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Université Toulouse 1 Capitole - Sarah TORRICELLI-CHRIFI – 2023

COURS DE DROIT DES OBLIGATIONS I


Sarah TORRICELLI-CHRIFI
Université Toulouse 1 Capitole

INTRODUCTION

CHAPITRE I – LE DROIT DES OBLIGATIONS

SECTION 1 – Les sources du droit des obligations

§1. Les sources internes

Le Code civil !
La jurisprudence (construction prétorienne)

Les usages

§2. Les sources internationales

Droit international privé / droit matériel

Convention de Vienne du 11 avril 1980 sur la vente internationale de marchandises

La directive sur la R des produits défectueux (25 jlt 85), transposée tardivement par la France en
1998 (loi 19 mai).

Principes Unidroit
Ces principes s’appliquent aux contrats du commerce international (1ere publication 1994,
complétés en 2004). Il s’agit de dispositions non contraignantes élaborées par l’institut international
pour l’unification du droit privé. C’est un instrument juridique original (non contraignant) qui

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consacre de nombreux principes fondamentaux de notre droit des contrats (liberté contractuelle,
bonne foi, exécution du contrat etc…)

Principes du droit européen du contrat


On parle d’« embryon de droit européen des obligations depuis une trentaine d’années ».

Historique :

- Fin des années 70, constitution de la commission LANDO. Constituée d’universitaires, cette
commission s’est inspirée des principes UNIDROIT. Ces principes du droit européen des contrats ont
été publiés dans un Code à la fin des années 1990.

- En 1995, c’est le Pr. Giuseppe Gandolfi qui fut à l’origine de la rédaction d’un code européen des
contrats.

- Depuis les années 90, les projets sont nombreux ;

- en R délictuelle : travaux du European Group on Tort Law ou groupe de Tilburg constitué en 1992
qui ont publié en 2005 les Principles of European tort law.

- Élaboration d’un code civil européen : dir. Pr. Von BAR (suite de commission Lando) = Code
Européen de l’Académie de Pavie.

- Cadre Européen des contrats contenant principes et règles de référence non obligatoires : en 2008,
un Projet a été publié « Principles, définitions and model rules of european private law, draft
common frame of reference » : code optionnel. Idée d’un cadre commun de référence.

- Cette idée a été relayée par la Commission Européenne sur la base d’un livre vert « relatif aux
actions envisageables en vue de la création d’un droit européen des contrats pour les
consommateurs et les entreprises », 1er juil 2010.

SECTION 2 - L’évolution du droit des obligations

Projet Catala
(avant-projet de réforme du droit des obligations et du droit de la prescription), du nom du
professeur qui l’a dirigé, sous l’égide de l’association Henri Capitant (2006)

Projet Terré
Dirigé donc par F. Terré, dans le cadre de l’Académie des sciences morales et politiques, d’abord
portant sur les contrats (2009), puis, sur le régime général des obligations (2013). Celui-ci est plus
marqué par l’influence européenne que le projet Catala.

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Projet de la Chancellerie
Le ministère de la justice a pris en compte ces deux projets afin de proposer un avant-projet de
réforme en 23 oct. 2013, qui fut soumis à discussions.

Consultation

Loi d'habilitation
Loi n° 2015-177 du 16 février 2015 habilitant le gouvernement à procéder par voie d’ordonnance 1 à
la réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations.

Ordonnance
Ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime
général et de la preuve des obligations.

Ratification
LOI n° 2018-287 du 20 avril 2018 ratifiant l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant
réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations (Loi n'appelant pas
de décret d'application)

Article 9 (dispositions transitoires)


Ordonnance 10 février 2016

Les dispositions de la présente ordonnance entreront en vigueur le 1er octobre 2016.


Les contrats conclus avant cette date demeurent soumis à la loi ancienne.
Toutefois, les dispositions des troisième et quatrième alinéas de l'article 1123 et
celles des articles 1158 et 1183 sont applicables dès l'entrée en vigueur de la
présente ordonnance.

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« L’autorisation accordée au Gouvernement de légiférer par ordonnance prive le Parlement de tout
débat sur le fond de la réforme. La modification d’un pan entier de notre droit civil ne méritait-t-elle
pas d’être soumise à la contradiction ? Les deux chambres du Parlement se sont d’ailleurs opposées
sur cette question, l’Assemblée nationale ayant été favorable à l’habilitation cependant que le Sénat
s’y refusait. Certes, finalement, l’Assemblée nationale obtint gain de cause, mais l’opposition du
Sénat aura marqué cette réforme au fer rouge avant même sa présentation. »

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Lorsqu'une instance a été introduite avant l'entrée en vigueur de la présente


ordonnance, l'action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne. Cette loi
s'applique également en appel et en cassation.

Article 16 (dispositions transitoires)


Loi de ratification 20 avril 2018
I.-La présente loi entre en vigueur le 1er octobre 2018.
Les articles 1110,1117,1137,1145,1161,1171,1223,1327 et 1343-3 du code civil et
les articles L. 112-5-1 et L. 211-40-1 du code monétaire et financier, dans leur
rédaction résultant de la présente loi, sont applicables aux actes juridiques conclus
ou établis à compter de son entrée en vigueur.
Les modifications apportées par la présente loi aux articles 1112,1143,1165,1216-
3,1217,1221,1304-4,1305-5,1327-1,1328-1,1347-6 et 1352-4 du code civil ont un
caractère interprétatif.
II […]

Ex: un litige porte sur un contrat conclu le 1er octobre 2017. En principe seule
l'ordonnance s'applique (entrée en vigueur 1er oct 2016) et non la loi de ratification
(car ne s'applique que pour les contrats conclus à compter du 1er octobre 2018).
Cependant, le litige porte sur le vice du consentement de la violence.

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Or, la loi de ratification considère (dans ses dispositions transitoires) que l'article
1143 portant sur la violence (article que la loi de ratification a donc modifié par
rapport à ce qui était prévu dans l'ordonnance), est interprétatif.
En conséquence, il s'applique à la même date que la disposition qu'il interprète (cet
article réforme ou "réinterprète" les dispositions de l'ordonnance concernant la
violence donc l'article 1143 dans sa rédaction antérieure à la loi de ratification).
L'article 1143 issu de l'ordonnance a donc été modifié par la loi de ratification. Mais il
s'agit selon celle-ci d'une disposition interprétative. Elle pourra donc entrer en vigueur
au même moment que la disposition interprétée, soit le jour de l'entrée en vigueur de
l'ordonnance.
En l'espèce, alors même que le contrat a été conclu avant l'entrée en vigueur de la
loi de ratification, l'article 1143 tel que modifié par la loi de ratification pourra
s'appliquer.

CHAPITRE II – LA NOTION D’OBLIGATION

SECTION 1- Définition de l’obligation

Écarter :
- le sens large langage courant de « devoir »
Il s’agit d’exigences de toutes sortes, morales religieuses, sociales, politiques.
- le sens « financier » : l’obligation c’est « le titre » cad l’instrumentum (diff.
negotium), qui consiste en l’acte écrit qui renferme cette obligation. Idem en droit
des affaires : on distingue les actions et les obligations. Les actions sont des titres
détenus par les associés dans une société, qui peuvent leur procurer des dividendes
ainsi qu’un droit de vote. Il y a un risque de perte et une chance de gain. A la
différence des obligations qui consistent en des titres qui constatent un prêt consenti
à la société et producteur d’intérêts (ex obligations lancées par l’Etat, comme
obligations du Trésor, il en est de même de la SNCF).

- sens juridique
C’est un lien de droit, rapport de droit, rapport obligatoire.

Au sens juridique : (dict. Cornu) « C’est le lien de droit par lequel une ou plusieurs
personnes - le ou les débiteurs - sont tenues d’une prestation (fait ou abstention)
envers une ou plusieurs autres - le ou les créanciers – en vertu soit d’un contrat
(obligation contractuelle), soit d’un quasi-contrat (obligation quasi-contractuelle), soit
d’un délit ou d’un quasi-délit (obligation délictuelle ou quasi délictuelle), soit de la loi
(obligation légale) ».

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Caractère obligatoire
Caractère personnel
Droit réel (jus in re)

Caractère patrimonial

SECTION 2 – Classification des obligations

§ 1 - Classification fondée sur l’objet de l’obligation

A/ L’obligation de donner, de faire ou de ne pas faire

B/ Obligation en nature et obligation monétaire

Nominalisme : 1895 CC Les fluctuations monétaires n’ont pas d’incidence sur le


contrat. Donc les sommes prévues au contrat ne sont pas réévaluées en PP.
Dérogations conventionnelles : prévoir des clauses pour tenir compte des
fluctuations monétaires (clauses d’indexation par ex)
Dérogations légales : dette de valeur (valorisme) art. L. 112-1 CMF

§2 – Classification fondée sur les sources de l’obligation

Summa divisio : acte juridique/fait juridique


« Titre III
« DES SOURCES D’OBLIGATIONS
« Art. 1100.-Les obligations naissent d’actes juridiques, de faits juridiques ou de
l’autorité seule de la loi.
« Elles peuvent naître de l’exécution volontaire ou de la promesse d’exécution d’un
devoir de conscience envers autrui.

« Art. 1100-1.-Les actes juridiques sont des manifestations de volonté destinées à


produire des effets de droit. Ils peuvent être conventionnels ou unilatéraux.

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« Ils obéissent, en tant que de raison, pour leur validité et leurs effets, aux règles qui
gouvernent les contrats.

« Art. 1100-2.-Les faits juridiques sont des agissements ou des événements


auxquels la loi attache des effets de droit.
« Les obligations qui naissent d’un fait juridique sont régies, selon le cas, par le
sous-titre relatif à la responsabilité extracontractuelle ou le sous-titre relatif aux
autres sources d’obligations.

§3 – La distinction obligation civile / obligation naturelle


Art 1100 al.2 « Elles peuvent naître de l’exécution volontaire ou de la promesse
d’exécution d’un devoir de conscience envers autrui. »

§4 – La distinction obligation de moyen / obligation de résultat


Demogue
Arrêt Mercier 1936

TITRE I – LE CONTRAT

SECTION 1 – Les fondements du contrat

§1. La liberté contractuelle

« Art. 1102.-Chacun est libre de contracter ou de ne pas contracter, de choisir son


cocontractant et de déterminer le contenu et la forme du contrat dans les limites
fixées par la loi.
« La liberté contractuelle ne permet pas de déroger aux règles qui intéressent l’ordre
public.

§2. Le principe de l’autonomie de la volonté

« Art. 1103.-Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont
faits.

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§3. Le principe du consensualisme

« Art. 1172.-Les contrats sont par principe consensuels.


« Par exception, la validité des contrats solennels est subordonnée à l’observation
de formes déterminées par la loi à défaut de laquelle le contrat est nul, sauf possible
régularisation.
« En outre, la loi subordonne la formation de certains contrats à la remise d’une
chose.

« Art. 1173.-Les formes exigées aux fins de preuve ou d’opposabilité sont sans effet
sur la validité des contrats.

- aux fins de validité du contrat : formalisme ad validitatem


- à des fins probatoires : formalisme ad probationem

§4. La bonne foi

« Art. 1104.-Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.
« Cette disposition est d’ordre public.

SECTION 2 - La notion de contrat

§1. Définition

« Art. 1101.-Le contrat est un accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes
destiné à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations.

Auparavant Art 1101 CC : Le contrat est une convention par laquelle une ou plusieurs
personnes s’obligent, envers une ou plusieurs autres à donner, à faire ou à ne pas faire
quelque chose.
Le terme convention a été abandonné, au profit de « accord de volonté ». Il en est de même
de la distinction entre obligation de donner, de faire ou de ne pas faire qui n’est pas reprise.

2 éléments pour définir le contrat :

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- 1er élément: un accord de volonté (donc bilatéral, au moins 2 pers). C’est là encore que
l’on peut voir la différence avec le fait juridique. Ici les parties veulent l’acte mais aussi les
conséquences de cet acte.

- 2e élément : effet : créer des obligations. Le texte précise ici qu’il s’agit d’un accord de
volontés « destiné à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations ».

Différences :

L’acte juridique unilatéral (à ne pas confondre avec le contrat unilatéral)

L’acte juridique collectif

Différence entre contrat et convention ?

§2. Distinction avec d’autres notions

Acte de complaisance, courtoisie, tolérance

Convention d’assistance bénévole, contrat de service gratuit


https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/premiere_chambre_civile_568/337_5_46992.html

Engagement d’honneur

SECTION 3 /LA CLASSIFICATION DES CONTRATS


« Art. 1105.-Les contrats, qu’ils aient ou non une dénomination propre, sont soumis à
des règles générales, qui sont l’objet du présent sous-titre.

« Les règles particulières à certains contrats sont établies dans les dispositions
propres à chacun d’eux.

« Les règles générales s’appliquent sous réserve de ces règles particulières.

Contrat nommé et contrat innommé

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Contrat synallagmatique et contrat unilatéral :

« Art. 1106.-Le contrat est synallagmatique lorsque les contractants s’obligent


réciproquement les uns envers les autres.

« Il est unilatéral lorsqu’une ou plusieurs personnes s’obligent envers une ou


plusieurs autres sans qu’il y ait d’engagement réciproque de celles-ci.

Schéma
synall
contrat
Acte
juridique unilatéral
Obligations Acte unilatéral
Fait
juridique Acte juridique
collectif

Contrat à titre gratuit et à titre onéreux :

« Art. 1107.-Le contrat est à titre onéreux lorsque chacune des parties reçoit de
l’autre un avantage en contrepartie de celui qu’elle procure.

« Il est à titre gratuit lorsque l’une des parties procure à l’autre un avantage sans
attendre ni recevoir de contrepartie.

- Contrat commutatif et contrat aléatoire :


« Art. 1108.-Le contrat est commutatif lorsque chacune des parties s’engage à
procurer à l’autre un avantage qui est regardé comme l’équivalent de celui qu’elle
reçoit.

« Il est aléatoire lorsque les parties acceptent de faire dépendre les effets du contrat,
quant aux avantages et aux pertes qui en résulteront, d’un événement incertain.

Contrats consensuels et contrats non consensuels :

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« Art. 1109.-Le contrat est consensuel lorsqu’il se forme par le seul échange des
consentements quel qu’en soit le mode d’expression.

« Le contrat est solennel lorsque sa validité est subordonnée à des formes


déterminées par la loi.

« Le contrat est réel lorsque sa formation est subordonnée à la remise d’une chose.

Contrat d’adhésion et contrat de gré à gré :


Modifié par Loi n°2018-287 du 20 avril 2018 - art. 2

« Art. 1110.- Le contrat de gré à gré est celui dont les stipulations sont négociables
entre les parties.

Le contrat d'adhésion est celui qui comporte un ensemble de clauses non


négociables, déterminées à l'avance par l'une des parties.

Contrat cadre / contrat d’application

« Art. 1111.-Le contrat cadre est un accord par lequel les parties conviennent des
caractéristiques générales de leurs relations contractuelles futures. Des contrats
d’application en précisent les modalités d’exécution.

Contrat à exécution instantanée et à exécution successive :

« Art. 1111-1.-Le contrat à exécution instantanée est celui dont les obligations
peuvent s’exécuter en une prestation unique.

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« Le contrat à exécution successive est celui dont les obligations d’au moins une
partie s’exécutent en plusieurs prestations échelonnées dans le temps.
Contrat intuitu personae

TITRE 2 - LES CONDITIONS DE FORMATION DU


CONTRAT

« Section 2

« La validité du contrat

« Art. 1128.-Sont nécessaires à la validité d’un contrat :

« 1° Le consentement des parties ;

« 2° Leur capacité de contracter ;

« 3° Un contenu licite et certain.

CHAPITRE I – LES CONDITIONS TENANT AUX


PARTIES

SECTION 1/ Le consentement

§1 / L’existence et l’expression du consentement

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I / La période précontractuelle

A/ Les négociations précontractuelles

« Chapitre II

« La formation du contrat

« Section 1

« La conclusion du contrat

« Sous-section 1

« Les négociations
In limine/ in fine
Modifié par Loi n°2018-287 du 20 avril 2018 - art. 3
« Art. 1112.- L'initiative, le déroulement et la rupture des négociations
précontractuelles sont libres. Ils doivent impérativement satisfaire aux exigences de
la bonne foi.
En cas de faute commise dans les négociations, la réparation du préjudice qui en
résulte ne peut avoir pour objet de compenser ni la perte des avantages attendus du
contrat non conclu, ni la perte de chance d'obtenir ces avantages.
Conformément aux dispositions du I de l'article 16 de la loi n° 2018-287 du 20 avril
2018, les modifications apportées par ladite loi aux dispositions de l'article 1112 ont
un caractère interprétatif.

Phase précontractuelle.
Discussion sur les dispositions du contrat, le contenu et la portée des engagements etc.
= négociations.
Préparer le contrat futur.
Pas d’obligations à ce stade. Personne n’est lié.

A distinguer de :
Accord de principe : convention par laquelle les parties s’obligent à poursuivre leurs
pourparlers en vue de parvenir à la conclusion d’un contrat définitif.

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Possibilité d’accords qui encadrent les négociations.

Principe de liberté de rupture des pourparlers consacré par art. 1112.


L’article 1112 exige expressément que la bonne foi lors des négociations.
Article 1112 al 2 : La rupture n’est donc sanctionnée que si elle est fautive.

Indemnisation de la perte de chance ? Arrêt de pp com. 26 nov. 2003 (arrêt manoukian)


Une particularité à souligner : peut-on indemniser la perte de chance de conclure un contrat ?
Si les pourparlers sont rompus, l’une des parties » peut-elle demander une indemnisation pour
son préjudice subi ? celui-ci résiderait alors dans la perte d’une chance de conclure le contrat.
Ce préjudice sera vu en détail au second semestre.
Mais d’ores et déjà, on peut dire qu’ici il ne peut trouver application selon la jurisprudence :
« une faute commise dans l’exercice du droit de rupture unilatérale des pourparlers
précontractuels n’est pas la cause du préjudice consistant dans la perte d’une chance de
réaliser les gains que permettait d’espérer la conclusion du contrat. »
Jurisprudence consacrée à l’alinéa 2 de l’article 1112.

B/ Le devoir d’information

« Art. 1112-1.-Celle des parties qui connaît une information dont l’importance est
déterminante pour le consentement de l’autre doit l’en informer dès lors que,
légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son
cocontractant.

« Néanmoins, ce devoir d’information ne porte pas sur l’estimation de la valeur de la


prestation.

« Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et
nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties.

« Il incombe à celui qui prétend qu’une information lui était due de prouver que l’autre
partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu’elle l’a fournie.

« Les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir.

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« Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir


d’information peut entraîner l’annulation du contrat dans les conditions prévues aux
articles 1130 et suivants. »

Le devoir d’information est consacré par la réforme dans le Code civil. Il est cependant très
encadré.
Ce devoir s’applique à chacune des parties (« celle des parties »).
L’information concernée doit être déterminante du consentement de l’autre. L’article précise
ce que sont « les informations qui ont une importance déterminante ». Ce sont celles qui ont
un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties.
Cette information doit être donnée si le cocontractant ignore légitimement cette information
ou s’il fait confiance à son cocontractant. Cette idée de lien de confiance semble large. Il est
probable que l’appréciation sera d’autant plus sévère qu’il s’agira d’un professionnel. Malgré
tout, ce n’est pas la dichotomie retenue ce qui laisse place (tel que jurisprudence actuelle) à un
manquement à ce devoir de la part d’un non-professionnel.
« qui connaît » : et non pas « qui devrait connaître » qui impliquerait un devoir général de se
renseigner pour informer son cocontractant. Ce n’est pas le cas ici.
« ignorance légitime » : 2
Limite : ce devoir ne porte pas sur l’estimation de la valeur de la prestation
Le texte poursuit sur la charge de la preuve.
La sanction du non-respect de ce devoir consiste en des dommages et intérêts cad qu’elle ne
peut engager que la responsabilité extracontractuelle. Mais l’article ajoute que dès lors que le
non-respect de ce devoir provoque un vice du consentement, le contrat peut être annulé.

Ce nouveau texte consacrant le devoir d’information doivent être étudiés avec les
dispositions concernant le dol (réticence dolosive). À garder à l’esprit.

C/ le devoir de confidentialité
« Art. 1112-2.-Celui qui utilise ou divulgue sans autorisation une information
confidentielle obtenue à l’occasion des négociations engage sa responsabilité dans
les conditions du droit commun.

Enfin, art. 1112-2 : création d’un devoir précontractuel de confidentialité (issu


également de la jurisprudence)

2
3e civ. 3 juin 1988

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II/ La rencontre des volontés : fondement du contrat

« Sous-section 2

« L’offre et l’acceptation

« Art. 1113.-Le contrat est formé par la rencontre d’une offre et d’une acceptation par
lesquelles les parties manifestent leur volonté de s’engager.

« Cette volonté peut résulter d’une déclaration ou d’un comportement non équivoque
de son auteur.

A/ L’offre ou pollicitation

C’est une proposition complète et ferme de conclure un contrat à des conditions déterminées.

Différences avec :

(Moins qu’une offre)

- invitation à entrer en pourparlers : proposition qui vise seulement à instaurer une


négociation d’où naîtra peut-être un contrat, mais sans que les éléments fondamentaux
en soient encore exactement prévus.

- Appel d’offre : proposition qui porte suggestion d’un contrat déterminé seulement par
son genre et dont l’auteur de l’appel laisse à ses correspondants le soin de préciser
davantage les contours et l’économie. (reste une proposition assez imprécise) (ex
pratique des affaires notamment les marchés d’adjudication ; petites annonces de la
presse avec px à débattre)

(Plus qu’une offre)

- Contrats préparatoires ou avants-contrats : il y a un accord de volontés, contrat


préparatoire, étape avt la conclusion du cont. définitif. (promesse de contrat)
Promesse unilatérale de contrat (de vente) :c’est un contrat unilatéral
Promesse synallagmatique de vente : l’un s’engage à vendre l’autre à acheter :
réciprocité : art.1589 : vaut vente.

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1. Les conditions de l'offre

a) les conditions de fond

L’offre peut être faite au public ou à personne déterminée.

Caractères de l’offre :

Précise + complète :
Assez précise pour que l’acceptation suffise à former le contrat.
Complète : indication au minimum des éléments essentiels du contrat envisagé.
Ferme : la proposition de contracter doit manifester, de la part de son auteur, la volonté ferme
de conclure le contrat qu’il propose. (volonté d’être lié en cas d’acceptation)

« Art. 1114.-L’offre, faite à personne déterminée ou indéterminée, comprend les


éléments essentiels du contrat envisagé et exprime la volonté de son auteur d’être lié
en cas d’acceptation. A défaut, il y a seulement invitation à entrer en négociation.

Quid des réserves ?


La proposition de contracter faite au public d’un contrat intuitu personae, comporte
ipso facto, une réserve tacite d’agrément. Ex d’une offre d’emploi : il y a un agrément
de l’offrant, on peut considérer que ce n’est pas une offre. (réserve relative)
Si la réserve ne permet pas de choisir son cocontractant, mais est objective (elle
s’imposera à tous). Il s’agit d’une offre. (ex. vente de marchandises en quantité
limitée)
(réserve absolu)

b) les conditions de forme


art. 1113 al 2 « Cette volonté peut résulter d’une déclaration ou d’un comportement
non équivoque de son auteur.

 Modes d’extériorisation de l’offre :


Elle peut être expresse ou tacite mais doit manifester sans équivoque la volonté de son auteur.

 Offre expresse : Cela peut être une parole ou un écrit.

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 Offre tacite : attitude matérielle de laquelle on peut induire la volonté de


contracter. Ce comportement doit être dépourvu d’équivoque. Fréquent pour le
commerce.
ex

2. Le régime juridique de l'offre

Attention, il faut rappeler que si ce n’est pas une offre car les conditions ne sont pas remplies,
il ne s’agit que d’une invitation à entrer en pourparlers. Régime : liberté de rupture des
pourparlers.

a. la rétractation de l'offre

« Art. 1115.-Elle peut être librement rétractée tant qu’elle n’est pas parvenue à son
destinataire.

« Art. 1116.-Elle ne peut être rétractée avant l’expiration du délai fixé par son auteur
ou, à défaut, l’issue d’un délai raisonnable.

« La rétractation de l’offre en violation de cette interdiction empêche la conclusion du


contrat.

« Elle engage la responsabilité extracontractuelle de son auteur dans les conditions


du droit commun sans l’obliger à compenser la perte des avantages attendus du
contrat.

Principe : l’offre est librement révocable tant qu’elle n’est pas parvenue à la connaissance de
son destinataire.
Existe-t-il une obligation de maintien dans certains cas ?
Il existe en effet des exceptions :
Il faut distinguer :

• Délais légaux : ex. crédit à la conso (art. L.311-8 C. conso, crédit immobilier,
franchise L. 330-3 C Com) etc.

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• L’offrant a fixé un délai : jpdce sévère à l’origine du texte actuel (1116 al.1). Dans ce
cas, l’offrant a l’obligation de maintenir sa proposition durant tout le temps ainsi prévu3.
Sanction :
Attention ! changement dans la sanction de la révocation fautive.

Jurisprudence antérieure :
La jurisprudence permettait la formation du contrat (puisque la révocation n’était pas valable,
l’acceptation a été efficace et le contrat est formé).
Civ. 3e, 7 mai 2008 n°07-11.690 : « qu’en statuant ainsi, alors que si une offre d’achat ou de vente peut en
principe être rétractée tant qu’elle n’a pas été acceptée, il en va autrement au cas où celui de qui elle émane
s’est engagé à ne pas la retirer avant une certaine époque… ».

Réforme :
L’ordonnance indique que seule la R extracontractuelle de l’offrant sera engagée (alinéa 2 art
1116 et alinéa 3). Donc D et I et non formation forcée du contrat.

Cette question faisait en effet débat en doctrine. Les projets Terré et Catala faisaient la
distinction selon que l’O était ou non faite à personne déterminée. On le verra, la solution suit
une certaine logique eu égard à la sanction de la révocation de la promesse unilatérale.

• Absence de toute stipulation de délai : jpdce libérale


L’offre est librement révocable. Cependant, la jurisprudence a dégagé
l’existence d’un « délai raisonnable » durant lequel l’offre doit être maintenue4. Il faudrait un
temps raisonnable nécessaire et suffisant pour examiner et apprécier la proposition reçue5.
Ce délai raisonnable est soumis à l’appréciation souveraine des juges du fond qui se fait à cet
égard in concreto.
Il est désormais consacré par les textes : 1116 al. 1
Sanction si révocation pendant le délai raisonnable : le même texte s’applique (1116 al. 2 et
3), donc pas de formation forcée du contrat en cas d’acceptation, mais responsabilité
extracontractuelle. En effet, le texte ne fait pas de distinction selon que le délai est stipulé ou
non.

b. la caducité de l'offre

3
civ. 1re 17 déc.1958 ; Civ.3e 10 déc.1997, déf 36753 ; civ.3e 10 mai 1968 (2 arrêts)
4
Req.28 fév.1870, D.1871.1.61; 3e civ., 20 mai 2009, n°08-13.230.
5
Soc.22 mars 1972, D 1972, 468, mais civ 1e 21 déc.1960.D.61p.417.

19
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Modifié par Loi n°2018-287 du 20 avril 2018 - art. 4

« Art. 1117.- L'offre est caduque à l'expiration du délai fixé par son auteur ou, à
défaut, à l'issue d'un délai raisonnable.
Elle l'est également en cas d'incapacité ou de décès de son auteur, ou de décès de
son destinataire. »

Définition du terme caducité : disparition du contrat ou de l’acte pour l’avenir due à la


survenance d’un élément indépendant de la volonté des parties. Sanctionne l’efficacité du
contrat (acte initialement valable)

• Caducité par l’écoulement du temps :


Il faut distinguer
- si un délai est prévu : caducité à l’expiration du délai. Une acceptation ultérieure serait
sans effet.
- en l’absence de délai : l’offre subsiste tant qu’elle n’est pas révoquée 6. Mais nous
avons vu qu’il existe la notion de délai raisonnable. Celle-ci permet également d’éviter une
acceptation exagérément tardive7. Les textes prévoient la caducité à l’issue d’un délai
raisonnable : art. 1117 al. 1.

+ Caducité en cas d’incapacité de l’offrant

• Caducité par décès de l’offrant


Jurisprudence antérieure 8 :
- Si l’offre ne comporte pas de délai : l’offre est caduque en cas de décès de l’offrant9.
- Si l’offre est avec délai : O passe aux héritiers de l’offrant (notamment civ 3e 10 déc.
1997 )
10

Réforme :

6
Req. 28 fév.1870. mais un usage pourrait déterminer la caducité de l’offre ;civ. 1e 15 oct. 1958.
7
Civ.3e 20 mai 1992, D.1992.397 mais civ ;3e 27nov 1990.
8
1re civ. 25 juin 2014, n°13-16.529, confirmant cette distinction selon qu’il existe ou non un délai.
9
Malgré quelques divergences jpdce : SOc.14 av.1961, comp. civ 3e 9 nov 1983 rtdc 85 154 : une O de contcter
n’est pas frappée de caducité du seul fait du décès de l’offrant ; contra, civ 3e 10 mai 1989 : l’offre devient
caduque par le décès de son auteur.
10
Defrénois 36753.

20
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L’ordonnance ne fait pas de distinction, concernant la caducité en cas de décès, selon qu’il
existe ou non un délai. L’offre est donc caduque en cas de décès. Il en est de même si l’offrant
devient incapable. 1117 al 2

Quid en cas de décès du destinataire de l’offre ? Dans la mesure où celui-ci n’a pas encore
accepté, il n’a fait naître aucun droit de créance au profit de ses héritiers. L’offre est donc
caduque (1re civ., 5 nov. 2008, n°07-16.505). La réforme a consacré cette solution à l’alinéa 2
de l’article 1117.

B / L’acceptation

Notion : c’est l’expression de l’intention définitive du destinataire de l’offre, de conclure le


contrat aux conditions prévues par l’offrant.
= agrément pur et simple de l’offre
Si le destinataire de l’offre modifie les conditions fixées par l’offrant : il ne s’agit pas d’une
acceptation mais d’une contre-proposition (= offre nouvelle et refus de l’offre originelle)

Le destinataire de l’offre est libre de l’accepter ou de la refuser ou de continuer la négociation


(liberté contractuelle)

1. conditions de fond

« Art. 1118.-L’acceptation est la manifestation de volonté de son auteur d’être lié


dans les termes de l’offre.

« Tant que l’acceptation n’est pas parvenue à l’offrant, elle peut être librement
rétractée, pourvu que la rétractation parvienne à l’offrant avant l’acceptation.

« L’acceptation non conforme à l’offre est dépourvue d’effet, sauf à constituer une
offre nouvelle.

La principale condition de fond de l’acceptation est qu’elle doit être pure et simple.
Ce qui signifie qu’elle doit être concordante à l’offre. Il doit y avoir une identité entre O et A.
Elle doit être complète (telle que l’offre), cad porter sur l’ensemble des conditions figurant
dans l’offre.

21
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Être pure et simple signifie surtout qu’elle doit être différente d’une contre-proposition. Ce
n’est pas « oui mais ». En effet, dans ce cas, la relation s’inverse et c’est l’acceptant qui se
trouve en situation de pollicitant. Dans la contre-proposition, l’acceptation est donnée mais
l’acceptant modifie certains éléments de l’offre (ce qui rend celle-ci caduque ne laissant
subsister que cette nouvelle offre, contre-offre ou contre-proposition).
En ce sens, l’acceptation soit être totale11.

2. conditions de forme

Acceptation expresse : résulte de tout acte ou de tout geste qui, d’après les usages, ne peut
avoir été accompli qu’en vue de faire connaître la volonté de leur auteur.
ex
Acceptation tacite : suppose un acte d’où l’on peut raisonnablement induire la volonté de
contracter.
ex

Question particulière : est-ce que le silence vaut acceptation ?


Principe : le silence ne vaut pas acceptation12
Car il est équivoque et susceptible de plusieurs interprétations13

Mais exception : silence circonstancié14

Il faut distinguer :
Exceptions légales
- bail : locataire reste dans les lieux loués ap expiration du bail et bailleur ne donne pas
congé : renouvellement par tacite reconduction : 1738 CC
- Prolongation ou modification d’un contrat d’assurance proposée par l’assuré :
silence de assureur pdt 10 j vaut acceptation tacite (C ass art. L.112- 2 al 5 C ass)

Exceptions jurisprudentielles
- Relations d’affaires antérieures entre les parties (l’O a trait à un type de contrat qui
est habituellement conclu entre elles) (éviter qu’une série de contrats identiques ne
11
ex Cass. Com., 25 juin 2013, n°12-17.583
12
civ 1e 16 av.1996 arrêt de pp : Civ 25 mai 1870
13
Exemple : procédé de vente consistant à envoyer à des particuliers des articles accompagnés d’une lettre aux
termes de laquelle, faute de renvoyer lesdits articles dans un certain délai, le destinataire sera présumé les avoir
acceptés. Ainsi, lorsque le destinataire d’une offre conserve une attitude totalement passive (défaut de réponse à
une lettre, absence de protestation à une réception de facture…) il n’y a pas acceptation de sa part et dans la
foulée la naissance d’un contrat.
14
Civ.1ère, 24 mai 2005 « si le silence ne vaut pas à lui seul acceptation, il n’en est pas de même lorsque les
circonstances permettent de donner à ce silence la signification d’une acceptation » D.2006.1025 RTC2005.588
Com. 15 mars 2011, n°10-16.422 ; V. également, Cass. 1ere civ., 4 juin 2009, n° 08-14481 ; confirmé Com., 18
janvier 2011, n°09-69.831

22
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soit interrompue) (habitudes personnelles des parties) rapport d’affaires, concernant


des contrats du même genre (identité de contrat) 15

- Usages : d’après les usages16 (svt commerciaux), le défaut de réponse est considéré
comme une acceptation (habitudes générales) : fréquents concernant les usages de la
profession.

- Lorsque l’offre est faite dans le seul intérêt du destinataire : jpdce Req. 29 mars
1938. Dans ce cas, son acceptation est présumée. Le silence vaut acceptation. Ex. la
remise de dette

- Cas également où les parties ont convenu que le silence vaudrait acceptation : 1re
civ., 12 janv. 1988, 86-12.849.

Consécration de la jurisprudence par la réforme


« Art. 1120.-Le silence ne vaut pas acceptation, à moins qu’il n’en résulte autrement
de la loi, des usages, des relations d’affaires ou de circonstances particulières.

3. effets de l'acceptation

Pp : conclusion du contrat

Exception : Cas dans lesquels, dans un impératif de protection de la partie la plus faible,
particulièrement en droit de la consommation, mais également en droit immobilier, le
législateur ou la convention ne permet pas l’acceptation avant un certain délai (délai de
réflexion) ou bien instaure une faculté de repentir, ou faculté de rétractation.
contrat
O A
Délai de Réflexion rétractation

« Art. 1122.-La loi ou le contrat peuvent prévoir un délai de réflexion, qui est le délai
avant l’expiration duquel le destinataire de l’offre ne peut manifester son acceptation
ou un délai de rétractation, qui est le délai avant l’expiration duquel son bénéficiaire
peut rétracter son consentement. » = définitions

15
Cass. 2e civ., 21 mai 1951).
16
Ex. Com 13 mai 2003, B. IV, n°82 ; Com. 21 mai 1951, B. IV, n°168.

23
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C / La rencontre de l’offre et de l’acceptation : cas particuliers


1. Contrats entre absents

Définition : l’acceptation définitive est exprimée en l’absence de l’offrant.

Pour qu’il y ait rencontre des volontés, il faut qu’il y ait coexistence à un moment donné des
deux volontés. Il faut que l’offrant ait connaissance de l’acceptation. Il est cependant fréquent
que les cocontractants ne se trouvent pas au même endroit et se situent dans un temps
différent. Ainsi lorsque la rencontre des volontés a lieu par courrier, mail, téléphone…

La question de savoir à quel moment se situe la rencontre des volontés et donc la formation du
contrat est essentielle, puisqu’elle déterminera le lieu de formation du contrat ainsi que sa
date. De celle-ci particulièrement dépendront le régime de révocation de l’offre, la loi
applicable17 ; l’existence du contrat et donc de ses effets, et le point de départ de l’action en
nullité (pas toujours mais parfois).
Concernant le lieu, cela permet de régler les questions de compétence des juridictions, de
même que la loi applicable dans une situation internationale.

L’offrant et l’acceptant ne sont pas en présence l’un de l’autre : non coïncidence de


l’expression et de la rencontre des volontés.

Doctrine
2 théories18 :
- Coexistence des volontés : c’est le moment où intervient l’acceptation qui est pris en compte
Elle comprend 2 variantes
Théorie de la Déclaration : expression de la volonté (mais pb preuve) (rédaction lettre)
Théorie de l’ Émission : dessaisissement de la déclaration de volonté (expédition lettre)

- Connaissance réciproque des volontés : c le moment où l’offrant connaît l’acceptation qui


est pris en compte.
Elle comprend 2 variantes
Théorie de l’Information : le pollicitant doit avoir pris effectivement connaissance de
l’acceptation (lecture de la lettre)
Théorie de la Réception : pollicitant a eu la possibilité de prendre connaissance de
l’acceptation (réception lettre)

L’on remarque cependant que la théorie de la déclaration ainsi que celle de l’information sont
délicates à appliquer en termes de preuve. Il est donc plus pertinent (et c’est ce que fait la
doctrine) de se concentrer sur les théories de la réception et de l’émission.

Jurisprudence antérieure

La Jpdce a pu décider qu’il s’agissait d’une question de fait relevant donc du pouvoir
souverain des juges du fond (Req. 29 janv. 1923)
17
ou encore en cas de perte de la chose par cas fortuit (le vendeur ayant conservé la propriété de la chose en
supportera le risque.
18
Autres distinctions doctrinales : Théories monistes (lien date et lieu) / dualistes (dissociation date et
lieu)

24
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Solution :
Arrêt de pp : Com.7 janv. 198119: système de l’émission (expédition) et interprétation de la
volonté des parties « faute de stipulation contraire »
Toutefois, un arrêt isolé a appliqué la théorie de la réception dans le cas de l’exercice d’un
droit de préemption en cas d’aliénation d’un bien rural : Cass. 3e civ., 16 juin 2011 (n°09-
72679). Cela peut sembler être une décision en opportunité laissant penser que le principe
demeure celui de l’émission.
Or l’on peut remarquer que la convention de Vienne du 11 av. 1980, de même que les
principes d’Unidroit, ainsi que les pp du droit européen des contrats adoptent la théorie de la
réception.
Le droit positif (la jurisprudence) tendrait donc à retenir la théorie de l’émission.

Réforme

« Art. 1121.-Le contrat est conclu dès que l’acceptation parvient à l’offrant. Il est
réputé l’être au lieu où l’acceptation est parvenue.

2. Contrats sous forme électronique


Art. 1125 s. C. civ.

3. Les conditions générales


« Art. 1119.-Les conditions générales invoquées par une partie n’ont effet à l’égard
de l’autre que si elles ont été portées à la connaissance de celle-ci et si elle les a
acceptées.
« En cas de discordance entre des conditions générales invoquées par l’une et
l’autre des parties, les clauses incompatibles sont sans effet.
« En cas de discordance entre des conditions générales et des conditions
particulières, les secondes l’emportent sur les premières.

Elles doivent faire partie intégrante du consentement du contractant. Elles doivent avoir été
connues et acceptées par la partie à laquelle on les oppose. Pour une question probatoire, elles
nécessitent donc la signature de l’acceptant20.

III/ Les contrats préparatoires

Aussi appelés avant-contrats.

19
RTD civ 81 849 + 3e civ., 17 sept. 2014, n°13-21.824
20
Civ. 1re, 11 mars 2014, n°12-28304

25
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Ce sont des contrats qui précèdent la conclusion du contrat définitif.

