Vous êtes sur la page 1sur 4

Les contrats portant sur le fonds de commerce

L’expression « fonds de commerce » vient directement du latin et est synonyme de propriété immobilière. L’origine du fonds de commerce est
relativement récente. En effet, la notion s’est dégagée au XIXe siècle sous une double nécessité. D’une part, avec l’émergence du capitalisme, les
commerçants souhaitaient pouvoir protéger leur clientèle contre les attaques des concurrents, donner à celle-ci la plus grande stabilité possible et,
partant, protéger les investissements intellectuels et financiers réalisés. En somme, une reconnaissance du fonds de commerce permettait au
commerçant de soutenir que son exploitation avait une valeur supérieure à la simple somme du prix de ses éléments constitutifs. D’autre part, la
reconnaissance du fonds de commerce était souhaitée par les créanciers des commerçants, en tant qu’élément patrimonial de ces derniers. En créant
l’entité « fonds de commerce », le contrôle des opérations effectuées par le commerçant devenait plus commode, en particulier par la mise en place
de règles de publicité. C’est également dans ce contexte qu’est né le gage sur fonds de commerce, dans la mesure où il permit aux petits
commerçants de lever plus facilement des fonds pour financer leurs activités et aux institutions de crédit de disposer d’une garantie plus efficace.

Depuis, cette notion est omniprésente dans la vie économique. Cependant, qu’en est-il sur le plan juridique, au Maroc ? Historiquement, le premier
texte qui a règlementé le fonds de commerce est le dahir du 31 décembre 1914 et portait uniquement sur la vente, le nantissement, et l’apport en
société.L’exploitation directe et la gestion par voie de location continueront d’être régie par le droit commun.

Il a fallu attendre l’année 1996 pour que la loi n° 15-95 formant code de commerce apporte une réglementation complète. En effet, aujourd’hui,
le dahir du 31 décembre 1914 régissant les contrats portant sur le fonds de commerce est abrogé et remplacé par les dispositions des articles 81 à
156 de ladite loi. Ces dispositions sont plus détaillées, plus riches et englobent même la location gérance qui était la plus grande lacune du dahir de
1914.

Quant à la définition du fonds de commerce, à l’instar de toute notion, de nombreux auteurs s’y sont intéressés. Toutefois, la loi n° 15-95 n’a pas
manqué d’apporter, dans son article 79, que « Le fonds de commerce est un bien meuble incorporel constitué par l’ensemble de biens mobiliers
affectés à l’exercice d’une ou de plusieurs activités commerciales ». Tout commerçant possède un fonds et ce fonds constitue une propriété cessible
et transmissible. En tant que tel, le fonds de commerce peut faire l’objet de plusieurs opérations juridiques comme la cession, la vente, la location-
gérance, le nantissement et l’apport en société. C’est ainsi que le fonds de commerce est cessible en même temps ou à part des autres actifs
d’exploitation. Cela permet le transfert de l’activité à un nouvel exploitant. Il peut aussi être, sous certaines conditions, mis en location gérance. Il
peut également être nanti, notamment en garantie d’un crédit. Cependant, ces opérations font objet le plus souvent de mésentente entre les parties
qui interviennent dans leur accomplissement. Le juge marocain, notamment commercial, est très sollicité en vue de trancher les différends en la
matière. La jurisprudence relative au fonds de commerce est abondante. C’est ainsi qu’à la lumière de cette jurisprudence, on trouve divers litiges
relatifs au nantissement du fonds de commerce, à la location-gérance, au droit au bail, à la vente et à l’achat du fonds de commerce mais aussi à
l’apport du fonds de commerce en société.

Il est alors légitime de se poser les questions suivantes : quels sont les enjeux des différentes opérations effectuées sur le fonds de commerce ? La
loi et la jurisprudence apportent elles assez de garanties aux parties en causes ? Le régime juridique régissant les contrats portant sur le fonds de
commerce traduit-il un souci de protection des intérêts des créanciers ?

