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Les limites des modalités de financement des
Coopératives au Maroc

Maroua ZINEELABIDINE
PHD en Sciences de Gestion à la FSJES-Agdal, Université Mohammed V de
Rabat
Maroua.zineelabidinee@gmail.com

Mohammed HASSAINATE
PES à la FSJES-Agdal, Université Mohammed V de Rabat
hassainate@gmail.com

RESUME
La notion de financement est comprise comme la recherche des moyens financiers, c'est-à-
dire, l'approvisionnement en capital. Cet approvisionnement montre quelle partie du capital de
l'entreprise constitue l'apport propre des sociétaires et laquelle est l'apport étranger. Il est
nécessaire que chaque entreprise, coopérative ou non, dispose d'assez de capital afin de
pouvoir développer les activités projetées. En d'autres termes, afin de pouvoir participer à la
vie économique, il faut que la coopérative soit assez solvable. Dès le début, le terme
"financement des coopératives" a été d'une importance considérable. Il est question de savoir
comment les coopératives, comprises généralement comme des associations de personnes à
faible revenu qui visent une amélioration de leur situation économique en recherchant des
possibilités de promotion, pouvaient-elles rassembler les moyens financiers nécessaires au
développement de leurs activités en tenant compte des limites que peut dégager chaque mode
de financement. La réponse à cette question est faite à travers une recherche théorique et une
étude qualitative auprès d’un échantillon de coopératives à travers lequel on a pu détecter les
limites financiers dont peuvent faire face les coopératives objets de l’étude.

Mots clés : Economie sociale et solidaire, modes de financement, coopératives, structure


financière, ressources financières.

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Introduction
Les organisations paysannes modernes appréhendées sous l'aspect coopératif et associatif
prennent naissance en réaction au capitalisme industriel et commercial de la fin du 18ème siècle
et du début du 19ème siècle en Angleterre principalement.

Les malversations et la misère résultant de l'excès du libéralisme économique, et de


l'évolution de l'entreprise industrielle et du capitalisme en Angleterre et en France à l'époque
ont incité les ouvriers à prendre conscience de leur situation socio-économique précaire et à
sentir la nécessité de s'associer pour une action commune (yakunda et al., 1992).

De cette prise de conscience, la genèse du mouvement coopératif en tant qu'acte collectif


remonte de la fondation de « La Société des Équitables Pionniers de Rochdale », créée le 24
octobre 1844 par 28 tisserands de Rochdale. Les statuts et principes de cette société ont servi
de base à l’inspiration du mouvement coopératif au niveau mondial.

L'Anglais Robert OWEN (1771-1858) et le Français Charles FOURRIER (172-1837) sont


considérés comme« les pères de la coopération» car ils furent les premiers à énoncer les
principes d'associations, entreprises fonctionnant sur une base démocratique et visant le
service plutôt que le profit et de nature volontaire et démocratique.

Après 1844, les coopératives ont gagné toute l'Europe. Jusqu'à aujourd'hui, l'on a assisté à
l'émergence de nouvelles formes d'entreprises coopératives en agriculture, pêche, banque,
assurance, logement, et autres. Ces entreprises touchent principalement les secteurs de l'action
sociale, de la production ou du travail.

Au niveau mondial, toutes les coopératives sont regroupées au sein d'une même organisation:
L'Alliance Coopérative Internationale (ACI). Celle-ci est l'instance suprême de la pensée
coopérative. Elle étudie et recense les multiformes des coopératives et produit des documents
considérés comme des références essentielles se rapportant à l'évolution du monde coopératif.

En Afrique, l'introduction du mouvement coopératif a été facilitée par l'esprit communautaire


caractérisé par la solidarité et l'entraide dans les travaux, et dans la recherche des solutions
aux problèmes familiaux. Les sociétés coopératives modernes sont nées avec la colonisation
qui voulait maximiser ses recettes en obligeant les paysans et les autorités locales à créer des
associations coopératives (GISARO, 2003).

Il s'agissait d'une imposition car l'objectif poursuivi par cette coopération moderne s'écartait
de la coopération traditionnelle africaine focalisée sur les actions collectives d'entraide

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dominées par des valeurs culturelles et morales sans rapport économique conventionnel et
souvent sans générer de projet à long terme.

