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FACULTE DE DROIT ET DES SCIENCES POLITIQUES

2006-2007

LICENCE en DROIT (L3)


TRAVAUX DIRIGÉS de DROIT du TRAVAIL

J.-P. Chauchard,
Professeur à la faculté de droit de Nantes

J.-Y. Kerbourc’h,
Professeur à l’Université de Haute-Alsace

Séance n° 5
Les institutions représentatives du personnel :
Attributions, fonctionnement

1. – Documents reproduits

Fonctions des délégués du personnel : Cass. soc., 23 septembre 1992, Bull. civ. V, n° 478.

Fonctions des délégués syndicaux : Cass. soc., 23 janvier 1990, SA Les Câbles de Lyon c/ Rohr, n°
332 P.

Attributions économiques du comité d’entreprise :


- Cass. soc., 12 novembre 1997, n° 4740 PB, Comité d'entreprise de la Caisse d'allocations familiales
des Yvelines c/ Caisse d'allocations familiales des Yvelines.
- Cass. soc., 29 octobre 1987, Bull. civ. V, n° 605.

Attributions sociales du comité d’entreprise : Cass. soc., 26 janvier 1999, Comité d’établissement de
Lys-lez-Lannoy c./ Sté Gec Alsthom Stein industrie, note J. Savatier (reproduite).

2. – Thèmes de discussion

- La gestion des œuvres sociales par le comité d’entreprise


- Le crédit d’heures
- Le financement du comité d’entreprise
- Les experts du comité d’entreprise
- Les fonctions supplétives du délégué du personnel

3. – Bibliographie (V. document n° 4)


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Cass. soc., 23 septembre 1992, Bull. civ. V, n° 478.

Sur le moyen unique :


Attendu, selon le jugement attaqué (conseil de prud'hommes de Dole, 5 décembre 1988), que, le 20 mai 1987, M.
Piquot et d'autres salariés, selon les cas représentants élus du personnel ou représentants syndicaux au sein de la
Société bourguignonne d'applications plastiques, se sont rendus dans un atelier, le matin pour certains d'entre eux
durant 55 minutes environ, et l'après-midi pour d'autres pendant 5 minutes, cette visite étant motivée par
l'information de salariés postés quant " au problème de la prise du café " sur les lieux de travail ; qu'après avoir
payé le temps passé à cette activité aux représentants élus et syndicaux, l'employeur a contesté le bien-fondé de
l'utilisation de ce temps au regard des mandats représentatifs et demandé le remboursement desdites heures ;
Attendu que la société fait grief au conseil de prud'hommes de l'avoir déboutée de cette demande, alors que,
d'une part, en subordonnant le remboursement des heures de délégation contestées à l'existence d'une gêne
sérieuse pour l'employeur dans son activité, le conseil de prud'hommes a ajouté aux articles L. 412-20, alinéa 5,
L. 421-1, alinéa 2, et L. 434-1, alinéa 3, une condition qu'ils ne comportent pas ; alors que, d'autre part, en se
bornant, pour refuser à l'employeur le remboursement des heures de délégation contestées, à faire état des
prétentions des demandeurs invoquant " les usages " de l'entreprise, sans préciser la nature et les caractéristiques
de l'usage sur lequel il se fonde, le conseil de prud'hommes a privé sa décision de base légale au regard des
articles 1134 et 1135 du Code civil ; alors que, de troisième part, le droit du délégué syndical et des représentants
élus du personnel de circuler dans l'entreprise et d'informer le personnel ne peut s'exercer que dans le cadre des
dispositions qui le réglementent ; qu'en s'abstenant de constater que chacune des catégories de salariés concernée
exerçait ce droit dans le cadre de sa mission et dans les conditions légales, le conseil de prud'hommes a privé sa
décision de base légale au regard des articles L. 422-1, L. 422-7, L. 422-8, L. 412-10 et L. 434-1, alinéa 1er, du
Code du travail ; alors qu'en toute hypothèse, il n'entre dans la mission ni des délégués syndicaux, ni des
représentants élus du personnel d'organiser une manifestation de type carnavalesque, avec des panneaux portant
des inscriptions désobligeantes, et accompagnée de la diffusion de musique, de la distribution de tracts, de café
et de croissants, sur les lieux de travail et aux heures de travail, au risque de désorganiser l'entreprise et de mettre
en cause les conditions de sécurité des salariés travaillant sur des machines-outils ; qu'en décidant le contraire, le
conseil de prud'hommes, qui n'a pas tiré de ses constatations les conséquences juridiques qui en découlaient, a
violé les articles L. 422-1, L. 422-7, L. 422-8, L. 412-10 et L. 434-1, alinéa 1er, du Code du travail ;
Mais attendu qu'ayant constaté que l'activité litigieuse des représentants élus du personnel et des représentants
syndicaux avait trait à l'information des salariés à leur poste de travail, conformément à l'objet de leurs mandats
respectifs, et n'avait pas apporté de gêne importante à l'accomplissement du travail des salariés au sens des
articles L. 412-17, L. 424-3 et L. 434-1 du Code du travail, le conseil de prud'hommes a, par ces seuls motifs,
légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi
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Cass. soc. 23 janvier 1990, SA Les Câbles de Lyon c/ Rohr, n° 332 P.

