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MASTER SCIENCES JURIDIQUES (TA)

DROIT COMMERCIAL

(DD)

« La Nature Juridique du Fonds de Commerce :


Une Synthèse entre Abstraction et Applications »

Encadré par :

▪ Mr. EL OUFIR Chakib

Traité par :

▪ Achraf KHOUIRGOU

▪ Fatima ezzahra BENMHATA

▪ Ilham DAHMANI

▪ Mohammed EL YASSIR
1
▪ Mouad BOUGHRARA

Année universitaire 2023-2024

Plan :

I- Les Théories Concurrentes de la Nature Juridique du Fonds de Commerce :

A- Le Fonds de Commerce : Entre Universalité de Droit et de Fait


B- Fonds de Commerce : propriété incorporelle et concurrence

II- Analyse pratique de la nature juridique du fonds de commerce au Maroc

A- La position du droit marocain par rapport à la nature juridique du fonds de


commerce
B- la vente du fonds de commerce : aspect juridique et pratique

2
Introduction

Le fonds de commerce est une institution ancienne du droit, ayant suscité des débats quant à
sa nature, notamment en France avant le 19ème siècle. Ce n'est qu'avec une loi fiscale en
18721 que sa définition a commencé à se préciser. Cette évolution répondait à deux besoins :
protéger la clientèle des commerçants et reconnaître le fonds de commerce comme un élément
du patrimoine des commerçants, ce qui intéressait les créanciers.

Au Maroc, le fonds de commerce a été réglementé au départ par le Dahir du 31 septembre


19142 qui ne s'en est occupé que pour en régler la vente, le nantissement et l'apport en société.
Ce n'est qu'en 1996 que la loi nº 15-95 formant code de commerce a fait son apparition pour
apporter une réglementation complète traitant les éléments du fonds de commerce et des
contrats portant sur le fonds de commerce. Cette nouvelle réglementation a complété
l'ancienne en y ajoutant de nouvelles dispositions émanant de l'évolution pratique de cette
institution.

Ainsi, le fonds de commerce, tel qu'il est défini par le Code marocain de commerce (article 79
du CC), est un bien meuble incorporel constitué par l'ensemble de biens mobiliers affectés à
l'exercice d'une ou de plusieurs activités commerciales.L'analyse de la définition du fonds de
commerce nous révèle que ce dernier doit inclure obligatoirement un certain nombre
d'éléments à qui la loi reconnaît une nature juridique. Ces éléments peuvent varier d'un fonds
à un autre selon l'activité exploitée. Tout commerçant possède un fonds de commerce et ce
fonds constitue une propriété cessible et transmissible. La reconnaissance de cette propriété
est d'une importance capitale dans l'économie commerciale.

Aujourd'hui, avec la multiplication des entreprises commerciales et industrielles, ainsi que


l'augmentation des transactions impliquant des entreprises entières, la question de la nature
juridique du fonds de commerce est devenue plus complexe.

Les ventes et les nantissements de fonds de commerce, de plus en plus fréquents, ont soulevé
des problèmes. Les ventes peuvent rendre floue la distinction entre la nature juridique du
fonds de commerce et celle de ses éléments constitutifs. Il convient, à ce moment, de poser la
question suivante : Dans quelle mesure la pratique commerciale influence t-elle
l’évolution de la théorie juridique relative au fonds de commerce ?

Pour comprendre ces difficultés, il est nécessaire d'analyser la nature juridique du fonds de
commerce dans notre système juridique, en mettant en lumière les conceptions théoriques à
travers une étude pratique.

1
GUYON Yves, Droit des affaires, Tome1, Droit commercial générale et Sociétés, Ed. Economica, Paris, 2003
2
B.O n°116 du 11 janvier 1915, p.14- Dahir du 31 décembre 1914 sur la vente et le nantissement des fonds de commerce
3
I- Les Théories Concurrentes de la Nature Juridique du Fonds de
Commerce :

Le fonds de commerce est considéré comme une universalité de biens, formée par la
combinaison d’éléments nombreux, variés et unis étroitement par leur destination économique
commune. Il n’a pas la même nature juridique que les éléments qui le composent, c’est un
bien incorporel malgré l’existence d’éléments corporels, une évidence qui nous procures
plusieurs théories.

