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Droit spécial des sociétés - année universitaire 2020-2021 - Cours de Sandrine Tisseyre, Professeur des Universités

TD 2 :
LA REMUNERATION DES DIRIGEANTS SOCIAUX DE LA SOCIETE ANONYME

Points sensibles :
* L’attribution de la rémunération
* La pluralité des formes de la rémunération
* Les intérêts fiscaux et sociaux du choix de la rémunération
* Le contrôle de la rémunération

I. Le cumul avec un contrat de travail

Document 1 : Cass. Soc., 26 juin 2008, n° 06-18.056


Document 2 : Cass. Soc., 18 mai 2005, n° 03-41.799
Document 3 : Cass. Soc., 24 avril 2013, Bull. Civ. V, n° 110

II. La fixation de la rémunération

Document 4 : Cass. Com., 11 octobre 2005, Bull. Civ. IV, n° 210

III. Le contrôle de la rémunération

Document 5 : Cass. Com., 31 mai 2016, n° 14-24.779


Document 6 : Cass. Com., 26 avril 2017, n° 15-12.560
Document 7 : Cass. Com., 20 septembre 2016, n° 14-22.189
Document 8 : Cass. Crim., 7 décembre 2016, n° 15-86.731 (publication au bulletin à venir)
Document 9 : Cass. Crim., 13 juin 2018, n° 17-84.518

IV. Exercice : Cas pratique

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I. Le cumul avec un contrat de travail

Document 1 : Cass. Soc., 26 juin 2008, n° 06-18.056

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 13 juin 2006), que M. X..., qui était administrateur et
président du conseil d'administration de la société X..., a démissionné de ces fonctions le 18
octobre 2002 et a conclu, à cette même date, avec cette société un contrat de travail à durée
déterminée ; qu'après que celui- ci a pris fin le 31 décembre 2003, M. X... a déposé une demande
d'allocation d'aide au retour à l'emploi que l'ASSEDIC de Basse-Normandie a rejetée au motif
que, sa démission de ses mandats sociaux n'ayant été publiée au registre du commerce et des
sociétés que le 20 août 2003, il ne pouvait être tenu compte du contrat de travail qu'à compter de
cette date, si bien que sa durée d'affiliation était insuffisante pour lui ouvrir droit à l'allocation ;
Attendu que l'ASSEDIC de Basse- Normandie fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à liquider
les droits de M. X..., au titre de l'allocation à l'aide au retour à l'emploi, conformément à la
législation applicable à la date du dépôt de sa demande, en févier 2004, en considération d'une
durée d'affiliation à effet du 18 octobre 2002, alors, selon le moyen :

1° / qu'il résulte des articles L. 123-9 et L. 210-9 du code de commerce que la démission d'un
administrateur n'est opposable aux tiers qu'après accomplissement des formalités de publicité ;
qu'il s'ensuit qu'elle peut se prévaloir de la nullité du contrat de travail d’un administrateur sans
que puisse lui être opposée la démission de son mandat, aussi longtemps que cette démission n'a
pas fait l'objet de la mesure de publicité prévue par la loi ; qu'en décidant qu'elle n'était pas
fondée à se prévaloir du défaut de publicité à l'égard d'un ancien salarié qui agissait non dans
l'exercice de son activité de salarié de salarié de la société ou de mandataire social, mais en tant
que demandeur d'emploi, la cour d'appel a violé les articles L. 225-22 et L. 225-44 du code de
commerce, ensemble les dispositions précitées ;

2° / qu'il résulte des conclusions de l'ASSEDIC de Basse- Normandie qu'elle faisait valoir devant
la juridiction du second degré que " le contrat de travail régularisé, alors que la démission des
fonctions n'était pas publiée,... est inopposable aux tiers, à raison de la nullité encourue en
application des dispositions de l'article L. 225-22 du code de commerce ", et que " dès lors, le
contrat de travail de M. X... est opposable à l'ASSEDIC à compter de la publication de sa
démission de ses fonctions d’administrateur au sein de la SA Denis X..., soit à compter du 20
août 2003 " ; qu'en décidant liminairement que l'ASSEDIC de Basse- Normandie ne prétend pas
que le contrat de travail de M. X... serait nul, mais qu'il lui serait inopposable jusqu'à
l'accomplissement des formalités de publicité, la cour d'appel a dénaturé les conclusions
précitées ; qu'ainsi elle a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

Mais attendu que n'est pas nul le contrat de travail consenti par une société à un ancien
administrateur avant l'accomplissement des formalités de publicité, relatives à la cessation de ses
fonctions d’administrateur; que le moyen, inopérant en sa seconde branche, n'est, pour le surplus,
pas fondé ;

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PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;

Document 2 : Cass. Soc., 18 mai 2005, n° 03-41.799

Sur le moyen unique :