Nous allons donc tenter d’y répondre en portant l’attention sur la sécurité des créances dans les différents contrats ayant pour objet le fonds de
commerce.

Ainsi, dans un premier temps sera abordée la sécurité des créances dans les contrats portant sur l’exploitation du fonds de commerce (I), puis dans
un second temps seront analysés les contrats transférant la propriété, comme garanties de créances notables mais insuffisantes (II).

I. La sécurité des créances dans les contrats portant sur l’exploitation du fonds de commerce

Les contrats portant sur l’exploitation du fonds de commerce sont au nombre de deux, à savoir la gérance libre (1) et le nantissement (2).

1. La gérance libre

Autrefois pratiquée sous le régime du droit au bail, le Code de Commerce de 1996 a légalisé la gérance libre pour la première fois au Maroc,
l’objectif étant de distinguer le contrat de gérance-libre – ou location-gérance des autres types de gérance, où le fonds est géré aux risques et périls
du propriétaire. Mohamed Mernissi, conseiller juridique à la Fiduciaire de Gestion et de Conseil, estime que « La gérance libre reste un contrat de
bail normal avec des dispositions particulières à la location de fonds de commerce », mais sans versement d’indemnité comme pour le contrat de
bail commercial.

Toutefois, se pose le souci de solidarité qui lie le propriétaire au gérant libre. Il convient de se demander dans quelle mesure le loueur de fonds et le
locataire-gérant sont-ils solidairement responsables quant aux dettes contractées par ce dernier ?

L’article 155 du CC dispose que «jusqu'à la publication du contrat de gérance libre et pendant une période de 6 mois suivant la date de cette
publication, le bailleur du fonds est solidairement responsable avec le gérant libre des dettes contractées par celui-ci à l'occasion de l'exploitation du
fonds, sans préjudice de l'application des dispositions de l'article 60». 

Il en ressort que le loueur de fonds et le locataire gérant sont solidairement responsables des dettes contractées par ce dernier dans le cadre de
l’exploitation du fonds. Cependant, dans la pratique se pose l’entrave du retard de publication, puisque le Bulletin Officiel ne respecte pas toujours
le délai prévu des deux semaines. La responsabilité du loueur de fonds est donc prolongée au delà du délai prévu des 6 mois suivant la publication
du contrat de gérance libre au Bulletin Officiel et aux journaux d’annonces légales, qui normalement doit avoir lieu dans les 15 jours suivant la
conclusion du contrat.

L’article 155 étant une disposition d’ordre public, même si le contrat de gérance libre stipule le contraire, le loueur de fonds reste tout de même
responsable de dettes avec le gérant.
Par ailleurs, selon l’art. 152 al.1, le gérant libre possède la qualité de commerçant. En découlent ainsi des obligations, telles que le respect des
conditions de publicité pour faire connaître aux tiers la gérance libre, ainsi que son identité, son activité et son régime matrimonial. Il doit
également tenir des livres de commerce et indiquer le numéro d’immatriculation sur tous les documents de l’activité commerciale. Enfin, le gérant
libre est dans l’obligation de maintenir le matériel et l’immobilier en bon état.

Dans un souci de réciprocité des droits et obligations, le loueur de fonds possède également des obligations envers le locataire gérant. Il doit alors
se faire radier du registre de commerce ou faire modifier son inscription personnelle avec la mention expresse de la mise en gérance libre. Il doit
également être solidairement responsable avec le gérant libre pendant les six premiers mois suivant la publication du contrat de gérance libre, et
enfin fournir au gérant tous les éléments nécessaires à l’exploitation du fonds (matériel, immobilier etc.).

La jurisprudence quant à l’inobservation de ces obligations par le bailleur de fonds retient que “les juges de fonds apprécient souverainement le
bien fondé de l’exception d’inexécution invoquée par le locataire gérants, qui entend prévaloir des manquements du loueur du fonds à ses
obligations pour suspendre le paiement des redevances.”