Sur les conclusions présentées par M. Rohr tendant à voir déclarer le pourvoi sans objet :
Attendu que M. Rohr, délégué syndical et défendeur à une action en contestation intentée par la société Les
Câbles de Lyon de l'utilisation d'heures de délégation prises en 1985, demande à la Cour de déclarer le pourvoi
sans objet en invoquant le bénéfice des dispositions de l'article 15 de la loi du 20 juillet 1988 portant amnistie,
selon lequel sont amnistiés, dans les conditions fixées à l'article 14, les faits retenus ou susceptibles d'être retenus
comme motifs de sanction prononcées par un employeur ;
Mais attendu que la contestation judiciaire par un employeur de l'utilisation d'heures de délégation ne saurait
s'analyser en une sanction et n'étant pas soutenu que le salarié ait été sanctionné à l'occasion de l'utilisation des
heures litigieuses, la demande ne saurait être accueillie ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Les Câbles de Lyon fait grief au jugement attaqué (conseil de prud'hommes d'Alès, 9 juin
1986) de l'avoir déboutée de sa contestation relative à l'utilisation par M. Rohr, délégué syndical, d'heures de
délégation prises pour participer à une manifestation tenue à la bourse du travail lors d'une visite du chef de l'État
à Alès 24 juin 1985, alors que seules ouvrent droit à crédit horaire les activités entrant dans les attributions
légales des délégués syndicaux, dont le rôle est de représenter leur syndicat auprès du chef d'entreprise ; que ne
relève pas d'une telle mission et ne peut donc être imputée sur le crédit horaire d'un délégué syndical la
participation à une manifestation politique organisée à l'occasion de la visite du chef de l'État ; qu'en en décidant
autrement, le conseil de prud'hommes a violé les articles L 412-20 et L 412-11 du Code du travail ;
Mais attendu qu'il résulte des articles L 412-11, L 422-1 et L 431-4 du Code du travail, que si la mission des
délégués du personnel et des membres du comité d'entreprise ne peut concerner que les problèmes intéressant
directement les salariés qui les ont élus, celle des délégués syndicaux, qui consiste à représenter leur syndicat
dans l'entreprise, peut être exercée en tout lieu dans l'intérêt des salariés de l'entreprise ou de l'établissement au
titre desquels ils ont été désignés, dès lors qu'elle entre dans le cadre de l'objet défini par l'article L 411-1 du
Code du travail ; que le conseil de prud'hommes ayant constaté que la démarche du délégué syndical avait trait à
la défense de l'emploi dans l'entreprise a décidé à bon droit que le temps passé à cette activité devait être
rémunéré au titre des heures de délégation ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que la société Les Cables de Lyon fait encore grief au jugement attaqué de l'avoir condamnée à payer
comme heures de délégation au salarié plusieurs heures d'absence consacrées par ce dernier à assister en
personne à des audiences en qualité de défendeur à une action en contestation de l'utilisation de son crédit
d'heures, alors que le mandat de délégué syndical a pour objet la représentation du syndicat auprès du chef
d'entreprise et que ne relèvent absolument pas d'un tel mandat et ne sauraient donc s'imputer sur le crédit horaire
dont il bénéficie, les heures consacrées par celui-ci à une audience portant sur un litige d'ordre personnel
l'opposant à l'employeur, sur une question concernant les rémunérations d'heures de délégation prises par lui,
pour assister à une manifestation politique sans rapport avec son mandat ; qu'en en décidant autrement, le conseil
de prud'hommes a violé l'article L 412-20 du Code du travail ;
Mais attendu qu'en assurant sa propre défense lors d'une contestation par l'employeur de l'utilisation de son crédit
d'heures, le salarié protégé est dans l'exercice de son mandat ; que le moyen n'est pas mieux fondé que le
précédent ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.
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Cass. soc. 12 novembre 1997, n° 4740 PB, Comité d'entreprise de la Caisse d'allocations familiales des
Yvelines c/ Caisse d'allocations familiales des Yvelines.

