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PerspectivesCHRONIQUE
Auteur : ParJacques MESTRE ,Professeur à Aix‐Marseille Université Directeur du Centre de droit économique (EA4224)
EtAnne-Sophie MESTRE-CHAMI Chargée d’enseignement à la Faculté de droit d’Evry Avocate
1) La nécessité d’une clause préalable pour fonder une rupture contractuelle en cas de changement de contrôle
Cass. com., 29 janv. 2013, no 11-23.676, Bull. civ. IV, no 19, Rev. sociétés 2013, p. 552, note Caffin‐Moi M.
Parmi les clauses contractuelles susceptibles de prévenir de possibles différends dans le domaine économique, figure
sans conteste celle qui, en cas de changement de contrôle affectant une société contractante, ouvre la possibilité à
l’autre partie, quand ce n’est pas aux deux, de résilier unilatéralement et de manière anticipée le contrat en cours. Ou
encore, via une variante notamment pratiquée dans le cadre d’une relation de partenariat sociétaire unissant deux
sociétés, de proposer à celle des deux qui « subit » le changement de contrôle de l’autre, de mettre en œuvre une
alternative d’achat ou de vente de titres qui évitera la pérennisation d’une coexistence jugée désormais peu
souhaitable.
Le grand intérêt de l’arrêt commenté est d’attirer particulièrement l’attention des praticiens sur la nécessité de
stipuler une telle clause pour qui veut faire du changement de contrôle la source ou l’occasion d’une telle rupture.
Car, à défaut, l’argumentation qui se fonderait uniquement le fort intuitus personae qui avait animé les sociétés
cocontractantes a fort peu de chances de suffire. C’est du moins ainsi que nous interprétons l’arrêt de la chambre
commerciale de la Cour de cassation rendu dans les circonstances suivantes.
Les sociétés C. et S., après avoir été en relations d’affaires pendant deux ans, avaient conclu en février 1999 une
convention de distribution et de licence de marque accordant à la seconde une exclusivité de vente dans un secteur
déterminé, pour une durée initiale de deux ans, tacitement renouvelable par période d’un an. Ayant ultérieurement
appris que l’intégralité du capital de la société S. se trouvait, à la suite d’une cession totale, détenue par un
actionnaire unique et que cette situation avait entraîné un changement de dirigeant social, la société C. entendit
mettre un terme au contrat en décembre 2007. Mais, considérant cette brusque résiliation fautive, la société S.
l’assigna en paiement de dommages‐intérêts. Or la chambre commerciale approuve les juges du fond (CA Montpellier,
17 mai 2011) d’avoir rejeté cette action : « attendu qu’ayant justement énoncé qu’en raison du principe d’autonomie
de la personne morale, cette dernière reste inchangée en cas de cession de la totalité des parts ou actions d’une
société ou de changement de ses dirigeants et relevé l’absence de stipulation contractuelle autorisant la rupture
avant échéance dans de telles hypothèses, la cour d’appel, qui a ainsi fait ressortir qu’il n’était pas établi que la
convention de distribution exclusive ait été conclue en considération de la personne du dirigeant, en a déduit à bon
droit, sans écarter le caractère intuitu personae du contrat, qu’en l’absence d’une stipulation particulière, la
convention était maintenue en dépit des changements survenus ».
Autrement dit, la continuité de la personnalité morale fait échec, en cas de cession de contrôle, à une résiliation
immédiate du contrat, à moins qu’une clause de celui‐ci n’ait aménagé un droit de rupture ou encore qu’en faisant
expressément référence à la personne du dirigeant initial, cette même clause ne révèle un intuitus personae justifiant
une telle rupture. Bref, en toute hypothèse, une clause s’avère bien nécessaire !
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note Reygrobellet A. ;
Cass. 2e civ., 26 sept. 2013, no 12-23.129, D
À mi‐chemin entre la prévention et le règlement du différend, se situe la clause qui, dans les statuts d’une société,
permet et organise l’exclusion d’un associé. Exclure, c’est en effet, tout à la fois, prévenir un potentiel litige qui, bien
souvent, ne tarderait à se manifester et aussi régler, par hypothèse, un différend qui oppose d’ores et déjà, au moins
de manière latente, les associés.
Mais si la clause d’exclusion, longtemps contestée au nom d’un prétendu droit fondamental de l’associé à rester dans la
société contre les vents et marées... de ses coassociés, est aujourd’hui très généralement admise par la jurisprudence
(cf. Lamy Sociétés commerciales 2013, no 855), et parfois même par la loi (SAS, coopératives), sa mise en œuvre
continue régulièrement de susciter des difficultés, qu’il appartient alors aux juges de traiter. À preuve trois
intéressants arrêts de la Cour de cassation.
Le premier (Cass. com., 4 déc. 2012, no 11-27.667) est précisément relatif à l’un de ces cas où le législateur a pris soin
de fournir un cadre particulier à l’exclusion d’un associé. Ce cas est celui des coopératives de commerçants détaillants,
et se trouve formulé par l’article L. 124‐10 du code de commerce en des termes dont on rappellera l’essentiel : «
L’exclusion d’un associé peut être prononcée, selon le cas, par le conseil d’administration ou par le conseil de
surveillance, l’intéressé étant dûment entendu (al. 1er) . Tout associé frappé d’une mesure d’exclusion a la
possibilité de faire appel de cette décision devant l’assemblée générale qui statue sur son recours lors de la
première réunion ordinaire qui suit la notification de l’exclusion. Celle‐ci prend effet au jour de la notification de
son acceptation par l’assemblée générale (al. 2). Si la décision tendant à exclure un associé n’est pas justifiée par
un motif sérieux et légitime, le tribunal, saisi dans le délai d’un mois à compter de la notification du rejet du
recours de l’associé par l’assemblée générale, peut, soit réintégrer l’associé indûment exclu, soit lui allouer des
dommages et intérêts, soit prononcer l’une et l’autre de ces mesures » (al. 4).
Si l’exclusion de l’associé constitue désormais une mesure bien ancrée dans le paysage juridique, la défense
des justes droits de l’exclu reste elle‐même une solide cause judiciaire !
Dans l’application de ce texte, la Cour de cassation apporte ici, de manière inédite, deux utiles précisions. D’abord,
s’appuyant sur ce que le Code de commerce ne prévoit aucune sanction en cas de non‐respect du délai de saisine prévu
à l’alinéa 4, elle considère qu’il n’y a pas lieu de déclarer prescrite l’action en nullité que l’associé exclu intenterait
après l’expiration de ce délai d’un mois. Ensuite, et plus péremptoirement encore, notre Haute juridiction observe –
et, pourrait‐on ajouter, décide dans le même mouvement – que « l’article L. 124‐10 n’interdit pas à l’associé
coopératif qui a voté lors de l’assemblée générale en faveur de la résolution ayant confirmé son exclusion de
contester ultérieurement celle‐ci en justice ».
