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COMMUNICATION 10/12

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Les facteurs déterminants de l’efficience des
institutions de microfinance en Afrique

ZINEELABIDINE Maroua
PHD en Sciences de Gestion à la FSJES-Agdal, Université Mohammed V de
Rabat
Maroua.zineelabidinee@gmail.com

HASSAINATE Mohammed
PES à la FSJES-Agdal, Université Mohammed V de Rabat
hassainate@gmail.com

RESUME
Dans le champ des politiques de développement, la microfinance est considérée comme le
moyen de parer à la marginalisation bancaire qui touche une grande partie de la population
rurale et du secteur informel urbain des pays en développement. En permettant aux pauvres
d’accéder également à des services financiers de base, la microfinance se présente comme un
outil ayant un fort potentiel de réduire la pauvreté.
Depuis 2006, la microfinance se développe progressivement en Afrique à travers des
institutions de microfinance très variées (ONG, Coopérative, Institution financière non
bancaire, Banque). L’objectif de la plupart des IMFs est de concilier entre le rôle social qui
consiste à lutter contre la pauvreté et le rôle d’intermédiation financière qui consiste à
atteindre la viabilité financière pour assurer leur pérennité. En d’autres termes, plus les
organisations de microfinances seront pérennes, mieux elles rempliront leur objectif social.

Mots clés : Microfinance, Efficience, Performance financière, Performance sociale.

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1. Intérêt et originalité du sujet

Depuis 1970, le sujet de la microfinance a suscité plusieurs débats des différents acteurs vu sa
capacité à lutter contre la pauvreté en offrant des services financiers à la frange de la
population exclue du système bancaire classique. Actuellement, le sujet de la microfinance a
pris une nouvelle ampleur vu son double objectif, social et financier qui mène efficacement à
la durabilité de l’activité et à la réduction de la pauvreté. En d’autres termes, les IMFs sont à
la croisée des chemins, elles doivent faire face à un double enjeu ; offrir des services
financiers de qualité à un grand nombre de micro-entrepreneurs tout en restant financièrement
viable.

Sur le plan académique, notre étude est novatrice, car malgré l’essor des travaux sur
l’évaluation de l’efficience des IMFs, elle combine trois modèles d’efficiences (financier,
social et global) que l’on trouve rarement réunis dans la littérature. Grâce à la détermination
des points forts et des points faibles des deux approches de la microfinance à savoir
« l’approche institutionnaliste » et « l’approche sociale », nous allons combiner l’ensemble
des bonnes pratiques des deux approches en une seule pour accomplir la mission des
institutions de microfinance de manière durable.

Sur le plan managérial, cette étude représente un double défi pour les professionnels, les
autorités publiques et leurs partenaires au développement dont leur souci est en effet non
seulement d’accroître l’accès de la population aux services de microfinance, mais aussi
d’inscrire ces services dans la durée. La volonté de l’Etat et les autorités publiques de
pérenniser les actions de microfinance doit les conduire à instaurer une politique nationale de
microfinance. L’objectif de cette politique est de contribuer de manière durable à
l’amélioration des conditions de vie des populations exclues du système bancaire classique et
à l’augmentation de leurs revenus, à travers une offre pérenne de produits et services
financiers de qualité. Encore il faut noter que cette thèse se veut une contribution sérieuse en
matière de la recherche en sciences de gestion sur un champ d’étude peu exploré au Maroc
qui est l’efficience des entreprises sociales et spécialement les institutions de microfinance.

2. Revue de littérature historique et empirique :

Les différentes réalités de la microfinance ont engendré de multiples définitions par plusieurs
auteurs et organismes qui se soucient de la qualité et l’évolution de ce secteur. Ce dernier a
connu une grande étendue grâce à ses différents services, ce qui nécessite des définitions plus
large variant de temps en temps en fonction des acteurs du secteur et de leurs objectifs. Avant

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d'entrer ou de parler de notre sujet, nous avons voulu présenter brièvement ce concept afin
d'avoir une vision claire de notre travail. La définition de la microfinance n’est pas un travail
tout à fait aisé. Nous essaierons en premier lieu de cette section d’évoquer une multitude de
définition qui nous permettra de bien comprendre cette activité financière. Dans la deuxième
partie, nous passerons en revue les différents produits et services que la microfinance met à la
disposition des personnes à faible revenu qui sont exclus du champ d’intervention des
institutions financières classiques. Enfin, nous présentons les institutions de microfinance
ainsi que leur particularité.

a. Définition de la micro finance :

Une définition globale du champ de la microfinance est proposée par Ledgerwood (1999) ;
Lesaffre (2005) ; Brandsma et Burjorjee (2004), selon ces auteurs, la microfinance désigne la
fourniture des services financiers de petite échelle, à des conditions commerciales, destinée
aux gens pauvres et à une population à faible revenu. Les services financiers sont
principalement composés d’opérations de dépôts et de crédits. On trouve aussi dans certains
cas des services comme l’assurance et des services de payement. Ainsi, la définition de la
microfinance inclut souvent la fourniture de services sociaux comme la formation à la gestion,
l’encadrement, l’accompagnement et d’autres.

La microfinance a pour mission d’utiliser l’outil financier pour un développement équitable et


durable, elle a pour vision à long terme d’augmenter le capital social. Cependant, la
microfinance œuvre dans un environnement de pauvreté, d’exclusion ou de difficulté d’accès
aux services financiers, elles cherchent à apporter une réponse aux trois crises majeures de la
société ; la crise de l’homme avec lui-même, celle des hommes entre eux et celle de l’homme
avec son environnement. Face à ces crises, la microfinance, en renforçant le capital social,
c’est-à-dire en rapprochant l’homme et la société de leurs valeurs, contribue à créer les
conditions d’un développement durable. De ce fait, La microfinance a été reconnue dans le
monde entier comme un outil potentiel pour contribuer à la réduction de la pauvreté et
promouvoir la croissance économique dans les pays en développement.

Par ailleurs, la microfinance a pour vocation de donner un coup de pouce à des personnes
vulnérables socialement et économiquement, afin de leur rendre dignité et autonomie. Avec
ces services, les bénéficiaires peuvent assurer des rentrées d’argent plus importantes et,
surtout, plus régulières. Ainsi, les ménages épargnent davantage, peuvent contracter une
assurance-santé, améliorer leur habitat, inscrire les enfants à l’école, ect. Ils gèrent leur vie de
façon autonome, et sont les acteurs de leur propre développement. La microfinance ne se
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limite pas au microcrédit, elle comprend tout un éventail de services : assurances, produits
d’épargne, transfert d’argent, ect.

Selon Falcoucci (2012), la microfinance est considérée comme une aide destinée aux
personnes en situation de marginalisation financière ou encore d’exclusion financière, qui
subissent un fort handicap de l’accès à l’usage de certains moyens de paiement ou règlement,
à certaines formes de prêts et de financement. Ainsi, il existe d’autres moyens financiers dont
cette population ne peut bénéficier, on trouve la préservation de l’opération de l’épargne, et de
l’assurance contre les risques touchant sa propre existence et ses biens ainsi que le transfert
des fonds ou des revenus.

Boyé, Hajdenberg et Poursat (2006) définissent la microfinance comme l’ensemble des


services financiers, destinées à une frange de la population n’ayant pas accès aux institutions
bancaires traditionnelles en raison de son profil socio-économique. Par extension, il est bien
de préciser que le terme de « microfinance » fait également référence aux différentes activités
fournies à titre habituel par l’ensemble des parties prenantes pour offrir des services financiers
de petite échelle aux plus démunis. Par ailleurs, Munshi (2008) considère la microfinance
comme étant une activité qui consiste à fournir à des personnes physiques et/ou morales,
n’ayant pas accès aux services des banques commerciales, un ensemble de services financiers
essentiellement le crédit et l’épargne et dans certains cas d’autres services financiers comme
l’assurance, le transfert d’argent et les services de payement.

