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Université de Rouen Normandie

Année universitaire 2021-2022

Droit civil (L2) – L’acte juridique


Cours de M. le Professeur Antoine Touzain

SÉANCE N° 1 : LES NOTIONS D’ACTE JURIDIQUE


ET DE CONTRAT
Séance traitée la semaine du 7 février 2022.

PROGRAMME DE RÉVISION

Partie préliminaire : Introduction au droit des contrats

LES SOURCES DES OBLIGATIONS : L’ACTE JURIDIQUE

L’obligation (ou droit personnel, par opposition au droit réel) est un lien de droit entre deux ou
plusieurs personnes en vertu duquel le créancier peut exiger du débiteur une prestation.
L’obligation peut découler d’un fait juridique (vous l’avez vu au premier semestre) ; elle peut
aussi découler d’un acte juridique. Cette distinction est désormais consacrée dans les
articles 1100-1 et 1100-2 du Code civil, ce qui soulève quelques questions.

Document 1. Articles 1100-1 et 1100-2 du Code civil

Document 2. C. Brenner, « Sources des obligations dans le Code civil rénové : passage à l’acte
ou acte manqué ? », JCP G 2016. 524.

Que pensez-vous de la consécration de la notion d’acte juridique dans le Code civil ?

LA NOTION DE CONTRAT

Le modèle de l’acte juridique est le contrat, dont la définition découle de l’article 1101 du Code
civil : il s’agit d’un accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes, qui est destiné à créer,
modifier, transmettre ou éteindre des obligations. Peut-on qualifier un contrat alors que l’une
des parties est dans l’impossibilité d’exprimer sa volonté ? C’est la figure jurisprudentielle de
la convention d’assistance bénévole.

Document 3. Cass. 2e civ., 12 septembre 2013, n° 12-23.530.

LA CLASSIFICATION DES CONTRATS

Les articles 1106 à 1111-1 du Code civil prévoient diverses classifications des contrats. Les
contrats peuvent être synallagmatiques ou unilatéraux ; commutatifs ou aléatoires ; à titre
onéreux ou à titre gratuit ; à exécution successive ou à exécution instantanée ; conclus intuitu
personae ou non ; d’adhésion ou de gré à gré ; etc. Ces qualifications ne sont pas neutres.

Document 4. Article 1375 du Code civil.

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Document 5. Cass. 1re civ., 12 juillet 2006, n° 04-19.511.

Exercice : vous élaborerez deux notes d’arrêts, l’une relative à l’arrêt du 12 septembre 2013
(doc. 3), l’autre relative à l’arrêt du 12 juillet 2006 (doc. 5).

Méthodologie.

L’introduction d’une note d’arrêt est une fiche d’arrêt. Une telle fiche vise à présenter l’arrêt de
manière succincte mais complète, afin de permettre au lecteur de savoir de quoi il retourne. Elle
se décompose en cinq étapes :
- l’accroche : il s’agit d’indiquer la date, la juridiction qui a rendu l’arrêt ainsi que le thème
général de la décision rendue ;
- les faits : il convient de ne présenter que les faits utiles à la compréhension de l’arrêt, en les
présentant de manière claire et objective ; les faits comme les parties doivent être qualifiés (pas
de « Monsieur X. » mais « le vendeur » par exemple) ; l’exposé des faits se termine par la
présentation de la procédure (sans inventer quoi que ce soit : tenez-vous en aux informations
qui découlent de l’arrêt, sans par exemple évoquer une hypothétique décision de première
instance dont le contenu n’est pas rappelé par la Cour de cassation) ;
- ensuite, de deux choses l’une : si l’arrêt est un arrêt de cassation, il convient d’indiquer le
contenu de l’arrêt d’appel ainsi que les arguments développés par la cour d’appel ; si l’arrêt est
de rejet du pourvoi, il convient de présenter les arguments développés par le pourvoi ;
- il faut ensuite poser une question de droit, qui doit être qualifiée : il s’agit de la question à
laquelle la Cour de cassation a eu à répondre ; c’est un passage fondamental car c’est sur cette
question et la réponse de la Cour de cassation que se basera la note d’arrêt à proprement parler ;
- il faut enfin présenter la solution de la Cour de cassation, donc la réponse à la question : à cet
égard, il faut indiquer les motifs développés par la Cour, en présentant les visas, les éventuels
chapeaux, etc.

