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La cour est saisie par l’arrêt rendu le 30 juin par la chambre criminelle de la Cour de cassation sur

le pourvoi formé par Patrick BALKANY, Isabelle BALKANY et Alexandre BALKANY, lequel a
cassé et annulé l’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris le 27 mai 2020 en ses seules dispositions
relatives aux peines et aux intérêts civils, toutes autres dispositions étant expressément maintenues
et a renvoyé la cause et les parties devant la cour d’appel de Paris autrement composée pour qu’il
soit statué conformément à la loi et dans les limites de la cassation prononcée.
La cour précise qu’Alexandre BALKANY déclaré coupable et condamné par jugement du tribunal
correctionnel de Paris rendu le 18 octobre 2019, n’ayant interjeté appel que des dispositions civiles
et de la décision de non restitution du bien immobilier dénommé “moulin de Cossy” de cette
décision, la peine prononcée le concernant est définitive.

Les faits et circonstances de la cause sont les suivants:

A partir du témoignage de Didier SCHULLER, ancien directeur général de l’office HLM, mettant
en cause son prédécesseur, Patrick BALKANY, une information a été ouverte contre ce dernier le 4
décembre 2013 du chef de blanchiment de fraude fiscale.

A la suite de quatre signalements de la cellule Tracfin des 2 mai, 9 juillet et 29 septembre 2014 et
30 juin 2016, l'information a été étendue, s'agissant des époux BALKANY et de leur fils Alexandre,
aux faits de :
- corruption passive par personne chargée d'une fonction publique (Patrick BALKANY),
- prise illégale d'intérêt par personne dépositaire de l'autorité publique et chargée d'une mission
de service public (Patrick BALKANY),
- blanchiment aggravé par le caractère habituel de fraude fiscale aggravée (Patrick BALKANY et
Isabelle BALKANY),
- blanchiment de fraude fiscale (Alexandre BALKANY),
ainsi que, par réquisitoire supplétif du 21 mai 2015, aux délits d'omissions déclaratives et
évaluations mensongères de patrimoine à la suite d'une dénonciation de la Haute autorité pour la
transparence de la vie publique (HATVP).

Les investigations entreprises ont mis en évidence que les époux BALKANY se sont constitués, au
fil des années, un important patrimoine mobilier et immobilier au travers de la commission de
plusieurs infractions.

1 - Sur le délit de blanchiment de fraude fiscale aggravé.

1 - 1 - Les sociétés et fondations établies au Liechtenstein BELEC ETABLISSEMENT, HMF,


BIELLA et la villa Serena à Saint-Martin

La société BELEC ETABLISSEMENT (BELEC), créée le 21 mai 1986 au Liechtenstein dont


Patrick BALKANY était le bénéficiaire économique, a acquis un terrain situé à Saint-Martin le 8
avril 1989 pour un prix de 1.294.472,50 francs sur lequel elle a fait construire la "villa Serena"
revendue le 31 juillet 2002 pour la somme de 3.584.000 euros.

Il a été établi que les fonds employés par la société BELEC pour ces acquisitions provenaient pour
partie de la fondation Frontenac dont Patrick BALKANY était bénéficiaire, représentée par la
société liechtensteinoise INDUSTRIE UND FINANZKONTOR ETABLISSEMENT (IFE).
Patrick BALKANY indiquait, en interrogatoire, avoir acheté le terrain sur lequel avait été
construite la villa Serena en 1989 et financé les travaux avec les avoirs que lui avait laissé son père
en Suisse.
Le compte bancaire de la société BELEC, ouvert à la LGT BANK au Liechtenstein, qui détenait la
copie du passeport de Patrick BALKANY ainsi qu’une déclaration de personne politiquement
exposée, a été crédité entre 2001 et 2004 par différentes sommes, dont le produit de la vente de la
Villa Serena diminué du montant des dettes fiscales de la société BELEC qui avait refusé de livrer à
l’administration le nom de son bénéficiaire économique. C’est depuis ce compte que les charges de
la villa Serena et les travaux de la villa Pamplemousse ont été payés. Il a également servi à
alimenter les comptes de sociétés écrans dont Patrick BALKANY était le bénéficiaire économique,
dont la société panaméenne HFM et à payer la société SEAWIND INVESTMENT
ESTABLISHMENT, chargée du suivi des travaux effectués dans la villa Pamplemousse.

Patrick BALKANY décidait le 7 juillet 2004 de la liquidation de la société BELEC et du transfert


du bonus de liquidation à la société HMF ainsi que du transfert de la créance de 2.573.758 francs
suisses (soit 2.132.741 euros) détenue sur la société liechtensteinoise REAL ESTATE FWI
ESTABLISHEMENT (FWI) dont les époux BALKANY étaient bénéficiaires économiques et qui
avait acheté le 3 juin 1997 la villa Pamplemousse. Il apparaissait que suite à la vente de la villa
Serena, cette somme avait fait l’objet d’une avance de fonds à la société FWI.

Le même jour, la société HMF et tous les biens gérés par elle ont été donnés à la fondation BIELLA
créée le 8 août 2003 et domiciliée au Liechenstein, par acte signé de Patrick BALKANY. Patrick et
Isabelle BALKANY en étaient les deux bénéficiaires.

Le 20 décembre 2013, cette fondation a été mise en liquidation et ses biens ont été transférés à la
société des Seychelles UNICORN BUSINESS DEVELOPMENT SA (UNICORN) avec effet
immédiat.

1 - 2 - La société seychelloise UNICORN

Cette société, détenue par la société panaméenne MESWICK HOLDING, avait pour seul actif la
créance de 2.132.741 euros sur la société FWI qui lui avait été cédée par la fondation BIELLA afin
d'échapper aux nouvelles dispositions fiscales du Liechtenstein.

Après avoir nié durant l’information être au courant de l’existence de cette fondation et de son
actif, Patrick BALKANY a finalement admis en première instance être le bénéficiaire économique
de l’ensemble de ces structures mais être resté dans l'ignorance de la réalité des montages opérés.

1 - 3 - La société liechtensteinoise FWI et la Villa Pamplemousse à Saint-Martin

Comme évoqué précédemment, la société FWI, créée en 1988 et domiciliée au Liechtenstein, a


acquis le 3 juin 1997, un bien immobilier appelé « villa Pamplemousse » situé à Saint-Martin au
prix de 3.500.000 francs, soit 533.571 euros, d’une surface de 445 m2 sur deux niveaux (5
chambres avec dressing, 5 salles de bains, une salle de massage) avec une piscine à l'extérieur et
une maison de gardien.

Isabelle BALKANY était l’unique bénéficiaire économique de la société FWI jusqu’au 8 juillet
2004, date à laquelle, aux termes d’une décision du conseil d’administration Patrick BALKANY
devenait également bénéficiaire économique de FWI.

Après avoir soutenu n’être avec son époux que locataires de la villa Pamplemousse, Isabelle
BALKANY excipait de ce que cette villa aurait été acquise et entretenue grâce à une somme de 10
millions de francs qui lui aurait été remise par ses frères et soeurs en 1995 lesquels lui auraient
demandé expressément qu’il n’y ait aucun lien fiscal avec la France qu’ils avaient pourtant quittée
depuis plus de 20 ans.
L'examen des comptes de Patrick BALKANY par Tracfin a montré qu'il payait les assurances
«multi-risques habitation» pour la villa Pamplemousse et que les époux BALKANY effectuaient
des séjours fréquents et réguliers à Saint-Martin.

La villa a été mise en location et gérée par l'agence CARIMO, qui adressait les loyers aux époux
BALKANY, lesquels bénéficiaient également de la villa, et les frais d’entretien et les travaux à la
société FWI qui les prenaient en charge.

Les époux BALKANY pouvaient ainsi bénéficier de cette villa sans que les dépenses d’entretien y
afférant n’apparaissent sur leurs propres comptes bancaires.

Le 22 mars 2011, le compte de la société FWI, ouvert auprès de la Neue Bank au Liechtenstein a
été crédité de la somme de 259 553 francs suisses en provenance de la fondation suisse Springpark,
cette somme étant, selon Isabelle BALKANY, le produit de la vente d’un bijou de famille. Elle
indiquait avoir, sur demande de son frère, procédé de la même manière que lors de la réception de
la somme de 10 millions de francs.

1 - 4 - Sur les sociétés et les biens détenus au Maroc

La SCI Dar Gyucy, dont le nom correspondrait à la contraction des prénoms des deux petites filles
des époux BALKANY, Gyula et Lucy, a été créée le 20 juillet 2009 par deux actionnaires, dont la
société panaméenne HAYRIDGE INVESTMENTS CORPORATION (HAYRIDGE), laquelle
détenait 99% des parts.

L’administrateur de la société HAYDRIDGE, M. ANGST, directeur associé de la financière suisse


GESTRUST, exposait avoir été indirectement mandaté par les époux BALKANY, agissant par
l’intermédiaire de Jean-Pierre AUBRY, pour créer deux structures de droit panaméen, la société
HAYRIDGE en vue d'une acquisition immobilière au Maroc et la société HIMOLA COMPANY
Corp. (HIMOLA) aux fins de percevoir une commission de 5 millions de dollars devant être versée
par Mohamed AL JABER dans le cadre du projet immobilier concernant les tours de Levallois,
commission qui était finalement acquittée par Mr FORREST lequel expliquait avoir versé cette
commission à Patrick BALKANY, en sa qualité d’apporteur d’affaires dans le cadre de l’achat de la
société FORSYS METAL corp, rachat qui n’avait finalement pas abouti, précisant que Patrick
BALKANY lui avait fourni lui-même le numéro du compte de la société HIMOLA sur lequel
effectuer le virement.

Mr ANGST indiquait que tant Jean-Pierre AUBRY que son conseil, Arnaud CLAUDE, lui avaient
avoué que Patrick BALKANY était l’ayant droit des sociétés HAYRIDGE et HIMOLA.

La société GESTRUST a dénoncé, le 13 janvier 2014, au bureau de communication de l'office


fédéral de la police de Berne, le montage effectué dans le cadre de l'acquisition de la villa « Dar
Gyucy » et indiqué que les époux BALKANY étaient les véritables détenteurs des parts sociales de
la SCI Dar Gyucy à travers un montage faisant intervenir les sociétés panaméennes HAYRIDGE et
HIMOLA et leur ami et collaborateur Jean-Pierre AUBRY.

Les investigations ont montré que Jean-Pierre AUBRY exerçait les fonctions de directeur général de
la SEMARELP, société d'économie mixte en charge de l'aménagement de la ville de Levallois-
Perret (présidée par Patrick BALKANY) et était également gérant de la société SCRIM (société de
promotion immobilière), filiale de la SEMARELP à 100 %.
Jean-Pierre AUBRY déclarait ne pas être le propriétaire de la villa marocaine et n’avoir rien retiré
de cette opération.

Une note Tracfin du 29 septembre 2014 révélait que, sur la somme de 5 millions de dollars virée
sur le compte bancaire d'HIMOLA, la somme de 3,6 millions de dollars (soit 2,5 millions d'euros)
représentant un “dessous de table”, avait été virée sur le compte du vendeur de la villa Dar Gyucy,
le 6 janvier 2009, soit deux jours avant l'achat devant notaire de la villa par la SCI Dar Gyucy.

Par ailleurs, le compte de la société HIMOLA était utilisé pour payer l’ameublement de la villa Dar
Gyucy, notamment par Isabelle BALKANY dès 2009, mais également les honoraires des différents
intervenants dans la vente.

L’exploitation des comptes bancaires des époux BALKANY, attestant de nombreuses dépenses à
Marrakech et le témoignage du majordome de la villa Dar Guycy ont confirmé la présence régulière
des époux BALKANY dans la maison, ce dernier rapportant que personne ne pouvait venir sans
eux.

Les époux BALKANY ont toujours nié être les propriétaires de la villa Dar Gyucy soutenant que
cette villa était en réalité louée par leur fils Alexandre BALKANY, lequel produisait deux contrats
de bail chacun pour trois ans, l'un en date du 16 mars 2011, l'autre du 24 avril 2014, signés par
Mme EULOGE représentant la SCI Dar Gyucy et prévoyant un loyer mensuel de 45.000 dirhams
(2011) puis 30.000 dirhams (2014) et précisait que la réduction du loyer était justifiée par le fait
qu’il avait pris à sa charge, le salaire des 5 employés de la villa, qu’il disait payer en espèces sans
établir de fiches de paie.

Les perquisitions effectuées dans la villa Dar Gyucy ont permis de saisir de nombreux documents et
objets appartenant aux époux BALKANY alors qu’aucun effet personnel de leur fils n'était
découvert.

Patrick BALKANY contestait avoir servi d’apporteur d’affaires à Mr FORREST.

La cour a retenu que les fraudes fiscales dont les produits directs ou indirects ont été blanchis par
les époux BALKANY résultaient de la non-déclaration des sommes perçues et déposées sur des
comptes bancaires détenus à l’étranger, eux-mêmes non déclarés.
La cour, s’agissant de Patrick BALKANY, a retenu que les investigations avaient mis en évidence
que contrairement à ses allégations, les fonds ayant servi à l’acquisition de la villa Serena n’avaient
pas une origine exclusivement successorale et que de plus il ne justifiait aucunement de l’existence
de fonds détenus par son père en Suisse de sorte que l’ensemble des fonds blanchis dont il a disposé
depuis 1989 avaient une origine presque entièrement indéterminée. Elle retenait qu’il en était de
même pour les fonds reçus sur le compte de la société BELEC dès 2001 pour un montant total de
622 000 € avec la mention “héritage de ma mère”et 260 000 dollars.
S’agissant d’Isabelle BALKANY, la cour retenait qu’elle reconnaissait ne pas avoir déclaré les
sommes de 10 millions de francs que lui avaient versés ses frères et soeurs sur le compte de la
société FWI dont une partie lui avait servi à acquérir la villa Pamplemousse et celle de 259 553
francs suisses provenant de la vente d’un bijou de famille. La cour soulignait que son frère
démentait avoir choisi le compte sur lequel ces fonds devaient être versés.
La cour relevait encore que l’absence de déclaration des sommes perçues de la location de la villa
Pamplemousse, dont les époux BALKANY avaient à minima la libre disposition, constituait
également une fraude fiscale tout comme celle de la somme de 5 millions de dollars perçue de Mr
FORREST et celles ayant abondé le compte ouvert à l’Arab Bank au nom de la SCI Dar Gyucy,
précisant qu’il résultait de l’arrêt définitif rendu le 4 mars 2020 par la cour d’appel de Paris que les
époux BALKANY ont été déclarés coupables de fraude fiscale pour avoir notamment dissimulé à
l’administration fiscale être les bénéficiaires économiques des sociétés HAYRIDGE et HIMOLA et
être propriétaires de la villa Dar Gyucy à Marrakech.

La cour a retenu que l’information avait mis en évidence l’existence de sociétés écrans administrées
par des prêtes-noms, dont les époux BALKANY étaient les bénéficiaires économiques uniques,
sociétés, qui à l’exception d’UNICORN, étaient toutes détentrices de comptes bancaires non
déclarés leur permettant de dissimuler des fonds. Elle retraçait aussi les flux de devises enregistrés
sur ces différents comptes et les transferts de fonds opérés entre les comptes des différentes sociétés
écrans, destinés à masquer que les époux BALKANY en étaient les bénéficiaires, leur permettant
ainsi d’acquérir la vila Dar Gyucy et d’améliorer et entretenir leurs biens immobiliers et notamment
la villa Pamplemousse. La cour a retenu que ces agissements constituaient des opérations de
placement et conversion parfaitement occultes, cachées à l’administration fiscale dans le seul intérêt
des époux BALKANY.

La cour a retenu le caractère habituel des faits de blanchiment et a déclaré Patrick et Isabelle
BALKANY coupables des faits de blanchiment habituel de fraude fiscale considérant qu’ils
constituaient un couple au sens fiscal et qu’ils avaient eu le même intérêt dans la dissimulation des
fonds.

