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Exposé de droit social approfondi

Sur le thème :

Les organes de représentation des salariés dans l’entreprise

Professeur : M. EL HAMDAI

Année Universitaire : 2022/2023


Introduction :

Dans le cadre de la législation du travail ancienne, la question de la représentation des


travailleurs dans l'entreprise était réglementée à un double niveau, une réglementation de droit
et une réglementation de fait. Autrement dit, par exemple le seul cadre organisationnel,
juridiquement parlant, de la représentation des travailleurs dans l'entreprise était les délégués
du personnel dont les prérogatives ont été définies dans l'ancien dahir du 29 octobre 1963.

Est-ce à dire que les syndicats n'étaient pas reconnus au sein de l'entreprise ? c'est justement là
où intervient le niveau de reconnaissance de fait et non pas de droit des syndicats dans
l'entreprise, il est résulté de cette situation et en tout cas des conclusions des études
réalisées,une sorte de confusion entre délégué syndical et délégué du personnel.
Ces deux confusions avaient des conséquences très fâcheuses pour l'entreprise, étant donné
que par l'intermédiaire d'un système électoral non approprié, les délégués du personnels ont à
la fois délégués syndicaux et délégués du personnel, les deux statuts se réunissant de fait dans
le délégué du personnel, seule entité reconnue en droit dans l’entreprise.
Les conséquences sur l'entreprise de cette situation (schizophrénique) et sur l'économie en
général sont importantes. On peut les résumer ainsi qu'il suit :
D'abord, une difficulté pour l'employeur d’identifier le discours du délégué du personnel qui
agit tantôt en tant que représentant syndical et tantôt en tant que délégué du personnel.
Deuxième conséquence, c'est une sorte de «politisation» de l'entreprise qui apparaît trop
souvent comme une scène où se déploient des stratégies syndicales, politiques étroites qui
n'ont rien à voir en principe avec les intérêts professionnels et les intérêts de l'entreprise.

Il a donc fallu réformer toute la dimension de la représentativité des travailleurs au sein de


l'entreprise c'est ce qu'a fait le législateur dans la loi n° 65-99 formant code du travail : les
institutions représentatives sont plus clairement définies, les missions de chacune d'elles sont
aussi circonscrites et sur ce point, l'essentiel du droit international du travail, de ses
conventions a été scrupuleusement respecté par le législateur. La meilleure façon de mettre en
valeur les nouveautés sur ce plan serait de toujours comparer l'ancienne législation et la
nouvelle.

Ainsi, dans quelle mesure la loi n° 65-99 formant code de travail a-t-telle marquée une
séparation avec l’ancienne législation du travail ? Quels sont ces apports et quel est le
nouveau rôle des organisations de représentation des salariés ?

Il apparaît donc plus judicieux d’aborder dans un premier temps la représentation des salariés
dans l’entreprise, tout en faisant une comparaison entre la législation nouvelle et ancienne (I.).
Pour par la suite s'intéresser à ces institutions qui jouent un rôle défense des droits mais aussi
des intérêts des salariés (II.)

I- La représentation des salariés dans l’entreprise, une comparaison entre la législation


nouvelle et ancienne :

La représentation des salariés dans l’entreprise passe dans un premier temps par une
représentation syndicale au sein même de l’entreprise (A.) pour ensuite abordé la
représentation des salariés par le billet des délégués du personnel (B.).
A- La représentation syndicale dans l'entreprise :

Cette représentation est déterminée à l'article 470 et suivants. Il faut savoir qu’à la différence
du délégué du personnel, les représentants syndicaux ne sont pas élus mais désignés. Au sujet
de leur représentation l'article 470 nous le dit : « le syndicat le plus représentatif ayant obtenu
le plus grand nombre de voix aux dernières élections professionnelles au sein de l'entreprise
ou de l'établissement ont le droit de désigner, parmi les membres du bureau syndical dans
l'entreprise ou dans l'établissement, un ou des représentants syndicaux selon le tableau ci-
après :

De 100 à 250 salariés : 1 représentant syndical


De 251 à 500 salariés : 2 représentants syndicaux
De 501 à 2000 salariés : 2 représentants syndicaux
De 2001 à 3500 salariés : 2 représentants syndicaux
De 3501 à 6000 salariés : 2 représentants syndicaux
Plus de 6000 salariés : 6 représentants syndicaux».