Vu les articles L 432-1 et L 431-5 du Code du travail, et 809 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu qu'en application de l'article L 432-1 du Code du travail, dans l'ordre économique, le comité d'entreprise
est obligatoirement informé et consulté sur les questions intéressant l'organisation, la gestion et la marche
générale de l'entreprise et, notamment, sur les mesures de nature à affecter le volume ou la nature des effectifs et
les conditions de travail du personnel ; qu'aux termes de l'article L 431-5 du même Code, la décision du chef
d'entreprise doit être précédée par la consultation du comité d'entreprise ; que, si une décision s'entend d'une
manifestation de volonté d'un organe dirigeant qui oblige l'entreprise, il ne s'en déduit pas qu'elle implique
nécessairement des mesures précises et concrètes ; qu'un projet, même formulé en termes généraux, doit être
soumis à consultation du comité d'entreprise lorsque son objet est assez déterminé pour que son adoption ait une
incidence sur l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise, peu important qu'il ne soit pas
accompagné de mesures précises et concrètes d'application dès lors que la discussion ultérieure de ces mesures
n'est pas de nature à remettre en cause dans son principe, le projet adopté ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 1er décembre 1995), que la direction de la Caisse d'allocations
familiales (la CAF) des Yvelines a soumis à son conseil d'administration le 22 juin 1995 deux projets
d'organisation de ses services intitulés « travail social » et « permanences d'accueil » que le conseil
d'administration a adoptés ; qu'elle n'avait pas, avant cette dernière date, réuni pour information et consultation
sur les mêmes projets le comité d'entreprise de la caisse ; que ce dernier, faisant valoir un manquement à la
procédure d'information et de consultation prévue aux articles L 432-1 et L 431-5 du Code du travail, a fait
assigner en référé la CAF pour que soit constaté un trouble manifestement illicite et qu'il soit, pour le faire
cesser, interdit à la CAF de mettre en oeuvre les projets litigieux jusqu'à ce que soit organisée une procédure
régulière ;
Attendu que, pour débouter le comité d'entreprise de sa demande, la cour d'appel énonce que les projets
envisagés par la direction de la CAF sont sans conteste, puisqu'ils concernent l'organisation de l'entreprise et sont
susceptibles d'un impact sur les effectifs et les conditions de travail, de ceux à propos desquels l'article L 432-1
du Code du travail prévoit une information et une consultation obligatoires du comité d'entreprise, que dans de
tels cas il ressort de l'article L 431-5 que la décision du chef d'entreprise doit être précédée par la consultation du
comité ; que la décision à laquelle doit obligatoirement être antérieure, en vertu de l'article L 431-5 susvisé, la
consultation du comité d'entreprise s'entend d'une manifestation de volonté du chef d'entreprise emportant, dans
les matières sujettes à une telle consultation, des effets obligatoires et concrets, le texte dont il s'agit visant
évidemment, d'une part, à éviter que ne soit débattue par le comité de façon frustratoire, vaine et gratuite une
question déjà unilatéralement tranchée et, d'autre part, à fournir au chef d'entreprise comme élément
d'appréciation l'avis suscité de la part du comité par son initiative, que si le conseil d'administration de la CAF
est effectivement un organe dirigeant susceptible de prendre une telle décision en arrêtant des modalités précises
d'organisation des services de cette caisse, la lecture du procès-verbal de sa réunion du 22 juin 1995 enseigne
qu'il a entériné des projets formulés en termes généraux après en avoir débattu, mais n'a nullement décidé de
mesures précises dont la régularité aurait pu souffrir d'un défaut d'information et de consultation préalables du
comité d'entreprise, que la note du 5 juillet 1995 effectivement évocatrice de mesures autrement concrètes et
précises ne mentionne précisément de telles mesures que dans l'optique de leur soumission au comité dans une
réunion préalable à leur éventuelle mise en oeuvre, réunion au demeurant préparée de façon utile par la
commission technique déjà informée le 15 juin ; qu'en définitive, et sous réserve d'un examen plus ample au
fond, il n'est nullement établi qu'aient été méconnues par la direction de la CAF de façon manifeste et
dommageable les dispositions légales invoquées ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'elle avait relevé, d'une part, que les projets soumis au conseil
d'administration concernaient l'organisation de l'entreprise et étaient susceptibles d'avoir un impact sur les
effectifs et les conditions de travail, d'autre part, que le conseil d'administration de la CAF est un organe
dirigeant, en vertu de l'article L 212-2 du Code de la sécurité sociale, ayant le pouvoir de prendre une décision au
sens de l'article L 431-5, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les
textes susvisés ;
Par ces motifs : Casse et annule, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er décembre 1995, entre les parties,
par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient
avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris.
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Cass. soc., 29 octobre 1987, Bull. civ. V, n° 605.

Sur le moyen unique :


Vu l'article L. 434-6, deuxième et troisième alinéas, du Code du travail ;
Attendu que, selon ce texte, d'une part, la mission de l'expert-comptable dont le comité d'entreprise peut se faire
assister en vue de l'examen annuel des comptes porte sur tous les éléments d'ordre économique, financier ou
social nécessaires à l'intelligence des comptes et à l'appréciation de la situation de l'entreprise, d'autre part, pour
opérer toute vérification ou tout contrôle qui entre dans l'exercice de cette mission, l'expert-comptable a accès
aux mêmes documents que le commissaire aux comptes ;
Attendu que pour débouter la société Syndex et le comité d'entreprise de la société Clause de la demande par
laquelle la première, expert-comptable choisi par le second en application des dispositions susvisées, sollicitait
de la société Clause la communication de diverses pièces, l'arrêt attaqué a retenu que la référence faite à la
situation du commissaire aux comptes conduisait à admettre que l'expert-comptable du comité d'entreprise ne
pouvait se faire communiquer que les documents qui lui étaient utiles pour les vérifications et contrôles entrant
dans l'exercice de sa mission, qu'ainsi le droit de communication trouvait une limitation dans sa finalité, que la
mission de l'expert-comptable du comité d'entreprise étant d'expliquer les comptes présents excluait notamment "
toute projection hypothétique dans le futur " ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le commissaire aux comptes, aux pouvoirs d'investigation duquel sont assimilés
ceux de l'expert-comptable du comité d'entreprise, peut, comme le prescrit l'article 229 de la loi du 24 juillet
1966, se faire communiquer toutes les pièces qu'il estime utiles à l'exercice de sa mission, la cour d'appel qui, à
ce droit, a fixé une limite que le texte ne comporte pas, a violé celui-ci ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE l'arrêt rendu le 10 mai 1985, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en
conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les
renvoie devant la cour d'appel de Reims.