Une fois l’introduction terminée, la note d’arrêt consiste en une analyse de l’arrêt qui a été
présenté. Elle n’obéit à aucune exigence de forme particulière : l’objectif est de montrer que
l’arrêt est compris et que la question de fond posée dans l’arrêt est maîtrisée. Il est ainsi possible
d’évoquer (sans qu’il s’agisse d’un plan exigé, loin de là !) :
- le sens de l’arrêt : il s’agit d’expliciter la solution de l’arrêt en expliquant les raisons qui ont
poussé la Cour de cassation à rendre cette décision ;
- la valeur de l’arrêt : il s’agit de faire preuve d’esprit critique et de déterminer si cette solution
est justifiée ou non au regard des textes applicables / appliqués ; l’analyse doit être juridique
avant tout, mais peut être agrémentée d’éléments extra-juridiques (économie, morale, etc.) ;
- la portée de l’arrêt : il s’agit d’inscrire l’arrêt dans un contexte historique, en indiquant si la
solution est toujours d’actualité par exemple (ce qui est particulièrement intéressant dans le
contexte actuel de réforme du droit des contrats).

DOCUMENT 1. ARTICLES 1100-1 ET 1100-2 DU CODE CIVIL

Art. 1100-1. « Les actes juridiques sont des manifestations de volonté destinées à produire des
effets de droit. Ils peuvent être conventionnels ou unilatéraux.
Ils obéissent, en tant que de raison, pour leur validité et leurs effets, aux règles qui gouvernent
les contrats. »

Art. 1100-2. « Les faits juridiques sont des agissements ou des événements auxquels la loi
attache des effets de droit.

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Les obligations qui naissent d'un fait juridique sont régies, selon le cas, par le sous-titre relatif
à la responsabilité extracontractuelle ou le sous-titre relatif aux autres sources d'obligations. »

DOCUMENT 2. C. BRENNER, « SOURCES DES OBLIGATIONS DANS LE CODE CIVIL


RÉNOVÉ : PASSAGE À L’ACTE OU ACTE MANQUÉ ? », JCP G 2016. 524.

Le nouveau Titre III du Livre troisième du Code civil oppose contrats, responsabilité
extracontractuelle et autres sources des obligations. - En même temps, la distinction de l'acte
juridique et du fait juridique a été affichée en ouverture de ce même titre. - En dépit de certaines
maladresses, cette présentation peut être approuvée. - Elle fournit en effet un juste milieu entre
ignorance de l'acte juridique et préséance sur le contrat.

Pour des raisons sur lesquelles il est inutile de revenir, tant elles ont fait couler d'encre, la
réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations réalisée par
l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 était très attendue. Avec impatience ou inquiétude
selon les intéressés et, pour tous, une certaine fébrilité, à raison du secret jalousement gardé par
la Chancellerie sur les derniers arbitrages opérés après les débats et les discussions, parfois très
vives, suscités par l'avant-projet soumis à la consultation.

Le texte paru au Journal officiel, l'heure est aux premières analyses de ce qui sera donc, à
compter du 1er octobre 2016, le nouveau droit français des obligations. Les présentes lignes
ayant pour seul objet les articles 1100 à 1100-2 sur lesquels s'ouvrira désormais le nouveau
Titre III du Livre troisième du Code civil, on se bornera, avant d'examiner leur contenu, à
quelques remarques sur le nouveau plan donné au Code civil. La situation dans la nouvelle
architecture du code des dispositions que l'on vient de citer est en effet révélatrice de la difficulté
que continue d'éprouver le droit français à faire, dans sa loi fondamentale, une place à l'acte
juridique.

C'est un fait admis de longue date que le plan donné au code de 1804 était défectueux. Faire
des obligations et contrats l'une « des différentes manières dont on acquiert la propriété »
(Livre troisième) était pour le moins maladroit et daté. Les envisager en deux titres successifs
axés autour de l'existence ou non d'une convention (Titre III : « Des contrats et des obligations
conventionnelles en général » ; Titre IV : « Des engagements qui se forment sans convention »)
dont le premier mélangeait en une longue série de chapitres et sections, dispositions relatives
aux contrats, exposé du régime général de l'obligation et règles de preuve, tandis que le second
prétendait rendre compte de la variété, devenue exubérante, des quasi-contrats, délits et quasi-
délits en une quinzaine d'articles faméliques transpirait l'artifice et l'anachronisme.