Section 1 : Le Fonds de Commerce : Entre Universalité de Droit et de Fait

La question de la nature juridique du fonds de commerce est au cœur de nombreux débats


juridiques, avec deux théories principales qui s'opposent : l'universalité de droit et l'universalité
de fait.

Selon l'universalité de droit, défendue notamment par les juristes allemands, le fonds de
commerce est considéré comme une entité juridique autonome, distincte du commerçant lui-
même3. Cette approche repose sur l'idée que le fonds de commerce possède son propre
patrimoine, distinct de celui du commerçant, et peut même bénéficier d'une personnalité
morale. Ainsi, il est envisagé comme un sujet de droit à part entière, capable d'agir en justice et
de contracter des obligations.

En revanche, l'universalité de fait, soutenue notamment en France, voit le fonds de commerce


comme un simple ensemble d'éléments hétérogènes, sans existence juridique autonome.

Selon cette théorie, le fonds de commerce est intégré au patrimoine personnel du commerçant
et ne possède pas de patrimoine distinct. Il est donc considéré comme faisant partie intégrante
des biens du commerçant, soumis aux règles de droit commun applicables à son patrimoine
personnel.

Cette opposition entre l'universalité de droit 4et l'universalité de fait soulève des questions
importantes en matière de responsabilité du commerçant, de protection des créanciers et de
3
MOTIK M’Hamed, Droit commercial marocain ,AlMaarifa al Jadida, Rabat,2001,p.104.

4
https://www.murielle-cahen.com/publications/fonds-commerce.asp
4
traitement des biens en cas de difficultés financières. Chaque théorie présente des arguments en
sa faveur, mais le débat reste ouvert et complexe, reflétant la diversité des approches juridiques
dans le domaine du droit commercial.

Section 2 : Fonds de Commerce : propriété incorporelle et concurrence

Le fonds de commerce est un concept juridique et économique complexe qui ne se résume pas à
un simple objet matériel. Il5 s'agit d'un ensemble d'éléments corporels et incorporels
indissociablement liés et ayant pour but l'exploitation d'une activité commerciale.

Si le local commercial et les équipements sont des éléments tangibles et visibles, ils ne
constituent qu'une partie du fonds de commerce. L'essence même du fonds réside dans ses
éléments incorporels, dont le plus important est le droit de clientèle.

Le droit de clientèle est la probabilité que la clientèle existante continue à fréquenter le


commerce même après son transfert à un nouveau propriétaire. Il s'agit donc d'un actif
immatériel de grande valeur, car il représente le fruit du travail et du savoir-faire du
commerçant.

Cela signifie que le propriétaire du fonds de commerce ne détient pas un droit absolu sur ses
clients, car ces derniers peuvent choisir d'opter pour un concurrent. Ce que le propriétaire
possède, en réalité, c'est le droit d'organiser et de structurer son commerce afin d'attirer et de
fidéliser la clientèle. Cela peut inclure divers éléments tels que l'agencement du magasin, la
disposition des produits, la qualité du service client, etc.

La protection de cette organisation et de cet agencement du commerce est assimilée à une


création intellectuelle, similaire à une invention ou une œuvre littéraire. 6Par conséquent, le
propriétaire du fonds de commerce a le droit de protéger ces éléments contre toute forme de
copie ou d'imitation, grâce à la législation contre les pratiques déloyales des concurrents.

Un arrêt de la Cour 7d'appel de commerce du 16 novembre 2010, n° 4301/2008/17, précise que «


constitue un acte de concurrence déloyale le fait de commercialiser des produits similaires à
ceux d'un concurrent en utilisant une marque ou un emballage similaire, dans le but de créer une
confusion chez les consommateurs et de détourner leur clientèle ».