2 - Sur le délit de prise illégale d’intérêt et sur le délit de corruption passive

Ce délit est lié au financement de la villa Dar Gyucy en 2009 dont le prix officiel de cession a été
effectué par 3 virements provenant de deux sociétés égyptiennes : AJWA FOOD INDUSTRY Co.
Egypt (AJWA) et la société de courtage MASHREQ TRADE, le président de la société AJWA,
sheikh Mohamed Bin Issa AL JABER, ayant entretenu une relation d'affaires avec la ville de
Levallois-Perret, au travers de sa société MBI International and Partners.

Les investigations menées sur cette relation d’affaires mettaient en évidence que le 18 décembre
2006, la société d'économie mixte pour l'aménagement, la rénovation et l'équipement de Levallois-
Perret, la SEMARELP, gérée par Jean-Pierre AUBRY, a été désignée en qualité d'aménageur de la
ZAC du Front de Seine par la commune de Levallois-Perret en vue de la construction de deux tours
susceptibles d'accueillir des bureaux, des commerces et des hôtels.

Dans cette optique, la SEMARELP a créé la société SCRIM, dont Jean-Pierre AUBRY est devenu
gérant et dont l'objet social était l'activité de promoteur-constructeur, la société SCRIM ayant deux
filiales : la société Tours de Levallois, bénéficiaire d’une promesse de vente de plusieurs parcelles
de la ZAC et la société Hôtel Tours de Levallois, créée en vue de l’activité d’exploitation hôtelière.

Des négociations ont été engagées avec Mohamed AL JABER, investisseur important dans le milieu
de l’hôtellerie, en vue du rachat de ces deux filiales. Ces négociations aboutissaient à la signature
d’une promesse de cession d'actions le 30 juin 2008 entre la société JJW IMMOBILIER, détenue
par Mohamed AL JABER, la société SCRIM et la SEMARELP, aux termes de laquelle la société
JJW IMMOBILIER devait racheter la société Tours de Levallois pour 6.196.000 euros et la société
Hôtel Tours de Levallois pour 200.000 euros.

Par ailleurs, le compte courant de la société SCRIM dans la société Tours de Levallois était
également cédé pour un montant de 13.150.000 euros.

L’enquête révélait l’existence de liens entre Mohamed AL JABER et les sociétés égyptiennes AJWA
et MARSHREQ TRADE dont émanaient les virements ayant financé le prix de vente officiel de la
Villa Dar Guycy.
La cour a retenu que Patrick BALKANY, en sa qualité de maire de la commune de Levallois-
Perret, avait la charge de surveiller l’opération “Tours de Levallois” dans laquelle la SEMARELP,
dont il était le président, et la SCRIM ont confié au groupe MBI dirigé par Mohamed AL JABER la
construction des tours. Elle retient que les investigations et l’information judiciaire ont mis en
évidence que Patrick BALKANY a reçu et conservé des intérêts matériels de l’opération entreprise
puisque Mohamed AL JABER, par l’intermédiaire d’une société de son groupe a participé au
paiement d’une partie de la villa “Dar Guycy” et a en outre mis à la disposition de Patrick
BALKANY son jet privé, pour lui-même, sa famille et ses amis. La cour précise que compte tenu
des fonctions qu’il exerçait, Patrick BALKANY ne pouvait ignorer que son comportement était
répréhensible de sorte qu’il s’est rendu coupable du délit de prise illégale d’intérêt par personne
chargée d’une mission de service public et par personne dépositaire de l’autorité publique

3 - Sur le délit d’omission déclarative et évaluations mensongères de patrimoine à la HATVP

Le 13 mars 1997, les époux BALKANY ont donné la nue-propriété de leur résidence principale, le
Moulin de Cossy, à leurs enfants, Vanessa et Alexandre, pour la somme de 4 880 000 francs
(743.951 euros), en conservant l'usufruit de ce bien, évalué à la somme de 1 952 000 francs
(297.580 euros).

Patrick BALKANY a adressé en janvier 2014 en qualité de député une déclaration de situation
patrimoniale à la HATVP dans laquelle il n’a déclaré, au titre des immeubles bâtis et non bâtis, que
la moitié de l'usufruit du Moulin de Giverny pour un montant de 148.790 euros, en se référant à la
valeur figurant dans l'acte de donation du 13 mars 1997 et s’est abstenu de déclarer un quelconque
bien ou compte détenu à l'étranger.

Isabelle BALKANY a adressé sa déclaration de situation patrimoniale à la HATVP le 3 juillet 2014,


en sa qualité de présidente du conseil d'administration de la SEMARELP, laquelle présentait les
mêmes omissions que celle de son époux, qu'il s'agisse de la minoration de l'usufruit de Giverny ou
de la dissimulation des comptes et biens dont elle était propriétaire à l'étranger.

Les biens immobiliers et avoirs du couple à l’étranger ont été ci-avant décrits.

S’agissant du domicile des intéressés sis à Giverny, l’administration fiscale, se fondant sur les
transactions réalisées entre 2008 et 2013 sur des biens immobiliers de valeur équivalente dans la
région, l’a évalué pour chaque année et déterminé un prix allant de 4.580.000 euros en 2010 (soit
3.206.000 euros après abattement lié à la résidence principale) à 4.795.000 euros en 2013 (soit
3.356.000 euros après abattement lié à la résidence principale) alors que les intéressés ont fourni
une estimation chiffrée à 1.577.000 euros en 2014.

En outre, les enquêteurs ont établi un état descriptif des meubles et bijoux découverts au Moulin de
Cossy, dont la valeur globale a été estimée par des commissaires-priseurs à 542.880 euros

La cour a retenu qu’en minorant mensongèrement la valeur de l’usufruit du moulin de Cossy et en


omettant de déclarer leurs biens à l’étranger, excepté, s’agissant d’Isabelle BALKANY, la villa
Pamplemousse dont elle a fait état, les époux BALKANY se sont rendus coupables du délit
d’omission déclarative et d’évaluations mensongères de patrimoine à la HATVP.

Personnalité:

S’agissant de Patrick BALKANY:


Patrick BALKANY est âgé de 74 ans. Il est marié et père de deux enfants majeurs.
Il a été élu conseiller général du département des hauts de Seine le 22 mars 1982 et a connu une
longue carrière politique. Il a notamment été député et maire de Levallois-Perret à compter du 14
mars 1983. Il a dû quitter ses fonctions exécutives municipales le 18 juin 1995, n’ayant pas été
réélu. Il a été à nouveau élu le 19 mars 2001 et a assumé cette charge jusqu’à la condamnation du 4
mars 2020 compte tenu de la mesure d’inéligibilité prononcée alors à son encontre.

Son casier judiciaire porte mention de trois condamnations:


- une réhabilitée de plein droit prononcée le 30 janvier 1997 par la cour d’appel de Versailles à la
peine de 15 mois d’emprisonnement assortie du sursis outre une amende de 200 000 francs et la
privation du droit d’éligibilité pendant deux ans pour des faits de prise illégale d’intérêt par
personne dépositaire de l’autorité publique
-la deuxième prononcée le 1er mars 2016 par le tribunal correctionnel de Nanterre à la peine de
3000 € d’amende assortie du sursis du chef de diffamation envers un fonctionnaire, une personne
dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public
- et la troisième prononcée le 4 mars 2020 par la cour d’appel de Paris à la peine de 4 années
d’emprisonnement dont 1 an assorti du sursis et une interdiction de diriger, administrer, gérer ou
contrôler à un titre quelconque une entreprise commerciale ou industrielle ou une société
commerciale pour une durée de 10 ans et la privation de son droit d’éligibilité pour une durée de 10
ans, assortie de l’exécution provisoire pour des faits de fraude fiscale commise entre 2009 et 2015.

Il a été placé sous contrôle judiciaire pendant l’information. Il a été détenu ensuite du jugement
rendu le 13 septembre 2019 par le tribunal correctionnel de Paris qui l’a condamné et a décerné
mandat de dépôt à son encontre. Il a été libéré pour raison de santé le 12 février 2020.

S’agissant d’Isabelle BALKANY:

Isabelle BALKANY est âgée de 75 ans. Elle est mère de deux enfants. Aujourd’hui retraitée, elle a
travaillé comme directrice de la communication chez Europe 1 avant d’exercer les fonctions de
vice-présidente du conseil général des Hauts de Seine en charge de la vie scolaire entre 1988 et
2011 et de première adjointe à la mairie de Levallois Perret du 19 mars 2001 au 5 mars 2020. Elle a
été chevalier de la légion d’honneur et officier des palmes académiques.

Son casier judiciaire porte mention de deux condamnations:


-la première réhabilitée de plein droit, prononcée le 7 mai 1996 par le tribunal correctionnel de
Nanterre à la peine de 15 mois d’emprisonnement assortie du sursis et au paiement d’une amende
de 200 000 francs du chef de prise illégale d’intérêt par personne dépositaire de l’autorité publique.
Par jugement du 17 janvier 2001, elle a été relevée de l’incapacité électorale prononcée à son
encontre.
-la seconde prononcée le 4 mars 2020 prononcée par la cour d’appel de Paris qui l’a condamnée à
la peine de 3 ans d’emprisonnement, une interdiction de diriger, administrer, gérer ou contrôler à un
titre quelconque une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale pour une
durée de 10 ans et la privation de son droit d’éligibilité pour une durée de 10 ans, assortie de
l’exécution provisoire pour fraude fiscale commise entre 2009 et 2015.

Isabelle BALKANY a été placée sous contrôle judiciaire pendant l’information judiciaire avec
notamment obligation de verser un cautionnement d’un million d’euros avant le 30 août 2014,
obligation à laquelle elle a satisfait.

Par jugement du 18 octobre 2019, le tribunal correctionnel de Paris a:


- déclaré Patrick BALKANY coupable de blanchiment commis de façon habituelle de fraude fiscale
aggravée et de déclaration incomplète ou mensongère de sa situation patrimoniale à la haute
autorité pour la transparence de la vie publique et l’a condamné à la peine de 5 années
d’emprisonnement, à la privation du droit d’éligibilité pendant 10 ans et à une interdiction de
diriger, administrer, gérer ou contrôler une entreprise ou une société pendant 10 ans et décerné
mandat de dépôt à son encontre
-déclaré Isabelle BALKANY coupable de blanchiment commis de façon habituelle de fraude fiscale
aggravée et de déclaration incomplète ou mensongère de sa situation patrimoniale à la haute
autorité pour la transparence de la vie publique et l’a condamnée à la peine de 4 années
d’emprisonnement, à la privation du droit d’éligibilité pendant 10 ans et à une interdiction de
diriger, administrer, gérer ou contrôler une entreprise ou une société pendant 10 ans.
Le tribunal a en outre ordonné la confiscation du “Moulin de Cossy” en pleine propriété et en
intégralité, la confiscation du prix de vente de la villa Pamplemousse, de la villa “Dar Guycy”, du
solde du compte bancaire détenu à l’Arab Bank au nom de la SCI Dar Gyucy et du titre au porteur
de la société HAYRIDGE
-déclaré Jean-Pierre AUBRY coupable de blanchiment de fraude fiscale et l’a condamné à la peine
de 3 ans d’emprisonnement assortie du sursis outre au paiement d’une amende de 100 000€ et à
une interdiction de diriger, administrer, gérer ou contrôler une entreprise ou une société pendant 10
ans
-déclaré Arnaud CLAUDE coupable de blanchiment de fraude fiscale et l’a condamné à la peine de
3 ans d’emprisonnement assortie du sursis outre au paiement d’une amende de 50 000€ et
l’interdiction définitive de l’exercice de la profession d’avocat
-déclaré Alexandre BALKANY coupable de blanchiment de fraude fiscale et l’a condamné à la
peine de 6 mois d’emprisonnement assortie du sursis
-renvoyé Mohamed AL JABER des fins de la poursuite.
Sur l’action civile, le tribunal a reçu la constitution de partie civile de l’Etat Français, déclaré
Isabelle BALKANY, Patrick BALKANY, Alexandre BALKANY, Arnaud CLAUDE et Jean-Pierre
AUBRY responsables du préjudice subi par l’Etat Français et les a solidairement condamnés à lui
verser la somme de 1 000 000€ en réparation de son préjudice matériel et a condamné les mêmes in
solidum à lui verser la somme de 30 000€ sur le fondement des dispositions de l’article 475-1 du
code de procédure pénale.

Sur appels de Patrick BALKANY, Isabelle BALKANY(leurs appels portant sur l’entier dispositif
excepté les relaxes, s’agissant de Patrick BALKANY), d’Alexandre BALKANY(qui a interjeté
appel des dispositions civiles et sur le rejet de sa demande de restitution du bien immobilier
“Moulin de Cossy”), de l’Etat français, du ministère public et de Vanessa BALKANY, partie
intervenante (son appel portant sur la décision de non-restitution), la Cour d’appel de Paris s’est
prononcée par arrêt du 27 avril 2020.
Elle a:
-déclaré recevables les appels interjetés à titre principal par Isabelle BALKANY, Patrick
BALKANY, Alexandre BALKANY et à titre incident par l’Etat français, partie civile et le
ministère public
-constaté que le ministère public se désistait de son appel incident sur les infractions de corruption
et blanchiment de corruption
-déclaré recevable l’intervention de Vanessa BALKANY pour demander la restitution de sa quote-
part de nue-propriété indivise portant sur le bien immobilier “Moulin de Cossy”
-confirmé le jugement sur la déclaration de culpabilité d’Isabelle BALKANY des chefs de
blanchiment de fraude fiscale commis de façon habituelle et de déclaration mensongère ou
incomplète de situation patrimoniale à la HATVP par une personne titulaire ou délégataire d’une
fonction exécutive locale
-confirmé le jugement sur la déclaration de culpabilité de Patrick BALKANY des chefs de
blanchiment de fraude fiscale commis de façon habituelle et de déclaration mensongère ou
incomplète de situation patrimoniale à la HATVP par un parlementaire
-infirmé sur la relaxe prononcée du chef de prise illégale d’intérêt et déclaré Patrick BALKANY
coupable de prise illégale d’intérêt par personne chargée d’une mission de service public et par
personne dépositaire de l’autorité publique
et s’est prononcée sur les peines ainsi que sur les demandes formées par l’État français partie civile.

Pourvoi en cassation était formé contre cet arrêt par Isabelle BALKANY, Patrick BALKANY et
Alexandre BALKANY.

Par arrêt du 30 juin 2021, la chambre criminelle de la cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt
rendu par la cour d’appel de Paris le 27 mai 2020 en ses seules dispositions relatives aux peines et
aux intérêts civils, toutes autres dispositions étant expressément maintenues et renvoyé la cause et
les parties devant la cour d’appel de Paris autrement composée pour qu’il soit à nouveau statué
conformément à la loi dans les limites de la cassation ainsi prononcée.

Le 21 octobre 2022, Arnaud CLAUDE et Jean-Pierre AUBRY ont interjeté appel du jugement
rendu le 18 octobre 2019, précisant que leurs appels ne portaient que sur les dispositions civiles. Ils
ont également indiqué intervenir volontairement à la procédure.

DEVANT LA COUR,

Patrick BALKANY comparaît assisté de ses conseils. Il sera statué par arrêt contradictoire à son
encontre. Il fait état de ses nombreux problèmes de santé, des conditions très difficiles de sa
détention réalisée à l’isolement et alors que son épouse était hospitalisée, de l’impossibilité pour lui
de travailler du fait des décisions de justice intervenues et des difficultés psychologiques qui en sont
résultées. Il demande la confusion des peines indiquant que son épouse et lui sont à bout.

Isabelle BALKANY ne comparaît pas mais est représentée par ses avocats. Il sera également statué
par arrêt contradictoire à son encontre.

Alexandre BALKANY ne comparaît pas mais est représenté par ses avocats. Il sera statué par arrêt
contradictoire à son encontre.

Vanessa BALKANY ne comparaît pas mais est représentée par son avocat. Il sera également statué
par arrêt contradictoire à son encontre.

Jean-Pierre AUBRY ne comparaît pas mais est représentée par son avocat. Il sera également statué
par arrêt contradictoire à son encontre.

Arnaud CLAUDE ne comparaît pas mais est représentée par son avocat. Il sera également statué
par arrêt contradictoire à son encontre.

