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UFR droit

Année universitaire 2021/2022

Travaux dirigés de droit administratif


Cours de M. Tourbe
Travaux dirigés de Mme Le Berre

Séances 7 à 9

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UFR droit
Année universitaire 2021/2022
Droit administratif – Les principes et le juge
Cours de M. Tourbe
Documents de travaux dirigés

Séance n° 7 :
Le pouvoir réglementaire

† DOCUMENTS

I. Fondements

• Document 1 : CE, 8 août 1919, Labonne, n° 56377 (GAJA, n° 33)


• Document 2 : CE, sect., 7 février 1936, Jamart, n° 43321 (GAJA, n° 44), comm. Daniel
Mockle (Les grands arrêts politiques de la jurisprudence administrative, dir. T. Perroud,
LGDJ, 2019, p. 202 et s., extraits)
• Document 3 : CE, avis n° 60.497 du 6 février 1953 (extrait)
• Document 4 : Constitution du 4 octobre 1958, extraits

II. L’exercice du pouvoir réglementaire – illustrations

• Document 5 : CE, 28 juillet 2000, Association France Nature Environnement, n° 204024


• Document 6 : CE, 27 mai 2021, n° 441660
• Document 7 : CE, 20 octobre 2021, n° 445502
• Document 8 : CAA Nancy, 19 octobre 2021, n° 19NC01266

III. L’état d’urgence sanitaire et les compétences réglementaires

• Document 9 : Code de la santé publique, Partie législative, Troisième partie, Livre 1er,
Titre III, chapitre Ier bis : État d’urgence sanitaire
• Document 10 : CE, 28 janvier 2021, n° 440129
• Document 11 : CE, ord., 1er juin 2021, n° 452502
• Document 12 : CE, 17 juin 2021, n° 440330

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• Document 1 : CE, 8 août 1919, Labonne, n° 56377 (GAJA, n° 33)
Considérant que, si les autorités départementales et municipales sont chargées par les lois,
notamment par celle des 22 décembre 1789-janvier 1790 et celle du 5 avril 1884, de veiller à la
conservation des voies publiques et à la sécurité de la circulation, il appartient au Chef de l'État, en
dehors de toute délégation législative et en vertu de ses pouvoirs propres, de déterminer celles des
mesures de police qui doivent en tout état de cause être appliquées dans l'ensemble du territoire,
étant bien entendu que les autorités susmentionnées conservent, chacune en ce qui la concerne,
compétence pleine et entière pour ajouter à la réglementation générale édictée par le Chef de l'État
toutes les prescriptions réglementaires supplémentaires que l'intérêt public peut commander dans la
localité ;
Considérant, dès lors, que le décret du 10 mars 1899, à raison des dangers que présente la
locomotion automobile, a pu valablement exiger que tout conducteur d'automobile fût porteur d'une
autorisation de conduire, délivrée sous la forme d'un certificat de capacité ; […]

• Document 2 : CE, sect., 7 février 1936, Jamart, n° 43321 (GAJA, n° 44), comm.
Daniel Mockle (Les grands arrêts politiques de la jurisprudence administrative,
dir. T. Perroud, LGDJ, 2019, p. 202 et s., extraits)

Vu la requête et le mémoire présentés par le sieur X... Charles-Émile, docteur en médecine,


demeurant à Paris 6° rue d'Assas n° 22, ladite requête et ledit mémoire enregistrés au Secrétariat du
Contentieux du Conseil d'État les 19 et 24 octobre 1934 et tendant à ce qu'il plaise au Conseil
annuler une décision en date du 7 septembre 1934 par laquelle le Ministre des Pensions lui a interdit
l'accès des centres de réforme ;
Vu les lois des 31 mars 1919, 30 novembre 1892, 21 avril 1933 ; 7-14 octobre 1790 et 24 mai 1872 ;
le décret du 2 septembre 1919 ;
Considérant que si, même dans le cas où les ministres ne tiennent d'aucune disposition législative
un pouvoir réglementaire, il leur appartient, comme à tout chef de service, de prendre les mesures
nécessaires au bon fonctionnement de l'administration placée sous leur autorité, et s'ils peuvent
notamment, dans la mesure où l'exige l'intérêt du service, interdire l'accès des locaux qui y sont
affectés aux personnes dont la présence serait susceptible de troubler le fonctionnement régulier
dudit service, ils ne sauraient cependant, sauf dans des conditions exceptionnelles, prononcer, par
une décision nominative, une interdiction de cette nature contre les personnes qui sont appelées à
pénétrer dans les locaux affectés au service pour l'exercice de leur profession ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les lettres adressées par le sieur X... au ministre des
Pensions, quel qu'ait été leur caractère regrettable, ne contenaient pas de menace précise de nature
à troubler le fonctionnement du centre de réforme de Paris où le requérant, docteur en médecine,
était appelé à pénétrer pour assister, en vertu de l'article 9 paragraphe 5 de la loi du 31 mars 1919,
les anciens militaires bénéficiaires de ladite loi ; que, par suite, en lui interdisant, d'ailleurs sans
limitation de durée, l'accès de tous les centres de réforme, le ministre des Pensions a excédé ses
pouvoirs ; […]

COMMENTAIRE

L’arrêt Jamart figure dans l’étude des grands arrêts du Conseil d’État pour la reconnaissance du
pouvoir réglementaire minimal que peut revendiquer toute autorité administrative investie des
responsabilités de « chef de service ». Il a été abondamment commenté dans la perspective du
pouvoir réglementaire dont peuvent disposer les ministres dans un contexte qui leur est défavorable
puisqu’ils n’ont pas ce type de pouvoir sur le plan constitutionnel. Les lois constitutionnelles de
1875, et également la Constitution de 1946 et celle de 1958, ne reconnaissent aucun pouvoir
autonome aux ministres afin de prendre des mesures réglementaires. Sur ce plan, ils ne peuvent agir
que secundum legem en fonction d’une disposition expresse de la loi. […]

4
Dans le cadre d’une analyse contextuelle où les liens de Jamart avec l’ensemble de la jurisprudence
administrative sont davantage mis en lumière, la signification juridique et politique de cette matière
montre la pérennité de l’État administratif, avec ses pouvoirs, ses prérogatives et ses immunités, par
opposition au récit fondateur que représente la mutation de l’État de lois en État de droit. Avec un
peu de recul, le XXe siècle constitue un moment charnière dans le contexte de la transformation
progressive des conceptions héritées de l’État de police, encore très présentes au XIXe siècle, vers
de nouveaux impératifs liés à la construction de l’État providence. Si la subordination juridique de
l’Administration progresse, notamment avec l’expansion du contrôle juridictionnel, le « pouvoir
administratif » ne disparaît pas pour autant. Contrairement à ce que représente le discours dominant,
la construction de l’État de droit « n’a jamais eu pour effet de placer l’administration dans un état
de complète subordination juridique »1. Cette matière contribue à mettre en lumière cette tension
entre « l’administration servante » et « l’administration gouvernante »2, tension certes éminemment
politique, mais aussi juridique. Cette partie du droit administratif apparaît ainsi comme une
invitation à ne pas perdre de vue ce qui s’inscrit dans la longue durée : dans tous les pays
occidentaux, les administrations publiques sont des organisations et des systèmes d’action qui ont
leurs propres impératifs avec une rationalité qui n’est pas entièrement réductible dans la raison
juridique. […]
En reconnaissant de façon explicite la possibilité pour tout chef de service de prendre les mesures
nécessaires au bon fonctionnement de l’administration placée sous son autorité, le Conseil d’État a
introduit une rupture dans l’approche du pouvoir réglementaire. En permettant de fixer les modalités
d’organisation et de fonctionnement du service public, il ouvrait une dimension nouvelle dans
l’utilisation du pouvoir réglementaire, celle de la réglementation du service fondée sur un pouvoir
inhérent. Contrairement au récit officiel de l’État de droit où les autorités administratives ne font
qu’exercer des compétences juridiques prédéterminées par la loi, c’est davantage la continuité de
l’État administratif qui s’impose comme référentiel.

• Document 3 : CE, avis n° 60.497 du 6 février 1953

Le Conseil d’État (Commission représentant les sections de l’intérieur, des finances, des travaux
publics, la section sociale et la section du contentieux) saisi par M. le ministre d’État de la question
de savoir « quelles sont la définition et la portée exacte de l’interdiction contenue dans l’article 13
de la Constitution, dans quelle mesure le Gouvernement, à ce expressément autorisé par une loi,
peut exercer son pouvoir réglementaire en des matières législatives et, en conséquence, abroger,
modifier ou remplacer des textes de loi par des dispositions réglementaires » ;
Vu la Constitution du 27 octobre 1946,
Considérant qu’aux termes de l’article 13 de la Constitution du 27 octobre 1946 « l’Assemblée
nationale vote seule la loi. Elle ne peut déléguer ce droit » ;
Considérant qu’il ressort des débats ayant précédé l’adoption de cette disposition, dont le principe
figurait déjà dans l’article 55 du projet de Constitution élaboré par la première Assemblée nationale
constituante, ainsi que de la procédure organisée aux articles 14 et suivants de la Constitution pour
la discussion et le vote des lois, que les auteurs de ce texte ont entendu interdire le recours aux
décrets pris en vertu des lois de pleins pouvoirs telles qu’elles furent votées sous la IIIe République ;
Considérant d’autre part que le législateur peut, en principe, déterminer souverainement la
compétence du pouvoir réglementaire ; qu’il peut, à cette fin, décider que certaines matières
relevant de la compétence du pouvoir législatif entreront dans la compétence du pouvoir
réglementaire ; que les décrets pris en ces matières peuvent modifier, abroger ou remplacer des

1
Jacques CHEVALLIER, Science administrative, 5e éd., PUF, Paris, 2013, p. 260.
2
François BURDEAU, Histoire de l’administration française. Du XVIII au XXe siècle, Paris, Montchrestien,
1989, p. 251.

5
dispositions législatives ; qu’ils pourront être eux-mêmes modifiés par d’autres décrets jusqu’à ce
que le législateur évoque à nouveau les matières en question dans des conditions excluant
dorénavant la compétence du pouvoir réglementaire ;
Considérant toutefois que certaines matières sont réservées à la loi soit en vertu des dispositions de
la Constitution, soit par la tradition constitutionnelle républicaine résultant notamment du
Préambule de la Constitution et de la Déclaration des droits de l’Homme de 1789, dont les principes
ont été réaffirmés par le Préambule ; que le législateur ne peut, dès lors, étendre à ces matières la
compétence du pouvoir réglementaire ; mais qu’il se borne à poser les règles essentielles en laissant
au Gouvernement le soin de les compléter ;
Considérant enfin, qu’en vertu de l’article 3 de la Constitution, la souveraineté nationale appartient
au peuple français qui « l’exerce par ses députés à l’Assemblée nationale, en toutes autres matières
que les matières constitutionnelles » ; que l’extension de la compétence du pouvoir réglementaire
serait contraire à l’article 3 si, par sa généralité et son imprécision, elle manifestait la volonté de
l’Assemblée nationale d’abandonner au Gouvernement l’exercice de la souveraineté nationale.
Est d’avis qu’il y a lieu de répondre à la question posée dans le sens des observations qui précèdent.

• Document 4 : Constitution du 4 octobre 1958, extraits


Article 13

Le Président de la République signe les ordonnances et les décrets délibérés en Conseil des
ministres. […]

Article 21

Le Premier ministre dirige l'action du Gouvernement. Il est responsable de la Défense nationale. Il


assure l'exécution des lois. Sous réserve des dispositions de l'article 13, il exerce le pouvoir
réglementaire et nomme aux emplois civils et militaires.

Il peut déléguer certains de ses pouvoirs aux ministres. […]

Article 37

Les matières autres que celles qui sont du domaine de la loi ont un caractère réglementaire.

Les textes de forme législative intervenus en ces matières peuvent être modifiés par décrets pris
après avis du Conseil d'État. Ceux de ces textes qui interviendraient après l'entrée en vigueur de la
présente Constitution ne pourront être modifiés par décret que si le Conseil constitutionnel a déclaré
qu'ils ont un caractère réglementaire en vertu de l'alinéa précédent.

Article 72
[…]
Dans les conditions prévues par la loi, [les collectivités territoriales] s'administrent librement par
des conseils élus et disposent d'un pouvoir réglementaire pour l'exercice de leurs compétences.
Dans les conditions prévues par la loi organique, et sauf lorsque sont en cause les conditions
essentielles d'exercice d'une liberté publique ou d'un droit constitutionnellement garanti, les
collectivités territoriales ou leurs groupements peuvent, lorsque, selon le cas, la loi ou le règlement
l'a prévu, déroger, à titre expérimental et pour un objet et une durée limités, aux dispositions
législatives ou réglementaires qui régissent l'exercice de leurs compétences. […]

6
• Document 5 : CE, 28 juillet 2000, Association France Nature Environnement, n°
204024
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 29 janvier 1999 et 18 mai
1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présentés par l'ASSOCIATION FRANCE
NATURE ENVIRONNEMENT dont le siège est ... Chevreul, Muséum d'histoire naturelle à Paris
cedex 05 (75231) ; l'ASSOCIATION FRANCE NATURE ENVIRONNEMENT demande au
Conseil d'État :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le Premier ministre a rejeté sa
demande tendant à ce que soient édictés les décrets d'application prévus à l'article 2 de la loi du 3
janvier 1986, relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral et au paragraphe
IV de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme ;
2°) d'enjoindre au Premier ministre d'édicter ces décrets dans un délai de quatre mois à compter de
la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 10 000 F par jour de retard ;
[…]
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution du 4 octobre 1958, notamment ses articles 13, 21, 37 et 55 ;
[…]
Considérant qu'en vertu de l'article 21 de la Constitution, le Premier ministre "assure l'exécution
des lois" et "exerce le pouvoir réglementaire" sous réserve de la compétence conférée au Président
de la République pour les décrets délibérés en Conseil des ministres par l'article 13 de la
Constitution ; que l'exercice du pouvoir réglementaire comporte non seulement le droit, mais aussi
l'obligation de prendre dans un délai raisonnable les mesures qu'implique nécessairement
l'application de la loi, hors le cas où le respect des engagements internationaux de la France y ferait
obstacle ;
Sur les conclusions dirigées contre la décision implicite refusant de prendre le décret mentionné à
l'article 2 de la loi du 3 janvier 1986 :
Considérant que la loi du 3 janvier 1986 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur
du littoral énonce dans son article 2 que sont considérés comme "communes littorales" au sens de
ladite loi les communes de métropole et des départements d'outre-mer qui, soit sont "riveraines des
mers et océans, des étangs salés, des plans d'eau intérieurs d'une superficie supérieure à 1000
hectares", soit "sont riveraines des estuaires et des deltas lorsqu'elles sont situées en aval de la limite
de salure des eaux et participent aux équilibres économiques et écologiques littoraux" ; que, pour
cette seconde catégorie, il est spécifié que "la liste de ces communes est fixée par décret en Conseil
d'État, après consultation des conseils municipaux intéressés" ; qu'en outre, ainsi qu'il est dit à
l'article L. 146-1 ajouté au code de l'urbanisme par la loi du 3 janvier 1986, le chapitre VI du texte
IV du livre Ier de ce code qui comporte des "dispositions particulières au littoral" s'applique "dans
les communes littorales définies à l'article 2 de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986" ;
Considérant que les dispositions législatives mentionnées ci-dessus ne laissent pas à la libre
appréciation du Premier ministre l'édiction du décret dont elles prévoient l'intervention ; qu'en dépit
des difficultés rencontrées par l'administration dans l'élaboration de ce texte, son abstention à le
prendre s'est prolongée très largement au-delà d'un délai raisonnable ; que, dans ces conditions, la
décision implicite par laquelle le Premier ministre a refusé d'édicter le décret prévu par l'article 2
de la loi du 3 janvier 1986 ne peut qu'être annulée ;
Sur les conclusions dirigées contre la décision implicite refusant de prendre le décret mentionné
au IV de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme :
Considérant qu'en vertu du II de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme, "l'extension limitée de
l'urbanisation des espaces proches du rivage ( ...) doit être justifiée et motivée, dans le plan
d'occupation des sols, selon des critères liés à la configuration des lieux ou à l'accueil d'activités
économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau ( ...)" ; qu'aux termes du III du même article :
"En dehors des espaces urbanisés, les constructions et installations sont interdites sur une bande

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littorale de cent mètres à compter de la limite haute du rivage ( ...)" ; que, selon le IV de l'article L.
146-4, les dispositions des paragraphes II et III "s'appliquent aux rives des estuaires les plus
importants, dont la liste est fixée par décret en Conseil d'État" ;
Considérant que l'intervention du décret ainsi prévu est une condition nécessaire à l'application des
dispositions législatives en cause aux rives des estuaires ; qu'en dépit des difficultés rencontrées par
l'administration dans l'élaboration de ce texte, son abstention à le prendre s'est prolongée très
largement au-delà d'un délai raisonnable ; que, dans ces conditions, la décision implicite par laquelle
le Premier ministre a refusé d'édicter ce décret ne peut qu'être annulée ;
Sur les conclusions tendant à la prescription de mesures d'exécution et au prononcé d'une
astreinte :
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 6-1 ajouté à la loi du 16 juillet 1980 par la
loi du 8 février 1995 : "Lorsqu'il règle un litige au fond par une décision qui implique
nécessairement une mesure d'exécution dans un sens déterminé, le Conseil d'État, saisi de
conclusions en ce sens, prescrit cette mesure et peut assortir sa décision d'une astreinte à compter
d'une date qu'il détermine." ;
Considérant que l'annulation de la décision du Premier ministre refusant de prendre les décrets
mentionnés à l'article 2 de la loi du 3 janvier 1986 et au paragraphe IV de l'article L. 146-4 du code
de l'urbanisme, implique nécessairement l'édiction de ces décrets ; qu'il y a lieu pour le Conseil
d'État d'ordonner cette édiction dans un délai de 6 mois ; que, compte tenu des circonstances de
l'espèce, il y a lieu de prononcer contre l'État, à défaut pour lui de justifier de l'édiction desdites
mesures dans le délai prescrit, une astreinte 1 000 F par jour jusqu'à la date à laquelle la présente
décision aura reçu exécution ; […]

Article 1er : La décision implicite née le 29 novembre 1998 par laquelle le Premier ministre a refusé
de prendre les décrets prévus à l'article 2 de la loi du 3 janvier 1986 et au paragraphe IV de l'article
L. 146-4 du code de l'urbanisme est annulée.
Article 2 : Il est enjoint au Premier ministre de prendre les décrets prévus à l'article 2 de la loi du 3
janvier 1986 et au paragraphe IV de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme dans un délai de six
mois à compter de la notification de la présente décision.
Article 3 : Une astreinte de 1 000 F par jour est prononcée à l'encontre de l'État s'il n'est pas justifié
de l'exécution de la présente décision dans le délai mentionné à l'article 2 ci-dessus. Le Premier
ministre communiquera au secrétariat du contentieux du Conseil d'État copie des actes justifiant des
mesures prises pour exécuter la présente décision. […]

• Document 6 : CE, 27 mai 2021, n° 441660

Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 8 juillet 2020 et 30 avril 2021 au
secrétariat du contentieux du Conseil d'État, l'association Compassion in World Farming France
(CIWF) demande au Conseil d'État :
1°) d'annuler la décision implicite par laquelle le Premier ministre a refusé d'édicter le décret prévu
par l'article L. 214-11 du code rural et de la pêche maritime ;
2°) d'enjoindre au Premier ministre de prendre ce décret dans un délai de six mois, sous astreinte
de 200 euros par jour de retard.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la Constitution, notamment, son article 21 ;
- le code de l'environnement ;

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- le code rural et de la pêche maritime ;
- la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 ;
- le code de justice administrative et le décret 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
[…]

Considérant ce qui suit :


1. Par une lettre reçue le 23 décembre 2019, l'association CWIF France a demandé au Premier
ministre de prendre les mesures nécessaires à la mise en œuvre de l'article L. 214-11 du code rural
et de la pêche maritime, dans sa rédaction résultant de l'article 66 de la loi du 30 octobre 2018 pour
l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation
saine, durable et accessible à tous. Elle demande l'annulation pour excès de pouvoir du refus
implicite qui lui a été opposé, résultant du silence gardé pendant plus de deux mois sur sa demande.

Sur les conclusions à fin d'annulation :


2. En vertu de l'article 21 de la Constitution, le Premier ministre " assure l'exécution des lois " et "
exerce le pouvoir réglementaire " sous réserve de la compétence conférée au Président de la
République pour les décrets en Conseil des ministres par l'article 13 de la Constitution. L'exercice
du pouvoir réglementaire comporte non seulement le droit mais aussi l'obligation de prendre dans
un délai raisonnable les mesures qu'implique nécessairement l'application de la loi, hors le cas où
le respect d'engagements internationaux de la France y ferait obstacle.
3. L'effet utile de l'annulation pour excès de pouvoir du refus du pouvoir réglementaire de prendre
les mesures qu'implique nécessairement l'application de la loi réside dans l'obligation, que le juge
peut prescrire d'office en vertu des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice
administrative, pour le pouvoir réglementaire, de prendre ces mesures. Il s'ensuit que lorsqu'il est
saisi de conclusions aux fins d'annulation du refus d'une autorité administrative d'édicter les mesures
nécessaires à l'application d'une disposition législative, le juge de l'excès de pouvoir est conduit à
apprécier la légalité d'un tel refus au regard des règles applicables et des circonstances prévalant à
la date de sa décision.
4. En premier lieu, l'article L. 214-11 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction
résultant de l'article 66 de la loi du 30 octobre 2018, prévoit que : " La mise en production de tout
bâtiment nouveau ou réaménagé d'élevage de poules pondeuses élevées en cages est interdite à
compter de l'entrée en vigueur de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations
commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible
à tous. / Les modalités d'application du présent article sont définies par décret. " Eu égard à
l'incertitude affectant en l'espèce la portée de la notion de " bâtiment réaménagé " d'élevage de
poules pondeuses, au sens de ces dispositions législatives en interdisant la mise en production, ces
dispositions ne sont pas suffisamment précises pour permettre leur entrée en vigueur en l'absence
du décret d'application dont elles prévoient d'ailleurs l'intervention.
5. En second lieu, à la date de la présente décision, il s'est écoulé plus de deux ans et demi depuis
l'entrée en vigueur de la loi du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le
secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous. Le retard dans
l'adoption des dispositions réglementaires nécessaires à l'application de l'article L. 214-11 du code
rural et de la pêche maritime, issu de cette loi, excède ainsi le délai raisonnable qui était imparti au
pouvoir réglementaire pour prendre le décret prévu à cet article.
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de la requête,
que l'association CIWF France est fondée à soutenir que la décision du Premier ministre refusant
de prendre le décret d'application de l'article L. 214-11 du code rural et de la pêche maritime est
illégale et doit être annulée.

