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Jurisprudence commentée en santé sécurité au travail

Recours judiciaires

Définition
Recours judiciaires :

Les recours judiciaires sont des voies   de recours qui s’exercent dans les cas de
contestation de décisions judiciaires.

Jurisprudence

Quels sont les recours d’un intérimaire exposé à l’inhalation de


fumées toxiques ?
Jurisprudence Recours judiciaires :
Source > Cassation sociale, 30 novembre 2010, n° 08-70.390

Cour de cassation
chambre sociale
Audience publique du mardi 30 novembre 2010
N° de pourvoi: 08-70390
Publié au bulletin Cassation

Mme Collomp, président


Mme Goasguen, conseiller rapporteur
M. Weissmann, avocat général
Me Ricard, SCP Gatineau et Fattaccini, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., salarié de la société Adecco, entreprise de
travail temporaire, a été employé, en vertu d'un contrat de mission, au sein de la société
Barreault Lafon, entreprise utilisatrice, à compter du 29 Mars 2004 en qualité de
soudeur inox ; que le 18 Juin 2004, il a été déclaré inapte à son poste par le médecin du
travail à la suite d'une contamination par le chrome sans qu'une lésion ou une maladie
ait été déclarée et prise en charge au titre de la législation sur les accidents du travail et
les maladies professionnelles ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale pour voir
condamner solidairement les sociétés Adecco et Barreaut Lafon au paiement de
dommages-intérêts pour manquement à leur obligation de sécurité et, à titre
subsidiaire, prononcer la requalification de son contrat de mission en contrat à durée
indéterminée au motif que n'avait pas été respectée l'interdiction de recourir au travail
temporaire pour effectuer des travaux particulièrement dangereux prévue par l'article L.
1251-10, 2°, du code du travail sanctionnée par l'article L. 1251-40 du même code ; que
la société Barreault Lafon a été déclarée en redressement judiciaire le 29 Juin 2005 puis
a bénéficié d'un plan de continuation ; que par jugement du 8 Mars 2006, le conseil des
prud'hommes s'est déclaré incompétent au profit du tribunal des affaires de sécurité
sociale pour statuer sur les demandes de M. X... ; que la cour d'appel a infirmé cette
décision le 17 Octobre 2006 et, par arrêt du 19 Juin 2007, a ordonné une mesure
d'expertise médicale ; que l'expert a déposé son rapport le 17 Septembre 2007 ;

Sur le moyen unique, pris en ses deuxième et quatrième branches :


Vu les articles L. 4121-1 et L. 1251-21 du code du travail ;

Attendu, selon le premier de ces textes, que l'employeur prend les mesures nécessaires
pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs et,
selon le second, que pendant la durée de la mission, l'entreprise utilisatrice est
responsable des conditions d'exécution du travail telles qu'elles sont déterminées par
les dispositions légales et conventionnelles applicables au lieu de travail, notamment
pour ce qui a trait à la santé et la sécurité au travail ; qu'il en résulte que l'entreprise de
travail temporaire et l'entreprise utilisatrice sont tenues, à l'égard des salariés mis à
disposition, d'une obligation de sécurité de résultat dont elles doivent assurer
l'effectivité, chacune au regard des obligations que les textes mettent à leur charge en
matière de prévention des risques ;

Attendu que pour débouter M. X... de sa demande de condamnation solidaire de la


société Adecco et de la société Barreault Lafon au paiement de dommages-intérêts,
l'arrêt retient que lors de la conclusion du marché de fabrication de citernes inox, tant la
direction industrielle de la société Barreault Lafon que son médecin du travail ont pris
en compte le risque d'exposition aux fumées de soudage, ce pourquoi il a été prévu de
mettre à la disposition des soudeurs des masques à adduction d'air et de les soumettre
à un suivi médical d'exposition ; que ce suivi médical a été mis en oeuvre sans retard
puisque M. X... a subi le premier prélèvement le 9 Avril 2004 alors qu'il avait commencé
son travail le 29 Mars ; qu'à supposer exact que le masque à adduction d'air n'ait été
fourni au salarié que le 9 avril, date du premier dosage de chrome, un mois plus tard, le
taux de chrome était presque aussi élevé qu'au premier examen ; que parmi les trois
explications envisagées par l'expert, l'hypothèse d'une pollution de l'échantillon d'urine
lors de son prélèvement doit être envisagée, d'autant qu'après la modification de la
procédure de prélèvement, le nombre de taux positifs a diminué de façon significative ;
que, selon l'expert, si le salarié avait pu éventuellement être contaminé, il n'avait jamais
présenté de signe d'intoxication ; que non seulement la preuve n'est pas rapportée de
manquements de la société Barreault Lafon en matière d'hygiène et de sécurité, mais la
réalité même d'une contamination par le chrome n'est pas établie et que dès lors,
l'inaptitude, prononcée à titre préventif et uniquement en raison des résultats des deux
dosages de chrome, ne peut être imputée à une faute quelconque de l'employeur ou de
l'entreprise utilisatrice ;

