rapere,
sed vel attemptare matrimonii iungendi causa, sacratas virgines vel invi-
tas, ausus fuerit, capitali sententia ferietur. Dat. XI Kal. Mart. Antio-
72 CHAPITRE III
II. LA SATISFACTIO:N.
LA RÉCLUSION.
LA PÉNITENCE.
(1) Vere enim 'excelsa mors paenitentia dicenda est cum mortiucatis
membris deducatur homo ad excelsa cœlOIum ul1de fuerat ante dIlapsus
(15. I052 B). ,
(2) ... quia multo nobilius est per paenitentiam mori, quam commUlll
bac morte dissolvi (15. 1052 B).
(3) Si vero forsitan defuerit bujus felicitatis occasio (le martyre), ipse
tibimetipsi tuus poteris esse persecutor ... (16. 1054 A).
(4) ... semper peccatorum tuorum stimulos recorderis (16., I053 C).
(5) Ramoth = visio mortis. - Si autem visionem mOItis sentlre
velimus, ita potest intelligi; quia cum sumus in paenitentia constltutI,
et ante oculos nobis ponimus gehennae il1fernique tormenta, videmus
ipsam speciem mortis, de qua paenitentiae beneucio libe~a~ur (15. IO?2 B).
-- Praeveni ultricis gehennae saeva tormenta, et ipse tIbi tortor exsIste ...
(I6. 1053 C-1054 A). . .
(6) Tantum memineris te in ancillae filii civitate agere paemtentlam ;
quia o11'tnis qui peccat, serv~ts est peccati (S. JOAN., VIII, 34); ut fo~~am
servi accipiens, necesse est humilies teipsum usque ad mortem (PhthPp.,
II; 7, 8) (15. 1°5 2 B, C).
(7) Est Gaulon in unibus Manasse, quae interpretatur volutatio, ut tu
memineris tibi in cilicio et cinere esse volutandum: et boc III umbus
Manasse, qui interpretatur oblivio, ut obliviscens ea quae ante gessisti,
in prima te extendas ... (15. I052 C).
74 CHAPITRE III
1. LA SAINTE TRINITÉ.
(1) Eia, eia quid dubitas? Scalam illam Jacob (Gen. XXVIII, 12)
unde lapsus es ... adbuc posita nondumque subtracta est: et licet in ruina
tua omnia membra colliseris, tamen iterum con are ascendere : et donec
venias ad illum gradum unde cecidisti, fortiter te serva atque custodi ;
quia licet lubricus sit omnis ascensus, tamen ille cito vergit ac dejicit
in profundum (16. 1054 B).
(2) Ecce frater in lacu est: assumamus triginta bomines, id est, sive
beatae auxilium Trinitatis... (6. 1042 A).
(3) Sunt autem qui actus decernunt hominibus Mars, Venus et Mer-
cu:r;ius (FIRMICUS MATERNUS, Mathesis, 1. IV, cap. XXI, 1; éd. Teubner,
p. 280).
(4) ... et hoc coram diis tuis, Venere, Marte atque Mercurio: id est,
fornicatione, vel avaritia, vel furore ... (29. 1057 C).
(5) Les deux passages suivants tirés du Traité VI de Priscillien sont
caractéristiques: ... quia nos divinae consortes esse voluit naturae,
CHAPITRE III
2° JÉSUS-CHRIST.
(1) Sed nec Hebron aditus tibi claudatur, quae iuterpretatur conjunctio
sive conjugium. Revertatur enim anima tua ad virum suum, id est, ad
spiritum Dei (= le Christ), a quo pro tempore peccaminum fuerat vi-
duata (15. 1053 A). - Ici nous nous trouvons en présenced'uneinfiuence
du gnosticisme ou plus exactement de l'ophisme. Nous ne répétons pas
ce que nous avons dit à ce sujet dans notre étude sur le De fide, à propos
des Écritures (J. DUHR, Le De fide de Bachiari%s, dans RHE. I928,
t. XXIV, p. 324-327).- Dans ce passage l'âme est considérée comme l'é-
lément passif, femelle qui conçoit et enfante. Le Christ, identifié avec le
Spirit,us Dei (... ad Spiritum Dei, 15. 1053 A; dT aussi 22. 1060 C), est le
« vir)), l'époux qui féconde l'âme grâce à la semence des divines Écritures
(r8. 1057 A) et lui fait enfanter l'esprit de salut (spiritus salutis). Chez
Bachiarius la gnose, la science qui répare, rachète, purifie et sauve est
la sainte Écriture. Identifiée en quelque sorte avec le Verbe lui-même,
elle participe à sa vertu fécondante ... aggregata de scripturis copiositate
verborum, huic vid%ae (= l'âme privée de son époux) conjungar ac proxi-
mem, ut auditis his, possit sine difficultate conciPere et salutis spirit'Um
pa'rturire (r7. 1055 B). On comprend ainsi commentla « m'Ultit'btdo scientiae))
sauva Adam et Ève (3. r039 B) et pourquoi Salomon est proclamé ad-
mirable parce qu'il a été jugé digne d'être uni à la Sagesse (au Verbe)
(hoc est sapientiae copulari) (12. 1048 B).
La théorie étrange que Bachiarius expose ici n'est en somme qu'une
version corrigée et exorcisée d'un système de doctrine que Priscillien
a emprunté à l'ophisme.
Suivant les ophites le Christ (Christus) comprend les trois Éons supé-
rieurs (Christo, qui in se complectitur tres summos Aeones ... Cfr GIRAUD,
Ophitae, p. 94, Paris, 1884). C'est aussi un des points que Orose reproche
aux Priscillianistes : « Trinitatem autem solo verbo loquebatur, nam unio-
nem absque ulla exsistentia aut proprietate adserens sublato «et)) patrem
filium spiritum sanctum hunc esse unum Christum docebat (OROSE,
Commonitori'um, dans CSEL, t. XVIII, p. 154-5). Chez Priscillien nous
trouvons cette curieuse expression Christus fons tripartitus (Tract. 1; CSEL,
t. XVIII, p. 5,1. 10 et p. 31, 1. 30) qui semble bien insinuer cela. Le passage
suivant est plus significatif encore « ... baptizantes (nos) sicut scriptum est,
in nomine patris et filii et spiritus sancti, non dicit autem in nominibus
tanquam in multis, sed in uno quia umts Deus trina potestate venerabilis
omnia et in omnibus Christus est)) (Tract. II; CSEL, t. XVIII, p. 37,
1. 20 sqq. Cfr aussi p. 71, l. 21 sqq.). - Bachiarius, lui aussi, parle sou-
vent de Christus mais son langage est parfaitement orthodoxe.
