Vous êtes sur la page 1sur 5

08/10/2014

Revue Lamy Droit des Affaires - 2014 89> > >

ActualitésDROIT ÉCONOMIQUEÉclairage

L’appréciation judiciaire du préavis raisonnable pour réduire le préavis contractuel : ordre public
ou réfaction contractuelle ?

Auteur : Par Clémence MOULY‐GUILLEMAUD Directrice du magistère‐DJCE Faculté de Droit de Montpellier


Cass. com., 22 oct. 2013, no 12-19.500, P+B

Réitérant la formule selon laquelle « l’existence d’un délai de préavis contractuel ne dispense pas la juridiction
d’examiner si ce délai de préavis tient compte de la durée de la relation commerciale et d’autres circonstances au
moment de la rupture », la Cour de cassation admet qu’un préavis contractuel d’une durée trop longue au vu de celle
de la relation puisse être judiciairement réduite. Ce faisant, les juges énoncent un principe, détaché de toute
appréciation de la brutalité, susceptible de leur conférer un pouvoir de réfaction de tout préavis contractuel, dont la
durée ne paraît plus pouvoir être anticipée par les parties.

La singularité de la difficulté que fut amenée à trancher la Cour de cassation par une décision du 22 octobre 2013 ne
saurait échapper à l’attention : le juge peut‐il, sous couvert de l’article L. 442-6, I, 5o du code de commerce, réduire
le préavis contractuel ?
En cette espèce, les parties avaient stipulé un préavis de 24 mois, sans que les faits ne permettent de déceler leur
motivation dans la prévision d’une durée si longue, si ce n’est l’idée qu’elles se faisaient d’une collaboration pérenne.
Celle‐ci organisait l’approvisionnement en pièces de rechange et vente de véhicules neufs d’un garagiste polyvalent par
un concessionnaire Fiat. Contrairement à leur attente, la relation se dégrada très rapidement pour cesser subitement
après seulement 20 mois d’exécution. La mésentente entre les parties fut telle que non seulement aucun préavis ne fut
respecté, mais encore qu’elles imputèrent toutes deux l’initiative de la rupture à l’autre et si le garagiste assigna le
concessionnaire en indemnisation de la rupture brutale, c’est la demande reconventionnelle de ce dernier, sollicitant
l’indemnisation du non‐respect du préavis contractuel, qui obtint la faveur des juges. Tout au moins partiellement, car
si les juges d’appel identifièrent le garagiste comme auteur de la rupture, ils estimèrent encore que le préavis
contractuel était trop long eu égard à la faible ancienneté des relations commerciales, et évaluèrent à 6 mois celui qu’il
eut été raisonnable de respecter, qu’ils doublèrent encore en relevant d’office que la relation portait sur la fourniture
de produits sous marque de distributeur. Le pourvoi principal reprochait cette liberté procédurale, les parties ne
s’étant pas expliquées sur ce moyen. Sur ce point, le demandeur obtint gain de cause, au visa de l’article 16 du code
de procédure civile. Il en est autrement du moyen incident qui, seul, retiendra notre attention. Celui-ci se fondait
essentiellement sur la violation de l’article 1134 du code civil, dès lors que les juges, en retenant un préavis de 6 mois,
avaient méconnu la loi des parties.
Le point est acquis (Cass. com., 6 mars 2007, no 05-18.121, JCP E 2008, 1638, no 2, obs. Mainguy D. ; Cass. com., 21
sept. 2010, no 09-15.716 ; cf. les nombreuses illustrations in Bilan des décisions judiciaires de la CEPC 2012, p. 95 s. ;
cf. déjà CA Lyon, 10 avr. 2003, n o RG : 2001/06057, Sté PN Gerolymatos c/ Sté Aventis), « l’existence d’un délai de
préavis contractuel ne dispense pas la juridiction d’examiner si ce délai de préavis tient compte de la durée de la
relation commerciale et d’autres circonstances au moment de la rupture », ladite juridiction demeurant libre de
l’augmenter en cas d’insuffisance. Cependant, cette formule est ici reprise par la Cour de cassation afin de justifier
que l’appréciation souveraine du délai opportun puisse conduire à retenir une durée considérablement inférieure à
celle stipulée. Pour ce faire, la motivation de la Cour tient tout à la fois à la faible ancienneté de la relation et à
l’absence d’investissement spécifique aux besoins de celle‐ci par le cocontractant.
À première vue, la solution ne surprend guère. Si le juge n’est pas lié par la clause de préavis, il est aisé d’admettre
qu’il en soit ainsi en toute occurrence, peu important qu’il s’agisse d’augmenter ou de diminuer la durée. La solution

