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Recueil Dalloz

Recueil Dalloz 2000 p. 382

Une embarrassante notion : l'économie du contrat

Jacques Moury, Maître de conférences à la Faculté de droit de Reims

L'essentiel
Qu'il émane des juges du fond ou de la Cour de cassation, le recours à la notion d'économie du contrat revêt
une ampleur que ne laissent pas soupçonner les seules décisions publiées. L'étude des arrêts qui y puisent leur
motivation montre que le référence à cette notion n'est guère opportune, que la locution renvoie à l'économie
du contrat telle que l'ont voulu les parties ou qu'elle vise l'équilibre financier de la convention. Pouvant par
ailleurs se révéler dangereuse, singulièrement au regard du concept, déjà complexe, de cause, elle illustre la
menace que fait peser certaine dérive terminologique sur la qualité de la construction juridique.

1 - A l'instar du langage courant mais aussi de n'importe quel autre idiome, la langue du droit, dans sa
lente évolution, n'est pas à l'abri des phénomènes de mode. L'utilisation par le juge contemporain du
terme « proportionnalité » et de ses dérivés, qui est telle qu'elle suscite un débat nourri sur le point de
savoir s'il existe un principe de proportionnalité en droit privé (1), illustre ce que la vague pourrait
néanmoins laisser après s'être retirée. La consultation des recueils de jurisprudence, et surtout - parce
qu'elle est significative d'une ampleur qui passe relativement inaperçue - des banques de données
juridiques, enseigne qu'il est une autre référence qui revient très souvent depuis quelque dix ans dans la
phraséologie du juge, en droit privé comme d'ailleurs en droit public (2). Il s'agit de l'économie du
contrat. Mais peut-être sera-ce dans l'éphémère, qui constitue au demeurant l'essence de la mode, que
le recul qu'autorise une certaine épaisseur de temps invitera rétrospectivement à ranger le renvoi
aujourd'hui si fréquent à cette dernière notion.

2 - Le Conseil constitutionnel lui-même, dans une décision salutaire (3), s'est récemment référé à «
l'économie des conventions et contrats légalement conclus » pour, dans le principe, condamner l'atteinte
que pourrait lui porter la loi par leur remise en cause. Le sens dans lequel la Haute juridiction, qui
s'adresse avant tout au législateur, a entendu l'expression est il est vrai singulier au regard de
l'utilisation qui en est faite par le juge judiciaire. Apparaissant parfois, dans la jurisprudence civile,
comme devant être « respectée », l'économie du contrat y est le plus souvent évoquée négativement :
au gré du rédacteur, elle ne saurait être « modifiée », « bouleversée », « rompue », ni... « perturbée »,
« affectée » ou « faussée », certaines décisions faisant état de clauses ou de prestations qui en feraient
partie ou en seraient indissociables, d'autres encore prolongeant la référence en mentionnant la
nécessité d'« assurer l'équilibre financier du contrat ». Se livrer à une tentative de délimitation de la
notion en procédant, pour en scruter l'autonomie, par rapport aux catégories existantes est une
opération délicate dès lors que c'est précisément par manque de rigueur que paraît avant tout pécher le
recours à cette économie du contrat. Aussi, après avoir tenté de dresser un catalogue des décisions
examinées, dont on aurait souhaité qu'il pût être un tant soit peu raisonné, est-ce davantage à partir
d'un inventaire que l'on en vient à considérer que la référence à l'économie du contrat est non
seulement inopportune (I), mais encore dangereuse (II).

I - Une référence inopportune


3 - Deux approches de la notion d'économie du contrat sont envisageables, qui permettent d'en
regrouper avec quelque logique les diverses utilisations. La première, retenant l'idée d'une économie de
la convention telle que réellement voulue par les parties - le participe passé de ce verbe accompagne
d'ailleurs en épithète, dans certains arrêts (4), la locution -, conduit à un constat d'inutilité (A). La
seconde, qui renvoie plus abstraitement à l'équilibre du contrat, laisse un sentiment de perplexité, voire
d'embarras, tant elle s'avère difficilement conciliable avec les solutions qui prévalent par ailleurs dans
notre droit (B).

A - L'économie du contrat telle que voulue par les parties

4 - La volonté des parties à un contrat se peut exprimer de différentes manières. Soit elle se coule dans
un ensemble de stipulations se voulant exhaustives et épousant, dans tous les détails de son aspect
juridique, l'opération que se proposent de réaliser les contractants, soit, plus indirectement et plus

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fréquemment, ceux-ci renvoient à des catégories dans le cadre balisé desquelles ils entendent voir se
développer les effets de leur accord, avec toutes les nuances que présente en outre la palette des
possibilités intermédiaires.

