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La vente
Il va sans dire que le plus important des contrats est celui de la vente et de la propriété. Il en
est ainsi car il est le plus usuel des contrats . Le commerce a d’abord consisté à donner une
chose pour une autre en fonction des besoins de chacun. Le troc, l’échange en ont
probablement étaient les premières manifestations présentant une signification juridique. Le
glissement du troc vers la vente est venu de l’utilisation d’objets communs comme mesure des
échanges, comme l’argent ou encore l’orge à Babylone.
Le code des obligations et des contrats lui consacre une place importante, les règles la
régissant s’étendent sur plusieurs articles (article 478 à l’article 618-20).
Définition.
Le code des obligations et des contrats dans son article 478 définit lui-même la vente comme
étant « un contrat par lequel l’une des parties transmet la propriété d’une chose ou d’un droit
à l’autre contractant contre un prix que ce dernier s’oblige à lui payer ». La définition que le
code marocain a attribuée à la vente est certes similaire à celle donnée par le code civil
français dans son article 1582 selon laquelle « la vente est une convention par laquelle l’un
s’oblige à livrer une chose à l’autre à la payer ». Néanmoins, la définition marocaine paraît
plus précise en ce qu’elle élargit le domaine de la vente, celle-ci comprend non seulement le
transfert de propriété des choses mais aussi des droits financiers qu’ils soient matériels ou
immatériels tels les propriétés littéraire et artistique.
Caractères.
L’article 478 nous permet de dégager les caractères propres du contrat de vente. On sera par
la même occasion amené à distinguer le contrat de vente de quelques autres contrats ayant des
caractères en commun avec la vente.
- L’effet caractéristique de la vente est sans doute le transfert de la propriété d’une
chose : le contrat de vente transfère un droit réel du patrimoine du vendeur dans le
patrimoine de l’acheteur. C’est l’effet typique de ce contrat. Il opère une première
dissociation de la vente, d’autres contrats portant mise à disposition d’une chose mais
dénués d’un tel effet comme le bail qui emporte une simple mise à disposition d’une
chose à titre provisoire.
De même la distinction peut être faite entre la vente et le prêt. Le contrat de prêt
comporte une obligation de restitution qui normalement exclut l’idée d’un transfert de
propriété.
La vente et le mandat – contrat par lequel le mandataire conclut des actes juridiques
au nom et pour le compte du mandant- n’entretiennent, a priori, aucune relation
équivoque. il arrive pourtant que l’on ne sache pas toujours très bien si la personne qui
contracte intervient en son nom propre et pour son propre compte ou comme
représentant : on peut citer un exemple dans le secteur de la distribution commerciale.
Le distributeur des produits d’un fournisseur pouvant intervenir en tant que mandataire
(agent commercial) ou distributeur indépendant (franchisé) qui achète et revend.
- Il s’agit aussi d’un contrat synallagmatique puisqu’il met des obligations à la charge
des deux parties. Le transfert de propriété et le paiement du prix. Il s’agit aussi d’un
contrat conclu à titre onéreux. Le prix est une contrepartie monétaire que l’acquéreur
s’engage à payer en réciproque au transfert de propriété dont il bénéficie. La présence
de cette contre-prestation permet de distinguer la vente d’autres contrats qui
produisent également un effet translatif de propriété telle la donation. On voit bien
que le vendeur n’est pas un philanthrope. Une convention opérant transfert de
propriété sans contrepartie n’est pas une vente mais une donation. Le donateur étant
inspiré par l’intention libérale de gratifier qui est une condition décisive pour qualifier
la donation.
Introduction.
La vente comme toutes les autres conventions doit réunir les quatre éléments essentiels que
sont le consentement et la capacité des parties, la cause et l’objet du contrat (article 2 du
COC).
Cependant l’extrême importance pratique de la vente et la grande variété des objets sur
lesquels elle peut porter conduit à un approfondissement ou un affinement de sa formation.
Ainsi les éléments indispensables de la vente sont énoncés à l’article 488 du COC, celui-ci
énonce « la vente est parfaite entre les parties dès qu’il y a consentement des contractants,
l’un pour vendre, l’autre pour acheter, et qu’ils sont d’accord sur la chose, sur le prix et sur
les autres clauses du contrat ».