Les restructurations continues d'ordre politique, juridique, organisationnel des coopératives en


Afrique ont fait de ces organisations, malgré les difficultés, des véritables instruments de
promotion du monde rural et du développement économique dans plusieurs pays. Dans
plusieurs régions, les coopératives représentent un grand nombre d'emplois et un partenaire
économique d'envergure. Cependant, ces coopératives peuvent rencontrer plusieurs
contraintes financières qui entravent leur développement et leur bon fonctionnement au
niveau de la communauté. De là émane la question suivante : Quelles sont les limites de la
structure financière des coopératives au Maroc ?

I. Aperçu théorique

L’Economie Sociale et Solidaire se définit par le statut de ses acteurs (coopératives,


mutuelles, associations et fondations) qui présentent trois caractéristiques principales : un
projet économique inscrit dans le marché, une finalité sociale et une gouvernance
participative.

Elle s’est affirmée depuis les années 1980 comme une voie alternative à l’économie privée et
publique classique. En effet, cette économie se veut une nouvelle manière d’entreprendre et
d’agir en société (ATTOUCH.H, 2011). Cet auteur en étant en accord avec la vision anglo-
saxonne, a distingué entre deux types d’institutions de l’économie sociale et solidaire :

 L’économie sociale composée des associations, mutuelles et fondations dont la


mission est dominée par le volet sociétale (plaidoyer, conseil, charité, aides, etc.).
Cette économie se veut comme une alternative aux effets pervers de l’économie de
marché ;
 L’économie solidaire à vocation commerçante sans but lucratif. Les seules institutions
dont le profil coïncide avec cette vocation et les principes de l’économie sociale et
solidaire sont les coopératives.

Ce type d’entrepreneuriat, en s’intégrant dans une économie plurielle, cherche à préserver un


certain équilibre entre l’efficacité économique et le développement social à travers une
gestion démocratique, solidaire et sociale (Hanane. M, 2011).

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Une coopérative est une personne morale regroupant des personnes physiques qui ont des
besoins économiques, sociaux ou culturels communs et qui en vue de les satisfaire,
s’associent pour exploiter une entreprise conformément aux règles d’action coopérative.

Ainsi, un nouveau projet de loi n° 112-12 relatif aux coopératives a été adopté par la chambre
des représentants le 16 juillet 2014. Il définit la coopérative comme "un groupement de
personnes physiques ou morales, qui conviennent de se réunir pour créer une entreprise"
(article 1).

On évoque aussi la définition des coopératives retenue par l’Alliance coopérative


Internationale (2010) : "Les coopératives sont des entreprises détenues et régies de manière
démocratique et guidées par les valeurs de l’entraide, de l’auto responsabilité, de la
démocratie, de l’égalité, de l’équité et de la solidarité.

Elles axent leurs activités sur la personne et permettent aux membres, par le biais de décisions
prises démocratiquement, de déterminer de quelle manière ils veulent réaliser leurs aspirations
économiques, sociales et culturelles". Cette définition montre une primauté de l’homme sur le
capital.

La coopérative repose aussi sur son rôle de prestataire de services à ses adhérents. Elle est
ainsi, une entreprise détenue et contrôlée, démocratiquement, par des membres (des
personnes) qui utilisent et bénéficient des services offerts par cet affaire. Elles opèrent
généralement dans tous les secteurs, y compris le financier, la consommation, l’habitat, le
forestier, la pêche… (A. Harris et al.).

Les coopératives représentent des locomotives de développement durable, s’appuyant sur les
principes de l’économie appelée plurielle, solidaire ou participative, en y faisant une partie
intégrante. Les coopératives offrent en particulier un modèle entrepreneurial qui diffère
significativement du modèle dominant ordinaire. (Blanc, et Colongo 2010).

Afin de contourner les particularités de l’organisation coopérative, les auteurs optent


généralement à la comparer aux entreprises organisées sous forme de sociétés. Les
coopératives se distinguent des sociétés en ce que, au lieu de s'appeler des actionnaires, les
propriétaires d'une coopérative s'appellent des membres adhérents ou des coopérants. Au lieu
de détenir des actions, ils détiennent des parts sociales.

Au lieu de retirer des dividendes, qui sont proportionnels au capital investi, ils retirent des
ristournes qui sont proportionnelles au volume d'affaires transigées par le membre avec la
coopérative (Dumais 1976).

