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Khalid ROUGGANI
Professeur universitaire à la Faculté Pluridisciplinaire de Khouribga,
Université Hassan 1er Settat, Maroc
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Le microcrédit : un vecteur de la participation du capital humain
dans la croissance économique
Khalid ROUGGANI
Aux côtés des trois piliers du développement que sont la démocratie, l’éducation et les
infrastructures, la micro-finance est de plus en plus considérée comme un instrument clé pour
la mise en place de stratégies efficaces de lutte durable contre la pauvreté.
La micro-finance se définit par l'offre de services financiers (épargne, crédit, assurance, etc.) à
destination des plus pauvres. Elle s'adresse à des personnes à faible revenu, n'ayant pas accès
aux institutions financières classiques et sans activité salariée régulière.
L’article 2 de la loi n° 18-97 relative au microcrédit définit ce dernier comme étant: « Tout
crédit dont l'objet est de permettre à des personnes économiquement faibles de créer ou de
développer leur propre activité de production ou de service en vue d'assurer leur insertion
économique ».
Activité s’inscrivant en rupture avec les modalités et procédures régissant les crédits
bancaires, le microcrédit constitue un métier à part, faisant appel à des réflexes, à un état
d’esprit et une culture différents de ceux qui animent un banquier classique car le financement
est systématiquement jumelé à un système d’accompagnement, de suivi, d’assistance et de
formation.
Le microcrédit intéresse une cible particulière. Il s’agit d’une population économiquement
défavorisée qui ne peut accéder au circuit bancaire classique.
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Une population à la recherche de petits prêts pour créer ou développer une activité lucrative.
Une population exerçant une activité génératrice de revenus.
Généralement, le microcrédit cherche à atteindre plusieurs objectifs : Créer des Activités
Génératrices des Revenus qui constituent de plus en plus un vecteur de l’implication du
capital humain dans la participation à la croissance économique ; Concourir à la
modernisation des Très Petites Entreprises ; Faciliter le passage de l’informel au secteur
organisé et Participer à l’effort de bancarisation au niveau national.
L’expérience s’est généralisée à travers le monde. Un sommet International lui a été consacré
à Washington en 1997. Il s’est fixé de toucher 100 millions de familles pauvres à l’horizon
2005. Aujourd’hui, le microcrédit est pratiqué dans quelque 140 pays (développés et sous
développés).
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• Les Institutions de Micro-finance (IMF) sont de multiples formes : coopératives
d'épargne et de crédit, ONG, programmes mis en place par des institutions
internationales, banques de micro-finance…
• Au Maroc, les institutions de micro-finance ont un statut associatif, c’est pourquoi on
parle d’associations de microcrédit (AMC).
• Les Banques Commerciales soutiennent des opérations de micro-finance soit
indirectement, en appuyant des IMF existantes par un soutien financier ou une prise de
participation, soit directement, en créant une filiale ou une offre de produits / services
de micro-finance (le downscaling).
• Les Gouvernements et Collectivités Locales sont impliqués dans le développement
de la micro-finance, par la définition de cadres légaux adaptés et de stratégies
nationales de développement durable avec un volet micro-finance, puis par
l'accompagnement des banques centrales, des ministères et collectivités locales.
• Les Compagnies d'Assurances assurent les IMF et leurs portefeuilles et distribuent
des produits de micro-assurance via les réseaux d'IMF.
Les deux modèles de prêts les plus répandus sont les micro-prêts solidaires (ou groupés) et les
contrats individuels :
• Les contrats individuels sont des prêts se rapprochant le plus des prêts classiques :
une personne reçoit une certaine somme d'argent et doit la rembourser souvent dans
des délais relativement courts (quelques semaines ou quelques mois) en prenant en
compte les intérêts. Le montant du prêt est généralement supérieur à ceux des prêts
solidaires.
• Les micro-prêts solidaires sont accordés à un groupe de personnes solidaires pour le
remboursement du prêt. Les défauts de paiement individuels (liés à une maladie ou à
« une mauvaise semaine ») sont ainsi évités et la pression du groupe est une incitation
forte qui freine l'aléa moral.
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Au Maroc, le système de prêt solidaire est le plus répandu.
Aussi, les taux d'intérêt des institutions de micro-finance sont élevés car les IMF accordent
beaucoup de prêts de faibles montants que les banques traditionnelles, avec une méthodologie
rigoureuse induisant des coûts d'opération et de traitement plus importants.
Ces taux d'intérêt doivent couvrir : le coût des fonds qui doivent être rétrocédés, le coût
associé au risque de non-remboursement et les frais administratifs et de traitement des
microcrédits (temps passé à sélectionner puis accompagner le client, traitement des demandes
de financement, collecte des remboursements...). On estime que les frais d'exploitation
représentent 25 % du montant moyen du portefeuille d'une IMF.
Historique :
Au Maroc, les activités de microcrédit ont débuté au milieu des années 1990, sous l'impulsion
de l’Association Marocaine de Solidarité et de Développement, une ONG marocaine.
Le premier prêt fut octroyé en 1993 à une femme.
A la fin des années 1990, la mise en place du programme Micro Start du PNUD a aidé à
l'émergence et au financement de plusieurs autres Instituts de microcrédit.
