Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
La théorie des proportions des facteurs a été soumise à des vérifications empiriques et à des
modifications de certaines de ses hypothèses. Elles permettront de rendre compte de ses
limites et serviront à son enrichissement.
A partir de ces éléments, Leontief (1954) calcule le contenu d’1 million de dollars
d’exportations et d’importations américaines en capital et en travail, et fait apparaître que les
Etats Unis exportent des biens relativement intensifs en travail et importent des biens
1
Cherchant à expliquer ce résultat, Leontief avance l’idée (sans remettre en cause la loi de
proportion des facteurs) que le travail étant plus efficient aux Etats Unis qu’ailleurs, il
convenait de l’apprécier non pas en volume absolu mais en équivalent – travail étranger. C’est
ainsi qu’il a considéré qu’à combinaison productive et capital donnés, une année de travailleur
américain correspondrait à trois années de travailleur étranger. Cette hypothèse lui a permis
de multiplier par trois les dotations en facteur travail des Etats Unis et de faire apparaître dans
ce pays une dotation en capital relativement plus faible que celle de nombreux pays. Leontief
est parvenu ainsi à contourner son paradoxe, mais en remettant en cause l’hypothèse de la
parité technologique entre les pays.
1
Leontief, W. (1954) « Domestic Production and Foreign Trade: The American Capital Position Re-Examined »
Economia Internazionale, 3, 3-32
2
En réaction à ces critiques, Leontief avait renouvelé son étude (1956) en introduisant les
éléments ci-après2 :
- Une distinction dans les degrés de qualification du travail,
- L’exclusion de de son échantillon ses industries fortement dépendantes des ressources
naturelles,
- La modification de la manière d’aborder les besoins en capital.
Les résultats obtenus ont été conformes à ceux du premier test et ont relancé l’explication que
Leontief avait avancée le concernant, à savoir que la plus grande productivité du travail
américain semble jouer un rôle décisif dans la détermination de la composition des
exportations et des substituts d’importation des Etats Unis.
L’argument de l’équivalence-travail évaluée à 1 pour 3 en faveur des Etats Unis est cependant
rejeté par un grand nombre d’économistes qui considèrent que cette parité est irréaliste. Pour
d’autres, qui ont cherché des prolongements dans le modèle HOS, l’explication du paradoxe
doit être trouvée dans la remise en cause de certaines des hypothèses du modèle théorique de
base telle que l’homogénéité du facteur travail.
Supposons par exemple le cas d’une économie simplifiée à deux secteurs, l’agriculture et
l’industrie, et à trois facteurs de production, la terre, le capital industriel et le travail. La terre
2
Wassily Leontief (1956) : « Factor Proportions and the Structure of American Trade: Further Theoretical and
Empirical Analysis », The Review of Economics and Statistics, vol. 38, no 4, p. 386-407
3
Samuelson P. (1971), « Ohlin was right », Swedish Journal of Economics, 73 (4) : 365-384
3
est spécifique au secteur agricole (elle ne peut être utilisée dans l’industrie) et le capital
industriel est spécifique à l’industrie (il ne peut être utilisé dans l’agriculture). Le travail est
en revanche un facteur générique dans ce sens qu’il peut être utilisé dans les deux secteurs et
qu’il peut donc se déplacer d’un secteur à un autre.
Dans ce modèle, ce sont les différences de dotations en facteurs spécifiques qui apparaissent
comme les déterminants de l’échange international et qui permettent aux pays de bénéficier
d’avantages comparatifs sectoriels et de se spécialiser en fonction de ces derniers. Comme le
modèle HOS, le modèle à facteurs spécifiques conclut que :
- La spécialisation est incomplète, la mobilité des facteurs étant limitée par leur
caractère spécifique.
- L’ouverture à l’échange modifie les prix relatifs des biens, donc la pente de la
contrainte budgétaire de l’économie.
- La spécialisation affecte la distribution interne des revenus, favorisant les détenteurs
du facteur spécifique sur la base duquel elle a été construite. Il est démontré en effet
que le commerce international bénéficie au facteur de production spécifique au secteur
exportateur de chaque pays ; qu’il détériore la position du facteur de production
spécifique au secteur concurrent des importations ; et qu’il a des effets ambigus sur le
facteur mobile.
Le modèle à facteurs spécifiques rejette en revanche la thèse de l’égalisation des prix relatifs
des facteurs. Il considère en effet qu’en situation de libre échange, les rémunérations relatives
des facteurs peuvent tout au plus se rapprocher mais non s’égaliser.
Appliquée à l’échange international, cette démarche conduit à énoncer que le pays abondant
en capital exportera les biens intensifs en travail qualifié, alors que le pays dont les
disponibilités en travail qualifié sont rares exportera des biens intensifs en travail non qualifié
(Kenen (1965))6. Cette spécialisation fera que la rémunération du travail qualifié augmente
dans le pays abondant en capital et diminue dans le pays pauvre en capital, ce qui peut se
traduire par une fuite des cerveaux (migration du travail qualifié) du 2ème pays vers le premier.
L’approche néo-factorielle va être à l’origine d’une nouvelle génération de tests empiriques,
enrichis par l’approfondissement de la notion de facteur de production ainsi que par
l’amélioration des données statistiques, et qui vont notamment permettre de dépasser le
paradoxe de Leontief. La prise en compte du capital humain va aboutir à une interprétation
différente des résultats de Leontief en montrant que les exportations américaines sont
4
Jaroslav Vanek (1968) « The factor proportions theory: the N-factor case », Kyklos, Volume21, Issue4,
November 1968, Pages 749-756
5
Donald B. Keesing (1971) : « Different countries' labor skill coefficients and the skill intensity of international
trade flows », Journal of International Economics, vol. 1, issue 4, 443-452
6
Peter B. Kenen (1965) : « Nature, Capital, and Trade », Journal of Political Economy, Vol. 73, No. 5, October,
pp. 437-460.
5
intensives en travail qualifié (ce dernier étant considéré comme le résultat de la combinaison
du travail non qualifié et du capital).
Ainsi, lorsqu’un pays connait une croissance d’un facteur de production, c’est la production
du bien intensif dans ce facteur qui croit ; le pays obtient ainsi un glissement de son avantage
comparatif en faveur de ce produit. Ce résultat est connu sous le nom de théorème de
Rybczynski7.
7
T. M. Rybczynski (1955) : « Factor Endowment and Relative Commodity Prices » , Economica, vol. 22, no 88,
novembre, p. 336-341