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Université Mohammed V – FSJES SOUISSI

Master Juriste d’affaires (M2) - Semestre 3


Module : Droit des sûretés

Exposé sous le thème :


Le nantissement du
fonds de commerce

Préparé par : Encadré par :


ESGHIR Khalil
Pr. RBII Jamal
SOULIMANI Ahmed
Introduction
Le fonds de commerce est un bien meuble incorporel constitué par l’ensemble de
biens mobiliers affectés à l’exercice d’une ou plusieurs activités commerciales1.

Il comprend obligatoirement la clientèle et l’achalandage, ainsi que tous autres


biens nécessaires à l’exploitation du fonds tels que le nom commercial, l’enseigne, le
droit au bail, le mobilier commercial, les marchandises, le matériel et l’outillage, les
brevets d’invention, les licences, les marques de fabrique, de commerce et de
service, les dessins et modèles industriels et, généralement, tous droits de propriété
industrielle, littéraire ou artistique qui y sont attachés2.

En effet, le fonds de commerce est un bien incorporel alors même qu’il est
composé de biens corporels, c’est la raison par laquelle la doctrine française a classé
ces deux composants en deux catégories3, la première concerne les éléments
corporels qui sont composés du matériel et des outillages, commercial ou industriel
ainsi que des marchandises (stocks de matériels et de produits finis). S’agissant de
la deuxième catégorie qui concerne les éléments incorporels qui sont la clientèle
(Selon Georges Ripert « La clientèle n’est pas un élément essentiel du fonds de
commerce, c’est le fonds lui-même »), le nom commercial et l’enseigne, le bail
commercial, les licences…etc.

Le fonds de commerce peut faire l’objet de nantissement, conformément à l’article


106 de la loi 21-18 qui prévoit que « Le fonds de commerce peut faire l'objet de
nantissement conformément aux conditions et formalités prévues par le présente
chapitre », ainsi que les éléments qui peuvent faire l’objet du nantissement sont
prévus dans l’article 108 de la même loi, notamment le nom commercial, l’enseigne,
le droit au bail, le mobilier commercial, le matériel et l’outillage, les brevets
d’invention, les licences et modèles industriels, tous droits de propriété industrielles,
littéraire ou artistique qui y sont attachés. En cas de silence des parties sur les
éléments qui feront l’objet du nantissement, ce dernier ne comprend que le nom
commercial, l’enseigne, le droit au bail, la clientèle et l’achalandage.

1 er
L’article 79 de la loi 15-95 formant code de commerce du 1 aout 1996.
2
L’article 80 de la loi précitée.
3 e
Jean-Pierre Le Gall et Caroline Ruellan, « Droit commercial – Notions générales », 17 édition, Dalloz, Paris,
2017, P. 57.

1
A noter que les marchandises sont exclues des éléments qui font l’objet du
nantissement, car, elles revêtent un caractère d’instabilité vu qu’elles sont destinées
à la vente.

Contrairement aux hypothèques4, le gage5 ou du cautionnement6, le nantissement


est « un contrat par lequel le débiteur ou un tiers agissant dans on intérêt affecte une
chose à la garantie d’une obligation, et qui ne requiert point que le constituant soit
dépossédé de la chose »7.

Autrement dit, le nantissement est une garantie permettant au créancier nanti de


se prémunir contre la défaillance ou l’insolvabilité du commerçant débiteur.

Notre sujet de recherche présente deux intérêts :

 Quant au premier « théorique » : Il parait intéressant d’étudier le nantissement


du fonds de commerce à la lumière de la loi 21-188, en tant qu’élément qui
impulse des innovations afin de renforcer la sécurité et la transparence par la
mise en œuvre des mécanismes, notamment la création d’un registre national
électronique des suretés mobilières.
 Quant au deuxième « pratique » : il se manifeste dans la place du fonds du
commerce et sa valeur en matière de nantissement, tant qu’il est considéré
comme un moyen fort garantissant la créance.

