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Deuxième partie – Les biens de l’entreprise commerciale

Titre I- Les biens meubles de l’entreprise commerciale : le fonds de


commerce
(Titre 2 – Les biens immeubles)

Le commerçant utilise, pour son exploitation, un ensemble de biens corporels


(marchandises, machines) et incorporels (brevets d’invention, nom commercial…).
L’entreprise n’ayant pas la personnalité juridique, ces biens demeurent la propriété
de la personne physique ou morale qui exerce le commerce. Toutefois, les biens
affectés à l’exploitation commerciale forment un ensemble auquel le droit français
applique un régime particulier : c’est le fonds de commerce.
Cette notion a été inventée par la pratique, qui s’est aperçue que cet
ensemble représentait une valeur économique susceptible de faire l’objet de
divers contrats (vente notamment). Le terme est entré dans le Code de commerce
de 1807 grâce à la loi du 17 mars 1909 (dite loi Cordelet) portant codification des
règles relatives à sa vente et à son nantissement. Depuis, les textes réglementant
les opérations portant sur le fonds de commerce se sont multipliés, textes ayant
presque tous été intégrés dans le nouveau Code de commerce dans le titre IV du
livre I.
Malgré cet intérêt législatif pour le fonds de commerce, aucune définition
n’est donnée par la loi. Le terme reste donc essentiellement doctrinal et
jurisprudentiel.

1
M. Thioye – Droit des affaires
Chapitre I- La notion de fonds de commerce : composition et nature
juridique
(Chapitre 2 – Les opérations sur fonds de commerce)

L’expression fonds de commerce sert à désigner l’ensemble des biens


exclusivement mobiliers (jamais immobiliers) qui permettent à un commerçant
d’exercer son activité, l’ensemble des moyens utilisés pour attirer et retenir la
clientèle.
Elle doit être distinguée d’un certain nombre de notions voisines. En effet,
il ne faut pas confondre le fonds de commerce avec l’immeuble dans lequel il est
exploité (c’est dire que si le commerçant est propriétaire des locaux dans lesquels
il exploite son fonds, ce droit réel est exclu des éléments du fonds susceptible
d’être cédés ou nantis1).
Le fonds de commerce se distingue également de l’entreprise, cette
dernière désignant l’ensemble des moyens matériels et humains grâce auxquels
s’exerce une activité quelconque.
Notons, en outre, que le fonds de commerce n’a pas la personnalité juridique,
celle-ci n’étant reconnue qu’à la personne physique ou à la société qui l’exploite.

Section 1- La composition du fonds de commerce

Remarquons, en premier lieu, que le fonds de commerce n’est pas un bien


homogène. En effet, il est composé d’un ensemble d’éléments disparates, les uns
corporels, les autres incorporels, mais qui se trouvent tous liés par leur commune
affectation à l’exploitation commerciale.
Notons, en deuxième lieu, que le fonds de commerce n’est pas un bien
immuable ou stable comme un immeuble. En effet, il est plutôt évolutif puisque sa
composition varie en fonction des entreprises et, pour une même entreprise, il
varie sans cesse dans le temps.
Notons, en troisième lieu, que tous les éléments susceptibles d’entrer dans
la composition du fonds de commerce ne sont pas tous essentiels, puisqu’ils
n’ont pas tous la même importance. Beaucoup d’entre eux sont, d’ailleurs,
juridiquement facultatifs.

§ 1- Les éléments incorporels

On parle d’éléments incorporels puisqu’il s’agit de biens immatériels, sans


existence concrète, non palpables. Les éléments incorporels du fonds de commerce
sont nombreux et variés. Ils comprennent non seulement ceux qui sont

1
Civ., 21 juillet 1937, DP 1940. I. 17, note Voirin. Sur l’exclusion des immeubles par destination, v.
Civ. 1re, 4 janvier 1962, Bull. I, n° 284.

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expressément désignés par la loi, mais aussi tous les droits (notamment
intellectuels) permettant d’attirer la clientèle.

A- La clientèle

1° La définition controversée de la notion de clientèle

C’est l’ensemble des personnes physiques ou morales qui sont en relations


d’affaires avec le commerçant et auxquelles il fournit les biens ou les services qui
font l’objet de son activité.
La clientèle est parfois confondue ou, tout au moins, assimilée par le
législateur avec la notion d’« achalandage » : ainsi, dans les articles L. 141-5, al. 2
(le privilège du vendeur d'un fonds de commerce « ne porte que sur les éléments
du fonds énumérés dans la vente et dans l'inscription, et à défaut de désignation
précise, que sur l'enseigne et le nom commercial, le droit au bail, la clientèle et
l'achalandage »), et L. 142-2, al. 1er, du Code de commerce (« sont seuls
susceptibles d'être compris dans le nantissement (…) comme faisant partie d'un
fonds de commerce : l'enseigne et le nom commercial, le droit au bail, la clientèle
et l'achalandage… »).
Cette assimilation est critiquée par certains auteurs pour qui il n’y a pas, en
rigueur des termes, synonymie entre ces notions. D’après eux, l’achalandage
(plutôt aléatoire) ne désignerait la clientèle potentielle liée à la situation
géographique, la clientèle occasionnelle (personnes attitrées par l’emplacement du
fonds). En revanche, la clientèle serait constituée par les relations d’affaires déjà
existantes, elle désignerait les personnes qui s’approvisionnement habituellement
auprès du fonds de commerce.
Le plus souvent, la jurisprudence refuse de distinguer entre clientèle et
achalandage, et lorsqu’il lui arrive de le faire à la demande d’un plaideur, c’est
seulement pour indiquer que l’élément essentiel du fonds de commerce, c’est la
clientèle, non l’achalandage.

2° La clientèle, l’élément central du fonds de commerce

La clientèle est très souvent présentée comme l’élément essentiel du fonds de


commerce2. Cette conception classique, consacrée par la jurisprudence3, peut être
surprenante dans la mesure où les clients ne sont en principe jamais tenus de
rester fidèles. En effet, ils sont toujours libres de mettre fin à leurs relations
d’affaires avec le commerçant considéré, à l’exception toutefois des clients dits

2
Cass. 3e civ., 9 juillet 2008, n° 07-15534, parlant de « clientèle indépendante attachée à un fonds
de commerce ».
3
Req., 23 oct. 1934, S. 1934 . 1. 392; 15 fév. 1937, DH 1937. 179.

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captifs, c’est-à-dire ceux qui sont liés au commerçant par des contrats
d’approvisionnement (avec éventuellement des clauses de quota ou d’exclusivité).
Partis de ce constat, certains auteurs contemporains contestent parfois
l’élévation de la clientèle au rang d’élément constitutif du fonds de commerce :
pour eux, elle ne serait que le but de l’exploitation (un élément d’appréciation de
la valeur du fonds, mais non un élément constitutif). La remarque est peut-être
logique et pertinente, mais force est de constater qu’elle n’a jamais eu d’incidence
sur la jurisprudence qui traite obstinément la clientèle comme une composante du
fonds. Cette qualification produit, entre autres, les conséquences suivantes :
- le commerçant peut défendre son droit à la clientèle contre ses rivaux qui
se rendraient coupables d’actes de concurrence illicite ou déloyale ;
- les tribunaux protègent l’acquéreur de fonds de commerce contre l’éviction
par le vendeur qui chercherait à reprendre la clientèle attachée au fonds.
Il est donc acquis, en définitive, que la clientèle constitue une condition
d’existence du fonds de commerce. Cela dit, elle doit présenter un certain nombre
de caractères qui ont été dégagés par la jurisprudence.

3° Les caractères de la clientèle

♦ Il faut, en premier lieu, que la clientèle soit réelle et actuelle, c’est-à-dire


résulter d’une exploitation en cours ou, tout au moins, d’un commencement
d’exploitation, l’ouverture au public étant, en principe, indispensable. En effet, la
clientèle ne doit pas, en règle ordinaire, être seulement hypothétique ou virtuelle :
ainsi, il a été jugé que la location d’un local aménagé à usage de salle de cinéma
n’est qu’un bail d’immeuble, non une location-gérance de fonds de commerce.
Toutefois, certaines décisions ont admis que la clientèle (et donc l’existence du
fonds) pouvait préexister à l’ouverture effective au public (ainsi, pour les stations-
service, pour un débit de boisson).

♦ Il faut, en deuxième lieu, que la clientèle soit commerciale, c’est-à-dire résulter


d’actes de commerce. En effet, il ne peut y avoir de fonds de commerce en
présence d’actes civils.
NB : Depuis un arrêt rendu le 7 novembre 2000, la Cour de cassation
reconnaît ouvertement l’existence du fonds libéral et admet, par un revirement de
sa jurisprudence, la cessibilité de la clientèle civile (à l’occasion de la constitution
ou de la vente du fonds)4.

♦ Il faut, en outre, que la clientèle soit personnelle à l’exploitant, c’est-à-dire ne


pas être dérivée du travail d’autrui5. Cela signifie que la clientèle doit être

4
Cass. civ. 1re, 7 nov. 2000, JCP, 2001, II. 10452, note F. Vialla.
5
Voir toutefois : Cass. 3e civ., 19 mars 2003, D. 2003, Jur., p. 2749 : déduit exactement, sans

4
M. Thioye – Droit des affaires
attachée, au moins partiellement, au titulaire (ou à l’exploitant libre) du fonds,
sans pour autant que celui-ci possède des droits exclusifs sur les clients, lesquels
sont en principe libres. Ainsi, en l’absence de clientèle propre, il ne saurait y avoir
de fonds de commerce (exemples tirés de la jurisprudence : cas d’une buvette
installée dans un champ de course ou dans un aérodrome et qui n’a, comme clientèle,
que celle de l’enceinte plus large qui la renferme ; cas de l’emplacement qu’une
société a dans un supermarché ; cas d’un banc de poissons qu’une personne exploite
à proximité d’un supermarché ; cas d’une boutique de journaux et souvenirs
exploitée dans le hall d’un hôtel ; cas d’un gardien de refuge de montagne qui
fournit des prestations de nourriture6…).
Une exception est toutefois prévue à cette règle par la jurisprudence : le
concessionnaire et le franchisé, même s’ils exploitent la marque d’autrui
(concédant ou franchiseur), sont considérés comme titulaires d’une clientèle
propre et, par conséquent, comme propriétaires de fonds de commerce
autonomes7.

♦ Enfin, il faut que la clientèle considérée soit licite, ce qui est le cas si l’activité
exercée est permise par le droit (le trafic de stupéfiants étant prohibé,
l’existence malgré tout d’une clientèle ne saurait permettre au trafiquant de
prétendre avoir constitué un fonds de commerce).

B- Les éléments d’individualisation ou signes distinctifs du fonds de commerce

1° Le nom commercial

Le nom commercial est l’appellation sous laquelle le commerçant exerce son


activité commerciale. C’est le plus souvent son nom patronymique, mais il peut aussi
s’agir d’un pseudonyme, voire d’un nom de fantaisie. S’agissant des sociétés, l’on
parle de dénomination sociale (on parle parfois de raison sociale).
La jurisprudence protège le droit au nom commercial par le biais de l’action

inverser la charge de la preuve, que le preneur bénéficie du statut des baux commerciaux, une cour
d'appel ayant relevé que le locataire, régulièrement inscrit au registre du commerce et des
sociétés, exerce dans les lieux loués, dont il a la libre disposition toute l'année, un commerce de
vente de « casse-croûte» et boissons et qu'il possède, en dehors de la clientèle de la régie des
remontées mécaniques, une clientèle propre constituée par les amateurs de ski de fond, les
randonneurs, les promeneurs en raquette et les amateurs d'équitation, sans être tenue de
rechercher si cette clientèle personnelle, dont elle constate souverainement l'existence, est
prépondérante par rapport à celle de la régie.
6
Cass. 3e civ., 9 juillet 2008, n° 07-15534 parlant de « clientèle indépendante attachée à un fonds
de commerce ».
7
CA Paris, 4 oct. 2000, JCP 2001, p. 324, note B. Boccara ; D. 2001, p. 1718, note H. Kenfack. Cela
dit, la clientèle titulaire de cartes de fidélité est attachée à l’enseigne du franchiseur (CA
Chambéry, 2 oct. 2007, RJDA 8-9/08, n° 900).

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M. Thioye – Droit des affaires
en concurrence déloyale (la concurrence déloyale pouvant se faire par la création
d’une confusion). Sauf s’il a agi comme homme de paille ou prête-nom (simulation
pour permettre à des tiers de concurrencer une personne connue), l’on ne peut
interdire à un homonyme d’exercer le commerce sous son nom, mais il pourra se
voir prescrire des mesures de nature à éviter la confusion (emploi d’un prénom par
exemple). A cette restriction mineure, s’ajoute le fait que celui qui a consenti à
l’insertion de son nom dans la dénomination d’une société ne peut plus, en aucun
cas, concurrencer celle-ci en faisant usage de son nom (même s’il proposait d’y
associer son prénom).

2° L’enseigne commerciale

L’enseigne est une dénomination, un signe ou un emblème (insigne


représentant un métier) qui est apposé sur un local ou un magasin. Il arrive très
souvent que le nom commercial serve, en outre, d’enseigne. Mais il peut aussi s’agir
d’une simple dénomination de fantaisie.
La jurisprudence protège aussi le droit de l’enseigne commerciale par le
biais de l’action en concurrence déloyale, en condamnant ceux qui utiliseraient,
pour créer une confusion, une enseigne identique ou similaire, dès lors du moins
qu’il ne s’agit pas d’une enseigne générique ou banale (« Pizza » par exemple).

C- Le droit au bail des locaux affectés au commerce ou propriété commerciale

Le commerçant, qui est simplement locataire des locaux affectés au


commerce (ce qui est très fréquent), a droit au renouvellement de son bail arrivé
à son terme (expiration de la durée initiale) ou, à défaut, à une indemnité
d’éviction. C’est un élément qui est, quoique très important en pratique, facultatif
puisqu’il n’existe pas lorsque le commerçant est propriétaire de ses locaux
d’exploitation (cette situation déprécie paradoxalement la valeur du fonds). Nous
reviendrons sur cette question plus tard (dans le titre 2 de cette partie).

D- Les droits de propriété industrielle, littéraire et artistique

Les droits de propriété industrielle sont ceux qui correspondent aux


brevets d’invention, aux marques, aux dessins et modèles, aux noms de domaine
internet. Le titulaire de tels droits acquiert sur eux un monopole d’exploitation
(pour des raisons pédagogiques, et parce que ces biens ne sont qu’éventuels, nous
reviendrons spécialement sur tous ces droits intellectuels dans un chapitre
particulier).
Quant aux droits de propriété littéraire et artistique ils désignent ceux
reconnus aux auteurs d’œuvres littéraires et artistiques (cf. cours particulier).

