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Le contrat administratif

Tous les contrats passés pour l’administration ne sont pas des contrats administratifs. Les
contrats administratifs présentent certaines spécificités par rapport aux contrats de droit
privé. Le caractère administratif renvoie généralement à un ensemble d’intérêts reconnus à
l’administration la plaçant dans une situation prédominante par rapport au cocontractant.

Aujourd'hui, sous l’influence de la construction du droit communautaire européen ou africain,


le caractère exorbitant du contrat administratif s'atténue. Le contrat administratif (CA) se
rapproche de plus en plus du contrat privé même s’il garde certaines spécificités. L’étude du
contrat ad postule d‘abord de l’identifier la notion (Section 1) avant d’envisager son régime
juridique c’est-à-dire sa formation, son exécution et son extinction (Section 2)

Section 1 - L’identification du contrat administratif

Rappelons que tous les contrats passés par l’Ad ne sont pas administratifs. Ce qui signifie que
l'administration passe des contrats de droit privé. Se pose alors la question de savoir
comment identifier le contrat ad du contrat privé. Il faut distinguer deux hypothèses. Il existe
des contrats qui sont déterminés par voie législative ou par voie réglementaire (paragraphe 1)
et des contrats par voie jurisprudentielle (paragraphe 2) et c’est ce qui pousse à procéder à
une classification des contrats ad ( paragraphe 3)

Paragraphe 1 - la détermination des contrats par voie législative ou réglementaire

Au Sénégal la qualification textuelle (cad lois et règlements) du contrat revêt une


importance capitale pour deux raisons au moins.

D’abord l’article 7 du Code des Obligations de l `ad (COA) affirme que seule une disposition
expresse de la loi ou du règlement peut accorder à un contrat le caractère ad.

Ensuite un texte législatif ou réglementaire peut à tout moment attribuer la qualité de contrat
ad à une catégorie de convention à laquelle une personne morale de droit public fait partie.
Cela veut dire que l’autorité législative ou réglementaire peut intervenir pour infirmer ou
confirmer une qualification jurisprudentielle.

En application de ses dispositions les contrats d’occupation du domaine de l’Etat sont des
contrats ad et l’autorité réglementaire qualifie de marchés publics, les contrats ad à travers le
code des marchés publics.

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Cette intervention législative et réglementaire a pour objet d’éviter des contradictions
jurisprudentielles dans la qualification des contrats.

Mais en même temps elle favorise un développement des contrats ad parce qu’il arrive que le
législateur ou le règlement fait entrer dans la catégorie des contrats ad des conventions dont
ni l’objet ni la nature ne justifient une telle détermination. Il en résulte une certaine
incohérence dans l’identité du contrat ad. Ce dernier est conçu, à l’origine, comme devant
être distinct du contrat de droit commun en raison de son objet qui est la participation à la
satisfaction de l’intérêt général justifiant alors la compétence d’un juge spécifique chargé
d’appliquer un droit spécifique. C’est d’ailleurs pourquoi les qualifications jurisprudentielles
persistent encore malgré l’affirmation de la place centrale de la loi ou règlement.

Paragraphe 2 - la qualification du contrat par voie jurisprudentielle

La qualification joue un rôle même s’il est secondaire par rapport à la qualification
législative. Le législateur ne peut pas tout prévoir à l'avance, il existe de nombreux contrats
laissés sans qualification et l’intervention même du législateur n’empêche pas les personnes
publiques de créer des contrats dont il convient de déterminer la nature. La tâche revient au
juge pour ce faire il utilise deux critères essentiels: un critère organique (A) et un critère
matériel que est alternatif (B)

A) le critère organique du contrat

Il s’agit d’un critère essentiel dans l’identification jurisprudentielle d’un contrat. La doctrine
évoque une condition nécessaire. Un contrat ad suppose en effet la présence directe ou
indirecte d’une personne publique.

S’il s’agit d’un contrat conclu entre deux personnes publiques, le juge ad admet qu’un tel
contrat revêt, en principe, un caractère ad impliquant la compétence des juridictions ad pour
connaître des litiges portant sur les manquements aux obligations en découlant voir TC 21
mars 1983 QAP.

Au Sénégal, l’article 8 du COA reprend cette jurisprudence en ces termes: “seules les
conventions auxquelles une personne de droit publique fait partie peuvent constituer des
contrats ad par nature.