Par voie de conclusions régulièrement déposées à l’audience, l’Etat français conclut à la non-
admission des appels formés hors délais et à l’irrecevabilité des demandes formées par Arnaud
CLAUDE et Jean-Pierre AUBRY qui n’ont pas relevé appel du jugement rendu le 18 octobre 2019
les condamnant. L’Etat français relève que la chambre criminelle de la Cour de cassation a rappelé
à de nombreuses reprises et encore le 21 avril 2020 que les juges saisis de l’appel principal du
prévenu et de l’appel incident de la partie civile, ne peuvent statuer que dans les limites de leur
saisine et ne peuvent réviser la condamnation prononcée en première instance contre des co-
prévenus dont la situation ne leur est pas soumise. L’Etat français ajoute que la Cour de cassation
n’a pas entendu faire application en l’espèce des dispositions de l’article 612-1 du code de
procédure pénale lesquelles lui permettent, lorsque l’ordre public ou une bonne administration de la
justice le commande, d’ordonner que l’annulation qu’elle prononce aura effet à l’égard des parties
qui ne se sont pas pourvues devant elle. L’Etat français indique que Jean-Pierre AUBRY et Arnaud
CLAUDE n’ont pas relevé appel de la condamnation prononcée à leur encontre par le tribunal
correctionnel de sorte que la situation qu’ils dénoncent existait déjà lorsque la cour a statué par son
arrêt du 27 mai 2020. L’Etat français soutient que cette situation ne porte pas atteinte aux principes
du procès équitable en ce qu’ils ont choisi de ne pas former de recours. Il conteste que l’autorité de
la chose jugée s’attachant à une condamnation définitive à des dommages et intérêts puisse être
constitutive d’une atteinte disproportionnée au droit de propriété dès lors que cette atteinte est
inhérente à la nature même d’une telle condamnation.

L’Etat français demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu’il a déclaré recevable et


fondée sa constitution de partie civile et condamné solidairement Patrick BALKANY, Isabelle
BALKANY, Alexandre BALKANY (avec Jean-Pierre AUBRY et Arnaud CLAUDE) à lui verser la
somme de 1 million d’euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des
actes de blanchiment correspondant pour la somme de 900 000€ à son préjudice matériel, pour 50
000€ à son préjudice lié au crédit de l’Etat et pour 50 000€ à son préjudice moral d’une part et a
condamné in solidum Isabelle BALKANY, Patrick BALKANY, Alexandre BALKANY (avec
Arnaud CLAUDE et Jean-Pierre AUBRY) au paiement de la somme de 30 000€ sur le fondement
de l’article 475-1 du code de procédure pénale d’autre part. L’Etat français sollicite en tout état de
cause la condamnation in solidum d’Isabelle BALKANY, Patrick BALKANY et Alexandre
BALKANY au paiement de la somme de 20 000€ sur le fondement des dispositions de l’article
475-1 du code de procédure pénale en cause d’appel.
L’Etat français rappelle qu’il est acquis qu’en matière de blanchiment de fraude fiscale son
préjudice est certain. Il expose que les époux BALKANY et leur fils ont procédé à de très
nombreuses opérations de blanchiment, anciennes, nombreuses, éparses et complexes, marquées par
une extranéité omniprésente ayant contraint les agents de l’Etat à un travail spécifique d’analyse
pour établir ce blanchiment et en apprécier l’ampleur, les actifs dissimulés étant évalués à minima à
13 006 052€. Il indique avoir notamment dû procéder à de nombreuses demandes d’assistance
administratives internationales et mettre en oeuvre son droit de communication auprès de l’autorité
judiciaire afin de consulter les éléments figurant dans deux autres informations judiciaires. Il relève
que ce travail de recherche, d’analyse, de contrôle, voire de traduction, excédant le fonctionnement
habituel de l’administration basé sur un système déclaratif, engendre des coûts additionnels
exorbitants demeurés à sa charge, devant être considérés comme indépendants de son travail
habituel et lui ouvrant droit à une indemnisation particulière, comme participant du dommage
directement causé par l’infraction.
L’Etat français souligne aussi que les actes de dissimulation ont empêché l’administration fiscale de
mettre en oeuvre ses prérogatives de contrôle en temps utile et non prescrit ce qui a généré une
perte de chance à raison des périodes pour lesquelles elle ne dispose plus du pouvoir de rectification
d’une somme pouvant être évaluée à plusieurs millions d’euros sur la période de 2007 à 2011 du
fait de l’acquisition de la prescription. Il soutient que cette perte de chance s’apprécie bien par
référence aux impôts éludés n’ayant pu faire l’objet de redressement.
L’Etat français excipe encore de ce que ces actes de blanchiment lui ont porté préjudice en jetant le
discrédit sur le dispositif national de lutte contre le blanchiment, en encourageant le non-respect de
la transparence fiscale attendue de chaque contribuable dans le cadre du système déclaratif
applicable en France et en affaiblissant l’autorité de l’Etat dans l’opinion publique. L’Etat français
soutient enfin que cette dimension d’atteinte à l’ordre public et à l’efficacité de l’Etat engendre
pour lui un préjudice moral important accentué par la médiatisation importante et continue de la
présente affaire.
Messieurs les avocats généraux soutiennent que les appels interjetés hors délais par Jean-Pierre
AUBRY et Arnaud CLAUDE ne sont pas recevables pas plus que leurs interventions volontaires,
leur sort étant définitivement fixé depuis le jugement rendu par le tribunal correctionnel de Paris le
18 octobre 2019 dont ils n’ont pas relevé appel de sorte qu’ils n’ont aucune qualité pour intervenir
à la présente instance et qu’ils ne sauraient se prévaloir de la cassation intervenue et ce d’autant que
la chambre criminelle n’a pas entendu faire application des dispositions de l’article 612-1 du code
de procédure pénale. Ils excipent de l’inapplicabilité des règles du procès civil aux instances
pénales.
Ils indiquent que si le débat sur la culpabilité est définitivement tranché, il convient de rappeler
l’étendue et l’ampleur des comportements frauduleux pénalement qualifiés commis par les époux
BALKANY qui ont perduré pendant 7 années au moins, leur responsabilité commune et
indissociable du chef de blanchiment, faits pour lesquels ils ont eu recours à des mécanismes
sophistiqués impliquant le recours à des fiduciaires suisses, à l’interposition de sociétés offshores
mais aussi à l’assistance des personnes condamnées avec eux dans cette affaire: leur fils, Alexandre
BALKANY qui a produit deux faux contrats de bail tendant à établir qu’ils n’étaient pas les
propriétaires de la villa DAR GUYCI, Jean-Pierre AUBRY, homme de main de Patrick BALKANY
et Arnaud CLAUDE, conseil des époux BALKANY ainsi que le fait qu’ils étaient tous les deux
détenteurs de mandats électifs publics et ont manqué au devoir de probité imposé par leurs
fonctions. Ils ajoutent que ni l’un ni l’autre n’a collaboré à la manifestation de la vérité durant
l’information rendant indispensables des investigations complexes et coûteuses notamment au vu
des mécanismes sophistiqués mis en oeuvre et que s’ils ont reconnu les faits de fraude fiscale,
infraction originelle, et de blanchiment lors de l’audience d’appel, ils n’ont pas reconnu toute
l’étendue de ce blanchiment. Ils soulignent que Patrick BALKANY, déclaré coupable de prise
illégale d’intérêt, a bénéficié, en contrepartie de l’octroi aux sociétés dirigées par Mohamed AL
JABER de la construction des Tours de Levallois, du jet privé de dernier mis à sa disposition pour
des déplacements en famille outre le financement de la villa Dar Guycy.
Ils soulignent l’importance de la minoration de patrimoine voire l’absence totale de déclaration de
certains biens opérées par les époux BALKANY dans leurs déclarations à la HATVP.
Ils rappellent les avertissements judiciaires que les époux BALKANY ont ignoré, mettant en place
le cycle de blanchiment lié à la villa Pamplemousse quelques mois seulement après avoir été
condamnés pour des manquements à la probité publique.
Ils retiennent que la cassation est intervenue par rapport à la peine de confiscation du Moulin de
Cossy prononcée, les autres peines n’ayant pas été remises en cause et requièrent :
-à l’encontre de Patrick BALKANY la peine de 5 années d’emprisonnement ainsi qu’une amende
de 100 000€ et à titre de peine complémentaire l’inéligibilité pendant 10 ans avec exécution
provisoire sur le fondement des dispositions de l’article 471 alinéa 4 du code pénal, l’interdiction
de diriger, gérer, administrer ou contrôler une entreprise ou une société pour une durée de 10 ans et
l’interdiction définitive de toute fonction ou emploi dans un organisme gérant des fonds publics
(interdiction d’exercer l’activité dans l’exercice de laquelle l’infraction a été commise)
-à l’encontre d’Isabelle BALKANY la peine de 4 ans d’emprisonnement ainsi qu’une amende de
100 000€ et à titre de peine complémentaire l’inéligibilité pendant 10 ans avec exécution provisoire
sur le fondement des dispositions de l’article 471 alinéa 4 du code pénal, l’interdiction de diriger,
gérer, administrer ou contrôler une entreprise ou une société pour une durée de 10 ans
Ils indiquent ne pas s’opposer à la confusion des peines d’emprisonnement avec celles prononcées
le 4 mars 2020 dans l’affaire de fraude fiscale.
Au vu de la gravité manifeste des faits, les époux BALKANY s’étant constitués un patrimoine
important grâce au blanchiment et de leur situation personnelle, ils requièrent également à titre de
peines complémentaires :
- la confiscation de l’usufruit du moulin de Cossy, sur le fondement des dispositions de l’article
131-21 alinéa 6 du code pénal, laquelle leur apparaît proportionnée, la valeur de cet usufruit en
regard de leur âge pouvant être évalué à 40% de la valeur vénale dudit bien et cette confiscation
n’ayant pas de caractère définitif par application des dispositions de l’article 619 du code civil
- de la villa DAR GUYCI et des avoirs se trouvant sur le compte bancaire de la SCI DAR GUYCI
détenus à l’Arab Bank, sur le fondement des dispositions de l’article 131-21 alinéa 3 du code pénal
- du prix de cession de la villa Pamplemousse et du titre au porteur HAYDRIDGE, sur le
fondement des dispositions des articles 131-21 alinéa 6 et 324-7 12° du code pénal.

Par voie de conclusions régulièrement déposées à l’audience, Jean-Pierre AUBRY, appelant et


intervenant volontaire, demande à la cour:
-de déclarer son appel recevable et de le joindre à l’instance de renvoi après cassation
-d’infirmer le jugement en ce qu’il l’a condamné à verser 1 million d’euros à l’Etat français en
réparation de son préjudice matériel
-de débouter l’Etat français de ses demandes
Subsidiairement
-de déclarer son intervention recevable
-d’infirmer le jugement
-de débouter l’Etat français de ses demandes
A titre infiniment subsidiaire
-de lui donner acte de son intervention
-de statuer ce que de droit sur les appels interjetés
-de dire l’arrêt à intervenir opposable par lui à l’Etat français
Il expose que la condamnation solidaire au versement des dommages et intérêts relève des intérêts
civils et qu’en cas de solidarité ou d’indivisibilité à l’égard de plusieurs parties, l’appel formé par
l’un conserve le droit d’appel des autres. Il ajoute que ce principe est applicable aux instances
correctionnelles, la solidarité prévue par l’article 480-1 du code de procédure pénale ne différant
pas de celle prévue par le code civil. Il soutient qu’au vu de la motivation de l’arrêt de la cour
d’appel, cassé par la chambre criminelle de la cour de cassation, son action est recevable et bien
fondée.
Subsidiairement, il fait valoir son droit au procès équitable et contradictoire qui doit préserver
l’équilibre des droits des parties.
A titre infiniment subsidiaire, l’arrêt à intervenir devra être déclaré opposable le concernant à l’Etat
français eu égard au fait qu’il a été condamné solidairement avec les époux BALKANY et
Alexandre BALKANY, sinon les principes du fondement de l’obligation solidaire seraient
dénaturés. Il ajoute que la CEDH considère que le principe de sécurité juridique garanti notamment
par l’autorité de la chose jugée n’est pas absolu et ne doit pas aboutir à faire peser sur un particulier
une charge manifestement disproportionnée sinon l’atteinte au droit de propriété serait caractérisée.

Par voie de conclusions régulièrement déposées à l’audience, Arnaud CLAUDE appelant et


intervenant volontaire, demande à la cour:
-de le déclarer recevable en son appel
-de le dire bien fondé et le joindre à la présente instance
-d’infirmer le jugement rendu par la 32ème chambre du tribunal correctionnel de Paris le 18
octobre 2019 en ce qu’il l’a condamné à payer 1 000 000€ à l’Etat français en réparation de son
préjudice matériel
-de débouter l’Etat français de ses demandes
-à titre subsidiaire, de réduire le préjudice subi par l’Etat français du chef de blanchiment à 1€.
A titre subsidiaire,
-de déclarer recevable son intervention et ses demandes
-d’infirmer le jugement déféré en ce qu’il l’a condamné à payer 1 000 000€ à l’Etat français en
réparation de son préjudice matériel et débouter l’Etat français de ses demandes ou de réduire le
préjudice subi par l’Etat français du chef de blanchiment à 1€
A titre infiniment subsidiaire
-de lui donner acte de son intervention et déclarer l’arrêt à intervenir opposable à tous et plus
particulièrement à l’Etat français par son intermédiaire.
Arnaud CLAUDE excipe de ce que l’article 552 du code de procédure civile prévoit qu’en cas de
solidarité ou d’indivisibilité à l’égard de plusieurs parties, l’appel de l’une conserve le droit d’appel
de l’autre en matière civile et que la condamnation aux dommages intérêts prononcée à son
encontre relève des intérêts civils de sorte que les dispositions de l’article 552 du code de procédure
civile précité sont applicables et son appel recevable. Il ajoute que dans le cadre d’une instance
pénale, le droit au procès équitable implique qu’en cas de solidarité ou d’indivisibilité à l’égard de
plusieurs parties, l’appel de l’une conserve le droit d’appel des autres.
Il argue encore du droit d’accès à un tribunal et à un procès équitable conformément aux
dispositions de l’article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et
des libertés fondamentales lequel doit s’interpréter à la lumière du principe de prééminence du droit
qui exige l’existence d’une voie judiciaire effective permettant de revendiquer les droits civils de
sorte que les dispositions des articles 498 et 505-1 du code de procédure pénale doivent être
écartées en ce qu’elles impliqueraient l’irrecevabilité de son appel et à tout le moins sa non-
admission. Il rappelle à ce titre que le principe d’égalité devant la loi a valeur constitutionnelle et
qu’en l’espèce, la différence résiderait en ce que la personne aurait été solidairement condamnée à
verser des dommages et intérêts sur le fondement de la responsabilité civile, par une juridiction
civile ou pénale.
Il soutient que son appel est donc au vu de l’arrêt rendu par la chambre criminelle recevable et doit
être joint à l’instance.
Il excipe encore de ce que son appel est bien fondé, la chambre criminelle ayant rappelé que l’Etat
n’était pas fondé à solliciter la réparation d’un prétendu préjudice subi du fait du chef de
blanchiment et ce d’autant qu’il n’était pas justifié.
A titre subsidiaire il fait valoir que son intervention en appel sur intérêts civils en tant que partie
condamnée solidairement mais non appelante est parfaitement recevable en vertu du principe
d’égalité du droit et d’accès à un tribunal d’une part et sur le fondement des dispositions de l’article
préliminaire du code de procédure pénale d’autre part.
Enfin, il souligne qu’à tout le moins l’arrêt à intervenir devra être rendu opposable par lui-même à
l’Etat français au risque de voir deux décisions contradictoires coexister si la cour, tenant compte
du raisonnement de la chambre criminelle, réduisait le montant des sommes allouées à l’Etat
français. Ainsi des condamnés solidaires se retrouveraient codébiteurs solidaires d’une dette d’un
montant différent ce qui porterait atteinte à la définition même de préjudice dont l’existence est par
essence objective et violerait la notion de réparation intégrale. Il ajoute que l’autorité de la chose
jugée qui se rattache au jugement qui l’a condamné à la réparation d’un préjudice sans commune
mesure avec la réalité du dommage ne saurait porter une telle atteinte au droit de propriété tel
qu’énoncé par l’article 1 du protocole additionnel N°1 de la CEDH. Il ajoute que la cour
européenne des droits de l’homme considère que le principe de sécurité juridique garanti
notamment par l’autorité de la chose jugée n’est pas absolu et ne saurait faire peser sur un
particulier une charge manifestement disproportionnée telle qu’en l’espèce. Il soutient que le
respect de ces principes généraux et la nécessité absolue d’éviter toute contradiction de motifs
imposent que la cour déclare les termes de son arrêt erga omnes.