Le contrat de vente est un contrat instantané, mais la pratique révèle que cet accord peut être
différé, aménagé et finalement que le temps a prise sur la vente. Dès lors que la vente sera
pour les parties une convention d’importance majeure, elles prépareront souvent leur accord
dans le cadre d’un avant-contrat ; cette formule n’est sans doute pas propre à la vente, mais
c’est à propos de la vente qu’elle est le plus développée et que son étude doit être menée.
L’analyse classique voit dans la promesse de convention un accord préparatoire dont l’étude
est associée à la formation du contrat de vente. Mais la neutralité de cet avant-contrat n’en
réserve pas l’application au seul contrat de vente : il existe des promesses de bail, de prêt, et
d’autres. Il reste que c’est la pratique notariale spécialement des promesses de vente, qui a
donné ses lettres de noblesse à cet avant contrat.
L’unicité de la formule occulte une dualité de situations : il est des promesses unilatérales de
vente, prototype du genre, dans lesquelles une seule partie s’engage, l’autre disposant d’une
faculté de choix, d’une option (1), des promesses synallagmatiques de vente pour lesquelles
les deux parties s’engagent d’ores et déjà au futur contrat (2).
Définition : Le « compromis » de vente est le contrat par lequel une personne, le promettant
s’engage à conclure un contrat de vente à des conditions déterminées au profit de son
partenaire, le bénéficiaire qui s’engage à acheter auxdites conditions. A la différence de la
promesse unilatérale de vente, le bénéficiaire manifeste d’ores et déjà son acquiescement à la
vente qui rejoint alors l’offre du promettant. La promesse synallagmatique de vente apparaît
comme l’instrument permettant aux parties dont le consentement est d’ores et déjà acquis
d’aménager l’exécution, voire la formation de leur contrat de vente.
Le pacte de préférence est un avant contrat par lequel un promettant s’engage, pour le cas où
il se déciderait de conclure un contrat donné, à en faire prioritairement la proposition au
bénéficiaire. « Si je vends, je vous préfère ». Le débiteur du pacte étant en charge d’une
obligation de ne pas faire (de ne pas contracter avec autrui de préférence à…) sans que la
décision de contracter n’ait encore été arrêtée. Parmi les avant-contrats le pacte de préférence
constitue la figure la moins contraignante.
La différence essentielle entre la promesse unilatérale et le pacte de préférence réside dans
l’engagement du promettant qui s’engage à vendre dans le premier cas, et à accorder
seulement une priorité dans le second
&3. Le contrat préliminaire à la vente
Outre les promesses et le pacte de préférence, il existe une autre figure des avant-contrats qui
se transforme par la suite à un contrat définitif. Il s’agit du contrat préliminaire qui prépare
souvent la vente d’un immeuble à construire à usage d’habitation ou professionnel. Ce contrat
préparatoire est également dit un contrat de réservation en vertu duquel le réservataire qui est
le candidat acquéreur verse une somme en tant qu’un dépôt de garantie, le réservant qui est le
vendeur éventuel, quant à lui, il n’est tenu que de réserver l’immeuble ou la partie en question
au réservataire comme dans un pacte de préférence.
.
Section 1. La rencontre des volontés
La rencontre des volontés résulte de l’échange des consentements des deux parties. Ces
consentements relèvent du droit commun des obligations. Le consentement doit émaner de
personnes capables. Il ne doit ni être entaché d’erreur, ni surpris par dol. Ce sont les qualités
que doit revêtir le consentement de manière générale, elles sont communes à tous les contrats.
L’article 481 énonce aussi l’interdiction faite aux courtiers et experts de se rendre
acquéreurs des biens meubles ou immeubles dont la vente ou estimation leur a été confiée
sous peine de nullité. Le code de commerce reprend la même interdiction concernant
également le commissionnaire (qui reçoit pouvoir pour agir en son nom propre pour le
compte du commettant) qui ne pourra se porter contrepartie sans l’autorisation du commettant
aux termes de l’article 427 du code de commerce.
Comme on pourrait le constater ces incapacités sont le plus souvent liées aux fonctions de
l’acheteur dont on craint qu’il puisse abuser pour servir ses intérêts.