Mais il existe des hypothèses où, le contrat entre deux personnes publiques n’est pas un
contrat ad/. Lorsqu’un contrat fait naître des rapports de droit privé entre deux personnes

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publiques, le juge considère qu’il s’agit d’un contrat privé ( Tribunal des Conflits 17
décembre 1962, Dame Bertrand). A l’inverse un contrat conclu entre deux personnes privées
est, en principe, un contrat du droit privé même si l’une d’elle est chargée d’une mission de
service public (CE 13 décembre 1963, syndicats des praticiens de l’art dentaire). Mais là
aussi le principe connaît des aménagements : un contrat conclu entre deux personnes privées
est qualifié de contrat ad si un personne publique intervient dans l’opération.
Cette intervention peut se faire selon plusieurs modalités.

D’abord la personne publique peut donner un mandat, au sens civil du terme, à une personne
privée d’agir à son nom et pour son compte. Ce contrat conclu par la personne privée sera
considéré comme étant un contrat ad ( CE 30 janvier 1931, société Brossette).

Ensuite, en l’absence de tout mandat, le juge ad peut être amené à considérer certaines
structures comme étant des organismes “transparents” par lesquels une personne publique
agit. Les contrats conclus par cette personne privée seront qualifiés d’ad comme s’ils étaient
conclus par la personne publique elle-même.

Enfin le juge considère que certains contrats en raison de leur objet sont conclus par la
personne privée pour le compte d’une personne publique. Il s’agit notamment des contrats
concernant les travaux routiers ou autoroutiers (TC 8 juillet 1963, Entreprise Peyrot).

Si le critère organique est nécessaire, il n’est toutefois pas suffisant. Pour être qualifié d’ad,
le contrat doit en plus de la présence d‘une personne publique, répondre à critère matériel qui
est alternatif

B) le critère alternatif

Un contrat conclu par une personne publique ou par un personne privée, selon les
conditions évoquées, est ad soit parce qu’il contient une clause exorbitante du droit commun
(2) soit parce qu’il participe à l’exécution d’un service public. Dans ce cas, on dit que le
contrat a une relation avec le service public (1).

1) la relation du contrat avec le service public

Il s’agit ici de prendre en considération l’objet du contrat. Ainsi un contrat est ad soit parce
qu’il permet de confier l’exécution même d’un service public à un cocontractant de l’ad (CE
20 avril 1956, Epoux Bertin), soit parce qu’il entraîne une participation ou une collaboration

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du cocontractant du service public, c’est le sens de la Décision du TC 25 novembre 1963,
Dame Veuve Mazerand.

La nouvelle formulation de l’article 10 du COA issue de la Loi 2006-16 du 30 juin 2006


postule que la participation du cocontractant à un service public est réalisée par voie de
délégation du service public sur la base d’un contrat de partenariat. C’est dire que le
législateur Sénégalais adopte la démarche inverse du juge français. Il ne s’agit de déterminer
le contrat ad à partir de la participation du cocontractant mais de concevoir le contrat ad
comme ayant pour objet de confier l’exécution même d’une mission d’un service public au
cocontractant. Le second critère alternatif concerne la clause exorbitante du droit commun

2) la clause exorbitante du droit commun

Ce critère est consacré par l’article 12 du COA qui qualifie d’administratif les contrats
utilisant des procédés de gestion publique et dont la clause exorbitante du droit commun
constitue une manifestation.

Le législateur sénégalais codifie un critère dégagé en 1912 par le juge français dans l’arrêt
du CE 31 juillet 1912, Société des Granits Porphyroïde des Vosges. Dans cet arrêt, le juge
considère que le contrat avait pour unique objet des fournitures à livrer selon les règles et
conditions des contrats intervenus entre particuliers. Une clause est une disposition du
contrat.

En considérant son objet, la clause exorbitante du droit commun permet au juge de


déterminer si la personne partie d’un contrat se comporte comme une institution utilisant ses
prérogatives et ses sujétions ou comme un simple particulier.

La clause exorbitante du droit commun est difficile à cerner. Le législateur sénégalais


l’identifie plus qu’il ne le définit. Aux termes de l’article 15 du COA, la clause exorbitante du
droit commun peut résulter:

- de la rupture de l'égalité contractuelle au profit de l’un des contractants,

- de l’octroi au cocontractant de prérogatives à l’égard des tiers,

-de l’inclusion d’une règle spécifique du régime juridique des contrats ad,

- du but d’intérêt général ayant inspiré la conclusion du contrat.

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La doctrine définit la cause exorbitante de droit commun da manière négative. Elle est
présentée comme étant une clause inusuelle, inhabituelle en droit privé. Georges vedel
remarque que la clause exorbitante s’écarte du modèle idéal des relations entre particuliers.