Qu'en statuant ainsi, d'une part, sans s'expliquer sur les manquements de l'entreprise de
travail temporaire à ses obligations, d'autre part, par des motifs inopérants tirés de
constatations relatives à la diminution des taux de chrome et à l'absence d'intoxication
du salarié, alors qu'elle avait constaté qu'un risque d'exposition aux fumées de soudage
avait été identifié en prévention duquel des masques à adduction d'air devaient être mis
à la disposition des soudeurs, ce dont il résultait que la seule circonstance qu'un tel
masque n'ait pas été fourni à M. X... dès le début de sa mission constituait un
manquement de l'entreprise utilisatrice à son obligation de sécurité de résultat causant
nécessairement un préjudice au salarié, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :

Vu les articles L. 1251-10, 2°, L. 4154-1, D. 4154-3 du code du travail, l'arrêté du 8


octobre 1990 codifié à l'article D. 4154-1 du code du travail et l'article L. 1251-40 du
code du travail ;

Attendu que la dérogation exceptionnelle accordée par l'autorité administrative à


l'interdiction de recourir au travail temporaire pour effectuer certains travaux
particulièrement dangereux doit être préalable à l'affectation du salarié temporaire à l'un
des travaux dont la liste est fixée à l'article D. 4154-1 du code du travail ;

Attendu que pour débouter M. X... de sa demande tendant à la requalification de son


contrat de mission en contrat à durée indéterminée sur le fondement de l'article L. 1251-
40 du code du travail, l'arrêt retient, d'une part, que M. X... a été soumis à une
surveillance médicale spéciale et, d'autre part, que la société Barreault Lafon a été
autorisée par l'inspecteur du travail le 17 novembre 2004 à faire appel aux intérimaires
pour des travaux exposant à l'inhalation de poussières de métaux durs ;

Qu'en statuant ainsi, sans constater que l'entreprise utilisatrice avait obtenu la
dérogation exceptionnelle nécessaire avant le commencement des travaux de soudure
confiés à M. X..., la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la première branche du moyen
:

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 avril 2008, entre les
parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, la cause et les parties
dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie
devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne la société Malmezat-Prat, ès qualités, et la société Adecco aux dépens ;

Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991,


condamne la société Malmezat-Prat, ès qualités, et la société Adecco à payer Me Ricard
la somme de 2 500 euros, à charge pour ce dernier de renoncer à percevoir la part
contributive versée par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent
arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président
en son audience publique du trente novembre deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Ricard, avocat aux Conseils, pour M. X...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur X... de ses demandes ;

AUX MOTIFS QUE :


« Vu, développées oralement à l'audience, les conclusions reçues au Greffe le 28 Février
2008 pour Monsieur X... et le 4 Mars pour la Société ADECCO et l'AGS.

Sur la demande principale


II convient de rappeler que la Société BARREAULT LAFON a fait appel à des intérimaires
pour l'exécution d'un marché de carrossage de 300 camions citernes destinés à l'armée
de terre et que Monsieur X... a été affecté à des tâches de soudure TIG MIG Inox, après
avoir été déclaré médicalement apte à ce poste le 22 Mars 2004. Des analyses d'urine
ont permis de constater des taux anormaux de chrome, soit 148 g/ g le 9 Avril 2004 et
122 g/ g le 10 Mai, à la suite de quoi le salarié a été déclaré inapte à son poste.

Il considère que cette inaptitude est due aux fautes commises par la Société
BARREAULT LAFON qui ne lui a pas fourni dès le début de sa mission un masque à
adduction d'air alors qu'il travaillait à l'intérieur des citernes et que tant le médecin du
travail que l'Inspecteur du Travail avaient préconisé ce type d'équipement.

