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La détention avant jugement

La liberté, en tant que bien qui permet de jouir de tous les autres, figure en bonne place au sein des principaux instruments internationaux
relatifs aux droits de l’Homme (DUDH, Pacte international relatif aux droits civils et politiques) et est, à ce titre, consacrée par la constitution
marocaine de 2011.

Dans ce sens, le Code de procédure pénale marocain de 2003 détermine les formes et les conditions dans lesquelles il peut être apporté des
restrictions à la liberté individuelle. Toutefois, le dispositif prévu en guise de garanties au profit de la personne en cause pèche par des
faiblesses qui prennent particulièrement de l’ampleur lorsqu’il s’agit de détention avant jugement ou détention provisoire, mesure qui
consiste en la privation de liberté d’une personne non encore déclarée coupable d’un acte criminel qu’elle est soupçonnée d’avoir commis.

Certes, on s’accorde à reconnaître que la détention avant jugement présente de nombreuses utilités : elle facilite l’instruction en plaçant le
prévenu à la disposition de la justice et en lui interdisant de faire disparaître les preuves, assure la sécurité publique en le mettant hors d’état
de nuire et garantit l’exécution de la peine qui sera prononcée en l’empêchant de prendre la fuite, et le préserve d'éventuelles représailles.
Toutefois, cette conception utilitariste de la détention avant jugement engendre des inconvénients, voire masque souvent les dangers de
l'institution, car il s'agit d'une mesure hautement préjudiciable à la liberté individuelle et au principe de la présomption d'innocence.

La problématique qui se pose alors est de savoir dans quelle mesure la politique pénale marocaine arrive-t-elle à concilier entre les impératifs
de l’ordre public et le respect des libertés individuelles ?

En réponse à cette question, il s’agira d’aborder, en premier lieu, la détention avant jugement en tant que mesure protéiforme (I) avant de
s’attarder, en second lieu, sur cette mesure face aux impératifs du procès équitable (II).

I) La détention avant jugement : une mesure protéiforme

I- Une mesure aux effets préjudiciables nécessitant des réformes urgentes :

Toutes les anomalies que présentent le régime juridique et la pratique judiciaire en matière de détention sont à l'origine de plusieurs
conséquences néfastes (A), qui nécessitent des réformes pressantes (B).

A) Une mesure aux conséquences néfastes :

Le but de la détention préventive, en fin de compte, est de préserver la paix sociale et de combattre la criminalité. Cependant, cette mesure
exceptionnelle a un impact négatif et dangereux :

- Sur le plan économique :

La détention préventive alourdie le budget de l’Etat. En effet, les pouvoirs publics doivent constamment faire face aux dépenses drainées
par le nombre des prévenus.

De plus, un nombre important de prévenus constitue un maillon de tissus économique, et leur neutralisation influe négativement sur les
revenus financiers de leurs proches et des personnes qui étaient en relation d’affaires avec eux, et d’une manière générale sur l’économie du
pays.

- Sur la personne du prévenu :

La détention préventive quel que soit sa durée provoque des pressions psychiques. Plusieurs études confirment que l'expérience de la
détention préventive est très dure et constitue un début de nouveaux problèmes et troubles. Et par conséquent, elle est conçue comme un
point négatif de transformation dans la vie des individus.

Parmi, les troubles que provoque la détention préventive, on cite la déception, l'angoisse…etc. De ce fait la détention préventive contribue à
vider le détenu de sa valeur, de ses ambitions, ce qui le pousse à opter pour des orientations contraires à la loi.

Enfin, cette mesure rend l'inculpé, qui quoique innocenter, coupable envers la société.

- Sur le fonctionnement de l'établissement pénitentiaire :

La détention préventive est considérée comme la cause essentielle de l'encombrement des prisons. En effet la surpopulation est un obstacle
majeur à tout effort de réinsertion des détenus car les infrastructures et les ressources humaines existantes ne peuvent y faire face.

Cette situation rend impossible la séparation des prévenus de ceux déjà condamnés, ce qui constitue déjà une atteinte aux droits des prévenus
qui sont soumis au même régime carcéral que les condamnés, sans compter l'influence négative que ces derniers peuvent avoir sur eux.

Pour remédier à tous ses obstacles qui sapent notre politique criminelle, une réforme audacieuse s'impose.

B) Des réformes protectrices de liberté s'imposent


Des propositions concernant essentiellement trois domaines, le normatif, le matériel et l’humain et que d’ailleurs le projet du CPP toujours
en cours d’étude n’a pas ignoré.

- Sur le plan normatif :

La réduction de la durée de la détention préventive et la limitation du pouvoir discrétionnaire du juge d'instruction et du parquet, tant au
prononcé de la mesure qu’à sa prolongation, qu’il s’agisse des délits ou des crimes.

La mise en œuvre des alternatives à la détention avant jugement prévues par la loi, telles que le placement sous contrôle judiciaire, et
l’instauration de d’autres tels les bracelets électroniques.

Le Remplacement des peines privatives de libertés, par d'autres non privatives de liberté pour les infractions minimes, soustrayant ainsi
automatiquement ces dernières du champ de la détention préventive.

- Sur le plan matériel:

La construction de locaux dédiés spécialement aux détenus préventifs, pour qu’ils soient catégoriquement séparés des condamnés.

La création d'un fond dédié à la réparation des prévenus en cas de non condamnation, et qui aura un double intérêt. D’une part il rendra d’une
certaine manière justice à une personne qui a été injustement privé de sa liberté. D’autre part, il incitera les procureurs et les juges
d’instruction à mieux réfléchir avant d’ordonner la détention préventive ce qui limitera le recours à celle-ci.

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