Paragraphe 3 : La classification des contrats administratifs

Il existe une variété de contrats ad. Trois catégories retiennent l’attention : les
marchés publics (A), les Conventions de délégation de service public ( B) et les contrats de
partenariat ©

A) les marchés publics

Au Sénégal, le décret 2014 12- 12 du 2 septembre 2014 portant code des marchés
publics définit le marché public comme un “contrat écrit, conclu à titre onéreux, par une
autorité contractante pour répondre à ses besoins en matière de travaux, de fournitures ou de
services ou à des besoins combinant ces différentes catégories”.

Les marchés publics sont des contrats ad à l’exception de ceux passés par les sociétés
nationales et les sociétés anonymes à participation publique majoritaire qui demeurent des
contrats de droit privé.

Les marchés publics occupent une place importante dans l’économie. Ils constituent une
grande variété. La doctrine a recours à des critères pour identifier une typologie des marchés
publics. On distingue deux critères: un critère matériel et un critère financier.

En considérant le critère matériel, il est possible de distinguer trois types de marchés publics:
- Les marchés de travaux publics qui sont définis par leur objet ; ils servent soit l'exécution
soit conjointement la conception et l’exécution d’un ouvrage ou de travaux de bâtiment
moyennant prix.

-Les marchés de fourniture : il s’agit de tous les marchés ayant pour objet l’achat, la prise en
crédit-bail, la location ou location-vente de produits ou de matériels.

- Les marchés de service : il s’agit de tous les marchés ayant pour objet la prestation des
services ex : la tenue de comptabilité service financier, gardiennage. En privilégiant un critère
financier il est possible de passer les marchés publics en plusieurs catégories basées sur leur
montant. Ainsi, on distingue entre les très petits marchés les petits marchés et les grands
marchés.

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B) Les conventions de délégation de service public

Elles ont déjà été étudiées dans le cadre de l’exercice du SP. L’article 10 du COA affirme que
les conventions de délégation de service public sont des contrats ad. Rappelons que la
convention de délégation de service public a pour objet de confier la gestion d’un service
public à un délégataire en lui permettant de se rémunérer sur les résultats provenant des
revenus de l’exploitation du service. La délégation de service public peut prendre plusieurs
forme : la concession l’affermage la régie intéressée

C) les contrats de partenariat

L’article 10 du COA qualifie les contrats de partenariat de contrats ad. Rappelons que
le contrat de partenariat est définit comme étant un contrat par lequel une personne publique
confie à un tiers pour un période déterminée une mission globale comprenant le financement
et la réalisation y compris la construction la réhabilitation ou la transformation
d’investissement matériel ou immatériel ainsi que leur entretien, leur exploitation ou leur
gestion et, le cas échéant, d’autres prestations qui concourent par la personne publique
concernée de la mission de service public dont elle est chargée.

Une des spécificités du contrat de partenariat est le mode de rémunération du cocontractant.


Elle est échelonnée sur la durée du contrat et peut être liée à des objectifs de performance qui
lui sont assignés.

Section 2 - Le régime juridique du contrat administratif

Les contrats ad sont soumis aux règles spécifiques au droit public et qui sont donc
différentes de celles applicables aux contrats entre particuliers. Cependant la distinction n’est
pas aussi tranchée. Sur de nombreux points, il n’existe pas de différence entre les exigences
du droit civil et celle du droit ad. L’étude du régime juridique revient à analyser la formation
du contrat ad ( Paragraphe 1) son exécution (Paragraphe 2) et son régime d’extinction
(Paragraphe 3)

Paragraphe 1 - la formation du contrat administratif

La formation du contrat ad est un processus qui comporte plusieurs phases. D’abord il faut un
accord de volonté des cocontractants (A) ensuite les clauses du contrat seront élaborées avant
que le contrat ne soit conclu (B)

A) Accord de volonté des cocontractants

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Le contrat ad à l’instar du contrat de droit civil repose sur un accord de volonté. Le
consentement des parties doit exister et il doit être exempt de vices.

Le juge ad français reconnaît le principe de la liberté contractuelle que le législateur


sénégalais reprend en ces termes : “les personnes ad choisissent librement les modes de
conclusion de leurs contrats”. Mais, si en droit commun, la liberté contractuelle signifie que
les personnes contractantes choisissent librement leurs contrats, s’engagent par leur propre
volonté de déterminer librement le contenu du contrat, en droit public, la spécificité du
contrat ad impose un encadrement strict de la liberté contractuelle. Il existe, en effet, des cas
où l’ad ne dispose d’aucune marge pour choisir son cocontractant.

C’est le cas par exemple lorsqu’elle est tenue de contracter avec toute personne qui remplit
les conditions pour recevoir en vertu du contrat la prestation sollicitée.