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :


7. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique
nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la
gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction,
saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant,

9
d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. ". Aux termes
de l'article L. 911-3 du même code : " La juridiction peut assortir, dans la même décision,
l'injonction prescrite (...) d'une astreinte (...) dont elle fixe la date d'effet ".
8. L'annulation de la décision refusant de prendre le décret mentionné à l'article L. 214-11 du code
rural et de la pêche maritime implique nécessairement l'édiction de ce décret. Il y a donc lieu pour
le Conseil d'État d'enjoindre au Premier ministre de prendre ce décret dans un délai de six mois à
compter de la notification de la présente décision et, dans les circonstances de l'espèce, de prononcer
à l'encontre de l'État, à défaut pour le Premier ministre de justifier de l'édiction de ce décret dans le
délai prescrit, une astreinte de 200 euros par jour de retard jusqu'à la date à laquelle la présente
décision aura reçu exécution.

DECIDE:
--------------
Article 1er : La décision implicite par laquelle le Premier ministre a refusé de prendre le décret
prévu à l'article L. 214-11 du code rural et de la pêche maritime est annulée.
Article 2 : Il est enjoint au Premier ministre de prendre le décret prévu à l'article L. 214 - 11 du code
rural et de la pêche maritime dans un délai de six mois à compter de la notification de la présente
décision.
Article 3 : Une astreinte de 200 euros par jour est prononcée à l'encontre de l'État s'il n'est pas
justifié de l'exécution de la présente décision dans le délai mentionné à l'article 2 ci-dessus. Le
Premier ministre communiquera au secrétariat du contentieux du Conseil d'État copie des actes
justifiant des mesures prises pour exécuter la présente décision. […]

• Document 7 : CE, 20 octobre 2021, n° 445502

Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 445502, par une requête, une requête rectificative et un nouveau mémoire, enregistrés
les 20 octobre et 18 novembre 2020 et le 27 septembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil
d'État, la Caisse d'assurance vieillesse des officiers ministériels, des officiers publics et des
compagnies judiciaires (CAVOM) demande au Conseil d'État :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision de rejet implicite de sa demande, reçue le 30
décembre 2019 par le ministre de la santé et des solidarités, tendant à l'édiction du décret prévu à
l'article 43 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions
judiciaires et juridiques, dans sa rédaction issue de l'article 8 de la loi n° 2011-94 du 25 janvier 2011
portant réforme de la représentation devant les cours d'appel ;
2°) d'enjoindre au Premier ministre d'édicter, dans un délai de deux mois, le décret prévu à l'article
43 de la loi du 31 décembre 1971, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ; […]
....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;


Vu :
- la Constitution ;
- l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 ;
- la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ;
- la loi n° 2011-94 du 25 janvier 2011 ;
- le code de justice administrative ;
[…]

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Considérant ce qui suit :
1. La loi du 25 janvier 2011 portant réforme de la représentation devant les cours d'appel a supprimé
la profession d'avoué près les cours d'appel. L'article 8 de cette loi a complété l'article 43 de la loi
du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, qui dispose
désormais, dans sa rédaction applicable au litige, que : " Les obligations de la caisse d'allocation
vieillesse des officiers ministériels, des officiers publics et des compagnies judiciaires au titre du
régime de base et du régime complémentaire sont prises en charge par la caisse nationale des
barreaux français, dans des conditions fixées par décret, en ce qui concerne les personnes exerçant
à la date d'entrée en vigueur de la présente loi ou ayant exercé avant cette date la profession d'avoué
près les tribunaux de grande instance ou la profession d'agréé près les tribunaux de commerce, ainsi
que leurs ayants droit. / La Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales et la
caisse d'assurance vieillesse des officiers ministériels, des officiers publics et des compagnies
judiciaires au titre du régime de base, du régime complémentaire et du régime invalidité-décès
restent tenues aux obligations dont elles sont redevables en ce qui concerne les personnes exerçant
à la date d'entrée en vigueur du chapitre Ier de la loi n° 2011-94 du 25 janvier 2011 portant réforme
de la représentation devant les cours d'appel ou ayant exercé avant cette date la profession d'avoué
près les cours d'appel, leurs conjoints collaborateurs ainsi que leurs ayants droit. / Les transferts
financiers résultant de l'opération sont fixés par convention entre les caisses intéressées et, à défaut,
par décret. Ils prennent en compte les perspectives financières de chacun des régimes ".
2. Par deux requêtes, qu'il y a lieu de joindre pour statuer par une même décision, la Caisse
d'assurance vieillesse des officiers ministériels, des officiers publics et des compagnies judiciaires
(CAVOM) demande l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite refusant de faire
droit à sa demande, reçue par le ministre des solidarités et de la santé le 30 décembre 2019, tendant
à ce que le décret prévu par le dernier alinéa de l'article 43 de la loi du 31 décembre 1971, qui a
vocation à comporter des mesures réglementaires, soit édicté.
3. L'exercice du pouvoir réglementaire comporte non seulement le droit, mais aussi l'obligation de
prendre dans un délai raisonnable les mesures qu'implique nécessairement l'application de la loi,
hors le cas où le respect des engagements internationaux de la France y ferait obstacle.
4. Il résulte des dispositions du dernier alinéa de l'article 43 de la loi du 31 décembre 1971, issues
de l'article 8 de la loi du 25 janvier 2011, que le législateur a entendu que, compte tenu des
obligations respectives qu'il attribuait désormais, du fait de la suppression de la profession d'avoué
près les cours d'appel, à la CAVOM, à la Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions
libérales et à la Caisse nationale des barreaux français au titre du régime d'assurance vieillesse de
base, du régime complémentaire et du régime invalidité-décès, les caisses intéressées puissent
convenir entre elles des transferts financiers devant résulter de cette opération, le pouvoir
réglementaire devant toutefois intervenir à défaut de convention entre ces caisses. Ces dispositions
ne laissent pas à la libre appréciation du Premier ministre l'édiction du décret dont elles prévoient
l'intervention à défaut d'une telle convention. Son abstention à prendre ce texte réglementaire s'est,
alors qu'il est constant qu'aucune convention n'a été conclue et qu'il n'existe depuis 2014 aucune
perspective qu'elle le soit, prolongée au-delà du délai raisonnable dans lequel elles auraient dû être
prises. Dans ces conditions, et alors même que l'absence du décret litigieux n'a pas fait obstacle à
l'entrée en vigueur des autres dispositions de la loi, la CAVOM est fondée à soutenir que le refus
de prendre le décret prévu au dernier alinéa de l'article 43 de la loi du 31 décembre 1971 est illégal
et à en demander l'annulation.
5. L'annulation du refus de prendre le décret prévu par le dernier alinéa de l'article 43 de la loi du
31 décembre 1971 implique nécessairement l'édiction de ce décret. Dans les circonstances de
l'espèce, il y a lieu d'enjoindre au Premier ministre de prendre ce décret dans un délai de neuf mois
à compter de la notification de la présente décision, à défaut de conclusion dans ce laps de temps
de la convention prévue par les mêmes dispositions, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction
d'une astreinte.
[…]

11
DECIDE:
--------------
Article 1er : La décision implicite par laquelle le Premier ministre a refusé de prendre le décret
prévu par le dernier alinéa de l'article 43 de la loi du 31 décembre 1971 est annulée.
Article 2 : Il est enjoint au Premier ministre de prendre le décret prévu par le dernier alinéa de
l'article 43 de la loi du 31 décembre 1971 dans un délai de neuf mois à compter de la notification
de la présente décision, sous réserve que, dans ce délai, la convention prévue par cet article n'ait pas
été conclue entre les caisses intéressées. […]

• Document 8 : CAA Nancy, 19 octobre 2021, n° 19NC01266

Vu :
- la Constitution ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de la sécurité intérieure ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n°85-565 du 30 mai 1985 ;
- le décret n° 2001-1382 du 31 décembre 2001 ;
- le code de justice administrative.
[…]

Considérant ce qui suit :


1. Par une délibération du 19 décembre 2017, publiée le 22 décembre suivant, le conseil
d'administration du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de la Moselle a adopté
un règlement relatif à la mise en œuvre de l'exercice du droit de grève des sapeurs-pompiers
professionnels exerçant au sein de cet établissement. Par trois courriers des 11 janvier, 8 février et
19 février 2018, le syndicat CGT des personnels du service départemental d'incendie et de secours
de la Moselle, le syndicat national des sapeurs-pompiers et des personnels administratifs, techniques
et spécialisés de la Moselle et le syndicat CFDT Interco Moselle ont demandé chacun le retrait de
cette délibération. Les 26 février et 27 avril 2018, le président du conseil d'administration du service
départemental d'incendie et de secours de la Moselle a refusé d'inscrire à l'ordre du jour du conseil
d'administration le retrait ainsi sollicité. Le syndicat CGT des personnels du service départemental
d'incendie et de secours de la Moselle, le syndicat national des sapeurs-pompiers et des personnels
administratifs, techniques et spécialisés de la Moselle et le syndicat CFDT Interco Moselle ont saisi
chacun le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à l'annulation de la
délibération du 19 décembre 2017. Le service départemental d'incendie et de secours de la Moselle
relève appel du jugement n° 1802839, 1803964 et 1804282 du 26 février 2019, en tant qu'il annule
partiellement les dispositions des lettres d. et g. du b) du point 3) du règlement du 19 décembre
2017.
[…]

Sur le bien-fondé du jugement :


4. D'une part, aux termes du septième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 :
" Le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent ". Aux termes de l'article 10
de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Les fonctionnaires
exercent le droit de grève dans le cadre des lois qui le réglementent. ".
5. En indiquant, dans le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, auquel se réfère le
préambule de la Constitution du 4 octobre 1958, que le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois
qui le réglementent, l'Assemblée constituante a entendu inviter le législateur à opérer la conciliation
nécessaire entre la défense des intérêts professionnels, dont la grève constitue l'une des modalités,
et la sauvegarde de l'intérêt général, auquel elle peut être de nature à porter atteinte. En l'absence de

12
la complète législation ainsi annoncée par la Constitution, la reconnaissance du droit de grève ne
saurait avoir pour conséquence d'exclure les limitations qui doivent être apportées à ce droit, comme
à tout autre, en vue d'en éviter un usage abusif ou contraire aux nécessités de l'ordre public. Si, en
l'état de la législation, il appartient à l'autorité administrative responsable du bon fonctionnement
d'un service public de fixer elle-même, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et
l'étendue de ces limites pour les services placés sous son autorité, seuls les organes dirigeants d'un
établissement public, agissant en vertu des pouvoirs généraux d'organisation des services placés
sous leur autorité, sont, sauf dispositions contraires, compétents pour déterminer ces limitations
pour les services publics dont ils sont chargés. Si ces autorités sont compétentes pour apporter de
telles limitations, c'est dans la mesure où les solutions alternatives à l'exercice d'un tel pouvoir font
défaut.
6. D'autre part, aux termes de l'article L. 723-2 du code de la sécurité intérieure : " Les sapeurs-
pompiers professionnels, qui relèvent des services départementaux d'incendie et de secours, sont
des fonctionnaires territoriaux soumis aux dispositions de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant
droits et obligations des fonctionnaires et de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions
statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans les conditions fixées par l'article 117 de
cette dernière loi, ainsi qu'aux dispositions de l'article L. 1424-9 du code général des collectivités
territoriales. ". Aux termes de l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales : "
Les services d'incendie et de secours sont chargés de la prévention, de la protection et de la lutte
contre les incendies. / Ils concourent, avec les autres services et professionnels concernés, à la
protection et à la lutte contre les autres accidents, sinistres et catastrophes, à l'évaluation et à la
prévention des risques technologiques ou naturels ainsi qu'aux secours d'urgence. / Dans le cadre
de leurs compétences, ils exercent les missions suivantes : 1° La prévention et l'évaluation des
risques de sécurité civile ; 2° La préparation des mesures de sauvegarde et l'organisation des moyens
de secours ; 3° La protection des personnes, des biens et de l'environnement ; 4° Les secours
d'urgence aux personnes victimes d'accidents, de sinistres ou de catastrophes ainsi que leur
évacuation. ".
7. Les missions de sécurité et de secours incombant à un service départemental d'incendie et de
secours en vertu de ces dernières dispositions imposent que ses moyens d'intervention en personnels
et en matériels soient pleinement opérationnels en permanence et sans interruption, fût-elle
momentanée.
8. En premier lieu, aux termes du dernier alinéa du d. du b) du point 3) du règlement du 19 décembre
2017 : " En période où un mouvement de grève national ou local est en cours, l'ensemble des agents
composant les gardes montantes et descendantes pourront être amenés à se présenter au 1er
rassemblement du matin qui a lieu exceptionnellement au croisement de poste sur décision du centre
opérationnel ". Par ces dispositions réglementaires, l'autorité compétente, eu égard aux obligations
de continuité du service public d'incendie et de secours découlant de l'article L. 1424-2 du code
général des collectivités territoriales, a entendu s'assurer, lors des jours de grève, de la présence d'un
nombre suffisant d'agents afin de garantir la mise en place d'un service minimum.
9. Le service départemental d'incendie et de secours de la Moselle fait valoir que les dispositions
en cause, qui présentent un caractère conditionnel, ne concerne que les agents de garde et ceux
n'ayant pas informé leur hiérarchie, quarante-huit heures avant le début mouvement de grève, de
leur intention d'y participer. Toutefois, la portée ainsi donnée par l'administration à l'obligation de
présentation sur le lieu de travail ne résulte pas de ces dispositions, qui énoncent une obligation
générale applicable à " l'ensemble des agents composant les gardes montantes et descendantes ".
Dans ces conditions, en imposant aux agents en grève de se présenter à leur poste de travail, les
dispositions réglementaires en cause portent une atteinte excessive au droit de grève des personnes
concernées et sont en conséquence entachées d'illégalité. Par suite, le moyen ne peut qu'être écarté.
10. En second lieu, aux termes de l'article 2 du décret du 31 décembre 2001, relatif au temps de
travail des sapeurs-pompiers professionnels : " La durée de travail effectif journalier définie à
l'article 1er ne peut pas excéder 12 heures consécutives. Lorsque cette période atteint une durée de
12 heures, elle est suivie obligatoirement d'une interruption de service d'une durée au moins égale
". Aux termes de l'article 3 du même décret : " Par dérogation aux dispositions de l'article 2 relatives
à l'amplitude journalière, une délibération du conseil d'administration du service d'incendie et de

13
secours peut, eu égard aux missions des services d'incendie et de secours et aux nécessités de
service, et après avis du comité technique, fixer le temps de présence à vingt-quatre heures
consécutives. / (...) / Ce temps de présence est suivi d'une interruption de service d'une durée au
moins égale. ".
11. Par ailleurs, aux termes des deux derniers alinéas des dispositions de la lettre g. du b) du point
3) du règlement du 19 décembre 2017 : " En cas de nécessité absolue et sur ordre de l'officier
supérieur CODIS, des agents de la garde descendante pourront être maintenus en service jusqu'à ce
que leur relève soit présente en unité. Cette mesure doit rester exceptionnelle et le service mettra
tout en œuvre pour rappeler du personnel dans les plus brefs délais. / En fonction de l'effectif
nécessaire devant être maintenus, un tirage au sort pourra être réalisé en présence de l'ensemble des
agents de la garde descendante et du chef du centre ou de son représentant afin de déterminer les
agents qui seront maintenus en service. ".
12. Les dispositions précédemment citées, qui prévoient la possibilité, dans certains cas, de
maintenir les agents de la garde descendante en poste jusqu'à ce que leur relève soit présente en
unité, ne fixent aucune limite à la durée de service des personnels concernés et sont susceptibles de
conduire, en cas de grève et en ce qui concerne ces effectifs, au dépassement du volume horaire
fixé par le décret du 31 mai 2001. Le service départemental d'incendie et de secours de la Moselle
se borne à faire valoir qu'un tel dispositif vise à prévenir les risques de désorganisation dans la
constitution de l'équipe du service minimum, résultant notamment des retards dans la prise de
service des personnels rappelés et que les dépassements demeureront exceptionnels et limités dans
le temps. Or, s'il appartient à l'autorité administrative responsable du bon fonctionnement d'un
service public de fixer elle-même la nature et l'étendue des limitations au droit de grève pour les
services dont l'organisation lui incombe, elle ne saurait, dans l'exercice d'une telle compétence,
contrevenir aux dispositions règlementaires régissant les durées de travail et de repos applicables
aux agents. Dans ces conditions et alors que l'existence d'un préavis de 48 heures doit permettre au
service départemental d'incendie et de secours de la Moselle d'anticiper le nombre d'agents
nécessaires à la constitution de l'équipe du service minimum, les dispositions réglementaires en
cause, qui se bornent à prévoir que le maintien en poste des agents de la garde descendante doit
demeurer exceptionnel et s'achever dans les plus brefs délais, sans fixer de limite précise à la durée
de leur service, sont entachées d'illégalité. Par suite, le moyen doit être écarté.
13. Il résulte de tout ce qui précède que le service départemental d'incendie et de secours n'est pas
fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg
a prononcé l'annulation partielle des dispositions des lettres d. et g. du b) du point 3) du règlement
du 19 décembre 2017 et à demander le rejet des demandes présentées en première instance par le
syndicat CGT des personnels du service départemental d'incendie et de secours de la Moselle, par
le syndicat national des sapeurs-pompiers et des personnels administratifs, techniques et spécialisés
de la Moselle et par le syndicat CFDT Interco Moselle.
[…]

DECIDE:
Article 1er : La requête du service départemental d'incendie et de secours de la Moselle est
rejetée. […]

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• Document 9 : Code de la santé publique, Partie législative, Troisième partie,
Livre 1er, Titre III, chapitre Ier bis : État d’urgence sanitaire
NOTA : Conformément à l’article 7 de la loi 2020-290 du 24 mars 2020 : Le chapitre Ier bis du titre III du
livre Ier de la troisième partie du code de la santé publique est applicable jusqu'au 31 décembre 2021.

Article L3131-12
Création LOI n°2020-290 du 23 mars 2020 - art. 2
L'état d'urgence sanitaire peut être déclaré sur tout ou partie du territoire métropolitain ainsi que du
territoire des collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution et de la Nouvelle-
Calédonie en cas de catastrophe sanitaire mettant en péril, par sa nature et sa gravité, la santé de la
population.

Article L3131-13
Création LOI n°2020-290 du 23 mars 2020 - art. 2
L'état d'urgence sanitaire est déclaré par décret en conseil des ministres pris sur le rapport du
ministre chargé de la santé. Ce décret motivé détermine la ou les circonscriptions territoriales à
l'intérieur desquelles il entre en vigueur et reçoit application. Les données scientifiques disponibles
sur la situation sanitaire qui ont motivé la décision sont rendues publiques.
L'Assemblée nationale et le Sénat sont informés sans délai des mesures prises par le Gouvernement
au titre de l'état d'urgence sanitaire. L'Assemblée nationale et le Sénat peuvent requérir toute
information complémentaire dans le cadre du contrôle et de l'évaluation de ces mesures.
La prorogation de l'état d'urgence sanitaire au delà d'un mois ne peut être autorisée que par la loi,
après avis du comité de scientifiques prévu à l'article L. 3131-19.

Article L3131-14
Modifié par LOI n°2020-546 du 11 mai 2020 - art. 2
La loi autorisant la prorogation au delà d'un mois de l'état d'urgence sanitaire fixe sa durée. Il peut
être mis fin à l'état d'urgence sanitaire par décret en conseil des ministres avant l'expiration du délai
fixé par la loi le prorogeant après avis du comité de scientifiques prévu à l'article L. 3131-19. Les
mesures prises en application du présent chapitre cessent d'avoir effet en même temps que prend
fin l'état d'urgence sanitaire.

