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SEANCE 3 :

LE SERVICE PUBLIC - NOTION

Article à lire et à résumer en 1 page :

Doc. 1 – F. Lenica et J. Boucher, « Organismes privés chargés de la gestion d’un service public
et prérogatives de puissance publique : fin d’une vieille controverse, nouvelles interrogations »,
AJDA, 2007, p. 793.

V. également (à chercher en bibliothèque) : D. Truchet, « Nouvelles récentes d’un illustre


vieillard : label de service public et statut de service public », AJDA 1982, p. 427.

Documents à lire (faire des fiches d’arrêts lorsque le document est un arrêt du CE ou une
décision du TC ou du CC + ficher les arrêts au GAJA) :

I) Sur l’importance de la notion en droit administratif, voir notamment :

V. au GAJA, TC, 1873, Blanco

Doc. 2 – CE, 6 février 1903, Terrier (V. GAJA)


Doc. 3 – CE, 4 mars 1910, Thérond (V. GAJA)
Docs. 4 – CE, Sect., 20 avril 1956, Epoux Bertin et Consorts Grimouard (V. GAJA)

II) La définition du service public : une activité d’intérêt général assurée ou assumée par
une personne publique

Sur l’intérêt général :

Doc. 5 – CE, 7 avril 1916, Astruc


Doc. 6 – CE, Sect. 27 octobre 1999, Rolin
Doc. 7 – CE, 19 mars 2012, SA groupe Partouche, n° 341.562

Mission confiée par une personne publique à une personne privée :

V. au GAJA : CE Ass.,13 mai 1938, Caisse primaire d’aide et protection ; CE Ass., 31 juillet
1942, Monpeurt ; CE Ass., 2 avril 1943, Bouguen

Doc. 8 – CE, Sect. 28 juin 1963, Narcy


Doc. 9 – CE, 22 avril 2002, Lasaulce
Doc. 10 – CE, 20 juillet 1990, Ville de Melun
Doc. 11 – CE, Sect., 22 février 2007, APREI
Doc. 12 – CE, 5 octobre 2007, Société UGC (application négative du faisceau d’indices)
Doc. 13 – CE, 25 juillet 2008, Commissariat à l’énergie atomique (application positive du
faisceau d’indices)

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Doc. 1 : F. Lenica et J. Boucher, « Organismes privés chargés de la gestion d’un service
public et prérogatives de puissance publique : fin d’une vieille controverse, nouvelles
interrogations », AJDA, 2007, p. 793

Organismes privés chargés de la gestion d'un service public et prérogatives de puissance publique : fin
d'une vieille controverse, nouvelles interrogations

Frédéric Lenica, Maître des requêtes au Conseil d'Etat, responsable du centre de documentation
Julien Boucher, Maître des requêtes au Conseil d'Etat, responsable du centre de documentation

Comme l'a bien montré Didier Truchet dans un article devenu un classique (Nouvelles récentes d'un illustre
vieillard - Label de service public et statut du service public, AJDA 1982. 427), le service public « apparaît
comme un label appliqué à une activité d'intérêt général », et ce label détermine l'application d'un statut, « c'est-
à-dire un ensemble de règles qui s'appliquent nécessairement à toute activité reconnue comme un service public
». En pratique, c'est bien souvent à l'occasion d'un litige posant la question de l'applicabilité de ce statut que le
juge est amené à s'interroger sur la possibilité d'attribuer le label de service public à une activité d'intérêt général
et, par conséquent, sur les critères devant présider à une telle attribution. On se souvient, par exemple, que ce
sont des litiges relatifs à l'application de la législation sur les cumuls d'emplois et de rémunérations, dont le
champ d'application était notamment déterminé par référence aux agents des organismes chargés de l'exécution
d'un service public, qui ont donné lieu aux classiques décisions Caisse primaire Aide et Protection du 13 mai
1938 (Lebon 417 ; RDP 1938. 829, concl. R. Latournerie ; GAJA, 2005, Dalloz, 15e éd., n° 53) et Sieur Narcy
du 28 juin 1963 (Lebon 401 ; RDP 1963. 1186, note M. Waline ; AJDA 1964. 91, note A. de Laubadère). On ne
s'étonnera pas, dans ces conditions, que ce soit un litige relatif à l'application du régime de l'accès aux documents
administratifs, issu de la loi du 17 juillet 1978, qui ait donné l'occasion à la Section du contentieux de se pencher
à nouveau sur la question des critères permettant de caractériser un organisme privé comme chargé de l'exécution
d'un service public.

Dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce, l'article 2 de cette loi disposait en effet que « les documents
administratifs sont de plein droit communicables aux personnes qui en font la demande, qu'ils émanent des
administrations de l'Etat, des collectivités territoriales, des établissements publics ou des organismes, fussent-ils
de droit privé, chargés de la gestion d'un service public » (1). C'est sur le fondement de ces dispositions que
l'Association du personnel relevant des établissements pour inadaptés (APREI) avait demandé la communication
des états du personnel d'un centre d'aide par le travail (CAT) géré par l'Association familiale départementale
d'aide aux infirmes mentaux de l'Aude (AFDAIM). Celle-ci ayant refusé d'accéder à cette demande, en dépit de
l'avis favorable de la Commission d'accès aux documents administratifs, l'APREI a porté l'affaire devant le
tribunal administratif de Montpellier.

L'applicabilité au litige de la loi du 17 juillet 1978 et, par suite, la compétence de la juridiction administrative
(v., sur ce point, T. confl. 2 juill. 1984, Vinçot et Le Borgne c/ Caisse de mutualité sociale agricole du Finistère,
Lebon 449 ; CE 27 septembre 1985, Ordre des avocats du barreau de Lyon c/ Bertin, Lebon 267 ; CE Sect. 6
juin 1986, Ordre des avocats au barreau de Pontoise c/ Jaugey, Lebon 159), dépendaient de la question de
savoir si, en sa qualité de gestionnaire du CAT en cause, l'AFDAIM, qui est incontestablement un organisme de
droit privé, devait être regardée comme chargée de la gestion d'un service public. Alors que le tribunal
administratif de Montpellier avait jugé que tel était le cas, pour ensuite annuler le refus de communication
litigieux, la cour administrative d'appel de Marseille avait pris un parti inverse, qui l'avait conduite à rejeter les
conclusions de l'APREI comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître. Saisi du
pourvoi en cassation formé par cette association, le Conseil d'Etat tranche, par la décision commentée, en faveur
des juges d'appel, au motif « que si l'insertion sociale et professionnelle des personnes handicapées constitue une

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mission d'intérêt général, il résulte toutefois des dispositions de la loi du 30 juin 1975, éclairées par leurs travaux
préparatoires, que le législateur a entendu exclure que la mission assurée par les organismes privés gestionnaires
de centres d'aide par le travail revête le caractère d'une mission de service public ».

Mais - et c'est surtout en cela que la décision retiendra l'attention des commentateurs - cette affirmation est
précédée d'un ambitieux considérant de principe qui s'attache à élucider, en deux temps, les conditions auxquelles
la mission assurée par un organisme privé peut être regardée comme un service public. D'abord, «
indépendamment des cas dans lesquels le législateur a lui-même entendu reconnaître ou, à l'inverse, exclure
l'existence d'un service public, une personne privée qui assure une mission d'intérêt général sous le contrôle de
l'administration et qui est dotée à cette fin de prérogatives de puissance publique est chargée de l'exécution d'un
service public ». En outre, « même en l'absence de telles prérogatives, une personne privée doit également être
regardée, dans le silence de la loi, comme assurant une mission de service public lorsque, eu égard à l'intérêt
général de son activité, aux conditions de sa création, de son organisation ou de son fonctionnement, aux
obligations qui lui sont imposées ainsi qu'aux mesures prises pour vérifier que les objectifs qui lui sont assignés
sont atteints, il apparaît que l'administration a entendu lui confier une telle mission ».

La fin d'une controverse doctrinale ancienne


Ce faisant, la décision commentée a pour principal intérêt de mettre un terme, conformément aux conclusions
de Célia Vérot, à une controverse doctrinale ancienne, alimentée (ou reflétée ?) par les hésitations de la
jurisprudence, portant sur le point de savoir si, pour être reconnu comme exerçant une mission de service public,
un organisme privé doit nécessairement être doté à cette fin de prérogatives de puissance publique.