Document Wolters Kluwer France soumis aux conditions d’utilisation définies par la Charte d’Utilisation et les Conditions UNIVERSITE DE STRASBOURG
Générales d’Abonnement BIBLIOTHEQUE
1/5
08/10/2014

convainc plus encore au vu de la spécificité de cette espèce, le respect d’un préavis de 24 mois afin de rompre une
relation de 20 mois frisant l’absurde.
Toutefois, parce que cette incohérence était voulue par les intéressés, l’absence de considération de l’accord de
volonté en une hypothèse où l’application de la stipulation n’emportait aucunement brutalité dans la rupture ne saurait
être admise si facilement. De garant de l’absence de brutalité dans la rupture, le juge devient, par cette décision,
censeur inconditionné de la durée de préavis (I). Son omnipotence ne laisse qu’une place non seulement résiduelle,
mais encore bien incertaine aux volontés (II).

I. – L’OMNIPOTENTE APPRÉCIATION JUDICIAIRE


Il paraît tout à fait légitime que le juge ne soit pas lié par la durée de préavis stipulée, lorsque celle‐ci, par sa brièveté
au vu de celle de la relation rompue, emporte brutalité dans la rupture. Assurément, le caractère d’ordre public de
l’article L. 442-6, I, 5o du code de commerce, qui sanctionne par le jeu de la responsabilité une telle brutalité suffit à
justifier l’éviction des stipulations contraires à la protection souhaitée. Dans un tel contexte, la formule prétorienne
selon laquelle « l’existence d’un délai de préavis contractuel ne dispense pas la juridiction d’examiner si ce délai de
préavis tient compte de la durée de la relation commerciale » appelle approbation.
Cependant, ici, le contexte est tout autre et enjoint de s’interroger sur le fondement justifiant que le juge ne soit pas
lié par une clause stipulant un préavis trop long. Par la référence à la durée de la relation commerciale, la solution
paraît trouver son fondement en l’article L. 442‐6, I, 5o (l’incertitude relative au fondement résulte non seulement de
l’absence de visa, le moyen étant rejeté, mais encore de la référence au seul article 1134 du code civil dans les
premières branches du moyen, alors que la demande initiale de l’intéressé est énoncée comme tendant « au paiement
d’une indemnité calculée en fonction du délai de préavis contractuel »). Indéniablement, on entre dans son champ
d’application, dès lors que la rupture fut réalisée sans aucun préavis, c’est à dire tant en méconnaissance des
stipulations contractuelles que de l’impératif extracontractuel. Toutefois, le seul fait de se situer dans le champ de ce
texte ne suffit pas à écarter, par principe, toute stipulation contractuelle. Ni la lettre du texte, ni son application en
des domaines voisins (cf., not., les clauses de différends, qu’il s’agisse d’une clause attributive de juridiction (Cass.
com., 20 mars 2012, no 11-11.570), d’une clause de médiation préalable (Cass. com., 12 juin 2012, no 11-18.852)
ou d’une clause compromissoire (Cass. 1re civ., 8 juill. 2010, n o 09-67.013, Bull. civ. I, n o 156), ce dont il résulte «
que la rédaction de la clause soit plus déterminante que la nature de la responsabilité » (Mathey N., Contrats,
conc., consom. 2012, comm. 208). Pour une analyse de l’emprise des stipulations contractuelles dans le champ de
l’article L. 442‐6, I, 5o, cf. nos obs., Rupture brutale d’une relation contractuellement établie, quelle place pour
l’anticipation des parties ?, RLC 2013/37, no 2435) ne le justifierait. Ce n’est que lorsque la stipulation litigieuse
contredit la protection imposée par le texte que son caractère d’ordre public fonde son éviction. Est‐ce le cas de la
stipulation d’un préavis trop long ? Assurément non. Certes, la Cour de cassation paraît suivre la lettre du texte en ce
qu’elle énonce que le préavis écrit « doit tenir compte de la durée de la relation commerciale ». Cependant, ce
critère n’est impératif qu’en ce qu’il est norme d’appréciation de la brutalité. Or, une clause stipulant une durée de
préavis trop longue n’emporte pas rupture brutale et ne saurait donc voir sa validité appréciée par référence au critère
qui permet de l’identifier. Outre la lettre, l’esprit du texte commande de comprendre la durée de la relation comme un
critère d’appréciation de la durée minimale du préavis, ce que, d’ailleurs, la lettre ne dément nullement, la suite du
texte se référant à un « délai minimum » et mentionnant à trois reprises « la durée minimale ». C’est dire que l’article
L. 442-6, I, 5o ne saurait justifier l’éviction d’une clause stipulant un préavis trop long au vu de la durée de la relation.