Article L3131-15
Modifié par LOI n°2021-1040 du 5 août 2021 - art. 6
I. - Dans les circonscriptions territoriales où l'état d'urgence sanitaire est déclaré, le Premier ministre
peut, par décret réglementaire pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, aux seules fins de
garantir la santé publique :
1° Réglementer ou interdire la circulation des personnes et des véhicules et réglementer l'accès aux
moyens de transport et les conditions de leur usage ;
2° Interdire aux personnes de sortir de leur domicile, sous réserve des déplacements strictement
indispensables aux besoins familiaux ou de santé ;
3° Ordonner des mesures ayant pour objet la mise en quarantaine, au sens de l'article 1er du
règlement sanitaire international de 2005, des personnes susceptibles d'être affectées ;

15
4° Ordonner des mesures de placement et de maintien en isolement, au sens du même article 1er, à
leur domicile ou tout autre lieu d'hébergement adapté, des personnes affectées ;
5° Ordonner la fermeture provisoire et réglementer l'ouverture, y compris les conditions d'accès et
de présence, d'une ou plusieurs catégories d'établissements recevant du public ainsi que des lieux
de réunion, en garantissant l'accès des personnes aux biens et services de première nécessité ;
6° Limiter ou interdire les rassemblements sur la voie publique ou dans un lieu ouvert au public
ainsi que les réunions de toute nature, à l'exclusion de toute réglementation des conditions de
présence ou d'accès aux locaux à usage d'habitation ;
7° Ordonner la réquisition de toute personne et de tous biens et services nécessaires à la lutte contre
la catastrophe sanitaire. L'indemnisation de ces réquisitions est régie par le code de la défense ;
8° (abrogé)
9° En tant que de besoin, prendre toute mesure permettant la mise à la disposition des patients de
médicaments appropriés pour l'éradication de la catastrophe sanitaire ;
10° En tant que de besoin, prendre par décret toute autre mesure réglementaire limitant la liberté
d'entreprendre, dans la seule finalité de mettre fin à la catastrophe sanitaire mentionnée à l'article L.
3131-12 du présent code.
II. - Les mesures prévues au 3° du I du présent article ayant pour objet la mise en quarantaine des
personnes susceptibles d'être affectées ne peuvent viser que les personnes qui, ayant séjourné au
cours du mois précédent dans une zone de circulation de l'infection, entrent sur le territoire
hexagonal, arrivent en Corse ou dans l'une des collectivités mentionnées à l'article 72-3 de la
Constitution. La liste des zones de circulation de l'infection est fixée par arrêté du ministre chargé
de la santé. Elle fait l'objet d'une information publique régulière pendant toute la durée de l'état
d'urgence sanitaire. Les mesures prévues au 4° du I du présent article ayant pour objet le placement
et le maintien en isolement des personnes affectées ne peuvent s'appliquer qu'à des personnes ayant
fait l'objet d'un examen de dépistage virologique ou de tout examen médical concluant à une
contamination.
Aux seules fins d'assurer la mise en œuvre des mesures mentionnées au premier alinéa du présent
II, les entreprises de transport ferroviaire, maritime ou aérien communiquent au représentant de
l'État dans le département qui en fait la demande les données relatives aux passagers concernant les
déplacements mentionnés au même premier alinéa, dans les conditions prévues à l'article L. 232-4
du code de la sécurité intérieure.
Les mesures de mise en quarantaine, de placement et de maintien en isolement peuvent se dérouler,
au choix des personnes qui en font l'objet, à leur domicile ou dans un autre lieu d'hébergement. Le
représentant de l'État dans le département peut s'opposer au choix du lieu retenu par l'intéressé s'il
apparaît que ce lieu ne répond pas aux exigences visant à garantir l'effectivité de ces mesures et à
permettre le contrôle de leur application. Dans ce cas, le représentant de l'État dans le département
détermine le lieu de leur déroulement.
Leur durée initiale ne peut excéder quatorze jours. Les mesures peuvent être renouvelées, dans les
conditions prévues au III de l'article L. 3131-17 du présent code, dans la limite d'une durée
maximale d'un mois. Il est mis fin aux mesures de placement et de maintien en isolement avant leur
terme lorsque l'état de santé de l'intéressé le permet.
Dans le cadre des mesures de mise en quarantaine, de placement et de maintien en isolement, il peut
être fait obligation à la personne qui en fait l'objet de :
1° Ne pas sortir de son domicile ou du lieu d'hébergement où elle exécute la mesure, sous réserve
des déplacements qui lui sont spécifiquement autorisés par l'autorité administrative. Dans le cas où
un isolement complet de la personne est prononcé, il lui est garanti un accès aux biens et services
de première nécessité ainsi qu'à des moyens de communication téléphonique et électronique lui
permettant de communiquer librement avec l'extérieur ;

16
2° Ne pas fréquenter certains lieux ou catégories de lieux.
Les personnes et enfants victimes des violences mentionnées à l'article 515-9 du code civil ne
peuvent être mis en quarantaine, placés et maintenus en isolement dans le même logement ou lieu
d'hébergement que l'auteur des violences, ou être amenés à cohabiter lorsque celui-ci est mis en
quarantaine, placé ou maintenu en isolement, y compris si les violences sont alléguées. Lorsqu'il ne
peut être procédé à l'éviction de l'auteur des violences du logement conjugal ou dans l'attente d'une
décision judiciaire statuant sur les faits de violence allégués et, le cas échéant, prévoyant cette
éviction, il est assuré leur relogement dans un lieu d'hébergement adapté. Lorsqu'une décision de
mise en quarantaine, de placement et de maintien en isolement est susceptible de mettre en danger
une ou plusieurs personnes, le préfet en informe sans délai le procureur de la République.
Les conditions d'application du présent II sont fixées par le décret prévu au premier alinéa du I, en
fonction de la nature et des modes de propagation du virus, après avis du comité de scientifiques
mentionné à l'article L. 3131-19. Ce décret précise également les conditions dans lesquelles sont
assurés l'information régulière de la personne qui fait l'objet de ces mesures, la poursuite de la vie
familiale, la prise en compte de la situation des mineurs, le suivi médical qui accompagne ces
mesures et les caractéristiques des lieux d'hébergement.
III. - Les mesures prescrites en application du présent article sont strictement proportionnées aux
risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu. Il y est mis fin sans
délai lorsqu'elles ne sont plus nécessaires.

Article L3131-16
Modifié par LOI n°2020-546 du 11 mai 2020 - art. 4
Dans les circonscriptions territoriales où l'état d'urgence sanitaire est déclaré, le ministre chargé de
la santé peut prescrire, par arrêté motivé, toute mesure réglementaire relative à l'organisation et au
fonctionnement du dispositif de santé, à l'exception des mesures prévues à l'article L. 3131-15,
visant à mettre fin à la catastrophe sanitaire mentionnée à l'article L. 3131-12.
Dans les mêmes conditions, le ministre chargé de la santé peut prescrire toute mesure individuelle
nécessaire à l'application des mesures prescrites par le Premier ministre en application des 1° à 9°
du I de l'article L. 3131-15.
Les mesures prescrites en application du présent article sont strictement nécessaires et
proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu.
Il y est mis fin sans délai lorsqu'elles ne sont plus nécessaires.

Article L3131-17
Modifié par LOI n°2021-1040 du 5 août 2021 - art. 6
I. - Lorsque le Premier ministre ou le ministre chargé de la santé prennent des mesures mentionnées
aux articles L. 3131-15 et L. 3131-16, ils peuvent habiliter le représentant de l'État territorialement
compétent à prendre toutes les mesures générales ou individuelles d'application de ces dispositions.
Lorsque les mesures prévues aux 1°, 2° et 5° à 9° du I de l'article L. 3131-15 et à l'article L. 3131-
16 doivent s'appliquer dans un champ géographique qui n'excède pas le territoire d'un département,
les autorités mentionnées aux mêmes articles L. 3131-15 et L. 3131-16 peuvent habiliter le
représentant de l'État dans le département à les décider lui-même. Les décisions sont prises par ce
dernier après avis du directeur général de l'agence régionale de santé
II. - Les mesures individuelles ayant pour objet la mise en quarantaine et les mesures de placement
et de maintien en isolement sont prononcées par décision individuelle motivée du représentant de
l'État dans le département sur proposition du directeur général de l'agence régionale de santé. Cette
décision mentionne les voies et délais de recours ainsi que les modalités de saisine du juge des

17
libertés et de la détention.

Le placement et le maintien en isolement sont subordonnés à la constatation médicale de l'infection


de la personne concernée. Ils sont prononcés par le représentant de l'État dans le département au vu
d'un certificat médical.

Les mesures mentionnées au premier alinéa du présent II peuvent à tout moment faire l'objet d'un
recours par la personne qui en fait l'objet devant le juge des libertés et de la détention dans le ressort
duquel se situe le lieu de sa quarantaine ou de son isolement, en vue de la mainlevée de la mesure.
Le juge des libertés et de la détention peut également être saisi par le procureur de la République
territorialement compétent ou se saisir d'office à tout moment. Il statue dans un délai de soixante-
douze heures par une ordonnance motivée immédiatement exécutoire.

Les mesures mentionnées au même premier alinéa ne peuvent être prolongées au-delà d'un délai de
quatorze jours qu'après avis médical établissant la nécessité de cette prolongation.

Lorsque la mesure interdit toute sortie de l'intéressé hors du lieu où la quarantaine ou l'isolement se
déroule, pendant plus de douze heures par jour, elle ne peut se poursuivre au-delà d'un délai de
quatorze jours sans que le juge des libertés et de la détention, préalablement saisi par le représentant
de l'État dans le département, ait autorisé cette prolongation.

Un décret en Conseil d'État précise les conditions d'application du présent II. Ce décret définit les
modalités de la transmission au préfet du certificat médical prévu au deuxième alinéa du présent II.
Il précise également les conditions d'information régulière de la personne qui fait l'objet de ces
mesures.

III. - Les mesures générales et individuelles édictées par le représentant de l'État dans le département
en application du présent article sont strictement nécessaires et proportionnées aux risques sanitaires
encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu. Les mesures individuelles font l'objet
d'une information sans délai du procureur de la République territorialement compétent.
IV. - Le contrôle du respect des mesures prévues aux 3° et 4° du I de l'article L. 3131-15 est assuré
par les agents habilités à cet effet par l'article L. 3136-1. A cette fin, ceux-ci peuvent se présenter à
tout moment au lieu d'hébergement de la personne pour s'assurer de sa présence, à l'exception des
horaires où elle est autorisée à s'absenter ainsi qu'entre 23 heures et 8 heures.
NOTA :
Dans sa décision n° 2020-800 DC du 11 mai 2020, le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la
Constitution le II de l’article L. 3131-17, dans sa rédaction issue de l’article 5 de la loi n° 2020-546 du 11
mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions, sous la réserve énoncée au
paragraphe 43 de la décision ainsi rédigée : (…) ces dispositions ne sauraient, sans méconnaître les
exigences de l'article 66 de la Constitution, permettre la prolongation des mesures de mise en quarantaine
ou de placement en isolement imposant à l'intéressé de demeurer à son domicile ou dans son lieu
d'hébergement pendant une plage horaire de plus de douze heures par jour sans l'autorisation du juge
judiciaire.

Article L3131-18
Modifié par LOI n°2020-546 du 11 mai 2020 - art. 7
À l'exception des mesures mentionnées au premier alinéa du II de l'article L. 3131-17, les mesures
prises en application du présent chapitre peuvent faire l'objet, devant le juge administratif, des
recours présentés, instruits et jugés selon les procédures prévues aux articles L. 521-1 et L. 521-2
du code de justice administrative.

18
Article L3131-19
Modifié par LOI n°2021-160 du 15 février 2021 - art. 1
En cas de déclaration de l'état d'urgence sanitaire, il est réuni sans délai un comité de scientifiques.
Son président est nommé par décret du Président de la République. Ce comité comprend deux
personnalités qualifiées respectivement nommées par le Président de l'Assemblée nationale et le
Président du Sénat ainsi que des personnalités qualifiées nommées par décret. Le comité rend
périodiquement des avis sur l'état de la catastrophe sanitaire, les connaissances scientifiques qui s'y
rapportent et les mesures propres à y mettre un terme, y compris celles relevant des articles L. 3131-
15 à L. 3131-17, ainsi que sur la durée de leur application. Dès leur adoption, ces avis sont
communiqués simultanément au Premier ministre, au président de l'Assemblée nationale et au
président du Sénat par le président du comité. Ils sont rendus publics sans délai. Le comité est
dissous lorsque prend fin l'état d'urgence sanitaire.
Le comité peut être consulté par les commissions parlementaires sur toute question concernant les
sujets mentionnés à la quatrième phrase du premier alinéa du présent article.

Article L3131-20
Création LOI n°2020-290 du 23 mars 2020 - art. 2
Les dispositions des articles L. 3131-3 et L. 3131-4 sont applicables aux dommages résultant des
mesures prises en application des articles L. 3131-15 à L. 3131-17.
Les dispositions des articles L. 3131-9-1, L. 3131-10 et L. 3131-10-1 sont applicables en cas de
déclaration de l'état d'urgence sanitaire.

• Document 10 : CE, 28 janvier 2021, n° 440129

Vu la procédure suivante :
Par une requête, deux nouveaux mémoires et un mémoire en réplique enregistrés les 16 avril, 3 et
6 mai et 8 décembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, M. D... B... demande au
Conseil d'État :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2020-314 du 25 mars 2020 complétant le décret n°
2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie
de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire ;
[…]

Considérant ce qui suit :

Sur le cadre juridique :


1. En premier lieu, l'article L. 5121-8 du code de la santé publique dispose que : " Toute spécialité
pharmaceutique (...) doit faire l'objet, avant sa mise sur le marché ou sa distribution à titre gratuit,
d'une autorisation de mise sur le marché délivrée par l'Agence française de sécurité sanitaire des
produits de santé. L'autorisation peut être assortie de conditions appropriées (...) ". L'article L. 5121-
12-1 du même code prévoit que : " I.- Une spécialité pharmaceutique peut faire l'objet d'une
prescription non conforme à son autorisation de mise sur le marché en l'absence de spécialité de
même principe actif, de même dosage et de même forme pharmaceutique disposant d'une
autorisation de mise sur le marché ou d'une autorisation temporaire d'utilisation dans l'indication ou
les conditions d'utilisation considérées, sous réserve qu'une recommandation temporaire

19
d'utilisation établie par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé
sécurise l'utilisation de cette spécialité dans cette indication ou ces conditions d'utilisation. (...) / En
l'absence de recommandation temporaire d'utilisation dans l'indication ou les conditions d'utilisation
considérées, une spécialité pharmaceutique ne peut faire l'objet d'une prescription non conforme à
son autorisation de mise sur le marché qu'en l'absence d'alternative médicamenteuse appropriée
disposant d'une autorisation de mise sur le marché ou d'une autorisation temporaire d'utilisation et
sous réserve que le prescripteur juge indispensable, au regard des données acquises de la science,
le recours à cette spécialité pour améliorer ou stabiliser l'état clinique de son patient. / (...) ". Aux
termes de l'article R. 4127-8 de ce code : " Dans les limites fixées par la loi et compte tenu des
données acquises de la science, le médecin est libre de ses prescriptions qui seront celles qu'il estime
les plus appropriées en la circonstance. / Il doit, sans négliger son devoir d'assistance morale, limiter
ses prescriptions et ses actes à ce qui est nécessaire à la qualité, à la sécurité et à l'efficacité des
soins. / Il doit tenir compte des avantages, des inconvénients et des conséquences des différentes
investigations et thérapeutiques possibles ".
2. En deuxième lieu, l'article L. 3131-12 inséré dans le code de la santé publique par la loi du 23
mars 2020 prévoit que : " L'état d'urgence sanitaire peut être déclaré sur tout ou partie du territoire
(...) en cas de catastrophe sanitaire mettant en péril, par sa nature et sa gravité, la santé de la
population ". D'une part, aux termes de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique : " Dans
les circonscriptions territoriales où l'état d'urgence sanitaire est déclaré, le Premier ministre peut,
par décret réglementaire pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, aux seules fins de garantir
la santé publique : / (...) / 9° En tant que de besoin, prendre toute mesure permettant la mise à la
disposition des patients de médicaments appropriés pour l'éradication de la catastrophe sanitaire ; /
10° En tant que de besoin, prendre par décret toute autre mesure réglementaire limitant la liberté
d'entreprendre, dans la seule finalité de mettre fin à la catastrophe sanitaire mentionnée à l'article L.
3131-12 du présent code. / Les mesures prescrites en application des 1° à 10° du présent article sont
strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de
temps et de lieu. Il y est mis fin sans délai lorsqu'elles ne sont plus nécessaires. ". D'autre part, aux
termes du premier alinéa de l'article L. 3131-16 du code de la santé publique : " Dans les
circonscriptions territoriales où l'état d'urgence sanitaire est déclaré, le ministre chargé de la santé
peut prescrire, par arrêté motivé, toute mesure réglementaire relative à l'organisation et au
fonctionnement du dispositif de santé, à l'exception des mesures prévues à l'article L. 3131-15,
visant à mettre fin à la catastrophe sanitaire mentionnée à l'article L. 3131-12. ". Aux termes du
troisième alinéa du même article : " Les mesures prescrites en application du présent article sont
strictement nécessaires et proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux
circonstances de temps et de lieu. Il y est mis fin sans délai lorsqu'elles ne sont plus nécessaires ".
Ces dispositions étaient applicables sur l'ensemble du territoire national à la date d'édiction des
dispositions attaquées par l'effet de l'article 4 de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à
l'épidémie de covid-19.

Sur les circonstances :


3. L'émergence d'un nouveau coronavirus, responsable de la maladie à coronavirus 2019 ou covid-
19 et particulièrement contagieux, a été qualifiée d'urgence de santé publique de portée
internationale par l'Organisation mondiale de la santé le 30 janvier 2020, puis de pandémie le 11
mars 2020. La propagation du virus sur le territoire français a conduit le ministre des solidarités et
de la santé puis le Premier ministre à prendre, à compter du 4 mars 2020, des mesures de plus en
plus strictes destinées à réduire les risques de contagion. Le législateur, par l'article 4 de la loi du
23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19, a déclaré l'état d'urgence sanitaire
pour une durée de deux mois à compter du 24 mars 2020.
4. D'une part, le sulfate d'hydroxychloroquine est commercialisé par le laboratoire Sanofi sous le
nom de marque de Plaquenil, en vertu d'une autorisation de mise sur le marché initialement délivrée
le 27 mai 2004, avec pour indications thérapeutiques le traitement symptomatique d'action lente de
la polyarthrite rhumatoïde, le lupus érythémateux discoïde, le lupus érythémateux subaigu, le
traitement d'appoint ou prévention des rechutes des lupus systémiques et la prévention des lucites.
D'autre part, l'association lopinavir / ritonavir est commercialisée par le laboratoire Abbvie sous le

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nom de marque de Kaletra 80 mg + 20 mg/ml, solution buvable, Kaletra 100 mg/25 mg, comprimé
pelliculé et Kaletra 200 mg/50 mg, comprimé pelliculé, en vertu d'autorisations de mise sur le
marché initiales respectivement délivrées les 20 mars 2001, 13 mars 2008 et 26 juin 2006, ainsi que
par le laboratoire Mylan sous les formes génériques lopinavir / ritonavir Mylan 100 mg/25 mg et
lopinavir / ritonavir Mylan 200 mg / 50 m en vertu d'une autorisation de mise sur le marché délivrée
le 14 janvier 2016. Aux termes de ces autorisations de mises sur le marché, ces spécialités sont
prescrites pour le traitement du virus de l'immunodéficience humaine (VIH-1).
5. A la suite d'un avis sur les recommandations thérapeutiques dans la prise en charge du covid-19
du 23 mars 2020 du Haut Conseil de la santé publique, le Premier ministre, par le 2° de l'article 1er
du décret du 25 mars 2020, a complété d'un article 12-2 le décret du 23 mars 2020 prescrivant les
mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état
d'urgence sanitaire, pour prévoir notamment les conditions dans lesquelles l'hydroxychloroquine et
l'association lopinavir / ritonavir peuvent être prescrites, dispensées et administrées aux patients
atteints de covid-19, en dehors des indications de l'autorisation de mise sur le marché du Plaquenil,
spécialité pharmaceutique à base d'hydroxychloroquine, et du Kaletra, spécialité pharmaceutique à
base de lopinavir / ritonavir, ainsi que les conditions de leur prise en charge par l'assurance maladie.
A ce titre, d'une part, par dérogation aux dispositions du code de la santé publique relatives aux
autorisations de mise sur le marché, il autorise la prescription, la dispensation et l'administration
sous la responsabilité d'un médecin, de l'hydroxychloroquine et de l'association lopinavir / ritonavir
aux patients atteints de covid-19, dans les établissements de santé qui les prennent en charge, ainsi
que, pour la poursuite de leur traitement si leur état le permet et sur autorisation du prescripteur
initial, à domicile. D'autre part, il a prévu, au cinquième alinéa de cet article 12-2, que : " La
spécialité pharmaceutique Plaquenil (c) et les préparations à base d'hydroxychloroquine ne peuvent
être dispensées par les pharmacies d'officine que dans le cadre d'une prescription initiale émanant
exclusivement de spécialistes en rhumatologie, médecine interne, dermatologie, néphrologie,
neurologie ou pédiatrie ou dans le cadre d'un renouvellement de prescription émanant de tout
médecin ".
6. Eu égard aux moyens qu'il soulève, le requérant doit être regardé comme demandant l'annulation
pour excès de pouvoir du 2° de l'article 1er du décret du 25 mars 2020 en tant qu'il définit les
conditions de prescription, de dispensation, d'administration, de prise en charge et de délivrance de
l'hydroxychloroquine et de l'association lopinavir / ritonavir.