C’est dans ce cadre que se situe notre problématique, qui va se poser comme
suit :

 Dans quelle mesure le législateur marocain a-t-il pu protéger le créancier


nanti à travers les nouvelles mesures juridiques régissant la matière ?

Pour répondre à cette problématique, nous adoptons le plan suivant :

4
L’hypothèque est un droit accordé à un créancier sur un bien immeuble en garantie d’une dette, sans que le
propriétaire du bien en soit dépossédé.
5
Le gage est un contrat par lequel le débiteur ou un tiers agissant dans son intérêt affecte une chose à la
garantie d'une obligation, et qui requiert la dépossession de la chose qui en fait l’objet
6
Le cautionnement est un contrat par lequel une personne s’oblige envers le créancier à satisfaire à l’obligation
du débiteur, si celui-ci n’y satisfait pas lui-même.
7
L’article 1170 al 3 du Dahir formant code des obligations et des contrats, tel qu’il est abrogé et remplacé par
l’article 2 de la loi n° 21-08.
8
Dahir n° 1-19-76 du 11 chaabane 1440 (17 avril 2019) portant promulgation de la loi n° 21-18 relative aux
sûretés mobilières.

2
En première partie, nous allons voir la formation du nantissement du fonds de
commerce.

Tandis qu’en deuxième partie, nous analyserons les effets du nantissement du


fonds de commerce.

3
Premier chapitre : La formation du nantissement du fonds
de commerce
Le nantissement doit répondre aux conditions ordinaires de formations des
contrats et des conditions de fond spécifiques (Première section). Plus
spécifiquement, le nantissement répond à des conditions de forme et de publicité, qui
seront successivement démontrées (Deuxième section).

Première section : Les conditions de fond


En effet, il existe des conditions du droit commun (Paragraphe 1) et des conditions
qui sont prévues aux dispositions de la loi 21-18 (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Les conditions de fond générales


Le nantissement du fonds de commerce étant un gage sans dépossession, il est
subordonné à certaines conditions prévues par l’article 2 du Dahir des obligations et
des contrats, à savoir :

 La capacité de s’obliger

 La déclaration valable de volonté de chacune des deux parties concernées

 Un objet certain et licite

 Une cause licitée


Les parties contractantes sont tenues de prendre ces éléments en considération
sous peine de nullité.

Paragraphe 2 : Les conditions de fond spécifiques


Pour que le nantissement du fonds de commerce soit valide, il faut la réunion du
deux éléments, qui ne sont pas énumérés expressément par la loi 21-18 et qui
méritent d’être soulevés, notamment la qualité du constituant du nantissement et
l’existence et la validité de la créance.

Le titulaire du fonds de commerce :

Le débiteur constituant doit être titulaire du fonds de commerce et avoir le droit


d’en disposer : en effet, le nantissement peut déboucher sur une vente du fonds9,

9 e
Dimitri HOUTCIEFF, « Droit commercial », 4 édition, SIREY, Paris, 2016, P.418.

4
Conformément à l’article 1171 du D.O.C qui prévoit que « Pour constituer un
nantissement, il faut avoir la capacité de disposer à titre onéreux de la chose qui en
est l’objet ». Ce qui résulte la nullité de tout nantissement consenti sur le fonds
d’autrui, sauf que dans certains cas, on peut trouver un nantissement de la chose
d’autrui valable, lorsque le maitre y consent ou le ratifie ; lorsque la chose est grevée
d’un droit au profit d’un tiers, le consentement de ce dernier est également requis ;
au cas où le constituant a acquis postérieurement la propriété de la chose gagée ou
nantie10.

Par conséquent, il impossible au locataire-gérant de constituer un nantissement,


puisqu’il n’a pas de droit de propriété sur le fonds. Dans un arrêt de la cour de
cassation française qui énonce que : « le nantissement doit être annulé si la
propriété du débiteur sur le fonds est rétroactivement anéantie par le jeu, par
exemple, de la nullité ou de la résolution du contrat de vente : le nantissement sera
alors considéré comme ayant été consenti sur la chose d’autrui »11.

