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DÉFIS DE L'INSPECTION DU TRAVAIL AU MAROC

La législation du travail vise essentiellement à protéger les travailleurs contre les risques
liés à l’exercice de leurs professions. L’application de ces mesures de protection a été toujours
considérée par les employeurs comme des sources de dépenses inutiles d’où leur résistance à
les faire appliquer. La création d’une inspection du travail chargée de veiller au respect de la
législation sociale s’impose comme une nécessité pour rendre ces lois effectives sur le terrain.
L’inspection du travail est apparue au cours du 19e siècle en vue d’assurer l’application des
premières lois relatives à la protection physique des travailleurs, en particulier dans le
domaine de l’hygiène, de la sécurité et de la réglementation du travail des femmes et des
enfants. Depuis lors, l’inspection du travail a vu ses activités et ses responsabilités s’élargir au
fur et à mesure du développement de la législation sociale à travers notamment diverses
conventions de l’organisation internationale du travail (OIT). Telles que la convention
internationale n°81 du 11 juillet 1947sur l’inspection du travail dans l’industrie et le
commerce ; suivie par la convention n°129 de 1969 et par la convention n°178
respectivement sur l’inspection du travail dans les secteurs agricole et maritime.
L’inspection du travail a évolué différemment d’un pays à un autre. Dans certains pays ont été
adopté un système d’inspection spécialisé avec des services distincts possédant une
compétence spécialisée pour tel ou tel secteur de l’économie ou telle ou telle partie de la
législation. A ce titre nous pouvons citer le système d’inspection britannique. Tandis que dans
d’autres pays le système d’inspection s’est élargi par l’augmentation des effectifs et le
renfoncement des moyens d’action au sein d’un service unique à compétence généralisée
comme c’est le cas pour le système d’inspection du travail du Maroc.
L’inspection du travail a été créée au Maroc par le dahir du 13 juillet 1926 portant
réglementation du travail dans les établissements industriels et commerciaux. Ce dahir a été
abrogé par le dahir du 2 juillet 1947 portant réglementation du travail. A l’époque,
l’inspection du travail était confiée à divers agents répartis en sept catégories. Ces agents
avaient légalement pour mission d’assurer l’application de la législation du travail, mais
jouaient dans la pratique les rôles de conciliateur et de médiateur lors des conflits individuels
et collectifs du travail . Avec l’avènement du nouveau code du travail en 2004, l’inspection du
travail s’est vue attribuer davantage de missions notamment celles qu’elle exerçait dans la
pratique au par avant. En raison de la diversité du domaine d’intervention de l’inspection du
travail, nous allons nous contenter dans cette étude d’analyser l’inspection du travail dans les
secteurs industriel, commercial et agricole qui occupent actuellement la quasi-totalité de la
masse salariale au Maroc. A l’heure actuelle, il est important de s’interroger sur la place
qu’occupe cet organe de contrôle dont la structure et les missions ont été réaménagées par le
nouveau code du travail de 2004. Nous allons ainsi examiner l’organisation de l’inspection du
travail afin de savoir si elle est en mesure d’assurer le respect de la législation du travail.
Ensuite, nous allons présenter les réalisations de l’inspection du travail dans ses missions puis
recenser les difficultés et les contraintes liées à ce travail.
I- L’ORGANISATION DE L’INSPECTION DU TRAVAIL :
L’inspection du travail se trouve sous la tutelle du ministère de l’emploi et de la formation
professionnelle. Dans ce ministère, elle relève du département de l’emploi qui est structuré en
différentes directions notamment celle du travail où se trouve l’inspection du travail et
l’inspection médicale du travail.
A- L’inspection du travail :
1- Statut des inspecteurs du travail :
L’inspection du travail compte actuellement environ 400 agents de tous les grades confondus.
Le corps inspectoral est organisé de façon hiérarchique. Au sommet se trouvent les
inspecteurs chefs divisonnaires ou inspecteur du premier grade, suivis des inspecteurs
divisionnaires ou inspecteurs du deuxième grade, des inspecteurs du travail ou inspecteurs du
troisème grade, les inspecteurs adjoints du travail, contrôleurs du travail et les agents
administratifs. Ils relèvent de la direction du travail qui comprend quatre divisions
notamment:
- la division de la Sécurité,de l'Hygiène et de la Médecine du Travail;
- la division du Contrôle des Lois Sociales en Agriculture;
- la division de la Réglementation et des Organismes Internationaux ;
- la division du Contrôle de l'application de la législation du travail qui comprend le service de
l’inspection du travail et le service des rélations pofessionnelles.