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L’histoire de la Société des « Equitables Pionniers de Rochdale » représente la première
véritable expérience connue et aboutie en matière coopérative. Cette histoire constitue pour
beaucoup le point de départ du mouvement coopératif mais elle doit être vue comme un
modèle de développement coopératif.

Elle montre comment les conditions de vie difficiles, la protection inadéquate des
consommateurs ont poussé 28 ouvriers à créer en 1844 une société coopérative de vente au
détail, la Société des Equitables Pionniers de Rochdale. L’objectif était de fournir aux
ouvriers des aliments et autres biens, ainsi que des facilités éducationnelles et sociales. La
Société était guidée par des principes qui, aujourd’hui encore, servent de base aux
coopératives.

Il convient de rappeler au préalable que la devise des organisations coopérative est: « Chacun
pour tous» (ACI, 1995) ; chacun des membres est appelé à s'auto-suffire tout en servant aussi
à autrui via l'entraide mutuelle. C'est une mise en commun des résultats dans une stratégie
démocratique où l'individu reste libre.

Cette devise traduit la valeur suprême de solidarité coopérative et de dépassement des intérêts
individuels pour des intérêts communs. Cette vision fait d'une organisation coopérative une
vraie communauté de production des biens ou des services au sens sociologique (ROCHER,
1973).

Les principes coopératifs énoncés dans la Déclaration sur l’identité internationale des
coopératives (Alliance Coopérative Internationale, 1995) constituent les lignes directrices qui
permettent aux coopératives de mettre leurs valeurs en pratique :

 Adhésion volontaire et ouverte à tous: l'affiliation à une coopérative est libre et


volontaire ; les coopératives sont ouvertes à toutes personnes aptes à utiliser leurs
services et déterminées à prendre leurs responsabilités en tant que membres, et ce, sans
distinction aucune et sans discrimination ;
 Pouvoir démocratique exercé par les membres : Les coopératives sont des
organisations démocratiques dirigées par leurs membres qui participent activement à
l'établissement des politiques et à la prise de décisions ;
 Participation économique des membres : les membres des coopératives contribuent
au capital social d'une manière équitable au capital de leur coopérative et en ont le
contrôle ;

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 L'autonomie et l'indépendance : les coopératives sont des organisations autonomes
d'entraide mutuelles gérées par leurs membres ;
 Éducation, formation et information : La société coopérative doit fournir à ses
dirigeants, à ses membres et employés l'éducation et la formation requises pour
contribuer au développement de leur organisation ;
 La coopération entre les coopératives ou l'inter-coopération : Pour mieux servir
aux intérêts de leurs membres et de la collectivité et renforcer le mouvement
coopératif ;
 Engagement envers la communauté : Ce principe est récent par rapport aux six
premiers. Les coopératives contribuent au développement de la communauté. Elles
doivent faire preuve de leur engagement envers la communauté en la renforçant pour
qu'elle parvienne à mieux satisfaire les besoins économiques, sociaux et culturels.

Les coopératives et leurs groupements constituent des acteurs importants dans les nouvelles
orientations du développement socioéconomique local au Maroc. En effet, le secteur
coopératif contribue de manière efficace à la création de projets générateurs de revenus et de
postes d’emplois et participe à la résorption du chômage, en particulier dans le monde rural
(Département des Activités Génératrices de Revenus et d’Emplois, Agence de
Développement Social, 2010).

Ainsi, à travers leurs valeurs de démocratie, de solidarité, de partage et d’entraide, les


coopératives jouent un rôle de plus en plus important dans le développement économique et
social du Maroc. Leur attractivité croît surtout depuis 2005, année du lancement de l’Initiative
nationale du développement humain (INDH) encourageant la création et la pérennisation des
structures de l’économie sociale et solidaire" (Ahrouch. S, 2011).

Selon les statistiques de l’ODCO (l’Office du Développement de la Coopération), le secteur


coopératif a connu une évolution appréciable, ce qui s’est répercuté par une augmentation du
nombre des coopératives de 142% entre 2005 et 2013. A la fin de 2013, la cartographie du
coopératives au Maroc se présentait ainsi (ODCO) : 12022 coopératives et unions de
coopératives groupant 440 372 Adhérents imparties sur 22 secteurs et 117 branches d’activité.
Il se caractérise par la domination de trois secteurs : l’agriculture, l’artisanat et l’habitat avec
respectivement 66.4%, 14.2% et 9.2% du total des coopératives.