Attendu que M. X..., salarié depuis 1986 de la société Lehec, a été désigné au mois d'octobre
1991 en qualité d'administrateur et de président du conseil d'administration d'une société
Normagri, constituée par le personnel de la société Lehec et cessionnaire du fonds de cette
dernière, après son placement en liquidation judiciaire, prononcée le 13 septembre 1991 ; que le
6 avril 2000, il a conclu une promesse de cession de la majorité des actions qu'il détenait dans la
société Normagri, cet accord prévoyant la démission de ses mandats sociaux, puis son
engagement en qualité de directeur salarié, avant une nouvelle désignation comme mandataire
social ; qu'une assemblée générale ayant accepté sa démission des mandats sociaux le 22 mai
2000, M. X... a été aussitôt engagé comme directeur salarié, puis nommé administrateur le 20
juin 2000 ; qu'il a été licencié le 20 octobre 2000, pour fautes graves ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt attaqué (Caen, 14 février 2003) de l'avoir débouté de ses
demandes fondées sur l'existence et la rupture d'un contrat de travail, alors, selon le moyen :

1 / qu'en s'abstenant de rechercher si la conclusion du contrat de travail, le 22 mai 2000, était


antérieure ou postérieure à la tenue de l'assemblée générale de la société Normagri, la cour
d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 225-44, L. 225-45, L. 225-46,
L. 225-47 et L. 225-53 du Code de commerce ;

2 / qu'est valable le contrat de travail conclu entre une société anonyme et une personne qui n'a
plus la qualité d'administrateur de cette société à la date où le contrat prend effet, de sorte qu'en
décidant que le contrat conclu par M. X... le 22 mai 2000 était nul comme concomitant à la
démission de ses fonctions d'administrateur, sans rechercher, comme elle y était expressément
invitée, la date à laquelle le contrat de travail devait prendre effet, la cour d'appel a privé sa
décision de base légale au regard des dispositions susvisées ;

3 / que rien n'interdit à un directeur salarié, anciennement administrateur, d'être nommé, à


nouveau, administrateur, après un changement d'actionnariat provoquant un renouvellement du
conseil d'administration et de cumuler ainsi un mandat d'administrateur avec un contrat de
travail correspondant à un emploi effectif, de sorte qu'en considérant que l'éventualité d'une
nouvelle nomination de M. X... en qualité d'administrateur au sein du nouveau conseil
d'administration de la société, après son embauche en qualité de directeur salarié, prévu dans
l'acte du 6 avril 2000, caractérisait une fraude aux dispositions de l'article L. 225-22 du Code de
commerce, sans même s'interroger sur le caractère effectif de l'emploi occupé dans le cadre du
contrat de travail, et, par conséquent, sur l'intérêt à la fraude, la cour d'appel a privé sa décision
de base légale au regard de ces dispositions, ensemble des dispositions susvisées ;

Mais attendu que l'appréciation de l'existence d'une fraude relève du pouvoir souverain des juges
du fond ;

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Et attendu que la cour d'appel, qui a constaté que, conformément aux prévisions d'une
convention conclue alors qu'il exerçait un mandat social, M. X... avait démissionné de ce mandat
pour être aussitôt engagé comme salarié, puis être à nouveau désigné en qualité d'administrateur
de la société Normagri, a ainsi caractérisé une fraude aux dispositions de l'article L. 225-22 du
Code de commerce ;

qu'elle a, par ce seul motif et abstraction faite des motifs critiqués dans les deux premières
branches du moyen et qui sont surabondants, légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;

Document 3 : Cass. Soc., 24 avril 2013, Bull. Civ. V, n° 110

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 16 novembre 2011), que M. X... a été engagé par la
société Gazocéan à compter du 1er février 2001, en qualité de directeur général adjoint, avec une
période d'essai de trois mois et un stage de six mois, pendant lesquels les parties disposaient de la
faculté de se délier sans préavis pendant le premier mois et moyennant un préavis d'un mois au-
delà ; que nommé le 29 juin 2001, directeur général, par délibération du conseil d'administration
de la société, M. X... a été révoqué de son mandat le 11 mars 2009 ; que par lettre du 13 mars
suivant, la société a mis fin au contrat de travail en invoquant la rupture de la période "
probatoire " ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale pour voir dire le licenciement sans
cause réelle et sérieuse et condamner l'employeur à lui verser diverses sommes au titre de la
rupture ;

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire que la rupture, notifiée le 13 mars 2009 par
l'employeur, est intervenue en période d'essai et de le débouter de ses demandes en paiement des
indemnités de rupture et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
alors, selon le moyen :