Sur les données acquises de la science à la date des dispositions contestées :


7. D'une part, il ressort des pièces du dossier qu'une étude chinoise publiée au début du mois de
mars 2020 a documenté l'activité in vitro de l'hydroxychloroquine sur le virus qui est responsable
du covid-19. Une recherche a ensuite été conduite, du 5 au 16 mars 2020, par une équipe de l'institut
hospitalo-universitaire Méditerranée infection en utilisant l'hydroxychloroquine en association avec
un antibiotique, l'azithromycine, chez vingt-six patients, dont les auteurs déduisent que le traitement
par hydroxychloroquine est associé à une réduction ou une disparition de la charge virale chez des
patients atteints du covid 19 et que cet effet est renforcé par l'azithromycine. D'autre part, des
données in vitro et in vivo ainsi que des données cliniques dans le cadre d'infections à d'autres
coronavirus ont montré que l'association lopinavir / ritonavir avait une activité contre ces virus.
8. A la demande de la direction générale de la santé, le Haut Conseil de la santé publique a rendu,
le 23 mars 2020, un avis sur les recommandations thérapeutiques dans la prise en charge du covid-
19. Il estime, d'une part, que les résultats de l'étude menée au sein de l'institut hospitalo-universitaire
Méditerranée infection, qui doivent être considérés avec prudence en raison du faible effectif de
l'étude, incluant en partie des patients asymptomatiques, de l'absence de bras témoin, du critère de
jugement uniquement virologique, ne permettent pas de conclure à l'efficacité clinique de
l'hydroxychloroquine ou de l'association hydroxychloroquine et azithromycine et justifient, du fait
de son très faible niveau de preuve, la poursuite de la recherche clinique. Par ailleurs, cet avis
souligne que ce médicament comporte des contre-indications, notamment en cas d'association à
d'autres médicaments et qu'un surdosage peut entrainer des effets indésirables graves pouvant
mettre en jeu le pronostic vital. Il indique qu'il est impératif de bien prendre connaissance de ces
contre-indications avant toute prescription et que le patient en soit éclairé. Enfin, il recommande de

21
surveiller les concentrations plasmatiques et d'assurer un monitoring cardiaque chez les patients
recevant ce traitement pour covid-19. D'autre part, si le Haut conseil indique que les résultats d'un
essai menée sur 199 patients, dont 99 ont reçu l'association lopinavir/ritonavir, sont en faveur d'un
effet bénéfique sans que cette étude suffise à le montrer, il attire l'attention sur les risques résultant
d'interactions avec d'autres médicaments, en particulier avec les sédatifs, et sur la nécessité d'adapter
les posologies et de réaliser un suivi pharmacologique des patients bénéficiant de ce traitement. Sur
la base de ces observations, les recommandations du Haut conseil de la santé publique, reprises par
les dispositions critiquées, préconisent un traitement à base d'hydroxychloroquine ou de
l'association lopinavir/ritonavir uniquement pour les patients présentant une pneumonie oxygéno-
requérante ou une défaillance d'organe.

Sur la légalité des dispositions attaquées :


En ce qui concerne la compétence du pouvoir réglementaire :
9. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 3131-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction
issue de l'article 2 de la loi du 23 mars 2020 : " En cas de menace sanitaire grave appelant des
mesures d'urgence, notamment en cas de menace d'épidémie, le ministre chargé de la santé peut,
par arrêté motivé, prescrire dans l'intérêt de la santé publique toute mesure proportionnée aux
risques courus et appropriée aux circonstances de temps et de lieu afin de prévenir et de limiter les
conséquences des menaces possibles sur la santé de la population. Le ministre peut également
prendre de telles mesures après la fin de l'état d'urgence sanitaire prévu au chapitre Ier bis du présent
titre, afin d'assurer la disparition durable de la situation de crise sanitaire ".
10. Par les dispositions citées au point 2, et ainsi qu'il ressort des travaux parlementaires préalables
à l'adoption de la loi du 23 mars 2020, le législateur a entendu permettre l'adoption par le pouvoir
exécutif de mesures plus contraignantes que celles susceptibles d'être adoptées en cas de " menace
sanitaire grave appelant des mesures d'urgence " sur le fondement de l'article L. 3131-1 du code de
la santé publique. A cette fin, il a entendu, d'une part, permettre au Premier ministre de prendre
certaines mesures limitant la liberté d'aller et venir, la liberté d'entreprendre et la liberté de réunion
ou procédant à des réquisitions et, d'autre part, permettre au ministre chargé de la santé de prendre
les mesures générales touchant au dispositif de santé, notamment aux établissements et services,
aux professionnels, aux actes et aux produits de santé, qui ne relèvent pas de la compétence du
Premier ministre, ainsi que les mesures individuelles d'application des mesures prescrites par ce
dernier, sous réserve, dans tous les cas, que ces mesures soient nécessaires pour garantir la santé
publique dans la situation de catastrophe sanitaire, strictement proportionnées aux risques sanitaires
encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu. Il suit de là que les dispositions du
9° de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique et celles de l'article L. 3131-16 du même
code doivent être interprétées, en ce qui concerne les mesures susceptibles d'être adoptées en
matière de médicaments, comme réservant au Premier ministre les mesures restreignant la liberté
d'entreprendre ou le droit de propriété pour assurer la disponibilité des médicaments nécessaires
pour faire face à la catastrophe sanitaire et comme habilitant le ministre chargé de la santé à prendre
les autres mesures générales nécessaires pour que les patients puissent bénéficier des soins dont ils
ont besoin pendant la catastrophe sanitaire, sous réserve qu'elles soient strictement nécessaires et
proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu,
le cas échéant en dérogeant sur des points limités à des dispositions législatives.
11. Une mesure visant à permettre la prescription, la dispensation et l'administration d'une spécialité
pharmaceutique, en dehors des indications de son autorisation de mise sur le marché, aux patients
atteints de covid-19, alors même qu'elle ne s'applique que dans les établissements de santé qui les
prennent en charge ainsi qu'à domicile, pour la poursuite de leur traitement si leur état le permet et
sur autorisation du prescripteur initial entre dans le champ de l'article L. 3131-16 du code de la santé
publique. Il en est de même d'une mesure encadrant les conditions de dispensation de cette spécialité
en officine afin d'éviter une tension sur son approvisionnement pour les patients y recourant dans
le cadre de son autorisation de mise sur le marché.

22
12. Lorsqu'il est prévu par les dispositions en vigueur qu'une décision administrative doit être prise
par voie d'arrêté ministériel, il est satisfait auxdites dispositions lorsque cette mesure est prise par
un décret contresigné par le ministre compétent. Ainsi, les mesures prévues à l'article L. 3131-16
du code de la santé publique, au nombre desquelles figurent les dispositions contestées par le
requérant, ont en tout état de cause pu être légalement prévues, non par l'arrêté du ministre chargé
de la santé prévu par cet article, mais par le décret du 25 mars 2020, dès lors que ce décret a été
contresigné par le ministre des solidarités et de la santé, sur le rapport duquel il a été pris.
13. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que les dispositions qu'il attaque auraient été
prises par une autorité incompétente.

En ce qui concerne le contreseing du ministre de l'action et des comptes publics :


14. Aux termes de l'article 22 de la Constitution : " Les actes du Premier ministre sont contresignés,
le cas échéant, par les ministres chargés de leur exécution ". S'agissant d'un acte de nature
réglementaire, les ministres chargés de son exécution sont ceux qui ont compétence pour signer ou
contresigner les mesures réglementaires ou individuelles que comporte nécessairement son
exécution. L'exécution du décret du 25 mars 2020 ne comporte nécessairement l'intervention
d'aucune mesure réglementaire ou individuelle que le ministre de l'action et des comptes publics
aurait été compétent pour signer ou contresigner. Dès lors, le décret attaqué n'avait en tout état de
cause pas à être soumis au contreseing de ce ministre.

[…]

DECIDE:
--------------
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. […]

• Document 11 : CE, ord., 1er juin 2021, n° 452502

Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 12 mai 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, Mme
R... J..., Mme K... B..., M. M... G..., Mme I... P..., Mme F... N..., Mme Q... S..., Mme H... L..., Mme
T... E..., Mme A... O... et Mme C... D... demandent au juge des référés du Conseil d'État, statuant
sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) de suspendre l'exécution de l'article 36 du décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 dans sa
rédaction issue du décret n° 2021-541 du 1er mai 2021 ainsi que celle du guide relatif au
fonctionnement des écoles et établissements scolaires dans le contexte covid-19 pour l'année
scolaire dans sa version de février 2021 ;
2°) d'enjoindre au Premier ministre de prendre un nouveau décret modifiant l'article 36 du décret
du 29 octobre 2020, dans un délai de 24 heures à compter de l'ordonnance à intervenir, de diligenter
une étude d'impact officielle, de prévoir des conditions de dérogation au port du masque pour les
enfants, de prévoir les conséquences d'un refus du port du masque pour les enfants notamment à
l'école primaire ainsi que de prévoir une date de fin de cette obligation généralisée, sous astreinte
de 50 euros par jours de retard ;
[…]

Considérant ce qui suit :


1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision
administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des
référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision,

23
ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à
créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

Sur le cadre du litige :


2. Aux termes de l'article L. 3131-12 du code de la santé publique, issu de la loi du 23 mars 2020
d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 : " L'état d'urgence sanitaire peut être déclaré sur
tout ou partie du territoire métropolitain ainsi que du territoire des collectivités régies par les articles
73 et 74 de la Constitution de Nouvelle-Calédonie en cas de catastrophe sanitaire mettant en péril,
par sa nature et sa gravité, la santé de la population ". L'article L. 3131-13 du même code précise
que " L'état d'urgence sanitaire est déclaré par décret en conseil des ministres pris sur le rapport du
ministre chargé de la santé. Ce décret motivé détermine la ou les circonscriptions territoriales à
l'intérieur desquelles il entre en vigueur et reçoit application. Les données scientifiques disponibles
sur la situation sanitaire qui ont motivé la décision sont rendues publiques / (...) / La prorogation de
l'état d'urgence sanitaire au-delà d'un mois ne peut être autorisée que par la loi, après avis du comité
de scientifiques prévu à l'article L. 3131-19 ". Aux termes du I de l'article L. 3131-15 du même
code : " Dans les circonscriptions territoriales où l'état d'urgence sanitaire est déclaré, le Premier
ministre peut, par décret réglementaire pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, aux seules
fins de garantir la santé publique : / (...) 5° Ordonner la fermeture provisoire et réglementer
l'ouverture, y compris les conditions d'accès et de présence, d'une ou plusieurs catégories
d'établissements recevant du public. " Aux termes du III du même article : " Les mesures prescrites
en application du présent article strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et
appropriées aux circonstances de temps et de lieu. Il y est mis fin sans délais lorsqu'elles ne sont
plus nécessaires. "
3. L'émergence d'un nouveau coronavirus, responsable de la maladie à coronavirus 2019 ou covid-
19 et particulièrement contagieux, a été qualifiée d'urgence de santé publique de portée
internationale par l'Organisation mondiale de la santé le 30 janvier 2020, puis de pandémie le 11
mars 2020. La propagation du virus sur le territoire français a conduit le ministre chargé de la santé
puis le Premier ministre à prendre, à compter du 4 mars 2020, des mesures de plus en plus strictes
destinées à réduire les risques de contagion. Pour faire face à l'aggravation de l'épidémie, la loi du
23 mars 2020 a créé un régime d'état d'urgence sanitaire, défini aux articles L. 3131-12 à L. 3131-
20 du code de la santé publique, et déclaré l'état d'urgence sanitaire pour une durée de deux mois à
compter du 24 mars 2020. La loi du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant
ces dispositions, a prorogé cet état d'urgence sanitaire jusqu'au 10 juillet 2020. L'évolution de la
situation sanitaire a conduit à un assouplissement des mesures prises et la loi du 9 juillet 2020 a
organisé un régime de sortie de cet état d'urgence.
4. La situation épidémiologique au cours des mois de septembre et d'octobre, caractérisée par une
accélération du rythme de l'épidémie, a conduit le Président de la République à prendre le 14 octobre
2020, sur le fondement de l'article L. 3131-12 et L. 3131-13 du code de la santé publique, un décret
déclarant l'état d'urgence sanitaire à compter du 17 octobre sur l'ensemble du territoire national. Le
16 octobre 2020 puis le 29 octobre 2020, le Premier ministre a pris, sur le fondement de l'article L.
3131-15 du code de la santé publique, les décrets prescrivant les mesures générales nécessaires pour
faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire. L'état d'urgence
sanitaire a été prorogé jusqu'au 16 février 2021 inclus puis jusqu'au 1er juin 2021 inclus
respectivement par la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 et la loi n° 2021-160 du 15 février
2021.
5. La progression de l'épidémie au cours des mois de février, mars et avril 2021 a conduit le Premier
ministre à édicter les décrets n° 2021-296 du 19 mars 2021 et n° 2021-384 du 2 avril 2021, modifiant
les décrets n° 2020-1262 du 16 octobre 2020 et n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 et mettant
progressivement en place un nouveau confinement généralisé de la population. Puis l'amélioration
de la situation sanitaire a permis un allègement des mesures sanitaires et la mise en application d'un
plan dit de déconfinement progressif. Le décret n°2021-541 du 1er mai 2021 a ainsi instauré un
couvre-feu de 19 heures à 6 heures du matin, puis le décret n° 2021-606 du 18 mai 2021 a retardé
la mise en place de ce couvre-feu à 21 heures et autorisé l'ouverture au public de certaines catégories
d'établissements, sous conditions.

24
Sur la demande en référé :
6. Mme J... et autres demandent au juge des référés du Conseil d'État, sur le fondement de l'article
L. 521-1 du code de justice administrative de suspendre l'exécution, d'une part, du guide relatif au
fonctionnement des écoles et établissements scolaires dans le contexte de Covid-19 pour l'année
2020-2021 et, d'autre part, de l'article 36 du décret précité du 29 octobre 2020 dans sa rédaction
issue du décret du 1er mai 2021 notamment en ce qu'il impose le port du masque des enfants de 6
à 11 ans dans les établissements scolaires. Ils contestent ces mesures en se prévalant de moyens
concernant spécifiquement le protocole sanitaire ou l'article 36 contesté ainsi que de moyens
communs à ceux mesures.

En ce qui concerne la légalité du protocole sanitaire :


7. Le ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports a publié, en février 2021, un
protocole sanitaire pour l'année 2020-2021 applicable à compter du 1er février 2021, sous la forme
d'un " guide relatif au fonctionnement des écoles et établissements scolaires dans le contexte de
Covid-19 ". Ce document rappelle le contexte pandémique dans lequel le protocole sanitaire s'inscrit
au regard notamment de l'évolution de la circulation du virus constatée en janvier 2021 et de
l'émergence de variants. Il précise qu'il repose sur les avis successifs du Haut conseil de la santé
publique (HCSP), notamment celui du 20 janvier 2021, sur les prescriptions émises par le ministère
des solidarités et de la santé au vu des avis rendus par le HCSP ainsi que sur les dispositions
législatives et réglementaires en vigueur. Il énonce que le principe est celui d'un accueil de tous les
élèves, à tous les niveaux et sur l'ensemble du temps scolaire, dans le respect des prescriptions
émises par les autorités sanitaires et renvoie également au plan de continuité pédagogique. Il
rappelle que les mesures à prendre nécessitent de tenir compte du contexte propre à chaque école
ou établissement et que les mesures spécifiques à certaines thématiques (restauration, éducation
physique et sportive, éducation musicale, récréation et internats) sont précisées dans des fiches
repères disponibles sur le site du ministère. Il est destiné aux collectivités territoriales, aux services
déconcentrés de l'État, aux personnels de direction ainsi qu'à l'ensemble des membres de la
communauté éducative. Le guide précise ensuite les recommandations en matière de distanciation
physique, de gestes barrières en milieu scolaire, de port du masque " grand public " de catégorie 1
par les personnels et les élèves, de ventilation des locaux par une aération renforcée, de limitation
du brassage des élèves, de nettoyage et de désinfection des locaux et des matériels, ainsi que de
formation, d'information et de communication en faveur des personnels, des parents et des élèves.
En ce qui concerne spécifiquement le port du masque, il énonce notamment que, pour les élèves
des écoles maternelles, le port du masque est à proscrire et que, pour les élèves des écoles
élémentaires, des collèges et des lycées, le port du masque " grand public " de catégorie 1 est
obligatoire dans les espaces clos ainsi que dans les espaces extérieurs.
8. En premier lieu, le protocole sanitaire établi par le ministère de l'éducation nationale, de la
jeunesse et des sports sous la forme d'un guide mentionné au point précédent ne constitue pas une
mesure d'exécution du décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020. Aussi, la circonstance que le
ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports ne soit pas au nombre des ministres
chargés de l'exécution de ce décret, ne fait pas obstacle à ce que le ministère dont il a la charge
édite, sous son autorité, le document contesté, qui n'a pas, au surplus, le caractère d'une décision,
notamment au regard des dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et
l'administration, mais est destiné à rassembler des règles de bonne conduite et à fournir des
recommandations pour favoriser, notamment auprès des personnels, des élèves et de leurs parents,
l'application, au niveau de chaque établissement accueillant un public scolaire, des " prescriptions
émises par le ministère des solidarités et de la santé au vu des avis rendus par le Haut conseil de la
santé publique ainsi que sur les dispositions législatives et réglementaires en vigueur ". Par suite,
les moyens tirés de ce que le ministre de l'éducation nationale était incompétent pour édicter ce "
protocole sanitaire " et que le guide contesté n'est pas signé par son auteur en méconnaissance de
l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration, ne sont pas, en l'état de
l'instruction, de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité du document en cause,

25
lequel est susceptible de produire notamment vis-à-vis des enfants scolarisés et des parents d'élèves
des effets notables sur leurs droits ou leur situation.
9. En second lieu, en ce qui concerne le port du masque, ce document énonce que " Pour les élèves
présentant des pathologies les rendant vulnérables au risque de développer une forme grave
d'infection à la COVID-19, le médecin référent détermine les conditions de leur maintien en
présence dans l'école ou l'établissement scolaire ". Il ne résulte pas de ces termes qu'un médecin de
l'éducation nationale agissant dans le cadre des missions qui lui confiées par l'article 2 du décret du
27 novembre 1991 portant dispositions statutaires applicables au corps des médecins de l'éducation
nationale et à l'emploi de médecin de l'éducation nationale - conseiller technique, auquel renvoient
les dispositions de l'article D. 541-2 du code de l'éducation, soit habilité à remettre en cause les
constatations ou indications à caractère médical portées dans un certificat médical. Il en va de même
notamment des constatations ou indications médicales en lien avec une pathologie rendant l'enfant
vulnérable au risque de développer une forme grave d'infection à la covid-19 et susceptibles de
déterminer les conditions du maintien de l'enfant en présence dans l'école ou l'établissement
scolaire. Par suite, le moyen tiré de ce que le guide contesté donne de manière illégale aux médecins
de l'éducation nationale ou à l'administration scolaire un pouvoir d'appréciation des certificats
médicaux n'est pas, en l'état de l'instruction, de nature à faire naître un doute sérieux quant à la
légalité du guide sur ce point.

En ce qui concerne la légalité de l'article 36 du décret contesté :


10. Le 7° de l'article 1er du décret du 1er mai 2021 modifiant le décret n° 2020-1310 du 29 octobre
2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le
cadre de l'état d'urgence sanitaire a remplacé les dispositions de l'article 36 du décret du 29 octobre
2020 par les dispositions suivantes : " Art. 36.-I.- L'accueil des usagers dans les établissements
mentionnés au présent chapitre est organisé dans des conditions de nature à permettre le respect des
règles d'hygiène et de distanciation mentionnées à l'article 1er. L'accueil est organisé dans des
conditions permettant de limiter au maximum le brassage des enfants et élèves appartenant à des
groupes différents. / Toutefois, dans les établissements et services mentionnés au I de l'article 32,
dans les écoles maternelles ainsi que pour les assistants maternels, dès lors que le maintien de la
distanciation physique entre le professionnel et l'enfant et entre enfants n'est par nature pas possible,
l'établissement ou le professionnel concerné met en œuvre les mesures sanitaires de nature à
prévenir la propagation du virus. Pour chaque groupe d'enfants qu'accueille un établissement ou
service mentionné au I de l'article 32, celui-ci est soumis aux dispositions du premier alinéa de
l'article R. 2324-43-1 du code de la santé publique dès lors qu'il accueille quatre enfants ou plus. /
Dans les établissements mentionnés au II de l'article 32, l'observation d'une distanciation physique
d'au moins un mètre s'applique dans la mesure du possible. Les activités sportives proposées dans
les accueils mentionnés au III de l'article 32 ne peuvent être organisées qu'en plein air. / Dans les
établissements d'enseignement relevant des livres IV et VII du code de l'éducation, à l'exception de
ceux mentionnés au deuxième alinéa, l'observation d'une distanciation physique d'au moins un
mètre ou d'un siège s'applique, entre deux personnes lorsqu'elles sont côte à côte ou qu'elles se font
face, uniquement dans les salles de cours et les espaces clos et dans la mesure où elle n'affecte pas
la capacité d'accueil de l'établissement. / II. -Portent un masque de protection : / 1° Les personnels
des établissements et structures mentionnés aux articles 32 à 35 ; / 2° Les assistants maternels, y
compris à domicile ; / 3° Les élèves des écoles élémentaires ; / 4° Les collégiens, les lycéens et les
usagers des établissements mentionnés aux articles 34 et 35 ; / 5° Les enfants de six ans ou plus
accueillis en application du II de l'article 32 ; / 6° Les représentants légaux des élèves et des enfants
accueillis par des assistants maternels ou dans les établissements mentionnés à l'article 32. / Les
dispositions du 2° ne s'appliquent pas lorsque l'assistant maternel n'est en présence d'aucun autre
adulte. "

S'agissant des moyens de légalité externe :


11. En premier lieu, il ressort des termes mêmes des dispositions citées au point 2 de l'article L.
3131-15 du code de la santé publique, que le Premier ministre était compétent pour prendre, par
décret et aux seules fins de garantir la santé publique, les dispositions contenues à l'article 36 du

26
décret contesté. Aucune disposition n'exige du Premier ministre qu'il prévoit une habilitation
expresse des ministres pour qu'ils mettent en œuvre leur pouvoir réglementaire d'organisation des
services. Par suite, le Premier ministre n'a pas, en tout état de cause, entaché le décret contesté
d'incompétence négative.
12. En deuxième lieu, si l'article L. 3131-15 du code de la santé publique prévoit que le Premier
ministre prend le décret réglementaire " sur le rapport du ministre chargé de la santé ", la
circonstance que ce rapport ne soit pas directement accessible ou communicable ne signifie pas qu'il
n'existe pas. Il est seulement allégué par les requérants que le décret du 1e mai 2021 qui a
notamment modifié la rédaction de l'article 36 du décret du 29 octobre 2020, n'aurait pas été pris
sur le rapport du ministre chargé de la santé du seul fait qu'ils n’y auraient pas eu accès.
13. En troisième lieu, aucune disposition n'exige du Premier ministre que l'adoption du décret prévu
à l'article L. 3131-15 du code de la santé publique soit précédé d'une étude d'impact.
14. Il résulte des trois points précédents que les moyens tirés des vices d'incompétence ou de
procédure soulevés ne sont pas, en l'état de l'instruction, de nature à faire naître un doute sérieux
quant à la légalité de l'article 36 contesté.