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II. Les contraintes et limites financiers des coopératives et au sein du
secteur :

Dans ce qui suit on présente les possibilités de financement des coopératives ainsi que les
limites inhérentes à chacune d’elles.

1. La structure financière des coopératives

Même si la coopérative reste différente des entreprises capitalistiques


animées par la recherche du profit, la réalisation de son objet social quel
qu’il soit nécessite un apport financier.

Dans le cas de la coopérative, les apports financiers peuvent prendre quatre


formes:

 La souscription de parts sociales ;


 Les dettes ;
 La constitution de réserves ;
 Les dons.
Chacune de ces formes présente des avantages et des inconvénients.

1.1. Le capital social

Le capital social de la coopérative représente la somme des parts sociales souscrites par
chaque membre. En effet, des biens corporels ou incorporels seront nécessaires pour le
fonctionnement de la coopérative. Certains de ces biens seront utilisés de façon durable par la
coopérative pour la promotion de ses membres. Généralement dans les pays en
développement et en transition, les membres de la coopérative n’ont que de faibles ressources,
parfois insuffisantes pour souscrire à une part sociale.

Le nombre de membres n’étant pas fixe, le capital social varie indéfiniment en fonction des
admissions ou des exclusions et démissions des membres : il s’accroît à chaque admission de
nouveaux membres ou de souscription de parts sociales supplémentaires ; il diminue par suite
de décès, exclusion ou démission.

Contrairement à l’action d’une société de capitaux qui représente un placement pour son
détenteur, la part sociale d’une coopérative est simplement la contribution que chaque
coopérateur apporte aux ressources de la coopérative afin que celle-ci soit en mesure de lui

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rendre les services bien définis qu’il attend d’elle. Pour cette raison, la part sociale n’est pas
source de plus-value comme l’est l’action dans une entreprise de type capitalistique.

1.2. Excédants et réserves

Les excédents d’une coopérative ont trois affectations possibles : le renforcement des fonds
propres par la constitution de réserves ; le versement de la « ristourne » ; le versement aux
membres d’un intérêt limité au capital.

Les réserves de la coopérative sont collectives et sauf exception, ne peuvent faire l’objet
d’une distribution aux membres. Ce fonds de réserves permet à la coopérative de pallier les
périodes de faibles activités.

1.3. Les dettes

La coopérative peut être amenée à devoir emprunter pour pallier l’insuffisance de ses fonds
propres. Compte tenu du désir d’indépendance et d’autonomie de la coopérative, l’emprunt
auprès des membres est préférable.

Un grand nombre de coopératives et tout particulièrement les coopératives de consommateurs,


se sont procurées des ressources suffisantes et à moindre frais, en encourageant et en
recueillant l’épargne de leurs membres, sous forme de dépôts à vue ou à terme produisant un
intérêt.

Le milieu coopératif peut également s’avérer être une éventuelle source de financement. Les
coopératives d’épargne et de crédit en sont un exemple.

Enfin en dernier recours, il sera fait appel à des banques ou à d’autres


institutions financières. A noter que le plus souvent, la responsabilité financière des membres
n’est engagée qu’à hauteur des parts sociales souscrites. Par conséquent, les biens personnels
des membres ne sont pas affectés par les emprunts de la coopérative. De plus, même si la
coopérative est une entreprise, ses règles de gestion financière divergent quelque peu de celles
d’une entreprise capitalistique.

Le but ici n’est pas de réaliser le plus gros bénéfice, mais de rendre le meilleur service à ses
membres. Il est donc important d’adapter les règles classiques de gestion financière aux
spécificités coopératives ou du moins de les adapter au contexte coopératif.

Elle doit néanmoins satisfaire à certaines précautions élémentaires comme par exemple de
s’assurer que les fonds immédiatement disponibles sont suffisants pour couvrir les dettes à
court terme.

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2. La mobilisation des ressources financières

A côté de l'importance des ressources humaines pour le mouvement coopératif les membres
du conseil d'administration et le gérant de la coopérative devront s'occuper du maintien et de
la mobilisation des ressources financières. Comme toute autre entreprise, la coopérative doit
disposer de moyens financiers pour fonctionner, soit de l'intérieur ou soit de l'extérieur.