Ce n’est que lorsque la stipulation litigieuse contredit la protection imposée par le texte que son caractère
d’ordre public fonde son éviction. Est‐ce le cas de la stipulation d’un préavis trop long ? Assurément non.

Seule la formule prétorienne énonçant que le juge ne saurait être lié par une clause de préavis justifie ici l’éviction de
la stipulation. Faut‐il comprendre que la Cour entend, ce faisant, ériger en principe général du Droit la référence à la
durée de la relation comme critère impératif de tout préavis, c’est‐à‐dire en l’absence même de brutalité ? Un tel
principe, en ce qu’il méconnaît les prévisions contractuelles, ne paraît pas opportun.
Document Wolters Kluwer France soumis aux conditions d’utilisation définies par la Charte d’Utilisation et les Conditions UNIVERSITE DE STRASBOURG
Générales d’Abonnement BIBLIOTHEQUE
2/5
08/10/2014

Un tel pouvoir de réfaction des prévisions contractuelles trompe nécessairement les attentes des parties et interdit
toute prévision en ce domaine. Imaginons que l’accord se soit porté sur une longue durée précisément pour sécuriser
l’issue de la relation, lors de laquelle des préavis de durée moyenne ne permettent pas de garantir qu’ils seront jugés
raisonnables. Pourquoi une longue durée ne permettrait‐elle pas cette sécurité ? Imaginons, plus encore, que la
stipulation d’un préavis de 24 mois fut le moyen choisit par les parties pour imposer une durée minimale de deux ans à
leur relation. Ne paraît‐il pas alors contradictoire que par le biais d’une formule sentencieuse dégagée à partir d’un
texte sanctionnant la brutalité, les juges libèrent un contractant du respect du terme minimal implicitement convenu au
contrat ?
Par voie de conséquence, admettre ce principe général ne reviendrait‐il pas à fragiliser toute stipulation d’un terme
contractuel ? Classiquement, la rupture avant terme d’une relation à durée déterminée conduisait les juges à calquer la
durée de préavis attendue sur celle restant à courir jusqu’au terme (not. CA Bordeaux, 1 re ch. civ., sect. A, 3 oct.
2011, no RG : 09/06884, Châteaux en Bordeaux c/ Domaines Roland X et a., Bilan CEPC 2011 ; CA Aix‐en‐Provence, 8 e
ch. B, 26 mars 2010, no RG : 07/09340, Balicco Méditerranée et a. c/ Creno Impex, Bilan CEPC 2010). Il convient
d’admettre qu’à cette dernière date, la rupture était prévue et par conséquent non brutale. Cependant, si la brutalité
n’est plus condition de l’appréciation de la durée de préavis par rapport à la durée de la relation, il conviendrait alors
d’appliquer ce critère sans tenir compte de l’échéance voulue (sur cette éventualité, cf. Lachièze C., La rupture des
relations commerciales à la croisée du droit commun et du droit de la concurrence, JCP E 2004, 1815). Ainsi, un contrat
à durée déterminée de neuf ans, rompu illégitimement trois mois avant son terme, devrait appeler, au vu de sa durée,
un préavis bien plus long que les trois mois défaillants.