1. La promesse unilatérale de contrat


« Art. 1124.-La promesse unilatérale est le contrat par lequel une partie, le
promettant, accorde à l’autre, le bénéficiaire, le droit d’opter pour la conclusion d’un
contrat dont les éléments essentiels sont déterminés, et pour la formation duquel ne
manque que le consentement du bénéficiaire.

« La révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter


n’empêche pas la formation du contrat promis.

« Le contrat conclu en violation de la promesse unilatérale avec un tiers qui en


connaissait l’existence est nul.

Durant la promesse, le bénéficiaire a un droit d’option. S’il décide de consentir au contrat


définitif, on dit qu’il « lève l’option ».

a/ conditions de fond
 Il s’agit bien d’un contrat : il y a donc eu la rencontre d’une O et d’une A
 Les parties doivent être capables : capacité du promettant et du bénéficiaire : le
promettant (pour cont de vente par ex. ) doit avoir la capacité de vendre et le pouvoir
de disposer du bien21. Même si la question a pu faire l’objet de débats doctrinaux, on
considère désormais qu’il s’engage au contrat définitif.
Quant au bénéficiaire, sa capacité est vérifiée au moment de levée d’option.

b/ conditions de forme
En principe il n’y a pas de condition de forme.
- Mais particulièrement pour la PUV (promesse unilatérale de vente), la loi prévoit à l’article
1589-2 du CC l’enregistrement dans les 10 j de la conclusion de la promesse de vente
d’immeuble (à peine de nullité).
- De même, toute promesse ayant pour objet la cession d’un droit réel immobilier d’une durée
supérieure à 18 mois doit être consentie par acte authentique s’agissant d’une personne
physique (art. art. L. 290-1 et s. CCH)22.

21
Par exemple pour vendre, le vendeur doit être propriétaire : Cass. 3e civ., 14 mai 2020, n° 18-21281.
22
: « Toute promesse de vente ayant pour objet la cession d’un immeuble ou d’un droit réel immobilier, dont la
validité est supérieure à dix-huit mois, ou toute prorogation d’une telle promesse portant sa durée totale à plus de
dix-huit mois est nulle et de nul effet si elle n’est pas constatée par un acte authentique, lorsqu’elle est consentie
par une personne physique. »

26
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c/ indemnité d'immobilisation
La promesse unilatérale de contrat comporte souvent une indemnité d’immobilisation. Elle
peut être considérée comme le prix du droit d’option acquis par le bénéficiaire. Il s’agit d’une
somme versée lors de la constitution de la promesse par le bénéficiaire.
La difficulté est qu’il s’agit d’une obligation à la charge du bénéficiaire de la promesse.
Donc peut-on considérer, puisqu’une obligation existe, qu’il s’agit d’un contrat
synallagmatique ? (surtout si la somme est importante). Non, car il ne s’agit pas d’une
obligation d’acheter pour le bénéficiaire (si l’on raisonne sur la PUV). Toutefois, si
l’indemnité correspond à une fraction trop importante du prix de vente (souvent + de 10 %),
la jurisprudence considère qu’il n’y a plus de liberté totale d’option et qu’ainsi la promesse
peut être requalifiée en promesse synallagmatique de vente (par ex. 3e civ., 31 mars 1981).

Sort de cette indemnité :


- si le bénéficiaire lève l’option, l’indemnité d’immobilisation s’impute sur le prix
- si le bénéficiaire ne lève pas l’option, l’indemnité reste acquise au promettant.

d/ effets de la promesse unilatérale

- seul le promettant est engagé. La promesse n’emporte pas transfert de propriété


(pour une PUV)23
- le bénéficiaire dispose d’un choix de contracter ou non le contrat définitif (il a déjà
contracté s’agissant de la promesse)

Lorsque l’option est levée par le bénéficiaire, le contrat définitif est formé.

Il faut bien distinguer:


La promesse unilatérale de vente est un contrat entre le promettant et le bénéficiaire. La levée
de l’option permet de constituer le contrat de vente. En dehors de levée de l’option, le contrat
réalisé demeure une promesse mais qui n’a pas pu être suivi de l’effet escompté, cad le contrat
de vente.
La vente est un contrat entre vendeur et acquéreur. Ce contrat de vente peut donc être précédé
d’une promesse unilatérale, soit de vente (le promettant promet de vendre), soit d’achat (le
promettant promet d’acheter).

Civ. 3e, 8 septembre 2010 (pourvoi n° 09-13.345 ; D. 2010, p. 2061, et D. 2011, p. 472, spéc. 477, obs.
23

Amrani Mekki)

27
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La promesse peut être transférée24. Le décès du promettant n’emporte pas caducité “dès lors
que le promettant avait définitivement consenti à vendre avant son décès, l’option pouvait
être valablement levée, après son décès, contre ses héritiers tenus de la dette contractée par
leur auteur”25.
.

e/ La violation de la promesse unilatérale

La situation est la suivante :


1/ Promesse
2/ Rétractation
3/ Levée de l’option
Délai d’option

PUV rétractation Levée de l’option par le bénéficiaire

Cette « violation », consiste en une rétractation du promettant durant le délai. Alors que le
bénéficiaire a levé l’option, le promettant ne souhaite plus contracter (contrat définitif).
Le raisonnement va au-delà d’une obligation de maintien de la promesse. Ici, le promettant est
déjà engagé au contrat définitif.

Puisqu’il était déjà engagé, et qu’il s’agit d’un contrat, la question est en réalité de savoir si la
PUV est susceptible d’exécution forcée.

Droit antérieur / jurisprudence :

Sur ce point, on peut noter une évolution de la jurisprudence :


- Jurisprudence dite « Cruz » : Civ.3ème, 15 déc 199326 : l’exécution forcée est écartée, seule
des D et I sont possibles (cad l’exécution par équivalent).
La cour se fonde sur la nature de l’obligation du promettant qu’elle qualifie d’obligation de
faire qui n’est donc pas susceptible d’exécution forcée. Elle considère également que « la

24
La PUV peut être transmise par voie de transmission universelle de patrimoine, ce qui se produit en cas de
décès de l’une des parties ou de disparition d’une personne morale par suite de fusion ou scission. Elle peut aussi
se transmettre entre vifs par voie de cession.
25
3e civ. 8 sept. 2010, n°09-13. 345 P.
26
(Bull. civ. III, n° 174 ; D. 1994, p. 230, obs. O. Tournafond, RTD civ 1994 p 587, Mestre.

28
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levée de l’option par le bénéficiaire de la promesse postérieurement à la rétractation du


promettant excluait toute rencontre des volontés réciproques de vendre et d’acquérir »
- un arrêt a laissé penser à un revirement (3e civ., 8 sept. 201027). Mais la situation était
particulière puisqu’il s’agissait du décès du promettant avant la levée de l’option. La
promesse est transmise à ses héritiers. Il a été considéré qu’il n’était pas nécessaire, alors qu’il
s’agissait d’héritiers mineur (placés sous le régime de l’administration légale sous contrôle
judiciaire), d’obtenir l’autorisation du juge des tutelles. Ici, le promettant avait bien consenti
au contrat définitif et la levée de l’option emporte formation de ce contrat définitif.
- puis retour à la jurisprudence de 1993 avec Civ. 3e, 11 mai 201128
- et 3e civ., 6 sept. 201129, allant dans le sens de l’exécution forcée de la promesse, cad de la
formation du contrat définitif.

Sauf, évidemment, clause d’exécution forcée en nature. Dans ce cas, et puisque les parties
l’ont prévu, il peut y avoir constatation judiciaire de la vente,( 3e, 27 mars 2008)

Arrêt à retenir : Jurisprudence « Cruz » : Civ.3ème, 15 déc 1993


Cette jurisprudence a pu être critiquée par la doctrine qui considérait que le promettant avait
donné son consentement au contrat définitif. La critique portait également sur l’incohérence
avec la sanction de la rétractation de l’offre durant le délai qui conduisait à la sanction plus
sévère de conclusion forcée du contrat.

Réforme

L’ordonnance a entendu ces critiques et a rétabli la cohérence. La jurisprudence Cruz est


abandonnée.

« Art. 1124.-(al. 2 et 3)

« La révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter


n’empêche pas la formation du contrat promis.

« Le contrat conclu en violation de la promesse unilatérale avec un tiers qui en


connaissait l’existence est nul.

L’exécution forcée est donc possible. De plus, si le promettant a conclu avec un tiers en
violation de la promesse. Ce contrat est nul dès lors que le tiers en connaissait l’existence (al.
3). La charge de la preuve de la connaissance par le tiers de l’existence de la promesse
incombe au bénéficiaire.

27
D. 2010, p. 2061, D. 2011, p. 1457, RTD civ. 2010, p.778. V. égal. 3e civ., 25 juin 2014, D. 2014, p.1574.
28
(pourvoi n°10-12.875 ; Gaz. Palais 2011 n°215, p. 15).
29
D. 2011, jurisp. P. 2838, note. C. Grimaldi.

29
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Actu : N’est pas inconstitutionnelle (contraire au principe de liberté


contractuelle et au droit de propriété) la sanction prévue à l’article 1124, alinéa
2, du code civil permettant l’exécution forcée de la promesse unilatérale de
vente si le promettant révoque sa promesse pendant le temps laissé au
bénéficiaire pour lever l’option.
Civ. 3e, 17 oct. 2019, n° 19-40.028

Actu : Concernant une promesse conclue avant l’entrée en vigueur de la


réforme : « la levée de l’option par le bénéficiaire de la promesse unilatérale
postérieurement à la rétractation du promettant excluant toute rencontre des
volontés réciproques de vendre et d’acquérir, la réalisation forcée de la vente
ne peut être ordonnée »
Cass. 3e civ., 6 déc. 2018, n°17-21170 et 17-21171

Actu : le promettant signataire d'une promesse unilatérale de vente s'oblige


définitivement à vendre dès la conclusion de l'avant-contrat, sans possibilité
de rétractation, sauf stipulation contraire. La cour d’appel a relevé que, dans
l'acte du 1er avril 1999, le promettant avait donné son consentement à la
vente sans restriction et que la levée de l'option par les bénéficiaires était
intervenue dans les délais convenus. Ayant retenu à bon droit que la
rétractation du promettant ne constituait pas une circonstance propre à
empêcher la formation de la vente, elle en a exactement déduit que, les
consentements des parties s'étant rencontrés lors de la levée de l'option par
les bénéficiaires, la vente était parfaite.
Cass. 3e civ., 23 juin 2021, n° 20-17.554

2. La promesse synallagmatique de contrat

Article 1589 "La promesse de vente vaut vente, lorsqu'il y a consentement réciproque
des deux parties sur la chose et sur le prix.

Promesse synallagmatique : accord de volonté par lequel deux personnes


s’engagent réciproquement et définitivement dans les termes d’un contrat dont les
conditions essentielles sont déterminées.
Conditions :
 C’est un contrat : donc rencontre d’une offre et d’une acceptation
 Éléments essentiels (chose et prix)
 Capacité

30
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 Réciprocité des obligations (synallagmatique)


 Pas de condition de forme particulière (enregistrement) : l’article 1589-2 ne
s’applique qu’à la promesse unilatérale de vente et non à la promesse
synallagmatique (3e civ., 12 juill. 197630,). En revanche, le formalisme de
l’article 290-1 du Code de la construction et de l’habitation qui prévoit
l’authenticité est applicable à la promesse synallagmatique.

Actu : L’article L. 290-1 du code de la construction et de l’habitation, qui


soumet à peine de nullité la conclusion d’une promesse de vente d’une
validité supérieure à dix-huit mois à la forme de l’acte authentique, édicte une
règle d’intérêt privé. Dès lors, la nullité ne peut être invoquée que par le
promettant, seul protégé par la règle, et non le bénéficiaire.

Civ. 3e, 26 nov. 2020, n° 19-14.601

PP : posé à l’article 1589 CC relativement à la PS de vente « la promesse de vente


vaut vente, lorsqu’il y a un consentement réciproque des deux parties sur la chose et
le prix ». Cette règle est supplétive.

La promesse synallagmatique équivaut au contrat lui-même.


Puisque la promesse synallagmatique vaut vente, les parties sont liées par la
promesse. Quelle différence alors avec le contrat définitif ? Les parties ont pu
décider de subordonner le contrat définitif à une condition ou un terme.

Condition : modalité de l’obligation subordonnant la formation (suspensive) ou la


résolution (résolutoire) de celle-ci à la survenance d’un événement futur et incertain.
Ex : condition suspensive d’obtention du prêt 31

30
D. 1976. 657, mais la nullité est encourue dans le cas d’une promesse de vente non enregistrée suivie, plus de
dix jours après ; d’une promesse d’acheter contresignée par les vendeurs.,n
31
Civ. 3e, 29 juin 2013, pourvoi n°12-17077.

31
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Terme : modalité d’une obligation subordonnant son exigibilité ou son extinction à


l’arrivée d’un événement futur et certain.

Ces modalités de l’obligation sont des éléments accessoires au contrat qui


n’entachent pas la validité de la promesse.

Ex : clause de réitération authentique de la vente d’un bien immobilier 32.


L’authenticité n’est pas exigée ad validitatem mais aux fins de publicité foncière. Il
faut distinguer :
- si les parties l’érigent en condition de formation de la vente, cad en élément
constitutif de leur consentement : si absence de réitération : caducité, mais rare en
pratique, Cass. 3e civ., 12 oct. 1994, Defrénois 1995, 738, obs. Mazeaud)
- à l’inverse, réitération non exigée en élément constitutif du consentement. Mais
plus précisément en terme suspensif retardant le transfert de propriété. « viole l’art.
1583, une décision qui prononce la nullité d‘une vente, faute de réalisation de la
vente par acte authentique avant une date limite, alors que le terme fixé pour la
signature de l’acte authentique n’était pas assorti de la sanction de la caducité de la
promesse de la vente » (3e civ., 18 févr. 2009, bull. civ. III, n°47, 20 déc. 1994, B. III,
n°229).

Ex : la faculté de substitution
La faculté de substitution consiste, pour le bénéficiaire de la promesse à se
substituer un tiers qui sera donc le contractant définitif. Ex. concret, acquisition par
une personne physique qui souhaite ensuite constituer une société.

Quid des promesses croisées ?


Une PUV et une PUA. Selon la jurisprudence « l’échange d’une PUA et d’une PUV
réalise une promesse synallagmatique de vente valant vente définitive dès lors que
les 2 promesses réciproques ont le même objet et sont stipulées dans les mêmes
termes » (Com. 22 oct. 2005).
Ces promesses doivent être conclues concomitamment, avoir le même objet et être
stipulées dans les mêmes conditions (3e civ. 26 juin 2002 ; Com 22 oct 2005).

32
Civ. 3e, 1er oct. 2020, n° 19-16.561, En cas de non-réitération de la vente devant notaire à la date fixée par la
promesse synallagmatique de vente, le point de départ de la prescription de l’action en indemnisation est la
connaissance caractérisée, par la partie contractante, du refus de son contractant d’exécuter son obligation
principale de signer l’acte authentique de vente.

32
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Actu : Une promesse synallagmatique de vente conclue sur un bien


indisponible produit ses pleins effets au jour de la levée de la clause
d’inaliénabilité, intervenue ultérieurement, dès lors que la promesse n’était
assortie d’aucune condition lui faisant encourir la caducité, ni d’aucun délai, et
que les parties n’avaient pas entendu la dénoncer.
Civ. 3e, 30 janv. 2020, n° 18-25.381

Actu : Vente sous condition suspensive de prêt : l'obtention hors délai d'un
prêt inférieur au montant maximal prévu n'entraîne pas la caducité de la
promesse
3e civ., 14 janvier 2021, n° 20-11.224

3. Le pacte de préférence

« Art. 1123.-Le pacte de préférence est le contrat par lequel une partie s’engage
à proposer prioritairement à son bénéficiaire de traiter avec lui pour le cas où
elle déciderait de contracter.

« Lorsqu’un contrat est conclu avec un tiers en violation d’un pacte de préférence, le
bénéficiaire peut obtenir la réparation du préjudice subi. Lorsque le tiers connaissait
l’existence du pacte et l’intention du bénéficiaire de s’en prévaloir, ce dernier peut
également agir en nullité ou demander au juge de le substituer au tiers dans le
contrat conclu.

« Le tiers peut demander par écrit au bénéficiaire de confirmer dans un délai qu’il fixe
et qui doit être raisonnable, l’existence d’un pacte de préférence et s’il entend s’en
prévaloir.

« L’écrit mentionne qu’à défaut de réponse dans ce délai, le bénéficiaire du pacte ne


pourra plus solliciter sa substitution au contrat conclu avec le tiers ou la nullité du
contrat.

- Pacte de préférence ?
Il s’agit d’un contrat unilatéral33.
Définition : art. 1123 al. 1
33
Il peut se rencontrer notamment concernant : les baux commerciaux, le contrat de franchise, les contrats
d’édition, le droit des sociétés (cession de droits sociaux).

33
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Le promettant : Il s’engage à proposer la conclusion du contrat au bénéficiaire pour


le cas où il déciderait de le conclure. Il accorde une priorité au bénéficiaire du pacte.
Il concerne un contrat déterminé34.
En principe le pacte engage les ayants cause à titre universel du promettant, mais
les parties peuvent en décider autrement en conférant un caractère personnel à
l’engagement 35.

Le bénéficiaire : il est titulaire d’un droit de priorité. Sorte de droit de préemption


conventionnel, de droit de préférence.

a) Conditions

il s’agit d’un contrat, donc les conditions de droit commun du contrat doivent être
remplies.
Cependant, concernant le contenu du contrat, il suffit que l’objet soit licite.
L’indication du prix ou d’un délai36 n’est pas indispensable à la validité du pacte.
- la nature de l’acte projeté suffit. Lorsque le pacte porte sur un bien, seule
l’identification de l’objet suffit. Ce n’est que lorsque le promettant décidera de
contracter qu’il devra déterminer précisément les conditions du contrat, tel que
mentionner le prix.
- concernant le délai : lorsqu’il n’y a pas de limitation dans le temps, on applique
la prescription de droit commun : 5 ans, à compter du jour à partir duquel le
vendeur a fait connaître sa volonté de vendre. Cette volonté de vendre doit en
effet être connue, car ce n’est qu’à partir de ce moment que le bénéficiaire du
pacte a la possibilité d’exercer son droit de préférence.
La capacité : Elle s’apprécie au jour de l’exercice du droit de préférence (et non au
jour de la formation du pacte, car ce n’est pas un acte de disposition)

b) Mise en œuvre

 Le promettant informe le bénéficiaire de sa décision de vendre (si l’on


raisonne sur un contrat de vente) en lui précisant les conditions ;

34
Si le promettant décide de conclure un autre type de contrat (par ex. d’une vente, on passe à une donation ou
une location), le pacte n’est pas violé.
1 civ., 6 nov. 1963 ; 24 févr. 1987.
35 re

36
Cass. 1re civ., 6 juin 2001.

34
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 Le bénéficiaire peut accepter dans un délai raisonnable. S’il accepte, le


contrat est formé, s’il n’accepte pas, et décline l’offre 37, le promettant est libéré
et peut contracter avec un tiers.

 Si le bénéficiaire refuse ou reste silencieux jusqu’à l’expiration du délai (prévu


ou raisonnable), en principe le promettant retrouve sa liberté. Mais cette
liberté est encadrée. L’obligation de préférence n’est purgée que si les
conditions proposées au bénéficiaire sont identiques à celles du contrat
conclu avec le tiers (3e civ., 20 févr. 1979).

c) Violation du pacte de préférence

Si le promettant contracte avec un tiers (autre que le bénéficiaire) sans


respecter la priorité accordée : quelle peut être la sanction ?
Il peut évidemment y avoir l’allocation de dommages et intérêts. Mais peut-il y
avoir nullité du contrat conclu avec le tiers ? Ou bien substitution par le
bénéficiaire au tiers dans le contrat conclu ?
Jurisprudence : Mixte 26 mai 200638 « le bénéficiaire d’un pacte de préférence est en
droit d’exiger l’annulation du contrat passé avec un tiers en méconnaissance de ses
droits et d’obtenir sa substitution à l’acquéreur, à la condition que ce tiers ait eu
connaissance, lorsqu’il a contracté, de l’existence du pacte de préférence et de
l’intention du bénéficiaire de s’en prévaloir ».
Donc 2 conditions qui illustrent la mauvaise foi du tiers :
- connaissance de l’existence du pacte
- + connaissance de l’intention du bénéficiaire de s’en prévaloir. La preuve doit
être apportée par le bénéficiaire du pacte. C’est la double preuve 39.

La substitution est donc issue de la réalisation forcée du contrat. Mais pose


des questions : On considère donc que le promettant s’engage au contrat
définitif ? comment se substituer à un contrat qui n’existe plus puisque la
nullité a été prononcée ?
Sur ce point, la rédaction de l’art. 1123 est heureuse puisqu’elle utilise le
terme « ou ».

Ordonnance (droit positif)


« Art. 1123.- al 2 « Lorsqu’un contrat est conclu avec un tiers en violation d’un
pacte de préférence, le bénéficiaire peut obtenir la réparation du préjudice
37
Le refus ne peut engager la R du bénéficiaire : 1re civ., 6 juin 2001.
38
B. 4, p. 330, D 2006 p 1661. Jurisprudence réitérée : 3e civ., 31 janv. 2007 ; 14 févr. 2007 ; 3 nov. 2011
39
Celle-ci doit être appréciée au moment de la vente : Civ. 3e, 25 mars 2009, Bull. 2009, n°3, n° 68,
D.2010, p.224 : appréciation au moment de la promesse de vente qui vaut vente, et non à celle de sa
réitération authentique, à moins que les parties aient entendu faire de celle-ci un élément constitutif
de leur engagement.

35
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subi. Lorsque le tiers connaissait l’existence du pacte et l’intention du


bénéficiaire de s’en prévaloir, ce dernier peut également agir en nullité ou
demander au juge de le substituer au tiers dans le contrat conclu.

Actu : C'est à la date à laquelle il décide de vendre que le souscripteur d'un


pacte de préférence doit en respecter les termes. Il doit donc, si le pacte n'est
pas expiré, proposer l'achat à son bénéficiaire avant de conclure une
promesse unilatérale de vente avec un tiers.
Civ. 3e, 6 déc. 2018, FS-P+B+I, n° 17-23.321

Actu : Il incombe au bénéficiaire d'un droit de préférence et de préemption qui


sollicite l'annulation de la vente et sa substitution dans les droits du tiers
acquéreur de rapporter la double preuve de la connaissance, par celui-ci, de
l'existence du pacte de préférence et de l'intention du bénéficiaire de s'en
prévaloir.
Cass. 3e civ., 4 mars 2021, n° 19-22.971

d) Action interrogatoire

« Art. 1123.- al 3 et 4
« Le tiers peut demander par écrit au bénéficiaire de confirmer dans un délai
qu’il fixe et qui doit être raisonnable, l’existence d’un pacte de préférence et
s’il entend s’en prévaloir.

« L’écrit mentionne qu’à défaut de réponse dans ce délai, le bénéficiaire du


pacte ne pourra plus solliciter sa substitution au contrat conclu avec le tiers ou
la nullité du contrat.

Enfin, la nouveauté réside dans l’action interrogatoire. Alors qu’auparavant, la


jurisprudence considérait qu’il ne pouvait être reproché au tiers acquéreur de
ne pas avoir pris l’initiative de vérifier les intentions du bénéficiaire 40.

Conditions de l’action interrogatoire :


- elle doit être faite par écrit
- un délai doit être prévu. Ce délai doit être raisonnable.
- il est demandé au bénéficiaire de confirmer l’existence d’un pacte de
préférence et de se positionner sur celui-ci : il doit dire s’il entend s’en
prévaloir.
- l’écrit doit contenir des mentions obligatoires : al. 2.

40
Cass. 3e civ., 29 juin 2010, RDC 2011, 30 obs. Savaux.

36
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A l’expiration du délai prévu par l’action interrogatoire :


- en l’absence de réponse, le tiers peut librement contracter sans risque
d’action en nullité ou de substitution.
- si le bénéficiaire se prévaut du pacte de P : le contrat définitif aura lieu avec
le bénéficiaire. Le tiers est évincé.
- si le bénéficiaire refuse : le tiers peut contracter. Il évite ainsi une action en
justice du bénéficiaire.

§2 / La liberté et l’'intégrité du consentement

La protection du consentement est une exigence essentielle qui irrigue tout le droit
des obligations. De nombreuses dispositions visent à le protéger de manière
indirecte, telles que les règles relatives aux incapacités, les règles tenant au
formalisme ou encore, la cause, les vices cachés ou autres règles du droit de la
consommation (délais de réflexion et de rétractation notamment, devoir d’information
et devoir de conseil), ou encore, le délit d’abus de faiblesse.
En dehors de ces cas, le consentement est directement protégé par le CC. L’ancien
article 1109 CC énonce que : « Il n'y a point de consentement valable si le
consentement n'a été donné que par erreur ou s'il a été extorqué par violence
ou surpris par dol. »
Exigence de l’intégrité du consentement : il doit être :
éclairé (pas de trouble mental, erreur, dol)

et libre (pas de violence).

Le code civil énonce les vices du consentement.


3 vices

I/ L’erreur

Règles communes aux vices du consentement

« Paragraphe 2

37
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« Les vices du consentement

« Art. 1130.-L’erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu’ils sont de


telle nature que, sans eux, l’une des parties n’aurait pas contracté ou aurait contracté
à des conditions substantiellement différentes.
« Leur caractère déterminant s’apprécie eu égard aux personnes et aux
circonstances dans lesquelles le consentement a été donné.

« Art. 1131.-Les vices du consentement sont une cause de nullité relative du contrat.

« Art. 1144.-Le délai de l’action en nullité ne court, en cas d’erreur ou de dol, que du
jour où ils ont été découverts et, en cas de violence, que du jour où elle a cessé.

Articles concernant l’erreur :


« Art. 1132.-L’erreur de droit ou de fait, à moins qu’elle ne soit inexcusable, est une
cause de nullité du contrat lorsqu’elle porte sur les qualités essentielles de la
prestation due ou sur celles du cocontractant.

« Art. 1133.-Les qualités essentielles de la prestation sont celles qui ont été
expressément ou tacitement convenues et en considération desquelles les parties
ont contracté.
« L’erreur est une cause de nullité qu’elle porte sur la prestation de l’une ou de
l’autre partie.
« L’acceptation d’un aléa sur une qualité de la prestation exclut l’erreur relative à
cette qualité.

« Art. 1134.-L’erreur sur les qualités essentielles du cocontractant n’est une cause de
nullité que dans les contrats conclus en considération de la personne.

« Art. 1135.-L’erreur sur un simple motif, étranger aux qualités essentielles de la


prestation due ou du cocontractant, n’est pas une cause de nullité, à moins que les
parties n’en aient fait expressément un élément déterminant de leur consentement.

« Néanmoins l’erreur sur le motif d’une libéralité, en l’absence duquel son auteur
n’aurait pas disposé, est une cause de nullité.

38
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« Art. 1136.-L’erreur sur la valeur par laquelle, sans se tromper sur les qualités
essentielles de la prestation, un contractant fait seulement de celle-ci une
appréciation économique inexacte, n’est pas une cause de nullité.

Erreur = fausse appréciation de la réalité

1. Les erreurs admises

Il faut faire la distinction entre deux types d’erreur :

 Erreur-obstacle : la formation du contrat est inconcevable. Il y a un véritable


quiproquo entre les parties. Le terme obstacle parle de lui-même : elle fait
obstacle à la rencontre des volontés. Les consentements de chacun ne
portaient pas sur la même chose, ils n’ont donc pas pu se rencontrer.
Ex : erreur sur la nature du contrat, sur l’opération juridique concernée : ex :
donation/vente
Ex : erreur sur l’identité de la chose qui a fait l’objet du contrat 41 (error in corpore)
(immeuble)42 (par ex. erreur sur une somme exprimée en euros ou en francs 43
Cette erreur n’est pas visée par les textes, mais relève de l’évidence.

Le consentement n’est pas vicié. Il est absent.

 Erreur, vice du consentement : c’est celle que nous étudierons. Elle


peut porter sur la personne ou sur une qualité essentielle.

a) L’erreur sur la qualité essentielle

« Art. 1132.-L’erreur de droit ou de fait, à moins qu’elle ne soit inexcusable, est une
cause de nullité du contrat lorsqu’elle porte sur les qualités essentielles de la
prestation due ou sur celles du cocontractant.

41
Ex. 3e civ., 1er févr. 1995, B. II, n°36.
42
Contenance du lot vendu, et omission des droits des tiers grevant le lot : 3e civ., 21 mai 2008, n°07-10.772 ;
comp. 3e civ., 4 juill. 2007, D. 2007, 2847.
43
CA Orléans, 13 mai 2004, RTD civ. 2005. 589, obs. J. Mestre et B. Fages.

39
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 Doctrine : distinction traditionnelle


- Conception objective : erreur sur la substance. C’est par exemple la matière
dont la chose est faite, selon le célèbre ex de Pothier (célèbre jurisconsulte
français du 18e s : une personne croyait acheter des chandeliers en argent
massif alors qu’il s’agissait en fait de chandeliers en bronze argenté).

- Conception subjective : erreur sur la qualité substantielle. L’erreur porte sur


les qualités essentielles de la chose : c’est la qualité que les parties ont eu
principalement en vue. La qualité qui a déterminé le consentement de l’une
des parties, de telle sorte que celle-ci ne serait pas engagée si elle avait su
que cette qualité n’existait pas.

 La jurisprudence adoptait la conception subjective : « l’erreur doit être


considérée comme portant sur la substance de la chose lorsqu’elle est de telle
nature que, sans elle, l’une des parties n’aurait pas contracté » (civ 28 janv
191344)

 Réforme : L’erreur doit porter sur une qualité essentielle, définie par le Code
civil :
« Art. 1133.-Les qualités essentielles de la prestation sont celles qui ont été
expressément ou tacitement convenues 45 et en considération desquelles les
parties ont contracté. »

Cette qualité essentielle doit être entrée dans le champ contractuel 46 (elle doit être
connue du cocontractant).

 L’erreur peut être de fait ou de droit (art. 1132).


- l’erreur de droit : Il peut s’agir d’une erreur sur l’existence, la nature d’un droit ou
son étendue. Ce peut être encore le fait de donner son consentement car l’on croit y
être obligé par la loi. Certes, il existe l’adage « nul n’est censé ignorer la loi », mais
l’erreur de droit est admise car elle conduit svt à une erreur sur l’objet du contrat (ex
succession) ou sur le statut juridique de la personne (ex préemption d’un locataire,
contrats de cession de droits successifs)). En réalité, cette erreur ne sera
sanctionnée que si elle porte sur une qualité essentielle. Finalement, on peut dire
que l’erreur de droit est admise lorsqu’elle entraine une erreur sur la substance. C’est
ce que consacre l’ordonnance à l’art. 1132 dont on peut rappeler les termes :

44
S. 1913. 1. 487 ; JCP 1971. II , 16913, Ghestin
45
J. Ghestin, note JCP 1971, II, 16916.
46
Y. Loussouam, obs. RTD civ. 1971, 131.

40
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« Art. 1132.-L’erreur de droit ou de fait, à moins qu’elle ne soit inexcusable, est une
cause de nullité du contrat lorsqu’elle porte sur les qualités essentielles de la
prestation due ou sur celles du cocontractant. »

 L’erreur peut porter sur sa propre prestation


« Art. 1133.-alinéa 2
« L’erreur est une cause de nullité qu’elle porte sur la prestation de l’une ou de l’autre
partie. »
Arrêt Poussin47
ex. sur l’authenticité d’une œuvre d’art ; la constructibilité d’un terrain etc.

 Erreur et aléa

L’arrêt Poussin48 : Une personne vend un tableau qu’il pense être de l’Ecole de
Carrache, mais plusieurs experts l’attribuent ensuite au peintre Nicolas Poussin. Il
souhaite alors agir en nullité de la vente pour erreur. Mais le pb est qu’il n’y a pas de
certitude dans le fait que l’œuvre soit ou non un Poussin. Il y a un doute sur
l’authenticité de l’œuvre. L’erreur peut-elle exister en l’absence de réalité certaine ?
La jurisprudence considère que oui. Il n’est pas nécessaire de confronter la croyance
du contractant à une certitude. L’erreur est la différence entre la conviction et la
réalité (même s’il y avait incertitude).
Arrêt Fragonard : œuvre « attribué à Fragonard » : « les contractants ont accepté un
aléa sur l’authenticité de l’œuvre et l’authenticité devenue certaine ne permet pas au
vendeur de se prévaloir de la nullité 49. L’aléa faisait donc parti du champ contractuel,
excluant ainsi l’erreur50.

Arrêt Fragonard51

47
Civ. 22 févr. 1978, D. 1978. 601, Malinvaud ;
48
Civ. 22 févr. 1978, D. 1978. 601, Malinvaud ;
1 civ., 24 mars 1987, D. 1987. 489, Aubert ; J. Ghestin, « L’authenticité, l’erreur et le doute », Etudes offertes
49 re

à P. Catala, Litec, 2001, 457 s.


50
Mais attention, si l’une des parties ignore l’aléa, elle peut invoquer la nullité.
51
En contractant sur une œuvre « attribuée à » un artiste, les parties font entrer l’aléa dans le champ contractuel ,
en sorte que aucune des deux parties ne peut alléguer l’erreur en cas de dissipation ultérieure de l’erreur
commune » : 1re civ., 24 mars 1987, D. 1987. 489, Aubert ; J. Ghestin, « L’authenticité, l’erreur et le doute »,
Etudes offertes à P. Catala, Litec, 2001, 457 s. V. également, pour la vente d’un terrain à un architecte et
promoteur expérimenté qui entendait faire son affaire personnelle de ce que le caractère « avalancheux » de ce
terrain pouvait faire obstacle à sa constructibilité : Cass. 3e civ., 9 juin 2010, CCC 2010, n°222, note L.
Leveneur ; Cass. 3e civ., 13 novembre 2014, D. 2015, 60, Rouvière ; RTD civ. 2015, 119, obs. Barbier ; 24 nov.
2016, RTD civ. 2017, 126, Barbier.

41
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« Art. 1133.-alinéa 3
« L’acceptation d’un aléa sur une qualité de la prestation exclut l’erreur relative à
cette qualité. »
L’aléa chasse l’erreur52

Actu : Pour aller plus loin : Le doute sur l'authenticité d'un tableau ne vaut pas vice
caché.
Cass. 2e civ., 7 mars 2019, n° 18-12.684, n° 319 D
Actu : L’acquéreur sollicitait la nullité car ce plateau (table) n’était pas en chêne mais
en « bois plaqué chêne ». La recherche factuelle menée par la cour d’appel conduit à
rejeter la nullité. La qualité substantielle de la table n’était pas liée à la qualité du bois
mais bien à son authenticité. Entre différentes qualités en concours pouvant être
jugées substantielles, ce sont les seuls faits qui permettent de trancher. Ici, entre
l’authenticité « Jean Prouvé » et la qualité du bois composant le plateau, c’est la
première qui a emporté la conviction des juges du fond. Mais seule l’appréciation
souveraine permet d’aller si loin dans le détail pour savoir ce qui a déterminé le
consentement de l’acquéreur.
Civ. 1re, 21 oct. 2020, n° 19-15.415

 Appréciation in concreto au moment de la conclusion du contrat.

In concreto / in abstracto
Les juges optent pour une appréciation in concreto, visant à déterminer quelles
étaient pour les parties au contrat, les qualités qui étaient essentielles pour eux et qui
ont déterminé leur consentement. En d’autres termes : les parties auraient elles
contracté en l’absence de cette erreur ? Si oui, c’est que cette qualité n’était pas
déterminante. Si non, c’est qu’elle était déterminante.
Même si les qualités essentielles sont définies par les textes, il reste certaines
difficultés. Par ex. Quid de l’erreur sur la rentabilité économique d’une opération ?

b) L’erreur sur la personne

« Art. 1134.-L’erreur sur les qualités essentielles du cocontractant n’est une cause
de nullité que dans les contrats conclus en considération de la personne.
En principe, l’erreur sur la personne n’est pas une cause de nullité.
Elle ne l’est que dans les contrats conclus en considération de la personne selon
l’article 1134 du Code civil.
- il peut s’agir d’une erreur sur l’identité physique ou civile de la personne (rare)
52
J. Mestre, RTD civ., 1989, 740.

42
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- plus fréquemment, il y a erreur lorsque la personne ne présente pas les qualités


substantielles recherchées.
Concrètement, il s’agit uniquement des contrats conclus intuitu personae (mandat,
bail, contrat de travail, société de pers., contrat médical, etc.)
De même ce sera toujours le cas des contrats à titre gratuit (intention libérale).
L’erreur doit porter sur un élément de la personnalité du contractant qui a été
déterminant du consentement. L’on rejoint ici l’erreur sur une qualité essentielle qui
serait ici propre à la personne. Les juges vérifient en effet que l’erreur porte sur une
qualité essentielle du contractant, qu’elle soit intellectuelle, physique, ou
professionnelle.
L’appréciation se fait in concreto.
Ex53 : Erreur sur le passé professionnel : soc. 3 juill. 1990, B. V. n°329.
Ou encore sur les compétences etc.
En société, ex d’une erreur sur l’identité du dirigeant ou sur la forme sociale.

2. Les erreurs indifférentes

- l’erreur sur la valeur54 : erreur portant sur l’évaluation de l’objet du contrat :


c’est une appréciation économique erronée. C’est l’exemple du vendeur qui
vend son bien en dessous de sa valeur réelle. Accorder une telle erreur
permettrait la remise en cause de nombreux contrats et menacerait la sécurité
juridique. L’erreur sur la valeur recouvre ce que l’on appelle la lésion, et fera
l’objet de développements ultérieurs.
« Art. 1136.-L’erreur sur la valeur par laquelle, sans se tromper sur les
qualités essentielles de la prestation, un contractant fait seulement de
celle-ci une appréciation économique inexacte, n’est pas une cause de
nullité. »
Il faut à cet égard différencier une erreur sur la valeur qui serait la
conséquence d’une erreur sur la qualité essentielle et pourrait ainsi être
accueillie. Mais c’est en réalité l’erreur sur la qualité essentielle qui fonde la
nullité (et non pas l’erreur sur la valeur qui n’en est qu’une conséquence).
L’erreur autonome sur la valeur, consisterait alors plus précisément en « une
appréciation erronée effectuée à partir de données exactes ».
53
Erreur sur la solvabilité du contractant (l’erreur sur la solvabilité est en principe écartée civ. 5 août1874, sauf
lorsqu’elle est la conséquence d’une erreur sur une qualité substantielle de la personne du contractant : 1re civ. 20
mars 1963, Bull. I, n°179.)
54
Erreur sur la rentabilité économique de l’activité de l’entreprise. Jpdce a prononcé la nullité. Est-ce une
exception ? non si l’on considère que la rentabilité économique est de l’essence même du contrat de franchise.
Controverse depuis arrêts de 2011 (4 oct. 2011) et 12 juin 2012 non abordée (envisagée par commentaire dalloz
du projet sur l’erreur p.36) Com en matière de franchise.

43
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- l’erreur sur les motifs : Il s’agit du motif qui a conduit une personne à
contracter dès lors que ce motif reste extérieur à l’objet du contrat. Dans ce
cas l’erreur n’est pas cause de nullité.

Sauf dans le cas de l’incorporation du motif erroné au contrat : ce motif


déterminant doit porter directement sur l’objet du contrat. Il doit être entré
dans le champ contractuel.
Il y a également le cas de l’erreur sur le motif d’une libéralité (donation par ex.)
qui peut toujours être une cause de nullité.
Le principe est donc que l’erreur sur les motifs n’entraine pas la nullité du
contrat. Mais il existe deux exceptions :
- lorsque le motif a été un élément déterminant du consentement
- en cas de libéralité

« Art. 1135.-L’erreur sur un simple motif, étranger aux qualités essentielles de


la prestation due ou du cocontractant, n’est pas une cause de nullité, à moins
que les parties n’en aient fait expressément un élément déterminant de leur
consentement.
« Néanmoins l’erreur sur le motif d’une libéralité, en l’absence duquel son
auteur n’aurait pas disposé, est une cause de nullité.