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M. Thioye – Droit des affaires
E- Les licences et autorisations administratives

Un certain nombre de commerces exigent, pour leur exploitation, des


autorisations ou licences. Certaines d’entre elles sont strictement personnelles et,
dès lors, ne font pas partie des éléments constitutifs du fonds de commerce (par
exemple, carte professionnelle d’agence immobilière).
En revanche, d’autres sont impersonnelles (propter rem) et sont ainsi
incluses dans le fonds de commerce et transmissibles avec lui (inclusion faite par
la jurisprudence malgré le silence, concernant ces éléments, de l’article L. 141-5
du Code de commerce). Il en est ainsi des licences de débits de boissons ou de la
carte de transporteur routier.

F- Le droit à la communication des livres et documents comptables

Dans le cadre de l’exécution de son obligation de délivrance, pendant une


durée de trois ans à compter de l'entrée de l'acquéreur en jouissance du fonds,
le vendeur le vendeur doit, impérativement, mettre à sa disposition, à sa demande,
tous les livres de comptabilité qu'il a tenus durant les trois exercices comptables
précédant celui de la vente » (C. com., art. L. 141-2, réd. loi n° 2016-1691 du 9
décembre 2016).

G- Les créances et les dettes exceptionnellement incluses dans le fonds de


commerce

En principe, le fonds de commerce ne comprend ni les créances ou les dettes


du commerçant, ni les contrats auxquels il est partie. En effet, les règles
ordinaires en droit français sont, de ce point de vue, celles de l’interdiction de le
cession de dette et celle de la relativité des conventions.
Cela dit, ce principe n’est pas absolu, puisqu’il connaît quelques exceptions
légales ou jurisprudentielles (qui s’ajoutent aux possibilités de cession
conventionnelle de contrat, avec l’accord du cocontractant que l’on veut céder) :
ainsi, par exemple, les contrats de travail liant le commerçant sont transmis avec
le fonds de commerce à l’acquéreur de celui-ci (art. L. 1224-1 C. trav.). Notons
aussi que le locataire commerçant peut transmettre son droit au bail à l’acquéreur
de son fonds de commerce. Sont aussi transmissibles les contrats d’édition (art.
L. 132-16 du CPI), les engagements de non-concurrence souscrits au profit de tiers
ou par des tiers (qui grèvent le fonds ou dont celui-ci est bénéficiaire), les
contrats d’assurance (mais la loi reconnaît ici un droit de résiliation à chacune des
parties), les contrats de fourniture avec le fonds de commerce alimenté par ces
fournitures...

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M. Thioye – Droit des affaires
§ 2- Les éléments corporels du fonds de commerce

On parle d’éléments corporels parce qu’ils ont une existence concrète, ils
sont palpables.

A- Le matériel professionnel

Le matériel comprend l’ensemble des meubles corporels servant à


l’exploitation du fonds de commerce, à savoir l’outillage industriel, les machines,
les véhicules, le mobilier (meubles meublants)... Quoiqu’étant, très souvent, des
biens nécessaires à l’activité, le matériel ne constitue pourtant qu’un élément
facultatif du fonds de commerce, puisque l’on peut tout à fait être commerçant
sans disposer d’un matériel.
Pour que le matériel soit juridiquement inclus dans le fonds de commerce, il
faut que le commerçant en soit pleinement et définitivement propriétaire (ce n’est
pas le lorsque le commerçant est seulement locataire du matériel ou si le matériel
a été acquis avec une clause de réserve de propriété).
Cela dit, si le commerçant est aussi propriétaire de l’immeuble où il exploite le
fonds de commerce, le matériel pourrait être qualifié d’immeuble par destination
au sens de l’article 524 du Code civil et, par voie de conséquence, être exclu du
fonds (qui ne peut comprendre ni des immeubles par nature, ni des immeubles par
destination). L’immobilisation du matériel (exclusion du fonds) ne peut se produire
que dans deux hypothèses :
- lorsque le matériel considéré est attaché à l’immeuble à perpétuelle
demeure, c’est-à-dire y fixé définitivement de sorte qu’il ne pourrait en
être détaché sans être fracturé et détérioré ou sans briser ou détériorer
la partie de l’immeuble à laquelle il est attaché (article 525, al. 1er, du Code
civil) ;
- lorsque le matériel considéré est, de par la volonté du propriétaire de
l’immeuble, affecté au service de l’exploitation du fonds de commerce
(c’est-à-dire utile, voire indispensable à l’exploitation du fonds), ce qui est
présumé lorsque l’immeuble est spécialement aménagé en vue d’une
exploitation déterminée (hôtellerie par exemple).
Conséquence de l’immobilisation du matériel (exclusion du fonds de commerce) :
si, par exemple, l’immeuble d’exploitation est hypothéqué et le fonds de commerce
donné en nantissement, c’est le créancier hypothécaire qui, seul, aura des droits
sur le matériel (immeuble par destination).

B- Les marchandises

8
M. Thioye – Droit des affaires
♦ Il s’agit des produits mobiliers corporels destinés à être vendus, soit en l’état
(matières premières), soit après transformation (produits finis ou semi-finis,
pièces détachées…). Les marchandises, que l’on appelle couramment « stocks », se
distinguent ainsi du matériel en ce qu’elles ont vocation à être écoulées (la
distinction se faisant non pas d’après la nature des choses, mais d’après leur
affectation).
Quoiqu’étant, très souvent, des biens nécessaires à l’activité, les
marchandises ne constituent pourtant qu’un élément facultatif du fonds de
commerce, puisque l’on peut tout à fait être commerçant sans vendre des
marchandises, en se contentant de fournir des services.

♦ Il est aussi important de noter que si, en général, les marchandises


appartiennent au commerçant et constituent, en cela, des éléments du fonds de
commerce, il peut arriver qu’elles aient été acquises avec une clause de réserve de
propriété stipulée au profit du vendeur (fournisseur du commerçant). Une telle
clause a pour objet, comme son nom l’indique, de maintenir le droit de propriété
(et la charge des risques8) du vendeur (malgré la livraison ou transfert de
possession) jusqu’au paiement intégral du prix. Elle n’empêche pas le commerçant
de transformer ou de vendre les marchandises, mais elle permet au vendeur (en
cas de redressement judiciaire notamment), de les revendiquer si certaines
conditions sont réunies (la clause doit avoir été stipulée par écrit au plus tard au
moment de la livraison ; les marchandises ne doivent pas avoir subi de
transformation par l’acquéreur ; la revendication doit être exercée dans les trois
mois suivant le jugement d’ouverture de la procédure collective). De ce fait, une
telle clause limite le rôle des marchandises dans l’appréciation de la valeur d’un
fonds de commerce.

♦ Notons, pour terminer, que les marchandises ne sont pas, sur plusieurs points
essentiels, soumis au même régime que le matériel :
- le nantissement du fonds peut porter sur le matériel, non sur les
marchandises (solution logique puisque, destinées à disparaître, les
marchandises ne peuvent constituer un gage solide ; du reste, on imagine
mal qu’un commerçant puisse les immobiliser pour garantir un créancier) ;
- en cas de vente du fonds de commerce, le privilège du vendeur s’exerce en
priorité sur les marchandises, lesquelles doivent alors être nettement
isolées et évaluées ;
- toujours en cas de vente, les marchandises neuves sont soumises à un régime
fiscal spécial.

Section 2- La nature juridique du fonds de commerce

8
Cass. com., 26 mai 2010, n° 09-66344, BRDA 11/10, inf. 11 ; CCC 2010, comm. 197, note L. Leveneur.

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M. Thioye – Droit des affaires
§ 1- Le fonds de commerce, une universalité de fait ?

Certains auteurs ont proposé de voir dans le fonds de commerce une


universalité au sens entier du terme, une universalité de droit, c’est-à-dire un
ensemble formant un tout dont les éléments actifs (biens) et passifs (dettes) sont
inséparablement liés (l’actif répond du passif, l’ensemble de l’actif ne peut être
transmis que sous déduction du passif). Cette conception n’a pas prévalu, le fonds
de commerce n’étant pas un patrimoine.
Cela dit, l’on s’accorde aujourd’hui à qualifier le fonds de commerce
d’universalité de fait (terme critiquable, puisque, en rigueur des principes, une
universalité est ou n’est pas), c’est-à-dire une masse de biens affectés à une
exploitation commerciale dotée d’une certaine permanence. Cet ensemble de biens
forment une unité économique (et non juridique) que l’on traite comme une entité
juridique, même si elle ne constitue pas un patrimoine autonome (le fonds de
commerce n’a pas une personnalité juridique distincte de celle du commerçant).
Dès lors, il est possible de faire sur le fonds de commerce, pris dans son ensemble,
des opérations juridiques distinctes de celles que l’on peut passer, isolément, sur
l’un quelconque des divers éléments qui le composent : cession (forcément globale)
de fonds de commerce ; nantissement de fonds de commerce.

§ 2- Le fonds de commerce, un meuble incorporel

Pris en tant que bien (universalité de fait), le fonds de commerce est


forcément un meuble incorporel. C’est d’abord un meuble car, composé
exclusivement d’éléments mobiliers, il ne saurait être un immeuble. C’est ensuite
un meuble incorporel, étant donné que les éléments qui le constituent sont pour
l’écrasante majorité de nature incorporelle.
Cette qualification de meuble incorporel entraîne quelques conséquences
juridiques :
- le fonds de commerce n’obéit pas au régime des meubles corporels : ainsi,
l’article 2276 du Code civil, (voir ancien 1141 et rapprocher actuel article
1198) aux termes duquel, « en fait de meubles, possession vaut titre » (sauf
perte ou vol), lui est inapplicable ; ainsi, en cas de conflit entre deux
acquéreurs successifs d’un même fonds de commerce, c’est celui dont le
titre est antérieur en date qui l’emportera, quand bien même l’autre aurait
été « mis en possession » le premier (« Prior tempore, potior jure ») ;
- certaines règles applicables au fonds de commerce s’inspirent du droit
immobilier : par exemple, le nantissement du fonds s’opère sans
dépossession et fait l’objet d’une publicité sur un registre tenu au greffe
du tribunal de commerce, ce qui n’est pas sans rappeler l’hypothèque

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M. Thioye – Droit des affaires
immobilière ; cela dit, cette analogie avec le régime des immeubles n’est pas
sans limite : ainsi, par exemple, la location-gérance de fonds de commerce
ne peut pas valablement inclure une clause d’indexation de la redevance qui
se référerait à l’indice national du coût de la construction, indice de type
immobilier9.

9
Com., 15 juin 1993, Bull. IV, n° 248.

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M. Thioye – Droit des affaires
Chapitre II- Les principales opérations sur fonds de commerce

Section 1- La vente de fonds de commerce

Sous-section 1- La conclusion du contrat de vente

§ 1- Les conditions de formation ou de validité de la vente

A- Aspects substantiels : les conditions de fond

Consentement. Les règles sont, pour l’essentiel, celles du droit commun.


Ainsi, le contrat est conclu, en accord avec le principe de l’autonomie de la volonté,
dès qu’il y a accord sur la chose et le prix (art. 1583 du Code civil). En outre, les
règles traditionnelles concernant les vices du consentement (erreur, dol, violence),
sanctionnés par la nullité relative, sont applicables à la vente de fonds de
commerce (en outre, la violence et le dol peuvent, sous certaines conditions, être
sanctionnés par la responsabilité civile – délictuelle – voire pénale).
Il convient toutefois de souligner l’existence, sous peine de nullité relative
du contrat de cession, de formalités particulières destinées à informer l’acquéreur
(voir infra, mentions obligatoires).

Capacité. Les conditions de capacité sont renforcées par rapport au droit


commun (et rapprochent ainsi la vente de fonds de commerce, eu égard à son
importance économique, de la vente d’immeubles). Ainsi, la vente d’un fonds de
commerce appartenant à un mineur est soumise aux autorisations requises pour la
vente d’un immeuble, c’est-à-dire celle du conseil de famille (en cas de tutelle) ou
du juge des tutelles (en cas d’administration légale) (art. 389-5 et 505 du C. civ.).
En outre, quand le fonds est un bien commun, un époux ne peut le vendre sans le
consentement de son conjoint (art. 1424 C. civ.) : régime de cogestion.
De même, la vente du fonds de commerce appartenant à une société peut
nécessiter l’autorisation de l’assemblée générale extraordinaire des associés si
elle compromet la poursuite de l’objet social10.
NB : l’acquisition (comme la cession) de fonds de commerce étant un acte de
commerce, un incapable ne peut le faire et nul ne peut le faire en son nom (sauf
cas particuliers).

Objet matériel et pécuniaire (quoi ?). L’objet de la vente est double : d’une
part, le fonds de commerce (objet matériel) et, d’autre part, le prix (objet

10
Com., 18 oct. 1994, Bull. Joly 1994, p. 1330, note Saintourens.

12
M. Thioye – Droit des affaires
pécuniaire).
S’agissant de la vente du fonds, il appartient aux parties de déterminer
librement les éléments autres que la clientèle qui sont cédés (sans cession de
clientèle, il ne saurait y avoir cession du fonds). Dans le silence de la convention,
l’on considère que sont compris dans la cession tous les éléments corporels et
incorporels composant le fonds au moment de la vente.
En ce qui concerne le prix, il faut, conformément au droit commun de la
vente, qu’il soit déterminé ou déterminable (voir infra les mentions obligatoires
requises au titre des conditions de forme). Les clauses repoussant à plus tard sa
fixation font donc, en principe, échec à la vente (open price contract ou accord
différé).
Le problème essentiel concernant le prix de vente du fonds de commerce est
celui de la simulation, c’est-à-dire des dissimulations pour des raisons fiscales
notamment (ou en fraude aux droits des créanciers), l’objectif étant d’échapper
partiellement aux droits de mutation. Pour éviter ces montages, la loi permet à
l’administration fiscale d’intervenir dans la vente, selon deux techniques.
- Théorie de l’abus de droit. En cas de contre-lettre (accord secret) qui
prévoit un prix plus élevé que celui figurant dans l’acte ostensible
(apparent), le fisc peut calculer les droits de mutation sur la base du prix
dissimulé (l’article 1202du Code civil frappe de nullité toute contre-lettre
dissimulant une partie du prix ; et pour renforcer l’efficacité de la sanction
en incitant l’acquéreur à dénoncer la manœuvre, la jurisprudence décide que
la vente est valable mais pour le prix ostensible minoré).
- Théorie de l’acte anormal de gestion. Le fisc dispose d’une procédure de
redressement du prix lorsqu’il estime que celui-ci n’est pas suffisant,
compte tenu notamment de la nature et de l’emplacement du fonds (dans ce
cas, une discussion s’engage avec le vendeur et, à défaut d’accord amiable,
c’est une Commission départementale de conciliation qui tranchera le
différend).

Cause (pourquoi ?). La cause ne présente pas d’originalité par rapport au


droit commun. Elle doit exister (cause de l’obligation ou cause contre-prestation)
et être licite (cause du contrat ou cause impulsive et déterminante). En pratique,
il est très rare que l’absence ou l’illicéité ou immoralité de la cause soit soulevée
en matière de vente de fonds de commerce.
NB. Avec la réforme opérée par l’ordonnance du 10 février 2016, le Code
civil a substitué aux termes d’objet et de cause l’expression commune de « contenu
licite et certain ». Néanmoins, le concept et les fonctions de ces deux notions
demeurent inchangés.

