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Master Sciences Juridiques

Module : Droit Commercial Approfondi


Recherche sous le thème de :

Le nantissement du fonds de commerce :


Une garantie des droits des créanciers

Réalisée par : Encadrée par : Pr EL OUFIR CHAKIB


MOUTAMENI Zineb (T.A)
HSAINE Soumaya (T.A)
ZEROUAL Saad (T.A)
ISMAILI ALAOUI Tarik (T.A)
GAADA Mohammed (T.A)

Année universitaire : 2022/2023


PLAN

Introduction

Partie I : Evaluation du système de nantissement du fonds de commerce au


Maroc :

A. Les droits du créancier nanti

B. La réalisation du nantissement du fonds de commerce

Partie II : Vers une modernisation du système du nantissement : Etude


comparé

A. Les sûretés mobilières en droit allemand

B. Le nantissement en Common Law

Bibliographie
Introduction
Un régime de sûreté efficace constitue un élément fondamental pour tout système
financier. Les transactions sécurisées sont essentielles au développement d’une économie. Elles
offrent un cadre légal à travers lequel les créanciers, sécurisés, peuvent réduire les risques
relatifs à l’octroi de financement ou d’autres formes de crédits destinés aux entreprises.
Dans ce cadre, le nantissement du fonds de commerce illustre la nécessité qu’ont
certains commerçants de donner leur fonds en garantie de leurs dettes, par le biais d’une
inscription effectuée au registre de commerce. Certains auteurs assimilent le nantissement du
fonds de commerce à l’hypothèque mobilière car le système du droit civil ne pouvait convenir
à une sûreté sur le fonds de commerce. Et Comme il s’agit d’un meuble incorporel, et que le
commerçant ne peut pas en abandonner la détention puisqu’il s’agit de son instrument de travail,
il a fallu transposer au fonds de commerce le mécanisme de l’hypothèque des immeubles. Ainsi,
le commerçant débiteur ayant nanti son fonds n’en perd pas pour autant sa possession, il
continue de l’exploiter. C’est dire que la gestion du fonds n’est pas entravée par l’existence
dudit nantissement.
Seul le propriétaire d’un fonds de commerce a la possibilité de constituer sur ce bien un
nantissement. Par conséquent, le locataire-gérant n’a pas cette faculté.
Il peut être conventionnel ou judiciaire. Lorsqu’il résulte d’un contrat passé entre un débiteur
et son créancier. En revanche, le nantissement judiciaire suppose que le créancier ait demandé
au juge l’autorisation de faire inscrire un nantissement sur le fonds.
Certains éléments sont obligatoirement exclus du nantissement du fonds de commerce
comme les créances parce qu’elles ne figurent dans le fonds mais dans le patrimoine du
débiteur, comme les marchandises qui sont indispensables au commerçant pour exercer son
activité ou en raison de leur caractère circulant. D’autres éléments sont nécessairement inclus
dans le nantissement. Ce sont l’enseigne, le nom commercial, le droit au bail, la clientèle et
l’achalandage, les licences d’exploitation, autant dire l’ensemble des éléments incorporels qui
caractérisent le fonds de commerce. D’autres éléments pourront faire l’objet du nantissement à
la suite d’une déclaration expresse. Il s’agit du matériel et de l’outillage, des brevets
d’invention, des marques et des dessins et modèles1.
Cette garantie est fréquemment utilisée en pratique, d’où la nécessité d’un cadre légal
protégeant les deux parties. Celle-ci est donc régie par les articles 106 et suivants du Code de
Commerce.
Ces dispositions ont fait l’objet de réforme en 2019 après la promulgation de la loi 21-18
relative aux sûretés mobilières2 qui a eu pour objectifs de faciliter l’accès des entreprises au
financement notamment les PME, de développer le crédit et réduire son coût, d’améliorer la
transparence et de renforcer la liberté contractuelle tout en assurant la sécurité juridique.

1
M-L RASSAT et G. ROUJOU DE BOUBÉE, Droit des sûretés, Ellipses, 2ème édition, P.282-283.
2
Dahir n° 1-19-76 du 11 chaabane 1440 (17 avril 2019).
La modernisation sans cesse des droits de sûretés pour améliorer son adéquation avec les
besoins économiques est primordial car un marché s’oriente naturellement vers les lieux et les
systèmes où les conditions juridiques lui sont plus favorables3.
L’octroi de crédit se fait, la plupart du temps, en contrepartie d’une garantie permettant
au créancier de recouvrir sa créance en cas de défaillance de son débiteur. A cet effet, le
nantissement du fonds de commerce est-il une garantie suffisante pour protéger les droits
des créanciers ?
Dans cette perspective, la première partie portera sur l’évaluation de mesures offertes
aux créanciers nantis par le droit marocain. Quant à la seconde partie, elle fera l’objet d’une
étude comparé en vue de moderniser le système de nantissement.