Les ophites prétendaient en second lieu que l'Esprit et le Fils étaient
deux TlOms qui désignent un même Éon (Spiritus et Filius duo nomina ...
quae unum et eumdem Aeonem designant) (GIRAUD, Ophitae, p. 92,
n. 68. Paris, 1884). On l'appelle :fils, parce qu'il joue le rôle du principe
masculin; et esprit parce qu'il assume aussi la passivité de l'élément
CHAPITRE Hl
CL L'évêq1le.
femelle (Filius, masculi principii quum partes agat ... Spiritus elementi
feminei potius gerit vices ... ) (GIRAUD, Ophitae, p. 93).
C'est dans le même sens que Bachiarius n'hésite pas à identifier le
fUs (le Christ) et l'Esprit (cfr supra, 15. 1053 A), et à lui ~ttribue~
le rôle du mari. Priscillien expose le même point de vue : Chnstus de]
virtus et dei sapientia ; cuius cum simus viri (ici le rôle passif .d~ l'Esprit-
Christ est insinué) et ipse vir ... desponsatos nos in fide exhlblturum se
apostolus uni viro castam nos virginem repromisit ... (Tract. l, dans CSEL,
t. XVIII, p. 28).
Suivant les ophites enfin, la nouvelle créature qui des poussières ter-
restres monte vers la nature éternelle, n'est plus ni femme, ni homme,
mais un homme nouveau, qui est à la fois du sexe mâle et du sexe femelle
(GIRAUD, p. 105). Or précisément, suivant Priscillien,Yhomme ré~énéré
uni au Fils-Esprit, n'est plus exclusivement ni homme m femme, malS par-
ticipe aux deux sexes: il est non seulement actif mais pass~f... quia
non est masculus neq~te femina, sed omnes unum s'&tmus zn Chnsto Jes'Vt
(Tract. I; CS EL, t. XVIII, p. 28). Bachiarius semble refuser de suivre
son maître jusque-là.
(1) ... aut velut pastor bonus vagantem revocet, alligetque attritam,
errantemque convertat (17. 1055 B, C).
(2) Et tu ergo collige fratrem, quem diabolus latro. cum sat~l1itum
suorum turba percussit : assigna stabulario, hoc est b[eatlsslmo] ep1scopO,
qui si quid in eo impenderit, amplius a Domino conseque.tur (9., I?45 .C).
(3) Ce conseil de l'ascète espagnol suppose, semble-t-1l, la. leg~slatlO~
du concile d'Elvire (can. 32; MANSI, t. II, col. II A, B). Sl qUlS graVI
lapsu in ruinam mortis inciderit, placuit, agere paenitentiam non debere
sine episcopi consultu, sed potius apud episcopum agat ...
LES IDÉES DU « DE LAPSO » 79
de l'intervention épiscopale est décrite dans un autre endroit.
Pour moi, avoue notre ascète, tout ce que je puis faire c'est de
retirer de la gueule du lion, le sommet ou le bout de l'oreille,
et c'est déjà beaucoup (r) ; mais c'est à l'évêque de ce lieu ... ,
d'imiter l'exploit de David, de se dresser contre le lion ou l'ours,
de le serrer à la gorge et de lui arracher sa proie (2).
Il est regrettable que Bachiarius ne se soit pas davantage
expliqué sur la manière concrète dont l'évêque devait intervenir
dans le cas du lapsus. Cette simple indication nous suffit pour-
tant pour nous rendre compte qu'on était persuadé que Jésus-
Christ ne remettait pas les fautes en dehors de ses ministres
. à qui il avait confié le pouvoir d'absoudre ou de reteriir les fautes.
pieds du prophète Élisée (II Rois, IV, 27), elle accourt auprès du
Christ pour le supplier de ressusciter le défunt (r).
Bachiarius enfin demande à l'archidiacre de ne pas écarter le
coupable de l'assemblée des fidèles (2). Ce contact, à son avis, ne
peut que lui faire du bien. Les louanges qu'il entendra le feront
rougir de son indignité, les blâmes au contraire lui feront mesurer
l'étendue de sa faute. Les félicitations comme les réprimandes
seront pour lui comme des coups de fouets qui le presseront à ex-
pier ses péchés (3).
(1) •.. ac dispositis per singula Hierusalem loca ... ut collapsa restruan-
tur ... (18. 1056 B).
(2) Étymologiquement la porte probatique veut dire « la porte des bre-
bis» (1I'pOba7'Wv). - Bachiarius joue sur le mot latin « probare ».
(3) LXX: 7'~V 1I'vÀ7)v 7'~V lX8u7)pàv (II ESDR., III, 3).
(4) ... quia ipse visus pro sagena poterit aestimari : quidquid aspexerit,
statim capit; et captum, ad cordis cellaria interiora transmittit (18.
1056 C). Saint Jérôme emploie lui aussi l'expression, « cellarium pectoris »
(EPist. CVIII, 12; PL, t. XXII, col. 876).
(5) LXX: 7'~V 1rvÀ7)v 'Iaaavat. - A cette porte Bachiarius adjoint les
loca unguentariorum, et il entend par là les parties du corps qui sont tou-
chées par les onctions du saint Chrême; ces parties doivent être rétablies
par d'autres puissances angéliques que par celles qui s'occupent du front
( ... quae per tropologias nominum ab aliis virtutibus dicuntur esse res-
tructa. Unguentariorum autem loca quae sunt, nisi illa quae chrismatis
sanctificatione tanguntur?) (18. 1057 A).