B- Aspects formels : les règles de forme et de publicité

13
M. Thioye – Droit des affaires
1° Quant à la forme de l’acte

La vente de fonds de commerce est toujours un acte de commerce (le dernier


pour celui qui cède et le premier pour celui qui achète). Dès lors, sa preuve doit
pouvoir se faire par tous moyens. Pourtant, un écrit est en pratique nécessaire,
aux termes de l’article L. 141-5 du Code de commerce, si le vendeur veut inscrire
son privilège. Et, avant la réforme opérée par l’article 1er de la loi n° 2019-744 du
19 juillet 2019 de simplification, de clarification et d’actualisation du droit des
sociétés, l’écrit était également requis, depuis la loi du 29 juin 1935, si le vendeur
voulait se mettre à l’abri d’une action en nullité intentée par l’acquéreur pour
omission des mentions spéciales qui étaient légalement requises11. En effet, cette
loi avait institué un formalisme informatif rigide qui était, pour l’essentiel, destiné
à préserver les intérêts de l’acquéreur. L’article 12 de la loi de 1935, dont les
dispositions (modifiées) allaient être insérées dans l’ancien article L. 141-1 du Code
de commerce, prévoyait que, dans l’acte de vente, le vendeur devait énoncer :
- le nom du précédent vendeur, la date et la nature de son acte d’acquisition
et le prix de cette acquisition pour les éléments incorporels, les
marchandises et le matériel ;
- l’état des privilèges et nantissements grevant le fonds ;
- le chiffre d'affaires qu'il a réalisé durant les trois exercices comptables
précédant celui de la vente ou durant la durée de possession du fonds si
cette durée est inférieure à trois ans;
- les résultats d'exploitation réalisés pendant le même temps ;
- le bail, sa durée, le nom et l’adresse du bailleur et du cédant, s’il y a lieu ».
Cette énumération était exhaustive, même si l’on pouvait la trouver incomplète
(défaut de mention, par exemple, des contrats de distribution qui peuvent
pourtant être essentiels). Elle était aussi impérative et appréciée strictement.
Ainsi, pour la jurisprudence, ces mentions étaient requises même si le fonds cédé
faisait l’objet d’une location-gérance ; elles devaient également figurer dans les
avant-contrats de vente, à savoir les promesses unilatérales (dès lors qu’il est

11
En effet, « l'omission des énonciations (…) prescrites (pouvait), sur la demande de l'acquéreur
formée dans l'année, entraîner la nullité de l'acte de vente » (C. com., ancien art. L. 141-1, II).
Ainsi, l’omission (volontaire ou involontaire) n’entraînait pas automatiquement la nullité de la vente.
En effet, si elle est demandée par l’acquéreur (dans le délai préfix d’un an à compter du jour de
l’acte qui l’a engagé), le juge ne devait la prononcer qu’après avoir vérifié que le manquement était
de nature à vicier le consentement du demandeur (caractère déterminant de l’erreur) et lui avait
causé un dommage. Dès lors, il ne pouvait y avoir d’annulation effective si, par exemple, l’absence
des mentions requises dans la promesse établie SSP a été régularisée dans l’acte authentique de
vente (Cass. com., 27 juin 2000, n° 95-15406, Bull. civ. IV, 132 ; D. 2000, 357, obs. Monéger-
Dupuis), si tous les livres comptables tenus par le vendeur avaient été, avant la signature de l’acte
de cession, mis à la disposition de l’acquéreur (Cass. com., 30 janvier 1990, n° 87-14493, Bull. civ.
IV, n° 29).

14
M. Thioye – Droit des affaires
stipulé une importante indemnité d’immobilisation à la charge du bénéficiaire) et
synallagmatiques de vente. Mêmes exigences concernant les apports en société de
fonds de commerce.
Cela dit, il convient de souligner que, malgré la suppression par l’article 1er de
la loi n° 2019-744 du 19 juillet 2019 du formalisme classique innervant l’acte de
vente, il demeure que, « au jour de la cession, le vendeur et l'acquéreur visent un
document présentant les chiffres d'affaires mensuels réalisés entre la clôture du
dernier exercice comptable et le mois précédant celui de la vente » (C. commerce,
art. L. 141-2, alinéa 1er).
En outre, nonobstant la suppression des mentions obligatoires initialement
prévues par l’ancien article L. 141-1 du Code de commerce, l’article L. 141-3 du
même code dispose toujours que « le vendeur est, nonobstant toute stipulation
contraire, tenu de la garantie à raison de l'inexactitude de ses énonciations dans
les conditions édictées par les articles 1644 et 1645 du Code civil (garantie des
vices cachés) ». Certes, l’inexactitude des énonciations portées dans l’acte peut
d’abord donner lieu, conformément au droit commun, à des actions en nullité
(relative) fondées sur le dol ou l’erreur12 (prescription quinquennale). Mais surtout,
en assimilant toutes les énonciations du vendeur dans l’acte de vente, lorsqu’elles
sont inexactes, à des vices cachés dont le vendeur est, impérativement, tenu à
garantie dans les conditions du droit commun de la vente : l’acquéreur peut ainsi
demander, soit l’anéantissement de la vente (action rédhibitoire ou actio
redhibitoria), soit une réduction du prix (action estimatoire ou actio quanti
minoris)13. Cela dit, par dérogation au droit commun de la vente, l’action en garantie
des vices cachés doit être exercée par l’acquéreur dans le délai d’un an (et non
dans le délai biennal de l’article 1648 du Code civil) à compter de la date de sa
prise de possession (C. com., art. L. 141-4).

2° Quant à la publicité

Objet. La publicité de la vente est destinée à informer le créanciers


ordinaires ou chirographaires (dont le fonds de commerce constitue le seul gage :
certes, le bien est remplacé dans le patrimoine du vendeur par le prix, mais des
espèces, faciles à dissimuler ou à dilapider, sont pratiquement insaisissables).

Formes et supports. D’après l’article L. 141-12 du Code de commerce (réécrit


par l’article 107 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 puis par l’article 21 de la loi
n° 2016-1524 du 14 novembre 2016), la publicité (nécessaire sauf si la vente
intervient dans le cadre d’une procédure collective, en application de l’article L.

12
Cass. com., 18 juin 1996, n° 93-19645, RTD com. 1996, 664, obs. Derruppé.
13
En revanche, le fonds de commerce étant un meuble, la rescision pour lésion est exclue entre
personnes capables.

15
M. Thioye – Droit des affaires
642-5) prend la forme suivante : dans un délai de 15 jours suivant la signature de
l’acte, la vente doit faire l’objet, à la diligence et aux frais de l’acquéreur, d’une
publication sur un support habilité à recevoir des annonces légales dans le
département dans lequel le fonds est exploité et sous forme d'extrait ou d'avis
au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (l’extrait ou l’avis doit
contenir un certain nombre d’informations strictement envisagées par la loi).
Mais, selon l’article L. 141-13, cette publication doit être, à peine de nullité,
précédée soit de l'enregistrement de l'acte contenant mutation, sauf s'il s'agit
d'un acte authentique, soit, à défaut d'acte, de la déclaration prescrite par les
articles 638 et 653 du code général des impôts.
Ainsi, dans les dix jours suivant la dernière en date des deux publications
prévues à l'article L. 141-12 (support habilité à recevoir des annonces légales ou
BODACC), tout créancier du précédent propriétaire du vendeur, que sa créance
soit ou non exigible, peut former au domicile élu, par acte extrajudiciaire ou par
lettre recommandée avec demande d'avis de réception, opposition au paiement du
prix (Code de commerce, art. L. 141-14).

Sanctions. Si ces mesures de publicité (la publicité incomplète ou inexacte


étant assimilée à une absence de publicité) ne sont pas observées, la vente reste
valable mais le paiement fait par l’acquéreur (qui n’a pas respecté les formalités
de publicité) ne sera pas opposable aux tiers. Il pourrait ainsi avoir à payer une
nouvelle fois (à charge pour lui de se retourner contre le vendeur) en vertu de
l’adage selon lequel « qui paye mal, paye deux fois ». Suivant la même logique,
l’intermédiaire qui se dessaisirait du prix avant l’expiration du délai
d’indisponibilité engagerait sa responsabilité à l’égard des créanciers inscrits ou
opposants.

Autres formalités. A ces formalités de publicité, s’ajoutent l’obligation pour le


vendeur de solliciter sa radiation du RCS et celle pour l’acquéreur de requérir son
immatriculation.
Notons enfin que la vente de fonds de commerce doit faire l’objet d’un
enregistrement obligatoire auprès de l’administration fiscale dans le délai d’un
mois suivant la signature de l’acte de vente, enregistrement qui donne lieu au
paiement d’un droit de mutation à la charge du cessionnaire. En effet, les
mutations de propriété à titre onéreux de fonds de commerce ou de clientèles
sont soumises à un droit d'enregistrement dont les taux, dans le régime normal,
sont fixés à : 0% pour les cessions dont la valeur taxable n'excède pas 23 000 € ;
2% pour celles dont la valeur taxable est supérieure à 23 000 € sans excéder
107000 € ; 0,60% pour celles dont la valeur taxable est supérieure à 107 000 euros
sans excéder 200000 euros ; 2,60% celles dont la valeur taxable est supérieure à
200000 euros (art. 719 du CGI).

16
M. Thioye – Droit des affaires
C. – Eventuel droit de préemption communal en cas d’aliénations à titre onéreux
de fonds de commerce

Par son article 58-I, la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites
et moyennes entreprises a inséré dans le Code de l’urbanisme un nouveau chapitre,
regroupant les articles L. 214-1 à L. 214-3, visant à instituer un droit de
préemption concernant les aliénations à titre onéreux14 de fonds artisanaux, de
fonds de commerce, de baux commerciaux et de terrains faisant l'objet de
projets d'aménagement commercial (la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de
modernisation de l’économie ayant élargi le champ du dispositif aux terrains
considérés). En effet, par délibération, les conseils municipaux peuvent désormais
instaurer des périmètres de sauvegarde du commerce et de l’artisanat de
proximité, espaces au sein desquels les communes pourront exercer un droit de
préemption sur les aliénations à titre onéreux de fonds de commerce notamment.
Confiné dans un domaine déterminé et soumis à des conditions strictes, ce droit
de préemption trouve une limite supplémentaire dans le fait que la commune qui
l’exerce est tenue, dans le délai de deux ans15 à compter de la prise d’effet de
l’aliénation, de rétrocéder le fonds de commerce à une entreprise immatriculée au
registre du commerce et des sociétés. Cela dit, force est de souligner que dès lors
que le bien considéré se trouve dans un périmètre de sauvegarde du commerce et
de l’artisanat de proximité préalablement délimité, l’article L. 214-1, al. 3, du Code
de l’urbanisme dispose que son « aliénation à titre onéreux est subordonnée, à
peine de nullité (qui se prescrit par cinq ans à compter de la prise d’effet de la
cession), à une déclaration préalable faite par le cédant à la commune », dans les
formes prescrites par un arrêté du ministre chargé de l’Urbanisme et du ministre
de la Justice (C. urb., art. R. 214-4, al. 1er) et précisant « le prix et les conditions
de la cession » (mentions parmi lesquelles ne compte pas, du moins expressément,
l’identité du cessionnaire).

E) Dispositif spécial de protection des salariés : droit à l’information en vue


de leur permettre de présenter une offre prioritaire d'achat du fonds de
commerce

14
Intégrant dans la partie législative du Code de l’urbanisme une précision qui, jusqu’alors, ne
figurait que dans la partie réglementaire, c’est la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 relative à la
simplification du droit et à l’allègement des démarches administratives qui a substitué au terme
« cessions », initialement employé, l’expression « aliénations à titre onéreux ».
15
C’est la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l’allègement des
démarches administratives (qui a modifié l’article L. 143-21 du Code de commerce) qui a fait passer
le délai de 1 à 2 ans.

17
M. Thioye – Droit des affaires
La loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et
solidaire a instauré un dispositif d’information anticipée des salariés leur
permettant de présenter une offre en cas de vente d'un fonds de commerce, d’une
part, dans les entreprises qui n'ont pas l'obligation de mettre en place un comité
d'entreprise (C. com., art. L. 141-23 et suivants, modifiés par L. n° 2015-990, 6
août 2015) et, d’autre part, dans les entreprises soumises à l'obligation de mettre
en place un comité d'entreprise (C. com., art. L. 141-28 et suivants, modifiés par
L. n° 2015-990, 6 août 2015). Il semble qu’il s’agisse là, du moins dans l’esprit du
législateur, d’un nouveau droit de préemption quoique cette qualification – qui n’est
évoquée nulle part dans le texte – semble techniquement impraticable dès l’instant
qu’il n’y pas d’offre de vente émanant du propriétaire mais une simple information
destinée aux salariés qui pourront, alors, prendre l’initiative de présenter une
offre d’achat.

Entreprises non soumises à l'obligation de mettre en place un comité


d'entreprise. - Dans les entreprises qui n'ont pas l'obligation de mettre en place
un comité d'entreprise en application de l’article L. 2322-1 du Code du travail
(entreprises de moins de cinquante salariés), lorsque le propriétaire d'un fonds de
commerce veut le vendre, les salariés de l'entreprise doivent, en principe16, en
être informés17, au plus tard deux mois avant la vente, afin de permettre à un ou
plusieurs d’entre eux de présenter une offre pour l'acquisition du fonds (C. com.,
art. L. 141-23, al. 1er). Ainsi, dans l’hypothèse ordinaire où le fonds est exploité par
son propriétaire, celui-ci doit notifier sa volonté de vendre directement aux
salariés en les informant qu'ils peuvent lui présenter une offre d’achat dans le
délai de deux mois à compter de la date de cette notification (C. com., art. L. 141-
23, al. 4). Mais, dans l’hypothèse particulière où le propriétaire du fonds n'en est
pas l'exploitant, cette information doit être notifiée à l'exploitant du fonds et le
délai de réponse de deux mois court à compter de la date de cette notification ;
l'exploitant du fonds doit alors, à son tour, porter sans délai à la connaissance des
salariés cette notification, en les informant qu'ils peuvent lui présenter une offre
d’achat (C. com., art. L. 141-23, al. 2) ; ainsi, l'exploitant doit notifier sans délai au
propriétaire toute offre d'achat présentée par un salarié (C. com., art. L. 141-23,
al. 3). Dans tous les cas, la vente projetée peut intervenir au profit d’un tiers avant
l'expiration du délai de deux mois à compter de la notification dès lors que chaque

16 Le domaine du dispositif n’est pas général puisque, selon l’article L. 141-27 du Code de commerce,
il n'est pas applicable dans les cas suivants: en cas de vente du fonds à un conjoint, à un ascendant
ou à un descendant ; aux entreprises faisant l'objet d'une procédure de conciliation, de
sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaires ; si, au cours des douze mois qui
précèdent la vente, celle-ci a déjà fait l'objet d'une information en application de l'article 18 de
la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire.
17 Les modalités d’information des salariés sont précisées à l’article L. 141-25, alinéas 1 et 2, du

Code de commerce

18
M. Thioye – Droit des affaires
salarié a fait connaître sa décision de ne pas présenter d'offre (C. com., art. L.
141-23, al. 5) et, en tout état de cause, elle doit intervenir dans un délai maximal
de deux ans après l'expiration du délai de deux mois précité puisque, au-delà de
celui-ci, toute vente sera de nouveau soumise aux articles L. 141-23 à L. 141-25 (C.
com., art. L. 141-26). Toujours est-il que le propriétaire qui manque à ses
obligations peut faire l’objet d’une action en responsabilité et, dans ce cas, la
juridiction saisie peut, à la demande du ministère public, prononcer une amende
civile dont le montant ne peut excéder 2 % du montant de la vente (C. com., art. L.
141-23, al. 6). Notons, enfin, que les salariés sont tenus à une obligation de
discrétion s'agissant des informations reçues, dans les mêmes conditions que
celles prévues pour les membres des comités d'entreprise à l’article L. 2325-5 du
Code du travail, sauf à l'égard des personnes dont le concours est nécessaire pour
leur permettre de présenter au vendeur une offre d’achat18 (C. com., art. L. 141-
25, al. 3).