Nous constatons donc qu'à l'inverse des délégués du personnel qui sont élus, les représentants
syndicaux sont désignés par le syndicat le plus représentatif mais il faut bien remarquer que
l'élection des délégués du personnel eux même est tributaire des élections syndicales, en ce
sens que ce sont des délégués du personnel avec des étiquettes syndicales qui sont élus, donc
ce sont les syndicats qui se mobilisent pour que leurs délégués du personnel aient une
majorité (soient élus), il aurait été donc du moins superfétatoire de prévoir d'autres élections
pour les représentants syndicaux qui aboutiraient au même résultat, mais sur le plan
strictement juridique, il y aura toujours une différence entre la légitimité issue d'un scrutin et
une autre catégorie de légitimité liée à une désignation.

Ceci étant précisé, ce montage de l'article 425 a au moins l'avantage de dire clairement ce qui
appartenait par le passé au «non dit», à savoir que les élections des délégués du personnel
étaient toujours en réalité des élections syndicalistes, même si le système électoral de liste ne
spécifie pas de liste syndicaliste.

En ce qui concerne la mission des représentants syndicaux dans l'entreprise, cette mission est
définie à l'article 471, elle consiste d'une manière claire en trois points :
1/ présenter à l'employeur ou à son représentant le dossier des revendications.
2/ défendre des revendications collectives et engager les négociations à cet effet.
3/ participer à la conclusion des conventions collectives.

Il est très important de rapprocher cette mission de celle des délégués du personnel, de
comparer, de préciser les rôles, ceci va nous permettre de fixer de manière claire le domaine
respectif de chacune de ces missions.La mission des délégués du personnel elle, elle est
définie à l'article 432 : «les délégués des salariés ont pour mission :
- de présenter à l'employeur toutes les réclamations individuelles qui n'auraient pas été
directement satisfaites et qui sont relatives aux conditions de travail découlant de l'application
de la législation du travail (ceci les rapproche un peu déjà d'une des prérogatives des
inspecteurs du travail), du contrat de travail, de la convention collective de travail ou du
règlement intérieur ;
- de saisir l'agent chargé de l'inspection du travail de ces réclamations, au cas où le désaccord
subsiste».

Il est très important de mettre en exergue le contenu de ces missions, pour qu'il n'y ait pas de
chevauchement entre les missions de chacune de ces deux institutions.

Il est heureux que le législateur ait pu faire cette distinction parce que par le passé, les
employeurs s'ingéniaient à faire jouer au délégué du personnel un rôle qui n'était pas le
sien,parce que les employeurs avaient tendance à se rapprocher plus de délégués du personnel
que les syndicats qui étaient hors entreprise en droit, mais auxquels la loi avait reconnu le
monopole de la conclusion des conventions et des accords collectifs. La cour d'appel de
Casablanca avait déjà statué dans une affaire dans laquelle l'employeur avait négocié avec les
délégués du personnel un accord relativement à ce cas, et la cour d'appel avait statué que les
délégués du personnel n'étaient pas habilités à conclure ce genre d'accords.

En fait, cette jurisprudence démontre qu'il y avait une tendance des employeurs à éviter la
négociation avec les syndicats professionnels, cette question est aujourd'hui tranchée à l'article
471 qui précise dans son troisième point la mission des syndicats de participer à la conclusion
des conventions collectives alors que ceci ne relève pas de la mission des délégués du
personnel.

Ceci étant dit, il y a un lieu de préciser que les représentants syndicaux, même s'ils ne sont pas
élus, bénéficient d'un statut de salarié protégé c'est-à-dire pour lesquels il y a une procédure
réputée d'ordre public dès qu'il s'agit du licenciement d'un représentant syndical. Cette
protection est la même que pour le délégué du personnel qui, lui, tire cette protection, ce statut
de salarié protégé du mandat électoral dont l’ont doté les travailleurs qu’il représente et
l'article 472 le précise bien lorsqu'il énonce : «les représentants syndicaux bénéficient des
mêmes facilités et de la même protection dont bénéficient les délégués des salariés en vertu de
la présente loi». Et il précise que : «lorsqu'un délégué des salariés exerce en même temps la
fonction de représentant syndical, il bénéficie des facilités et de la protection prévues par
l'alinéa premier du présent article».