Actu : Com. 22 juin 2022, 20-11.846


La chambre commerciale de la Cour de cassation a précisé que les parties
peuvent convenir que les conditions d’éligibilité à une défiscalisation peuvent
constituer une qualité substantielle d’un contrat.

3. Les caractères de l’erreur

- Cela a déjà été dit, mais il importe de démontrer que l’erreur a été
déterminante du consentement (art 1130)

- Ensuite, l’erreur doit être excusable. Elle ne l’est pas (cad qu’elle est
inexcusable) lorsqu’elle est trop grossière.
En d’autres termes, l’erreur ne doit pas avoir été fautive : en s’abstenant de
prendre les précautions élémentaires, l’errans a manqué à son devoir de
s’informer. Il s’agirait d’une faute de négligence qui serait sanctionnée par un
refus d’annulation. Elle a été reconnue comme inexcusable 55 par ex. si elle

C’est le cas notamment du transporteur qui achète le véhicule d’une marque inexistante (Civ 1re. 27 juin 1973,
55

Bull. civ. I, n° 221), du professionnel de l’immobilier qui commet une erreur sur la conversion du prix des francs

44
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pouvait être facilement décelée et si elle est fautive (faute d’imprudence ou


négligence).

L’appréciation du caractère excusable se fait in concreto (en fonction


des circonstances de la cause, de l’âge, de l’expérience, de la profession du
demandeur en nullité. De même la qualité est prise en compte : professionnel/
profane. L’appréciation se fait par référence à la situation personnelle de celui
qui se prétend victime de l’erreur56.

Cass. 3e civ., 3 mai 2018, n°17-11.132 et 17-14.090


https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000036900260?
tab_selection=juri&searchField=NUM_AFFAIRE&query=*1711132&searchType=ALL&typePagination=D
EFAULT&sortValue=DATE_DESC&pageSize=10&page=1&tab_selection=juri#juri

4. Preuve et sanction de l’erreur

- Preuve : à la charge de la partie qui prétend que son consentement a été vicié.
S’agissant d’un fait juridique, la preuve est possible par tous moyens.
- Sanction : nullité relative du contrat.
Délai de prescription : 5 ans à partir de la découverte de l’erreur57, avec un délai
butoir de 20 ans à partir du jour de la naissance du droit, c'est-à-dire la conclusion du
contrat (article 2232).

II / Le dol

Modifié par Loi n°2018-287 du 20 avril 2018 - art. 5


« Art. 1137.- Le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de
l'autre par des manœuvres ou des mensonges.

Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants


d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.

en euros (Civ. 3e, 4 juillet 2007, Bull. civ. III, n° 123, D. 2007, p. 2847).
56
Ou encore erreur de n’avoir pas vérifié la surface du bien vendu, 3e civ., 9 nov. 2005, JCP E 2006. 1025.
57
« jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer (son droit) »
(article 2234).

45
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Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son
cocontractant son estimation de la valeur de la prestation.

« Art. 1138.-Le dol est également constitué s’il émane du représentant, gérant
d’affaires, préposé ou porte-fort du contractant.

« Il l’est encore lorsqu’il émane d’un tiers de connivence.

« Art. 1139.-L’erreur qui résulte d’un dol est toujours excusable ; elle est une cause
de nullité alors même qu’elle porterait sur la valeur de la prestation ou sur un simple
motif du contrat. »

Le dol est une tromperie ou toute manœuvre employée pour induire une personne en
erreur pour la décider à conclure un contrat.
C’est une erreur provoquée.
Elle provient de l’existence de manœuvres destinées à tromper.
C’est à la fois un délit civil et un vice du consentement.
S’il s’agit d’une erreur provoquée, quel est son intérêt par rapport à l’erreur ? En
terme probatoire, il semble que le dol soit plus aisé à démontrer puisqu’il s’agit
d’apporter la preuve de manœuvres ou de mensonges (alors que l’erreur est plus
« interne »).
Surtout, l’erreur reste en principe limitée aux qualités substantielles alors que ce
n’est pas le cas pour le dol58. L’erreur provoquée peut donc porter sur les motifs ou
sur la valeur.
Enfin, l’erreur issue d’un dol est toujours excusable (3 e civ., 21 févr. 2001).
Dernier intérêt non négligeable : le dol peut donner lieu à l’allocation de D et I.

Il existe deux éléments constitutifs du dol.

1. Les éléments constitutifs du dol

- élément intentionnel :
C’est l’intention de tromper son cocontractant.

58
Cass. 3e civ. 21 février 2001, Bull. civ. III, n° 20, D. 2001, p. 2702

46
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L’élément matériel est réalisé dans le dessein de tromper l’autre. Les actes sont
intentionnellement accomplis en vue de la tromperie. Il peut s’agir d’un mensonge
dont le caractère délibéré manifeste l’intention de tromper.

- élément matériel :
Il peut s’agir de manœuvres frauduleuses ; mensonge59 ; machinations ; mise en
scène; tous les artifices qu’une personne met en œuvre pour surprendre le
consentement de son partenaire et l’amener à contracter.
« Art. 1137.- Le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de
l'autre par des manœuvres ou des mensonges. »

Qu’en est-il de la situation dans laquelle le commerçant vante de manière exagéré


un produit60 : s’agit-il d’un dol ? On peut considérer que cette exagération est dirigée
vers un contractant qui en a conscience. Il s’agit d’un dolus bonus (un bon dol). Il doit
être distingué du dolus malus, qui est le dol sanctionné dépassant l’exagération
habituelle. Les besoins de la vie du commerce 61, des échanges peuvent conduire à
tolérer le dolus bonus. Mais dès lors qu’il y a fraude ou un caractère malhonnête : le
dol sera retenu. Cependant, le texte vise le mensonge sans faire de distinction. Tout
est alors entre les mains de l’appréciation souveraine des juges.
Ainsi, les juges du fond ont pu retenir que la simple exagération publicitaire n’est pas
constitutive de dol et « qu’il convient d’apprécier les allégations mensongères selon
la qualité de celui de qui elles émanent et de celui dont elles s’adressent » (cas d’une
vente commerciale dans laquelle les acheteurs étaient eux-mêmes experts en la
matière) 62

Insistance : l’insistance n’est pas en soi constitutive de dol s’il n’existe pas de
d’artifices, de fraude, tromperie ou mensonge. La récurrence des démarches du
cocontractant63 de même que l’intervention de plusieurs vendeurs 64 ne constituent
pas en soi des manœuvres dolosives.

Les manœuvres ont été définies comme des actes positifs.


Quid du silence ? c’est la question de la réticence dolosive.
Dans quel cas la réticence dolosive est admise et donc sanctionnée ?
59
Avant la réforme, il n’était question que des manœuvres, le mensonge a été ajouté par la réforme.
60
Pour des méthodes de vente dites agressives : CA Paris, 5 sept. 2001, CCC, n°86.2002.
61
Dans les limites de ce qu’autorise la pratique commerciale : Com. 13 déc. 1994, CCC 1995, n°48.
62
TGI Avesne 5 févr. 1964 ; Adde Com. 14 déc. 1994, CCC 1995, n°48, note Leveneur.
63
Com. 2 juin 1981, B. I, n°259.
64
CA Paris, 5 sept. 2001, CCC 2002, n°86, obs. Raymond.

47
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« Art. 1137 al. 2 : Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un
des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre
partie. »

Auparavant :
Pendant longtemps, il y avait un refus de la jurisprudence (il revient au contractant de
se renseigner avant de s’engager).
Puis, elle a peu à peu retenu la réticence dolosive 65. Ce qui signifie qu’elle opte pour
l’existence d’une obligation précontractuelle d’information. Elle l’a retenue dans
plusieurs cas66 :
- lorsqu'il existe une relation de confiance (l’auteur de la réticence dolosive aurait
abusé de sa confiance, alors que le cocontractant pouvait légitimement faire
confiance à son cocontractant, en raison de la nature du contrat ou de leurs qualités
respectives)
- lorsqu'une seule des parties peut informer l'autre (l’autre partie est dans
l’impossibilité de se renseigner elle-même)67
- enfin, elle se fonde sur le devoir de loyauté pour décider que la réticence dolosive
peut être sanctionnée (ex Civ. 3e, 16 mars 2011, n°10-10.503, la réticence est
également constitutive d’un dol lorsque l’information est déterminante du
consentement et que sa dissimulation porte atteinte au devoir général de loyauté du
vendeur).
- A fortiori, lorsque le cocontractant est tenu d’une obligation précontractuelle
d’information, issue des textes, en sa qualité de professionnel. Ex, l’article L. 111-1
du code de la consommation qui dispose que « tout professionnel vendeur de biens
ou prestataire de services doit, avant la conclusion du contrat, mettre le
consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien ou
du service ».

La jurisprudence admet donc la réticence dolosive.


- Elle précise cependant que l’élément intentionnel demeure indispensable :

65
cass civ 3 15 janv 1971, « le dol peut être constitué par le silence d’une partie dissimilant au cocontractant un
fait qui, s’il avait été connu de lui, l’aurait empêché de contracter »
66
+ 15 nov.2000 avec réserves, car les faits concernaient l’achat d’un terrain riche en ressources naturelles mais
ignoré du vendeur. L’acquéreur avait contracté pour le compte d’une société d’exploitation ce qui n’avait pas été
précisé au vendeur. La cour de cassation a considéré que si le vendeur avait connu la vraie qualité de l’acheteur,
il se serait interrogé sur la nature de sa propriété. Donc le dol est constitué par les manœuvres déloyales utilisées
(utiliser un acheteur intermédiaire) et non plus par le seul silence sur la valeur réelle du terrain (Civ. 3ème, 15
novembre 2000, Bull. III n° 171 p. 119).
67
(3e civ., 27 mars 1991, RTD civ. 92, p.81 ; les compétences de l’acheteur ne lui donne pas les moyens
d'apprécier la portée exacte des caractéristiques techniques des biens vendus (Com, 13 mars 2012, pourvoi n°11-
13077.)

48
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Cass Com 28 juin 2005 « le manquement à une obligation précontractuelle


d’information, à le supposer établi, ne peut suffire à caractériser le dol par réticence,
si ne s’y ajoute la constatation du caractère intentionnel de ce manquement et
d’une erreur déterminante provoquée par celui-ci »
- Elle pose néanmoins une limite : elle concerne la réticence dolosive de l’acheteur
concernant la valeur du bien (cas où l’acheteur ne renseigne pas le vendeur sur la
valeur réelle du bien acquis) : arrêt dit « Baldus », Civ. 1e, 3 mai 2000, Bull. I n° 131
p. 88 : « aucune obligation d’information ne pesait sur l’acheteur ».
V. également, 3e civ. 17 janvier 2007 : « l’acquéreur, même professionnel, n’est pas
tenu d’une obligation d’information au profit du vendeur sur la valeur du bien acquis »
(Civ. 3ème, 17 janvier 2007, Bull. III n°5 p.3).

La jurisprudence, le projet Terré et le projet d’ordonnance rattachaient donc la


réticence dolosive au devoir précontractuel d’information.
Jurisprudence : l’arrêt Baldus (Cass. 1re civ., 3 mai 2000) écarte la réticence dolosive
de l’acheteur sur la valeur du bien.

Réforme
Ordonnance du 10 février 2016
La distinction entre la réticence dolosive et le devoir d’information semble volontaire
(particulièrement soulignée par le Rapport remis au Président de la République)
La doctrine était divisée.
Données du pb :
 Le devoir précontractuel d’information ne porte pas sur la valeur de la
prestation (art. 1112-1 al. 2) : la jurisprudence Baldus serait consacrée 68.
 Le dol (et donc la réticence dolosive?) peut porter sur la valeur de la
prestation (art. 1139). La jurisprudence Baldus serait-elle abandonnée ?69
Art. 1139 : L'erreur qui résulte d'un dol est toujours excusable ; elle est une cause de nullité alors même
qu'elle porterait sur la valeur de la prestation ou sur un simple motif du contrat.

Le champ d’application du devoir d’information et le champ d’application du dol


peuvent se recouper, mais ils ne sont pas identiques :
 Le dol est plus large que le devoir d’information. Celui-ci est restreint aux
informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou
la qualité des parties. Concernant le dol, il suffit de prouver que l’auteur du dol
détenait une information déterminante de son consentement. Surtout, le

68
Notamment C. Grimaldi ; M. Fabre-Magnan ; S. Porchy-Simon ; Ph. Chauviré.
69
Notamment M. Mekki ; G. Loiseau ; C. Chantepie et M. Latina ; N. Dissaux et Ch. Jamin ; O. Deshayes.

49
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devoir d’information ne porte pas sur la valeur de la prestation. Enfin ce devoir


d’information suppose « l’ignorance légitime » du contractant.
 Réticence dolosive et devoir d’information sont donc découplés de manière
volontaire. Selon certains70, les juges auraient pu interpréter cette « ignorance
légitime » comme réintroduisant le caractère excusable qui est pourtant exclu
pour le dol.
 Le rapport remis au Président est clair sur le souhait de consacrer la
jurisprudence Baldus dans le devoir d’information et de privilégier le caractère
excusable dans le dol en se concentrant sur l’élément intentionnel et donc en
adoptant un dol plus large (conception solidaire du contrat) 71.
 Précisons enfin que la distinction entre la voie de la réticence dolosive et celle
du devoir d’information emporte des conséquences sur la sanction puisque
seule la première permet de demander la nullité du contrat. C’est ici que
l’élément intentionnel prend toute son importance.
Ces différents arguments sont parvenus au législateur.

Loi de ratification du 20 avril 2018


La dissociation entre le devoir d'information et le dol, opérée par l'ordonnance, prêtait
à doutes et interprétations.
La loi de ratification a tranché : la jurisprudence Baldus est consacrée. La réticence
dolosive ne vicie pas le consentement si elle porte sur la valeur du bien.
Ajout d'un alinéa 3 à l'article 1137 : "Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour
une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la
prestation". (applicable à compter du 1er octobre 2018).

2. Les caractères du dol

 À la différence de l’erreur, il n’y a pas de caractère excusable : « Art. 1139.-


L’erreur qui résulte d’un dol est toujours excusable ; elle est une cause de
nullité alors même qu’elle porterait sur la valeur de la prestation ou sur un
simple motif du contrat. »

70
J. Ghestin et F. Chénédé.
71
« L'exigence que l'information retenue ait été d'une importance déterminante pour le consentement de l'autre partie,
rapproche les conditions du devoir précontractuel d'information de celles du dol par réticence, mais s'en distingue par un
élément essentiel : ainsi, ce n'est que si la violation de l'obligation d'information a été faite intentionnellement pour tromper
l'autre contractant, qu'elle sera constitutive d'un dol entraînant la nullité du contrat, comme le prévoit l'article 1137 alinéa
2. En l'absence d'intention de tromper, le défaut d'information, qui peut ne résulter que d'une simple négligence, ne sera
sanctionné que par l'octroi de dommages et intérêts. A l'inverse, le texte fait le choix de ne pas subordonner la réticence
dolosive à l'existence d'un devoir d'information, conformément à une conception plus solidaire du contrat qui met l'accent
sur la sanction de l'intention de tromper (l'erreur provoquée étant toujours excusable) ».

50
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 Peu importe que le dol porte sur les motifs du contrat ou sur la valeur de la
prestation (sauf pour la réticence dolosive), cependant il doit être déterminant
du consentement.

 Déterminant du consentement = sans ces manœuvres, le cocontractant


n’aurait pas conclu le contrat ou aurait contracté mais à des conditions
différentes.
L’appréciation du caractère déterminant se fait in concreto.
Auparavant, il existait une distinction entre le dol principal et le dol incident.
- dol principal : sans cette erreur la victime n’aurait pas contracté = il entraîne
la nullité du contrat.
- dol incident : sans cette erreur, la victime aurait contracté mais à des
conditions différentes = il est possible de faire un avenant modificatif. La
victime demandera des D et I ce qui correspondra en pratique à une réduction
du prix.
Mais cette distinction était difficile à établir car elle relève de la psychologie du
contractant.
Réforme : cette distinction n’est pas consacrée. L’article 1130 traite du dol
principal et du dol incident de la même façon sans faire de distinction. Ils
entrainent tous les deux la nullité du contrat.

 Condition particulière au dol : l’auteur du dol


Auparavant :
A l’origine, le dol devait émaner du cocontractant et non d’un tiers (principe).
Mais il existait 3 tempéraments :
- lorsque le dol est issu du représentant d’une partie, il est considéré comme
le dol de la partie contractante72.
- lorsque le contractant est complice du dol (il n’a pas agi à titre principal), le
dol est retenu dès lors qu’il en a eu connaissance et en a tiré profit.
- le dol émanant d’un tiers est sanctionné en matière de donation : solution
traditionnelle (ex : Pau 17 déc. 1953).

Réforme
« Art. 1138.-Le dol est également constitué s’il émane du représentant, gérant
d’affaires, préposé ou porte-fort du contractant.

« Il l’est encore lorsqu’il émane d’un tiers de connivence.

- La réforme a consacré le dol du représentant, du gérant d’affaires, du


préposé ou du porte-fort du contractant.

72
Pour un représentant com 13 juin 1995, un porte-fort com 27 fév 1996, gérant d’affaires 1re civ 7 juill. 1960.

51
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- le dol émanant d’un tiers en matière de donation n’est pas compris dans les
nouveaux textes de sorte que l’on peut s’interroger sur sa persistance.

- Surtout, la réforme apporte une nouvelle exception par une nouvelle notion :
le tiers de connivence. Comment définir cette notion ? Par analogie avec la
complicité ? Il s’agirait d’une action concertée entre le cocontractant et le tiers
pour tromper73. La jurisprudence pourra en cerner plus précisément les
contours.

2. Preuve et sanctions du dol

La charge de la preuve pèse sur celui qui invoque l’existence du dol. Elle peut être
apportée par tous moyens. Toutefois, lorsqu’existe une obligation précontractuelle
d’information, contractuelle ou légale, due par le professionnel, la jpdce considère
que « « celui qui est légalement ou contractuellement tenu d’une obligation
particulière d’information doit rapporter la preuve de l’exécution de cette obligation »
(25 février 1997, Bull. civ. I ; n° 75, D. 1997, p. 319).
Le dol entraine la nullité relative du contrat et éventuellement des dommages et
intérêts. Art. 1131
La prescription est la même qu’en matière d’erreur : 5 ans à partir du « jour où le
titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer
(son droit) » (article 2234). Il s’agira ici de la découverte du dol. À combiner avec le
délai butoir de 20 ans à partir du jour de la naissance du droit, c'est-à-dire la
conclusion du contrat (article 2232). Art 1144.

73
Le projet avait retenu la condition selon laquelle il devait en avoir tiré profit. Mais cette disposition a été
abandonnée par le texte.

52
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III / La violence

Définition :
« Art. 1140.-Il y a violence lorsqu’une partie s’engage sous la pression d’une
contrainte qui lui inspire la crainte d’exposer sa personne, sa fortune ou celles de ses
proches à un mal considérable. »
Certains auteurs parlent de consentement « extorqué ». La sanction de ce vice du
consentement permet d’introduire un aspect moral dans le droit des obligations.

1. L’objet de la violence

Il peut être d’ordre :


- physique (menace physique, séquestration…)
- moral (pressions, harcèlement, diffamation..)
- pécuniaire (texte : « fortune », aspect financier, pour une entreprise par ex.
dépréciation des produits, perte de clientèle ou encore blocage)

La violence peut viser la personne, sa fortune ou celle de ses proches. Dans ce


dernier cas, il s’agit de violence indirecte. Les proches sont conçus au sens large
(plus large que les seuls conjoint ascendant ou descendant).
Cette crainte doit exister au moment de la conclusion du contrat.
La violence peut-elle être dirigée à l’encontre d’une PM ? La jurisprudence répond
par la positive, la violence se vérifiant alors à travers le consentement des
représentants de la société74.

2. Les caractères de la violence

La violence doit être assez grave pour déterminer le consentement. Elle ne doit pas
être légitime.
 Déterminante (appréciation in concreto)
 Illégitime75 : Si la violence est légitime, elle n’est pas sanctionnée. Elle est
considérée comme légitime dans deux cas :
74
Cass. Soc. 8 nov. 1984.
75
Pothier en est à l’origine : la violence devait être « injuste ». Remarquons que le critère d’illégitimité n’est pas
en soi consacré par la réforme, mais que c’est en réalité son application qui est directement consacrée (en matière
de voie de droit), de sorte que l’on peut adopter cette présentation.

53
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 La crainte révérencielle légitimée par l’ancien art. 1114 C. civ. L’article


1114 disposait que « la seule crainte révérencielle envers le père, la
mère ou un autre ascendant ne suffit point pour annuler le contrat ».
C’est la crainte d’un enfant majeur de ne pas déplaire à ses parents par
ex. Abandonnée par la réforme
 Menace d’exercer une voie de droit : selon la jurisprudence, la menace
d’exercer un droit ou des voies de droit est légitime (ex : intenter des
poursuites judiciaires, mettre en œuvre des voies d’exécution etc.).
C’est le cas de la menace d’intenter un procès par un créancier qui
réclame son dû. La « violence » est légitime car le créancier exerce
simplement son droit, sans commettre de faute. Mais la menace
devient illégitime s’il y a abus dans l’usage du droit 76.
 Jurisprudence : la menace d’exercer une voie de droit
est légitime, sauf en cas d’abus.
Cass. 3e civ., 17 janv. 1984 : l’abus peut être caractérisé si :
- la voie de droit est détournée de son but
- elle est utilisée pour obtenir un avantage sans rapport ou
hors de proportion avec l’engagement primitif

 Réforme : consécration de la jurisprudence


« Art. 1141.-La menace d’une voie de droit ne constitue pas
une violence. Il en va autrement lorsque la voie de droit est
détournée de son but ou lorsqu’elle est invoquée ou exercée
pour obtenir un avantage manifestement excessif. »

Le principe demeure que « la menace d’exercer une voie de droit ne constitue pas
une violence » (art. 1141)
Exceptions :
- lorsque la voie de droit est détournée de son but
- lorsqu’elle est invoquée ou exercée pour obtenir un avantage manifestement
excessif

3. L’origine de la violence

76
Ex cass 3e civ. 17 janv. 1984 : « la menace de l’emploi d’une voie de droit ne constitue une violence que s’il y
a abus de cette voie de droit soit en la détournant de son but, soit en usant pour obtenir une promesse ou un
avantage sans rapport ou hors de proportion avec l’engagement primitif »

54
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 le cocontractant ou un tiers : art. 1142 : « La violence est une cause de nullité


qu'elle ait été exercée par une partie ou par un tiers. »
Il s’agit là d’une différence importante avec le dol.
 les circonstances : l’état de nécessité et l’état de dépendance.
Notion issue de la jurisprudence
Au départ d’idées doctrinales (Mazeaud et Chabas, Terré et Simler, Aubert et
Savaux), la jurisprudence a d’abord retenu l’état de nécessité concernant un contrat
d’assistance maritime77.
Ces évènements peuvent résulter des circonstances économiques. On parle alors de
contrainte économique résultant d’un état de dépendance.

Jurisprudence
C’est ainsi que la jurisprudence considère que « la contrainte économique se
rattache à la violence et non à la lésion »78 (1re civ., 30 mai 2000)
Mais toute contrainte économique ne peut être considérée comme une violence.
Encore faut-il qu’il y ait une « exploitation délibérée de cette contrainte par le
cocontractant ».
La jurisprudence se précise ensuite (1 re civ., 3 avr. 2002) : pour que la violence soit
caractérisée, il faut « une exploitation abusive » de cette situation de dépendance
économique79.
Dans l’idée d’une protection de la partie la plus faible, la jurisprudence a également
retenu l’exploitation de l’ignorance80.

Réforme : article 1143 du Code civil81


« « Art. 1143.- Il y a également violence lorsqu'une partie, abusant de l'état de
dépendance dans lequel se trouve son cocontractant à son égard, obtient de lui un
engagement qu'il n'aurait pas souscrit en l'absence d'une telle contrainte et en tire un
avantage manifestement excessif.»

77
Cass. Req., 27 avr. 1887. « jurisprudence désormais tarie, la loi donnant désormais au juge le pouvoir
d’annuler ou de modifier le contrat si les conditions convenues ne lui paraissent pas équitables » Malinvaud
n°209). + un cas de contrat de travail (enf. Malade)Soc 5 jlt 1965 (mais exclusion : Civ 1ère 24 mai 1989)
1 civ., 30 mai 2000, Bull. civ. I, n° 169, D. 2000, p. 879. RTD 2000 827 + 863 ; déf 37237 ; D 2000 879 D
78 re

2001 chron 2315 : transaction entre un assuré et un assureur à la suite d’un incendie d’un immeuble.
79
Les arrêts retenant la violence économique sont ensuite restés rares, par ex : Cass. 1re civ., 18 févr. 2015, n°13-
28.278.
80
Cass. 1re civ., 3 nov. 1976 (honoraires excessifs de l’avocat); Cass. 1re civ., 29 juin 1999, n°96-20.647 P (avec
contrainte morale) ; 5 oct. 2006 (état de faiblesse psychologique).
81
L’avant-projet Catala retenait cette forme de violence alors que le projet Terré retenait la « lésion qualifiée ».

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La réforme consacre ainsi une nouvelle forme de violence. Il y aurait dès lors deux
cas de violence : la violence « classique » et « l’abus de l’état de dépendance »82.

4. La violence résultant d’un abus de l’état de dépendance

Cette nouvelle violence consacrée par la réforme fait l’objet de plusieurs conditions :
- un état de dépendance
Cette mesure vise la protection du cocontractant vulnérable, particulièrement
fragile83. Aussi, cette condition doit s’entendre non seulement d’une dépendance
économique mais aussi d’une dépendance psychologique. Certains auteurs
considèrent même que cette « dépendance » pourra être assimilée à une faiblesse 84.
Cette vulnérabilité pourrait alors résulter de l’état de santé, d’une certaine faiblesse
psychologique85, etc.
La loi de ratification a ajouté : « Il y a également violence lorsqu'une partie, abusant
de l'état de dépendance dans lequel se trouve son cocontractant à son égard ».
Cette mention permet de considérer que ce cas de violence n’est pas limité à la
seule dépendance économique. Dans le même temps, elle permet de limiter cette
violence à l’hypothèse d’un état de dépendance seulement à l’égard du co-
contractant.
Précisons que la loi de ratification a expressément mentionné que cette disposition
était interprétative. Elle rétroagit donc au 1 er octobre 2016.
- un abus
Il faut ensuite un abus de cet état de dépendance. Cette condition semble conforme
à la jurisprudence.
Les juges devront tracer le cadre entre ce qui n’est que l’utilisation d’une position de
force acceptable ou bien un abus.
Le Rapport précise qu’ « afin de répondre aux craintes des entreprises et d’objectiver
l’appréciation de cet abus, a été introduit, pour apprécier ce vice, un critère tenant à
l’avantage manifestement excessif ». Si l’avantage manifestement excessif est
présent, permet-il de présumer l’abus ? Certains auteurs en déduisent que ne
subsiste in fine que ce dernier critère objectif résidant dans l’avantage manifestement
excessif. La démonstration de celui-ci suffirait à démontrer l’abus. Il existe sur ce
point une incertitude en doctrine.

82
Il reviendra à la jurisprudence de fixer le régime de l’abus de dépendance : faut-il également démontrer la
crainte ? Ce serait alors un régime spécial de violence à côté d’un régime de droit commun, et non deux cas
différents. Seule la jurisprudence nous le dira… En attendant, nous pouvons présenter la violence de cette
manière (V. F. Chénédé ; comp. G. Chantepie et M. Latina)
83
Le Rapport énonce que « toutes les hypothèses de dépendance sont visées, ce qui permet une protection des
personnes vulnérables ».
84
J.-B. Seube ; G. Chantepie et M. Latina
85
Ce qui permettrait de consacrer une sorte d’incapacité de fait.

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Remarque : dans un cas pratique, il suffit d’énoncer cette condition et d’envisager


ensuite son appréciation. Celle-ci vous enjoint ensuite à étudier la dernière
condition : l’avantage manifestement excessif.
- l’avantage manifestement excessif
Il s’agit de l’effet de cette violence. Le cocontractant auteur de la violence tire de ce
contrat un avantage manifestement excessif. Que le cocontractant en tire profit ne
suffit pas, encore faut-il que celui-ci soit « manifestement excessif »
Ce critère permet de restreindre le recours à ce cas de violence, afin d’en faire une
application mesurée.
- caractère déterminant
Enfin, on peut préciser que le caractère déterminant, condition commune à tous les
vices, est expressément mentionnée par le texte : « obtient de lui un engagement
qu’il n’aurait pas souscrit en l’absence d’une telle contrainte ». En effet, démontrer
que la violence était déterminante du consentement revient à démontrer qu’il n’aurait
pas contracté s’il n’avait pas été sous l’emprise de cette violence 86.

L’abus de l’état de dépendance est ainsi encadré. Mais les conditions sont encore
soumises à l’interprétation de la doctrine et il reviendra à la jurisprudence d’en tracer
les contours.

5. Preuve et sanction de la violence

Preuve : Comme pour le dol, droit commun. La charge de la preuve de la violence


incombe à la victime. Il s’agit d’un fait juridique, elle peut être apportée par tous
moyens.

Sanction : - Nullité relative (art. 1131 C. civ.) Prescription : 5 ans à partir du jour où
la violence a cessé (art. 1144), avec un délai butoir de 20 ans87 (art. 2232).

86
Pourquoi apporter cette précision dans ce texte alors même que l’article 1130 énonce ce caractère déterminant
pour les trois vices du consentement ? La précision est à bon escient car l’article 1130 prévoit aussi le vice
« incident » : « il aurait contracté à des conditions substantiellement différentes ». (ce qui, nous l’avons vu,
permettait d’abandonner la distinction dol principal / dol incident). La rédaction de l’article 1143 permet (il nous
semble, mais seule la jurisprudence en décidera…) d’exclure le vice « incident », le caractère déterminant ne
s’appréciant que s’agissant d’un engagement qu’il n’aurait pas souscrit en l’absence d’une telle contrainte.
Autrement dit, la violence résultant de l’abus de l’état de dépendance ne peut être que « principale » (il n’aurait
pas contracté), excluant celle qui n’aurait été « qu’incidente » (il aurait contracté mais à des conditions
différentes).
87
La pertinence de l’application du délai butoir de 20 ans est discutée par la doctrine. En effet, d’un point de vue
pratique son application reviendrait à ne pas sanctionner civilement une personne violentant sa victime pendant
une durée supérieure à 20 ans. Néanmoins, d’un point de vue légal, l’article 2232 du Code civil ne prévoit pas
d’exception à ce délai.

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- Éventuellement des dommages-intérêts sur le fondement de la responsabilité


extracontractuelle (art. 1178 al. 4).

§3/ Un consentement réel

Le consentement doit être réel, ce qui signifie qu’il doit être également sincère. Ceci
exclut les hypothèses de simulation.

I. La Simulation

1/ la notion de simulation

Les parties dissimulent dans un contrat leur volonté réelle derrière une volonté apparente. Il y a donc
2 actes :

Il y a un acte ostensible, c’est l’acte apparent, qui est simulé, mensonger (volonté apparente). Il s’agit
généralement d’un écrit.

Et un acte secret, qui correspond à la volonté réelle des parties, que l’on appelle aussi contre-lettre.
Sa preuve est difficile lorsque (comme souvent), il n’est pas constaté par écrit. Il est concomitant au
premier acte.

La simulation peut porter sur

- l’existence du contrat : dans ce cas, le contrat, l’acte ostensible/apparent, est fictif. Par ex Les
parties concluent un contrat de vente mais conviennent que ce contrat n’existe pas et que le
propriétaire demeurera le vendeur.

- la nature de l’acte. On parle alors de déguisement. L’exemple le plus simple est celui de la donation
déguisée. Acte apparent = vente, acte secret = donation.

- les parties à l’acte. La simulation porte sur la personne du cocontractant. : dans ce cas, on parle
d’interposition de personnes. Cette technique est souvent utilisée afin de contourner un régime
d’incapacité. Par ex. le médecin est frappé d’une incapacité de recevoir une libéralité de son patient
(s’il le soigne pour une maladie de laquelle il décède ensuite), alors le disposant consent la donation
à sa femme, en sachant qu’il en profitera. Ou bien, un majeur en tutelle, ne pouvant contracter seul,
l’acte est passé avec son conjoint pour contourner l’incapacité. L’exemple se retrouve en matière de
donation : la donation est faite au profit de Pierre, alors qu’en fait elle est pour son neveu, incapable
de recevoir une libéralité. L’idée est de contourner l’incapacité.

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- sur l’objet du contrat. C’est le cas d’un déguisement partiel : par ex. une partie du prix n’est pas
mentionnée dans l’acte et fait l’objet d’une contre-lettre (plus fréquent). L’acte apparent ostensible
prévoit un prix de 100 alors que les parties ont en fait convenu d’un prix de 150.

50 € seront donc payés en dehors de l’acte officiel, le plus souvent, en liquide. C’est le « dessous de
table ».

2/ Le régime de la simulation

Où se trouve la volonté réelle des parties ? dans la contre-lettre ou dans l’acte apparent ? dans la
contre-lettre.

Article 1201
Lorsque les parties ont conclu un contrat apparent qui dissimule un contrat occulte, ce dernier,
appelé aussi contre-lettre, produit effet entre les parties. Il n'est pas opposable aux tiers, qui
peuvent néanmoins s'en prévaloir.

Il faut donc distinguer les effets de la simulation entre les parties et vis-à-vis des tiers.

- entre les parties : La simulation n’est pas une cause de nullité. Elle est licite. Elle est neutre. C’est
ainsi qu’entre les parties, la contre-lettre est efficace. Ce qui ne signifie pas pour autant que la
validité est donnée à l’acte secret. C’est simplement qu’elle ne l’annule pas (celui-ci aurait été nul s’il
avait été ostensible). Et ce, du moment que l’acte simulé est régulier. Ex. de la donation déguisée (qui
néanmoins est sanctionnée en droit fiscal).

Ce n’est que si les parties réclament l’application de l’acte secret qu’ils devront en apporter la
preuve.

- À l’égard des tiers : la contre-lettre est inopposable aux tiers. Cependant, celle-ci peut être
opposable aux tiers en cas de mauvaise foi (hypothèse où il a eu connaissance de l’acte secret).

Le tiers qui souhaite se prévaloir de la contre-lettre peut exercer une action en déclaration de
simulation88.

Le principe était donc que la simulation était licite. Il existe cependant des cas prévus par le CC dans
lesquels la simulation est une cause de nullité.

- l’article 1202 CC énonce que pour certaines cessions (offices ministériels, immeubles, fonds de
commerce), lorsque la simulation a pour but de dissimuler une partie du prix de vente, la contre-
lettre est nulle. Il y a en effet ici une idée de fraude qu’il faut sanctionner et surtout encourager à
dénoncer.

88
Si conflit entre un tiers qui se prévaut de l’acte apparent et l’autre de l’acte secret, la jurisprudence retient
l’acte apparent.

59
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Article 1202
Est nulle toute contre-lettre ayant pour objet une augmentation du prix stipulé dans le traité de
cession d'un office ministériel.

Est également nul tout contrat ayant pour but de dissimuler une partie du prix, lorsqu'elle porte
sur une vente d'immeubles, une cession de fonds de commerce ou de clientèle, une cession d'un
droit à un bail, ou le bénéfice d'une promesse de bail portant sur tout ou partie d'un immeuble et
tout ou partie de la soulte d'un échange ou d'un partage comprenant des biens immeubles, un
fonds de commerce ou une clientèle.

- l’article 911 CC : « Toute libéralité au profit d'une personne physique, frappée d'une incapacité de
recevoir à titre gratuit, est nulle, qu'elle soit déguisée sous la forme d'un contrat onéreux ou faite
sous le nom de personnes interposées, physiques ou morales.

Sont présumés personnes interposées, jusqu'à preuve contraire, les père et mère, les enfants et
descendants, ainsi que l'époux de la personne incapable. »

Sont donc nulles les donations faites par personnes interposées, ou simplement déguisées et faite à
une personne frappée d’incapacité. Dans ce cas, la contre-lettre (la donation) est nulle, ainsi que
l’acte apparent (la vente).

Enfin, si la contre-lettre est illicite, les parties ne peuvent en demander l’exécution en justice. (ex de
l’interposition de personne pour contourner incapacité, la contre-lettre n’est pas valable en soi)

II. L’insanité d’esprit

La nullité pour insanité d’esprit doit être distinguée de la nullité pour incapacité. En
effet, une mesure de protection n’est pas toujours mise en place. Le CC (art. 414-1)
énonce que pour faire un acte valable, il faut être « sain d’esprit ».
L’insanité d’esprit réside dans le trouble mental. Celui qui l’invoque doit apporter la
preuve de l’existence d’un trouble mental au moment de l’acte (en effet, toute
personne est présumée être saine d’esprit). Quel que soit le trouble mental (et même
s’il est passager, en cas de drogue, alcool ou autre).
Il s’agit d’un fait juridique donc la preuve est libre, par tous moyens.
Il s’agit d’une nullité relative qui ne peut être invoquée que par la personne atteinte
du trouble ou son représentant89.

Enfin, V. le cas particulier de l’art. 464 du Code civil, concernant les actes accomplis
moins de 2 ans avant l’ouverture d’une tutelle. Le trouble mental devait être notoire
ou connu du cocontractant au moment de l’acte. La personne protégée peut
demander l’annulation de l’acte ou la réduction de ses obligations.

89
cf. art. 1304 concernant le délai : 5 ans ; et pour l’action intentée après le décès, V. art. 414-2 CC, action en
nullité possible pour donations et testaments mais pas pour les actes à titre onéreux sauf si l’acte porte en lui-
même la preuve du trouble mental, si sauvegarde de justice, si action introduite avant le décès pour ouvrir tutelle
ou curatelle

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Article 464
Les obligations résultant des actes accomplis par la personne protégée moins de deux ans avant
la publicité du jugement d'ouverture de la mesure de protection peuvent être réduites sur la seule
preuve que son inaptitude à défendre ses intérêts, par suite de l'altération de ses facultés
personnelles, était notoire ou connue du cocontractant à l'époque où les actes ont été passés.

Ces actes peuvent, dans les mêmes conditions, être annulés s'il est justifié d'un préjudice subi
par la personne protégée.

Par dérogation à l'article 2252, l'action doit être introduite dans les cinq ans de la date du
jugement d'ouverture de la mesure.

§4/ Cas particuliers de protection légale du consentement

Contrat par voie électronique

« Art. 1127-6.-Hors les cas prévus aux articles 1125 et 1126, la remise d’un écrit
électronique est effective lorsque le destinataire, après avoir pu en prendre
connaissance, en a accusé réception.

« Art. 1174.-Lorsqu’un écrit est exigé pour la validité d’un contrat, il peut être établi et
conservé sous forme électronique dans les conditions prévues aux articles 1366 et
1367 et, lorsqu’un acte authentique est requis, au deuxième alinéa de l’article 1369.

« Lorsqu’est exigée une mention écrite de la main même de celui qui s’oblige, ce
dernier peut l’apposer sous forme électronique si les conditions de cette apposition
sont de nature à garantir qu’elle ne peut être effectuée que par lui-même.

« Art. 1175.-Il est fait exception aux dispositions de l’article précédent pour :

« 1° Les actes sous signature privée relatifs au droit de la famille et des


successions ;

« 2° Les actes sous signature privée relatifs à des sûretés personnelles ou réelles,
de nature civile ou commerciale, sauf s’ils sont passés par une personne pour les
besoins de sa profession.

61
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Conditions générales

« Art. 1119.-Les conditions générales invoquées par une partie n’ont effet à l’égard
de l’autre que si elles ont été portées à la connaissance de celle-ci et si elle les a
acceptées.