L’insécurité contractuelle est encore accrue lorsque l’on souligne que la formule sentencieuse n’érige pas la seule
durée de la relation comme critère de la réfaction du préavis contractuel, mais vise encore les « autres circonstances
au moment de la notification de la rupture ». L’imprécision de cette expression est suffisamment patente pour qu’il
ne paraisse utile de développer longuement l’impossible anticipation du délai opportun qu’elle pourrait appeler.
Relevons simplement, qu’en l’espèce, elle conduisit les juges à analyser les « travaux d’aménagement » réalisés par le
garagiste afin d’identifier s’ils justifiaient un allongement du préavis. S’ils ne l’influencèrent finalement pas, ce n’est
qu’en ce qu’ils n’avaient pas été engagés pour les besoins de la relation rompue. Toutefois, et parce qu’on ne
s’explique pas pourquoi les travaux réalisés par l’auteur de la rupture conditionneraient la durée du préavis qu’il aurait
dû accorder à son partenaire, l’opinion selon laquelle un pouvoir judiciaire de réfaction de tout préavis contractuel ne
paraît nullement souhaitable en est d’autant confortée.
Le choix de publier cette décision laisse cependant craindre qu’une telle solution puisse être réitérée. Reste alors à
envisager par quels moyens, assurément résiduels, les parties pourront retrouver une certaine emprise, et davantage de
sécurité, dans la détermination de la durée de leur préavis.

II. – L’INCERTAINE EMPRISE VOLONTAIRE


La première voie à laquelle on songe pour s’assurer du respect du préavis stipulé est de délaisser le terrain délictuel de
l’article L. 442-6, I, 5o du code de commerce, pour privilégier la seule responsabilité contractuelle. L’inexécution de
l’accord était ici flagrante, le préavis contractuel n’ayant nullement été respecté. La preuve n’en aurait donc pas été
plus difficile, tandis que la conséquence en est tout autant opportune pour la partie évincée, l’orientation judiciaire
paraissant être d’admettre l’évaluation du préjudice résultant du non respect du préavis contractuel selon les mêmes
modalités que celles dégagées à partir du texte précité, à savoir l’application de la marge brute moyenne perdue sur la
période défaillante (not. Cass. 1re civ., 10 juil. 2013, no 11-25.232 ; Cass. 1re civ., 22 janv. 2009, no 07-21.233).
Dès lors, l’élection de la voie contractuelle aurait dû permettre au concessionnaire d’obtenir la réparation du préjudice
qu’il subissait du fait de la privation des 24 mois de préavis, préjudice évalué selon le même mode extrêmement
profitable à la victime qu’occasionne le strict octroi de la marge brute (effectivement, la perte de l’entière marge
anciennement dégagée sur toute la période défaillante ne paraît pas correspondre au préjudice réellement subi, dès
lors que la victime se reconvertit. L’admettre revient à postuler que sa capacité de travail lui aurait permis d’assumer
tout à la fois l’ancienne et la nouvelle relation. Or, ce point n’est nullement pris en compte dans l’évaluation.