Partie I : Evaluation du système de nantissement du fonds


de commerce au Maroc :
Le nantissement du fonds de commerce met à la disposition du créancier un ensemble
de droits (A), lui permettant de demander la réalisation du nantissement en cas du non-paiement
de la dette (B)

A) Les droits du créancier nanti :


En tout état de cause, l’intérêt majeur du nantissement repose sur les droits accordés au
créancier que le nantissement soit conventionnel ou judiciaire.
Le créancier ayant inscrit un nantissement sur un fonds de commerce en garantie d’une
dette qu’a le propriétaire du fonds envers lui, appelé "créancier nanti", "créancier inscrit" ou
encore "créancier gagiste", dispose :

➢ D’un droit de préférence qui lui permet d’être payé en cas de vente du fonds avant
les autres créanciers du propriétaire. En cas de concours de plusieurs créanciers nantis, leur
rang entre eux se détermine par la date d’inscription de leur nantissement, ceux l’ayant
inscrit en premier étant payés avant les autres.

Le créancier nanti passe toutefois après le Trésor Public et après les créanciers ayant un
droit de gage sur le matériel du fonds. D’autant plus que ce droit est peu efficace, car le
créancier n’a ni de droit de rétention ni le droit de se faire attribuer les biens. Il peut
demander à ce que la vente forcée du fonds de commerce soit ordonnée4.

➢ D’un droit de suite lui permettant de suivre le fonds de commerce en quelques mains
qu’il se trouve pour le saisir. C’est-à-dire même lorsqu’il a fait l’objet d’une nouvelle

3
F. MACORIG-VENIER, La modernisation du droit des sûretés : Les propositions de la Commission Grimaldi,
Colloques & débats sur la modernisation du droit des affaires sous la direction de Gérard JAZOTTES, LexisNexis,
P. 46.
4
C. LE GALLOU, Droit des sûretés et droits des procédures collectives, Métiers du droit, Larcier, p.100.
cession. Le tiers acquéreur doit donc prendre garde de « purge » les inscriptions en offrant
le prix de la cession au créancier bénéficiant du nantissement sous peine de se retrouver
déposséder du fonds. La procédure de purge des inscriptions, qui n’est valable que lorsque
la vente du fonds a lieu en dehors des procédures de réalisation du nantissement, obéit aux
formalités définies par l’article 122 du Code de Commerce5.

➢ Du droit à l’information sur toutes opérations susceptibles de menacer le


recouvrement de sa créance :

Le débiteur souhaitant déplacer son fonds de commerce doit aviser le créancier gagiste
quinze jours au moins à l'avance, de son intention de déplacer le fonds et du nouveau siège
qu'il entend lui donner. Si le débiteur défaille dans cette obligation, le créancier est en plein
droit d’exiger le paiement immédiat de sa créance.

Le créancier nanti averti de la volonté de son débiteur de déplacer son fonds de


commerce, peut s’y opposer, s’il est établi que ce déplacement a pour effet de déprécier la
valeur du fonds, et réclamer par la suite le paiement immédiat de sa créance. Si aucune
opposition n’est faite, le créancier gagiste doit faire mentionner en marge de l'inscription
existante, le nouveau siège du fonds. En cas d'omission, le créancier peut être déchu de son
privilège s'il est établi que par sa négligence, il a causé un préjudice aux tiers induits en
erreur sur la condition juridique du fonds de commerce.

➢ Droit de faire ordonner la vente du fonds de commerce qui constitue son gage, et
ces huit jours après sommation de payer, faite au débiteur et au tiers détenteur, s'il y a lieu,
demeurée infructueuse. La demande est portée devant le tribunal dans le ressort duquel est
exploité ledit fonds.

➢ Les garanties assurant la conservation de l’assiette du privilège : Le créancier


nanti dispose de garanties destinées à assurer la conservation de l’assiette de son privilège
qui peut être menacée par les opérations réalisées sur le fonds de commerce. En effet,
certaines opérations peuvent diminuer la valeur du fonds de commerce et par la même
diminuer le gage du créancier inscrit. De ce fait, le code de commerce prévoit des mesures
protectrices qui visent à informer le créancier des modifications affectant le fonds.