M. Mernissi avance «qu’à trop vouloir protéger les tiers, on tombe dans l'effet inverse de celui recherché. C’est à se demander si ces dispositions ne
portent pas réellement atteinte aux droits du bailleur de fonds, créant un certain déséquilibre contractuel.

2. Le nantissement

Le nantissement du fonds de commerce est une sûreté réelle mobilière sans dépossession.
En effet, lors de l’exploitation de son fonds de commerce, le commerçant peut éprouver la nécessité de contracter un crédit dans le besoin de son
commerce. Il le met en garantie et a alors l’avantage de ne pas être dépossédé de son outil de travail. Il continue ainsi à exploiter son fonds tout en
bénéficiant d’une source de crédit.
Ce nantissement est régi par les articles 106 et suivants du code de commerce. Il s’agit d’un gage sans dépossession qui confère à son bénéficiaire
un droit de préférence et un droit de suite, c'est-à-dire le droit d’être payé par préférence aux autres créanciers du débiteur et de saisir le  fonds entre
les mains du sous-acquéreur.
Ainsi, il confère une garantie réelle aux créanciers du commerçant en contrepartie du crédit qu’ils accordent. La plupart du temps, le fonds de
commerce constitue la valeur économique la plus importante de l’entreprise qui éprouve le besoin de s’en servir également comme moyen de crédit
à ses investissements.
En ce qui concerne les règles de fond et en plus des conditions de fond générales pour la validité de tout contrat, le nantissement doit porter sur un
fonds de commerce déjà existant puisque la clientèle en est l’élément essentiel (article 80). Ledit contrat peut porter sur tous les éléments
constituant le fonds de commerce à l’exception de la marchandise (article 107), il s’agit d’une séparation garantissant aux créanciers dépourvus de
sûreté, les créanciers chirographaires, de saisir éventuellement les marchandises pour encaisser leur dû. La tournure rédactionnelle adoptée par le
législateur laisse ainsi aux parties une marge de liberté appréciable car elle leur permet de sélectionner les éléments qui supportent le gage.
Quant au bénéficiaire du gage, le créancier gagiste, c’est généralement l’établissement de crédit
En ce qui concerne les conditions de forme, le nantissement peut se faire par acte notarié ou sous seing privé. Des obligations d’inscription et de
publicité s’imposent sous peine de nullité.
Le gage sur fonds de commerce est une sûreté conventionnelle sans dépossession. Le législateur a, par conséquent, imposé une autre forme de
publicité que la mise en possession pour avertir les tiers de l’existence de cette sûreté. Cette forme de publicité est l’inscription de l’acte de gage
dans un registre.
Ainsi, après enregistrement, le nantissement est constaté par un acte dressé et inscrit au registre du commerce à la diligence du créancier gagiste et
dans le délai de 15 jours à compter de la date de l'acte constitutif (articles 108 et 109 du code de commerce).
L’inscription permet au privilège de produire son effet de garantie dans des conditions précises.
Une fois conclu, le contrat de nantissement offre des garanties réelles aux créanciers contre l’aléa de perdre leur créance. Le nantissement prend fin
par le paiement de la créance aux parties concernées. Cependant, en cas de non paiement à échéance, le créancier nanti peut réclamer sa créance, le
fonds de commerce se trouve ainsi transposé sur le champ de la vente forcée qui obéit aux mêmes conditions relatives à la vente du fonds de
commerce après saisie de ce dernier.
Les effets du nantissement sont identiques à ceux du privilège du vendeur puisqu’il confère à son titulaire le droit de préférence et le droit de suite.
Il peut le faire saisir et le faire vendre judiciairement pour se faire payer son prix.
Le rang des créanciers gagistes entre eux est déterminé par la date de leur inscription au registre de commerce.
Le créancier gagiste inscrit sur un fonds de commerce peut également faire ordonner la vente du fonds qui constitue leur gage, huit jours après
sommation de payer, faite au débiteur et au tiers détenteur, s'il y a lieu, demeurée infructueuse.
Bien que le nantissement du fonds de commerce constitue un intérêt de grande envergure pour la survie et l’évolution des entreprises amenées à
lever des fonds auprès des banques ou d’institutions financières, il n’en est pas moins vrai qu’il présente pour ces derniers, une garantie qui n’est
généralement pas considérée comme très efficace.
Ainsi, contrairement à l’hypothèque, on peut aisément émettre un doute sur l’efficacité de cette garantie. En effet, elle a surtout vocation à jouer en
cas de difficultés du débiteur. Or ces difficultés auront fréquemment pour conséquence de compromettre la pérennité du fonds ou du moins
fortement diminuer sa valeur.
La condition du créancier privilégié est profondément menacée par des créances antérieures et postérieures à son gage. Elle peut aussi être affectée
par le changement du lieu d’exploitation ou encore par la résiliation du bail.
Le créancier bénéficiaire d'un nantissement sur fonds de commerce ne bénéficie pas du privilège du créancier nanti sur le matériel et outillage régis
par l'article 356 du Nouveau Code de Commerce.
Aussi, le privilège de la Caisse Nationale de Sécurité Sociale prime celui du créancier bénéficiaire d'un nantissement sur fonds de commerce, en
application de l'article 107 du Code de Recouvrement des Créances Publiques.
Vu cette inefficacité, il est rare qu’un créancier se contente d’un nantissement. Très souvent, la banque va demander d’autres garanties afin d’être
sure que le crédit va être remboursé dans sa totalité, elle il aura également recours à la subrogation dans le privilège du vendeur ou à la caution. Le
nantissement sera en réalité, au mieux, un bon complément de garantie.
L’inefficacité est d’autant plus amplifiée si l’on ajoute la difficulté à recouvrir une créance due au mauvais fonctionnement du système judiciaire
puisqu’il faudrait 615 jours pour recouvrir judiciairement une créance à Casablanca contre 120 jours à Singapour, 300 à New York.