2.1. Les ressources internes d’une coopérative :

Par mobilisation des ressources financières internes, nous faisons référence au processus par
lequel l'on peut mettre en commun et investir des ressources productives que détiennent les
membres. Comme ressource financière de l'intérieure d'une coopérative, on peut énumérer les
suivantes :

 Les parts sociales

Les parts sociales, la somme desquelles on appelle aussi le capital social, représentent la
contribution des membres à la formation du capital de base de l'entreprise (capital initial ou
augmenté). Ces parts sociales sont d'un montant déterminé, fixé par les statuts c.à.d. par les
membres. Le montant ou le nombre de parts peut être identique pour tous les membres, il
pourrait aussi varier selon des critères définis par les statuts. Ces parts sont payables en
principe immédiatement à la souscription par le coopérateur.

 Les investissements humains

L'un des problèmes le plus répandu des petits exploitants agricoles est l'absence de l'argent en
espèce. Mais dans quelques cas, le remplacement de liquidité par des travaux manuels
effectués au service de la coopérative est possible. Ce travail remplace ainsi l'argent en espèce
qu'ils auraient dû payer.

 Les apports en nature

Une autre possibilité de la contribution des adhérents à la coopérative à côté de l'argent ou de


travail manuel c'est du matériel. Cela peut être par exemple un terrain, du ciment, du sable, du
bois etc

 Les réserves

Comme capital propre d'une coopérative, on compte traditionnellement surtout le capital


social et les réserves c’est à dire des excédents réalisés par l'entreprise qui ne sont pas
partagés entre les adhérents mais plutôt gardés dans la coopérative.

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 L’épargne

La coopérative peut offrir une structure organisationnelle qui facilitera la collecte de l'épargne
des adhérents, ce qui les qualifiera pour obtenir un crédit en cas de besoin.

 La garantie individuelle (en cas de faillite)

Le fait que des membres d'une coopérative soient disponibles à régler les dettes d'une
coopérative même en cas de faillite, est un élément non seulement psychologique, mais aussi
matériel renforçant ses ressources financières et sa crédibilité envers les tiers. Une telle
obligation des adhérents est fixée par la loi et par les statuts.

2.2. Les ressources venant de l’extérieur de la coopérative

Dans les stratégies d'appui à l'auto-développement il faut se montrer extrêmement prudent


avant de recourir à des financements externes, par exemple la coopérative peut être amené à
sacrifier non seulement une partie de son autonomie d'action, mais elle peut aussi se retrouver,
en fin de compte, étroitement attachée à un système financier sur lequel elle ne pourra exercer
aucun contrôle.

En plus on peut citer comme problème de financement externe la charge des intérêts, les coûts
de crédit etc. Reconnaître cette situation ne signifie pas la négation du rôle plus positif que les
institutions financières ont joué et continueront de jouer dans l'histoire du développement
rural. On peut distinguer les formes suivantes :

 Les emprunts

Ils peuvent provenir des membres mais aussi de toute autre personne physique ou morale.

 Les dépôts

Les adhérents d'une coopérative peuvent selon le degré de confiance éprouvée vis-à-vis de
leur coopérative consentir à y déposer les sommes dont ils disposent. S'il s'agit des comptes
desquels ils peuvent retirer leur argent et y faire de nouveaux versements à tout moment, on
parlera de dépôts à compte courant. On parle de dépôts à échéance fixe si l'argent déposé
ne pourra être retiré qu'après une période prévue d'avance (par exemple 1 an) mais en tous cas
pas avant cette échéance.

 Les dons

Il s'agit des subventions provenant soit de l'Etat ou soit des ONG sur le plan national et
international.

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2.3. Choix des modes de financement des coopératives

De l’apport financier de ses membres ou d’un financement externe dépendra la viabilité de la


coopérative (Stockbridge et al., 2003).

 L’autofinancement

L’autofinancement constitue un mécanisme de capitalisation parmi ceux dits traditionnels


pour la formule coopérative. Malgré que le problème ne soit pas exclusif au
mouvement coopératif, ce mode de financement demeure difficile pour des projets à
grande échelle, puisque la coopérative ne détient pas suffisamment de fonds considérant
le versement de ristournes annuellement.