Pour les mêmes considérations les juges et les gens de justice (les greffiers, les huissiers, les
notaires, avocats) ne peuvent acquérir des droits litigieux dans leur ressort juridictionnel.
Cette règle est fondée sur des considérations de morale publique.
La chose, objet du contrat de vente doit être déterminée ou déterminable (A), elle doit être
licite (B); la chose doit également et d’évidence exister, mais ce propos doit être nuancé afin
de permettre la vente de choses futures (C).
On ne peut vendre que ce qui est à soi. Il y a une célèbre règle selon laquelle « nul ne peut en
principe transférer plus de droit qu’il n’en a ». L’affirmation soulève le problème de la vente
de la chose d’autrui régie par l’article 485 du COC.
Définition. Il paraît simple a priori de définir la vente de la chose d’autrui. La chose d’autrui
est celle sur laquelle le vendeur n’a pas de droit. La vente de la chose d’autrui est donc une
vente qui vise au transfert d’un droit dont le vendeur n’est pas titulaire.
L’article 485 valide la vente de la chose d’autrui si celle-ci satisfait aux deux conditions
suivantes :
- Si le maître la ratifie
- Si le vendeur acquiert ensuite la propriété de la chose.
Si le maître refuse de ratifier, l’acquéreur peut demander la résolution de la vente. L’article
ajoute que le vendeur est tenu des dommages et intérêts lorsque l’acquéreur ignorait au
moment de la vente que la chose était à autrui.
Cette solution appelle plusieurs remarques.
Il faut noter tout d’abord que la vente de la chose d’autrui est nulle d’une nullité relative en
droit français sur le fondement de l’article 1599 du code civil. Le législateur marocain quant à
lui a opté pour une solution différente : c’est la résolution de la vente. Cette solution est
critiquée par une majeure partie de la doctrine marocaine dans la mesure où elle est
considérée comme ne convenant pas à la nature du contrat de vente. Ainsi un contrat de vente
dans lequel le paiement du prix a été effectué sans que l’effet translatif de propriété n’ait pu
être produit est un contrat qui manque de cause. L’absence de cause devrait être en principe
sanctionnée par la nullité.
Il importe donc de s’intéresser aux effets de la vente de la chose d’autrui que ce soit à l’égard
du vendeur et de l’acheteur ou encore vis-à-vis du propriétaire.
L’idée qu’une vente puisse intervenir sur une chose incorporelle suscite encore un certain
scepticisme chez une partie de la doctrine, spécialement s’agissant des conventions mettant en
cause des droits dits intellectuels.
Les choses incorporelles ( œuvres de l’esprit, savoir-faire, signe distinctif…) sont aujourd’hui
des valeurs dont l’importance ne cesse de croître, le droit de propriété est dit incorporel ou
intellectuel à raison du support précisément immatériel de la valeur, il n’en reste pas moins un
droit de propriété bien dissocié du droit de propriété « corporel » qui, lui porte sur le support
matériel ( livres, disques ou disquettes…).
L’analyse menée en vue de la qualification des contrats sur ces biens doit rester indifférente à
la nature incorporelle du bien, elle doit être sensible en revanche à l’effet translatif que ces
contrats sont susceptibles d’opérer : les cessions de droit d’auteur, de brevet ou de marque qui
entrainent transfert de ce droit, ou seulement de certaines de ses utilités, du patrimoine du
cédant dans celui du cessionnaire s’analysent en contrat de vente ; l’absence d’effet translatif
conduira à une qualification en terme de louage de chose.
Section 3. Le prix
Le prix est une contrepartie monétaire que l’acquéreur s’engage à payer en réciproque au
transfert de propriété dont il bénéficie. La présence de cette contre-prestation permet de
distinguer la vente d’autres contrats qui produisent également un effet translatif de propriété.
Il en va du prix comme de la chose. La vente est parfaite dès que les parties se sont accordées
sur ces éléments essentiels (art.488 du COC).
L’existence d’un prix est un élément indispensable à la vente : à défaut le contrat ne peut pas
recevoir cette qualification (paragraphe 1). En présence même d’un prix, et donc dans le
cadre d’une qualification de vente, le montant de ce prix, en principe libre, donne lieu à
certaines règles (paragraphe 2).