Ce qui suppose qu'un représentant syndical ne peut pas bénéficier de la protection


susmentionnée que lorsqu'il cumule le statut de délégué du personnel et le statut de
représentant syndical (cette situation est tout à fait possible dans une entreprise qui utilise de
100 à 150 salariés).

Ceci étant dit, la loi précise que lorsqu'un délégué du personnel ou vice versa cumule à la fois
le statut de représentant syndical et le statut de délégué du personnel, en cas de licenciement,il
ne pourra pas bénéficier d'une double indemnité il aura droit à ce dont bénéficient les
délégués du personnel.

B- Les délégués du personnel et le comité d’entreprise :

Ce sont les articles 430 et suivants qui réglementent l'institution des délégués du
personnel.Puis il y a de toute les façons, en plus de ce qui va être énoncé dans les articles 430
et suivants, il y a d'autres mesures importantes déjà étudiées pour certaines et d'autres qu'on
n’a pas eu le temps d'aborder comme l'organisation du temps de travail, l'hygiène et la
sécurité.

Il faut savoir déjà qu'on retrouve les délégués du personnel dans nombre de situations, on a
examiné le rôle qu'ils jouent en ce qui concerne le licenciement disciplinaire, la réforme du
droit de licenciement a introduit des procédures nouvelles notamment la convocation à
l'entretien avec la présence d'un délégué du personnel ou d'un représentant syndical s’il y en a
un.

On comprendra pourquoi le législateur dit à différentes reprises «ou un représentant syndical


s'il y en a un...». On le retrouve aussi à chaque fois qu'il est question de licenciement
économique, structurel et technologique, l'article 66 qui précise qu'il doit se concerter et
négocier et éventuellement en lieu et place d'un comité d'entreprise où ils peuvent se grouper.
On le retrouve, également, à chaque fois qu'il est question de réduction du temps de travail, ou
de fermeture d'entreprise ou d'aménagement du temps de travail. À telle enseigne que les
représentants des travailleurs délégués ou représentants syndicaux, sont devenus
incontournables dans la marche de l'entreprise.

Retenons aussi qu'il y a élection du délégué du personnel dans l'entreprise à chaque fois qu'il
y a 10 salariés au moins dans l'entreprise, et que l'article 431 prévoit même des situations où il
y a même moins de 10 salariés mais dans ce cas, c'est un arrangement entre l’employeur et les
travailleurs qui peut faire que soit désigné un délégué mais il ne s'impose pas par la force de la
loi en dessous de 10.

Le nombre des délégués. Cela n'a pas changé par rapport à la loi ancienne (barème à l'article
433).

Le mandat électoral. La nouveauté est qu'il n'y a pas de durée de mandat parce que l'article
434 précise : «les délégués des salariés sont élus pour une durée fixée par voie réglementaire»
(avant 1970, le mandat du délégué du personnel était fixé à un an renouvelable. À partir de
quelques années plus tard, (à partir de 1976), le mandat du délégué du personnel était passé à
six années)En fait, la durée du mandat reste encore une question importante qui n'a pas été
tranchée car le mandat des délégués est malheureusement lié au mandat parlementaire étant
donné qu'au Maroc, les élections législatives ne sont pas faites d'une manière exclusive sur la
base du scrutin universel direct totalement. Il y a au Maroc encore un suffrage indirect qui
concerne les élections des représentants professionnels au parlement avant, et à la deuxième
chambre aujourd'hui.

Si le législateur veut réellement parachever la réforme de la représentation des travailleurs, il


faudra nécessairement passer par la réforme des élections législatives et parlementaires c'est-
à-dire revoir le système bicaméral qui prévaut aujourd'hui au Maroc.

Ce système ne doit pas interférer à l'avenir ni avoir des rapports ni directs ni indirects avec les
élections professionnelles.

Ces nouveautés concernant le délégué du personnel se retrouvent à l'article 435 et 436.