Par voie de conclusions régulièrement déposées, le conseil de Patrick BALKANY demande à la


cour :
-d’infirmer la décision du tribunal en ce qu’elle l’a condamné à la peine de 5 années
d’emprisonnement et de la réduire à de plus justes proportions
-d’ordonner la confusion de ladite peine avec celle de 4 ans d’emprisonnement dont un an assorti
d’un sursis simple prononcée par la cour d’appel de Paris le 4 mars 2020 en répression des faits de
fraude fiscale
-d’infirmer la décision du tribunal en ce qu’elle a prononcé la confiscation du moulin de Giverny
en pleine propriété et d’ordonner la mainlevée de la saisie réalisée sur ce bien
Sur l’action civile,
-d’infirmer la décision du tribunal en ce qu’elle l’a condamné à verser la somme de 1 000 000€ de
dommages et intérêts à l’Etat Français
-de débouter l’Etat Français de sa demande de dommages et intérêts ou à minima de réduire
sensiblement les montants alloués.
Il soutient que la peine prononcée est disproportionnée et particulièrement sévère tant en regard de
la nature des infractions reprochées et de la jurisprudence habituelle en matière de blanchiment de
fraude fiscale et prise illégale d’intérêts que compte tenu de sa situation personnelle eu égard à son
âge et à son état de santé lequel s’est largement détérioré au cours de sa première incarcération et a
conduit à sa remise en liberté pour motif médical le 12 février 2020. Il excipe des soins médicaux et
chirurgicaux lourds qu’il a subi. Son état de santé s’est encore dégradé au cours de sa seconde
incarcération du 7 février au 5 août 2022 faisant suite à la révocation de la mesure de libération
conditionnelle dont il avait bénéficié. Il ajoute que de surcroît, son épouse était alors hospitalisée. Il
indique avoir encore été hospitalisé récemment.
Il souligne l’absence totale de risque de réitération des faits puisqu’il est désormais retraité et ne
dispose plus d’actifs ou de patrimoine n’ayant donné lieu à vérification minutieuse par
l’administration fiscale.
Il ajoute que la chambre de l’application des peines a retenu qu’il avait pris conscience de ses
agissements.
Pour le cas où la cour prononcerait une peine d’emprisonnement sans sursis, il sollicite la confusion
avec la peine prononcée par la cour d’appel le 4 mars 2020 faisant valoir que les modalités d’une
telle mesure sont parfaitement remplies, la condamnation du 4 mars 2020 étant définitive et
s’agissant de faits commis à la même époque, artificiellement disjoints pour des considérations
procédurales.
Il s’oppose à la confiscation du Moulin de Cossy acheté en 1986, dans des conditions parfaitement
étrangères aux faits pour lesquels son épouse et lui ont été mis en cause, et ayant fait l’objet d’une
donation-partage au profit de leurs enfants par acte notarié du 13 mars 1997 qui a été réalisée de
façon tout à fait transparente de sorte que ce bien ne peut être considéré comme le produit de
l’infraction. Il souligne que son épouse et lui ne sont plus propriétaires que de l’usufruit sur ce bien,
seul susceptible d’être confisqué. Il soutient qu’une telle confiscation serait en tout état de cause
excessive s’agissant de leur résidence familiale, leur seule résidence, et constituerait une atteinte
disproportionnée au droit de propriété au-delà du fait qu’elle n’est pas nécessaire au regard des
nombreuses autres sanctions financières prises dans le cadre de cette procédure. Il ajoute qu’une
telle confiscation porterait atteinte aux intérêts des nus-propriétaires, l’Etat étant supposé immortel
de sorte que l’usufruit ne pourrait réintégrer la nue-propriété au décès de son détenteur.
S’agissant des dommages-intérêts sollicités par l’Etat français, il fait valoir qu’un préjudice
développé et motivé différemment lors de deux audiences ne peut être considéré comme certain. Il
souligne le caractère fictif du chiffrage opéré lequel a pour unique but de parvenir à la somme de
1 000 000€ correspondant à la caution versée par Isabelle BALKANY pendant l’information
judiciaire. Il excipe de ce que si la chambre criminelle a validé le principe de la constitution de
partie civile de l’Etat du chef de blanchiment de fraude fiscale, la nature du préjudice subi s’entend
des frais liés aux procédures diligentées pour faire valoir ses droits et recouvrer ses créances et non
pas de l’indemnisation du préjudice issu de la fraude fiscale. Il soutient que les dépenses issues du
travail des agents de l’Etat sont incluses dans les frais alloués au titre de l’article 475-1 du code de
procédure pénale et que la perte de chance, à la considérer établie, ne peut qu’être directement liée
au préjudice issu de la fraude fiscale et n’a donc pas vocation à indemniser le préjudice de l’Etat du
chef de blanchiment. A toutes fins il expose que ce poste de préjudice ne peut être établi en l’espèce
puisque Patrick BALKANY règle les impositions mentionnées par la partie civile et est convoqué
par le comité du contentieux fiscal en vue d’une transaction. Il ajoute enfin que les sommes
sollicitées au titre du préjudice moral et d’atteinte au crédit de l’Etat ne sont pas justifiées.

Par voie de conclusions régulièrement déposées à l’audience, le conseil d’Isabelle BALKANY


demande à la cour de prononcer les peines qu’elle jugera appropriées et proportionnées à la gravité
des faits, aux circonstances dans lesquelles ils ont été commis, à la personnalité de la prévenue et à
sa situation personnelle, d’ordonner la confusion avec la peine prononcée par la cour d’appel de
Paris le 4 mars 2020 et de rejeter les demandes formées par l’Etat français partie civile. Il rappelle
le parcours atypique d’Isabelle BALKANY qui a toujours travaillé et mené une carrière politique et
eu un engagement fort au service de l’enfance et de l’éducation. Il indique qu’âgée de 75 ans, sa
santé physique et psychologique est désormais très fragile, cette procédure l’ayant détruite et
conduite, par trois fois, à des gestes désespérés et à une hospitalisation en soins intensifs puis en
psychiatrie. Elle reconnaît désormais les faits pour lesquels elle a été condamnée, en assume
complètement la responsabilité soulignant que les fonds dissimulés avaient une origine purement
privée et qu’elle ignorait tout des modalités de gestion et de placement de ces sommes dans des
structures offshore.
Il rappelle qu’Isabelle BALKANY est atteinte de tumeurs cancéreuses pour lesquelles elle est
traitée. Il souligne encore que dans le cadre de la procédure d’exécution de peine en cours, elle
fournit des efforts significatifs pour s’acquitter des sommes dues au titre de l’impôt éludé. Il ajoute
qu’elle a déjà été lourdement condamnée pour les faits de fraude fiscale et demande à ce que la
peine soit adaptée à sa situation et alignée sur celle prononcée pour fraude fiscale afin qu’une
mesure de confusion de peine soit ordonnée et que celle-ci ne remette pas en cause la procédure
d’exécution de peine en cours, une expertise médicale ayant été diligentée pour apprécier la
compatibilité de son état avec un emprisonnement en suite du retrait de la mesure de libération
conditionnelle prononcé le 17 décembre 2021. Son conseil souligne que les procédures de fraude
fiscale et de blanchiment de fraude fiscale n’ont été disjointes qu’en raison du principe de spécialité
présidant à la coopération franco-suisse.
S’agissant de la peine de confiscation du Moulin de Cossy, l’avocat d’Isabelle BALKANY fait
siennes les conclusions développées par ses enfants, nus-propriétaires.
Concernant les demandes de dommages-intérêts formées par l’Etat français, il conclut à leur rejet
en l’absence de justification tant de leur raison d’être que de leur montant. Il souligne que ni le
montant de l’impôt éludé, ni le coût des procédures judiciaires engagées ne peuvent être pris en
compte dans la détermination du préjudice de l’Etat, ces préjudices étant respectivement indemnisés
par les majorations de retard et l’allocation d’une indemnité sur le fondement des dispositions de
l’article 475-1 du code de procédure pénale. Il soutient que les sommes sollicitées par l’Etat
français ne sont aucunement justifiées pas plus que n’est expliqué en quoi le préjudice de perte de
chance allégué différerait de celui issu de la fraude fiscale indemnisé par les majorations d’impôts
et dont le contentieux relève du juge administratif.

Par voie de conclusions régulièrement déposées à l’audience, le conseil d’Alexandre BALKANY


demande à la cour:
- de déclarer son appel recevable,
-de dire que l’Etat français ne justifie pas de l’existence d’un préjudice personnel, certain et direct
causé par l’infraction pour laquelle il a été condamné
-d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a condamné solidairement avec les autres condamnés
à payer à l’etat français la somme de 1 000 000€ en réparation de son préjudice matériel
-statuant à nouveau, de débouter l’etat français de ses demandes d’indemnisation à son encontre
-A titre subsidiaire, de dire que l’Etat français ne justifie pas du quantum du préjudice allégué à
raison de l’infraction qui lui est imputée,
-d’infirmer le jugement et de débouter l’Etat français de ses demandes
-A titre très subsidiaire, de dire la condamnation d’Alexandre BALKANY au paiement de la somme
de 1 000 000€ à l’Etat français contraire aux principes d’individualisation des peines et de
proportionnalité, d’infirmer en conséquence le jugement entrepris et limiter à la somme de 20 000€
la condamnation solidaire d’Alexandre BALKANY à l’égard de l’Etat français et à celle de 5000€
sa condamnation au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale.
Il explique qu’Alexandre BALKANY a toujours souffert de la notoriété de ses parents dont il s’est
tenu à l’écart, partant étudier aux Etats-Unis et développant diverses sociétés. Il fait état de ce que
sa situation financière et personnelle s’est dégradée à compter de 2014, après qu’il a prêté à sa mère
les fonds nécessaires au paiement de sa caution ce qui l’a empêché de poursuivre le règlement de
ses emprunts et compte tenu de sa mise en examen intervenue en 2016 suivie d’une procédure de
divorce engagée par son épouse. Il souligne la précarité de sa situation. Son conseil soutient que
l’Etat français ne rapporte pas la preuve d’un préjudice personnel, certain et direct causé par
l’infraction dont Alexandre BALKANY a été déclaré coupable, la Cour de cassation ayant écarté de
son préjudice le coût des procédures judiciaires et l’Etat français ne justifiant pas d’opérations ou
d’investigations spécifiques de nature à fonder sa demande d’allocation d’une somme de
1 000 000€ à titre de dommages-intérêts. Il rappelle que l’indemnisation du préjudice de l’Etat est
assurée par la procédure fiscale permettant le redressement des droits et l’application de
majorations. S’agissant de la perte de chance désormais alléguée par l’Etat français, il rappelle que
le livre des procédures fiscales prévoit un nombre important d’interruptions et prolongations du
délai de reprise de l’administration fiscale pour tenir compte des difficultés d’enquête de sorte qu’il
n’appartient pas au juge d’aller au-delà pour indemniser le manque à gagner résultant directement
du principe de prescription, ajoutant qu’en l’espèce le recouvrement des impôts est toujours en
cours de sorte que ce poste de préjudice n’est pas caractérisé. Il excipe de ce que le préjudice
revendiqué par l’Etat français se confond avec celui de l’administration fiscale, les démarches
entreprises pour obtenir réparation des droits éludés et réintégrer dans l’assiette imposable des
revenus ayant échappé à l’impôt correspondant précisément aux démarches entreprises par Bercy et
par le ministère public. A titre surabondant il souligne l’absence de démonstration d’une faute
commise par Alexandre BALKANY dont il serait résulté un préjudice financier pour l’Etat
puisqu’il a été reconnu coupable de dissimulation du fait que ses parents étaient les véritables
propriétaires de la villa DAR GUYCY, cette infraction intervenant alors que le délit était déjà
consommé.
Il fait valoir que les frais liés aux procédures mises en oeuvre par l’Etat français pour faire valoir
ses droits sont indemnisés par les sommes allouées au titre de l’article 475-1 du code de procédure
pénale et qu’il ne justifie pas de l’existence de frais liés à d’autres procédures que celles diligentées
par le parquet financier et les magistrats instructeurs. Il ajoute que les préjudices sont chiffrés de
manière totalement arbitraire et qu’il est difficile de distinguer le préjudice moral de celui d’atteinte
au crédit de l’Etat.
Il conclut enfin à titre très subsidiaire à la limitation de sa condamnation rappelant avoir agi par
loyauté familiale, alors que l’infraction reprochée à ses parents était déjà consommée et faisant état
de la précarité de sa situation financière, étant au chômage, lourdement endetté et n’étant plus
propriétaire que de la nue-propriété du Moulin de Cossy confisqué par le tribunal.

Par voie de conclusions aux fins de restitution régulièrement déposées à l’audience, le conseil
d’Alexandre BALKANY demande à la cour :
-de juger régulier et effectif l’acte de donation-partage régularisé le 13 mars 1997 par les époux
BALKANY au profit de leurs enfants
-de dire inapplicable la peine de confiscation du bien Moulin de Cossy prononcée à l’encontre de
Patrick et Isabelle BALKANY comme inapplicable en raison du principe de non-rétroactivité des
lois pénales plus sévères
-de juger que la clause d’inaliénabilité insérée dans l’acte de donation fait obstacle à la confiscation
du bien à titre de peine complémentaire à l’encontre de Patrick et Isabelle BALKANY
-de juger que le démembrement du droit de propriété opéré sur ce bien fait obstacle à la
confiscation des droits des nus-propriétaires sur ledit bien
-de juger que la nature indivise de la nue-propriété dudit bien fait obstacle à la confiscation des
droits des nus-propriétaires
-d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté la demande de restitution formée par
Alexandre BALKANY
-statuant à nouveau, ordonner la restitution à Alexandre BALKANY de sa quote-part indivise de la
nue-propriété de ce bien
-A titre subsidiaire, juger que la confiscation du Moulin de Cossy porte une atteinte
disproportionnée aux droits d’Alexandre BALKANY
-d’infirmer en conséquence le jugement entrepris et ordonner la restitution à Alexandre BALKANY
de sa quote-part indivise de la nue-propriété de ce bien.
Le conseil d’Alexandre BALKANY soutient que la donation-partage intervenue est licite, régulière
et effective, que toute action en contestation est prescrite de sorte qu’elle ne peut être écartée.
Il rappelle que la législation en vigueur au moment des faits, seule applicable en l’espèce, le délit de
blanchiment étant considéré comme une infraction instantanée et donc réputée consommée ici au
1er janvier 2007, ne prévoyait qu’une peine de confiscation portant sur les biens dont le condamné
était propriétaire de sorte que la confiscation de la pleine propriété du bien ne peut être ordonnée et
ne pourrait porter que sur les droits que les époux BALKANY détiennent en qualité d’usufruitiers.
A titre subsidiaire, il fait état de ce que la nature indivise de la nue-propriété fait obstacle à la
confiscation des droits des nus-propriétaires sur ce bien, la saisie d’une part indivise n’étant pas
possible dans la mesure où elle se heurte au droit dont dispose chaque indivisaire sur l’ensemble du
bien indivis et non sur une portion déterminée de la chose.
Il excipe encore de l’atteinte disproportionnée portée aux droits d’Alexandre BALKANY, nue-
propriétaire de bonne foi, par la mesure de confiscation laquelle le sanctionnerait alors même qu’il
n’a pas été condamné à une peine de confiscation et le priverait de ses droits sur le seul bien sur
lequel il dispose d’un droit de propriété et ce d’autant qu’il s’agit de la résidence familiale depuis
des années. Il ajoute qu’à supposer applicable la loi n°2012-409 du 27 mars 2012, ce qu’il conteste,
la confiscation des biens démembrés relève d’une interprétation extensive des articles 131-21 alinéa
6 et 324-7 12° du code pénal comme n’étant pas textuellement prévue et portant atteinte au principe
de l’interprétation stricte de la loi pénale.