« Pas de vente sans prix ». Le prix dans la vente a un contenu plus strict que dans le langage
courant ou même dans d’autres contrats : ce n’est pas n’importe quelle contrepartie, mais
seulement celle qui consiste dans le versement d’une somme d’argent. Cette règle est fixée
par le COC dans plusieurs articles (478 ; 487 et 488). C’est en cela que la vente,
indissociablement liée à la monnaie se distingue d’autres contrats, comme l’échange ou
l’apport en société.
Pour exister, ce prix doit d’abord être déterminé (A) et ensuite être réel et sérieux (B).
A. Le prix doit être déterminé
Il s’agit d’une exigence structurelle au contrat. Cette règle est expressément posée par l’article
487 du COC « le prix de la vente doit être déterminé ».
Fixation par les parties. L’article 487, outre qu’il pose la règle de la détermination du prix
dans le contrat de vente ajoute que sa détermination ne saurait être faite par un tiers au
contrat. Il s’agit d’affirmer la nécessité de fixer le prix par les parties contractantes elles-
mêmes. Il appartient en principe aux parties d’évaluer la chose ; elles ne peuvent s’en remettre
à une évaluation judiciaire, la mission du juge n’est pas de parfaire un contrat incomplet. Elles
ne peuvent non plus s’en remettre à une tierce personne. (Sur ce point le droit marocain
diffère largement du droit français qui permet aux parties de confier le soin de fixer le prix à
un tiers appelé arbitre ou expert qui est en réalité un mandataire commun des deux parties qui
l’ont chargé ensemble d’une mission à effet juridique (article 1592 du Code civil)).
Le prix réel s’oppose au prix fictif c'est-à-dire au prix apparent, simulé. Les parties
s’accordent pour que le prix stipulé dans le contrat soit différent de la contrepartie réellement
versée dont elles prévoient le quantum dans le cadre d’une contre-lettre. Souvent le prix fictif
est inférieur au prix réel, la différence constitue le « dessous de table » que connaissent les
ventes immobilières et de fonds de commerce afin de réduire l’assiette des droits fiscaux à
payer (droits d’enregistrement pour l’acheteur, et la plus-value pour le vendeur TVA).
En tant que contrat de vente, l’absence intégrale de prix condamne l’acte.
Le prix sérieux est un prix non dérisoire ou vil. En principe, la liberté contractuelle permet
aux parties de stipuler le prix qui leur convient, et le juge n’a pas le pouvoir d’exercer un
contrôle sur l’équilibre économique du contrat. Il ne peut y avoir vente si le prix convenu,
quoique réellement versé, est tellement minime qu’il ne constitue pas une véritable
contrepartie. On dit alors que la vente est consentie « à vil prix ». Il y a vil prix lorsque le
montant est si dérisoire qu’il équivaut en réalité à une absence de prix : ce n’est donc pas une
simple insuffisance de prix qui est en cause mais une inexistence réelle. L’exemple classique
est celui du prix symbolique fixé à 1Dh : il n y a alors pas vente sauf si la chose est réellement
dépourvue de valeur
Paragraphe 2. Le montant du prix
dès lors que les parties sont capables et que leur consentement n’a pas été vicié par dol ou
violence, le prix qu’elles ont fixé s’impose à elles sans que le juge puisse le rectifier au motif
qu’il le trouverait injuste.
L’exception. L’exception au principe précédent réside dans la prise en compte par le code de
la lésion dans certains cas. La lésion peut être définie comme le préjudice que subit l’une des
parties à un contrat à titre onéreux du fait du déséquilibre entre les prestations réciproques et
ce dès la formation du contrat. Le COC l’a retenu dans quelques cas prévus dans les articles
55 et 56. La lésion ne donne lieu à la rescision que dans les cas suivants :
- lorsque la lésion a été causée par le dol de l’autre partie
- lorsque la partie lésée est une personne mineure ou un incapable sans condition de dol.
Il faut cependant que la différence soit supérieure au tiers entre le prix payé et la
valeur effective de la chose.