[…]

ORDONNE :
------------------
Article 1er : La requête de Mme J... et des autres requérants est rejetée. […]

• Document 12 : CE, 17 juin 2021, n° 440330

Vu les procédures suivantes :


1° Sous le n° 440330, par une requête enregistrée le
28 avril 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, la société ASPEO demande au Conseil
d'État :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir :
- le décret n° 2020-260 du 16 mars 2020 ;
- le décret n° 2020-264 du 17 mars 2020 ;
- le décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 ;
- le décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 en tant qu'il exclut une partie des restaurateurs du bénéfice
des aides du fonds de solidarité ;
- l'arrêté du 14 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus
covid-19 ;
2°) d'enjoindre à l'État, sans délai, de prendre les mesures suivantes :
- réouverture administrative des restaurants après contrôle sanitaire réalisé préalablement et fixant
précisément les conditions de la réouverture ;
- si la réouverture n'est pas possible, prise en charge par l'État de la marge bénéficiaire réalisée par
les établissements à la même époque les années précédentes ;
- si une réouverture est possible mais insuffisamment rentable, prise en charge par l'État de la marge
bénéficiaire manquante en raison des conditions restrictives imposées par la pandémie ;
- si les établissements souhaitent diversifier leur offre en se lançant dans la restauration à emporter
en raison de la crise, prise en charge par l'État des frais engendrés par le développement de cette
activité ;
3°) d'assortir ces injonctions d'une astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la décision
à intervenir ; […]

27
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 ;
- la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 ;
- l'ordonnance n°2020-317 du 25 mars 2020 ;
- le décret n° 2020-260 du 16 mars 2020 ;
- le décret n° 2020-264 du 17 mars 2020 ;
- le décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 ;
- le décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 ;
- le décret n°2020-545 du 11 mai 2020 ;
- le décret n°2020-548 du 11 mai 2020 ;
- l'arrêté du 14 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus
covid-19 ;
- le code de justice administrative ;
[…]

Considérant ce qui suit :


1. L'émergence d'un nouveau coronavirus (covid-19), de caractère pathogène et particulièrement
contagieux, et sa propagation sur le territoire français ont conduit le ministre des solidarités et de la
santé à prendre, par plusieurs arrêtés à compter du 4 mars 2020, des mesures sur le fondement des
dispositions de l'article L. 3131-1 du code de la santé publique. En particulier, par un arrêté du 14
mars 2020, un grand nombre d'établissements recevant du public ont été fermés au public, les
rassemblements de plus de 100 personnes ont été interdits et l'accueil des enfants, élèves et étudiants
dans les établissements les recevant a été suspendu. Puis, par un décret du 16 mars 2020 motivé par
les circonstances exceptionnelles découlant de l'épidémie de covid-19, modifié par un décret du 19
mars 2020, le Premier ministre a interdit le déplacement de toute personne hors de son domicile,
sous réserve d'exceptions limitativement énumérées et devant être dûment justifiées, à compter du
17 mars à 12h, sans préjudice de mesures plus strictes susceptibles d'être arrêtées par le représentant
de l'État dans le département. Par un décret du 17 mars 2020, la méconnaissance des obligations
précitées a été punie de l'amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe.
2. Le législateur, par l'article 4 de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de
covid-19, a déclaré l'état d'urgence sanitaire pour une durée de deux mois à compter du 24 mars
2020. Par un décret du 23 mars 2020 pris sur le fondement de l'article L. 3131-15 du code de la
santé publique issu de la loi du 23 mars 2020, plusieurs fois modifié et complété depuis lors, le
Premier ministre a réitéré les mesures précédemment édictées tout en leur apportant des précisions
ou restrictions complémentaires. Par une ordonnance du 25 mars 2020, un fonds de solidarité à
destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques,
financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter
cette propagation a été mis en place, auxquelles sont éligibles les entreprises de commerce et
d'artisanat dans les conditions prévues par un décret du 30 mars 2020.
3. Enfin, par l'article 1er de la loi du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant
ses dispositions, le législateur a prorogé cet état d'urgence sanitaire jusqu'au 10 juillet 2020 inclus
Par un premier décret du 11 mai 2020, applicable les 11 et 12 mai 2020, le Premier ministre a abrogé
l'essentiel des mesures précédemment ordonnées par le décret du 23 mars 2020 et en a pris de
nouvelles. Par un second décret du 11 mai 2020, pris sur le fondement de la loi du 11 mai 2020 et
abrogeant le précédent décret, le Premier ministre a prescrit les nouvelles mesures générales
nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire.
4. Les requérants demandent l'annulation pour excès de pouvoir, d'une part, de l'arrêté du 14 mars
2020 et des décrets du 16 mars 2020, du 17 mars 2020, du 23 mars 2020 et du 30 mars 2020, d'autre
part, des deux décrets du 11 mai 2020 qui ont été mentionnés aux points précédents. Ces requêtes
présentent à juger des questions communes. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule
décision.

28
Sur la légalité externe :
En ce qui concerne le décret du 16 mars 2020, celui du 17 mars 2020 et l'arrêté du 14 mars 2020 :
5. Le Premier ministre peut, en vertu de ses pouvoirs propres, édicter des mesures de police
applicables à l'ensemble du territoire, en particulier en cas d'épidémie, comme celle de covid-19
que traversait la France à la date des décisions attaquées. En outre, aux termes de l'article L. 3131-
1 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté attaqué : " En cas
de menace sanitaire grave appelant des mesures d'urgence, notamment en cas de menace
d'épidémie, le ministre chargé de la santé peut, par arrêté motivé, prescrire dans l'intérêt de la santé
publique toute mesure proportionnée aux risques courus et appropriée aux circonstances de temps
et de lieu afin de prévenir et de limiter les conséquences des menaces possibles sur la santé de la
population ". Les mesures prises par le Premier ministre ou par le ministre de la santé sur ces
fondements, qui peuvent limiter l'exercice des droits et libertés fondamentaux, comme la liberté
d'aller et venir, la liberté de réunion ou encore la liberté d'exercer une profession doivent, dans cette
mesure, être nécessaires, adaptées et proportionnées à l'objectif de sauvegarde de la santé publique
qu'elles poursuivent. Il s'ensuit que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'arrêté du 14
mars 2020, le décret du 16 mars 2020 et le décret du 17 mars 2020 auraient été pris par une autorité
incompétente, sans qu'ait d'incidence la circonstance que le régime de l'état d'urgence sanitaire, sur
lequel ne se fondent pas ces trois textes, ait été inséré dans le code de la santé publique par une loi
qui leur est postérieure. En outre, les requérants ne peuvent utilement se prévaloir de ce que des
mesures équivalentes à celles qui ont été édictées par ces textes auraient pu être adoptées sur le
fondement de la loi du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence ou des articles 16 et 36 de la
Constitution.

En ce qui concerne le décret du 23 mars 2020 et les deux décrets du 11 mai 2020 :
6. En premier lieu, le décret du 23 mars 2020, publié au Journal officiel de la République française
le lendemain, a été adopté sur le fondement de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à
l'épidémie de Covid-19, qui est entrée en vigueur dès sa publication, le 24 mars 2020. Il ne peut
donc être valablement soutenu que ce décret a été adopté sur le fondement d'une loi qui n'existait
pas encore juridiquement. Il en va de même s'agissant du décret n°2020-548, publié au Journal
officiel de la République française le 12 mai 2020, adopté sur le fondement de la loi du 11 mai 2020
prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions, qui est entrée en vigueur dès sa
publication, le 12 mai 2020.
7. En deuxième lieu, le moyen tiré de ce que le décret n° 2020-545 du 11 mai 2020 prescrivant les
mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état
d'urgence sanitaire, pris sous l'empire de la seule loi du 23 mars 2020, aurait dû prévoir qu'il n'était
pas applicable au-delà du 24 mai 2020 manque en fait puisque ce décret précise en son article 27
qu'il n'est applicable que les 11 et 12 mai 2020.
8. Enfin, l'article 2 des décrets du 11 mai 2020 attaqués dispose que " le territoire des départements
et des collectivités de l'article 73 de la Constitution, sont classés en zone verte ou rouge au regard
de leur situation sanitaire, déterminée notamment en fonction du nombre de passages aux urgences
pour suspicion d'affection au covid-19, du taux d'occupation des lits de réanimation par des patients
atteints par le covid-19 et de la capacité de réalisation des tests virologiques sur leur territoire ". Les
critères à prendre en compte pour procéder à ce classement en deux zones distinctes ont donc été
suffisamment précisés. En outre, le classement de ces collectivités dans l'une ou l'autre de ces zones
est annexé aux décrets. Le moyen tiré de ce que le pouvoir exécutif, d'une part, est resté en deçà de
la compétence qui lui était déléguée par le législateur en fixant des critères indicatifs et imprécis et,
d'autre part, a porté atteinte à la prévisibilité de la norme et à la sécurité juridique des citoyens, ne
peut ainsi qu'être écarté.
[…]

DECIDE:
--------------
Article 1er : Les requêtes de la société ASPEO et autres sont rejetées. […]

29
30
UFR Droit
Année universitaire 2021/2022
Droit administratif – Les principes et le juge
Cours de M. Tourbe
Documents de travaux dirigés
Séances nos 8 et 9 :
La responsabilité administrative
† DOCUMENTS3
I. Généralités
• Document 1 : Danièle Lochak, « Réflexions sur les fonctions sociales de la responsabilité
administrative », in Le droit administratif en mutation, PUF, 1993, p. 275 et s.
• Document 2 : Hafida Belrhali et Anne Jacquemet-Gauché, « Trop ou trop peu de
responsabilité ? Deux voix critiquent deux voies », AJDA, 29 oct. 2018, p. 20564
• Document 3 : Nomenclature des préjudices corporels, rapport du groupe de travail dirigé
par Jean-Pierre Dintilhac, Ministère de la justice, 2005, p. 48-49
II. La responsabilité pour faute
• Document 4 : CE, Ass., 12 avril 2002, Papon (GAJA)
• Document 5 : CE, 18 juillet 2018, Mme Monnet, épouse Chennouf et autres, n° 411156
• Document 6 : Patrick Wachsmann, « À quoi sert la faute lourde en matière de police
administrative ? », AJDA 2018. 1801
• Document 7 : CE, Ass., 28 juin 2002, Ministre de la justice c/ Magiera
• Document 8 : Code de la santé publique, art. L. 1142-1
III. La responsabilité sans faute et la responsabilité du fait des lois
• Document 9 : Loi pénitentiaire n° 2009-1436 du 24 novembre 2009, art. 44
• Document 10 : CE, sect., 5 juin 1992, M. et Mme Cala
• Document 11 : CE, 30 novembre 1923, Couitéas (GAJA)
• Document 12a : CE, sect., 1er février 2006, Ministre de la justice c/ MAIF, n° 268147
• Document 12b : CE, sect., 1er juillet 2016, Société Groupama Grand Est, n° 375076
IV. La responsabilité du fait des lois
• Document 13 : CE, ass., 24 déc. 2019, Société Hôtelière Paris Eiffel Suffren, n° 425983
V. Les modalités de la réparation
• Document 14 : CE, sect., 6 déc. 2019, Syndicat des copropriétaires du Monte-Carlo Hill,
n° 417167

3
À l’approche de la fin du semestre, il n’est pas inutile de rappeler que les documents reproduits visent à
offrir un éclairage sur certaines des grandes questions liées au thème. Ils n’ont rien d’exhaustif et ne sauraient
donc se substituer au cours et aux manuels, dont ils ne sont que des compléments, en vue de la préparation de
l’examen du mois de janvier.
4
Au sein d’un dossier sur « Les imperfections de la responsabilité administrative », p. 2055 et s.

31
• Document 1 : Danièle Lochak, « Réflexions sur les fonctions sociales de la
responsabilité administrative », in Le droit administratif en mutation, PUF, 1993, p.
275 et s.

Le droit de la responsabilité administrative - et plus généralement de la responsabilité de l'État - a


connu au cours des dernières années une série d'évolutions importantes. Or les mécanismes de mise
en jeu de la responsabilité ne relèvent pas de la simple technique juridique : ils renvoient à une
certaine conception du lien social, à une certaine façon de penser et d'organiser les rapports sociaux,
comme l'a bien montré François Ewald dans son analyse de l'État providence comme avènement
d'une "société assurancielIe".
C'est dans cette perspective, qui conduit à s'interroger sur les fonctions sociales des règles
gouvernant la mise en jeu de la responsabilité de l'État, que l'on se propose d'examiner ici les
développements récents de la jurisprudence mais aussi de la législation en la matière.
[...]
Marie-Joëlle Redor fait remonter à 1895 le moment où la responsabilité de l'État commence à faire
l'objet d'études systématiques en doctrine, après qu'ait cédé le principe d'irresponsabilité de l'État,
lié à l'idée de souveraineté. La responsabilité, aisément admise pour les actes de gestion, par
opposition aux actes d'autorité, va s'étendre progressivement par le biais d'un élargissement de la
notion d'acte de gestion, dans laquelle on inclut des actes jusque là considérés comme actes de
puissance publique ; mais elle s'arrête encore au seuil des "actes de souveraineté" : c'est ce dernier
verrou que fera sauter l'arrêt Tomaso Grecco en 1905.
La doctrine s'interroge logiquement sur le fondement de la responsabilité administrative. Tout en
récusant l'application du code civil en dehors des hypothèses où l'État fait un acte de gestion, les
auteurs ont du mal au départ à s'écarter des conceptions civilistes, et font volontiers référence au
même principe de justice ou d'équité qui inspire selon eux la législation civile. Progressivement,
cependant, la doctrine va s'efforcer de trouver à la responsabilité de l'État un fondement spécifique.
Pour Hauriou, c'est le principe d'égalité devant les charges publiques qui explique que l'État doive
garantir les administrés contre les risques des accidents administratifs. Il reprend sur ce point l'idée
développée par Larnaude une année auparavant, qui, évoquant la théorie du risque professionnel
consacrée par l'arrêt Cames et invitant à la généraliser, déclarait: "lorsque cette grande machine qui
s'appelle l'État, cent fois plus puissante et cent fois plus dangereuse aussi que les machines de
l'industrie a blessé quelqu'un, il faut que tous ceux dans l'intérêt de qui elle fonctionnait en causant
le préjudice viennent le réparer".
Duguit, qui récuse au demeurant tout système de la responsabilité pour faute subjective dans le cas
des collectivités dans la mesure où la personnalité des collectivités est une fiction, ne peut
qu'adhérer lui aussi à cette idée qui cadre parfaitement avec les thèses qu'il défend par ailleurs. "On
ne peut édifier la responsabilité de l'État, écrit-il, que sur l'idée d'une assurance sociale, supportée
par la caisse collective, au profit de ceux qui subissent un préjudice provenant du fonctionnement
des services publics, lequel a lieu en faveur de tous. Cette conception se rattache elle-même à une
idée qui a profondément pénétré la conscience juridique des peuples modernes, celle de l'égalité de
tous devant les charges publiques. L'activité de l'État s'exerce dans l'intérêt de la collectivité tout
entière ; les charges qu'il entraîne ne doivent pas peser plus lourdement sur les uns que sur les
autres. Si donc il résulte de l'intervention étatique un préjudice spécial pour quelques-uns, la
collectivité doit le réparer, soit qu'il y ait une faute des agents publics, soit qu'il n'y en ait pas.
L'État est en quelque sorte assureur de ce qu'on appelle souvent le risque social, c'est à dire le
risque provenant de l'activité sociale, se traduisant dans l'intervention de l'État... Si l'État est
responsable, ce n'est point parce qu'il aurait commis lui-même une faute par l'organe de ses agents;
c'est encore et uniquement parce qu'il assure les administrés contre tout le risque social".
Si, comme le relève M.-J. Redor ces thèses rencontrent, en pleine période solidariste, un succès
d'autant plus vif qu'elles sont susceptibles de satisfaire à la fois les libéraux - en augmentant les
garanties des administrés contre l'État - et les interventionnistes - puisqu'elles se justifient par les
risques croissants engendrés par l'activité de l'État, la théorie du risque a néanmoins l'inconvénient
d'être potentiellement très onéreuse pour l'administration puisqu'elle élargit considérablement les

32
possibilités d'indemnisation. Ce qui explique qu'après avoir plaidé pour l'abandon de la théorie
traditionnelle de la faute certains auteurs y reviennent, tandis que d'autres subordonnent le droit à
réparation à la preuve d'un préjudice spécial et anormal.
On remarquera que ces hésitations trouvent encore un écho aujourd'hui : en dépit du développement
des hypothèses de responsabilité sans faute, rares sont ceux qui plaident pour un abandon de la
responsabilité pour faute, à laquelle on trouve encore toute une série d'avantages. Alors même que
l'idée de socialisation a imprégné les mentalités parallèlement au développement de l'État
providence, la faute résiste, en effet, comme le relève Françoise Llorens-Fraysse. Elle continue à
tenir la place principale, à la fois quantitativement et qualitativement, dans la mise en jeu de la
responsabilité administrative, la responsabilité sans faute n'étant admise qu'à titre subsidiaire et
restant cantonnée dans des domaines qui, si l'on met à part les dommages de travaux publics, ne
concernent guère les aspects quotidiens des relations de l'administration avec les particuliers.
Cet examen parallèle de l'évolution du droit de la responsabilité en droit public et en droit privé fait
apparaître une problématique similaire : d'un côté l'impossibilité d'abandonner totalement la faute;
de l'autre l'impossibilité de fonder tout le droit de la responsabilité sur la faute, qui se traduit par la
découverte incessante de nouveaux cas de responsabilité sans faute et par le recours de plus en plus
fréquent à des mécanismes d'indemnisation collective mis en place par le législateur. On relève à
cet égard que, de façon significative, beaucoup de ces mécanismes peuvent jouer aussi bien pour
réparer des dommages causés par des personnes publiques que par des personnes privées,
phénomène qui contribue à la remise en cause de la scission traditionnelle entre responsabilité
publique et responsabilité privée en même temps qu'il en est une manifestation supplémentaire.
La question essentielle, désormais, est donc moins de savoir qui est responsable du dommage mais
qui doit assumer la charge financière du risque. Et à cette question on ne peut apporter de réponse
qu'en se référant aux fonctions de la responsabilité.
[...]

Les fonctions de la responsabilité administrative


La responsabilité est susceptible de remplir une pluralité de fonctions. Si l’on suit là encore
Eisenmann, dans le cas le plus classique, la responsabilité constitue une sanction : la sanction, c’est
la mesure qui doit inciter les destinataires d’une règle à s’y conformer, de sorte que l’obligation de
réparer ses fautes est envisagée par le législateur comme un moyen d’éviter ces infractions (la
responsabilité-sanction ne concerne cependant, aux yeux de l’auteur, que les personnes physiques
puisque, comme on l’a rappelé plus haut, les personnes morales ne sauraient selon lui être
responsables pour faute). Dans d’autres cas, la responsabilité joue le rôle d’une assurance :
l’obligation de réparer est une obligation d’assurance imposée à des personnes qu’elle constitue
assureurs de risques ou de dommages. Enfin, l’obligation d’indemniser apparaît parfois comme le
prix à payer par celui qui se livre à une activité licite pour avoir le droit de l’exercer bien qu’elle
cause à autrui un dommage : tel l’industriel qui exploite régulièrement un établissement incommode
ou insalubre mais doit indemniser les tiers en contrepartie.
Au regard des observations faites au départ, l’idée de raisonner non plus en termes de fondement
mais de fonctions de la responsabilité administrative paraît féconde. En prenant comme point de
départ les trois catégories dégagées par Eisenmann, on peut alors tenter de systématiser l’état actuel
du droit positif par rapport à ces fonctions. Cette présentation conduit à rassembler des hypothèses
généralement présentées de façon dissociée car appartenant les unes au registre de la faute, les autres
au registre de la responsabilité sans faute, et à dissocier au contraire des hypothèses relevant de la
responsabilité sans faute.
La responsabilité remplit d’abord une fonction sanctionnatrice, en ce qu’elle oblige l’administration
à réparer les fautes qu’elle a commises et l’incite à ne pas en commettre d’identiques à l’avenir.
Elle remplit ensuite une fonction d’assurance, que l’on retrouve sous trois formes : l’administration
assure les administrés contre les fautes personnelles commises par ses agents en l’absence de faute
de service, elle assure ses collaborateurs contre les accidents qui peuvent leur arriver en cours de
service, elle garantit enfin les administrés contre les risques résultant de ses activités dangereuses.
La responsabilité apparaît en troisième lieu comme l’équivalent du prix à payer par l’administration

33
en contrepartie d’actes accomplis légalement mais qui causent à ses destinataires ou à des tiers un
préjudice grave et spécial. Enfin, au-delà de ces trois hypothèses, il est des cas où l’indemnisation
n’est plus justifiée par la responsabilité propre de l’administration mais par la fonction de l’État
comme garant des risques sociaux, qu’ils soient engendrés par l’activité des particuliers ou des
collectivités publiques, sur le fondement de la solidarité nationale.