Pour la protection des droits des créanciers, l’inscription et la publicité du nantissement


sont donc obligatoire au risque de perdre son privilège. Dans ce cadre, la loi n° 21-18 relative
aux sûretés mobilières a apporté des modifications importantes visant à simplifier la
constitution des sûretés mobilières afin de diminuer les coûts, réduire les délais et faciliter
l’accès des entreprises au crédit.
Pour cela, la loi a créé un registre national électronique des sûretés mobilières. Il s’agit
d’un système de publicité innovant où doivent être inscrites toutes les sûretés sans dépossession
ainsi que certaines sûretés comme la cession de créance, le crédit-bail, l’affacturage, etc.

5
Kaoutar BALBOUL, Youssef LAHJOUJI, Précis de droit commercial marocain, Dar Al Afak, P.188
Pour ce qui est du nantissement du fonds de commerce, même si ce dernier bénéficiait
d’une publicité au registre de commerce, l’article 109 impose son inscription sur le registre
national électronique des sûretés mobilières pour qu’il soit opposable aux tiers. Outre cette
opposabilité, l’inscription va permettre de fixer les rangs des différents créanciers. La question
se pose en l’occurrence sur la possibilité voire l’obligation de continuer à inscrire le
nantissement au registre de commerce. Les articles ne prévoient plus cette obligation. En outre,
les nouveaux articles 109, 110 et 131 du Code de commerce font produire à l’inscription au
registre national électronique des sûretés mobilières les mêmes effets de l’inscription au registre
de commerce à savoir l’opposabilité du nantissement aux tiers et le classement des rangs des
créanciers nantis. Il s’ensuit que le nantissement est valable et est opposable aux tiers par la
seule inscription registre national électronique des sûretés mobilières6.

B) La réalisation du nantissement du fonds de commerce :

À défaut de paiement de la dette garantie, le créancier peut avoir recours à la justice et


demander que soit ordonnée la vente du bien nanti.
En effet, le créancier nanti ne peut, ni par convention ni judiciairement, devenir de plein
droit propriétaire du fonds en cas de non-paiement. Il a seulement la possibilité de le faire
vendre aux enchères publiques (a). Ceci entraine alors certains enjeux affaiblissant la solidité
du nantissement (b).
a) La procédure de la réalisation du nantissement :

• La lettre de mise en demeure


Pour entamer la procédure de réalisation du nantissement, le créancier nanti doit
accomplir certaines formalités. Tout d’abord, il doit mettre en demeure le constituant de payer
les sommes qui lui sont dues. Cette mise en demeure doit comporter certaines mentions à
savoir :
La mention de la déchéance et l’éventualité de procéder à la réalisation de la sûreté ;
le délai permettant le débiteur de régler la somme qui lui est due. Il convient de
préciser à ce niveau que ce délai ne doit en aucun cas être inférieur à 15 jours.
Au cours de ces 15 jours, le constituant peut faire opposition devant le président du
tribunal compétent en sa qualité de juge des référés. Ce dernier peut soit accepter la demande
du constituant soit la refuser. Ainsi, si le président du tribunal remarque qu’il y a un caractère
non sérieux de l’opposition, il peut ordonner la poursuite de la réalisation du nantissement.7
• Cas de la Jurisprudence : Arrêt n° 2303 du 13/11/2001, Affaire n°516/6/2001.
Le tribunal de commerce a refusé la demande d’ordonner la vente du fonds de commerce
faite par le créancier pour motif d’absence de la preuve de réception de lettre de mise en
demeure par le débiteur.