On ose à peine rappeler ici que, si une activité d'intérêt général est présumée avoir le caractère d'un service public
lorsqu'elle est exercée par une personne publique, il en va différemment lorsque l'activité en cause est exercée
par une personne privée. La présomption est alors inverse, et doit, sauf si la qualification de service public résulte
d'une disposition législative expresse, être combattue par la mise en évidence d'une « investiture » (D. Truchet,
préc.) ou d'un « ordre de mission » (P. Sabourin, Mission de service public, prérogatives de puissance publique
et notion d'autorité administrative, JCP 1971. I. 2407) émanant d'une personne publique ; cette dernière, à défaut
de l'assurer elle-même, « assume » dès lors, la mission à laquelle le caractère d'un service public est ainsi reconnu
(R. Chapus, Droit administratif général, Montchrestien, 2000, 14e éd., t. 1, n° 748). Au-delà de la « crise »
ouverte par la multiplication, à partir de l'entre-deux-guerres, d'organismes de droit privé gérant des services
publics administratifs, le critère organique du rattachement, direct ou indirect, à une personne publique n'a ainsi
jamais cessé d'être fondamental pour l'identification du service public : « Le négliger, le perdre de vue, sous-
estimer son importance, c'est - pour citer de nouveau René Chapus - exclure toute chance de parvenir à une
définition de la notion fonctionnelle de service public » (ibid., n° 749).

Au moins depuis la décision Sieur Narcy du 28 juin 1963 (préc.), on sait que la preuve de ce rattachement
organique, affirmé plus que démontré par la jurisprudence antérieure, est suffisamment rapportée par le double
constat de l'exercice d'un contrôle par l'autorité administrative, qui s'assure ainsi un « droit de regard sur les
modalités d'accomplissement de [la] mission » de l'organisme en cause, et de la dévolution à ce dernier, par le
législateur, de prérogatives de puissance publique, « afin de [le] mettre à même d'exécuter la mission d'intérêt
général qui [lui] est [...] confiée ». Toute la question, comme le relevait déjà Marcel Waline dans sa note sous
cette décision, était de savoir si ces deux conditions étaient cumulatives ou alternatives, ou, plus précisément -
car l'exigence d'un contrôle par l'administration n'a jamais été sérieusement mise en cause - si la détention de
prérogatives de puissance publique était en toute hypothèse requise pour permettre l'identification d'un service
public.

Cette question a suscité des controverses d'autant plus passionnées que, à l'arrière-plan, se profilait le renouveau
d'un débat plus théorique, mais aussi plus fondamental, sur le critère du droit administratif et de la compétence
du juge administratif, entre ces deux pôles que constituent traditionnellement le service public et la puissance
publique (v. not. R. Chapus, Le service public et la puissance publique, RDP 1968. 237 ; P. Amselek, Le service

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public et la puissance publique - Réflexions autour d'une étude récente, AJDA 1968. 492). Elle a longtemps,
malgré le flou entretenu par la jurisprudence, reçu une réponse nettement positive de la part d'auteurs aussi
éminents que le président Odent, qui professait ainsi que, « si l'organisme qui gère un service d'intérêt général
est un organisme privé, le service qu'il assure ne peut être qualifié de service public que si des prérogatives de
puissance publique - des prérogatives régaliennes - ont, à cet effet, été accordées à cet organisme » (Contentieux
administratif, cours IEP Paris, 1970-1971, p. 370). C'est que, comme l'a bien montré Célia Vérot dans ses
conclusions sur la décision commentée, la détention de prérogatives de puissance publique pouvait certainement
être regardée, à l'époque au moins, comme la marque la plus indubitable de l'appartenance d'un organisme, sinon
à l'administration stricto sensu, du moins à la sphère administrative : en étant doté de telles prérogatives, un
organisme de droit privé acquiert en effet quelque chose d'une personne publique qui le rend apte à assurer pour
le compte de celle-ci une partie de ce qui est sa mission naturelle, à savoir le service public.