II. Les contrats transférant la propriété : des garanties de créances notables mais insuffisantes

Les contrats transférant la propriété du fonds de commerce sont, à l’instar de ceux portant sur l’exploitation, également au nombre de deux. Il
s’agit de la vente du fonds de commerce (1) et de l’apport en société d’un fonds de commerce (2).
1. La vente du fonds de commerce 

La cession est l'une des opérations les plus usuelles qui portent sur le fonds de commerce. Acte de commerce, l'aliénation du fonds de commerce
obéit à des règles spécifiques. Au niveau des règles de forme, le code de commerce intervient pour présenter des garanties aux parties en cause, en
l’occurrence le vendeur, l'acquéreur et les tiers. Les règles de fond, quant à elles, présentent des similarités au droit commun, mis à part les
conditions de capacité commerciale (autorisation d'exercer le commerce, et la qualité de commerçant).

Dans la mesure où toute activité commerciale peut être rattachée à un fonds de commerce, ce dernier met en relation plusieurs acteurs importants
dans l'économie nationale. Il est donc nécessaire de porter l'attention sur les différends que pourraient soulever ce changement de situation juridique
quant à la sécurité du crédit. La loi et la jurisprudence présentent-elles des garanties suffisantes au déroulement de la cession du fonds de commerce
sous ses différentes formes ?