6
Jamal RBII, Actualité - La loi n° 21-18 relative aux sûretés mobilières, LEXISNEXIS, Date : 1 mars 2021
7
Article 1219 du DOC
De cela, la non-réception de lettre de mise en demeure peut être évoquée par le débiteur
pour empêcher ou retarder la vente du nantissement.
Il s’agit donc d’un vice de procédure. A cet effet, le créancier devrait s’assurer et prouver
la réception de la lettre de mise en demeure par le débiteur.
• Les mesures de recouvrement :
Si cette mise en demeure reste infructueuse à l’expiration du délai, le créancier peut
entamer la procédure de la réalisation du nantissement. A ce titre, il doit procéder à l’inscription
de la mise en demeure au registre national électronique des sûretés mobilières qui avise, sans
délai, les autres créanciers nantis inscrits.8
Le tribunal statue dans les quinze jours de la première audience par jugement non
susceptible d’opposition, exécutoire sur minute. Un appel du dit jugement peut être formé par
les parties dans les quinze jours de sa notification et doit être jugé par la cour d’appel dans les
trente jours ; l’arrêt est aussi exécutoire sur minute (article 113 alinéa 8 du code de commerce).
Dès que le tribunal a rendu son jugement ou, en cas d’appel, dès que la cour a statué, la
décision ordonnant la vente du fonds de commerce obéit à des formalités de notifications et de
publicité. Elle doit être notifiée, dans les conditions fixées par le code de procédure civile, par
le secrétaire greffier à la partie contre laquelle cette décision a été prise, et en outre, par le
poursuivant, aux précédents vendeurs. Le secrétaire greffier doit aussi procéder à la publicité
légale de ladite décision et ce, aux frais avancés du poursuivant.9
▪ L’avis de la mise aux enchères :
Un avis de la mise aux enchères doit être établi. Cet avis doit se conformer aux exigences
fixées par les alinéas 3 et 4 de l’articles 115 du code de commerce. Il doit indiquer la date
d’ouverture des enchères, le dépôt des pièces au secrétariat greffe et doit annoncer les
conditions de la vente. Cet avis doit aussi être affiché à la porte principale de l’immeuble ou le
fonds de commerce est situé, dans le cadre spécial réservé aux affiches placées dans les locaux
du tribunal et partout enfin, ou apparait l’opportunité d’un affichage. Cet avis est, en outre,
inséré dans un journal d’annonce légales.
▪ L’adjudication :
L’agent d’exécution de la vente reçoit les offres de prix d’acquisition faites par les
enchérisseurs, jusqu’à la clôture du procès-verbal d’adjudication. Ces offres sont consignées,
par ordre de date, au bas de l’expédition du jugement ou de l’arrêt en vertu duquel la vente est
poursuivie.
L’opération d’adjudication se déroule au secrétariat-greffe qui a exécuté la procédure
dans un délai de trente jours après les notifications de la décision judiciaire de vente de fonds.
Les propriétaires du fonds ainsi que les créanciers inscrits antérieurement à la décision sont, à
cet effet, informés dans les dix premiers jours de ce délai, l’accomplissement des formalités de
publicité et sont invités à comparaitre au jour et à l’heure fixés pour l’adjudication. Ces derniers

8
Article 1219 du DOC
9
Article 115 du Code de Commerce
ainsi que les enchérisseurs qui se sont manifestés doivent aussi convoqués par l’agent
d’exécution, dans les dix derniers jours du même délai, à assister à l’opération d’adjudication.10.
L’adjudicataire doit payer le prix d’adjudication au secrétariat greffe dans un délai de
vingt jours après l’adjudication. L’adjudicataire doit en outre, solder les frais de la procédure
d’exécution qui, dûment taxés par le magistrat, ont été annoncés avant l’adjudication.11
Le prix de l’adjudication est distribué aux créanciers inscrits selon la procédure de
distribution des deniers par l’article 143 à 151 du code de commerce
▪ La vente aux enchères publiques
Lorsque le créancier nanti estime que le prix versé par le sous-acquéreur est insuffisant,
il peut en provoquant la vente aux enchères publiques du fonds, proposer une surenchère du
dixième afin d’acquérir. Cette surenchère, qui ne doit pas être confondue avec la surenchère du
sixième dont disposent les créanciers opposants en cas de vente du fonds de commerce, obéit
aux règles juridiques définies par l’articles 123 à 130 du code de commerce.
▪ Distribution des prix
La procédure de distribution du prix est réglementée aux articles 143 et suivants du Code
de commerce. En effet lorsque les formalités de l'adjudication sont achevées, le règlement doit
intervenir au profit des créanciers inscrits selon le rang de préférence de chacun d'eux. Les
créanciers privilégiés et gagistes priment de droit les créanciers ordinaires. Ils sont en revanche
primés en vertu des dispositions de l'article 1248 du Dahir formant Code des obligations et des
contrats par les créanciers super privilégiés tels que les frais funéraires, de justice et redevances
du trésor.
b) Les enjeux du nantissement du fonds de commerce :

Le nantissement du fonds de commerce permet au commerçant d’obtenir un crédit


contre l’affectation du fonds de commerce en garantie. Toutefois, le fonds de commerce est une
garantie peu sûre dans la mesure où sa valeur est liée à son exploitation. Le plus souvent, le
commerçant ne peut faire face à ses engagements lorsque l’exploitation décline12.