Cass. soc. 26 janvier 1999, n° 438 PB, Comité d'établissement de la société GEC Alsthom Stein industrie c/
Screve.

Vu les articles L 432-8 et R 432-2 du Code du travail ;


Attendu que, pour décider que la délibération du 30 novembre 1993 prise par le comité d'établissement de Lys-
lez-Lannoy de la société Gec Alsthom Stein industrie attribuant un don exceptionnel du comité pour assurer la
défense des salariés licenciés pour motif économique de ladite société ne pouvait être rattachée à une utilisation
régulière des fonds destinés aux activités sociales et culturelles, la cour d'appel retient que, si l'énumération des
oeuvres sociales gérées par les comités d'entreprise ou d'établissement telle que l'énonce l'article R 432-2 du
Code du travail n'est pas limitative des actions qu'ils peuvent entreprendre, encore faut-il que celles-ci pour être
admises soient conformes à la finalité de la mission qui leur a été dévolue par le législateur et qu'elles tendent
directement et nécessairement à l'amélioration des conditions de vie ou de travail du personnel sans aucune
discrimination, qu'il ne saurait en être ainsi d'une affectation de fonds destinés à la prise en charge de la partie
résiduelle des frais non compris dans les dépens à même d'être exposés par des salariés licenciés à l'occasion
d'une action engagée contre leur ancien employeur, frais dont la plus grande partie a été payée par une
contribution tout à la fois de certains membres du personnel grâce à une quête effectuée à cet effet et des
syndicats de salariés implantés dans l'entreprise qui ont accepté de verser à cette fin le reliquat d'une caisse de
grève ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'aide exceptionnelle accordée à d'anciens salariés, licenciés dans le cadre d'un
licenciement collectif pour motif économique, à l'effet d'agir en justice pour obtenir le respect des engagements
pris par l'employeur dans le plan social, dont le comité d'entreprise avait examiné les dispositions, relève des
activités sociales au sens des articles L 432-8 et R 432-2 du Code du travail, la cour d'appel en a violé les
dispositions ;
Par ces motifs : Casse et annule, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 juin 1996, entre les parties, par la
cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit
arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Reims.

V. note J. Savatier page suivante.


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Une extension contestable de la notion d'activités sociales et culturelles des comités


d'entreprise

par Jean Savatier, Professeur émérite à la Faculté de droit de Poitiers

Dans un arrêt du 26 janvier 1999 Comité d'établissement Gec Alsthom Stein, la chambre sociale de la Cour de
cassation a admis qu'un comité d'entreprise pouvait, au titre de ses activités sociales, accorder une aide à des
salariés licenciés, pour couvrir les frais d'actions en justice exercées par eux contre leur ancien employeur dans
le cadre de la défense de leur emploi. La contribution patronale aux activités sociales et culturelles est ainsi
utilisée, non pas pour améliorer les conditions de vie et de travail des salariés, mais pour financer un contentieux
les opposant à leur employeur. On conçoit que le président du comité d'établissement en cause ait contesté la
validité de la délibération attribuant des sommes d'argent, dont le montant n'est pas précisé, à des salariés
licenciés en exécution d'un plan social.

Sur le plan procédural, on se trouvait devant une action en nullité d'une délibération du comité émanant, non
pas de l'employeur, mais du président du comité d'établissement. Il est admis depuis longtemps que le président
d'un comité d'entreprise ou d'établissement peut, en cette qualité, agir en nullité d'une délibération du comité
(Cass. soc. 16 décembre 1980 : Bull. V, n° 900). Même si le président du comité n'est pas entièrement
assimilable aux membres de cet organe collégial, notamment en matière de droit de vote, il doit veiller à la
régularité des délibérations de l'organe qu'il préside. Si la délibération du comité porte sur un versement de fonds
qui a déjà eu lieu, le président peut en demander le reversement au comité sans avoir besoin d'être mandaté à cet
effet (Cass. soc. 18 mai 1983 : Bull. V, n° 266).

Mais cela suppose que la décision du comité d'entreprise sur l'affectation des ressources dont il dispose ne relève
pas des activités sociales et culturelles que le comité a la liberté de gérer sans contrôle de l'employeur.

C'est sur ce point que portait le litige soumis à la Cour de cassation le 26 janvier 1999. La solution de cette
question donnée par l'arrêt marque une extension de la notion d'activités sociales et culturelles telle qu'elle était
généralement admise. Mais la portée de l'arrêt est difficile à préciser. Alors que la tendance récente de la
chambre sociale est de formuler des règles susceptibles de guider ensuite les juges du fond, on se trouve ici
devant l'énoncé d'un certain nombre de circonstances qui conduisent la chambre sociale à donner la qualification
d'activité sociale à une distribution d'argent à des travailleurs licenciés, pour leur permettre de couvrir les frais de
leur action en justice contre l'employeur. Tel qu'il est rédigé, l'arrêt du 26 janvier 1999 se présente comme une
décision d'espèce plutôt que comme un arrêt de principe. Il n'opère pas, à proprement parler, de renversement de
jurisprudence, car la Cour de cassation n'avait pas auparavant donné une définition de la notion d'activités
sociales et culturelles qui serait désormais rejetée par elle. Mais il ne lève pas les incertitudes sur les limites de
cette notion qui résultent de l'immobilisme d'une réglementation totalement dépassée par l'évolution de la société
et des entreprises.