En outre, plusieurs auteurs comme Khandelwala (2007), Munshi (2008) et Ledgerwood


(1999) considèrent la microfinance comme une approche de développement économique
destinée aux femmes et aux hommes à faible revevu. En Inde, en 1999, la Task Force1
définissait la microfinance comme «la fourniture de très petites sommes d'épargne, de crédit
et autres aux pauvres des zones rurales, semi-urbaines ou urbaines pour leur permettre
d'augmenter leurs revenus et d'améliorer leur niveau de vie».

De ce fait, Zahraoui (2007) a donné une nouvelle dénomination à la microfinance, « la finance


solidaire » qui représente un système de finance augmentant la capacité d’un groupe de
personnes à coopérer et à agir ensemble pour venir au bout du problème d’exclusion financier
et parvenir à un développement solidaire, durable et équitable. La microfinance concerne
donc le financement d’activités économiques qualifiées de "solidaires", c’est-à-dire le plus
souvent d’entreprises dites "solidaires, qui en même temps que leur activité économique,

1
Task Force a été constitué par NABARD sous la présidence de Shri Y. C. Nanda, directeur général de
NABARD et d'autres membres, pour élaborer un cadre conceptuel pour une politique nationale de microfinance.

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produisent de « l’intérêt général » (par exemple de la réinsertion de personnes en difficulté, de
territoires marginalisés….)".

Selon le rapport 2007 du Sommet mondial du microcrédit, la microfinance est devenue une
industrie mondialisée (Lelart, 2007)2. Pour autant, elle ne peut prétendre avoir atteint sa
maturité. Son étonnant dynamisme l’amène à être confrontée à des enjeux déterminants pour
sa stabilité et son développement. Si l’intérêt de la microfinance est aujourd’hui reconnu,
force est de constater qu’il n’existe que peu d’éléments concernant la mesure de ses effets.

Par ailleurs, une définition complète est donnée par le Groupe consultatif d’aide aux
populations les plus pauvres3 (CGAP) qui définit la microfinance comme une large gamme
des services financiers adaptés qui sont destinés à tous ceux qui sont exclus du système
financier classique et fournis, en tous lieux, par différents types d’institutions (CGAP4, 2006).
Ces services financiers sont : le crédit, l’épargne, le transfert d’argent, les services de
payement et l’assurance. Ces services permettent aux populations ciblées de faire face aux
besoins financiers de leur activité commerciale ce qui augmentent leurs revenus, réduisent
leurs vulnérabilité et améliorent leurs conditions de vie matérielle par l’acquisition des biens,
la construction ou l’aménagement de logement et autres.

Autres auteurs comme Marc Labie (1999) et Soko (2009) ont donné une définition typique
par rapport aux autres, Soko (2009) désigne la microfinance comme l’ensemble des services
financiers délivrés dans un cadre formel ou informel et destinée aux populations à faibles
revenus n'ayant pas accès au système financier classique mais exerçant une activité productive
ou ayant un projet économique. Ainsi que, Marc Labie (1999) appelle la microfinance,
l’octroi de services financiers (généralement du crédit et /ou de l’épargne), à des personnes
développant une activité productive, le plus souvent de l’artisanat et du commerce, et n’ayant
pas accès aux institutions financières commerciales en raison de leur profil socio- économique
». Ces définitions ont deux particularités par rapport aux autres ;

2 Selon le Rapport 2007 du Sommet Mondial du Microcrédit, la microfinance sert aujourd’hui environ 133
millions de personnes dans le monde.
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Le Groupe consultatif d’aide aux populations les plus pauvres (The Consultative Group to Assist the Poorest :
CGAP) est un partenariat multi donateurs pour la microfinance basé au sein de la Banque mondiale. Il est
soutenu par une trentaine de fondations privées et d’agences de développement qui ont pour objectif commun la
lutte contre la pauvreté. Le CGAP contribue au progrès de la microfinance en fournissant de l’information
commerciale, en favorisant l’harmonisation des normes du secteur, en finançant les innovations et en diffusant
les meilleures pratiques. Il fournit également des services de conseil aux pouvoirs publics, aux prestataires de
microfinance, aux bailleurs de fonds et aux investisseurs.
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Consultative Group to Assist the Poor : un consortium de 27 Agences de développement publiques et deux
fondations privées soutenant le développement de la microfinance (www.cgap.org).

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Premièrement, la détermination de bénéficiaires des différents services financiers de la
microfinance (les gens potentiellement solvable ayant la capacité d’investir dans des projets
rentables), a exclu ceux en situation de précarité du champ de la microfinance. Ne sont donc
retenues que les populations à faible revenus qui ont une activité économique génératrice de
revenus, qui ne sont pas forcément très pauvres. Deuxièmement, la définition ne fait pas de
distinction entre les fournisseurs des services de la microfinance. Ces derniers peuvent être
une organisation soumise aux règlements d’un secteur organisé par l’Etat, c’est à dire le
secteur formel, comme il peut être une simple personne travaillant dans le secteur non
organisé de l’informel.

Sur la base de ce qui a précédé, nous pouvons définir la microfinance comme étant un
ensemble de services financiers composée principalement de « crédit, épargne, transfert de
fonds, micro-assurance et micro-leasing », destinée à une population à bas revenus et exclut
du système bancaire classique. Donc, la microfinance permet aux femmes et hommes
démunis de démarrer une petite activité génératrice de revenus : une micro-entreprise. Le prêt
est ensuite remboursé grâce aux revenus de cette entreprise, qui leur permet aussi parfois d’en
épargner une partie, et de financer l’éducation de leurs enfants. La micro finance s’inscrit
dans le cadre du projet global de l’économie solidaire.

De plus, la microfinance implique non seulement l'accès et la distribution de l'argent, mais


elle implique aussi plus profondément la manière dont l'argent est utilisé, investi et
économisé. Elle offre également des services sociaux, qui se manifestent généralement dans le
renforcement des capacités de ceux qui utilisent leurs services, y compris les aspects
organisationnels et opérationnels, le développement du leadership, le renforcement de la
confiance, la gestion des petites entreprises, la gestion de trésorerie et le transfert
d’informations. De cet effet, la microfinance permet d’élargir le système financier principal
d’un pays par ses produits adaptés aux besoins financiers des pauvres et des personnes à faible
revenu en vue de les aider à augmenter leurs revenus, à constituer des actifs et / ou à se
protéger contre les chocs extérieurs. L’activité de microfinance joue un rôle essentiel à la fois
financièrement et socialement, car elle a évolué comme une approche de développement
économique visant à sortir les clients de la pauvreté.

Avec le temps et le développement de ce secteur particulier de la finance partout dans le


monde, y compris dans les pays développés, nous pouvons affirmer avec confiance que la
microfinance a toujours été disponible pour aider durablement la fourniture de services
financiers aux ménages pauvres et quasi-pauvres (micro entrepreneurs), qui sont exclus des

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services financiers formels. Cette innovation financière a atteint son paroxysme en 2006, lors
de la remise du prix Nobel de la Paix à Muhammad Yunus5 pour ses efforts à promouvoir le
développement économique et social à partir de la base en créant la première institution de
microfinance « Grameen Bank6 » à Bangladesh.

Suite à l’année mondiale du microcrédit en 2005, la Banque mondiale a publié le résultat


d’études macro-économiques suggérant une relation entre l’accès au crédit et le
développement économique d’un pays. Signe de l’enthousiasme soulevé par cette innovation
financière, Muhammad Yunus estime qu’il devrait devenir un droit de l’homme (Hudon,
2009). Selon Peachey et Roe (2004) considèrent que l’accès aux services financiers devrait
être appréhendé au même titre que l’accès à l’eau, aux soins de santé ou à l’éducation. Lors de
ses débuts, la microfinance fut l’objet d’un enthousiasme tel qu’elle a souvent été prise
comme exemple d’investissement socialement responsable ou éthique. Robinson (1999) parle
ainsi de la "révolution" de la microfinance, définie comme la provision à grande échelle de
produits d’épargne et de crédit à destination de clientèle à bas revenus, par des institutions
sûres, qui sont à proximité des clients et agissent avec un esprit commercial.

b. Les principes de la microfinance :

En principe, la micro finance peut recouvrir toutes les démarches ayant pour but d’accroître
les accès ou d’améliorer la qualité des services financiers auxquels les plus pauvres peuvent
recourir ou qui peuvent leur être d’une quelconque utilité. Les pauvres empruntent à des
prêteurs locaux et placent de la même façon leurs économies dans des projets rentables ; une
partie du profit s’affecte sous forme d’épargne pour des investissements ultérieurs, le reste est
dédiée à la consommation pour répondre aux besoins de la vie courante et améliorer leur
niveau de vie.