L'article 435 énonce les fonctions de délégué des salariés prenant fin par le décès, le retrait de
confiance, la démission,l'âge de la retraite, la rupture du contrat de travail, ou à la suite d'une
condamnation visée à l'article 438.
Dans l'alinéa deuxième de cet article 435, le législateur revient sur le terme de mandat par le
retrait de confiance et il précise que le mandat «peut prendre fin par le retrait de confiance,une
seule fois après l'écoulement du mandat par décision dont la signature est légalisée prise par
les deux tiers des salariés électeurs».

Cette disposition est pour le moins sujette à des interrogations parce qu'il s'agit d'un mandat
électoral et pour bien comprendre les soubassements de cette possibilité de retrait de
confiance, il semblerait à première vue que ceux-ci visent certains délégués qui après avoir été
élus changent d'étiquette

Pourquoi retirer la confiance à un délégué du personnel mais pas à un député qui change de
programme, s'agit-il de légitimité ? Est-ce que la légitimité est divisible ? Ceci n'est pas très
rigoureux. Il est question de pétition pour se débarrasser du délégué du personnel en la faisant
signer parles salariés et la légaliser et ce par les deux tiers des salariés.
Toutefois, l'article 436 précise lorsqu'il y a retrait de confiance dans les conditions de l'article
435, il est précisé article 436 que lorsqu'un délégué titulaire cesse d'exercer ses fonctions,pour
une des raisons mentionnées à l'article 435, son remplacement est assuré par un membre
suppléant de la même catégorie professionnelle et appartenant à la même liste électorale (le
législateur répond donc à une de nos préoccupations en précisant que ce n'est pas l’étiquette
syndicale qui est visée, qu'il ne s'agit pas de lui retirer la confiance pour la donner à un des
suppléants d’une autre tendance).

Donc nous semble-t-il c'est beaucoup plus le comportement du délégué qui est visé, c'est-à-
dire que le délégué d'un syndicat déterminé ne soit pas détourné de la ligne du syndicat dont il
fait partie pour une raison ou une autre.

On peut imaginer la tentation que pourrait exercer un employeur sur le délégué du


personnel,ou encore un délégué élu par un syndicat déterminé qui change en allant vers un
syndicat rival dans la même entreprise.

Une autre nouveauté, la protection du délégué du personnel, soulignons que dans le texte
ancien du 29 octobre 1962 à l'article 12, il y a la procédure de protection du délégué du
personnel, cette même protection a été reprise à l'article 467 et suivants mais le législateur
s'ingénie à compliquer de plus en plus de choses avec de nouvelles technologies. Avec le dahir
de 1962, il était question de licenciement du délégué du personnel avec «l'avis motivé» de
l'inspecteur du travail par opposition à «l'autorisation» du droit français dont s'est inspiré le
dahir de 1962. Aujourd'hui, il est dit à l'article 457 « toute mesure disciplinaire consistant en
un changement de service ou tâche, toute mise à pied ainsi que tout licenciement d'un délégué
des salariés titulaire ou suppléant envisagé par l'employeur, doit faire l'objet d'une «décision»
approuvée par l'agent chargé de l'inspection du travail».
Sachant qu'une certaine jurisprudence du tribunal de première instance de Casablanca avait en
1984 précisé, que l'avis motivé des inspecteurs du travail n'est qu’un avis consultatif et que le
juge n’est pas tenu de s'y référer, et que c’est l'opinion du juge qui prime.