Au niveau local, l’inspection du travail est représentée dans 43 délégations du travail à
travers le Royaume. Ces délégations sont structurées en circonscriptions (au nombre de 78)
qui comprennent des sections . Par exemple au niveau de la délégation préfectorale de Rabat
nous retrouvons quatre circonscriptions comptant chacune environ 300 établissements placés
sous le contrôle d’un inspecteur du travail. Enfin, chaque circonscription est placée sous la
responsabilité d’un chef qui est aussi inspecteur du travail.
Les inspecteurs du travail sont des agents publics. Ils étaient soumis au statut particulier du
personnel du ministère du travail et des affaires sociales promulgué par le dahir du 2 février
1967. Suite aux révendications de l’association marocaine des inspecteus du travail et des
recommandations du BIT, il a été adopté en juillet 2008 un nouveau statut particulier pour les
agents chagés de l’inspection du travail. Ce nouveau statut est censé leur apporter plus de
stabilité et de garanties juridiques. Ils sont, par ailleurs, tenus de prêter serment exigé des
agents verbalisateurs avant de commencer leurs fonctions.En outre, ils demeurent soumis aux
dispositions du dahir du 14 février 1958 portant statut généal de la fonction publique en ce qui
concerne seulement le secret pofessionnel et l’obligation de discrétion. Ils sont pénalement
sanctionnés en cas de violation de ces obligations déontologiques . Après avoir défini leur
statut, la lois a pris le soin de définir les missions et moyens d’action dont disposent ces
agents.

2- Missions et moyens d’action de l’inspection du travail:

a- Missions :
L’inspection du travail a trois types de missions qui sont entre autres : le rôle de contrôle et de
conseil au profit de l’employeur et les salariés ; le rôle d’information au profit de
l’administration centrale et un rôle de pré-conciliation en cas de conflits individuels du
travail.
Les agents de l’inspection du travail sont chargés, en premier lieu et en vertu de l’article 532-
1 du nouveau code du travail, d’assurer l’application des dispositions législatives et
réglementaires relatives au travail. Ce qui suppose qu’ils doivent avoir les connaître dans le
détail et devront en faire une juste interprétation. D’où l’importance de leur formation et leur
perfectionnement sur les plan juridique et humain. Ils doivent aussi fournir des informations
et des conseils techniques aussi bien aux employeurs qu’aux salariés, notamment sur les
moyens les plus pertinents pour respecter les nomes du travail qui leur sont applicables
(Art.532-2 NCT). Le nouveau Guide de méthodologie de contrôle en santé et en sécurité
élaboré par le ministère de l’emploi et de la formation professionnelle permettra à ces agents
de faire face à ces attributions pédagogiques.
Par ailleurs, l’article 532-3 du nouveau code du travail confie aux inspecteurs du travail le
soin de porter à l’attention de leurs supérieurs de l’administration centrale, par l’intermédiaire
de leurs délégations régionales, préfectorales ou provinciales, les lacunes ou les dépassements
de certaines dispositions législatives et réglementaires en vigueur. A ce titre, les statistiques
fournis par l’inspection du travail sont d’une aide inestimable pour l’autorité gouvernementale
afin de suivre l’évolution de la législation du travail et évaluer son efficacité. Ce rôle de veille
juridique dont assure l’inspection du travail aurait pu être plus productif s’il s’étendait à la
totalité de la législation du travail. Mais les inspecteurs du travail ne porter à la connaissance
de l’autorité gouvernementale chargée du travail que des insuffisances des normes législatives
et réglementaires. Les circulaires et directives de leurs supérieurs sont exclues de cette
surveillance.
Enfin, les inspecteurs du travail sont chargés de procéder à des tentatives de conciliation en
cas de conflits individuels du travail. Ces tentatives de conciliation sont consignées dans le
procès-verbal signé par les parties au conflit et contresigné par l’inspecteur du travail. Ce
procès-verbal a une force probante seulement dans la limite des montants y indiqués qui ont
reçu l’aval des parties au conflit (Art.532-4 NCT). Cette nouvelle attribution des inspecteurs
du travail devrait contribuer à alléger la surcharge à la fois de la justice étatique et des
instances non juridictionnelles de conciliation et d’arbitrage. Par ailleurs, il est regrettable
que la loi ait réservé seulement au procès-verbal de conciliation une force probante assez
limitée qui dévalorise l’effort accompli par l’inspecteur du travail. En plus de cela, la loi
aurait dû rendre cette phase de pré-conciliation obligatoire pour que les parties, notamment
l’employeur, soient tenues de négocier de bonne foi. Dans la pratique l’employeur,
connaissant la lenteur de l’appareil judiciaire, s’absente à la convocation de l’inspecteur du
travail ou refuse de négocier avec bonne foi. Dans ces cas l’inspecteur du travail ne peut
consigner les dires du salarié puis l’orienter vers le tribunal.