• Le problème de l’évaluation de la valeur du fonds de commerce :


En premier lieu, l’évaluation de la valeur du fonds de commerce est très importante. Les
créanciers sont donc exigeants en ce qui concerne la valeur du fonds de commerce dans lequel
ils sont censés investir.
Devant l’absence de grille d’évaluation et de barèmes, l’estimation la valeur d’un fonds
de commerce est un travail complexe étant donné qu’il n’y a pas de procédure exacte pour cela.
Une étude financière basée sur le chiffre de l’entreprise réalisé durant les trois derniers
exercices comptables. Ensuite, de nombreux paramètres, (état de l’outil de travail, équipe, bail

10
Article 116 du Code de Commerce
11
Article 117 du Code de Commerce
12
F. Lemeunier, Fonds de commerce : Achat et vente Exploitation et gérance, Delmas, 17ème édition, P.125
commercial, positionnement géographique, dynamisme économique local et évolutions
prévues…) viennent impacter sa valorisation.
Vu des éléments qui le composent, déterminer avec exactitude la valeur d’un fonds de
commerce relève de l’impossible. Mais, selon les professionnels, notamment les experts-
comptables qui sont constamment chargés de missions d’évaluation du genre, on peut
s’approcher de la valeur réelle d’un fonds de commerce en se référant au chiffre d’affaires de
l’entreprise réalisé durant les trois derniers exercices comptables ou en essayant d’apprécier les
profits futurs qu’il générera à moyen terme.
Néanmoins, le risque du marché peut diminuer la valeur du fonds de commerce, pour
plusieurs raisons : la concurrence, le problème de stationnement, des travaux de rénovation
dans la rue où se trouve le local commercial etc. Et par conséquent, le bien objet du nantissement
peut subir une dépréciation.
Comment se prémunir contre la dépréciation du bien nanti ?
Le recours à d’autres formes de garanties solide et facilement réalisable sera peut-être
la solution.
• Le recours à d’autres formes de garanties
Comme le nantissement du fonds de commerce ne peut pas porter ni sur les
marchandises, ni sur les immeubles, ni sur le mobilier personnel, les créanciers recourent alors
au gage sans dépossession de la marchandise, à l’hypothèque des biens immeubles, à la caution
solidaire et personnelle du dirigeant du commerçant (débiteur).
✓ Exemple de contrat de prêt en faveur d’une société : nantissement du fonds de
commerce plus la caution solidaire et personnelle du gérant :
Cas de la jurisprudence : l’arrêt n° 26 du 4/01/2004, affaire n°632/3/1/2004
Le créancier a demandé la saisie conservatoire des biens du débiteur sur la base de la
caution solidaire et personnelle effectuée au moment de l’octroi du prêt, mais la Cour a refusé
le recours abusif à la caution personnelle et la saisie des biens du débiteur car la valeur du fonds
de commerce couvre largement la dette.
Il en résulte de ce qui précède que malgré la réforme, le nantissement du fonds de
commerce peut être considéré comme une garantie insuffisante pour garantir le paiement de la
dette, ce qui met en question la solidité de cette garantie.
Cela implique la recherche des solutions palpables permettant la protection des intérêts
économiques des parties.
Le législateur vise à équilibrer entre les intérêts du débiteur et du créancier tout en leurs
laissant une marge de liberté contractuelle. L’intérêt est la recherche d’une sureté attractive et
efficace, donc il sera judicieux d’étudier les solutions adoptées par le droit comparé.
Partie II : Vers une modernisation du système du
nantissement : Etude comparé
Le droit des sûretés doit arbitrer de délicats conflits d’intérêts, en l’occurrence ceux des
créanciers à la recherche de sûretés efficaces et ceux des constituants soucieux de bénéficier de
mesures de protection contre les bénéficiaires des garanties conventionnelles.
Une connaissance du droit des sûretés des pays étrangers présente des intérêts pour opter
pour droit propice et capable de réduire les risques auxquels fait face le monde des affaires 13.
A cet égard, une analyse du système allemand (A) et du Common Law (B) feront l’objet de
cette partie.

A) Les sûretés mobilières en droit allemand :

Le droit allemand ne prévoit pas une institution comparable au fonds de commerce.