Par voie de conclusions régulièrement déposées à l’audience, Vanessa BALKANY, intervenante


volontaire, demande à la cour de :
-de déclarer son appel recevable
-de déclarer recevable son intervention volontaire
-de juger l’acte de donation-partage du 13 mars 1997 régulier et effectif
-de juger la peine de confiscation du Moulin de Cossy prononcée, inapplicable en raison du
principe de non-rétroactivité des lois pénales plus sévères
-de juger que la clause d’inaliénabilité insérée dans l’acte de donation fait obstacle au prononcé de
la peine de confiscation du bien à l’encontre des époux BALKANY
-de juger que le démembrement de propriété du bienfait obstacle à la confiscation des droits des
nus-propriétaires sur ce bien
-de juger que la nature indivise de la nue-propriété du bien fait obstacle à la confiscation des droits
des nus-propriétaires sur ce bien
-d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté la demande de restitution formée par Vanessa
BALKANY
-statuant à nouveau d’ordonner la restitution à Vanessa BALKANY de sa quote-part indivise de la
nue-propriété de ce bien
-A titre subsidiaire, de juger que la confiscation du Moulin de Cossy porte une atteinte
disproportionnée aux droits de Vanessa BALKANY
-d’infirmer en conséquence le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté sa demande de restitution
-statuant à nouveau, d’ordonner la restitution à son profit de sa quote-part indivise de la nue-
propriété dudit bien.
Elle formule au soutien de ses demandes les mêmes développements que son frère.

SUR CE
LA COUR,
En la forme

Les appels interjetés à titre principal par Patrick BALKANY, Isabelle BALKANY, Alexandre
BALKANY ainsi que les appels incidents du ministère public et de l’Etat français ayant été
régulièrement reçus par la précédente formation dont la décision n’a pas été censurée sur ce point,
de même que l’intervention volontaire de Vanessa BALKANY, il n’y a pas lieu de les recevoir à
nouveau, ceux-ci étant en tout état de cause recevables.

Sur le périmètre de la saisine de la cour de renvoi

L’arrêt rendu par la Cour de cassation saisie des pourvois formés par Patrick BALKANY, Isabelle
BALKANY et Alexandre BALKANY cantonne le périmètre de la cour de renvoi aux seules
dispositions afférentes aux peines et intérêts civils prononcées par l’arrêt rendu le 27 avril 2020 par
la cour d’appel de Paris autrement composée. La cour précise s’agissant d’Alexandre BALKANY,
que celui-ci n’ayant interjeté appel que des dispositions civiles du jugement rendu le 18 octobre
2019 qui l’a reconnu coupable et condamné du chef de blanchiment, la peine prononcée à son
encontre par le tribunal correctionnel dans le jugement du 18 octobre 2019 est définitive.

S’agissant des appels interjetés par Jean-Pierre AUBRY et Arnaud CLEMENT le 21 octobre 2022 à
l’encontre des dispositions du jugement rendu contradictoirement à leur encontre par le tribunal
correctionnel de Paris le 18 octobre 2019, il convient de relever que ceux-ci ont été formés hors
délais par application des dispositions de l’article 498 du code de procédure pénale.
La cour rappelle en outre que les règles applicables en matière pénale sont celles prévues par le
code de procédure pénale et que l’article 509 dudit code énonce que l’affaire est dévolue à la cour
d’appel dans les limites fixées par l’acte d’appel et par la qualité de l’appelant ainsi qu’il est dit à
l’article 515 lequel prévoit les effets des appels des différentes parties.
Ainsi, au visa de ces textes, la cour, ne peut remettre en cause les dispositions d’un jugement ayant
acquis force de chose jugée, l’appel d’un prévenu ne pouvant en aucun cas bénéficier à ses co-
prévenus non appelants même en cas de condamnation solidaire.
En l’espèce, Jean-Pierre AUBRY et Arnaud CLEMENT n’ont pas interjeté appel du jugement rendu
le 18 octobre 2019 lequel est définitif à leur encontre en toutes ses dispositions, l’appel de la partie
civile ne permettant aucunement de le modifier les concernant dans un sens défavorable à cette
dernière.
La cour retient encore que les dispositions de l’article 6§1 de la convention européenne de
sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales énonçant le droit pour toute
personne à un procès équitable et les dispositions de l’article préliminaire du code de procédure
pénale qui consacre le droit à un procès équitable, contradictoire et préservant l’équilibre des droits
des parties ne peuvent recevoir application en l’espèce, Jean-Pierre AUBRY et Arnaud CLEMENT
ayant délibérément et en toute connaissance de cause et alors même qu’ils étaient depuis le début de
l’information assistés de conseils, fait choix de ne pas interjeter appel et de passer condamnation de
sorte qu’ils ne peuvent désormais valablement exciper d’une quelconque atteinte à leurs droits.
La cour relève d’ailleurs que la chambre criminelle n’a pas entendu faire application des
dispositions de l’article 612-1 du code de procédure pénale lequel lui permet, lorsque l’intérêt de
l’ordre public ou une bonne administration de la justice le commande, d’ordonner que l’annulation
qu’elle prononce produise effet à l’égard des parties qui ne se sont pas pourvues.
Au vu de l’ensemble de ces éléments les appels formés par Jean-Pierre AUBRY et Arnaud
CLEMENT sont rejetés.

S’agissant de leur intervention volontaire, la cour retient que si l’article 459 du code de procédure
pénale prévoit que le prévenu, les autres parties et leurs avocats peuvent déposer des conclusions,
Jean-Pierre AUBRY et Arnaud CLEMENT ne peuvent valablement exciper de la qualité de partie à
la présente procédure ayant été définitivement condamnés dans le cadre de cette affaire par le
tribunal correctionnel de Paris de sorte qu’ils n’ont plus qualité pour agir à quelque titre que ce soit.
En effet l’admission de leur intervention volontaire conduirait à remettre en cause l’autorité de la
chose jugée.

Pour les raisons sus-énoncées, la demande de Jean-Pierre AUBRY et Arnaud CLEMENT tendant à
ce que l’arrêt à intervenir soit déclaré par eux opposable à l’Etat français ne saurait prospérer.

Sur les peines

Par application des dispositions des articles 130-1, 132-1 et 132-24 du code pénal, la juridiction
prononce les peines et fixe leur régime en fonction de la gravité et des circonstances de l’infraction
comme de la personnalité et de la situation personnelle de son auteur. La nature, le quantum et le
régime des peines prononcées sont fixées en tenant compte des circonstances de l’infraction et de la
personnalité de son auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale et ce de manière à
concilier la protection effective de la société, la sanction du condamné et les intérêts de la victime
avec la nécessité de favoriser l’insertion ou la réinsertion du condamné et de prévenir la
commission de nouvelles infractions.

Patrick BALKANY

Patrick BALKANY a été déclaré coupable des chefs de blanchiment de fraude fiscale commis de
façon habituelle, de prise illégale d’intérêts par personne chargée d’une mission de service public et
de déclaration mensongère ou incomplète de situation patrimoniale à la HATVP par un
parlementaire.
Ces faits sont d’une particulière gravité en regard de leur durée, près de sept années, des sommes
considérables sur lesquelles ils portent, et de la sophistication des procédés utilisés pour y parvenir
à savoir le recours à des fiduciaires suisses qui ont créé des sociétés offshores, détentrices de
comptes bancaires sur lesquels des flux de devises d’origine indéterminée ont transité, permettant
aux époux BALKANY d’acquérir des biens immobiliers, de les entretenir et d’assurer leur train de
vie. Ils témoignent d’une organisation délictuelle construite, structurée et soigneusement organisée
par Patrick BALKANY attestant d’une volonté constante de commettre et poursuivre ses
agissements délictueux.
En outre, en sa qualité de maire, Patrick BALKANY, agent de l’Etat et officier de police judiciaire,
était tenu à un devoir de probité et d’exemplarité. Or, il a usé des prérogatives que lui offraient sa
fonction de président de la SEMARELP, société d’économie mixte détenue à 80% par la ville de
Levallois-Perret et gérant des fonds publics pour tirer des avantages personnels de l’allocation du
marché de construction des tours de Levallois aux sociétés de Mohamed AL JABER.
S’agissant des faits d’omission déclarative à la HATVP, la cour retient l’ampleur de la dissimulation
voire l’absence totale de déclaration d’une partie de son patrimoine.
La cour tient compte du fait que si Patrick BALKANY reconnaît in fine les faits qui lui sont
reprochés, il les a longtemps contestés et les a minimisés jusque devant la cour d’appel. A
l’audience, il ne s’en explique pas et exprime des regrets indiquant qu’il « aurait dû faire
autrement ».

Patrick BALKANY est âgé de 74 ans. Il est marié et père de deux enfants majeurs. Il a connu une
longue carrière politique débutée comme conseiller général des Hauts de Seine à compter du 22
mars 1982. Il a ensuite été député du 23 juin 1988 au 21 avril 1997 puis du 19 juin 2002 au 20 juin
2017. Il a aussi été maire de Levallois-Perret du 14 mars 1983 au 18 juin 1995 puis du 19 mars
2001 jusqu’en mars 2020 où il a dû abandonner ses fonctions compte tenu de la peine d’inéligibilité
prononcée à son encontre avec exécution provisoire. Il a ainsi été maire de cette commune pendant
21 ans.
Retraité, il déclare percevoir avec son épouse des revenus mensuels de l’ordre de 11 000€ après
retenue à la source. La déclaration de revenus des époux BALKANY pour l’année 2021 mentionne
un revenu imposable de 163 273€ soit 13 606€ par mois et fait apparaître l’emploi d’un salarié à
domicile auquel ils versent un revenu annuel de 35 273€ soit 2952€ par mois leur ouvrant droit à un
crédit d’impôt ce qui atteste de leurs facultés contributives. Ils justifient en outre acquitter la
somme mensuelle de 1300€ outre un versement de 5000€ en mai 2022 à l’administration fiscale en
remboursement des sommes dues. Son épouse et lui sont en effet redevables de très importantes
sommes envers l’administration fiscale.
Compte tenu de la donation partage consentie au profit de leurs enfants par Isabelle et Patrick
BALKANY le 13 mars 1997, rectifiée par acte notarié du 4 septembre 1997, les époux BALKANY
sont propriétaires du droit d’usufruit de leur résidence principale “moulin de Cossy” sise sur les
communes de Giverny et Limetz dont la valeur en pleine propriété était alors estimée à 4 880 000
francs. S’il fait état de charges importantes d’entretien de cette propriété, Patrick BALKANY n’en
justifie pas. Cette donation partage ne porte que sur les biens immobiliers sis à Giverny et Limetz et
ne concerne pas les biens mobiliers..
Son casier judiciaire porte mention de trois condamnations dont une réhabilitée de plein droit, une
prononcée le 1er mars 2016 par le tribunal correctionnel de Nanterre à la peine de 3000€ d’amende
avec sursis pour diffamation envers un fonctionnaire, un dépositaire de l’autorité publique ou
chargé d’une mission de service public et une autre prononcée le 4 mars 2020 à la peine de 4 ans
d’emprisonnement dont un an avec sursis, interdiction de gérer pendant 10 ans et privation du droit
d’éligibilité pendant 10 ans avec exécution provisoire pour fraude fiscale, faits commis entre 2000
et 2005. Mandat de dépôt a alors été décerné à son encontre.
Il a été incarcéré le 13 septembre 2019 et remis en liberté pour raison médicale le 12 février 2020.
Dans le cadre de la condamnation pour fraude fiscale, Patrick BALKANY, a été admis au bénéfice
de la libération conditionnelle, comme étant âgé de plus de 70 ans, par jugement du juge de
l’application des peines en date du 18 février 2021 lequel relevait le bon déroulement de son
placement sous surveillance électronique à titre probatoire.
Cette mesure lui a été retirée par jugement du tribunal de l’application des peines en date du 17
décembre 2021 confirmé par arrêt de la chambre de l’application des peines près la cour d’appel de
Rouen au motif qu’il n’avait pas accepté ni respecté les contraintes inhérentes à la surveillance
électronique et il a été réincarcéré le 7 février 2022.
Il a, à nouveau été admis au bénéfice de la libération conditionnelle à compter du 1er juin 2022, par
décision en date du 30 mai 2022 confirmée par arrêt de la chambre de l’application des peines du 4
août 2022. Si aux termes de cette décision, le faible recul de Patrick BALKANY sur les faits a été
relevé, ses efforts initiés en vue du règlement des sommes dues au trésor public et sa prise de
conscience de devoir se soumettre aux décisions judiciaires ont été soulignés.
Le docteur MAHE, psychiatre, dans son rapport du 15 octobre 2020, établi alors que Patrick
BALKANY était détenu, a retenu l’absence de pathologie mentale lourde ou potentiellement
aliénante mais une symptomatologie dépressive, l’absence de demande de prise en charge, une
évolution personnelle limitée au regard de la condamnation intervenue pour fraude fiscale et des
regrets exprimés sans sentiment de culpabilité.
Le collège d’expert nommé concluait le 21 octobre 2020 que Patrick BALKANY présentait de
multiples pathologies et un état dépressif susceptible d’entraîner un syndrome de glissement. Une
prise en charge médicale et psychologique avec traitement antidépresseur était préconisée.
Les éléments médicaux produits, et notamment le courrier établi le 20 janvier 2022 par le Pr
DOUSSET, attestent de ce que depuis 2019 Patrick BALKANY souffre de problèmes cardiaques et
gastro-entérologiques ayant nécessité plusieurs hospitalisations et interventions et que son état de
santé demeure très précaire.
Il a été opéré en octobre 2022 d’une hernie inguinale droite.

Au vu de la gravité objective des faits, strictement contraires aux valeurs fondamentales de la


République que Patrick BALKANY était censé défendre et représenter, aux lourds dommages qui
en sont résultés à la solidarité nationale et à la confiance publique, du respect nécessaire de
l’équilibre social, des circonstances de leur commission ci-avant décrite, de la personnalité de
Patrick BALKANY, de sa situation matérielle et personnelle établie au vu des justificatifs produits,
mais aussi tenant compte de l’atteinte désormais ancienne portée au pacte social, il convient de
prononcer, à l’encontre de Patrick BALKANY une peine d’emprisonnement délictuel de 54 mois,
toute autre sanction apparaissant manifestement inadéquate.
Le jugement sera réformé en ce sens.

Pour les mêmes motifs et eu égard aux gains importants procurés par la commission des infractions
au détriment de la collectivité et tenant compte des revenus des époux BALKANY, de la valeur du
mobilier et des bijoux évalués à plus de 542 880€ lors de la perquisition de leur domicile, la cour
condamne Patrick BALKANY au paiement d’une amende délictuelle de 100 000€ qui apparaît
proportionnée à ses revenus, patrimoine et charges tels que décrits.

Eu égard à la gravité des faits ci-avant démontrée, et au vu de la personnalité de Patrick


BALKANY, de sa situation matérielle, telles que décrites et compte tenu du fait qu’il s’est rendu
coupable des faits de blanchiment aggravé et d’omission déclarative alors qu’il exerçait un mandat
électif, la cour confirme la peine d’inéligibilité prononcée pour une durée de 10 ans par le tribunal
sur le fondement des dispositions des articles 324-7 9°, 131-26 2° et 131-26-1 du code pénal.
L’atteinte ainsi portée aux principes de la liberté d’être élu et de la libre expression définis par
l’article 10 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du
4 novembre 1950 étant proportionnée à la gravité des faits commis et à la personnalité de leur
auteur sur lequel pesaient une exigence de probité toute particulière, étant précisé que l’inéligibilité
ainsi que rappelé par l’article 131-26 du code pénal emporte interdiction d’exercer une fonction
publique. La cour rappelle qu’en sa qualité d’élu depuis de très longues années, il était tenu a un
devoir d’exemplarité et a, par les faits commis, démontré son incapacité à représenter ses
concitoyens dans le respect des valeurs de la République.
Afin d’assurer l’effectivité de la peine d’inéligibilité prononcée et son exécution immédiate, il y a
lieu de l’assortir de l’exécution provisoire en application des dispositions des articles 131-10 et 471
alinéa 4 du code de procédure pénale.