(6) ... in Anathoth, quae interpretatur respondens signum, quod sus-
picatur esse frontis patibulum, ubi signum salutis nostrae et Domini-
cae sanctitatis accepimus : quod est aurea lamina, ubi pontifex nomen Do-
mini scriptum mandatur accipere tetragrammaton (18. I056C).r-Il s'agit
évidemment ici du « signe de la croix », signe de notre salut: il rappelle
le sang divin versé pour nous racheter; signe de la sainteté de Notre-
Seigneur: car suivant la lettre aux Philippiens (II, 8) Jésus fut « obediens
usque ad 1ll0rtem, mortem autem crucis ». - La croix ayant quatre cOtés,
elle rappelle naturellement le tetragramme; le front à son tour, où la croix
est en quelque sorte fixé, est comparé et au pectoral du grand-prêtre de
l'ancienne loi, et au frontispice de la maison (patibulum) où fréquemment
LES IDÉES DU « DE LAPSO »
frugis (II Esdr., III, 13) n'est-elle pas la bouche d'où sortent les
paroles de Dieu, semences de tous les fruits (r), et par là-même
ne représente-t-elle pas le sens du goût? La porte stercoraire
(stercorea: LXX: 'T~V 1TVÀYjV 'Tfjs K01Tptas; II Esdr., III, I4)
nous fait penser au sens de l'odorat, au nez par lequel nous esti-
mons comme un bien, ce qui n'est que fumier (PhiliPp., III, 8) (2).
La porte forte (tortis, corruption pour fontis: LXX : T~V 1TVÀYjV 'Tfjs
7TYjyijS; II Esdr. III, 15) s'identifie avec les mains ou le sens du
toucher, parce que nous n'avons pas tenu « fortement» ce que
nous tenions, et un autre a enlevé notre couronne (Apoc. III,
II) (3). Enfin les murs de la porte de la piscine (N atatoriae ; LXX:
TO TE'LXOS KOÀUpf3~epas (II Esdr. III, 15) ce sont les marques de
la chasteté: car à travers la paroie de la continence brisée (dis-
soute) par la luxure, les flots salutaires du baptême se sont
répandus et perdus (4). Tout cela est évidemment bien étrange.
Pour retrouver sept sens, Bachiarius énumère parmi eux, le
front et le symbole de la chasteté (l'hymen); et quel effort
on inscrivait soit une phrase de bon augure, soit une deprecatio incendio-
rum, soit une figure symbolique destinée à écarter le maléfice, soit enfin le
nom du propriétaire (cfr MARQUARDT, La vie privée des Romains, trad.
V. Henry, t. l, p. 265. Paris, r892). Le signe de la croix, remarque saint
Jean Chrysostome, signifie tout cela: il est le signe du salut, la terreur
des démons, et la marque de l'appartenance au Christ. Et donc « Gloria
nostra crux est, caput bonorum omnium, fiducia et corona» (In Matth.,
Hom., LIV, 4; PG, t. LVIII, col. 537-8).
Tertullien déjà disait à peu près comme Bachiarius : ... « frontem signa-
culo terimus» (De corona, c. III; PL, t. II, col. 80 A) (cfr aussi F. DÔLGER,
Antike u. Christentum, t. l, 1929, p. 17-I9).
(1) ... porta Frugis (II Esdr., III, 13), quam nos suspicamur esse oris
ac saporis officium, pel' quam omnium seminum, hoc est, verborum Dei
fructus egreditur (18. 1057 A). - La même idée se trouve déjà exposée
dans le De tide « ••• omnium creaturarum satio, caeli, terrae et maris ...
(De fide, 8 ; PL, t. XX, col. r036 B).
(2) ... porta stercorea, quam nos suspicamur esse narium sive odoratus
introitum, per quem nos turpis decepit illicebra, et aestimavimus lucra
esse, quae erant stercora (PhiliPp., III, 8) (r8. 1057 A).
(3) Fortis porta (II Esdr., III, I5) quam credo manuum nostrarum
sive tactus officium esse; quia non tortiter tenuimus quod tenebamus,
et alter tulit coronam nostram (Apoc., III, II) (18. I057 A).
(4) ... et muri Natatoriae (II Esdr., III, 15) id est, forma baptismi
nostri, et mystici fontis disrupta munimenta, quae sunt castitatis insi-
gnia; quia soluto pel' luxuriam continentiae pariete, velut abruptis obi-
cibus sacri laticis, fontis undam effudimus atque perdidimus (18. I057B).
CHAPITRE III
(1) Vere enim excelsa mons paenitentia dicenda est, cum mortificatis
membris deducatur homo ad excelsa caelorU1n unde tuerat ante dilapsus
(15. 1°52 B).
(2) J. DUHR, Le De (ide de Bachiari1l!s, dans RHE, 1928, t. XXIV, p.
3 1 9- 20 .
CHAPITRE IV
BACHIARIUS ET LA BIBLE
livre des Rois à saint Jean. - Il arrive même à notre auteur de fusionner
plusieurs textes ensemble, pour en composer comme une mosaïque:
voir un exemple: 14. 1°5 1 B, C.
(1) Esther est considéré comme apocryphe encore au IVe siècle par
plusieurs Pères orientaux; ainsi par S. Athanase (EPist. lest., 39; PG,
t. XXVI, col. II76, 1436) et par S, Grégoire de Naziance, Carminum, 1. l,
C. XII; PG, t. XXXVII, col. 47 2 sqq.
(2) Nous donnons le détail des citations: elles peuvent avoir leur uti-
lité pour l'histoire du texte de la Bible.
A côté du chapitre et du verset cités ou utilisés par Bachiarius, nous
mettrons entre parenthèses le paragraphe du traité et la colonne de
Migne (t. XX) où se trouve la citation ou l'allusion.
A. DANS LE De (ide.
1. A ncien Testament.
I. Genèse: l, 3 1 (5. 1033 A) ; XI, 31 (1. IOZI B) ; XII, 1 (1. I019 D) ;
XXXII, 18 sqq. (1. 1020 C) ; XXXIV, 23 (1. 10Z1 B).
88 CHAPITRE IV
z. Exode: II, 10 (I. 1021 B); XX, 26 (3. 1025 A); XXXIV, 23 (7.
1°38 A).
3· Lévitique: X, 1 sqq. (1. 10Z0 C); XIV, 36 sqq. (z. loz4 A); XVIII,
14 (4· 1030 A).
4· Nombres: XIV, 17 (I. IOZO C) ; XVI, 1 sqq. (1. 1020 Cl.
5· Deutéronome: XII, 23 (4· 1030 A); XVII, 6 (7. I035 C); XIX,
19 (7· 1°3 6 A) ; XXXII, 7 (7. I035 A).
6. Ruth: l, 4 (r. 10Z! A).
7· l Sam. : V, 4 (2. 10z4 A).
