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La réforme des contrats

Lors de la rédaction du Code civil, le droit des obligations était inspiré par la conception romaine de
l’obligation. Celle-ci désignait le lien de droit astreignant une partie, le débiteur, à transférer la propriété
d’un bien au profit d’un bénéficiaire ou à accomplir une prestation envers le bénéficiaire qu’on appelle le
créancier.

Depuis le deuxième siècle après J.-C., les obligations connaissent une division fondamentale relative à
leurs sources. Dans les Institutes de Gaïus (manuels de droit romain transcrivant l'enseignement du juriste
Gaïus), au milieu du deuxième siècle, les obligations naissent des contrats ou des délits. On retrouve cette
division dans la codification du droit romain par Justinien (entre 528 et 534 après J.-C) sous le nom de
Corpus Juris Civilis (compilation du droit antique sous l’impulsion de l’empereur Justinien), puis dans le
Code civil de 1804. Cette distinction entre les obligations est encore présente dans la réforme opérée par
l’ordonnance du 10 février 2016 ratifiée par la loi du 8 avril 2018. Le titre III du Livre III du Code civil tel
qu’issu de la réforme, intitulé « Des sources d’obligations », distingue celles qui naissent des contrats
(Sous-titre 1 : le contrat) de celles qui naissent des délits (Sous-Titre II : la responsabilité
extracontractuelle). La réforme a créé une nouvelle catégorie de source d’obligations, constituée par les
quasi-contrats dont le régime a été antérieurement développé par la jurisprudence (Sous-titre III : autres
sources d’obligations).
Le Titre IV du Livre III « Du régime général des obligations » trouve également sa source dans le droit
romain qui a élaboré la théorie générale des obligations. Le Titre IV bis est réservé à la preuve : « De la
preuve des obligations ».

La réforme du Code civil a commencé d’être envisagée au tout début du XXI e siècle. Cette réforme, déjà
considérée comme nécessaire en raison du vieillissement du code, est devenue urgente du fait d’un projet
de Code civil européen. La France, afin « de disposer d’un « outil » normatif concurrentiel dans le paysage
de concurrence des droits » (D. Mainguy, Le nouveau droit français des contrats, du régime général et de
la preuve des obligations, Dynamiques du droit, 2016), a jugé nécessaire de revoir le Code civil en vue de
discussions au niveau européen (d’autres pays d’Europe comme le Québec en 1991 ou l’Allemagne en
2001 avaient déjà procédé à cette révision). Lors des célébrations du bicentenaire du Code civil, le
Président de la république s’est engagé à réviser les textes de 1804.

La réforme a été précédée de nombreux travaux, tant au niveau européen que national :

 L’influence du droit international et européen :

-Principes d’Unidroit (Institut international pour l’unification du droit privé) relatif aux contrats du commerce
international en 1994,
-Les principes du droit européen des contrats (PDEC) rédigés par la Commission Lando (commission sur
le droit européen des contrats), publiés en 1995, réédités en 2009,
-L’avant-projet de code européen des contrats par l’Académie des privatistes européens en 2003,
- Le projet du cadre commun de référence prévu par un programme lancé par la communauté européenne,
remis au Parlement européen le 21 janvier 2008, au titre duquel ont été publié en 2008 les « Principes
contractuels communs (PCE) » par l’association Henri Capitant (Association des amis de la culture
juridique française et la Société de législation comparée).

 Les travaux préparatoires :

1
-L’avant-projet de réforme du droit des obligations et du droit de la prescription présenté au ministre de la
justice le 22 septembre 2005, connu sous le nom de projet Catala, du nom du professeur Pierre Catala qui
en a été le promoteur,
-le projet de l'Académie des Sciences morales et Politiques, élaboré sous l’égide du professeur François
Terré en 2008, dénommé le projet Terré,

La Chancellerie, en 2009 puis en 2013, proposa ses propres projets.

Un projet de loi relatif à la modernisation et simplification du droit, en date du 27 novembre 2013, prévoyait
en son article 3 l’habilitation du gouvernement à réformer par voie d’ordonnances le droit des contrats. La
loi d’habilitation fut définitivement adoptée le 28 janvier 2015 par le parlement. Le 2 décembre 2015, le
Conseil constitutionnel rejeta le recours dont il avait été saisi par les sénateurs. Le Conseil a jugé que
l’habilitation ne méconnaissait pas les exigences de l’article 38 de la constitution en matière de recours aux
ordonnances.

L’article 8 de la loi du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des


procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures a donc autorisé le gouvernement à
prendre par voie d’ordonnances les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires pour modifier la
structure et le contenu du livre III du Code civil afin de moderniser, de simplifier, d’améliorer la lisibilité, de
renforcer l’accessibilité du droit commun des contrats, du régime des obligations et du droit de la preuve,
de garantir la sécurité juridique et l’efficacité de la norme.