« En cas de discordance entre des conditions générales invoquées par l’une et


l’autre des parties, les clauses incompatibles sont sans effet.

« En cas de discordance entre des conditions générales et des conditions


particulières, les secondes l’emportent sur les premières.

SECTION 2/ La capacité et le pouvoir

§1. La capacité

« La capacité

Modifié par Loi n°2018-287 du 20 avril 2018 - art. 6


« Art. 1145.- Toute personne physique peut contracter sauf en cas d'incapacité
prévue par la loi.
La capacité des personnes morales est limitée par les règles applicables à chacune
d'entre elles.

« Art. 1146.-Sont incapables de contracter, dans la mesure définie par la loi :

« 1° Les mineurs non émancipés ;

« 2° Les majeurs protégés au sens de l’article 425.

« Art. 1147.-L’incapacité de contracter est une cause de nullité relative.

62
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« Art. 1148.-Toute personne incapable de contracter peut néanmoins accomplir


seule les actes courants autorisés par la loi ou l’usage, pourvu qu’ils soient conclus à
des conditions normales.

« Art. 1149.-Les actes courants accomplis par le mineur peuvent être annulés pour
simple lésion. Toutefois, la nullité n’est pas encourue lorsque la lésion résulte d’un
événement imprévisible.

« La simple déclaration de majorité faite par le mineur ne fait pas obstacle à


l’annulation.

« Le mineur ne peut se soustraire aux engagements qu’il a pris dans l’exercice de sa


profession.

« Art. 1150.-Les actes accomplis par les majeurs protégés sont régis par les articles
435,465 et 494-9 sans préjudice des articles 1148,1151 et 1352-4.

« Art. 1151.-Le contractant capable peut faire obstacle à l’action en nullité engagée
contre lui en établissant que l’acte était utile à la personne protégée et exempt de
lésion ou qu’il a profité à celle-ci.

« Il peut aussi opposer à l’action en nullité la confirmation de l’acte par son


cocontractant devenu ou redevenu capable.

« Art. 1152.-La prescription de l’action court :

« 1° A l’égard des actes faits par un mineur, du jour de la majorité ou de


l’émancipation ;

« 2° A l’égard des actes faits par un majeur protégé, du jour où il en a eu


connaissance alors qu’il était en situation de les refaire valablement ;

« 3° A l’égard des héritiers de la personne en tutelle ou en curatelle ou de la


personne faisant l’objet d’une habilitation familiale, du jour du décès si elle n’a
commencé à courir auparavant.

63
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 Cf. programme de 1re année.


 Bref rappel :
Certaines personnes bénéficient de régime de protection. Elles sont incapables ou voient leur capacité
limitée.
On parle de personnes vulnérables ou encore de majeurs protégés.
 Le mineur : il est frappé d'une incapacité d'exercice en principe. Il est soumis au régime de
l'administration légale, exercée par ceux qui détiennent l'autorité parentale (les parents).
 Le majeur en tutelle : la tutelle est un régime de protection institué par la loi pour sauvegarder
dans leur personne et leurs biens certains individus incapables de pourvoir eux-mêmes à leurs
intérêts. Le tuteur représente le majeur vulnérable dans les différents actes juridiques.
 Le majeur en curatelle : il est assisté d'un curateur. La curatelle est un régime de protection
intermédiaire sous lequel peut être placé un majeur lorsque, sans être hors d'état d'agir lui-
même, il a besoin d'être conseillé et contrôlé, dans les actes les plus graves de la vie civile. Le
curateur assiste le majeur.
 Le majeur sous sauvegarde de justice. Ce régime est le plus léger. Le majeur placé sous ce
régime conserve l’exercice de ses droits mais a besoin d'être protégé dans certains actes de la
vie civile en raison de l'altération de ses facultés personnelles.
 L'habilitation familiale : Il s'agit d'une mesure créée par la loi du 15 octobre 2015 qui adopte
un fonctionnement plus souple que la tutelle ou la curatelle, avec une procédure moins
contraignante. Elle est prononcée par le juge et peut être spéciale (concernant un acte en
particulier) ou générale.
Ces différentes mesures s'appliquant aux majeurs vulnérables sont prononcées par le juge du tribunal
judiciaire (juge des tutelles). Les conditions communes résident dans l'article 425 du Code civil.
L'individu doit être hors d'état de manifester sa volonté (un certificat médical circonstancié est
nécessaire).

§2. Le pouvoir

« La représentation

« Art. 1153.-Le représentant légal, judiciaire ou conventionnel n’est fondé à agir que
dans la limite des pouvoirs qui lui ont été conférés.

« Art. 1154.-Lorsque le représentant agit dans la limite de ses pouvoirs au nom et


pour le compte du représenté, celui-ci est seul tenu de l’engagement ainsi contracté.

« Lorsque le représentant déclare agir pour le compte d’autrui mais contracte en son
propre nom, il est seul engagé à l’égard du cocontractant.

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« Art. 1155.-Lorsque le pouvoir du représentant est défini en termes généraux, il ne


couvre que les actes conservatoires et d’administration.

« Lorsque le pouvoir est spécialement déterminé, le représentant ne peut accomplir


que les actes pour lesquels il est habilité et ceux qui en sont l’accessoire.

« Art. 1156.-L’acte accompli par un représentant sans pouvoir ou au-delà de ses


pouvoirs est inopposable au représenté, sauf si le tiers contractant a légitimement
cru en la réalité des pouvoirs du représentant, notamment en raison du
comportement ou des déclarations du représenté.

« Lorsqu’il ignorait que l’acte était accompli par un représentant sans pouvoir ou au-
delà de ses pouvoirs, le tiers contractant peut en invoquer la nullité.

« L’inopposabilité comme la nullité de l’acte ne peuvent plus être invoquées dès lors
que le représenté l’a ratifié.

« Art. 1157..-Lorsque le représentant détourne ses pouvoirs au détriment du


représenté, ce dernier peut invoquer la nullité de l’acte accompli si le tiers avait
connaissance du détournement ou ne pouvait l’ignorer.

« Art. 1158.-Le tiers qui doute de l’étendue du pouvoir du représentant conventionnel


à l’occasion d’un acte qu’il s’apprête à conclure, peut demander par écrit au
représenté de lui confirmer, dans un délai qu’il fixe et qui doit être raisonnable, que le
représentant est habilité à conclure cet acte.

« L’écrit mentionne qu’à défaut de réponse dans ce délai, le représentant est réputé
habilité à conclure cet acte.

« Art. 1159.-L’établissement d’une représentation légale ou judiciaire dessaisit


pendant sa durée le représenté des pouvoirs transférés au représentant.

« La représentation conventionnelle laisse au représenté l’exercice de ses droits.

« Art. 1160.-Les pouvoirs du représentant cessent s’il est atteint d’une incapacité ou
frappé d’une interdiction.

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Modifié par Loi n°2018-287 du 20 avril 2018 - art. 6


« Art. 1161.- En matière de représentation des personnes physiques, un
représentant ne peut agir pour le compte de plusieurs parties au contrat en
opposition d'intérêts ni contracter pour son propre compte avec le représenté.
En ces cas, l'acte accompli est nul à moins que la loi ne l'autorise ou que le
représenté ne l'ait autorisé ou ratifié.

XXXX

CHAPITRE 2 - LES CONDITIONS TENANT AU


CONTENU DU CONTRAT

Section préliminaire : le droit antérieur

Le CC visait tantôt l’objet du contrat (1110, 1128), tantôt l’objet de l’obligation (1129).
Il s’agit simplement d’une différence de niveau de réflexion.
D’emblée, on peut dire que l’ordonnance exige simplement un « contenu licite et certain »,
qui recouvrirait donc ces 2 éléments.
Objet : qu’est-ce que les parties ont voulu ?
Cause : pourquoi l’ont-elles voulu ?

§1/ L’objet (textes anciens)

Plusieurs articles du CC régissaient l’objet : « Tout contrat a pour objet une chose qu'une partie
s'oblige à donner, ou qu'une partie s'oblige à faire ou à ne pas faire. » (art. 1126 et 1128 mais
également 1129 et 1130 CC).

C’est ainsi que la doctrine distingue deux types d’objet :

- L’objet du contrat, c’est l’opération économique envisagée par les parties dans sa globalité
(bail, mandat, vente, Donation, prêt ; etc.) L’article 1108 CC vise « un objet certain qui
forme la matière de l’engagement ». Certains pensaient donc que le CC parlait de l’objet du

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contrat, mais il est plus sage de penser qu’il s’agissait d’une erreur de rédaction puisque les
art. 1126 s. visent plutôt l’objet de l’obligation.
Cette notion est souvent utilisée par certains auteurs pour contrôler la licéité de l’objet,
particulièrement, sa conformité à l’ordre public et aux bonnes mœurs.

Toutefois il est préférable d’envisager l’illicéité du contrat au titre de la cause.

- L’objet de l’obligation, c’est la prestation contractuelle. « Ce qui est dû au créancier par le


débiteur ». C’est lui qui est visé par les articles 1126 s. CC.
Ex : délivrer une chose, accomplir un acte ; effectuer une réparation ; conserver une chose,
payer un prix ; …

L’objet tel que nous l’étudierons c’est l’objet de l’obligation : cad ce à quoi le contractant s’est
engagé.

Ex. dans un contrat synallagmatique tel que la vente, il y a 2 objets : transférer la propriété (objet du
vendeur) et le paiement du prix (objet de l’acheteur)

Il peut s’agir d’une obligation de donner (cad transférer la propriété d’un bien), obligation de faire
(cad accomplir une prestation) ou obligation de ne pas faire (cad s’abstenir de faire qq chose) : 1126
et s.

Cette notion signifie aussi parfois plus simplement la chose qui est l’objet de l’obligation telle que la
chose vendue par ex., mais plus globalement, il faut entendre « prestation ».

En ce sens, l’objet doit remplir certaines conditions : il doit être possible, déterminé et licite.

§2. La cause

A/ La conception dualiste de la cause

Le code civil traitait de la cause dans l’art. 1108 mais ne la définissait pas : elle était régie par l’art.
1131 et 1132.
Pas de définition : une des notions les plus controversée90 du droit des obligations .
2 conceptions possibles

Théorie classique : conception objective


C’est la raison immédiate, proche : causa proxima ; cause objective ; raison abstraite, but
immédiat dans lequel les parties ont contracté.
ex pour vente, percevoir le prix (classique)
On parle de cause efficiente, de cause de l’obligation.
Cette notion classique a été systématisée par Domat

Définition de la cause :
- le but en vue duquel les parties ont contracté (but spécifique : toujours le même pour un type
donné de contrat)
- la contrepartie qu’entend recevoir toute personne qui assume une obligation.

Elle est cependant différente des motifs qui sont individuels, différents d’un contractant à l’autre.
Ex :
90
P. Catala, « Deux regards inhabituels sur la cause dans les contrats », Defrénois 2008, art. 38866.

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 Contrat synallagmatique : L’obligation de chaque partie a pour cause celle de l’autre. Les
obligations réciproques se servent mutuellement de cause.
 Contrat à titre gratuit : c’est la volonté même de faire un sacrifice sans contrepartie. Ce que
l’on nomme l’animus donandi cad l’intention libérale

Cette notion a été critiquée par Planiol qui la considérait inutile car l’absence de cause est surtout une
absence d’objet. De même, cause illicite et objet illicite se recouvrent 91.

Théorie moderne : conception subjective


Cette conception introduit les motifs, les mobiles, les raisons personnelles.
On parle de cause du contrat, de cause de l’opération contractuelle, de cause finale.
Il s’agit ici de raisons lointaines, éloignées : causa remotae.
La cause est subjective.
ex obtenir le prix pour payer une dette : raisons individuelles (qui diffèrent d’un vendeur à l’autre)

Avant la réforme, la jurisprudence adoptait une conception dualiste de la cause 92. Objective et
subjective.

Elle retenait la conception objective (cause de l’obligation) pour fonder l’annulation pour absence
de cause : rôle protection individuelle.

Elle retenait la conception subjective (cause du contrat) pour fonder l’annulation pour cause illicite
ou immorale : rôle de protection de la société.

B/ Le régime de la cause

1. L’absence de cause

Une obligation est dépourvue de cause dans un contrat synallagmatique quand :

 Elle n’a pas de contrepartie : ex. vente d’une chose qui a péri ; dans les contrats aléatoires,
c’est absence d’aléa.

 Elle a une contrepartie qui ne présente aucune utilité :


ex. jurisprudence Chronopost (une clause limitative de responsabilité ne peut avoir effet si
elle porte atteinte à l’obligation essentielle du contrat.93). Cf. Section II.
Ex. jurisprudence Point club vidéo qui se réfère à la notion d’économie du contrat :
« l’exécution du contrat selon l’économie voulue par les parties était impossible » = nullité
d’un contrat de location de K7 vidéo pour l’exploitation d’un commerce 94. Il s’agit d’un défaut
d’utilité de l’opération économique.

 En cas d’ensemble contractuel, l’appréciation de la cause est particulière. Il s’agit de plusieurs


contrats, qui, ensembles forment une même opération économique. Dans ce cas, l’absence de
contrepartie se vérifie au regard de l’ensemble contractuel, et donc dans le cadre de l’opération
91
Mais il demeure cependant que sans cause, la nullité pour objet ne frapperait qu’une obligation et laisserait
subsister l’autre.
1 civ., 12 juill. 1989, Grands arrêts de la jurisprudence n°155 , RTD civ. 1990, p. 468, obs. Mestre.
92 re
93
Cass. Com. 22 octobre 1996, Bull. civ. IV, n° 261, D. 1997, p. 245
1 civ., 3 juill. 1996, n°94-14.800, RTD civ. 96.901, Mestre.
94 re

68
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économique appréhendée dans sa globalité95. Souvent, ces contrats se servent mutuellement de


cause. (la notion sera détaillée en fin de semestre)

Concernant la preuve, si la cause n’est pas expressément formulée dans le contrat, elle est présumée
exister de sorte que c’est à celui qui se prévaut de l’absence de cause de le démontrer (par tout
moyen).
L’appréciation de l’existence de la cause se fait au moment de la formation du contrat : cependant, un
glissement s’opère de plus en plus au stade de l’exécution du contrat, en particulier concernant les
contrats à exécution successive.
Concernant la sanction, la jurisprudence a d’abord retenu la nullité absolue (1 re civ., 10 févr. 1993),
puis a opté pour la nullité relative (3e civ., 29 mars 2006). Possibilité aussi concernant la clause qu’elle
soit réputée non écrite.

2. L’illicéité de la cause

Selon l’ancien art. 1133 « La cause est illicite, quand elle est prohibée par la loi, quand elle est
contraire aux bonnes mœurs ou à l'ordre public. »
La jurisprudence se réfère au motif déterminant poursuivi par une partie (immoralité de la cause du
contrat).
Cependant, le risque est de léser le cocontractant de bonne foi qui n’aurait pas été au courant du but
illicite poursuivi par son partenaire.
Ainsi, il avait été exigé que le motif soit « commun » (cad connu de l’autre partie : « cause commune
») aux deux parties96. Mais cette jurisprudence était problématique car elle incitait à la dissimulation.
Dès lors que le but illicite était caché (donc non connu de l’autre), cela suffisait à échapper à une
annulation.
Cependant, il y a eu un revirement : le contrat subissait l’annulation même si l’une des parties
n’avait pas eu connaissance du caractère illicite ou immoral du motif déterminant 97.

Illustrations :

- A l’origine, la jurisprudence concernant les libéralités consenties entre concubins (relation


adultérine) était illicite comme contraire aux bonnes mœurs.
Aujourd’hui une telle donation est valable : 1re civ. 3 févr. 1999, « n’est pas contraire aux bonnes
mœurs, la cause de la libéralité dont l’auteur entend maintenir la relation adultère qu’il entretient avec
le bénéficiaire »98.

95
1re civ., 13 juin 2006.
96
ex civ 4 déc 1956
97
Civ 1ère 7 oct 98, GAJC n°157.
98
GAJC, n°25

69
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- Annulation des contrats permettant l’exercice d’une activité illicite : maison tolérance et jeu (1ère 3
fév 99) ; exercice du métier de devin (1ère 12 jlt 89) ; activité médicale illicite (1ère, 11 juin 96),
contrat portant sur les produits d’un vol ou d’un pot-de-vin (mais n’est pas illicite le contrat de
courtage matrimonial souscrit par une personne déjà mariée) 99.

Gleeden

Preuve de l’illicéité : il y a une présomption d’existence et de licéité : c’est au demandeur en nullité


d’apporter la preuve de l’illicéité.100
Sanction : nullité absolue.

La cause, notion controversée, a disparu des textes depuis la réforme. Cependant on


peut dire que ses fonctions demeurent (cf. section relative à l’équilibre du contrat et §
relatif à la licéité)

SECTION 1/ UN « CONTENU LICITE ET CERTAIN »: LE


DROIT POSITIF

§1. L’objet modernisé

A. L’existence de l’objet

« Art. 1163.-L’obligation a pour objet une prestation présente ou future.

« Celle-ci doit être possible et déterminée ou déterminable.

« La prestation est déterminable lorsqu’elle peut être déduite du contrat ou par


référence aux usages ou aux relations antérieures des parties, sans qu’un nouvel
accord des parties soit nécessaire.

L’objet doit exister au moment de la formation du contrat (même s’il a péri après).

99
1re civ., 4 nov. 2011, n°10-20114.
100
-pour actes à titre onéreux : preuve par tous moyens ( tous modes de preuve autorisés par la loi)
-pour libéralités : abandon depuis le 2 janv 1970 du système de preuve intrinsèque (nullité seulement lorsque la
preuve de l’illicéité ou de l’immoralité ressortait textuellement et intrinsèquement de l’acte). La preuve est
désormais extrinsèque, donc par tout moyen. On peut donc prendre en compte des éléments extérieurs au contrat.

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« Prestation présente ou future »

- prestation future : les contrats portant sur une prestation future sont valables sauf
dispositions légales contraires.
Ex. VIC, sur plan, vente de récolte à venir.

Problème : que se passe-t-il si la chose future finalement n’existe pas ? On peut considérer
que le contrat a été conclu sous la condition suspensive de la réalisation de la chose. Si la
chose n’est pas réalisée, le contrat est annulé rétroactivement.

- aléa : si le contrat porte sur une chose aléatoire, il demeure valable. L’incertitude, l’aléa est
alors l’objet même de l’obligation. Le contractant prend le risque (mais l’aléa doit exister au
moment du contrat)

« Celle-ci doit être possible »

- possibilité de l’objet :
L’exigence de la possibilité de l’objet s’applique particulièrement lorsqu’il est question de
prestation : à l’impossible, nul n’est tenu.

Seule l’impossibilité absolue fait obstacle à la validité du contrat (celle à laquelle se heurterait
n’importe quel débiteur, à la différence de l’impossibilité relative qui ne concerne que le
débiteur). En outre, la responsabilité contractuelle permet de régler la situation s’agissant
d’une prestation (responsabilité pour inexécution de l’obligation ou mauvaise exécution).
Pour un corps certain : l’impossibilité suppose qu’il n’existe pas. Ex de la chose qui a péri
juste avant la conclusion du contrat.

B. La détermination de l’objet

art. 1164: Dans les contrats cadre, il peut être convenu que le prix sera fixé
unilatéralement par l'une des parties, à charge pour elle d'en motiver le montant en
cas de contestation.
En cas d'abus dans la fixation du prix, le juge peut être saisi d'une demande tendant
à obtenir des dommages et intérêts et le cas échéant la résolution du contrat.
art. 1165: Dans les contrats de prestation de service, à défaut d'accord des parties
avant leur exécution, le prix peut être fixé par le créancier, à charge pour lui d'en
motiver le montant en cas de contestation.
En cas d'abus dans la fixation du prix, le juge peut être saisi d'une demande tendant
à obtenir des dommages et intérêts et, le cas échéant, la résolution du contrat.
Modifié par LOI n°2018-287 du 20 avril 2018 - art. 7

Conformément aux dispositions du I de l'article 16 de la loi n° 2018-287 du 20 avril 2018, les modifications
apportées par ladite loi aux dispositions de l'article 1165 ont un caractère interprétatif.

71
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« Art. 1166.-Lorsque la qualité de la prestation n’est pas déterminée ou déterminable


en vertu du contrat, le débiteur doit offrir une prestation de qualité conforme aux
attentes légitimes des parties en considération de sa nature, des usages et du
montant de la contrepartie.

I. Principe

L’objet doit être déterminé ou au moins déterminable.

« Art. 1163.-L’obligation a pour objet une prestation présente ou future.

« Celle-ci doit être possible et déterminée ou déterminable.

« La prestation est déterminable lorsqu’elle peut être déduite du contrat ou par référence
aux usages ou aux relations antérieures des parties, sans qu’un nouvel accord des parties
soit nécessaire.

L’objet doit donc être clairement identifié.


S’il n’est pas déterminé, il doit au moins être déterminable d’après les indications prévues au
contrat (il s’agit d’éviter que l’une des parties ne le détermine seule), en fonction d’éléments
qui ne dépendent pas de la volonté de l’une ou de l’autre partie. Le prix doit être
objectivement déterminable.
La déterminabilité de la prestation est largement ouverte par le dernier alinéa de l’article
1163. Il peut être fait référence aux usages et aux relations antérieures pour déduire
l’étendue de la prestation. L’essentiel étant qu’est exclu un nouvel accord pour la déterminer.
Par exemple : la vente de tous les biens entreposés dans tel garde meuble 101. Mais non pour
l’engagement de « donner une récompense »102.

Une distinction doit être effectuée selon que l’obligation porte sur un corps certain
ou sur une chose de genre.

101
Cass. 1re civ., 16 juill. 1964, Bull. civ. I, n°322. Ou encore, la vente d’une superficie de terrain à délimiter sur
une parcelle plus grande » ou la cession de toutes les créances qu’on détiendra sur telle personne à une date
précise.
102
Com. 28 févr. 1983, Bull. civ. IV, n°86.

72
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- lorsque l’obligation porte sur un corps certain. C’est-à-dire une chose


individualisée. Il n’y a pas de difficulté dans la détermination.
Ex : je ne vends pas un immeuble, mais tel immeuble, identifié.

- une chose de genre est une chose fongible qui s’oppose au corps certain. Une telle
chose est donc considérée comme équivalente à une autre dès lors qu’elles appartiennent au
même genre. C’est-à-dire si elle est de même qualité et quantité. Les choses fongibles peuvent
se mesurer, se peser, se compter. Elles peuvent être corporelles telles que du blé ou d’autre
denrées, ou incorporelles telles que des sommes d’argent.
Ici, la validité du contrat dépend de la détermination de la chose. Le transfert de propriété (par
exemple en cas de vente) ne s’opère qu’à partir du moment où la chose de genre est
individualisée par exemple lorsque le riz est mis en sac. La détermination résulte de la
mesure ou de la pesée de la chose. Il faut donc expressément viser la nature de l’objet et sa
quantité.

En résumé :
La détermination doit être le fruit d’un accord entre les deux parties.

La déterminabilité ne doit pas être uniquement le fait de l’une des parties, en principe.
En ce sens, on peut dire que le prix ne peut être fixé unilatéralement. Dit autrement, la
fixation du prix doit être bilatérale et avoir lieu au moment de la conclusion du contrat.

Cependant il existe deux cas particuliers. Il s’agit du prix et de la qualité de la prestation.

II. Tempéraments

o La qualité de la prestation

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Lorsque la qualité de la prestation n’est ni déterminée, ni déterminable, l’article 1166 règle


situation en se référant à une prestation de qualité « conforme aux attentes légitimes des
parties en considération de sa nature, des usages et du montant de la contrepartie ».

« Art. 1166.-Lorsque la qualité de la prestation n’est pas déterminée ou déterminable en vertu du contrat,
le débiteur doit offrir une prestation de qualité conforme aux attentes légitimes des parties en
considération de sa nature, des usages et du montant de la contrepartie.

Cette disposition est d’inspiration européenne.


- il ne s’agit pas d’une prestation monétaire. Il doit s’agir d’un service ou de la livraison
d’une chose.
- lorsque l’objet ne peut être déterminé par déduction des stipulations contractuelles, il faut
donc se référer aux attentes légitimes des parties telles qu’indiquées dans le texte.
Que recouvre la notion d’attentes légitimes ? Il s’agit d’une notion connue du droit européen
de la consommation qui considère qu’il s’agit d’un objectif général de conformité de la
prestation du débiteur.

o Quid du prix ?

Doit-il être déterminé dans le contrat au moment de sa conclusion ? Ou bien est-il possible de
fixer unilatéralement le prix ensuite ?

Auparavant

 Le problème porte plus précisément sur les contrats dans lesquels la prestation s’étale
dans le temps. Dans ce cas, la jurisprudence a pu admettre la déterminabilité du prix
mais sous deux conditions :

-être assez précis pour ne pas donner lieu à un nouvel accord des parties
- être extérieur aux parties (ne pas dépendre de la volonté de l’une ou l’autre)

74
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Cette déterminabilité du prix devait être appréciée au moment de la formation du contrat.


Dans cette situation, il ne s’agit pas d’une fixation unilatérale du prix par l’un des
contractants.

 Certains textes spéciaux exigent que le prix soit déterminé lors de la conclusion : ainsi
de la vente 1591, bail 1709, rente viagère 1968, prêt à intérêt 1907 ; contrat de louage
d’ouvrage 1710 ; vente d’immeuble à construire, contrat d’assurance etc.

 Toutefois, malgré ces textes, la jurisprudence a pu décider que la détermination du


prix n’est pas une condition de validité du contrat.

 Il faut distinguer :

- le contrat d’entreprise (« contrat par lequel l’une des parties s’engage à faire quelque chose
pour l’autre, moyennant un prix convenu entre elles » art 1710)103. On parle aujourd’hui de
contrat de prestation de service.
La fixation unilatérale du prix après la conclusion du contrat était possible pour la
jurisprudence qui a même étendu cette solution à toutes les obligations de faire.
Concernant les pouvoirs du juge : si le prix n’est pas fixé dans le contrat, il a la possibilité de
le fixer. S’il advient que le prix est disproportionné à la valeur de la prestation : il a la
possibilité de le modifier, donc de la réviser.

- le contrat de vente : il y a eu une évolution jurisprudentielle.


Rappelons que l’art. 1591 exige un prix de vente déterminé.
La chambre commerciale de la Cour de cassation a d’abord sanctionné les contrats dont le
prix n’était pas déterminé sur le fondement de l’art. 1129 ancien 104.105. Autrement dit, le prix
devait être déterminé dès lors qu’il s’agissait d’une obligation de donner.
La difficulté portait particulièrement sur les contrats cadres : il s’agit par ex. de contrats dans
lesquels, sur une longue durée, par ex. 10 ans, l’un s’engage à s’approvisionner chez l’autre
d’une quantité particulière de biens. Était-il raisonnable de fixer un prix déterminé alors qu’il
peut y avoir des variations en 10 ans ?

103
Cass. 3e civ., 3 déc. 1970 ; 4 juill. 1972.
104
Cass. com. 11 oct. 1978, 2 arrêts.
105
Cass. com. 9 nov. 1987, D. 1989, Ph. Malaurie.

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La chambre civile était moins sévère que la chambre commerciale dès lors qu’il existait un
tarif de référence106 (jurisprudence Alcatel). Ledit tarif était alors fixé unilatéralement par le
fournisseur.

À la suite de ces divergences la Cour de cassation s’est réunie en assemblée plénière :


Ass. Plén. 4 arrêts 1er déc. 1995. Elle énonce 2 principes :
- l’art. 1129 anc107 n’est pas applicable à la détermination du prix
- « lorsqu’une convention prévoit la conclusion de contrats ultérieurs, l’indétermination du
prix de ces contrats dans la convention initiale n’affecte pas, sauf dispositions légales
particulières, la validité de celle-ci, l’abus dans la fixation du prix ne donnant lieu qu’à
résiliation ou indemnité »
L’assemblée plénière va plus loin que la jurisprudence Alcatel et ne fait plus de différence
selon qu’il existait ou non une référence aux tarifs d’une partie. Elle a subi les critiques de la
doctrine.
Cette jurisprudence conçue pour le contrat-cadre a ensuite été étendue aux contrats de
distribution108 et aux contrats de prêt109 (contrats à exécution successive). Un arrêt du 12 mai
2004 de la première chambre civile a même considéré qu’elle s’appliquait « en toute
matière ». Sauf texte spécial comme l’art. 1591 C. civ.
Il en résulte que la fixation unilatérale du prix est possible si la détermination du prix n’est pas
imposée par un texte spécial.

Réforme

L’article 1163 n’a pas codifié le premier aspect de la solution de la Cass du 1 er déc. 1995
(l’art. 1129 anc. n’est pas applicable à la détermination du prix).
Qu’en penser ? La solution perdure-t-elle ou non ? La doctrine diverge sur ce point.
Certains se fondent sur le caractère général de l’article 1163 ne permettant pas d’en exclure le
prix.

106
Cass. 1RE civ., 29 nov. 1994, Par deux arrêts souvent appelé jurisprudence Alcatel, elle considère que
« l’exigence de détermination du prix est satisfaite dès lors que la convention faisait référence à un tarif, qui
pourrait être déterminé unilatéralement par le fournisseur, sous réserve du contrôle judiciaire de sa bonne foi ».
107
Article imposant que l’objet devait être déterminé
108
Cass. com. 26 mars 1996
109
Cass. com. 9 juill. 1996.

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Cependant, on constate la codification de la jurisprudence (1er déc 95) sur la détermination


unilatérale du prix concernant les contrats cadre. Il en est de même concernant les contrats de
prestation de service110.
Dans les contrats cadres : 1164
Dans les contrats de prestation de service : 1165.
On peut dire que les articles 1164 et 1165 ont encadré, circonscrit, la fixation unilatérale du
prix à ces deux hypothèses.

 On en déduit que le principe demeure que le prix doit être déterminé.


 Mais qu’il existe deux exceptions : pour les contrats cadres et les contrats de
prestation de service.

o Contrats de prestation de service :

Article 1165

Modifié par LOI n°2018-287 du 20 avril 2018 - art. 7

Dans les contrats de prestation de service, à défaut d'accord des parties avant leur exécution, le
prix peut être fixé par le créancier, à charge pour lui d'en motiver le montant en cas de
contestation.

En cas d'abus dans la fixation du prix, le juge peut être saisi d'une demande tendant à obtenir
des dommages et intérêts et, le cas échéant, la résolution du contrat.

Conformément aux dispositions du I de l'article 16 de la loi n° 2018-287 du 20 avril 2018, les modifications apportées par ladite
loi aux dispositions de l'article 1165 ont un caractère interprétatif.

Ils relèvent normalement des contrats spéciaux. Ici la réforme les traite dans le droit commun.
La conception est traditionnelle : la fixation du prix n’est pas une condition de formation du
contrat d’entreprise. Le texte permet au prestataire de service (le « créancier » du prix) de
fixer unilatéralement le prix postérieurement à l’exécution de la prestation ou en cours
d’exécution (et non plus obligatoirement au moment de la conclusion du contrat).

110
Ainsi peut-on dire que le débat n’a que peu d’intérêt, puisqu’en dehors de ces deux catégories de contrats, il
ne reste que les contrats à exécution instantanée avec transfert de propriété et ici l’article 1591 impose la
détermination du prix…

77
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Le texte a ajouté des précisions :


- celui qui fixe le prix doit en justifier le montant en cas de contestation. Cette obligation de
motivation est nouvelle.
- en cas d’abus, le juge peut accorder des dommages et intérêts. La loi de ratification a ajouté
également la sanction possible de résolution du contrat (qui n’existait pas dans l’ordonnance,
sorte de maladresse rédactionnelle). On peut néanmoins s’interroger sur les pouvoirs du juge
tels qu’admis par la jurisprudence. Il juge peut-il réviser le prix ? Puisqu’elle n’est pas
consacrée par le texte et que l’intervention du juge doit demeurer l’exception, il est prudent de
l’écarter111.

o Contrats cadres

Article 1164

Modifié par Ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 - art. 2

Dans les contrats cadre, il peut être convenu que le prix sera fixé unilatéralement par l'une
des parties, à charge pour elle d'en motiver le montant en cas de contestation.

En cas d'abus dans la fixation du prix, le juge peut être saisi d'une demande tendant à obtenir
des dommages et intérêts et le cas échéant la résolution du contrat.

- il peut être convenu de cette fixation unilatérale. Les parties se mettent d’accord au départ
pour que le prix soit fixé par l’une des parties. On retrouve l’idée de référence à un tarif fixé
par le fournisseur.
- il existe également cette obligation de motivation du montant du prix (en cas de contestation,
mais il est évidemment préférable d’anticiper…)
- même limite en cas d’abus : l’une des parties peut demander au juge des dommages et
intérêts ou la résolution du contrat112.

§ 2. La licéité du contenu du contrat

111
Cependant avec ces dommages et intérêts, certains considèrent que concrètement cela équivaut à une
réduction du prix : le débiteur qui a payé un prix trop élevé se voyant remettre des D et I qui viendront
compenser le prix excessif payé…
112
Précisons que l’avant projet donnait pouvoir au juge de réviser le prix, mais non retenu ensuite.

78
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Article 1162 : Le contrat ne peut déroger à l'ordre public ni par ses stipulations, ni par
son but, que ce dernier ait été connu ou non par toutes les parties.

L’ancien article 1128 du Code civil énonçait qu’« il n’y a que les choses qui sont dans le
commerce qui puissent être l’objet des conventions ». Ce texte n’a pas été repris dans
l’ordonnance en tant qu’article autonome.
Désormais la licéité n’est comprise que dans la licéité du contenu du contrat. Il existe
désormais un texte qui permet de regrouper aussi bien la licéité de l’objet que la licéité de la
cause.

Art 1162 : « ni par ses stipulations, ni par son but ».

 « ni par ses stipulations » permet de renvoyer à la licéité de l’objet.

En principe toute chose est dans le commerce, il faut donc voir celles qui y échappent
Sont hors commerce :
Les res communis, qui n’appartiennent à personne et dont l’usage est commun à tous (714
CC), la lumière, l’eau de la mer etc.
Les choses dangereuses : substances toxiques, ou armes à feu, dont la commercialité est
limitée.
Marchandises contrefaites
Les biens du domaine public
Biens frappés d’une clause d’inaliénabilité
Fichiers non déclarés à la CNIL
Enfin, les choses expressément délivrées à une personne, qui en est seule titulaire :
autorisation délivrée par l’autorité publique, titre d’officier public et ministériel, diplômes,
etc…
La personne humaine (art. 16-5 CC): toute convention portant atteinte à l’intégrité physique
est interdite (sauf si justifiée par un intérêt légitime (ex à des fins thérapeutiques) ou par
l’intérêt général (ex. vaccination), sauf cession à titre gratuit, (ex dons de sang, prélèvement
d’organe en cas de greffe) etc). Il en est de même des éléments du corps humain, même issus
de cadavres (jurisprudence exposition Our body : le contrat d’assurance garantissant
l’exposition est illicite113, le principe d’ordre public est le suivant : le respect dû au corps
humain ne cesse pas avec la mort : art. 16-1 CC)

113
Cass. 1re civ., 29 oct. 2014, n°13-19.729.

79
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GPA, convention de mère porteuse ? Non admise en France114 mais la jurisprudence récente
admet de retranscrire sur les actes d’état civil les effets d’une telle convention réalisée à
l’étranger115. Cependant, la loi relative à la bioéthique du 3 août 2021 limite la transcription au
seul parent biologique, le parent d’intention devant se tourner vers la procédure de
l’adoption116.

- La clientèle
En matière commerciale, la clientèle constitue un élément essentiel du fonds de commerce à
forte valeur patrimoniale. La cession d’une telle clientèle avec le fonds de commerce ne pose
pas de difficulté.
Il en est différemment concernant la clientèle civile, cad celle issue de l’exercice de
professions libérales (d’abord médecin, puis avocat, architectes, vétérinaire etc). En raison du
lien de confiance de la relation personnelle que le professionnel entretient avec son client.
Elles étaient hors commerce117. Mais la jurisprudence a d’abord admis la patrimonialité du
droit de présentation du successeur à la clientèle118.
Surtout, arrêt de principe, important, consacrant l’existence d’un « fonds libéral »119, ce qui
permet d’effectuer sur celui-ci des opérations dans le commerce juridique : 1re civ., 7
novembre 2000120 = licéité de la cession d’une clientèle médicale. Mais attention : « à la
condition que soit sauvegardée la liberté de choix du patient »121

La sanction de l’illicéité est la nullité absolue.

 « Ni par son but »


Permet de renvoyer à l’illicéité du but du contrat.
Le terme « but » n’est pas défini, mais on peut penser qu’il s’agit de l’objectif poursuivi et
donc des mobiles.
C’est ici l’utilisation de la cause subjective du contrat. C’est-à-dire les mobiles qui ont
poussé la personne à contracter. Il s’agit du motif déterminant. (cf pour des illustrations
section préliminaire, §2, B, 2. Illicéité de la cause)
Il y a résurgence de la cause à cet endroit, de l’une de ses fonctions.

114
Ass. Plen. 31 mai 1991, B. 4, p. 247.
115
Ass. Plen. 4 oct. 2019.
116
V. les discussions au début des travaux préparatoires, notamment concernant l’amendement déposé par le
gouvernement : https://www.publicsenat.fr/article/parlementaire/gpa-a-l-etranger-en-reaction-a-la-jurisprudence-
le-senat-modifie-le-projet-de
117
Ex 1re civ., 7 mars 1956, D. 1956, 523 ; 31 mai 1998, Gaz. Pal. 1988 2 650…
1 civ., 7 juin 1995, D. 1995, 560 BB.
118 re
119
Qui comprendrait donc la clientèle, les matériels et les locaux : 1er civ., 2 mai 2001, JCP 2002, II, 10062. Il en
est de même désormais du fonds agricole 3e civ., 16 sept. 2009, RTD civ. 2009 748, T. Revet.
120
(Bull. civ. I, n° 283, D. 2001, p. 2295)
121
Certains considèrent que c’est un revirement clair.

80
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La jurisprudence122 est ici consacrée par le texte de l’art. 1162. Il n’est pas nécessaire que ce
motif illicite ait été connu de toutes les parties.
On considère en effet que l’ordre public est atteint même si seulement l’une des parties
poursuit ce but illicite.
Pb = toutes les parties pourront donc demander la nullité. Même celle qui poursuivait le but
illicite ? Quelques ajustements123 seront bienvenus par la jurisprudence124.

Sanction : toujours nullité absolue

Jurisprudence récente : gleeden.com : Civ. 1re, 16 déc. 2020, n° 19-19.387 P


https://actu.dalloz-etudiant.fr/a-la-une/article/love-me-tinder/h/
5ed53452981c3c1e8082955e5a450f41.html

SECTION 2 / L’ÉQUILIBRE DU CONTRAT

§1. La lésion

« Art. 1168.-Dans les contrats synallagmatiques, le défaut d’équivalence des


prestations n’est pas une cause de nullité du contrat, à moins que la loi n’en dispose
autrement. »

Définition : la lésion est le préjudice résultant, pour l’une des parties au contrat, d’un défaut
d’équivalence entre l’avantage qu’elle obtient et le sacrifice qu’elle consent.
Dans les contrats synallagmatiques : la lésion est le préjudice résultant d’une inégalité de valeur
entre les prestations réciproques des parties.
Il s’agit d’un déséquilibre économique objectif, mathématique, entre la valeur réelle et celle
retenue dans le contrat, au moment de sa conclusion.

122
1re civ., 7 oct. 1998, GAJC n°158 : il s’agissait de l’échange de parcelles pour faire échec au droit de
préemption du preneur rural, même à l’insu du coéchangiste).
123
On peut également penser à la règle « nemo auditur propriam turpitudinem allegans » (nul ne peut se prévaloir
de sa propre turpitude). Cependant, cette règle intervient seulement concernant les restitutions mais n’empêche
pas l’action en nullité.
124
Selon A BENABENT : l’exception d’indignité trouvera là un développement pour lui refuser l’action…

81
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Remarque : A différencier de l’imprévision. Celle-ci correspond à la rupture de l’équilibre survenant


en cours de contrat par suite d’une variation des circonstances économiques.