b- Moyens d’action :
La loi a prévu un certain nombre d’outils susceptibles de permettre à l’inspection du travail
d’accomplir valablement ses diverses attributions qui découlent essentiellement du nouveau
code du travail. Ces pouvoirs reconnus aux inspecteurs du travail sont de deux sortes. D’une
part, ils disposent d’un pouvoir d’investigation qui leur donne le libre accès aux entreprises
avec toutefois des limites à ce pouvoir et d’autre part, ils ont le pouvoir de constater des
infractions à la législation du travail comme un officier de la police judiciaire. Mais qu’en est-
il de la suite réservée à ses procès verbaux de constatation.
- Pouvoir d’investigation de l’inspection du travail
D’abord, les inspecteurs du travail peuvent procéder à des visites d’inspections. Dans la
pratique ces visites sont de trois types : les visites systématiques ; (les visites générales, les
visites ciblées, les visites de suivi et les contre-visites) ; les visites sollicitées (par les
syndicats ou salariés, l’employeur etc.) et les visites d’urgence (en cas d’accident du travail ou
une déclaration de maladie professionnelle).
Les agents de l’inspection munis des pièces justificatives de leurs fonctions, sont autorisés à
pénétrer librement et sans avertissement préalable à toute heure du jour ou de la nuit dans tout
établissement assujetti à leur contrôle. Ils sont également autorisés à pénétrer entre 6heure et
22 heure dans les locaux où est susceptible de s’accomplir une activité soumise au droit du
travail, y compris dans les locaux où les salariés à domicile effectuent des travaux. En outre,
lorsque le travail s’effectue dans un lieu habité, l’inspecteur du travail ne peut y pénétrer
qu’après avoir obtenu l’autorisation des habitants. Cette exception qui s’inscrit dans le cadre
du respect du domicile privé rend difficile la protection des salariés à domicile qui sont
souvent exploités. Par ailleurs, l’inspecteur du travail à l’occasion de ses visites d’inspection,
doit informer de sa présence l’employeur ou son représentant, à mois qu’il n’estime d’un tel
avis risque de nuire à l’efficacité de son contrôle (Art. 534-1 NCT). Les inspecteurs du travail
peuvent également contrôler les entreprises qui relèvent du secteur de l’informel. Mais
l’insuffisance des moyens et des impératifs sociaux (Risque de voir fermer beaucoup
d’entreprises et des salariés au chômage) les empêchent d’étendre leur contrôle à ce secteur
où la législation du travail est près qu’inexistante. La non déclaration des entreprises à
l’inspecteur du travail constitue un obstacle majeur aux visites d’inspection.
En plus des visites de lieu, les inspecteurs du travail sont autorisés à procéder à tous examens,
contrôles et enquête qu’ils jugent nécessaires pour s’assurer que les dispositions législatives et
réglementaires sont effectivement respectées. Ils peuvent aussi interroger, soit seuls, soit en
présence de témoins, l’employeur ou le personnel de l’établissement sur toutes les matières
utilisées. Ils ont le doit de prélever et emporter aux fins d’analyses des échantillons de
matières et des substances utilisées ou manipulées par les salariés. N’étant pas spécialisé
dans toutes ces domaines la loi autorise les inspecteurs du travail à recourir à l’aide des
experts dans les domaines scientifiques et techniques, telles la médecine, l’ingénierie et la
chimie pour mieux s’assurer du respect des dispositions législatives et réglementaires. Il est à
signaler que ces analyses sont effectuées aux frais de l’employeur et les résultats lui sont
communiqués en vertu de la loi.
L’inspecteur du travail peut exiger à ce que l’affichage des avis dont l’apposition est requise
par les dispositions législatives, et des affiches portant le nom et l’adresse de l’agent chargé
de l’inspection du travail dans l’établissement soient réalisées. La loi reconnait également à
l’inspecteur du travail le droit de se faire communiquer les livres, registres et divers
documents dont la tenue est prescrite par la législation du travail, en vue de vérifier leur
conformité avec les dispositions légales et d’en prendre copies ou d’en établir des extraits.
Un registre d’inspection, destiné à garder les mises en demeure et des observations
éventuellement signifiées à l’employeur ou à ses préposés doit être tenu dans chaque
établissement, ses annexes et succursales ainsi que dans chaque chantier (Art.536-1 NCT).
