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Stress hydrique/Politique de l’eau

L’eau est une ressource naturelle à la base de la vie et une denrée essentielle à la majeure partie des activités économiques de l’homme. Elle est également
rare et constitue, en fait, une ressource dont la disponibilité est marquée par une irrégularité prononcée dans le temps et dans l’espace. Elle est, enfin,
fortement vulnérable aux effets négatifs des activités humaines.
Ayant, depuis longtemps, pris conscience de cette problématique, le Maroc, qui, faut-il le rappeler, se situe dans l’une des zones où cette ressource est la plus
rare dans le monde : la région MENA, a engagé une politique dynamique de préservation des ressources en eau, marquée par la mise en place d’une
importante infrastructure hydraulique constituée, à fin 2021, de 149 grands barrages d’une capacité totale de 19 milliards m3, de 136 petits barrages, de 16
stations de dérivation d’eau, de 158 stations d’épurations des eaux usées, de 9 stations de dessalement d’eau de mer produisant annuellement 147 millions
m3, ainsi que de milliers de puits d’extraction des eaux souterraines, avec pour objectifs de permettre aux citoyens de bénéficier en continuité de l’eau
potable et de répondre aux besoins hydriques primordiaux relatifs à l’agriculture, l’irrigation, l’industrie et les énergies renouvelables.
Sur les plans juridique et institutionnel, des avancés importantes ont également été enregistrés par la promulgation de la nouvelle loi n°36-15 sur l’eau, dont
les principaux objectifs sont la consolidation des acquis réalisés par la mise en œuvre de la loi n°10-95 sur l’eau et l’amélioration de la gouvernance du
secteur de l’eau, notamment, à travers :

- la prise en compte du droit à l’eau et à un environnement sain prévu par la Constitution de 2011 et de l’approche genre dans la gestion des
ressources en eau, notamment, à travers la représentation des associations féminines dans les institutions prévues par la loi sur l’eau ;
- la simplification des procédures d’utilisation du domaine public hydraulique, notamment, à travers la fusion des procédures d’autorisations
de creusement de puits et de prélèvement d’eau et des procédures de délimitation des berges et des francs bords des cours d’eau. Ces fusions
permettraient de réduire les délais et les frais d’instruction des dossiers ;
- le renforcement du cadre institutionnel par :
 la création des Conseils (consultatifs) des Bassin Hydraulique, chargés d'examiner et de donner avis sur toutes les thématiques
relatives à la planification et à la gestion de l’eau notamment le PDAIRE et les plans locaux de gestion des eaux avant leur
approbation),
 le renforcement et la clarification des attributions du Conseil Supérieur de l’Eau et du Climat (chargé d’examiner et de donner
avis sur les stratégies, politiques, plans et toutes les questions touchant à l’eau et au climat), des Agences des Bassins Hydrauliques
(chargées, notamment de réaliser toutes les études nécessaires à la planification, gestion et préservation de l’eau sur le plan quantitatif
et qualitatif ; d’élaborer le PDAIRE et les plans locaux de gestion des eaux et de veiller à leur mise en œuvre ; de gérer d’une
manière intégrée les ressources en eau et contrôler leur utilisation, notamment, par l’établissement de programmes de fournitures
d’eau pour les différents usagers ; de délivrer les autorisations et concessions d’utilisation du domaine public hydraulique ; de
gérer, protéger et préserver les biens du domaine public hydraulique) et Commissions Provinciales ou Préfectorales de l’Eau (qui
supervisent et coordonnent la mise en œuvre des actions et mesures entreprises par les services administratifs et communaux pour  : la
gestion de l’eau lors des pénuries d’eau et en cas de force majeur pour assurer l’approvisionnement en eau dans des conditions
satisfaisantes ; la prévention des risques d’inondations ; la sensibilisation à la protection des ressources en eau et à la préservation
et l’utilisation optimale du domaine public hydraulique), ainsi que l’élargissement de leurs compositions ;