 PRINCIPE

Il est dominé par la liberté contractuelle : la lésion n’affecte pas la validité du contrat. Elle n’est
pas une cause de rescision pour lésion (« rescision » = nullité).
Ce principe était prévu à l’article 1118 ancien du Code civil. Il est repris par la réforme :
« Art. 1168.-Dans les contrats synallagmatiques, le défaut d’équivalence des prestations
n’est pas une cause de nullité du contrat, à moins que la loi n’en dispose autrement.
La lésion ne s’applique qu’aux contrats commutatifs. Les contrats aléatoires en sont exclus :
l’aléa chasse la lésion.
L’article 1168 prévoit lui-même le cas d’exceptions légales.

 EXCEPTIONS

 Loi

A l’égard de certaines personnes :


- Le mineur
Article 1149 : « Les actes courants accomplis par le mineur peuvent être annulés pour simple
lésion. Toutefois, la nullité n'est pas encourue lorsque la lésion résulte d'un événement imprévisible.
La simple déclaration de majorité faite par le mineur ne fait pas obstacle à l'annulation.
Le mineur ne peut se soustraire aux engagements qu'il a pris dans l'exercice de sa profession ».
- Les majeurs sous sauvegarde de justice (art. 435 CC) ; majeurs placés sous tutelle ou curatelle
(art. 465 CC). La rescision concerne les actes que la personne protégée pouvait faire sans
assistance ou sans représentation.
Article 1150 : « Les actes accomplis par les majeurs protégés sont régis par les articles 435,465 et
494-9 sans préjudice des articles 1148,1151 et 1352-4 ».

Dans certains contrats :


- le partage donne lieu à une action en complément de part (art 889 et s. CC)
- la vente d’immeuble rescindable pour lésion des 7/12ème subie par le vendeur (art 1674 CC) :
(conditions de procédure : délai préfix de 2 ans ; expertise nécessaire). Seul le vendeur peut s’en
prévaloir.
- le contrat de travail (rémunération minimale)
- la vente d’engrais et de semences (lésion de + du quart au détriment de l’acheteur)
- le contrat d’assistance maritime

82
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- le prêt à intérêt (intérêt réductible si + du 1/3 de taux courant)


- la vente de lots de copropriété (prix proportionnellement réductible si la superficie est
inférieure de + d’1/20e à celle mentionnée dans l’acte)
- la cession du droit d’exploitation d’une œuvre littéraire (lésion de + 7/12e)
- la répartition des charges dans le règlement de copropriété
- les baux ruraux
- le contrat de société (associé déchargé de tout risque et recevant tout le profit)
- les sociétés d’attribution d’appartements

 Jurisprudence

Son interprétation est restrictive car elle est liée par les textes. Elle avait cependant étendu le
domaine de la lésion afin de réduire le salaire d’un mandataire ou encore les honoraires des
professions libérales (ex : avocat ; agent d’affaire ; agent immobilier; généalogiste ; expert
comptable ; conseil en gestion)
« Il appartient aux tribunaux de réduire le salaire convenu lorsqu’il est hors de proportion avec le
service rendu »125.
Le déséquilibre était apprécié au moment de la conclusion du contrat.
Cette jurisprudence n’étant pas consacrée par la réforme, quid de sa persistance ?

 PREUVE

C’est au contractant qui se prévaut de la lésion d’apporter la preuve de celle-ci. La lésion étant
un fait juridique, il peut l’établir par tout moyen.

 SANCTION

- Nullité relative. Le terme « rescision » a été abandonné par la réforme


- Révision des conditions pécuniaires possible (réduction du prix ou de l’intérêt,
majoration..)

§2. La recherche de la justice contractuelle

125
Cass. civ., 29 janv. 1867, DP 1867, 1, 53 ; Cass. 1re civ., 3 juin 1986, n°85-10.486 ; Cass. 1re civ., 3 mars 1998
n°95-17.799 ; limite : lorsque les honoraires ont été versés en connaissance du travail effectué et après service
fait, Cass. 2e civ., 18 sept. 2003, n°01-16.013 ; Cass. 2e civ., 6 mars 2014, n°13-14.922.

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La recherche de la justice contractuelle est l’innovation de la réforme. Elle se déploie à travers


trois textes qui visent à contrôler un déséquilibre du contrat.
A. La contrepartie illusoire ou dérisoire

Art. 1169 : « Un contrat à titre onéreux est nul lorsque, au moment de sa formation,
la contrepartie convenue au profit de celui qui s’engage est illusoire ou dérisoire ».

C’est une codification d’une solution jurisprudentielle.

C’est la résurgence de la cause de l’obligation. On retrouve la notion d’économie du


contrat, notamment à travers la jurisprudence point club vidéo qui trouve consécration126 ;

Champ d’application du texte :


Le texte vise les contrats à titre onéreux.
Il est évident que sont exclus de cet article les contrats à titre gratuit (l’absence de
contrepartie étant une condition même de leur existence).
Mais la disposition n’est pas seulement limitée aux contrats synallagmatique (donc il peut
s’agir de contrat unilatéral127 ou commutatif ou aléatoire, pour ces derniers c’est l’absence
d’aléa qui sera sanctionné128).

Le texte précise que le caractère illusoire ou dérisoire 129 de la contrepartie s’apprécie au


moment de la formation du contrat.
La contrepartie est insignifiante à tel point qu’elle en devient inexistante 130. Ou bien elle
n’est pas réelle, ni sérieuse131.

126
1re civ., 3 juill. 1996, cf. supra, « absence de cause ».
127
Ex. contrat unilatéral à titre onéreux : prêt à intérêt entre particuliers.
128
Exemple : rente viagère : caractère illusoire de l’obligation du débit-rentier en raison de l’imminence du décès
du crédit-rentier Cass., 1re 16 avr. 1996.
129
Terminologie issue de l’avant-projet Catala
130
Mais la vente au prix d’un € symbolique peut être valable.
131
Ex jurisprudence contrat d’assurance sur une chose qui a péri : 1re 27 févr. 1990, n°88-14.364.

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La nullité semble ici, eu égard à la rédaction du texte, s’appliquer à l’ensemble du contrat


(sans se limiter à une seule clause) 132. La nullité est relative car il s’agit d’une protection des
intérêts du cocontractant (et non de l’intérêt général).

Toutefois cette disposition ne doit pas être confondue avec la lésion. Ce n’est pas
véritablement l’équivalence des prestations qui est mesurée ici. C’est plus franc : le
déséquilibre doit être tel qu’il vient à priver le contrat d’intérêt.
« l’engagement est sans justification » (projet Catala).
C’est l’idée d’économie du contrat qui prévaut ici, cette utilité économique.

Il faut faire ici une analyse d’ensemble du contrat, par l’examen de la contrepartie. A la
différence de l’article suivant …

B. La clause contredisant l'obligation essentielle

Art. 1170 : « Toute clause qui prive de sa substance l’obligation essentielle du


débiteur est réputée non écrite ».

A la différence de l’article précédent, il s’agit ici d’analyser une clause et d’examiner ses
conséquences sur le contrat.

C’est la consécration de la jurisprudence Chronopost (22 oct. 96). Même si la


formulation n’est pas la même que celle de la jurisprudence « clause qui contredit la portée de
l’engagement pris ».

L’arrêt Chronopost porte sur une clause limitative de responsabilité (que nous verrons à la
fin du semestre). Il a été suivi de l’arrêt dit Faurecia 133 qui concerne une clause limitative de
réparation : Com. 29 juin 2010, n°09-11.841 : « seule est réputée non écrite la clause

132
Sur la cause : L'obligation d'un des contractants a une cause même si son partenaire lui fournit une prestation
d'une valeur moindre : par exemple, l'obligation du bailleur d'entretenir les lieux loués subsiste, même si les
loyers sont insuffisants. Une solution contraire aurait heurté la règle selon laquelle la lésion ne doit être admise
qu'exceptionnellement et aurait menacé la sécurité des relations juridiques.
133
La suite de la saga Chronopost (de nombreux arrêts se succédèrent ensuite) et de la saga Faurecia porte plus
particulièrement sur les conséquences quant à la responsabilité contractuelle et notamment la faute lourde. Ils
seront envisagés ultérieurement.

85
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limitative de réparation qui contredit la portée de l’obligation essentielle souscrite par le


débiteur).

Cette jurisprudence est désormais étendue à « toute clause » depuis la réforme. Elle ne
concerne plus seulement les clauses exclusives ou limitatives de responsabilité ou de
réparation. L’article 1170 englobe toute clause qui restreint ou empêche un contractant de se
prévaloir d’une prérogative contractuelle.
Le texte pose deux conditions qui ne se confondent pas : il faut une clause qui porte sur
l’obligation essentielle et que cette clause contredise la portée de l’engagement.

L’obligation essentielle permet l’existence du contrat. Sans elle, le contrat n’aurait plus
aucun intérêt.
C’est, pour Pothier, « l’obligation sans laquelle le contrat ne peut subsister. Faute de celle-
ci, il n’y a point du tout de contrat, ou c’est une autre espèce de contrat. »
Concernant l’arrêt Chronopost : il ne s’agissait pas seulement d’une l’obligation de
livraison, mais de célérité et de fiabilité.
Le juge doit donc rechercher quels sont les effets de cette clause sur la substance (cad
l’essence, l’intérêt) du contrat. C’est là encore l’intérêt économique du contrat qui prévaut.

La sanction est ici singulière : réputée non écrite. La clause est supprimée sans remettre
en cause le reste du contrat. Le contrat est maintenu.
Mais est-il possible de maintenir le contrat alors qu’était en cause une obligation
essentielle ? Oui puisque la clause litigieuse étant supprimée, elle ne prive plus de sa
substance l’obligation essentielle et elle permet alors de resituer le contrat dans le giron du
droit commun : donc de pouvoir engager la responsabilité contractuelle.134
Cette sanction du « réputé non écrit » a également ceci de particulier que le juge ne fait que
la reconnaître, la constater et qu’elle n’est donc pas soumise à prescription135.

En pratique, pour éviter un contentieux sur ce fondement, il faut toujours conseiller de


justifier globalement dans le contrat un apparent déséquilibre (par ex en compensant par
d’autres clauses), la jurisprudence n’étant pas pour l’heure clairement établie sur
l’interprétation de ce texte.
134
Mais pas toujours d’effet pratique, puisque pour chronopost, le droit commun réside dans un contrat type
établi par décret qui prévoit un plafond d’indemnisation qui ne peut être écarté qu’en cas de faute lourde.
1 civ., 13 mars 2019.
135 re

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Soc. 3 sept. 2020, n°18-20 869

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000042397798?
tab_selection=all&searchField=ALL&query=arr%C3%AAt+18-
20869&page=1&init=true

C. Le déséquilibre significatif dans les contrats d’adhésion


Ou clause abusive de droit commun

Modifié par Loi n°2018-287 du 20 avril 2018 - art. 7


« Art. 1171.- Dans un contrat d'adhésion, toute clause non négociable, déterminée à
l'avance par l'une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et
obligations des parties au contrat est réputée non écrite.
L'appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l'objet principal du contrat ni
sur l'adéquation du prix à la prestation.

Concrètement, il s’agit d’un dispositif de lutte contre les clauses abusives issu à l’origine du
droit de la consommation et du droit de la concurrence qui est inséré dans le droit commun.
Il y a une recherche ici de l’équilibre du contrat, de la justice contractuelle.
Postulat : le contrat se conçoit en termes de rapport de force inégalitaire et non plus de
contractants sur un pieds d’égalité.

 Champ d’application
Au stade du projet, il était question d’ouvrir ces dispositions à tout contrat (donc par ex vente
immobilière ou bail d’habitation, entre particuliers)
L’ordonnance s’est au contraire employée (incitée par les acteurs du monde économique) à
restreindre et cantonner ce texte aux contrats d’adhésion.
Pourquoi avoir cantonné cette règle aux contrats d’adhésion ? Seuls ces types de contrats sont
propices à un rapport de force avec une nécessaire protection de la partie faible136.
Il y avait également une crainte pour la sécurité juridique : le risque que les transactions
puissent être remises en cause sur ce fondement. Le contrat serait alors fragilisé. Le rapport
136
Initialement prévu pour les contrats entre fournisseur et distributeur dans la grande distribution.

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énonce que cette limitation a été intégrée « afin de répondre aux inquiétudes des
représentants du monde économique, craignant une atteinte à la sécurité des transactions
entre partenaires commerciaux et à l’attractivité du droit français ».
Le contrat d’adhésion est une catégorie que l’on doit à Saleilles.
L’enjeu sera celui de la qualification de ces contrats d’adhésion qui sera lourde de
conséquences137.
À l’origine, au stade de l’ordonnance (avant la loi de ratification), la définition étant la
suivante : « le contrat d’adhésion est celui dont les conditions générales, soustraites à la
négociation, sont déterminées à l’avance par l’une des parties. »
Il était donc fait référence aux conditions générales. Mais cette définition a rapidement posé
des difficultés pratiques. La conception des contrats d’adhésion se référait à l’origine en effet
à des contrats de masse, lorsque l’une des parties ne pouvait que refuser ou accepter d’un bloc
le contrat. Qu’en était-il des contrats dans lesquels seulement une partie du contrat est
négociée (conditions particulières) alors que l’autre ne l’est pas (conditions générales) ?138
Quid également des contrats standardisés, des modèles et des contrats-types ? Peuvent-ils être
qualifiés de contrat d’adhésion ?

Deuxième restriction depuis la loi de ratification : la définition du contrat d’adhésion a été


modifiée.
Rappelons la définition du contrat d’adhésion et contrat de gré à gré :

Modifié par Loi n°2018-287 du 20 avril 2018 - art. 2


« Art. 1110.- Le contrat de gré à gré est celui dont les stipulations sont négociables
entre les parties.
Le contrat d'adhésion est celui qui comporte un ensemble de clauses non
négociables, déterminées à l'avance par l'une des parties. »

Les dispositions de ce texte sont donc seulement applicables aux clauses non négociables et
déterminées à l’avance par l’une des parties.
Pb :
Cela étant, de telles dispositions protectrices, protégeant l’une des parties contre des clauses
qui seraient qualifiées d’abusive, existent déjà dans des textes spéciaux. Le cumul avec les
textes du code du commerce ou du code de la consommation est-il possible ?
On trouve en particulier l’article L. 132-1 C. conso et l’article L. 442-6 I, 2° C. com.139
137
En pratique, il y aura possibilité d’échapper à la qualification de contrat d’adhésion en se préconstituant des
preuves de négociation. On parle de stratégies « d’évitement de la qualification ».
138
Aurait-il fallu scinder le contrat ?
139
ce dernier inclut le déséquilibre économique entre les prestations : son champ d’application est donc plus
large que le droit commun…

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On peut se référer à l’article 1105 du Code civil, alinéa 3 appliquant l’adage specialia
generalibus derogant : « Les règles générales s'appliquent sous réserve de ces règles
particulières. »140 De même, il faut relever que le rapport de même que les travaux
préparatoires énoncent que ce texte ne s’applique qu’aux hypothèses ne relevant pas des
textes spéciaux141.
Que reste-t-il donc dans le champ d’application de l’article 1171 ? En effet, les contrats dans
lesquelles les clauses sont soustraites à la négociation se rencontrent bien plus souvent en
droit de la consommation142 ou en droit commercial143. Cependant, il reste certains contrats.
- contrats conclus par des professions libérales
- contrats conclus entre professionnels mais qui ne réalisent pas une activité de production, de
distribution ou de service (ex. les baux commerciaux, 3e civ., 15 févr. 2018, n°17-11329)
- contrats conclus entre professionnels mais qui ne sont pas qualifiés de partenaires
commerciaux (ex. contrat de fourniture et de maintenance d’un photocopieur, CA Paris, 16
mars 2018, n°16/041114)
Concernant les contrats entre particuliers, il ne sera pas fréquent de rencontrer un contrat dans
lequel certaines clauses sont non négociables. On s’interroge à cet égard au sujet des modèles
de contrat.
Sur ces diverses questions, ce sera la jurisprudence qui devra donner son interprétation du
champ d’application de cet article. La question sera importante dans les années à venir. Elle
dépendra de l’interprétation que la jurisprudence fera de la notion de contrat d’adhésion pour
fixer le périmètre des clauses abusives de droit commun.

Com. 26 janv. 2022, n°20-16.782


https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000042397798?
tab_selection=all&searchField=ALL&query=arr%C3%AAt+18-20869&page=1&init=true

140
Cependant, en principe cet adage s’applique en présence de situations incompatibles. Ce qui n’est pas
nécessairement le cas en droit des contrats. Il n’y pas d’antinomie entre les deux textes. Les deux textes seraient
donc possibles. Opter pour l’un ou l’autre est-il possible ? L’intérêt de la compétence juridictionnelle sera donc
important. Concernant la procédure en droit commercial, s’agissant d’une pratique restrictive de concurrence, il
faudra agir devant l’un des huit tribunaux spécialisés (art. D. 442-3 C. com.)
141
Cependant, il peut y avoir un intérêt à se fonder sur le droit commun et non sur un texte spécial. La
jurisprudence devra ici se fixer.
142
Rappel du champ d’application du droit de la consommation (loi Hamon 17 mars 2014 et loi du 21 février
2017 qui a simplifié les définitions). Il s’agit des relations entre un professionnel et un consommateur ou un non
professionnel. Selon les définitions suivantes :
- consommateur : toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité
commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole.
- non-professionnel : toute personne morale qui n’agit pas à des fins professionnelles
- professionnel : toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui agit à des fins entrant dans le cadre
de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, y compris lorsqu’elle agit au nom ou
pour le compte d’un autre professionnel.
143
Régit les relations entre commerçants.

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 Notion de clause créant un déséquilibre significatif

L’article 1171 vise toute clause qui crée un déséquilibre significatif. La loi de ratification a
ajouté la mention « non négociable, déterminée à l’avance par l’une des parties », soit « toute
clause non négociable, déterminée à l’avance par l’une des parties », rappelant ainsi la
définition du contrat d’adhésion.
Le déséquilibre significatif : cette notion est floue, mais elle reste un critère d’appréciation :
c’est un standard juridique. Le déséquilibre doit être suffisamment important
(« significatif »)144.
Comment apprécier l’existence d’un déséquilibre significatif ? L’appréciation de ce
déséquilibre doit être objective (cad ne pas résulter du comportement de l’un des
contractants).
Ce déséquilibre doit porter sur les droits et obligations des parties.
Seule limite imposée au juge : ce n’est pas le déséquilibre en valeur qui est apprécié.
Alinéa 2 : « L'appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l'objet principal du
contrat ni sur l'adéquation du prix à la prestation. »145
De même, l’essentiel du contrat ne doit pas être touché, puisqu’il s’agit du cœur du contrat (il
faut se tourner dans ce cas vers d’autres fondements impliquant des sanctions plus lourdes).
C’est encore la jurisprudence qui fixera le curseur du déséquilibre significatif

 Sanction

Si la clause est considérée comme abusive en ce qu’elle crée un déséquilibre significatif entre
les droits et obligations des parties, elle est réputée non écrite. Le contrat survit, seule la
clause est annulée146.

144
Les droits spéciaux font la distinction entre un déséquilibre en valeur et un déséquilibre en pouvoir.
145
Il s’agit d’une limite déjà présente en droit de la consommation où la notion de clause abusive est importante.
Cette limite n’existe pas cependant dans le Code de commerce. Les clauses abusives s’appliquent-elles au prix
en droit commercial ? Il existe un débat, malgré l’existence d’une jurisprudence (Cass. Com. 25 janv. 2017,
n°15-23 547).

Puisque la clause ne peut porter sur l’objet principal du contrat, la sanction n’a pas d’incidence sur la survie
146

du contrat, qui se poursuit, hormis la clause annulée.

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CHAPITRE 3 – LES SANCTIONS DES CONDITIONS


DE FORMATION DU CONTRAT

Section préliminaire / NULLITÉS : NOTION

Article 1178
Un contrat qui ne remplit pas les conditions requises pour sa validité est nul. La
nullité doit être prononcée par le juge, à moins que les parties ne la constatent d'un
commun accord.
Le contrat annulé est censé n'avoir jamais existé.
Les prestations exécutées donnent lieu à restitution dans les conditions prévues aux
articles 1352 à 1352-9.
Indépendamment de l'annulation du contrat, la partie lésée peut demander
réparation du dommage subi dans les conditions du droit commun de la
responsabilité extracontractuelle.

La nullité est la sanction des conditions de formation du contrat. Si l’une des conditions n’est
pas remplie, c’est la validité du contrat qui est en jeu. Le contrat est donc annulable. La nullité
est encourue. Le juge pourra prononcer la nullité du contrat.
La nullité provoque l’anéantissement rétroactif du contrat. Celui-ci est censé n’avoir
jamais existé. En conséquence, des restitutions devront s’opérer s’il y a lieu. De même, la
nullité peut aussi s’accompagner de dommages et intérêts dès lors que la responsabilité civile
extracontractuelle pourra être engagée (faute résultant d’un dol ou de la violence par ex
entrainant un préjudice).

En résumé : Nullité :
Fonction : sanction des conditions de formation du contrat
Effet : anéantissement rétroactif du contrat.

Il convient avant tout de distinguer la nullité des autres sanctions.

§1. Distinction avec les autres notions

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 La résolution : elle sera étudiée concernant la phase d’exécution du contrat. L’effet


est le même : un anéantissement rétroactif du contrat. Mais le fondement (la fonction)
est différent : elle ne sanctionne le contrat qu’au titre des fautes commises lors de
l’exécution du contrat et non au moment de sa formation. Elle sanctionne
l’inexécution ou la mauvaise exécution par l’une des parties d’un contrat qui est
valable.

 L’inopposabilité : la fonction est la même que la nullité. Elle sanctionne la formation


du contrat. Cependant, elle diffère dans ses effets : le contrat est sans effet seulement à
l’égard des tiers. Il reste obligatoire entre les parties. La nullité s’applique quant à
elle, erga omnes (à l’égard de tous). L’opposabilité sanctionne une règle de formation
qui vise la protection des tiers (ex. défaut de publicité d’un acte).

 La caducité : elle est définie par les textes ci-dessous. Le contrat est valablement
formé mais un perd l’un de ses éléments essentiels. Le contrat perd son efficacité.
Les nouveaux textes ne précisent pas ce qu’il en est de la rétroactivité de la sanction.
On sait seulement que « la caducité met fin au contrat » (art. 1187). Cela laisserait
penser que la disparition du contrat ne vaut que pour l’avenir. Cependant, l’alinéa 2
ouvre la voie à des restitutions ce qui laisserait penser à une possible rétroactivité. On
peut interpréter ces textes comme la disparition du contrat pour l’avenir avec une
possibilité de restitutions147.

Article 1186

Un contrat valablement formé devient caduc si l'un de ses éléments essentiels disparaît.

Lorsque l'exécution de plusieurs contrats est nécessaire à la réalisation d'une même opération et que
l'un d'eux disparaît, sont caducs les contrats dont l'exécution est rendue impossible par cette
disparition et ceux pour lesquels l'exécution du contrat disparu était une condition déterminante du
consentement d'une partie.

La caducité n'intervient toutefois que si le contractant contre lequel elle est invoquée connaissait
l'existence de l'opération d'ensemble lorsqu'il a donné son consentement.

Article 1187

La caducité met fin au contrat.

Elle peut donner lieu à restitution dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9.

§2. Distinction nullité relative / nullité absolue

147
qui ne doit pas être interprétée comme une règle de principe imposant la rétroactivité

92
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Auparavant, le Code civil ne formulait pas expressément les deux sortes de nullité, dont la
distinction était doctrinale.
La théorie classique (XIXe siècle) se fondait sur une conception anthropomorphique du
contrat qui serait considéré comme un être vivant composé d’organes. Il y aurait ainsi des
éléments essentiels permettant l’existence du contrat (organe essentiel : absence de
consentement, d’objet ou de cause), pour lesquels la nullité serait absolus car considérés
comme des « maladies inguérissables ». A côté, il y aurait des maladies moins graves, en ce
qu’elles sont guérissables, du type vices du consentement, qui n’encourraient que la nullité
relative. Le critère est celui de la gravité du vice affectant la constitution de l’acte.
La théorie moderne (XXe siècle), est issue de critiques de la théorie classique, conçue comme
arbitraire. Est alors retenu un critère téléologique, fondé sur l’intérêt protégé (distinction
proposée par E. Japiot en 1909). Si la règle vise à protéger les intérêts de l’une des parties au
contrat, la nullité est relative. Si elle vise à protéger l’intérêt général, la nullité est absolue.
Cette théorie fut soutenue par les projets Terré et Catala.

Cette distinction est celle qui a été retenue clairement par la réforme148.

Pour autant, certaines interrogations demeurent : existe-t-il une frontière entre ces deux
nullités ? Si la protection vise un intérêt privé, celle-ci est-elle exclusive de la protection de
l’intérêt général ? Qu’est-ce d’ailleurs que l’intérêt général ? Recouvre-t-il la notion d’ordre
public ? Quid des droits fondamentaux ?149 La vision semble pour certains manichéenne et il
existe des incertitudes.

Article 1179
La nullité est absolue lorsque la règle violée a pour objet la sauvegarde de l'intérêt
général.

Elle est relative lorsque la règle violée a pour seul objet la sauvegarde d'un intérêt
privé.

Article 1180
La nullité absolue peut être demandée par toute personne justifiant d'un intérêt, ainsi
que par le ministère public.

148
La jurisprudence avait pu se positionner, même si certains considèrent que l’arrêt demeurait dogmatique :
Cass. com. 22 mars 2016. Adde Mixte, 24 févr. 2017.
149
Ceux-là protègent en effet les intérêts de l’une des parties, mais leur caractère fondamental inviterait à les
soumettre au régime de la nullité absolue. C’était d’ailleurs ce que prévoyait le projet Catala.

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Elle ne peut être couverte par la confirmation du contrat.

Article 1181
La nullité relative ne peut être demandée que par la partie que la loi entend protéger.

Elle peut être couverte par la confirmation.

Si l'action en nullité relative a plusieurs titulaires, la renonciation de l'un n'empêche


pas les autres d'agir.

SECTION 1/ L’ACTION EN NULLITÉ

§1. Le fondement

Les règles de formation du contrat peuvent prévoir elles-mêmes la sanction de la nullité. La


nullité est textuelle en ce qu’elle est expressément prévue par le législateur.
En l’absence de texte, l’adage « pas de nullité sans texte » ne s’applique pas en matière
contractuelle. Le juge peut prononcer la nullité en déduisant cette sanction de l’atteinte portée
aux règles de formation du contrat. La nullité est alors virtuelle.
La nullité peut être obligatoire ou facultative. Elle est obligatoire lorsqu’elle est de droit. Cad
que le juge doit la prononcer s’il constate que les conditions sont réunies. La nullité est
facultative lorsque le juge dispose d’un pouvoir discrétionnaire de prononcer ou de ne pas
prononcer la nullité alors que les conditions sont réunies (de telles nullités sont prévues par la
loi). La nullité est par principe obligatoire.
Cette distinction ne recouvre pas la distinction nullité relative/nullité absolue.

§2. Les titulaires

Rappelons avant tout le droit commun en matière de procédure, concernant la recevabilité des
actions en justice (art. 31 C. proc. Civ.) Pour agir en justice, il faut avoir un intérêt à agir.
Il faut distinguer selon que la nullité est relative ou absolue.
Nullité relative :
L’article 1181 est clair : La nullité relative ne peut être demandée que par la partie que la loi
entend protéger.

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Nullité absolue :
L’article 1180 est également sans ambiguïté : La nullité absolue peut être demandée par toute
personne justifiant d'un intérêt, ainsi que par le ministère public.
Cependant, toute personne souhaitant agir devra avoir un intérêt à agir en annulation du
contrat.

§3. La prescription

La prescription a pour effet d’éteindre l’action en nullité. Elle opère erga omnes.

Article 1185
L'exception de nullité ne se prescrit pas si elle se rapporte à un contrat qui n'a reçu
aucune exécution.

L’action en nullité peut s’exercer de deux façons :


- par voie d’action. Le demandeur intente directement une action en nullité du contrat devant
le juge. Il prend l’initiative de l’action en nullité.
- par voie d’exception. Dans ce cas, la nullité est invoquée en tant que moyen de défense.
L’une des parties (créancier) demande en justice au débiteur d’exécuter son contrat. Le
débiteur peut répondre en demandant (sorte de demande reconventionnelle en nullité), en
invoquant la nullité du contrat. La nullité est invoquée par voie d’exception.
Il faut donc distinguer selon que la nullité est invoquée par voie d’action ou par voie
d’exception.
Par voie d’action.
C’est le principe. Il faut préciser qu’avant la réforme de la prescription, le délai était différent
selon que la nullité était relative ou absolue. La nullité relative se prescrivait par 5 ans alors
que la nullité absolue par 30 ans. Depuis la réforme du 17 juin 2008 (loi n°2008-561), le délai
a été unifié. La prescription extinctive de droit commun est de 5 ans et elle est applicable que
la nullité soit relative ou absolue (art. 2224 du Code civil).
Concernant le point de départ de l’action en nullité, il se situe en principe au jour de la
conclusion du contrat. Cependant, il a déjà été vu que concernant les vices du consentement,
le délai commence à courir à compter du moment où le vice a été connu. De même, la
violence aménage le point de départ à compter de la cessation de la violence (art. 1144 C.
civ.)
De façon générale, le législateur tient compte de l’impossibilité d’agir du titulaire de l’action
en nullité. L’article 2224 énonce que « La prescription ne court pas ou est suspendue contre
celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi, de la

95
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convention ou de la force majeure. » Cependant, il existe une limite : le report du point de


départ du délai ne peut avoir pour effet de porter le délai au-delà de 20 ans après la naissance
du droit (date de conclusion du contrat). Ce délai butoir est prévu à l’article 2232 du Code
civil : « Le report du point de départ, la suspension ou l'interruption de la prescription ne
peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de vingt ans à
compter du jour de la naissance du droit. »
21/ 09 /2000 21 /09 /2017

Contrat découverte vice + 5 ans = 2022

mais délai butoir de 20 ans à compter de la conclusion du contrat donc 21/ 09 /2000 + 20 =
2020. Aujourd’hui, le 12 /10/ 22, l’action est prescrite.

Par voie d’exception


« Ce qui est temporaire par voie d’action en justice est perpétuel par voie d’exception (de
moyen de défense) »150. En conséquence, la nullité invoquée par voie d’exception ne s’éteint
pas, l’action étant perpétuelle. Cette règle se retrouve à l’article 1185 du Code civil :
« L'exception de nullité ne se prescrit pas si elle se rapporte à un contrat qui n'a reçu aucune
exécution. »
L’action en nullité par voie d’exception est donc perpétuelle, à la condition que le contrat
n’ait reçu aucune exécution. Il ne doit pas y avoir eu de commencement d’exécution 151. Il
s’agit d’une consécration de la jurisprudence152.

§4. La nullité conventionnelle


Article 1178
Un contrat qui ne remplit pas les conditions requises pour sa validité est nul. La
nullité doit être prononcée par le juge, à moins que les parties ne la constatent d'un
commun accord.

En principe, la nullité doit résulter d’une décision judiciaire. Cependant, la réforme a introduit
une forme de nullité conventionnelle à l’art. 1178. Les parties peuvent donc constater la
nullité d’un commun accord. On peut s’interroger sur la portée pratique de cette nouvelle
disposition153. En effet, nous verrons qu’en principe, dès lors que les parties sont d’accord,
elles peuvent toujours défaire ce qu’elles ont fait, c’est le mutuus dissensus. L’intérêt
résiderait alors certainement dans la rétroactivité.
150
Qua temporalia sunt ad agendum, perpetua sunt ad axcipiendum.
151
1ère civ. 4 mai 2012
152
1ère civ. 1er déc. 1998
153
On sait aussi que la nullité est souvent invoquée en cas de litige…

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SECTION 2/ LA CONFIRMATION
Article 1182
« La confirmation est l'acte par lequel celui qui pourrait se prévaloir de la nullité y
renonce. Cet acte mentionne l'objet de l'obligation et le vice affectant le contrat.
La confirmation ne peut intervenir qu'après la conclusion du contrat.
L'exécution volontaire du contrat, en connaissance de la cause de nullité, vaut
confirmation. En cas de violence, la confirmation ne peut intervenir qu'après que la
violence a cessé.
La confirmation emporte renonciation aux moyens et exceptions qui pouvaient être
opposés, sans préjudice néanmoins des droits des tiers. »

La confirmation est la renonciation à l’action en nullité. La renonciation confirme le contrat


qui aurait pu être annulé.
L’article 1182 définit la confirmation comme « est l'acte par lequel celui qui pourrait se
prévaloir de la nullité y renonce. »
La confirmation laisse subsister l’irrégularité du contrat. Elle n’agit que sur la sanction. En
cela, elle se distingue de la régularisation et de la réfection du contrat.
La régularisation : elle consiste à réparer le vice (l’irrégularité) affectant l’acte. L’acte
devient alors valable à l’égard de tous de manière rétroactive.
La réfection154 du contrat : il s’agit d’un nouveau contrat passé par les parties ne contenant
pas la cause de nullité du précédent. Il est destiné à se substituer au contrat initial irrégulier.
De même, la ratification doit être distinguée de la confirmation. Elle consiste en l’acte par
lequel une personne approuve l’acte accompli pour elle. Elle se retrouve dans certains cas
précis (dépassement de pouvoir du mandataire, gestion d’affaire, etc.)

§1. Domaine

La confirmation ne trouve application qu’en cas de nullité relative.


Les actes entachés de nullité absolue ne sont pas susceptibles de confirmation. L’idée de
protection de l’intérêt général s’y oppose.

§2. Conditions de fond

- la confirmation doit émaner de la personne titulaire de l’action en nullité.


154
A différencier de la réfaction du contrat qui consiste en une diminution du prix.

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- cette personne doit connaître le vice affectant l’acte (à défaut, la renonciation est nulle pour
absence de consentement)
- l’auteur de la confirmation doit avoir l’intention de renoncer à invoquer la nullité pour
réparer le vice. Le principe en matière de renonciation s’applique : la renonciation ne se
présume pas. En conséquence, l’intention doit être non équivoque.
- la confirmation doit intervenir après la conclusion du contrat, ce qu’impose expressément
l’alinéa 2 de l’art. 1182.

§3. Conditions de forme

La confirmation peut être expresse ou tacite.

Confirmation expresse :
Si elle est écrite, elle doit mentionner le contrat nul, l’objet de l’obligation, le vice affectant le
contrat et l’intention d’y renoncer (art. 1182 al. 1). Ces exigences sont requises ad
probationem.

Confirmation tacite :
Elle est prévue par l’alinéa 3 de l’art. 1182 : « L'exécution volontaire du contrat, en
connaissance de la cause de nullité, vaut confirmation. » On considère qu’une exécution
partielle suffit. « en connaissance de cause » permet de s’assurer que l’auteur de la
confirmation avait connaissance du vice et qu’il a donc l’intention de renoncer à agir en
nullité. Cette exigence permet de démontrer que l’intention est non équivoque.

Précisons qu’en cas de violence, l’art. 1182 al. 3 prévoit que la confirmation tacite suppose
que la violence ait cessé. De même, en cas de minorité, la confirmation ne peut intervenir que
lors de la majorité.

§4. Effets

La confirmation emporte extinction de l’action en nullité. Le contrat peut donc être exécuté.
Il est considéré comme valable dès l’origine (dans le cas où l’auteur de la confirmation est le
seul titulaire de l’action en nullité).
La confirmation est irrévocable.
Précision importante : la confirmation n’a d’effet qu’à l’égard de son auteur. Les actions en
nullité appartenant aux tiers ne sont pas affectées (par ex. si l’action en nullité a plusieurs
titulaires). L’alinéa 4 de l’art. 1182 énonce en effet que « La confirmation emporte

98
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renonciation aux moyens et exceptions qui pouvaient être opposés, sans préjudice néanmoins
des droits des tiers ».

§5. Action interrogatoire


« Article 1183
Une partie peut demander par écrit à celle qui pourrait se prévaloir de la nullité soit
de confirmer le contrat soit d'agir en nullité dans un délai de six mois à peine de
forclusion. La cause de la nullité doit avoir cessé.
L'écrit mentionne expressément qu'à défaut d'action en nullité exercée avant
l'expiration du délai de six mois, le contrat sera réputé confirmé. »

En présence d’un contrat vicié, la situation est incertaine durant le délai de prescription de
l’action en nullité. Il serait alors utile de s’assurer que le titulaire de l’action en nullité ne
viendra pas, de manière opportune, annuler l’opération.
L’article 1183 prévoit une nouvelle action interrogatoire. C’est là encore une innovation de la
réforme. Il s’agit d’une reprise des idées issues du projet Catala. La ligne directrice est la
prévention et la sécurisation des transactions. À l’image de l’action interrogatoire relative au
pacte de préférence, le texte impose certaines conditions.
- la cause de nullité doit avoir cessé pour exercer cette interpellation interrogatoire. La
disposition est importante concernant les vices, en particulier la violence (mais est moins
pertinente pour les autres causes de nullité).
- l’interrogation est réalisée par écrit : la partie interpellée doit se positionner. Soit elle
confirme le contrat, soit elle agit en nullité.
- cet écrit mentionne qu’à défaut d’action en nullité exercée avant l’expiration d’un délai de 6
mois, le contrat est réputé confirmé (mention obligatoire).

Ainsi, en l’absence de réponse du titulaire de l’action en nullité au-delà du délai de 6 mois,


celui-ci ne pourra plus agir en nullité puisque le contrat est réputé confirmé. Le contrat peut
donc être exécuté sans risque d’être annulé sur ce fondement.

SECTION 3/ LES EFFETS DE LA NULLITÉ


Article 1178
Un contrat qui ne remplit pas les conditions requises pour sa validité est nul. La nullité doit
être prononcée par le juge, à moins que les parties ne la constatent d'un commun accord.
Le contrat annulé est censé n'avoir jamais existé.
Les prestations exécutées donnent lieu à restitution dans les conditions prévues aux articles
1352 à 1352-9.

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Indépendamment de l'annulation du contrat, la partie lésée peut demander réparation du


dommage subi dans les conditions du droit commun de la responsabilité extracontractuelle.

Que la nullité soit relative ou absolue, les effets sont les mêmes : anéantissement rétroactif
du contrat.

§1. L’étendue de la nullité


Article 1184
Lorsque la cause de nullité n'affecte qu'une ou plusieurs clauses du contrat, elle n'emporte
nullité de l'acte tout entier que si cette ou ces clauses ont constitué un élément déterminant
de l'engagement des parties ou de l'une d'elles.
Le contrat est maintenu lorsque la loi répute la clause non écrite, ou lorsque les fins de la
règle méconnue exigent son maintien.

La nullité peut être totale ou partielle. La nullité partielle réside dans une clause « réputée
non écrite ». La cause de nullité n’intéresse qu’une clause du contrat et non l’ensemble de
l’acte. Elle n’affecte donc que ladite clause qui est réputée non écrite alors que l’acte subsiste.
Le contrat est maintenu.
L’article 1184 prévoit que lorsque la cause de nullité n’affecte qu’une clause du contrat, elle
ne peut emporter nullité de l’acte entier que lorsque la clause a constitué un élément
déterminant de l’engagement des parties155.

§2. La rétroactivité

La nullité emporte anéantissement rétroactif. Le contrat étant censé n’avoir jamais existé,
les parties doivent être placées dans la situation dans laquelle elles étaient au jour de la
conclusion du contrat. Ceci implique donc des restitutions s’il y a lieu. Les textes sont
nombreux sur cette question. Depuis l’ordonnance, il existe un chapitre entier dans le Code
civil consacré aux restitutions156.
On retiendra seulement certains points :
En principe, la restitution157 a lieu en nature. Concernant un prix, le principe étant le
nominalisme monétaire, la restitution porte sur la même somme que celle qui a été reçue. Si

155
Précisons que les parties peuvent convenir du caractère déterminant de telle ou telle clause (sauf texte
spécial), Com. 27 mars 1990.
156
Auparavant les restitutions étaient traitées avec la répétition de l’indu.
157
Selon la Cour de cassation, la restitution « ne constitue pas par elle-même un préjudice indemnisable ouvrant
droit à réparation », 3e civ., 8 avr. 2009, n°07-19.690 ; 14 déc. 2017, nn°16-24.170.