C’est le cas aussi de l’adjudication qui a été pendant longtemps usitée comme mode normal
de passation de contrat ad. Elle consiste à offrir le marché au soumissionnaire qui offre le prix
le plus bas, le moins disant. Avec les progrès du droit communautaire, la politique de lutte
contre la corruption et les exigences de la transparence de la vie économique, le législateur
encadre la liberté de choix des personnes publiques. Ainsi, pour les marchés pouvant
dépasser certains seuils, la réglementation les soumet à des modalités précises de publicité
et au respect de procédures visant à sauvegarder les principes de concurrence et d’égalité et à
éviter le favoritisme et le détournement de deniers publics.

Depuis 2006, le Code des obligations de l’administration retient essentiellement deux modes
de passation des contrats ad : il s’agit de l’appel d’offre qui constitue la procédure de droit
commun de passation des marchés public et la procédure de marché de gré à gré.

ü L’appel d’offre

Il est défini à l’article 60 du CMP (Code des marchés publics) qui reprend l’article 26 COA .
“ C’est la procédure par laquelle, une autorité contractante attribue le marché sans
négociation, après appel à la concurrence, au candidat qui remet l’offre conforme évaluée la
moins disante, sur base de critères quantifiés en termes monétaires préalablement portés à la
connaissance des candidats, et qui réunit les critères de qualification également mentionnés
dans le dossier d’appel à la concurrence.”.

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L’appel peut être ouvert ou restreint. Il est ouvert quand tout opérateur économique peut
remettre une offre et restreint lorsque seules peuvent remettre une offre les candidats qui y
ont été directement invités par l’autorité contractante.

ü les marchés de gré à gré

Ils sont dénommés aussi marchés passés par entente directe. Art 76 du CMP, “c’est
lorsque l’autorité contractante engage directement les discussions avec un ou plusieurs
opérateurs économiques et attribue le marché au candidats qu’elle a retenu.

Les opérateurs éco doivent accepter de se soumettre à un contrôle des prix spécifiques durant
l’exécution des prestations.

Une fois le cocontractant choisi, la volonté exprimée, il reste à élaborer les clauses du contrat.

Paragraphe 1- L’élaboration des clauses du contrat

Dans les contrats de droit privé les parties élaborent les clauses du contrat qui
constituent pour elles-mêmes la loi commune. Ce n’est pas le cas des contrats ad où les
clauses sont déterminées en général de manière unilatérale et le cocontractant est placé
devant une alternative : soit accepter les conditions posées par l’administration dans leur
intégralité soit les rejeter en bloc. Les conditions du contrat ad sont préalablement établies par
l’administration dans les cahiers de charge. Deux questions méritent d’être posées : que
contiennent les cahiers de charge d’un contrat ad? quels effets juridiques s’attachent à ces
cahiers de charges?

- le contenu des cahiers de charge

C’est l’article 12 du COA qui définit les cahiers de charge par leur objet. Ils
permettent de déterminer les conditions dans lesquelles les marchés sont exécutés. Les
cahiers de charge comprennent 5 séries de doc il s’agit:

1)les Cahiers de clause ad générale, 2) les cahiers de clauses techniques générales 3)


les cahiers de prescription spéciale, 4) les cahiers de clause ad particulière et 5) les cahiers de
clauses techniques particulières

ü les cahiers des clauses ad générales

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Ils fixent les dispositions ad applicables à tous les marchés portant sur une même nature
(travaux, fournitures, services). Ils sont établis par l’organe chargé de la régulation des
marchés publics en relation avec les ministères intéressés et sont approuvés par décret.

ü les cahiers des clauses techniques générales

Ils fixent les conditions et spécifications techniques applicables aux prestations de même
nature. Ils sont élaborés par l’organe chargé de la régulation en relation avec le département
technique concerné et sont approuvés par arrêté du ou des ministres intéressés.

ü les cahiers de prescriptions spéciales

Ils fixent les clauses propres à chaque marche. Ils sont établis par l’autorité contractante. ils
comprennent les clauses ad particulières et les clauses techniques particulières. Ils doivent
contenir notamment la définition précise de l’objet du marché et son mode de passation.
Les cahiers de prescription spéciale comportent obligatoirement l’indication des articles des
cahiers des clauses ad générales et des cahiers des clauses techniques générales auxquelles ils
peuvent déroger.

ü les cahiers des clauses ad particulières

Leur objet est de préciser le cahier des clauses ad générales. Ils sont établis par
l’autorité contractante en vue de préciser et de compléter ou de modifier le cahier des clauses
ad générales.

ü le cahier des clauses techniques particulières

Ils fixent les dispositions techniques nécessaires à l’exécution du marché. Ils sont
établis par l’autorité contractante et rassemblent les clauses techniques ou stipulations qui
donnent une prescription précise des prestations à réaliser. Ils sont établis par l’autorité
contractante. Ils permettent à la personne responsable de suivre le déroulement et la bonne
exécution du marché.