Ainsi, ces différents principes constituent une feuille de route des IMF qui les guident dans
l'application de leurs politiques. On doit toujours les garder en tête si l'on veut comprendre la
philosophie de ces institutions qui cherchent à mettre en œuvre des services financiers
accessibles aux personnes en situation précaire et exclues du système financier classique. Par

5
Né le 28 juin 1940 en Chittagong au Bangladesh, est un économiste et entrepreneur bangladais connu pour
avoir fondé, en 1976, la première institution de microcrédit, la Grameen Bank. Le « banquier des pauvres »,
reçoit le prix Nobel de la paix en 2006.
6
La Grameen Bank (GB) est une banque créée en 1983 au Bangladesh par Muhammad Yunus. La GB fournit
des microcrédits sans aucune garantie au plus pauvres des pauvres dans les zones rurales. Fin octobre 2010, la
GB compte 2 565 succursales dans 81 373 villages (97 % du total des villages du Bangladesh) et desserve 8,33
millions de clients dont 97 % de femmes. La banque ainsi que son fondateur ont obtenu en 2006 le prix Nobel de
la paix. (www.grameen-info.org).

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ailleurs, les programmes de micro finance requièrent des besoins urgents en termes : de
renforcement des capacités des IMF, de l'accroissement de l'efficacité et de la soutenabilité
des programmes actuels, de leur extensions géographique à des endroits reculés en milieu
rural ainsi que la fourniture des services à des coûts moindres. Les besoins des IMF sont
d'autant plus importants et urgents que la situation socio-économique du pays en question est
très précaire.

Il reste toutefois, évident que la micro finance ne doit pas être confondue avec certaines
formes d’actions humanitaires. Il est préférable de donner des subsides aux familles dans la
mesure où elles sont vraisemblablement dans l’incapacité de générer les ressources nécessaire
pour rembourser un crédit. C’est une situation que l’on trouve, par exemple dans des régions
dévastes pour la guerre ou pour une catastrophe naturelle. Enfin, la microfinance s’inscrit
dans le cadre de l’un des grand projets de l’économie solidaire et se révèle être l’un des
instruments de développement socio-économique les plus efficaces (Van Maanen, 2005). À
travers une offre d’une large gamme de services financiers spécifiques et adaptés à la
population cible « les individus démunis et exclus du système financier classique » ainsi que
l’offre d’une large gamme de services sociaux (la formation, la gestion, l’encadrement et
l’accompagnement des entrepreneurs ayant ou bien souhaitant créer leurs propres micro-
entreprises).

Ceci dit, les institutions de microfinance permettent, par la suite, d’inclure financièrement des
populations et des entreprises de petite et très petite taille ainsi que de leur offrir des
programmes de suivis et d’accompagnement spécifiques à ceux qui, pour des raisons
économiques, sont exclues des services bancaires classiques.

c. Qu’est-ce qu’une institution de microfinance ?

En règle générale, une institution de microfinance est une organisation qui accorde un
ensemble de services financiers et non financiers aux familles pauvres à faible revenu, aux
micro-entrepreneurs et aux indépendants tels que les artisans, les petits agriculteurs, les
commerçants et les fournisseurs de services comme : les chauffeurs de taxi, les coiffeurs, etc.,
qui ne peuvent obtenir un prêt des banques traditionnelles à l'absence de garanties et
d'antécédents de crédit. Généralement, les clients de la microfinance sont des travailleurs
indépendants, souvent des entrepreneurs à domicile ; environ les deux tiers sont des femmes
sont couvertes des zones rurales et urbaines (Novak, 2011).

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En termes économiques, une institution de microfinance fonctionne comme une institution
financière ayant axée au phénomène de la pauvreté pour offrir des services financiers à un
segment de la population qui n'est pas servi par les fournisseurs de services financiers
traditionnels, visant à réduire leur vulnérabilité en améliorant leurs conditions de vie
matérielle. Grâce aux différents services fournis par les IMFs, les emprunteurs peuvent
investir dans des activités génératrices de revenus, ce qui augmente leurs revenus et améliore
leur niveau de vie ainsi que celle de leur famille. A mesure que les petites entreprises se
développent, les IMFs offrent souvent des emplois à d'autres membres de la communauté ;
certaines institutions obligent un mode de prêt collectif à sa clientèle en vue d’intégrer
plusieurs personnes à créer de la richesse et à assurer le remboursement du prêt. Ce qui
permet de dire que, la microfinance représente un véritable levier de développement socio-
économique vu sa capacité à générer de la richesse et à créer de l’emploi.

On peut également définir les institutions de microfinance comme des organisations dédiées à
l’offre presque exclusive de services financiers de proximité, afin de promouvoir l’activité
économique des populations à faibles revenus, qui n’ont généralement pas ou difficilement
accès au secteur bancaire formel. Les IMFs représentent donc le cadre d’exercice des activités
de l’industrie de la microfinance. Globalement, pour offrir des services de qualité et viables
sur le long terme, les IMFs dispose d’un «siège» de direction dont dépendent des « agences de
crédit » réparties sur un territoire. Les agents de crédits, qui œuvrent dans ces agences, sont
directement responsables de l’octroi des prêts, de leur remboursement, de la gestion de
l’épargne et des autres produits offerts aux clients. Généralement très impliqués, connaisseurs
des pratiques utiles à la création d’activités économiques, ils sont aussi un recours conseil
précieux pour les emprunteurs.

Selon Hulme et Rutherford (2002), les organisations qui fournissent les services financiers
sont classées en trois catégories. En premier lieu, on trouve les prestataires de services
formels ; ce sont les organisations formelles qui sont soumises à la législation et à la
réglementation bancaire du pays, qui offrent des services de détail classiques aux clients et qui
sont engagés dans l’intermédiation financière. Donc, elles sont soumises non seulement aux
lois en vigueurs mais aussi à la régulation et au contrôle bancaire comme : les banques de
développement, les banques postales, les banques commerciales et les intermédiaires
financiers non-bancaires. Les institutions formelles peuvent aussi être n’importe quelle
organisation légale offrant toute forme de services financiers.

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Ensuite, Le secteur informel a pris de l’ampleur au point de concurrencer, à son avantage, le
secteur formel. Plusieurs définitions ont mis en œuvre la particularité et les caractéristiques du
secteur informel dont deux nous semble très pertinentes à citer. La première définition,
accorde à dire que le secteur informel est l’ensemble des activités économiques qui se
réalisent en marge de législation pénale, sociale et fiscale ou qui échappent à la comptabilité
nationale. En outre, la deuxième définition consiste à dire que le secteur informel est
l’ensemble des activités qui échappent à la politique économique et sociale, et donc à toute
régulation de l’Etat. Dans tous les cas, les deux définitions se recoupent puisqu’elles
soulignent l’idée de fraude.

Cependant, les personnes qui, pour différentes raisons, ne peuvent pas emprunter auprès des
institutions financières formelles, font généralement appelle à d’autres solutions, notamment
celles offertes par le secteur informel. Selon Lelart (2006), les exemples de ces solutions de
financement alternatives sont observés dans la plupart des villages du Tiers-Monde et dans
certaines villes, comme les grandes métropoles d’Asie. Les organisations informelles ou le
secteur informel qui est formé essentiellement de sources de crédit non déclarées telles que les
prêteurs sur gage, les « tontines à tirage au sort7 » en Afrique ou les « self help groups 8» en
Inde, les associations cumulatives d’épargne et de crédit, les groupes d’entraide, les
associations de crédit et les prêteurs privés (usuriers). Ces initiatives ne peuvent être
considérées comme des « IMF » au sens propre, et leur fonctionnement diffèrent d’une
structure à l’autre.