En revanche, un arrêt de la cour de cassation française énonce que « la nullité du


nantissement d’un fonds de commerce appartenant à autrui est couverte lorsque,
avant toute action en nullité, le constituant devient propriétaire du fonds »12. Il s’agit
ici, la constitution d’un nantissement sur un fonds de commerce appartenant à autrui
peut être valable, même sans le consentement du véritable propriétaire, à condition
que le constituant devient le propriétaire du fonds avant le prononcement du
jugement qui annule le nantissement.

Il faut également prendre en considération que le propriétaire indivis peut


constituer un nantissement sur un bien qui en indivision, sauf sur la part qui lui
revient ou même le fonds tout entier, le droit du créancier nanti étant alors
subordonné au résultat du partage13.

Dans ce cadre, le brevet peut être indivis et chaque co indivisaire peut nantir sa
part indivise mais le droit de préemption dont disposent les autres copropriétaires,
peut faire échec à l’attribution judiciaire de la quote-part14. En outre, on relèvera que

10
L’article 1173 du D.O.C qui a été abrogé et remplacé par celui de la loi 21-18.
11
Cour de Cassation française, Chambre commerciales, du 29 janvier 1979, 77-11.001.
12
Cour de Cassation française, Chambre commerciale, du 5 novembre 2002, 00-14.885.
13
Dimitri HOUTCIEFF, op.cit. P.419.
14
L’article 77 de la loi 17-97 telle que modifiée par la loi 23-13.

5
lorsqu’un droit de propriété industrielle est inclus dans l’assiette du nantissement du
fonds de commerce, le créancier nanti, ne peut exercer cette faculté d’attribution15.

L’existence et la validité de la créance :

En principe, la créance garantie doit être nécessairement exister, puisque le


législateur prévoit que « tout ce qui peut être valablement vendu peut être objet de
gage ou de nantissement »16. Autrement dit, en cas de non-paiement des créances,
les choses nanties seront vendues aux enchères publiques.

Par dérogation de ce principe, le législateur a élargi le champ des choses qui


peuvent faire l’objet du nantissement, il est désormais possible de donner en
nantissement une chose future, aléatoire ou dont on n’a pas la possession.

En ce sens, une promesse de nantissement peut être faite par le constituant


débiteur17, en effet, cette promesse doit être inscrite au registre national par
inscription d’un avis, à l’initiative du constituant, pour une durée n’excédant pas trois
mois. Si, à l’expiration de ce délai, le nantissement objet de la promesse n’a pas fait
l’objet de publicité, l’inscription de cette promesse est radiée d’office, et dans le cas
où le nantissement objet de la promesse a été inscrit, le créancier nanti recouvre le
droit de priorité à la date de l’inscription de la promesse. (Cf. Art 14 et 18 de la loi 21-
18).

Deuxième section : Les conditions de formes


Le nantissement du fonds de commerce est obéi à certaines formalités et a
certaine démarche procédurale pour qu’il puisse produire ses effets. D’où le premier
paragraphe sera dédié à l’acte constitutif du nantissement et le deuxième sera
réservé à l’inscription du nantissement pour faire l’objet d’une publicité.

15
BENIS Meriem, « Le nantissement des droits de propriété industrielles », Revue Marocaine Droit, Economie
et Gestion 2018 – Hors-série N° 57. P. 43.
16
L’article 1174 al 1 de la loi précitée.
17
L’article 1171 bis.