L'action en concurrence déloyale permet au commerçant de se défendre contre les pratiques


injustes de ses concu8rrents, qui peuvent entraîner une perte de clientèle. Pour qu'une telle action
soit recevable, elle doit démontrer une faute de la part du concurrent (tel que le dénigrement, le
5
https://www.l-expert-comptable.com/a/37574-les-elements-d-un-fonds-de-commerce.html
6
PEDAMON Michel «DROIT COMMERCIAL, commerçants et fonds de commerce, concurrence et contrats du commerce », PRECIS, 2e Ed.
DALLOZ, Paris, 2000.
7
arrêt de la Cour d'appel de commerce du 16 novembre 2010, n° 4301/2008/17
8
Fonds de commerce : exploration des éléments corporels et incorporels (lexpress-franchise.com)
5
parasitisme ou l'espionnage industriel), un dommage subi par le commerçant (comme une baisse
du chiffre d'affaires), ainsi qu'un lien de causalité entre la faute et le dommage.

Le démarchage de la clientèle d'un concurrent n'est pas intrinsèquement illégal, mais il devient
répréhensible lorsqu'il est accompagné de pratiques déloyales telles que le dénigrement, le
parasitisme ou l'espionnage industriel.

En cas de concurrence déloyale, le commerçant peut obtenir réparation du préjudice subi, ce qui
signifie qu'il peut recevoir une compensation financière pour les pertes encourues.

II- Analyse pratique de la nature juridique du fonds de commerce au


Maroc

Le fonds de commerce peut faire l'objet de plusieurs opérations juridiques différentes, des
opérations portées sur chacun de ses éléments. Que ce soit à travers la vente de celui-ci, ou en
cas de besoin de financement, comme étant une sûreté dans le cadre du nantissement. Il
convient alors de déterminer comment une réunion d'éléments aussi divers peut être soumise à
un régime juridique spécial.

Section 1 : La position du droit marocain par rapport à la natrure juridique du


fonds de commerce

Le cadre juridique régissant le fonds de commerce au Maroc est précis et comprend plusieurs
éléments importants, comme explicité dans le texte ci-dessus. Tout d'abord, la définition même
du fonds de commerce est établie par l'article 79 du Code de commerce marocain, le
définissant comme un ensemble de biens meubles affectés à une activité commerciale, à
l'exclusion des marchandises. Cette définition précise établit les contours du fonds de
commerce et délimite ses composantes.

Ensuite, la mobilité du fonds de commerce est un aspect crucial de son régime juridique. En
tant que bien meuble, il peut être transféré d'un propriétaire à un autre. Cette facilité de
transfert est encadrée par les dispositions légales prévues pour les transactions portant sur des
biens meubles, telles que les garanties liées à la vente, à l'achat et au nantissement.

Un autre aspect important concerne la priorité en cas de litige entre acquéreurs successifs. Si
deux personnes revendiquent la propriété d'un même fonds de commerce, la loi accorde la
6
priorité à celui dont le contrat d'acquisition est le premier en date 9, indépendamment de celui
qui a pris possession du fonds en premier lieu.

La notion d'universalité du fonds de commerce est également fondamentale. Considéré comme


une entité juridique distincte de ses éléments constitutifs, il représente une entité unique, et non
simplement une agrégation de biens. Cette perspective permet de mieux appréhender les
implications légales et les protections qui en découlent.

Enfin, la responsabilité du patrimoine du commerçant est un principe clé du régime juridique


du fonds de commerce. Elle signifie que l'ensemble des actifs du commerçant, y compris son
fonds de commerce, peut être engagé pour répondre à ses obligations. Cette responsabilité
s'étend même aux créanciers n'ayant aucun lien direct avec l'activité commerciale.

En résumé, le régime juridique du fonds de commerce au Maroc est caractérisé par sa


précision et sa complexité. Il vise à protéger les droits des acquéreurs tout en assurant la
sécurité juridique et la solvabilité des commerçants, et constitue un pilier fondamental du
système commercial marocain.