Entreprises soumises à l'obligation de mettre en place un comité


d'entreprise. - Dans les entreprises soumises à l'obligation de mettre en place un
comité d'entreprise en application de l’article L. 2322-1 du Code du travail
(entreprises employant au moins cinquante salariés) et se trouvant, à la clôture du
dernier exercice, dans la catégorie des petites et moyennes entreprises au sens
de l’article 51 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de
l'économie, lorsqu'il veut vendre un fonds de commerce, son propriétaire doit, en
principe19, notifier sa volonté de vendre à l'exploitant du fonds (C. com., art. L.
141-28, al. 1er)20. Ainsi, dans un délai expirant au plus tard au moment où il procède,
en application de l’article L. 2323-33 du Code du travail, à l'information et à la
consultation du comité d'entreprise, l'exploitant du fonds doit porter à la
connaissance des salariés21 la notification et leur indiquer qu'ils peuvent présenter

18
Notons que, « à leur demande, les salariés peuvent se faire assister par un représentant de la
chambre de commerce et de l'industrie régionale, de la chambre régionale d'agriculture, de la
chambre régionale de métiers et de l'artisanat territorialement compétentes en lien avec les
chambres régionales de l'économie sociale et solidaire et par toute personne désignée par les
salariés, dans des conditions définies par décret » (C. com., art. L. 141-24).
19 Le domaine du dispositif n’est pas général puisque, selon l’article L. 141-32 du Code de commerce,

il n'est pas applicable dans les cas suivants: en cas de vente du fonds à un conjoint, à un ascendant
ou à un descendant ; aux entreprises faisant l'objet d'une procédure de conciliation, de
sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaires ; si, au cours des douze mois qui
précèdent la vente, celle-ci a déjà fait l'objet d'une information en application de l'article 18 de
la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire.
20
Néanmoins, en cas d'absences concomitantes du comité d'entreprise et de délégué du personnel,
constatées conformément aux articles L. 2324-8 et L. 2314-5 du Code du travail, la vente est soumise
aux articles L. 141-23 à L. 141-27 du Code de commerce (C. com., art. L. 141-28, al. 6).
21 Les modalités d’information des salariés sont précisées à l’article L. 141-30, alinéas 1 et 2, du

Code de commerce

19
M. Thioye – Droit des affaires
au vendeur une offre d’achat (C. com., art. L. 141-28, al. 2) ; ainsi, l'exploitant doit
notifier sans délai au propriétaire toute offre d'achat présentée par un salarié
(C. com., art. L. 141-28, al. 3). Mais, lorsque le fonds est exploité par son
propriétaire, celui-ci doit notifier directement aux salariés sa volonté de vendre
en les informant qu'ils peuvent lui présenter une offre d’achat (C. com., art. L. 141-
28, al. 4). La vente projetée doit alors, en tout état de cause, intervenir dans un
délai maximal de deux ans après la date à laquelle tous les salariés ont été informés
de la vente puisque, au-delà de ce délai, toute vente sera de nouveau soumise aux
articles L. 141-28 à L. 141-30 (C. com., art. L. 141-31)22. Toujours est-il que le
propriétaire qui manque à ses obligations peut faire l’objet d’une action en
responsabilité et, dans ce cas, la juridiction saisie peut, à la demande du ministère
public, prononcer une amende civile dont le montant ne peut excéder 2 % du
montant de la vente (C. com., art. L. 141-28, al. 5). Quant aux salariés, ils sont
soumis à une obligation de discrétion s'agissant des informations reçues, dans les
mêmes conditions que celles prévues pour les membres des comités d'entreprise
à l’article L. 2325-5 du Code du travail, sauf à l'égard des personnes dont le
concours est nécessaire pour leur permettre de présenter au vendeur une offre
d’achat23 (C. com., art. L. 141-30, al. 3).

§ 2- Les règles relatives aux intermédiaires

Il y a presque toujours des intermédiaires dans la vente de fonds de


commerce, leur rôle étant de rapprocher les parties, de rédiger l’acte de vente,
de procéder aux formalités diverses (enregistrement, publicité), de recevoir les
oppositions, de régler à l’amiable – s’il y a lieu – la distribution du prix, etc. Il s’agit
de notaires, d’agents immobiliers, d’agents spécialisés dans la vente de fonds de
commerce.
En raison des abus constatés, la loi du 29 juin 1935 a posé diverses règles
destinées à réglementer la profession.

A- Les conditions d’accès à la profession d’intermédiaire dans la vente de

22
Néanmoins, si pendant cette période de deux ans le comité d'entreprise est consulté, en
application de l'article L. 2323-33 du code du travail, sur un projet de vente du fonds de commerce,
le cours de ce délai de deux ans est suspendu entre la date de saisine du comité et la date où il
rend son avis et, à défaut, jusqu'à la date où expire le délai imparti pour rendre cet avis (C. com.,
art. L. 141-31, al. 2).
23
Notons que, « à leur demande, les salariés peuvent se faire assister par un représentant de la
chambre de commerce et de l'industrie régionale, de la chambre régionale d'agriculture, de la
chambre régionale de métiers et de l'artisanat territorialement compétentes en lien avec les
chambres régionales de l'économie sociale et solidaire et par toute personne désignée par les
salariés, dans des conditions définies par décret » (C. com., art. L. 141-29).

20
M. Thioye – Droit des affaires
fonds de commerce

Les intermédiaires (agents immobiliers notamment) sont soumis à une


réglementation professionnelle qui comporte des conditions d’aptitude
professionnelle (diplôme, obtention d’une carte professionnelle délivrée par la
préfecture), de moralité (exclusion des personnes ayant subi certaines
condamnations), d’assurance professionnelle (loi du 2 janvier 1970 modifiée pour
les agents immobiliers), de garantie financière.

B- Les obligations dans l’exercice de la profession d’intermédiaire

Outre l’accès à la profession, l’exercice des activités d’intermédiaire est aussi


réglementé :
- exigence d’un mandat écrit, comportant diverses mentions obligatoires et
limité dans le temps, et obligation de l’exécuter ;
- tenue obligatoire d’un registre professionnel ;
- interdiction de percevoir une rémunération avant la conclusion de la vente ;
- tout tiers détenteur du prix d'acquisition d'un fonds de commerce chez
lequel domicile a été élu doit en faire la répartition dans les cinq mois de la
date de l'acte de vente ; et, à l'expiration de ce délai, la partie la plus
diligente peut demander au juge des référés d’ordonner soit le dépôt à la
Caisse des dépôts et consignations, soit la nomination d'un séquestre
répartiteur (art. L. 143-21 C. com.)24 ;
- notons aussi que les intermédiaires (de mauvaise foi) sont solidairement
responsables avec le vendeur des inexactitudes des mentions obligatoires
s’ils connaissaient la vérité25 ;
- ils sont aussi garants du respect des droits des créanciers chirographaires :
en effet, ils ont l’obligation de bloquer les fonds pendant le délai
d’opposition (10 jours après la dernière des publicités), puis de répartir le
prix de vente entre les ayants droit dans un délai de cinq mois après la
vente.

Sous-section 2- Les effets de la cession de fonds de commerce

§ 1- Les obligations du vendeur

24
C’est la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l’allègement des
démarches administratives qui a fait passer le délai de 3 à 5 mois.
25
D’ailleurs, en vertu des obligations du droit commun incombant aux notaires, aux courtiers et aux
agents d’affaires, les intermédiaires dans la vente de fonds de commerce doivent insérer les
mentions obligatoires dans l’acte et renseigner les parties sur les risques que le contrat peut leur
faire courir (Cass. com., 22 juillet 1958, Grands Arrêts de la jurisprudence civile, 144, note P.
Bourel et B. B.).

21
M. Thioye – Droit des affaires
Comme tout vendeur, le vendeur de fonds de commerce est tenu de deux
obligations essentielles : une obligation de délivrance et une obligation de garantie.

A- L’obligation de délivrance

Délivrance en général. Il résulte du droit commun de la vente que « la


délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de
l'acheteur » (C. civ., art. 1604). S’agissant de la vente de fonds de commerce,
cette obligation de délivrance consiste pour le vendeur à transférer à l’acquéreur
l’ensemble des éléments corporels et incorporels composant le fonds de commerce,
la date précise de mise à disposition étant généralement prévue dans l’acte de
vente. Le vendeur doit ainsi, en particulier, favoriser le report des clients (voire
des principaux fournisseurs) sur l’acheteur par des démarches telles que, par
exemple, la présentation à ladite clientèle ou la remise de la liste de celle-ci à
l’acquéreur 26. Et, dans le prolongement de son obligation de délivrance, le vendeur
est impérativement tenu27, à la demande de l’acheteur, de mettre à la disposition
de celui-ci, pendant trois ans à partir de son entrée en jouissance du fonds, tous
les livres de comptabilité qu'il a tenus durant les trois exercices comptables
précédant celui de la vente (ce nombre étant réduit à la durée de possession du
fonds si elle a été inférieure à trois ans). En outre, au jour de la cession, le vendeur
et l'acquéreur visent un document présentant les chiffres d'affaires mensuels
réalisés entre la clôture du dernier exercice comptable et le mois précédant celui
de la vente (Code de commerce, art. L. 141-2, modifié par la loi n° 2016-1691 du 9
décembre 2016).

Délivrance de certains éléments en particulier. L’exécution de l’obligation


de délivrance implique, pour certains éléments du fonds de commerce,
l’accomplissement de formalités spéciales qui sont nécessaires pour rendre leur
transfert opposable aux tiers. Il en va ainsi du droit au bail dont le transfert ne
sera opposable au propriétaire de l’immeuble d’exploitation (bailleur) que s’il a fait
l’objet d’une cession de créance régulière (C. civ., art. 1324, ancien art. 1690). De
même, la cession des brevets ainsi que celle des marques doivent, pour être
opposables aux tiers, être inscrites sur les registres tenus par l’Institut national
de la propriété industrielle (CPI, art. L. 613-9 et L. 714-7) .

26
Cass. com., 24 nov. 1992, n° 91-11055 : Bull. civ. IV, n° 371, p. 262; RTD com. 1993, p. 489, obs.
J. Derruppé : « la clientèle étant un élément du fonds de commerce, l'omission de transmettre
tout ou partie de celle-ci lors de la cession constitue pour le vendeur une inexécution de son
obligation de délivrance ».
27
« Toute clause contraire est réputée non écrite » (Code de commerce, art. L. 141-2, dernier
alinéa).

22
M. Thioye – Droit des affaires
Extension de l’obligation de délivrance par une convention de tutorat.
Complétant les dispositions légales gouvernant l’obligation de délivrance, des
stipulations conventionnelles peuvent venir renforcer cette obligation de
délivrance en prévoyant, par exemple, que le vendeur devra assurer à l’acquéreur
une assistance momentanée dans le cadre d’une convention qui est aujourd’hui
régie par l’article L. 129-1 du Code de commerce. Il résulte, en effet, des
dispositions de cet texte que « le cédant d’une entreprise commerciale (…) peut,
après cette cession, conclure avec le cessionnaire de cette entreprise une
convention aux termes de laquelle il s’engage, contre rémunération ou à titre
bénévole, à réaliser une prestation temporaire de tutorat. Cette prestation vise à
assurer la transmission au cessionnaire de l’expérience professionnelle acquise par
le cédant en tant que chef de l’entreprise cédée. Si une rémunération est versée,
le tuteur reste affilié aux régimes de sécurité sociale dont il relevait
antérieurement à la cession ».

B- L’obligation de garantie

1° La garantie des vices cachés

Garantie de droit commun. Le vendeur de fonds de commerce est tenu,


conformément au droit commun de la vente (C. civ., art. 1641 et suiv.), des défauts
cachés qui rendent le fonds impropre à l’usage auquel il est destiné ou qui diminuent
tellement cet usage que l’acheteur n’aurait pas acquis le fonds s’il les avait connus
ou n’en aurait donné qu’un prix moindre (voir supra). Une telle garantie est, semble-
t-il, rarement mise en œuvre encore qu’elle compte parmi les sanctions
commerciales de l’inexactitude des énonciations du vendeur dans l’acte de vente
(voir supra).
Toujours est-il que, face à de tels vices, l’acheteur dispose d’une option : il
peut demander, soit la résolution de la vente (son anéantissement par l’exercice
d’une action rédhibitoire), soit une réduction judiciaire du prix (par l’exercice
d’une action estimatoire).

2° La garantie d’éviction

Obligation légale. « Quoique lors de la vente il n'ait été fait aucune


stipulation sur la garantie, le vendeur est obligé de droit à garantir l'acquéreur de
l'éviction qu'il souffre dans la totalité ou partie de l'objet vendu, ou des charges
prétendues sur cet objet, et non déclarées lors de la vente » (C. civ., art. 1626).

Garantie du fait des tiers. Le premier aspect de la garantie d’éviction


réside dans la garantie du fait des tiers puisque le cédant doit défendre

23
M. Thioye – Droit des affaires
l’acquéreur contre les troubles de droit qu’il pourrait subir de la part de tiers (tels
que ceux qui revendiqueraient un droit sur le fonds). Une telle garantie est, en
pratique, rarement appelée à jouer car l’éventualité d’une éviction par des tiers
est, grâce notamment aux opérations de publicité, plutôt marginale28.