8. l Rois: XIV, 25 (8. 1°36 C) ; XIV, z7 (8. 1°36 A) ; XVII, 9. 10 (1.
IOZl A) XVIII, 3 (1. r. 1021 A).
9· II Paralipomènes: IX, 16 (8. I056 A); XII, 10, I I (8. 1°3 6 B).
10. Job: XLII, 8 (= LXX) (r. 10Z1 A).
Ir. Psaumes: XXXII, 15 (4. 1°31 A) ; XXXVIII, 17 (z. I024 B) ; XCI,
3 (4- I031 A).
12. Ecclésiaste: l, 9 (r. 10I9 C).
13· Ecclésiastique: X, 9, 15 (5. I032 B).
14· Isaïe: XIV, I2 (5. I032 A) ; XLVII, IZ (5. I03z B) ; LII, 7 (8. I036 B).
15· Ézéchiel: XXVIII, IZ (5. 103z A).
16. Jérémie: XXXVIII, 16 (4- 1030 A).
17· Nahum: l, 15 (8. 1°36 B ... quorum pedes veloces sunt super
montes).
B. DANS LE De lapso.
1. Ancien Testament.
1. Genèse: II, 15 (3. 1039 A ; 18. 1056B) ; III, 1 (3· 1039 A, 20-1°5 8 A);
III, 24 (3. 1039 B) ; IV, 15 (3· 1039 B) ; VI, 4 (Z1. lO59 B) ; XIV, 14
(3. 1039 C); XIV, zo (4- lO40 B); XVIII, 23 sqq. (3· 1039 B) ; XXII,
15 (7. 1043 A) ; XXIV, 65 (20. 1059 A) ; XXVIII, 12 (16. 1054 E) ;
XXXIII, 19 (15. 1053 A) ; XXXIV, 1 sqq. (18. lO55 C) ; XXXIV,
25 (4. 1039 C) ; XLIX, ZI (15. 1°52 D).
2. Exode: XII, II (17. 1055 A) ; XII, 31 (4- 1040 B) ; XXIII, 5 (9.
1045 B) ; XXVIII, 36 (18.1056 C); XXIX (Z1. 1059 A) ;XXXII,
20 (16. 1053 C) ; XXXII, 26 (4. 1040 B).
3. Lévitique: XX, lO (18. 1055 C).
4. Nombres: XII, l, 2 (5." 1040 B) ; XII, 10 (5. 1040 C) ; XVI, 3 1, 3 2
(12. lO48 C).
5. Deutéronome: XX, 7, 9 (17· I055 A).
6. Josué: XX, Z sqq. (15. 1°52-3).
7. Juges: XVI, 1 sqq. (6. 1°42 B).
8. l Samuel: III, 14 (6. 1°42 B) ; XXII, 7 (16. lO53 B) ; XXIII, 18
(6. 1°42 B).
9. II Samuel: l, 2 sqq. (10. 1°46 B) ; 10 (10. lO46 B); 19.20 (10. 1046 C) ;
II, 18 (8. 1044 C) ; II, 23 (8. 1044 C) ; III, 13 (19. 1058 A) ; III, 27
(8. I045 A) ; X, 4 sqq. (13. 1049 B); XI, Z (8. I044 A) ; XI, 27 (2r.
1059 C) ; XII, 1 (8. 1044 A) ; XIII, 28 (13. 1050 C) ; XIV, 23 (14·
1050 C); XIV, 30 (14. 1051 B); XX, 3 (19. IOS8 A); XXI, 10
(2. 1°38 B) ; XXI, 16. 17 (8. 1044 B) ; XXIV, 1 (8. 1044 A).
10. l Rois: l, 1 (2r. 1060 B) ; XI, 17 (12. 1048 B) ; XIII, 1 (Ir. 1047 C);
XVIII, 33 (ZI. 10S9 B).
II. II Rois: V, 27 (5. 1040 C) ; IV, 20 (7· 1°42 C) ; IV, 34 (7· 1043 A);
IV, 31 (7. 1043 C;; XIII, 21. Z4 (9. 1045 D).
12. Ruth: IV, 1 sqq (17. 1055 A).
13. l Esdras: l, 7-11 (18. 1°56 A) ; X, 18 (5. 1°41 B) ; XIII, 1 sqq. (5·
1°41 B).
14. II Esdras (Néhémie) III, l, 2, 3, 6, 8, 13, 14, IS, 16, 17 (18. loS6 B-
1057 A).
IS. Tobie: l, 17 sqq. ; II, 8 sqq. (II. 1047 C).
16. Judith: VIII, 3 (7. 1043 A).
17. Job: XXXI, I l (19. 1057 C (LXX) ; II, 13 (r. 1037 A).
18. Psaumes: IV, 6 (16. 1053 C) ; XXII, 4 (5. 1°41 A) ; LVII, S (23. 1062
B) ; LXXIII, 19 (12. 1049 A); LXXVIII, 31-4 (22. 106r A);
LXXXII, 2 (8. 1044 B) ; CV, 1 (14. lO51 A); CXXXVI, 9 (2. 1059
B).
19. Ecclésiaste: VII, 71 (9. I045 C) ; XV, 18 (9. 1645 B).
20. Sagesse (attribuée à Salomon) : IX, 15 (8. I04S A) ; IX, 4 (12. 1°48 B).
2r. Ecclésiastique: VII, 36 (LXX: VII, 3Z).
22. Isaïe: L, 1 (zr. 1060 A).
23. Jérémie: III, 1 (18, 1056 A); VIII, ZZ (1. 1037 A) ; XXXVIII, 7,
I I (LXX: XLV) (6. 1°41 C) : XVIII, 6 (6. 1°42 C); XXVII, 16
(18. 1056 A) ; VIII, 4-5 (Z1. 1060 A).
CHAPITRE IV 1
B. LES APOCRYPHES.
Les priscillianistes étaient accusés d'utiliser des livres apo-
cryphes (r). Orose nous transmet même le titre d'un de ces écrits:
tous deux vue sur cette fenêtre d'où on apprend les mystères de
la foi (1).
2. LA VERSION.
(1) Pour être bref nous nous contenterons d'appuyer nos affirmations
sur quelques exemples seulement.
(2) On sait que S. Jérôme, pour les Psaumes, a conservé le texte ancien.
