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BIP N° 55

Juin 1996

LA REFORME DU CODE DE COMMERCE :


2EME PARTIE : « LE FONDS DE COMMERCE »

INTRODUCTION :

Jusqu’à l’adoption du nouveau code de commerce, seuls la vente et le nantissement du


fonds de commerce étaient réglementés par les dispositions du dahir du 31 Décembre
1914 qui demeurent, sous l’empire du nouveau code de commerce, quasiment
inchangées.

Ainsi, la nature juridique du fonds de commerce n’était pas précisée par la loi pas plus
que la gérance libre, qui s’est néanmoins développée à travers les techniques
contractuelles.

De ce droit conventionnel, le nouveau code de commerce a repris les principales règles


de même qu’il a fixé un cadre légal à la nature du fonds de commerce et aux éléments qui
le compose.

Toutefois, les zones d’ombre restent encore nombreuses. Aussi, nous a-t-il paru
opportun de procéder à un examen minutieux de la jurisprudence tant marocaine que
française.

Soulignons néanmoins le mérite du nouveau code de commerce d’avoir réuni en un seul


document les règles relatives aux fonds de commerce encore qu’il renvoie aux dahirs sur
la propriété littéraire et artistique et sur la propriété industrielle dont nous vous
proposerons une étude dans nos prochaines parutions.

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I. LA NATURE JURIDIQUE DU FONDS DE COMMERCE :

1. Définition :

Le nouveau code de commerce définit le fonds de commerce comme un « bien meuble


incorporel » comprenant « obligatoirement la clientèle et l’achalandage » (article
80).

De l’ancien français chaland qui signifie passant, l’achalandage serait la possibilité de


transformer le simple passant en client. Sur le plan pratique, il s’agit de la situation
géographique et donc stratégique du fonds de commerce.

En revanche, la notion de clientèle, simple en apparence, est source de difficultés (voir


supra).

L’article 80 est clair : sans clientèle le fonds de commerce n’existe pas.

Ce texte est la consécration législative d’une solution jurisprudentielle de longue date


admise par l’Assemblée Plénière de la Cour de Cassation française (Ass.plén. 24 Avril
1970, D.1970.381).

Il en résulte qu’il ne faut pas confondre le fonds de commerce avec l’immeuble dans
lequel il est exploité : « les murs ». En effet le commerçant propriétaire du fonds peut
être soit propriétaire des locaux, soit simplement locataire des murs.

2. Eléments constitutifs du fonds de commerce :

Le nouveau code de commerce énumère les éléments du fonds de commerce ; on


distingue les éléments corporels et incorporels.

Toutefois, comme le précise l’article 80, il s’agit de biens nécessaires à l’exploitation du


fonds.

Pour la doctrine française, il s’agit de « l’ensemble des moyens affectés par un


commerçant à une exploitation en vue de satisfaire une clientèle » (MERCADAL).

2.1. Les éléments incorporels :

Il s’agit de la clientèle, l’achalandage, le nom commercial, l’enseigne, le droit au bail, les


brevets et les marques, les dessins et modèles et enfin les droits de propriété
industrielle, littéraire ou artistique qui y sont attachés. Ces éléments n’étant pas définis
en droit marocain, il nous a paru opportun d’illustrer ces notions par des décisions
judiciaires françaises.

2.1.1. La clientèle :

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La clientèle désigne l’ensemble des personnes avec lesquelles le commerçant entretient


des relations contractuelles. La notion de clientèle n’est pas définie en droit marocain,
aussi illustrerons nous cette notion importante à travers certaines des nombreuses
décisions de la jurisprudence française. Celle-ci considère par exemple que le nombre
de clients est indifférent pour constituer une clientèle. Il a été jugé que seize clients
suffisent à constituer une clientèle (Com. 5 Juin 1970, D. 1970.673) voire un seul
(Com. 7 Décembre 1965, Bull III p. 565). C’est le cas notamment des entreprises de
sous-traitance.

En revanche, les tribunaux exigent que la clientèle soit personnellement attachée à


l’exploitation.

Ainsi, n’est pas personnellement attachée à l’exploitation la clientèle d’une société


titulaire d’un emplacement dans un supermarché ; celle-ci devant se conformer à la
discipline générale en vigueur dans l’établissement, les heures d’ouverture étant
déterminées par le supermarché (Com. 9 Juillet 1979, D. 1980.64).

Enfin, la clientèle doit être réelle et certaine et non pas seulement potentielle.
Toutefois, il a été jugé que la location d’une station-service aménagée, mais jamais
exploitée, constitue une location de fonds de commerce dès lors que « la clientèle était
indissociable des autres éléments du fonds, notamment de l’excellence des installations
modernes mises à la disposition des exploitants et de la notoriété de la marque (Com. 27
Février 1973, 2ème arrêt, D. 1974 - p 283 note Derruppé).

2.1.2. Le nom commercial :

Le nom commercial est le nom sous lequel le fonds est exploité et qui permet aux tiers
de l’identifier.

Choix du nom commercial :

Le principe : la liberté de choix.

Ainsi, le commerçant peut choisir son propre nom patronymique, même si celui-ci est
déjà utilisé pour désigner un autre fonds ou une marque (Com. 17 Mai 1988).

Le nom peut être fantaisiste.

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Les limitations :

Le choix d’un nom ne doit pas être susceptible de créer une confusion entre deux fonds,
et par suite, de constituer un acte de concurrence déloyale.

Le titulaire du fonds ne peut pas exercer sa profession sous un pseudonyme si la


réglementation propre à celle-ci le lui interdit.

Le propriétaire du fonds ne peut non plus choisir un nom commercial susceptible


d’induire le public en erreur sur sa véritable activité.

Ex : le choix de « société » ou « compagnie » pour désigner une entreprise individuelle


(Com. 26 Octobre 1950, J.C.P 1950 II 5921).