Garantie du fait personnel. La seconde manifestation de la garantie


d’éviction se trouve dans la garantie du fait personnel du vendeur qui, elle, est très
importante dans les faits : le vendeur doit lui-même s’abstenir de troubler
l’acheteur dans l’exercice des droits qui lui ont été transférés (troubles de droit
comme troubles de fait). Cela met à la charge du vendeur une obligation impérative
de non-concurrence (encore appelée obligation de non-rétablissement) qui lui
interdit de reprendre à proximité, directement ou par personne interposée, un
commerce similaire pour recapter la clientèle cédée avec le fonds29. Et, s’il le
faisait, il pourrait être condamné à cesser l’exploitation fautive et à payer, le cas
échéant, des dommages-intérêts.
Cette obligation, qui résulte légalement de la vente du fonds de commerce, fait le
plus souvent l’objet de précisions conventionnelles par la stipulation d’une clause
expresse de non-concurrence30 (cette clause présente l’avantage de fixer les
conditions d’application de cette garantie, sa durée, son domaine territorial, les
activités interdites ; elle désamorce, par conséquent, un contentieux possible). Un
tel aménagement conventionnel est, conformément au droit commun des clauses
de non-concurrence, valable dès lors qu’il est limité, d’une part, dans son objet (à
savoir le type de commerce sur lequel porte le fonds vendu) et, d’autre part, dans
le temps et/ou dans l’espace31. Stipulée dans ces conditions, la clause de non-
concurrence tient lieu de loi aux parties jusqu’au terme convenu. Cela dit, même
après l'expiration de la clause de non-concurrence, l'acquéreur d'un fonds de
commerce demeure fondé à se prévaloir de la garantie légale d'éviction qui interdit

28
Cass. com., 20 fév. 2001, n° 98-16842: Bull. civ. IV, n° 44, p. 41: l’acquéreur d’un fonds de
commerce, qui avait été expulsé des locaux commerciaux en raison de la résiliation du bail liant le
propriétaire des lieux au vendeur, avait alors assigné ce dernier en résolution de la vente du fonds
de commerce et en restitution du prix.
29
Cass. com., 24 mai 2005, n° 02-19704: Bull. civ. IV, n° 112, p. 117: « attendu qu'en cas de cession
d'un fonds de commerce, la garantie légale d'éviction interdit au vendeur de détourner la clientèle
du fonds cédé, et que si le vendeur est une personne morale cette interdiction pèse non seulement
sur elle, mais aussi sur son dirigeant ou sur les personnes qu'il pourrait interposer pour échapper
à ses obligations ».
30
Rappelant que la clause de non-concurrence ne doit pas être confondue avec une clause de non-
réaffiliation, V. Cass. com., 28 septembre 2010, n° 09-13888, CCC 2010, comm. 271, note M.
Malaurie-Vignal : « attendu que la clause de non-concurrence a pour objet de limiter l'exercice par
le franchisé d'une activité similaire ou analogue à celle du réseau qu'il quitte, tandis que la clause
de non-réaffiliation se borne à restreindre sa liberté d'affiliation à un autre réseau ».
31
En droit du travail, les conditions sont plus strictes : limitation dans le temps ET dans l’espace
et, en outre, exigence impérative d’une compensation financière.

24
M. Thioye – Droit des affaires
au cédant tous agissements ayant pour effet de lui permettre de reprendre la
clientèle du fonds cédé et, ainsi, de priver celui-ci de sa substance32. Notons, en
outre, que l’obligation légale de non-concurrence est attachée au fonds de
commerce et, par voie de conséquence, se transmet avec lui au bénéfice ou à la
charge du sous-acquéreur (en cas de revente du fonds avant l’expiration du délai
conventionnel ou légal de non-rétablissement).

§ 2- Les prérogatives et garanties de paiement du vendeur

Il pèse, sur l’acquéreur de fonds de commerce, une obligation essentielle qui


est, naturellement, de payer le prix convenu.
Lorsque la vente est consentie au comptant (paiement immédiat ou « cash »),
ce qui est très rare, le vendeur ne pourra pas exiger le paiement effectif du prix
avant l’expiration d’un délai de dix jours suivant la dernière en date des
publications prévues à l'article L. 141-12 du Code de commerce (support habilité à
recevoir des annonces légales ou BODACC), délai qui est laissé aux créanciers
chirographaires pour éventuellement faire opposition. Mais, pour se garantir de la
solvabilité de l’acheteur, il est usuel de convenir dans l’acte de vente que celui-ci
devra, immédiatement, verser le prix entre les mains de l’intermédiaire qui ne
devra alors s’en dessaisir qu’après l’expiration du délai légal.
Lorsque la vente a été consentie à terme (paiement différé, délai de
paiement) pour tout ou partie du prix, ce qui est très fréquent, le droit s’efforce
de préserver les intérêts du vendeur en aménageant des mesures de publicité33
et, surtout, en lui accordant deux droits spécifiques : un privilège et une action
résolutoire.

A- Le privilège du vendeur à terme

1° Les conditions du privilège

Objet. Le privilège est un droit que la loi reconnaît à un créancier, en raison


de la qualité de la créance, d’être préféré aux autres créanciers (même
hypothécaires) sur l’ensemble des biens de son débiteur ou sur certains d’entre
eux seulement (comme le prix de vente du fonds de commerce).

32
Cass. com., 16 janv. 2001, n° 98-21145: Bull. civ. IV, n° 16, p. 13 ; Contrats, conc., consom. 2001,
n° 42, obs. L. Leveneur ; Rappr. Cass. com., 15 déc. 2009, n° 08-20522, Bull. civ. IV, n° 172 ; BRDA
3/10, inf. 3 ; CCC 2010, comm. 66, note L. Leveneur : après l'expiration d'une obligation
conventionnelle de non-concurrence, le cessionnaire des actions d'une société demeure fondé à se
prévaloir de la garantie légale d'éviction.
33
Il doit, notamment, être informé du déplacement du fonds de commerce, des demandes de
résiliation du bail ou encore des modifications de l’activité exercée.

25
M. Thioye – Droit des affaires
Conditions de mise en œuvre. Pour que le vendeur de fonds de commerce puisse
disposer d’un privilège (Code de commerce, art. L. 141-5 et s.), il faut :
- la vente doit avoir été constatée par un écrit (acte authentique ou acte SSP)
dûment enregistré ;
- l’acte de vente doit porter l’indication des prix distincts pour les éléments
incorporels, le matériel et les marchandises ;
- le vendeur doit faire inscrire son privilège sur un registre spécial tenu au
greffe du TC dans le ressort duquel est exploité le fonds (cette inscription
devant, à peine de nullité du privilège, être faite dans les trente jours
suivant l’acte de cession ; elle se périme par dix ans, mais elle peut être
renouvelée ; faite dans le délai légal, le privilège prend rang au jour même
de la vente).

Assiette. Le privilège porte sur les éléments mentionnés dans l’acte de vente
et dans l’inscription. En l’absence de précision, il ne porte que sur l’enseigne, le nom
commercial, le droit au bail, la clientèle et l’achalandage (art. L. 141-5, al. 2, C.
com.). En tout état de cause, il ne porte sur les droits de propriété industrielle
(brevets d’invention, marques de fabrique, dessins et modèles) que moyennant des
inscriptions additionnelles spéciales faites sur des registres tenus par l’INPI (art.
L. 143-17, al. 1, C. com.).

2° Les effets du privilège

Rappelons que le privilège est un droit que la loi reconnaît à un créancier, en


raison de la qualité de la créance, d’être préféré aux autres créanciers (même
hypothécaires) sur l’ensemble des biens de son débiteur ou sur certains d’entre
eux seulement (comme le prix de vente du fonds de commerce).
Le privilège régulièrement constitué confère ainsi au vendeur de fonds de
commerce deux droits particuliers : un droit de préférence et un droit de suite.

a) Le droit de préférence

Objet. Le droit de préférence donne au vendeur une priorité de paiement


sur tous les autres créanciers de l’acquéreur en cas de revente du fonds, et cette
priorité porte sur le prix de revente. En d’autres termes, le vendeur peut, s’il n’a
pas été payé, l’être en cas de revente du fonds avant les autres créanciers, qu’ils
soient chirographaires ou nantis. Et ce privilège reste opposable en cas de
procédure collective atteignant l’acquéreur, s’il a pris naissance avant ladite
procédure (peu important toutefois qu’il ait été inscrit après le jugement
d’ouverture de la procédure). Le privilège garantit la somme due en principal
(capital) ainsi que deux années d’intérêts et les accessoires du prix (frais, taxes).

26
M. Thioye – Droit des affaires
Modalités d’exercice. L’exercice du droit de préférence, qui implique la
mise en vente aux enchères publiques du fonds (vente amiable ou judiciaire), est
d’une complexité qui atténue son efficacité. En effet, le droit de préférence ne
s’exerce pas indivisiblement sur l’intégralité du prix de revente. Il se produit un
fractionnement du privilège en trois parties, c'est-à-dire qu’il s’exerce
séparément sur chacun des trois corps que sont les marchandises, le matériel et
les éléments incorporels. C’est la raison pour laquelle l’exercice du privilège
implique la fixation d’un prix distinct pour chacun de ces éléments. En outre, les
paiements partiels, autres que le paiement comptant, s’imputent d’abord sur les
marchandises, ensuite sur le matériel, enfin sur les éléments incorporels. C’est
dans cet ordre (disposition ordinale) que va s’éteindre le privilège.

b) Le droit de suite

Objet et modalités. C’est le droit pour le vendeur impayé (comme le


créancier hypothécaire ou les créanciers inscrits) de poursuivre le fonds en
quelque main qu’il passe et en quelque lieu qu’il se trouve. Cela lui permettra ainsi
d’exercer ses droits même si le fonds est entre les mains d’un tiers sous-
acquéreur. Autrement dit, il pourra provoquer la vente forcée du fonds, même s’il
a fait l’objet d’une revente, et se faire payer par le sous-acquéreur du fonds
(lequel ne subit en principe aucun préjudice puisqu’il connaissait, grâce à la
publicité qui en a été faite, l’existence du privilège). Ce dernier peut d’ailleurs
prendre l’initiative et payer directement le vendeur précédent.

B- L’action résolutoire du vendeur à terme

Objet. Au lieu de faire vendre le fonds pour exercer son privilège sur le prix,
le vendeur peut choisir d’exercer l’action résolutoire pour récupérer ledit fonds
en restituant les acomptes perçus.

Conditions de mise en œuvre. Parce qu’elle est lourde de conséquences, cette


action ne peut, en principe, être exercée que si certaines conditions sont réunies
(outre le défaut de paiement) :
- il faut que le vendeur ait régulièrement inscrit son privilège (sinon, l’action
sera inopposable aux tiers) ;
- qu’il se soit réservé dans cette inscription la faculté d’exercer l’action
résolutoire ;
- que l’acquéreur ne soit pas sous le coup d’une procédure collective (cette
procédure empêchant l’exercice de toute action individuelle contre le
débiteur pour des créances nées antérieurement au jugement d’ouverture).

27
M. Thioye – Droit des affaires
L’action résolutoire doit être notifiée aux créanciers (de l’acquéreur) inscrits
(vendeur du fonds ou créanciers nantis). Ceux-ci disposent alors d’un délai d’un
mois pour la paralyser en payant à la place de leur débiteur. Passé ce délai, la
résolution pourra être prononcée par le tribunal de commerce (ou son président
s’il existe une clause contractuelle lui donnant compétence) et produira ses effets
habituels : restitution du fonds au vendeur (avec tous ses éléments actuels) contre
restitution des acomptes, avec éventuellement des dommages-intérêts au profit
du vendeur.

C- Les garanties complémentaires du vendeur : droit à l’information

Le vendeur impayé, comme le créancier nanti, bénéficie de garanties


additionnelles consistant, globalement, en un droit d’être informé des événements
importants affectant le fonds :
- droit d’être averti du déplacement du fonds pour pouvoir prendre une
nouvelle inscription qui vaudra à la date de l’ancienne ;
- droit d’être averti de toute demande de résiliation du bail commercial, sans
quoi la résiliation ne lui serait pas opposable ;
- droit d’être averti de toute saisie du matériel ou des marchandises (le
vendeur pourra demander au tribunal de commerce de convertir la saisie
ciblée en vente globale du fonds, ce qui est préférable) ;
- droit d’être averti du nantissement pris en vertu de la loi du 18 janvier 1951
sur le métier d’équipement professionnel (en effet, le créancier inscrit sur
le fonds sera primé par ce nantissement : ainsi averti, il pourra obtenir la
déchéance du terme accordé au débiteur en invoquant la diminution des
sûretés) ;
- droit d’être averti de la demande du propriétaire du fonds adressée au
bailleur des locaux aux fins de déspécialisation plénière (modification de
l’activité exercée) (les créanciers peuvent demander que le changement
d’activité soit subordonné à des conditions sauvegardant leurs intérêts);
- droit d’être averti, par la publicité prévue à l’article L. 141-21 C. com., de
l’adhésion du propriétaire du fonds à un magasin collectif et du transfert
de son fonds dans ledit magasin (le créancier peut faire opposition dans les
10 jours suivant la dernière en date des publications prévues à du Code de
commerce, par voie d’inscription au greffe).

§ 3- Les effets de la vente à l’égard des créanciers du vendeur : le droit


d’opposition au paiement du prix de vente

28
M. Thioye – Droit des affaires
Les créanciers du vendeur, tiers intéressés à la vente, jouissent d’une
importante prérogative : un droit d’opposition au paiement du prix de vente (Code
de commerce, art. L. 141-14 et s.).

A- Les conditions de l’opposition

Sens. L’opposition est l’interdiction qui est faite à l’acquéreur, par un


créancier, de payer le prix entre les mains du vendeur.

Domaine. L’opposition peut être faite pour toute créance certaine (ayant
une existence actuelle et incontestable), qu’elle soit civile ou commerciale, qu’elle
soit exigible (non affectée d’un terme suspensif) ou non (mais le bailleur ne peut
faire opposition que pour des loyers échus et non pour des loyers en cours ou à
échoir, et ce, nonobstant toutes stipulations contraires).

Conditions de mise en œuvre. L’opposition doit être faite, par exploit


d’huissier (acte extrajudiciaire) ou, depuis la loi Macron du 6 août 2015, par lettre
recommandée avec demande d'avis de réception, dans les dix jours (au-delà, elle
est nulle) suivant la dernière en date des publications prévues à l'article L. 141-12
du Code de commerce (support habilité à recevoir des annonces légales ou
BODACC). Elle doit notamment, à peine de nullité, mentionner le montant et
l’origine de la créance, et contenir une élection de domicile dans le ressort de la
situation du fonds.

B Les effets de l’opposition

Principe. L’effet essentiel de l’opposition est de confirmer et de prolonger


l’indisponibilité du prix (prix qui, rappelons-le, est en tout état de cause
indisponible dès la vente). En effet, l’opposition bloque le prix entre les mains de
l’acquéreur ou de l’intermédiaire de sorte que tout paiement qui serait fait entre
les mains du vendeur sera inopposable aux créanciers opposants (l’acquéreur
s’expose ainsi à payer deux fois et à être obligé de verser le prix aux créanciers).
Dans un délai de cinq mois à compter de la date de l’acte de vente, la somme
ainsi bloquée est répartie entre les créanciers par le tiers détenteur ou séquestre
répartiteur (acquéreur ou intermédiaire), soit à l’amiable en cas d’accord, soit
selon une procédure légale de distribution par contribution faite devant le TGI
(TRIBUNAL JUDICIAIRE) (procédure de distribution des deniers organisée par
les articles 1281-1 et suiv. CPC, issus du décret du 14 août 1996).

Tempéraments. Malgré le principe précité, il existe deux cas dans lesquels le


vendeur pourra, malgré les oppositions, toucher tout ou partie de son dû.