Section 2 : La vente du fonds de commerce : aspect juridique et pratique

Lorsqu'on se plonge dans l'analyse détaillée de la vente du fonds de commerce au Maroc, il est
crucial d'examiner en profondeur chaque aspect de ce processus complexe. Tout d'abord, la
nature même du contrat de vente mérite une attention particulière : bien que le fonds de
commerce soit composé d'une variété d'éléments distincts, sa cession se fait à travers un seul et
même contrat, consolidant ainsi la transmission de cette entité commerciale dans son
ensemble.

La diversité des éléments constitutifs du fonds de commerce souligne l'importance de


comprendre la spécificité de chaque composante. En effet, cette entité comprend à la fois des
actifs incorporels, tels que la clientèle et la réputation de l'entreprise, et des biens matériels,
comme le mobilier et les équipements. Cette diversité nécessite une approche différente pour
le transfert de propriété de chacun de ces éléments.

Pour les biens corporels, le transfert de propriété est souvent matérialisé par la tradition, c'est-
à-dire la remise physique des biens à l'acquéreur. En revanche, pour les actifs incorporels, des
formalités spécifiques doivent être accomplies, telles que l'enregistrement auprès des autorités
compétentes ou la notification des tiers concernés.

9
EL OUFIR Chakib, cours de «droit commercial », Université Mohammed V, Rabat– Agdal ,2012.

7
Bien que le transfert de propriété entre les parties puisse sembler simple, il est crucial de noter
que sa validité et son opposabilité aux tiers dépendent du respect scrupuleux de toutes les
exigences légales et contractuelles. En effet, sans une conformité rigoureuse aux procédures
prévues par la loi et par les contrats, le transfert de propriété pourrait être remis en question et
les droits des parties pourraient être compromis.

Enfin, la question de l'opposabilité aux tiers soulève des enjeux juridiques majeurs. Pour que le
transfert de propriété soit pleinement opposable aux tiers, il est impératif que toutes les
formalités requises aient été correctement accomplies, garantissant ainsi la sécurité juridique
des transactions et préservant les droits des parties concernées.
En résumé, une analyse détaillée de la vente du fonds de commerce au Maroc met en évidence
la nécessité d'une approche rigoureuse et spécialisée, tenant compte de la diversité des
éléments constitutifs du fonds ainsi que des exigences légales et contractuelles spécifiques à
chaque transaction.

8
Conclusion

En conclusion, la détermination de la nature juridique du fonds de commerce demeure une


question délicate, marquée par un débat persistant. Néanmoins, il est largement admis qu'il
s'agit d'une entité distincte, possédant sa propre nature de meuble incorporel. Cette
reconnaissance de l'unicité du fonds de commerce soulève des interrogations cruciales sur sa
gestion et sa protection dans un contexte commercial en constante évolution. Comment dès
lors concilier efficacement les impératifs de sécurité juridique avec les dynamiques du marché
commercial moderne, tout en préservant l'intégrité et la fonctionnalité du fonds de commerce ?

9
BIBLIOGRAPHIE

Ouvrage :

● GUYON Yves, Droit des affaires, Tome 1, Droit commercial générale et Sociétés, Ed.

Economica, Paris, 2003.

● MOTIK M’Hamed, Droit commercial marocain, Al Maarifa Al Jadida, Rabat, 2001.

● PEDAMON Michel « DROIT COMMERCIAL, commerçants et fonds de commerce,

concurrence et contrats du commerce », 2e Ed. DALLOZ, Paris, 2000.

● SLIMANI. J, Collection « Droit des affaires », Fès, 2012.

Webographie :
• https://www.murielle-cahen.com/publications/fonds-commerce.asp
• https://www.l-expert-comptable.com/a/37574-les-elements-d-un-fonds-de-
commerce.html
• Fonds de commerce : exploration des éléments corporels et incorporels (lexpress-
franchise.com)

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