5 - Au regard de cette observation et en premier lieu, maintes décisions recourent à la notion


d'économie du contrat là où la règle formulée dans l'art. 1134, al. 1er, c. civ. aurait constitué un
fondement pleinement satisfaisant (5). Leur lecture montre que « modifier l'économie du contrat » eût
simplement conduit, dans chaque espèce considérée, à heurter les prévisions que les parties avaient
fixées par leur convention, autrement dit à remettre en cause les engagements que la loi contractuelle,
dont la force est exprimée de façon générique par l'art. 1134, leur fait obligation de respecter. Un arrêt
l'illustre parfaitement : si la Cour de cassation y relève qu'« il ne résultait pas des constatations (de la
cour d'appel) que le franchisé ait donné son accord pour que soit modifiée l'économie du contrat », elle
ajoute, après avoir visé l'art. 1134 et dans une formule qui se serait suffi à elle-même, que « la cour
d'appel en a violé la loi » (6). Ainsi encore, en matière de contrat d'entreprise donnant lieu à un
marché à forfait, où l'expression économie du contrat revient régulièrement dans les décisions, certaines
parlent-elles seulement de « bouleversement du contrat initial » sans faire de détour par l'économie de
ce contrat (7). En cette matière d'ailleurs (8), la troisième Chambre de la Cour de cassation, dans
ses arrêts de censure qui empruntent la notion d'économie du contrat pour en constater donc le
bouleversement, prend soin de viser l'art. 1793 c. civ. (9), voire à la fois les art. 1793 et 1134 (10).

6 - La question peut sans doute surgir d'une éventuelle divergence entre ce qu'a réellement voulu l'une
des parties et l'expression de sa volonté, qui relève du débat opposant volonté interne et volonté
déclarée. L'aborder excéderait le cadre de ce propos, sauf à relever que, si les doctrines modernes font
plus volontiers prévaloir la volonté telle qu'elle ressort de sa déclaration, notre droit positif, nuancé, fait
appel tantôt à l'une tantôt à l'autre selon ce que paraissent exiger aussi bien la morale et l'équité que
les impératifs sociaux. Faire inconsidérément pencher la balance en faveur de la volonté interne, par le
biais d'un renvoi aussi commode qu'incertain à une notion telle que celle d'économie du contrat, est de
nature à remettre dangereusement en cause le subtil équilibre qui doit demeurer entre les deux
tendances. Une jurisprudence constante de la Cour de cassation est en outre là pour rappeler que, s'il
appartient au juge du fond de rechercher l'intention des contractants et de déterminer le sens et la
portée des conventions, ce pouvoir ne peut aller jusqu'à refuser de les appliquer lorsqu'elles sont claires
et formelles.

7 - En second lieu, si le seul fondement de l'art. 1134, al. 1er, doit dans bien des cas permettre à la
juridiction saisie, faisant donc seulement respecter la loi contractuelle, de trancher, s'y ajoute celui de
l'art. 1135 lorsque l'expression de la volonté des parties renvoie à une catégorie juridique, notamment à
un modèle proposé par le législateur. La référence à l'économie du contrat n'apporte guère au juge qui
peut aller au-delà de ce qui est exprimé - ou, plus exactement d'ailleurs, de ce qui ne l'est pas - dans la
convention en se reportant à ce que commande, selon la « nature » de cette convention, la loi tout
d'abord, les usages le cas échéant (11). Et c'est un vaste renvoi que celui de l'art. 1135, l'application
d'une multitude de règles se profilant derrière cette « nature » du contrat par le jeu de la qualification.
Nombre de décisions, illustrant de surcroît le caractère très dispersé, et partant le défaut de rigueur, de
l'utilisation de la notion d'économie du contrat avec des hypothèses où l'on s'éloigne nettement d'une
référence à la teneur d'une loi contractuelle précisément élaborée dans la convention, peuvent ainsi être
évoquées qui s'appuient inutilement sur cette notion alors qu'elles mettent en oeuvre telle règle relevant
d'un contrat spécial (12), voire de la théorie générale des obligations contractuelles (13), en
d'autres termes dans des cas où se présentait naturellement le relais de l'art. 1135. La voie de l'équité
permet parfois également au juge, toujours en vertu de ce texte, de pallier les carences de la
convention, aucune considération d'équité ne l'autorisant toutefois à venir modifier sous ce couvert les
stipulations qu'elle renferme dès lors, là encore, qu'elles sont claires et précises. L'on rejoint presque ici,
mais envisageant alors le sujet qu'en est chacun des contractants et non plus le rapport contractuel
lui-même, la bonne foi, que le 3e alinéa de l'art. 1134 exige dans l'exécution du contrat et dont la
jurisprudence témoigne combien elle est devenue, entre les mains du juge, un redoutable (14)
instrument de contrôle de cette exécution.