2) Les effets juridiques des cahiers de charge

Une fois le contrat conclu, les règles contenues dans les cahiers de charge revêtent
une valeur contractuelle. Elles sont considérées comme étant élaborées conjointement par les
parties. Ainsi, elles ne pourront plus être modifiées par voie générale. Ce qui ne veut pas dire
que l’autorité ad ne pourra pas modifier les dispositions relatives aux cahiers de clauses ad

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générales mais seulement que les modifications n’affecteront pas les marchés déjà conclus
qui resteront régis par les dispositions en vigueur au moment de la conclusion du marché.

Le juge ad admet que le décret approuvant un cahier de clause ad générale peut faire l’objet
d’un excès de pouvoir.

C) La conclusion du contrat

L’article 47 du COA affirme que seule l’autorité ad qui a qualité pour engager la
personne morale de droit commun peut valablement signer le contrat ad.

L’article 9 du Code des marchés publics du Sénégal précise qu’au cours de la phase de
préparation des marchés, l’autorité contractante doit évaluer le montant estimé des fournitures
ou travaux, objet du marché et s’assurer de l’existence de crédits budgétaires suffisants. Elle
doit aussi respecter les règles d’engagement des dépenses publiques c’est-à-dire les règles de
la comptabilité publique.

En général, pour l’administration centrale, c’est le ministre qui est habilité à signer le contrat.
Pour les collectivités territoriales, c’est le chef de l’exécutif local.

La conclusion du contrat constitue une règle de compétence qui est d’ordre public. Sa
méconnaissance entraîne une nullité du contrat et le juge ad considère qu’un accord des
parties ne saurait couvrir l’incompétence de l’agent. L’article 9 du CMP affirme que la
conclusion du contrat par l’agent compétent peut être subordonnée à une autorisation
préalable. On peut donner l’exemple des collectivités locales où, il peut être exigé une
délibération du Conseil pour autoriser l’autorité exécutive à signer une convention. Il peut
aussi arriver qu’en plus de l’autorisation de contracter les textes exigent une approbation du
contrat signé. Le contrat signé engage les parties qui doivent l’exécuter.

Paragraphe 2 – l’exécution du contrat

L’exécution du contrat ad met en évidence la spécificité de son régime qui est original
et dérogatoire au droit commun des contrats. En droit civil, les conventions légalement
formées tiennent lieu de lois aux parties qui l’ont faites.

Il en résulte trois caractéristiques importantes.

D’abord le contrat de droit commun à une force obligatoire en ce sens qu’une partie ne peut
s’en délier à son gré. Ensuite le contrat est immuable cad qu’il est interdit de modifier selon
une démarche unilatérale les clauses du contrat. Enfin le contrat de droit privé consacre

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l’égalité des parties et ne reconnaît dans le cadre de son exécution de privilèges ou de droits à
une partie sur l’autre.

Le contrat ad est un contrat exorbitant. Le principe est consacré par le législateur et la


jurisprudence. Il consiste à écarter tous les éléments caractéristiques du contrat de droit privé.
L’ad peut à tout moment résilier le contrat lorsque les besoins du service l’exigent. Il en
résulte que le contrat n’a pas de force obligatoire pour lad. Ensuite, l’administration peut
unilatéralement modifier le contrat, il n’est donc pas immuable. Enfin quand elle s’engage
dans le contrat, l’administration continue d’exercer ses prérogatives et ne se trouve pas sur
un pied d’égalité avec son cocontractant. En contrepartie le droit ad garantit un certain
nombre de droits aux cocontractants. L’administration dispose de droits qu’on ne retrouve
pas dans les contrats de droit commun. L’accent sera mis sur les prérogatives de
l’administration (A) et sur les droits du cocontractant (B).

A) les prérogatives de l’administration

Elles sont nombreuses. Leur objet est de permettre à l’administration d’intervenir dans
l’exécution du contrat. L’administration dispose du pouvoir de direction et de contrôle(1) du
pouvoir de modification unilatérale(2) du pouvoir de résiliation (3) et du pouvoir de sanction
(4)

1) Le pouvoir de direction et de contrôle

Il est reconnu par le COA dont le chapitre est intitulé “‘intervention de l’administration dans
l'exécution du contrat”. Il faut rappeler que le principe d’autonomie qui caractérise le contrat
de droit privé et qui signifie que le cocontractant est libre de choisir les moyens pour exécuter
ses obligations existe aussi en droit public mais il est doublement limité. D’abord en raison
des nécessités du service public, l’ administration doit intervenir dans l’exécution du contrat
pour exercer un contrôle sur son cocontractant. Ensuite le législateur, pour certaines clauses,
peut reconnaître à l'administration le choix des modalités d’exécution des contrats. Le
pouvoir de direction et de contrôle se traduit par la possibilité reconnue à l’administration de
donner des instructions que le cocontractant doit exécuter. Toutefois, si les ordres entraînent
des charges nouvelles, l’entrepreneur ou le cocontractant a droit à une indemnisation.