On mettra d'abord en relief l'inadaptation de cette réglementation aux besoins des travailleurs des entreprises
d'aujourd'hui (I). On se demandera ensuite si, en permettant au comité d'entreprise de soutenir des actions en
justice individuelles tendant à l'exécution d'un plan social, la Cour de cassation ne méconnaît pas la distinction
fondamentale entre activités sociales et attributions économiques du comité d'entreprise (II).

I Une réglementation désuète et inadaptée

S'il est aujourd'hui difficile de cerner ce qui « relève des activités sociales au sens des articles L 432-8 et R 432-2
du Code du travail », pour reprendre l'expression dont se sert la chambre sociale dans son arrêt du 26 janvier
1999, c'est qu'il s'agit de textes conçus dans les circonstances historiques de la fin de la guerre, en 1945, et qui
n'ont pas été modifiés depuis, sauf pour substituer les mots « activités sociales et culturelles » aux mots «
oeuvres sociales ». Sous cette seule réserve, on retrouve textuellement dans les articles L 432-8 et R 432-2 du
Code du travail les dispositions de l'article 2, al. 2 de l'ordonnance du 22 février 1945 et de l'article 2 du décret
du 2 novembre 1945.

Ces textes avaient essentiellement pour but de transférer aux représentants du personnel de l'entreprise la
gestion d'oeuvres sociales établies par un employeur animé d'un esprit paternaliste. « En assimilant les
travailleurs à ses enfants, l'employeur entend les traiter comme des enfants, incapables de déterminer eux-mêmes
quels sont leurs besoins et comptant sur leur père pour satisfaire ces besoins. Il leur refuse la liberté de choisir
7

leurs activités hors du travail et de les conduire avec des ressources dont ils ont la libre disposition » (Jean
Savatier, L'action sociale et culturelle des comités d'entreprise, éd. Liaisons, 1992, p. 12). C'est contre cette
conception que le législateur de 1945 a entendu réagir. Comme les oeuvres créées par l'employeur ne pouvaient
subsister que grâce à la contribution financière qu'il y consacrait, et qu'il risquait de supprimer à la suite du
transfert de leur gestion au comité d'entreprise, une loi du 2 août 1949, pour « assurer des ressources stables aux
comités d'entreprise », vint obliger les employeurs à continuer à financer les oeuvres sociales sur les mêmes
bases qu'avant leur transfert, mais en indexant le montant de la contribution patronale sur la masse salariale.

Cet immobilisme de la réglementation portant sur les activités sociales des comités d'entreprise depuis plus de
cinquante ans conduit à des résultats singuliers d'inégalité entre les travailleurs, qui ne bénéficient d'un
financement des activités sociales du comité d'entreprise qu'en fonction des initiatives prises unilatéralement par
l'employeur. Cela était vrai dès l'origine : selon que l'employeur avait plus ou moins développé dans son
entreprise les oeuvres sociales au profit de son personnel, leur transfert au comité d'entreprise donnait à celui-ci
des pouvoirs de gestion importants ou insignifiants. Mais les inégalités se sont singulièrement accrues du fait de
la création de nouvelles entreprises. Celles-ci ne sont tenues légalement d'aucune contribution aux activités
sociales et culturelles de leur comité d'entreprise, puisque celui-ci n'a bénéficié d'aucun transfert d'oeuvres
préexistantes. Cela n'est qu'en partie corrigé par la dévolution éventuelle, aux comités d'entreprises issues
d'entreprises qui disparaissent, du patrimoine des comités qui cessent également d'exister, ou, parfois, par des
dispositions conventionnelles.

Il est vrai que les problèmes de transfert d'activités sociales et culturelles de l'employeur au comité d'entreprise
peuvent se poser même dans les entreprises de création récente. Le monopole dont jouissent les comités
d'entreprise pour la gestion des activités sociales et culturelles destinées au personnel leur permet en effet de
revendiquer la prise en charge des activités sociales correspondant à des initiatives de l'employeur. Et le
contentieux sur la notion d'activités sociales porte en partie sur ce type de demandes. Par exemple, un comité
d'entreprise a fait juger que constituait une activité sociale dont il pouvait revendiquer la gestion, la prise en
charge volontaire, par l'employeur, d'une partie des cotisations des salariés à une mutuelle (Cass. soc. 22 juin
1993 : Dr. soc. 1993, 777 ; RJS 7/93, n° 760). Cela n'encourage pas les employeurs à prendre l'initiative de
financer de nouvelles activités sociales. C'est par d'autres voies qu'ils peuvent ajouter à la rémunération de leurs
salariés certains avantages, notamment dans le cadre de régimes de protection sociale complémentaire. Mais,
lorsqu'ils sont institués par accord collectif, ceux-ci échappent à la gestion ou au contrôle du comité d'entreprise.

Le régime légal des activités sociales et culturelles des comités d'entreprise n'est pas seulement source
d'inégalités choquantes entre les salariés en fonction de la plus ou moins grande générosité de leur employeur
dans le passé. Il est aussi inadapté aux besoins actuels des travailleurs.