6
Paragraphe 1 : L’exigence d’un écrit
Le nantissement du fonds de commerce doit être constaté par un acte authentique
ou par un acte sous seing privé, à travers lequel les parties sont tenues d’insérer un
ensemble d’informations exigées par la loi, à savoir18 :

 Les identités du constituant, et du créancier nanti ;


 Le montant de la créance garantie qui soit fixe ou variable, et à défaut de la
détermination du montant de la créance, il peut être procédé à la description
en termes généraux des éléments de la créance et des obligations qui lui
donnent naissance19 ;
 L’acte donnant naissance à la créance objet du nantissement ;
 La description de la chose donnée en nantissement : la chose est décrite dans
l’acte constitutif par l’énonciation en termes généraux de l’espèce ou du type,
de la qualité et, le cas échéant, de la quantité de ladite chose, ainsi que de
toutes les autres caractéristiques qui peuvent être mentionnées selon la
nature de la chose nanti, afin que cette dernière puisse être identifiable20.

Paragraphe 2 : L’inscription
Avant l’abrogation des dispositions de la loi 15-95 formant code de commerce,
l’acte du nantissement doit être, dans les quinze jours de sa date, déposé au
secrétariat-greffe du tribunal dans le ressort duquel est exploite le fonds et un extrait
de cet acte est inscrit au registre du commerce.

Mais avec la réforme de la loi 21-18, dans son article 109 « Le nantissement du
fonds de commerce est opposable aux tiers à compter de la date de son inscription
au registre national électronique des suretés mobilières créé par la législation en
vigueur ».

En effet, ce registre national électronique des suretés mobilières est géré par
l’administration, désigné par « Registre national », à travers lequel s’effectuent les
opérations de publicité de tous types de nantissement, en procédant à leurs
inscriptions, aux inscriptions ultérieures et aux radiations y afférentes.

18
L’article 1188 du D.O.C tel qu’il est modifié par la loi 21-18.
19
L’article 1175, modifié par la loi précitée.
20
L’article 1190, modifié par la loi précitée.

7
A noter que ce registre se vient pour remplacer la publication du registre du
commerce par le secrétaire-greffier au bulletin officiel et dans un journal d’annonces
légales. Tandis que la consultation du registre national est publique. En vue d’avoir
plus de transparence.

Cette inscription est opposable à l’égard des tiers à compter de la date à laquelle
elle prend effet jusqu’à la date de son extinction, et ce pendant une durée ne
dépassant pas cinq ans, à moins qu’elle n’ait été renouvelée avant son expiration,
pour la même durée, le cas échéant, pourvu que cette durée n’excède pas cinq ans
dans chaque cas21.

21
L’article 16 de la loi 21-18.

8
Deuxième chapitre : effets et extinction du nantissement de
fonds de commerce
Comme toute autre opération juridique, le contrat de nantissement du FDC produit
certains effets, d’un côté à l’égard des parties (Première section), et de l’autre à
l’égard des tiers (Deuxième section). Ainsi qu’en dernier point, nous voyons
l’extinction du fonds de commerce (Troisième section).

Première section : Les effets à l’égard des contractants


Le nantissement a pour effet de créer une sûreté réelle à l’égard du créancier
nanti (Paragraphe 1). Pourtant les droits découlant de cette sureté sont fragiles dans
la mesure où ils sont attachés à l’exploitation du fonds de commerce par le
constituant (commerçant débiteur) dont la valeur va dépendre de l’exploitation de ce
dernier. Dans le but de préserver les droits du créancier nanti contre les aléas, la loi
accorde à ce dernier une protection de leurs droits à travers plusieurs opérations
liées au fonds de commerce (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : La protection du créancier nanti


Comme tous les titulaires de suretés, le créancier bénéficiaire d’un nantissement
du fonds de commerce à un droit de préférence et un droit de suite.

S’agissant du droit de préférence :

C’est un droit qui privilégie le créancier nanti, et lui permet de se faire payer sur le
prix du fonds avant les créanciers bénéficiaires d’un nantissement postérieur. C’est
ainsi que l’article 110 de la loi 21-18 dispose que « Le rang des créanciers nantis est
déterminé entre eux par la date de leur inscription au registre national électronique
des sûretés mobilières », destiné à l’inscription et à la publicité des gages sans
dépossession, de même pour les changements qui les touchent.