Toutefois, le juge administratif, confronté à l'évolution des pratiques administratives, s'est rapidement trouvé à
l'étroit dans ce costume, à une époque où le champ des activités d'intérêt général prises en charge par les
personnes publiques, directement ou indirectement, connaissait une nouvelle extension. La valse-hésitation de
la jurisprudence dans le contentieux de la responsabilité extra-contractuelle des personnes privées chargées d'une
mission de service public en fournit un bon exemple, certaines décisions prenant bien soin de s'abstenir de
qualifier de service public une activité d'intérêt général conduite par une personne privée sans prérogatives de
puissance publique (CE Sect. 13 oct. 1978, Association départementale pour l'aménagement des structures
agricoles du Rhône, Lebon 368 ; D. 1979. 249, note P. Amselek et J. Waline ; T. confl. 25 janv. 1982, Mme
Cailloux c/ Comité national pour la sécurité des usagers de l'électricité [CONSUEL], Lebon 449, concl.
Labetoulle ; CJEG 1982. 337, note G. Dupiellet), d'autres n'hésitant pas à parler d'une personne privée investie
d'une « mission de service public qui ne lui confie aucune prérogative de puissance publique » (T. confl. 6 nov.
1978, Bernardi, Lebon 652). Dans leur note sous la décision Association départementale pour l'aménagement
des structures agricoles du Rhône, Paul Amselek et Jean Waline marquaient vigoureusement leur préférence
pour cette dernière approche : « Pourquoi [...] la même mission confiée à un organisme privé sous le contrôle de
l'administration changerait-elle de nature, comme par enchantement, selon qu'on aurait ou non attribué une
prérogative de puissance publique à cet organisme ? Il peut parfaitement se faire que l'accomplissement d'une
mission de service public ne requière pas de prérogative exorbitante particulière ». Ces mêmes auteurs faisaient
d'ailleurs remarquer que, dans la jurisprudence, la reconnaissance de prérogatives de puissance publique au profit
d'une personne privée était bien plus souvent la conséquence que la condition de l'identification du caractère de
service public de la mission assurée par celle-ci (v., par exemple, s'agissant du bénéfice de la procédure
d'expropriation, CE 17 janv. 1973, Sieur Ancelle et autres, Lebon 38) (2).

Or, avant même la décision commentée, ce point de vue avait été très nettement consacré par une décision du
Conseil d'Etat du 20 juillet 1990, Ville de Melun et association Melun-Culture-Loisirs c/ Vivien et autres (Lebon
220 ; AJDA 1990. 820, concl. M. Pochard ), qui, pour l'application de la loi du 17 juillet 1978, juge qu'une
association paramunicipale doit être regardée comme gérant un service public, « alors même que l'exercice de
ses missions ne comporterait pas la mise en oeuvre de prérogatives de puissance publique » (v., aussi, CE 10
juin 1994, Lacan et Association des Thermes de la Haute-Vallée de l'Aude, Lebon 298 ; CE 22 juill. 1994,
Office municipal d'aménagement et de gestion d'Allauch [OMAGA], Lebon T. 951 ). Pour justifier cette
solution, le commissaire du gouvernement, Marcel Pochard, reprenant une idée déjà développée par le président
Kahn dans ses conclusions sur la décision du Tribunal des conflits Sieurs Arcival et autres c/ SAFALT (Lebon
695), avait indiqué que, selon lui, la qualification de service public devait être tenue pour acquise « à partir d'un
certain degré de sujétion ou de dépendance de l'organisme privé, même si les prérogatives de puissance publique
[étaient] ténues au point même de disparaître presque complètement ».

C'est cet état du droit que vient solennellement consacrer le considérant de principe de la décision rendue sur le
recours de l'APREI, qui manifeste clairement que l'activité d'une personne privée peut se voir reconnaître le
caractère d'un service public alors même que cette personne n'est pas dotée de prérogatives de puissance publique
(3). Le critère tiré de l'existence de telles prérogatives conserve toutefois un statut éminent, dans la mesure où,
couplé avec celui du contrôle exercé par l'administration, il suffit à qualifier de service public une activité

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d'intérêt général conduite par une personne privée : l'octroi de prérogatives de puissance publique reste donc,
pour le juge, la marque indubitable de la volonté de la collectivité publique de faire d'une personne privée, en
quelque sorte, son alter ego.

Lorsque, en revanche, ces prérogatives sont absentes, il convient alors, selon la démarche qui est celle du
considérant de principe de la décision commentée, de rechercher dans un faisceau d'indices la marque d'une telle
volonté, qui ne saurait en effet résulter du seul contrôle exercé sur l'activité en cause (sauf à attraire dans l'orbite
du service public toutes les activités réglementées). Joueront un rôle, à cet égard, l'intensité de l'intérêt général
poursuivi (4), les conditions de création, d'organisation et de fonctionnement de l'organisme, mais aussi les
obligations qui lui sont imposées et les mesures prises pour vérifier que les objectifs assignés sont atteints - ce
dernier indice traduisant l'idée, exprimée par Célia Vérot dans ses conclusions, d'un contrôle orienté vers la
satisfaction du but d'intérêt général poursuivi.