Dans ces conditions, fallait-il inscrire la réforme dans le code en préservant autant que possible
son architecture comme un héritage légué par l'histoire ainsi que l'avait proposé l'avant-projet
conçu par l'équipe rassemblée autour de Pierre Catala ? Ou bien convenait-il d'édifier une
nouvelle construction en recentrant le Livre troisième sur les seules obligations pour y traiter
successivement « Du contrat », « Des engagements qui se forment sans convention » et « Du
régime des obligations en général » ainsi que l'avait suggéré le groupe de travail dirigé par
François Terré ? Finalement, c'est une voie moyenne que la Chancellerie a décidé de suivre : à
l'intérieur d'un Livre troisième par ailleurs inchangé, la matière des obligations a été réorganisée
en trois titres : Titre III « Dispositions relatives aux sources des obligations », Titre
IV « Dispositions relatives au régime général des obligations » et Titre IV bis (nouveau)
« Dispositions relatives à la preuve des obligations » (V. JCP G 1016, act. 486, Libres propos
É. Vergès).

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Le résultat a pour lui, nous semble-t-il, la cohérence et l'élégance. Il inscrit heureusement la
réforme dans la tradition, tout en améliorant la lisibilité du droit des obligations, conformément
à l'objectif poursuivi. Mais la ligne suivie commandait en même temps de n'accorder qu'une
place limitée à la distinction de l'acte et du fait juridiques dans la recodification des sources des
obligations. Car le modèle français repose sur une mise en vedette du contrat et, derrière lui, de
la responsabilité civile et des quasi-contrats, qui sont les sources principales de l'obligation. Ce
qui implique de ne traiter que par allusion ou renvoi des genres de l'acte juridique et du fait
juridique dans lesquels ils s'insèrent.

C'est précisément ce qui a été fait. Le nouveau Titre III du Livre troisième du Code civil,
désormais consacré aux sources des obligations, ayant lui-même été divisé en trois sous-titres
(« Le contrat », « La responsabilité extracontractuelle », « Autres sources d'obligations »),
trois articles ont été placés en ouverture, avant même les dispositions liminaires consacrées aux
définitions et principes qui dominent la matière contractuelle, comme la tête d'un pont jeté entre
celle-ci et la théorie générale du droit civil.

Trois titres, trois sous-titres, trois articles consacrés aux sources fondamentales de l'obligation :
la nouvelle codification du droit des obligations cultive le rythme à trois temps. Au point que
les concepteurs de la réforme ont ressenti le besoin de faire de la loi une troisième source des
obligations aux côtés de l'acte juridique et du fait juridique, ce qui procède d'une confusion
d'autant plus troublante avec l'opposition traditionnelle du contrat, des délits et des autres cas
de figure que cette opposition reste la division structurelle du Titre III. On commencera donc
par examiner cette présentation des sources des obligations en surimpression (1) avant
d'apprécier la pertinence des définitions et renvois que comportent les articles 1100-1 et 1000-
2 (2), ce qui conduira à conclure par quelques remarques sur l'absence persistante d'une théorie
de l'acte juridique dans le Code civil (3).

1. Les sources des obligations en surimpression

La classification des sources des obligations a toujours fait difficulté et elle est l'objet de
discussions sans cesse renouvelées, parce qu'elle est le théâtre de tensions continuelles entre la
liberté individuelle, l'impératif juridique et les exigences supérieures de justice qui sont les
forces dominantes de la matière.

En opposant les obligations conventionnelles et les engagements qui se forment sans convention
(C. civ., art. 1370 actuel), parmi lesquels les délits et quasi-délits, les quasi-contrats et ceux qui
« résultent de l'autorité seule de la loi » (telles les obligations entre propriétaires voisins ou des
tuteurs ou autres administrateurs obligés sans l'avoir voulu), le Code de 1804 avait repris à son
compte la présentation léguée par la tradition romaniste. Au tournant du vingtième siècle,
Planiol fustigea le caractère vicieux de cette présentation et suggéra d'y substituer l'opposition
binaire du contrat, instrument de la volonté créatrice des individus, et de la loi, source de toutes
les autres obligations selon lui (Traité élémentaire de droit civil, t. 2 : 6e éd., 1912, n° 806 et
s.). Il lui fut répondu que le contrat lui-même ne tire sa force obligatoire que de la loi (V. l’article
1134, alinéa 1er dans le Code civil actuel et article 1103 dans le code réformé), ce qui est une
critique sans grande valeur, l'autorité de la loi ne se situant pas au même plan dans les deux cas,
et qu'il n'est pas l'unique source volontaire d'obligations, ce qui est beaucoup plus décisif du fait
de l'avènement ou la reconnaissance, de plus en plus difficilement contestable, de l'engagement
unilatéral de volonté. Et de là, la proposition, inspirée de la doctrine allemande, de ramener les
sources des obligations aux deux figures conceptuelles de l'acte juridique et du fait juridique,

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la première regroupant les contrats et autres engagements volontaires, la seconde embrassant
l'ensemble des sources d'obligations non volontaires.