Toutefois, il adopte une approche qui s’oriente vers la protection des créanciers et notamment
dans une procédure collective. Et donc, la constitution de sûretés peut porter sur les différents
éléments qui composent l'entreprise.
Le droit allemand des sûretés réelles mobilières se révèle tout à la fois original et
complexe. Les praticiens ont pu développer des sûretés mobilières ayant pour vocation à
accompagner indifféremment tout crédit à court ou à moyen terme. Ainsi, la réserve de propriété
permet de garantir le prix de vente de marchandises ou de biens d'équipement, en d'autres
termes, d'être utilisée en matière de crédit-fournisseur. Quant aux crédits bancaires, ils sont
garantis par des sûretés reposant sur le transfert de propriété du bien affecté en garantie, la
Sicherungsübereignung si le bien est corporel, la Sicherungsabtretung lorsque le bien cédé est
une créance.
a) La réserve de propriété14 :
La réserve de propriété (prévue au § 449 du Code civil allemand (Bürgerliches
Gesetzbuch, BGB)) est un mécanisme fréquemment employé en droit allemand qui permet au
vendeur, en garantie de sa créance, de se réserver la propriété de la chose vendue jusqu’au
paiement intégral du prix par l’acheteur. La clause de réserve de propriété est donc considérée
comme une sûreté réelle et constitue un droit réel de garantie. En effet, le transfert de la
propriété joue ici le rôle de garantie de paiement, c’est-à-dire que la propriété, droit réel
principal, devient droit réel accessoire.
Elle permet de créer un équilibre entre les intérêts de l’acheteur et du vendeur. En effet,
l’acheteur obtient la possession ainsi qu’un droit en cours d’acquisition (Anwartschaftsrecht)
sur la chose, avant d’avoir payé celle-ci, tandis que le vendeur (du fait de la transaction
incomplète) reste propriétaire de la chose et bénéficie d’une protection contre l’action des autres
créanciers de l’acheteur.