L’inspecteur du travail peut demander à l’employeur ou à ses préposés une liste des chantiers
temporaires et ces personnes ont l’obligations de l’informer par écrit de l’ouverture des
chantiers occupant au moins dix ouvriers ou devant durer plus de six jours (Ar.538 NCT). En
outre, à l’occasion de la rédaction d’un procès-verbal, l’employeur ou son présentant est tenu
de présenter à l’inspecteur du travail sa pièce d’identité et lui fournir tous les enseignements et
indications relatives à l’application du code du travail.
Enfin, l’inspecteur du travail doit rédiger un apport sur chaque visite effectuée, dont le modèle
est établi par l’autorité gouvernementale chargée du travail. Ce rapport comporte 32
observations dont 30 sont d’ordre général et deux sur la santé, l’hygiène et la sécurité. Il
convient de signaler que ce document fait foi jusqu’à preuve de contraire en matière de
procédure judiciaire. Qu’en est-il donc de la constatation des infractions par les inspecteurs du
travail qui soulèvent beaucoup de problème.
- Pouvoir de constatation des infractions :
*La nécessité des avertissements ou observations préalables adressées à l’employeur ou à ses
préposés avant de rédiger le procès-verbal:
Les inspecteurs du travail assurent un rôle préventif des dangers pouvant atteindre la santé et
la sécurité des travailleurs. Ils peuvent ainsi adresser au dirigeant d’entreprise, ou toute unité
technique de production, des avertissements ou observations leur invitant à se conformer aux
dispositions légales et réglementaires en matière de santé et sécurité au travail. Cette
procédure préalable vise surtout à permettre à l’employeur de se mettre en conformité avec les
dispositions légales et réglementaires d’une part, et d’autre part d’éviter des contestations des
infractions constatées par procès-verbal. Il peut même être reproché à l’agent, de ne pas avoir
procédé à une mise en demeure de l’employeur qui contrevient aux dispositions de la loi, par
ses supérieurs ou par la juridiction répressive saisie. L’inspecteur du travail doit parfois
observer un délai avant d’établir le procès-verbal. Il s’agit notamment, en cas de violation des
prescriptions législatives ou réglementaires relatives à l’hygiène et à la sécurité ne mettant pas
en danger imminent la santé des travailleurs, l’inspecteur du travail ne peut dresser le procès-
verbal de constatation qu’après l’expiration d’un délai imparti pour la signification de
l’avertissement à l’employeur. Ce délai est fixé en tenant compte des circonstances de chaque
cas mais sans pour autant être inférieur à 4 jours. Toute fois, il est permis à l’employeur de
saisir d’une réclamation le supérieur hiérarchique de l’agent, en occurrence l’autorité
gouvernementale chargée du travail. Cette saisine doit intervenir avant l’expiration du délai
prescrit pour l’avertissement et au plus tard dans les quinze jours qui suivent celui-ci. La
réclamation en question produit ainsi un effet suspensif en ce qui concerne l’établissement du
procès-verbal. La décision pise par l’autorité compétente est ensuite notifiée à l’intéressé dans
les formes administratives et l’agent en est informé de sa teneur afin qu’il lui réserve les suites
requises. Il est sans doute évident que ces limitations à la liberté de l’inspecteur du travail
d’établir ou non un procès-verbal diminuent considérablement ses pouvoirs et son
indépendance. Nous allons voir plus loin les exigences imposées par les conventions
internationales pour que l’inspecteur du travail puisse avoir une indépendance au niveau de la
prise de décision.
*Le recours à l’établissement du procès-verbal :
Les agents chargés de l’inspection du travail constatent par des procès-verbaux qui font foi
jusqu’à preuve contraire, les infractions aux dispositions législatives et réglementaires relative
au travail. Les procès-verbaux doivent être rédigés en trois exemplaires dont un est adressé
directement à la juridiction compétente par le délégué provincial chargé du travail, un autre à
la direction du travail de l’administration centrale et le troisième est conservé dans le dossier
réservé à l’établissement.