Cependant, au cours de ses opérations l'expert a entendu notamment le médecin du


travail de la Société BARREAULT LAFON et celui de la Société ADECCO. Il en résulte que
lors de la conclusion du marché de fabrication de citernes inox tant la direction
industrielle de la Société BARREAULT LAFON que son médecin du travail ont pris en
compte le risque d'exposition aux fumées de soudage, ce pourquoi il a été prévu de
mettre à la disposition des soudeurs des masques à adduction d'air et de les soumettre
à un suivi médical d'exposition.

Ce suivi médical a été mis en oeuvre sans retard puisque Monsieur X... a subi le premier
prélèvement le 9 Avril 2004 alors qu'il avait commencé son travail le 29 Mars.

Quant aux masques, Monsieur X... affirme qu'ils n'ont pas été immédiatement mis a
disposition. À supposer cette affirmation exacte, il a déclaré au médecin du travail de la
Société ADECCO que le masque lui avait été attribué après le premier dosage de
chrome, soit le 9 Avril. Or un mois plus tard le taux de chrome était presque aussi élevé
qu'au premier examen. Ceci est d'autant plus surprenant que seuls deux autres cas de
suspicion de contamination ont été constatés pour l'ensemble des salariés exposés au
risque (82, 7 et 89, 2 g/ g, le taux normal étant de 1 g/ g), mais qu'un mois plus tard les
résultats étaient redevenus normaux. De plus, un nouveau dosage effectué sur la
personne de Monsieur X... trois mois après les faits a révélé un taux de 0, 2 g/ g.

L'expert envisage trois explications possibles à l'importance des taux de chrome


constatés les 9 Avril et 10 Mai 2004 : soit l'existence d'une contamination antérieure et
ancienne, ce que rien apparemment ne permet de supposer, soit une contamination
massive dans les jours précédents, ce que les éléments rappelés au paragraphe ci-
dessus semblent exclure, surtout avec le port du masque entre les deux prélèvements,
soit enfin une pollution de l'échantillon d'urine lors de son prélèvement.

Cette dernière hypothèse doit être envisagée en l'espèce, d'autant que selon le médecin
du travail de la Société BARREAULT LAFON la procédure de prélèvement a été modifiée
après le passage de Monsieur X... dans l'entreprise et que par la suite le nombre de taux
positifs a diminué de façon significative.

Par ailleurs, l'expert a conclu que si le salarié avait été exposé aux vapeurs de dérivés du
chrome et s'il avait pu éventuellement être contaminé, il n'avait jamais présenté de signe
d'intoxication, que ce soit au cours de sa mission ou par la suite. Monsieur X... n'ayant
développé aucune maladie en relation avec une intoxication au chrome.
Ainsi, non seulement la preuve n'est pas rapportée de manquements de la Société
BARREAULT LAFON en matière d'hygiène et de sécurité, mais la réalité même d'une
contamination par le chrome n'est pas établie. Dès lors l'inaptitude, prononcée " à titre
préventif selon l'expert et uniquement en raison des résultats des deux dosages de
chrome, ne peut être imputée à une faute quelconque de l'employeur ou de l'entreprise
utilisatrice.

II y a lieu, en conséquence, de débouter Monsieur X... de sa demande de dommages et


intérêts.

Sur les demandes subsidiaires


Monsieur X... demande la requalification de son contrat de travail en contrat à durée
indéterminée au motif que la Société BARREAULT LAFON lui aurait fait accomplir des
travaux dangereux interdits pour les travailleurs intérimaires en vertu des dispositions
de l'article L 124-2-3 du Code du Travail et de l'Arrêté du 8 Octobre 1990.

Cependant, il est établi d'une part que Monsieur X... a été soumis à une surveillance
médicale spéciale et d'autre part que la Société BARREAULT LAFON a été autorisée par
l'Inspecteur du Travail le 17 Novembre 2004 à faire appel aux intérimaires pour des
travaux exposant à l'inhalation de poussières de métaux durs.

Dans ces conditions, Monsieur X... sera débouté de ses demandes d'indemnités de
requalification et de rupture.