1°/ qu'est déraisonnable au regard de la finalité de la période d'essai et de l'exclusion des règles
du licenciement durant cette période la période probatoire de neuf mois imposée par la
convention collective du personnel sédentaire des entreprises de navigation du 20 février 1951 à
l'ensemble du personnel d'encadrement ; qu'en déboutant M. X..., embauché en qualité de
directeur général adjoint par contrat du 1er février 2001, de ses demandes en paiement de
dommages-intérêts et d'indemnités de rupture, motif pris de ce " qu'au regard du niveau de
l'emploi occupé " cette période " n'excédait pas une durée raisonnable ", la cour d'appel a violé
les principes posés par la Convention internationale n° 158 sur le licenciement du 28 juin 1982,
ensemble l'article 11 de la convention collective du personnel sédentaire des entreprises de
navigation libre ;

2°/ que la période d'essai a pour but de permettre l'appréciation des qualités du salarié ; que
l'employeur qui, au cours de l'exécution de la période d'essai d'un salarié embauché en qualité de

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directeur général adjoint, lui confie un mandat de directeur général et l'investit ainsi des pouvoirs
les plus étendus dans la direction et la représentation de l'entreprise, reconnaît nécessairement
que l'essai en tant que directeur général adjoint a été concluant et met ainsi fin à ce dernier ;
qu'en décidant, le 29 juin 2001, de confier à M. X..., salarié recruté en qualité de directeur
général adjoint le 1er février 2001 avec une période d'essai de neuf mois, un mandat de directeur
général l'investissant, selon les propres constatations de la cour d'appel, " des pouvoirs les plus
étendus ", la société Gazocéan avait nécessairement mis fin, au bout de cinq mois, à l'essai qu'elle
avait jugé concluant ; qu'en considérant que la rupture, en date du 13 mars 2009, du contrat de
travail de M. X..., dont le mandat de directeur général avait été révoqué le 11 mars 2009, était
intervenue en cours de période d'essai, la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales
de ses propres constatations, a violé les articles 1134 du code civil et L. 1231-1 du code du
travail ;

3°/ que subsidiairement, la suspension du contrat de travail de M. X..., salarié engagé en qualité
de directeur général adjoint, en conséquence de sa nomination aux fonctions de directeur général
au titre d'un mandat social révocable ad nutum dont l'exécution, selon la cour d'appel, avait
permis à l'employeur d'apprécier pleinement ses capacités professionnelles, n'avait pas emporté
suspension de la période d'essai ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel, qui n'a pas déduit
les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 1221-19 du code du
travail ;

4°/ que l'article 11 de la convention collective du personnel sédentaire des entreprises de


navigation du 20 février 1951 prévoit une période d'essai de trois mois suivie d'une période de
stage qui, pour les cadres, peut atteindre six mois ; que selon ces mêmes dispositions
conventionnelles qui, moins favorables que la loi, doivent faire l'objet d'une interprétation
restrictive, " les périodes de maladie n'entrent pas dans la durée du stage " ; qu'en déduisant de la
durée du stage de M. X... la période de huit ans pendant laquelle le salarié, recruté en qualité de
directeur général adjoint, avait exercé un mandat social dans l'entreprise la cour d'appel, qui a
autorisé la prolongation du stage pour une cause non prévue, a violé la stipulation susvisée ;

Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel a exactement retenu que la durée de neuf mois de la
période d'essai prévue par la convention collective pour le personnel d'encadrement était
raisonnable ;

Attendu, ensuite, que la désignation du salarié comme mandataire social, avec suspension du
contrat de travail pendant la durée de ce mandat, en l'absence de fonctions techniques distinctes,
ne mettant pas fin à la période d'essai en cours, la cour d'appel en a déduit à bon droit que celle-
ci avait repris son cours après la révocation du mandat social ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;

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II. La fixation de la rémunération

Document 4 : Cass. Com., 11 octobre 2005, Bull. Civ. IV, n° 210

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que lors de la nomination de M. X... aux fonctions de directeur
général de la SA Ciments français (la société), le conseil d'administration a désigné un comité,
composé de deux administrateurs pour fixer les conditions générales de sa rémunération et de sa
retraite ; que ce comité lui a adressé une lettre lui garantissant le versement d'un complément de
retraite s'il ne quittait pas volontairement la société avant l'âge convenu de la retraite, fixé à 65
ans ; qu'à la suite de la nomination de M. X... en qualité de président, le 17 juin 1988, le comité
lui a fait savoir, par un document intitulé "décision", qu'il lui était garanti, sous la même
condition que précédemment, un montant minimum annuel de ressources d'un certain montant
jusqu'à 70 ans, puis réduit au delà ; que dans sa séance du 22 novembre 1991, le conseil
d'administration a confirmé les décisions du 17 juin 1988 relatives au complément de retraite de
son président ; que M. X... a démissionné de ses fonctions de président du conseil
d'administration le 7 octobre 1992, à la cessation de son mandat de président, redevenant cadre
supérieur au sein de la société ; que le 5 novembre 1992, il a été licencié ; qu'ayant atteint l'âge de
65 ans, il a sollicité le versement du complément de retraite ; que la société lui a opposé un refus
en raison de l'irrégularité de la décision du conseil d'administration et en l'absence de justification
par les services rendus lors de son mandat ; que M. X... a assigné la société en paiement des
sommes échues représentant le complément de retraite et en exécution de son obligation née de
la délibération du 22 novembre 1991 ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 110 de la loi du 24 juillet 1966, devenu l'article L. 225-47 du Code de commerce ;