Cela tient d'abord à ce que la prévoyance et l'entraide ont été, après 1945, organisées dans un cadre
professionnel ou interprofessionnel dépassant l'entreprise. Au moment de l'institution des comités d'entreprise,
le système général de sécurité sociale n'existait pas encore, même si des législations spécifiques avaient organisé
les assurances sociales, les allocations familiales et la réparation des accidents du travail. Les oeuvres sociales de
l'entreprise permettaient souvent de répondre à des besoins non satisfaits par ces législations de protection. Le
problème ne se pose plus dans les mêmes termes aujourd'hui.

Les institutions de sécurité sociale et les régimes complémentaires sont basés sur la répartition des risques dans
une collectivité plus large que l'entreprise. Les institutions sociales confiées à la gestion des comités d'entreprise
font appel au sentiment de solidarité entre les membres d'une même collectivité de travail, en principe restreinte
à l'établissement, dans laquelle les travailleurs peuvent se connaître et avoir le sentiment d'appartenir à une
même communauté. Le sentiment d'appartenance à une même communauté de travail au sein de laquelle il est
naturel d'organiser une solidarité est moins net dans une grande entreprise à établissements multiples. A plus
forte raison, la réglementation des activités sociales n'a pas été conçue pour des entreprises ou des groupes
caractérisés par des montages financiers créant des dépendances réciproques mais continuellement remises en
question, sans que les salariés de chaque entreprise juridiquement distincte puissent acquérir un sentiment de
solidarité avec les salariés appartenant à d'autres sociétés du groupe. Cela n'est corrigé que très partiellement par
la théorie de l'unité économique et sociale entre les sociétés d'un même groupe, qui permet pourtant la mise en
place d'un comité d'entreprise commun. Et les remaniements continuels de la structure des groupes de sociétés
posent des problèmes difficiles de dévolution du patrimoine des comités d'entreprise qui disparaissent et d'accès
aux institutions sociales, créées grâce à l'esprit de solidarité des salariés d'un même établissement, de salariés
d'une entreprise absorbée, qui n'avaient pas d'institutions analogues.

Les oeuvres sociales établies dans une époque de pénurie cessent d'être utiles dans une société de consommation
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où le niveau de vie de l'ensemble des salariés s'est accru très sensiblement et où les modes de vie ont changé.
Les tickets repas peuvent être préférés à l'accès à une cantine d'entreprise ; l'aide au logement n'est pas inutile,
mais ne doit pas condamner les travailleurs à vivre dans une cité annexe de l'entreprise ; les crèches de quartier
sont préférées à celles installées dans l'entreprise ; l'allongement des congés des parents et l'amélioration de leur
niveau de vie les incitent à passer des vacances en famille, plutôt qu'à envoyer leurs enfants en colonies de
vacances... Tous ces exemples sont empruntés à l'énumération des activités sociales contenue dans l'article R
432-2 du Code du travail et illustrent le vieillissement de ce texte.

Les comités ont adapté leur activité à l'évolution des besoins. Mais c'est souvent au détriment du caractère
convivial d'activités communes dont le succès dépendait du concours bénévole d'un certain nombre de
travailleurs à un projet commun. Quand l'arbre de Noël est remplacé par des bons d'achat dans certains magasins
; quand, au lieu de fréter un car pour un voyage en commun, on se borne à obtenir des billets à prix réduit auprès
d'une agence de transports ; quand on attribue une prime à l'occasion de la fête des mères sans organiser une fête
autour des mères concernées, les activités sociales dérivent vers l'attribution d'avantages en nature ou en
argent qui s'écartent des oeuvres sociales telles qu'elles étaient comprises à l'origine.

Pour éviter que les comités d'entreprise ne deviennent de simples intermédiaires obtenant des réductions de la
part de certains prestataires de services, ou ne se bornent à répartir des sommes d'argent entre les salariés selon
des critères dont le caractère social peut être contesté, il serait nécessaire que la notion d'activités sociales et
culturelles soit clairement définie. Faute d'une définition légale, il incombe à la jurisprudence de préciser la
notion en fonction des finalités poursuivies par la loi. On ne peut pas dire qu'elle y ait réussi jusqu'à présent, et
l'arrêt du 26 janvier 1999 ne clarifie pas les choses.

On dit souvent qu'une définition des activités sociales et culturelles résulte, au moins indirectement, d'un arrêt de
la chambre sociale du 13 novembre 1975 rendu dans une affaire Rhône-Poulenc textile (Bull. V, n° 533). Cet
arrêt se borne, en réalité, à rejeter, pour des motifs étrangers à la notion d'activités sociales et culturelles, le
pourvoi formé contre une décision des juges du fond ayant proposé une définition de ce que la loi appelait à
l'époque oeuvres sociales. Selon cette définition émanant de la cour de Lyon, « doit être considérée comme
oeuvre sociale toute activité non obligatoire légalement, quelle que soit sa dénomination, la date de sa création et
son mode de financement, exercée principalement au bénéfice du personnel de l'entreprise, sans discrimination,
en vue d'améliorer les conditions collectives d'emploi, de travail et de vie du personnel de l'entreprise ».