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la restitution en nature est impossible (le bien a disparu ou a été consommé), elle se fera en
valeur158.
Le problème concernant les restitutions portera sur une prestation. Comment restituer le
travail d’un ouvrier ou l’occupation d’un immeuble ?
La restitution semble en effet impossible pour de tels contrats à exécution successive (type
contrat de travail également). Dans ces situations la restitution s’opèrera par équivalent, sous
forme d’une indemnité compensatrice. Cela permet d’éviter d’un enrichissement injustifié
de l’une des parties par rapport à l’autre159.

Il faut également noter que la bonne foi ou la mauvaise foi du débiteur a une incidence sur les
restitutions :
- en application d’une règle issue du droit des biens, selon laquelle les fruits sont acquis par le
possesseur de bonne foi, la rétroactivité est écartée concernant lesdits fruits. Par exemple, si
l’acquéreur ignorait que le contrat était affecté d’une cause de nullité, il est possesseur de
bonne foi et peut garder les fruits (par ex, les revenus générées par un immeuble acquis puis
mis en location ou encore les intérêts concernant une somme d’argent).
- en cas de détérioration 160 ou de dégradation, l’article 1352-1 prévoit que celui qui restitue la
chose en répond, sauf s’il est de bonne foi.
La difficulté de la prise en compte de la bonne foi réside dans l’introduction d’une
appréciation subjective au sein d’un mécanisme objectif qu’est celui des restitutions.

Enfin, rappelons que la nullité peut laisser subsister un préjudice qui pourra donc être réparé
en application des règles de la responsabilité civile extracontractuelle (le contrat n’ayant
jamais existé). L’action en responsabilité peut être engagée de façon indépendante, alors
même que la nullité n’a pas été demandée161.

Article 1352

La restitution d'une chose autre que d'une somme d'argent a lieu en nature ou, lorsque cela est
impossible, en valeur, estimée au jour de la restitution.

Article 1352-1

Créé par Ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 - art. 3

Celui qui restitue la chose répond des dégradations et détériorations qui en ont diminué la valeur, à
moins qu'il ne soit de bonne foi et que celles-ci ne soient pas dues à sa faute.

158
A quelle date s’effectue l’évaluation ? Selon la jurisprudence, à la date de conclusion du contrat. Mais depuis
l’ordonnance, à la valeur au jour de la restitution. Le débiteur de la restitution ne profite pas de la plus-value, ni
ne souffre de la moins-value s’il n’en est pas responsable.
159
Ce qui se rapproche des mêmes effets que la résiliation à la différence que le juge apprécie souverainement le
montant qui n’est pas nécessairement égal au montant que le contrat nul prévoyait.
160
A différencier de l’usure dans le cadre d’une utilisation normale.
161
Intéressant si l’action est prescrite ou que les restitutions ne présentent aucun intérêt.

101
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Article 1352-2

Celui qui l'ayant reçue de bonne foi a vendu la chose ne doit restituer que le prix de la vente.

S'il l'a reçue de mauvaise foi, il en doit la valeur au jour de la restitution lorsqu'elle est supérieure au
prix.

Article 1352-3

La restitution inclut les fruits et la valeur de la jouissance que la chose a procurée.

La valeur de la jouissance est évaluée par le juge au jour où il se prononce.

Sauf stipulation contraire, la restitution des fruits, s'ils ne se retrouvent pas en nature, a lieu selon une
valeur estimée à la date du remboursement, suivant l'état de la chose au jour du paiement de
l'obligation.

Modifié par Loi n°2018-287 du 20 avril 2018 - art. 13

Article 1352-4

Les restitutions dues par un mineur non émancipé ou par un majeur protégé sont réduites à hauteur
du profit qu'il a retiré de l'acte annulé.

Conformément aux dispositions du I de l'article 16 de la loi n° 2018-287 du 20 avril 2018, les


modifications apportées par ladite loi aux dispositions de l'article 1352-4 ont un caractère interprétatif.

Article 1352-5

Pour fixer le montant des restitutions, il est tenu compte à celui qui doit restituer des dépenses
nécessaires à la conservation de la chose et de celles qui en ont augmenté la valeur, dans la limite de
la plus-value estimée au jour de la restitution.

Article 1352-6

La restitution d'une somme d'argent inclut les intérêts au taux légal et les taxes acquittées entre les
mains de celui qui l'a reçue.

Article 1352-7

Celui qui a reçu de mauvaise foi doit les intérêts, les fruits qu'il a perçus ou la valeur de la jouissance
à compter du paiement. Celui qui a reçu de bonne foi ne les doit qu'à compter du jour de la demande.

Article 1352-8

La restitution d'une prestation de service a lieu en valeur. Celle-ci est appréciée à la date à laquelle
elle a été fournie.

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TITRE 3 – L’EXÉCUTION DU CONTRAT

CHAPITRE 1 – LES EFFETS DU CONTRAT

Le contrat étant valablement formé, il faut à présent s’intéresser à ses effets.


Rappelons que le contrat est un accord de volonté destiné à créer des obligations. Ces
obligations engagent les parties. Le contrat produit également des effets vis-à-vis des tiers.

SECTION 1 / EFFETS ENTRE LES PARTIES

§1 / La force obligatoire

art 1193
Les contrats ne peuvent être modifiés ou révoqués que du consentement mutuel des
parties, ou pour les causes que la loi autorise.

Auparavant, la formule (célèbre !) étant la suivante : « Les conventions légalement formées


tiennent de lieu de loi à ceux qui les ont faites » article 1134 anc CC.
Article 1103
Modifié par Ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 - art. 2
Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

Le contrat a donc force obligatoire. Il oblige les parties qui y sont engagées. Ainsi, le débiteur
est tenu d’exécuter son obligation. S’il ne le fait pas, il pourra y être contraint (V. infra, les
sanctions de l’inexécution du contrat et en particulier l’exécution forcée). En principe, le
cocontractant ne peut pas revenir sur son engagement.
Il faut se souvenir que la force obligatoire est en lien avec l’autonomie de la volonté (et la
liberté contractuelle). Les parties se lient par contrat et s’obligent par le contrat qu’elles ont
voulu, qu’elles ont créé et qu’elles ont conçu clause par clause.

§2/ L’interprétation du contrat

Le Code civil prévoit un certain nombre de textes visant à guider le juge dans l’interprétation
du contrat. Le contrat étant la loi des parties, le juge ne doit pas en principe s’immiscer dans
celui-ci. Cependant, dans certains cas, le juge devra interpréter le contrat ou certaines clauses
qui sont obscures, contradictoires, équivoques ou ambiguës. L’interprétation ne doit donc

103
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avoir lieu que si elle est nécessaire. Sinon, le risque est celui de la dénaturation. L’article 1192
consacre ce principe.
Auparavant, le Code civil contenait 9 articles en ce sens, qualifiés de « guide-âne » selon
Carbonnier. La réforme passe de 9 à 5 articles.

Le principe est celui de la recherche de la volonté des parties : « la commune intention des
parties » (art. 1188)

art 1188
Le contrat s'interprète d'après la commune intention des parties plutôt qu'en
s'arrêtant au sens littéral de ses termes.
Lorsque cette intention ne peut être décelée, le contrat s'interprète selon le sens que
lui donnerait une personne raisonnable placée dans la même situation.

L’ancien article 1162 prévoyait l’interprétation des clauses dans un sens plus favorable au
consommateur. Le nouvel article 1190 comprend les contrats d’adhésion.

art 1190
Dans le doute, le contrat de gré à gré s'interprète contre le créancier et en faveur du
débiteur, et le contrat d'adhésion contre celui qui l'a proposé.

art 1192
On ne peut interpréter les clauses claires et précises à peine de dénaturation.

art 1194
Les contrats obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les
suites que leur donnent l'équité, l'usage ou la loi.

C’est surtout cet art. 1194 qui attire l’attention. Cet article reprend l’ancien art. 1135.
Précisons que l’interprétation est une question de fait qui relève des juges du fond (Ch.
Réunies, 2 févr. 1808). La Cour de cassation a seulement pour rôle d’unifier la jurisprudence
sur ce point. Cependant son rôle s’est accru.
Sur le fondement de l’ancien art. 1135, les juges ont pu interpréter le contrat jusqu’à découvrir
l’existence de nouvelles obligations qui n’étaient pas prévues initialement par les parties.

104
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Reprenons l’article 1194 :


- renvoi aux usages : Ces usages existent par exemple dans le cadre de certains types de
contrat (ex contrat de publicité) ou dans le cadre d’une profession. L’existence de l’usage
relève de l’appréciation souveraine des juges du fond. Cependant, les juges doivent constater
que les parties ont bien adhéré à cet usage, qu’elles ont entendu expressément l’adopter.
Évidemment, un usage ne peut prévaloir sur une règle d’ordre public (Com. 18 mars 1997), il
est supplétif et ne s’applique qu’en cas de silence de la convention.
- renvoi à l’équité : il s’agit de se référer à l’appréciation du juge qui effectuera une pesée des
intérêts. Cette disposition a été le fondement du pouvoir créateur du juge dans le contrat. Sur
le fondement de l’art. 1135 ancien, la Cass. a dégagé des obligations prétoriennes :
 Obligation de sécurité :
Naissance : arrêt du 21 nov. 1911. Il existe dans le contrat de transport une obligation de
sécurité qui est donc contractuelle, qui consiste pour le transporteur en l’obligation de
conduire le voyageur sain et sauf à destination. Cette jurisprudence a ensuite été étendue aux
bagages transportés (1re civ., 9 juill. 2015).
Cette obligation concerne l’exécution du contrat de transport : elle existe à partir du moment
où le voyageur commence à monter dans le véhicule, jusqu’au moment où il achève d’en
descendre.
Cette obligation de sécurité a été ensuite étendue au contrat entre l’exploitant de télésiège de
remontée mécanique et l’usager162. L’extension s’est poursuivie, avec l’exploitation de
toboggan, de manèges forains (auto-tamponneuses, balançoires etc.) ou encore les pistes de
luge.
La question de la qualification entre obligation de moyen et de résultat a toute sa place. Nous
reviendrons sur cette qualification et ses effets lorsque sera abordée la responsabilité
contractuelle.
Cette obligation prétorienne de sécurité a également une place importante en droit du travail.
L’employeur est tenu, en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, d’une obligation de
sécurité de résultat qui rend l’employeur responsable de plein droit (il n’est pas nécessaire,
s’agissant d’une obligation de résultat, de prouver une faute puisqu’il suffit que le résultat
n’ait pas été atteint). Exemples d’applications : maladies professionnelles, accidents du
travail, harcèlement, etc.
L’extension est telle que l’obligation de sécurité se trouve également concernant des contrats
liés à l’hébergement ou à l’accueil du public.

 Obligation de conseil
La jurisprudence a utilisé l’article 1135 ancien pour créer une obligation de conseil. On
rappelle qu’un devoir d’information a été consacré au cours des négociations
précontractuelles (art. 1112-1 CC). Avant même cette consécration, la jurisprudence a dégagé

162
1re civ., 10 mars 1998. Il s’agit d’une obligation de résultat mais d’une obligation de moyen lors de
l’embarquement en raison du rôle actif de l’usager.

105
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une obligation d’information et de conseil pesant sur l’assureur et les banques. Cette
obligation implique un devoir de mise en garde163.
Une obligation d’information existe également pour le médecin sur les risques de
l’intervention. Mais le fondement est désormais légal (loi du 4 mars 2002, art. L. 1111-2
CSP).
Le devoir d’information se retrouve aussi concernant les agences de voyage (ex : informer des
conditions d’utilisation précises du billet parmi lesquelles figurent les formalités d’entrée sur
le territoire de l’Etat de destination, 1re civ., 7 févr. 2006, comp. 24 nov. 1998).
Précisons enfin que d’autres professionnels tels que les rédacteurs d’actes sont soumis à un tel
devoir de conseil.

§3/ Le contrat dans le temps

A/ La durée du contrat

L’article 1193 est clair :


art 1193
Les contrats ne peuvent être modifiés ou révoqués que du consentement mutuel des parties,
ou pour les causes que la loi autorise.

Une partie ne peut révoquer unilatéralement son engagement. Il s’agit d’un corollaire de la
force obligatoire du contrat.
Ce que la volonté a fait, la volonté peut le défaire = Mutuus dissensus
La révocation peut donc avoir lieu par le consentement mutuel des parties.
Les parties peuvent se réserver le droit de mettre fin au contrat, par ex. dans un contrat de bail
ou un contrat d’assurance. Les textes spéciaux prévoient ces possibilités.
De même, une clause de dédit est possible. Cette clause permet de se délier du contrat en
payant à l’autre une indemnité fixée à l’avance. Il en est ainsi par ex. des arrhes. Elles
permettent à l’acheteur de ne pas donner suite au contrat en abandonnant les arrhes. Fréquent
dans les contrats de réservation (ex. pour des hébergement touristiques).
Les parties peuvent également prévoir une condition résolutoire (vu précédemment).
En principe : les parties ne peuvent mettre fin unilatéralement à leur engagement.
Cependant, l’art. 1210 énonce :
art 1210
Les engagements perpétuels sont prohibés.

163
Ex pour un prêt, cette obligation vise à vérifier les capacités financières du client.

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Chaque contractant peut y mettre fin dans les conditions prévues pour le contrat à durée
indéterminée.

Ces règles doivent en effet s’accorder avec un autre principe du droit des contrats :
la prohibition des engagements perpétuels.
La loi prévoit donc une faculté de résiliation unilatérale applicable aux contrats à durée
indéterminée. Certains textes spéciaux l’exigeaient déjà (ex contrat de travail ou bail). Mais
cette faculté est généralisée dès lors qu’il s’agit d’un CDI.
Cette faculté n’a de sens que concernant les contrats s’étalant dans le temps, soit, les contrats
à exécution successive.
Il faut donc faire une distinction selon que le contrat est à durée déterminée ou à durée
indéterminée.
 Le contrat à durée indéterminée
On l’a dit, le principe est donc celui d’une faculté de résiliation unilatérale. L’article 1211
pose cependant certaines conditions. Il faut respecter un délai de préavis qui, s’il n’est pas
contractuellement prévu, doit être raisonnable164. Est donc exclue la résiliation brutale 165. La
jurisprudence a précisé que « la faculté de résiliation unilatérale ne constitue pas une
prérogative discrétionnaire, l’auteur de la rupture qui n’avertit pas son cocontractant quelques
temps à l’avance, afin de lui permettre de retrouver un nouveau partenaire, rompt
abusivement »166. Pour autant, pour résilier, il n’est pas nécessaire de justifier d’un motif
légitime (sauf textes spéciaux), seul l’abus étant sanctionné.

art 1211
Lorsque le contrat est conclu pour une durée indéterminée, chaque partie peut y mettre fin à
tout moment, sous réserve de respecter le délai de préavis contractuellement prévu ou, à
défaut, un délai raisonnable.

Il faut préciser que contrairement à la résolution (que nous verrons plus loin), la résiliation
n’opère que pour l’avenir (pas d’effet rétroactif).

 Le contrat à durée déterminée


Il s’agit d’un contrat limité dans le temps, c’est-à-dire qu’il est affecté d’un terme extinctif.
Une durée est prévue. Dans ce cas, le contrat doit être exécuté jusqu’à son terme :
art 1212

164
Consécration de la jurisprudence 1re civ., 16 mai 2006.
165
Ex. de mauvaise foi : en particulier dans la jurisprudence sur les contrat de concession, le concédant faisant
croire au concessionnaire que le contrat serait poursuivi pour l’inciter à procéder à des investissements.
166
Com. 8 avr. 1986, Com 19 nov. 1985.

107
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Lorsque le contrat est conclu pour une durée déterminée, chaque partie doit l'exécuter
jusqu'à son terme.
Nul ne peut exiger le renouvellement du contrat.

- Rupture unilatérale du CDD ?


En conséquence, la faculté de résiliation unilatérale est exceptionnelle.
Elle est prévue par le législateur pour certains contrats qui reposent sur une confiance
personnelle entre les parties (mandat, dépôt, bail etc.).
Cependant, il existe un tempérament jurisprudentiel. La gravité du comportement d’une
partie au contrat peut justifier que l’autre partie y mette fin de façon unilatérale à ses risques
et périls (cf. résiliation unilatérale lors de l’inexécution du contrat, 1 re civ., 13 oct. 1998 ; 20
févr. 2001 ; Com. 10 févr. 2009).
On retrouvera ce tempérament lorsqu’il sera traité de l’inexécution du contrat. Cependant, il
faut retenir qu’en principe, en l’absence d’inexécution du contrat par l’autre partie, la
résiliation unilatérale n’est pas admise pour les CDD.

- Poursuivre un CDD après le terme ?


Enfin, il faut envisager les cas dans lesquels les parties souhaitent poursuivre le contrat dont le
terme est échu.
 La prorogation
Elle résulte de l’accord des parties avant le terme du contrat.
art 1213
Le contrat peut être prorogé si les contractants en manifestent la volonté avant son
expiration. La prorogation ne peut porter atteinte aux droits des tiers.

 Le renouvellement
Il résulte de la loi ou de l’accord des parties. Il donne naissance à un nouveau contrat d’un
contenu identique mais à durée indéterminée (attention à l’application de la loi dans le
temps !)
art 1214
Le contrat à durée déterminée peut être renouvelé par l'effet de la loi ou par l'accord des
parties.
Le renouvellement donne naissance à un nouveau contrat dont le contenu est identique au
précédent mais dont la durée est indéterminée.

 La tacite reconduction

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Les effets sont les mêmes que ceux du renouvellement. Mais dans ce cas, la poursuite du
contrat est tacite, cad qu’elle n’est pas expressément prévue par les parties. Le contrat
continue a être exécuté par les parties malgré le fait que le terme soit échu.
art 1215
Lorsqu'à l'expiration du terme d'un contrat conclu à durée déterminée, les contractants
continuent d'en exécuter les obligations, il y a tacite reconduction. Celle-ci produit les mêmes
effets que le renouvellement du contrat.

B/ L’imprévision

Ce que l’on nomme l’imprévision en droit des contrats repose sur la situation suivante :
Par hypothèse il s’agit de contrats dont l’exécution s’étale dans le temps.
Apparaît au cours de l’exécution du contrat, un changement de circonstances
économiques, sociales, monétaire ou technologiques. Ce changement provoque un
déséquilibre dans le contrat. Il remet en cause l’équilibre initial des prestations.
Ce déséquilibre apparaît au stade de l’exécution du contrat.
L’une des parties se trouve alors dans une situation défavorable.
Le principe de la force obligatoire s’opposerait alors à une révision du contrat, lequel est
intangible en ce qu’il constitue la loi des parties.

 Jurisprudence
Ce principe d’intangibilité du contrat résulte du célèbre arrêt « Canal de Craponne » du
6 mars 1876167. Cet arrêt a refusé la révision du contrat par le juge pour imprévision en vertu
de la force obligatoire : « dans aucun cas, il n’appartient aux tribunaux, quelque équitable
que puisse leur paraître leur décision, de prendre en considération le temps et circonstances
pour modifier les conventions des parties et substituer des clauses nouvelles à celles qui ont
été librement acceptées par les contractants ».
Cependant, le Conseil d’état avait quant à lui appliqué la théorie de l’imprévision afin
de gérer le bouleversement de l’équilibre des conventions conclues pour une longue durée
(sous la forme d’une indemnité destinée à compenser les charges supplémentaires
apparaissant en cours d’exécution) : arrêt Gaz de Bordeaux 1916.
La jurisprudence a ensuite évolué en laissant apparaître quelques espoirs. Il en est ainsi
de l’arrêt dit « Huard » rendu par la Chambre commerciale le 3 novembre 1992, ou encore un
arrêt du 24 novembre 1998 où est admise l’existence d’une obligation de renégocier le contrat
dans certaines circonstances ouvrant au juge la possibilité d’en sanctionner les manquements.
167
Le propriétaire du canal recevait une redevance pour l’entretien du canal. Mais avec le temps (plusieurs
siècles), la redevance est devenue dérisoire en raison de la dépréciation monétaire et par rapport aux frais
engagés pour l’entretien.

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Les prémices de la rupture se retrouvent également sur le fondement de la bonne foi, en


droit social. Soc. 25 févr. 1992 : « l’employeur, tenu d’exécuter de bonne foi le contrat de
travail, a le devoir d’assurer l’adaptation des salariés à l’évolution de leurs emplois ».
La jurisprudence s’est également fondée sur l’économie du contrat : arrêt « Soffimat »
du 29 juin 2010.
Rappelons que l’article 1112 impose une obligation générale de négocier de bonne foi.
Cependant, ces arrêts apparaissent isolés et le principe demeurait le refus de la révision
pour imprévision : par ex arrêt Com 7 janvier 2014 (n°12-17154 ) selon lequel « le principe
de la force obligatoire du contrat s’oppose à l’obligation qui pourrait être mise à la charge
d’une partie, en l’absence de clause en ce sens, de renégocier un contrat en cours d’exécution
».
Le débat doctrinal était dense sur cette question. La jurisprudence incertaine.

 Pratique
La pratique a dû trouver des solutions par l’insertion dans les contrats de clauses de
révision ou de renégociation, que l’on nomme clause de sauvegarde ou clause de hardship. Il
s’agit d’une clause portant obligation de renégocier lors de la survenance d’un évènement
imprévisible qui bouleverse l’équilibre des prestations.
Il en est de même des clauses d’indexation consistant à tenir compte de la variation du
prix par référence à un produit ou un service.
Ou encore, la clause d’échelle mobile, en matière de révision de loyers dans le bail
commercial.
Quant à la clause rebus sic stantibus, c’est une clause par laquelle le consentement est
subordonné à la persistance de l’état de fait qui existait au jour de la conclusion du contrat.
Enfin, la clause de force majeure permet une renégociation du contrat pour l’adapter à
cet évènement.
Concernant ces diverses clauses, il faut être vigilant à la « police des clauses » existant
depuis la réforme. En effet, une clause par laquelle l’une des parties accepte par avance
d’assumer le risque d’imprévision serait susceptible d’être annulée au titre du déséquilibre
significatif si elle se trouve dans un contrat d’adhésion.

 Réforme
La réforme semble a priori apporter une solution, en légiférant sur cette question à
l’article 1195.
art 1195
Si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend
l'exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n'avait pas accepté d'en assumer le

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risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle
continue à exécuter ses obligations durant la renégociation.
En cas de refus ou d'échec de la renégociation, les parties peuvent convenir de la résolution
du contrat, à la date et aux conditions qu'elles déterminent, ou demander d'un commun
accord au juge de procéder à son adaptation. A défaut d'accord dans un délai raisonnable,
le juge peut, à la demande d'une partie, réviser le contrat ou y mettre fin, à la date et aux
conditions qu'il fixe.

Cependant, cet article est lui-même source de critiques et de débats en doctrine.


Peut-on dire qu’il consacre la révision pour imprévision ?
Il faut l’analyser en détail.
L’article 1195 donne d’abord un cadre et énonce ensuite plusieurs étapes par des dispositions
graduelles.
 Le cadre : il faut
- un changement de circonstances imprévisibles lors de la conclusion du contrat
- ce changement rend l’exécution du contrat excessivement onéreuse pour l’une des
parties qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque.

 Les étapes (à caractère subsidiaire):


1. La partie lésée peut demander la renégociation du contrat à son cocontractant. Cette
renégociation n’a pas d’effet suspensif sur ses obligations.
Si le cocontractant accepte : il suffit de faire un avenant et le contrat se poursuit ainsi.
2. En cas de refus ou d’échec de la renégociation
- les parties peuvent convenir de la résolution du contrat
- les parties peuvent demander d’un commun accord au juge de procéder à son
adaptation.
3. A défaut d’accord dans un délai raisonnable, le juge peut à la demande d’une partie
- réviser le contrat
- ou y mettre fin

Plusieurs observations peuvent être effectuées.


On voit que la possibilité de révision par le juge n’intervient qu’en phase ultime, à titre
subsidiaire, seulement si les autres étapes n’ont pas donné satisfaction.
La première étape concernant la demande de renégociation n’est autre chose que la mise en
œuvre de la liberté contractuelle. Il est évident qu’en pratique, face à une telle situation, la
partie lésée contactera son cocontractant pour trouver une solution. La question s’est alors

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posée en doctrine de savoir s’il s’agissait là d’une simple faculté de demander cette
négociation ou d’une obligation, sans laquelle il serait impossible de passer à l’étape suivante.
La réponse se trouve dans la lettre du texte par l’utiliser du verbe « pouvoir » : « elle peut
demander la renégociation ». S’il ne s’agit que d’une faculté, serait-il alors possible de saisir
le juge sans avoir au préalable tenté cette voie amiable ? Dans ce cas la révision ne serait pas
subsidiaire… D’ailleurs, si le cocontractant lésé se heurte à un mur, l’autre partie étant fermée
à toute communication, il ne peut que passer directement à la 3e phase…
Concernant la deuxième étape : les parties peuvent convenir de la résolution. Cette
disposition semble inutile car l’on sait que dans tous les cas, si les parties sont d’accord, elles
peuvent mettre un terme à leur contrat : c’est le mutuus dissensus.
Ensuite, elles peuvent demander au juge d’adapter le contrat. Ici, il s’agirait d’une hypothèse
d’accord dans le désaccord. Les parties n’auraient pas trouvé de terrain d’entente lors de la
renégociation (ou n’auraient pas renégocié), mais se mettent d’accord pour soumettre le litige
à un tiers impartial, en la personne du juge. L’hypothèse sera-t-elle fréquente ? on peut en
douter.
On s’interroge ensuite sur les pouvoirs du juge : détient-il l’option entre la résolution ou la
révision ?
La jurisprudence doit encore interpréter ce texte pour dessiner les contours de l’imprévision
en droit français des contrats et nous apporter quelques certitudes.
Ce que nous pouvons dire d’ores et déjà c’est que :
- le cœur de l’art. 1195 réside dans son déclenchement. Il faut caractériser ce « changement de
circonstances imprévisibles » + exécution du contrat excessivement onéreuse.
- les clauses type clauses de hardship conservent leur pertinence. Il sera utile que ces clauses
détaillent les cas d’imprévision. Le nouveau texte favorise la prévisibilité et l’anticipation par
les cocontractants des cas d’imprévision et de la conduite à tenir dans ce cas. Les parties
préfèreront toujours se prémunir contre une intervention du juge et régler par avance ces
situations.

§4/ L'effet translatif

La réforme a inséré une sous-section 2 qui remplace une section qui était consacrée à
l’obligation de donner.
Selon l’art. 1196, le transfert s’opère lors de la conclusion du contrat.
C’est le principe : le transfert de propriété solo consensu (par le seul effet du
consentement). Plus précisément, il s’agit depuis la réforme d’un transfert solo contractu,
cad à la date de conclusion du contrat. Il permet de prendre en compte les contrats soumis à
une condition de forme ad validitatem.
Mais ce transfert de propriété peut être différé (al. 2). Ce qui est en pratique très
fréquent. Il en est ainsi par ex. des choses de genre (lorsqu’elles sont individualisées), en cas

112
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de clause de réserve de propriété (transfert de propriété seulement lorsque le prix est


intégralement payé), clause de réitération authentique, vente à terme, etc.
L’alinéa 3 de l’art. 1196 porte sur le transfert des risques.
Le transfert de propriété emporte transfert des risques de la chose.
C’est le principe res perit domino (la charge des risques pèse sur le propriétaire). Nous y
reviendrons.

art 1196
Dans les contrats ayant pour objet l'aliénation de la propriété ou la cession d'un autre droit,
le transfert s'opère lors de la conclusion du contrat.
Ce transfert peut être différé par la volonté des parties, la nature des choses ou par l'effet de
la loi.
Le transfert de propriété emporte transfert des risques de la chose. Toutefois le débiteur de
l'obligation de délivrer en retrouve la charge à compter de sa mise en demeure,
conformément à l'article 1344-2 et sous réserve des règles prévues à l'article 1351-1.

Article 1197
L'obligation de délivrer la chose emporte obligation de la conserver jusqu'à la délivrance, en
y apportant tous les soins d'une personne raisonnable.

art 1198
Lorsque deux acquéreurs successifs d'un même meuble corporel tiennent leur droit d'une
même personne, celui qui a pris possession de ce meuble en premier est préféré, même si son
droit est postérieur, à condition qu'il soit de bonne foi.
Lorsque deux acquéreurs successifs de droits portant sur un même immeuble tiennent leur
droit d'une même personne, celui qui a, le premier, publié son titre d'acquisition passé en la
forme authentique au fichier immobilier est préféré, même si son droit est postérieur, à
condition qu'il soit de bonne foi.

Une hypothèse particulière à envisager : article 1198

C’est l’hypothèse du conflit de propriété. Il y a deux acquéreurs qui se succèdent


concernant un même bien168.

Conflit entre deux acquéreurs successifs d’un meuble


Quid de la nullité de vente de la chose d’autrui ? Il s’agit de l’article 1599 du CC dont la nullité est relative
168

donc seul l’acquéreur peut l’invoquer (donc le second) et non le vendeur ni le premier acquéreur.

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Article 1198 alinéa 1

Le second est entré en possession du bien en premier. Il doit être préféré même si son droit
est postérieur. Il s’agit d’une application d’une règle du droit des biens : art. 2276, c’est l’effet
acquisitif de la possession. On considère que le second acquéreur n’est pas devenu
propriétaire grâce au contrat puisque le vendeur n’a plus de droit de propriété à lui transférer
(il l’a déjà transféré au premier), mais grâce à la possession. Il doit cependant être de bonne
foi pour en bénéficier.

Conflit entre deux acquéreurs successifs d’un immeuble.

Article 1198 alinéa 2

Concernant l’alinéa 1er (meuble), c’était la possession qui prévalait. Concernant un


immeuble, c’est la publicité foncière qui joue un rôle important. Celui qui fait publier son acte
en premier est préféré.

« Lorsque deux acquéreurs successifs de droits portant sur un même immeuble tiennent
leur droit d'une même personne, celui qui a, le premier, publié son titre d'acquisition passé en
la forme authentique au fichier immobilier est préféré, même si son droit est postérieur, à
condition qu'il soit de bonne foi. »

 Evolution de la jurisprudence :

- Arrêt Vallet, 3e civ., 22 mars 1968 : si l’acquéreur avait eu connaissance d’une première
vente non publiée, il ne pouvait se prévaloir de cette règle. Il fallait donc prouver la mauvaise
foi du tiers qui se caractérisait par la connaissance de la 1re vente.

- Arrêt 1re civ., 12 janv. 2011 (+ 1re civ., 20 déc. 2012) : appréciation objective : l’absence
de publication entrainait l’inopposabilité de la vente, même si le second acquéreur avait
connaissance de la première vente. C’est la primauté de la publicité foncière (même si le 2nd
acquéreur était de mauvaise foi).

 Réforme

L’article 1198 met un terme à cette jurisprudence en imposant la bonne foi du 2nd
acquéreur (donc seulement dans le cas où il n’a pas eu connaissance de la 1re vente).

SECTION 2/ EFFETS A L’ÉGARD DES TIERS


Cf. FIN DU COURS
L’effet relatif

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CHAPITRE 2/ L’INEXÉCUTION DU CONTRAT

Modifié par Loi n°2018-287 du 20 avril 2018 - art. 10

Article 1217
La partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été
imparfaitement, peut :
- refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation ;
- poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation ;
- obtenir une réduction du prix ;
- provoquer la résolution du contrat ;
- demander réparation des conséquences de l'inexécution.
Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages
et intérêts peuvent toujours s'y ajouter.
Conformément aux dispositions du I de l'article 16 de la loi n° 2018-287 du 20 avril 2018, les
modifications apportées par ladite loi aux dispositions de l'article 1217 ont un caractère interprétatif.

SECTION 1/ LE SORT DU CONTRAT

§1. L’impossibilité d’exécution : la théorie des risques

Ce que l’on nomme la théorie des risques se résume à la question suivante : qui doit supporter
le risque ? Sur qui repose la charge de ce risque ?
Ex de risque : la destruction du bien.
La question se pose particulièrement concernant les contrats synallagmatiques.
En principe, si l’une des parties ne peut exécuter ses obligations en raison d’une force majeur,
son cocontractant est libéré : le contrat est résolu. Cela signifie que la charge des risques pèse
en principe sur le débiteur de l’obligation impossible à exécuter. C’est la règle « res perit
debitori » : la charge des risques pèse sur le débiteur.
Cependant, les contrats translatifs de propriété constituent une exception. Dans ces
contrats, les risques sont à la charge du propriétaire. C’est le principe « res perit domino ».
Ainsi, dès lors que le vendeur est toujours propriétaire, les risques pèsent sur lui. D’où

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l’intérêt de savoir qui est propriétaire et donc de revoir le § relatif au transfert de propriété.
Celui-ci se fait solo contractu (art. 1096). Mais il existe des exceptions :
- s’il s’agit de choses de genre, ce sera seulement lorsque la chose sera individualisée
qu’il y aura transfert de propriété
- il peut s’agit de la loi qui prévoit dans certains cas ou pour certains contrats un
transfert de propriété différé
- il peut s’agir de la volonté des parties : lorsqu’il existe une clause dissociant le
transfert de propriété de la charge des risques. Ce type de clause est opportune. Il en est ainsi
de la clause de réserve de propriété qui est prévue dans le but de prévenir l’insolvabilité du
débiteur (car en cas s’insolvabilité du débiteur, le vendeur aurait supporté les risques en cas de
perte du bien alors même qu’il n’aurait pas obtenu le prix).
Cependant, il existe une limite à la règle res perit domino : Si le vendeur a été mis en
demeure de livrer la chose par l’acheteur, les risques passent à sa charge.
Si le risque peut consister dans la perte de la chose ou sa destruction, il s’agit plus
globalement d’une impossibilité d’exécution par l’une des parties de ses obligations (il peut
s’agir donc d’une prestation de service).
Que faire en cas d’impossibilité d’exécution par l’une des parties ?
Rappelons que l’impossibilité d’exécution caractérise la force majeure par rapport à
l’imprévision. Pour celle-ci, une difficulté d’exécution suffit.
En vertu de l’article 1351 du Code civil, l’effet principal de l’impossibilité d’exécution est
qu’elle libère le débiteur (sauf s’il avait été préalablement mis en demeure).
Il faut cependant rechercher les causes de cette impossibilité d’exécution pour voir s’il est
possible d’appliquer les règles relatives à la force majeure.
La force majeure n’était pas définie dans le Code civil. C’est une notion dont les contours ont
été précisés par la jurisprudence.
Il s’agit d’un « évènement présentant un caractère imprévisible lors de la conclusion du
contrat et irrésistible dans son exécution »169. Si le critère d’extériorité était présent à l’origine,
il a été abandonné par la jurisprudence.
A la lecture du texte issu de la réforme, l’imprévisibilité (« qui ne pouvait être
raisonnablement prévue lors de la conclusion du contrat », idée de soudaineté, d’anormalité,
de rareté) et l’irrésistibilité (« dont les effets ne peuvent être évités par des mesures
appropriés ») semblent repris. L’existence du critère d’extériorité est débattue. Pour certains
auteurs, on peut le retrouver dans un « évènement échappant au contrôle du débiteur ».
L’irrésistibilité renvoie à l’expression « à l’impossible, nul n’est tenu ». Il s’agit d’un
empêchement insurmontable contre lequel il ne peut se prémunir.

169
Ass. Plen. 4 avr. 2006 (obligation de livraison d’un vendeur atteint d’une incapacité temporaire partielle à la
suite d’une affectio dont il décèda). Confirmé par Cass. 1re civ., 30 oct. 2008 (coupure électrique suite à des
mouvements sociaux).

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La force majeure dont les critères sont ainsi détaillés par l’article 1218 du Code civil est
cependant source de débat en doctrine.
Dès lors que l’évènement peut être qualifié de force majeure, il faut appliquer l’article
1218 du Code civil. Il convient alors de distinguer :
- si l’empêchement est temporaire : l’exécution de l’obligation est suspendue. Si le retard
justifie la résolution du contrat, ladite résolution pourra être appliquée.
- si l’empêchement est définitif : le contrat est résolu de plein droit et les parties sont
libérées de leurs obligations.

Article 1218
Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu'un événement échappant au
contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion
du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées,
empêche l'exécution de son obligation par le débiteur.
Si l'empêchement est temporaire, l'exécution de l'obligation est suspendue à moins
que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat. Si l'empêchement
est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs
obligations dans les conditions prévues aux articles 1351 et 1351-1.

Article 1351
L'impossibilité d'exécuter la prestation libère le débiteur à due concurrence
lorsqu'elle procède d'un cas de force majeure et qu'elle est définitive, à moins qu'il
n'ait convenu de s'en charger ou qu'il ait été préalablement mis en demeure.

Article 1351-1
Lorsque l'impossibilité d'exécuter résulte de la perte de la chose due, le débiteur mis
en demeure est néanmoins libéré s'il prouve que la perte se serait pareillement
produite si l'obligation avait été exécutée.
Il est cependant tenu de céder à son créancier les droits et actions attachés à la
chose.

Actualité : un arrêt du 25 nov. 2020 énonce que la force majeur ne peut être
invoquée que par le débiteur et non le créancier : Civ. 1re, 25 nov. 2020, FS-
P+B+I, n° 19-21.060
Lien legifrance: https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000042619557?
tab_selection=juri&searchField=NUM_AFFAIRE&query=*19-

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21060&searchType=ALL&typePagination=DEFAULT&sortValue=DATE_DESC&pageSize=10&p
age=1&tab_selection=juri#juri)

Lien commentaire Dalloz actu : https://www.dalloz-actualite.fr/flash/refus-de-force-majeure-


pour-creancier#.X9CVo81Kg2w

§2. L’exécution espérée : les remèdes à l’inexécution

A. L’exception d’inexécution
ou exceptio non adimpleti contractus

Article 1219
Une partie peut refuser d'exécuter son obligation, alors même que celle-ci est
exigible, si l'autre n'exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment
grave.

Article 1220
Une partie peut suspendre l'exécution de son obligation dès lors qu'il est manifeste
que son cocontractant ne s'exécutera pas à l'échéance et que les conséquences de
cette inexécution sont suffisamment graves pour elle. Cette suspension doit être
notifiée dans les meilleurs délais.

Le mécanisme, issu de la jurisprudence, est aujourd’hui codifié dans le Code civil.


L’exception d’inexécution est un mécanisme extrajudiciaire qui peut donc être utilisé par le
créancier sans l’intervention du juge. On dit alors qu’il agit « à ses risques et périls ». Ainsi, le
créancier qui en use a tout intérêt à bien vérifier que toutes les conditions sont remplies pour
éviter d’être sanctionné par le juge en cas de contestation du débiteur. Le juge devra apprécier
si l’exception d’inexécution était justifiée. Si elle ne l’est pas, le créancier sera considéré
comme étant le débiteur défaillant.

Fonctions :

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- sauvegarder les intérêts du créancier. Sorte de rôle de garantie. Le créancier perçoit qu’il
devra certainement bientôt mettre fin au contrat et donc recourir à une solution plus définitive.
S’il exécute sa prestation, il devra en demander restitution avec le risque de se heurter à
l’insolvabilité de son cocontractant170.
- exercer une pression : c’est une fonction comminatoire. Le créancier n’exécute pas son
obligation pour pousser son débiteur à s’exécuter.