Le droit de préférence est indivisible, la globalité du prix du fonds de commerce


grevé garantit totalement la créance. L’article 1202 de la loi 21-18 dispose que « le
débiteur solidaire ou le cohéritier, qui a payé sa portion de la dette commune, ne
peut exiger la restitution du gage pour sa part, tant que la dette n’est pas entièrement
acquittée ».

9
Réciproquement, le créancier solidaire ou le cohéritier qui a reçu sa portion de la
créance ne peut restituer le gage au préjudice des créanciers ou cohéritiers qui ne
sont pas encore désintéressés22.

S’agissant du droit de suite :

D’après les dispositions de l’article 122 alinéa 1 du code de commerce : « Les


privilèges du vendeur et du créancier gagiste suivent le fonds en quelques mains
qu’il passe ». Le droit de suite est un droit qui permet au créancier nanti de saisir le
fonds de commerce entre quelques mains qu’il se trouve, peu importe qu’il soit entre
les mains du débiteur, du propriétaire de l’immeuble, de celles d’un acquéreur ou
d’un sous acquéreur du débiteur.

Même si le fonds a été vendu, les créanciers inscrits antérieurement peuvent donc
le saisir et le faire vendre judiciairement pour se payer sur le prix. Ils n'ont pas à faire
opposition entre les mains de l'acheteur ; c'est à l'acheteur, dans les trente jours de
la sommation de payer qui lui est adressée, de procéder à la " purge " des
inscriptions en offrant le prix selon une procédure inspirée de la purge des
hypothèques. Si un créancier inscrit estime ce prix insuffisant, il peut faire une
surenchère du dixième, calculée sur la valeur des éléments incorporels. La vente
judiciaire du fonds de commerce opère purge de plein droit des créances inscrites et
aucune surenchère n'est alors possible.

Paragraphe 2 : Obligation de non-dépréciation du fonds de commerce


Le constituant est tenu de préserver la valeur du fonds de commerce en
poursuivant l’exercice habituel de son activité. A cet effet le commerçant débiteur doit
assurer un bon usage du fonds nanti, ainsi il doit veiller à la protection de ses
éléments constitutifs compris dans le nantissement, afin que sa valeur ne
s’affaiblisse et éviter par la suite tout agissement ou une gestion menant à un
désinvestissement du bien objet de la garantie. Alors lorsque le propriétaire envisage
des opérations importantes sur son fonds, il est tenu d’une obligation d’information
dans le cadre de deux hypothèses visées par la loi : en cas de déplacement du
fonds, en cas de résiliation du bail.

Le cas de déplacement :

22
L’article 1202 de la loi 21-18.

10
Il est certes impossible d'interdire tout déplacement d’un fonds sous prétexte que
le commerçant peut avoir intérêt à changer de local. Du coup, le débiteur (acquéreur
du fonds ou propriétaire originaire) peut éloigner son fonds pour le disperser hors de
la surveillance de ses créanciers. Il peut même recueillir une indemnisation occulte
de ses concurrents, qui recueillent sa clientèle du fait de son départ23.

Le propriétaire du fonds de commerce dispose d’une possibilité de changer son


domicile commercial pour des raisons liées à l’amélioration de l’activité exercée.
Cependant, ce déplacement doit s’accompagner d’une modification de l’inscription
du nantissement pour désigner son nouveau domicile commercial. Malheureusement
il arrive souvent que le commerçant déménage son siège d’exploitation dans le but
de porter préjudice aux créanciers nantis, voir induire en erreur de potentiels
acquéreurs du fonds de commerce. Le code de Commerce a d’ailleurs mis en place
un mécanisme de protection des créanciers nantis, quelques soient les motifs pour
lesquels le commerçant déplace son fonds de commerce. Ce déménagement doit
impérativement s’accompagner d’une modification de l’inscription du nantissement
pour désigner son nouveau siège, cette tâche revient au constituant. Le débiteur est
ainsi obligé d’informer les créanciers en cas de déplacement du fonds de commerce.
En effet, dans le cas où le propriétaire du fonds n’a pas informé les créanciers nantis
dans un délai de 15 jours au moins avant de son envie de déplacer le fonds et de
changer de domicile commercial, doit impérativement s’acquitter des créances qui
deviennent alors exigibles de plein droit24. La loi pose ainsi la condition d’informer au
préalable le créancier nanti, afin de lui permettre de réagir et par conséquent de
préserver son privilège.