Deux précisions qu’on pourrait certes discuter, au moins pour la première d’entre elles qui paraît faire assez peu de cas
des termes du Code, mais qui, au final, ont quand même un mérite incontestable : celui de souligner que l’exclusion
d’un associé demeure une mesure grave, pour laquelle il convient, autant que possible, d’assurer un certain contrôle
de justice, surtout lorsque la loi a pris le soin d’en prévoir un.
Dans ce même sillage, protecteur des droits de l’exclu, on évoquera brièvement un autre arrêt de la chambre
commerciale (Cass. com., 9 juill. 2013, no 11-27-235, P+B), qui reprend cette fois une solution déjà donnée en précisant
que, même dans une société par actions simplifiée, les statuts ne sauraient valablement écarter un associé de
l’assemblée générale appelée à statuer sur son exclusion (cf. déjà en ce sens Cass. com., 23 oct. 2007, no 06-16.537,
Bull. civ. IV, n o 225 ; voir aussi, infra no10, un autre arrêt de la chambre commerciale du 9 juillet 2013, no 11-27.235,
précisant les pouvoirs du juge à l’égard d’une clause statutaire qui entendrait précisément exclure l’exclu).
Enfin, troisième décision méritant la citation, l’arrêt de la chambre commerciale (Cass. 2e civ., 26 sept. 2013, n o 12-
23.129), statuant sur second pourvoi dans l’affaire ayant déjà donné lieu à l’arrêt précité du 23 octobre 2007, c’est‐à‐
dire dans le contentieux SAS Arts et entreprises. La première cour d’appel de renvoi avait ici annulé la décision ayant
ordonné l’exclusion de l’associé sans sa présence, et donc ordonné sa réintégration dans la plénitude de ses droits
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d’associé. D’où, dans la foulée, une nouvelle demande formée par ce même associé de voir cette fois‐ci annulées les
assemblées générales et décisions d’associés postérieures à l’assemblée générale de son exclusion et à la cession forcée
de ses titres. Mais une telle action était‐elle recevable dès lors que les co‐actionnaires objectaient qu’il lui incombait
de présenter dans la première instance l’ensemble de ses prétentions ?
Oui, a répondu la cour d’appel de renvoi (CA Douai, 19 avr. 2012), approuvée par la Cour de cassation en ces termes : «
ayant relevé que M. Z..., qui avait demandé en 2008, en raison du non‐respect de son droit de vote en qualité
d’associé, l’annulation de l’assemblée générale du 3 mai 2005 qui avait voté son exclusion, sollicitait, dans la
nouvelle procédure, du fait de son rétablissement dans la plénitude de ses droits d’associé ordonné par l’arrêt du 13
novembre 2008, la nullité des assemblées générales postérieures au 3 mai 2005, c’est sans méconnaître les
dispositions de l’article 1351 du code civil que la cour d’appel, constatant que cette nouvelle demande était fondée
sur un droit né de la décision rendue à l’issue de l’instance antérieure, a décidé de rejeter la fin de non‐recevoir
tirée de l’autorité de la chose jugée ».
Autrement dit, l’exigence d’une concentration des demandes ne pouvait être pertinente à l’encontre des demandes
nouvellement formulées puisque seule l’issue de la première instance avait pu autoriser – et en même temps, d’ailleurs,
suggérer – lesdites demandes. Ce qui, au demeurant, révèle une fois encore que si l’exclusion de l’associé constitue
désormais une mesure bien ancrée dans le paysage juridique, la défense des justes droits de l’exclu reste elle‐même
une solide cause judiciaire !
B. – L’intervention d’un tiers (mandataire ad hoc, conciliateur, médiateur) et l’éventuelle solution négociée
La renégociation n’est en soi aucunement critiquable, elle peut même être, en pratique, très saine dès lors
que les circonstances économiques qui entourent un contrat évoluent nécessairement avec le temps et qu’il
est toujours de bonne politique de ne pas définitivement figer des positions qui se voudraient acquises !
En droit, le litige se focalisa sur l’imputabilité de la rupture. Et, sur ce terrain, les juges du fond donnèrent tort à M.
X., en relevant que celui‐ci avait, par lettre, exprimé son désaccord sur les modalités de sa rémunération, qu’il jugeait
déséquilibrées, et manifesté sa volonté de remettre en cause l’accord en formant une proposition pour régler le
différend, que le dirigeant de la société MIA lui avait alors offert de revaloriser sa rémunération, ce qu’il n’avait pas
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accepté, de sorte que la société MIA, prenant acte de son refus de continuer à collaborer sur les bases acquises, avait
pu dénoncer le contrat pour faute grave, conformément à l’un des articles du contrat.
Or la Cour de cassation a exercé sa censure sous le double visa des articles 1134 et 1184 du code civil : « en se
déterminant ainsi, en relevant à la charge de M. X... une tentative de renégociation des conditions du contrat,
impropre à caractériser un manquement grave à ses obligations contractuelles, seul de nature, en vertu de l’article
8 de la convention du 16 juin 2003, à justifier la résiliation du contrat à ses torts, la cour d’appel a privé sa décision
de base légale ».
L’enseignement de cette décision est, nous semble‐t‐il, doublement important. D’abord, techniquement, il entend
souligner que tenter de renégocier un contrat en cours d’exécution ne signifie nullement s’en affranchir effectivement
; au plus, ce fait peut‐il être perçu comme révélant l’intention de s’évader demain de certaines de ses modalités si
l’autre partie, du moins, y consent elle‐même. Ensuite, plus fondamentalement, il est de montrer que la renégociation
n’est en soi aucunement critiquable et qu’elle peut même être, en pratique, très saine dès lors que les circonstances
économiques qui entourent un contrat évoluent nécessairement avec le temps et qu’il est toujours de bonne politique
de ne pas définitivement figer des positions qui se voudraient acquises !
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termes duquel l’un d’eux s’engagea à acquérir la quotepart indivise de son frère dans l’étude de généalogie ainsi que sa
participation dans la SAS. Ce protocole renfermait, en outre, une « clause de sortie », prévoyant qu’en cas de revente
par le cessionnaire dans un délai de cinq ans, « sous toutes ses formes, y compris apports‐fusion, donation, échanges
», de sa participation dans l’activité de généalogie et/ou dans la société, celui‐ci rétrocéderait à son frère la moitié de
la plus‐value réalisée par rapport à la valeur de cession. Or précisément, après avoir acquis l’usufruit de sa mère, le
cessionnaire fit apport à la SAS, trois ans plus tard, de l’activité de généalogie. Son frère, faisant valoir que cette
opération entrait bien dans les prévisions de la clause de sortie et, par ailleurs, que les biens apportés avaient été sous‐
évalués, l’assigna alors en paiement de dommages‐intérêts. Mais le pouvait‐il avec quelque chance de succès alors que
la SAS bénéficiaire de cet apport avait pour actionnaire à 99,99 % le frère cessionnaire, la mère n’y détenant qu’une
action sur les dix mille représentant le capital social ?