On ne retrouve pas trace de cette définition dans l'arrêt du 26 janvier 1999 qui, sans proposer de critère des
activités sociales, se borne à dire que « l'aide exceptionnelle accordée à d'anciens salariés, licenciés dans le cadre
d'un licenciement collectif pour motif économique, à l'effet d'agir en justice pour obtenir le respect des
engagements pris par l'employeur dans le plan social, dont le comité d'entreprise avait examiné les dispositions,
relève des activités sociales au sens des articles L 432-8 et R 432-2 du Code du travail ». L'objet de la prise en
charge de frais de justice, engagés à l'occasion d'actions dirigées contre l'employeur pour la défense de l'emploi,
paraît éloigné de l'amélioration des conditions d'emploi, de travail et de vie du personnel de l'entreprise. Ou
plutôt, cet objet ne touche aux problèmes d'emploi que sous l'angle du droit des travailleurs licenciés à contester
les conditions de leur licenciement. Dès lors qu'il s'agit de droits appartenant aux salariés contre l'employeur, on
rencontre la distinction fondamentale entre les activités sociales des comités d'entreprise et leurs attributions
économiques.

II La distinction entre activités sociales et attributions économiques du comité

En rattachant aux activités sociales du comité d'établissement l'aide apportée par lui à des travailleurs agissant en
justice pour obtenir le respect du plan social, la Cour de cassation s'engage dans une voie qui peut mener loin et
qui ne paraît pas fidèle à la distinction des attributions économiques du comité et de ses activités sociales.

Ce qui paraît avoir été déterminant pour cette extension de la notion d'activités sociales et culturelles, c'est qu'il
s'agissait d'obtenir l'exécution d'un plan social à l'élaboration duquel le comité d'établissement avait été associé.
Ce plan contenant, conformément à sa dénomination, des mesures à caractère social visant à atténuer les
conséquences préjudiciables pour les salariés d'une décision de licenciement collectif inspirée par des motifs
économiques, sa mise en oeuvre, grâce à des actions individuelles en justice de la part des salariés licenciés, a pu
paraître entrer dans les activités sociales que le comité est libre d'organiser grâce aux ressources provenant de la
contribution patronale.

Un tel raisonnement méconnaît la nature du plan social. Il est exact qu'institué « pour éviter les licenciements ou
en limiter le nombre et pour favoriser le reclassement du personnel dont le licenciement ne pourrait être évité »
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(art. L 321-4-1), le plan social vise à corriger la pure logique économique ayant motivé le licenciement collectif
envisagé et à prendre en compte des considérations sociales de protection de l'emploi. L'employeur ne peut
procéder à des licenciements secs, privant d'emploi les salariés concernés, sans avoir exploré et mis en oeuvre
tous les moyens de leur conserver un emploi. Mais cela concerne la gestion sociale de l'entreprise, et non les
initiatives que le comité d'entreprise est habilité à prendre pour améliorer la situation résultant pour les salariés
de l'application des règles juridiques gouvernant leurs rapports avec l'employeur. Le comité d'entreprise est
chargé « d'assurer une expression collective des salariés permettant la prise en compte permanente de leurs
intérêts dans les décisions relatives à la gestion de l'entreprise » (art. L 431-4). Cela justifie sa consultation, dans
les procédures de licenciement collectif, sur les moyens à mettre en oeuvre dans un plan social, pour concilier les
intérêts des travailleurs avec des décisions de gestion menaçant leur emploi. Mais la mise en oeuvre des mesures
prévues dans le plan social relève de la gestion sociale de l'entreprise, et non des activités sociales du comité.

Le caractère obligatoire des engagements pris par l'employeur dans le plan social, que ces engagements ouvrent
ou non des droits individuels à certains salariés, exclut l'intervention du comité d'entreprise dans le cadre de ses
activités sociales. Comme le dit la doctrine, « toute réalisation sociale incombant légalement à l'employeur
échappe à la gestion du comité d'entreprise » (Maurice Cohen, Le droit des comités d'entreprise, 5e édition, p.
686). Et l'on a souvent observé que plus les travailleurs obtenaient de droits opposables à l'employeur, moins il
restait de place pour une action sociale des comités. Plus le plan social ouvre de droits aux travailleurs licenciés,
moins une intervention du comité dans le cadre d'une action sociale à leur profit se justifie. En revanche, on peut
admettre le comité d'entreprise à agir en justice pour l'exécution du plan social dans la mesure où cette action
vise à la défense des prérogatives économiques du comité.

On peut objecter que les frais de justice, que les travailleurs sont appelés à engager pour faire valoir leurs droits,
doivent être avancés par eux et peuvent demeurer plus ou moins complètement à leur charge en fonction du
succès ou non des actions engagées par eux. Dans l'affaire Gec Alsthom Stein, il semble que l'aide accordée par
le comité d'établissement aux salariés licenciés ne portait que sur la partie résiduelle de frais qui avaient été
principalement couverts, d'une part, grâce à une quête auprès du personnel, d'autre part, grâce à une contribution
de syndicats implantés dans l'entreprise. On se trouverait donc devant un acte de solidarité émanant du comité
d'établissement à l'égard de travailleurs ayant à faire face à des frais exceptionnels, et non devant une
intervention du comité dans la mise en oeuvre du plan social.

Mais on se heurte alors à une autre difficulté qui concerne l'attribution de sommes d'argent à certains salariés
dans le cadre des activités sociales du comité d'entreprise. Il est certain que les fonds dont dispose un comité
d'entreprise ne sont pas normalement destinés à être répartis sous forme de versements en espèces qui
viendraient s'ajouter aux revenus salariaux des travailleurs. Mais on admet que le comité peut attribuer des
secours en argent à des salariés dans le besoin. Encore faut-il que ce soit l'état de besoin des bénéficiaires qui
soit pris en compte, et non le fait qu'ils ont engagé des frais ou subi une perte de salaire à l'occasion de l'exercice
d'un droit. Le comité peut venir en aide à certains travailleurs en fonction de leur situation financière difficile,
mais non pour prendre en charge les frais correspondant à une initiative de ces travailleurs, même si elle est
l'exercice d'un droit.