13
C. Witz, Le droit des sûretés réelles mobilières en en République Fédérale d'Allemagne, Revue internationale
de droit comparé, Vol. 37 n°1, Janvier-Mars 1985, p.28-29
14
Tania Stamenkovic, La réserve de propriété en droit allemand et en droit français, article publié le
27/06/2013 sur Les blogs pédagogiques, www.parisnanterre.fr.
On peut distinguer deux formes de réserve de propriété : la clause de réserve de propriété
prolongée (verlängerter Eigentumsvorbehalt), la clause de réserve de propriété élargie
(erweiterter Eigentumsvorbehalt).
• La clause de réserve de propriété prolongée (verlängerter
Eigentumsvorbehalt) :
Le droit allemand considère que le bien est amené à circuler au sein du système
économique et admet donc le fait que celui-ci soit transformé ou revendu. Le système
germanique a donc prévu la clause de réserve de propriété prolongée.
Dans le cadre de la transformation du bien, le § 950 BGB prévoit normalement que celui
qui a fabriqué le nouveau produit en devient propriétaire ; cette règle est impérative. Mais, grâce
à la clause de réserve de propriété prolongée, analysée dans ce cas comme une clause de
transformation (Verarbeitungsklausel), les parties au contrat de vente peuvent tout de même
décider que la transformation du bien est effectuée pour le compte du vendeur. Ainsi ce dernier
prolonge son droit de propriété sur le nouveau bien.
Lorsqu’il s’agit d’une revente, la clause de réserve de propriété prolongée autorise le
débiteur à revendre le bien affecté en garantie ; mais il cède alors au vendeur toutes les créances
dont il bénéficie du fait de la revente.
• La clause de réserve de propriété élargie (erweiterter Eigentumsvorbehalt) :
Dans le cadre de la réserve de propriété élargie, le droit allemand a par ailleurs autorisé
la clause de compte courant (Kontokorrentvorbehalt), dont la condition n’est pas le paiement
de la seule créance de prix mais le paiement d’un ensemble de créances. Ainsi lorsque les parties
entretiennent des relations commerciales continues (courant continue de livraisons et de
créances) et qu’il existe un compte courant, le vendeur a la possibilité de se réserver la propriété
du bien jusqu’à ce que le débiteur paye la totalité des créances résultant des relations entre les
parties.
b) Les transferts à titre de garantie :
Les prêteurs d'argent ont rapidement délaissé la seule sûreté réelle mobilière prévue à
leur intention par le B.G.B., à savoir le gage (Pfand) au profit de l'aliénation de propriété à titre
de garantie (Sicherungsübereignung) et de la cession de créance à titre de garantie
(Sicherungsabtretung).
• L'aliénation de propriété à titre de garantie (Sicherungsübereignung) :
Ce mécanisme est prévu par les articles 929 et 930 du B.G.B. L'aliénateur à titre de
garantie peut rester en possession du bien par l'effet d'un constitut possessoire et continuer ainsi
à l'exploiter. Dès que le prêt est remboursé, le constituant redevient propriétaire du bien. A cette
fin, les parties ne recourent pas, en règle générale, au mécanisme de la condition qui permettrait
d'assurer un retransfert automatique, mais prévoient à la charge du bénéficiaire une obligation
de retransférer le bien (Rückübertragungsp flicht).
Les biens aliénés à des fins de garantie peuvent être de biens isolés ou d'un ensemble de biens
meubles. Il suffit qu’ils aient été déterminés avec précision par les parties.
• La cession de créance à titre de garantie (Sicherungsabtretung) :
La Sicherungsabtretung qui joue un grand rôle comme forme prolongée de la réserve de
propriété et, à un degré moindre, de l'aliénation fiduciaire de propriété, a pris un essor
remarquable en tant que sûreté autonome pour garantir les crédits bancaires. Deux formes
distinctes se sont développées, la cession-cadre (Mantelzession) et la cession globale
(Globalzession).
Par la cession-cadre, le débiteur s'engage à céder à concurrence d'un crédit à garantir,
des créances existantes ou à naître. La cession ne s'opérera que dans un second temps, soit par
la transmission à la banque de listes récapitulant les créances cédées ou de copies de factures,
soit par leur comptabilisation sur un compte spécial tenu par le cessionnaire. Grâce à la
décomposition de l'opération en deux stades, la cession-cadre assure une parfaite adéquation de
l'assiette de la sûreté au montant du crédit à garantir, ce qui permet d'écarter tout risque de sûreté
excessive et les conséquences néfastes qui en résultent. Mais la portée de cet avantage est
amoindrie par plusieurs inconvénients de nature à compromettre l'efficacité de la sûreté. D'une
part, les créances que le client s'est engagé à céder ont pu faire l'objet d'une cession antérieure
; en vertu du principe de priorité (Prioritätsprinzip), l'emportera celui qui s'est fait céder les
créances en premier. D'autre part, le client peut se rendre coupable de négligence dans
l'établissement des documents constatant les cessions intervenues, ce qui oblige les banques à
exercer un contrôle très strict.
Il n'est dès lors pas surprenant que les banquiers recourent davantage à la cession
globale, dont le développement est à l'origine de multiples conflits avec les bénéficiaires de
clauses de réserve de propriété prolongée que les tribunaux ont dû arbitrer.
A la différence de la cession-cadre, la cession globale ne se décompose pas en deux
stades : elle emporte par elle-même cession des créances existantes et futures. Dans ce type de
contrat, il est généralement prévu que l'emprunteur cède au banquier les créances existantes et
futures dont il est ou sera titulaire à l'encontre des clients d'une ville ou d'une région déterminée,
ou encore dont le nom commence par certaines lettres de l'alphabet. Ces indications suffisent
pour que les créances puissent être considérées comme déterminées.
Qu'on soit en présence d'une cession globale ou d'une cession-cadre, le cédant garde le
pouvoir d'encaisser les créances cédées. En effet, la cession n'est pas en règle générale portée à
la connaissance des tiers. Le banquier ne notifiera la cession aux débiteurs cédés, afin de
pouvoir encaisser directement les créances, qu'en cas de défaillance du cédant. A cette fin, les
contrats-types autorisent le banquier à informer les débiteurs cédés selon son appréciation
équitable (nach billigem Ermessen). Cette possibilité de constituer une sûreté occulte qui
apparaîtra au grand jour en cas de besoin, explique l'essor de la cession à titre de garantie et le
rôle secondaire joué par le gage sur créances.
B) Le nantissement en Common Law :

