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BARREAU DU CAMEROUN

SEMINAIRE DE PREPARATION DES CANDIDATS A L’EASA,


SESSION 2024, REGIONS CENTRE, SUD ET EST
DU 03 AU 04 AVRIL 2024

THEME : LES JURIDICTIONS STATUANT EN MATIERE


SOCIALE : COMPETENCE, SAISINE ET VOIES DE RECOURS

INTERVENANT

Eugène BALEMAKEN
Docteur en Droit (Panthéon-Assas, Paris II)
Ancien Membre du Conseil de l’Ordre (Trésorier et Secrétaire de l’Ordre)
Conseil en Propriété Industrielle (certifié OAPI)
Ancien Membre de la Commission Nationale des Droits de l’Homme et des Libertés
Chargé d’Enseignement à l’UCAC.

La saisine des juridictions statuant en matière sociale tend à la résolution des différends ou
conflits individuels de travail.
En effet, il résulte des dispositions de l’article 131 du Code du travail issu de la loi du 14 Août
1992 que : « Les différends individuels pouvant s’élever à l’occasion du contrat de travail entre
travailleurs et employeurs et du contrat d’apprentissage relèvent de la compétence des
tribunaux statuant en matière sociale conformément à la législation portant organisation
judiciaire ».
Le différend individuel de travail est un conflit né à l’occasion du travail entre un employeur
et un ou plusieurs travailleurs pris individuellement et son employeur.
Cette définition met en exergue le caractère individuel des revendications à telle enseigne que
lorsque c’est un intérêt collectif qui est en jeu, l’on est en présence d’un conflit collectif de
travail lequel est soumis à un régime juridique particulier et, par voie de conséquence, appelle
la mise en œuvre d’une procédure particulière.
Seront respectivement examinées dans le cadre du présent exposé :
- La compétence des juridictions statuant en matière sociale (I)
- Les modalités procédurales de saisine du Tribunal (II)
- Les voies de recours (III)

I. LA COMPETENCE DES JURIDICTIONS STATUANT EN MATIERE


SOCIALE
L’on distinguera ici d’une part la compétence ratione materiae (compétence matérielle ou
d’attribution) et, d’autre part, la compétence ratione loci (compétence territoriale).

A. LA COMPETENCE RATIONE MATERIAE


En matière sociale, la compétence matérielle des juridictions s’articule autour de deux critères
principaux qui donnent lieu à une double compétence : compétence en raison du montant de
demande et compétence en raison de la nature du différend.
1. La compétence en raison du montant de la demande
Il convient de se référer ici aux règles de l’organisation judiciaire du Cameroun.
Ainsi :
a) Les Tribunaux de Première Instance sont compétents pour connaître des différends dont le
montant de la demande est inférieur ou égal à 10 000 000 FCFA (cf. article 15 (1) (b) (nouveau)
de la Loi N° 2006/015 du 29 Décembre 2006 portant organisation judiciaire modifiée)
b) Les Tribunaux de Grande Instance sont compétentes pour connaître des différends dont le
montant de la demande est supérieur à 10 000 000 FCFA (cf. article 18 (b) (nouveau) de la loi
du 29 Décembre 2006 susvisée)
Il faut relever que les Tribunaux de Première Instance et de Grande Instance connaissent
également de toutes les demandes reconventionnelles ou demandes en compensation qui, par
leur nature, rentrent dans leurs compétences.
Cependant, lorsque les demandes reconventionnelles ou en compensation excèdent la limite de
compétence, le Tribunal de Première Instance doit se déclarer incompétent pour cette demande.

2. La compétence en raison de la nature différend

a) Les différends justifiant la compétence des juridictions sociales peuvent s’élever à l’occasion
du contrat de travail ou du contrat d’apprentissage entre les employeurs d’un côté et les salariés
et apprentis de l’autre côté.
b) La compétence des juridictions sociales peut également être sollicitée dans le cadre de
l’application de la législation sur les accidents du travail, l’hygiène et la sécurité dans
l’entreprise, les différends entre salariés à l’occasion du travail, les actions récursoires des
entrepreneurs contre les tâcherons.
c) Les juridictions sociales peuvent également être sollicitées pour connaître des différends
entre employeurs. L’hypothèse la plus courante ici est celle relative à l’action en concurrence
déloyale pour débauchage d’un employé ou encore l’hypothèse dans laquelle le travailleur est
mis par son employeur à la disposition d’un autre employeur pour une durée déterminée.

B. LA COMPETENCE RATIONE LOCI


En matière de compétence territoriale le code du travail pose un principe et une exception.

1. Le principe : la compétence du tribunal du lieu du travail


La compétence du tribunal du lieu du travail est consacrée par l’article 132 du Code du travail
qui dispose que « le tribunal compétent est en principe celui du lieu du travail ».
2. L’exception : la compétence du tribunal du lieu de la résidence du travailleur
Après avoir posé le principe selon lequel le tribunal territorialement compétent est celui du lieu
du travail, l’article 132 du Code du travail ajoute qu’il est toutefois loisible au travailleur qui
ne réside plus au lieu d’exécution du contrat de travail, de porter tout litige né de la résiliation
dudit contrat, soit devant le tribunal du lieu du travail, soit devant celui de sa résidence, à la
condition que l’un ou l’autre soient situés au Cameroun.
Seule la recherche de l’intérêt du travailleur justifie une telle exception.

II. LES MODALITES PROCEDURALES DE SAISINE DU TRIBUNAL


La procédure devant les tribunaux du travail supposée caractérisée par sa gratuité, sa simplicité
et sa gratuité obéit à des règles édictées par le Code du travail. Ce n’est que dans le silence ou
l’insuffisance de celles-ci que le recours aux règles du droit commun de la procédure civile est
admis.
Cette procédure s’articule autour de deux étapes principales. D’une part la tentative de
conciliation préalable à la saisine du tribunal et l’instance.
Nous nous intéressons particulièrement dans le cadre de cet exposé au préliminaire de
conciliation obligatoire (A) et à la saisine du tribunal (B).