Le commerçant ne peut pas adopter comme nom commercial le nom patronymique d’un
tiers si cet usage est de nature à nuire au titulaire du nom (Com. 13 Février 1967, G.P.
1967 - 1.259 note Besumaine). Rien ne nous parait s’opposer à la transposition de ces
solutions en droit marocain.

Protection du nom commercial :

Pour être protégeable, le nom doit être appropriable, or, n’est susceptible
d’appropriation qu’un nom suffisamment distinctif et arbitraire.

De plus, la propriété du nom commercial s’acquiert par le premier usage ; cet usage doit
être personnel, public et continu.

Ainsi, il a été jugé que l’inscription du nom commercial au registre du commerce ne


suffit pas à établir cet usage (Paris, 7 Février 1978, G.P.).

En droit marocain, il n’existe pas de dispositions spécifique protégeant le nom


commercial. Toutefois, le système de certificat négatif permet de prévenir les conflits.

Deux actions permettent de protéger le nom commercial :

? l’action en concurrence déloyale ;


? l’action en abus de droit.

L’action en concurrence déloyale peut être introduite par le titulaire d’un nom
commercial dès lors qu’il y a identité ou similitude du nom d’entreprises exerçant des
activités voisines.

Toutefois, la protection du droit d’un commerçant sur son nom commercial est assurée
seulement dans la zone géographique où il exerce son activité (Com. 19 Février 1969,
Bull IV p 68).

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Les contrats portant sur le fonds de commerce comportent généralement une clause de
non-concurrence dans une zone géographique désignée ; la législation marocaine est
muette sur ce point.

Abus de droit : L’usage d’un nom commercial notoire peut être interdit, même pour
désigner un fonds de commerce ayant une activité différente. L’interdiction d’emploi du
nom est fondée sur l’abus de droit. Il s’agit de sanctionner celui qui cherche à profiter du
renom acquis par un autre.

Le droit marocain n’ignore pas cette notion, l’article 94 du dahir formant code des
obligations et des contrats (D.O.C.) est libellé comme suit :

« Il n’y a pas lieu à responsabilité civile, lorsqu’une personne, sans intention de nuire, a
fait ce qu’elle avait le droit de faire. Cependant, lorsque l’exercice de ce droit est de
nature à causer un dommage peut être évité ou supprimé, sans inconvénient grave pour
l’ayant droit, il y a lieu à responsabilité civile, si on n’a pas fait ce qu’il fallait pour le
prévenir ou pour le faire cesser ».

2.1.3. L’enseigne :

Il s’agit d’une dénomination de fantaisie désignant le fonds de commerce. Elle peut être
identique au nom commercial.

Comme les marques, l’enseigne est un signe distinctif apte à rallier la clientèle.

2.1.4. Les marques :

Il s’agit de signes qui permettent de distinguer les produits et services d’un commerçant
par rapport à ses concurrents.

2.1.5. Les droits de propriété industrielle :

Il s’agit de droits qui confèrent à leurs titulaires un monopole d’exploitation.

Ce thème sera analysé dans nos prochaines parutions.

2.1.6. Droit au bail :

Le droit au renouvellement du bail fait partie du fonds de commerce. Il est cédé avec lui.
Une décision marocaine du 27 Octobre 1961 (rev.mar. de droit 1er Avril 1962 p. 644)
tout en reconnaissant son importance au droit au bail, à affirmé « qu’il ne constitue pas
un élément nécessaire à l’existence du fonds de commerce ».

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La juridiction ajoute « qu’en l’état de la législation, ce droit ne peut résulter que d’un
accord contractuel. Il n’appartient pas à l’autorité judiciaire de l’imposer à l’adjudicataire
de l’immeuble dans lequel le fonds est exploité ».

En droit français, lorsque le propriétaire du fonds de commerce est aussi propriétaire de


l’immeuble dans lequel le fonds est exploité, le fonds ne comporte pas de droit au bail.

Cette règle est-elle transposable en droit marocain ?

Le droit marocain, avant l’adoption du nouveau code de commerce, ne comportait aucune


disposition relative aux éléments composant le fonds de commerce.

Si le nouveau code de commerce a innové en prévoyant une disposition qui énumère ces
éléments, on ne dispose en revanche que d’une jurisprudence laconique en la matière.

Toutefois, retenons de la décision du 27 Octobre 1961 que le droit au bail « ne peut


résulter que d’un accord contractuel ».

2.2. Les éléments corporels :

Il s’agit du matériel et des marchandises :

2.2.1. Le matériel :

Il est composé des objets mobiliers nécessaires à l’exploitation du fonds.

Le matériel peut être un élément déterminant de l’existence de certains fonds de


commerce. Il en est ainsi des véhicules de transport pour une société de transport, du
mobilier pour un hôtel.

2.2.2. Les marchandises :

Il s’agit des biens destinés à la vente en l’état ou après transformation. Elles ne sont pas
un élément essentiel du fond.

En cas de nantissement du fonds de commerce, seul le matériel peut être nanti.

II. LES CONTRATS RELATIFS AU FONDS DE COMMERCE :

1. La vente du fonds de commerce :

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Portant souvent sur un bien de grande valeur, c’est une opération complexe, au cours de
laquelle des intérêts différents doivent être sauvegardés ; aussi des formalités précises
ont été instituées par le dahir du 31 Décembre 1914.

Le nouveau code de commerce reprend pour l’essentiel ces dispositions complétant


quelque peu le dispositif en prévoyant les sanctions aux obligations qu’il impose. Le
principe légaliste s’en trouve renforcé.

Nous analyserons le dispositif légal relatif à la vente du fonds de commerce à travers la


triple protection qu’il prévoit : protection de l’acquéreur, protection du vendeur et
protection du créancier du vendeur.

1.1. Protection de l’acquéreur :

La protection de l’acquéreur est assurée par l’exigence d’un formalisme plus rigoureux que
dans les autres ventes, tant lors de la conclusion de l’acte de vente que lors de
l’exécution du contrat.