Cette opposition est non seulement inscrite dans le Code civil, mais désormais explicitée par
lui. Non seulement inscrite, parce qu'il y a déjà plus de trente ans que le concept d'acte juridique
a fait son entrée dans le code (C. civ., art. 1326 et art. 1348 actuels ; V. aussi C. civ.,art. 1316-
4 et art. 1108-1 actuels). Explicitée, parce que pour la première fois, l'opposition de l'acte et du
fait juridiques y est systématisée. Et c'est précisément en quoi les nouveaux textes peuvent
surprendre : à un double titre.

D'abord, on s'étonne de la teneur de cette systématisation. Car la distinction de l'acte juridique


et du fait juridique consiste en un effort de conceptualisation dont l'intérêt est de ramener
l'ensemble des sources concrètes de l'obligation à deux catégories ordonnées autour de l'origine
volontaire ou non de l'engagement. Dans cette perspective abstraite, les obligations légales ne
sont que des illustrations parmi d'autres du fait juridique (V. G. Marty et P. Raynaud, Les
obligations, t. 1 : Sirey, 1988, n° 20. - Comp. J.-L. Aubert, J. Flour, É. Savaux, Droit civil. Les
obligations. L'acte juridique : Sirey, 15e éd., 2012, n° 53 et 60 ; M. Fabre-Magnan, Droit des
obligations. Contrats et engagement unilatéral : Puf, coll. Thémis, 2008, n° 5 et 6). Elles n'ont
pas d'existence autonome. À moins de supposer que le législateur puisse mettre arbitrairement
une obligation à la charge de tel ou tel individu, ce que les principes de liberté et d'égalité devant
la loi interdisent évidemment. C'est dire que la disposition du nouvel article 1100, alinéa 1er,
suivant laquelle « les obligations naissent d'actes juridiques, de faits juridiques ou de l'autorité
seule de la loi » mélange maladroitement les classifications classique et moderne. Pour la même
raison, l'affirmation au second alinéa du même texte que les obligations « peuvent naître de
l'exécution volontaire ou de la promesse d'exécution d'un devoir de conscience envers autrui »
paraît déplacée. Apparemment, l'objectif a été d'afficher en tête du Titre III que le droit français
fait une place à l'engagement unilatéral de volonté à côté du contrat. Mais, à ce compte, il eût
été préférable de donner la liste des principales sources concrètes d'obligations contenues dans
les deux catégories que constituent l'acte et le fait juridiques, plutôt que de donner à nouveau
l'impression qu'existerait en dehors d'elles une source spécifique d'engagements. À quoi s'ajoute
que l'exécution volontaire d'un devoir de conscience n'est qu'un acte de reconnaissance d'une
obligation qu'elle éteint (dans la mesure du paiement) au lieu de la créer, tandis que la promesse
d'exécution d'un tel devoir n'est qu'une espèce particulière d'engagement unilatéral de volonté.

Ensuite et plus fondamentalement, on peut s'interroger sur la pertinence qu'il peut y avoir à
systématiser l'opposition de l'acte juridique et du fait juridique en ouverture du Titre III alors
que la classification qui y est suivie reprend l'opposition classique du contrat, des délits et des
variae causarum figurae. Dans une remarquable étude, M. Philippe Rémy avait ainsi déploré
l'espèce de fausse annonce de plan qui résulte de ce mode d'exposition emprunté au projet
Catala (Ph. Rémy, Plans d'exposition et catégories du droit des obligations. Comparaison du
projet Catala et des projets européens in Pour une réforme du droit des contrats, Fr. Terré
(dir.) : Dalloz, coll. Thèmes et commentaires, 2009, p. 83 et s., spéc. n° 15 et s. . - Adde du
même auteur, Réviser le Titre III du Livre troisième du Code civil : RDC 2004, p. 1169. - M.
Poumarède, La place de l'acte juridique dans les projets de réforme du droit des obligations,
in Métamorphoses de l'acte juridique, M. Nicod (dir) : LGDJ, p. 11, ne reconnaissant à la
distinction dans les projets de réforme qu'une « vocation décorative ». - Rappr. Rapport du
groupe de travail de la Cour de cassation sur l'avant-projet de réforme, 15 juin 2007, n° 10).
Faut-il reprocher au législateur d'avoir persisté dans cette direction ? Nous ne le pensons pas et
croyons au contraire qu'il y avait intérêt à croiser les classifications pour bien signifier que le
plan traditionnel, retenu tant pour des raisons philosophiques (sur lesquelles : Ph. Rémy, art.