• Document 2 : Hafida Belrhali et Anne Jacquemet-Gauché, « Trop ou trop peu de


responsabilité ? Deux voix critiquent deux voies », AJDA 2018. 1806

La responsabilité administrative est souvent appréhendée comme un instrument de progrès de l'État


de droit et comme elle-même en constante progression. Nous avons souhaité faire un point sur son
état d'avancement. Convaincues que cette matière est toute en nuances, nous avons combiné nos
deux approches critiques. Il ne s'agit pas de nous focaliser sur le montant des indemnisations, sujet
auquel on réduit trop souvent les débats sur la responsabilité. Au-delà des aspects quantitatifs, nous
nous intéressons à la qualité des règles de responsabilité. Selon le regard que l'on porte sur elle, la
responsabilité oscille entre trop peu et trop. Lorsqu'elle se révèle limitée, ineffective, difficile à
mettre en œuvre, on pourrait souhaiter que la responsabilité progresse encore dans le sens d'un
engagement plus aisé. Au contraire, quelques débordements de la responsabilité sont à dénombrer,
lorsque cette dernière dépasse les limites de ce qui devrait incomber à la puissance publique. Nous
dessinons ici deux voies possibles pour la responsabilité : l'une d'entre nous est plus sensible aux
insuffisances de la responsabilité (Hafida Belrhali [HB]) et l'autre à ses excès (Anne Jacquemet-
Gauché [AJG]). La contribution qui suit a été prononcée à deux voix, qui restent entremêlées dans
cette version écrite.

(HB) L'évolution de la responsabilité administrative est souvent décrite positivement à travers son
extension. On souligne les nouvelles voies que constituent les régimes de responsabilité inaugurés
par le juge, l'abandon des théories qui la restreignent... Mais il ne faut pas oublier que subsistent des
faux-semblants et des lacunes. L'évolution de la responsabilité administrative n'est pas faite que de
grands arrêts de la jurisprudence administrative (GAJA) faisant reculer l'irresponsabilité ; il existe
aussi des anti-GAJA en quelque sorte, moins mis en avant, qui réduisent l'intérêt de la responsabilité
administrative. La restriction des conditions d'engagement de la responsabilité de la puissance
publique en milieu pénitentiaire en est un exemple significatif. Sous couvert d'une prise en compte
des « conditions particulières d'exercice des missions de l'administration pénitentiaire » (v. site
internet du Conseil d'État, dossier thématique Le juge administratif et l'administration pénitentiaire),
la responsabilité de l'État du fait des conditions de détention indignes reconnue par les juridictions
du fond a été strictement verrouillée par le Conseil d'État (v. les critères pour qualifier d'indignes
des conditions de détention : CE 13 janv. 2017, n° 389711, Lebon ; AJDA 2017. 637, note J.
Schmitz).

(AJG) De manière contrastée, d'autres cas de figure trahissent des excès de la responsabilité
conduisant l'État à jouer trop souvent le rôle d'assureur général. Ce faisant, l'idée même de
responsabilité - chacun doit répondre des dommages causés par son fait - est mise à mal. Si l'on
peut, de prime abord, se réjouir pour la victime de cette extension, la situation de déséquilibre est à
déplorer pour au moins trois raisons. La première tient au fait que la victime n'est pas toujours la
personne physique, individuelle, isolée et vulnérable à laquelle on pense, mais peut être une firme
puissante notamment. Ensuite, la victime n'est pas animée par le seul souhait d'obtenir une
compensation financière et désire aussi que les responsables soient identifiés, pointés du doigt et
sanctionnés - par exemple, l'agent à l'origine de la faute. Enfin, à travers la puissance publique,
l'ensemble des citoyens contribuables sont mis à contribution. Dans un souci de bonne gestion des
deniers publics, le développement à outrance de la responsabilité de la puissance publique n'est pas
souhaitable.

34
Au-delà des tensions ou contradictions qu'ils peuvent engendrer au sein du droit de la responsabilité,
ces insuffisances et excès ont surtout pour point commun de nuire à l'effectivité de celle-ci. Le bilan
des imperfections conduit à ce que nous suggérions trois évolutions principales pour l'avenir : éviter
les faux-semblants, mieux déterminer les préjudices indemnisables et parfaire l'action indemnitaire.

I – Éviter les faux-semblants

Le droit de la responsabilité prend parfois des apparences trompeuses. Ces critiques concernent tant
la responsabilité de la puissance publique que celle de l'agent.

A. Pour la responsabilité de la puissance publique

1. Pour une approche de la faute dénuée d'artifice

(HB) Le recul de la faute lourde est le plus souvent décrit comme une évolution favorable à
l'indemnisation des victimes. Toutefois, cet abandon est plus subtil qu'il n'y paraît. Tout en
abandonnant la faute lourde, le juge ne se départit pas d'une compréhension particulière à l'égard
de l'administration. Dès lors, le passage à la faute simple n'est pas nécessairement défavorable à
l'autorité administrative, si sa mission est définie de manière plus étroite. La faute (même simple)
est difficile à établir lorsque la mission de l'autorité administrative est entendue strictement.

Ainsi, dans l'affaire AZF, le Conseil d'État a redéfini la police des inspections des installations
classées pour conclure à l'absence de faute de l'État (CE 17 déc. 2014, n° 367202, Ministre de
l'écologie, du développement durable et de l'énergie, Lebon ; AJDA 2015. 592, note A. Jacquemet-
Gauché). Dans le prolongement de l'arrêt Magiera, avec l'arrêt Ville de Brest, il exige une analyse
circonstanciée de la méconnaissance de l'exigence de délai raisonnable (CE, sect., 17 juill. 2009, n°
295653, Lebon ; AJDA 2009. 1605, chron. S.-J. Lieber et D. Botteghi ; RFDA 2010. 405, note S.
Givernaud). A propos des conditions de détention, il détermine, dans l'arrêt du 13 janvier 2017
précité, des critères restrictifs pour considérer des conditions de détention comme indignes. En
matière hospitalière, il apprécie in concreto la faute médicale depuis l'affaire Époux V. (CE, ass.,
10 avr. 1992, n° 79027, Lebon avec les concl. ; AJDA 1992. 355, concl. H. Legal ; D. 1993. 146,
obs. P. Bon et P. Terneyre ; RFDA 1992. 571, concl. H. Legal)...

Dans toutes ces hypothèses, le juge prend en compte les difficultés rencontrées par l'administration
alors même qu'il a abandonné la faute lourde. Le passage à la faute simple n'est en rien synonyme
d'une obligation de résultat imposée à l'administration.

Dans la mesure où le juge administratif sait moduler ses exigences dans le cadre de la faute simple,
la faute lourde n'est qu'une solution « de confort » (L. Dutheillet de Lamothe et G. Odinet, chron.
sur CE, ass., avis, 6 juill. 2016, n° 398234, AJDA 2016. 1635). Pourquoi ne pas adopter alors une
responsabilité qui serait admise pour faute pour toute activité administrative : les îlots de
responsabilité pour faute lourde disparaîtraient, ce qui aurait l'avantage d'unifier l'état du droit et
d'assumer une appréhension de la responsabilité service par service à partir de la notion de faute
(simple). La jurisprudence la plus récente sur la lutte contre le terrorisme (CE 18 juill. 2018, n°
411156, Lebon ; AJDA 2018. 1915, concl. L. Marion et TA Paris, 18 juill. 2018, n° 1621238/3-1,
AJDA 2018. 1474) a fait un choix inverse. Néanmoins, la faute lourde est-elle encore nécessaire
pour faire preuve de compréhension à l'égard de l'administration ? Si son maintien permet de
reconnaître qu'il y a eu faute, l'intensité requise prive la victime (d'une faute simple)
d'indemnisation. N'est-ce pas là un artifice de la responsabilité administrative ?

2. Pour une effectivité de la responsabilité sans faute

L'extension de la responsabilité sans faute conduit à instaurer des cas où le principe de la


responsabilité est admis, mais celle-ci reste difficile à engager. On peut alors se demander si la
responsabilité sans faute n'est pas une vitrine trompeuse, un « produit de luxe » hors d'atteinte.

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Lorsque le juge inaugure la responsabilité sans faute à propos des actes de gouvernement que
constituent les accords d'Evian, dans l'arrêt Bernabé (CE 27 juin 2016, n° 382319, Lebon ; AJDA
2017. 67, note A. Jacquemet-Gauché), lorsqu'il aménage la solution de la jurisprudence Bitouzet,
s'agit-il de véritables progrès de la responsabilité administrative ? Quel est le devenir de
jurisprudences conçues si restrictivement ?

3. Pour une adéquation entre le principe de responsabilité et la réunion des conditions

Les trois conditions de la responsabilité (fait dommageable, lien de causalité et préjudice) sont
utilisées de manière telle que la première a été élargie quand les deux autres servent de variables
d'ajustement. Il me semble donc qu'aujourd'hui le principe de la responsabilité de la puissance
publique ne pose pas de problème. L'irresponsabilité ressurgit toutefois insidieusement grâce au jeu
des deux autres conditions ; certaines décisions donnent le sentiment que le lien de causalité et le
préjudice sont utilisés par le juge pour faire échapper la puissance publique à sa responsabilité. Le
jugement Société Clichy en fournit une illustration s'agissant du lien de causalité (TA Paris, 7 févr.
2017, n° 1505725/3-1 et, du même jour, n° 1507681/3-1, AJDA 2017. 698, concl. F. Doré ; et 545,
tribune M. Disant), de même que l'affaire Bernabé à nouveau. Les rigueurs du préjudice
apparaissent également dans l'appréciation du préjudice anormal et spécial (CE 28 janv. 2015, n°
362865, Réseau ferré de France, AJDA 2015. 1281, note A. Jacquemet-Gauché) ou encore dans
les subtilités de la démonstration du préjudice d'anxiété, lorsque le juge exige que la victime apporte
des éléments personnels et circonstanciés pour l'établir, et rend un arrêt blanc (sur le rejet de la
demande indemnitaire d'une victime du Mediator, v. CE 9 nov. 2016, n° 393108, Lebon avec les
concl. ; AJDA 2017. 426, note S. Brimo ; et 2016. 2134 ; RDSS 2016. 1162, obs. J. Peigné). Est-il
véritablement utile de développer la responsabilité administrative en apparence pour la resserrer
aussitôt ? Il serait bon soit d'ouvrir franchement une voie d'indemnisation qui a des chances de
prospérer, soit de ne pas l'ouvrir.

(AJG) En effet, ne serait-il pas préférable de renoncer à un engagement factice de la responsabilité


et de maintenir l'irresponsabilité en l'assumant ? L'Etat de droit ne se réduit pas à la réparation du
préjudice causé par la puissance publique, il repose aussi sur la confiance des citoyens dans la règle
de droit et son effectivité. A cet égard, il serait préférable de maintenir les actes de gouvernement
hors du champ de la responsabilité, plutôt que de consacrer une hypocrite responsabilité sans faute,
d'autant que, pour les relations internationales, un fait du tiers sera aisé à invoquer pour rompre le
lien de causalité.

B. Pour la responsabilité de l'agent

(AJG) Le développement du cumul de responsabilités et la circonstance qu'un simple lien avec le


service suffit pour engager la responsabilité de la personne publique devant le juge administratif
étendent la mise en cause de cette dernière de manière exagérée. Il est regrettable que la personne
publique puisse être mise à contribution même en l'absence de toute faute de sa part, le juge
administratif ayant considéré qu'il suffisait que le comportement de l'agent ne soit pas dépourvu de
tout lien avec le service (CE 2 mars 2007, n° 283257, Société Banque française commerciale de
l'Océan Indien, Lebon T. ; AJDA 2007. 503). Le souhait - légitime - de protéger la victime ne doit
pas aboutir à une exposition injustifiée de la personne publique, d'autant que l'action récursoire est
trop rarement mise en œuvre.

Une fois la personne publique condamnée et la victime indemnisée, la première pourrait se retourner
contre l'agent fautif, afin de ne pas supporter le coût définitif de la condamnation, ce qu'elle ne fait
pas ou trop rarement. Si la doctrine critique cette situation depuis les années 1950, un exemple
récent illustre encore les lacunes non pas du droit, mais de la pratique administrative qui pousse à
la surprotection des agents au détriment d'une juste imputation des fautes à leur auteur réel. Par un
jugement du 16 mars 2018, le tribunal administratif de Dijon (n° 1602640) a condamné l'État pour
faute, du fait du traitement inhumain et dégradant infligé à l'épouse d'un détenu, contrainte par le
personnel pénitentiaire d'ôter sa robe, de rejoindre le parloir en seuls gilet et collant et de se rhabiller

36
uniquement à l'issue du parloir. Le jugement précise que « l'administration pénitentiaire a elle-même
reconnu le comportement inadéquat et inapproprié des deux surveillants pénitentiaires au vu des
règles applicables ». Il ne s'agit donc pas d'une faute anonyme ou liée à un manque de moyens
structurels, comme dans le cadre des conditions de détention indignes. Et pourtant, nul doute
qu'aucune procédure ne sera intentée contre les agents en question. L'on en vient à regretter que
l'action récursoire ne soit pas à la disposition des citoyens, qu'il n'existe pas une sorte d'action
récursoire provoquée, à l'instar du déféré provoqué.

II - Mieux déterminer les préjudices indemnisables

Si la tendance est clairement à l'extension continue de la liste des préjudices indemnisables (v.,
dossier, Le préjudice, actes du colloque de l'AFDA organisé à Tours le 1er décembre 2017, in Dr.
adm., sept. 2018), des progrès peuvent encore être faits, qui tendraient à la reconnaissance de
certains préjudices (HB). Toutefois, ce mouvement doit trouver des bornes et, dans certaines
situations, il semblerait que l'on soit déjà allé trop loin (AJG), nuisant ainsi à la cohérence du droit
de la responsabilité administrative.

A. Pour la reconnaissance de certains préjudices

(HB) La catégorie que constitue le préjudice moral mérite une étude attentive (que S. Hourson
développe infra). Ce préjudice est aujourd'hui l'objet d'indéterminations ou d'imprécisions. En
outre, son indemnisation semble par principe minorée.

1. Pour la reconnaissance des préjudices psychologiques

Le bien-être de l'individu est à la fois physique et psychologique. Appréhender les atteintes à


l'intégrité psychologique de manière globale permettrait d'avoir une vue d'ensemble de préjudices
perçus aujourd'hui de manière éparse. Plutôt que de penser la douleur morale, le préjudice
d'impréparation, le préjudice d'anxiété, le préjudice d'inquiétude ou l'angoisse de mort imminente
de manière spécifique et variable selon qu'il s'agit de victimes par ricochet, de victimes d'accidents
médicaux, de l'amiante, du Mediator ou d'actes terroristes, on pourrait s'intéresser à tout individu
comme susceptible de subir des atteintes d'ordre psychologique lorsqu'un dommage l'affecte. La
jurisprudence relative à ces formes de souffrances est délicate à manier.

2. Pour la reconnaissance des atteintes aux droits

Les atteintes aux droits qui n'ont pas de dimension patrimoniale sont considérées comme des
préjudices moraux, ou parfois indemnisées en tant que troubles dans les conditions d'existence
(TCE), à défaut d'autre qualification (c'est le cas pour le droit au logement opposable notamment).
Certes, l'imprécision des TCE peut sembler particulièrement utile pour les membres de la juridiction
administrative, car cette catégorie permet d'indemniser les préjudices mal reconnus. Toutefois, les
atteintes aux droits méritent mieux que ce traitement a minima : un préjudice autonome et une
indemnisation substantielle seraient nécessaires.

3. Pour une meilleure reconnaissance des préjudices moraux des groupements

Le Conseil d'État semble adopter une position jurisprudentielle rigoureuse à propos de l'action des
groupements ; il admet difficilement le préjudice moral subi par les associations de défense de
l'environnement par exemple. Sans attendre l'essor de l'action de groupe, admettre davantage ce
préjudice moral libérerait l'action des groupements de son étau et favoriserait l'usage de l'action en
responsabilité comme aiguillon à l'égard de l'administration.

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B. Contre la reconnaissance de certains préjudices

(AJG) La jurisprudence va parfois trop loin. Il est des hypothèses dans lesquelles le préjudice ne
semble pas réellement constitué. Une jurisprudence abondante a précisé les contours de l'obligation
d'information en matière médicale, renforçant les exigences pesant sur les médecins et le service
public hospitalier plus généralement. Par le biais de la perte de chance, plusieurs condamnations
ont été prononcées. Cet engagement de la responsabilité permet, outre la satisfaction de la victime,
de pointer du doigt une lacune du service, en supposant qu'il sera remédié à cette défaillance, c'est-
à-dire qu'une meilleure information sera délivrée à l'avenir. En réalité, la fonction pédagogique de
la responsabilité n'atteint pas son but puisque si plus d'informations sont délivrées, la
compréhension n'est pas toujours plus grande. Le patient, plus éclairé, ne l'est pas nécessairement
mieux (v., J. Holzem, Les limites du consentement éclairé, AJDA 2016. 364). Ce caractère parfois
purement formel de l'information incite à s'interroger sur la substance du préjudice tiré du défaut
d'information.

Par ailleurs, en application de l'adage infans conceptus, il a été jugé en 2017 que l'enfant, qui n'est
pas encore né, mais est simplement conçu au moment du décès de son père, peut être indemnisé du
fait du préjudice ainsi subi, non du fait du préjudice « né de la souffrance causée par la disparition
de son père », mais du fait de la privation « de la vie affective et des joies que tout jeune enfant peut
attendre des relations avec ses parents » (CAA Nantes, 7 juin 2017, n° 16NT01005, RFDA 2017.
983, concl. F.-X. Bréchot et pour l'absence d'un grand-père à ses côtés pour la vie à venir de
l'enfant : TA Amiens, 29 mars 2018, n° 1501594). Cela revient à présupposer que le père aurait été
présent, investi et source de joie auprès de son enfant, ce qui n'est pas le cas dans toutes les familles.
Cette reconnaissance automatique du préjudice conduit en réalité à une forfaitisation de
l'indemnisation. Si l'on peut aisément comprendre que les juges soient tentés de statuer en équité,
en humanité pourrait-on dire, plutôt qu'en droit dans ces affaires mettant en jeu la vie humaine, on
peut regretter l'affranchissement auquel cela conduit des règles de droit et de l'exigence d'un
préjudice personnel et démontré. La responsabilité remplit en l'occurrence une fonction qui n'est
pas la sienne. […]

• Document 3 : Nomenclature des préjudices corporels, rapport du groupe de travail


dirigé par Jean-Pierre Dintilhac, Ministère de la justice, 2005, p. 48-49

A – Proposition de nomenclature des préjudices corporels de la victime directe

1°) Préjudices patrimoniaux


a) Préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation) :
- Dépenses de santé actuelles (D.S.A.)
- Frais divers (F.D.)
- Pertes de gains professionnels actuels (P.G.P.A.)
b) Préjudices patrimoniaux permanents (après consolidation) :
- Dépenses de santé futures (D.S.F.)
- Frais de logement adapté (F.L.A.)
- Frais de véhicule adapté (F.V.A.)
- Assistance par tierce personne (A.T.P.)
- Pertes de gains professionnels futurs (P.G.P.F.)
- Incidence professionnelle (I.P.)
- Préjudice scolaire, universitaire ou de formation (P.S.U.)

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2°) Préjudices extra-patrimoniaux
a) Préjudices extra-patrimoniaux temporaires (avant consolidation) :
- Déficit fonctionnel temporaire (D.F.T.)
- Souffrances endurées (S.E.)
- Préjudice esthétique temporaire (P.E.T.)
b) Préjudices extra-patrimoniaux permanents (après consolidation) :
- Déficit fonctionnel permanent (D.F.P.)
- Préjudice d’agrément (P.A.)
- Préjudice esthétique permanent (P.E.P.)
- Préjudice sexuel (P.S.)
- Préjudice d’établissement (P.E.)
- Préjudices permanents exceptionnels (P.P.E.)
c) Préjudices extra-patrimoniaux évolutifs (hors consolidation) :
- Préjudices liés à des pathologies évolutives (P.E.V.)

B – Proposition de nomenclature des préjudices corporels des victimes indirectes (victimes par
ricochet)

1°) Préjudices des victimes indirectes en cas de décès de la victime directe


a) Préjudices patrimoniaux
- Frais d’obsèques (F.O.)
- Pertes de revenus des proches (P.R.)
- Frais divers des proches (F.D.)
b) Préjudices extra-patrimoniaux
- Préjudice d’accompagnement (P.AC.)
- Préjudice d’affection (P.AF.)

2°) Préjudices des victimes indirectes en cas de survie de la victime directe


a) Préjudices patrimoniaux
- Pertes de revenus des proches (P.R.)
- Frais divers des proches (F.D.)
b) Préjudices extra-patrimoniaux
- Préjudice d’affection (P.AF.)
- Préjudices extra-patrimoniaux exceptionnels (P.EX.)

• Document 4 : CE, Ass., 12 avril 2002, Papon

Vu l'ordonnance, enregistrée le 3 octobre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, par


laquelle le président du tribunal administratif de Paris a transmis au Conseil d'État, en application
de l'article R. 351-2 du Code de justice administrative, la demande présentée à ce tribunal par M.
Papon ;
Vu la demande, enregistrée le 25 septembre 1998 au greffe du tribunal administratif de Paris,
présentée pour M. Maurice Papon et tendant à la condamnation de l'État à le garantir et à le relever
de la somme de 4 720 000 francs (719 559 €) mise à sa charge au titre des condamnations civiles
pécuniaires prononcées à son encontre, le 3 avril 1998, par la cour d'assises de la Gironde ;
.....................................