C'est ce qui ressort de la jurisprudence relative aux secours attribués par un comité d'entreprise à des grévistes.
La Cour de cassation a approuvé, par exemple, l'annulation d'une délibération d'un comité d'établissement qui
avait attribué des sommes « pour compenser les frais de déplacement à Paris exposés par une délégation de
grévistes, sans la moindre référence à une situation de nécessité propre à chacun de ces grévistes » (Cass. soc. 18
mai 1983 : Bull. V, n° 266 ; rappr. TGI Nantes, 14 novembre 1978 : D. 1979, 636, note Jean Savatier). Au
contraire, l'attribution de secours à des salariés grévistes est régulière dès lors que « les secours avaient été
attribués aux salariés nécessiteux, sans distinction entre salariés grévistes et non grévistes » (Cass. soc. 11 juin
1996, RJS 7/96, n° 804).

L'application de cette jurisprudence aurait dû conduire, dans le cas de salariés licenciés, contraints d'agir en
justice pour obtenir ce qui leur était dû, à ne reconnaître comme justifiée qu'une aide réservée à des salariés dans
le besoin, ayant de la difficulté à avancer les frais de justice. Ce n'est pas ce qu'a fait la Cour de cassation dans
son arrêt du 26 janvier 1999. Pour justifier le versement de sommes d'argent à des salariés licenciés, elle se borne
à dire qu'il s'agissait d'une « aide exceptionnelle », sans examiner si elle n'était attribuée qu'aux salariés dans le
besoin ou si le seul critère d'attribution résidait dans le fait d'être partie à une action en justice visant à obtenir le
respect du plan social. Les versements aux salariés licenciés apparaissaient davantage comme une subvention
aux actions en justice tendant à l'exécution du plan social que comme une aide exceptionnelle à des salariés dans
le besoin. La situation aurait été différente si le comité avait adhéré à une association ayant pour objet d'assister
les salariés dans les litiges les opposant à l'employeur (Cass. soc. 21 juillet 1986, Bull. V, n° 386). Il n'y aurait
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pas alors versement direct de sommes d'argent à certains salariés, mais organisation d'un service juridique dans
l'intérêt des salariés sans distinction.

On peut se demander si la notion d'activités sociales du comité d'entreprise qui résulte de l'arrêt du 26 janvier
1999 pourra être limitée aux aides concernant des actions en justice relatives à l'exécution d'un plan social.
Quand des travailleurs licenciés agissent en justice, en contestant le bien-fondé ou les modalités de leur
licenciement, ils demandent, non pas seulement le respect du plan social, mais l'application des règles légales ou
conventionnelles sur le licenciement. Si l'on admet qu'ils peuvent recevoir une aide du comité d'entreprise pour
une telle action, il est difficile de refuser cette aide à des salariés licenciés se plaignant seulement d'une violation
de la loi par l'employeur, par exemple dans le cas où l'employeur n'a pas établi de plan social. Mais pourquoi
alors faire une différence entre les actions en justice suscitées par un licenciement et toutes celles qui tendent
seulement à l'exécution du contrat de travail ? De proche en proche, on risque d'étendre la qualification
d'activités sociales du comité d'entreprise à toutes les formes d'assistance du comité à des travailleurs appelés à
plaider contre leur employeur.

Dans l'affaire Gec Alsthom Stein, l'aide litigieuse était accordée à d'anciens salariés qui avaient cessé, à la suite
de leur licenciement, de faire partie du personnel de l'entreprise. Cela était conforme à l'article R 432-2 qui vise «
les activités sociales et culturelles établies dans l'entreprise au bénéfice des salariés ou anciens salariés de
l'entreprise ». Cela pose néanmoins un problème pour l'application de la jurisprudence qui assujettit à cotisations
de sécurité sociale les prestations dont bénéficient certains travailleurs au titre des activités sociales du comité
d'entreprise. On sait que cette jurisprudence n'admet l'exonération de cotisations que pour les secours attribués «
en fonction de situations individuelles exceptionnelles particulièrement dignes d'intérêt » (Cass. soc. 17 avril
1996, RJS 6/96, n° 717). Mais elle s'est établie dans l'hypothèse de prestations servies à des salariés de
l'entreprise recevant de celle-ci un salaire assujetti à cotisations. Il paraît difficile de l'étendre à d'anciens salariés,
ne faisant plus partie du personnel pour l'emploi duquel l'entreprise est débitrice de cotisations.

La disposition de l'article R 432-2 étendant le bénéfice des activités sociales du comité d'entreprise à d'anciens
salariés était sans doute écrite pour les retraités. Mais elle peut s'appliquer aux chômeurs. Il est souhaitable que
les comités orientent leur action sociale vers ces derniers. Mais on peut craindre pour les anciens salariés au
chômage qu'ils cessent rapidement d'être considérés par leurs anciens camarades comme faisant partie de la
collectivité représentée par le comité d'entreprise et contribuant à la masse salariale dont dépendent les
ressources affectées aux activités sociales.

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