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préc.) que pour ses vertus didactiques, ne rend compte, par le concret, que des sources majeures
de l'obligation et qu'en adoptant un point de vue plus abstrait, on peut, au-delà des figures
particulières visées ici ou là par les textes, ordonner logiquement l'ensemble des actes,
événements ou faits générateurs d'obligations en deux grands pôles autour desquels les règles
applicables peuvent être redistribuées. Mais, pour être parfaitement légitime dans une
perspective de lisibilité améliorée du droit français, cette méthode aurait incontestablement
gagné à être plus correctement suivie. Elle devait aussi s'appuyer sur des définitions éprouvées
et des renvois utiles.

2. Les définitions et renvois

Les actes juridiques, énonce le nouvel article 1100-1, sont des manifestations de volonté
destinées à produire des effets de droit. Cette définition épurée ne surprendra pas : elle est
conforme aux enseignements de la doctrine (comp. Ph. Jestaz, Une révolution inaperçue : RTD
civ. 2014, p. 67). On formulera trois remarques à son sujet.

En premier lieu, elle se sépare légèrement de celle qu'avait proposée l'avant-projet Catala,
puisqu'on y lisait que les actes juridiques sont « des actes de volonté destinés à produire des
effets de droit ». Cette différence exprimait peut-être le souhait de marquer la distance séparant
le droit français de la théorie germanique de la déclaration de volonté. Elle avait toutefois
tendance à gommer que les actes juridiques ne sont pas de pures volitions, mais par essence des
volontés extériorisées. On peut donc juger opportun le retour qui a été fait à la définition
habituelle.

Ce faisant et en deuxième lieu, a été écartée la précision, issue des travaux de Durma (La
notification de la volonté, thèse, Paris, 1930, n° 9) et Martin de la Moutte (L'acte juridique
unilatéral, Essai sur sa notion et sa technique en droit civil, thèse, Toulouse, 1951, n° 17),
suivant laquelle la volonté doit être, non seulement tendue vers les effets de droit, mais aussi
nécessaire à leur production pour qu'il y ait acte juridique. Mais cet affinement de la définition,
qui permet d'éviter une hypertrophie artificielle de la catégorie, ne présentant d'intérêt que dans
les cas limites (V. Rép. civ. Dalloz, V° Acte, n° 21 et s.), la précision a pu être négligée sans
qu'il faille en déduire son exclusion.

Enfin et en troisième lieu, les auteurs de l'ordonnance ont pris le soin de compléter la définition
des actes juridiques par l'indication qu'ils peuvent être conventionnels ou unilatéraux. Comme
il a été dit, il aurait sans doute été préférable de faire plus explicitement le lien avec les sources
concrètes de l'obligation : par exemple, il aurait pu être énoncé que les actes juridiques peuvent
être conventionnels, tels les contrats, ou résulter d'une volonté unique, tels les engagements
unilatéraux. En l'état, l'opposition abstraite des actes conventionnels et des actes unilatéraux
apparaît curieusement esseulée. Car il existe bien d'autres subdivisions des actes juridiques (V.
Rép. civ. Dalloz préc., n° 60 et s.). Aussi bien l'avant-projet Catala s'était essayé à plus
d'approfondissements, mais au prix d'une abstraction dont la complexité a sans doute été jugée
excessive et un peu stérile. Non sans raison.

À l'opposé des actes, les faits juridiques sont définis à l'article 1100-2 nouveau « des
agissements ou des événements auxquels la loi attache des effets de droit ». Il était
effectivement difficile de donner une définition plus poussée de la catégorie qui ne se comprend
au fond que négativement : les faits juridiques sont des faits de l'homme ou de la nature ou bien
la conséquence d'une situation ou d'un état dont l'unique point commun est que l'effet de droit
qu'ils produisent ne résulte pas de la volonté de l'individu qui en profite ou le subit. Ainsi que

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le souligne la définition qu'en donnera désormais le Code civil, cet effet de droit procède de
l'autorité de la loi, ce qui condamne une fois encore la distinction tripartite des sources des
obligations qu'affiche en tête du Titre III le nouvel article 1100, alinéa 1er.