Les juges du fond (CA Paris, 19 juin 2012) répondirent par la négative en indiquant que cette SAS était la propriété
quasi‐exclusive du frère apporteur et que l’opération d’apport ne relevait donc pas de la clause de sortie. Mais cette
vision très patrimoniale des choses, et surtout négatrice de la personnalité morale de la SAS, n’a pas emporté l’adhésion
de la Cour de cassation. Celle-ci, sans surprise, casse sous le visa de l’article L. 210‐6 du code de commerce : « en
statuant ainsi, alors que la société jouissant de la personnalité morale, il en résultait que M.X... avait apporté ses
droits à un tiers, la cour d’appel a violé le texte susvisé ».
Ainsi, la transaction conclue par les deux frères devait recevoir application. Par l’effet de la personnalité morale
autonome de la SAS, la « revente » toutes figures juridiques comprises qu’elle avait fort clairement visée était bien
constituée, le frère apporteur détenait‐il 9 999 (ou même, d’ailleurs, 10 0000 !) des 10 000 actions de la bénéficiaire de
l’apport et aurait‐il donc, au final, essentiellement apporté pour lui‐même !
déjà l‘éventuel terrain judiciaire en amont, en faisant notamment expressément référence au siège de la société
négociatrice dans le projet de convention soumis à la discussion.
7) Il n’est jamais trop tard... pour consulter un avocat (à propos du report du point de départ d’un délai de
prescription) !
Cass. 1re civ., 11 sept. 2013, no 12-20.816, P+B, JCP G 2013, no 1236, note Guerrero N.
Telle est l’exergue que nous sommes tentés de retenir pour présenter cet arrêt, important sur le terrain de la
prescription.
En l’espèce, la fille adoptive de Marcel Pagnol assigna, en 2009, la veuve de l’écrivain, en nullité de deux actes
juridiques du 29 janvier 1980, par lesquels elle avait cédé à cette dernière l’intégralité de ses droits successoraux et
renoncé à agir en justice, actes qu’elle prétendait avoir conclus à la suite de manœuvres dolosives émanant non
seulement de Mme Pagnol, mais encore de leur conseil et de leur notaire communs, et destinées à lui cacher la réelle
consistance du patrimoine de son père et l’étendue de ses droits. Or, pour rejeter sa demande, les juges du fond (CA
Paris, 11 avr. 2012), après avoir indiqué qu’il apparaissait singulier que la fille et la veuve, seules parties à l’acte
authentique du 29 janvier 1980 consistant en une transaction relative au règlement de la succession de Marcel Pagnol,
aient été à cette occasion assistées du même avocat, 1o) estimèrent que la demanderesse ne rapportait par aucun
élément la preuve des manœuvres dolosives qu’elle alléguait ; 2o) qu’à supposer même que des erreurs eussent affecté
la consistance du patrimoine de son père et l’étendue de ses droits, elle ne démontrait pas que celles‐ci auraient été
commises volontairement par Mme Pagnol, leur notaire et leur conseil, lequel n’avait d’ailleurs pas été attrait en la
cause, afin de vicier son consentement ; 3o) retinrent enfin que dès lors, faute de preuve du dol allégué, la prescription
quinquennale avait couru à compter du 29 janvier 1980, date des actes litigieux, l’action en nullité intentée les 27
juillet, 5 et 6 août 2009, était prescrite.
Or la première chambre civile a exercé sa censure dans les termes suivants : « Vu les articles 1116 et 1304 du code civil,
ensemble l’article 4 du code de procédure civile ; attendu que la prescription quinquennale de l’action en nullité
pour dol a pour point de départ le jour où le contractant a découvert l’erreur qu’il allègue ;... qu’en statuant
ainsi, sans rechercher si, comme le soutenait Mme X..., celle‐ci n’avait pas découvert l’erreur qu’elle alléguait
lorsqu’elle avait consulté un avocat, en 2008, afin d’organiser sa propre succession, de sorte que le point de départ
du délai de prescription était susceptible d’être reporté à cette date, la cour d’appel n’a pas donné de base légale
à sa décision ».
De cet arrêt, on retiendra évidemment la solution de principe qu’il édicte en des termes généraux, c’est‐à‐dire celle du
report du point de départ de la prescription à la date de la découverte du dol dont le demandeur estimait avoir été la
victime, c’est‐à‐dire finalement ici à la date du jour où il avait compris avoir commis une erreur provoquée par les
manœuvres de son cocontractant et de ses conseils. Solution naturellement avantageuse pour la demanderesse et qui
n’allait peut‐être pas de soi à partir du moment où cette erreur lui avait été, sinon révélée, du moins mise en lumière
par la consultation d’un avocat sollicitée vingt‐huit années après l’acte litigieux. Mais solution qui ne doit surtout pas
passer inaperçue, tant elle nous paraît susceptible de valoriser l’intervention d’un avocat (ou d’un autre professionnel
du droit dispensateur de conseils éclairés), y compris dans des relations d’affaires où le dol est souvent plaidé, parfois
retenu et toujours délicat à faire apparaître !
Une dernière précision : à l’avenir, le butoir des vingt ans introduit à l’article 2232 du code civil par la loi no 2008-561
du 17 juin 2008 s’opposera en toute hypothèse à des remises en cause par trop tardives mais, par l’effet du droit
transitoire applicable, il n’avait ici commencé à courir qu’en 2008, et ne pouvait donc jouer.
B. – Pouvoirs du juge dans le traitement du différend et sollicitation des principes généraux du droit
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CA Angers, ch. civ. A, 2 juill. 2013, no RG :13/00237, Bull.Joly Sociétés 2013, p. 788, note Barbièri J.‐F.
S’il est un juge que les conseils des parties à un différend économique connaissent bien et sollicitent généralement
volontiers, c’est le juge des référés. À travers lui, en effet, promptitude, audace et efficacité peuvent se trouver au
rendez‐vous, dans le but d’accélérer, d’apaiser ou, encore, de temporiser aux fins d’éviter l’irréversible. Du moins
dans la majorité des cas car tout est loin d’être permis à ce juge par les célèbres articles 808, 809, 872 et 873 du code
de procédure civile. D’où, au passage, l’attention qui est très régulièrement portée aux décisions de la Cour de
cassation lorsque, à travers des formules de portée générale, celles‐ci s’efforcent de préciser les contours de ses
pouvoirs.
Ainsi a‐t‐on pu apprendre dans le passé que le juge des référés pouvait, au moins en principe, nommer un contrôleur de
gestion ou un administrateur provisoire, un expert dans le cadre de l’article 145 du CPC ou un séquestre de titres, et
même ordonner l’exécution forcée d’un engagement renfermé dans un pacte d’associés, réserve faite toutefois d’un
engagement de vote (cf. Lamy Sociétés commerciales 2013, no 1540).