29
M. Thioye – Droit des affaires
- D’une part, s’il estime que l’opposition n’est pas fondée, il peut demander en
référé que soit ordonnée la mainlevée de ladite opposition (la mainlevée,
lourde de conséquences, n’est autorisée que lorsque l’opposition a été faite
sans titre et sans cause, si elle est nulle en la forme et s’il n’y a pas
d’instance engagée au principal)34.
- D’autre part, si la mainlevée ne peut être obtenue, le vendeur peut demander
le cantonnement des oppositions lorsque le montant des créances pour
lesquelles il est fait opposition est inférieur au prix de vente du fonds et
que le délai de dix jours est expiré35. Le cantonnement est une procédure
qui lui permet de percevoir le solde du prix de vente une fois consignées
entre les mains d’un tiers séquestre (ou de la Caisse des dépôts et
consignations) les sommes correspondant au montant des oppositions.

Sous ces réserves, un autre effet de l’exercice du droit d’opposition était,


avant sa suppression par l’article 107 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, de
permettre à l’intéressé (ou au créancier inscrit, c’est-à-dire le vendeur ou le
créancier nanti qui a régulièrement pris inscription au greffe du TC) d’exercer
éventuellement son droit de surenchère36.

Section 2- La location-gérance de fonds de commerce

§ préliminaire – La notion de location-gérance ou gérance libre

A- Définition

La location-gérance ou gérance libre (nom qui lui est donné dans la pratique)
est un contrat par lequel le propriétaire ou l’exploitant d’un fonds de commerce
« en concède totalement ou partiellement la location à un gérant qui l’exploite à
ses risques et périls » (art. L. 144-1 C. com.).
C’est donc un contrat de bail portant sur un fonds de commerce. Par
conséquent, le locataire-gérant (ou gérant libre) doit traditionnellement verser au

34
« Si l'opposition a été faite sans titre et sans cause ou est nulle en la forme et s'il n'y a pas
instance engagée au principal, le vendeur peut se pourvoir en référé devant le président du tribunal,
à l'effet d'obtenir l'autorisation de toucher son prix, malgré l'opposition » (C. com., art. L. 141-
16).
35
Cette seconde condition s’explique par le fait que d’autres oppositions peuvent voir le jour tant
que le délai de 10 jours n’est pas expiré.
36
La surenchère était le droit pour tout créancier inscrit ou opposant (seulement l’un ou l’autre)
de provoquer la remise en vente aux enchères publiques du fonds si le prix de vente ne suffit pas
à désintéresser tous les créanciers (elle a été instituée pour protéger les créanciers contre un
prix de vente dérisoire ou contre les opérations de simulation).

30
M. Thioye – Droit des affaires
bailleur une redevance périodique en contrepartie de la mise à disposition du fonds.
Néanmoins, depuis un arrêt très contestable du 23 mars 1999, la Cour de cassation
considère que la stipulation d’une telle redevance ne constitue pas une condition
essentielle de qualification du contrat : il y a encore location-gérance, même en
l’absence de versement effectif d’une redevance, dès lors que le fonds a été
concédé par son propriétaire à une personne qui l’exploite à ses risques et périls
dans un intérêt économique commun aux deux parties37.
Le locataire-gérant exploitant le fonds à ses risques et périls, il a la qualité
de commerçant et doit, dès lors, être immatriculé au RCS (alors que le bailleur
perd cette qualité s’il l’avait et devra se faire radier du RCS).

B- Distinction d’avec des notions voisines

1° Location-gérance et bail commercial

La location-gérance ne doit pas être confondue avec le bail commercial38,


lequel constitue un bail immobilier, non un bail de fonds de commerce (meuble
incorporel exclusivement composé de meubles).

2° Location-gérance et gérance salariée

La location-gérance ou gérance libre ne doit pas non plus être confondue


avec la gérance salariée. En effet, le gérant salarié est lié au propriétaire ou à
l’exploitant du fonds de commerce par un contrat de travail. De la sorte, il exerce
le commerce selon les instructions et sous le contrôle de son employeur et
moyennant un salaire. Il peut avoir des pouvoirs importants de représentation et,
ainsi, devra éventuellement être mentionné au RCS comme fondé de pouvoir, mais
il n’acquiert pas pour autant la qualité de commerçant. En revanche, le propriétaire,
qui supporte tous les risques de l’exploitation, reste commerçant : il se contente
seulement de se décharger de la gestion quotidienne du fonds.

3° Location-gérance et gérance-mandat

La location-gérance doit, en outre, être distinguée de la gérance-mandat39.

37
Com., 23 mars 1999, Bull. civ. IV, n° 71, p. 58 ; RDC 1999. 633, obs. J. DERRUPPE ; JCP E 1999,
p. 1540, note L. LEVENEUR. Cette solution aboutit à étendre la qualification de location-gérance à
des opérations qui lui étaient traditionnellement étrangères : commodat, apport en jouissance d’un
fonds de commerce à une société.
38
Ni avec la sous-location des locaux commerciaux (cf. Cass. civ. 3e, 9 juillet 2003, D. 2003, juris.,
AJ, p. 2013, obs. Y. Rouquet.
39
La loi nº 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des PME vient d’insérer dans le Code de commerce
un nouveau Chapitre VI relatif aux gérants-mandataires.

31
M. Thioye – Droit des affaires
Dans la gérance-mandat, le propriétaire du fonds en confie l’exploitation à un tiers
avec lequel il passe un contrat de mandat. Le gérant-mandataire a, en général, plus
de pouvoir que le gérant salarié (cf. art. L. 146-1 : le mandant lui fixe une mission,
en lui laissant toute latitude, dans le cadre ainsi tracé, de déterminer ses
conditions de travail, d'embaucher du personnel et de se substituer des
remplaçants dans son activité à ses frais et sous son entière responsabilité) mais
il doit, en tant que représentant, rendre compte de sa gestion au propriétaire qui
exerce un contrôle a posteriori.
Selon l’article L. 146-1, sa rémunération prend la forme d’une commission
proportionnelle au chiffre d’affaires (prix proportionnel ou clause de rentabilité).

Obligation d’information à la charge du mandant. L’article L. 146-2 du


Code de commerce dispose que « le mandant fournit au gérant-mandataire (d’un
fonds de commerce), avant la signature du contrat, toutes informations
nécessaires à sa mission, telles que définies par décret, afin de lui permettre de
s'engager en connaissance de cause ».

Qualité du gérant. Le gérant-mandataire n’est traditionnellement pas


considéré comme ayant la qualité de commerçant puisque c’est le mandant, pour le
compte duquel le fonds est géré, qui en reste propriétaire et supporte les risques
liés à son exploitation (article L. 146-1). Néanmoins, le nouvel article L. 146-1
dispose que « le gérant-mandataire est immatriculé au registre du commerce et
des sociétés et, le cas échéant, au répertoire des métiers » et « le contrat est
mentionné à ce registre ou à ce répertoire et fait l'objet d'une publication dans
un journal habilité à recevoir des annonces légales ».

Fin. « Le contrat liant le mandant et le gérant-mandataire peut prendre fin


à tout moment dans les conditions fixées par les parties. Toutefois, en cas de
résiliation du contrat par le mandant, sauf faute grave de la part du gérant-
mandataire, le mandant lui verse une indemnité égale, sauf conditions plus
favorables fixées par les parties, au montant des commissions acquises, ou à la
commission minimale garantie mentionnée à l'article L. 146-3, pendant les six mois
précédant la résiliation du contrat, ou pendant la durée d'exécution du contrat si
celle-ci a été inférieure à six mois » (art. L. 146-4).

C- Les intérêts de la technique

Pour le locataire-gérant, l’opération est l’occasion de tester le fonds pour


voir s’il lui convient (et réciproquement) et faire, avec les fruits de son
exploitation, des économies qui lui permettront éventuellement de l’acquérir.

32
M. Thioye – Droit des affaires
Pour le propriétaire du fonds de commerce, la location-gérance présente
des intérêts indéniables, notamment lorsqu’il est empêché de l’exploiter
directement (c’est-à-dire personnellement) ou par personne interposée (gérant
salarié ou gérant-mandataire) : ainsi, en cas de maladie du commerçant, en cas de
décès avec transmission successorale du fonds à des enfants mineurs incapables
pour l’instant d’en poursuivre l’exploitation). L’opération présente toutefois
certains risques, puisque le propriétaire n’a aucune réelle assurance quant aux
conditions de l’exploitation du fonds par le preneur qui est un gérant libre. Ajoutés
aux risques de spéculation, ce sont de tels risques qui expliquent que la loi et la
jurisprudence aient envisagé assez strictement le régime (conditions et effets)
de la location-gérance.

§ 1- Les conditions de la location-gérance

A- Les conditions de fond

Outre les conditions de validité imposées à tout contrat par le Code civil
(art. 1108 ancien ou article 1128 nouveau), la conclusion d’un contrat de location-
gérance nécessite d’observer certaines conditions particulières.
Et puisque « le locataire-gérant a la qualité de commerçant » (C. com.,
art. L. 144-2, al. 1er), il doit remplir toutes les conditions exigées des commerçants
et, notamment, disposer de la capacité commerciale (ou, en d’autre termes, ne pas
être sous le coup d’une incapacité générale ou spéciale d’exercer le commerce) et
satisfaire à d’éventuelles autres conditions (comme, par exemple, l’obligation de
déclaration ou d’autorisation préalable imposée à certaines catégories de
commerçant).

B- Les conditions de forme et de publicité

Le contrat de location-gérance n’est soumis à aucune formalité particulière


(la règle est celle du consensualisme). Il peut être conclu par acte SSP ou par acte
authentique. En pratique, un écrit sera toujours dressé pour éviter les difficultés
de preuve et, surtout, pour accomplir les deux formalités impératives de publicité
(qui subsistent malgré la simplification apportée par un décret n° 86-465 du 14
mars 1986).
En effet, le contrat de location-gérance doit être publié, sous forme
d’extrait ou d’avis, sur un support habilité à recevoir des annonces légales dans les
quinze jours qui suivent sa conclusion. En outre, le locataire-gérant doit se faire
immatriculer au RCS en précisant le nom et le domicile du propriétaire, ainsi que
la durée du contrat (date de début, terme, possibilité de renouvellement par tacite
reconduction).

33
M. Thioye – Droit des affaires
A défaut de publication, le contrat n’est pas nul mais il se produit des
conséquences lourdes pour le propriétaire loueur : en effet, il sera indéfiniment
solidaire des dettes du locataire-gérant contractées par celui-ci à l’occasion de
l’exploitation du fonds40 (alors que, si la publication avait eu lieu, celle solidarité
ne vaudrait que pendant une durée de six mois à compter de ladite publication du
contrat).

§ 2- Les effets de la location-gérance

A- Dans les rapports entre les parties au contrat : obligations réciproques

Obligations du bailleur. Le bailleur doit d’abord mettre le fonds à la


disposition du locataire, lui laisser la jouissance du local, du matériel, des stocks
s’ils ont été rachetés par le locataire-gérant.
Le bailleur doit aussi garantir le locataire contre les vices cachés et,
surtout, contre l’éviction (il est tenu d’une obligation de non-concurrence).

Obligations du locataire-gérant. Quant au locataire-gérant, il doit


exploiter le fonds « en bon père de famille » et conformément à sa destination. Il
ne peut ni le transformer, ni le déplacer, ni le sous-louer sans l’autorisation du
bailleur (dans la mesure où le contrat de location-gérance est conclu intuitu
personae).
Il doit aussi payer un loyer usuellement appelé redevance périodique
(quoique la Cour de cassation ait déclaré qu’une telle redevance ne constituait pas
une condition essentielle de qualification du contrat) dont le montant est
librement déterminé par les parties (mode de calcul, moment de paiement…). Il
peut s’agir d’une somme fixe, laquelle est très souvent indexée grâce à la
stipulation d’une clause d’échelle mobile qui opérera actualisation automatique du
prix (mais le jeu de la clause est plafonné car, si le loyer est augmenté ou diminué
de plus du quart du fait de la l’indexation, la révision judiciaire pourra être
demandée). Notons, en outre, qu’au lieu de prévoir une redevance fixe indexée ou
non, les parties peuvent décider qu’elle sera fonction du chiffre d’affaires ou des
bénéfices réalisés par le locataire-gérant (on parle de clause-recettes, laquelle
exclut toute possibilité de révision judiciaire).

B- Les effets à l’égard des tiers

40
V. Cass. com., 4 mai 1999, n° 97-14031 : Bull. civ. IV, n° 92, p. 76 ; RJDA 7/1999, n° 780 :
« attendu que, dès lors que le contrat de location-gérance n'a pas été publié, le loueur est, en
application de ce texte, solidairement responsable des dettes contractées par le locataire-gérant
pour l'exploitation du fonds de commerce, sans qu'il y ait lieu de rechercher si le créancier avait
eu connaissance de la mise en location-gérance de ce fonds ».

34
M. Thioye – Droit des affaires
1° Les effets à l’égard des créanciers du bailleur

Sauf cas de fraude (laquelle corrompt tout : « fraus omnia corrumpit »), la
location-gérance est opposable aux créanciers du bailleur même s’ils ont une
sûreté sur le fonds de commerce. Cela dit, les créanciers à terme du bailleur, dont
les créances sont nées à l’occasion de l’exploitation du fonds, peuvent demander
au TC de déclarer leurs créances immédiatement exigibles en justifiant que la
location-gérance met en péril leur recouvrement. L’action doit être introduite dans
les trois mois de la publication du contrat sur un support habilité à recevoir des
annonces légales.

2° Les effets à l’égard des créanciers du locataire-gérant

Les dettes que contracte le locataire-gérant dans l’exploitation du fonds lui


incombent. Mais la loi (art. L. 144-7 C. com.) prévoit que jusqu’à la publication du
contrat de location-gérance41, le bailleur est solidairement responsable avec le
locataire-gérant des dettes contractées par celui-ci à l’occasion de l’exploitation
du fonds42 (la jurisprudence exigeant, pour que la solidarité du loueur joue, que les
dépenses engagées par le locataire soient nécessaires à l’exploitation du fonds

41
Avant la réécritude de l’article L. 144-7 du Code de commerve par l’article 144 de la loi n° 2016-
1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la
modernisation de la vie économique, le texte prévoyait la solidarité « jusqu’à la publication du
contrat de location-gérance et pendant un délai de six mois à compter de cette publication ».
42
Cette solidarité devient d’ailleurs d’une durée illimitée si le contrat n’est pas publié (V. Cass.
com., 4 mai 1999, n° 97-14031 : Bull. civ. IV, n° 92, p. 76 ; RJDA 7/1999, n° 780 : « attendu que,
dès lors que le contrat de location-gérance n'a pas été publié, le loueur est, en application de ce
texte, solidairement responsable des dettes contractées par le locataire-gérant pour
l'exploitation du fonds de commerce, sans qu'il y ait lieu de rechercher si le créancier avait eu
connaissance de la mise en location-gérance de ce fonds »). La solidarité subsisterait aussi, pour
les dettes contractées au-delà des 6 mois, si le bailleur continuait lui-même à exploiter le fonds
aux côtés du preneur.