Quoi qu'il en soit, l'hétérogénéité des faits juridiques est telle qu'il eût été vain de chercher à en
dresser la liste. Il eût été possible en revanche d'en donner pour illustrations les délits ou quasi-
délits ainsi que les quasi-contrats, de manière à faire, là encore, le lien avec le mode d'exposition
traditionnel des sources des obligations qui a été finalement retenu.

Le législateur a préféré procéder par renvois de façon à guider l'interprète sur le chemin de
l'identification de leur régime juridique. « Les obligations qui naissent d'un fait juridique sont
régies, selon le cas, par le sous-titre relatif à la responsabilité extracontractuelle ou le sous-
titre relatif aux autres sources d'obligations » énonce le nouvel article 1100-2 en son second
alinéa. L'utilité de cette disposition sera sans doute jugée très médiocre. Mais il ne pouvait en
être autrement : étant donné l'indigence du dénominateur commun des faits juridiques, le
régime juridique applicable est, dans chaque cas, celui que la loi leur assigne et il n'est guère
possible de dépasser, de ce point de vue, les catégories traditionnelles de la division concrète
des sources des obligations sur lesquelles continuera de s'appuyer le Code civil.

La méthode suivie a été la même pour les actes juridiques : on lit au second alinéa du nouvel
article 1100-1 qu'« ils obéissent, en tant que de raison, pour leur validité et leurs effets, aux
règles qui gouvernent les contrats ».

La formule empruntée à l'avant-projet Catala, grave dans la loi un principe de transposition


mutatis mutandis aux actes juridiques non contractuels des règles de validité applicables aux
contrats sur lequel auteurs et tribunaux se sont toujours accordés. On continuera donc tout
naturellement de procéder comme on le faisait par le passé avec l'appui, désormais, d'une
invitation légale à transposer de façon raisonnée aux différents actes juridiques les conditions
générales de formation applicables aux contrats.

De ce principe général de transposition, on peut espérer qu'il mette fin à la prolifération dans le
Code civil des renvois aux dispositions sanctionnatrices des vices du consentement que le
législateur se croit de plus en plus souvent obligé de signifier lorsqu'il organise tel ou tel acte
juridique particulier (V. C. civ., art. 777, art. 887, art. 901, art. 930, et art. 1078-5).

On peut être a priori plus réservé sur le renvoi qui est également fait aux règles qui gouvernent
leseffets des contrats. Le principe de transposition se conçoit effectivement pour les autres actes
juridiques créateurs d'obligations. Mais n'a-t-il pas le tort d'occulter que les actes juridiques
débordent de très loin le champ des rapports obligatoires et que leur efficacité s'étend en réalité
dans toutes les directions du droit civil ? On remarquera que l'avant-projet Catala était à cet
égard plus ouvert dans la mesure où il renvoyait aux conventions plutôt qu'aux contrats… Quoi
qu'il en soit, cela pose la question de la pertinence du rattachement de l'acte juridique à la théorie
des obligations.

3. Requiem pour une théorie générale de l'acte juridique ?

À tout prendre, n'aurait-il pas été préférable d'introduire dans le Code civil une véritable théorie
générale de l'acte juridique ?

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Une telle méthode n'a rien d'inconcevable. Elle a été suivie en Allemagne par le BGB et son
caractère scientifique a longtemps exercé une forte séduction sur la doctrine civiliste française.
Au point que la commission de réforme du Code civil instituée après la seconde guerre
mondiale avait pris le parti de l'adopter (Travaux de la Commission de réforme du code civil,
t. 3, 1947-1948, p. 2 à 347).

Elle présente l'avantage d'appréhender dans toute sa diversité la création volontaire des effets
de droit et d'éviter que, par une focalisation excessive sur le contrat, l'interprète n'en vienne à
voir une singularité de l'espèce dans ce qui n'est en réalité qu'une implication du genre, travers
auquel la doctrine française ne nous paraît pas toujours échapper (ainsi, par exemple, lorsqu'elle
invite à distinguer force obligatoire et contenu obligationnel du contrat : V. P. Ancel : RTD civ.
1999, p. 771).