Dans cette recherche quelque peu casuistique des attentes que l’on peut ainsi raisonnablement placer dans
l’intervention du juge des référés, la dernière jurisprudence de la Cour de cassation permet de rajouter
opportunément trois nouvelles pistes. D’abord, le juge des référés est bien compétent pour ordonner la reprise des
relations commerciales entre une société et son fournisseur lorsque la dissolution et la liquidation précipitée de la
première constituaient de sa part une manœuvre délibérée destinée à lui permettre de se soustraire aux obligations de
l’article L. 442-6, I, 5o du code de commerce (Cass. com., 3 mai 2012, no 10-28.366). Ensuite, il est en droit d’accorder
à l’associé qui se retire de la société une provision dans les termes du Code de procédure civile alors même qu’une
expertise a déjà été ordonnée en application de l’article 1843‐4 du code civil, et se trouve donc en cours pour fixer le
prix des parts de cet associé (Cass. 1re civ., 27 févr. 2013, n o12-15.828). Enfin, il peut conférer au séquestre d’actions
qui seraient l’objet d’un droit de préférence la mission de voter aux assemblées générales d’actionnaires dès lors que le
débiteur de la préférence aurait été, pour sa part, susceptible de faire du droit de vote attaché à ces titres un usage
pouvant créer une situation irréversible au détriment du bénéficiaire (Cass. com., 25 sept. 2012, no 11-20.061). Solution
que la Cour d’appel d’Angers (CA Angers, ch. civ. A, 2 juill. 2013, n o RG :13/00237), statuant précisément dans ce
même litige après renvoi de cassation, fait sienne, en ajoutant pour sa part, pour bien assurer la nature strictement
conservatoire de la mission du séquestre, que celui‐ci devra s’abstenir de voter sur les résolutions concernant la
révocation des administrateurs et la désignation de nouveaux administrateurs.
Si le droit français a pu, un temps, susciter l’inquiétude des praticiens par un attachement sans doute excessif
aux termes de l’article 1142 du code civil, force est de reconnaître que cette inquiétude n’a plus lieu d’être
aujourd’hui.
C’est dire que du juge étatique, le contractant déçu peut finalement attendre un soutien efficace, sans notamment
devoir exagérément se préoccuper du caractère personnel de l’engagement que le débiteur rebelle mettra bien
souvent en exergue pour s’offrir une dernière échappatoire. Un soutien, ajoutera‐t‐on, désormais tellement efficace
que le créancier pourra paradoxalement en faire parfois... les frais ! À preuve cet arrêt rendu par la troisième chambre
civile le 27 mars 2013 (Cass. 3e civ., 27 mars 2013, no 12-13.734) dans les circonstances suivantes.
X., preneur à bail d’un logement appartenant à un OPAC, se plaignit de la non‐réalisation par le bailleur de travaux lui
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incombant, et l’assigna en réparation d’un préjudice matériel et d’un préjudice moral. Or l’OPAC offrit tout
simplement d’exécuter son obligation... en nature, ce qui ne fut manifestement pas du goût du créancier, qui persista
dans son souhait d’obtenir des dommages‐intérêts. En pure perte cependant puisque le juge du fond, sensible à l’offre
d’exécution du débiteur, se trouve aujourd’hui approuvé par la Cour de cassation d’avoir privilégié l’exécution forcée :
« le preneur à bail de locaux à usage d’habitation, qui recherche la responsabilité du bailleur pour défaut
d’exécution de son obligation d’entretien, ne pouvant refuser l’offre de ce dernier d’exécuter son obligation en
nature, la cour d’appel, qui a constaté que l’OPAC offrait de réaliser les travaux, a pu en déduire, sans modifier
l’objet du litige, que le locataire ne pouvait demander une réparation en équivalent ». Autrement dit, le créancier
en ressort ici quelque peu piégé puisque le juge étatique lui impose d’accueillir l’exécution de la loi contractuelle, là
où il avait cherché une réparation indemnitaire ! Ce qui ne convainc d’ailleurs pas nécessairement car autant on peut
comprendre qu’une jurisprudence classique (Cass. civ., 27 mars 1911 , D.P.1915.I.97, note Cézar‐Bru) permette au juge
d’accueillir, aurait‐elle été uniquement formulée en cours de procédure, l’offre d’exécution par lequel le débiteur
veut sauver un contrat dont son cocontractant demandait la résolution pour inexécution, autant il nous paraît assez
contestable que le créancier qui a dû se lancer dans une procédure parce que son débiteur n’a pas respecté la loi
contractuelle se voit, au final, privé d’un choix entre des dommages‐intérêts qu’il estime, au cas d’espèce, les plus
adaptés à sa légitime satisfaction et une exécution tardive qu’évoque à présent un débiteur revenu à de meilleurs
sentiments contractuels.
Vingt‐sept ans après la célèbre arrêt Bowater, la chambre commerciale refuse donc à nouveau, et fort
justement, de traiter la cession de titres sociaux en un nouveau contrat de société, qui se trouverait en
quelque sorte substitué, avec les nouveaux associés entrants, au contrat originaire.
En toute hypothèse, il reste naturellement, à lire l’arrêt de la Cour de cassation, que cette expression du primat de
l’exécution forcée demeurera subordonnée à une proposition du débiteur. À défaut, la réparation indemnitaire
réapparaît, avec elle aussi, peut‐on constater, toute son énergie juridictionnelle, ainsi qu’en témoigne un autre
intéressant arrêt de la Cour de cassation, rendu cette fois par la chambre commerciale (Cass. com., 11 juin 2013, no 12-
22.296). Ici, X avait promis de vendre à Y et à Z, qui s’étaient engagés à les acquérir, une partie des actions
représentant le capital d’une SAS, ayant pour objet la gestion de portefeuilles, et dont il était l’actionnaire
majoritaire. Or X refusa ensuite, après la levée des conditions suspensives, d’accomplir les opérations nécessaires au
transfert de la propriété des titres, et se vit donc assigné en paiement de dommages‐intérêts par Y et Z. Pour régler ce
différend, et en l’absence d’une demande ou d’une proposition d’exécution forcée, le juge avait‐t‐il le pouvoir de
prononcer une réparation indemnitaire ? Non, objectait le promettant assigné, au motif qu’à l’instar du contrat de
société originaire, qui postule l’affectio societatis des associés fondateurs, la cession partielle de titres sociaux,
lorsqu’elle vise pour le cédant à partager le contrôle de sa société avec de nouveaux associés spécialement choisis à cet
effet, exigerait elle‐même l’existence d’un affectio societatis de la part du cédant et du cessionnaire. Mais la chambre
commerciale a été d’opinion contraire : « l’affectio societatis n’est pas une condition requise pour la formation d’un
acte emportant cession de droits sociaux ; c’est donc à bon droit que l’arrêt retient que le défaut d’affectio
societatis de Y et Z, à le supposer avéré, n’a pas fait obstacle à la formation de la promesse synallagmatique de
vente d’actions conclue par ces derniers avec X ».
Vingt‐sept ans après la célèbre arrêt Bowater (Cass. com., 20 mai 1986, no 85-16.716, Bull. civ. IV, n o 95), la chambre
commerciale refuse donc à nouveau, et fort justement, de traiter la cession de titres sociaux en un nouveau contrat de
société, qui se trouverait en quelque sorte substitué, avec les nouveaux associés entrants, au contrat originaire, à la
manière d’un avenant dont le régime serait calqué sur sa matrice originelle. D’où le soutien que le juge étatique
apporte fort justement au respect de la promesse de la cession arrêtée, et au droit pour le bénéficiaire d’obtenir une
indemnisation de la part du promettant infidèle. Avec, toutefois, une toute dernière question : quid si le bénéficiaire
avait poursuivi l’exécution forcée de la promesse ? La réponse reste alors, nous semble‐t‐il, incertaine, même si une
telle exécution peut sans doute sortir renforcée de l’indifférence proclamée de l’affectio societatis dans la formation
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10) Il n’entre pas dans les pouvoirs du juge de se substituer aux organes de la société en ordonnant la modification
d’une clause statutaire au motif que celle‐ci serait contraire aux dispositions légales impératives applicables
Cass. com., 9 juill. 2013, no 11-27.235, P+B, RLDA 2013/86, n o 4753, note Reygrobellet A., Bull. Joly Sociétés 2013, p.