35
M. Thioye – Droit des affaires
loué)43. Etant entendu que la date à prendre en considération pour faire jouer la
solidarité, c’est celle de la naissance de la dette, et non celle de son échéance ou
exigibilité (il en résulte que le loueur n’est pas automatiquement libéré par la seule
expiration du délai semestriel : il reste tenu des commandes conclues mais non
payées ainsi que des contrats à exécution successive d’une durée supérieure à 6
mois).
Instituée dans le seul intérêt des tiers (qui ont pu, dans les premiers temps,
ignorer la mise en location-gérance du fonds), cette règle ne peut être invoquée
que par eux, non par le preneur lui-même. La solidarité ne joue toutefois que pour
les dettes strictement nécessaires à l’exploitation du fonds (ce qui exclut par
exemple les dettes personnelles du locataire, celles contractées avant l’acquisition
de la qualité de locataire-gérant…)44.

3° Les effets particuliers à l’égard du bailleur des immeubles d’exploitation


ou de l’acquéreur du fonds de commerce loué

Faute de disposition particulière, les effets de la location-gérance vis-à-vis des


ayants droit à titre particulier du propriétaire (bailleur des immeubles
d’exploitation ou acquéreur du fonds de commerce loué) est réglée par le principe
de l’effet relatif des conventions (article 1199 du Code civil). Faute de lien
juridique avec ces personnes, le locataire-gérant est, vis-à-vis d’elles, dans une
situation très précaire.

- Vis-à-vis du propriétaire des locaux dans lesquels est exploité le fonds de

43
V. Cass. com., 4 mai 1999, n° 97-14031 : Bull. civ. IV, n° 92, p. 76 ; RJDA 7/1999, n° 780 : pour
l'application de l'article 8 de la loi du 20 mars 1956, aux termes duquel, jusqu'à la publication du
contrat de location-gérance et pendant un délai de 6 mois à compter de cette publication, le loueur
du fonds est solidairement responsable avec le locataire-gérant des dettes contractées par celui-
ci à l'occasion de l'exploitation du fonds, il suffit que les dettes, qu'elles soient d'origine
contractuelle ou non, aient été nécessaires à l'exploitation du fonds donné en location-gérance.
Hypothèses dans lesquelles le caractère nécessaire a été reconnu: V. Cass. com., 19 févr. 1979, n°
77-15475, préc. : Bull. civ. IV, n° 67, p. 52: viande pour une boucherie. – Cass. com., 4 mai 1999,
préc. : cotisations dues pour les retraites complémentaires des salariés du locataire-gérant. –
Hypothèses dans lesquelles le caractère nécessaire n’a pas été reconnu, V. CA Paris, 17 janv. 2008,
n° 06-14580, BRDA 10/08, inf. 16. - CA Paris, 5e ch. A, 27 mai 2009, SA Erval Nogent – Entrepôts
réunis du Val-de-Marne c/ SARL Arc en ciel, n° 07-10249, BRDA 17/09, p. 7, n° 13 : jugé que le
loueur d’un fonds de commerce de « boulangerie-pâtisserie » n’était pas tenu solidairement de
payer les factures de boissons commandées par le locataire-gérant car la distribution de boissons
n’était pas nécessaire à l’exploitation du fonds.
44
La solidarité ne joue pas davantage pour les dettes contractées dans les six mois suivant le
renouvellement du contrat de location-gérance (Com., 16 janvier 1996, D. Aff. 1996. 346), à moins
qu’une modification ne soit intervenue depuis la publicité initiale dans la nature de l’exploitation ou
la personne de l’exploitant, auquel cas une nouvelle publicité serait requise (Com., 3 mars 1996, Bull.
IV, n° 104).

36
M. Thioye – Droit des affaires
commerce. En vertu du principe de la relativité des conventions, le locataire-
gérant, parce qu’il est étranger au bail commercial liant le propriétaire du
fonds au propriétaire de l’immeuble d’exploitation, ne peut personnellement
prétendre au renouvellement dudit bail commercial (il n’est pas assimilé à un
sous-locataire). Il appartient donc au seul propriétaire du fonds de
demander le renouvellement du bail ou, s’il y a lieu, de se plaindre d’un
éventuel refus45.
- Vis-à-vis de l’acquéreur du fonds de commerce déjà loué. Il faut savoir que
l’existence d’un contrat de location-gérance ne prive pas le propriétaire du
fonds de la faculté (droit) de le vendre. Or, le locataire-gérant n’a aucun
droit vis-à-vis du nouveau propriétaire du fonds qui alors, sauf stipulation
contraire de son acte d’acquisition (qui réglerait le sort de la location-
gérance), pourra immédiatement donner congé au locataire-gérant (sans
attendre la date normale d’expiration de la location-gérance). Mais alors,
dans ce cas-là, le locataire-gérant pourra agir en garantie (d’éviction)
contre le bailleur.

§ 3 La fin de la location-gérance

A- Les causes de cessation du contrat

Plusieurs causes de cessation existent, selon les circonstances.

1° La résiliation du contrat à durée indéterminée

A la différence du contrat de bail commercial (bail d’immeubles), le contrat


de location-gérance n’est soumis à aucune durée légale. Il peut donc être conclu
pour une durée indéterminée, même si c’est très rare. Dans ce cas, chacune des
parties peut, conformément au droit commun, le dénoncer à tout moment par un
congé clair, après avoir respecté un délai de prévenance. On parle de résiliation.

2° L’arrivée du terme du contrat à durée déterminée

Le contrat de location-gérance peut aussi être conclu pour une durée


déterminée, ce qui est le cas le plus fréquent. Ainsi, la cause normale de cessation
du contrat de location-gérance tiendra à la seule arrivée du terme. En l’absence
de droit au renouvellement, le contrat ne pourra alors se poursuivre qu’à la suite
d’un accord exprès ou par l’effet d’une tacite reconduction (c’est-à-dire lorsque le

45
Comme conséquence logique de l’absence de tout lien juridique entre bailleur de l’immeuble et
locataire-gérant, on peut noter que la clause du bail commercial qui interdirait la sous-location ne
fait pas obstacle à la sous-location (Com., 8 fév. 1949, JCP 1949. II. 4947, note Cohen).

37
M. Thioye – Droit des affaires
locataire-gérant, sans opposition du propriétaire, continue d’avoir la jouissance du
fonds après l’expiration du contrat).

3° La mise en œuvre d’une clause résolutoire

Quelle qu’en soit la durée, il est possible d’insérer une clause résolutoire
dans le contrat de location-gérance. Il s’agit d’une clause de résiliation anticipée
et automatique, c’est-à-dire que le contrat sera de plein droit anéanti du seul
fait de l’inexécution par l’une des parties d’une ou de plusieurs de ses obligations
(non-paiement des redevances par exemple)46. Notons que le juge ne dispose ici
d’aucun pouvoir d’appréciation dès lors que l’inexécution visée est caractérisée.

4° La résiliation judiciaire

En cas de non-respect de ses obligations contractuelles par l’une des


parties, l’autre peut toujours demander le prononcé judiciaire de la résiliation du
contrat. Le juge dispose ici d’un pouvoir d’appréciation de la gravité du
manquement.

On remarquera que l’ouverture d’une procédure collective contre le


locataire-gérant (comme celle du bailleur) ne met pas fin de plein droit à la
location-gérance. En effet, l’administrateur judiciaire peut bel et bien décider de
la poursuivre.

B- Les effets de la cessation du contrat

Plusieurs conséquences découlent de la cessation de la location-gérance, des


conséquences qui ne sont pas les mêmes pour les deux parties, le locataire étant
dans une situation beaucoup moins reluisante.
Ne bénéficiant pas d’un droit au renouvellement, le locataire-gérant ne peut
l’imposer ni prétendre à une indemnité d’éviction47.
Au terme du contrat, il doit restituer le fonds au loueur mais les contrats
conclus par le locataire-gérant ne lient pas, en principe, le propriétaire. Seuls les
contrats de travail sont maintenus, sauf pour le personnel qui aurait été engagé

46
Force est de souligner que les clauses résolutoires n’entraînent pas toutes une résolution de plein
droit du contrat en cas d’inexécution : alors que la clause résolutoire de plein droit implique la
volonté des parties de soustraire la résolution au pouvoir d’appréciation des juges, la simple clause
résolutoire suppose une mise en œuvre judiciaire sachant que, dans ce cas, les juges ne doivent
faire droit à la demande de résolution qu’après avoir apprécié souverainement la gravité de
l’inexécution contractuelle prévue par la clause (V. Cass. 3e civ., 26 janvier 2011, n° 08-21781 : Bull.
civ. III, n° ???; BRDA 4/11, comm. 15).
47
Req., 22 juillet 1931, DH 1931. 507.

38
M. Thioye – Droit des affaires
pour des activités nouvelles non transférées au loueur en fin de location-gérance.
Sous cette réserve, les licenciements qui feraient suite à la location-gérance
seront à la charge du propriétaire du fonds, sauf si le fonds est devenu
inexploitable (auquel cas c’est le gérant qui les supportera).
En l’absence de stipulations contractuelles contraires, le propriétaire du
fonds n’est pas tenu de reprendre le stock laissé par le locataire-gérant48.
Le locataire-gérant répond des déperditions de valeur (pertes et
dégradations) subies par le fonds du fait de ses fautes49. Dans le cas contraire
d’augmentation de valeur, il ne peut, en principe, exiger du bailleur aucune
indemnité compensatrice pour la plus-value procurée au fonds par son activité.
Notons toutefois que dans l’hypothèse où le locataire-gérant a créé, avec
l’accord du bailleur, une branche d’activité nouvelle constitutive elle-même d’un
fonds de commerce, il en garde la propriété.
Les dettes contractées par le locataire-gérant pour l’exploitation du fonds
de commerce deviennent immédiatement et de plein droit exigibles (l’on craint que
la fin de la gérance ne diminue sa solvabilité).
Il n’existe pas une obligation de non-concurrence de plein droit à la charge
de l’ancien locataire-gérant. Seule une clause valable du contrat pourrait alors
limiter sa liberté de rétablissement.
Pour terminer, notons que la fin de la location-gérance donne lieu aux mêmes
mesures de publicité que celles exigées lors de sa conclusion, à savoir la publication
d’un avis dans un JAL dans un délai de quinze jours suivant le terme du contrat. A
cela s’ajoute le fait que si le locataire-gérant ne poursuit aucune activité
commerciale, alors qu’il ne tirait sa qualité de commerçant que de sa seule qualité
de locataire-gérant, il doit solliciter sa radiation du RCS.

Section 3- Le nantissement de fonds de commerce

Mécanisme. Le fonds de commerce a une valeur et il peut, par conséquent,


être utile au commerçant de se servir de cette valeur pour se procurer du crédit
en constituant sur son fonds un gage. Mais, il est de règle classique que le gage
nécessite la dépossession du débiteur qui doit ainsi remettre l’objet gagé soit au
créancier gagiste lui-même, soit à un tiers sur lequel les parties se mettent
d’accord (séquestre). Cette situation est, à l’évidence, inappropriée pour le
commerçant, lequel ne pourrait se dessaisir de son fonds. La pratique d’abord, la
jurisprudence ensuite et, enfin, le législateur ont alors forgé la technique du
nantissement qui est un « gage sans dépossession » du débiteur. En effet, cette
technique permet aux commerçants de donner leurs fonds en garantie, tout en en

48
En effet, aucune disposition légale n’impose le rachat des marchandises (Com., 23 mars 1999,
JCP E 1999, p. 1782, note LEVENEUR ; D. Aff. 1999. 703).
49
La faute doit être prouvée par le bailleur (Civ. 3e, 13 oct. 1999, CCC 2000, n° 21, obs. LEVENEUR).

39
M. Thioye – Droit des affaires
conservant la possession et le droit de vendre, moyennant une inscription prise au
greffe du tribunal de commerce.
Le nantissement est normalement conventionnel, mais la loi a aussi instauré
un nantissement judiciaire.

§ 1- Le nantissement conventionnel

A- Les conditions du nantissement conventionnel

1° Les conditions de fond : l’assiette du nantissement

Le nantissement porte de plein droit sur les principaux éléments incorporels


du fonds de commerce (clientèle, enseigne et nom commercial, droit au bail –
incluent l’éventuelle indemnité d’éviction).
En l’absence de précision dans le contrat qui le constitue, il ne porte que sur
ces éléments.
Mais les parties peuvent décider de l’étendre à tous les autres éléments
(matériel), à l’exclusion toutefois des marchandises (on a voulu laisser une valeur
libre aux créanciers chirographaires).

2° Les conditions de forme

Pour que le nantissement soit valable (à peine de nullité), il faut :


- un acte écrit et enregistré, qui peut être SSP (à la différence de l’acte
constitutif d’hypothèque immobilière).
- Une inscription au greffe du TC dans la quinzaine de l’acte, une inscription
valable pendant 10 ans mais renouvelable. Notons que le nantissement ne
porte que les brevets d’invention, les marques de fabrique, les dessins et
modèles, que moyennant des inscriptions supplémentaires spéciales prises
sur des registres tenus par l’INPI.
- Lorsque le fonds de commerce constitue un bien commun à deux époux, son
nantissement requiert le consentement des deux époux.

B- Les effets du nantissement conventionnel

Le créancier nanti bénéficie des mêmes droits que le vendeur inscrit : droit
de préférence (celui du créancier nanti est toutefois primé par celui du vendeur
inscrit), droit de suite et garanties complémentaires (Voir supra).

§ 2- Le nantissement judiciaire du fonds de commerce

40
M. Thioye – Droit des affaires
A- Les conditions

1° Les conditions de fond

Créé par la loi du 12 novembre 1955, et régi aujourd’hui par la loi du 9 juillet
1991, le nantissement judiciaire du fonds de commerce est une mesure
conservatoire qui permet à un créancier de se protéger contre les risques
d’insolvabilité de son débiteur commerçant. Le principe en est simple : toute
personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge
l’autorisation de pratiquer un nantissement sur le fonds de commerce du débiteur,
sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d’en
menacer le recouvrement.

2° Les conditions de procédure

L’autorisation préalable (qui permet l’inscription provisoire) relève en


principe de la compétence du juge de l’exécution, magistrat du TGI (TRIBUNAL
JUDICIAIRE), ou, exceptionnellement, de celle du président du TC si la créance
est commerciale.
Une telle autorisation n’est toutefois pas nécessaire lorsque le créancier
est muni d’un titre exécutoire ou d’une décision de justice non encore exécutoire.
Même chose en cas de non-paiement d’une lettre de change acceptée, d’un billet à
ordre, d’un chèque ou d’un loyer resté impayé dès lors qu’il résulte d’un bail
immobilier écrit.
A peine de nullité, le juge précise l’objet de la mesure autorisée. A peine de
caducité de cette mesure, le créancier doit ensuite engager ou poursuivre une
procédure destinée à obtenir un titre exécutoire s’il n’en possède pas, et lui
permettant de procéder à l’inscription définitive.

B- Les effets du nantissement judiciaire

Si toutes les conditions du nantissement judiciaire sont réunies, la loi


confère au créancier nanti par décision judiciaire les mêmes droits que ceux
accordés aux bénéficiaires d’un nantissement conventionnel : droit de préférence
(celui du créancier nanti est toutefois primé par celui du vendeur inscrit), droit de
suite et garanties complémentaires (Voir supra).