Dans un délai de 15 jours de l’avis notifié aux créanciers, ou dans les 30 jours ou
ils auront eu connaissance du déplacement, le vendeur ou le créancier gagiste est
tenu de faire une inscription dans le registre national électronique des suretés
mobilières (RNESM) démontrant la nouvelle adresse du siège du fonds25. A défaut
de notification, les créanciers pourront bénéficier d’un prolongement de délai vue
qu’ils doivent régir seulement dans une période de 30 jours suivant la découverte de
ce déplacement et non pas de sa résiliation effective.

23
Hassania Cherkaoui, « Droit commercial », imprimerie : Najah el jadida, 2001, P. 154.
24
L’article 111 du code de commerce.
25
Le même article précité.

11
Le cas de la résiliation du bail :

Le droit au bail constitue un élément essentiel au fonds de commerce. Il arrive que


le propriétaire de l’immeuble où le fonds est localisé, désire mettre fin au contrat de
location qui l’engage vis-à-vis du commerçant. La cessation du bail est une autre
menace importante encourue par le créancier privilégié sur le fonds de commerce.
La stabilité du bail dans lequel est exploité le fonds de commerce a un intérêt capital,
non seulement pour le commerçant mais aussi pour le créancier nanti, car la valeur
de leur garantie dépend étroitement de la durabilité de l’exploitation de ce fonds de
commerce, et donc la poursuite du contrat de bail.

En effet cette situation est prévue de nos jours dans l’article 29 de la loi 49-1626
qui prévoit que « le bailleur qui souhaite mettre fin au bail de l’immeuble dans lequel
est exploité un fonds de commerce grevé d’inscription, doit notifier sa demande aux
créanciers antérieurement inscrits au domicile élu par eux dans leurs inscriptions ».
La question de notification des créanciers est prévue également dans l’article 112 du
code de commerce qui dispose que « le propriétaire qui poursuit la résiliation du bail
de l’immeuble dans lequel est exploité un fonds de commerce grevé d’inscriptions,
doit notifier sa demande aux créanciers antérieurement inscrits au domicile par eux
élu dans leurs inscriptions. Le jugement ne peut intervenir que 30 jours après la
notification. La résiliation amiable du bail ne devient définitive que 30 jours après la
date de la notification qui en a été faite aux créanciers inscrits au domicile élu ».

Par application de cet article, une décision du tribunal de commerce de


Casablanca qui énonce que « le propriétaire des murs procède à la résiliation du
contrat de bail du local dans lequel est exploité un fonds de commerce nanti sans en
aviser le créancier nanti conformément aux dispositions de l’article 112 du code de
commerce, il engage sa responsabilité délictuelle et doit réparer le préjudice
subit »27.

Une autre décision de la cour de cassation qui a énoncé ce qui suit « pour
l’application des dispositions de l’article 112 du code de commerce, il est impératif

26
La loi du 18 juillet 2016 relative aux baux des immeubles ou des locaux loués à usage commercial, industriel
ou artisanal
27
Décision du tribunal de commerce de Casablanca n°11649, en date du 28/11/2007, dossier commercial n°
10464 du 5/2006.

12
d’établir l’existence d’un lien locatif entre le propriétaire du local et celui qui exploite
le fonds de commerce nanti. S’agissant d’un contrat de gérance libre, les dispositions
de l’article 112 du code de commerce ne sauraient trouver application »28.