Attendu que pour accueillir cette demande, l'arrêt retient que, ayant reçu, le 26 février 1988,
mandat du conseil d'administration de la société de fixer pour les mandataires sociaux des
dispositions de garantie de retraite, deux administrateurs ont, suivant décision du 17 juin 1988,
déterminé les modalités de la garantie de retraite dont bénéficiera M. X... lorsqu'il aura atteint
l'âge de 65 ans, que, s'il s'est contenté lors de sa réunion du 17 juin 1988 de constater que les
deux administrateurs ont arrêté les conditions de la rémunération de M. X..., le conseil
d'administration a, dans sa séance du 22 novembre 1991, expressément délibéré dans les termes
suivants : "à cette occasion, le conseil d'administration confirme les décisions du 17 juin 1988
proposées par les administrateurs désignés à cet effet et concernant le complément de retraite du
président Pierre X...", qu'il relève encore qu'il apparaît que le conseil d'administration s'est le 22
novembre 1991, régulièrement prononcé sur la garantie de retraite octroyée à son président en
donnant plein effet aux propositions faite par le comité ad hoc désigné à cette fin le 26 février
1988 et qu'en confirmant ces propositions, les administrateurs ont nécessairement délibéré sur le
montant et sur les modalités du complément de retraite tels que précisés dans les décisions du
comité du 17 juin 1988 ;

Attendu qu'en statuant ainsi alors que la rémunération allouée au président, notamment sous la
forme d'un complément de retraite, doit faire l'objet d'une délibération du conseil
d'administration sur son montant et ses modalités, et que la confirmation, par simple référence, à

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une décision prise par deux administrateurs même mandatés à cet effet, ne peut suppléer à la
décision du conseil d'administration, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le second moyen :

Vu l'article L. 225-47 du Code de commerce ;

Attendu que pour rejeter la demande de la société, l'arrêt retient que l'obligation contractée par
la société le 22 novembre 1991, en consentant un complément de retraite à M. X..., trouve sa
cause dans les services particuliers rendus par lui en sa qualité de dirigeant social, qu'à la date de
son prononcé, aucun fait imputé à M. X... n'a reçu de qualification pénale ayant justifié sa
condamnation des chefs des poursuites dirigées contre lui et qu'il n'est pas davantage démontré
que l'option alors prise par ce dirigeant en faveur d'importants investissements industriels et d'une
diversification à l'échelle internationale des produits de la société se serait révélée contraire aux
intérêts commerciaux et financiers à moyen et long terme de la société ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi sans caractériser les services rendus par le dirigeant social qui
seraient de nature à justifier l'octroi d'un complément de retraite, la cour d'appel a privé sa
décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs ; CASSE ET ANNULE
(…)

III. Le contrôle de la rémunération

Document 5 : Cass. Com., 31 mai 2016, n° 14-24.779

Sur le moyen unique, pris en sa huitième branche :

Vu l'article L. 624-3 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005
de sauvegarde des entreprises, applicable en la cause ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 21 mars 2003, la société M & C Marketing terrain
animations (la société M & C), dont M. X... était le dirigeant, a été mise en redressement
judiciaire avant de bénéficier d'un plan de redressement par voie de continuation le 26 septembre
suivant ; que, par un jugement du 3 août 2009, le tribunal a prorogé de deux années la durée du
plan de continuation, portant celle-ci à dix ans pour le règlement du passif ; que, le 26 octobre
2009, la société M & C a été mise en liquidation judiciaire, M. Y...étant désigné liquidateur (le
liquidateur) ; que, le 27 juillet 2012, le liquidateur a assigné M. X... en paiement de l'insuffisance
d'actif de la société M & C ;

Attendu que pour rejeter la demande tendant à voir condamner M. X... à supporter l'insuffisance
d'actif de la société M & C à concurrence de 500 000 euros, l'arrêt retient qu'il n'est pas établi
que la rémunération perçue par ce dernier, d'un montant de 184 528 euros en 2008, ainsi que
l'avantage en nature lié à la mise à disposition, le 8 octobre 2008, pour son usage privé et

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professionnel, à une période où il était déjà à la retraite, d'un véhicule Jaguar pour un coût
annuel de 10 540 euros, puis, à compter du 1er novembre 2008, d'un autre véhicule de la même
marque, étaient hors de proportion avec les salaires versés aux cadres de l'entreprise et n'étaient
pas en adéquation avec les responsabilités exercées par M. X... au sein de cette importante société
;

Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la rémunération que M.
X... s'était octroyée n'était pas manifestement excessive au regard de la situation financière de la
société M & C, la cour d'appel, qui s'est prononcée par un motif inopérant, a privé sa décision de
base légale ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait de lieu de statuer sur les autres griefs : CASSE ET
ANNULE (…)

Document 6 : Cass. Com., 26 avril 2017, n° 15-12.560

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 4 décembre 2014), que, le 16 avril 2007, le conseil
d'administration de la société anonyme d'habitations à loyer modéré Vaucluse logement (la
société), aux droits de laquelle vient la société Grand Delta habitat, a désigné M. X... en qualité
de directeur général ; qu'ayant été révoqué de ses fonctions par une décision du conseil
d'administration de la société du 19 octobre 2011 qui lui avait alloué une indemnité dont le
paiement a été refusé en raison d'un avis négatif exprimé par le comité des rémunérations de la
société Vilogia, actionnaire majoritaire de la société Vaucluse logement, M. X... a assigné celle-ci
en paiement d'une indemnité conventionnelle de rupture ainsi que de dommages-intérêts pour
révocation irrégulière ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement d'une indemnité
contractuelle alors, selon le moyen :

1°/ que les juges du fond ne peuvent dénaturer les documents qui leur sont soumis ; qu'en
l'espèce, il ressortait du procès-verbal du conseil d'administration du 19 octobre 2011 de la société
Vaucluse logement que les administrateurs, après avoir décidé la révocation du directeur général
(M. X...), s'étaient accordés pour lui octroyer une indemnité de 150 000 euros afin d'assurer les
conditions d'un « départ consensuel », M. X... s'engageant à assurer l'intérim jusqu'à la prise de
fonctions du nouveau directeur général : « M. Le président. Avant de reprendre nos travaux en
séance plénière, il a été évoqué pour Monsieur Hubert X... son indemnité de départ. L'indemnité
de départ de M. Hubert X... est fixée par une ‘ convention réglant les conditions d'emploi et de
rémunération de Directeur Général'. Monsieur X... a évoqué sa situation personnelle, aussi je
vous propose que nous assortissions un départ consensuel de M. Hubert X... d'une indemnité de
150 000 euros », le représentant de Vilogia se bornant à observer, d'une part, que « l'indemnité
concerne Vaucluse Logement et M. X... et ne concerne pas Vilogia », mais que, d'autre part, il
devait seulement transmettre au Comité des rémunérations « la décision (qui aura été) prise » ;
que si le président directeur général de la société Vaucluse logement indiquait avoir compris que

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« cette indemnité de départ du directeur général devra être validée par le comité des
rémunérations de Vilogia », une résolution prévoyant le versement de la prime sans aucune
espèce de condition pour un montant de 150 000 euros était cependant adoptée : « (…) vote
d'une indemnité de 150 000 euros pour départ consensuel de Monsieur Hubert X... » ; qu'il en
résultait que l'accord du Comité des rémunérations ne concernait que le fonctionnement interne
de Vilogia sans affecter l'obligation ferme et définitive souscrite par la société Vaucluse logement ;
qu'en affirmant par motifs propres et adoptés que le vote avait eu lieu « après que le président ait
expressément rappelé que cette indemnité de départ devait être validée par le comité de
rémunération de Vilogia » et que la décision était donc « conditionnée à l'accord du comité »,
lorsque les administrateurs avaient voté l'attribution ferme et définitive d'une indemnité de 150
000 euros au bénéfice de M. X..., Vilogia se bornant à annoncer la communication de cette
décision au Comité des rémunérations, la cour d'appel a dénaturé le sens clair et précis des
termes de la délibération du 19 octobre 2011, en violation de l'article 1134 du code civil ;

2°/ qu'en l'espèce, M. X... se prévalait d'un engagement souscrit par le conseil d'administration
en contrepartie de son propre engagement d'assurer l'intérim de la direction générale de la
société Vaucluse, cette indemnité étant allouée en exécution et en complément de l'indemnité
contractuelle minimale perçue en vertu de la convention réglant les conditions d'emploi et de
rémunération du directeur général du 13 août 2007 ; qu'en affirmant que « Hubert X... ne
conteste pas avoir d'ores et déjà perçu l'indemnité de rupture lui revenant en exécution de ces
dispositions » pour en déduire que « l'indemnité qu'il réclame est donc improprement qualifiée de
contractuelle », lorsque la qualification exacte de l'indemnité était indifférente au regard de la
certitude de l'engagement pris par le conseil d'administration au nom de la société, la cour
d'appel a statué par un motif inopérant et privé sa décision de base légale au regard de l'article
1134 du code civil ;