Des interrogations persistantes


Sans révolutionner la matière - mais ceci n'était sans doute pas à souhaiter, s'agissant d'une notion dont le
caractère structurant exige qu'elle revête la plus grande stabilité possible -, la décision du 22 février 2007 apporte
donc une utile clarification en délivrant un véritable « mode d'emploi » de la qualification, au regard du service
public, de la mission des organismes privés poursuivant des fins d'intérêt général. On ne peut manquer, à cet
égard, de souligner l'évolution des conceptions, en matière de motivation des décisions du juge administratif,
depuis l'arrêt Sieur Narcy, lequel, bien qu'ayant dès l'origine été salué comme révélant un effort particulier de
théorisation et d'explicitation par le juge de sa démarche, apparaîtrait presque, a posteriori, comme une décision
d'espèce. Le contraste est d'autant plus remarquable que, comme on y reviendra, la solution retenue par la Section
du contentieux dans la décision commentée rendait largement superfétatoire une telle pédagogie. Il faut sans
doute, quoi qu'il en soit, s'en féliciter, dans l'intérêt des justiciables et, plus largement, de la sécurité juridique.

On ne peut toutefois s'empêcher de penser que, en procédant de la sorte, le juge prend, plus que par le passé, le
risque, soit d'avoir à se déjuger à brève échéance, faute d'avoir pu envisager dès l'abord toutes les hypothèses
susceptibles de se présenter, soit de créer le trouble en raison des problèmes de frontières que ne manque pas de
poser tout énoncé de principe. Or c'est un trouble de cette sorte que, précisément, suscite la décision commentée,
non pas tant, du reste, par ce qu'elle dit que par ce qu'elle passe sous silence.

Si l'on prend un peu de recul, en effet, l'hypothèse de gestion d'un service public par une personne privée la plus
traditionnelle et de loin la plus fréquente, en pratique, est celle où cette dernière est titulaire d'un « contrat de
service public » - qu'il s'agisse d'une délégation de service public stricto sensu ou d'un marché public de services
lui confiant effectivement la gestion d'un service public. De prime abord, on ne voit pas pourquoi la question de
la qualification de la mission assumée par une personne privée devrait s'envisager sous un jour radicalement
différent selon qu'elle assume cette mission en vertu d'une dévolution contractuelle ou par l'effet de la loi ou
d'actes administratifs unilatéraux. On pourrait certes être tenté de soutenir que, dans le cas où la qualification de
service public résulte de la loi, la personne privée est en quelque sorte originellement investie d'une telle mission,
alors que, dans le cas des contrats de service public, c'est la personne publique normalement en charge du service
qui choisit, pour des considérations de gestion, d'en confier l'exécution à une personne privée. Mais cette
approche n'est pas convaincante car, dans le cas de l'investiture unilatérale, l'exigence jurisprudentielle d'un
rattachement organique à une personne publique traduit précisément, comme on l'a vu plus haut, l'idée que la
gestion du service public par une personne privée est une exception à l'ordre normal des choses et s'analyse donc
toujours peu ou prou comme une délégation.

Pourtant, la Section du contentieux ne semble pas, dans la décision commentée, quelle que soit la généralité des
termes de celle-ci, avoir envisagé l'hypothèse de la dévolution contractuelle du service public. On ne saurait
certes s'en étonner, tant il est vrai que le courant jurisprudentiel initié par les décisions Société des établissements
Vézia du 20 décembre 1935 (Lebon 1212 ; RDP 1936. 118, concl. R. Latournerie) et Caisse primaire Aide et
protection du 13 mai 1938 (préc.) a connu un développement propre, et apparemment indépendant, au moins