Lorsque les actes ou les négligences de l’employeur ou de ses préposés mettent en danger
imminent la santé et la sécurité des travailleurs, l’agent chargé de l’inspection du travail doit,
dans ce cas encore, les mettre en demeure d’exécuter immédiatement les mesures nécessaires
pour essayer de mettre un terme à ce danger. Toute fois, si l’employeur ou son représentant
refuse ou néglige de se conformer aux prescriptions de l’avertissement, l’inspecteur du travail
établit seulement un procès-verbal justifiant ce refus et le transmet immédiatement par la voie
de requête au président du tribunal de première instance territorialement compétent en sa
qualité de juge des référés (Art.543 NCT). Le président du tribunal ou son représentant
ordonne toute mesure qu’il juge appropriée aux fins de mettre fin au danger imminent. Mais il
peut accorder à l’employeur un délai pour arrêter le danger, voire lui ordonner la fermeture de
l’établissement par nécessité en fixant la durée de cette mesure. La fermeture de
l’établissement constitue donc une mesure extrême, qui ne peut être prise que par un
magistrat. C’est au juge des référés d’apprécier, suivant les faits établis dans le procès-verbal
de l’inspecteur du travail, s’il s’agit vraiment d’un danger imminent comme cela a été avancé
par l’agent. En cas de fermeture temporaire de l’établissement, l’employeur est tenu de
verser aux salariés dont le travail a été suspendu, les salaires, indemnités et avantages, qui leur
sont dus et qu’ils touchaient avant la date de la fermeture, durant la période de fermeture de
tout ou partie de l’établissement (Art.301 NCT).
Lorsque l’employeur n’a pas répondu positivement à ce qui lui a été demandé, malgré
l’ordonnance du président du tribunal statuant en référé après sa saisine par l’inspecteur du
travail. Cet agent établit un nouveau procès-verbal qu’il adresse au procureur du Roi auprès
du tribunal territorialement compétent. Le procureur doit soumettre le procès-verbal à la
chambre correctionnelle du tribunal de première instance dans un délai de huit jours à
compter de la date de la réception. Les juges du fond peuvent être amenés à décider à
nouveau, à l’instar du juge des référés, la fermeture temporaire ou définitive de
l’établissement. Une telle procédure complémentaire aux démarches précédentes constitue
une garantie supplémentaire pour l’employeur bien que ce dernier soit tenu de verser à son
personnel les salaires et leurs accessoires en cas de fermeture temporaire ou des indemnités et
dommages-intérêts prévus en cas de licenciement si la fermeture définitive s’imposera.
L’employeur peut aussi être obligé par le tribunal à effectuer des travaux de sécurité et de
salubrité. Il découle de l’analyse de cette procédure que l’inspecteur du travail ne peut pas
saisir directement le tribunal compétent mais doit passer par la délégation provinciale du
travail pour informer parquet. L’inspecteur du travail a seulement la faculté de saisir
directement le président du tribunal de première instance en cas d’extrême urgence. Par
ailleurs, une meilleure protection de la santé des travailleurs nécessite l’intervention des
agents spécialisés en occurrence les médecins inspecteurs du travail et des ingénieurs qui
accompagnent les établissements en matière d’hygiène et sécurité. Mais ces derniers ne sont
pas pour le moment opérationnels au niveau de toutes les délégations du travail (Seulement au
niveau d’une dizaine de délégations). Pour cette raison, ils ne seront étudiés ici.
B- L’inspection médicale du travail :
1- Statut des médecins inspecteurs du travail :
Les médecins inspecteurs du travail relève du même statut juridique que les autres agents
chargés de inspection du travail. Ils se distinguent de ceux par leur spécialisation et ne sont
soumis aux attributions et obligations de l’inspection du travail que dans la limite de leur
spécialité (Art.535-1 NCT). Le médecin inspecteur du travail est un agent public. Il se
distingue du médecin du travail qui est un salarié de l’entreprise. Contrairement au médecin
inspecteur du travail, dernier assure un rôle préventif des maladies et accidents du travail
dans les entreprises. Il existe actuellement huit médecins inspecteur du travail repartis en
quatre circonscriptions d’inspections médicales du travail à travers le Royaume :
-Dans la zone Casa-sud : quatre médecins inspecteurs du travail ;
-Dans la zone Rabat Nord-Ouest : deux médecins inspecteurs du travail ;
-Dans la zone Fès- Centre Nord : Un médecin inspecteur du travail ;
-Dans la zone Meknès Centre- oriental : Un médecin inspecteur du travail.
Ce nombre des médecins inspecteurs du travail est évidemment insuffisant pour assurer
efficacement le contrôle de la législation dans le domaine de la santé et l’hygiène au travail.
2- Les attributions du médecin inspecteur du travail :
Les médecins inspecteurs du travail sont chargés d’assurer les missions suivantes :
• De veiller à l’application de la législation relative à l’hygiène du travail.
• D’assurer le contrôle permanent de l’organisation et du fonctionnement des services
médicaux du travail ;
• D’apporter un appui technique aux acteurs de la prévention des risques professionnels.