ALORS QUE toute décision doit être motivée ; que la Cour d'appel a écarté l'hypothèse
d'une contamination massive dans les jours ayant précédé le 9 avril au motif que les
éléments de fait lui semblaient l'exclure ; qu'en écartant par une motivation purement
hypothétique l'existence d'une contamination massive avant le 9 avril, la Cour d'appel a
violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

ALORS QUE pendant la durée de la mission, l'entreprise utilisatrice est responsable des
conditions d'exécution du travail qui comprennent notamment la santé et la sécurité au
travail ; que la Cour d'appel tout en constatant que le salarié affirmait avoir travaillé sans
masque à adduction d'air jusqu'au 9 avril s'est bornée à relever que, même avec le port
du masque, le taux de chrome était ensuite demeuré à son niveau le plus élevé ; qu'en
considérant qu'aucune faute ne pouvait être imputée à l'entreprise utilisatrice après
avoir retenu que cette dernière n'avait pas, avant le 9 avril, fourni au salarié le masque
qui était la condition à laquelle était subordonné l'exercice du travail dangereux, la Cour
d'appel a violé l'article L 1251-21 du Code du travail ;

ALORS QUE sauf dérogation exceptionnelle du Directeur départemental du travail, un


contrat de travail temporaire ne peut être conclu pour effectuer des travaux
particulièrement dangereux qui figurent sur une liste établie par voie réglementaire
parmi lesquels on trouve les travaux exposant à l'inhalation des poussières de métaux
durs qui sont susceptibles de causer des affections pulmonaires comme le chrome ;
que pour rejeter la demande de requalification du contrat temporaire en contrat à durée
indéterminée, la Cour d'appel a relevé que la société utilisatrice avait été autorisée par
l'Inspecteur du travail le 17 novembre 2004 à faire appel aux intérimaires pour des
travaux exposant à l'inhalation de poussières de métaux durs ; qu'en statuant comme
elle l'a fait alors que le travailleur temporaire a été débuté sa mission le 29 mars 2004,
soit bien antérieurement à l'autorisation administrative, la Cour d'appel a violé les article
L. 1251-10 et L. 1251-40 du Code du travail ;

ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; que le


salarié reprochait à la société de travail temporaire un manquement à ses obligations
d'employeur imposées par les dispositions des articles L. 230-1 et L. 230-2 du Code du
travail ; qu'en ne répondant pas à ces conclusions qui n'étaient pas inopérantes, la Cour
d'appel a privé de motifs sa décision et violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

L’entreprise de travail temporaire et l’entreprise utilisatrice sont solidairement responsables


d’avoir fait travailler un intérimaire sans les protections appropriées même s’il n’a présenté
aucune lésion, et de lui avoir fait commencer sa mission avant l’autorisation de l’inspection
du travail.

Les faits
La société Barreault Lafon conclut un marché de fabrication de citernes inox. La
direction analyse les risques avec le médecin du travail et retient qu’il existe un risque
d'exposition aux fumées de soudage. Il est donc prévu de mettre à la disposition des
soudeurs des masques à adduction d'air et de les soumettre à un suivi médical
d'exposition.

Un intérimaire de la société Adecco, entreprise de travail temporaire, est envoyé en


mission d’intérim au sein de la société Barreault Lafon à compter du 29 mars 2004
comme soudeur inox.

Il subit son premier prélèvement, dans le cadre du suivi médical d’exposition, le 9 avril.

Ce n’est d’ailleurs qu’à ce moment que son masque lui est fourni.

Début juin, le salarié subit un second dosage qui révèle que son taux de chrome est
presque aussi élevé qu'au premier examen.

Dès le 18 juin 2004, il a été déclaré inapte à son poste par le médecin du travail à la
suite d'une contamination par le chrome sans qu'une lésion ou une maladie ait été
déclarée et pris en charge au titre de la législation sur les accidents du travail et les
maladies professionnelles.

Le salarié saisit le conseil de prud’hommes, contre Adecco et Barreaut Lafon, pour les
faire condamner solidairement à lui verser des dommages-intérêts pour manquement à
leur obligation de sécurité et demande que, si ce n’était pas accepté, les juges
requalifient son contrat de mission en contrat à durée indéterminée au motif que n'avait
pas été respectée l'interdiction de recourir au travail temporaire pour effectuer des
travaux particulièrement dangereux prévue par l'article L. 1251-10, 2°, du Code du travail,
sanctionnée par l'article L. 1251-40 du même Code.

Ce qu’en disent les juges

Ce qu’il aurait fallu faire

Condamnation

Egalement jugé
Aller plus loin

DEFINITION CONNEXES
- Cour d’appel
- Cour de cassation
- Cour de justice de l’Union européenne (CJUE)
- Jurisprudence
- Recours administratif

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