94 CHAPITRE IV
" .et vidit Deus, quia bona sunt LXX : ... KaL loou !<a'\à IdaJJ
valde ... (Gen., l, 30, 31) (De fide, VULGo : ... et e1'ant valde bona,
5; PL, t. XX, col. 1033 A).
Deutéronome.
Interrogate patres vestros et LXX: ... TOUS 1TPWbmÉpOVS
dicent vobis ... (Deut., XXXII, 7) aov Kai ~.povat aOL
(De (Ide, 7, PL, t. XX, col. VULGo : ... maiores tuos, et
1035 A). c1iccnt tibi.
Nombres.
Arulae tamen eorum (Nombres, LXX: 'T'à 1TvpEÎa 7'à XaÀ.Kâ.
XVI, 37), (De lapso, 12; PL, t. VULGo : thuribulae.
XX, col. I042 C).
Job:
Job ex Esau profani et infi- (Ce détail est pris des LXX,
delis stirpe descendit Job, XLII, 5. - S. Jérôme
(De fide, I; PL, t. XX, col. critique cette affirmation. In
102I A). Quaest. Haebr. in Genesim, PL,
t. XXIII, C. 97I B).
Furor hominis incontinens est LXX: 8vp,às yàp opyfjS' àKa'T'aax€-
(Job, XXXI, 12). TaS .. •
VULGo : Ignis est usque ad per-
ditionem devorans, et omnia era-
dicans genimina.
Samuel.
Subleva lapides tuos super al- LXX: E7'~'\waov 'Iapa~'\ Inr€p
titudines tuas, et cogita de inter- 'TWV TE8v1]Xo7'wV €1Tt Tà vcp1] aov
fectis tuis quomodo ceciderunt Tpuvp,unwv . 1TWS €1TWaV SVVU'Tot.
potentes in praelio. Non nuntietur 20. M~ àJJayyEt'\1]7'E €JJ TlB, lcat
hoc in Geth, neque praedicetur p,~ €vayyE,\ta1]aB€ €V Tuîs €S08OLS
in viis Ascalonis ne forte 1aeten- 'AaKa'\wvos, p,~ 77'OT€ EfJcppavBwa~
tur filiae alienigenarum et exhi- Bvya'TlpEs à'\'AocpvÀwv, p,~ 77'OTE
larentur filii incircumcisorum àya'A)W:laWJJTUL 8vyaTlpEs TWJJ
(II Sam., l, I9, 20) &17'€PL'Tp,~7'WV .
(De Zapso, IO ; PL, t. XX, col. VULG.: Inc1yti, Israel, super
I046 C). montes tuos interfecti sunt : quo-
modo ceciderunt fortes? 20. -
NoHte annuntiare in Geth, neque
anmmtietis in compitis Ascalo-
nis : ne forte laetentur filiae Phi-
listhiim, ne exultent filiae incir-
cumcisorum.
BACHIARIUS ET LA BIBLE 95
Josue.
Est Bosor ~tltra J ordanum . .. LXX : Ka~ ÈJJ T0 1TÉpm'
(Josue, XX, 8) TOV '1wpo avov ,
(De lapso 15 ; PL, t. XX, col. VULGo : ... trans Iordanem.
1052).
... etiam cades, in terra repro- LXX: = Kao1]S.
missionis (Jos., XX, 7) VULGo : = Cedes.
(De lapso, 15 ; PL, t. XX, col.
1052 C).
Ézéchiel:
Unumquemque in viis SUtS LXX.: ... Élcua'ToJJ ÈJJ Taîs àôoîs
judicabo (Ezech., XXXIII, 20) av7'Ov KpWW ...
'A A
E cclésiasiaste (I).
Omne quod fuit, ipsum quod LXX. : Tt 'T'à y€yovos ; afJrà rà
eri! ; et non est omne recens sub yEVYiaOp,EVov . .. Kat OfJK Éan 1Tâv
sole (Ecete., l, 9) 1TpoacpaTOV 1577'à TOV ~'\wv.
(1) Le texte de la Sagesse, cité par Bachiarius, est identique à la Vulga-
te: Corpus quod corrumpitur aggravat animam (Sagesse, IX, 15. De
lapso, 8; PL, t, XX, col. 1045 A).
CHAPITRE IV
(De (ide, l, PL, t. XX, col. VULG.: Quid est quod fuit ?
101 9C). ipsum quod futurum est; ... nihil
sub sole novum.
SABATIER, Biblior. sanctor. ver-
siones antiquae, t. II, p. 354:
Quis est quod fuit ? quod factum
est? ipsum quod erit.
Amos.
... extremam aut summam au- LXX: ... Àof3ov c1J'TLov ...
riculam... (Amos, III, 12) (De VULGo : '" extremum auriculae.
lapso, 17; PL, t. XX, col. 1053 B).
S. Jean:
Spiritus qui a Patre proce- VULG.: docebit vos omnem
dit, ipse vobis annuntiabit om- veritatem.
nia (Jean. XVI, 13)
(De (ide, 3. PL, t. XX, col.
1027 A).
Jam non dicam servos, sed VULGo : vos autem dixi amicos.
(ilios (cpOIOVS) (Jo., XV, 15) (3)
(De lapso, 22; PL, t. XX, col.
1061 A).
Actes:
... Lapso Eutycho « de tertio d'Tl'o TOÙ rptG'TÉyov.
tecto» (Act., XX, 9) VULGo : de tertio coenaculo.
(De (ide, 2; PL, t. XX, col.
1023 A).
7
98 CItAPITRE IV
S. Jacques :
Qui revocaverit peccatorem ab ... on
C\ f' ',l, À'
0 E7TtUTpE'f'as ap,apTw ov
t
S. Jude:
Quosdem quidem eripite de ... ÈK 7TVpOS ap7Ta'ovTES .•.
igne ... dubios vero... (Jude, 23)
(De lapso, 17; PL, t. XX, VULG.:... illos vero salvate,
co1. 1055 B). de igne rapientes.
Apocalypse.
Memento unde cecideris et age VULGo : memor esto itaque unde
paenitentiam, et priora opera tua excideris et age paenitentiam, et
fac: alioquin venio tibi cito et prima opera fac, sin autem venio
amovebocandelabrum tuum( Apoc. tibi et movebo candelabrum
II, 5) (De lapso, 22 ; PL, t. XX, tuum.
col. 1061 B-62 A).