 Selon Robinson (2001), les usuriers ne prêtent généralement qu'à un petit nombre de
personnes auprès desquelles ils peuvent assez facilement se faire rembourser. L’auteur
relève deux méthodes utilisées par ces prêteurs pour surmonter le risque de non
remboursement :

 La première méthode consiste à ne prêter qu’à des personnes de confiance et sur


lesquels le prêteur exerce un certain contrôle sur l’emprunteur grâce à des transactions
qui les réunissent depuis très longtemps (un fournisseur avec ses clients, un patron
avec ses employés, un propriétaire de terrain avec les agriculteurs, etc.)

 La deuxième méthode consiste à utiliser des sources d’information non coûteuses afin
d’obtenir les informations nécessaires sur les emprunteurs potentiels. Les informations

7
Ses associations sont connues sous l’acronyme RoSCA (Rotating Savings and Credit Associations).
8
Il s’agit de groupes de personnes qui regroupent leur épargne, pour financer les projets d’un ou plusieurs de
leurs membres

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accueillies sont fiable grâce à la crédibilité des sources comme : les réseaux locaux, les
alliances politiques, les appartenances religieuses et différentes autres sources.

Par ailleurs, Robinson (2001) classe le secteur informel du crédit en trois catégories. La
première catégorie est le secteur informel commercial, où sont actifs des prêteurs comme les
usuriers, les commerçants, les employeurs, les propriétaires des terrains, etc. La deuxième
catégorie est qualifiée de secteur informel non-commercial. Ce sont généralement des prêteurs
qui font partie de la famille, des amis, des voisins, etc. La troisième catégorie, située entre les
deux premières catégories, est composée d’une variété de ROSCA, d’associations mutuelles
d’aide et de sociétés de financement informel. Leur objectif varie d’un objectif purement
commercial à un objectif purement social et entre ces deux extrêmes d’autres organismes
présentent un mixte entre l’objectif commercial et l’objectif social.

Gonzalez-Vega (1995) accorde à dire que les services offerts par la finance informelle sont
très utiles pour leurs clients. Sans ces arrangements informels, les services financiers ne seront
pas fournis à tout le monde et le bien-être des pauvres serait réduit. Cependant, ces services
présentent plusieurs inconvénients, dont :

 Premièrement, les services offerts ne couvrent pas tous les besoins de leur clientèle. La
plupart des services non offerts sont ceux pour lesquels les pauvres ont plus besoin,
notamment les dépôts ;

 Ensuite, les services financiers informels sont offerts soit par un vaste réseau de
relations (amis et parents) et portent notamment des frais difficilement mesurables,
soit ils sont financièrement très coûteux.

Enfin, les services financiers informels ne sont pas efficaces et ne participent pas de manière
significative à la croissance économique. En effet, les prêteurs de ce secteur ne sont
compétitifs que dans de petits segments du marché, notamment pour les transactions
financières entre les agents qui se trouvent à proximité (même village, même profession,
même groupe social, etc.). La finance informelle devient très coûteuse, d’ailleurs on voit
rarement des transactions entre des agents éloignés les uns des autres. Les coûts engendrés par
la recherche d’information sur les prêteurs, qui ne sont pas à proximité, et leur surveillance
sont trop élevés. En conséquence, la finance informelle ne peut contribuer sensiblement à
l’amélioration de l'allocation des ressources. D’une autre part, la finance informelle a apporté
une solution alternative aux personnes exclues du champ d’action du secteur financier formel.

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Cependant, les coûts des services du secteur informel, qu’ils soient sous forme de taux
d’intérêts ou sous d’autres formes, restent très élevés. En outre, le champ d’action des prêteurs
du secteur informel est limité à l’entourage proche afin de minimiser les coûts de recherche
d’information et de surveillance qui sont nécessaires pour pallier aux problèmes de
l’asymétrie d’information caractéristique du marché du crédit. Enfin, les services offerts
n’arrivent pas à répondre aux besoins de cette frange de population qui n’a pas accès à toute la
panoplie de services offerts par les institutions financières formelles. Il n’est donc pas
surprenant d'observer une forte demande pour les services financiers du secteur semi-formel
et du secteur formel qui sont moins chers et en même temps plus stables et plus fiables.

Entre le secteur formel et le secteur informel se trouve le dernier type d’organisations, celles
du secteur semi-formel. Les institutions semi-formelles sont des entités légales soumises à la
législation générale et à la loi commerciale mais non à la réglementation bancaire
(organisations non-gouvernementales financières, coopératives d’épargne et de crédit, etc.)
Christen, Rosenberg et Jayadeva (2004) notent qu’il existe un grand nombre d’organismes qui
ont pour vocation de fournir les services financiers aux populations pauvres.

Les auteurs utilisent le vocable institutions financières alternatives (IFA) pour désigner ces
organismes. Ce sont donc des institutions qui ciblent spécifiquement les clients à faible
revenu ou ceux qui n’ont pas accès aux services des banques, il existe au sein de ces IFA un
sous-groupe qui vise particulièrement les pauvres et les plus pauvres, il s’agit des IMFs. Les
prestataires semi-formels sont les institutions de microfinance. Ces dernières, sont
généralement créées sous forme d’organisations non-gouvernementales ou de coopératives.
Dans certains cas, elles peuvent avoir le statut d’une banque avec une charte spéciale comme
la Grameen Bank.

Dans le sens large, cette définition cache une hétérogénéité qui existe entre les IMFs, ces
dernières incluent un grand nombre de fournisseurs de services financiers qui se diffèrent les
unes des autres par leurs statuts juridiques qui varient selon les pays et les pratiques
(association, mutuelle/coopérative d’épargne et de crédit, banque…) ces statuts conditionnent
les modes de financement possibles. Le premier n’a pas le droit de collecter d’épargne et vit
de diverses subventions et emprunts bancaires. Au contraire, le second ne repose quasiment
que sur l’épargne des clients quand le troisième peut s’en accommoder mais se finance
majoritairement du capital apporté par ses actionnaires.

Il existe dans le monde, toutes sortes d’institutions de microfinance qui se distinguent par
leurs tailles allant d’une centaine de clients pour les plus petites à plus de 6 millions de clients
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pour les plus grandes (Grameen Bank, BRAC, etc.) ainsi que par leurs structures, les lois qui
les régissent, leurs missions, leurs méthodologies de crédit, leurs anciennetés, leurs stratégies
ou encore leurs moyens. Cependant, ces fournisseurs ont tous la caractéristique commune qui
consiste à fournir des services financiers aux clients qui sont pauvres et plus vulnérables que
les clients des banques traditionnelles dont la vocation commune réside dans l’éradication de
la pauvreté en assurant l’auto promotion économique et sociale des populations à faibles
revenus. Reste la question de fiabilité de ces organisations qui est éventuellement déterminée
par le bon déroulement des opérations.

La grande particularité de ce type d’organisation réside dans la dualité de ses objectifs, qui
sont à la fois sociaux « contribuer au développement socio-économique pour la lutte contre la
pauvreté » et économiques « assurer la viabilité financière pour répondre aux besoins de la
cible et protéger la continuité des activités ». Ces définitions ne se limitent pas à mettre en
œuvre la portée de la microfinance mais soulignent également la nécessité d’équilibrer ses
objectifs sociaux et financiers (Madurai, 2003), qui n’est surtout pas une chose facile à
atteindre. Pour ce faire, le recours aux bonnes pratiques reste le meilleur moyen aux IMFs
pour assurer la continuité de leurs activités sur la durée. Ces pratiques se manifestent dans la
rencontre des micro-entrepreneurs sur le terrain afin d’évaluer leur solvabilité, la mesure des
besoins pour leur offrir des services adaptés, et enfin de les accompagner dans la réalisation
de leur projet. L’institution de microfinance maintien des liens très étroits et industrialisés
avec ses bénéficiaires.