Au visa de ces mêmes éléments, du statut de Patrick BALKANY, à l’époque des faits, de président
de la SEMARELP, société d’économie mixte gérant des fonds publics, fonction qui exige une réelle
éthique, et afin d’éviter tout renouvellement des faits, la cour confirme la peine complémentaire
d’interdiction d’exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d’administrer, de
gérer ou de contrôler, à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour son propre compte
ou pour le compte d’autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale
pour une durée de 10 ans en application des dispositions de l’article 324-7 1° du code pénal
prononcée par le tribunal.

Sur la base de ces éléments, la cour entend encore, par application des dispositions des articles 432-
17 2° et 131-27 du code pénal prononcer à l’encontre de Patrick BALKANY l’interdiction à titre
définitif d’exercer l’activité à l’occasion de laquelle l’infraction a été commise soit en l’espèce
l’interdiction d’exercer toute fonction ou emploi dans un organisme gérant des fonds publics.
Pour assurer son effectivité et l’exécution immédiate, cette interdiction d’exercice sera assortie de
l’exécution provisoire en application des dispositions des articles 131-10 du code pénal et 471
alinéa 4 du code de procédure pénale.

Isabelle BALKANY
Isabelle BALKANY a été déclarée coupable des faits de blanchiment de fraude fiscale commis de
façon habituelle et de déclaration mensongère ou incomplète de situation patrimoniale à la HATVP
par une personne titulaire ou délégataire d’une fonction exécutive locale. Ces faits sont d’une
gravité certaine en ce qu’ils ont été commis dans un but exclusivement lucratif, de manière
consciente et délibérée, se sont déroulés pendant plusieurs années, de manière continue, à un
rythme soutenu, sans qu’à aucun moment Isabelle BALKANY envisage d’y mettre spontanément
fin, et ce, afin de maintenir un train de vie fastueux alors même que les revenus licites tirés de son
activité professionnelle, ainsi que ceux de son mari et les sommes héritées de sa famille lui
assuraient une situation matérielle confortable. Ces faits témoignent d’une organisation délictuelle
construite et structurée à laquelle elle a pris une part active étant notamment en relation avec les
différents acteurs, les gestionnaires suisses et étant bénéficiaire économique de certaines des
sociétés écrans pour dissimuler ses avoirs. Ces faits ont été commis alors qu’elle était investie de
mandats électifs et était chevalier de la légion d’honneur et officier des palmes académiques et
tenue à ces titres d’un devoir de probité et d’exemplarité tant dans sa vie publique que privée.
La cour retient aussi, s’agissant de l’omission déclarative à la HATVP, l’ampleur de la minoration
et la dissimulation de la villa Dar Guycy.

Isabelle BALKANY est âgée de 75 ans. Elle est issue d’une famille aisée et rapporte une jeunesse
dorée. Elle est mariée et mère de deux enfants. Titulaire d’une maîtrise, elle a toujours travaillé,
comme journaliste puis directrice de la communication à Europe 1, avant de s’engager elle-même
en politique, aux côtés de son mari qu’elle a toujours soutenu. Elle a ainsi été élue vice-présidente
du conseil général des Hauts de Seine en charge de la vie scolaire de 1989 à 2011 et première
adjointe à la mairie de Levallois-Perret de 2001 à 2020. Elle a été nommée chevalier de la légion
d’honneur et officier des palmes académiques.
Elle justifie d’importants problèmes de santé étant soignée pour un cancer du poumon et souffrant
d’un syndrome dépressif l’ayant conduite à plusieurs tentatives d’autolyses.
S’agissant de sa situation matérielle, les éléments ci-avant développés concernant son époux,
Patrick BALKANY seront repris, tant Patrick BALKANY qu’elle-même excipant d’une
communauté et d’une solidarité financière absolue.
Son casier judiciaire porte mention de deux condamnations dont une réhabilitée de plein droit et la
seconde prononcée le 4 mars 2020 par la cour d’appel de Paris à la peine de 3 années
d’emprisonnement, interdiction de gérer pendant 10 ans et privation du droit d’éligibilité pendant
10 ans avec exécution provisoire pour fraude fiscale.
Admise par décision du juge de l’application des peines d’Evreux en date du 18 février 2021au
bénéfice d’une détention à domicile sous surveillance électronique probatoire à une libération
conditionnelle, cette mesure a été révoquée par décision du tribunal de l’application des peines
d’Evreux intervenue le 17 décembre 2021 confirmée par la chambre de l’application des peines de
Rouen en date du 3 février 2022 laquelle relevait qu’Isabelle BALKANY n’avait jamais accepté les
contraintes inhérentes à la détention à domicile sous surveillance électronique ni le cadre imposé ce
dont attestait notamment le caractère outrancier et ironique de ses propos envers le personnel de
l’administration pénitentiaire. Cette décision retenait aussi qu’elle n’avait jamais entrepris le
règlement des sommes dues aux finances publiques malgré l’importante dette fiscale.
Cette décision n’a pas reçu application compte tenu de ses problèmes de santé.
Elle justifie désormais des efforts entrepris pour apurer les sommes dues à l’administration fiscale à
laquelle elle verse mensuellement la somme de 650€.
Elle a été exclue du droit de l’ordre national de la légion d’honneur par décision de la grande
chancellerie de la légion d’honneur en date du 23 juin 2021.
La cour retient qu’alors qu’elle avait admis devant la cour «une faute», qui, «si elle n’avait pas
d’excuses avait des explications» indique reconnaître désormais les faits.
Dans le cadre de cette procédure, elle a été placée sous contrôle judiciaire par ordonnance du juge
d’instruction en date du 22 mai 2014 et a versé la caution de 1 000 000€ mise à sa charge. Elle
indique avoir emprunté cette somme à son fils et produit à cette fin la reconnaissance de dette
établie entre eux le 5 août 2014 dûment enregistrée.
Eu égard à la gravité des faits, à la personnalité d’Isabelle BALKANY qui s’est inscrite
durablement, sans jamais se remettre en cause, dans une forme de délinquance financière structurée,
à sa situation matérielle, familiale et sociale, il convient de la condamner à une peine de 42 mois
d’emprisonnement, toute autre sanction apparaissant manifestement inadéquate.
Le jugement déféré sera donc, en conséquence, infirmé sur la peine.

Au vu des mêmes éléments, de son enrichissement indu au détriment de la collectivité publique, la


cour la condamne en outre à une amende délictuelle de 100 000€ retenant que son mari et elle
perçoivent un revenu mensuel de 13 606€ après retenue à la source et que, s’ils justifient
rembourser 1300€ au trésor public en apurement des sommes dues, ils sont en mesure d’affecter
une somme mensuelle de près de 3000€ pour un employé de maison. La caution versée,
garantissant à concurrence de la somme de 900 000€ la réparation des dommages causés par
l’infraction, les restitutions et les amendes dans l’ordre indiqué, sera affectée prioritairement au
paiement de cette amende.

Eu égard à la gravité des faits ci-avant démontrée, et au vu de la personnalité d’Isabelle


BALKANY, de sa situation matérielle telles que décrites et compte tenu du fait qu’elle s’est rendue
coupable des faits de blanchiment aggravé et d’omission déclarative alors qu’elle exerçait un
mandat électif, la cour confirme la peine complémentaire d’inéligibilité pour une durée de 10 ans
prononcée par le tribunal, sur le fondement des dispositions des articles 324-7 9° et 131-26-1 du
code pénal. L’atteinte ainsi portée aux principes de la liberté d’être élu et de la libre expression
définis par l’article 10 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés
fondamentales du 4 novembre 1950 étant proportionnée à la gravité des faits commis et à la
personnalité de leur auteur sur lequel pesaient un devoir de probité particulier, La cour rappelle
qu’en sa qualité d’élue depuis de nombreuses années et chevalier de chevalier de la légion
d’honneur, distinction honorifique, elle était tenue a un devoir d’exemplarité et a, par les faits
commis, démontré son incapacité à représenter ses concitoyens dans le respect des valeurs de la
République.
L’inéligibilité ainsi que rappelé par l’article 131-26 du code pénal emporte interdiction d’exercer
une fonction publique.
Afin d’assurer l’effectivité de la peine d’inéligibilité prononcée et son exécution immédiate, il y a
lieu de l’assortir de l’exécution provisoire en application des dispositions des articles 131-10 et 471
alinéa 4 du code de procédure pénale.

Au visa de ces mêmes éléments, compte tenu des circonstances de commission des infractions et
afin d’éviter tout renouvellement, Isabelle BALKANY ayant démontré qu’elle se servait de sociétés
pour opacifier des flux d’argent frauduleux, la cour confirme la peine complémentaire
d’interdiction d’exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d’administrer, de
gérer ou de contrôler, à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour son propre compte
ou pour le compte d’autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale
pour une durée de 10 ans en application des dispositions de l’article 324-7 1° du code pénal
prononcée par le tribunal.

Sur la peine complémentaire de confiscation

L’article 131-21 du code pénal en vigueur au 5 mars 2007 énonce que la peine complémentaire de
confiscation est encourue dans les cas prévus par la loi ou le règlement. Elle est également
encourue de plein droit pour les crimes ou délit punis d’une peine d’emprisonnement d’une durée
supérieure à un an, à l’exception des délits de presse. (alinéa 1)
La confiscation porte sur tous les biens meubles ou immeubles, quelle qu’en soit la nature, divis ou
indivis, ayant servi à commettre l’infraction ou qui étaient destinés à la commettre, et dont le
condamné est propriétaire ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont il avait la
libre disposition. (alinéa 2)
Elle porte également sur tous les biens qui sont l’objet ou le produit direct de l’infraction, à
l’exception des biens susceptibles de restitution à la victime. Si le produit de l’infraction a été mêlé
à des fonds d’origine licite pour l’acquisition d’un ou plusieurs biens, la confiscation ne peut porter
sur ces biens qu’à concurrence de la valeur estimée de ce produit. (alinéa 3)
La peine complémentaire de confiscation, s’agissant d’un délit puni de cinq ans d’emprisonnement
et ayant procuré un profit direct ou indirect, porte également sur les biens meubles ou immeubles,
qu’elles qu’en soit la nature, divis ou indivis, appartenant au condamné qui, mis en mesure de
s’expliquer sur les biens dont la confiscation est envisagée, n’a pu en justifier l’origine. (alinéa 5)
Lorsque la loi qui réprime le crime ou le délit le prévoit, la confiscation peut aussi porter sur tout
ou partie des biens appartenant au condamné quelle qu’en soit la nature, meubles ou immeubles,
divis ou indivis. (alinéa 6)
Lorsque la chose confisquée n’a pas été saisie ou ne peut être représentée, la confiscation peut être
ordonnée en valeur. (alinéa 9)
La chose confisquée est, sauf disposition particulière prévoyant sa destruction ou son attribution,
dévolue à l’État, mais elle demeure grevée, à concurrence de sa valeur, des droits réels licitement
constitués au profit de tiers. (alinéa 10)

La loi 2010-768 du 9 juillet 2010 a modifié l’article 131-21 en prévoyant la confiscation dans les
mêmes conditions des droits incorporels quels qu’en soient la nature, divis ou indivis (alinéa 8)

La loi n°2012-409 du 27 mars 2012 a encore modifié les dispositions de l’article 131-21 en
prévoyant pour les alinéas 5 et 6, la confiscation de tout ou partie des biens du condamné ou, sous
réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont il a la libre disposition, qu’elle qu’en soit la
nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis.

L’article 324-7 alinéa 7 du code pénal, dans sa version applicable du 6 août 2008 au 29 mars 2012,
prévoit notamment que les personnes coupables de blanchiment encourent notamment la
confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l’infraction ou de la chose qui en
est le produit, à l’exception des objets susceptibles de restitution (8°) et la confiscation de tout ou
partie des biens du condamné, qu’elle qu’en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis
(12°).

La loi n°2012-409 du 27 mars 2012 a modifié les dispositions de l’article 324-7 12° du code pénal
prévoyant la confiscation de tout ou partie des biens du condamné ou, sous réserve des droits du
propriétaire de bonne foi, dont il a la libre disposition, qu’elle qu’en soit la nature, meubles ou
immeubles, divis ou indivis.

Les époux BALKANY ont été déclarés coupables de blanchiment de fraude fiscale commis de
façon habituelle entre le 1er janvier 2007 et le 31 décembre 2014.
Il est constant que la peine complémentaire de confiscation n’est encourue que dans les cas prévus
par la loi et le règlement et qu’il doit être fait application du principe de non-rétroactivité de la loi
pénale plus sévère par application des dispositions de l’article 112-1 du code pénal. Pour autant, il
convient de rappeler que si l’infraction de blanchiment s’exécute en un trait de temps et constitue
une infraction instantanée, le caractère habituel a été retenu de sorte que les faits commis
postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi nouvelle sont soumis à celle-ci et qu’en conséquence
il ne saurait être valablement soutenu d’une part que le blanchiment constitue une infraction
continue ni qu’il ne saurait être imputé à Patrick BALKANY une peine non en vigueur à la date du
début de l’infraction soit au 1er janvier 2007. Les époux BALKANY encourent donc la peine
complémentaire de confiscation générale de tout ou partie de leur patrimoine, conformément aux
dispositions des articles 131-21 al 6 et 324-7 du code pénal, ces dernières dispositions ayant été
introduites dans le code pénal par la loi du 27 mars 2012. En effet, lorsqu’une loi crée une
circonstance aggravante d’habitude, elle est applicable, sans qu’il soit fait échec au principe de non-
rétroactivité, dès lors que le deuxième acte constitutif de l’habitude a été perpétré sous ladite loi.
Tel est bien le cas en l’espèce.

La pleine propriété de la villa Dar Guycy sise à Marrakech et le solde créditeur du compte bancaire
n°5250691400200 ouvert dans les livres de l’Arab Bank à Marrakech au nom de la SCI Dar Guycy
ont fait l’objet d’une saisie conservatoire effectuée par les autorités marocaines agissant sur
commission rogatoire internationale (PV du 24 juin 2015). Le titre au porteur de la société
HAYDRIDGE composé de 100 actions pour un capital de 10 000 dollars a été saisi par ordonnance
du juge d’instruction du 8 janvier 2015.
La villa Dar Guycy a été acquise en 2010 par la SCI Dar Guycy détenue à 99% par la société
HAYDRIDGE et à 1% par Mme BRUSCH, salariée de la financière GESTRUST.
La cour a retenu que les époux BALKANY avaient mandaté Mr ANGST, représentant la société
GESTRUST, par l’intermédiaire de Jean-Pierre AUBRY pour créer deux structures de droit
panaméen, la société HAYDRIGE en vue d’acquérir la maison Dar Guycy et la société HIMOLA
aux fins de percevoir une commission de 5 000 000 dollars, le compte de la société HIMOLA ayant
été débité de 3 600 000 dollars versés sur le compte bancaire du vendeur de la villa deux jours
avant l’achat devant notaire. Mr ANGST, a dénoncé au bureau de l’office fédéral de la police de
Berne le montage réalisé dans le cadre de l’acquisition de cette maison et indiqué que les époux
BALKANY étaient, au travers du montage réalisé, les véritables bénéficiaires économiques des
sociétés HAYDRIDGE et HIMOLA et les véritables détenteurs des parts sociales de la SCI Dar
Guycy.
Mme BRUSCH a déclaré ne rien ignorer de cela.
Les investigations ont mis en évidence que les époux BALKANY ont choisi cette villa, ont négocié
son prix avec le vendeur, l’ont meublée et entretenue, s’y rendaient fréquemment, personne ne
pouvant venir sans eux.
Au vu de ces éléments, la propriété juridique apparente doit être requalifiée, les époux BALKANY
étant les propriétaires réels de la villa Dar Guycy. En outre, au vu des éléments ci-avant développés,
la SCI Dar Guycy et la société HAYDRIDGE ne peuvent être considérées comme propriétaires de
bonne foi de cette villa.
Les époux BALKANY sont aussi les seuls bénéficiaires économiques des parts des sociétés
HAYDRIDGE, HIMOLA et de la SCI Dar Guycy.