1.1.1. Acte écrit et mentions obligatoires :

Soumise aux conditions de validité des contrats, la vente d’un fonds de commerce doit
toujours être établie par écrit. Le nouveau code de commerce prévoit que l’acte de vente
doit comporter des mentions obligatoires à savoir :

? le nom du vendeur, la date, la nature et le prix de l’acquisition ;


? l’état des inscriptions grevant le fonds (privilèges ou nantissements) ;
? les conditions du bail : date, durée, montant du loyer, nom et adresse du bailleur
(article 81).

L’omission d’une des mentions peut sur la demande de l’acquéreur, formée dans l’année,
entraîner la nullité de la vente si l’absence de cette mention lui a porté préjudice.

L’inexactitude d’une mention entraîne, de la même façon, la nullité ou la réduction du


prix de vente (article 82).

Dans les deux cas, l’acheteur doit prouver que l’omission ou l’inexactitude d’une
mention lui a causé préjudice.

1.1.2. Obligations du vendeur :

Ces obligations découlent des dispositions du code marocain des obligations et des
contrats ; elles doivent être rappelées ici car elles sont les mêmes que pour toute vente,
il s’agit de l’obligation du vendeur de livrer le fonds de commerce mais aussi de garantir
l’acquéreur de toute éviction du fait des tiers.

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? La livraison : le vendeur doit présenter l’acquéreur à la clientèle et doit tenir les
livres de commerce à la disposition de l’acquéreur.

? La garantie contre l’éviction et les vices rédhibitoires : le vendeur doit une


garantie légale de non concurrence, qui l’oblige à ne pas se réinstaller à proximité ;
c’est tout le sens de l’article 533 du code des obligations et des contrats qui dispose
que l’obligation de garantir emporte pour le vendeur celle de s’abstenir de tout acte
ou de toute réclamation qui tendrait à inquiéter l’acheteur ou à le priver des
avantages sur lesquels il avait le droit de compter, d’après la destination de la chose
vendue et l’état dans lequel elle se trouvait au moment de la vente.

1.2. Protection du vendeur :

Dans l’hypothèse où le fonds est vendu à crédit, il est nécessaire de protéger le vendeur
contre l’insolvabilité de l’acquéreur. Sur le modèle de la loi française de 1909, le code
de commerce améliore la situation du vendeur en lui donnant un privilège et une action
résolutoire : le vendeur aura le choix entre ces deux actions.

1.2.1. Le privilège du vendeur :

Le privilège est une garantie accordée au vendeur qui lui confère un droit de préférence
opposable à tous les créanciers.

Pour s’en prévaloir, le vendeur doit inscrire son privilège au registre de commerce ; la
même formalité est remplie auprès de chaque secrétariat du tribunal dans le ressort
duquel est située la succursale du fonds si celle-ci est comprise dans la vente.

Le délai imparti pour la validité de l’inscription du privilège est de 20 jours à compter de


la date de l’acte de vente (article 92); ce délai doit être respecté à peine de nullité.
Compte tenu de son importance il sera recommandé de faire enregistrer l’acte de vente
afin de lui conférer une date certaine.

Etendue du privilège :

Sont garantis par le privilège du vendeur, les éléments du fonds énumérés dans la vente et
l’inscription.

A défaut de précision, le privilège porte sur les éléments les plus importants à savoir le
nom et l’enseigne, le droit au bail, la clientèle et l’achalandage.

Le privilège porte distinctement sur le prix de revente des marchandises et du matériel


(article 17).

Des prix distincts sont établis pour les éléments corporels et incorporels (article 91
alinéa 6).

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Les paiements partiels et seulement partiels faits par l’acquéreur s’imputent d’abord
sur le prix des marchandises, puis sur celui du matériel (article 91 alinéa 8). Toute
convention contraire est sans effet.

Enfin, l’inscription du privilège est opposable au redressement et à la liquidation


judiciaire de l’acquéreur (article 92 alinéa 3).

Comptes de reprise :

Lorsqu’une vente est résolue, le vendeur reprend le bien vendu et rembourse à l’acheteur
les acomptes versés (à moins qu’une clause pénale insérée dans le contrat lui réserve la
possibilité de les conserver à titre de dommages-intérêts).

Il y a lieu alors d’établir deux comptes ; un pour le matériel et un pour les marchandises
où figureront :

? d’une part, le montant des sommes dues par le vendeur fixé par une expertise
contradictoire selon la valeur des biens au jour de la reprise en possession ;

? d’autre part, le montant des sommes qui restent dues par l’acheteur.

Il est à noter qu’il n’existe pas de disposition analogue pour les éléments incorporels.

La dépréciation que ces éléments pourraient subir ne peut être indemnisée.

1.2.2. L’action résolutoire :

Le vendeur impayé peut demander la résolution de la vente et reprendre la propriété de


son fonds.

Conditions d’exercice de l’action résolutoire :

Conformément aux dispositions de l’article 99 du nouveau code de commerce,


l’exercice de l’action résolutoire est lié au privilège ; elle ne sera possible que si les
formalités de publicité du privilège ont été accomplies.

Mise en oeuvre de l’action résolutoire :

S’il existe des créanciers inscrits, la demande en résolution doit leur être notifiée et le
jugement de résolution ne pourra intervenir qu’à l’expiration du délai d’un mois suivant
ces notifications (article 101).

La résolution ne sera pas demandée en justice si le contrat prévoyait une clause


résolutoire (résolution de plein droit) ou si le vendeur l’obtenait à l’amiable de
l’acquéreur.

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Toutefois, cette résolution ne sera définitive que 30 jours après que le vendeur l’ait
notifiée aux créanciers inscrits (article 102).

Dans l’hypothèse où le fonds de commerce est poursuivi aux enchères, le poursuivant


doit notifier cette poursuite aux précédents vendeurs en précisant expressément qu’ils
disposent de 30 jours pour intenter l’action résolutoire et qu’à défaut ils seront déchus
du droit de l’exercer à l’égard de l’adjudicataire (article 103).