Les membres participent financièrement à leur coopérative par le biais de leur part sociale,
contribution qui varie selon les coopératives. Lors d’exercices financiers positifs, les membres
peuvent avoir un accès limité aux bénéfices, versés par le biais de ristournes
proportionnelles à l’utilisation des services de la coopérative par le membre, et affectent
également une partie afin de constituer la réserve de la coopérative (Noël, 1987; ACI, 2007).

Néanmoins, la participation financière des membres est complexe puisque ceux-ci ne sont
pas, dans la plupart des cas, en mesure de verser de gros montants d’argent à leur coopérative
et ce, en plus de n’avoir que rarement l’incitatif de le faire, puisque le principe coopératif
repose sur l’utilisation et non sur l’apport de capitaux (Doyon, 2005).

 Les subventions

Au niveau de l’optimisation de la distribution des subventions, certains pays ont connus des
coopératives rentables en raison des subventions du gouvernement pour le secteur.
Cependant, les subventions ne sont pas une condition de la réussite. Par exemple, les
coopératives de la Nouvelle-Zélande fonctionnent sans subventions du gouvernement,
mais bénéficient en revanche d’une législation plus souple que d’autres pays, ce qui a
favorisé l’innovation dans la conception de la coopérative (Evans et Meade, 2005).

 Recours à l’emprunt bancaire

Il y un consensus pour dire que l’opportunité pour les petits producteurs agricoles
d’augmenter leurs revenus en vendant leurs produits, dépend de leur capacité à participer
avec succès au marché. «L’absence de l’information sur les prix et de nouvelles
technologies, l’absence des interconnections entre les acteurs du marché, les distorsions sur le
marché des inputs et outputs et l’absence de crédit souvent rendent difficile pour les petits

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producteurs de bénéficier des opportunités du marché» (Fonds International de
Développement Agricole «FIIDA», 2001).

L’emprunt est incertain dans la mesure où les institutions financières ne sont pas enclines à
investir dans une coopérative puisqu’elles se basent souvent sur les mêmes ratios
financiers que les entreprises capitalistes alors que les bénéfices de ces deux
institutions divergent à plusieurs niveaux.

De plus, les coopératives sont souvent perçues comme des entités avec une gouvernance
problématique, étant donné les intérêts divergents des membres, laissant place à une
sous-capitalisation de l’entreprise et une augmentation des risques financiers (Doyon, 2002).

Pour surmonter la limite inhérente des coopératives quant à l’accès au capital, des
formes d’adaptation rendues possibles suite à des changements législatifs facilitant d’une
manière limitée le recours aux emprunts du fait de la fragilité de la situation de
gouvernance interne et de l’absence de garanties réelles. Toutefois, elles semblent
comporter certains risques: «le recours massif aux emprunts risque de déstabiliser la
coopérative et de provoquer un déséquilibre des pouvoirs de décision et de contrôle au
détriment des adhérents» (Audroing, 1995).

3. Contraintes au niveau du secteur :

Malgré un panorama de réalisations positivement apprécié avec une croissance soutenue des
créations de coopératives et l’émergence de nouveaux créneaux, les attentes en termes de
pénétration démographique et de performance économique et sociale restent moins
satisfaisantes.

Le taux de pénétration démographique, ne dépassant pas les 3,1% de la population active


occupée, reste un taux très faible par rapport au seuil de décollage fixé à 6% par l’Alliance
Coopérative Internationale (ACI). A titre d’exemple, ce taux de pénétration démographique
est, selon les statistiques de l’ACI, de 70% au Québec, de 63% au Kenya, de 27% en Malaisie
et de 18% en Paraguay.

Du côté du taux de participation au Produit Intérieur Brut (PIB), ce dernier est estimé à 1,5%,
ce qui reste insignifiant pour un secteur qui bénéficie d’une aide multiforme de la part des
pouvoirs publics, de la société civile et des bailleurs de fonds. A titre d’exemple, ce taux est
de 3% en Uruguay et en Nouvelle Zélande et d’environ 10% en Europe.

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Ces limites, entre autres, sont les conséquences, de la présence d’une série de limites et de
contraintes, tant au niveau de la structure interne du secteur coopératif qu’au niveau externe.

Sur le plan interne, les limites qui entravent le développement des coopératives se situent
principalement au niveau du défaut de gouvernance qui est dû au taux élevé d’analphabétisme
chez les dirigeants, en plus de l’absence de gérants qualifiés, et au non respect des statuts et
des règlements intérieurs de la coopérative.