La villa Pamplemousse sise à Saint Martin a été saisie par ordonnance du juge d’instruction du 14
mai 2014 puis vendue sur autorisation judiciaire pour la somme de 2 000 000 dollars américains.
Après dédommagement des créanciers, le solde du prix de vente, soit la somme de 1 357 767,70€ a
été versée à l’AGRASC.
L’information judiciaire a établi que société FWI, dont Isabelle BALKANY était seule bénéficiaire
économique jusqu’au 8 juillet 2004, date à laquelle son époux devenait également bénéficiaire
économique aux termes d’une décision du conseil d’administration, propriétaire officiel de la villa
Pamplemousse, n’était qu’une société écran, les époux BALKANY en étant les véritables
propriétaires.
Il est avéré qu’ils séjournaient régulièrement dans cette maison, la donnait en location et
percevaient les loyers, acquittaient l’assurance multirisque habitation et décidaient des travaux
d’entretien et d’aménagement qui étaient supportés par la société FWI. La cour a retenu qu’ainsi,
les époux BALKANY pouvaient bénéficier de cette maison sans que les dépenses y afférent
n’apparaissent sur leurs propres comptes bancaires. La cour a aussi retenu que les statuts
complémentaires de la société FWI, adoptés le 8 juillet 2004, prévoyaient expressément que les
époux BALKANY possédaient leur vie durant les droits sur la fortune et les revenus de la société
FWI.
Suite à la saisie du bien, les époux BALKANY ont demandé au juge d’instruction l’autorisation de
pouvoir la vendre, démontrant par là même en disposer.
Les représentants de la société FWI ne pouvaient ignorer ces éléments de sorte que cette société ne
peut être qualifiée de propriétaire de bonne foi.
Au vu de ces éléments, la propriété juridique apparente doit être requalifiée, les époux BALKANY
étant les propriétaires réels de la villa Pamplemousse.

Le moulin de Cossy.
La pleine propriété de ce bien a fait l’objet de deux ordonnances de saisie pénale rendues par le
juge d’instruction le 9 juillet 2015 et confirmées par arrêts de la chambre de l’instruction de la cour
d’appel de Paris le 3 novembre 2016.
Les époux BALKANY ont acquis cet ensemble immobilier sis à Giverny et Limetz entre 1986 et
1990. Il s’agit de leur domicile familial. En vertu d’une donation partage passée devant notaire le
13 mars 1997, rectifiée par acte du 4 septembre 1997, ils ont fait donation de la nue propriété de ce
bien à leurs deux enfants, Alexandre et Vanessa BALKANY, et ont conservé l’usufruit de ce bien
leur vie durant. Cette donation partage est parfaitement légale et Alexandre et Vanessa BALKANY
sont donc des nus-propriétaires de bonne foi.

S’il est acquis que le principe de proportionnalité n’a pas vocation à s’appliquer à la confiscation
d’un bien qui est dans sa totalité le produit de l’infraction, une mesure de confiscation de tout ou
partie du patrimoine doit être motivée en regard de la gravité des faits, de la personnalité de son
auteur, de sa situation personnelle ainsi qu’en tenant compte de l’atteinte portée au droit de
propriété de l’intéressé.

En l’espèce, la gravité des faits de blanchiment commis de façon habituelle est manifeste. Elle est
caractérisée par la mise en place de procédés complexes et sophistiqués, l’instauration de sociétés
écrans, dont les époux BALKANY étaient les bénéficiaires économiques uniques, sociétés qui
disposaient, à l’exception d’une seule, de comptes bancaires, établies dans des paradis fiscaux et
gérées par des sociétés fiduciaires. Ces mécanismes ont permis aux époux BALKANY d’une part
de dissimuler à l’administration fiscale des flux de devises conséquents issus de fraudes fiscales
parfois très anciennes et l’important patrimoine financier et immobilier qu’ils ont ainsi, au fil des
ans pu constituer, d’autre part de l’entretenir et également de financer leur train de vie luxueux.
Ces faits attestent du mode de fonctionnement des époux BALKANY, consistant à éluder le
paiement de très importantes sommes d’impôts. Ils en ont tiré un profit considérable.
Les faits ont perduré pendant sept ans. Les époux BALKANY n’ont pas mis fin spontanément à
leurs agissements frauduleux et n’ont pas collaboré à la manifestation de la vérité pendant
l’information. S’ils expriment à présent des regrets, lis ne paraissent pas encore prendre la pleine
mesure de la gravité de leurs agissements.
Ils sont âgés de 74 et 75 ans. Leur situation matérielle, sociale et personnelle sera reprise telle que
précédemment décrite. Ils ont déjà été condamnés et il convient de prévenir toute réitération des
faits. Ils rencontrent tous les deux d’importants problèmes de santé nécessitant un suivi régulier. Ils
justifient de revenus mensuels de 13 606€ lesquels leur assurent des conditions de vie tout à fait
confortables. Ils ne justifient pas de leurs charges et notamment des frais d’entretien du domicile
familial dont ils excipent. Lors de la perquisition, le mobilier et les bijoux se trouvant dans leur
domicile ont été évalués à la somme de 542 880€. Isabelle BALKANY a déclaré en juin 2014 à la
HATVP posséder des biens mobiliers (valeurs cotées en bourse, assurance-vie, mobilier) pour une
valeur de 444 494€.
La villa Pamplemousse, résidence secondaire, a été vendue à la demande des époux BALKANY et
le prix de vente saisi.
La villa Dar Guycy était aussi à usage de résidence secondaire.
S’agissant du bien immobilier dit « Moulin de Cossy » sis sur les communes de Giverny et
Limetz,les époux BALKANY ne sont titulaires que de l’usufruit. Ainsi, seul l’usufruit est
susceptible d’être confisqué et dévolu à l’État, les nus-propriétaires de bonne foi conservant leurs
droits. Dès lors, Alexandre et Vanessa BALKANY ont vocation à devenir pleinement propriétaires
lorsque l’usufruit de leurs parents prendra fin. En outre, il ne saurait être dévolu à l’État plus de
droits que n’en ont les condamnés. L’article 619 du code civil énonce que s’agissant d’une personne
morale, l’usufruit ne dure que 30 ans. En l’espèce, en vertu de la donation partage, les époux
BALKANY se sont réservés l’usufruit leur vie durant, cet usufruit étant stipulé entièrement
réversible sur la tête et au profit du survivant. Ainsi ne peut être confisqué que l’usufruit du bien
immobilier dit « Moulin de Cossy » jusqu’au décès du survivant des époux BALKANY et dans la
limite de 30 années conformément aux dispositions de l’article 619 du code civil régissant
l’usufruit des personnes morales.

La cour estime qu’au vu de leur situation personnelle, la confiscation de l’usufruit de leur résidence
principale et de la pleine propriété de leurs résidences secondaires permettra néanmoins aux époux
BALKANY de continuer de vivre dans des conditions dignes.

La cour estime que l’atteinte portée à leur droit de propriété et à leur droit au respect de leur vie
privée et familiale par la confiscation de cet usufruit, d’une de leur résidence secondaire et du prix
de vente de la seconde, le montant total des confiscations étant très inférieur au montant du produit
infractionnel, est nécessaire et proportionnée à la nature et la gravité des faits ci-avant établie, aux
manquements commis ainsi qu’à la situation personnelle de Patrick et Isabelle BALKANY et
apparaît nécessaire à l’effectivité de la loi pénale et à la cessation d’une situation gravement
attentatoire aux intérêts de l’État le privant de revenus substantiels.

Par conséquent, la cour :


-infirme le jugement en ce qu’il a ordonné la confiscation de la pleine propriété du bien immobilier
«Moulin de Cossy»
-confisque en application des dispositions des articles 131-21 alinéa 6 et 324-7 12° du code pénal, à
l’encontre de Patrick BALKANY et d’Isabelle BALKANY,
-l’usufruit du bien immobilier «Moulin de Cossy»
-confirme mais sur le fondement des articles 131-21 alinéas 6 et 8 et 324-7 12° du code pénal la
peine complémentaire de confiscation à l’encontre de Patrick BALKANY et d’Isabelle
BALKANY :
-de la somme de 1 357 767,70€, représentant le solde du prix de vente de la villa
Pamplemousse sise à Saint Martin
-du titre au porteur de la société HAYDRIDGE détentrice à 99% de la SCI Dar Guycy dont
le capital social était composé de 100 actions pour un montant de 10 000 dollars américains
-de la pleine propriété en intégralité de la villa Dar Guycy sise à Marrakech (Maroc)
-du solde du compte bancaire n°5250691400200 ouvert dans les livres de l’Arab Bank à
Marrakech au nom de la SCI Dar Guycy.

Au vu des confiscations ordonnées, la situation d’Alexandre et Vanessa BALKANY, détenteurs des


droits de la nue-propriété sur le bien immobilier « Moulin de Cossy » en vertu de la donation
partage à eux consentie par leurs parents n’est aucunement modifiée, la confiscation du seul
usufruit de ce bien jusqu’au décès du survivant des époux BALKANY et pour une durée maximale
de 30 années, les laissant dans une situation parfaitement identique à celle prévue par l’acte de
donation partage de sorte que leurs demandes seront rejetées comme sans objet.

Sur les demandes de confusion de peine


Patrick BALKANY forme une demande de confusion de la peine d’emprisonnement prononcée
par la cour de céans avec celle résultant de sa condamnation prononcée par la cour d’appel de Paris
par arrêt du 4 mars 2020 pour fraude fiscale à la peine de 4 ans d’emprisonnement dont un an avec
sursis.
L’article 132-4 du code pénal énonce que lorsqu’à l’occasion de procédures séparées, la personne
poursuivie a été reconnue coupable de plusieurs infractions en concours, les peines prononcées
s’exécutent cumulativement dans la limite du maximum le plus élevé et que la confusion totale ou
partielle des peines de même nature peut être ordonnée par la dernière juridiction appelée à statuer
soit dans les conditions prévues par le code de procédure pénale.
En l’espèce, Patrick BALKANY a été définitivement condamné par arrêt du 4 mars 2020 à la peine
de 4 ans d’emprisonnement dont 1 an assorti du sursis pour des faits de fraude fiscale commis entre
2009 et 2015. La demande de confusion formée est légalement possible s’agissant de faits en
concours conformément aux dispositions de l’article 132-4 du code pénal. Les faits en concours,
commis au moins pour partie dans des circonstances de temps et de lieu similaires, procèdent d’un
même processus délictueux. Il est patent que les faits de blanchiment dont la cour est saisie sont
étroitement liés aux faits de fraude fiscale pour lesquels Patrick BALKANY a déjà été condamné,
lesquels constituent le délit primaire dont le produit direct ou indirect, blanchi par les époux
BALKANY, est ici sanctionné, la procédure ayant été scindée pour des questions procédurales.
Par application des dispositions de l’article 710 du code de procédure pénale, il doit être tenu
compte pour l’appréciation de la demande de confusion, du comportement du condamné, de sa
personnalité ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale.
La situation matérielle, familiale et sociale de Patrick BAKANY sera reprise telle que ci-avant
exposée.
Il ressort par ailleurs du comportement de Patrick BALKANY depuis sa condamnation qu’il a
entrepris le remboursement des sommes dues au trésor public et amorce une prise de conscience sur
les faits dont il a été déclaré coupable.
Au vu de ces éléments, il convient de faire droit totalement à la demande de confusion de peine
sollicitée par Patrick BALKANY.

Isabelle BALKANY forme une demande de confusion de la peine d’emprisonnement à intervenir


avec celle prononcée par la cour d’appel de Paris par arrêt du 4 mars 2020 pour fraude fiscale.
Isabelle BALKANY a en effet été définitivement condamnée à la peine de 3 ans d’emprisonnement
pour fraude fiscale par arrêt rendu le 4 mars 2020 par la cour d’appel de Paris pour des faits
commis entre 2009 et 2015.
Il est acquis que les faits en concours procèdent d’un même processus délictueux, ont été commis
dans des circonstances de temps similaires au moins pour partie, les faits de blanchiment ayant été
commis entre 2007 et 2014 et les faits d’omission déclarative courant 2014.
Il ressort par ailleurs que depuis sa condamnation Isabelle BALKANY semble avoir pris conscience
de ses comportements délictueux, a amorcé un processus de remboursement des sommes dues et
reconnaît désormais sa pleine responsabilité dans les faits dont s’agit.
Au vu de l’ensemble de ces éléments, il convient de faire droit totalement à la demande de
confusion par elle présentée par application des dispositions des articles 132-4 du code pénl et 710
du code de procédure pénale.

Sur l’action civile


Il résulte des dispositions de l’article 2 du code de procédure pénale que l’action civile en
réparation du dommage causé notamment par un délit est ouverte à tous ceux qui ont
personnellement souffert du dommage causé directement par l’infraction.
La chambre criminelle de la Cour de cassation admet l’action civile de l’État lorsqu’il est
personnellement victime d’un préjudice matériel ou moral.
Elle a, par l’arrêt intervenu dans la présente espèce, expressément indiqué que tel était le cas de
l’État français qui, par suite de la commission du délit de blanchiment de fraude fiscale a été amené
à conduire des investigations spécifiques générées par la recherche, par l’administration fiscale, des
sommes sujettes à l’impôt, recherche rendue complexe en raison des opérations de blanchiment.
Il convient de confirmer la décision déférée en ce qu’elle a reçu la constitution de partie civile de
l’État français tendant à voir condamner Patrick BALKANY, Isabelle BALKANY et Alexandre
BALKANY au titre du préjudice découlant directement de leur comportement frauduleux résultant
des faits de blanchiment.

L’État français a détaillé de façon plus précise dans le cadre de l’instance d’appel les conséquences
dommageables de son préjudice sans qu’il puisse être argué de demandes nouvelles, la demande
formée devant les premiers juges tendant à la réparation globale de son préjudice incluant les chefs
de dommages dont s’agit.