8 - Il est enfin des arrêts qui font état de l'économie générale du contrat (15), le qualificatif voulant
inscrire cette économie dans le cadre d'un groupe de contrats. Mais ne s'agit-il pas plutôt, notamment
lorsque l'obligation dont la cause est arguée d'inexistence prend place au sein d'un ensemble
contractuel, de l'exploitation de l'idée d'indivisibilité (16) ? Appliqué au groupe de contrats, ce
concept, certes délicat à appréhender mais allant s'affinant au fil de la jurisprudence, peut ainsi ramener
le juge à raisonner plus sûrement sur la cause - les causae remotae -, alors unique, des contrats en
présence (17).

9 - Notre droit positif recèle ainsi un certain nombre de constructions, et notre théorie juridique de

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concepts fiables mais relativement souples, qui, par le régime qu'ils déterminent et auquel les
contractants peuvent rationnellement adosser leurs prévisions, permettraient de faire l'économie - si l'on
ose le mot... - du recours à une notion dont les contours diffus annoncent dès l'abord le caractère
résiduel. Et l'examen des décisions intéressées montre assez que, pour la grande majorité d'entre elles,
la référence à l'économie du contrat ne traduit rien que les dispositions, notamment, des art. 1134 et
1135 ne suffisent à sanctionner.

B - L'économie du contrat au sens d'équilibre financier de la convention.

10 - Si l'expression ne reflète généralement, dans les arrêts qui la reprennent, que ce que les parties
seraient censées avoir voulu, la notion peut également être appréhendée, et certaines décisions s'en
inspirent sans équivoque (18), sous l'angle de l'antique concept, aristotélicien, de justice
commutative. S'appuyer ainsi pour statuer sur une économie du contrat entendue au sens d'équilibre
objectif des prestations, en poursuivant le dessein d'en corriger soit l'absence ab initio, soit les ruptures
en cours d'exécution, relève d'une démarche hasardeuse.

11 - S'agissant de la formation du contrat, rien n'impose que les obligations que génère un contrat
synallagmatique s'équilibrent financièrement. Il suffirait de rappeler que, indépendamment de la
protection que le code civil attache à la personne de certains contractants, la lésion subie par l'une des
parties du fait de l'absence d'équivalence économique de la prestation dont elle est débitrice par rapport
à celle que doit lui servir son cocontractant ne donne prise - en dehors des deux exceptions (19)
qu'admet le code et de rares interventions du législateur (20) permettant une rescision du contrat ou
une réduction de l'avantage excessif - à aucune action en nullité. Il a fort justement été relevé (21)
que la « commutativité », telle qu'elle résulte de la mise en oeuvre par une jurisprudence traditionnelle
de la théorie de la cause-contrepartie, n'est pas absolue, l'art. 1104 consacrant à côté des contrats «
commutatifs » la catégorie des contrats aléatoires. Surtout, l'équivalence requise dans ces contrats «
commutatifs » est non point objective mais laissée à l'appréciation des parties, le principe de cette
équivalence subjective ne souffrant donc d'exception que dans la stricte mesure des dispositions
relatives à la lésion sanctionnée. Il est un domaine qui représente avec force que cet équilibre dans le
contrat synallagmatique, dont la fonction même de la cause-contrepartie atteste pourtant qu'il doit
correspondre à une réalité matérielle, demeure une exigence formelle : c'est, peut-être paradoxalement,
le droit de la consommation, avec la réglementation des clauses abusives. L'art. L. 132-1 c. consom.
dispose en effet dans son antépénultième alinéa que l'appréciation du caractère abusif ne peut porter
sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert. Autrement dit, même
ici, « l'équilibre économique du contrat demeure la chose des parties » (22).

12 - Hormis les cas où le législateur moderne a, très ponctuellement (23), ouvert une possibilité de
révision judiciaire du contrat, la jurisprudence de la Cour de cassation, rejetant de façon constante la
théorie de l'imprévision, n'admet pas davantage que le contrat puisse être révisé pour cette raison que
des circonstances postérieures à sa formation viennent en rendre l'exécution plus onéreuse que prévue
pour l'une des parties. Par ailleurs, excepté lorsque la loi l'autorise à agir sur le rapport contractuel pour
en modifier certains éléments - ce qui concerne essentiellement les clauses pénales, tout au moins pour
ce qui est d'un pouvoir direct du juge sur le lien contractuel, sur ce terrain de l'exécution -, la règle reste
que le juge ne peut altérer ce rapport en substituant aux prévisions des parties des aménagements que
lui dicteraient ses conceptions personnelles de la justice.