Effets de la résolution entre les parties :

L’article 100 du code prévoit qu’en cas de résolution judiciaire ou amiable de la vente, le
vendeur est tenu de reprendre tous les éléments du fonds qui font partie de la vente,
même ceux sur lesquels son privilège et son action sont éteints.

Il se peut que le fonds ait entre-temps subi une moins value, ce qui donnerait le droit au
vendeur d’en obtenir le remboursement. C’est pourquoi la loi prévoit que le vendeur est
comptable du prix des marchandises et du matériel existant au moment de sa reprise de
possession d’après l’estimation qui en a été faite par expertise contradictoire amiable ou
judiciaire. Cette estimation s’effectuera sous déduction de ce qui pourra lui rester dû par
privilège sur les prix respectifs des marchandises et du matériel, le surplus s’il y en a,
devant rester le gage des créanciers inscrits et à défaut des créanciers chirographaires.

1.3. Protection des créanciers du vendeur :

1.3.1. Des formalités de publicité :

Les formalités de publicité permettent aux créanciers du vendeur de faire valoir leurs
droits.

Reprenant la législation de 1914, le nouveau code de commerce, prévoit qu’une copie de


l’acte de vente doit dans les 20 jours de sa date (au lieu d’un délai de quinzaine prévu par
le texte de 1914), être déposée au secrétariat-greffe du tribunal dans le ressort duquel
est exploité le fonds.

Un extrait de l’acte est inscrit au registre de commerce et publié sans délai par les soins
du secrétaire-greffier au Bulletin Officiel et dans un journal d’annonces légales du siège
du fonds.

L’acquéreur doit renouveler cette publication entre le huitième et le quinzième jour


suivant la première insertion (article 83).

Si l’acquéreur n’a pas respecté les formes prescrites pour les publications ou s’il a payé
le vendeur avant l’expiration du délai de 20 jours ou au mépris des inscriptions ou
oppositions, il n’est pas libéré à l’égard des créanciers du vendeur (article 89).

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Un jugement du tribunal de Casablanca en date du 27 Février 1937 (GAZ.Trib. Maroc 10
Avril 1937, p.111) avait précisé cette règle : « la seule conséquence que l’acquéreur du
fonds puisse, dans l’avenir, subir, en raison de l’irrégularité de la publicité de l’acte de
vente, consiste dans le fait qu’il n’est pas libéré, vis-à-vis des tiers créanciers. Il demeure
susceptible d’être actionné par les créanciers du vendeur ».

1.3.2. Opposition des créanciers du vendeur :

1.3.2.1. Condition de forme :

L’opposition est une technique juridique permettant aux créanciers du propriétaire du


fonds de commerce, en cas de vente de celui-ci, de s’opposer au versement du prix.

Il s’agit d’une disposition protectrice des droits des créanciers.

LE PRINCIPE : Les créanciers du vendeur disposent d’un délai de 20 jours qui court à
partir de la seconde insertion, pour former opposition au paiement du prix par lettre
commandée avec accusé de réception adressés au secrétariat greffe du tribunal qui a reçu
l’acte (article 84 alinéa 1).

La jurisprudence est constante en ce qui concerne l’application de cette règle : un


jugement du tribunal de Rabat du 17 Décembre 1937 (Gaz.Trib. Maroc 5 Mars 1938,
p.76) a décidé que « l’acquéreur d’un fonds de commerce, qui a versé une partie du prix
au vendeur avant l’expiration du délai des oppositions est fondé à exercer un recours en
garantie contre le vendeur, quand il est lui-même actionné par un créancier du fonds.
Mais, ayant commis une imprudence il n’est pas fondé à réclamer au vendeur des
dommages-intérêts, en réparation du préjudice qui lui aurait été causé par les instances
auxquelles il s’est trouvé mêlé ».

PAR EXCEPTION La loi prévoit des dispositions permettant au vendeur du fonds de


désintéresser ses créanciers sans remettre en cause la vente.

L’article 85 du nouveau code de commerce lui permet après l’expiration d’un délai de 10
jours à compter de la date d’opposition de demander au juge des référés l’autorisation
de toucher le prix malgré les oppositions à charge pour lui de verser au secrétariat-greffe
une somme fixée par le juge des référés au cas où l’opposition serait valable.

Cette autorisation est accordée si l’acheteur, mis en cause, déclare sous sa


responsabilité qu’il n’a pas reçu d’autres oppositions que celles déclarées dans
l’assignation (article 87).

Si, au mépris des oppositions, l’acheteur paie le vendeur, il ne sera pas libéré à l’égard
des tiers (article 89).

1.3.2.2. Conditions de fond :

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A peine de nullité, l’opposition doit énoncer le montant et les causes de la créance et


contenir une élection de domicile dans le ressort du tribunal de la situation du fonds. Il
n’est pas nécessaire que la créance soit exigible.

N.B : Un créancier FORCLOS aura tout intérêt à vérifier que la publication a été
régulière c’est à dire que l’extrait publié contient les mentions énumérées à
l’alinéa 3 de l’article 83 du nouveau code de commerce ; le délai d’opposition
ne courant que si la publication est régulière.

Par exception à la règle ci-dessus énoncée, si la créance concerne des loyers le bailleur
ne peut faire opposition que pour les loyers échus et non pour les loyers en cours ou à
échoir (article 83 alinéa 3). Cette disposition est d’ordre public c’est à dire que toute
convention contraire est nulle.

1.3.3. Surenchères du sixième par les créanciers du vendeur :

La surenchère du sixième par les créanciers du vendeur est, comme l’opposition une
technique protectrice des droits des créanciers.

Les créanciers peuvent demander la mise aux enchères du fonds en renchérissant d’un
sixième. Ainsi, ils seront déclarées adjudicataires à défaut d’éventuels acquéreurs.

C’est un droit réservé aux créanciers opposants ou qui ont inscrit un nantissement si le
prix ne suffit pas à les désintéresser.