39
Considérant que M. Papon, qui a occupé de juin 1942 à août 1944 les fonctions de secrétaire général
de la préfecture de la Gironde, a été condamné le 2 avril 1998 par la cour d'assises de ce département
à la peine de dix ans de réclusion criminelle pour complicité de crimes contre l'humanité assortie
d'une interdiction pendant dix ans des droits civiques, civils et de famille ; que cette condamnation
est intervenue en raison du concours actif apporté par l'intéressé à l'arrestation et à l'internement de
plusieurs dizaines de personnes d'origine juive, dont de nombreux enfants, qui, le plus souvent après
un regroupement au camp de Mérignac, ont été acheminées au cours des mois de juillet, août et
octobre 1942 et janvier 1944 en quatre convois de Bordeaux à Drancy avant d'être déportées au
camp d'Auschwitz où elles ont trouvé la mort ; que la cour d'assises de la Gironde, statuant le 3 avril
1998 sur les intérêts civils, a condamné M. Papon à payer aux parties civiles, d'une part, les
dommages et intérêts demandés par elles, d'autre part, les frais exposés par elles au cours du procès
et non compris dans les dépens ; que M. Papon demande, après le refus du ministre de l'Intérieur de
faire droit à la démarche qu'il a engagée auprès de lui, que l'État soit condamné à le garantir et à le
relever de la somme de 4 720 000 francs (719 559 €) mise à sa charge au titre de ces condamnations ;
Sur le fondement de l'action engagée :
Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant
droits et obligations des fonctionnaires : « Lorsqu'un fonctionnaire a été poursuivi par un tiers pour
faute de service et que le conflit d'attribution n'a pas été élevé, la collectivité publique doit, dans la
mesure où une faute personnelle détachable de l'exercice de ses fonctions n'est pas imputable à ce
fonctionnaire, le couvrir des condamnations civiles prononcées contre lui » ; que, pour l'application
de ces dispositions, il y a lieu - quel que soit par ailleurs le fondement sur lequel la responsabilité
du fonctionnaire a été engagée vis-à-vis de la victime du dommage - de distinguer trois cas ; que,
dans le premier, où le dommage pour lequel l'agent a été condamné civilement trouve son origine
exclusive dans une faute de service, l'administration est tenue de couvrir intégralement l'intéressé
des condamnations civiles prononcées contre lui ; que, dans le deuxième, où le dommage provient
exclusivement d'une faute personnelle détachable de l'exercice des fonctions, l'agent qui l'a
commise ne peut au contraire, quel que soit le lien entre cette faute et le service, obtenir la garantie
de l'administration ; que, dans le troisième, où une faute personnelle a, dans la réalisation du
dommage, conjugué ses effets avec ceux d'une faute de service distincte, l'administration n'est tenue
de couvrir l'agent que pour la part imputable à cette faute de service ; qu'il appartient dans cette
dernière hypothèse au juge administratif, saisi d'un contentieux opposant le fonctionnaire à son
administration, de régler la contribution finale de l'un et de l'autre à la charge des réparations compte
tenu de l'existence et de la gravité des fautes respectives ;
Sur l'existence d'une faute personnelle :
Considérant que l'appréciation portée par la cour d'assises de la Gironde sur le caractère personnel
de la faute commise par M. Papon, dans un litige opposant M. Papon aux parties civiles et portant
sur une cause distincte, ne s'impose pas au juge administratif statuant dans le cadre, rappelé ci-
dessus, des rapports entre l'agent et le service ;
Considérant qu'il ressort des faits constatés par le juge pénal, dont la décision est au contraire
revêtue sur ce point de l'autorité de la chose jugée, que M. Papon, alors qu'il était secrétaire général
de la préfecture de la Gironde entre 1942 et 1944, a prêté son concours actif à l'arrestation et à
l'internement de 76 personnes d'origine juive qui ont été ensuite déportées à Auschwitz où elles ont
trouvé la mort ; que si l'intéressé soutient qu'il a obéi à des ordres reçus de ses supérieurs
hiérarchiques ou agi sous la contrainte des forces d'occupation allemandes, il résulte de l'instruction
que M. Papon a accepté, en premier lieu, que soit placé sous son autorité directe le service des
questions juives de la préfecture de la Gironde alors que ce rattachement ne découlait pas de la
nature des fonctions occupées par le secrétaire général ; qu'il a veillé, en deuxième lieu, de sa propre
initiative et en devançant les instructions venues de ses supérieurs, à mettre en œuvre avec le
maximum d'efficacité et de rapidité les opérations nécessaires à la recherche, à l'arrestation et à
l'internement des personnes en cause ; qu'il s'est enfin attaché personnellement à donner l'ampleur
la plus grande possible aux quatre convois qui ont été retenus à sa charge par la cour d'assises de la
Gironde, sur les 11 qui sont partis de ce département entre juillet 1942 et juin 1944, en faisant

40
notamment en sorte que les enfants placés dans des familles d'accueil à la suite de la déportation de
leurs parents ne puissent en être exclus ; qu'un tel comportement, qui ne peut s'expliquer par la seule
pression exercée sur l'intéressé par l'occupant allemand, revêt, eu égard à la gravité exceptionnelle
des faits et de leurs conséquences, un caractère inexcusable et constitue par là même une faute
personnelle détachable de l'exercice des fonctions ; que la circonstance, invoquée par M. Papon,
que les faits reprochés ont été commis dans le cadre du service ou ne sont pas dépourvus de tout
lien avec le service est sans influence sur leur caractère de faute personnelle pour l'application des
dispositions précitées de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 ;
Sur l'existence d'une faute de service :
Considérant que si la déportation entre 1942 et 1944 des personnes d'origine juive arrêtées puis
internées en Gironde dans les conditions rappelées ci-dessus a été organisée à la demande et sous
l'autorité des forces d'occupation allemandes, la mise en place du camp d'internement de Mérignac
et le pouvoir donné au préfet, dès octobre 1940, d'y interner les ressortissants étrangers « de race
juive », l'existence même d'un service des questions juives au sein de la préfecture, chargé
notamment d'établir et de tenir à jour un fichier recensant les personnes « de race juive » ou de
confession israélite, l'ordre donné aux forces de police de prêter leur concours aux opérations
d'arrestation et d'internement des personnes figurant dans ce fichier et aux responsables
administratifs d'apporter leur assistance à l'organisation des convois vers Drancy - tous actes ou
agissements de l'administration française qui ne résultaient pas directement d'une contrainte de
l'occupant - ont permis et facilité, indépendamment de l'action de M. Papon, les opérations qui ont
été le prélude à la déportation ;
Considérant que si l'article 3 de l'ordonnance du 9 août 1944 relative au rétablissement de la légalité
républicaine sur le territoire continental constate expressément la nullité de tous les actes de
l'autorité de fait se disant « gouvernement de l'État français » qui « établissent ou appliquent une
discrimination quelconque fondée sur la qualité de juif », ces dispositions ne sauraient avoir pour
effet de créer un régime d'irresponsabilité de la puissance publique à raison des faits ou agissements
commis par l'administration française dans l'application de ces actes, entre le 16 juin 1940 et le
rétablissement de la légalité républicaine sur le territoire continental ; que, tout au contraire, les
dispositions précitées de l'ordonnance ont, en sanctionnant par la nullité l'illégalité manifeste des
actes établissant ou appliquant cette discrimination, nécessairement admis que les agissements
auxquels ces actes ont donné lieu pouvaient revêtir un caractère fautif ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la faute de service analysée ci-dessus engage,
contrairement à ce que soutient le ministre de l'Intérieur, la responsabilité de l'État ; qu'il incombe
par suite à ce dernier de prendre à sa charge, en application du deuxième alinéa de l'article 11 de la
loi du 13 juillet 1983, une partie des condamnations prononcées, appréciée en fonction de la mesure
qu'a prise la faute de service dans la réalisation du dommage réparé par la cour d'assises de la
Gironde ;
Sur la répartition finale de la charge :
Considérant qu'il sera fait une juste appréciation, dans les circonstances de l'espèce, des parts
respectives qui peuvent être attribuées aux fautes analysées ci-dessus en condamnant l'État à
prendre à sa charge la moitié du montant total des condamnations civiles prononcées à l'encontre
du requérant le 3 avril 1998 par la cour d'assises de la Gironde ;
Décide :
Art. 1er : L'État est condamné à prendre à sa charge la moitié du montant total des condamnations
civiles prononcées à l'encontre de M. Papon le 3 avril 1998 par la cour d'assises de la Gironde.

41
• Document 5 : CE, 18 juillet 2018, Mme Monnet, épouse Chennouf et autres, n°
411156
Vu la procédure suivante :

M. I.O., Mme F.O., M. D.O. et Mme L.O., Mme N.H., épouse O., en son nom personnel et au nom de
son fils mineur, C., M. E.H., Mme B.-R.H., M. M.H., Mme P. J. et le Fonds de garantie des victimes
des actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI) ont demandé au tribunal administratif de
Nîmes de condamner l'État à les indemniser des préjudices subis du fait de l'assassinat de M. A.O.
le 15 mars 2012. Par un jugement n° 1400420, 150005 du 12 juillet 2016, le tribunal administratif
de Nîmes a rejeté la demande de M. I.O., M. D.O. et Mme L.O. et condamné l'État à verser à Mme
N.H. épouse O. la somme de 20 000 euros, dont 10 000 euros en qualité de représentante légale de
son fils mineur, à Mme B.-R. H. la somme de 21 836, 27 euros, à M. E.H. la somme de 2 000 euros
et au FGTI la somme de 5 000 euros.

Par un arrêt n° 16MA03663 du 4 avril 2017, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel
du ministre de l'Intérieur, annulé ce jugement et rejeté les demandes des consorts O. et du FGTI.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 2 juin et 4 septembre 2017
au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, Mme N.H., épouse O., en son nom personnel et au
nom de son fils mineur, C., M. I.O., Mme F.O., M. D.O. et Mme L.O., M. E.H., Mme B.-R.H. et M.
M.H., et Mme P.J. demandent au Conseil d'État :

1°) d'annuler cet arrêt ;


2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur demande ;
[…]

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A.O., caporal-
chef affecté au 17e régiment du génie parachutiste, a été assassiné le 15 mars 2012 à Montauban
alors qu'il était dans la rue en tenue militaire, devant le guichet automatique d'une banque ;
qu'estimant que des fautes avaient été commises par les services de renseignement dans la
surveillance de M. K.G., son assassin, les parents de M. O., ses frère et soeur, ainsi que la veuve de
M.O., agissant en son nom propre et en sa qualité de représentante légale de son fils mineur, les
parents, la grand-mère et le frère de celle-ci ont adressé à l'État des demandes d'indemnisation
préalable, qui ont été rejetées ; que le fonds de garantie des actes de terrorisme et d'autres infractions
(FGTI) a également saisi l'État d'une demande tendant au remboursement des sommes versées aux
proches de la victime ; que, par un jugement du 12 juillet 2016, le tribunal administratif de Nîmes
a estimé que la responsabilité de l'État était engagée à raison des carences commises par les services
de renseignement dans l'exercice de leur mission de prévention des actions terroristes et de
surveillance des individus radicaux, du fait de l'absence de toute mesure de surveillance de M. K.G.
à son retour du Pakistan en 2011 ; qu'ayant évalué à un tiers la perte de chance de prévenir le décès
d'A.O. ayant résulté de la faute ainsi commise, le tribunal a retenu qu'il y avait lieu de mettre à la
charge de l'État la réparation du tiers des préjudices des requérants ; que les premiers juges ont
condamné l'État à verser à la veuve de la victime la somme de 20 000 euros, dont 10 000 euros en
qualité de représentante légale de son fils mineur, à la belle-mère de la victime la somme de 21 836,
27 euros, à son beau-père la somme de 2 000 euros et au FGTI la somme de 5 000 euros ; qu'ils ont
en revanche rejeté les conclusions indemnitaires des autres membres de la famille Q.'A.O. ; que
saisie par le ministre de l'Intérieur, la cour administrative d'appel de Marseille a, par un arrêt du 4
avril 2017, annulé le jugement et rejeté la demande des consorts O. et du FGTI au motif que les
services de l'État n'avaient pas commis de faute lourde en lien avec le décès d'A.O. ; que les consorts
O. se pourvoient en cassation contre cet arrêt ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'en jugeant que seule une faute lourde était de nature à engager
la responsabilité de l'État à l'égard des victimes d'acte de terrorisme à raison des carences des
services de renseignement dans la surveillance d'un individu ou d'un groupe d'individus, la cour n'a
pas commis d'erreur de droit ;

42
3. Considérant, en second lieu, qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M.
K.G., de nationalité française, était suivi par les services de renseignement de Toulouse depuis 2006
en raison de ses fréquentations au sein du milieu de l'islam radical ; qu'à la suite d'un voyage en
Afghanistan à la fin de l'année 2010, il a fait l'objet, au cours du premier semestre 2011, d'une
enquête approfondie de ces services, qui ont notamment procédé à une quarantaine de filatures ainsi
qu'au contrôle de ses communications téléphoniques et électroniques ; qu'au retour d'un séjour au
Pakistan effectué au cours de l'été 2011, Mohamed G. a été entendu au siège de la direction centrale
du renseignement intérieur le 14 novembre 2011 ; que, postérieurement à cet entretien, il n'a plus
fait l'objet de mesures de surveillance particulière avant l'attentat commis à l'encontre d'A.O. ;

4. Considérant que la cour a relevé que l'enquête dont Mohamed G. avait fait l'objet au premier
semestre 2011, si elle avait mis en évidence le profil radicalisé de l'intéressé et son comportement
méfiant, n'avait pas permis de recueillir des indices suffisamment sérieux d'infraction en lien avec
des actes terroristes, de nature à justifier l'ouverture d'une information judiciaire à l'encontre de
l'intéressé ; que si la cour a constaté qu'au cours de l'audition du 14 novembre 2011, les agents de
la direction centrale du renseignement intérieur, induits en erreur par l'attitude dissimulatrice de
Mohamed G., n'étaient pas parvenus à mettre en évidence son appartenance à un réseau djihadiste
et l'existence de risques suffisamment avérés de préparation d'actes terroristes, elle a retenu que ni
cette méprise sur la dangerosité de l'intéressé ni l'absence de reprise des mesures de surveillance
qui en est résulté ne caractérisaient, eu égard aux moyens matériels dont disposaient les services de
renseignement et aux difficultés particulières inhérentes à la prévention de ce type d'attentat
terroriste, l'existence d'une faute lourde ; qu'en statuant ainsi, la cour, qui a suffisamment motivé
son arrêt, n'a, eu égard à ses appréciations souveraines exemptes de dénaturation, pas commis
d'erreur de qualification juridique ;

5. Considérant que les consorts O. ne sont par suite pas fondés à demander l'annulation de l'arrêt
qu'ils attaquent ; que leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice
administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;

Décide :
Article 1er : Le pourvoi de Mme H. et autres est rejeté. […]

• Document 6 : Patrick Wachsmann, « À quoi sert la faute lourde en matière de police


administrative ? », AJDA 2018. 1801

Depuis l'arrêt Époux V. de 1992, la faute lourde paraissait vouée à disparaître du droit de la
responsabilité administrative. Les hypothèses dans lesquelles elle était remplacée par la faute
« simple » se multipliaient, y compris en matière de police administrative - des immeubles menaçant
ruine aux contrôles incombant à la police aux frontières. Cependant, l'absence de formule nette
indiquant l'abandon de la faute lourde dans ce domaine ne pouvait que frapper - ainsi encore, dans
l'avis contentieux de 2016 (aff. Napol), à propos des fautes commises dans l'exécution des
perquisitions administratives sous le régime de l'état d'urgence, alors que l'adoption en l'espèce de
la faute simple paraissait propice à une telle clarification.

Or la décision rendue sur la requête de membres de la famille d'Abel Chennouf, l'une des victimes
de Mohamed Merah, vient redonner à la faute lourde une nouvelle et inattendue vigueur. Le Conseil
d'État approuve la cour administrative d'appel de Marseille de s'être placée, à l'inverse de ce qu'avait
fait le tribunal administratif de Nîmes, sur le terrain de la faute lourde et d'avoir conclu à l'absence
d'une telle faute. La faute simple a donc paru ne pas devoir s'appliquer aux « carences des services
de renseignement dans la surveillance d'un individu ou d'un groupe d'individus » : les victimes
d'actes de terrorisme doivent démontrer l'existence d'une faute lourde, appréciée compte tenu des
moyens matériels dont disposaient les services de renseignement et des difficultés particulières
inhérentes à la prévention d'actes terroristes.

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Sachant que l'existence de toute faute du service public s'apprécie compte tenu des moyens matériels
de celui-ci, seule subsiste la justification prise de la particulière difficulté de l'activité administrative
en cause. A lourde tâche, faute lourde : cette équation remonte aux conclusions de Rivet sur l'arrêt
Clef en 1925, alléguant de surcroît qu'il fallait veiller à ne pas voir l'activité de la police « énervée
par des menaces permanentes de complications contentieuses ». Ce raisonnement ne saurait
convaincre : l'équation est primaire (son application en matière de police a causé, depuis l'apparition
de la faute simple avec l'arrêt Amoudruz de 1958, des difficultés de démarcation insurmontables) et
le fantasme de fonctionnaires restant les bras croisés de peur de risquer d'engager la responsabilité
du service inconsistant, alors que la carence du service public est également fautive... Surtout, les
conclusions d'Hubert Legal dans l'affaire Époux V. et de Jacques-Henri Stahl dans l'affaire Theux
ont montré que la faute simple permet aussi bien la prise en compte des difficultés auxquelles est
confrontée l'administration.

Ne reste alors derrière l'arrêt du 18 juillet 2018 que l'ombre de la raison d'État. En dépit du fort
accroissement des moyens de surveillance que la loi relative au renseignement du 24 juillet 2015
confère aux services, le Conseil d'État entend dissuader les victimes du terrorisme de tenter
d'engager la responsabilité de l'État sur le terrain de la faute. Désignant dans la faute lourde l'«
héritage d'un ancien principe d'irresponsabilité », Jacques-Henri Stahl avait montré qu'elle signifiait
désormais, pour les justiciables, un déni de justice. Est-il permis de penser que la raison essentielle
de sa réaffirmation en l'espèce réside dans le fait que les sérieuses défaillances constatées dans la
surveillance de Merah, que le tribunal administratif avait détaillées, rendaient peu crédible
l'affirmation que les erreurs ainsi commises n'étaient pas constitutives d'une faute de nature à
engager la responsabilité de l'État ? Comme l'avait compris la cour d'appel, seul le recours à la faute
lourde permettait d'éviter de déclarer l'État responsable dans cette affaire. Il est cependant très
regrettable de le transformer ainsi, fût-ce pour un secteur particulier de la police administrative, en
une échappatoire laissée au juge, en un joker, en somme.

• Document 7 : CE, Ass., 28 juin 2002, Ministre de la justice c/ Magiera


Considérant que, par l'arrêt attaqué, la cour administrative d'appel de Paris, après avoir constaté que
la procédure que M. Magiera avait précédemment engagée à l'encontre de l'État et de la société La
Limousine et qui avait abouti à la condamnation de ces défendeurs à lui verser une indemnité de 78
264 francs, avait eu une durée excessive au regard des exigences de l'article 6, paragraphe 1, de la
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, a
condamné l'État à verser à M. Magiera une indemnité de 30 000 francs pour la réparation des
troubles de toute nature subis par lui du fait de la longueur de la procédure ;
[...]
Sur la légalité de l'arrêt attaqué :
Sur le moyen relatif aux conditions d'engagement de la responsabilité de l'État :
Considérant que le garde des Sceaux, ministre de la Justice, soutient, d'une part, que la cour a
commis une erreur de droit en estimant la responsabilité de l'État automatiquement engagée dans le
cas où la durée d'une procédure aurait été excessive, d'autre part, qu'elle a commis une autre erreur
de droit ainsi qu'une dénaturation des pièces du dossier en ce qui concerne les critères qu'elle a
retenus pour juger anormalement longue la durée de la procédure en cause ;
Considérant qu'aux termes de l'article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne de sauvegarde
des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit
entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal [...] qui décidera
[...] des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil » ; qu'aux termes de l'article 13
de la même Convention : « Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente
convention ont été violés a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors
même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs
fonctions officielles » ;

44
Considérant qu'il résulte de ces stipulations, lorsque le litige entre dans leur champ d'application,
ainsi que, dans tous les cas, des principes généraux qui gouvernent le fonctionnement des
juridictions administratives, que les justiciables ont droit à ce que leurs requêtes soient jugées dans
un délai raisonnable ;
Considérant que si la méconnaissance de cette obligation est sans incidence sur la validité de la
décision juridictionnelle prise à l'issue de la procédure, les justiciables doivent néanmoins pouvoir
en faire assurer le respect ; qu'ainsi lorsque la méconnaissance du droit à un délai raisonnable de
jugement leur a causé un préjudice, ils peuvent obtenir la réparation du dommage ainsi causé par le
fonctionnement défectueux du service public de la justice ;
Considérant qu'après avoir énoncé que la durée de la procédure avait été excessive, la cour
administrative d'appel en a déduit que la responsabilité de l'État était engagée vis-à-vis de M.
Magiera ; que, ce faisant, loin de violer les textes et les principes susrappelés, elle en a fait une
exacte application ;
Considérant que le caractère raisonnable du délai de jugement d'une affaire doit s'apprécier de
manière à la fois globale - compte tenu, notamment, de l'exercice des voies de recours - et concrète,
en prenant en compte sa complexité, les conditions de déroulement de la procédure et, en particulier,
le comportement des parties tout au long de celle-ci, mais aussi, dans la mesure où la juridiction
saisie a connaissance de tels éléments, l'intérêt qu'il peut y avoir, pour l'une ou l'autre, compte tenu
de sa situation particulière, des circonstances propres au litige et, le cas échéant, de sa nature même,
à ce qu'il soit tranché rapidement ;
Considérant que pour regarder comme excessif le délai de jugement du recours de M. Magiera, la
cour administrative d'appel de Paris énonce que la durée d'examen de l'affaire devant le tribunal
administratif de Versailles a été de sept ans et six mois pour « une requête qui ne présentait pas de
difficulté particulière » ; qu'en statuant ainsi, la cour, contrairement à ce que soutient le ministre, a
fait une exacte application des principes rappelés ci-dessus ;
Sur le moyen relatif aux conditions d'appréciation de l'existence d'un préjudice :
Considérant que le garde des Sceaux, ministre de la Justice, soutient que la cour ne pouvait se borner
à constater « une inquiétude et des troubles dans les conditions d'existence », mais devait rechercher
si un préjudice pouvait être caractérisé compte tenu de la nature et de l'enjeu du litige ainsi que de
l'issue qui lui avait été donnée ;
Considérant que l'action en responsabilité engagée par le justiciable dont la requête n'a pas été jugée
dans un délai raisonnable doit permettre la réparation de l'ensemble des dommages tant matériels
que moraux, directs et certains, qui ont pu lui être causés et dont la réparation ne se trouve pas
assurée par la décision rendue sur le litige principal ; que peut ainsi, notamment, trouver réparation
le préjudice causé par la perte d'un avantage ou d'une chance ou encore par la reconnaissance tardive
d'un droit ; que peuvent aussi donner lieu à réparation les désagréments provoqués par la durée
abusivement longue d'une procédure lorsque ceux-ci ont un caractère réel et vont au-delà des
préoccupations habituellement causées par un procès, compte tenu notamment de la situation
personnelle de l'intéressé ;
Considérant que la cour administrative d'appel de Paris a estimé, par une appréciation souveraine,
que M. Magiera avait subi, du fait de l'allongement de la procédure, « une inquiétude et des troubles
dans les conditions d'existence » dont elle a chiffré la somme destinée à en assurer la réparation à
30 000 francs ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que, contrairement à ce que soutient le
ministre, la cour administrative d'appel de Paris n'a pas commis d'erreur de droit ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le garde des Sceaux, ministre de la Justice, n'est
pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris en date du 11
juillet 2001 ;
Décide :
Art. 1er : Le recours du garde des Sceaux, ministre de la Justice, est rejeté.