13 - Réserve faite de l'incidence de certains textes spéciaux, qui demeurent isolés et sont
d'interprétation stricte, l'équilibre économique des obligations qu'assument réciproquement et
corrélativement les parties à une convention synallagmatique ne peut par conséquent être regardé
comme un principe essentiel gouvernant ce type de contrat, que ce soit au stade de sa formation ou à
celui de son exécution. Le constat ne prend que plus de relief à la lumière de l'hommage récemment
rendu par la Cour de cassation à la liberté contractuelle, vers laquelle a incliné l'assemblée plénière
confrontée à un doute sur la nature supplétive ou impérative d'une disposition, l'arrêt ayant pris soin de
viser, avec le texte concerné, l'art. 1134 c. civ. (24). Cette liberté contractuelle venait au demeurant
de recevoir, par le biais de « la liberté découlant de l'art. 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du
citoyen de 1789 », une protection constitutionnelle avec une décision du Conseil constitutionnel du 10
juin 1998 (25).

Un embarras sourd ainsi de ces arrêts qui, sous le couvert d'une notion qui n'offre de certitude que son
imprécision, emportent des solutions qui vont à y bien regarder à rebours de l'esprit de notre droit
positif, et peuvent de surcroît se révéler dangereuses par l'arbitraire que nourrissent nécessairement
cette imprécision et le désordre qu'elle engendre.

II - Une référence dangereuse

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14 - Le danger peut se manifester de façon immédiatement perceptible : l'on songera au trouble jeté
par la référence à cette économie du contrat sur le concept, déjà complexe, de cause (A). Mais il
transparaît aussi de ce que l'utilisation inconsidérée d'une telle notion n'est qu'une illustration
supplémentaire de l'incidence d'une certaine dérive terminologique sur la qualité des concepts
eux-mêmes (B).

A - Au regard du concept de cause

15 - Voici peu (26), un arrêt de la première Chambre de la Cour de cassation est venu perturber
sensiblement le mécanisme traditionnel d'appréciation de l'existence de la cause. Saisis d'une demande
en annulation d'un contrat de location de cassettes vidéo conclu pour les besoins de l'exploitation, par
les preneurs, d'un fonds de commerce de location de ces cassettes, les juges du fond, considérant le «
mobile déterminant de l'engagement » des preneurs, avaient estimé que cette exploitation était vouée à
l'échec dans une agglomération de 1 314 habitants. La Haute juridiction les a approuvés d'avoir
prononcé la nullité au motif que, « l'exécution du contrat selon l'économie voulue par les parties (étant)
impossible », le contrat était dépourvu de cause. L'arrêt déduit cette absence de cause du défaut, qu'il
tient pour constaté par les juges du fond, de « toute contrepartie réelle à l'obligation de payer le prix de
location des cassettes ». Un commentateur a décelé dans cette décision l'émergence d'une conception
subjective nouvelle, la cause subjective impossible venant se substituer à l'absence de cause objective
comme source de nullité des conventions. Le but contractuel ne serait toutefois pris en considération
que dans la mesure où il s'inscrirait dans l'économie du contrat, laquelle paraîtrait désigner l'équilibre
initialement prévu par les parties dans la convention (27).

16 - Peut-être la formule empruntée par l'arrêt fait-elle écho à l'idée avancée par Maury d' « équivalent
voulu » (28), dans lequel se fondraient équilibre réel, matériel, des prestations - l'élément objectif - et
rôle de la volonté - l'élément subjectif. L'auteur insistait cependant sur la détermination de cet
équivalent, soulignant que la volonté « ne peut faire de tout mobile un élément de (la convention) : elle
ne peut intégrer dans la cause que ce qui, dans ses mobiles, peut prendre figure d'équivalent » (29).
A supposer qu'elle ait implicitement fait sienne cette théorie de l'équivalent voulu, la première Chambre
est allée très loin qui, ne rejetant pas le pourvoi en procédant à une substitution de motifs, ne s'est pas
arrêtée à la question de l'entrée du mobile des preneurs dans le champ contractuel. L'absence de cause
n'en est pas moins déduite d'une impossibilité d'exécution du contrat selon l'économie voulue par les
parties, ce en dépit d'une infrangible réalité, la mise à la disposition des preneurs des cassettes dont la
location constituait l'objet du contrat litigieux.