1.3.3.1. Conditions de forme :

Les créanciers peuvent, pendant les 30 jours qui suivent la seconde insertion au Bulletin
Officiel de l’extrait inscrit au registre de commerce, demander la mise aux enchères du
fonds moyennant le prix de vente augmenté du sixième de la valeur des éléments
incorporels (article 94).

1.3.3.2. Conditions de fond :

? Le prix de vente doit être insuffisant pour désintéresser les créanciers inscrits (article
94).

? Pour être admis à enchérir, le créancier doit être solvable ; deux cas peuvent se
présenter :

? soit sa solvabilité est connue du secrétaire-greffier ;

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? soit il déposera entre ses mains une somme affectée spécialement au paiement du
prix, somme qui ne pourra être inférieure à la moitié du prix total de la première
vente (article 96).

Lorsque le prix de vente est définitivement fixé, tout créancier peut, durant 15 jours,
exiger de l’acquéreur qu’il consigne au secrétariat-greffe la partie exigible du prix, et le
surplus, au fur et à mesure de l’exigibilité (article 98).

1.3.3.3. Effets :

A titre d’illustration, on supposera qu’un fonds de commerce est constitué par les
éléments suivants :

? marchandises : 130 000


? matériel : 100 000
? éléments incorporels : 300 000
? Total : 530 000

Le fonds est mis 300


en vente
000/6aux
= enchères
50 000 ;au prix
530 000suivant
+ 50 :000 = 580 000

Si personne ne surenchérit, le créancier qui a formé surenchère est déclaré adjudicataire.

1.3.4. Garantie de la qualité d’héritier : responsabilité du cessionnaire :

Il convient de rappeler que le code marocain des obligations et des contrats prévoit une
responsabilité du cessionnaire ; en effet dans tous les cas de cession d’un fonds de
commerce les créanciers du fonds peuvent à partir de la cession exercer leurs actions
contre le précédent débiteur et contre le cessionnaire conjointement, à moins qu’ils
n’aient consentis formellement à la cession.

L’acquéreur ne répond toutefois qu’à concurrence des forces du patrimoine à lui cédé,
telle qu’il résulte de l’inventaire de l’hérédité. Cette responsabilité du cessionnaire ne
peut être restreinte ni écartée par des conventions passées entre lui et le précédent
débiteur.

2. L’apport en société d’un fonds de commerce :

L’apport en société d’un fonds de commerce doit être publié au Bulletin Officiel et dans
un journal d’annonces légales.

Cette publication sera renouvelée entre le 8ème et le 15ème jour suivant la première
insertion.

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A compter de cette seconde insertion, tout créancier non inscrit dispose de 20 jours
pour déclarer sa créance au secrétariat-greffe du tribunal qui a reçu l’acte (article 104).

Les coassociés sont tenus solidairement de la dette de l’associé débiteur si, dans les 30
jours qui suivent la seconde insertion, ils n’ont pas formé une demande en annulation de
la société ou de l’apport (article 105).

Dans le cas d’apport d’un fonds de commerce par une société à une autre société, il
convient de se référer aux dispositions du code des sociétés relatives aux fusions et
scissions.

3. Le nantissement du fonds de commerce :

Les commerçants sollicitent souvent des crédits et des garanties leur sont demandées.
On ne peut appliquer ici le gage de droit commun qui entraîne la dépossession de l’objet
gagé (remise au prêteur ou à un tiers). La loi de 1914 a donc institué le nantissement
c’est à dire gage sans dépossession ; il est parfois comparé à une hypothèque ; mais il
offre finalement peu de garantie, car le fonds de commerce peut être soumis à des
dépréciations rapides et importantes.

Juridiquement, le nantissement du fonds de commerce est une convention par laquelle le


propriétaire d’un fonds affecte celui-ci à titre de garantie au paiement d’une dette.

3.1. Conditions de fond :

Seul le propriétaire du fonds peut nantir celui-ci.

L’assiette de nantissement :

Le nantissement doit porter sur le fonds de commerce. Toutefois, en sont exclues les
marchandises (article 107).

Il est recommandé de désigner précisément les éléments nantis. A défaut, le


nantissement portera que sur le nom commercial, l’enseigne, le droit au bail, la clientèle
et l’achalandage (article 107 alinéa 3).

Enfin, si le fonds de commerce comporte des succursales, il faut, pour les nantir,
indiquer leur siège dans la convention de nantissement (article 107 alinéa 4).

Si, postérieurement au nantissement, des éléments nouveaux sont ajoutés au fonds, ils ne
seront pas grevés par la sûreté à l’exception des certificats d’addition s’appliquant à un
brevet nanti (article 107 alinéa 2).

3.2. Conditions de forme :

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Le contrat de nantissement est soumis aux mêmes formalités que l’acte de vente d’un
fonds de commerce.

L’extrait inscrit au registre de commerce doit contenir :

? la date de l’acte ;
? les noms, prénoms et domiciles du propriétaire du fonds comme du créancier ;
? l’indication des succursales et de leur siège qui peuvent être comprises dans le
nantissement.

A la différence de la vente, le contrat de nantissement n’est pas soumis à la publicité


dans les journaux (article 108).

Inscription du nantissement :

En vue de son opposabilité aux tiers, le privilège, résultant du nantissement, s’établit par
l’inscription au registre de commerce à la diligence du créancier gagiste dans le délai de
20 jours suivant la date de l’acte constitutif et ce à peine de « nullité ». C’est la solution
dégagée par le tribunal de Casablanca le 19 Avril 1958 (Gaz.Trib. Maroc 10 Mars 1959,
p.39) qui précise que «le délai court à partir de la date portée à l’acte et non celle de
l’enregistrement de celui-ci ».

Si le fonds comporte une succursale comprise dans le nantissement, la même formalité


doit être accomplie au secrétariat-greffe du siège où se situe ladite succursale.

Enfin, l’article 110 du projet, retient la date de l’inscription pour déterminer le rang des
créanciers gagistes.

Ceux qui se seraient inscrits le même jour, viennent en concurrence.