Sur la demande d’indemnisation du préjudice matériel de l’État français


Il est acquis que la dissimulation des biens et droits éludés engendre nécessairement pour l’État des
dommages financiers importants compte tenu de la pérennité, de l’habitude et de l’importance de la
fraude entraînant nécessairement pour l’État la mise en œuvre des procédures judiciaires pour faire
valoir ses droits et recouvrer ses créances, indépendamment du préjudice économique et budgétaire
déjà actuel, caractérisé par l’absence de rentrée des recettes fiscales dues et tout particulièrement en
cette période d’importants déficits budgétaires au plan national, étant précisé qu’il y a lieu de
distinguer les procédures engagées aux fins de recouvrement des droits éludés et le préjudice
budgétaire caractérisé par l’absence de rentrée des recettes fiscales dues.
En l’espèce, l’ensemble des manœuvres des époux BALKANY, qui ont eu recours à des financiers
suisses pour créer des sociétés écrans situées dans des paradis fiscaux (Lichtenstein, Panama,
Seychelles) mais également à des proches, Jean-Pierre AUBRY et Arnaud CLAUDE, pour ne pas
apparaître comme les bénéficiaires économiques des sociétés HIMOLA et HAYDRIDGE et à leur
fils pour ne pas être reconnus comme les véritables propriétaires de la villa Dar Guycy sise à
Marrakech (Maroc), a obligé l’État à la mobilisation de ses services afin de localiser et identifier
leur patrimoine dissimulé à l’étranger et les revenus générés par ce patrimoine. Ces recherches ont
été rendues particulièrement ardues compte tenu du schéma de blanchiment complexe mis en place,
des éléments d’extranéité omniprésents, de l’ancienneté de la fraude (les faits de blanchiment se
sont déroulés de 2007 à 2014) et du volume des actifs dissimulés et convertis (plusieurs millions
d’euros). Elles ont nécessité de nombreuses demandes d’assistance en matière administrative, des
frais de traduction et la mise en œuvre du droit de communication auprès de l’autorité judiciaire
pour consulter les éléments contenus dans deux informations judiciaires. Ce travail de recherche et
d’analyse excède nécessairement largement le travail naturel de vérification et de contrôle de
l’administration fiscale basé sur un système déclaratif de l’impôt et se superpose au coût de
fonctionnement régulier des services de l’État. La cour entend préciser que l’indemnisation de ce
poste de préjudice n’englobe pas le préjudice subi par le Trésor public du fait du délit fiscal,
indemnisé par les majorations fiscales et les intérêts de retard. Il ne saurait non plus se confondre
avec les sommes pouvant être réclamées sur le fondement des dispositions de l’article 475-1 du
code de procédure pénale lequel a vocation à indemniser la partie civile des seuls frais de procédure
exposés pour sa défense dans le cadre de la procédure pénale.
Eu égard à l’ensemble de ces éléments, la cour considère comme justifiée la demande de l’État
français dans son principe et estime devoir fixer à la somme de 300 000€ le montant de
l’indemnisation de son préjudice matériel.
Sur la demande d’indemnisation du chef de la perte de chance
Il est acquis que la réparation du préjudice subi par la partie civile doit être intégrale. L’élément de
préjudice constitué par la perte de chance présente en lui-même un caractère certain et direct et
ouvre droit à indemnisation chaque fois qu’est constatée la disparition, par l’effet du délit, de la
probabilité d’un évènement favorable, encore que, par définition, la réalisation d’une chance n’est
jamais certaine. Il est patent encore qu’un lien direct doit exister entre le préjudice invoqué et
l’infraction retenue. Le blanchiment est une infraction de conséquence du délit primaire de fraude
fiscale.
En l’espèce, l’Etat français soutient que les actes de dissimulation ont rendu plus difficile la mise en
œuvre dans un temps non prescrit des mécanismes de vérification et lui ont fait perdre une chance
de recouvrer l’impôt fraudé notamment s’agissant des années 2007 à 2011.
La constitution de partie civile de l’État n’est recevable qu’au titre du préjudice découlant
directement du comportement frauduleux résultant des faits de blanchiment, lesquels ne peuvent
pas inclure les effets dommageables de la soustraction à l’impôt.
Or, ce faisant, l’État sollicite l’indemnisation d’un préjudice résultant de la fraude fiscale, pour
lequel la cour n’a pas compétence.
Au surplus, il résulte du courrier adressé par le comité du contentieux fiscal aux époux BALKANY
le 20 octobre 2022 qu’une transaction est envisagée s’agissant de l’ensemble des impôts par eux
dus au titre des années 2004 à 2017 de sorte que la demande formée au titre de la perte de chance
n’est pas fondée.
La demande formée de ce chef sera rejetée

Sur la demande d’indemnisation du chef préjudice moral.


Il est certain que les poursuites en matière de blanchiment et notamment s’agissant du blanchiment
de fraude fiscale ont pour objet de protéger l’ordre public économique et d’assurer la moralisation
de l’activité économique en empêchant l’introduction dans les circuits économiques licites de
profits provenant d’activités délictueuses. Or force est de constater que les efforts déployés par
l’État français pour y faire obstacle, notamment au travers du dispositif national préventif de lutte
contre le blanchiment, ne sont pas suffisants et que l’organisation de fraudes complexes, comme
organisée et démontrée en l’espèce, qui contournent les règles de lutte contre le blanchiment de
fraude fiscale est une atteinte à l’efficacité de l’action de l’État et à l’origine pour lui d’un préjudice
moral dont il est légitime à demander réparation à hauteur de la somme de 50 000€.

Sur la demande d’indemnisation du chef d’atteinte au crédit de l’État


La révélation de fraudes de grandes ampleurs mises en œuvre par des mécanismes complexes
comme en l’espèce, entraîne une suspicion des contribuables qui peuvent avoir le sentiment que la
fraude permet aux plus ingénieux d’échapper à l’impôt et d’une inégale répartition de l’effort
contributif, voire une moindre acceptation de l’impôt alors même que le système français,
déclaratif, repose sur une adhésion de chacun. Les actes de blanchiment, visant le placement, la
conversion et la dissimulation du produit de la fraude fiscale créée une atteinte au crédit de l’État
qui doit être indemnisée à hauteur de la somme de 50 000€.

Le jugement entrepris sera donc infirmé s’agissant des dommages et intérêts alloués à l’Etat
français.

Sur la demande de limitation de sa condamnation formée par Alexandre BALKANY


La solidarité entre les individus condamnés pour un même délit s’applique également à ceux
déclarés coupables de différentes infractions rattachées entre elles par des liens d’indivisibilité ou
de connexité et il n’y a pas lieu à partage de responsabilité entre les co-auteurs du dommage dont la
réparation a été ordonnée.
Alexandre BALKANY a été condamné pour blanchiment de fraude fiscale commis du 16 mars
2011 au mois de janvier 2015.
Au visa de ces éléments, il n’y a pas lieu de faire droit à sa demande tendant à voir limiter sa
responsabilité et les sommes par lui dues au titre des dommages et intérêts alloués à l’État français.

Au vu de ces éléments, la cour condamne solidairement Patrick BALKANY, Isabelle BALKANY


et Alexandre BALKANY à verser à l’État français les somme suivantes à titre de dommages et
intérêts résultant des faits de blanchiment :
-300 000€ en réparation du préjudice matériel
-50 000€ en réparation du préjudice moral
-50 000€ au titre du préjudice d’atteinte au crédit de l’État.

La cour rappelle qu’à concurrence des montants pour lesquels ils sont condamnés, Patrick
BALKANY, Isabelle BALKANY et Alexandre BALKANY seront tenus solidairement au paiement
de ces sommes à l’Etat français avec Jean-Pierre AUBRY et Arnaud CLEMENT définitivement
condamnés.

La cour confirme la condamnation in solidum de Patrick BALKANY, Isabelle BALKANY et


Alexandre BALKANY à verser à l’État français la somme de 30 000€ sur le fondement des
dispositions de l’article 475-1 du code de procédure pénale. La cour rappelle que Patrick
BALKANY, Isabelle BALKANY et Alexandre BALKANY seront tenus in solidum au paiement de
cette somme avec Jean-pierre AUBRY et Arnaud CLEMENT définitivement condamnés.

La cour condamne encore in solidum Patrick BALKANY, Isabelle BALKANY et Alexandre


BALKANY à verser à l’État français la somme de 20 000€ sur le fondement des dispositions de
l’article 475-1 du code de procédure pénale en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire à l’égard de Patrick BALKANY, Isabelle
BALKANY, Alexandre BALKANY, Vanessa BALKANY, Jean-Pierre AUBRY, Arnaud CLEMENT
et de l’État français, en matière correctionnelle, après en avoir délibéré conformément à la loi

Statuant dans les limites de la cassation intervenue

Déclare irrecevables les appels formés par Jean-Pierre AUBRY et Arnaud CLEMENT

Déclare irrecevables les interventions volontaires de Jean-Pierre AUBRY et Arnaud CLEMENT

Infirme le jugement déféré sur les peines principales prononcées à l’encontre de Patrick
BALKANY et d’Isabelle BALKANY

Statuant à nouveau

Condamne Patrick BALKANY à la peine de 54 mois d’emprisonnement

Condamne Patrick BALKANY au paiement d’une amende délictuelle de 100 000€


Condamne Isabelle BALKANY à la peine de 42 mois d’emprisonnement

Condamne Isabelle BALKANY au paiement d’une amende de 100 000€

Dit que s’agissant d’Isabelle BALKANY, la caution sera affectée prioritairement au paiement de
l’amende

Confirme à l’encontre de Patrick BALKANY et d’Isabelle BALKANY, les peines


complémentaires d’interdiction d’exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger,
d’administrer, de gérer ou de contrôler, à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour
son propre compte ou pour le compte d’autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une
société commerciale prononcées pour une durée de 10 ans

Confirme à l’encontre de Patrick BALKANY et d’Isabelle BALKANY, les peines


complémentaires d’inéligibilité prononcées pour une durée de 10 ans

Rappelle que cette peine d’inéligibilité emporte interdiction d’exercer une fonction publique.

Y ajoutant

Dit que ces peines d’inéligibilité seront assorties de l’exécution provisoire en application des
dispositions de l’article 131-10 du code pénal et 471 alinéa 4 du code de procédure pénale

Prononce à l’encontre de Patrick BALKANY la peine complémentaire d’interdiction définitive


d’exercer toute fonction ou tout emploi dans un organisme gérant des fonds publics en application
des dispositions de l’article 432-17 2° du code pénal

Dit que cette interdiction sera assortie de l’exécution provisoire en application des articles 131-10
du code pénal et 471 alinéa 4 du code de procédure pénale

Infirme la peine complémentaire de confiscation du bien immobilier « Moulin de Cossy »

Statuant à nouveau

Ordonne la confiscation à titre de peine complémentaire à l’encontre de Patrick BALKANY et


d’Isabelle BALKANY, en application des dispositions des articles 131-21 alinéa 6 et 324-7 12° du
code pénal de l’usufruit du bien immobilier « Moulin de Cossy » jusqu’au décès du survivant des
époux BALKANY et dans la limite de 30 ans conformément aux dispositions de l’article 619 du
code civil dont les références sont les suivantes :
-maison sise sur la commune de Limetz-Villez (78270) section ZD N°1,2,3,30,80,82,84,
bien acquis par donation partage avec aliénation de la nue-propriété du 13/03/1997, par acte de Me
TORTEL, notaire à Levallois-Perret (92), publié le 13/05/1997 au service de la publicité foncière
de Mantes La Jolie sous le numéro volume 1997P N°2086. Bien grevé par une hypothèque légale
du Trésor Public concernant Mr et Mme BALKANY, usufruitiers dont sont propriétaires pour la
nue-propriété, pour moitié indivise chacun Alexandre BALKANY né le 23/02/1980 et Vanessa,
Julie BALKANY, née le 20/12/1976 à Neuilly-sur-Seine (92), pour l’usufruit pour moitié indivise
chacun, Patrick, Franklin BALKANY né le 16/08/1948 à Neuilly-sur-Seine et Isabelle SMADJA
épouse BALKANY née le 20/09/1947 à Boulogne-Billancourt (92)
-maison 12 rue de la Falaise à Giverny (27620) parcelle D 225 devenue domaine public par
PV n°207 publié le 19/03/1993 sous le volume 1993 n°676 cadastré section D n°224, 226, 227, 229
et 230, bien acquis par donation partage avec aliénation de la nue-propriété du 13/03/1997, par acte
de Me TORTEL, notaire à Levallois-Perret (92), publié les 23/05/1997 et 8/09/1997 au service de
la publicité foncière de Les Andelys sous le numéro volume 1997P n°1263. Réserve de l’usufruit.
Attestation rectificative de pacte de Maître TORTEL, notaire, enregistré sous le numéro volume
1997P n°1263 du 04/09/1997, publié le 08/09/1997 sous le numéro volume 1997P n°2094. Au
profit des donateurs avec réversibilité réciproque au profit du survivant d’eux. Dont sont
propriétaires : pour la nue-propriété, pour moitié indivise chacun: Alexandre BALKANY né le
23/07/1980 et Vanessa, Julie BALKANY, née le 20/12/1976 à Neuilly-sur-Seine (92), pour
l’usufruit pour moitié indivise chacun, Patrick, Franklin BALKANY né le 16/08/1948 à Neuilly-
sur-Seine et Isabelle SMADJA épouse BALKANY née le 20/09/1947 à Boulogne-Billancourt (92)

Confirme les confiscations des biens suivants sauf à substituer aux fondements juridiques retenus
par les premiers juges ceux des articles 131-21 alinéa 6 et 8 et 324-7 12° du code pénal:

- les deux biens situés à Sidi Youssef Ben Ali Ennakhil lieudit Dar Tounsi à Marrakech, acquis le 8
janvier 2010 par la SCI Dar Guycy, en l’étude de Maître Mohamed Jazouli, notaire à Marrakech et
saisis à titre conservatoire par les autorités du Royaume du Maroc :
-la propriété dénommée « Menzeh Ennakhil 4 », d’une superficie de 01 ha 00 a 29 ca, située
à Marrakech Sidi Youssef Ben Ali Ennakhil Lieudit Dar Tounsi consistant en un terrain sur lequel
sont édifiées des constructions à usage d’habitation comprenant une petite cave, au rez-de-
chaussée : salon marocain, salon européen, salle à manger, cuisine, 3 chambres à coucher, 3 salles
de bain, cour de service et jardin, maison de gardien avec deux petites pièces, cuisine et douche et à
l’étage, 2 chambres à coucher, deux salles de bain. Le tout faisant l’objet du titre foncier
n°10.556143
la propriété dénommée « Menzeh Ennakhil 5 », consistant en un terrain d’une superficie de
01 ha 00 a 50 ca, située à Marrakech Sidi Youssef Ben Ali Ennakhil Lieudit Dar Tounsi, consistant
en un terrain nu. Le tout faisant l’objet du titre foncier n°10.557143

-le prix issu de la vente la villa dite « Villa Pamplemousse » située à Saint-Martin, soit la somme de
1 357 767,70€ consignée entre les mains de l’agence de gestion et recouvrement des avoirs saisis et
confisqués,

-le solde créditeur du compte bancaire n°5250691400200 ouvert dans les livres de l’Arab Bank à
Marrakech au nom de la SCI Dar Guycy

-le titre au porteur de la société HAYDRIDGE Investments Group Corp composé de 100 actions
pour un capital de 10 000 dollars américains saisi pénalement par ordonnance du 8 janvier 2015 et
placé sous scellé n°2015/100018

Rappelle que conformément aux dispositions des articles 706-151 et 707-1 du code de procédure
pénale, les formalités de publication des saisies et confiscations immobilières sont réalisées par
l’agence de gestion et recouvrement des avoirs saisis et confisqués

Déboute Alexandre BALKANY et Vanessa BALKANY de l’ensemble de leurs demandes


afférentes au bien immobilier dit « Moulin de Cossy » comme non fondées.

Ordonne s’agissant de Patrick BALKANY la confusion totale de la peine d’emprisonnement


prononcée par le présent arrêt et de la peine d’emprisonnement prononcée par la cour d’appel de
Paris par arrêt du 4 mars 2020

Ordonne s’agissant d’Isabelle BALKANY la confusion totale de la peine d’emprisonnement


prononcée par le présent arrêt et de la peine d’emprisonnement prononcée par la cour d’appel de
Paris par arrêt du 4 mars 2020
Sur l’action civile

Confirme la recevabilité de la constitution de partie civile de l’État français

Infirme le jugement

Statuant à nouveau

Condamne solidairement Patrick BALKANY, Isabelle BALKANYet Alexandre BALKANY à


payer à l’État français à titre de dommages et intérêts les sommes suivantes :
- 300 000€ en réparation de son préjudice matériel
-50 000€ en réparation de son préjudice moral
-50 000€ en réparation de son préjudice d’atteinte au crédit de l’État

Déboute Alexandre BALKANY de sa demande tendant à voir cantonner la solidarité le concernant.

Dit qu’à concurrence de ces montants, ces sommes seront acquittées solidairement avec Jean-Pierre
AUBRY et Arnaud CLAUDE dans les termes du jugement devenu définitif à l’égard de ces derniers

Confirme le jugement en ce qu’il a condamné in solidum Patrick BALKANY, Isabelle BALKANY


et Alexandre BALKANY à payer à l’État français la somme de 30 000€ sur le fondement des
dispositions de l’article 475-1 du code de procédure pénale

Dit que ces sommes seront payées in solidum avec Jean-Pierre AUBRY et Arnaud CLAUDE dans
les termes du jugement devenu définitif à l’égard de ces derniers

Y ajoutant

Condamne in solidum Patrick BALKANY, Isabelle BALKANY et Alexandre BALKANY à payer


à l’État français la somme de 20 000€ sur le fondement des dispositions de l’article 475-1 du code
de procédure pénale en cause d’appel

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