- la mise en place d’un cadre réglementaire adéquat pour la valorisation et l’utilisation des eaux pluviales et des eaux usées , notamment, en
précisant les conditions de valorisation et d’utilisation de ces eaux et en mettant en place un système d’aides financières et d’assistance technique
aux projets en la matière ;
- l’obligation de doter les agglomérations urbaines de schémas directeurs d’assainissement liquide qui tiennent compte des eaux pluviales
et des impératifs de l’utilisation des eaux usées. Ces agglomérations doivent, aussi, être dotées de réseaux d’assainissement liquide et de
stations de traitement des eaux usées. En outre, la loi soumet à autorisation et au paiement d’une redevance le déversement dans ces réseaux ;
- la mise en place d’un cadre juridique dédié au dessalement des eaux de mer, dont les dispositions précisent les personnes habilités à réaliser
des projets de dessalement et que les règles régissant l’établissement et l’approbation du contrat de concession et du cahier des charges auxquels
ces projets sont soumis ;
- l’organisation du métier de foreur à travers la mise en place d’un régime d’autorisation pour l’exercice de ce métier ;
- le renforcement des outils de protection et de préservation des ressources en eau souterraines, notamment, en instaurant des périmètres de
sauvegarde et d'interdiction, et en concluant des contrats de nappes entre l’ABH et les partenaires et usagers de l’eau;
- la mise en place de systèmes d’information sur l’eau au niveau du bassin hydraulique et à l’échelle nationale. Ces systèmes doivent permettre le
suivi régulier de l’eau, des milieux aquatiques, des systèmes environnementaux et leur fonctionnement ainsi que les risques liés à l’eau ;
- le renforcement de la police de l’eau par l’amélioration des conditions d’exercice de la police et le durcissement des sanctions pécuniaires.

Il est à rappeler également que de nombreux stratégies, plans et programmes ont été mis en place au fil des années, notamment :
- le Programme d’Approvisionnement Groupé en Eau potable des populations Rurales 1995-2010 (PAGER) ;
- le Plan National d'Aménagement des Bassins Versants 1996 (PNABV) ;
- le Programme National d’Assainissement Liquide 2005 (PNA) ;
- le Programme National d’Economie d’Eau en Irrigation 2008 (PNEEI) ;
- la Stratégie Nationale de l’Eau 2009-2030  (SNE) ;
- le Programme National pour l'Approvisionnement en Eau Potable et l'Irrigation 2020-2027 (PNAEPI) ;
- le Plan National de l’Eau 2020-2050 (PNE).

Pourtant, en dépit des efforts considérables déployés en matière de gestion de l’eau, sur le plan infrastructurel, juridique et institutionnel, le Maroc fait,
aujourd’hui, face à un stress hydrique structurel.
Quels en sont les causes ? Comment y remédier ? Telles sont les questions auxquelles il s’agira de répondre dans les développements qui vont suivre et qui
s’articulent autour de deux axes : d’une part, un Diagnostic (I) et d’autre part, des recommandations (II).
I. Diagnostic

1. La situation alarmante des ressources en eau au Maroc

Le seuil de stress hydrique fixé par l’OMS est de 1.000 m3/habitant/an. Au Maroc, il est à environ 620 m3/habitant/an et est prédisposé à atteindre le seuil
absolu de pénurie d’eau de 500 m3/habitant/an à l’horizon 2030, et ce, sous la pression démographique et l’augmentation de la demande, conjuguées à
l’impact du changement climatique sur les ressources en eau, sachant également que ces dernières sont inégalement réparties sur sur le territoire  : plus de 50 %
sont concentrées dans les régions du Nord et du Centre. Le volume mobilisable d’eau à l’horizon 2050 serait de 13 MMm³ par an en moyenne (soit une baisse
de 11% par rapport à 2020), avec une hausse de la demande à 20 MMm³ par an, soit un bilan déficitaire de 7MMm³ par an, généralisé à tous les bassins
hydrauliques.
Le Maroc est sévèrement exposé au phénomène de sécheresse (aggravé par les changements climatiques), avec une augmentation de la température
nationale de 1,5°C entre 1982 et 2020, ce qui a engendré des baisses drastiques des précipitations (20% entre 1960 et 2018 avec une diminution
supplémentaire de 15% à l’horizon 2050) et donc, des apports annuels d’eau de surface (52,1% de réduction ente 2015 et 2021). Les déficits
pluviométriques enregistrés se sont répercutés sur les réserves hydriques des barrages, avec une baisse considérable de leurs taux de remplissage (62% en
2018, 49% en 2019, 37% en 2020, 34% en 2021, 25,8% en 2022).
Par ailleurs, les changements climatiques ont impacté fortement les chutes de neiges saisonnières qui constituent une source importante d’eau au Maroc
(baisse de la superficie enneigée de 45000 km2 en 2018 à 5000 km2 en 2022).
En plus des défis liés à l’impact du changement climatique, les ressources en eau du pays sont également menacées par :
- l’érosion hydrique qui affecte la plupart des bassins versants où se situent les barrages, conduisant à une perte de leur capacité d’environ 75
Mm³/an, soit un potentiel d’irrigation de l’ordre de 10 000 ha par an. Si ce phénomène trouve son origine dans des facteurs physiques telle la
nature du terrain, la pente, la couverture végétale et l’intensité des précipitations, il demeure fortement impacté par l’activité humaine
(défrichement, surpâturage, techniques de culture inappropriées). Malgré la mise en œuvre du Plan National d'Aménagement des Bassins
Versants (PNABV) adopté en 1996, les réalisations ne dépassent pas 50% des objectifs. Les raisons sont associées au manque de ressources
financières mais aussi à la non intégration institutionnelle des programmes d’aménagement des bassins versants dans la politique de l’eau.
- la surexploitation des nappes d’eau souterraine qui s’élève à 1,1 MMm³ par an en deçà du volume renouvelable, met en péril la durabilité des
investissements agricoles et non agricoles. Il est à préciser que les usages hydriques dans le système productif, en particulier agricole, absorbent
une très forte part de l’eau disponible. Sur les 16,28 milliards de m3 d’eau consommée, 89,26% sont destinés à l’irrigation et 10,74% à
l’approvisionnement en eau domestique, touristique et industrielle.
- la pollution (déchets solides, rejets domestiques et émissions industrielles et agricoles) qui dégrade la qualité de l’eau et augmente le coût de
production d’eau potable.
2. Une gestion de l’offre et de la demande insatisfaisante