2) le pouvoir de modification unilatérale

Ce pouvoir trouve son fondement dans les traités qui régissent le service public. Il a été admis
en 1910 par le Conseil d’Etat français, dans son arrêt rendu le 21 mars 1910, Compagnie

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Générale des Tramways. Le législateur sénégalais a consacré la jurisprudence à l’article 109
du COA qui affirme que l’administration peut exceptionnellement modifier de façon
unilatérale certaines stipulations du contrat.

La reconnaissance d’un pouvoir de modification unilatérale à l’administration a suscité de


vives controverses doctrinales. Certains contestaient l’utilité d’un tel pouvoir tandis que
d’autres s’interrogeaient sur la reconnaissance du pouvoir à l’administration en sa qualité de
contractante.

L’exercice du pouvoir de modification unilatérale est strictement encadré. Il doit être motivé
par l’intérêt général. C’est la condition dégagée par la jurisprudence du conseil d‘Etat 10
janvier 1902, Compagnie nouvelle du gaz de Déville-lès-Rouen.

Ensuite l’exercice du pouvoir de modification unilatéral est réglementé. La modification


qu’apporte l’administration n’est régulière que dans la mesure où elle n’aboutit pas à
substituer un nouveau contrat à l’ancien.

Enfin la modification du contrat doit se limiter à une adaptation du contrat aux circonstances
nouvelles et ne doit pas porter atteinte à l’équilibre financier du contrat. En contrepartie le
cocontractant a droit à une indemnité qui correspond à l’intégralité de l’accroissement de ses
charges.

3) le pouvoir de résiliation

En dehors de toute faute commise par le cocontractant, l’administration peut unilatéralement


résilier le contrat par une décision à caractère réglementaire. Il s’agit d’une prérogative
générale reconnue à l’administration et qui est d’ordre public. On n’a pas besoin de le
mentionner dans le contrat. Elle existe même si aucune clause du contrat ne le prévoit. C’est
consacré par la jurisprudence du Conseil d’Etat, assemblée, 2 mars 1958 Distillerie-
de-Magnac-Laval.

Le sénégalais sénégalais fonde le pouvoir de résiliation sur les nécessités du service. Aux
termes de l’article 137 du COA, le pouvoir de résiliation permet d’adapter les contrats à
l’intérêt général et de supprimer ceux qui ne correspondent pas aux besoins de
l’administration et du public. La résiliation s’accompagne d’une indemnité qui couvre
l’intégralité de la perte subie, du gain manqué et éventuellement du préjudice moral causé au
cocontractant de l’administration.

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4) le pouvoir de sanction

Le cocontractant de l’administration est tenu d’exécuter les obligations que lui


incombent le contrat. L’article 62 du COA précise que l’exécution doit être conforme aux
modalités prévues par le cahier des charges. Elle doit être correcte, de bonne foi, personnelle,
et elle doit intervenir dans les délais prévus.

Le cocontractant doit aussi exécuter les instructions qu’il reçoit de l’administration dans le
déroulement du contrat. Seule la force majeure peut relever le cocontractant de ses
obligations. Et l’exception d’inexécution ne peut être opposée par le cocontractant à
l’administration. En d’autres termes lorsque l’administration contractante n’exécute pas une
de ses obligations, le cocontractant ne peut se prévaloir du manquement de l’administration
pour refuser d’exécuter ses obligations. Le juge administratif français vient d’apporter une
dérogation à ce principe. Il reconnaît que, pour certains contrats de lad, il est possible de
prévoir une clause d’inexécution (CE 8 octobre 2014 société Grenke location). Le juge
affirme, dans cette affaire, qu’il est “toutefois loisible aux parties de prévoir dans un contrat
qui n’a pas pour objet l'exécution même du service public, les conditions auxquelles le
cocontractant de la personne publique peut résilier le contrat en cas de méconnaissance par
cette dernière de ses obligations contractuelles.”

En cas de méconnaissance par le cocontractant de ses obligations, l’administration dispose


du pouvoir d’infliger unilatéralement des sanctions au cocontractant. Il s’agit d’un pouvoir
d’ordre public, l’administration ne peut y renoncer à l’avance d’une manière générale selon
l’article 80 du COA.