III. DISPOSITIONS COMMUNES AU NANTISSEMENT ET A LA VENTE DU


FONDS DE COMMERCE :

Le nouveau code de commerce traite dans un chapitre IV intitulé : «Dispositions


communes au nantissement et à la vente du fonds de commerce » de :

? les formalités de l’inscription (article 131 à 142) ;


? la réalisation du gage (article 111 à 121) ;
? la purge des créances inscrites (article 122 à 130) ;
? la distribution des derniers (article 143 à 151) ;
? la gérance libre (article 152 à 158).

1. Les formalités de l’inscription :

L’inscription du privilège par le vendeur ou du nantissement par le créancier gagiste


s’effectue au secrétariat-greffe du tribunal dans le ressort duquel est exploité le fonds.

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1.1. Les pièces requises :

Les intéressés doivent présenter :

? un exemplaire de l’acte de vente ou de nantissement (article 131) ;


? deux bordereaux écrits sur papier libre et signés par le requérant ; ceux-ci doivent
contenir les mentions énumérées à l’article 132 à savoir :

? les noms, prénoms et domiciles du vendeur et de l’acquéreur, ou du


créancier et du débiteur, ainsi que du propriétaire du fonds si c’est un tiers, leur
profession s’il y a lieu ;

? la date et la nature du titre ;

? les prix de la vente établis distinctement pour le matériel, les marchandises et


les éléments incorporels du fonds, ainsi que les charges évaluées, s’il y a lieu, ou
le montant de la créance exprimée dans le titre, les conditions relatives aux
intérêts et à l’exigibilité ;

? la désignation du fonds de commerce et de ses succursales, s’il y a lieu, avec


l’indication précise des éléments qui les constituent et son compris dans la vente
ou le nantissement, la nature de leurs opérations et leur siège, sans préjudice de
tous autres renseignements propres à les faire connaître, si la vente ou le
nantissement s’étend à d’autres éléments du fonds de commerce que le nom
commercial, l’enseigne, le droit au bail et la clientèle, ces éléments doivent être
nommément désignés ;

? l’élection de domicile par le vendeur ou le créancier gagiste dans le ressort du


Tribunal où se fait l’inscription.

L’omission d’une des mentions n’entraîne la nullité de l’inscription que si les tiers
ont subi un préjudice (la charge de la preuve leur incombe).

Le juge appréciant la nature et l’étendue du préjudice peut réduire l’effet de l’inscription


(article 133). Le texte de 1914 ignorait cette sanction.

Un bordereau sera conservé au secrétariat-greffe ; l’autre sera remis au requérant et


vaudra certificat d’inscription (article 134).
Durée du privilège :

L’inscription conserve le privilège sur le principal pendant 5 ans à compter du jour de sa


date ; si à l’expiration de ce délai, elle n’est pas renouvelée, elle sera radiée d’office par
le secrétaire-greffier.

Garantie du privilège :

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L’inscription ne garantit les intérêts que pendant une année en plus de l’année en cours et
seulement si cette clause a été prévue dans l’acte et si le taux a été indiqué dans
l’inscription (article 137).

Les radiations :

Les radiations ne peuvent relever que du consentement des parties ou d’un jugement
passé en force de chose jugée (c’est à dire qui n’est susceptible d’aucun recours
possible).

Si la radiation est judiciaire, l’action est portée devant le tribunal du lieu où l’inscription
a été prise (article 139).

2. La réalisation du gage :

2.1. Le déplacement du fonds de commerce :

Le propriétaire d’un fonds de commerce ne peut déplacer le fonds sans notifier, 15 jours
au moins à l’avance, les créanciers inscrits de son intention de se déplacer et le nouveau
siège qu’il entend lui donner.

En effet, le déplacement du fonds exige le consentement du vendeur ou du créancier


gagiste.

A défaut, et si le déplacement a déprécié la valeur du fonds, les créances deviennent


exigibles.

En parallèle le nouveau code de commerce impose une obligation à la charge des


créanciers. En effet, dans la quinzaine de l’avis à eux notifiés, le vendeur ou le créancier
gagiste doit faire mentionner en marge de l’inscription existante, le nouveau siège du
fond et, si le fonds a été transféré dans un autre ressort, faire reporter à sa date
l’inscription primitive avec l’indication du nouveau siège sur le registre du tribunal de ce
ressort.

L’omission des formalités ci-dessus décrites entraîne la déchéance du privilège du


créancier inscrit, s’il est établi que par sa négligence, il a causé préjudice aux tiers.

L’inscription d’un nantissement peut également rendre exigibles les créances antérieures
(article 111).

2.2. La résiliation du bail (article 112) :

La résiliation du bail peut être judiciaire (a) ou amiable (b).

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a) Résiliation judiciaire :

La décision de résilier le bail prise par le propriétaire doit, pour être valable, être
notifiée aux créanciers, antérieurement inscrits au domicile qu’ils ont élu.

En effet, le jugement ne pourra intervenir que 30 jours après cette notification.

b) Résiliation amiable :

La résiliation amiable ne devient définitive que 30 jours après que le propriétaire l’ait
notifiée aux créanciers.

2.3. Vente globale du fonds de commerce (article 113) :

Le créancier qui exerce des poursuites de saisie exécution et le débiteur contre lequel
elles sont exercées peuvent demander la vente globale du fonds de commerce.

Deux cas peuvent se présenter suivant que le créancier poursuivant demande ou non la
vente globale du fonds de commerce.

1er cas : Le créancier demande la vente globale du fonds :

Le tribunal ordonne qu’à défaut de paiement dans le délai imparti au débiteur, la vente
aura lieu après accomplissement des formalités des articles 115, 116 et 117 (voir
supra).

2ème cas : Le créancier ne demande pas la vente globale du fonds :

Le tribunal à la requête du débiteur fixe le délai pendant lequel la vente doit avoir lieu. Si
le débiteur ne procède pas à la vente pendant ledite délai, la saisie exécution reprendra
jusqu’à son terme.

A cet effet, le tribunal nomme un administrateur provisoire au fonds et fixe les


conditions principales de la vente ainsi que les mises à prix.