Autrefois la vente du fonds de commerce offrait l'exemple de l'opération complexe impliquant des conditions inadaptées aux impératifs de l'esprit
des affaires. La composition hétérogène de ce bien faisait que la validité et la régularité des actes multiples ainsi que la protection des intérêts des
tiers créanciers, se heurtaient à des obstacles divers et rendaient le succès de l'opération aléatoire. La vente se présentait comme un acte portant
autant d'accords que d'éléments contenus dans le fonds. On observait plutôt la vente de plusieurs biens et on devait respecter les conditions et
accomplir les formalités respectives desdites ventes. Les parties au contrat généralement peu averties, devaient ensuite agir en connaissance de
cause, sachant qu'elles pouvaient disposer de garanties suffisantes contre une éventuelle insolvabilité de l'acquéreur, ou contre l'évaluation
frauduleuse probable par le vendeur. La sécurité de l'opération souffrait de circonstances fréquentes en pratique.

Actuellement, la loi n° 15-95 formant code de commerce soumet la vente du fonds de commerce à un formalisme qui vise : la protection des
créanciers du vendeur en organisant une publicité de la vente qui donne à ces créanciers un droit d’opposition et de surenchère ; la protection du
vendeur à crédit du fonds de commerce contre le risque d’insolvabilité de l’acheteur. Pour ce faire, la loi n° 15-95 organise la publicité du privilège
du vendeur qui l’assortit d’un droit de suite et le rend opposable aux créanciers de l’acheteur, lorsque celui-ci est mis en état de redressement ou de
liquidation judiciaire ; la protection de l’acheteur pour éviter qu’il ne soit trompé sur la valeur du fonds qu’il acquiert. De ce fait, la vente du fonds
de commerce est de nature à léser les intérêts des créanciers ; c’est pourquoi le législateur pose des conditions de validité de la vente du fonds en
plus des conditions générales prévues par le code des obligations et des contrats, il prévoit aussi un contrat de vente du fonds de commerce et des
effets spéciaux sans toutefois oublier des clauses habituelles insérées dans ce contrat.

Cependant, la présente loi néglige la condition de l'acquéreur présumant ainsi qu'il jouit d'une situation avantageuse dans le contrat. Il trouve
généralement une offre multiple de fonds lui permettant de choisir celui qui lui convient suite à une appréciation comparative sérieuse. Inversement
le vendeur souvent empressé de conclure la transaction, succombe facilement aux volontés de l'acquéreur de disposer de moyens de vérification de
sa solvabilité réelle. En effet, la solvabilité de l'acheteur présente non seulement une garantie pour le vendeur mais également pour les créanciers de
celui-ci. Ces derniers ne pouvant s'opposer qu'au paiement du prix de la vente et non à la vente elle même, l'objet de leur opposition n'existerait plus
en cas d'insolvabilité de l'acheteur. Dans ce sens la loi met la responsabilité à la charge de l'acquéreur qui ne doit pas verser le prix au vendeur
jusqu'à la fin de la procédure d'opposition sous peine de supporter les créances du vendeur.

Les opérations portant sur le fonds de commerce sont de plus en plus répandues dans les pratiques commerciales de nos jours. Les garanties que
présente la loi actuelle, ne sont-elles pas dépassées étant données les incertitudes quant à la sécurité des créances de certains tiers comme les
créanciers chirographaires, qui dépendent dans leurs dus d’un délai d’opposition ou à la valeur du fonds mis en vente ? Ainsi, étant donnée
l’absence de sûretés réelles, ils risquent de demeurer impayés. Ce qui risque d’influencer, par conséquent, tout le circuit économique.

En effet, le fonds de commerce une fois vendu se trouve purgé de son passif et les créanciers non payés demeurent en quête de leur dû devant les
tribunaux. N’est-il pas temps, de concevoir le fonds de commerce comme un organisme économique indépendant doté d’une personnalité morale,
contenant un actif et un passif ? Cette théorie a été adoptée par les législateurs suisse et allemand dans leur conception du fonds de commerce,
permettant ainsi une plus ample souplesse des opérations et une continuité des relations commerciales des tiers directement avec le fonds de
commerce. Dans ce sens, la personne morale garantit à elle seule les créances issues du fond de commerce indépendamment des propriétaires de ce
dernier et de leur patrimoine personnel.
2. L’apport en societe d’un fonds de commerce

L’apport d’un fonds de commerce diffère de l’opération de sa vente dansla mesure où il est rémunéré non pas par le versement d’un prix mais par
l’attribution de parts sociales ou d’actions au profit de l’apporteur du fonds.