- Du côté de l’offre, la politique des barrages menée par le Maroc a, certes, permis la sécurisation dans une large mesure de l’alimentation en eau potable
des villes et le développement de grands périmètres agricoles irrigués sur une superficie de près de700.000 ha. Cependant, la politique d’augmentation
de l’offre devient inefficace, surtout avec la pénurie désormais devenue structurelle. Les options non conventionnelles, telles que le dessalement de
l’eau de mer, la réutilisation des eaux usées traitées et la collecte des eaux pluviales, peuvent constituer des appoints importants et stratégiques
(sécurisation de l’alimentation des grandes villes), mais restent, toutefois, sans commune mesure avec le volume d’eaux conventionnelles. Et d’ajouter
le coût élevé de l’eau dessalée, la faible qualité des eaux traitées ainsi que le développement limité des pratiques de collecte des eaux pluviales.

- Du côté de la demande1, Ce n’est qu’en période de pénurie que des actions relevant de la gestion de la demande sont entreprises, comme ce qui arrive à
présent dans les bassins de Tensift, Oum Er-Rbia, etc. (arrêt de l’irrigation). Cette insuffisance de la gestion de la demande par l’État se manifeste
notamment par l’anarchie dans les prélèvements illicites d’eau souterraine (236.412 préleveurs non autorisés en 2022, contre 22.519 autorisés
uniquement). S’ajoute à cela le manque d’incitations à la préservation de l’eau et l’extension excessive des superficies irriguées à partir des nappes,
encouragée par les subventions à l’irrigation localisée et aux plantations.
3. Une gouvernance inefficace

L’inefficacité de la gouvernance est également à l’origine d’une grande part des problèmes auxquels fait face le secteur de l’eau au Maroc. L’accent est mis
sur les volets juridiques et institutionnels, mais également sur l’évaluation, l’inclusion, la cohérence des politiques publiques et le système d’information :

 Quoique la loi 36-51 sur l’eau soit encline à garantir une gestion durable des ressources en eau, l’ineffectivité d’une partie de l’arsenal juridique
existant en limite rudement les bénéfices escomptés. C’est le cas notamment de la non- application du principe ‘’utilisateur payeur’’ pour les eaux
souterraines, et du règlement relatif au creusage de puits illicite. Un autre exemple concerne la loi sur les études d’impact sur l’environnement,
ces dernières n’étant, en général, qu’une simple formalité.
 Le paysage institutionnel est caractérisé par une multitude d’acteurs aux mandats diffus et parfois conflictuels :
 Multiples institutions, répartition des responsabilités diffuse et manquant de clarté
 Alimentation en eau potable et assainissement (AEPA) : Direction Générale de l’Eau (DGE), relevant du Ministère de l’Equipement et de l’Eau
(MEE) ; Direction de l’Eau et de l’Assainissement (DEA), Direction Générale des Collectivités Locales (DGCL), relevant du Ministère de
l’Intérieur ; Eau Potable/ Office National de l’Electricité et de l’Eau Potable (ONEE).
 Secteur de l’irrigation, en particulier l’application des mesures de limitation des extensions : Agence de Bassin Hydraulique (ABH), Office de
Mise en Valeur Agricole (ORMVA), Directions Régionales de l’Agriculture, Direction Provinciale d’Agriculture (DPA).
 Qualité de l’eau (gestion, suivi, protection) : DGE, relevant du MEE, Ministère de la Santé, ONEE.
 Police de l’eau : Direction Provinciale de l’Eau (DPE), relevant du MEE, ABH.
 Protection contre les inondations : MEE, Ministère de l’Intérieur.
 Entretien et maintenance des barrages : MEE, DPE, ABH.
 Mandats incompatibles, parfois de nature à générer des conflits d’intérêt