Par ailleurs, la viabilité financière des IMFs repose sur plusieurs éléments citant par exemple :
la maîtrise du terrain, la clarté de sa gouvernance, l’adéquation à son environnement et enfin
son équilibre financier. Sur ce dernier point, il ne faut pas être pressé et savoir qu’une IMF,
même dotée de toutes les qualités, mettra en moyenne cinq ans avant de trouver son rythme de
croisière, voire beaucoup plus dans un milieu rural à faible densité de population. Une IMF
pérenne dispose à la fois de cet équilibre budgétaire mais aussi d’un financement croissant à
même de satisfaire une clientèle de plus en plus importante.

Les institutions de microfinance (IMF) ont pour mission de fournir des services financiers
adaptés aux besoins des personnes en situation précaire et exclus du système financier
classique ainsi que d’offrir des services sociaux, surgissent généralement dans le
renforcement des capacités des emprunteurs, y compris les aspects organisationnels et
opérationnels, le développement du leadership, le renforcement de la confiance, la gestion des
petites entreprises, la gestion de trésorerie et le transfert d’informations. Par ailleurs, le

15
premier but de la microfinance se manifeste dans l’éradication ou bien dans la lutte contre la
pauvreté en donnant un coup de main aux emprunteurs sous forme de financement,
accompagnement, formation et gestion d’activités. Il apparait également que l’inclusion
bancaire représente un second but de la micro finance en favorisant au plus démunis l’accès
aux services financiers provenant du système financier alternatif.

Selon Brabant et al., 2009, les impacts positifs observés en termes de bancarisation sont avant
tout le résultat de la réussite du projet financé et de l’amélioration de la situation de
l’emprunteur, l’inclusion bancaire est aussi un impact indirect de la micro finance. La micro
finance représente alors un véritable outil d’inclusion bancaire dans la mesure où il donne
accès aux prêts à des emprunteurs qui en étaient jusqu’alors exclus. Cependant, la question se
pose de savoir si ce prêt est une première étape vers une inclusion bancaire stable et plus large
de ces emprunteurs. En effet, les IMFs représentent un moyen de lutte contre la pauvreté et de
lutte contre l’exclusion bancaire des personnes à faible revenu, qui ne font pas parties du
système formel et de l’économie officielle. Grâce aux institutions de microfinance, on assiste
à un changement de perspectives, cette frange de la population devient de plus en plus digne,
responsable, autonome et auteur de leur propre développement et elle a enfin pris place dans
le monde des affaires.

Par ailleurs, les institutions de micro finance (IMFs) sont considérées comme des acteurs
multiples, ayant chacun des techniques, des modes et des comportements différents, mais qui
agissent ensemble pour faire émerger une identité spécifique de la finance solidaire ;
ses compétences consistent à penser globalement, à pouvoir fédérer des individus et des
acteurs autour de l’activité financière, à connaître les besoins des entrepreneurs individuels et
des communautés quelques soient leurs conditions économiques et sociales. En se basant sur
ça , il apparaît que les institutions de micro finance jouent un rôle complémentaire au système
bancaire classique en développant des techniques de prêt innovantes, notamment des prêts
solidaires, des prêts flexibles, des prêts minimes avec une incitation dynamique, des prêts
progressifs et des remboursements fréquents, que les banques considèrent comme trop
coûteux ou trop risqué à atteindre. Les institutions de micro finance occupent une place de
plus en plus importante dans le paysage financier de la plupart des pays en développement et
apparaissent aujourd'hui comme un vecteur de développement et un rempart contre l'exclusion
financière. En outre, les IMFs sont reconnues dans le monde entier comme un outil potentiel
pour contribuer à la réduction de la pauvreté et promouvoir la croissance économique dans les
pays en développement.

16
Il semble que le monde de l’économie informelle est par définition hors de portée des
opérateurs plus classiques d’aide à la création et au développement des entreprises. Par contre,
la microfinance a une portée unique dans l’économie informelle, puisqu’une grande majorité
des clients des IMF sont informels. Elles jouent le rôle d’un support financier en octroyant des
prêts à des micro-entrepreneurs et d’un support non financier en ayant accès à des services
sociaux qui se manifestent dans les formations en entrepreneuriat, en marketing et l’assistance
en comptabilité, et autres ainsi que dans l’accompagnement du processus de formalisation9
des micro-entreprises.

Les IMF peuvent d’autre part jouer un rôle plus actif en mettant en place des taux d’intérêts
différenciés selon le statut de leurs clients, en donnant un accès conditionnel à leurs produits
et en proposant une gradation de leur offre de services financiers en fonction du niveau de
formalisation de leurs clients. Plusieurs personnes confondent les institutions de microfinance
par les banques traditionnelles qui offrent des prêts de faible ampleur aux emprunteurs
solvables et à moins risque. Les IMF ne se limitent pas à offrir uniquement des microcrédits
mais elles s’engagent également à offrir une étendue de gamme de services financiers et non
financiers à une frange de la population exclus du système financier classique à cause de
l’absence de garanties et d’antécédents de crédit.

Par ailleurs, une IMF est désignée comme une organisation de l’économie solidaire, qui
s’intéresse essentiellement à une cible marginalisée par l’économie officielle « les personnes
en situation précaire » afin d’améliorer leurs niveaux de vie en les aidant à devenir les
principaux auteurs, responsables de leur propre développement. La particularité des IMF se
manifestent bien clairement dans leur raison d’être et leur dualité d’objectifs, qui font d’elles
des entreprises hybrides. De ce fait, il semble nécessaire de mesurer et de publier leurs
performances aussi bien financière que sociale. En termes de financement, pour assurer la
pérennité des IMF, ces dernières doivent se payer par elles-mêmes, ne pas recourir à des
apports externes et devenir indépendantes aux subsides rares et incertains des donateurs et du
gouvernement (les dons des bailleurs de fonds et les subventions de l’Etat).

9
Le terme de formalisation désigne de façon large les processus par lesquels les emplois, les travailleurs ou
entités économiques évoluent vers des arrangements formels, en droit et en pratique. On différencie en général
deux dimensions : la formalisation de l’emploi et celle des micro-entreprises. Lorsque l’on parle de formalisation
pour les clients des IMF, c’est avant tout par référence à la deuxième dimension, celle des micro-entreprises. Un
tel processus de formalisation des micro-entreprises va alors prendre en compte l’objectif premier de
l’entrepreneur, les facteurs de production et l’organisation des processus de production (y compris les formes
légales, l’enregistrement de l’entreprise, la conformité aux différentes règles sur les conditions de travail, des
processus formels de comptabilité, etc.).

17
De plus, la réussite des activités des IMF suscite l’intervention de l’ensemble des parties
prenantes, une panoplie d’acteurs internes et externes, ayant le même impact et occupant tous
une place majeure dans la prise de décision. Au niveau de la banque, on trouve une hiérarchie
entre les différents acteurs, les actionnaires occupent une place prépondérante en prenant
toujours le premier rang. Raison pour laquelle, toutes les politiques et les stratégies sont
t’orienter à satisfaire le besoin des actionnaires, ensuite celui des clients et de l’économie du
pays. Il apparait nécessaire de faire une distinction entre les IMF et les banques classiques
même en termes de statuts, les IMF rentrent dans la catégorie des entreprises de l’économie
solidaire, qui peuvent avoir différents statuts : une association (bien souvent une
ONG), une mutuelle ou une coopérative, et enfin une société commerciale (bancaire ou non
bancaire comme les NBFC, les sociétés financières non bancaires). L’octroi des prêts par une
institution de microfinance ne veut pas forcément dire qu’elle s’agit d’une banque. Par
ailleurs, sa raison d’être, son rôle, ses objectifs, sa finalité et ses missions ont été bien illustré
ci-dessous :

d. Les spécificités et les particularités d’une IMF :

Institutions de microfinance Banques classiques

But - Lutte contre la pauvreté. Satisfaction des actionnaires.