Deuxième section : Les effets à l’égard des tiers


Le fonds de commerce est considéré comme le principal instrument de crédit sur
lequel les créancièrs s’appuient dans leurs relations avec le commerçant. Ainsi,
lorsqu’ils acceptent des transactions liées à l’exploitation de cet actif, à condition que
le paiement ou la contrepartie soit différée, c’est en fonction de la garantie qu’ils ont
pris c’est-à-dire en se basant sur la garantie fournie par le fonds lui-même.

A cet égard, en prenant en considération les droits des créanciers chirographaires,


le législateur leur a accordé le droit, lorsque leurs dettes résultent de l'exploitation de
ce bien, de demander une dérogation au terme de ces dettes conformément au
cinquième alinéa de l'article 111 du code de commerce afin qu'elles deviennent
immédiatement exigibles. Nantir un fonds de commerce signifie qu’il a été créé sur
celui-ci un droit de préférence au profit d’autrui, ce qui affecte la garantie sur laquelle
ils s’appuyaient.

La demande de la déchéance des dettes liées à l’exploitation du FDC est soumise


au pouvoir discrétionnaire du tribunal, qui estime que leurs craintes sont justifiées et
il existe des risques qui vont infligés par la suite ou même des dommages éventuels
qui vont encourir, il répond donc à leur requête afin qu’ils puissent recouvrer leurs
créances immédiatement, soit volontairement ou en faisant appel à la force par
l’intermédiaire de l’autorité judiciaire, sinon s’il apprécie que la constitution du
nantissement n’affecte pas leur garantie ne donne aucun retour à leur demande.

Il est à noter que le législateur marocain a soumis ici la décision sur la demande
d’annulation des dettes à la même procédure accélérée qu'il a décidé en ce qui
concerne l’exécution sur le fonds de commerce nanti29 ; cela est dû au fait que le
fonds de commerce est un outil de crédit sur lequel les commerçants s'appuient
dans leurs relations entre eux30 ; puisqu'il imposait au tribunal de rendre son
jugement dans les quinze jours suivant la première audience, et son jugement est

28
Arrêt de la Cour de cassation n°996 en date du 10/10/2007, dossier commercial n° 573.
29
L’article 113 al 5 du code de commerce.
30
213‫ ص‬,2016 ,‫ الوجيز في شرح القانون التجاري‬,‫اطويف محمد‬

13
inopposable et exécutoire sur le fonds. Ce jugement est susceptible d'appel dans les
15 jours suivant la date son notification. Ainsi, ce recours a un effet suspensif et la
cour d'appel doit rendre son jugement dans les trente jours, et sa décision est
exécutoire sur le fonds de commerce conformément à l'article 113 du code de
commerce31.

Troisième section : L’extinction du nantissement du fonds de


commerce
L’inscription du nantissement du fonds de commerce est valable cinq ans, au terme
desquels le créancier doit, s’il ne veut pas perdre sa sûreté, procéder à son
renouvellement pour une durée identique par l’accomplissement d’un certain nombre
de formalités.

Lorsque le nantissement de fonds inclus des propriétés industrielles, l’inscription


prise à l’OMPIC devra être également renouvelée dans les quinze jours suivant la
date de renouvellement de l’inscription du fond.

Le nantissement du fonds de commerce peut s’éteindre par la mainlevée donnée par


le créancier, soit après paiement de la créance par le débiteur soit après avoir
accéder à une demande faite par le débiteur.

La mainlevée peut être totale, elle entraîne alors de facto la radiation définitive de
l’inscription, ou partielle, elle conduit à la réduction du montant de la créance garantie
ou de l’assiette de la sûreté32.

31
70‫ ص‬,2007 ‫ حقوق التاجر الطبعة األولى دار ابي رقراق‬,‫ محاضرات في القانون التجاري المغربي‬,‫محمد محبوبي‬
32
Vanessa Pinto Hania « Les biens immatériels saisis par le droit des sûretés réelles mobilières
conventionnelles ». thèse pour le Doctorat en Droit privé, présenté et soutenue a l’Université Paris-Est Créteil,
en date du 7/12/2011, P. 89.