1
La gestion de la demande en eau (GDE) vise à inciter à un meilleur usage des offres en eau existantes -via une gestion économe et efficace-, avant d’envisager une augmentation
de l’offre.
 Conception de la politique de l’eau et construction/maintenance des barrages par le MEE.
 Missions de Gestion Intégrée des Ressources en Eau - GIRE (planification, concertation et incitations) et missions régaliennes (gestion du
Domaine Public Hydraulique, police de l’eau, etc., qui relèvent du Service Eau par la DPE) par les ABH.
 Missions de gestion opérationnelle du service de l’eau (à payer en principe par les usagers) et missions régaliennes et d’intérêt général (à payer
par l’Etat) par les ORMVA.
 L’absence d’une fonction d’évaluation régulière basée sur les résultats objectivement constatés par une autorité indépendante constitue
également une faille significative en matière de gouvernance : la loi sur l’eau prévoit la mise en place d’un comité permanent du Conseil
Supérieur de l’Eau et du Climat (CSEC) chargé du suivi de l’exécution des recommandations dudit Conseil, mais ni le CSEC ni le comité ne sont
opérationnels. Ainsi, le Maroc n’a pas de « mécanisme crédible » lui permettant d’appuyer les décisions et de redresser les politiques en matière
de l’eau.
 La prédominance de l’approche ‘top-down’ au détriment de l’inclusion des usagers, de la société civile et des spécialistes dans les
processus de planification et de décision, entrave la transparence dans la gestion de cette ressource. Or, la gestion participative est prévue dans les
lois sur l’eau et sur les associations d’usagers d’eau agricole.
 Les politiques sectorielles ne sont pas harmonisées et n’intègrent pas la durabilité des ressources en eau : il y a un manque de cohérence entre les
orientations stratégiques et les pratiques des secteurs utilisateurs de l’eau d’une part, et le plan national de l’eau d’autre part, en ce qui concerne
aussi bien les quantités d’eau prévues pour ces secteurs que les mesures nécessaires pour la protection de la qualité de la ressource. Le
programme d’extension de l’agriculture irriguée mis en œuvre récemment par le Département de l’Agriculture dans des bassins hydrauliques
déficitaires et bénéficiant de larges subventions en est un exemple éloquent (programme d’extension des plantations de palmiers dans la région
d’Errachidia).
 L’absence d’un Système National d’information sur l’Eau, quoique la loi sur l’eau prévoit sa mise en place.
4. Un financement dépendant du budget de l’Etat

 La gestion de l’eau privilégie l’action via la politique de l’offre au détriment de la demande comme en témoigne l’effort budgétaire étatique y
mobilisé, en particulier à la construction des barrages ;
 Les incitations financières (subventions) ne sont pas toujours alignées avec la gestion de la rareté de l’eau, notamment dans le secteur de
l’irrigation (Plan Maroc Vert, Programme d’extension de l’irrigation) ;
 Les allocations financières à la recherche sur l’eau en général et sur la gouvernance de l’eau en particulier demeurent trop faibles ;
 La contribution des usagers de l’eau au financement des investissements de mobilisation de l’eau et d’irrigation, quoique prévue par la loi, est
faible ; par conséquent, le poids des investissements reste à la charge de l’état ;
 Le système de tarification de l’eau d’irrigation dans les ORMVA ne permet pas la couverture des frais d’exploitation et de maintenance qui
dépendent des subventions de l’Etat, ce qui compromet la durabilité des investissements. De même, les montants des redevances de prélèvement
et de rejet et les taux de leur recouvrement sont faibles, ce qui entrave le bon fonctionnement des ABH et les oblige à dépendre des faibles
subventions de l’État.