- Lutte contre l’exclusion bancaire.

- Objectif social : Atteindre le maximum Atteindre un équilibre


des bénéficiaires (Augmentation de financier et assurer une bonne
Objectif
l’étendu de portée des emprunteurs). gestion de portefeuille clients.
- Objectif financier : Assurer la viabilité et
la pérennité financière.

Finalité - Amélioration du niveau de vie des La continuité de son activité


personnes en situation précaire. financière.

- Offrir des services financiers : Recevoir les fonds au moyen


microcrédit, micro assurance, épargne, de dépôt qu’y font leurs
transfert de fonds, etc. clients et de mettre des fonds
Mission
- Offrir des services sociaux : à la disposition des

18
accompagnement, formations multiples, emprunteurs au moyen de
encadrement, gestion de projets, etc. prêts.

- Support financier. Offrir des services financiers


- Support non financier (social). pour promouvoir la
Rôle
croissance et le
développement d’un pays.

Tableau 1 : Les diversités multidimensionnelles entre les IMF et les banques classiques 10

Aujourd’hui, la microfinance ne représente pas uniquement le microcrédit, mais elle désigne


la fourniture d’un large éventail de services financiers, tels que la micro-épargne, la micro-
assurance et les transferts de fonds aux consommateurs pauvres ou à faible revenu pour la
consommation ou l'auto-emploi, ainsi qu’un large éventail de services non financiers, tels que
l’accompagnement, les formations et l’encadrement des micro-entrepreneurs, etc. Nous
commençons par la présentation de deux approches dégagées des courants de pensés qui sont
les plus dominants dans le champ de la microfinance. Ensuite, nous présentons les méthodes
développées pour évaluer ou mesure la performance des institutions de microfinance.

e. Le schisme de la microfinance : l’émergence de deux écoles de pensée :

Ce dualisme d’objectifs entre la performance sociale et la performance financière des


institutions de mcirofinance est soutenu dans la littérature par deux courants de pensée :
« l’approche Welfariste11 », qui porte son attention sur l’exigence sociale de ciblage des
pauvres et d’amélioration de leurs conditions de vie et « l’approche Institutionnaliste12 », qui
défend l’exigence de rentabilité et de viabilité de l’institution. Bien que ces deux courants de
pensée partagent l’objectif de réduction de la pauvreté, ces approches placent la microfinance
à la croisée des chemins, ce que Morduch (2000) qualifie de « Microfinance Schism ». Mais
de quels pauvres est-il question et comment sortiront-ils de cette pauvreté ? Se poser ces
questions permet de voir comment les tenants des deux approches partent de deux points de
vue complètement différents ; même si elles ont comme finalité la réduction de la pauvreté,
leurs définitions du « pauvre » sont fort différentes et la façon de l'aider tout autant.

10
Réalisé par soi-même.
11
L’emploi du terme « welfarisme » est ici très spécifique au champ d’étude de la microfinance.
12
L’emploi du terme « institutionnalisme » est ici très spécifique au champ d’étude de la microfinance.

19
i. L’approche welfariste (bien-être social) :

L’approche Welfariste se base sur la théorie de la responsabilité sociale vis-à-vis de la


clientèle afin de répondre à ses attentes. Ce courant cible les plus pauvres dont les revenus
sont de 50% inférieurs au seuil de pauvreté (1$ par habitant par jour). C’est une approche qui
se focalise sur la réduction de la pauvreté à travers la fourniture de services financiers aux
pauvres, notamment les très pauvres (appelé aussi les plus pauvres des pauvres), pour les
aider à surmonter leurs situations et à gagner leur autonomie et ainsi à améliorer leur bien-
être.

Selon Hamed (2004), cette approche est composée essentiellement d’institutions solidaires
(organisations non gouvernementales ou coopératives) qui considèrent la microfinance
comme un moyen clé pour réduire la pauvreté des plus pauvres. L’objectif des Welfaristes se
manifeste dans l’octroi des crédits aux plus démunis désirant réaliser des mini-projets pour
améliorer leurs conditions de vie ainsi que ceux de leurs enfants. Les taux d’intérêt sont
généralement inférieurs à ceux appliqués sur le marché. De plus, les crédits sont souvent
accompagnés de d’autres services non-financiers comme la formation professionnelle et
l'enseignement, la planification familiale, la nutrition, la santé, etc.

Woller et al. (1999) soulignent que les welfaristes mettent plus l’accent sur la profondeur de
la pauvreté atteinte plus que sur l’étendue des opérations des IMF. Ils sont assez clairs sur leur
désire d’améliorer le plus vite possible le « bien-être » des clients. Par ailleurs, la performance
d’un programme de microcrédit s’évalue dans une approche de « bien-être » à l’aide de
« Welfare studies » qui se basent sur des indicateurs de performance sociale mesurant l’effet
réel du microcrédit sur les pauvres.

Les Welfaristes évaluent la performance d’une IMF du point de vue du client par sa portée
sociale (Lafourcade et al., 2005) en réalisant une analyse d’impact (Cheston et al., 2005). De
leur part, Adair et Berguiga (2010) soulignent que l’école Welfariste évalue la performance
des institutions de microfinance par les critères basés sur la portée des activités et sur leur
impact sur les conditions de vie des participants. En privilégiant la mission sociale, en premier
lieu, par rapport à la rentabilité et la viabilité financière, les partisans de l’approche welfariste
font des programmes de microfinance des programmes à vocation sociale en se basant
principalement sur les subventions en provenance de l’état et des bailleurs de fonds. Selon les
Welfaristes, le fait d'être subventionné n'empêche pas d'atteindre une taille significative ou de
résister à l'épreuve du temps.

20
En effet, l'existence de la Grameen Bank, de BRAC ou de FINCA devrait, en outre, constituer
une preuve de la possibilité d'atteindre une étendue significative en tant qu'institution à but
non lucratif. CARE, la Croix-Rouge ou United Ways, sont aussi de bons exemples. Il existe,
en fait, des milliers d'institutions à but non lucratif qui fonctionnent bien et croissent malgré
une dépendance aux subventions. Les défenseurs de ce courant stipulent que les IMF
subventionnées détiennent un avantage comparatif dans l'atteinte d'une clientèle très pauvre,
le fait de leur retirer tout soutien financier n'est pas sans graves conséquences. Néanmoins,
l’autosuffisance financière est considérée uniquement comme un objectif d’investissement
social. Voilà donc l’essentiel de la réplique Welfariste à l’attaque institutionnaliste.

En outre, comme les institutionnalistes, les partisans de l’approche welfariste, Morduch,


2000 ; Graywoller, Christopher Dunford et Worner, Woodworth, 1999, sont eux aussi
favorables à des pratiques opérationnelles et managériales saines. Mais, bien qu’ils défendent
aussi l’efficacité et l’efficience institutionnelle, ils ne considèrent pas l’autonomie financière
comme le premier objectif à poursuivre mais elle prône une offre de services financiers à taux
d’intérêt relativement fiables avec un large recours aux subventions (Olszyna-Marzys, 2006).
La position des welfaristes commence à s’articuler vers 1998, autour des écrits de Jonathan
Morduch (1998 ; 1999 ; 2000) et de Gary Woller, Christopher Dunford et Warner Woodworth
(1999), plus tard suivi par d'autres tel John Hatch, fondateur de FINCA International ou
Anton Simanowitz (2002), visant tous la promotion de la performance sociale des IMF.

ii. L’approche institutionnaliste :

L’approche institutionnaliste a vu le jour vers le milieu des années 1990, l'objectif poursuivis
par les tenants de cette approche est de permettre aux IMF d’atteindre leur autosuffisance
financière, ce qui leur permettra d’avoir une plus grande étendue de la portée de leur activité.
En effet, la priorité dans cette approche est accordée à l’autosuffisance de l’institution et à
l’amplitude de ses programmes « le nombre de clients touchés », alors que la profondeur des
programmes « l’impact sur la clientèle » est reculée au deuxième rang.