A noter également que la représentation des salariés se fait également par le billet des comités
d’entreprise. Le comité d’entreprise est un organe consultatif, créé obligatoirement dans toute
entreprise employant habituellement au moins 50 salariés (art. 464 C.T.). Il ne trouve pas de
définition légale au sein du Code du travail marocain, mais a pour objet, selon la législation
française, d’assurer la prise en compte des intérêts des salariés dans les décisions relatives à la
gestion et à l’évolution économique et financière de l’entreprise, à l’organisation du travail, à
la formation professionnelle, et aux techniques de production.
Il comprend: - l’employeur ou son représentant
- deux délégués des salariés élus par les délégués des salariés de l’entreprise
- un ou deux représentants syndicaux dans l’entreprise, le cas échéant. (art. 465 C.T.)
Dans le cadre de sa mission consultative, il est chargé des questions portant sur (art.466 C.T.):
- les transformations structurelles et technologiques à effectuer dans l’entreprise;
- le bilan social de l’entreprise lors de son approbation;
- la stratégie de production de l’entreprise et les moyens d’augmenter la rentabilité;
- l’élaboration de projets sociaux au profit des salariés et leur mise à exécution;
- les programmes d’apprentissage, de formation-insertion, de lutte contre l’analphabétisme et
de formation continue des salariés
Pour exécuter ces missions, il est mis à la disposition du comité tous les documents et
données nécessaires. Il se réunit une fois tous les 6 mois et chaque fois que cela s’avère
nécessaire. Il peut inviter à participer à ses travaux toute personne appartenant à l’entreprise
pour son expertise dans un domaine, et tous ses membres sont tenus au secret professionnel.
A ce titre, sont sanctionnées d’une amende de 10 000 à 20 000 dhs toute infraction aux règles
relatives au comité d’entreprise.
Suivant les dispositions relatives aux procédures de licenciement pour motif économique (art.
66) et à la réduction de la durée normale de travail (art. 186), le législateur prévoit que « le
comité d'entreprise se substitue aux délégués des salariés et les représentants des syndicats
dans les entreprises employant plus de cinquante salariés »; ceci, en marge de ses missions
spécifiques citées à l’article 466 C.T.

L’institution d’une représentation collective des salariés, s’est justifiée par l’objectif d’un
rééquilibrage des forces dans la relation de travail, en permettant aux salariés de s’exprimer et
de défendre leurs droits et intérêts à travers des représentants (II.)

II- Institutions de défense des droit et intérêts des salariés :

L’institution d’une représentation collective des salariés, permet de défendre les droits et
intérêts des salariés à l’échelle de l’entreprise (A.), mais aussi à l’échelle nationale;
notamment pour la négociation des conventions collectives (B.) comme en témoigne l’article
95 du Code de travail.

A- La défense des intérêts et droits des salariés à l’échelle de l’entreprise :

L’article 95 C.T. dispose que: « la négociation collective se déroule directement aux niveaux
suivants :
- au niveau de l'entreprise : entre l'employeur et les syndicats des salariés les plus
représentatifs dans l'entreprise ;
- au niveau du secteur concerné : entre l'employeur ou les organisations professionnelles des
employeurs et les organisations syndicales des salariés les plus représentatives dans le
secteur ;
- au niveau national : entre les organisations professionnelles des employeurs et les
organisations syndicales des salariés les plus représentatives au niveau national ».

Le fait que la loi ait envisagé l’organisation de négociations collectives à ces différents
niveaux, soulève la question suivante: la négociation collective est-elle obligatoire ou
simplement encouragée ? Bien que le code du travail ne réponde pas explicitement à cette
interrogation, les articles suivants supposent un encouragement (par la loi), mais rien ne
présume pour autant une obligation incombant aux parties d’organiser des négociations
collectives, ni d’accepter de participer à une négociation collective.

En effet, l’article 96 C.T. dispose que « les négociations collectives se tiennent au niveau de
l’entreprise et au niveau sectoriel une fois par an », en précisant que les conventions
collectives peuvent prévoir une périodicité différente pour procéder à ces négociations. Quant
aux négociations à l’échelle nationale, elles se déroulent chaque année et autant de fois que
nécessaire ».

Cependant, l’article 97 C.T. dispose que « la partie désirant négocier est tenue, lorsqu'il est
nécessaire, d'adresser un préavis à l'autre partie par une lettre recommandée avec accusé de
réception », et oblige la partie avisée à « notifier sa réponse à l'autre partie de la même
manière, dans un délai de sept jours, à compter de la date de la réception du préavis », sans
pour autant l’obliger à accepter d’entrer en négociation. L’on ne saurait donc envisager la
négociation collective comme une obligation incombant aux différents acteurs et
représentants du monde du travail, mais simplement comme un moyen encouragé par l’Etat,
afin de parvenir à une amélioration des conditions de travail et de l’emploi, et partant, à une
paix sociale.

Lorsqu’elle est toutefois acceptée, les parties à une négociation collective doivent obéir à
certaines obligations, et bénéficient de certains droits.