3. L'EXÉGÈSE.
1
trop souvent c'est le sentiment qui l'inspire et l'imagination
qui la construit. Le sens critique et la raison n'y ont qu'une faible
part. Si l'ascète espagnol est particulièrement heureux quand il
nous dit que l'expression de saint Jean « peccatum ad mortem»
1
1
doit s'entendre du peccatum « usque ad mortem» (S. 1041 B)
ou encore, que le péché contre le Saint-EspriL1>0ur lequel il
n'existe aucune rémission, c'est le péché de désespoir (22. I060 C),
nous sommes quelque peu surpris de le voir affirmer que Aaron
était déjà grand-prêtre avant d'avoir été consacré par son frère,
parce que Lévi, son ancêtre, était déjà « in Abrahae lumbis
latens» au moment de la rencontre avec Melchisédech (4. I040 B).
Une fois engagé dans cette voie, grâce à des interprétations fan-
taisistes, Bachiarius parvient à placer parmi les élus: la famille
d'Héli, mise à mort par Saül pour la cause de David, c'est-à-dire
pour le Christ (6. 1042 C); Salomon l'idolâtre parce qu'il
fut enterré à côté de ses ancêtres (12.I048 C) ; Coré le révolté
et toute sa bande (12. 1048 C-1049 A). Caïn lui-même sera
marqué non du signe de la réprobation, mais de la miséricorde
de Dieu (1). Mais il dépasse décidément toutes les limites,
quand il veut nous faire croire que le dégoût physique qui saisit
Amnon après son crime, est une marque de son repentir (13.
1050 B).
(1) Cfr H. LEcLERcQ, art. Ambon, dans Dict. a/arch. cMét. et de liturgie,
t.I, col. 1333 sqq.
(2) Ecce .frater in lacu est: assumamus triginta homines, id est, sive
beatae auxilium Trinitatis ... (6. 1042 A).
(3) De fide, 2 ; PL, t. XX, col. 1023 A.
(4) Trecenta enim aurea scuta, sive beatae Trinitatis ... fides (De fide,
8; PL, t. XX, col. 1036 B).
(5) ... sive cum labore aniIni, carnisque et spiritus, demersum in pro-
fundo putei liberemus (6. 1042 A).
(6) On le voit, Bachiarius note la « tripartitio» partout: dans le ciel
dans l'univers et dans l'homme. '
BACHIARIUS ET LA BIBLE 103
***
Une des particularités les plus caractéristiques du style de
Bachiarius, et qui nous révèle en même temps un trait du
tempérament moral de l'écrivain, ce sont les comparaisons et
les métaphores tirées de l'amphithéâtre (2) et de la médecine.
1. Le monde est un « amphithéâtre » où nous avons à lutter
contre les fauves: les vices. Hélas! ils sont bien peu nombreux
ceux qui savent préserver leurs membres de la morsure des
bêtes (3). Le grand adversaire que nous rencontrons dans l'arène,
c'est le démon, symbolisé par Goliath, le terrible ennemi du
peuple de Dieu. Travesti en « venator » ou en « rétiaire », tantôt
il décoche sur les âmes sa flèche et ses dards (4) ; tantôt, les
trompant par ses ruses (5), il cherche à les emprisonner dans son
filet (6). Le lapsus s'est laissé vaincre par lui. Au lieu de se montrer
« secutor » intrépide (7) il s'est laissé prendre dans les rets des vices
!
f\
saire (LAFAYE, art. Gladiateurs, dans Dict. des antiq. grecqttes et romat11.es,
t. II, part. 2, p. 1595) --- le mot «percussus» a le même sens. Bachiarius
emploie ce dernier très souvent: 9. I045 C; 10. 1046 A ; 6. 1042 A ; B;
7. 1043 A; 8. 1044- A ; 8. 1044 B ; 8. I044 C; 8. 1045 A.
(4) ... mehus erat nec inchoare... quam tam turpiter cadere ... (la,
{ 1047 A).
(5) Curetur, rogo. quia adhuc palpitat ; et revertatur ad pugn?J11
(8. 1044 A) ..- Le «rogo » est l'équivalent du « missum )), le mot technique
par lequel les spectateurs déclaraient que la vie du gladiateur cOllché à
terre, impuissant, devait être épargnée (LAFAYE, art. Gladiateurs, l. C.,
t. II, p. 1595), pour lui permettre de reprendre sa revancbe, plus tard,
dans un second combat.
(6) Solet percussus miles in primo certamine, in secundo fortius climi-
care, ... (6. I042 A). Bachiarius, dans ce passage songe moins au miles qu'au
gladiateu1'. Car dans une guerre, il est peu vraisemblable qu'on se rencontre
dans un second combat, avec le même adversaire qui vous a blessé dans
un premier engagement.
(7) Solét percussus miles ... et contra percussorem suum magis ~ratus
insurgere (6. 1042 A). - Le cas n'était pas chimérique. Une inscnptlon
r08 CHAPITRE V
nous apprend, en effet, qu'un gladiateur vaincu, mais épargné une pre-
mière fois, tua son adversaire dans un second combat. Aussi donne-t-elle
ce conseil: « Te moneo ut quis quem vicerit occidat)) (CIL, t. V, nO 5933).
(1) Numquid medicus non est in Galaad, aut resina non est illic (JÉRÉM.,
VIII, 2Z), (1. I037 A).
(2) 3. 1038 B.
(3) Ut quid, rogo, medicus nos ter inter librorum suorum loculos tot
constituit genera pigmelltorum ... (3. I038 B-I039 A).
(4) Surge, quia Medicus advenit ... Quid expavescis ? Quid refugis
curam (16. I053 A) ?
(5) Itane fuit quod lateret Arcbiatrum, cui nequaquam artis suae peri-
tia provideret (3. I039 A) ?
(6) Ecce in ipsius introitu scholae (z. I039 A).
(7) ... qui venenato serpentis dente percussi ... (3. 1039 A).
(8) ... recurre ad scholam Medici (4. 1040 B).
(9) .. .locus ... ubi nihil capiatur amplius, quam medicus et cadaver (1.
I043 C).
(10) ... huic cum sceleris sui nuptiae suadentur; quid aliud dicitur nisi
occidatur, quia vivere aut evadere non poterit de hac plaga (9. I046 B) ?