Ses protagonistes considèrent que la manière unique d'atteindre la grande majorité des
pauvres sans l'accès aux services financiers est d’augmenter le mouvement de la microfinance
à travers son intégration dans le système financier formel. En effet, ils cherchent à inscrire les
IMF à l’intérieur d’une logique de marché en insistant sur la volonté de la mise en place des
systèmes de microfinance pérennes ainsi que sur la volonté de massification du crédit (De
Briey, 2005). De ce fait, chaque IMF devrait viser la durabilité financière en maximisant son

21
efficacité et sa productivité. Par conséquent, la durabilité passe nécessairement par l’accès à
l’autonomie financière. Celle-ci va en effet, susciter une étendue des opérations qui permettra
aux IMF de réaliser certaines économies d’échelles et par la suite d’aspirer à atteindre la
viabilité financière.

Cet intérêt pour l’autosuffisance a été émergé à partir de reconnaissance de la rareté de fonds.
En effet, les institutionnalistes croient en la nécessité de l’intervention à grande échelle qui
demande des ressources financières au-delà de ce que peuvent fournir les bailleurs de fonds.
Ils craignent la versatilité de ces bailleurs de fonds nationaux ou internationaux car une IMF
qui veut s’inscrire dans la durée, en devenant structurellement dépendante de la subvention,
risquerait d’être un programme sans lendemain. Mais le seul moyen d’avoir les ressources
financières dont on a besoin est de recourir aux sources privées (épargne, dettes
commerciales, fonds propres et capital-risque). Pour y accéder, une gestion rigoureuse,
transparente et efficace est requise ; mais surtout il faut une institution profitable.

Par ailleurs, pour réaliser l’autosuffisance financière, les institutionnalistes ont déployé
d’importants efforts afin d'essayer de concevoir un ensemble de "meilleures pratiques" (best
practices). Celles-ci se rapportent aux pratiques qui améliorent l'efficacité tels que les
systèmes de gestion, la finance et la comptabilité, le marketing, la livraison de service, etc.
L'adoption répandue des "meilleures pratiques" est une étape essentielle pour arriver à
l’autosuffisance financière, avoir accès au marché financier et atteindre le maximum de
clients pauvres (Morduch, 2000).

Le centre d’attention d’une IMF commerciale réside donc, dans l’amélioration des pratiques
d’une « institution » pour assurer son efficacité. Ainsi, la pérennité institutionnelle est
généralement mesurée par les progrès réalisés par l'institution vers l’atteinte de son
autosuffisance financière, considéré comme un objectif rationnel et un indicateur de succès
pour plusieurs sinon la plupart des IMF. Enfin, les institutionnalistes cherchent la
massification du crédit et mettent en place un système d’intermédiation financière pérenne
pour assurer la durabilité financière des IMF (De Briey, 2005).

 Les défenseurs de l’approche institutionnaliste :

Cette approche est devenue dominante avec les années, ses défenseurs se trouvant dans des
sites de pouvoir tel que (les Nations unies, l’USAID, la Banque Mondiale, le CGAP, l’Accion
international, etc.) du développement international (Woller et al., 1999). Un consortium de 33
agences de développement publiques et privées travaillent également à élargir les services de

22
microfinance partout dans le monde en fournissant un appui financier et technique ainsi
qu'une capacité de recherche. L’objectif institutionnel de la majorité des auteurs du domaine
se manifeste dans la génération d’un consensus autour de « meilleurs pratiques » et de normes
qu’il convient dès lors de standardiser pour adoption universelle. Ces derniers travaillent à ce
que leur conception de la microfinance devienne celle considérée comme l'approche valide ou
légitime pour ceux qui veulent véritablement aider les pauvres.

De nombreux et prolifiques auteurs du domaine tels que Maria Otero (1999), présidente et
CEO de Accion international, Elisabeth Rhyne (1998) anciennement de USAID et aujourd'hui
également chez Accion international, Margaret Robinson (2001) de la Banque Mondiale ou
Elizabeth Littlefield (Littlefield et Rosenberg, 2004) du CGAP favorisent aujourd'hui cette
conception de la microfinance et avancent que les institutions de microfinance qui se
focalisent sur les principes de bonne gestion bancaire sont les plus efficaces dans la réduction
de pauvreté. Néanmoins, la définition et la tentative de codage d’un modèle de « meilleures
pratiques » a été mise en question par plusieurs auteurs. La réplication d’un seul et unique
modèle d’IMF peut engendrer un ralentissement de l’innovation et de l’expérimentation dans
le développement de nouveaux produits pour les très pauvres et les systèmes de livraison qui
leur sont le plus appropriés.

 L’objectif des IMF institutionnalistes :

L’approche institutionnaliste se focalise essentiellement sur la création d'institutions


financières viables qui permettront aux clients qui ne sont pas desservis ou qui sont mal
desservies par le système financier formel d’avoir accès à un ensemble de services financiers
adaptés (Woller, Dunford et Dunford, 1999). De ce fait, cette approche vise la création d'un
système parallèle d'intermédiation financière viable qui servirait les pauvres, ses protagonistes
considèrent que l’unique manière d’atteindre la grande majorité des pauvres est d’augmenter
le mouvement de la microfinance à travers son intégration dans le système financier formel.

 La cible des institutionnalistes :

Les institutions de microfinance appliquent des taux élevés à leur clientèle afin d’assurer
l’autonomie financière (De Briey, 2005). Cette situation va alimenter un problème
d’exclusion des plus pauvres, puisque seuls les clients riches seront capables de faire face à
ces taux. Selon Baydas et al, (1997), l’institutionnalisation de la microfinance peut conduire à
un abandon des populations les plus pauvres en fonction desquelles le mouvement est né. Par
ailleurs, l'IMF commerciale a comme clientèle cible les « pas-si-pauvres-que-ça » (not-so-

23
poor) qui, grâce aux sommes prêtées, pourront démarrer ou faire croître leur microentreprise
(ME) ce qui, à terme, créera de l'emploi pour les très pauvres. Ainsi, l’approche commerciale
a pour objectif l'atteinte du plus grand nombre de pauvres possible et non pas l'atteinte des
populations les plus pauvres.

3. Les Welfaristes versus les institutionnalistes : un débat loin d’être clos :

La littérature montre clairement comment le mouvement de la microfinance est séparé par


deux théories, leur but est de déterminer la meilleure façon d'aider les pauvres ; celle des
institutionnalistes, « une approche commerciale » qui se concentre sur l'efficacité économique
afin de produire ce qui serait un développement économique et social à long terme. Cette
approche se centre sur la durabilité financière des IMF et considère que l’unique manière
d’atteindre la grande majorité des pauvres est d’augmenter le mouvement de la microfinance à
travers la massification du crédit, la recherche de l’autonomie financière et l’intégration dans
le système financier formel.

Et celle de l’approche Welfariste, qui met l’accent sur l’amélioration du bien-être des
populations visées, c’est-à-dire sur l’impact social de la microfinance et sur la création du
changement à grande échelle permettant d’intégrer les plus démunis au système financier
alternatif. Les deux factions se battent depuis le début des années 1990 pour faire valoir leur
vision des choses, concevant celle du camp adverse comme une menace à la survie de la leur
et à l'atteinte du but partagé : la réduction de la pauvreté. En effet, cette partie est
probablement la plus importante dans la littérature vue qu’elle traite l’opposition entre les
welfaristes et les institutionnalistes et clarifie le débat en explicitant les positions défendues et
en montrant leurs implications (voir le tableau ci-dessous) :

Tableau 1 : Tableau récapitulatif : Welfaristes et Institutionnalistes.

Welfaristes Institutionnalistes

L’évaluation de la performance du L’évaluation de la performance du


point de vue client : point de vue institution :
Approches
- Portée sociale. - Amplitude de l’institution.