636, note Poracchia D.
C’est à travers cette formule de principe que la chambre commerciale a délimité les contours négatifs des pouvoirs du
juge dans le cadre d’un différend qui opposait plusieurs associés d’une SAS. Reprenons brièvement les faits. Cette
société, présidée par X, réunissait une société, détentrice de la majorité de son capital et contrôlée par ce même X, et
deux personnes physiques, Y et Z. Or, sur la base de l’article 14 de ses statuts autorisant l’exclusion d’un associé en cas
d’exercice d’une activité concurrente, l’assemblée générale de cette société prononça l’exclusion de Z sans que ce
dernier ait pris part au vote. L’exclu invoqua alors l’irrégularité de la stipulation statutaire (patente au regard de C.
civ., art. 1844, al. 1 er et de la jurisprudence en découlant, cf. Cass. com., 23 oct. 2007, no 06-16.537, Bull. civ. IV, n o
225), et fit assigner la SAS et X en annulation de la délibération. Mais, en parallèle, une assemblée générale
extraordinaire fut convoquée, qui adopta à la majorité une résolution supprimant dans l’article 14 la précision selon
laquelle l’associé dont l’exclusion était envisagée ne participait pas au vote.
Z ne s’avoua cependant pas vaincu ! Faisant valoir qu’une telle résolution, modificative d’une clause statutaire de SAS,
était légalement soumise à la règle de l’unanimité, il demanda qu’il soit constaté qu’elle n’avait pas été adoptée. Mais,
de son côté, la société invita le juge saisi à réputer non écrite la clause des statuts écartant du vote l’associé dont
l’exclusion était demandée, et donc à venir constater qu’elle n’avait pas à être supprimée par une assemblée générale
extraordinaire.
Dans ce choc de prétentions, la chambre commerciale tranche en faveur de l’exclu en prenant position sur l’étendue
des pouvoirs d’un juge dans une telle circonstance. La formule est générale, abstraite et des plus remarquables : « il
n’entre pas dans les pouvoirs du juge de se substituer aux organes de la société en ordonnant la modification d’une
clause statutaire au motif que celle‐ci serait contraire aux dispositions légales impératives applicables ».
En d’autres termes, un pouvoir, ouvert au juge, est de déclarer une clause non écrite, mais un autre, en revanche
fermé, est de la modifier. Ce qui se comprend très bien, sous réserve toutefois, nous semble‐t‐il, d’une interrogation
qui jaillit en retour : en effet, lorsqu’une disposition statutaire dit que « l’assemblée des associés pourra exclure l’un
des siens à l’unanimité sans que celui‐ci ait à participer au vote », que faut‐il entendre par le mot clause ?
L’ensemble de la disposition, auquel cas la position de la Cour de cassation est fondée. Ou bien, de manière plus
souple, aussi bien la première partie de la disposition (l’assemblée des associés pourra exclure l’un des siens à
l’unanimité) au motif que celle‐ci apporte une solution conventionnelle que le Code de commerce ne prévoit pas
spontanément mais en même temps qu’il autorise (C. com., art. L. 227-16), que la seconde partie de cette disposition
(sans que celui‐ci ait à participer au vote), auquel cas c’est la position de la société qui devient justifiée ?
La clause, c’est le tout, l’ensemble intellectuel, et non pas simplement telle ou telle composante de la
stipulation statutaire.
À cette interrogation, la chambre commerciale répond implicitement en faveur de la première position. La clause, c’est
le tout, l’ensemble intellectuel, et non pas simplement telle ou telle composante de la stipulation statutaire. Bref, le
juge refuse ici de faire usage de sa gomme, et préfère réserver la tâche d’effacement aux actionnaires eux‐mêmes, en
partant de l’idée que ces derniers sont les mieux placés pour exprimer à nouveau le fond de leur volonté.
11) Mais le juge peut, en revanche, prononcer la dissolution de la société si le différend entre les associés qui lui
est soumis est d’une gravité telle qu’il paralyse le fonctionnement de la personne morale
Cass. 1re civ., 16 oct. 2013, no 12-26.729, P+B, RLDA 2014/89, no 4902, note Deville A.-C.
Lors d’un conflit entre associés, la dissolution de la société reste clairement pour le juge qui serait sollicité par l’un des
associés de la prononcer, la voie ultime. Celle qui ne doit être suivie qu’à défaut d’autres, moins radicales, qui auraient
l’avantage d’assurer la pérennité de la personne morale et, ce faisant, de protéger la valeur économique et sociale
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d’entreprise que celle‐ci incarne juridiquement. Au demeurant, les termes qu’utilise l’article 1844‐7‐5o du code civil se
veulent ici des plus évocateurs lorsqu’ils se réfèrent seulement, pour ouvrir la porte à la dissolution, à la « mésentente
entre associés paralysant le fonctionnement de la société ».
Mais, pour être ainsi juridiquement exceptionnel, et dès lors, également soumis à un certain contrôle de la Cour de
cassation (cf. Lamy Sociétés commerciales 2013, nos 1602 et s.), le prononcé de la dissolution n’est toutefois nullement
inconcevable, et de temps à autre, la lecture d’un arrêt permet précisément de mieux percevoir le type de différend
auquel celle‐ci est dédiée. Ainsi, relèvera‐t‐on avec intérêt les termes utilisés par la première chambre civile pour
approuver un arrêt de la cour d’appel d’Amiens (CA Amiens, 17 mars 2011) ayant prononcé une dissolution anticipée : «
ayant relevé, d’une part, que si les dispositions de l’article 17 des statuts, prévoyant l’approbation des comptes à
la majorité des 3/4 des voix en cas de défaut d’approbation à l’unanimité, permettent d’envisager un
fonctionnement « a minima » de la société, les statuts exigent toutefois que les décisions soient prises à l’unanimité
des associés, condition statutaire que le conflit permanent opposant les associés ne permet plus d’atteindre,
d’autre part, que l’échec de la mesure de médiation judiciaire proposée par la cour d’appel et les dissensions entre
les associés, qui ne correspondent plus que par l’intermédiaire de leurs conseils ou en présence d’un huissier de
justice, ne permettent pas d’envisager une issue amiable au litige et rendent impossible le départ de M. A... à la
retraite à défaut pour les intéressés de s’entendre sur l’identité de son successeur, ensuite, que le temps consacré
par M. Y... à confondre ses associés, au détriment de la clientèle et du suivi de ses dossiers, a entraîné une
diminution du chiffre d’affaires mettant en péril l’avenir économique de l’office notarial, déjà fragilisé par le
climat social que génère ce conflit et par le départ des clercs, enfin, que le caractère public donné par M. Y... au
différend, notamment par voie de presse, atteint la réputation de l’étude et de la profession dans son ensemble, la
cour d’appel... a souverainement estimé, par une décision motivée, que le fonctionnement normal de l’étude était
paralysé tant en raison du comportement de M. Y... que de la mésentente permanente entre les associés ayant
entraîné la disparition de tout affectio societatis ».