Mais elle a aussi de très sérieux inconvénients. Le degré d'abstraction auquel elle doit s'élever
pour s'adapter aux différentes figures de l'acte juridique impose à l'interprète un effort de
déduction pour son application concrète, alors que la méthode traditionnelle consistant à mettre
en vedette le contrat a l'avantage de permettre une application immédiate et simplifiée de la loi
dans le cas de figure qui est de très loin le plus fréquent. De plus, il a été justement souligné
que la notion d'acte juridique est à peu près inconnue des systèmes de common law, ce qui
constitue un handicap majeur pour une législation désireuse d'offrir une alternative séduisante
dans l'ordre international, et que le contrat fournit au contraire significativement le socle
commun des projets actuels de reconstruction d'un jus commune européen (Cl. Witz, Contrat
ou acte juridique ? in Pour une réforme du droit des contrats, préc., p. 51).

Il ne faut donc pas regretter que l'occasion de la réforme des obligations n'ait pas été saisie pour
introduire dans le code une véritable théorie générale de l'acte juridique. Ce qui, au demeurant,
n'entrait pas dans l'habilitation donnée au Gouvernement de légiférer par voie d'ordonnance.
L'édification d'une telle théorie est certainement souhaitable (pour une tentative : Rép. civ.
Dalloz, préc.). Mais il y aurait eu plus d'inconvénients que d'avantages à la voir figurer dans le
Code civil (V. G. Cornu, Regards sur le titre III du livre III du Code civil, Les cours de droit,
1976, no 227).

Sous réserve des imperfections signalées, il nous semble, à tout bien considérer, qu'en faisant
le choix de définir dans le code les termes de l'opposition de l'acte et du fait juridiques tout en
se bornant à procéder pour le surplus par voie de renvois généraux, les auteurs de la réforme
ont en définitive adopté le parti le plus sage.

DOCUMENT 3. CASS. 2E CIV., 12 SEPTEMBRE 2013, N° 12-23.530. Références de l’arrêt

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, dans la nuit du 23 au 24 mars 2006, M. X... a été victime
d'un malaise ayant entraîné une surdité bilatérale complète alors qu'il se trouvait au domicile de
Mme Y..., sa voisine, qui venait de chuter et de se blesser gravement à la tête et chez qui il
s'était rendu en compagnie de son épouse, Mme X..., après que la fille de la victime, Mme Z...,
leur eut demandé d'appeler les pompiers ; que M. X... a assigné la société Axa France IARD (la
société Axa), assureur de Mme Y..., et la société Thelem Assurances, assureur de Mme Z..., en
indemnisation de ses préjudices ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Axa fait grief à l'arrêt de réparer l'entier préjudice de M. et Mme X... en

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relation directe avec le malaise subi par M. X... le 24 mars 2006, alors, selon le moyen, que
l'aide et l'assistance apportées à une personne, fût-ce dans son intérêt exclusif, sur la demande
expresse d'une autre personne ne forment pas entre l'assistant et la personne assistée une
convention d'assistance bénévole, mais seulement une convention d'assistance au profit d'un
tiers, l'assisté, lequel n'acquiert pas la qualité de partie et n'est donc dès lors pas tenu de réparer
les conséquences des dommages corporels subis par celui auquel il a été fait appel ; qu'il résulte
des constatations de l'arrêt que M. et Mme X... ont porté assistance à Mme Y... sur la seule
demande expresse de Mme Z..., de sorte qu'en acceptant d'apporter cette aide et assistance, la
convention d'assistance bénévole s'était nouée uniquement entre M. et Mme X... et Mme Z... au
profit de Mme Y..., tiers bénéficiaire de cette convention, et qu'ainsi celle-ci ne devait pas
répondre des dommages corporels subis par M. X... à l'occasion de l'exécution de la convention
d'assistance bénévole ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les
conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 1101, 1108, 1121, 1134,
1135 et 1147 du code civil ;