Section IV- L’apport en société d’un fonds de commerce

L’apport en société est la mise à la disposition d’une société de biens ou de

41
M. Thioye – Droit des affaires
valeurs moyennant l’attribution à l’apporteur de droits sociaux (parts sociales ou
actions). On parle d’apport en nature lorsque l’opération porte sur des biens
mobiliers ou immobiliers, corporels ou incorporels (l’apport pouvant se faire en
propriété, en usufruit, en nue-propriété ou en jouissance). Tel est le cas de l’apport
en société d’un fonds de commerce.
L’apport en société de fonds de commerce constitue, comme la vente, une
aliénation à titre onéreux du fonds considéré. Il y a toutefois une différence
notable entre les deux opérations, différence portant sur le mode de
rémunération : la vente suppose le paiement d’un prix au vendeur, tandis que
l’apport est rémunéré par l’attribution de parts sociales ou d’actions à l’apporteur
(cette différence en entraîne une autre : à la différence de la vente, l’apport en
société présente un caractère assez aléatoire, car l’apporteur devenu associé
devra, au titre de sa participation aux résultats de la société, contribuer aux
éventuelles pertes de la société).

§ 1- Les conditions de validité

Parce que l’opération d’apport fait courir des risques aux créanciers de
l’apporteur, la loi la soumet à des conditions particulières de validité.
D’abord, l’apport du fonds (à une société en formation ou déjà existante) doit être
constaté par acte écrit (acte authentique ou SSP).
Ensuite, cet acte doit, à peine de nullité, contenir les mêmes mentions
obligatoires que l’acte de vente de fonds de commerce (même régime, V. supra),
cela pour protéger les autres associés.
Notons, enfin, que sous réserve de quelques particularités, l’opération est
également soumise aux mêmes mesures (et délais) de publicité que la vente
(support habilité à recevoir des annonces légales ou BODACC).

§ 2- Les effets de l’apport en société du fonds de commerce

L’opération d’apport étant distincte de la vente, les effets en sont


différents. D’une part, l’apporteur ne reçoit pas une somme d’argent (prix), mais
plutôt des droits sociaux (parts sociales ou actions) d’un montant équivalent à la
valeur du fonds de commerce. D’autre part, l’apporteur ne bénéficie pas du
privilège du vendeur, ni de l’action résolutoire.
Cela dit, l’apport du fonds étant un apport en nature, l’apporteur est, comme
un vendeur, tenu, envers la société devenue propriétaire du fonds, de la garantie
d’éviction (notamment d’une obligation de non-concurrence).

Section 5- Le crédit-bail sur fonds de commerce (ou sur fonds artisanal)

42
M. Thioye – Droit des affaires
§ 1- Présentation générale

Le crédit-bail (ou leasing) est une opération par laquelle un établissement


de crédit (le crédit-bailleur) achète le bien à financer (ici le fonds de commerce)
afin de le louer à un client (le crédit-preneur qui est ici un commerçant). Mais au
terme de la période de location, le crédit-preneur bénéficie d’une option : il peut
soit mettre fin au contrat de location, soit acheter le bien pour un prix résiduel
fixé dans le contrat (tenant compte des redevances versées).
Si le crédit-bail est utilisé en France depuis bien longtemps (plus d’un quart
de siècle), son application au financement de l’acquisition de fonds de commerce
ne remonte qu’à la loi du 6 janvier 1986 (actuel article L. 313-7 du CMF).
L’intérêt du crédit-bail pour l’établissement financier, c’est que, au-delà des
loyers qu’il perçoit, il bénéficie de la meilleure garantie possible, à savoir la
propriété du bien financé (ce qui bien préférable à la situation d’un créancier
nanti). Pour le commerçant, l’intérêt du montage est qu’il lui permet de louer un
fonds qu’il ne pouvait pas nécessairement acheter et, à terme, d’en devenir
propriétaire s’il le désire.

Par 2- Le régime juridique du crédit-bail

Le crédit-bail portant sur le fonds de commerce est une opération complexe


soumise à des règles précises qui tantôt se rapprochent de celles de la location-
gérance et de celles de la vente de fonds de commerce, tantôt s’en démarquent.

A- Les conditions de forme

Disons très brièvement que le crédit-bail doit faire l’objet d’une inscription
sur un registre spécial tenu au greffe du tribunal de commerce et être publié sur
un support habilité à recevoir des annonces légales.

B- Les conditions de fond et les effets

1° Pendant la phase de location : essentiellement les règles de la location-


gérance de fonds de commerce

Pendant la phase de location, les règles de fond sont, pour l’essentiel, celles
de la location-gérance (voir supra).
Il existe toutefois une différence fondamentale tenant à ce que les loyers
contractuellement fixés ne peuvent pas, lorsqu’ils sont assortis d’une clause
d’échelle mobile, faire l’objet d’une révision judiciaire (même si, par l’effet de
cette clause, il se produisait une baisse ou une augmentation du loyer initial de plus

43
M. Thioye – Droit des affaires
du quart). Comme autre différence, notons aussi si le crédit-preneur lève l’option
d’achat, les dettes nées de l’exploitation pendant la période de location ne
deviennent pas immédiatement exigibles (la règle de l’exigibilité immédiate des
dettes nées de l’exploitation au cas de cessation de la location-gérance
s’expliquant par la diminution de la solvabilité du locataire-gérant, elle n’a plus de
raison d’être lorsque le crédit-preneur se porte acquéreur du fonds de commerce).
L’application du régime de la location-gérance pendant la période de location
suscite certaines incohérences. A ce propos, l’on fait remarquer que pendant toute
la phase de location, les risques de l’exploitation pèsent sur le crédit-bailleur qui
est, juridiquement, propriétaire du fonds : il en résulte qu’il ne pourra pas se payer
sur le fonds en cas de non-paiement des loyers (alors qu’un créancier nanti le
pourrait) ; il en résulte aussi, de manière générale, qu’il est un peu à la merci du
crédit-preneur si l’exploitation se passe mal car, dans cette hypothèse, ce dernier
ne lèvera évidemment pas l’option (le risque étant alors pour le crédit-bailleur de
se retrouver avec un fonds de très faible valeur, avec du personnel à licencier).

2° Au moment de la levée de l’option d’achat : les règles de la vente de fonds


de commerce

Lorsque le crédit-preneur lève l’option d’achat, les règles relatives à la vente


de fonds de commerce deviennent applicables. Cette analogie est critiquable car
les règles régissant la vente de fonds de commerce sont inadaptées ici. Quand on
sait que les formalités complexes et onéreuses qu’implique la vente de fonds de
commerce sont destinées à protéger l’acquéreur et les créanciers du vendeur, elles
paraissent inappropriées ici étant donné que le crédit-bailleur (vendeur) n’a en
réalité jamais exploité le fonds. De ce fait, les informations que doit contenir
l’acte de vente sont détenues par le crédit-preneur (l’acquéreur) qui doit alors les
communiquer pour qu’elles soient mentionnées. C’est incohérent d’exiger du crédit-
bailleur qu’il soit informé par son crédit-preneur pour, tout simplement, lui
retourner, dans un second temps, les mêmes renseignements.

44
M. Thioye – Droit des affaires
Chapitre III- La propriété industrielle (observations sommaires)

La notion de propriété industrielle regroupe les divers droits incorporels


dont une entreprise peut être titulaire. Il s’agit des marques, des brevets
d’invention ainsi que des dessins et modèles (les brevets d’invention plus les
dessins et modèles constituent des créations industrielles).
Comme le droit de propriété ordinaire, les droits de propriété industrielle
confèrent un monopole d’exploitation à leur titulaire, ont une valeur patrimoniale
et sont cessibles.
Mais ils se distinguent du droit réel de propriété en certains aspects très
importants. D’une part, ils ne portent pas sur des biens matériels. D’autre part,
alors que le droit réel de propriété est perpétuel, le monopole d’exploitation que
confèrent les droits de propriété industrielle est temporaire, même s’il est parfois
renouvelable, et s’éteint par le non-usage.

Section 1- Les marques

Aux termes de l’article L. 711-1 du Code de la propriété intellectuelle (art.


er
1 de la loi du 4 janvier 1971), la marque est un signe susceptible de représentation
graphique servant à distinguer les produits ou services d’une personne physique ou
morale.
On en distingue traditionnellement trois types :
- d’abord, les marques de fabrique qui sont des signes identifiants apposés
par le fabricant sur ses produits (exemple : Adidas) ;
- ensuite, les marques de commerce qui sont ceux diffusés par un fournisseur
ou distributeur, grossiste ou détaillant (exemple : Carrefour) ;
- enfin, les marques de services qui désignent les prestations fournies par
des entreprises de services (hôteliers, transporteurs, teinturiers, etc.).
Les marques, qu’elles soient simples ou complexes, peuvent d’abord être
nominales (dénominations quelconques : mots, noms patronymiques et
géographiques, assemblage de mots, sigles, lettres, chiffres50, etc.). Elles peuvent
aussi être figuratives (dessins, étiquettes, logos, hologrammes, images de
synthèse, formes du produit, etc.). Elles peuvent même être sonores (sons,
phrases musicales, etc.), voire olfactives sous réserve de remplir les conditions
posées pour la représentation graphique (ce qui est, à l’heure actuelle,
technologiquement impossible)51.
Cela dit, elles doivent toujours satisfaire à certaines conditions pour pouvoir
bénéficier d’une protection juridique.

50
CJUE, 10 mars 2010, aff. 51/10, BRDA 6/11, comm. 14 : rappelant qu’un signe exclusivement
composé de chiffres peut être enregistré à titre de marque.
51
CJCE, 12 déc. 2002, aff. 273/00 P, BRDA 01/03, p. 13, n° 24.

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Section 2- Les brevets d’invention et les certificats d’utilité

L’intérêt de la société est que les découvertes soient divulguées. Mais il faut
aussi encourager les chercheurs en leur reconnaissant des avantages, en
l’occurrence un monopole temporaire d’exploitation sur leurs découvertes. Les
brevets d’invention et les certificats d’utilité protègent ainsi les créations
industrielles à caractère utilitaire. Tous deux concernent le même objet, à savoir
les inventions nouvelles impliquant une activité inventive et susceptibles
d’application industrielle (art. L. 611-10 CPI). La différence tient à la procédure
de délivrance du titre, plus souple concernant le certificat d’utilité, et à la durée
de protection, six ans pour le certificat et vingt pour le brevet.
La réglementation résulte d’une loi du 2 janvier 1968, plusieurs fois
réformée, et aujourd’hui intégrée dans le CPI (institué par une loi du 1er juillet
1992) : articles L. 611-1 et suivants.

Section 3- Les dessins et modèles

Les dessins sont des assemblages de lignes et/ou de couleurs sur une
surface plane. Quant aux modèles, ce sont des formes plastiques en relief. Ils se
situent entre la propriété industrielle et la propriété littéraire et artistique (par
application de la règle dite de « l’unité de l’art »), et bénéficient ainsi d’une
protection à chacun de ces titres. En revanche, c’est uniquement dans le cadre de
la législation sur les brevets d’invention que peuvent être protégées les formes qui
sont inséparables d’une invention brevetable.
Le régime particulier des dessins et modèles industriels figure aux articles
511-1 et suivants de CPI.

Section 4- Les noms de domaine de l’internet

Le nom de domaine est une « chaîne de caractères structurée, permettant


la localisation et l’accès à un site internet en évitant le recours à l’adresse IP ». Il
a ainsi pour rôle premier de permettre à une entreprise de se localiser dans
l’espace informatique (adresse électronique qui identifie, sur Internet, le site web
de l’intéressé). A cette fonction, s’ajoute aujourd’hui le fait que le nom de domaine
est aussi perçu comme un « nouvel identifiant commercial », un signe de ralliement
de la clientèle, un outil publicitaire. Se pose alors la question de sa protection,
sachant que les noms de domaine sont enregistrés par des instances accréditées
par l’ICANN (Internet Council for Assigned Names and Numbers) pour éviter qu’un
même nom soit enregistré plus d’une fois.
Lorsque l’entreprise emploie comme nom de domaine sa propre dénomination

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(ou son enseigne) ou sa marque, la protection juridique du nom de domaine se fera
à travers celle des signes traditionnels que sont la marque, le nom social, la
dénomination sociale, l’enseigne…52 En revanche, une difficulté surgit dans le cas
contraire.
Dans le silence des textes53, une certaine jurisprudence considère que le
nom de domaine peut justifier en soi, compte tenu de sa valeur commerciale pour
l’entreprise, une protection contre les atteintes dont il ferait l’objet. Cette
protection, qui repose sur l’idée d’un certain droit privatif du titulaire, est
naturellement subordonnée à certaines conditions : le nom ne doit pas porter
atteinte à un droit légitimement acquis sur la dénomination qu’il adopte (marque,
nom commercial, dénomination sociale) ; l’entreprise qui en poursuit la protection
doit rapporter la preuve de la priorité de son usage sur le réseau de l’Internet54.
La cour d’appel de Paris a inscrit la réservation des noms de domaine dans
le giron du droit de propriété tout en subordonnant la protection (par la
responsabilité civile) à la démonstration de l’existence d’un risque de confusion,
dans l’esprit du public, consécutif à l’utilisation de la même dénomination sous la
forme d’un signe distinctif55.
Par un arrêt du 18 septembre 2007, la Cour EDH a jugé que le droit exclusif
d’utiliser et de céder librement les noms de domaine a une valeur économique et
constitue donc un bien au sens de l’article 1er du Premier Protocole additionnel à la
Convention EDH56.

52
V. TGI Paris, 8 avril 2005, cité par J. Mestre et alii, 28e éd., n° 685-26.
53
L’attribution et la gestion des noms de domaine de l'internet est aujourd’hui réglementée par
articles R. 20-44-34 et suiv. du Code des postes et des communications électroniques (textes
insérés par le décret n° 2007-162 du 6 février 2007 relatif à l'attribution et à la gestion des noms
de domaine de l'internet et modifiant le code des postes et des communications électroniques). V.
Cons. Const., 6 oct. 2010, déc. n° 2010-45 QPC, BRDA 19/10, n° 15 : le Conseil a dléclé contraire à
la Constitution l’article L. 45 du Code des Postes et des communications électroniques.
54
Voir arrêts cités par Mestre et Pancrazi, op. cit., n° 635-1 ou par Th. Revet, obs. RTD civ. 2008,
p. 504.
55
Paris, 18 oct. 2000, D. 2000, 1379, note G. Loiseau; CCE juin 2001, n° 60, obs. Ch. Caron ; Paris,
14e ch. A, 25 mai 2005, D. 2005, 1846, obs. C. Manara.
56
CEDH, 18 septembre 2007, Paeffgen gmbh c/ Allemagne, n° 25379/04, 21688/05, 21722/05 et
21770/05, JCP G 2008, I, 158, n° 1, obs. Ch. Caron ; RTD civ. 2008, p. 503, obs. Th. Revet.

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