• De recevoir et d’examiner les déclarations des maladies professionnelles.
• De recevoir les déclarations des accidents du travail, ce qui permettrait au médecin
inspecteur du travail d’identifier les secteurs d’activité professionnelle à risques au niveau de
ses compétences territoriales ;
• De réaliser des expertises dans le domaine de la prévention des risques professionnels.
• De coordonner les recherches, études et enquêtes en relation avec la santé et la sécurité au
travail.
Ils disposent, en outre, les mêmes moyens d’action que les autres agents chargés de
l’inspection du travail et peuvent aussi procéder la constatation des infractions aux
dispositions législatives et réglementaires relatives au travail dans leur domaine.
Enfin, l’inspection du travail et l’inspection médicale du travail arrivent, grâce à leurs
interventions à maintenir une paix sociale assez fragile, en dépit d’innombrables problèmes
qu’elles connaissent dans la réalisation de leurs missions.

II- LES DIFFICULTES ET REALISATIONS DE L’INSPECTION DU TRAVAIL :


L’inspection du travail au Maroc rencontre un certain nombre de problèmes qui sont
d’origines diverses et témoignent surtout de la non-conformité des textes régissant
l’inspection du travail avec les normes internationales. L’inspection du travail, malgré les
insuffisances dont elle souffre parvient à réaliser des efforts concrets sur le terrain.
A- Les difficultés liées à l’inspection du travail :
Les contraintes dont fait face l’inspection du travail relèvent à la fois de l’absence d’un statut
adapté à leur profession et de l’insuffisance des moyens humains et matériels.
1- Problème de statut des inspecteurs du travail :
Au Maroc, les inspecteurs du travail relevaient du statut particulier du personnel du
ministère du travail et des affaires sociales qui les considère comme des fonctionnaires
publics au même titre que les autres personnels sans prendre en compte la particularité de
cette fonction qui exige une certaine indépendance et de la stabilité. La nécessité de doter
l’inspection d’un statut spécial découle de l’article 6 de la convention internationale n°81 de
l’OIT de 1947, ratifiée par le Maroc en 1958. Les dispositions de cette convention exigent que
«l e personnel de l’inspection du travail soit composé de fonctionnaires publics dont le statut
et les conditions de service leur assurent la stabilité dans leur emploi et les rendent
indépendants de tout changement de gouvernement et de toute influence extérieure indue ».
Cette indépendance ne signifie pas que l’inspection du travail ne doit pas être sous tutelle
administrative mais elle concerne seulement l’indépendance au niveau de la prise de décision
qui se trouve considérablement réduite lors de la constatation des infractions. L’exigence de
la stabilité tend à protéger l’inspecteur du travail contre les mutations arbitraires. La
condamnation , en 2004 , d’un inspecteur du travail de Marrakech à 10 ans de réclusion pour
faux et usage de faux par cour d’appel sur la base du témoignage de 12 témoins recueilli par
deux adouls a instauré au sein du corps inspectoral un climat de peur entrainant une
réduction considérable du nombre de constatation d’infraction (Voir B- Les réalisations de
l’inspection du travail).
Ce n’est qu’en juillet 2008 qu’un nouveau statut particulier a été adopté par décret après une
certaine opposition de la part du gouvernement. Ce nouveau statut, proposé par l’association
marocaine des inspecteurs du travail (AMIT), obéit à certaines exigences de la convention
n°81 de l’OIT sur l’inspecteur du travail dans le secteur industriel et commercial. Toute fois,
le nouveau statut a omis de leur reconnaitre le pouvoir de décision notamment pour verbaliser
et de donner le pouvoir aux inspecteurs du travail de solliciter l’assistance de la force publique
lors des visites d’inspection. Ce point est d’autant plus important que dans la mesure où ces
visites d’inspection se déroulent généralement dans un climat assez tendu. Enfin une
redéfinition attributions de chacune des trois entités (inspecteurs, médecins et ingénieures)
chargées du contrôle de la législation du travail serait utile pour mettre fin au chevauchement
qui existe entre le domaine d’intervention de chacune d’elles. Le caractère généraliste de
l’inspection du travail marocain nuit à l’efficacité du contrôle car les agents chargés de
l’inspection du travail ne peuvent faire que des observations générales en relation avec
l’application de la législation. Mais les autres aspects du contrôle technique (Hygiène, sécurité
et la santé) sont laissés pour compte. Il est donc important d’évoluer vers une inspection du
travail spécialisée ou d’assurer une mise à niveau permanente des agents déjà sur le terrain.