Les sanctions peuvent être pécuniaires (pénalités), coercitives (substitution d’un autre
cocontractant) ou résolutoires (résiliation du contrat) Toutefois certaines garanties sont
accordées aux cocontractants ; il s’agit de la nécessité d’une mise en demeure préalable, du
respect des droits de la défense et le cocontractant peut saisir le juge qui vérifie la régularité
de la procédure suivie par l’administration et le bien-fondé de la sanction.

Ces prérogatives reconnues à l'administration au nom de l’intérêt général coexistent avec des
droits garantis au cocontractant de l’administration.

B) les droits du cocontractant

Le cocontractant de l’administration dispose de droits qui résultent de la théorie


générale des contrats. On peut citer l’exemple du droit au paiement des créances. Pour ce

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qui concerne la théorie des contrats administratifs, le cocontractant a droit à l’équilibre
financier du contrat et à une juste rémunération, compte tenue des aléas administratifs,
économiques, ou matériels qu’il pourra rencontrer dans l’exécution du contrat ; il s’agit
principalement du fait du prince (1) des sujétions imprévues (2) et de l’imprévision (3).

1) le fait du prince

Le fait du prince est une expression reprise du droit civil. Il désigne toute intervention
de l’administration ayant pour conséquence de rendre onéreuse l’exécution du contrat. Le
fait du prince existe soit lorsque l’autorité administrative applique son pouvoir de
modification unilatérale du contrat, soit lorsque la personne édicte des mesures générales
qui ont des répercussions directes et spéciales sur la situation du cocontractant. Le
cocontractant est tenu de poursuivre l’exécution du contrat. En contrepartie, il a droit, aux
termes de l’article 113 du COA, à une indemnité couvrant l’intégralité du préjudice subi
lequel doit être direct et certain.

2) Les sujétions imprévues

L’article 118 du COA en donne la définition suivante : « constitue une sujétion


imprévue, le fait matériel, extérieur aux cocontractants, qui ne pouvait raisonnablement
être envisagé au moment de la conclusion du contrat et qui entraîne une difficulté
anormale d'exécution.”

Les sujétions imprévues concernent surtout les marchés de travaux publics où des difficultés
d’ordre matériel extérieur et imprévisibles à l’origine peuvent provoquer un surcroît anormal
des charges. La jurisprudence retient comme exemple de situations imprévues, des
intempéries revêtant un caractère exceptionnel ou encore la rencontre d'une nappe d’eau
insoupçonnée au cours d’un travail de forage d’un tunnel.

Le cocontractant est tenu de continuer l’exécution du contrat. La sujétion imprévue ne le


libère pas du contrat mais elle constitue un fait justificatif du retard dans son
exécution. En contrepartie, le cocontractant a droit à la réparation intégrale du préjudice
qu’il a subi du fait de la sujétion imprévue. L’indemnisation consiste, selon l’article 120 du
COA, soit dans un supplément de prix soit dans un prix nouveau tenant compte des nouvelles
conditions d’exécution du contrat.

3) l’imprévision

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Les bases de la théorie de l‘imprévision ont été posées par le juge administratif
dans le célèbre arrêt du CE 30 mars 1916, Compagnie générale d'éclairage de
Bordeaux. Le législateur sénégalais reprend la solution en l’article 121 du COA qui
affirme que : « lorsque des circonstances extérieures à la volonté du cocontractant et
imprévisibles au moment de la conclusion de la convention bouleversent l’économie
du contrat en entraînant un déficit pour le cocontractant, ce dernier peut obtenir que
l’administration contractante supporte une partie de la perte qu’il a subie pour assurer
la continuité du service ».

Quatre conditions sont posées par le COA :

La première condition concerne un élément indépendant de la volonté des parties


(inondation, séisme, inflation, dévaluation de la monnaie, une nouvelle législation ou
réglementation, etc).

La deuxième condition est que l'événement doit être imprévisible à la date de la


conclusion du contrat ; en clair, les parties ne pouvaient raisonnablement pas le prévoir
ou mesurer toutes les conséquences.

La troisième condition est que l’évènement doit entrainer un bouleversement de


l’économie du contrat ce qui veut dire qu’il ne s’agit d’un déficit ni d’un manque à
gagner mais d’une situation telle que le cocontractant ne peut plus faire face à ses
obligations.

La quatrième condition est que l'événement perturbateur doit se produire dans les délais
d’exécution de la convention. Toutefois, si l'événement intervient au-delà du terme fixé
pour l’exécution d’un contrat qui a dû être retardé suite à un manquement de
l’administration, le cocontractant pourra l’évoquer.)