Le nantissement, appelé "security interest" ou "charge" en Common Law, est une


garantie prise sur un bien (en général, un bien mobilier) pour sécuriser le remboursement d'une
dette ou l'exécution d'une obligation.
a) Les spécificités du nantissement en Common Law :
Types de charges : Il existe deux principaux types de charges en Common Law, les
charges fixes (fixed charges) et les charges flottantes (floating charges). Les charges fixes
portent sur des biens spécifiques et identifiables, tandis que les charges flottantes portent sur un
ensemble de biens qui peuvent changer au fil du temps
Perfection : La perfection est une étape cruciale pour rendre un nantissement opposable
aux tiers. La perfection peut être réalisée de différentes manières, notamment par la possession
ou le contrôle du bien nanti, l'enregistrement auprès d'une autorité compétente ou par
notification au débiteur.
Priorité : La priorité détermine l'ordre dans lequel les créanciers seront remboursés en
cas de défaut du débiteur. En Common Law, la règle générale est que le premier créancier à
avoir parfait son nantissement a priorité sur les autres créanciers. Cependant, il existe des
exceptions, notamment en cas de charges flottantes ou de dispositions légales spécifiques.
b) Les procédures de réalisation :
En cas de défaut du débiteur, le créancier bénéficiant d'un nantissement en Common
Law peut réaliser sa garantie pour récupérer la somme due. Les procédures de réalisation varient
en fonction de la juridiction et du type de charge. Voici quelques-unes des procédures possibles
:
Vente du bien nanti : Le créancier peut vendre le bien nanti pour récupérer la somme
due. La vente doit généralement être effectuée de manière commercialement raisonnable, et le
créancier doit en informer le débiteur et les autres parties intéressées.
Prise de possession : Le créancier peut prendre possession du bien nanti et l'utiliser
pour générer des revenus afin de récupérer la somme due. Cette option est plus fréquente dans
le cas des charges fixes.
Nomination d'un administrateur ou d'un liquidateur : Dans le cas des charges
flottantes, le créancier peut nommer un administrateur ou un liquidateur pour gérer et vendre
les biens de l'entreprise débitrice.
Faire valoir ses droits en justice : Le créancier peut également intenter une action en
justice pour obtenir un jugement et faire exécuter le nantissement.
c) Les événements modifiants le nantissement en Common Law :
Les événements de défaut : sont des circonstances qui, lorsqu'elles se produisent,
permettent au créancier de réaliser la garantie. Les événements de défaut peuvent être
contractuellement définis et varient en fonction des accords entre les parties. Parmi les
événements de défaut courants, on trouve le non-paiement de la dette, la violation des clauses
contractuelles, la déclaration de faillite ou l'insolvabilité du débiteur.
Redressement des garanties : En cas de défaut du débiteur, le créancier bénéficiant
d'un nantissement en Common Law peut exercer des droits de redressement pour récupérer la
somme due. Cela peut inclure l'accélération de la dette, c'est-à-dire exiger le paiement immédiat
de la totalité de la dette, même si elle n'était pas encore échue.
Possibilité de renonciation et de modification : Les parties peuvent, par accord
mutuel, renoncer à certains droits ou modifier les termes du nantissement. Cela peut inclure la
modification des événements de défaut, l'extension des délais de paiement ou la modification
des actifs couverts par le nantissement.

Il est important de noter que les lois et réglementations régissant le nantissement en


Common Law peuvent varier d'une juridiction à l'autre. C’est le plus grand souci des banques
et firmes multinationales implantées dans les pays Anglo-Saxons qui dédient de grands budgets
aux conseillers juridiques spécialisés dans les lois locales surtout aux Etats-Unis mais aussi
dans les autres pays du Commonwealth.
Bibliographie :
➢ Kaoutar BALBOUL, Youssef LAHJOUJI, Précis de droit commercial marocain, Dar
Al Afak.
➢ Cécile LE GALLOU, Droit des sûretés et droits des procédures collectives, Métiers du
droit, Larcier.
➢ F. LEMEUNIER, Fonds de commerce : Achat et vente Exploitation et gérance, Delmas,
17ème édition.
➢ Francine MACORIG-VENIER, La modernisation du droit des sûretés : Les
propositions de la Commission Grimaldi, Colloques & débats sur la modernisation du
droit des affaires sous la direction de Gérard JAZOTTES, LexisNexis.

➢ Michèle-Laure RASSAT et Gabriel ROUJOU DE BOUBÉE, Droit des sûretés, Ellipses,


2ème édition.
➢ Jamal RBII, Actualité - La loi n° 21-18 relative aux sûretés mobilières, LEXISNEXIS,
Date : 1 mars 2021.
➢ Tania Stamenkovic, La réserve de propriété en droit allemand et en droit français, article
publié le 27/06/2013 sur Les blogs pédagogiques, www.parisnanterre.fr
➢ Claude Witz, Le droit des sûretés réelles mobilières en en République Fédérale
d'Allemagne, Revue internationale de droit comparé, Vol. 37 n°1, Janvier-Mars 1985.

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