(II) ... medicaminum species perquiramus (3. 1039 A).
(12) Sed dicis fortasse, Levita est iste qui cecidit: non ei remedii potest
medicina conferri. Erras, frater. .. (4. 1040 A).
LE TEMPÉRAMENT DE BACHIARIUS r09
(1) ... genera pigmentorum (3. I039 A). Pigmentum peut signifier les
« couleurs)), l'onguent de toilette, ou le suc des plantes avec lequel on
compose des poisons ou des remèdes (cfr FIRMICUS MATERNUS, Mathesis,
VIII, 17). - Le pigmentarius était en même temps unguentarius : il
faisait le trafic des couleurs et des parfums (MARQUARDT, La vie privée chez
les Romains, trad. V. Henry, t. II, p. 448, Paris, 1893).
(2) ... ex omnibus emplastris ejus (3. 1039 A) ... malagmate paeni-
tentiae ... (3. 1039 A; 8. IOH A). - Les emplastra et les malagmata for-
ment précisément la matière des deux premiers chapitres des remèdes dans
Cornelius Celse (A. CORN. CELSI, De medicina, L. V, c. 19; éd. C. DA-
REMBERG, p. 172 sqq., Leipzig, Teubner, 1891 (De Emplastris) ; - et
1. c., 1. V, c. 18, p. 166 sqq. (De malagmatis) ; - cfr aussi PLINE, Hist.
Nat., 1. XXXIII, c. 35, 36, 56).
(3) ... cur subterfugis cultellos evangelici ferramenti (16. 1053 B) ? (cfr
aussi, 16. 1053 A) - le mot « ferramentum )), Celse nous l'apprend, est un
terme technique en chirurgie (CELSUS, De medicina, L. VIII, c. IX)
p. 344 (1. 6); L. VIII, c. II, p. 329 (1. 24) ; L. II, c. XVII, p. 63 (1. 34) ;
L. VII, c. XXVI, p. 3IO (1. 23) (éd. Teubner) 1891. - 1. C., L. VII, c.
XX, p. 301 (1. 21) scalpello curari ... - Déjà dans le De fide Bachiarius
parlait d'amputation: ... parte disecta (De fide, 3. PL, t. XX, col. 1029
A) ; et membro amputato (ibid.).
(4) ... scissa conglutinat (1. 1039 B). Cfr CELSE, De medicina, L. VIII,
c. IX, 1. C., p. 343 (1. 23) ... cui cocta quoque resina adjecta sit ... - le
mot « glutinare)) est tout à fait médical (CELSE, De medicina, L. VII,
c. XX, 1. C., p. 301 (1. 1) ; L. VII, c. XXV, 1. C., p. 305 (1. 30); L. VII. c.
XXVIII, 1_ C., p. 316 (1. 8) '" « glutinatis oris ... JJ. L. VI, c. VII, 1. C.,
p. 244 (1. 3) ... specillum lana involutum in resinam quam glutinosissimam.
- Cfr aussi PLINE, Hist. nat. L. XXIX, c. I I : vulnera candido (ovorum)
glutinari.
(5) CalOT autem adiuvat omnia, quae frigus infestat ... praecipueque
ea ulcera, quae ex frigore sunt (CELSE, De medicina, L. l, c. IX, 1. C., p.
25 (1. 28 sqq.).
lIO CHAPITRE V
(1) C'est la lentille rouge que Celse cite en premier lieu, celle que les
gens appellent « semion» (u'1}!-,Eîov) « quum sit ea lenticula rubicundior et
inaequalior» (De medicina, L. VI, cap. V, 1. c., p. 224).
(2) Les sauveteurs de Jérémie utilisèrent des lambeaux d'étoffe pour évi-
ter de blesser le prophète aux bras, en le retirant du puits avec des cordes
(6. 1042 A). - La charpie était très recherchée par les médecins. Une
épigramme attribuée à Lucilius, nous montre un médecin faisant un pacte
avec l'ensevelisseur le « pollinctor », c. à. d. celui qui entourait le cadavre
de linges et l'emmaillottait (cfr PRUDENCE, Cathemerinon, X, 49 sqq. ;
PL, t. LIX, col. 880: Candore nitentia claro - Praetendere lintea mos
est ... ). Le médecin s'engageait à faire mourir tous les malades confiés
à ses soins et à fournir ainsi de la besogne au «pollinctor ». Celui-ci, à
charge de réciprocité, devait soustraire une partie des vieux linges (1T"a-
!-,wvas') qu'on lui fournissait pour l'ensevelissement, et les passer au médecin
pour ses pansements (cfr SA.UMA.ISE, Hist. Augusta, In Flavium VoPiscum,
p. 346. Paris, 1620). - Voir l'épigramme dans l'Anthologie de Jacobs, t.
III, ep. 96, p. 137 (parmi les diiJu1T01'a); - pour les « panni » voir aussi
CELSE, De medicina, L. VII, c. XXIX, 1. C., p. 319 (1. 2).
(3) •.. ac pro verbo sponsi velut caecus effectus, salivam jejunii oris quae
in terram projicitur et conculcatur. .. (17. I055 A). Le passage fait allu-
sion à S. JEA.N, IX, 6, expuit in terram ... ; mais là le mot « à jeun)) ne se
trouve pas. - Cfr PLINE, Hist. nat., L. XXVIII, c. XXXII: mulieris
quo que salivam jej~trtae potentem dijudicant oculis cruentatis.
(4) ... Velox erat sic'ut cerv1;ts ; id est, qui non solum ... verum etiam ser-
pentium, hoc est, adversariarum virtutum interlector exstitit (8. 1045 A,
B). - Cfr CASSIUS FELIX, De medicina (éd. Rose), c. LXX, p. r68. Leipzig
(Teubner), 1879.
(5) Le Psaume LVIII, 'j.r 5 lui suggère peut-être la comparaison.
Au dire d'Ammien Marcellin, d'après un texte cité par Du CA.NGE (Glos-
sarium mediae et infimae latinitatis, 2 e éd. par L. Favre, t. IV, p. 318,
Niort, 1885), l'incantamentum était employé pour soulager les douleurs.
Sur l'importance qu'on attribuait à la voix, à 1'« incantation», voir MAs-
PÉRO, Études de mythologie et d'archéologie égyptiennes, t. II, p. 373, cité
par P. FOUCARD, Les mystères d'Éleusis, p. 149-15°. Paris, 1914.