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Le microcrédit est parfaitement adapté aux besoins du pays : importance de la pauvreté (le 1/5
de la population vit sous le seuil de la pauvreté), domination de la micro-entreprise (qui
occupe 60% de la population active), une micro-activité souvent informelle (ne répond donc
pas aux exigences du circuit monétaire formel). A partir de la fin des années 90, le secteur du
microcrédit a connu un essor rapide, grâce à l’appui du gouvernement marocain qui a fourni
un cadre clair à son développement avec la Loi 18/87 sur la micro-finance de 1999.
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• 12 Associations de Microcrédit (AMC) fédérées au sein de la FNAM,
• Un cadre réglementaire clair
• Des « Best practices » selon les standards de la banque mondiale
• Un plan comptable inspiré du PCEC
• Des AMC auditées, souvent notées par des organismes internationaux et à l’instar d’autres
établissements de crédit, elles vont faire l’objet d’une supervision de la part de la Banque
Centrale dans le cadre de la nouvelle loi bancaire au vu des critères suivants :
- Elles exercent une activité à caractère bancaire,
- Elles utilisent des systèmes de paiement,
- Les bailleurs de fonds exigent une utilisation efficiente de leurs investissements et
requièrent une transparence totale des activités des IMF
- Et enfin la croissance du secteur implique une protection de la clientèle et une
maîtrise des risques.
Sans oublier également un des acteurs les plus influents du secteur du microcrédit au Maroc,
en l’occurrence la fédération nationale des associations de microcrédit (FNAM) qui est une
disposition de la loi 18/97 sur le Microcrédit. Créée le 4 octobre 2001, elle groupe 12 AMC et
a pour attributions :
• Etablir règles de déontologie (approbation Ministre des finances) ;
• Veiller application de la loi et textes d’application ainsi que règles de déontologie et
saisir Ministre des finances de toutes violations y afférentes ;
• Proposer au Ministre des finances toute action de nature à favoriser le développement
du microcrédit ;
• Servir d’intermédiaire entre ses membres et l’administration, à l’exclusion de tout
autre groupement ;
• Créer et gérer tous services communs de nature à favoriser le développement du
microcrédit.
L’évolution du secteur du microcrédit est bien notable à partir de 2003. Ainsi, le nombre des
clients actifs est passé de 307.523 à 816.059 en 2010 soit une évolution de 165% avec un pic
en 2007 de 1.353.074 clients.
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Le montant total des prêts a quant à lui passé durant la même période de 537.319.852 MAD à
4.731.124.922 MAD, soit une évolution de 780% avec un pic de 5.689.886.514 MAD en
2008.
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VI- Importance et impact socio-économique du microcrédit
Au-delà du simple aspect financier, les programmes de microcrédit ont aussi un impact sur le
développement local. En effet, ils touchent des secteurs aussi divers que l'agriculture
(groupements villageois, coopératives paysannes, organisations professionnelles agricoles),
l'artisanat (groupements d'artisans, associations artisanales féminines), le financement de
l'économie sociale (mutuelles d'épargne et de crédit, banques villageoises), la protection
sociale (mutuelles de santé, caisses de santé primaire).
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• L’absence d’asymétrie d’information entre prêteurs et emprunteurs dans la mesure
où les prêts ne sont accordés qu’à des individus membres de la communauté (village,
quartier…) où l’information circule très vite;
• Et enfin, la faiblesse du risque d’aléa de moralité car les mauvais débiteurs risquent
l’exclusion pure et simple de la communauté.
En mai 2009, la Fondation Zakoura, qui est l’un des leaders de la micro-finance au Maroc,
enregistre un portefeuille à risques supérieur à 30%. Elle est alors contrainte de fusionner avec
la Fondation de Banque Populaire pour le Microcrédit.
Actuellement, la situation se stabilise. Des mesures ont été prises pour assainir le portefeuille
et permettre au secteur du microcrédit de prendre un nouveau départ. Les IMF ont mis en
place des plans de redressement, qui consistent à renforcer la méthodologie de crédit, à
donner plus d’importance au recouvrement des prêts.
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Désormais, les AMC échangent régulièrement des informations sur les impayés de leur
clientèle afin de contrôler les crédits croisés. Une centrale des risques est même en cours de
mise en place. Grâce à toutes ces mesures, le secteur devrait retrouver une croissance normale
et conserver sa place de leader incontesté de la micro-finance dans le monde arabe.
Le secteur souffre d’autres problèmes tels que «le déséquilibre en taille entre les acteurs,
l’absence de cohésion du secteur et la course à la rentabilité qui risque d’éloigner les
associations de leur objet social.
Parmi les mécanismes envisageables pour faire face à ces problèmes, on peut avancer la
création des Fonds de refinancement, des Fonds de garanties, des Fonds de prises de
participations dans les IMF ou autres Fonds de titrisation de créances, élaborés selon des
critères spécifiques par rapport à des émetteurs traditionnels de dettes.
Les risques sur les IMF seraient ainsi mutualisés. La collecte de fonds auprès d’investisseurs
banquiers, de donateurs privés, de fonds publics, de bailleurs nationaux ou internationaux,
serait pareillement mutualisée.
Les nouveaux espaces potentiels d’activité sont également prometteurs, il s’agit entre autres
de l’épargne, des comptes courants, cartes automatiques et transferts, des assurances et
retraites et des services non financiers de développement.
Bibliographie
Rapports et études :
Sites internet :
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