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jusqu'à une période récente, des solutions retenues dans le cadre des contrats de service public - et vice versa. La
raison historique de ces trajectoires séparées apparaît assez clairement : elle tient à ce que, traditionnellement, le
procédé contractuel, avec l'archétypique concession de service public, était réservé aux services publics à
caractère industriel et commercial, tandis que la grande nouveauté de l'entre-deux-guerres a consisté dans le
constat troublant selon lequel des organismes de droit privé pouvaient, en dehors de toute dévolution
contractuelle, être chargés de la gestion d'un service public administratif (v., par exemple, sur ce point, le
commentaire de la décision du 13 mai 1938 aux Grands arrêts de la jurisprudence administrative, préc.). Or, si
prévalait à l'époque l'idée que la gestion par une personne privée était la règle s'agissant des services publics à
caractère industriel et commercial, il en allait différemment s'agissant des services publics administratifs, souvent
désignés comme les « véritables » services publics, pour lesquels la gestion par une personne privée avait quelque
chose d'une anomalie. Ce contexte contribue d'ailleurs à expliquer la focalisation du débat, s'agissant de ces
derniers services, sur la question de la détention de prérogatives de puissance publique, alors que cette discussion
aurait paru passablement oiseuse en ce qui concerne les concessionnaires de service public, pour lesquels la
question était bien davantage de savoir s'ils pouvaient même être investis de telles prérogatives (v. L. Richer,
Remarques sur les entreprises privées de service public, AJDA 1997. 103 ).

Or il est permis de penser qu'une telle approche, conduisant à traiter comme deux compartiments étanches la
dévolution contractuelle et l'investiture unilatérale d'une mission de service public, a aujourd'hui perdu une bonne
partie de sa raison d'être, ne serait-ce que parce qu'il est désormais bien acquis que « le caractère administratif
d'un service public n'interdit pas à la collectivité territoriale compétente d'en confier l'exécution à des personnes
privées, sous réserve toutefois que le service ne soit pas au nombre de ceux qui, par leur nature ou par la volonté
du législateur, ne peuvent être assurés que par la collectivité territoriale elle-même » (CE avis Section de
l'intérieur 7 oct. 1986, n° 340609 ; GACE, Dalloz, 1997, 1re éd., n° 24). Bien au contraire, la question qui se pose
de plus en plus souvent consiste à savoir, au cas par cas, s'il peut être recouru à l'un ou l'autre de ces procédés,
contractuel et unilatéral, compte tenu notamment de ce que sont les exigences issues de la loi dite « Sapin » du
29 janvier 1993 : il est donc nécessaire de se faire une idée de ce que peut être un service public géré par une
personne privée indépendamment de son mode de dévolution.

Ce n'est sans doute pas par hasard, dans ces conditions, que, dans la période récente, le juge administratif,
confronté à la nécessité de déterminer si un contrat a le caractère d'une délégation de service public - ce qui
implique de rechercher s'il a effectivement pour objet de confier au cocontractant de l'administration, qui est le
plus souvent une personne privée, la gestion d'un service public -, a eu tendance à se référer de plus en plus
nettement aux critères définis par la jurisprudence relative aux organismes privés investis d'une mission de
service public par la voie unilatérale. Particulièrement significative à cet égard est une décision du 11 décembre
2000, Mme Agofroy (Lebon 607 ), qui, pour qualifier de convention de délégation de service public une
convention passée entre la ville de Paris et une société, relève notamment « qu'il résulte de [ses] stipulations, [...]
faisant apparaître le droit de regard de la ville sur l'exécution de la convention par la SEP, que cette société était
chargée, par la ville de Paris et sous son contrôle, de gérer [une] dépendance du domaine public dans le cadre
d'une mission d'intérêt général d'animation culturelle et d'accueil d'activités artistiques et artisanales, et pouvait
user à cette fin des prérogatives nécessaires à la gestion du domaine public » : on aura reconnu, jusque dans le
choix des termes, la grille d'analyse de la décision Sieur Narcy.

Si, en règle générale, les décisions rendues en la matière ne sont pas aussi explicites (v., par exemple, CE 21 juin
2000, SARL Plage Chez Joseph et fédération nationale des plages-restaurants, Lebon 282 ), c'est très
certainement parce que, dans le cas de la dévolution contractuelle, la nécessité d'établir le lien de rattachement
avec une personne publique - critère fondamental, comme on l'a vu, de la jurisprudence sur les organismes privés
chargés de la gestion d'un service public - s'impose avec moins de force que dans le cas de la dévolution
unilatérale : car le contrat suffit à créer un tel lien de rattachement. Il s'agit seulement, dès lors, de rechercher si
ce lien réalise bien un transfert de la gestion du service, ou n'a pour objet, au contraire, qu'une simple association
au service, ou encore se borne à octroyer une autorisation (d'occupation du domaine public, par exemple). Mais,
en définitive, on retrouve bien, en toute hypothèse, les mêmes critères, et il est logique qu'il en aille ainsi.