L’imprévision ne délie pas le cocontractant de ses obligations en contrepartie il a droit à une


indemnisation (pas intégrale). Mais l’indemnisation de l’imprévision a pour seul but de
rétablir l’équilibre financier du contrat. C’est pourquoi elle ne couvre qu’une seule partie
du préjudice subi. L’article 129 du COA précise que le juge fixe la partie restante à la
charge du cocontractant de l’administration. L’indemnité est temporaire en ce sens
qu’il est destiné à pallier un déséquilibre momentané. Si le rétablissement de l’équilibre
du contrat est impossible, l’administration tout comme le cocontractant peuvent

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demander au juge la résiliation du contrat voire article 130 du COA. C’est tout
l’intérêt d’analyser le régime d’extinction des contrats.

Paragraphe 3- le régime d’extinction du contrat

Le contrat administratif prend fin lorsque les obligations des parties ont été
intégralement exécutées. L’article 131 du COA précise que le contrat est exécuté soit
lorsque son objet est réalisé soit lorsque sa durée est expirée. A côté de ce procédé
commun à tous les contrats, le droit administratif a aménagé une voie spécifique
d’exécution des contrats qui est la résiliation qu’il faudra analyser avant de voir les
modes de règlement du contentieux contractuel.

A) La résiliation
· La résiliation peut être prononcée par les deux parties ; on évoque alors la
résiliation conventionnelle. L’article 102 du COA reconnaît aux parties le droit de
mettre fin à tout moment à un contrat en cours d’exécution, il suffit qu’elles se
mettent d’accord.
· La résiliation peut être prononcée par l’administration qui, rappelons-le, dispose
du pouvoir de résilier le contrat soit à titre de sanction pour faute grave du
cocontractant soit dans l’intérêt du service.
· Enfin la résiliation peut être prononcée par le juge soit à la demande de l’une ou
de l’autre de parties soit à la demande de l’administration qui ne peut utiliser son
pouvoir de résiliation unilatérale soit à la demande du cocontractant en cas de
faute grave commise par l’administration.

C’est tout l’intérêt d’analyser les modes de règlement du contentieux administratif

B) Les modes de règlement du contentieux administratif

Il existe 2 modes de règlement du contentieux administratif : on distingue entre les modes de


règlement non juridictionnel et les modes de règlement juridictionnel.

Les modes de règlement non juridictionnels

Ils concernent la conciliation, la transaction et l’arbitrage.

· La conciliation :

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C’est quand les parties font appel à un tiers dans les conditions prévues par un texte pour leur
proposer un règlement qu’elles sont libres d’accepter ou non.

· La transaction

Il s’agit d’un contrat par lequel les parties terminent une contestation née ou préviennent une
contestation à naître. Le contrat doit être rédigé par écrit. Le droit administratif reconnaît aux
personnes publiques le recours à la transaction. Mais, quand elle est étroitement liée à un
contrat, la transaction est assimilée à un contrat administratif qui relève de la compétence du
juge administratif. (TC 18 juin 2007, Société Briançon )

· L’arbitrage

Contrairement à la conciliation ou à la transaction qui cherchent à éviter la solution


contentieuse, l’arbitrage est une justice conventionnelle dérivant du choix des parties en
litige. Il est différent du système juridictionnel classique, c’est pourquoi il occupe une place
très limitée en droit administratif où le principe reste la prohibition de l’arbitrage

Les modes de règlement juridictionnels

En plus de la demande adressée au juge pour lui demander de prononcer la résiliation du


contrat, le droit aménage des recours tendant à déclarer la nullité du contrat. La nullité du
contrat revêt un caractère d’ordre public ; elle peut résulter de plusieurs situations : un contrat
conclu dans un domaine prohibé, un contrat contenant des clauses contraires à l’ordre public,
un contrat conclu selon une procédure irrégulière ou signé par une personne incompétente.

Les tiers peuvent également remettre en cause la légalité du contrat. En effet, si le contrat
échappe, en principe, au recours pour excès de pouvoir, le droit public a aménagé la technique
de la détachabilité pour atténuer à l’égard des tiers les conséquences fâcheuses ou
douloureuses ou néfastes de l’irrecevabilité du recours pour excès de pouvoir contre le contrat.
Ainsi, les tiers, tout comme le cocontractant, peuvent saisir le juge de l’excès de pouvoir des
actes détachables du contrat. C’est l’article 140 du COA qui énumère cette catégorie d’actes
détachables du contrat. Il s’agit de : l’autorisation de contracter, de la décision de contracter ou
de ne pas contracter, l’opération d’attribution, l’approbation du contrat et l’acte de conclusion
du contrat ou le refus de conclure.

(Nb quand il s’agit du contentieux contractuel c’est le tribunal régional qui est compétent).

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