Le texte préparé dans les bureaux de la chancellerie a été soumis à une consultation publique qui s’est
clôturée le 30 avril 2015. Certaines propositions émises dans le cadre de cette consultation ont été reprises
dans l’avant-projet qui a été transmis pour examen en Conseil d’Etat.

Les domaines de la réforme :

L’habilitation a autorisé la modification du livre III du Code civil, mais elle a limité l’intervention du
gouvernement aux titre III, IV et IV bis du Livre III consacrés aux contrats, aux obligations et aux
engagements qui se forment sans convention. Les autres titres du Livre III ( Des successions, des
libéralités, du contrat de mariage, de la vente, de l’échange…) ne sont pas modifiés, sous réserve de
l’adaptation de certaines de leurs dispositions afin d’assurer la coordination avec les nouveaux textes. De
même, le régime de la responsabilité civile n’est pas modifié, ses dispositions sont simplement
renumérotées. Une réforme de la responsabilité civile est cependant en cours.

L’ordonnance 2016-131 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des
obligations a été promulguée le 10 février 2016 et publiée au JO le 11 février 2016.
Elle comprend quatre titres et 10 articles.

La force obligatoire de l’ordonnance :

L’ordonnance, en tant qu’acte réglementaire, est exécutoire depuis sa publication. Les ordonnances sont
exécutoires à condition que le projet de ratification ait été déposé dans le délai prescrit par l’habilitation. Un
projet de loi de ratification a été déposé le 6 juillet à l’Assemblée Nationale. Dès lors que le projet a été
régulièrement déposé, l’ordonnance, à compter de l’expiration du délai fixé pour la ratification, ne peut plus
être modifiée que par une loi dans les matières qui sont du domaine législatif. Dans ces matières, le
gouvernement ne peut donc pas abroger les dispositions d’une ordonnance, quand bien même elles
seraient entachées d’illégalité.

Après la ratification, les ordonnances prennent valeur législative à compter de la signature, donc
rétroactivement au jour où le président de la République les a promulguées.
2
Les dispositions du Code civil issu de l’ordonnance sont entrées en vigueur le 1 er octobre 2016
(Ord. Art. 9, al. 1er). Elles s’appliquent aux contrats conclus à compter du 1 er octobre 2016 et il en est de
même des contrats renouvelés, tacitement reconduits ou ayant fait l’objet d’une novation à compter de
cette date, ces opérations donnant lieu à un nouveau contrat (art. 1214, al. 2 ; 1215 et 1239). Les contrats
conclus avant cette date restent soumis au droit ancien, sous réserve de trois articles (l’article 1123, al.
al. 3 et 4 relatif au pacte de préférence, l’article 1158 relatif à la représentation et l’article 1183 relatif à la
nullité) qui sont d’application immédiate et donc applicables dès le 1 er octobre 2016 (art. 9, al. 1 et 2). Le
droit ancien est applicable également aux actions en justice introduites avant le 1 er octobre 2016 : elles
seront poursuivies et jugées conformément au droit ancien, y compris en appel et en cassation (art. 9, al.
4).

Le processus de réforme s’est achevé par la loi n° 2018-287 du 20 avril 2018. Seuls une vingtaine
d’articles sur les 350 qui composent l’ordonnance ont été modifiés par le Parlement. Les modifications sont
pour la plupart d’entre elles mineures (dispositions interprétatives, corrections formelles ou simples
ajustements techniques). Aucune ne remet en cause l’équilibre général ou les grands principes de
l’ordonnance.

La loi, conformément à son article 16, est entrée en vigueur le 1 er octobre 2018. Les dispositions nouvelles
ne sont applicables qu’aux actes juridiques conclus à compter de son entrée en vigueur.

Il faut donc bien garder en mémoire que trois dispositifs coexistent depuis 1 er octobre 2018, qui s’appliquent
en fonction de la date de conclusion des contrats (ou de l’introduction des actions en justice) :

 Contrats conclus avant le 1er octobre 2016 : soumis au droit antérieur à l’ordonnance,
 Contrats conclus entre le 1er octobre 2016 et le 1er octobre 2018 : soumis au droit issu de
l’ordonnance,
 Contrats conclus après le 1er octobre 2018 : soumis à la loi du 20 avril 2018.

Précision : certaines modifications apportées par la loi du 20 avril à l’ordonnance du 10 février 2016 sont de
nature interprétative. Par conséquent, elles sont applicables aux situations régies par le texte qu’elles
viennent clarifier, donc applicables aux contrats conclus à compter du 1 er octobre 2016, date d’entrée en
vigueur de l’ordonnance. Il s’agit des articles 1112, 1143, 1165, 1216-3,1217, 1221, 1304-4, 1305-5, 1327-
1, 1328-1, 1347-6 et 1352-4 du Code civil.

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