Conditions de l’exception d’inexécution :


- Champ d’application : L’exception d’inexécution ne s’applique qu’aux contrats
synallagmatiques. Cette technique implique en effet un mécanisme de réciprocité. Le
créancier refuse d’exécuter ses propres obligations tant que le débiteur n’exécute pas les
siennes.
- il faut une inexécution de la part du débiteur. L’obligation doit donc être exigible au
moment où le créancier doit exécuter sa propre obligation. Peu importe la cause de
l’inexécution (il peut s’agir d’un cas de force majeure). L’exception d’inexécution est donc un
remède objectif à l’inexécution.
Attention cas particulier : depuis la réforme, un simple risque d’inexécution suffit : art.
1220 CC. Dans certaines conditions : s’il est manifeste que le cocontractant ne s’exécutera pas
à l’échéance et si les conséquences de l’inexécution pressentie sont suffisamment graves. On
parle à cet endroit d’exception d’inexécution par anticipation. Dans ce cas, la décision de
suspension par le créancier de son obligation doit être notifiée dans les meilleurs délais au
débiteur.
- l’inexécution porte sur une obligation réciproque à celle que le créancier prétend
s’abstenir d’exécuter. Il ne peut s’agir de réagir à l’inexécution d’une obligation secondaire
du cocontractant. Ex. refus de payer le loyer car le bailleur ne réalise pas des travaux de faible
importance ; refus de paiement du prix d’une chose qui a un défaut de faible importance.
Cependant, si l’inexécution d’une obligation secondaire est suffisamment grave pour
compromettre l’obligation principale, alors l’exception pourra jouer. Ex. l’immeuble devient
inhabitable en raison de l’absence de réparation ; le défaut rend la chose inutilisable.
- la gravité de l’inexécution. Le juge apprécie (a posteriori) la proportionnalité entre la
gravité de l’inexécution du débiteur et l’importance de la réaction du créancier. In concreto.
On parle à cet endroit d’une exception d’inexécution utilisée de bonne foi. Il ne faut pas qu’il
y ait disproportion.

Les effets de l’exception d’inexécution

Ex. du vendeur qui doit livrer la chose mais qui n’est pas payé. Dans ce cas, l’exception d’inexécution joue
170

comme un droit de rétention.

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- suspension du contrat : c’est une mesure provisoire, conservatoire. Le créancier espère


toujours la bonne exécution du contrat. Elle ne vise pas la destruction du contrat. Pour cela, le
créancier devra recourir à la résolution.
Aussi, dans les contrats à exécution instantanée, l’exception d’inexécution conduit
seulement à retarder l’exécution du contrat. Le créancier qui refuse de livrer le bien s’il n’est
pas payé ne se considère pas comme libéré de son obligation. Si le débiteur s’exécute, il devra
bien exécuter son obligation. Concernant les contrats à exécution successive, en raison de la
nature de ces contrats, l’exception peut conduire dans certaines situations à supprimer
l’obligation du créancier. Ex. Le bailleur qui empêche l’occupation des lieux au locataire
pendant 6 mois. Le locataire refuse de verser ses loyers durant ces 6 mois. Dès que la situation
est débloquée et que l’accès au logement est restitué, le locataire ne versera pas les loyers non
payés. Le raisonnement tient de la logique et de l’équité.

- quelles suites ?
- si le débiteur s’exécute : le contrat reprend son cours et le créancier exécute son
obligation. Cependant, il peut sanctionner le retard de son débiteur par des dommages et
intérêts moratoires.
- si le débiteur ne s’exécute pas : si la situation est bloquée car aucune des deux
parties ne s’exécute, pour éviter cette immobilisation, l’une ou l’autre des parties peut recourir
à une sanction définitive en demandant la résolution du contrat. Le créancier peut demander
l’exécution forcée. Il peut aussi demander des dommages et intérêts.

B. L’exécution forcée

Il faut au préalable voir la mise en demeure.


La mise en demeure : elle est définie à l’article 1344 du Code civil. Il doit s’agir d’une
sommation ou d’un acte portant interpellation suffisante.
Le premier effet de la mise en demeure est la « mise en retard ». Cad qu’elle permet de
constituer le débiteur en retard et permet d’obtenir des dommages et intérêts moratoires qui
permettront de compenser le retard. La date de la mise en demeure est alors un élément
probatoire important. On considère en effet que le créancier qui n’a pas mis son débiteur en
demeure est censé lui accorder un délai.
C’est ainsi que concernant une somme d’argent, la mise en demeure permet de faire courir
l’intérêt moratoire au taux légal. Ces dommages et intérêts moratoires peuvent être demandés
par le créancier sans qu’il soit tenu de justifier d’un préjudice (art. 1344-1).
Cependant, cette mise en demeure n’est pas toujours nécessaire car elle peut résulter de la
convention elle-même (ce qu’énonce l’art. 1344).

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Précisons que les clauses dispensant de mise en demeure sont parfois interdites (notamment
en matière d’assurance, de consommation etc.)

Innovation de la réforme : il existe désormais la mise en demeure du créancier (en principe


on met en demeure le débiteur). Il s’agit de mettre en demeure le créancier de recevoir son
paiement. L’hypothèse est celle dans laquelle la prestation que doit recevoir le créancier n’est
à ce moment là pas en sa faveur. Il peut par exemple refuser son paiement pour échapper à
une baisse du taux d’intérêt. L’article 1345 permet donc de le mettre en demeure par le
débiteur de recevoir son paiement. L’effet recherché est principalement l’arrêt du cours des
intérêts dus par le débiteur ou encore le transfert des risques au créancier.

Article 1344
Le débiteur est mis en demeure de payer soit par une sommation ou un acte portant
interpellation suffisante, soit, si le contrat le prévoit, par la seule exigibilité de
l'obligation.

1. L’exécution forcée des obligations de somme d’argent

La jurisprudence reconnaît un véritable droit à exécution forcée des obligations de sommes


d’argent.
En pratique : elle sera mise en œuvre par ce que l’on appelle les procédures civiles
d’exécution. En effet, elle n’implique aucune contrainte physique pour forcer le débiteur à
s’exécuter.
L’exécution forcée s’effectue alors sur les biens du débiteur. Celui-ci a en effet ce qu’on
appelle un « droit de gage général » sur le patrimoine du débiteur (art. 2284 CC). On peut
alors contraindre le débiteur à payer en vendant ses biens pour permettre aux créanciers de se
payer sur le prix. C’est la procédure de saisie. S’il s’agit d’une entreprise, la réalisation des
biens se fera dans le cadre de ce qu’on appelle les procédures collectives.
Concrètement, le créancier devra d’abord obtenir un titre exécutoire (acte notarié ou
demande en justice pour que le juge appose la formule exécutoire).
Il faut en retenir que la mise en œuvre de telles procédures, si elles sont nécessaires pour que
le créancier obtienne son paiement, n’implique pas cependant la certitude pour le créancier
d’être payé. Il y a d’abord la question de la solvabilité du débiteur. Ensuite, d’autres
créanciers, munis de sûretés (privilège/droit de préférence), peuvent passer devant lui pour se
faire payer.

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2. L’exécution forcée des obligations non monétaires

 Difficultés :
Obligations de faire ou de ne pas faire : la contrainte sur les biens n’a aucun sens : elle ne
permettra pas l’exécution de la prestation (ex : obliger l’entrepreneur à construire). Par
ailleurs, la contrainte sur la personne est, elle aussi, inconcevable. D’abord parce qu’elle serait
inefficace (si j’emprisonne l’entrepreneur par ex. il ne peut pas construire) ensuite, parce
qu’elle porterait évidemment atteinte à la liberté individuelle (et même si cela était possible,
elle entrainerait certainement une mauvaise exécution.)
Les rédacteurs du Code civil, conscients de ces difficultés, ont énoncé à l’article 1142 du
Code civil (ancien) que « toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages
et intérêts en cas d’inexécution de la part du débiteur »171.
Cependant, cette conception semble contraire à notre conception de la force obligatoire :
elle permet au débiteur contractuel de se désengager en payant une indemnité.

 Jurisprudence
La jurisprudence a donc réagi en conséquence. Si l’article 1142 du Code civil ne prévoit
donc que l’exécution forcée des obligations de faire par équivalent, la jurisprudence a
cependant reconnu largement la possibilité de l’exécution forcée en nature 172. Elle est même
allée jusqu’à reconnaître une certaine forme de droit à cette exécution en nature. Est alors
apparue une jurisprudence contestable, fondée sur une conception absolue de la force
obligatoire et donc du droit à l’exécution, en particulier en matière de construction
immobilière (condamnation à la démolition de l’ouvrage et à sa reconstruction, ou à un
montant en dommages et intérêts correspondant à ces sommes). Selon cette conception, le
juge doit ordonner l’exécution forcée en nature demandée par le créancier, quelle que soit
l’importance de l’inexécution et donc même si celle-ci est minime, de moindre importance.
Ex : Cass. 3e civ., 11 mai 2005, n°03-21.136 ; Cass. 3e civ., 17 janv. 1984, n°82-15982 ; Cass.
3e civ., 16 juin 2015, n°14-14.612.
La jurisprudence avait néanmoins posé des limites en cas d’impossibilité. Cette impossibilité
peut être :
 Matérielle : par ex. réparer un bien qui a péri (et donc qui n’existe plus)
 Morale : ex. de l’artiste 173 qui doit peindre un tableau. Le contraindre porterait atteinte
à sa liberté individuelle, car il s’agit d’obligation à caractère strictement personnel

171
Avec à l’article 1143 le cas particulier dans lequel ce qu’a fait le débiteur est en contravention à l’engagement.
Il peut alors en demander la destruction. Il s’agit ici de l’obligation de ne pas faire. Ainsi, le créancier d’une
obligation de ne pas faire peut demander la destruction de ce qui a été fait en violation de l’engagement. Pour
certaines obligations de ne pas faire néanmoins, l’inexécution est par hypothèse définitive (ex : obligation de
non-concurrence).
172
Com. 3 décembre 1985, n°83-16475 ; Civ. 1ère, 16 janvier 2007, n°06-13983 ; Civ. 3ème, 22 mai 2013, n°12-
16217
173
Ex pour l’obligation d’écrire un ouvrage : arrêt Whistler : Cass. civ. 14 mars 1900.

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(dont l’accomplissement ne peut être que volontaire). En général, l’exécution forcée


est exclue dès lors que l’obligation met en jeu les « droits de la personnalité ».

 Juridique : ex. du possesseur de bonne foi

 Réforme

Le principe de l’ancien article 1142 est renversé. La jurisprudence est consacrée. Elle est
cependant désormais encadrée pour en éviter les dérives qui ont été dénoncées.
Le principe est désormais celui de l’exécution forcée en nature, quelle que soit la nature de
l’obligation. Rappelons que la distinction des obligations de faire, de ne pas faire et de donner
a été supprimée par la réforme.
*Il faut une mise en demeure préalable.
Article 1221
Modifié par Loi n°2018-287 du 20 avril 2018 - art. 10

Le créancier d'une obligation peut, après mise en demeure, en poursuivre l'exécution


en nature sauf si cette exécution est impossible ou s'il existe une disproportion
manifeste entre son coût pour le débiteur de bonne foi et son intérêt pour le
créancier.
Conformément aux dispositions du I de l'article 16 de la loi n° 2018-287 du 20 avril 2018, les
modifications apportées par ladite loi aux dispositions de l'article 1221 ont un caractère interprétatif.

Si l’exécution en nature est le principe, les limites posées par la jurisprudence subsistent :
impossibilité matérielle, juridique ou morale.
Surtout, une nouvelle exception a été posée par les textes. Elle est inspirée des projets
européens d’harmonisation du droit des contrats :
L’exécution en nature ne peut être poursuivie s’il existe une disproportion manifeste
entre son coût pour le débiteur et son intérêt pour le créancier.
Cette notion a suscité une abondante littérature. Le projet avait choisi l’expression de « coût
manifestement déraisonnable ». Il s’agit d’un contrôle de proportionnalité qui sera effectué
pour en déterminer l’excès. Ce coût sera donc apprécié en comparant le coût pour le débiteur
et l’intérêt pour le créancier. En effet, dans les arrêts précités, une simple condamnation à des
dommages et intérêts aurait pu satisfaire le créancier et constituait une compensation
adéquate. Accorder la démolition et la reconstruction semblait excessif (à rapprocher de la
théorie de l’abus de droit).

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 Loi de ratification :
La loi de ratification du 20 avril 2018 a ajouté la mention « de bonne foi » concernant le
débiteur. Il s’agit d’éviter la situation suivante : le débiteur, après un calcul stratégique, peut
décider de mal exécuter sa prestation car il sait que si le créancier demande l’exécution forcée
en nature, il y aura nécessairement disproportion entre le coût pour lui et l’intérêt du
créancier, et que le juge ne pourra pas lui accorder.
La mention « de bonne foi » permet d’éviter cet effet pervers résultant d’une
instrumentalisation des textes.

 Faculté de remplacement
(cf. ancien art. 1144 CC)
Il s’agit d’une alternative pour le créancier : au lieu de poursuivre l’exécution forcée, il décide
de faire exécuter lui-même l’obligation et de solliciter ensuite le débiteur en remboursement
des sommes exposées pour ce faire.
Cependant, avant la réforme, le créancier ne pouvait exercer cette faculté qu’avec
l’autorisation du juge174. La réforme supprime l’exigence d’autorisation judiciaire préalable et
en fait un mécanisme unilatéral, extrajudiciaire.
A la lecture de l’article 1222, trois conditions se dégagent :
 Une mise en demeure
 Donner un délai raisonnable au débiteur pour qu’il s’exécute
 L’exécution qui a été faite à la place du débiteur doit avoir un coût raisonnable
Ce n’est donc qu’à ces conditions que le créancier peut obtenir remboursement des sommes
exposées. Il peut par ailleurs en demander l’avance en justice (alinéa 2).
Par ailleurs, si le créancier souhaite faire démolir ce qui a été effectué et mal exécuté par le
débiteur, il doit solliciter une autorisation préalable du juge.

Article 1222
Après mise en demeure, le créancier peut aussi, dans un délai et à un coût
raisonnables, faire exécuter lui-même l'obligation ou, sur autorisation préalable du
juge, détruire ce qui a été fait en violation de celle-ci. Il peut demander au débiteur le
remboursement des sommes engagées à cette fin.
Il peut aussi demander en justice que le débiteur avance les sommes nécessaires à
cette exécution ou à cette destruction.

Art 1144 : Le créancier peut aussi, en cas d'inexécution, être autorisé à faire exécuter lui-même l'obligation
174

aux dépens du débiteur. Celui-ci peut être condamné à faire l'avance des sommes nécessaires à cette exécution.

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C. La réduction

Article 1223
Modifié par Loi n°2018-287 du 20 avril 2018 - art. 10

En cas d'exécution imparfaite de la prestation, le créancier peut, après mise en


demeure et s'il n'a pas encore payé tout ou partie de la prestation, notifier dans les
meilleurs délais au débiteur sa décision d'en réduire de manière proportionnelle le
prix. L'acceptation par le débiteur de la décision de réduction de prix du créancier
doit être rédigée par écrit.
Si le créancier a déjà payé, à défaut d'accord entre les parties, il peut demander au
juge la réduction de prix.

Il s’agit de l’extension d’une solution issue du droit de la vente.


C’est une sorte de réfaction du prix. Elle permet de mettre fin au litige en cas d’exécution
imparfaite.
Il faut une mise en demeure préalable.
Depuis la loi de ratification, il faut faire une distinction :
- le prix a été payé : le créancier peut demander au juge la réduction du prix. C’est la
consécration de la réfaction judiciaire du prix.
- le prix n’a pas encore été payé : il y a une prérogative unilatérale de réduction du prix à
hauteur de l’inexécution. Cette réduction doit être proportionnelle. Elle se réalise par une
notification. La mise en demeure préalable est une mise en demeure d’exécuter parfaitement
son obligation. Cependant, on a pu s’interroger sur le caractère unilatéral de la réduction. Est-
ce vraiment unilatéral ou bien faut-il un accord ? En effet, le texte énonce que l’acceptation
par le débiteur doit être rédigée par écrit. Si la question est débattue, on peut penser que la
réduction est bien unilatérale, mais que l’idée est que par son accord, le débiteur renonce à
contester en justice la réduction.
On peut enfin se demander ce qu’est une exécution imparfaite ? Le retard ? l’exécution
partielle ? la non-conformité ? La notion devra être précisée en jurisprudence.
Enfin, la réduction est là encore un mécanisme qui est appliqué avant toute intervention du
juge. Le contrôle du juge s’exercera donc a posteriori. Au moment de l’utilisation de la
réduction, il n’y a pas d’intervention extérieure pour évaluer la proportion de la réduction. Il
est donc conseillé de motiver la réduction. Le débiteur qui conteste la réduction pourra
toujours recourir au juge.

§3. Le contrat anéanti : la résolution pour inexécution

125
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A/ Les modes la résolution

Article 1224
La résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas
d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou
d'une décision de justice.

1/ Résolution judiciaire

*Auparavant, la résolution judiciaire était le principe. Aujourd’hui, elle représente simplement


l’une des trois formes de résolution possible.

Article 1227
La résolution peut, en toute hypothèse, être demandée en justice.

Article 1228
Le juge peut, selon les circonstances, constater ou prononcer la résolution ou
ordonner l'exécution du contrat, en accordant éventuellement un délai au débiteur,
ou allouer seulement des dommages et intérêts.

o Titulaire de l’action : le cocontractant doit avoir un intérêt agir qui réside dans
l’inexécution de son obligation par le débiteur. L’une des parties peut agir par voie
reconventionnelle, de même que les cocontractants peuvent agir simultanément s’ils se
prétendent tous deux victimes d’une inexécution.

o Mise en demeure ? elle n’est pas requise car l’acte introductif d’instance suffit à
interpeller le débiteur. Mais il n’est pas exclu qu’elle soit utilisée dans un premier temps pour
tenter un règlement amiable (sans intervention du juge).

o L’inexécution : il doit y avoir une inexécution d’une obligation contractuelle. Elle


peut porter sur une obligation principale ou accessoire, elle peut être totale ou partielle. Un
retard peut justifier une résolution.
Cependant, le juge appréciera la gravité de l’inexécution. Avant la réforme la jurisprudence se
fondait ainsi sur la gravité de l’inexécution. L’article 1224 tel qu’issu de la réforme impose lui
aussi une inexécution suffisamment grave.
o Pouvoirs du juge : dès lors qu’il a pu caractériser que l’inexécution était
suffisamment grave, le juge n’a pas l’obligation d’accorder la résolution. L’article 1228 lui
donne la possibilité d’ordonner l’exécution du contrat éventuellement en accordant un délai

126
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au débiteur, ou simplement d’octroyer des dommages et intérêts. La liberté du juge sur la


sanction amène à dire que le créancier supporte le risque de la procédure. L’issue de la
procédure n’est pas certaine.
Autre inconvénient de l’intervention judiciaire : elle paralyse le contrat tant que le juge n’a
pas rendu sa décision. Le cocontractant n’est donc pas libre de contracter avec une autre
personne dans cette attente. Peut être préjudiciable pour la vie économique.

D’où l’intérêt de prévoir en amont un aménagement conventionnel.

2/ Clause résolutoire

Fréquent en pratique : clause prévoyant qu’en cas d’inexécution contractuelle, le contrat sera
résolu de plein droit.
On peut parler de résolution conventionnelle.
La clause résolutoire est expressément mentionnée dans le contrat.
Cependant, la seule inexécution ne résout pas le contrat. Il faut une démarche active de la part
du créancier pour mettre en œuvre la clause résolutoire (pas d’automaticité).

Conditions de mise en œuvre de la clause résolutoire :


 Contenu de la clause :
o La jurisprudence précise que cette clause doit être stipulée de manière non
équivoque. Elle doit expressément mentionner qu’elle jouera de plein droit
(sinon, elle sera considérée comme un simple rappel de la résolution judiciaire
possible selon les textes).

o L’article 1125 ajoute que cette clause « précise les engagements dont
l'inexécution entraînera la résolution du contrat. » Sur ce point, quid des
clauses « balais » (prévoyant la résolution de plein droit du contrat en cas
d’inexécution de l’une quelconque des obligations nées du contrat). Le Sénat 175
a pu préciser que cette exigence de l’alinéa 1er de l’article 1125 ne s’oppose pas
à de telles clauses176.

 Inexécution : il n’est pas exigé que l’inexécution soit suffisamment grave177.

175
F. Pillet, Rapport Sénat, 1re lecture, P. 74.
176
Il peut donc s’agir de « tout manquement aux obligations du contrat » car l’article 1225 n’exige pas
l’individualisation des manquements (B. Mercadal, Réforme du droit des contrats, n°721)
177
Elle devrait continuer cependant à être exclue en cas de force majeure : Cass. 3e civ., 1è févr. 2010, n°08-
20.943 (il faut se tourner du côté des règles propres à la force majeure et à l’impossibilité d’exécuter).

127
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 Mise en demeure infructueuse (condition existant dans la jurisprudence antérieure).


L’article 1225 alinéa 2 prévoit que la mise en œuvre de la clause résolutoire est
subordonnée à cette mise en demeure infructueuse.

Sauf s’il a été convenu (expressément dans la clause résolutoire) que la résolution
résulterait du seul fait de l’inexécution178. (dans ce cas : c’est une dispense de mise en
demeure)

Mention obligatoire : la mise en demeure doit expressément mentionner la clause


résolutoire. La jurisprudence a précisé qu’elle devait aussi bien mentionner son
existence que son contenu ; l’intention du créancier de s’en prévaloir ; le délai laissé
au débiteur pour s’exécuter.

 Exigence de bonne foi : le créancier ne doit pas actionner la clause résolutoire de


mauvaise foi (idée d’intention malveillante). Fondement : art. 1104 CC.

Article 1225
La clause résolutoire précise les engagements dont l'inexécution entraînera la
résolution du contrat.
La résolution est subordonnée à une mise en demeure infructueuse, s'il n'a pas été
convenu que celle-ci résulterait du seul fait de l'inexécution. La mise en demeure ne
produit effet que si elle mentionne expressément la clause résolutoire.

3/ Résolution par notification


C’est la résolution unilatérale.
 La jurisprudence avait admis la résolution unilatérale en cas d’urgence ou de péril
imminent. Il fallait que le maintien du contrat cause un préjudice irréparable ou bien
qu’il existât une confiance particulière entre cocontractant.

 Arrêt Tocqueville, Cass. 1re civ., 13 oct. 1998 : abandon de la condition d’urgence. Il
suffit que le comportement du débiteur soit suffisamment grave.

 La réforme a consacré la jurisprudence : On parle de résolution par voie de


notification (inspiration européenne). C’est une véritable prérogative unilatérale du
créancier.

Conditions :

178
Est également utilisée la formule : « de plein droit et sans sommation ».

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 Une inexécution suffisamment grave. Il s’agit donc d’une inexécution avérée. On ne


peut agir par anticipation. Cependant, il ne s’agit pas nécessairement d’observer le
comportement du débiteur.

 Une mise en demeure préalable. Nouveauté. Cependant, il existe une exception : la


mise en demeure est exclue en cas d’urgence. Ensuite, cette mise en demeure doit
prévoir un délai raisonnable pour que le débiteur s’exécute. Enfin, elle doit contenir
des mentions expresses prévues à l’alinéa 2 de l’article 1226.

Mise en œuvre :
Si les conditions sont remplies, la résolution par notification est mise en œuvre de la manière
suivante :
 La notification ne répond à aucune exigence particulière de forme. Elle peut donc être
réalisée par voie postale en LR/AR ou encore par exploit d’huissier.

 Il existe une exigence de motivation : art. 1226 al. 3 (les raisons qui motivent la
résolution)

Contestation du débiteur
Attention : dans la jurisprudence, on parlait de résolution « aux risques et périls » du créancier
qui la met en œuvre. L’article 1226 alinéa 3 traduit cette idée. Le débiteur peut contester cette
résolution par notification. Dans ce cas, ce sera au créancier de démontrer la gravité de
l’inexécution. La gravité réapparaît dans le contrôle que peut effectuer le juge a posteriori en
cas de contestation par le débiteur.

Article 1226 .
Le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification.
Sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de
satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable.
La mise en demeure mentionne expressément qu'à défaut pour le débiteur de
satisfaire à son obligation, le créancier sera en droit de résoudre le contrat.
Lorsque l'inexécution persiste, le créancier notifie au débiteur la résolution du contrat
et les raisons qui la motivent.
Le débiteur peut à tout moment saisir le juge pour contester la résolution. Le
créancier doit alors prouver la gravité de l'inexécution.

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B/ Les effets de la résolution

Article 1229
La résolution met fin au contrat.
La résolution prend effet, selon les cas, soit dans les conditions prévues par la
clause résolutoire, soit à la date de la réception par le débiteur de la notification faite
par le créancier, soit à la date fixée par le juge ou, à défaut, au jour de l'assignation
en justice.
Lorsque les prestations échangées ne pouvaient trouver leur utilité que par
l'exécution complète du contrat résolu, les parties doivent restituer l'intégralité de ce
qu'elles se sont procuré l'une à l'autre. Lorsque les prestations échangées ont trouvé
leur utilité au fur et à mesure de l'exécution réciproque du contrat, il n'y a pas lieu à
restitution pour la période antérieure à la dernière prestation n'ayant pas reçu sa
contrepartie ; dans ce cas, la résolution est qualifiée de résiliation.
Les restitutions ont lieu dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9.

Article 1230
La résolution n'affecte ni les clauses relatives au règlement des différends, ni celles
destinées à produire effet même en cas de résolution, telles les clauses de
confidentialité et de non-concurrence.

1. Étendue temporelle de la résolution


Principe : la résolution entraîne l’anéantissement rétroactif du contrat. Des restitutions
s’opèrent donc s’il y a lieu.
Tempérament : contrats à exécution successive. On parle de résiliation car la résolution n’a
pas d’effet rétroactif.
Dans ce cas, si le contrat a d’abord été exécuté et qu’ensuite il connaît une période
d’inexécution, le contrat sera anéanti à la date de l’inexécution.
Il est alors important de connaître la date d’effet de la résolution qui ne correspond donc pas
nécessairement à la date de la naissance de l’acte, mais au moment où l’inexécution a
commencé.
Réforme : l’article 1229 se concentre sur la date de prise d’effet de la résolution, qui dépend
désormais du mode de résolution utilisé (important car auparavant le principe étant
l’intervention du juge, on ne raisonnait alors qu’en fonction de la décision de justice).
On retrouve la distinction résolution/résiliation consacrée du point du régime des restitutions,
lequel est expressément prévu à l’alinéa 2. Est employé le terme « d’utilité de la prestation »,
qui permet de fonder la distinction.

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 Les prestations trouvent leur utilité par l’exécution complète du contrat =


résolution/rétroactivité
 Les prestations trouvent leur utilité au fur et à mesure de l’exécution réciproque du
contrat = résiliation/absence de rétroactivité

2. Étendue matérielle de la résolution


En principe, l’anéantissement affecte l’ensemble du contrat. Cependant, certaines clauses du
contrat résolu sont maintenues. Par exemple :
 La clause pénale
 Clause de confidentialité
 Clause de non-concurrence
L’article 1230 du Code civil permet d’appréhender globalement de telles clauses sous la
terminologie suivante :
 Clauses destinées à produire effet même en cas de résolution. L’article donne deux
exemples mais qu’il faut traiter comme tels. Il ne s’agit pas d’une liste limitative et la
définition globale qui en est faite en liminaire permet d’ajouter d’autres types clauses
qui « sont destinées à produire effet même en cas de résolution ».
 L’article envisage également les clauses relatives au règlement des différends (ex.
clause compromissoire).

Article 1230
La résolution n'affecte ni les clauses relatives au règlement des différends, ni celles
destinées à produire effet même en cas de résolution, telles les clauses de
confidentialité et de non-concurrence.

SECTION 2/ LA RESPONSABILITÉ CONTRACTUELLE

Principe de non-cumul ; de non-option : Dès lors que la responsabilité est de nature


contractuelle, la victime ne pourra pas choisir de fonder son action sur la responsabilité
extracontractuelle (ou « délictuelle »).
La justification de cette règle est que l'on ne veut pas permettre à la victime d'échapper aux
règles du contrat qu'elle a passé́ : par exemple si ce contrat contenait une clause limitative de
responsabilité́ , il ne paraitrait pas conforme à la force obligatoire du contrat de permettre à la
victime d’y échapper en invoquant les articles 1382 et suivants du Code civil (responsabilité
extracontractuelle).

131
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La responsabilité́ contractuelle n’est applicable que si ce dommage se rattache à une


obligation née d’un contrat valable et que s’il a été́ causé par un contractant à un autre
contractant (sous réserve de nombreuses exceptions).

**Précisons cependant que le projet de réforme de la responsabilité en cours, qui a été suivi
d’un rapport du Sénat et d’une proposition de loi, réserve le cas particulier du dommage
corporel nécessitant une protection plus importante. La victime pourrait alors choisir le
régime de responsabilité (extracontractuelle ou contractuelle) lorsque le dommage corporel
est causé lors de l’exécution du contrat. (cf p. 6 et art. 1233)

§1. Le domaine de la responsabilité contractuelle

Répond à la question suivante : est-ce que c’est la responsabilité contractuelle qui s’applique ?
Ce n’est que dans un second temps que l’on appliquera le régime de la responsabilité
contractuelle qui doit lui-même répondre à certaines conditions.

A/ Un contrat valable
Est-ce qu’il existe une relation contractuelle ? Il faut penser à la jurisprudence qui a pu
reconnaître une relation contractuelle en cas d’assistance bénévole ou de contrat de
service gratuit.
Même si un contrat existe, la responsabilité́ ne sera contractuelle que si le fait
dommageable s'est produit après la conclusion de ce contrat.
Enfin, il est évident que ce contrat doit être valable. Attention au contrat nul pour lequel
la responsabilité ne peut être qu’extracontractuelle.

B/ Le rattachement du dommage à une obligation contractuelle

Il faut que le dommage causé puisse être rattaché à la violation d'une obligation née de
ce contrat.

Il faut penser aux obligations prétoriennes : déjà envisagées concernant


l’interprétation du contrat. La jurisprudence a développé certaines obligations qui ne
sont pas prévues par le contrat mais qui lui permettent de fonder une action en
responsabilité contractuelle. Il en est ainsi des obligations de sécurité ou encore de
conseil (qui ont pu recevoir une consécration légale par la suite). L’effet est alors
d’étendre le champ de la responsabilité contractuelle179.
179
Cependant, cette extension du champ de la responsabilité́ contractuelle, conçu à l'origine pour protéger les
victimes dans des hypothèses où elle ne pouvaient pas prouver la faute du cocontractant, se révèle parfois
aujourd'hui défavorable aux victimes qui pourraient, sur le fondement de la responsabilité́ délictuelle, faire jouer
la responsabilité́ du fait des choses, alors que parfois, sur le terrain de la responsabilité́ contractuelle, elles
doivent prouver la faute du cocontractant (c'est le cas lorsque l'obligation mise à la charge de ce dernier n'est

132
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C/ Une victime partie au contrat

C’est l’application de l’effet relatif du contrat, que nous verrons à la fin de cette
section.
Si un tiers subi un dommage du fait de l'inexécution d'un contrat auquel il n'est pas
partie, ne peut pas être traité comme un créancier contractuel. Pour engager la
responsabilité́ de l'auteur du dommage, il devra agir sur le fondement de la
responsabilité extracontractuelle.
Il existe des exceptions (action directe, chaîne de contrats etc.)

§2. La mise en œuvre de la responsabilité contractuelle

A. Le régime légal

1. Les conditions
Du point de vue de ses conditions, la responsabilité́ contractuelle est assez différente de la
responsabilité́ extracontractuelle. En effet, on ne va pas ici distinguer selon la nature du fait
générateur de responsabilité́ (fait personnel, fait de la chose, fait d’autrui), mais selon le
contenu de l’obligation violée. En droit français, la question est structurée autour de la
distinction des obligations de moyens et des obligations de résultat.

a) Inexécution contractuelle (une faute)

Article 1231-1
Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à
raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne
justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure. 180
Inexécution de l’obligation : toute défaillance contractuelle. Il peut s’agir d’un défaut
d’exécution qui est un manquement définitif. Il donnera lieu à des dommages et intérêts
compensatoires. A la différence du seul retard dans l’exécution 181 qui donnera lieu à des
dommages et intérêts moratoires.

qu'une obligation de moyens). De même, la réparation y est limitée au dommage prévisible.


180
La formulation est différente dans la proposition de loi émanant du Sénat : art. 1250 : « Art. 1250. – Toute
inexécution du contrat, y compris le retard dans l’exécution, ayant causé un dommage au créancier oblige le
débiteur à en répondre. »
181
**L’article 1250 de la proposition de loi prévoit que le seul retard suffit à engager la R contractuelle du
débiteur défaillant dès qu’un dommage est caractérisé. Les dommages et intérêts à raison du retard dasn le
paiement d’une somme d’argent sont prévus à l’article 1283 .

133
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Il faut alors comparer le contenu de l’obligation contractuelle avec le comportement de


l’auteur du dommage.
Distinction obligation de moyens / obligation de résultat, fondée par Demogue182.
 Obligation de résultat : le débiteur est tenu d’atteindre un résultat déterminé. Dans ce
cas, le créancier peut mettre en jeu la responsabilité du débiteur sans avoir à prouver
qu’il a commis une faute.
Il suffit de démontrer que le résultat n’a pas été atteint.
Le débiteur ne peut s’exonérer que s’il démontre qu’il a été victime d’un cas de force
majeure.
Sur le terrain probatoire : l’obligation de résultat implique donc une présomption de
faute. Cette présomption serait mixte car on se trouve face à une responsabilité
objective, sans faute.
Cette obligation trouvait son fondement dans l’ancien article 1147 CC. Elle est aujourd’hui
reprise à l’article 1231-1 CC.

 Obligation de moyens : le débiteur est tenu de mettre en œuvre tous les moyens
nécessaires pour aboutir au résultat souhaité par les parties.
Dans ce cas, le créancier doit démontrer que le débiteur n’a pas mis tous les moyens
en œuvre pour atteindre ce résultat. Il doit donc démontrer qu’il a commis une
faute. L’appréciation se fait en principe in abstracto 183. Il est tenu compte de la pleine
maîtrise de la prestation par le débiteur ou de l’existence d’aléa. Par exemple le rôle
actif de la victime en matière d’obligation de sécurité qui emporte obligation de
moyens. On parle d’obligation de prudence et de diligence.
Sur le terrain probatoire : l’obligation de moyens suppose de prouver la faute du
débiteur.
L’arrêt de principe en la matière est l’arrêt Mercier (Cass. civ. 20 mai 1936) :
obligation de donner au patient des soins consciencieux, attentifs et conformes aux
données acquises de la science. Cet arrêt fonde la distinction obligation de moyen/de
résultat.
Cette obligation trouve son fondement dans l’ancien article 1137 CC. Certains auteurs
considèrent qu’on la retrouve aujourd’hui à l’article 1197 CC : « l’obligation de délivrer la
chose emporte obligation de la conserver jusqu’à la délivrance en y apportant tous les soins
d’une personne raisonnable ».

La distinction connaît cependant des critiques car elle n’est pas aisée à réaliser en
l’absence de critère et oblige à s’en remettre à la jurisprudence.

La distinction est apparue trop rigide. Chaque obligation ainsi conçue présente des
inconvénients :

 Obligation de résultat : elle ne tient pas compte du rôle actif du débiteur


 Obligation de moyens : la charge de la preuve est trop stricte. Il parfois difficile
d’apporter la preuve d’une faute du débiteur.

182
Civiliste français 1re moitié du XXe siècle.
183
Sauf pour l’obligation de garde du dépositaire où l’appréciation est in concreto.

134
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Sont alors apparues des catégories intermédiaires :

 Obligation de résultat atténuée ou obligation de moyen renforcée : moins sévère que


l’obligation de résultat, elle permet au débiteur d’apporter la preuve de son absence de
faute, de son comportement diligent.
Il s’agit donc d’une présomption simple de faute.
Plus sévère que l’obligation de moyen, elle opère un renversement de la charge de la
preuve. C’est au débiteur d’apporter la preuve de son absence de faute et non plus au
créancier (victime) d’apporter la preuve de la faute du débiteur.

Enfin, il faut distinguer l’obligation de résultat de la garantie (ex en assurance). Dans


le cas de la garantie, l’obligation de résultat est absolue, c’est-à-dire même en cas de
force majeure.

Cependant, l’avant-projet de réforme de la responsabilité civile ne retient pas cette


distinction, ni la proposition émanant du Sénat.

b) Un dommage prévisible (un préjudice)

Un dommage est nécessaire pour engager la responsabilité contractuelle.


**On peut faire une différence entre dommage et préjudice. La distinction initiée par la
doctrine est reprise par la proposition de réforme sur la responsabilité civile à l’article 1235.
Le dommage relève du fait et le préjudice du droit. Autrement, le préjudice est la traduction
juridique du dommage184.

Article 1231-2
Les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu'il a faite
et du gain dont il a été privé, sauf les exceptions et modifications ci-après.

Les dommages et intérêts réparent la perte subie et le gain perdu (reprend l’ancien art. 1149
CC).
L’ancien article 1150 énonçait les caractères du dommage : il devait être certain, direct et
licite. Aujourd’hui, c’est l’article 1231-4 qu’il faut observer : il reprend le caractère direct qui
est en réalité la traduction du lien de causalité entre l’inexécution et le dommage (cf ci-
dessous).
Il demeure évident que le dommage doit être licite. Quant au caractère certain, cela signifie
que l’on a la certitude qu’il s’est déjà réalisé (préjudice actuel) ou qu’il se réalisera un jour
(préjudice futur).

« il exprime une atteinte aux intérêts patrimoniaux ou extrapatrimoniaux du demandeur » Rapport Y.


184

Lambert-Faivre.

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Article 1231-3
Le débiteur n'est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qui
pouvaient être prévus lors de la conclusion du contrat, sauf lorsque l'inexécution est
due à une faute lourde ou dolosive.

Principe
La responsabilité est limitée au dommage prévisible (reprend l’ancien art. 1150 CC). Il
n’existe pas le même principe de réparation intégrale du dommage que dans la responsabilité
délictuelle.
Le débiteur n’est tenu que des dommages et intérêts qu’on a pu prévoir lors de la conclusion
du contrat : la réparation ne concerne que les dommages prévisibles, compte-tenu de ce qui
est normalement attendu dans le contrat considèré.
Le fondement est l’autonomie de la volonté et la force obligatoire : la consistance et l’étendue
des obligations des parties ont été préalablement déterminées.
Le juge doit alors apprécier la prévisibilité du dommage. Le créancier ne peut pas exiger du
débiteur une somme résultant d'une conséquence de sa défaillance ayant normalement
échappé aux prévisions de celui-ci. La prévisibilité s’apprécie au moment de la conclusion du
contrat et in abstracto.

Exception
Elle est prévue par l’article 1231-3 : la faute lourde ou dolosive
 Faute dolosive : il s’agit d’une faute intentionnelle, d’une inexécution volontaire par le
débiteur sans qu’il y ait nécessairement conscience ou volonté de nuire à son
cocontractant. Idée de mauvaise foi185.

Arrêt société des comédiens français, 1re civ., 4 févr. 1969 : « lorsque, de propos
délibéré, le débiteur se refuse à exécuter ses obligations contractuelles, même si ce
refus n’est pas dicté par l’intention de nuire à son cocontractant »186.

 Faute lourde : elle va plus loin que la simple mauvaise foi de la faute dolosive187.
185
Ex : L’expéditeur impose au transporteur de ne pas faire de sous-traitance, mais le transporteur fait néanmoins
appel à un sous-traitant malgré cette interdiction, Com., 4 mars 2008, n°07-11. 790 ; politique de surbooking
pour les vols, CA Paris, 15 sept. 1992.
186
Il faut préciser qu’au dol du débiteur lui-même, doit être assimilé celui émanant de toute personne qu’il a
introduite, déléguée ou commise dans l’exécution de la convention et dont il doit contractuellement répondre :
Com. 13 sept. 2017, n°16-10.596.
187
Ex ; une société qui livre un pli à un mauvais destinataire, empêchant l’expéditeur de poser sa candidature
dans les délais dans le cadre d’un marché public, Com. 10 mars 2009, n°08-15.457 ; manquement d’une banque
à son obligation de surveillance concernant un contrat de location de coffre-fort, 1re civ. 15 nov. 1988 ; le fait de
laisser sa carte de retrait dans son véhicule et le code confidentiel dans la boite à gants dans un lieu sans
surveillance : Com. 16 oct. 201, n°11-19.981 + Com. 28 mars 2018, n°16-20.018 (hameçonnage).