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Compte tenu de cette jurisprudence, on peut donc penser que, bon gré, mal gré, la décision du 22 février 2007
ne sera pas totalement sans conséquence, au moins par ricochet, sur le champ d'application du régime des
délégations de service public. Ainsi, quoique, ce faisant, elle n'ait fait que s'inscrire dans une longue tradition,
on peut regretter que la Section du contentieux, dès lors qu'elle entendait statuer par un motif de principe, n'ait
pas saisi cette occasion pour clarifier les rapports entre les deux grandes hypothèses de dévolution d'une mission
de service public à un organisme privé, ne serait-ce que pour en faire apparaître, au-delà des différences de
façade, l'unité profonde.

Une solution d'espèce fondée sur la volonté du législateur


Cette chronique demeurerait incomplète si nous n'évoquions pas, enfin, la solution d'espèce retenue par la
Section : comme le relevait Célia Vérot dans ses conclusions - qui n'ont d'ailleurs pas été suivies sur ce point -,
ce n'était pas là, en effet, la moindre difficulté de l'affaire.

A cet égard, on ne peut manquer de souligner de nouveau, d'emblée, le léger paradoxe qu'il y a, pour la décision
commentée, à s'efforcer à un travail d'explicitation et de clarification des critères d'identification de l'organisme
privé chargé d'une mission de service public, pour ensuite fonder la solution d'espèce, indépendamment de tout
travail de qualification jurisprudentielle, sur la seule volonté du législateur, issue, au surplus, de l'examen des
travaux préparatoires d'une loi - celle du 30 juin 1975 d'orientation en faveur des handicapés - qui ne prend pas
expressément parti sur le point en litige - à savoir la qualification, au regard du service public, de l'activité des
organismes gérant les CAT (5).

Certes, on ne peut nier que, si les travaux préparatoires ne sont pas, sur ce point, beaucoup plus explicites que le
texte de la loi lui-même, le contexte de son adoption, qui se reflète dans la tonalité des débats, n'était pas favorable
à la reconnaissance d'un service public de l'aide aux handicapés. Dans son commentaire « à chaud » de cette loi
(RDSS 1976. 108), Michel Lévy relevait ainsi à juste titre que « de larges débats ont été consacrés au rôle de
l'Etat jugé insuffisamment affirmé par la minorité qui aurait souhaité qu'il assume une responsabilité plus directe
des actions menées », et que « la rédaction adoptée emporte en fait reconnaissance par le législateur de la situation
actuelle dans un secteur où l'Etat au moins au niveau du ministère de la Santé assume davantage des
responsabilités de contrôle et d'incitation que des responsabilités de gestion ». Et l'auteur de relever « qu'une
intervention plus poussée impliquerait selon toute vraisemblance une « nationalisation » du secteur dont on peut
discuter et l'opportunité et la possibilité ».

Cette prudence du législateur s'explique essentiellement par le rôle primordial joué, dans le secteur en cause, par
un milieu associatif très dynamique, qui devance en général les initiatives des pouvoirs publics et, en définitive,
aurait du mal, pour reprendre les termes de Célia Vérot, « à se reconnaître dans une identité de service public ».
Comme le relève Marie-Claire Villeval (L'Etat et l'emploi des handicapés : formation et transformation d'une
politique, Dr. soc. 1984. 227), en effet, « le fait d'avoir paré à la carence étatique quant à la création
d'établissements pour adultes et mineurs handicapés les a fait peser d'un poids important dans la négociation de
1975 », avec pour effet pervers, selon cet auteur, que ces associations « risquent [...] de ne pas revendiquer des
mesures qui peuvent leur être contraires en tant que gestionnaires », par exemple l'applicabilité du droit du travail
aux CAT. De fait, au-delà de l'effet de récupération symbolique par l'Etat, la qualification de service public
emporterait, comme on l'a dit, l'application d'un statut comportant certaines contraintes de gestion : comme
l'écrivait Didier Truchet dans son article précité, « l'attribution du label service public apporte désormais plus
d'obligations que de prérogatives » (v., aussi, sur ce point, obs. L. Richer, loc. cit.). Il en va ainsi au premier chef,
au-delà des obligations de transparence résultant notamment de la loi du 17 juillet 1978 dont l'application était
en cause au cas d'espèce, des traditionnelles « lois » du service public, c'est-à-dire, pour l'essentiel, l'égalité et la
continuité, y compris le régime jurisprudentiel de la grève dans les services publics (v., sur ce point, V. Donier,
Les lois du service public : entre tradition et modernité, RFDA 2006. 1219 ).