17 - S'écartant d'une jurisprudence ayant la vertu d'assurer un minimum de sécurité aux contractants
pour venir s'appuyer sur cette économie du contrat, derrière laquelle se dessine nettement, quoique la
nullité reste fondée sur le défaut de toute contrepartie « réelle », une prise en considération de la cause
subjective dans l'appréciation de l'existence de celle-ci, la solution est inquiétante. Avec l'introduction
dans l'analyse de la cause objective d'une telle composante subjective, dont la détermination de la
teneur exacte par le cocontractant risque dans bien des cas de relever de la vaticination, le centre de
gravité du débat se trouve artificiellement tiré du terrain de l'exécution du contrat, fâcheuse pour l'une
des parties, vers celui de sa formation (30). Admettre la nullité revient en réalité à tenir en échec la
force obligatoire du contrat, en raison non point de circonstances, extérieures à la sphère d'influence de
la volonté des parties, survenues en cours d'exécution de la convention - ce que ne permet déjà pas la
jurisprudence judiciaire hors la force majeure -, mais des suites d'un environnement commercial
contemporain de sa formation et dont l'un des contractants n'a pas su prendre la mesure, le demandeur
n'ayant en l'espèce probablement pas pris soin de se livrer à une élémentaire étude de marché avant
que de contracter. Le manque de clairvoyance, une excessive confiance dans la conjoncture, voire la
négligence, deviennent ainsi de possibles facteurs d'anéantissement du contrat au bénéfice même de
l'auteur de ces coupables manquements. Le législateur contemporain, certes, a souhaité assurer la
protection de l'une des parties dans le cadre de certains rapports d'obligations, la mise en oeuvre de
cette protection étant subordonnée à la délimitation préalable de critères reposant, autant que faire se
peut, sur des paramètres concrets, qui convergent vers l'appartenance à une catégorie de contractants.
Le contexte est tout autre ici. Se produisant non point dans l'intérêt d'une partie a priori plus exposée
que l'autre, mais en définitive au profit de celle qui s'est montrée malavisée, le résultat ne saurait
trouver de justification sur le terrain de l'équité si l'on veut bien se placer un instant du point de vue du
cocontractant de l'imprudent.

18 - Alimentant peut-être une tendance à une certaine subjectivisation de la cause (31), l'arrêt n'en
est pas moins déconcertant. Même lorsqu'il est, exceptionnellement, invité à contrôler l'équilibre
économique des obligations, notamment dans l'hypothèse de vente immobilière lésionnaire, le juge ne
pouvait jusqu'alors - indépendamment de la preuve, qu'il ne saurait exiger, d'une contrainte morale ou
d'un dol subi par le demandeur - prendre en considération des éléments, d'ordre subjectif, extérieurs au

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rapport entre le prix de vente et la valeur de l'immeuble objet de la vente (32). Par ailleurs, et de
manière générale, l'on se gardera d'oublier les dispositions de l'art. 1132 c. civ., qui constituent une
présomption que la cause de l'obligation invoquée existe (33). Mais, surtout, la voie sur laquelle
s'engage ici la première Chambre par le biais de cette notion très floue d'économie du contrat est de
nature à encourager, parce qu'ils pourraient ainsi échapper à la sanction strictement économique qu'ils
appellent logiquement, les engagements irréfléchis (34).

B - De la dérive terminologique à la dérive conceptuelle

19 - Réalisée, fondamentalement, par la représentation conceptuelle, la technique juridique est très


largement tributaire de la terminologie. Si le langage est impuissant à reproduire, stricto sensu, ce qui
demeure une création de l'esprit, il reste en la matière non seulement le véhicule nécessaire, mais
encore l'indispensable support des concepts. Aussi bien, la rigueur de la construction juridique et la
systématisation du droit vers laquelle tendent ces concepts dépendant l'une et l'autre de la qualité de la
transcription de ceux-ci, « avant tout, il faut viser à une langue extrêmement précise. Car le droit (..)
doit saisir fortement les réalités sociales et les contenir en des cadres assez rigides pour éluder, autant
que possible, les incertitudes et les flottements » (35).