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• Document 8 : Code de la santé publique, art. L. 1142-1 (créé par la loi du 4 mars
2002)

I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les
professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout
établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention,
de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de
prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute.
Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages
résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère.

II. - Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme


mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection
iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en
cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement
imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des
conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci
et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités
fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant
notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée
de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire.
Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte
permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique
fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret.

• Document 9 : Loi pénitentiaire n° 2009-1436 du 24 novembre 2009, art. 44

L'administration pénitentiaire doit assurer à chaque personne détenue une protection effective de
son intégrité physique en tous lieux collectifs et individuels.
Même en l'absence de faute, l'État est tenu de réparer le dommage résultant du décès d'une personne
détenue causé par des violences commises au sein d'un établissement pénitentiaire par une autre
personne détenue.
Toute personne détenue victime d'un acte de violence caractérisé commis par un ou plusieurs
codétenus fait l'objet d'une surveillance et d'un régime de détention particuliers. Elle bénéficie
prioritairement d'un encellulement individuel.
Lorsqu'une personne détenue s'est donné la mort, l'administration pénitentiaire informe
immédiatement sa famille ou ses proches des circonstances dans lesquelles est intervenu le décès et
facilite, à leur demande, les démarches qu'ils peuvent être conduits à engager.

• Document 10 : CE, sect., 5 juin 1992, M. et Mme Cala

Considérant qu'une collectivité publique peut en principe s'exonérer de la responsabilité qu'elle


encourt à l'égard des usagers d'un ouvrage public victimes d'un dommage causé par l'ouvrage si elle
apporte la preuve que ledit ouvrage a été normalement aménagé et entretenu ; que sa responsabilité
ne peut être engagée à l'égard des usagers, même en l'absence de tout défaut d'aménagement ou
d'entretien normal, que lorsque l'ouvrage, en raison de la gravité exceptionnelle des risques auxquels
sont exposés les usagers du fait de sa conception même, doit être regardé comme présentant par lui-
même le caractère d'un ouvrage exceptionnellement dangereux ;

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Considérant que, par l'arrêt attaqué, la cour administrative d'appel de Lyon, annulant un jugement
du tribunal administratif de Nice, a condamné l'État à indemniser M. et Mme X... du préjudice
résultant de l'accident dont ils ont été victimes le 28 août 1982, alors qu'ils circulaient en voiture
sur la route nationale 204, entre Breil-sur-Roya et Fontan ; que l'accident a été provoqué par le heurt
du véhicule avec des rochers qui se sont détachés de la paroi rocheuse surplombant la route ;

Considérant que la cour administrative d'appel de Lyon a relevé que "l'état de fissuration du massif
rocheux, aggravé par la végétation poussant à flanc de falaise et le facteur climatique, est tel qu'il y
a un risque élevé de chute de blocs de pierres dans l'ensemble des gorges de Saorge" ; qu'il ne résulte
pas des constatations de fait souverainement opérées par la cour que les risques auxquels sont
exposés les usagers du tronçon dont il s'agit de la route nationale 204, comparés avec ceux auxquels
sont exposés les usagers de nombreuses routes de montagne, présentent un caractère exceptionnel
de gravité ; que, par suite, la cour n'a pu légalement décider, au vu de ces constatations, que ledit
tronçon de route présentait le caractère d'un ouvrage exceptionnellement dangereux et que la
responsabilité de l'État se trouve de ce fait engagée vis-à-vis des consorts X... même en l'absence
de tout défaut d'aménagement ou d'entretien normal de l'ouvrage ; que, dès lors, l'arrêt attaqué, qui
a condamné l'État sur ce fondement, doit être annulé ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a
lieu de renvoyer l'affaire devant la cour administrative d'appel de Lyon ;
Article 1er : L'arrêt en date du 18 janvier 1990 de la cour administrative d'appel de Lyon est annulé.
[...]

• Document 11 : CE, 30 novembre 1923, Couitéas


Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par jugements en date du 13 février 1908, le tribunal
civil de Sousse a ordonné "le maintien en possession du sieur X... des parcelles de terrain du
domaine de Tabia et Houbira dont la possession lui avait été reconnue par l'État" et lui a conféré "le
droit d'en faire expulser tous occupants" ; que le requérant a demandé, à plusieurs reprises, aux
autorités compétentes, l'exécution de ces décisions ; mais que, le gouvernement français s'est
toujours refusé à autoriser le concours de la force militaire d'occupation reconnu indispensable pour
réaliser cette opération de justice, à raison des troubles graves que susciterait l'expulsion de
nombreux indigènes de territoires dont ils s'estimaient légitimes occupants, depuis un temps
immémorial ;

Considérant qu'en prenant, pour les motifs et dans les circonstances ci-dessus rappelées, la décision
dont se plaint le sieur X..., ledit gouvernement n'a fait qu'user des pouvoirs qui lui sont conférés en
vue du maintien de l'ordre et de la sécurité publique dans un pays de protectorat ;

Mais considérant que le justiciable nanti d'une sentence judiciaire dûment revêtue de la formule
exécutoire est en droit de compter sur l'appui de la force publique pour assurer l'exécution du titre
qui lui a été ainsi délivré ; que si, comme il a été dit ci-dessus, le gouvernement a le devoir
d'apprécier les conditions de cette exécution et le droit de refuser le concours de la force armée, tant
qu'il estime qu'il y a danger pour l'ordre et la sécurité, le préjudice qui peut résulter de ce refus ne
saurait, s'il excède une certaine durée, être regardé comme une charge incombant normalement à
l'intéressé, et qu'il appartient au juge de déterminer la limite à partir de laquelle il doit être supporté
par la collectivité ;
Considérant que la privation de jouissance totale et sans limitation de durée résultant, pour le
requérant, de la mesure prise à son égard, lui a imposé, dans l'intérêt général, un préjudice pour
lequel il est fondé à demander une réparation pécuniaire ; que, dès lors, c'est à tort que le ministre
des Affaires étrangères lui a dénié tout droit à indemnité ; qu'il y a lieu de le renvoyer devant ledit
ministre pour y être procédé, à défaut d'accord amiable et en tenant compte de toutes les
circonstances de droit et de fait, à la fixation des dommages-intérêts qui lui sont dus ;

47
• Document 12a : CE, sect., 1er février 2006, Ministre de la justice c/ MAIF, n°
268147

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'un incendie a été
provoqué dans la nuit du 14 au 15 juin 1998 dans une maison d'habitation appartenant à M. X située
à Sallen (Calvados) par un mineur dont la garde avait été confiée, en vertu d'une mesure prise par
le juge des enfants du tribunal de grande instance de Bobigny sur le fondement de l'ordonnance du
2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, à l'association « Igloo » dont le siège est à Sallen ;
qu'à la suite de cet incendie, la victime et son assureur ont recherché la responsabilité de
l'association ; que l'assureur de cette dernière, la Mutuelle assurance des instituteurs de France
(MAIF), leur a versé la somme de 662 663 F (101 022, 32 euros), puis s'est retournée contre l'État
en demandant au GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE, par lettre du 10 octobre
2000, le remboursement de la somme exposée ; que par l'arrêt du 19 février 2004 dont le ministre
demande l'annulation, la cour administrative d'appel de Nantes a porté à 101 022, 32 euros la somme
que l'État avait été condamné à payer à la MAIF, par un jugement du tribunal administratif de Caen
et l'a assortie des intérêts au taux légal ;

Considérant, en premier lieu, que la décision par laquelle une juridiction des mineurs confie la garde
d'un mineur, dans le cadre d'une mesure prise en vertu de l'ordonnance du 2 février 1945, à l'une
des personnes mentionnées par cette ordonnance transfère à la personne qui en est chargée la
responsabilité d'organiser, diriger et contrôler la vie du mineur ; qu'en raison des pouvoirs dont elle
se trouve ainsi investie lorsque le mineur lui a été confié, sa responsabilité peut être engagée, même
sans faute, pour les dommages causés aux tiers par ce mineur ; que l'action ainsi ouverte ne fait pas
obstacle à ce que soit également recherchée, devant la juridiction administrative, la responsabilité
de l'État en raison du risque spécial créé pour les tiers du fait de la mise en œuvre d'une des mesures
de liberté surveillée prévues par l'ordonnance du 2 février 1945 ; que par suite, en retenant que la
généralisation de l'emploi des méthodes prévues par cette ordonnance crée un risque spécial pour
les tiers et est susceptible, en cas de dommages causés aux tiers par les enfants confiés soit à des
établissements spécialisés soit à une personne digne de confiance, d'engager, même sans faute, la
responsabilité de la puissance publique à leur égard, la cour administrative d'appel de Nantes n'a
commis aucune erreur de droit ;

Considérant, en second lieu, qu'en estimant que la mise en œuvre, dans le cas du mineur qui a
provoqué l'incendie litigieux, du régime de liberté surveillée prévu par l'ordonnance du 2 février
1945 était la cause directe et certaine du dommage subi par M. X et en en déduisant, en l'absence
de toute faute commise par l'association « Igloo », que l'État, au titre de l'action en garantie
introduite par la MAIF, devait être condamné à rembourser l'indemnité versée à la victime par la
MAIF, dont le montant n'est pas contesté, la cour administrative d'appel de Nantes n'a pas davantage
commis d'erreur de droit ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA
JUSTICE, n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

• Document 12b : CE, sect., 1er juillet 2016, Société Groupama Grand Est, n°
375076

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'Aurélien M., né le 2
septembre 1982, a été pris en charge, en accord avec son père M. Alain M., par le service de l'aide
sociale à l'enfance du département du Jura du 4 avril 1994 au 3 juillet 2000, en vertu de plusieurs
décisions successives ayant pris la forme de " contrats de placement " signés par M. Alain M. et par
le président du conseil général du Jura ; qu'il a été reconnu coupable par la cour d'assises des mineurs
du Jura d'un crime et de délits commis entre le 3 septembre 1998 et le courant de l'année 1999 et
qu'il a été condamné par cette cour, solidairement avec son père pris en sa qualité de civilement
responsable, à payer à la représentante légale de la victime mineure des sommes de 15 000 et 5 000

48
euros en réparation du préjudice subi respectivement par la victime et par sa mère ; que le Fonds de
garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions a réglé ces indemnités ; que le
tribunal de grande instance de Dole, par un jugement du 5 août 2009, a condamné solidairement M.
Alain M. et la société Groupama Grand Est, son assureur, à payer au Fonds de garantie la somme
de 20 000 euros au titre des intérêts civils et la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du
code de procédure civile, et a condamné la société d'assurance à garantir M. Alain M. des
condamnations prononcées à son encontre ; que, par un jugement du 19 décembre 2012, le tribunal
administratif de Besançon a condamné, à la demande de la société Groupama Grand Est, le
département du Jura à verser à cette société la somme de 20 000 euros, exposée du fait de la
réparation des préjudices causés par Aurélien M. ; que par un arrêt du 28 novembre 2013, contre
lequel la société Groupama Grand Est se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de
Nancy a annulé le jugement du tribunal administratif et rejeté la demande de cette société ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 46 du code de la famille et de l'aide sociale, en vigueur au
moment des faits : " Sont pris en charge par le service d'aide sociale à l'enfance sur décision du
président du conseil général : / 1° Les mineurs qui ne peuvent provisoirement être maintenus dans
leur milieu de vie habituel (...) " ; qu'il appartient au juge administratif, saisi d'une action en
responsabilité pour des faits imputables à un mineur pris en charge par le service d'aide sociale à
l'enfance, de déterminer si, compte tenu des conditions d'accueil du mineur, notamment la durée de
cet accueil et le rythme des retours du mineur dans sa famille, ainsi que des obligations qui en
résultent pour le service d'aide sociale à l'enfance et pour les titulaires de l'autorité parentale, la
décision du président du conseil général, devenu conseil départemental, prise sur le fondement de
ces dispositions et aujourd'hui sur celui de l'article L. 222-5 du code de l'action sociale et des
familles, avec le consentement des titulaires de l'autorité parentale, s'analyse comme une prise en
charge durable et globale de ce mineur, pour une période convenue, par l'aide sociale à l'enfance ;
que si tel est le cas, cette décision a pour effet de transférer au département la responsabilité
d'organiser, de diriger et de contrôler la vie du mineur durant cette période ; que ni la circonstance
que la décision de prise en charge du mineur prévoie un retour de celui-ci dans son milieu familial
de façon ponctuelle ou selon un rythme qu'elle détermine ni celle que le mineur y retourne de sa
propre initiative ne font par elles-mêmes obstacle à ce que cette décision entraîne un tel transfert de
responsabilité ; qu'en raison des pouvoirs dont le département se trouve, dans ce cas, investi, sa
responsabilité est engagée, même sans faute, pour les dommages causés aux tiers par ce mineur, y
compris lorsque ces dommages sont survenus alors que le mineur est hébergé par ses parents, dès
lors qu'il n'a pas été mis fin à cette prise en charge par le service d'aide sociale à l'enfance par
décision des titulaires de l'autorité parentale ou qu'elle n'a pas été suspendue ou interrompue par
l'autorité administrative ou judiciaire ; qu'à l'égard de la victime, cette responsabilité n'est
susceptible d'être atténuée ou supprimée que dans le cas où le dommage est imputable à une faute
de celle-ci ou à un cas de force majeure ; qu'en outre, dans le cadre d'une action en garantie, le
département peut, le cas échéant, se prévaloir de la faute du tiers ayant concouru à la réalisation du
dommage ;
3. Considérant que, dans le cas où le département ne peut être regardé comme ayant pris une
décision de prise en charge durable et globale du mineur, les titulaires de l'autorité parentale
demeurent responsables des dommages causés aux tiers par celui-ci ;
4. Considérant que la cour administrative d'appel de Nancy a relevé que les agissements délictueux
d'Aurélien M. avaient été commis entre le 3 septembre 1998 et courant 1999, à proximité du
domicile de son père dans le Jura, alors qu'il était accueilli durant la semaine dans un centre de
formation de la Haute-Saône et les samedis et dimanches par son père à son domicile ; qu'elle en a
déduit que, intervenus alors que le mineur était sous la garde de l'un de ses parents, ils n'engageaient
pas la responsabilité du département du Jura ; qu'en se fondant sur la seule circonstance qu'Aurélien
M. était accueilli en fin de semaine par son père pour en déduire que la responsabilité du
département n'était pas engagée, sans rechercher si la décision par laquelle le président du conseil
général avait décidé de le prendre en charge, formalisée dans des contrats de placement, avait eu
pour effet de transférer au département la responsabilité d'organiser, diriger et contrôler sa vie
pendant la durée de cette prise en charge, la cour a commis une erreur de droit ;

49
5. Considérant que l'autorité relative de la chose jugée par le juge civil ne peut être utilement
invoquée en l'absence d'identité d'objet, de cause et de parties ; que la cour d'assises des mineurs du
Jura, par un arrêt du 23 novembre 2004, a statué sur les intérêts civils à la demande de la victime et
de sa mère ; que le département du Jura, qui n'était pas partie à cette instance, n'est pas fondé à
demander que le motif tiré de ce que cet arrêt a déclaré M. Alain M. civilement responsable de son
fils mineur soit substitué au motif retenu par l'arrêt attaqué de la cour administrative d'appel de
Nancy ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens
du pourvoi, la société requérante est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ;
7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département
du Jura la somme de 3 000 euros à verser à la société Groupama Grand Est au titre de l'article L.
761-1 du code de justice administrative ; que les dispositions de cet article font obstacle à ce qu'une
somme soit mise au même titre à la charge de la société Groupama Grand Est, qui n'est pas, dans la
présente instance, la partie perdante ;

DECIDE:
--------------
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 28 novembre 2013 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nancy. […]

• Document 13 : CE, ass., 24 déc. 2019, Société Hôtelière Paris Eiffel Suffren, n°
425983

Sur le principe de la responsabilité de l'État :

4. Aux termes du deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution : " (...) les lois peuvent être
déférées au Conseil constitutionnel, avant leur promulgation, par le Président de la République, le
Premier ministre, le Président de l'Assemblée nationale, le Président du Sénat ou soixante députés
ou soixante sénateurs ". Aux termes du premier alinéa de son article 61-1 : " Lorsque, à l'occasion
d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte
atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi
de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un
délai déterminé ". Aux termes de son article 62 : " Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur
le fondement de l'article 61 ne peut être promulguée ni mise en application. / Une disposition
déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la
publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette
décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets
que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause. / Les décisions du Conseil
constitutionnel ne sont susceptibles d'aucun recours. Elles s'imposent aux pouvoirs publics et à
toutes les autorités administratives et juridictionnelles ".

5. La responsabilité de l'État du fait des lois est susceptible d'être engagée, d'une part, sur le
fondement de l'égalité des citoyens devant les charges publiques, pour assurer la réparation de
préjudices nés de l'adoption d'une loi à la condition que cette loi n'ait pas exclu toute indemnisation
et que le préjudice dont il est demandé réparation, revêtant un caractère grave et spécial, ne puisse,
dès lors, être regardé comme une charge incombant normalement aux intéressés.

6. Elle peut également être engagée, d'autre part, en raison des exigences inhérentes à la hiérarchie
des normes, pour réparer l'ensemble des préjudices qui résultent de l'application d'une loi
méconnaissant la Constitution ou les engagements internationaux de la France. Toutefois, il résulte
des dispositions des articles 61, 61-1 et 62 de la Constitution que la responsabilité de l'État n'est
susceptible d'être engagée du fait d'une disposition législative contraire à la Constitution que si le

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Conseil constitutionnel a déclaré cette disposition inconstitutionnelle sur le fondement de l'article
61-1, lors de l'examen d'une question prioritaire de constitutionnalité, ou bien encore, sur le
fondement de l'article 61, à l'occasion de l'examen de dispositions législatives qui la modifient, la
complètent ou affectent son domaine. En outre, l'engagement de cette responsabilité est subordonné
à la condition que la décision du Conseil constitutionnel, qui détermine les conditions et limites
dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause, ne s'y
oppose pas, soit qu'elle l'exclue expressément, soit qu'elle laisse subsister tout ou partie des effets
pécuniaires produits par la loi qu'une action indemnitaire équivaudrait à remettre en cause.

7. Lorsque ces conditions sont réunies, il appartient à la victime d'établir la réalité de son préjudice
et l'existence d'un lien direct de causalité entre l'inconstitutionnalité de la loi et ce préjudice. Par
ailleurs, la prescription quadriennale commence à courir dès lors que le préjudice qui résulte de
l'application de la loi à sa situation peut être connu dans sa réalité et son étendue par la victime,
sans qu'elle puisse être légitimement regardée comme ignorant l'existence de sa créance jusqu'à
l'intervention de la déclaration d'inconstitutionnalité. […]

• Document 14 : CE, sect., 6 déc. 2019, Syndicat des copropriétaires du Monte-Carlo


Hill, n° 417167

Sur le cadre juridique applicable et l'office du juge de la réparation :

2. Lorsque le juge administratif condamne une personne publique responsable de dommages qui
trouvent leur origine dans l'exécution de travaux publics ou dans l'existence ou le fonctionnement
d'un ouvrage public, il peut, saisi de conclusions en ce sens, s'il constate qu'un dommage perdure à
la date à laquelle il statue du fait de la faute que commet, en s'abstenant de prendre les mesures de
nature à y mettre fin ou à en pallier les effets, la personne publique, enjoindre à celle-ci de prendre
de telles mesures. Pour apprécier si la personne publique commet, par son abstention, une faute, il
lui incombe, en prenant en compte l'ensemble des circonstances de fait à la date de sa décision, de
vérifier d'abord si la persistance du dommage trouve son origine non dans la seule réalisation de
travaux ou la seule existence d'un ouvrage, mais dans l'exécution défectueuse des travaux ou dans
un défaut ou un fonctionnement anormal de l'ouvrage et, si tel est le cas, de s'assurer qu'aucun motif
d'intérêt général, qui peut tenir au coût manifestement disproportionné des mesures à prendre par
rapport au préjudice subi, ou aucun droit de tiers ne justifie l'abstention de la personne publique. En
l'absence de toute abstention fautive de la personne publique, le juge ne peut faire droit à une
demande d'injonction, mais il peut décider que l'administration aura le choix entre le versement
d'une indemnité dont il fixe le montant et la réalisation de mesures dont il définit la nature et les
délais d'exécution.

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