- Etude d’impact. - Pérennité et viabilité des IMF.

24
Micro-entrepreneurs très proches
de la ligne de pauvreté.
Clients visés Très pauvres

Types Institutions solidaires Institutions commerciales


d’institutions

Méthodologie Recours aux subventions Autonomie financière

-Problème de viabilité et de pérennité. -Problème de la sélection de la


clientèle (ces IMF ne touchent pas
Critiques -Coûts élevés et différents méthodes
les plus pauvres des pauvres).
pour mesurer l’impact.
-Taux d’intérêt élevé.
-Faillites de certaines IMF (taux de
remboursement < 50%). Autosuffisance est une stratégie de
long terme.

Objectif Réduction de la pauvreté.


(commun)

Source : Réalisé par nos soins.

Malgré le soutien d’une logique de marché responsable par les partisans de l’approche
institutionnaliste (un meilleur accès au microcrédit et sur des bases solides et fiables), cette
approche a soulevé plusieurs critiques. De même, les welfaristes ont reçu des menaces
touchent principalement les questions suivantes : l’étendue des opérations, l’application des
meilleures pratiques et l’autosuffisance financière ainsi que leur dépendance continue envers
les subventions. Comme nous l'avons déjà vu l'approche commerciale et l'approche Welfariste
sont deux approches fortes différentes.

La première s'attaque à un échec des marchés en servant les besoins d’emprunts des personnes
« marginalement » pauvres, ce type des IMF doivent chercher à atteindre le plus grand
nombre de pauvres et non pas les pauvres des pauvres, la portée sociale n’est pas leur objectif
recherché alors que la deuxième approche s'adresse aux très pauvres, tentant de soulager le
fardeau quotidien de leur condition et de briser certaines barrières qui les emprisonnent dans
leur situation. De ce fait, il y aurait un danger que les très pauvres soient abandonnés au profit
des « pas-si-pauvres-que-ça » et que l'histoire se répètent. En plus, non seulement il existe un
risque de marginaliser les plus pauvres, mais on risquerait également d'abandonner les régions

25
rurales au profit des zones urbaines. Ceci dit, en plus de ces implications pratiques, la
commercialisation menacerait les bases philosophiques du mouvement.

Par ailleurs, une frange des institutionnalistes a dépassé certaines limites en insistant pour que
toutes les IMF adoptent leurs valeurs et les « meilleures pratiques » qui leur sont associées.
Dunford s'inquiète de ce que ces pratiques ressemblent dangereusement à l'adoption des
critères de performance de l'industrie bancaire commerciale. Or, ce sont ces mêmes critères
qui ont poussé les banques vers les marchés profitables et ont exclu les segments plus pauvres
et moins profitables. En effet, la poursuite d’un objectif de rentabilité risque d’éloigner les
institutions de microfinance de leur mission sociale, il est difficile de suivre des objectifs
commerciaux sans s’éloigner de sa clientèle cible de départ (Navajas et al, 2000). Woller
Dunford et Woodworth, (1999), de leur part, stipulent que la commercialisation de la
microfinance et la nécessité de satisfaire aux exigences des investisseurs conduiront
inévitablement à ce que les considérations de profits l'emportent sur la mission sociale.
Parallèlement, l’approche Welfariste a fait l’objet de nombreuses critiques en raison de sa
subjectivité et des difficultés méthodologiques qu’elle entraîne. Selon les institutionnalistes,
les programmes de crédits subventionnés sont inefficients et, donc, condamnés à échouer.

Malgré le recours aux subventions, cette approche engendre donc des taux de remboursement
en dessous de 50% et des coûts de fonctionnement très élevés, conduisant à l’échec et à la
disparition de certaines IMF. En effet, les subventions conduisent à un mauvais ciblage de la
clientèle et limitent la mobilisation de l’épargne. De fait, ces IMF butent sur un problème de
viabilité et de pérennité qui est une limite à leur développement et à leur capacité à soutenir
les personnes ciblées. En outre, Boyé et al. (2006) stipulent que la recherche de l’étendue de
la portée sans prendre en considération de la qualité du portefeuille et de la situation
financière de la clientèle engendre une crise de croissance, ce qui entraînerait une perte de
contrôle de l’organisation et une dégradation des taux de remboursement, etc. Dénonçant la
polarisation du débat, les welfaristes proposent ensuite la cohabitation pacifique entre
différents types d'IMF poursuivant des objectifs complémentaires. La clef serait simplement
de reconnaître la diversité des objectifs poursuivis et que chacun (donneurs, IMF, praticiens,
etc.) soit très clair sur ses objectifs prioritaires. Dit simplement, les welfaristes ne rejettent ni
l'idée du profit ni celle des subventions et envisagent un futur où les deux approches
travaillent de pair afin d'atteindre différentes populations de pauvres également méritantes.

26
a. Viabilité financière versus portée des activités :

Après avoir présenté les deux approches dégagées des courants de pensés qui sont les plus
dominants dans le champ de la microfinance, ceci nous a permis d’avoir un avant-goût sur la
nature des critères de performance des IMF, notamment : la viabilité financière et la portée
sociale. Par ailleurs, la relation entre la viabilité financière (performance financière) et la
portée des activités des IMF (performance sociale) a suscité un grand débat entre les
chercheurs intéressés par le champ disciplinaire de la microfinance. Armendáriz et Morduch
(2010) notent que même si plusieurs institutions de microfinance sont actuellement bien
installées et arrivent à avoir des activités efficientes et même profitables, il n’y a que
quelques-unes qui ont pu atteindre à la fois les deux objectifs de la microfinance, qui
consistent à être profitable et à avoir une portée importante auprès des populations qui n’ont
pas accès aux services financiers. Boyé et al. (2006) expliquent que l’IMF peuvent se
retrouver dans des situations dans lesquelles une IMF :

 Donne plus d’importance à la portée et à la croissance quantitative. Dans ce cas, l’IMF


peut connaître une crise de croissance, ce qui entraînerait une perte de contrôle de
l’organisation et une dégradation des taux de remboursement, par conséquent des
résultats médiocres ;
 Donne la priorité à l’atteinte de la viabilité financière. Dans ce cas, l’IMF peut
privilégier les clients qui demandent des prêts plus élevés (économie d’échelle) et
ceux qui sont moins pauvres que les autres. Ainsi, apparaîtrait ce qu’on appelle la
dérive ou l’éloignement de l’IMF par rapport à sa mission originale (mission Drift13 ou
outreach-profit trade-offs, en anglais).

Conclusion

Quoique certaines institutions de microfinance aient pu arriver à atteindre les deux objectifs
de la microfinance, une grande majorité n’y est pas encore arrivée. En effet, les IMF peuvent
être tentées de faire un arbitrage entre la viabilité financière et la protée ou de se trouver après
plusieurs années d’exercice dans une situation connue comme la dérive de la mission
principale. Cependant, en analysant les données d’un échantillon composé de 124 IMF

13
Selon Copestake (2007), le terme mission drift fait référence à un changement dans les préférences d’une IMF
qui s’opère d’une façon non visible ou non planifiée et qui est aussi endogène (ou une réponse aux performances
passées). Autrement, le terme signifie un changement ex-post dans les préférences fixées pour s’adapter aux
résultats non prévus.

27
originaires de 49 pays sur une période comprise entre 1999 et 2002, Cull et al. (2007) trouvent
qu’il est possible d’atteindre à la fois les deux objectifs de la microfinance : poursuivre
agressivement des objectifs à caractère commerciaux sans pour autant s’éloigner de la mission
sociale. Ainsi, il apparaît que les deux objectifs sont complémentaires et leur coexistence est
bénéfique pour toute IMF.

Références bibliographiques :

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Developing Countries », Cahier de recherche n° 2009-WP-12 duNetworks Financial Institute.

Hermes, N., Lensink, R. Meesters, A. (2008), “Outreach and efficiency of microfinance


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