20 - En amont des conclusions auxquelles invite l'examen des décisions qui puisent leur motivation dans
l'économie du contrat, il apparaît que la notion, tout au moins rapportée au raisonnement qui devrait
conduire à leur prononcé, recouvre une tautologie lui ôtant par là même toute efficience. L'économie -
arrangement réciproque et concourant des parties d'un ensemble, soit matériel, soit intellectuel (36) -
du contrat ne renvoie pas à autre chose qu'à la convention considérée dans son individualité, dans sa
substance telle que l'ont voulue et plus ou moins précisément organisée les parties. Or, le contrat ne
peut être autrement appréhendé par le juge dans la mineure de son syllogisme, en sorte que, les
prémisses se confondant l'une avec l'autre - à la majeure ne correspond certes pas directement le
concept utilisé, mais celui-ci sous-tend le précepte qui la constitue -, le raisonnement est perverti. L'idée
d'économie du contrat ne peut répondre à l'exigence de stabilité et de permanence d'une notion-cadre
et le concept, si la notion devait y tendre, faillirait ipso facto au regard de l'une des lois essentielles de la
construction juridique que formulait Gény et selon laquelle cette construction doit être homogène et
cohérente : parce que, par définition, ce qu'elle traduit descend dans le concret de chaque espèce,
l'économie du contrat, ne pouvant se détacher du réel, est à l'opposé de la généralité que doit
embrasser un concept pour, à ce titre, participer à la construction juridique. La dispersion des
applications qui en sont faites le démontre à l'envi.

21 - Ici, comme en d'autres occurrences, le juge veut parvenir à un résultat qui est prédéterminé. Il le
fait à la faveur de la vacuité de la notion à laquelle il se réfère, par un habillage conceptuel artificiel
permettant d'éluder les obstacles que pourrait faire surgir l'emprunt de voies plus traditionnelles. Sans
doute la construction juridique ne doit-elle pas être figée. Mais de telles dérives (37), outre qu'elles ne
sont guère satisfaisantes relativement à la logique dont ne devrait jamais - trop - s'écarter le
raisonnement juridique, entretiennent, par la latitude peut-être excessive dont dispose ainsi le juge, une
insécurité à l'abri de laquelle les contractants pensaient pourtant se mettre en scellant leurs
engagements par une convention.

Mots clés :
CONTRAT ET OBLIGATIONS * Contrat * Formation du contrat * Economie du contrat * Notion

(1) V. Petites affiches, 30 sept. 1998, n° 117 : Existe-t-il un principe de proportionnalité en droit privé ?
(colloque du 20 mars 1998 organisé par le Centre de droit des affaires et de gestion de la Faculté de
droit de Paris V). Adde Cass. 1re civ., 11 mai 1999 (cassation), Bull. civ. I, n° 156 ; D. 1999, Somm. p.
385 , obs. J. Penneau ; Defrénois 1999, p. 992, obs. D. Mazeaud : faisant grief à l'arrêt attaqué de
n'avoir pas, s'agissant d'une clause de non-concurrence contenue dans un contrat d'association entre
médecins, recherché « si cette clause était proportionnée aux intérêts légitimes à protéger », la
première Chambre statue au visa de l'art. 1131 c. civ.

(2) CE, 23 juin 1993, n° 47180, SA Roussey, Juridisque Lamy ; 29 juill. 1994, n° 151778, Sté nat. de
construction Quillery, ibid. ; 13 déc. 1996, n° 133373, Sté Bec Frères, ibid. (marchés publics) ; 20 mai
1994, Sté Le Gardiennage industriel de la Seine, Juridisque Lamy, Lebon tables, p. 1038 (contrat de
concession).

(3) Décis. n° 98-401 DC du 10 juin 1998, JO 14 juin ; RTD civ. 1998, p. 797, obs. N. Molfessis , et

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1999, p. 78, obs. J. Mestre ; D. 2000, Somm. p. 60 , obs. L. Favoreu. V. infra, n° 13.

(4) V. par ex. Cass. 1re civ., 3 juill. 1996, D. 1997, Jur. p. 500 , note P. Reigné ; JCP 1997, I, n° 4015,
p. 178, note F. Labarthe ; RTD civ. 1996, p. 903, obs. J. Mestre ; Défrénois 1996, p. 1015, obs. P.
Delebecque.

(5) V. not. Cass. 3e civ., 12 janv. 1994, pourvoi n° 92-13886, Juridisque Lamy ; 6 déc. 1995, Bull. civ.
III, n° 250 ; Cass. com., 3 janv. 1996, pourvoi n° 94-12314, Juridisque Lamy ; RJDA 1996, p. 353, n°
490 ; RTD civ. 1996, p. 901, obs. J. Mestre .

(6) Cass. com., 3 janv. 1996, préc. (il s'agit, à notre connaissance et en dehors des décisions rendues
en matière de marché à forfait, du seul arrêt de cassation dans lequel la Cour suprême utilise la notion
d'économie du contrat). Adde Cass. com., 17 oct. 1995, pourvoi n° 93-14115, Juridisque Lamy, arrêt de
rejet qui répond au moyen tiré d'une « violation des stipulations contractuelles claires régissant
l'économie du contrat » et de l'art. 1134 en déduisant des motifs de l'arrêt que la cour d'appel « a
appliqué la loi du contrat ».