A. LA TENTATIVE DE CONCILIATION : PREALABLE OBLIGATOIRE A LA


SAISINE DU TRIBUNAL

L’article 134 du Code du travail dispose que tout travailleur ou tout employeur doit demander
à l’inspection du travail du lieu du travail de régler le différend à l’amiable.
Toute demande en justice n’ayant pas été soumise au préliminaire de conciliation obligatoire
est déclarée irrecevable par les tribunaux conformément à une jurisprudence constante.
Selon la Cour Suprême du Cameroun, en effet, il s’agit là d’une formalité substantielle dont
l’omission ou le défaut de constatation dans le jugement entraîne la nullité absolue de la
procédure.
Les modalités de convocation et comparution des parties devant l’Inspecteur du travail aux fins
de tentatives de conciliation ont été fixées par l’arrêt N° 11/MTPS du 23 Mai 1978.
1. L’hypothèse d’une conciliation totale
Il y a conciliation totale lorsque les parties s’accordent sur tous les points faisant l’objet du
litige.
Dans cette hypothèse un procès-verbal de conciliation totale rédigé et signé par l’inspecteur du
travail et par les parties, consacre le règlement à l’amiable du litige, le procès-verbal dit la loi
(cf. article 139 (3) du Code du travail) dès qu’il a été vérifié par le Président du tribunal
compétent et revêtu de la formule exécutoire.
2. L’hypothèse d’une conciliation partielle
Il y a conciliation partielle lorsque les parties ne se sont entendues que sur quelques points
objets du différend.
Dans cette hypothèse précise la loi (cf. article 139 (4) du Code du travail), le procès-verbal
mentionne les points sur lesquels un accord est intervenu et ceux sur lesquels un désaccord
persiste.
3. L’hypothèse d’un échec total de conciliation
Il y a échec total de conciliation lorsque les parties ne sont entendues sur aucun des points du
litige.
Dans cette hypothèse, l’Inspecteur dresse un procès-verbal de non conciliation (cf. article 139
(5) du Code du travail).

B. LA SAISINE DE LA JURIDICTION COMPETENTE


L’on peut évoquer succinctement ici les modalités de saisine et les suites de la saisine.

1. Les modalités de saisine de la juridiction compétente


La saisine du tribunal intervient en cas d’échec total ou partiel de la tentative de conciliation.
L’action est introduite par déclaration orale ou écrite adressée au greffe du Tribunal compétent
et ne peut par la partie la plus diligente, et ne peut porter que sur les points n’ayant pas fait
l’objet d’accord devant l’Inspecteur du travail.
La déclaration doit, à peine d’irrecevabilité, être accompagnée d’un exemplaire de procès-
verbal de non conciliation ou de conciliation partielle (cf. article 140 du Code du travail).

2. Les suites de la déclaration écrite ou orale


Aux termes de la loi (cf. article 141 du Code du travail), dans les 2 jours à dater de la réception
de la demande, dimanches et jours fériés non compris, le Président du Tribunal saisi cite les
parties à comparaître dans un délai qui ne peut excéder 12 jours, augmenté s’il y a lieu des
délais de distance.

III. LES VOIES DE RECOURS


A titre préliminaire, il y a lieu de rappeler qu’aux termes des dispositions de l’article 152 du
Code du travail, sauf du chef de la compétence, les jugements des tribunaux statuant en matière
sociale sont définitifs et sans appel lorsqu’ils sont relatifs à des demandes de remise du
certificat du travail ou des bulletins de paie.
Cette précision faite, force est de constater que les voies de recours à l’encontre des décisions
rendues en matière sociale sont tantôt régies par les dispositions spéciales du Code du travail,
tantôt par les dispositions du droit commun. Il convient de les envisager selon qu’il s’agit des
voies de recours ordinaires ou des voies de recours extraordinaires.

A. LE CAS DES VOIES DE RECOURS ORDINAIRES


Sont concernés ici l’opposition et l’appel.

1. L’opposition en matière sociale


Lorsque le défendeur n’a pas comparu ou n’a pas été valablement représenté, un jugement de
défaut est prononcé. Dans ce cas, le défendeur qui a fait défaut dispose d’un délai de 10 jours
après notification, outre les délais de distance pour former opposition par déclaration écrite ou
orale au greffe du Tribunal (cf. article 151 du Code du travail).

2. L’appel en matière sociale


L’appel est règlementé par l’article 154 du Code du travail.
Le délai d’appel est de 15 jours à compter du prononcé du jugement s’il est contradictoire, ou
de sa signification s’il est par défaut ou réputé contradictoire. Il est formé par déclaration écrite
ou orale au greffe du Tribunal.

3. LE CAS DES VOIES DE RECOURS EXTRAORDINAIRES


Le Code du travail n’a pas règlementé les voies de recours extraordinaires que sont le pourvoi
en cassation, la tierce opposition ou la requête civile.
Face à ce vide juridique, il convient donc de recourir au droit commun pour l’exercice de ces
recours comme c’est régulièrement le cas dans la pratique en matière notamment de pourvoi
en cassation contre les décisions rendues par les Cours d’appel statuant en matière sociale.
Ce recours au droit commun processuel trouve au demeurant un fondement légal au travers des
dispositions de l’article 156 (1) du Code du travail ainsi libellées : « En toutes matières de
procédure non réglées par la présente section, les dispositions de droit commun ne sont
applicables qu’à défaut des dispositions particulières prévues par la présente loi ».

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