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Arrêt Faurecia II, 29 juin 2010 : « comportement d’une extrême gravité confinant au
dol et dénontant l’inaptitude de son débiteur à l’accomplissement de sa mission
contractuelle ».

Ces deux fautes font l’objet d’une appréciation in concreto fondée sur gravité du
comportement du débiteur.

Dès lors qu’une telle faute est caractérisée : le débiteur peut être condamné à des
dommages et intérêts réparant le dommage même non prévisible. Il peut donc être condamné
à indemniser des risques qu’il n’aurait pas acceptés.

Cependant, concernant la réparation du dommage en cas de faute lourde ou dolosive,


celle-ci est limitée même dans ce cas. Les dommages et intérêts ne comprennent que ce qui
est une suite immédiate et directe de l’inexécution. C’est l’article 1231-4.

**La proposition de réforme de la responsabilité reprend le caractère prévisible du


dommage à l’article 1251 du Code civil en réservant le cas de la faute lourde ou dolosive. La
formulation diffère cependant : « Art. 1251. – Sauf faute lourde ou dolosive, le débiteur n’est
tenu de
réparer que les conséquences de l’inexécution raisonnablement prévisibles lors
de la formation du contrat. »188

En pratique
on peut s’interroger sur l’efficacité pratique de la limitation de la réparation au dommage
prévisible. En d’autres termes, dans quel cas le dommage sera imprévisible ?189 On retrouve
cette limitation surtout pour les contrats de transport, le prêt, ou encore les contrats avec
transfert de propriété, par ex. la vente190.

c) Un lien de causalité
Article 1231-4
Dans le cas même où l'inexécution du contrat résulte d'une faute lourde ou dolosive,
les dommages et intérêts ne comprennent que ce qui est une suite immédiate et
directe de l'inexécution.

188
Enfin, à contre-courant de la jurisprudence, la proposition de réforme consacre à l’article 1264 l’obligation
pour la victime d’éviter l’aggravation de son préjudice. Le texte fait de la limitation des dommages et intérêts
une faculté ouverte au juge si la victime n’a pas pris les mesures « sûres, raisonnables et proportionnées »
propres à éviter l’aggravation de son préjudice.
189
Ex. : indemnisation de vacanciers pour le retard du train les ayant empêchés de prendre leur avion (refus car
non prévisible), Cass. 1re civ., 28 avr. 2011, n°10-15.056 P ; pour l’indemnisation du préjudice subi par l’avocat
qui n’a pas pu plaider en raison du retard du train : Cass. 1re civ., 26 sept. 2012, n°11-13. 177 ; et pour des frais
correspondant à la perte des loyers à la suite de l’incendie d’un château : Cass. 1re civ., 11 mai 1982.
190
Dans ce cas, les textes spéciaux prévoient cette limitation : art. 1646 CC.

137
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L’inexécution contractuelle (la faute) doit avoir provoqué le dommage. Ce principe est
présent dans la proposition de réforme de la responsabilité civile à l’article 1239191.**

d) Mise en demeure
Article 1231
A moins que l'inexécution soit définitive, les dommages et intérêts ne sont dus que si
le débiteur a préalablement été mis en demeure de s'exécuter dans un délai
raisonnable.
La mise en demeure est nécessaire si l’exécution est encore possible.
**La proposition de réforme du Sénat reprend l’exigence de mise en demeure pour la circonscrire :
art. 1252 « La réparation du préjudice résultant du retard dans l’exécution suppose la mise en
demeure préalable du débiteur. La mise en demeure n’est requise pour la réparation de tout autre
préjudice que lorsqu’elle est nécessaire pour caractériser l’inexécution. »

Il en résulterait une mise en demeure requise seulement dans deux situations :


- pour caractériser le retard concernant des D et I moratoires
- lorsqu’elle est nécessaire pour caractériser (constater) l’inexécution

e) La prescription de l’action en R contractuelle


*Le délai est celui de droit commun depuis la réforme de la prescription, de cinq ans à
compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant
de l’exercer192 (art. 2224 C. civ.) Il existe cependant des délais spéciaux, notamment en cas de
dommage corporel (10 ans, art. 2226), ou encore concernant des actions particulières telles
que l’action en garantie des vices cachés (art. 1648) ou l’action en responsabilité des
constructeurs (art. 1792-4-3). Le délai butoir de vingt ans s’applique sauf en cas de dommage
corporel (art. 2232).

2. Les causes d'exonération ou d'exclusion de responsabilité


a) Causes d'exonération
Cause d’exonération : l’auteur est responsable mais sa responsabilité n’est pas engagée car la
cause d’exonération joue sur la causalité.
Vocabulaire : la notion de cause étrangère regroupe la force majeure (ou cas fortuit), le fait de
la victime et le fait d’un tiers. Le terme n’a pas été repris par le projet de réforme.
191
« Art. 1239. – La responsabilité suppose l’existence d’un lien de causalité entre le fait imputé au
défendeur et le dommage. »
192
Il en résulte que la prescription ne court pas contre celui qui est dans l’impossibilité absolue d’agir par suite
d’un empêchement quelconque, résultant, soit de la loi, soit de la convention, soit de la force majeure. Adage
« contra non valentem agere non currit praescriptio »

138
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- la force majeure : déjà évoquée. Cf. art. 1218 pour définition (déjà, arrêt Ass. Plén. 14 avr.
2006 : elle doit être irrésistible et imprévisible, le critère d’extériorité est abandonné). Elle est
prévue dans la proposition de réforme de la responsabilité civile à l’article 1253 alinéa 3,
lequel renvoie à l’article 1218 CC193.
Il faut préciser que les dispositions relatives à la force majeure ne sont pas d’ordre public.
Elles peuvent donc être écartées par convention.

- le fait du tiers : cas dans lequel le fait d’un tiers a concouru à la production du dommage. Le
fait du tiers n’est admis comme cause d’exonération que lorsqu’il présente les caractères de la
force majeure. La jurisprudence l’admet de manière très restrictive.

- la faute de la victime : la victime a commis une faute 194 qui a concouru (contribué) à la
production du dommage. Si elle présente les caractères de la force majeure, l’exonération est
totale. Elle n’est que partielle dans le cas contraire 195. Il y a alors partage des responsabilités
en fonction de la gravité des fautes respectives et du degré d’implication de chacun dans le
dommage.

**Proposition de réforme : C’est l’article 1254 du projet de réforme et aujourd’hui de la


proposition qui évoque ces deux causes d’exonération. Il prévoit une exception : en cas de
dommage corporel, seule une faute lourde peut entraîner l'exonération partielle.

b) Causes d'exclusion de responsabilité


La responsabilité est ici exclue. Une telle cause efface la responsabilité.
Il faut se référer ici aux faits justificatifs (que l’on connaît déjà en droit pénal). Ce sont des
circonstances de nature à effacer la faute commise. L’article 1257 du projet de réforme
renvoie d’ailleurs sur ce point aux articles 122-4 à 122-7 du code pénal (ordre de la loi,
commandement d’une autorité légitime, légitime défense, état de nécessité).
Le projet ajoute le cas du consentement de la victime (reprise du projet Terré), art. 1257-1.

B. Les aménagements conventionnels

193
L’article 1253 du projet évoque la force majeure de façon différente selon qu’elle est contractuelle ou
extracontractuelle.
194
Selon l’article 1254 de la proposition de réforme, il peut s’agir d’un simple manquement aux obligations
contractuelles.
195
**L’article 1255 du projet et de la proposition prévoit cependant que la faute de la victime privée de
discernement n’a pas d’effet exonératoire, sauf si elle revêt les caractères de la force majeure.

139
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Les clauses relatives à la responsabilité́ contractuelle sont de deux types : d’une part, les
parties peuvent limiter voire exclure la réparation des dommages éventuels, d’autre part elles
peuvent fixer cette réparation de manière forfaitaire (clause pénale).

 Clause pénale :
La clause pénale prévoit par avance le montant forfaitaire de la réparation qui sera due en cas
d’inexécution. Cette somme devra être payée à titre de dommages et intérêts par le débiteur,
que le préjudice effectivement subi soit supérieur ou inférieur au montant fixé.
Ces clauses peuvent, si le montant fixé est faible, jouer le rôle de clauses limitatives. Mais en
pratique, le montant fixé sera généralement plus élevé́ que le préjudice attendu en cas
d’inexécution, et le but de la clause est alors, non de limiter les risques du débiteur, mais à
l’inverse de faire pression sur lui pour qu’il s’exécute.
Double fonction : fonction de réparation du préjudice + fonction comminatoire
Elle est prévue à l’article 1231-5 du Code civil. On y retrouve un pouvoir de révision de cette
clause par le juge qui peut décider d’augmenter ou de diminuer la pénalité196.

Article 1231-5
Lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l'exécuter paiera une certaine
somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une
somme plus forte ni moindre.
Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi
convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.
Lorsque l'engagement a été exécuté en partie, la pénalité convenue peut être
diminuée par le juge, même d'office, à proportion de l'intérêt que l'exécution partielle
a procuré au créancier, sans préjudice de l'application de l'alinéa précédent.
Toute stipulation contraire aux deux alinéas précédents est réputée non écrite.
Sauf inexécution définitive, la pénalité n'est encourue que lorsque le débiteur est mis
en demeure.

**La proposition de loi reprend cet article à l’article 1287.

 Clause limitative ou exclusive de responsabilité :


En principe, ces clauses sont valables197.
Exceptions :

196
Il s’agit là d’une limite à la force obligatoire.
197
Elles ne le sont pas en matière extracontractuelle (voir proposition de réforme, art. 1286)

140
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o Lorsque l’inexécution provient d’une faute lourde ou dolosive. Dans ce cas, la


clause ne pourra pas être opposée au créancier contractuel.
**Exception consacrée par la proposition de réforme à l’article 1285.

o Pour éviter que de telles clauses soient imposées par un cocontractant en position
de force, la loi prévoit une réglementation spécifique en matière de droit de la
consommation (elles sont alors qualifiées de clauses abusives) ou de droit des
transports (ces clauses sont nulles dans la plupart des contrats de transport).

o Attention à l’article 1170 du Code civil : jurisprudence Chronopost (Com. 22 oct.


1996) visant une clause limitative de responsabilité. Quant à l’arrêt Faurecia (Com.
29 juin 2010), il porte sur la clause limitative de réparation. La solution est la
même « seule est réputée non écrite la clause limitative de réparation qui contredit
la portée de l’obligation essentielle souscrite par le débiteur ».

o ***Proposition de réforme de la responsabilité civile : La proposition de loi


reconnaît la validité de ces clauses à l’article 1284 (sauf en cas de dommage
corporel). L’exception de la faute lourde ou dolosive est reprise.

SECTION 2 du chapitre 1/ EFFETS DU CONTRAT A L’ÉGARD


DES TIERS

§1/ Le principe de l’effet relatif

Article 1199
Le contrat ne crée d'obligations qu'entre les parties.
Les tiers ne peuvent ni demander l'exécution du contrat ni se voir contraints de
l'exécuter, sous réserve des dispositions de la présente section et de celles du
chapitre III du titre IV.

Il s’agit du principe de relativité des conventions. Le contrat n’oblige que les parties. Il n’a
pas d’effet à l’égard des tiers. L’un des cocontractants ne peut demander à un tiers d’exécuter
son obligation et le tiers ne peut exiger l’exécution du contrat.

Article 1200
Les tiers doivent respecter la situation juridique créée par le contrat.

141
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Ils peuvent s'en prévaloir notamment pour apporter la preuve d'un fait.

Le contrat est cependant un fait social. En tant que tel, il est opposable à tous. Aussi, les tiers
ne peuvent ignorer les conséquences qu’il crée : le contrat leur est opposable. C’est l’autre
versant de l’effet relatif : l’opposabilité des conventions.
Alinéa 1 : le contrat leur est opposable / alinéa 2 : le contrat est opposable par les tiers198
L’opposabilité du contrat joue en principe erga omnes. Cette opposabilité est parfois soumise
à des formalités de publicité.
Le contrat peut par exemple être utilisé comme un moyen de preuve pour les tiers.
La limite à l’opposabilité est ce qu’on appelle la simulation. Les contractants rédigent deux
actes : l’un est la convention apparente, l’acte ostensible qui est l’acte simulé, alors que le
second est l’acte occulte (secret), appelé également contre-lettre. La contre-lettre produit effet
entre les parties (art. 1201)199. La simulation est sanctionnée dans certains cas (art. 1202)200.

2 précisions cependant :

 Quant aux droits : l’effet relatif ne concerne que les droits de créance (droit personnel)
car les droits réels, créés ou transmis par un contrat, sont attachés à la chose et
produisent leurs effets à l’égard de tous. Les contrats translatifs de propriété sont alors
particulièrement concernés.

 Quant aux personnes :

o Les parties : la force obligatoire s’applique à l’égard des personnes qui sont
parties au moment de la naissance du contrat. Mais elle produit également des
effets à l’égard des personnes qui prennent la place des parties. Ainsi, en cas de
décès, selon le principe de continuation, les ayants cause à titre universel
(héritiers et légataires à titre universel) sont assimilés aux parties. Il en est de

198
Par ex l’assureur peut se prévaloir de la transaction conclue entre la victime et l’auteur du dommage
199
Art. 1201 : « Lorsque les parties ont conclu un contrat apparent qui dissimule un contrat occulte, ce dernier,
appelé aussi contre-lettre, produit effet entre les parties. Il n'est pas opposable aux tiers, qui peuvent néanmoins
s'en prévaloir ».
200
Art. 1202 : « Est nulle toute contre-lettre ayant pour objet une augmentation du prix stipulé dans le traité de
cession d'un office ministériel.
Est également nul tout contrat ayant pour but de dissimuler une partie du prix, lorsqu'elle porte sur une vente
d'immeubles, une cession de fonds de commerce ou de clientèle, une cession d'un droit à un bail, ou le bénéfice
d'une promesse de bail portant sur tout ou partie d'un immeuble et tout ou partie de la soulte d'un échange ou
d'un partage comprenant des biens immeubles, un fonds de commerce ou une clientèle. »

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même pour les personnes morales, lors de fusion ou absorption d’une société
par une nouvelle société. Cependant, les contrats intuitu personae font ici
figure d’exception.

o Les tiers : ce sont ceux qui n’ont aucun lien avec les parties. Ce sont les tiers
absolus (penitus extranei)201.
Il y a certaines catégories intermédiaires : les créanciers des contractants qui disposent
d’un droit de gage général sur le patrimoine de leur débiteur.
De même, les ayants cause à titre particulier : ce sont ceux qui tiennent leur droit de
l’une des parties. Par exemple, une personne acquiert d’une des parties le bien faisant
l’objet du contrat. Elle ne se substitue pas pour autant au contractant. La jurisprudence
a décidé par ex. que « l’acquéreur d’un bien à titre particulier ne succède pas de plein
droit aux obligations personnelles de son auteur, même si celles-ci sont nées à
l’occasion du bien transmis »202. Par exemple celui qui achète un immeuble n’est pas
tenu par les travaux commandés par le vendeur.

Enfin, le tiers qui connaît l’existence du contrat peut commettre une faute délictuelle
s’il se rend complice de sa violation par le cocontractant (ex. Clause de non
concurrence).

§2/ Les limites de l’effet relatif

A. La jurisprudence Myr'ho et ses suites

Situation : un contrat a été conclu. Il y a un manquement contractuel (une inexécution ou une


mauvaise exécution). Cette faute contractuelle cause un dommage à un tiers. Sur quel
fondement le tiers peut-il obtenir réparation ?
Autrement dit, est-ce qu’il faut rechercher une faute autonome par rapport au manquement
contractuel ou est-ce que le seul manquement contractuel suffit à constituer une faute
délictuelle ? (dans ce dernier cas le tiers n’a qu’à prouver le manquement contractuel).

Jurisprudence Boot shop : À la suite d’une opposition entre la chambre commerciale et la


chambre civile, l’assemblée plénière de la Cour de cassation a rendu un important arrêt du 6
octobre 2006 (arrêt dit Myr’Ho ou Boot shop)203 :
« le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un
manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage ».

201
Selon l’adage : « le chose convenue entre les uns ne peut ni nuire ni profiter aux autres ».
202
3e civ., 16 nov. 1988.
203
N°05-13.255

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Critiques : Cette position peut sembler problématique car le tiers peut se prévaloir du contrat
mais n’est pas soumis aux contraintes qui découlent du contrat (clause limitative de
responsabilité par exemple)

Jurisprudence postérieure : la jurisprudence ultérieure permet de constater que la solution de


l’arrêt Myr’Ho n’est pas systématique204. Cependant, cela donne lieu à une incertitude, la
jurisprudence étant nuancée. Certains arrêts refusent en effet l’identité des fautes contractuelle
et délictuelle. Si l’on permet à un tiers d’obtenir réparation des conséquences d’une faute
contractuelle, n’est-ce pas lui permettre indirectement de réclamer l’exécution du contrat ?
Projet de réforme : face à cette incertitude préjudiciable à la sécurité juridique, le projet de
réforme de la responsabilité civile impose au tiers de rapporter la preuve que cette faute
contractuelle constitue également une faute délictuelle :
Article 1234 de la proposition de réforme
Lorsque l'inexécution du contrat cause un dommage à un tiers, celui-ci ne peut
demander réparation de ses conséquences au débiteur que sur le fondement de la
responsabilité extracontractuelle, à charge pour lui de rapporter la preuve de l'un des
faits générateurs visés à la section II du chapitre II.

Un tempérament est apporté à l’alinéa 2, lorsque le tiers a un intérêt légitime à la bonne


exécution du contrat. Dans ce cas, il peut invoquer le manquement contractuel sur le
fondement de la responsabilité contractuelle. On peut ici songer à la notion de groupe de
contrats. Même au-delà, on peut considérer que la jurisprudence Myr’ho trouve là un terrain
de jeu.
« Toutefois, le tiers ayant un intérêt légitime à la bonne exécution d’un contrat peut
également invoquer, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, un manquement
contractuel dès lors que celui-ci lui a causé un dommage. Les conditions et limites de la
responsabilité qui s’appliquent dans les relations entre les contractants lui sont opposables.
Toute clause qui limite la responsabilité contractuelle d’un contractant à l’égard des tiers est
réputée non écrite. »

Rapport sur le projet de réforme : Le 25 juin 2019, un groupe de travail de la cour d’appel de
Paris a rendu public un rapport intitulé 205 : « la réforme du droit français de la responsabilité
civile et les relations économiques ». Les auteurs du rapport considèrent que la situation
jurisprudentielle actuelle est un frein à l’attractivité du droit français. Ils préconisent la même
solution que le projet : le manquement ne constitue une source de responsabilité contractuelle
à l’égard des tiers que lorsqu’il constitue un fait générateur de responsabilité délictuelle206.

204
Par ex. Cass. 18 mai 2017.
205
Groupe de travail, rapport sur « La réforme du droit français de la responsabilité civile et les relations
économiques », avr. 2019.
206
Le rapport envisage également de s’inspirer du droit allemand pour que certains tiers puissent bénéficier des
règles de la responsabilité contractuelle.

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**Nouvelle jurisprudence, arrêt Boot shop II : Dalloz actualité, 24 janv. 2020, obs. J.-D. Pellier
Cass. ass. Plén. 13 janv. 2020, n°17-19963
(ou arrêt « Sucrerie de Bois Rouge »)
La jurisprudence Myr’HO est de retour avec deux précisions. Elle peut trouver application
concernant une obligation de résultat et non pas seulement une obligation de moyens. Elle
invite à se concentrer sur le lien de causalité entre le manquement contractuel invoqué et le
préjudice subi.

Com. 15 juin 2022, F-B, n° 19-25.750 (le préjudice doit cependant être personnel au tiers)

**Dernier état de la proposition de réforme : la proposition de loi du Sénat vise à renverser la


jurisprudence actuelle tel qu’énoncé dans les motifs de la proposition de loi du Sénat à la page
6.
La proposition de loi a l’intérêt de clarifier l’intention du législateur sur ce point :
la victime doit d’abord agir en R extracontractuelle et ce n’est qu’à titre subsidiaire qu’elle
pourra agir sur le fondement de la R contractuelle, auquel cas, elle sera soumise aux règles
contractuelles207. Cependant, pour ce faire :- la victime doit avoir un intérêt légitime à la
bonne exécution du contrat208 ; - la victime ne doit disposer d’aucune autre action en
réparation de son préjudice.

B. Le transfert des actions directes en paiement

Situation : En principe, il y a deux étapes : le tiers agit contre l’une des parties au contrat.
Celle-ci réclame alors à l’autre l’exécution de son obligation. Ex : contrat de sous-location. Le
bailleur réclame le paiement du loyer à son locataire qui va le réclamer à son sous-locataire.
Idem pour la sous-traitance (le sous-traitant est payé par l’entreprise qui décide de sous-traiter
et elle est elle-même payée par le client).
207
« L’article 1234 clarifie les conditions d’action en réparation du tiers victime d’une inexécution contractuelle
en revenant sur la jurisprudence de la Cour de cassation, réaffirmée le 13 janvier 2020 en assemblée plénière,
qui paraît ériger définitivement le manquement contractuel en fait générateur de responsabilité
extracontractuelle. Ainsi, le tiers pourra désormais demander réparation :
- soit sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle, en prouvant alors un fait générateur comme
l’exige le droit commun ;
- soit, à titre subsidiaire, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, en se soumettant alors à
l’ensemble de ses règles s’il a un intérêt légitime à la bonne exécution du contrat et ne dispose d’aucune autre
action en réparation de son préjudice.
Ces deux innovations, déjà suggérées par le rapport d’information sénatorial Anziani-Béteille de 2009 et
l’avant-projet Catala, reprennent les propositions n°s 10 et 2 du rapport d’information de la commission des
lois
du Sénat adopté le 22 juillet 2020 ».
208
Si la mauvaise exécution du contrat lui cause un préjudice, n’est-ce pas évident qu’elle a un intérêt légitime à
la bonne exécution du contrat ? notion à préciser…

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Mécanisme : L’action directe permet de sauter une étape.


Elle permet à un tiers, qui dispose d’un droit contre l’une des parties au contrat, d’exercer lui-
même le droit de cette partie contre l’autre contractant. Ex : dans le contrat de sous-location,
le bailleur réclame le paiement directement au sous-locataire. L’entreprise sous-traitante
réclament son paiement directement auprès du client.
Texte légal : L’action directe en paiement doit être prévue par un texte légal.

C. Le transfert des actions en responsabilité

Situation : La situation concernée est celle des chaînes de contrat. Celle-ci s’intègre dans la
notion de groupe de contrats. Il s’agit d’un ensemble conventions présentant une unité
économique, soit parce qu'elles portent sur un même objet, soit parce qu'elles poursuivent un
but commun209.
Par ex. en cas de vente successives : fabricant, grossiste, vendeur, acquéreur final.
Par ex. contrat d’entreprise : maître d’ouvrage (client final), entrepreneur principal, sous-
traitant.

La victime d’un dommage résultant de l’inexécution contractuelle se situant en bout de chaîne


peut-elle fonder son action sur la responsabilité contractuelle ?

Jurisprudence : La jurisprudence l’a admis en cas de ventes successives pour réparer le


dommage subi par un sous-acquéreur contre un précédent vendeur ou contre le fabricant du
produit. L' "action directe" intentée par le sous-acquéreur est de nature contractuelle.
Concernant l'action du maître de l'ouvrage intentée contre le fabricant de matériaux avec
lequel avait contracté l'entrepreneur, il y a eu une divergence entre la 1 re et la 3e chambre
civile. L’assemblée plénière mit fin à cette division par un arrêt du 7 février 1986 et, donnant
raison, à la première Chambre civile, admit l'exercice d'une action contractuelle directe en
responsabilité d'un maître de l'ouvrage contre un fabricant de matériaux de construction :
“Mais attendu que le maître de l'ouvrage comme le sous-acquéreur, jouit de tous les droits et actions
attachés à la chose qui appartenait à son auteur ; qu'il dispose donc à cet effet contre le fabricant
d'une action contractuelle directe fondée sur la non-conformité de la chose livrée ”(Cass. ass. plén., 7
févr. 1986 : Bull. ass. plén. 1986, n° 2 ).

Certaines actions directes en responsabilité sont prévues par les textes210.

209
On y intègre également la notion d’ensemble contractuel qui visent une même finalité : il faut alors rechercher
la commune intention des parties.
210
Par exemple, les actions intentées par des sous-acquéreurs contre les constructeurs et vendeurs d'immeubles à
construire (C. civ., art. 1792 et 1646-1) et la même action est attribuée au maître de l'ouvrage contre le fabricant

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Arrêt de principe : Est-il possible d’étendre cette jurisprudence aux chaînes de contrat dans
lesquelles il n’y a pas de transfert de propriété ? La jurisprudence, par la notion de groupes de
contrat, a cédé à une telle approche extensive.
Face à la résistance de la troisième chambre civile, l’assemblée plénière a rendu un important
arrêt le 12 juillet 1991 (dit arrêt Besse) : dans le cadre d’un contrat de sous-traitance, l’action
en responsabilité de l’entrepreneur principal contre le sous-traitant ne se transmet pas au
maître de l’ouvrage211.
Le transfert de l’action en responsabilité contractuelle est aujourd’hui limité aux
chaînes de contrat dans lesquelles on retrouve un transfert de propriété.
Cf. art. 1234 projet de réforme de la responsabilité civile.

Précisions : L’action est transmise dans son intégralité, cad aussi avec ses limites (clause
limitative par ex.) s’il y a lieu.

Enfin, il faut différencier ces situations du transfert du contrat (avec ses droits et obligations).
Dans ce cas, il s’agit du changement d’une partie au contrat. Celui-ci peut résulter de
dispositions légales (ex contrat de bail, contrat d’assurance transmis à l’acquéreur du bien
avec faculté de résiliation, contrat de travail qui sont transmis de plein droit au nouvel
exploitant etc.) ; ou d’une cession de contrat (le contrat résulte alors d’un accord consacré aux
art. 1216 à 1216-3, « cession de sa qualité de partie »).

D. Acte juridique collectif


Au sens étroit de l'expression, l'acte juridique collectif est celui dont la formation est
collective.
L'exemple type en est la délibération prise par une assemblée, d'associés ou de
copropriétaires.
Au sens large, l'acte juridique collectif s'entend également, selon certains, de celui dont les
effets sont collectifs. On parle alors plus précisément de contrat collectif pour désigner celui
qui engage non seulement ceux qui l'ont conclu mais aussi, plus largement, l'ensemble des
membres d'une collectivité, consentants ou non.
L'exemple type en est la convention collective de travail conclue entre, d'une part, un
employeur ou un groupement d'employeurs et, d'autre part, une ou plusieurs organisations
syndicales représentatives.

de certains éléments entraînant une responsabilité solidaire avec l'entrepreneur (C. civ., art. 1792-4).
211
Lequel ne peut donc agir que sur le fondement délictuel.

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E. La stipulation pour autrui et la promesse de porte-fort

Principe : Article 1203


On ne peut s'engager en son propre nom que pour soi-même.

Promesse de porte-fort
Ce n’est qu’une exception à l’effet relatif apparente : la promesse de porte-fort n’est pas une
promesse pour autrui : elle est un engagement personnel du porte-fort qui promet le fait d’un
tiers.

Article 1204
On peut se porter fort en promettant le fait d'un tiers.
Le promettant est libéré de toute obligation si le tiers accomplit le fait promis. Dans le
cas contraire, il peut être condamné à des dommages et intérêts.
Lorsque le porte-fort a pour objet la ratification d'un engagement, celui-ci est
rétroactivement validé à la date à laquelle le porte-fort a été souscrit.

Stipulation pour autrui


Il s’agit là d’une véritable exception à l’effet relatif.
Ex : l’assurance-vie

Article 1205
On peut stipuler pour autrui.
L'un des contractants, le stipulant, peut faire promettre à l'autre, le promettant,
d'accomplir une prestation au profit d'un tiers, le bénéficiaire. Ce dernier peut être
une personne future mais doit être précisément désigné ou pouvoir être déterminé
lors de l'exécution de la promesse.

Article 1206
Le bénéficiaire est investi d'un droit direct à la prestation contre le promettant dès la
stipulation.
Néanmoins le stipulant peut librement révoquer la stipulation tant que le bénéficiaire
ne l'a pas acceptée.

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La stipulation devient irrévocable au moment où l'acceptation parvient au stipulant ou


au promettant.

Article 1207
La révocation ne peut émaner que du stipulant ou, après son décès, de ses héritiers.
Ces derniers ne peuvent y procéder qu'à l'expiration d'un délai de trois mois à
compter du jour où ils ont mis le bénéficiaire en demeure de l'accepter.
Si elle n'est pas assortie de la désignation d'un nouveau bénéficiaire, la révocation
profite, selon le cas, au stipulant ou à ses héritiers.
La révocation produit effet dès lors que le tiers bénéficiaire ou le promettant en a eu
connaissance.
Lorsqu'elle est faite par testament, elle prend effet au moment du décès.
Le tiers initialement désigné est censé n'avoir jamais bénéficié de la stipulation faite
à son profit.

Article 1208
L'acceptation peut émaner du bénéficiaire ou, après son décès, de ses héritiers. Elle
peut être expresse ou tacite. Elle peut intervenir même après le décès du stipulant
ou du promettant.

Article 1209
Le stipulant peut lui-même exiger du promettant l'exécution de son engagement
envers le bénéficiaire.

COURS DE DROIT DES OBLIGATIONS I....................................................................................................1


INTRODUCTION.................................................................................................................................1
CHAPITRE I – LE DROIT DES OBLIGATIONS..............................................................................................1
SECTION 1 – Les sources du droit des obligations..............................................................................1
§1. Les sources internes.................................................................................................................1
§2. Les sources internationales......................................................................................................1
SECTION 2 - L’évolution du droit des obligations...............................................................................2
CHAPITRE II – LA NOTION D’OBLIGATION..............................................................................................5
SECTION 1- Définition de l’obligation.................................................................................................5
SECTION 2 – Classification des obligations.........................................................................................6

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§ 1 - Classification fondée sur l’objet de l’obligation......................................................................6


A/ L’obligation de donner, de faire ou de ne pas faire...............................................................6
B/ Obligation en nature et obligation monétaire.......................................................................6
§2 – Classification fondée sur les sources de l’obligation...............................................................6
§3 – La distinction obligation civile / obligation naturelle..............................................................7
§4 – La distinction obligation de moyen / obligation de résultat....................................................7
TITRE I – LE CONTRAT.............................................................................................................................7
SECTION 1 – Les fondements du contrat............................................................................................7
§1. La liberté contractuelle.............................................................................................................7
§2. Le principe de l’autonomie de la volonté.................................................................................7
§3. Le principe du consensualisme.................................................................................................8
§4. La bonne foi..............................................................................................................................8
SECTION 2 - La notion de contrat......................................................................................................8
§1. Définition..................................................................................................................................8
§2. Distinction avec d’autres notions.............................................................................................9
SECTION 3 /LA CLASSIFICATION DES CONTRATS..........................................................................9
TITRE 2 - LES CONDITIONS DE FORMATION DU CONTRAT...................................................................12
CHAPITRE I – LES CONDITIONS TENANT AUX PARTIES..........................................................................12
SECTION 1/ Le consentement...........................................................................................................12
§1 / L’existence et l’expression du consentement.......................................................................12
I / La période précontractuelle.................................................................................................12
A/ Les négociations précontractuelles..................................................................................13
B/ Le devoir d’information....................................................................................................14
C/ le devoir de confidentialité..............................................................................................15
II/ La rencontre des volontés : fondement du contrat..............................................................16
A/ L’offre ou pollicitation...................................................................................................16
1. Les conditions de l'offre................................................................................................17
a) les conditions de fond...........................................................................................17
b) les conditions de forme........................................................................................17
2. Le régime juridique de l'offre........................................................................................18
a. la rétractation de l'offre............................................................................................18
b. la caducité de l'offre.................................................................................................20
B / L’acceptation...................................................................................................................21
1. conditions de fond........................................................................................................21
2. conditions de forme......................................................................................................22
3. effets de l'acceptation..................................................................................................23

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C / La rencontre de l’offre et de l’acceptation : cas particuliers...........................................24


1. Contrats entre absents.............................................................................................24
2. Contrats sous forme électronique............................................................................25
3. Les conditions générales...........................................................................................25
III/ Les contrats préparatoires..................................................................................................26
1. La promesse unilatérale de contrat..............................................................................26
a/ conditions de fond........................................................................................................26
b/ conditions de forme.....................................................................................................26
c/ indemnité d'immobilisation..........................................................................................27
d/ effets de la promesse unilatérale.................................................................................27
e/ La violation de la promesse unilatérale........................................................................28
2. La promesse synallagmatique de contrat.........................................................................30
3. Le pacte de préférence.................................................................................................33
a) Conditions.....................................................................................................................34
b) Mise en œuvre..............................................................................................................34
c) Violation du pacte de préférence..................................................................................35
d) Action interrogatoire....................................................................................................36
§2 / La liberté et l’'intégrité du consentement.............................................................................37
I/ L’erreur........................................................................................................................37
1. Les erreurs admises......................................................................................................39
a) L’erreur sur la qualité essentielle..............................................................................40
b) L’erreur sur la personne............................................................................................43
2. Les erreurs indifférentes...................................................................................................43
3. Les caractères de l’erreur.................................................................................................44
4. Preuve et sanction de l’erreur..........................................................................................45
II / Le dol............................................................................................................................46
1. Les éléments constitutifs du dol.......................................................................................47
2. Les caractères du dol........................................................................................................51
2. Preuve et sanctions du dol................................................................................................52
III / La violence..........................................................................................................................53
1. L’objet de la violence........................................................................................................53
2. Les caractères de la violence............................................................................................53
3. L’origine de la violence.....................................................................................................55
4. La violence résultant d’un abus de l’état de dépendance.................................................56
5. Preuve et sanction de la violence.....................................................................................57
§3/ Un consentement réel...........................................................................................................58

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I. La Simulation.........................................................................................................................58
1/ la notion de simulation.....................................................................................................58
2/ Le régime de la simulation...............................................................................................59
II. L’insanité d’esprit.................................................................................................................60
Article 464................................................................................................................................61
§4/ Cas particuliers de protection légale du consentement.........................................................61
Contrat par voie électronique...............................................................................................61
Conditions générales............................................................................................................62
SECTION 2/ La capacité et le pouvoir...............................................................................................62
§1. La capacité..............................................................................................................................62
§2. Le pouvoir...............................................................................................................................64
CHAPITRE 2 - LES CONDITIONS TENANT AU CONTENU DU CONTRAT..................................................66
Section préliminaire : le droit antérieur...........................................................................................66
§1/ L’objet (textes anciens)..........................................................................................................67
§2. La cause..................................................................................................................................67
A/ La conception dualiste de la cause.......................................................................................67
B/ Le régime de la cause...........................................................................................................68
1. L’absence de cause...........................................................................................................68
2. L’illicéité de la cause.........................................................................................................69
SECTION 1/ UN « CONTENU LICITE ET CERTAIN »: LE DROIT POSITIF...............................................70
§1. L’objet modernisé...................................................................................................................71
A. L’existence de l’objet............................................................................................................71
B. La détermination de l’objet..................................................................................................71
I. Principe..............................................................................................................................72
II. Tempéraments.................................................................................................................74
o La qualité de la prestation.......................................................................................74
o Quid du prix ?...........................................................................................................74
Auparavant...................................................................................................................75
Réforme........................................................................................................................77
§ 2. La licéité du contenu du contrat............................................................................................79
SECTION 2 / L’ÉQUILIBRE DU CONTRAT............................................................................................81
§1. La lésion.................................................................................................................................81
§2. La recherche de la justice contractuelle.................................................................................84
A. La contrepartie illusoire ou dérisoire................................................................................84
B. La clause contredisant l'obligation essentielle..................................................................85
C. Le déséquilibre significatif dans les contrats d’adhésion..................................................87

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CHAPITRE 3 – LES SANCTIONS DES CONDITIONS DE FORMATION DU CONTRAT.................................92


Section préliminaire / NULLITÉS : NOTION.......................................................................................92
§1. Distinction avec les autres notions.........................................................................................92
§2. Distinction nullité relative / nullité absolue............................................................................93
SECTION 1/ L’ACTION EN NULLITÉ....................................................................................................95
§1. Le fondement.........................................................................................................................95
§2. Les titulaires............................................................................................................................95
§3. La prescription........................................................................................................................96
§4. La nullité conventionnelle.......................................................................................................97
SECTION 2/ LA CONFIRMATION........................................................................................................98
§1. Domaine.................................................................................................................................98
§2. Conditions de fond.................................................................................................................98
§3. Conditions de forme...............................................................................................................99
§4. Effets.......................................................................................................................................99
§5. Action interrogatoire............................................................................................................100
SECTION 3/ LES EFFETS DE LA NULLITÉ...........................................................................................100
§1. L’étendue de la nullité..........................................................................................................101
§2. La rétroactivité.....................................................................................................................101
TITRE 3 – L’EXÉCUTION DU CONTRAT.................................................................................................104
CHAPITRE 1 – LES EFFETS DU CONTRAT.............................................................................................104
SECTION 1 / EFFETS ENTRE LES PARTIES.........................................................................................104
§1 / La force obligatoire.............................................................................................................104
§2/ L’interprétation du contrat..................................................................................................104
§3/ Le contrat dans le temps......................................................................................................107
A/ La durée du contrat...........................................................................................................107
B/ L’imprévision......................................................................................................................110
§4/ L'effet translatif....................................................................................................................113
SECTION 2/ EFFETS A L’ÉGARD DES TIERS.......................................................................................116
CHAPITRE 2/ L’INEXÉCUTION DU CONTRAT.......................................................................................116
SECTION 1/ LE SORT DU CONTRAT.................................................................................................116
§1. L’impossibilité d’exécution : la théorie des risques..............................................................116
§2. L’exécution espérée : les remèdes à l’inexécution...............................................................119
A. L’exception d’inexécution...............................................................................................119
B. L’exécution forcée..........................................................................................................121
C. La réduction....................................................................................................................126
§3. Le contrat anéanti : la résolution pour inexécution..............................................................127

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A/ Les modes la résolution.....................................................................................................127


1/ Résolution judiciaire.......................................................................................................127
2/ Clause résolutoire..........................................................................................................128
3/ Résolution par notification.............................................................................................129
B/ Les effets de la résolution..................................................................................................131
SECTION 2/ LA RESPONSABILITÉ CONTRACTUELLE.........................................................................132
§1. Le domaine de la responsabilité contractuelle.....................................................................133
A/ Un contrat valable.............................................................................................................133
B/ Le rattachement du dommage à une obligation contractuelle..........................................133
C/ Une victime partie au contrat............................................................................................134
§2. La mise en œuvre de la responsabilité contractuelle...........................................................134
A. Le régime légal...................................................................................................................134
B. Les aménagements conventionnels....................................................................................141
SECTION 2 du chapitre 1/ EFFETS DU CONTRAT A L’ÉGARD DES TIERS..........................................143
§1/ Le principe de l’effet relatif..................................................................................................143
§2/ Les limites de l’effet relatif...................................................................................................145
A. La jurisprudence Myr'ho et ses suites................................................................................145
B. Le transfert des actions directes en paiement....................................................................147
C. Le transfert des actions en responsabilité..........................................................................147
D. Acte juridique collectif.......................................................................................................149
E. La stipulation pour autrui et la promesse de porte-fort.....................................................149

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