Document Wolters Kluwer France soumis aux conditions d’utilisation définies par la Charte d’Utilisation et les Conditions UNIVERSITE DE STRASBOURG
Générales d’Abonnement BIBLIOTHEQUE
3/5
08/10/2014

D’ailleurs, l’impossibilité de cumul des deux activités résultant d’une clause d’exclusivité n’influe pas davantage le
montant de l’indemnisation octroyée par les juges (Cass. com., 9 juill. 2013, no 12-20.468, à paraître au Bulletin). Il
semblerait qu’en ce domaine, les juges se libèrent du principe classiquement admis en matière d’indemnisation,
imposant de « comparer la situation actuelle de la victime, en tenant compte des éventuels avantages qu’elle
comporte, avec celle dans laquelle elle se serait trouvée en l’absence de fait générateur » selon J. Traullé
(L’indemnisation du préjudice né de l’impossibilité de contracter avec un tiers après la conclusion du contrat vicié, D.
2013, 2651), l’auteur relevant encore les opportunes applications de ce principe en des domaines distincts ainsi que
l’enrichissement résultant de sa méconnaissance). Or, sur le terrain contractuel, rien ne justifie que les juges puissent
altérer cette durée, sauf à dénaturer l’accord.
Malheureusement, le biais ne paraît nullement assuré, tant il semble avoir été ici vainement tenté par l’intéressé. En
effet, le premier moyen invoquait la violation de l’article 1134 du code civil. Cependant, la Cour n’y répond qu’en se
référant à la formule selon laquelle la stipulation contractuelle ne dispense pas de l’examen de sa correcte proportion à
la durée de la relation. La force d’attraction de l’article L. 442-6, I, 5o du code de commerce, que l’intéressé avait
effectivement invoqué cumulativement au fondement contractuel devant les juges du fond, paraît ainsi priver la
victime de la possibilité de privilégier le terrain contractuel. En serait‐il de même si ce texte n’avait jamais été invoqué
au cours de la procédure ? Peut‐être pas, mais l’hypothèse paraît devoir être qualifiée d’école. En cette espèce, cette
possibilité n’était pas ouverte au concessionnaire, dès lors qu’il fut originellement défendeur à une action exercée sur
ce fondement ; il lui revenait naturellement de se défendre sur ce même fondement. Aussi, semble‐t‐il être
extrêmement aisé pour toute partie d’interdire la voie contractuelle à son adversaire. Il suffirait d’agir en premier ou
reconventionnellement sur le fondement de l’article L. 442‐6, I, 5o. Qui plus est, la négligence de l’intéressé pourrait
encore être secourue par le juge, qui dispose de la possibilité, voire de l’obligation, de relever d’office ce texte,
support d’un moyen de pur droit qui plus est d’ordre public (lorsque ces deux conditions sont réunies, il est
généralement admis qu’il s’agit d’une obligation, au‐delà même des cas où la loi le spécifie expressément ; cf. not. de
Gouttes M., avis sur Cass. ass. plén., 21 déc. 2007, no 06-11.343, Bull. civ. ass. plén., n o 10). En somme, si la
solution de l’espèce devait être réitérée, la formule selon laquelle « l’existence d’un délai de préavis contractuel ne
dispense pas la juridiction d’examiner si ce délai de préavis tient compte de la durée de la relation commerciale et
des autres circonstances au moment de la notification de la rupture » a effectivement vocation à s’appliquer en toute
circonstance et, par voie de conséquence, à s’imposer comme un nouveau principe général du droit.
À défaut d’être assuré de l’efficacité de la voie contractuelle, l’ultime recours est d’envisager l’éventuelle efficacité
d’une clause de préavis opportunément rédigée sur le terrain délictuel. Une telle clause ne saurait valablement imposer
un délai de prévenance figé, celui‐ci devant être interprété comme trop court ou trop long en fonction de l’avancée de
la relation. La seule parade consistera alors à fixer la durée du préavis selon celle de la relation. Il conviendra ainsi
d’envisager des fourchettes de durées de relation et de leur appliquer des délais de prévenance distincts (la durée de
préavis pourra alors être exprimée en mois (Lachièze C., article préc. ; Fourgoux J.‐L., J. Cl. Commercial, Fasc. 281,
Transparence et pratiques restrictives de concurrence, n o 211 ; Bernheim-Desvaux S., La clause organisant la rupture
d’une relation commerciale établie, Resp. civ. et assur. 2013, form. 1), ou, selon nous plus opportunément, en un
certain pourcentage de la durée totale de la relation exprimée en mois (cf. nos obs., Rupture brutale d’une relation
contractuellement établie, quelle place pour l’anticipation des parties ?, préc.)). Ce faisant, la clause respecterait le
critère imposé par l’article L. 442-6, I, 5o du code de commerce tout en offrant sécurité aux parties. Est‐ce suffisant
pour garantir son efficacité ? Il est vrai, les juges, lorsqu’ils sont en charge d’évaluer le préavis raisonnable, prennent
en considération une multitude d’autres facteurs distincts de la seule durée de la relation (tels l’état de dépendance, le
chiffre d’affaires occasionné par la relation, son exclusivité, la saisonnalité ou la rotation des stocks, l’existence d’une
obligation de non‐concurrence, voire les possibilités de réorganisation de la victime de la brutalité), comme le suggère
d’ailleurs la formule susmentionnée in fine, par sa référence aux « autres circonstances au moment de la notification
de la rupture ». Toutefois, parce que seul le critère de la durée est imposé par le texte d’ordre public, le respect des
autres critères ne peut être considéré comme impératif (en ce sens, cf. CA Aix-en-Provence, 22 avr. 2010, n o RG :