3°/ qu'une société peut valablement prendre un engagement indépendamment des règles
internes aux personnes morales qui en sont actionnaires ; qu'en affirmant que M. X... ne pouvait
ignorer en sa qualité d'ancien directeur général de Vaucluse logement « les règles applicables en
matière de rémunération des dirigeants des CIL et de leurs filiales, et le rôle du comité de
rémunération » et ne pouvait « donc valablement contester que la décision était conditionnée à
l'accord du comité », lorsque le conseil d'administration avait pu engager la société Vaucluse
logement abstraction faite des règles internes à Vilogia, la cour d'appel a statué par un motif
inopérant et privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu que c'est par une interprétation, exclusive de dénaturation, des termes du procès-
verbal du conseil d'administration du 19 octobre 2011, que leur ambiguïté rendait nécessaire, que
la cour d'appel a retenu que si ce procès-verbal mentionne le vote d'une indemnité de 150 000
euros pour départ consensuel en faveur de M. X..., celui-ci n'est cependant pas en droit d'en
réclamer le paiement en raison des réserves exprimées avant ce vote par le président du conseil
d'administration qui avait déclaré que cette indemnité devait être validée par le comité des
rémunérations de la société Vilogia, actionnaire majoritaire de la société Vaucluse logement, dont
le dirigeant avait évoqué la saisine ; que le moyen, inopérant en ses deuxième et troisième
branches pour critiquer des motifs surabondants, n'est pas fondé pour le surplus ;

(…)

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PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. X... aux dépens ;

Document 7 : Cass. Com., 20 septembre 2016, n° 14-22.189

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 12 décembre 2013), que Vojtech X... est décédé
le 15 septembre 1994, en laissant pour lui succéder sa veuve, Mme Y..., et ses enfants, M.
Adalbert X... (M. X...) et Mmes Barbora X... et Sarka X... ; qu'à l'actif de la succession figuraient
les actions de la société Richoux (la société) dont M. Adalbert X... avait été nommé président-
directeur général au décès de son père ; que Mme Y... et Mmes Barbora et Sarka X... (Mmes X...)
ont assigné M. X... aux fins d'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la
succession ; qu'un expert a été désigné avec notamment pour mission de donner son avis sur la
valeur des actions de la société ainsi que sur la gestion de M. X... ; que reprochant à ce dernier
d'avoir commis des fautes de gestion et de s'être octroyé des rémunérations excessives, Mmes X...
lui ont réclamé des dommages-intérêts ; que M. X... a formé une demande de dommages-intérêts
contre Mmes X... en soutenant qu'elles avaient, de manière fautive, refusé d'autoriser
l'augmentation de capital de la société ;

Attendu que Mmes X... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande de dommages-intérêts alors,
selon le moyen :

1°/ que le fait, pour le dirigeant d'une société, de se verser une rémunération hors de proportion
avec les facultés de l'entreprise constitue, indépendamment de toute faute de gestion, une faute
engendrant nécessairement un appauvrissement de la société ; que dès lors, la cour d'appel ne
pouvait, pour rejeter la demande de Mmes X... qui réclamaient le remboursement de l'excès de
rémunération perçu par M. X..., se borner à énoncer qu'il n'était pas établi que cette
rémunération excessive ait un lien avec les difficultés de la société ; qu'elle a ainsi privé sa décision
de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
2°/ que la cour d'appel ne pouvait, pour rejeter la demande de Mmes X... tendant à
l'indemnisation du préjudice causé par la perception de rémunération excessive, se borner à
énoncer que M. X... avait « sans doute omis d'adapter sa rémunération au risque d'une évolution
défavorable, faisant preuve d'un optimisme excessif », sans préciser quels avaient été les montants
de sa rémunération durant les années contestées ; qu'elle a ainsi privé sa décision de motifs et
méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ que dans leurs écritures d'appel, Mmes X... avaient fait valoir que la société s'était trouvée en
1997 en cessation des paiements, et que la faute de M. X... consistait à avoir préféré la cession du
seul actif de la société à une procédure de redressement judiciaire, ce qui lui avait permis de
continuer à se verser des rémunérations excessives ; que la cour d'appel, qui n'a pas répondu à ces
conclusions, a derechef méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'après avoir constaté que M. X..., faisant preuve d'un optimisme excessif, avait
omis d'adapter sa rémunération au risque d'une évolution défavorable de la société, l'arrêt, par
motifs propres et adoptés, retient que cette circonstance n'a pas eu d'incidence sensible sur les
comptes de l'entreprise et n'a pas contribué aux difficultés de la société ; que par ces motifs, la
cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre Mmes X... dans le détail de leur argumentation et qui

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n'avait pas à répondre à un simple argument tiré de ce que la vente de l'immeuble de la société
aurait permis à M. X... de percevoir une rémunération disproportionnée à la situation de cette
dernière, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen
unique du pourvoi n° G 14-22. 189, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la
cassation ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE les pourvois, principaux et incident ;