Le propriétaire du fonds est tenu de remettre au secrétariat-greffe le Cahier des charges,


les titres et pièces concernant le fonds.

Enfin, le poursuivant peut être autorisé par le tribunal à recouvrer la créance directement
auprès du secrétaire-greffier vendeur à la double condition :

? que le tribunal motive sa décision ;


? qu’il n’y ait pas d’autres créanciers inscrits.

Procédure :

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Saisi, le tribunal statue dans la quinzaine de la première audience par jugement non
susceptible d’opposition.

L’appel peut être formé dans la quinzaine de la notification du jugement. La cour d’appel
dispose alors d’un délai de 30 jours pour statuer.

L’appel est suspensif, c’est à dire que la décision rendue en première instance sera
suspendu jusqu’à ce que la cour d’appel eût statué.

2.4. Vente globale du fonds en l’absence de saisie exécution :

Le vendeur et le créancier gagiste peuvent obtenir du tribunal la vente du fonds si la mise


en demeure qu’ils adresseront au débiteur ou aux tiers détenteurs demeure infructueuse
8 jours plus tard.

Le tribunal statue tel que décrit plus haut.

Procédure :

La décision du tribunal ou de la Cour d’Appel ordonnant la vente est notifiée par le


secrétaire-greffier à la partie contre laquelle cette décision a été prise ainsi qu’aux
précédents vendeurs par le poursuivant.

Le secrétaire-greffier procède à la publicité de l’avis de mise aux enchères dans un


journal d’annonces légales de même qu’il veillera à le placarder à la porte principal de
l’immeuble où le fonds est situé.

Jusqu’à la clôture du procès-verbal d’adjudication, les offres, consignées par ordre de


date, reçues par l’agent d’exécution.

L’adjudication :

L’adjudication a lieu au secrétariat-greffe 30 jours après les notifications précitées. Ce


délai peut être prorogé de 60 jours sans excéder 90 jours au total. C’est une innovation
du nouveau code de commerce.

Dans les dix premiers jours de ce délai, l’agent d’exécution notifié au propriétaire du
fonds et aux créanciers inscrits antérieurement à la décision qui a ordonné la vente, à
leur domicile, l’accomplissement des formalités de publicité et la date fixée pour
l’adjudication.

Dans les dix derniers jours, l’agent convoque ces mêmes parties en présence des
enchérisseurs qui se seraient manifestés.

A l’expiration du délai de 30 jours (ou de 90 jours si le délai a été prorogé) le fonds sera
adjugé au dernier et plus fort enchérisseur solvable.

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Un procès-verbal d’adjudication est dressé.

Dans un délai de 20 jours après l’adjudication, le prix est versé au secrétariat-greffe ou


l’adjudicataire en cas de surenchère du sixième.

Tout adjudicataire est tenu d’exécuter les clauses de l’adjudication.

A défaut, il est sommé de tenir ses engagements ; passé un délai de 10 jours à compter
de la sommation, le fonds est revendu à sa folle enchère (article 119).

2.5. Vente séparée d’éléments du fonds de commerce :

Conditions :

La vente séparée d’éléments du fonds de commerce ne peut intervenir :

? si le fonds est grevé d’inscriptions ;


? s’il est poursuivi soit sur saisie exécution soit sur une demande en paiement ;
? 10 jours après notification de la poursuite faite aux créanciers.

Ce délai de 10 jours a été aménagé pour permettre à tout créancier inscrit de procéder
par voie judiciaire, à la vente de tous les éléments du fonds conformément aux articles
113 à 117 (article 120).

Les tribunaux veillent particulièrement à ce que ces exigences soient satisfaites.

Ainsi, une ordonnance de référé du 5 Novembre 1984 (R.D.M. Mars, Avril p. 150) a-t-
elle affirmé que « la vente sur saisie exécution d’un élément du fonds de commerce nanti
ne peut intervenir que 10 jours au plus tôt après notification de la poursuite aux
créanciers inscrits pour leur permettre de demander la vente globale du fonds.

L’exécution poursuivie à la requête du percepteur qui n’a pas été précédée de cette
notification doit être arrêtée ».

Enfin, l’article 121 rappelle que la surenchère n’est pas admise lorsque la vente a eu lieu
aux enchères publiques par voie judiciaire.

3. La purge des créances inscrites :

Il s’agit de savoir comment un acquéreur peut-il se prémunir contre les poursuites des
créanciers qui en vertu de l’article 122 peuvent « suivre le fonds en quelques mains qu’il
passe ».

Le même article nous fournit la réponse. C’est ainsi que l’acquéreur est tenu, à peine de
déchéance :

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? avant la poursuite ;
? dans les trente jours de la sommation de payer qui lui est faite ;
? au plus tard, dans l’année de l’acquisition du fonds ;

de notifier à tous les créanciers inscrits des informations relatives au vendeur, à la


situation précise du fonds, à l’état des inscriptions et nantissement et enfin au montant
des créances.

Il est à noter que cette disposition n’est applicable que lorsque la vente du fonds n’a pas
eu lieu aux enchères publiques par voie judiciaire.

Dans ces mêmes conditions, tout créancier inscrit peut requérir la mise aux enchères
publiques à la double condition :

? de majorer le prix d’un dixième (non compris le matériel et les marchandises) ;


? de donner caution ou de justifier d’une solvabilité suffisante.

Cette réquisition doit, à peine de déchéance être notifiée à l’acquéreur et au débiteur


précédent propriétaire.

A compter de la notification de la surenchère, l’acquéreur est de droit administrateur


séquestre : il ne pourra accomplir que des actes d’administration (par opposition aux
actes de disposition).

Toutefois, le tribunal peut à la requête de tout intéressé, nommer un autre administrateur


(article 124).

Les formalités de la vente seront accomplies :

? par le surenchérisseur ; à défaut,


? par tout créancier inscrit ;
? ou par l’acquéreur ;

aux « frais, risques et périls » du surenchérisseur (article 126).