Exigence statutaire d’unanimité impossible à satisfaire, conflit ouvert entre associés dans une société civile
professionnelle marquée par un très fort intuitus personae, déclin déjà amorcé et mise en péril probable de l’office
commun et, pour couronner le tout et faire très (trop ?) bonne mesure judiciaire, atteinte à la réputation de
l’ensemble de la profession notariale, tels étaient ici les ingrédients d’un paralysie fonctionnelle que les juges ne
pouvaient raisonnablement ignorer...
la responsabilité d’un concédant automobile qui avait rompu le contrat à durée indéterminée le liant à son
concessionnaire. Pourtant, on sait qu’une jurisprudence constante refuse à un tel contrat la qualification d’intérêt
commun qui emporterait l’exigence d’un motif légitime de rupture. Mais, même en l’absence d’un tel motif, le devoir
de bonne foi offre au juge un utile secours pour venir sanctionner exceptionnellement des ruptures par trop
choquantes : par exemple, lorsqu’une telle rupture se produit alors que le concessionnaire venait de procéder à
d’importants investissements à la demande du concédant (voir par ex. Cass. com., 7 oct. 1997, no 95-14.158, Bull. civ.
IV, no 252, RTD civ. 1998, p. 370, obs. Mestre J.). Or telle se présentait bien celle décidée par ce concédant, ainsi que
le révèle l’attendu essentiel de la Cour de cassation : « ayant relevé qu’à la date de la notification de la résiliation,
le concédant connaissait, pour en être à l’origine, l’existence de pourparlers engagés entre son concessionnaire et
le repreneur qu’il lui avait désigné et retenu, par une appréciation souveraine des faits de la cause, qu’il avait
précipité la notification de sa décision de résilier sans ignorer la difficulté dans laquelle il plongeait son
concessionnaire, auquel il ôtait toute marge réelle de manœuvre pour obtenir un prix raisonnable pour les cessions
envisagées au regard de l’incidence d’une telle décision sur la valeur des éléments incorporels des fonds de
commerce, la cour d’appel, qui n’a pas retenu la faute dont fait état la première branche, ni imposé au concédant
une obligation d’assistance, et n’a pas dit que la résiliation faisait obstacle à la cession, mais a fait ressortir que le
concédant avait sciemment entravé la reconversion des concessionnaires, a, de ces seuls motifs, pu déduire (...)
que, nonobstant le respect du préavis contractuel, la société Fiat ne s’était pas correctement acquittée de son
obligation de bonne foi dans l’exercice de son droit de résiliation ».
À la lecture de cet attendu, certains diront sans doute que la bonne foi demeure une notion bien plastique et donc,
nécessairement, assez imprécise. Mais d’autres, auxquels nous nous rangerons, salueront cette sollicitation de l’article
1134, alinéa 3, qui ne veut certes pas mettre à la charge du concédant le devoir d’assurer la reconversion de son ex‐
concessionnaire (rappr. déjà Cass. com., 6 mai 2002, no 99-14.093, Bull. civ. IV, n o 81, RTD civ. 2002, p. 810, obs.
Mestre J. et Fages B.), mais entend plus simplement sanctionner une entrave des plus conscientes à la reconversion,
provoquée par une succession de comportements des plus contradictoires (incitation à se tourner vers un repreneur,
désignation même de ce repreneur potentiel, puis rupture soudaine, quitte évidemment à faire fuir ce dernier).
Doit‐on y voir, ou non, une rançon de l’extrême complexification de notre droit contemporain ? Toujours est‐
il que les conseils des parties en litige invoquent de plus en plus souvent dans leurs écritures ce qu’on pourrait
appeler les principes généraux de notre droit économique.
Cela étant, l’exigence de bonne foi a également ses limites, et on en relèvera ainsi deux, exprimées par la
jurisprudence récente.
La première est une réaffirmation. Formulée dès 2007 par la chambre commerciale dans la célèbre affaire dite des
Maréchaux (Cass. com., 10 juill. 2007, no 06-14.768, Bull. civ. IV, n o 188), elle tient en ce que « si la règle selon
laquelle les conventions doivent être exécutées de bonne foi permet au juge de sanctionner l’usage déloyal d’une
prérogative contractuelle, elle ne l’autorise pas à porter atteinte à la substance même des droits et obligations
légalement convenus entre les parties ». Simplement, relèvera‐t‐on que cette solution est ici donnée par la troisième
chambre civile (Cass. 3e civ., 26 mars 2013, n o 12-14.870) et que le contexte en est assez singulier. La société T. avait
donné à bail à la société EB des locaux à usage commercial d’une superficie d’environ 1 060 m2 au rez‐de‐chaussée d’un
immeuble à compter du 1er janvier 1997, moyennant un certain loyer annuel, puis à compter du 1er juillet 1997, une
surface complémentaire de 625 m2 à l’étage moyennant un loyer complémentaire. Or le bail stipulait que les charges
seraient réparties à raison de 11/20èmes pour la société EB et 9/20èmes pour un autre locataire occupant un second
bâtiment de l’ensemble immobilier appartenant à la même bailleresse. La société EB ayant appris la présence d’un
troisième locataire occupant l’étage, elle assigna son bailleur en restitution de loyers et charges indûment payées. Avec
succès auprès les juges du fond, dont la décision est cependant censurée, au visa de l’article 1134 du code civil, pour
avoir réécrit les droits et obligations convenus par les parties.
La seconde limite est plus originale en ce qu’elle intervient à propos d’une question sensible : le droit français doit‐il ou
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non mettre à la charge du créancier contractuel une obligation de minimiser son dommage ? (voir sur ce point l’étude
du professeur Maud Laroche, Le juge peut‐il considérer les comportements du responsable et de la victime ?, RJ com.