Mais encore faut-il avoir suffisamment de personnels et de moyens matériels pour amorcer
cette spécialisation sein de l’inspection du travail.

2- Problème de moyens humains et matériels :


L’inspection du travail compte actuellement 400 agents dont 318 seulement sont des agents de
terrain, pour contrôler environ 50000 établissements. Selon les standards internationaux, il
faut un inspecteur pour 250 établissements alors qu’au Maroc, ce chiffre n’est pas respecté.
Dans le secteur agricole, il y’a seulement 30 inspecteurs du travail pour tout le Royaume .
Alors qu’en raison du nombre assez élevé des salariés qu’occupe le secteur agricole où les
travailleurs manipulent souvent des produits dangereux pour la santé, il devrait y avoir
davantage d’inspecteurs du travail pour ce secteur. Cette insuffisance du nombre
d’inspecteurs du travail a pour conséquence une forte baisse du nombre d’entreprises
couvertes par les visites d’inspection qui ne dépasse pas 24% des établissements structurés,
sans compter le secteur informel. Ce taux continue de diminuer avec les départs volontaires à
la retraite de ces dernières années qui ont vus partir environ 70 inspecteurs du travail à la
retraite. Cependant l’article 10 de la convention n°81 de l’OIT fait obligation aux Etats
signataires de doter l’inspection du travail de moyens humains suffisants pour lui permettre
d’assurer l’exercice efficace des fonctions du service d’inspection. Et fixe même les critères
en fonction desquels leur nombre devrait être déterminé. En plus de l’insuffisance de leur
nombre, les agents chargés de l’inspection du travail ont seulement une formation générale
insuffisante qui ne leur permet pas d’accomplir certains aspects techniques de leurs
attributions. Une formation initiale suffisante et des formations continues de ces agents de
contrôle s’imposent comme une nécessité , car la protection physique des salariés sur le lieu
du travail (hygiène, sécurité et santé) n’est pas assez assurée.
Ils doivent également avoir une connaissance suffisante de la législation du travail pour être
en mesure de veiller à son application. Cependant, dans la pratique, il n’est pas rare de
rencontrer des inspecteurs du travail qui ne maîtrisent pas les dispositions légales et
réglementaires du travail. Par ailleurs, le rôle de conciliateur confié aux inspecteurs du travail
en matière de conflits individuels ou collectifs du travail nécessite également une formation
appropriée de ces agents aux techniques du dialogue social afin de réussir efficacement cette
mission. Ensuite, il est à remarquer qu’aujourd’hui les bureaux des inspections du travail
ressemblent beaucoup aux bureaux d’arbitrage et de conciliation, car ces agents de terrain se
trouvent retenus durant toute la journée par le règlement des conflits individuels ou collectifs.
Ce qui a une conséquence dramatique sur les autres aspects importants de leurs missions qui
ont tendance à être négligés. Pour pallier à cette recrudescence des conflits sociaux, il
faudrait développer des programmes de promotion du dialogue social et principalement
encourager la conclusion des conventions collectives qui sont des outils adaptés pour
maintenir la paix sociale. En plus de ces insuffisances, il faut ajouter une méconnaissance près
que totale, par beaucoup d’employeurs, des dispositions légales et réglementaires en matière
de santé, d’hygiène et de la sécurité au travail.
Par ailleurs, l’inspection du travail souffre de difficultés matérielles qui se traduisent par
l’absence de moyens de transport lors des visites d’inspection, l’insuffisance d’équipements
appropriés pour tester des installations etc. Les inspecteurs du travail doivent, seulement avec
500 dhs, effectuer une vingtaine de visites d’inspection par mois. Ce montant est assez
insuffisant pour encourager les inspecteurs du travail à plus de rigueur dans les contrôles.
Mais avec le nouveau statut une disposition a enfin été introduite prévoyant le
remboursement des frais et dépenses effectués par l’inspecteur du travail lors de l’exercice de
ses fonctions comme cela avait été prévue par l’article 11 de la convention n°81 de l’OIT.
Enfin, le caractère dérisoire des amendes en cas d’infractions à certaines dispositions
légales et réglementaires (20 dirhams au maximum pour la non déclaration d’un accident de
travail) et le développement du secteur informel (seulement 24% des entreprises sont
structurées ) sont entre autres des contraintes extérieures qui rendent difficile l’exercice
efficace des missions de l’inspection du travail.

B- les réalisations de l’inspection du travail:

L’inspection du travail, en dépit des insuffisances qu’elle connaît, arrive à réaliser des
résultats concrets sur le terrain notamment en matière de contrôle et de gestion de conflits
individuels et collectifs du travail.