Il s’agit d’un apport en nature que le propriétaire du fonds effectue en contrepartie d’actions ou de parts dans la société. Il transfert donc la
propriété de son fonds de commerce à la société.

L’apport en société peut se faire soit à une société déjà constituée ou à une société en cours de constitution. Cette opération est soumise aux mêmes
formalités de publication prévues pour la vente. Ainsi, se pose le problème de savoir si le système de publicité mis en place suffit à renseigner les
créanciers de l'apport projeté par le débiteur pour qu'ils puissent éventuellement s'y opposer ou demander l'exigibilité immédiate.

Nous estimons de notre part, qu’il faut revoir le délai de 15 jours prescrit pour la déclaration des créances chirographiques, surtout lorsqu’il s’agit
d’un créancier résidant à l’étranger.

Par ailleurs, même si les créanciers inscrits peuvent faire valoir leur droit de suite, il serait mieux de prévenir d'abord car l'expérience démontre que
le droit de suite risque d'échouer devant les tiers pour différentes raisons.

Le fonds de commerce en question, fait l’objet d’une évaluation financière, obligatoire pour la SA et facultative pour la SARL, par un
commissaire aux apports.

L'apport en société d'un fonds de commerce soulève également la question de l'abus de droit, c'est-à-dire l'utilisation de cette opération pour
échapper aux droits fiscaux.

A cet égard, il est opportun, en l’absence d'une jurisprudence marocaine en la matière, de connaitre la position de la jurisprudence française sur ce
point.

Sur la jurisprudence avant 2007

La Cour de cassation a défini les critères juridiques de l’abus de droit en les limitant à deux situations :

- La fictivité des actes en cause : il s’agit pour l’administration fiscale d’établir la simulation, et de prouver que les parties n’avaient pas
réellement entendu contracter ;
- Le but exclusivement fiscal : il s’agit pour l’administration de démontrer que les actes, biens réels, avaient pour seul but d’éluder ou
d’atténuer les impositions dont était passible l’opération réelle.

La Cour de cassation a eu plusieurs fois l’occasion d’appliquer ces critères. Ainsi, lors de la conclusion d’un acte ou d’une convention, le
contribuable a toujours été libre de choisir la solution juridique la moins onéreuse fiscalement, et le souci de réaliser une économie d’impôt était
légitime, dumoment que la forme juridique adoptée exprime incontestablement les rapports de droit et de fait entre les parties.

La nouvelle frontière jurisprudentielle

Au cours de l’année 2007, des arrêts sont venus bouleverser cet ordre qui semblait bien établi. En effet, ce revirement de jurisprudence est d’une
grande importance.

Ainsi, dans le cas d’opération d’apport en société d'un fonds de commerce, la Cour de Cassation confirme l’abus de droit au motif que
« l’enchaînement de ces opérations sur une courte période se justifiait par un but exclusivement fiscal, consistant à éluder le paiement des droits de
mutation à titre onéreux ».

Ce but exclusivement fiscal était, selon la Cour, démontré par « la cession de la totalité des titres, en dehors de toute prise de risque inhérente à
l’apport en société et en dehors de toute logique économique » (cass.com 20 mars 2007 n° 05-20.599 (n°516 F-D), Sté Distribution Casino
France).

De l’analyse de cet arrêt, se dégage la disparition des repères apportés antérieurement par la jurisprudence dont l’économie était à la fois juridique
et de bon sens.

Même si l’application des critères pertinents ne pouvait éliminer tout aléa, leur précision procurait une sécurité juridique suffisante.

Vous aimerez peut-être aussi