Document 8 : Cass. Crim., 7 décembre 2016, n° 15-86.731

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :


Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Gérard X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 5e chambre, en date du 13 octobre


2015, qui, pour abus de biens sociaux, l'a condamné à un an d'emprisonnement avec sursis et a
prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 26 octobre 2016 où étaient présents
dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président,
Mme de la Lance, conseiller rapporteur, M. Soulard, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Guichard ;

Sur le rapport de Mme le conseiller DE LA LANCE, les observations de la société civile


professionnelle FABIANI, LUC-THALER et PINATEL, avocat en la Cour, et les conclusions de
M. l'avocat général GAILLARDOT ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6, § 2, de la Convention


européenne des droits de l'homme, L. 242-6, 3°, du code de commerce, 1382 du code civil,
préliminaire et 593 du code de procédure pénale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable d'abus de biens sociaux, condamné ce
dernier à une peine d'emprisonnement d'un an assortie du sursis et, sur l'action civile, l'a
condamné à payer à M. Y...ès qualité les sommes de 113 578 euros et 31 000 euros ;
" aux motifs que M. X... rappelle que son salaire de 5 400 euros brut par mois plus une
commission de 4 % du chiffre d'affaires hors taxe a été convenu par son contrat de travail conclu
avec la présidente du conseil d'administration ; qu'il admet cependant que ces salaires dépassaient
les possibilités financières de la société compte tenu notamment du paiement, dès les premiers
mois, d'une prime exceptionnelle sur l'activité et du très faible chiffre d'affaires réalisé par la
suite ; que si les premières factures payées par M. X... en qualité de directeur administratif et
financier de la société coopérative GEF pour la rémunération des prestations fournies par la

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société Progelis dont il est, par ailleurs, actionnaire sont justifiées, il n'en va pas de même pour les
périodes suivantes ; qu'en effet, aucun justificatif n'est fourni à l'appui des règlements ultérieurs
que la simple application du contrat ne peut expliquer ;

" 1°) alors que l'abus de biens sociaux suppose que l'acte incriminé puisse être imputé au
dirigeant ; qu'après avoir constaté que la rémunération perçue par M. X... correspondait à la
somme initialement prévue par son contrat de travail conclu avec la présidente du conseil
d'administration, ce dont il résultait qu'il ne s'était pas lui-même octroyé sa rémunération et
n'avait, dès lors, pas été l'auteur de l'usage des fonds de la société coopérative GEF, la cour
d'appel ne pouvait retenir la culpabilité de M. X... à ce titre ;

" 2°) alors qu'en ne caractérisant pas la mauvaise foi de M. X... dans la perception de sa
rémunération, la cour d'appel n'a pas légalement justifié son arrêt ;

" 3°) alors que la preuve de l'abus de biens sociaux incombe à la partie poursuivante ; qu'en
retenant qu'il n'est produit aucun justificatif justifiant les versements effectués par la société
coopérative GEF à la société Progelis, quand il appartenait à la partie poursuivante d'établir
l'absence de prestation réelle de la société Progelis, la cour d'appel a inversé la charge de la
preuve ;

" 4°) alors qu'après avoir limité la période de prévention à la seule période du 11 avril 2002 au 31
juillet 2003, la cour d'appel ne pouvait, en l'état de factures établies par la société Prolegis sur la
période de janvier 2002 à août 2003 pour un montant total de 31 000 euros, retenir que les
premières factures payées par M. X... pour la rémunération des prestations fournies par la société
Progelis sont justifiées mais qu'il n'en va pas de même pour les périodes suivantes, sans autrement
s'en expliquer ;

" 5°) alors que le préjudice de la société Coopérative GEF ne pouvait correspondre qu'à l'excès de
rémunération perçue par M. X... ; qu'en condamnant ce dernier à verser la somme de 113 578
euros, correspondant à l'intégralité des salaires qu'il avait perçus, la cour d'appel a indemnisé
davantage que le préjudice subi " ;

Sur le moyen pris en ses quatre premières branches :

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de
s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, et sans inverser la charge de la
preuve, répondu aux chefs péremptoires des conclusions régulièrement déposées devant elle et
caractérisé, en tous ses éléments, tant matériel qu'intentionnel, le délit d'abus de biens sociaux
dont elle a déclaré le prévenu coupable ;

D'où il suit que le moyen, en ses quatre premières branches, revient à remettre en question
l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que
des éléments de preuve contradictoirement débattus ;

Mais sur le moyen pris en sa cinquième branche :

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Vu les articles 2 et 3 du code de procédure pénale, ensemble l'article 1382 du code civil ;
Attendu que le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans
perte ni profit pour aucune des parties ;