Si nul ne renchérit, le créancier surenchérisseur est déclaré adjudicataire (article 127).

L’article 128 pose deux obligations à l’égard de l’adjudicataire ; en effet, il est tenu de
prendre le matériel et les marchandises existant au moment de la prise de possession.
Les prix seront déterminés par une expertise amiable ou judiciaire selon le mode du
contradictoire.

De même, il est tenu de rembourser à l’acquéreur dépossédé les frais occasionnés par le
contrat, les notifications, les inscriptions et la publicité.

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Et défaut d’exécution des clauses de l’adjudication, l’adjudicataire verra le fonds revendu
à la folle enchère (cf. Infra).

4. Les distributions des deniers :

L’hypothèse visée ici est celle où le prix de vente du fonds de commerce ne suffit pas à
désintéresser totalement les créanciers.

L’acquéreur ou l’adjudicataire peut, dans les cinq jours qui suivent la consignation du
prix au secrétariat, requérir du président du tribunal qu’il commette un juge devant lequel
il cite les créanciers aux domiciles élus dans les inscriptions afin de s’entendre à
l’amiable sur la distribution du prix (article 143).

L’ouverture de la procédure de distribution fait l’objet d’une double publication à


intervalle de 10 jours dans un journal d’annonces légales.

Elle sera, en outre, durant la même période affichée dans les locaux du tribunal
compétent (article 144).

4.1. Règlement amiable :

Il suppose l’entente des créanciers. Le juge commissaire dresse un procès-verbal de la


distribution du prix ; des bordereaux de collocation sont délivrés aux créanciers alors
que sont radiés les créanciers non colloqués (article 145).

4.2. Règlement judiciaire :

En l’absence d’accord entre les créanciers, le juge commissaire fixe un délai pendant
lequel les créanciers déposeront au greffe, à peine de déchéance leur demande de
collocation (article 146).

A l’expiration du délai de production, le juge commissaire dresse un projet de


règlement que les créanciers et toutes parties intéressées sont invités, dans un délai de
trente jours à compter de la réception de la lettre, à contredire. Passé ce délai, ils seront
forclos (article 147).

Une fois le règlement définitif passé en force de chose jugée, le juge ordonne la
délivrance des bordereaux de collocation et la radiation des créanciers non colloqués.

Les bordereaux sont payables à la caisse du secrétariat-greffe de la juridiction qui a


procédé après prélèvement des frais de distribution (article 149).

Lorsqu’il y a lieu à ventilation du prix, un expert désigné par le juge doit déposer son
rapport ; annexé au procès-verbal d’ordre, il n’est pas notifié.

Le juge reste souverain pour se prononcer sur la ventilation (article 151).

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5. La gérance libre :

Jusqu’à l’adoption du nouveau code de commerce, aucun texte légal ne régissait la


gérance libre.

Toutefois, elle s’est pratiquée et développée par les accords contractuels, ainsi le
nouveau code de commerce en a précisé les contours.

Définition :

Il s’agit d’un contrat par lequel le propriétaire ou l’exploitant d’un fonds en concède
totalement ou partiellement la location à un gérant qui l’exploite à ses risques et périls
(article 152).

Publicité :
Ce contrat doit faire l’objet d’une publicité dans la quinzaine de sa date sous forme
d’extrait au bulletin officiel et dans un journal d’annonces légales (article 153).

Sanction :

Aux termes de l’article 155, le bailleur, est solidairement responsable avec le gérant
libre des dettes contractées par lui à l’occasion de l’exploitation du fonds. Il n’en sera
dégagé qu’après la publicité du contrat de gérance.

Cette règle ne s’applique pas aux contrats de gérance libre passés par des mandataires de
justice à la double condition :

? qu’ils aient satisfait aux mesures de publicité ;


? et été autorisés à contracter par « l’autorité de laquelle ils tiennent leur mandat ».

Le droit français est plus exigeant ; en effet le loueur est tenu des dettes que son
locataire aura contractées à l’occasion de l’exploitation du fonds jusqu’à la publicité du
contrat de gérance, pendant un délai de six mois à compter de cette publication.

Qualité des parties :

Aux termes de l’article 153 du nouveau code de commerce, le gérant libre a la qualité de
commerçant ; il est soumis à toutes les obligations qui en découlent c’est à dire la tenue
des livres comptables et la conservation des correspondances (voir BIP Mai n° 54).

Ce texte manque, à notre sens, de précision ; en effet, le locataire doit-il avoir la qualité
de commerçant (comme l’exige la loi française) ou l’acquiert-il en contractant ?

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Aucune qualité n’est, en revanche, exigée du loueur bien que l’article 153 alinéa 3
indique qu’il a la qualité de commerçant.

Obligations des parties :

Le loueur est tenu soit de se faire radier du registre du commerce soit de faire modifier
son inscription personnelle en mentionnant expressément la mise en gérance libre.

Quant au gérant libre, il doit mentionner sur tous les documents relatifs à son activité :

? sont numéro d’immatriculation au registre du commerce ;


? le siège du tribunal où il est immatriculé ;
? sa qualité de gérant libre du fonds.

Toute infraction à ces dispositions est punie d’une amende de 1.000 à 5.000 DH (voir
Bulletin Officiel).

Exigibilité des dettes :

Les dettes contractées par le gérant libre pendant la durée de la gérance deviennent
exigibles lorsque celle-ci prend fin (article 157).

A cette occasion, le locataire doit procéder aux mêmes mesures de publicité auxquelles
le contrat de gérance a donnée lieu (article 153 alinéa 4).

Il est à noter que le nouveau code de commerce ne comporte aucune règle précisant le
droit des créanciers d’exiger leurs créances lorsque le propriétaire ou l’exploitant
décide de donner le fonds en gérance libre.

Enfin, tout contrat de gérance libre ne remplissant pas les conditions énumérées plus
haut est nul à l’égard des parties.

Toutefois, elles ne peuvent s’en prévaloir à l’égard des tiers.

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