II. Recommandations

Au regard des éléments du diagnostic susvisé, il est évident que le Maroc accuse un déficit hydrique important et croissant qui menace directement la
durabilité de ces ressources et l’équité quant à leur accès par les usagers. D’où la nécessité d’un changement radical de la gestion des ressources en eau
fondé sur la prise en compte du fait que la pénurie devient structurelle et non occasionnelle.
La seule voie possible est la mise en place d’une politique de l’eau à la fois volontariste, coordonnée et participative, qui s’articule autour des axes suivants :
1. L’amélioration de la connaissance des ressources hydriques et des retombées du changement climatique
L’amélioration de la connaissance des ressources en eau et des impacts du changement climatique suppose, tout d’abord, de sensibiliser les décideurs et
l’opinion publique aux impacts des changements climatiques en vue d’intégrer cette donne dans toutes les politiques publiques, à même d’accroître la
résilience du pays face à ce phénomène.
Aussi, est-il nécessaire d’accélérer l’établissement et l’opérationnalisation d’un Système National d’Information sur l’Eau, intégré et accessible, avec
la mission de produire, mettre à jour et partager les données et informations sur l’eau et de sensibiliser aux défis de l’eau.
Par ailleurs, il est primordial de renforcer le système Recherche et Développement dans les domaines du climat et de l’eau.
Enfin, il est recommandé de mettre en place un système de comptabilité de l’eau à l’échelle des bassins hydrauliques pour améliorer l’acquisition, le
traitement et l’analyse des informations sur l’eau ; et renforcer l’utilisation des nouvelles technologies internet facilitant le développement de
l'interopérabilité entre les systèmes d'information existants.

2. L’optimisation de la gestion de l’offre


Cela implique, tout d’abord, d’entreprendre une campagne de communication pour faire prendre conscience aux politiciens et au public que le
potentiel d’augmentation de l’offre est très limité et qu’il est désormais nécessaire d’adapter la demande aux ressources en eau renouvelables
disponibles.
Il s’agit, ensuite, d’optimiser le programme de construction de nouveaux barrages grands et petits en ciblant ceux qui ont une efficacité certaine,
une rentabilité économique prouvée et un minimum d’impacts négatifs sur les plans social et environnemental. Il convient également de changer la
politique d’information et de communication relative aux grands barrages pour démystifier l’idée largement répandue chez les politiciens et au sein de la
population considérant la construction de barrages comme une panacée pour résoudre le problème de manque d’eau car dans les bassins clos, un nouveau
barrage ne crée pas de ressource en eau supplémentaire.
Par ailleurs, il est nécessaire d’entreprendre une évaluation approfondie et l’actualisation du Plan National d’Aménagement des Bassins Versants et définir
une nouvelle stratégie et un nouveau programme d’action de lutte contre l’érosion. Il est donc nécessaire et urgent de revoir les politiques de
développement des zones de montagne afin d’atténuer l’impact des activités humaines sur les ressources naturelles de ces régions.
Aussi, est-il primordial de promouvoir le dessalement de l’eau de mer principalement pour l’alimentation en eau potable et accessoirement pour
l’irrigation de cultures à très haute valeur ajoutée dans les zones où les agriculteurs ont la capacité à payer le coût de l’eau dessalée. Il est recommandé
également d’encourager le recours aux énergies renouvelables dans de développement de dessalement de l’eau, en réduisant les coûts facturés par
l’ONEE et en permettant la vente des excédents.
De même, est-il souhaitable de promouvoir la réutilisation des eaux usées épurées, notamment pour l’arrosage des espaces verts, et définir le cadre
institutionnel et financier pour l’amélioration des niveaux de traitement et des performances épuratoires du parc des STEP (Promotion des PPP dans ce sens)
en vue de la réutilisation des eaux épurées en agriculture.
Enfin, il est recommandé, d’une part, de promouvoir l’importation des biens à forte consommation en eau, laquelle est assimilable à une importation d’eau
virtuelle (ex. pastèque, avocat, etc.). (Stockholm International Water Institute), et d’autre part, d’encourager l’investissement dans les «  cloud fishers »
(Pêcheurs de nuages). Il s’agit de panneaux faits de mailles. Ces installations fonctionnent comme des toiles d’araignée géantes. Les gouttelettes d’eau du
brouillard sont “capturées” par cette toile et s’écoulent ensuite vers un réservoir. L’eau récupérée est ensuite traitée pour devenir potable, puis distribuée en
citerne aux habitants des régions arides.