LE TEMPÉRAMENT DE BACHIARIUS III
(1) 9. 1045 B: ... cura dignum; 16. 1053 B: ... quid refugis curam ?
8. 1044 A : ... curetur, l'ogo, quia adhuc palpitat ; I6. 1053 B : ... curandam
plagam.
(2) ... si forte visitaverit (Jo. 1°46 A).
(3) Vulnus et vulneratus reviennent sans cesse dans le De lapso.
Plaga: JO. 1046 B: evadere de hac plaga; 4. 1040 A: ... plaga populi
vttlnusque describitur; 10. 1047 B: ... bellatol'em cicatricum suarum
plaga commendat; 16. 1053 A: ... curandam plagam ipsius cicatricis.
(4) ... id non jugulat (CELSE, De mediçina, L. VIII, c. XIV, 1. C., p.
355, 1. 19).
(5) ... medicus eam liberet (CELSE, De medicina, L. VII, c. XX; 1. c.
p. 301, 1. 25).
(6) ApULÉE, De medicaminibus herbarum, cap. C, z: ~ ad livores tollendos».
(7) Dans le De fide Bachiarius avait déjà signalé la Cc nodorum compago »
(2 ; PL, t. XX, <01. 1024 B).
(8) fistula linguae, c'est-à-dire qui laisse passer la langue. Celse dit dans
le même sens" fistula urinae» (CELSE, De medicina, L. II, c. VIII, p. 47
l. 17). Cfr encore CELSE, ibid., L. VII, c. XV, p. 292; et PLINE, Hist.
Nat., L. XI, c. 66, I.
(9) ... quos ecc1esiastici fontis uterus et secreti ac perPle:>:i v·ulva mysterii
parturivit; quos natos Crucis cuna suscepit, Evangelii mamiUa lactavit
(22. 1061 A) ?
II2 CHAPITRE V
l'épine dorsale (r) : la lèpre (< cariosa» et (< tinniens» (2); et la trans-
fusion par le sang (3). On sait que le langage médical n'est généra-
lement pas très prude, pas plus que ne l'était celui des gnostiques.
On comprend ainsi pourquoi Bachiarius trouve presque naturel
de s'exprimer avec un réalisme qui va jusqu'à la crudité, quand
il parle de certaines parties du corps, des effets de la passion
charnelle ou des relations conjugales (4).
Nous en avons dit assez, pour montrer que Bachiarius aime à
sertir ses idées dans des images et des métaphores tirées de l'am-
phithéâtre, de la médecine et du mariage. Ce goût qui se main-
feste d'un bout à l'autre du De lapso, suppose chez l'auteur un
tempérament violent, dur et, il faut bien le dire, quelque peu
sensuel. On regrette de ne pas trouver assez chez lui cette bonté
de cœur qui apaise et guérit les plaies; cette noblesse d'âme
qui rend la fierté et la confiance à '<5eux qui sont tombés.
***
Bachiarius est un rhéteur excellent. Il connaît tous les procédés
et toutes les ressources de la rhétorique. Ce qu'on doit admirer
chez lui c'est la clarté du plan, le naturel et l'équilibre des déve-
loppements, l'ordonnance des arguments qu'il dispose comme un
général d'armée ferait de ses bataillons, pour envelopper l'en-
nemi et briser toutes les résistances. Ce qui menaçait de faire
échouer sa' tentative de sauvetage, c'était le projet d'un mariage
scandaleux: aussi c'est là que notre rhéteur porte tout le poids
de son attaque. Merveilleuse surtout est la vie qui anime tout ce
traité. C'est une lutte corps à corps où l'ascète veut vaincre à
tout prix: il interpelle Janvier et le lapsus, il les fixe du regard,
il entend leurs objections; à peine les a-t-il recueillies sur leurs
lèvres qu'il s'en empare et s'acharne sur elles pour les anéantir.
Dans cette sorte de dialogue Bachiarius fait appel à tous les
sentiments: il argumente, il prie, il supplie, il commande, il
(1) ... processit frater nobiscum in praelio ... (2. 1038 A).
(2) 10. 1047 A: Hi ergo exhilarantur, cum audiant ruinam militis
Christi.
(3) •.. ac si tu ad nos fortasse venire confunderis, manda; et ego ad
ducendum te sine dilatione properabo (17. 1054 C).
8
CHAPITRE V
>1<
* *
Dans notre étude sur le De fide nous avons jadis fait remarquer
combien notre ascète aime à voiler sa pensée sous des méta-
phores, pour laisser à la « perspicacia » de ses lecteurs le plaisir de
la deviner. Sa riposte adressée à saint Jérôme, en utilisant
l'image du dieu Dagon, est un modèle du genre. Le De lapso
nous offre, semble-t-il, un autre spécimen de ce procédé.
Bachiarius était assurément priscillianisant; il observe pour-
tant dans ses expressions l'orthodoxie la plus irréprochable.
Au fond de son cœur il restait l'admirateur de Priscillien; bien
plus, si nous entendons bien un passage du De lapso, il le vénérait
comme un martyr.
D'après la définition que nous pouvons recueillir dans le De
lapso, le martyre est la souffrance endurée pour le Christ. Et
comme par ailleurs David est identifié avec le Christ, tous ceux
qui meurent pour David ou pour sa cause sont déclarés martyrs.
Or, parmi tant d'exemples, Bachiarius choisit celui du prêtre Achi-
melech et des siens mis à mort par le roi Doëg (1 Sam., XXII,
r8 sqq.), et il termine par ces mots: « Et quid est hoc, nisi forma
martyrii, ut quos grave peccati crimen involverat, mors pro
Christo illata liberaret» (6. Iü42 B) ? Achimelech pourrait bien
n'être qu'un pseudonyme de Priscillien. En effet, Priscillien et
les siens avaient été accusés, eux aussi, de crimes abominables
(grave peccati crimen) ; c'est un souverain également qui avait
ordonné leur mort; de plus les victimes étaient considérées et
vénérées comme de vrais martyrs (forma martyrii). Bachia-
rius ne pouvait pas insinuer plus adroitement ni manifester avec
moins de risques, l'attachement au grand ascète qui l'avait séduit
et entraîné plus ou moins dans son sillage.
CONCLUSION