juill.‐ août 2013, p. 296 et s.). D’une manière qu’on pourrait qualifier d’assez singulière, notamment au regard des
solutions retenues généralement à l’étranger ou encore par les conventions internationales, la troisième chambre civile
(Cass. 3e civ. 10 juill. 2013, n o 12-13.851) répond ici par la négative. Mme Y... avait confié à M. Z..., artisan plombier,
des travaux de raccordement d’une maison au tout‐à‐l’égout. Lequel Z l’avait mis en relation avec un artisan maçon,
M.A., afin de réaliser les travaux de terrassement de la tranchée. Travaux qui provoquèrent des fissurations et la
désolidarisation d’un pan de mur du rez‐de‐chaussée et du premier étage. Un temps, cependant, des étais
judicieusement placés permirent de limiter les désordres... jusqu’à ce qu’ils soient volés, et que Mme Y ne les remplace
pas ! Comment, dès lors, apprécier la responsabilité professionnelle de l’artisan maçon ? Avec une certaine
bienveillance au regard de la passivité regrettable de la victime, ou pas ? Sous le visa de l’article 1147 du code civil, la
Cour de cassation opte pour la seconde solution, à travers l’attendu suivant : « attendu que pour limiter à la somme
de 102 309, 33 euros la réparation due par M. A... au titre du préjudice matériel, l’arrêt retient que, dans son
premier rapport, l’expert avait constaté que l’étaiement mis en place par M. A... était correctement monté et
remplissait sa fonction de consolidation du plancher supérieur et du pignon côté droit, que la reprise des désordres
était encore possible et qu’après le vol des étais seule était praticable une démolition suivie d’une reconstruction,
que M. A... n’était pas chargé du gardiennage de l’immeuble et qu’il appartenait à Mme Y..., qui avait reçu une
provision de l’assureur de l’entrepreneur, de décider de toute mesure conservatoire utile de nature à éviter
l’aggravation du dommage provoqué par la disparition des étais et l’abandon de l’immeuble pendant plusieurs mois
de sorte que M. A... ne pouvait pas être tenu pour responsable de l’aggravation du dommage ; qu’en statuant ainsi,
alors que l’auteur d’un dommage doit en réparer toutes les conséquences et que la victime n’est pas tenue de
limiter son préjudice dans l’intérêt du responsable, la cour d’appel a violé le texte susvisé ».
Ainsi, pour notre Haute juridiction, le comportement adopté par la victime doit‐il demeurer indifférent lors de la
fixation judiciaire de son indemnisation, aucun devoir de minimiser son dommage ne pouvant être mis à sa charge.
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Dans la seconde espèce, et toujours au nom du devoir de loyauté, la chambre commerciale (Cass. com., 12 mars 2013,
no 12-11.970) fait reproche de manière plus classique à un dirigeant cessionnaire d’actions de n’avoir pas révélé à
l’associé cédant la très forte plus‐value qu’il allait réaliser dans la foulée par la rétrocession quasi‐immédiate des titres
(cf. déjà les nombreux arrêts cités in Lamy Sociétés commerciales 2013, no 987), mais surtout ajoute, de manière plus
inédite, que cette réticence ne saurait aucunement trouver une justification dans la clause de confidentialité qui
pourrait entourer l’acte de rétrocession. Ce qu’on comprend parfaitement si l’on veut éviter que le dirigeant n’utilise à
l’avenir cette échappatoire par trop commode, mais qui également, au plan cette fois théorique, établit dans le conflit
d’actes juridiques né de la rétrocession une intéressante hiérarchie entre loyauté et confidentialité. Dit autrement, le
devoir de parler l’emporte ici sur celui de se taire !
S’il est un domaine de la vie des affaires où le principe du contradictoire joue un rôle important dans la
solution des différends, c’est bien celui de la révocation des dirigeants sociaux.
pourraient lui être ultérieurement portés ? Réponse sans doute dans une prochaine chronique...
Autre illustration jurisprudentielle de cette faveur pour le contradictoire : le bel arrêt rendu par la cour d’appel de
Paris le 29 janvier 2013 (CA Paris, pôle 5, ch. 8, 29 janv. 2013, n o RG :11/22612), où il est dit que « Mme Y soutient à
juste titre que le silence gardé par la société sur son sort futur, comme l’absence de convocation au conseil
d’administration pouvait légitimement lui faire tenir pour acquis le renouvellement de son mandat de directeur
général délégué, de sorte que l’invitation impromptue de venir présenter ses observations en cours de séance d’un
conseil d’administration dont l’ordre du jour ne lui avait pas été communiqué au préalable, et qui comportait en
outre, au point suivant, l’examen des candidatures sur le poste qu’elle occupait, caractérise un manquement
flagrant au principe de la contradiction le plus élémentaire, lequel suppose un minimum de considération pour la
personne dont les observations doivent être recueillies, sinon entendues ».
Cela étant, que les dirigeants sociaux ne s’endorment pas trop vite sur... ces oreillers jurisprudentiels, car le
contradictoire suppose aussi de leur part attention et réactivité, ainsi que le révèle un autre arrêt, d’équilibre, rendu
par la chambre commerciale le 10 juillet 2012, puisqu’il s’y trouve opportunément relevé que « M.X. s’est abstenu de
se rendre tant au conseil d’administration ayant précédé l’assemblée générale au cours de laquelle son éviction a
été décidée qu’à cette dernière, et qu’il s’est ainsi de lui‐même exclu des débats et ne peut dès lors se plaindre
d’une violation de ses droits ».
III. – ARBITRAGE
A. – Arbitrage interne
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mémoire du 24 septembre 2010, demandé que soit recherchée, en amiable composition, une solution pouvant
consister dans l’acquisition des parts de la société Z, ou dans la cession de sa propre participation ou encore dans un
partage des actifs de la société X et que la société Z y a répondu par une note du 6 octobre 2010, sans répondre aux
nouveaux éléments avancés par la société Y, qu’en retenant que la mission des arbitres consistait à fixer les
modalités d’une sortie équitable du partenariat, sans s’attacher uniquement à l’énoncé des questions litigieuses
dans l’acte de mission, et que la société Z avait été mise en mesure de débattre de l’ensemble des termes du litige,
la cour d’appel en a exactement déduit, hors dénaturation, que la demande formée par la société Y après la
réouverture des débats entrait dans les prévisions de la convention d’arbitrage à laquelle il fallait donner un effet
utile, de sorte que les arbitres, qui n’avaient pas à soumettre à la discussion des parties l’argumentation juridique
étayant leur motivation, n’ont manqué ni à leur mission ni au principe de la contradiction ».
17) Messages adressés aux juges d’appel mais aussi aux parties qui voudraient se prévaloir d’un dépassement de
délai !
Cass. 1re civ., 11 sept. 2013, no 12-26.180, P+B
De cet arrêt, on retiendra deux précieux enseignements :
l’un, de principe, indiquant que « la cour d’appel saisie d’un recours en annulation d’une sentence arbitrale ne
peut modifier la décision rendue par l’arbitre en y ajoutant ». D’où, au cas d’espèce, la censure d’une décision par
laquelle, après avoir conféré l’exequatur à la sentence arbitrale, une cour d’appel avait condamné une société à
régler à une autre la somme que lui avait allouée l’arbitre mais en l’assortissant des intérêts au taux contractuel de 8
% l’an, à compter de la date effective de la sentence ;
l’autre, plus circonstanciel mais tout aussi intéressant, notamment à l’endroit des arbitres toujours soucieux de ne
pas manquer à l’obligation de résultat mise à leur charge de statuer dans le délai conventionnel imparti (cf. Cass. 1re
civ., 6 déc. 2005, no 03-13.116, Bull. civ. I, no 462) et précisant « qu’ayant constaté qu’au‐delà du délai légal de six
mois du jour où l’arbitre unique avait accepté sa mission, la société C. avait adressé à celui‐ci plusieurs lettres
d’observations sur le projet de sentence qu’il lui avait soumis, sans invoquer l’expiration du délai, la cour d’appel
a retenu à bon droit que la société C. avait manifesté sa volonté de participer à l’arbitrage jusqu’au prononcé de
la sentence, de sorte qu’elle n’était pas recevable à se prévaloir d’une quelconque irrégularité du chef de la
prorogation du délai ». Ainsi, sans évoquer expressément l’estoppel, aujourd’hui intégré dans le nouvel article 1466
du CPC, la Cour de cassation accepte de faire produire effet au comportement actif de l’une des parties dans la
conduite de la procédure, y compris au regard d’un dépassement du délai convenu (rappr. Cass. 1re civ., 23 mai 2006,
no 05-14.895, Bull. civ. I, no 251).