14
Conclusion

Le principe de la sûreté est évidemment de protéger le créancier en cas


d’insolvabilité du débiteur. Si le débiteur est insolvable c’est sans doute parce que
son fonds de commerce a déprécié. La conséquence est donc la perte de valeur et la
sûreté n’a alors plus d’intérêt. De plus, le créancier est exposé au risque de voir son
débiteur, s’il est de mauvaise foi, faire exprès de réduire la valeur du fonds par une
mauvaise gestion. Ainsi, le nantissement se trouve dénué de toute son importance.

15
Bibliographie

Les ouvrages :

 Jean-Pierre Le Gall et Caroline Ruellan, « Droit commercial – Notions


générales », 17e édition, Dalloz, Paris, 2017

 Dimitri HOUTCIEFF, « Droit commercial », 4e édition, SIREY, Paris, 2016

 2016 ,‫ الوجيز في شرح القانون التجاري‬,‫اطويف محمد‬

 Hassania Cherkaoui, « Droit commercial », imprimerie : Najah el jadida, 2001.

Les articles :

 BENIS Meriem, « Le nantissement des droits de propriété industrielles »,


Revue Marocaine Droit, Economie et Gestion 2018 – Hors-série N° 57.

 2007 ‫ حقوق التاجر الطبعة األولى دار ابي رقراق‬,‫ محاضرات في القانون التجاري المغربي‬,‫محمد محبوبي‬

Les thèses :

 Vanessa Pinto Hania « Les biens immatériels saisis par le droit des sûretés
réelles mobilières conventionnelles ». Thèse pour le Doctorat en Droit privé,
présenté et soutenue à l’Université Paris-Est Créteil, en date du 7/12/201.

Les lois :

 Dahir n° 1-19-76 du 11 chaabane 1440 (17 avril 2019) portant promulgation


de la loi n° 21-18 relative aux sûretés mobilières.

 Dahir formant code des obligations et des contrats.

 La loi n° 17-97 relative à la propriété industrielle telle que modifiée et


complétée par la loi 23-13

 La loi n° 49-16, du 18 juillet 2016 relative aux baux des immeubles ou des
locaux loués à usage commercial, industriel ou artisanal.

16
La jurisprudence :

 Cour de Cassation française, Chambre commerciales, du 29 janvier 1979, 77-


11.001.

 Cour de Cassation française, Chambre commerciale, du 5 novembre 2002,


00-14.885.

 Cour de cassation n°996 en date du 10/10/2007, dossier commercial n° 573.

 Tribunal de commerce de Casablanca, décision n°11649, en date du


28/11/2007, dossier commercial n° 10464 du 5/2006.

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Table des matières
Introduction.......................................................................................................................................... 1
Premier chapitre : La formation du nantissement du fonds de commerce ........................ 4
Première section : Les conditions de fond.............................................................................. 4
Paragraphe 1 : Les conditions de fond générales ............................................................. 4
Paragraphe 2 : Les conditions de fond spécifiques ......................................................... 4
Deuxième section : Les conditions de formes ....................................................................... 6
Paragraphe 1 : L’exigence d’un écrit .................................................................................... 7
Paragraphe 2 : L’inscription .................................................................................................... 7
Deuxième chapitre : effets et extinction du nantissement de fonds de commerce ......... 9
Première section : Les effets à l’égard des contractants .................................................... 9
Paragraphe 1 : La protection du créancier nanti ............................................................... 9
Paragraphe 2 : Obligation de non-dépréciation du fonds de commerce .................. 10
Deuxième section : Les effets à l’égard des tiers ................................................................ 13
Troisième section : L’extinction du nantissement du fonds de commerce.................. 14
Conclusion ......................................................................................................................................... 15
Bibliographie ..................................................................................................................................... 16

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