Document Wolters Kluwer France soumis aux conditions d’utilisation définies par la Charte d’Utilisation et les Conditions UNIVERSITE DE STRASBOURG
Générales d’Abonnement BIBLIOTHEQUE
4/5
08/10/2014

09/02227, Sté Aviapartner Marseille c/ Sté Laser Proprete : « seul le critère de la durée de la relation commerciale
établie est désormais à prendre en compte pour apprécier le délai du préavis nécessaire à la partie qui subit la
rupture, pour réorienter son activité commerciale ou économique » et « que tous les autres critères anciennement
retenus pour déterminer le caractère suffisant du délai du préavis (tels notamment l’état de dépendance
économique d’une partie vis‐à‐vis de l’autre ou l’importance du “flux d’affaires” réalisé), ne doivent pas être pris
en considération » ; ibid., 11 mars 2010, no RG : 08/03694, Sté Vanam c/ Sté Nike European Operations Netherlands
(Neon) Bv ; 8 févr. 2007, n o RG : 05/07696, Sté Dynamique Provençale c/ Sté Les Trois Abeilles ; 7 sept. 2006, n o RG :
06/01066, Stés Derrick et Royal Trading c/ Sté Façonnable ; CA Nîmes, 2 e ch., 12 mars 2009, no RG : 07/02326, Sté DRT
c/ Sté Doucitel. Cf. également Cass. com., 8 oct. 2013, no 12-22.958, Lettre distrib. nov. 2013, estimant que la
considération de la dépendance économique n’est pas impérative, mais, il est vrai, le moyen invoquait sa prise en
compte dans l’évaluation du préjudice, non dans la détermination de la durée du préavis. Pour davantage de sécurité,
on pourrait bien sûr songer intégrer dans la rédaction de la clause les différents critères ponctuellement mis en avant
par les juges pour augmenter la durée du préavis raisonnable. Cependant, parce que ces critères sont susceptibles
d’évoluer, voire de disparaître, au cours de l’exécution de la relation, il n’est nullement assuré que la clause
anciennement rédigée demeure opportune au jour de la notification de la rupture. Elle serait alors bien plus trompeuse
qu’utile). Au vu de la loi, il conviendrait ainsi d’admettre la validité d’une telle clause, dont le seul dessein est de
rendre les modalités de la rupture prévisibles pour les parties, mais nullement de contourner la protection imposée par
l’article L. 442-6, I, 5o du code de commerce. Toutefois, parce qu’il en était de même dans la présente décision, il
n’est nullement acquis qu’elle trouve grâce face à la formule prétorienne qui semble fonder un pouvoir de réfaction de
toute clause de préavis.

Document Wolters Kluwer France soumis aux conditions d’utilisation définies par la Charte d’Utilisation et les Conditions UNIVERSITE DE STRASBOURG
Générales d’Abonnement BIBLIOTHEQUE
5/5

Vous aimerez peut-être aussi