3. Le renforcement de la gestion de la demande


Sur ce registre, il est recommandé, tout d’abord, de réviser les règles d’allocation inter et intra sectorielle de l’eau pour une plus grande équité entre
les différents usages et usagers (eau potable, agriculture et environnement) et pour une meilleure préservation du milieu naturel.
Ensuite, il est préconisé, dans les périmètres de Grande Hydraulique (GH) et de Petite et Moyenne hydraulique (PMH) irrigués principalement à partir des
eaux de surface, de renforcer les programmes d’amélioration de l’efficience hydraulique aux niveaux du transport, de la distribution et à la parcelle
afin de réduire le déficit hydrique par rapport aux besoins des cultures.
Par ailleurs, dans les zones d’irrigation privée où la ressource en eau est surexploitée, il est primordial d’instaurer des périmètres de sauvegarde ou
d’interdiction et y entreprendre une batterie de mesures volontaristes de réduction de la demande en concertation avec les usagers, comprenant
entre autres : la régularisation des points de prélèvement, l’interdiction de l’extension de l’irrigation, le contrôle strict des prélèvements d’eau, la
suppression des subventions à l’extension de l’irrigation. Dans ce sens, il est recommandé de renforcer les moyens de la police des eaux en recourant
éventuellement à un PPP comme dans le cas de la nappe de Chtouka et en utilisant les NTIC (télédétection, drones, télé-relevé, etc.) qui permettent de
réduire les coûts du contrôle.
De même, dans les périmètres urbains, il est important d’intensifier les efforts de détection de fuites et de réhabilitation aux niveaux des systèmes de
transport et de distribution, et adapter la conception et la gestion des espaces verts à la raréfaction des ressources en eau.

4. L’amélioration de la gouvernance
L’amélioration de la gouvernance de l’eau exige, tout d’abord, de libérer le potentiel du cadre légal et réglementaire en accélérant la promulgation des
textes d’application manquants de la loi 36-15 et en veillant à l’application de manière stricte de toutes les dispositions de ces textes , ce qui nécessite
un renforcement significatif des capacités des ABH et l’instauration de mécanismes permettant l’instruction rapide des délits (cours spécialisées, experts
agréés, etc.).
Ensuite, il est nécessaire de clarifier les responsabilités des institutions impliquées dans le secteur de l’eau et harmoniser leurs stratégies. Cela
suppose de séparer les missions de définition des politiques des missions opérationnelles de construction et de gestion des infrastructures, de redynamiser les
instances de concertation et de coordination (CSEC, CIE, CBH, etc.) et d’imposer une évaluation d’impact sur les ressources en eau pour tous les
grands projets d’investissement publics et privés.

La création d’une Agence Nationale de Gestion de l’Eau (ANGE) ayant pour mission de faire converger les politiques publiques et sectorielles avec une
déclinaison régionale par bassin hydraulique est également une recommandation à mettre en place, recommandation prévue, d’ailleurs, par le rapport sur le
NMD. Cette convergence peut être assurée par l’adoption de l’approche Nexus eau-énergie-alimentation qui est une approche globale pour un problème
global. Elle permet de traiter les problématiques de chacun des trois domaines en intégrant ses corollaires dans les deux autres, en s'affranchissant des
limitations qu'imposent forcément la concentration sur une seule approche.
Enfin, il est primordial de responsabiliser les acteurs par la promotion de la participation effective des usagers de l’eau à travers des associations
représentatives et par la mise en place d’un système efficace de suivi-évaluation basé sur les résultats des politiques et programmes du secteur de
l’eau par une entité indépendante. Sachant, bien entendu, que le suivi-évaluation de ces politiques et programmes dépend du système d’information pour
la production d’indicateurs pertinents basés sur des données fiables.

5. L’appui au financement
Il est nécessaire faire contribuer les opérateurs d’eau au financement des ouvrages de mobilisation en vue d’optimiser les investissements, d’alléger le
fardeau de l’État et d’inciter à l’économie d’eau tout en veillant à minimiser l’impact sur les usagers les plus pauvres (subvention ciblée).
Aussi, pour l’ensemble des usagers et des usages, l’accent doit être mis sur la nécessité d’entreprendre des campagnes intensives et soutenues de
sensibilisation sur la valeur de l’eau et sur la nécessité de sa préservation et adopter des systèmes de tarification permettant l’équilibre financier des
opérateurs et incitant à l’économie de l’eau.

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