B. – Arbitrage international
18) Il n’appartient pas aux parties de modifier le régime interne ou international de l’arbitrage, dont la
qualification est déterminée en fonction de la nature des relations économiques à l’origine du litige
Cass. 1re civ., 20 nov. 2013, no 12-25.266, P+B
Par cette formule, la Cour de cassation donne une solution importante qui, même si elle peut se révéler en pratique
source d’hésitations délicates, notamment lors de la conduite des procédures arbitrales, présente un incontestable
mérite pédagogique. Celui d’attirer l’attention de tous sur l’importance de toujours bien distinguer arbitrage interne et
arbitrage international.
Loin, à la différence d’assez nombreux pays étrangers, d’unifier les régimes des arbitrages interne et
international, le droit français contemporain a fait le choix ou, du moins, atteint le résultat d’amplifier les
différences de régime entre ces deux arbitrages
Reprenons brièvement les faits de l’espèce. En l’occurrence, par contrat du 1 er septembre 2006, la société française
Giepac Bourgogne avait acquis auprès d’une société de droit italien Automation Group un ensemble de machines
industrielles, dont deux robots « palettiseur » destinés au chargement de paquets de cartons. Se plaignant ensuite des
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dysfonctionnements de l’un de ces robots, elle entama une procédure d’arbitrage en application de la clause
compromissoire insérée au contrat. Et par sentence du 24 mars 2011, signée par deux arbitres, le tribunal arbitral,
statuant en amiable composition, ordonna à la demanderesse de restituer les éléments complets du robot défectueux,
de payer à la société Automation Group le solde de sommes dues au titre des commandes passées et livrées, et
condamna également celle‐ci à payer une certaine somme à celle‐là. Puis, par une seconde décision du 18 avril 2011, ce
même tribunal rectifia l’erreur matérielle affectant la sentence initiale et mentionna que l’un des trois arbitres avait
refusé de la signer.
La société italienne Automation Group forma alors un recours en annulation des deux sentences prononcées, et le fit
sur le fondement des dispositions françaises de l’arbitrage interne. Le pouvait‐elle valablement ? Oui, estima la cour de
Besançon, dont la décision se voit censurée par la première chambre civile au visa de l’article 125 du code de procédure
civile : « attendu qu’en statuant ainsi, alors qu’il n’appartient pas aux parties de modifier le régime interne ou
international de l’arbitrage, dont la qualification est déterminée en fonction de la nature des relations
économiques à l’origine du litige, la cour d’appel, à laquelle il incombait de procéder à cette qualification dont
dépendait le recours, a violé le texte susvisé ».
De cet arrêt, on retiendra plusieurs enseignements :
le premier, déjà donné (Cass. 1re civ., 13 mars 2007, no 04-10.970, Bull. civ. I, no102 ; 26 janv. 2011, no 09-10.198,
Bull. civ. I, no 15), est que la qualification d’arbitrage international et donc, corrélativement, celle d’arbitrage
interne ne dépendent pas de la volonté des parties, mais qu’elles sont directement liées à la nature des relations
économiques qui se trouvent être à l’origine du litige ;
le deuxième, c’est que, par voie de conséquence, le régime même qui gouverne ces arbitrages s’avère pour les
parties juridiquement indisponible. Ce qui, dès avant la réforme opérée par le décret du 13 janvier 2011 (D. no 2011-
48, 13 janv. 2011, JO 14 janv.), était loin d’être mineur, et ce qui, après cette réforme, revêt une importance encore
plus grande. En effet, loin, à la différence d’assez nombreux pays étrangers, d’unifier les régimes des arbitrages
interne et international, le droit français contemporain a fait le choix ou, du moins, atteint le résultat d’amplifier les
différences de régime entre ces deux arbitrages : par exemple, forme écrite de la convention d’arbitrage ou encore
imparité du nombre d’arbitres uniquement exigées en matière interne ; présomption de confidentialité ou encore
délai de principe de six mois pour la conduite de l’arbitrage limités à l’arbitrage interne ; pouvoir pour le président,
dans la matière internationale, de statuer seul lorsqu’aucune majorité ne se dégage ; ou encore, dans ce seul dernier
domaine, possibilité pour les parties de renoncer, par convention spéciale, au recours en annulation contre la
sentence ;
le troisième, c’est que cette indisponibilité formulée à l’égard des parties atteint pareillement le juge étatique
puisque c’est sous le visa de l’article 125 du code de procédure civile que la Cour de cassation a choisi de placer sa
solution. Autrement dit, sous l’empire d’un texte rappelant que les fins de non‐recevoir doivent être relevées
d’office lorsqu’elles ont un caractère d’ordre public. À bon entendeur salut, serait‐on donc tenté d’ajouter à
l’adresse du juge de l’annulation !
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20) Et petit zoom, également, sur les Points de Contact Nationaux de l’OCDE !
Comme l’économique entretient bien souvent des points de contact avec l’éthique et l’humain, il n’est pas inutile de
clore cette chronique par l’évocation d’une institution encore trop peu connue mais avec laquelle un récent article
paru dans cette Revue nous a cependant quelque peu familiarisés (Queinnec Y. et Penglaou M.‐S., RLDA 2013/84, n o
4688) : celle dite des Points de Contact Nationaux (PCN), dont l’objectif est d’intervenir, avec toute la force de
persuasion souhaitable, pour assurer le respect sur le terrain des Principes directeurs que l’OCDE a formulés à l’endroit
des entreprises multinationales.
Là réside très matériellement la réalité des échanges économiques qui font notre monde quotidien et qui
doivent aussi nous inciter, nous juristes, à demeurer toujours attentifs aux enjeux concrets de nos
interventions ou réflexions !
Ainsi, à travers des procédures dites de « circonstances spécifiques », ces PCN, aujourd’hui présents dans de nombreux
pays, offrent leurs bons offices pour que cessent ou/et soient réparées des atteintes qui ont pu être portées aux
recommandations de l’OCDE dans différents domaines : relations professionnelles et travail, droits de l’homme,
protection des consommateurs, transparence, publication d’informations, environnement, lutte contre la corruption,
science et technologie, concurrence, fiscalité... Un travail de terrain, le plus souvent de médiation, qui est loin d’être
inutile puisque, depuis 2000, plus de 300 procédures de ce type ont pu être conduites et, souvent, menées à bon port.
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