(7) V. par ex. Cass. 3e civ., 26 mars 1997, pourvoi n° 95-16290, Juridisque Lamy. Adde, en matière de
saisie immobilière, Cass. 2e civ., 25 mars 1998, inédit : la décision frappée de pourvoi avait retenu,
s'agissant du cahier des charges, l'impossibilité dans laquelle était le juge de « modifier l'économie d'un
contrat régulièrement formé » (l'assimilation du cahier des charges à un contrat étant sans doute
discutable) ; la Cour de cassation répond en évoquant simplement « la demande du saisi de voir
modifier le cahier des charges ».

(8) La spécificité, au regard de l'objet de cette étude, que pourrait sembler lui conférer, précisément, la
fréquence dans les arrêts de la référence à la notion d'économie du contrat ne serait qu'apparence : le
caractère à forfait de la construction, voulu par les parties et dont l'art. 1793 vient régler avec quelque
précision les effets, semble une application élémentaire de la règle posée dans l'art. 1134.

(9) Cass. 3e civ., 24 janv. 1990, pourvoi n° 88-13384, Juridisque Lamy ; 4 mai 1995, pourvoi n°
93-14050, ibid. ; 14 févr. 1996 (deux arrêts), pourvois n° 93-19088 et n° 93-20699, ibid.

(10) Cass. 3e civ., 4 nov. 1993, pourvoi n° 91-16196, Juridisque Lamy ; 12 mars 1997, pourvoi n°
95-10904, ibid.

(11) L'art. 1158 invite au reste, en matière d'interprétation des contrats, à puiser dans la « matière » du
contrat, les art. 1159 et 1160 renvoyant également, quant à eux, aux usages.

(12) Cass. 3e civ., 16 déc. 1992, pourvoi n° 91-14010, Juridisque Lamy (bail commercial,
déplafonnement) ; 6 déc. 1995, préc. (bail rural) ; Cass. com., 9 juill. 1991, pourvoi n° 89-18270, ibid.
(prêt) ; 7 juill. 1992, pourvoi n° 90-13720, ibid. (contrat de transport) ; 16 janv. 1996, Bull. civ. IV, n°
21 ; RTD civ. 1996, p. 902, obs. J. Mestre (contrat de transport) ; Cass. 3e civ., 23 oct. 1991, pourvoi
n° 90-14034, Juridisque Lamy (vente) ; Cass. 1re civ., 10 mars 1992, pourvoi n° 90-10960, ibid.
(cession de fonds de commerce, éviction) ; Cass. com., 18 déc. 1990, pourvoi n° 89-14853, ibid.
(contrat de franchise).

(13) Cass. com., 2 juill. 1991, pourvoi n° 90-10874, Juridisque Lamy, et 13 oct. 1992, pourvoi n°
90-22141, ibid. (indétermination du prix) ; 24 févr. 1998, RJDA 1998, p. 616, n° 854 (obligation
précontractuelle de renseignement) ; 26 mars 1996, pourvoi n° 94-12468, Juridisque Lamy ; RTD civ.
1996, p. 902, obs. J. Mestre (résolution) . Adde Cass. 1re civ., 17 juill. 1996, pourvoi n° 94-18526,
Juridisque Lamy (devoir de conseil, responsabilité notariale) et 25 mai 1992, pourvoi n° 90-16290,
Juridisque Lamy.

(14) Pour une illustration particulièrement nette des excès auxquels ce pouvoir peut conduire, V. Cass.
1re civ., 22 juill. 1986, Bull. civ. I, n° 223 ; Cass. 3e civ., 13 avr. 1988, D. 1989, Jur. p. 334, note J.-L.

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Aubert.

(15) V. ainsi Cass. 3e civ., 3 mars 1993, Bull. civ. III, n° 28.

(16) Ce à quoi renvoie d'ailleurs Cass. 3e civ., 3 mars 1993, préc. V. également Cass. 3e civ., 12 janv.
1994, préc., espèce dans laquelle se juxtaposaient une cession de fonds de commerce et la vente de
locaux : l'arrêt constate qu'il n'y a pas de rupture de l'économie du contrat « puisque aucune des
conventions ne contenait de dispositions rendant leur réalisation indissociable l'une de l'autre »,
formulation qui aurait sans doute suffi.