Attendu que l'arrêt attaqué, après avoir déclaré M. X..., en sa qualité de gérant de fait, coupable
d'abus de biens sociaux au préjudice de la société coopérative GEF, notamment pour avoir perçu,
en sa qualité de directeur administratif et financier, des salaires exorbitants au regard des
possibilités financières de l'entreprise, l'a condamné à payer au mandataire liquidateur de cette
société, partie civile, la somme de 113 578 euros correspondant à l'intégralité des salaires perçus ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que le préjudice subi ne pouvait être supérieur à l'excès
de rémunération versée, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés et du
principe ci-dessus énoncé ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ; Par ces motifs : CASSE et ANNULE (…)

Document 9 : Cass. Crim., 13 juin 2018, n° 17-84.518

(…)
Sur le moyen, pris en sa première branche ;

Attendu que pour déclarer le prévenu coupable d'abus de biens sociaux, l'arrêt relève que le
prévenu n'a pas contesté en garde à vue la matérialité des virements opérés sur ses comptes
personnels, opérations par essence contraires à l'intérêt de l'entreprise puisque non justifiées par
l'activité commerciale de la société ; que les juges ajoutent que, sur la période du 1er janvier 2011
au 4 juillet 2012, le montant total des quatre remises de chèques sur le compte du prévenu,
ouvert à La banque postale, provenant du compte de la sociétéACOR a été de 10 700 euros,
qu'entre le 10 février et le 16 novembre 2011, une somme de 3 300 euros a été virée en deux fois
du compte de la société ACOR vers le compte de la société ACOR Hdg dont le prévenu était le
gérant, qu'entre le 10 février et le 6 octobre 2011 et entre le 15 février et le 21 mai 2012 une
somme totale de 14 500 euros a été virée en six fois du compte de la société la vers le compte de
la société ACOR Group gérée par le prévenu et qu'enfin le montant total des sommes virées sur
le compte du prévenu, ouvert à la Banque populaire Atlantique , provenant du compte de la
société ACOR a été de 24 093,40 euros s'agissant de l'encaissement de huit chèques entre le 4
janvier et le 18 juillet 2011 ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, dont il résulte que les prélèvements ont été effectués
dans l'intérêt personnel du demandeur, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le grief doit être écarté ;

Sur le moyen, pris en sa seconde branche ;

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Attendu que pour déclarer le prévenu coupable de banqueroute, l'arrêt relève que ce dernier a
reconnu l'infraction et qu'il est suffisamment établi qu'il n'a pu présenter aucun élément de nature
comptable au cours de la procédure collective pour le premier semestre 2012 ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il se déduit que le prévenu n'a délibérément tenu
aucune comptabilité, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ; REJETTE le pourvoi ;

IV. Exercice : Cas pratique

Monsieur PLATON vient vous demander conseil. Il est président directeur général de la société
anonyme CroC. Outre qu’il la dirige, Monsieur PLATON est actionnaire à hauteur de 20%. Le
restant du capital est détenu par Octave (50%) son fils ainé, Eglantine (20%) sa fille, et Ulysse
(10%) son petit-fils. Aujourd’hui, Monsieur PLATON perçoit la somme de 1.800 euros mensuels
au titre de rémunération de sa fonction de PDG, cette somme comprend un fixe (1.000 euros) et
un variable (800 euros). Le variable représente un pourcentage du bénéfice net réalisé par la
société.

Monsieur PLATON n’est plus sûr de pouvoir prétendre à une rémunération aussi élevée l’an
prochain. En effet, la société connait quelques difficultés financières. Monsieur PLATON a
entendu sa fille et son petit-fils évoquer une baisse de sa rémunération.

Monsieur PLATON vous demande si vous pensez qu’une telle décision pourrait être possible. Il vous explique qu’en
cas de difficultés financières de la société la part variable de sa rémunération se trouverait en toutes circonstances
diminuée, de sorte qu’il vous dit considérer « avoir droit » à sa rémunération fixe. Qu’en pensez-vous ?

Il a également pensé à plusieurs stratégies :

Il vous explique avoir de très bonnes relations avec Octave. Il pense pouvoir le convaincre de
voter le maintien de sa rémunération. Il vous demande si vous pensez que c’est une bonne stratégie.

Il vous explique également la seconde voie à laquelle il a pensé. Il envisage de démissionner de ses
fonctions, et de demander ensuite que lui soit consenti un contrat de travail auprès de la SA
CroC, ce qui permettrait de mettre à profit son expérience comme «  conseiller financier et
stratégique ». Cette possibilité vous semble-t-elle pertinente ?

Enfin, Monsieur PLATON vous confie quelques craintes. Il est vrai que la SA CroC ne se porte
pas très bien. Monsieur PLATON vous demande si sa responsabilité pourrait être engagée s’il
s’avérait que la société connaissait des pertes importantes et que sa rémunération avait été
néanmoins maintenue. Quid juris ?

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