Tout d’abord, « chaque partie dans la négociation collective désigne, par écrit, un
représentant. L'autre partie ne peut s'y opposer » (art. 93 C.T.).

Ensuite, « chaque partie dans la négociation collective est tenue de fournir à l'autre partie les
informations et les indications qu'elle demande et nécessaires pour faciliter le déroulement des
négociations » (art. 94 C.T.), et « chaque partie peut se faire assister au cours des négociations
par autant de conseillers qu'elle désire » (art. 95 C.T.). « L'autorité gouvernementale chargée
du travail ou l'autorité gouvernementale concernée » fournit aussi aux parties « les
statistiques, les informations économiques, sociales et techniques et autres renseignements
facilitant le déroulement de ladite négociation collective » (art. 99 C.T.).

Enfin, « les parties peuvent fixer, par accord commun, la date du début de la négociation
collective dans un délai de 15 jours suivant la date de la réception de la première partie du
consentement de la deuxième », ainsi que la date de clôture, « sous réserve que ce délai ne
dépasse, dans tous les cas, 15 jours de la date d'ouverture desdites négociations ». Elles ont
pour obligation d’adresser une copie de ces accords communs à l’autorité gouvernementale
chargée du travail (art. 98).

Toute négociation collective n’aboutit pas nécessairement à un accord. La loi prévoit cette
hypothèse, en ce qu’elle envisage la rédaction d’un procès verbal contenant les résultats de la
négociation collective, ou un accord signé par les parties, « dont une copie est adressée à
l’autorité gouvernementale chargée du travail qui transmet une copie desdits procès ou accord
au Conseil de la négociation collective » (art. 100 C.T.).

Ce Conseil, créé auprès de l’autorité gouvernementale chargée du travail, a pour principales


missions de présenter des propositions pour promouvoir la négociation collective et
encourager la conclusion et la généralisation des conventions collectives (art. 101 C.T.). Il est
présidé par le « ministre chargé du travail ou son représentant » et « est composé par des
représentants de l'administration et des représentants des organisations professionnelles des
employeurs et des organisations syndicales des salariés ».

B- La défense des intérêts et droits des salariés à l’échelle nationale :

Les articles 104 à 134 C.T. régissent les conditions de mise en oeuvre et d’exécution des
conventions collectives. Obligatoirement écrite (art. 104 C.T.), celle-ci peut porter sur l’un des
éléments cités à l’article 105 C.T., dont notamment: les éléments de salaires applicables à
chaque catégorie professionnelle, les procédures suivant lesquelles seront réglés les conflits
individuels et collectifs du travail, l’hygiène et la sécurité, les conditions de travail, etc.
Lorsqu’elle est adoptée, révisée, ou modifiée, la convention collective doit être déposée « sans
frais, aux soins de la partie la plus diligente, au greffe du tribunal de première instance
compétent de tout lieu où elle doit être appliquée et auprès de l'autorité gouvernementale
chargée du travail »; lesquels délivrent un récépissé de dépôt (art. 106 et 107 C.T.). Elle entre
en vigueur qu’à l’expiration du troisième jour qui suit son dépôt à ladite autorité (art. 113
C.T.).

Une convention collective de travail est applicable, suivant la volonté de ses signataires et par
stipulation expresse, « soit dans l'ensemble de l'entreprise, soit dans un ou plusieurs
établissements qui en dépendent et ce, soit dans une collectivité locale déterminée, soit dans
une zone déterminée ou dans tout le territoire national ». A défaut de stipulation, elle est
applicable dans le ressort du tribunal compétent dont le greffe a reçu le dépôt (art. 111 C.T.).

Selon l’article 112 C.T., « Sont soumises aux obligations de la convention collective de travail
:
- les organisations syndicales de salariés signataires ou adhérentes ainsi que les personnes qui
en sont ou en deviendront membres
- le ou les employeurs qui l'ont signée personnellement ;
- les organisations professionnelles des employeurs signataires ou adhérentes ».

Par conséquent, les stipulations de la convention devront s’appliquer obligatoirement aux


contrats de travail conclus par les employeurs parties (art.113 C.T.). En revanche, ces
dispositions ne s’imposent pas si des dispositions plus favorables aux salariés figurent dans
leur contrat de travail (art.113 C.T.).