(17) V. ainsi Cass. 1re civ., 1er juill. 1997, D. 1998, Jur. p. 32 , note L. Aynès, et Somm. p. 110, obs.
D. Mazeaud.

(18) V. par ex. CA Paris, 8 juill. 1992, Juris-Data, n° 022316 ; CA Aix-en-Provence, 25 sept. 1995,
Juris-Data, n° 049524 ; CA Rennes, 15 juin 1993, Juris-Data, n° 052224.

(19) Partage (art. 887, al. 2, c. civ.) et vente d'immeuble (art. 1674 c. civ.).

(20) Vente d'engrais et de semences (loi du 8 juill. 1907), cession du droit d'exploitation d'une oeuvre
littéraire ou artistique pour un prix forfaitaire (loi du 11 mars 1957, art. 37), prêt d'argent (loi du 28
déc. 1966), convention d'assistance maritime (loi du 7 juill. 1967), société d'attribution d'immeuble aux
associés (loi du 16 juill. 1971). A côté de ces textes, il convient de relever également les cas où la
jurisprudence reconnaît au juge le droit d'intervenir (réduction des honoraires des mandataires et
agents d'affaires, ainsi que du prix de cession des offices ministériels), le recours à la notion de vileté du
prix pour sanctionner des ventes qui échappent aux textes procédant par ailleurs, il est vrai, d'un souci
voisin.

(21) J.-L. Aubert, Le contrat, Dalloz, 1996, p. 74 et s.

(22) J.-L. Aubert, op. cit., p. 86.

(23) Ainsi en matière de rentes viagères (loi du 25 mars 1949), de baux commerciaux (décret-loi du 30
sept. 1953) ou encore de donations ou legs avec charges (loi du 4 juill. 1984).

(24) Cass. ass. plén., 26 mars 1999, D. 1999, Jur. p. 369 , note P. Delebecque ; RTD civ. 1999, p.
615, obs. J. Mestre (à propos des dispositions des art. 26 et 27 de la loi du 3 janv. 1969 relative à
l'armement et aux ventes maritimes).

(25) Préc., que ne laissaient au demeurant guère augurer les précédentes décisions du Conseil dans ce
domaine (Décis. n° 94-348 DC du 3 août 1994, JCP 1995, II, n° 22404, note Y. Broussolle ; D. 1995,
Somm. p. 351, obs. P. Gaïa , et 1996, Somm. p. 45, obs. X. Prétot ; n° 97-388 du 20 mars 1997, JO
26 mars, p. 4661 ; JCP 1997, I, n° 4039, n° 1, obs. M. Fabre-Magnan ; D. 1999, Somm. p. 234, obs. L.
Favoreu , et p. 236, obs. F. Mélin-Soucramanien ; RTD civ. 1998, p. 99, obs. J. Mestre ). Sur les
raisons de cette évolution, V. N. Molfessis, op. cit.

(26) Cass. 1re civ., 3 juill. 1996, préc.

(27) P. Reigné, note préc.

(28) Maury, Essai sur le rôle de la notion d'équivalence en droit civil français, thèse, Toulouse (1920), t.
I, p. 31 et s.

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(29) Maury, op. cit., p. 116.

(30) Comp. Cass. com., 30 juin 1987, Bull. civ. IV, n° 163 (« la cour d'appel, qui (...) a déduit l'absence
de cause de la convention des circonstances de son exécution, a violé, par fausse application, (l'art.
1131 c. civ.) »).

(31) V. ainsi Cass. 1re civ., 1er oct. 1996, Bull. civ. I, n° 335 ; D. 1997, Somm. p. 171 , obs. R.
Libchaber ; RTD civ. 1997, p. 116, obs. J. Mestre (nullité, fondée sur l'illicéité de la cause du contrat,
du prêt ayant pour objet le financement du rachat de la clientèle d'un chirurgien-dentiste), et les
réserves formulées par ces deux annotateurs.

(32) V. par ex. Cass. 3e civ., 8 janv. 1992, Bull. civ. III, n° 9.

(33) Cass. 1re civ., 14 juin 1988, Gaz. Pal. 1989, 2, p. 625, note J.-J. Taisne ; D. 1989. Somm. p. 230,
obs. J.-L. Aubert.

(34) En ce sens : F. Labarthe, note préc.

(35) Gény, Science et Technique en droit privé positif, t. III, Elaboration technique du droit positif
(1921), p. 462.

(36) Littré, Dictionnaire de la langue française, v° Economie, 2°.

(37) V. à cet égard C. Atias, Dérive contemporaine de la terminologie juridique, D. 1998, n° 16, Dernière
Actualité, p. 1.

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