A cela s’ajoute d’abord la faiblesse des capitaux propres en raison des apports très limités en
termes de parts sociales et du non-réinvestissement des excédents dans la coopérative, puis
s’ajoute l’absence de l’esprit coopératif, aussi bien chez les gérants que chez le reste des
membres.

Sur le plan externe, les coopératives souffrent de trois types de contraintes : juridiques,
institutionnelles et socio-économiques. Malgré la réforme récente de la loi sur les
coopératives, des contraintes et des ambiguïtés juridiques existent toujours, notamment au
niveau des dispositions relatives à la circonscription territoriale, à la gestion administrative, à
la tenue des comptabilités des petites coopératives et la transformation de coopératives en
société.

De plus, le secteur coopératif souffre de carences institutionnelles liées à la faiblesse des


moyens affectés aux organismes d’accompagnement des coopératives, face à la croissance
considérable du nombre de coopératives, à la défection de coordination entre les intervenants,
et à l’absence de convergence des programmes de soutien.

En ce qui concerne les contraintes socio-économiques, les coopératives souffrent de la


difficulté d’accès aux crédits bancaires, d’une incapacité à répondre aux exigences du marché
et de l’absence de la couverture sociale des adhérents.

III. Méthodologie de recherche


Suite aux données recueillis de manière théorique à travers la consultation d’articles et de
rapports d’activité. Nous disposons dorénavant d’éléments suffisants pour partir chercher des
réponses. Pour ce faire, nous effectuons une série d’interviews semi-dirigées de 15
coopératives à travers la technique du focus groupe, c’était dans le cadre d’un congrès tenu à
Marrakech sur le nouveau modèle de développement.

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Les réponses à nos questions nous donnent la possibilité d’avoir une idée plus claire sur les
coopératives, leurs modes de financement ainsi que les limites de chaque mode afin de tirer
les meilleures conclusions possibles par rapport au cadre d’analyse.

Pour comprendre au mieux le phénomène, plusieurs coopératives doivent être approchées. Le


défi est de rencontrer des organisations suffisamment différentes pour couvrir la diversité du
spectre du phénomène, vu qu’elles sont encore peu nombreuses dans le paysage économique.
La revue de littérature suggère que celles-ci peuvent être présentes dans tous les secteurs
d’activité, du secteur primaire au tertiaire.

IV. Résultats et discussion

Suite à l’analyse des réponses des différents responsables des coopératives rencontrées nous
avons pu tirer les conclusions suivantes :

A l'intérieur de la coopérative, le versement d'assez de capital par les membres a toujours posé
un problème pour l'entreprise coopérative. La cause principale réside dans la caractéristique
de la coopérative en tant que type particulier d'organisation.

En effet pour la coopérative s'applique le principe d'identité, c'est-à-dire au sens économique


tous les membres sont en même temps copropriétaires et clients de l'entreprise coopérative.
Donc seuls les membres/clients peuvent être porteurs des parts d'où une limitation de cercle
des membres qui se répercute directement sur les possibilités du financement par participants.

D'une part le nombre de personnes qui peuvent être considérées comme membre éventuels de
la coopérative ne peut pas être augmenté. Il est limité aux personnes qui ont un intérêt
véritable à faire appel aux services de l'entreprise coopérative et qui exercent leurs activités
dans le secteur et la circonscription territoriale de la coopérative. D'autre part les membres
sont libres de quitter la coopérative (principe de la porte ouverte) et par conséquent de
récupérer leur contribution ce qui a également une importance pour la question du
financement.

Le financement des activités de l'entreprise coopérative par des apports externes (crédits) est
compliqué par les problèmes d'intérêt, d'information et de communication entre les
institutions financières et les coopératives. En effet, une coopérative ne peut pas faire appel à
des tiers pour attirer du capital à risque parce que :

L'aspiration de la coopérative à valoriser jusqu'au maximum les produits des membres, ou


d'offrir des intrants ou d'autres services à des prix minimaux ne va pas de pair avec l'intérêt

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dans un rendement optimal sur le capital investi. Ensuite le problème de gestion caractérise
les organisations autogérées, comme par exemple les coopératives. Le niveau d'information
des gérants sur les possibilités de financement, la connaissance sur la structure du capital et le
niveau du crédit sont très limitées.