1- Les efforts en matière de contrôle :
D’abord en matière de contrôle, les inspecteurs du travail ont effectué en 2004 plus de 23478
visites d’inspection. Ce chiffre a connu une certaine diminution ces dernières années en
raison d’une réduction du nombre des inspecteurs du travail par les départs volontaires à la
retraite. Le ministère de l’emploi et de la formation professionnelle
ambitionne d’augmenter le nombre de visites des inspecteurs du travail dans les années à
venir pour atteindre au moins 45 % des entreprises structurées contre 25% actuellement.
Pour atteindre ces objectifs le ministère a élaboré un guide de méthodologie de contrôle pour
mettre l’ordre dans l’activité de contrôle. Il compte aussi recruter plus d’agents et fixer des
objectifs à atteindre à chaque circonscription d’inspection en matière de contrôle. Pour
motiver les inspecteurs, le ministère compte également instituer une prime composé d’une
partie fixe et d’une partie variable selon l’atteinte des objectifs fixés à chaque l’inspecteur du
travail.
Source : Ministère de l’Emploi
En 2008, les inspecteurs du travail ont adressé aux employeurs 831588 observations portant
sur diverses irrégularités. Les observations d’ordre général viennent en tête avec 76% suivies
par celles en matière de non respect du SMIG 5,86% et de la sécurité 4,70% du nombre total.
Ces chiffres montrent l’incompétence des inspecteurs du travail à faire aux défis de protection
des travailleurs contre les risques liés à l’hygiène, la sécurité et la santé. Sur les 32
observations que compte le rapport de visite d’inspection, ces agents ne peuvent contrôler que
les 30 aspects qualifiés de généraux tandis que les deux autres qui apparaissent primordiaux
sont négligés par faute de personnels qualifiés notamment les médecins inspecteurs du travail
et les ingénieurs. Les observations portant sur le travail des femmes et des enfants, la création
des institutions représentatives de salarié ne dépassent pas 1%. Cela ne signifie pas que ces
aspects sont conformes au code du travail. Mais toute simplement, parce que les inspecteurs
du travail ne sont pas formés pour faire face au travail des enfants et d’accompagner
efficacement les entreprises à s’ajuster par rapport aux dispositions du nouveau code du
travail, en dépit du fait que le ministère ait initié des programmes dans ce sens
Enfin, le nombre de procès-verbaux dressés par les inspecteurs du travail ne dépasse pas 229
en 2008. Ce chiffre témoigne la faiblesse des pouvoirs de l’inspecteur du travail en matière
de rédaction des PV, même s’il est en augmentation par rapport aux années précédentes. La
volonté des autorités de faire de l’inspecteur un conseillé et accompagnateur des partenaires
sociaux au détriment de son rôle de gendarme explique le nombre peu élevé des procès-
verbaux. Mais la violation de l’ordre public social est-elle moins grave que l’ordre public
général ? En tout cas les deux ne sont pas sanctionnés de la même manière.
2- Les efforts en matière de gestion de conflits individuels et collectifs :
Par ailleurs, les inspecteurs du travail arrivent à résoudre plusieurs conflits sociaux. Par
exemple en 2008 il a été recensé 37271 conflits collectifs et 37538 conflits individuels. On
estime actuellement que les inspecteurs du travail parviennent par leur intervention à résoudre
environ 70% des conflits qui naissent entre les employeurs et les travailleurs, à titre
individuel ou collectif. Ils arrivent aussi à sauvegarder en moyenne 6000 emplois par an et
contribuent à empêcher le déclenchement de plusieurs grèves. Ces chiffres montrent, d’une
part, l’insuffisance du droit conventionnel au Maroc, alors que le nouveau code du travail a
pris le soin d’organiser ce domaine mais le manque de maturité des partenaires sociaux et leur
refus de toute expertise des autorités compétentes font que la situation est loin de s’améliorer.
D’autre part, ces efforts montrent que l’inspection du travail occupe une place non
négligeable dans le contrôle de la législation du travail. La convention bilatérale passée entre
le Maroc et le Danemark pour la promotion du dialogue social à travers la formation des
inspecteurs marocains du travail contribuera peut être dans les années à venir à diminuer les
conflits sociaux.
En définitive, il suffit donc de répondre favorablement à certaines exigences de cet organe de
contrôle qui se sent démunis face aux multiples attributions qui lui incombent et lutter contre
le secteur informel pour que le respect du code du travail puisse être effectif sur le terrain.

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