Selon l’article 115 C.T., « la convention collective de travail peut être conclue pour une durée
déterminée, pour une durée indéterminée ou pour la durée de la réalisation d'un projet », à la
libre volonté des parties.
Lorsqu’elle est à durée indéterminée, elle peut cesser, à n’importe quel moment, à la volonté
de l’une des parties, sous seule réserve d’une notification d’un mois avant la date prévue
d’expiration, à toutes les parties, au greffe du tribunal compétent, et à l’autorité chargée du
travail (art. 116 C.T.).

A l’article 121 C.T., le législateur envisage une protection supplémentaire aux salariés, en ce
que « lorsque la convention collective de travail arrive à expiration ou lorsqu'elle est dénoncée
et tant que n'est pas intervenu un nouvel accord individuel ou collectif stipulant des avantages
plus favorables, les salariés conservent le bénéfice des avantages qui leur étaient accordés par
ladite convention ».
Aussi, afin d’assurer l’application effective de ces conventions collectives, l’article 124 C.T.
permet aux « personnes liées par une convention collective de travail (d’) intenter une action
en dommages- intérêts à l'encontre des autres personnes ou organisations syndicales de
salariés, organisations professionnelles d'employeurs ou unions liées par la convention qui ont
violé à leur égard les engagements contractés ». L’article 125 ajoute que « les personnes, les
organisations syndicales des salariés, les organisations professionnelles des employeurs et les
unions, qui sont liés par une convention collective de travail, peuvent intenter toutes les
actions en justice qui naissent de cette convention en faveur de chacun de leurs membres, sans
avoir à justifier d'un mandat spécial de l'intéressé, pourvu que celui-ci ait été averti et ne s'y
soit pas opposé. L'intéressé peut toujours intervenir personnellement à l'instance engagée en
son nom par l'organisation syndicale ou l'organisation professionnelle concernée, tant que
l'action est en cours ».

Outre ces saisines judiciaires à des fins de réparation, la loi prévoit aussi des sanctions pénales
en cas de non respect des obligations d’affichage et de mise à disposition des conventions
collectives aux salariés, érigées entre 2000 et 5000 dhs d’amende (art. 130 et 132 C.T.).

L’article 133 C.T. prévoit une extension d’une convention collective, par arrêté de l’autorité
gouvernementale chargée du travail, lorsqu’elle concerne au moins les deux tiers des salariés
d’une profession. Les dispositions de la convention collective s’étendront alors à l’ensemble
des entreprises et des établissements employant les salariés exerçant la même profession, soit
dans une zone déterminée, soit dans l’ensemble du territoire du Royaume.

Lorsqu’une convention de travail s’applique au moins à 50% des salariés d’une même
profession, l’autorité gouvernementale pour l’étendre par voie d’arrêté, « après avis des
organisations professionnelles des employeurs, des organisations syndicales des salariés les
plus représentatives et du conseil de négociation collective, à l'ensemble des entreprises et
établissements employant des salariés exerçant la même profession, soit dans une zone
déterminée, soit dans l'ensemble du territoire du Royaume ».
Cette extension de convention, pour le moins extraordinaire dans le monde du droit, se justifie
par la volonté de faire bénéficier les salariés des petites entreprises, de la protection acquise
par cette voie, ainsi que « d’égaliser la concurrence entre les entreprises ayant des activités
similaires »

Conclusion :

En conclusion, on peut dire qu'au Maroc, la représentation des travailleurs est au pluriel :
délégués du personnel, représentants syndicaux et comité d'entreprise. Certains articles sont
consacrés aux comités d'entreprise, 464 à 469. Mais il faut noter que ces dispositions ont pris
place par le billet de la loi n°65-99 qui est entrée en vigueur le 6 Mai 2004. Or le temps passe
et l’environnement du travail évolue concomitamment, on pense notamment au covid et la
nécessité de mettre en place une législation relative au télé-travail. Ainsi, une nouvelle
réforme du code de travail a été annoncée et est prévu pour 2023. La question qui se pose est-
ce qu’elle va revoir le schéma des organisations de représentations des salariés ou va-t-elle
uniquement mettre à jour le code de travail en fonction des circonstances nouvelles ?

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