Ensuite s'ajoute le manque de contact entre les gérants et les institutions financières dû à la
faiblesse d'expérience des dirigeants de la coopérative dans ce domaine.

La faiblesse du capital propre et de l'actif immobilisé de l'entreprise coopérative, qui devait en


général représenter une garantie des crédits reçus est aussi une cause de la non crédibilité des
coopératives. De même l'inefficacité des instruments de contrôle et de surveillance des
affaires économiques de la coopérative accentue le doute de cette crédibilité.

Conclusion

Nous voyons que les difficultés de financement de l'entreprise coopérative peuvent se


regroupe à deux niveaux: d'une part les difficultés dues à l'idéologie de la coopérative et
d'autre part les difficultés dues au fonctionnement même de la coopérative. Partant du premier
niveau, une bonne organisation coopérative devrait constituer une base solide pour la
constitution du capital propre.

Dans ce sens la coopérative devra mettre le côté positif du principe de la porte ouverte à son
profit, c'est-â-dire elle doit pouvoir susciter une plus grande adhésion des membres potentiels
et pouvoir maintenir les anciens membres au sein de la coopérative. C'est par cette occasion
qu'elle pourra également maintenir et même augmenter son capital propre.

La formation des gérants des entreprises coopératives afin de leur permettre d'avoir plus
d'information sur les principes de fonctionnement des institutions financières et de donner à
ces dernières une confiance quant à la gestion des affaires de la coopérative.

La coopérative dispose de plusieurs sources de financement qu’il convient de mobiliser et


de consolider. Pour mobiliser les ressources financières internes d'une coopérative il
faudra par exemple pour les parts sociales : fixer le montant de façon qu'il soit dans la portée
de tous les adhérents, Essayer d'augmenter le nombre des membres de la coopérative, insister
pour que les parts souscrites soient effectivement payées.

Pour les apportes en nature: veiller à ce que les objets apportés soient capitalisés à leur juste
valeur. On pourra par exemple s'orienter sur le prix du marché de l'objet offert à la
coopérative.

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Pour les réserves: essayer de convaincre les adhérents en assemblée générale de la nécessité
d'en faire pour le bien-être à long terme de tous. On pourra par exemple capitaliser les
dividendes ou ristournes en les transformant en parts sociales supplémentaires.

Les ressources financières externes on peut les mobiliser des manières suivantes:
D'abord la coopérative nécessite une bonne gestion pour attirer des capitaux extérieurs. Il faut
démontrer que l'argent engagé des bailleurs de fonds soit bien investi dans des projets
rentables.

Dans ce cas bonne gestion suppose évidemment honnêteté des dirigeants, dévouement,
stabilité interne de la coopérative et bonne réputation. La connaissance de la motivation des
bailleurs de fonds. Si la politique de la gestion de la coopérative cadre avec les objectifs
poursuivis par l'Etat ou des ONG, les chances d'obtenir des crédits ou des subventions
augmentent.

La délégation de la fonction bancaire, en totalité ou en partie, à des institutions de


financement locales spécialisées qui pourront également recevoir les financements étrangers
destinées aux petits exploitants agricoles. Dans ce cas l'accès aux crédits bancaires sera plus
facile.

Références Bibliographiques :

AHROUCH S., 2011, « Les coopératives au Maroc : Enjeux et Evolutions », RECMA, N° 322. ;

ATTOUCH H., 2011, « Économie solidaire et développement humain territorial », REMACOOP, N°1,
ODCO ;

Département des Activités Génératrices de Revenus et d’Emplois, 2010, « PROGRAMME


MOUWAKABA », Agence de Développement Social. ;

Dumais, M. 1976. « Coopératives et capitalisme ». Revue d’histoire de l’Amérique française Volume


29 (Numéro 4) (mars 1976): pp: 555-557. ;

El Ouafy, S. et Ed-Dafali, S. (2014). « Financement des coopératives agricoles marocaines,


structure et performance» In European Scientific Journal, P 367-382. ;

GISARO, M.B. (2003), « Impact du mouvement coopératif sur la dynamique socio-


économique du monde paysan: cas de la coopérative », Fondation Universitaire
Luxembourgeoise. ;

MIRI H., 2011, « L’Initiative Nationale pour le Développement Humain - INDH au cœur du
développement coopératif », REMACOOP, N°1. ;

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