Mais attendu que l'arrêt retient que, selon la déclaration de Mme Z... qui ne fait l'objet d'aucune
contestation, le 24 mars 2006 vers quatre heures du matin, celle-ci a découvert sa mère, Mme
Y..., qui était tombée et qui avait du sang plein la tête ; qu'elle a essayé d'arrêter les saignements
qui étaient très violents ; qu'elle a appelé ses voisins pour qu'ils appellent les pompiers ; que M.
et Mme X... sont venus l'aider ; que Mme X... a compressé fortement la plaie avec une serviette
éponge pour essayer d'arrêter l'hémorragie ; que M. X... l'a assistée en parlant à Mme Y... pour
la rassurer ; que les secours ont tardé à venir ; que M. X... est allé voir sur le pas de la porte et
qu'il est retourné voir Mme Z... et sa mère dans la salle de bains à plusieurs reprises ; que les
pompiers n'arrivant toujours pas, Mme Z... est retournée voir à la porte, et que là, elle a vu M.
X..., allongé sur le dos, blanc et inerte ; qu'il est constant que la convention d'assistance bénévole
emporte nécessairement l'obligation d'indemniser celui qui porte secours à autrui et qui se blesse
au cours de cette assistance ; que c'est donc par une juste appréciation des éléments de la cause
que le premier juge a retenu qu'il était de l'intérêt exclusif de Mme Y... que ses voisins viennent
à son secours, de sorte qu'elle est présumée avoir accepté l'aide de M. et Mme X..., et ce sans
qu'il soit nécessaire que la vieille dame ait exprimé son consentement, étant rappelé qu'en cette
matière le consentement contractuel peut être tacite, d'autant qu'en l'espèce l'assistée était âgée
et blessée et qu'elle se trouvait donc hors d'état de manifester une acceptation expresse ; que
c'est également à juste titre qu'il a constaté que M. X... avait eu un rôle actif auprès de Mme
Y..., ainsi que cela ressort de la déclaration ci-dessus rappelée ; que, par ailleurs, les
circonstances de l'espèce ne permettent pas de juger que l'assistance a d'abord été portée à Mme
Z..., dès lors qu'elle n'avait, à titre personnel, nul besoin d'une quelconque assistance et que c'est
bien au chevet de Mme Y... que M. et Mme X... sont intervenus pour lui porter matériellement
secours en attendant l'arrivée des pompiers ; qu'il en résulte nécessairement que c'est bien Mme
Y... qui a eu, seule, la qualité d'assistée ;

Que de ces constatations et énonciations procédant de son appréciation souveraine de la valeur


et de la portée des éléments de preuve, et dont il ressortait que Mme Y..., tiers bénéficiaire,
avait tacitement consenti à l'offre d'aide et assistance faite par M. et Mme X... dans son intérêt
exclusif, la cour d'appel a pu déduire qu'une convention d'assistance bénévole s'était nouée entre
eux, et statuer comme elle l'a fait sur l'obligation d'indemniser le préjudice de M. et Mme X...
à la charge de l'assureur de Mme Y... ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

[Sur ce point donc, le pourvoi est rejeté ; la cassation est prononcée sur un autre fondement].

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DOCUMENT 4. ARTICLE 1375 DU CODE CIVIL.

Art. 1375. « L'acte sous signature privée qui constate un contrat synallagmatique ne fait preuve
que s'il a été fait en autant d'originaux qu'il y a de parties ayant un intérêt distinct, à moins que
les parties ne soient convenues de remettre à un tiers l'unique exemplaire dressé.
Chaque original doit mentionner le nombre des originaux qui en ont été faits.
Celui qui a exécuté le contrat, même partiellement, ne peut opposer le défaut de la pluralité
d'originaux ou de la mention de leur nombre.
L'exigence d'une pluralité d'originaux est réputée satisfaite pour les contrats sous forme
électronique lorsque l'acte est établi et conservé conformément aux articles 1366 et 1367, et
que le procédé permet à chaque partie de disposer d'un exemplaire sur support durable ou d'y
avoir accès. »

DOCUMENT 5. CASS. 1RE CIV., 12 JUILLET 2006, N° 04-19.511.

Sur le premier moyen :

Vu les articles 1102 et 1103 du code civil ;

Attendu qu'il résulte de ces textes qu'est unilatéral le contrat par lequel une personne est obligée
envers une autre, sans qu'il y ait d'engagement de la part de celle-ci ;

Attendu que pour qualifier de synallagmatique le contrat contenu dans l'acte par lequel Mme
X... reconnaissait l'existence de divers investissements effectués par M. Y... sur un immeuble
qu'elle disait s'apprêter à vendre et promettait de lui verser une somme déterminée sur le prix à
en venir, l'arrêt retient qu'il était signé des deux parties et créait des obligations réciproques,
puisque M. Y... y acceptait que la rémunération de ses frais et travaux fût fixée à 720 000
francs ;

Attendu qu'en statuant ainsi, sans qu'apparaisse un quelconque engagement de M. Y..., la cour
d'appel a méconnu les conséquences de ses propres constatations et violé les textes susvisés, le
premier par fausse application et le second par refus d'application ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit besoin de statuer sur le second moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 octobre 2004, entre les
parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans
l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour
d'appel de Montpellier, autrement composée […]

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