Dans ces conditions, et sans même qu'il soit besoin de se référer aux travaux préparatoires de la loi du 2 janvier

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2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale, qui sont un peu plus explicites sur ce point, il y a de bonnes
raisons d'affirmer que ce n'est pas par une simple inadvertance que le législateur s'est abstenu, en 1975, de
qualifier de service public l'aide aux handicapés, et spécialement l'activité des CAT. Ceci étant dit, il n'en reste
pas moins que, comme Célia Vérot l'a montré de façon très convaincante, l'Etat dispose « des leviers de
commande essentiels : il autorise la création et les modifications de l'activité, au regard des besoins publics tels
qu'il les a identifiés lui-même ; les décisions de gestion les plus importantes sont soumises à son approbation ;
les établissements ne maîtrisent ni le prix de leurs prestations, ni le salaire de leurs employés, ni surtout le public
qu'ils accueillent : toutes ces décisions sont prises par l'Etat ou seulement avec son accord ». Compte tenu de
l'intérêt général prééminent qui s'attache à l'aide aux handicapés, ces éléments sont plus que suffisants pour
constituer le faisceau d'indices permettant, même en l'absence de prérogatives de puissance publique, d'identifier
un service public.

Il y a donc, en ce qui concerne la loi du 30 juin 1975, et spécialement les cat, une ambiguïté qui surgit non pas
tant de la loi elle-même que de la contradiction entre ce qu'elle accomplit objectivement et l'idée que l'on peut
se faire, au regard des travaux préparatoires, de l'intention - subjective - du législateur : en caricaturant quelque
peu, on pourrait soutenir que le législateur a souhaité faire du service public sans le dire. Or la solution retenue
par la Section aboutit peu ou prou, en définitive, à faire prévaloir l'intention du législateur sur la lettre du texte,
ce qui ne peut manquer de surprendre au regard de ce que sont les méthodes traditionnelles d'interprétation de la
loi par le juge administratif (v. not. à cet égard B. Genevois, Le Conseil d'Etat et l'interprétation de la loi, RFDA
2002. 877 ).

Il est permis de voir là une consécration éclatante du caractère subjectif de la notion de service public, en ce sens
que, pour reprendre à nouveau les termes utilisés par Didier Truchet, il est avant tout, du point de vue du juge,
un « label » que le législateur est toujours libre d'accorder ou de refuser à une activité, quelles que soient sa
nature et ses conditions d'exécution. Et, à cet égard, on ne peut nier à la décision commentée le mérite de rendre
pleinement la parole au législateur : car il lui est infiniment plus aisé, s'il l'estime nécessaire, d'affirmer l'existence
d'un service public là où le juge l'a nié, que de le nier là où le juge en a affirmé l'existence.

(1) Le champ d'application ratione personae du régime de la communication des documents administratifs est
désormais défini par l'article 1er de la loi du 17 juillet 1978, qui, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2005-
650 du 6 juin 2005, vise, de façon plus précise, « les documents élaborés ou détenus par l'Etat, les collectivités
territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées de la
gestion d'un service public, dans le cadre de leur mission de service public ».

(2) Comme l'a fait remarquer Célia Vérot dans ses conclusions sur la décision commentée, c'est la même
démarche qu'impose désormais, en ce qui concerne l'affectation directe à un tiers d'impositions de toute nature,
l'article 2 de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001, selon lequel une telle affectation ne
peut avoir lieu « qu'à raison des missions de service public » confiées à ce tiers.

(3) Ceci n'excluant pas, ainsi qu'il a été dit plus haut, qu'elle se voie reconnaître de telles prérogatives en
conséquence de l'attribution du « label » de service public.

(4) C'est sans doute à dessein, en effet, que le considérant de principe mentionne « l'intérêt général de [l']activité
», et non pas « le caractère d'intérêt général » de celle-ci : sans doute faut-il comprendre que cet intérêt général
doit être « suffisant ».

(5) Dénommés, depuis l'entrée en vigueur de la loi du 11 avril 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la
participation et la citoyenneté des personnes handicapées, « établissements et services d'aide par le travail »
(ESAT).

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Doc. 2 – CE, 6 février 1903, Terrier (V. GAJA)
Vu la requête sommaire et le mémoire ampliatif présentés pour le sieur Adrien X..., demeurant à Villevieux Jura , ladite
requête et ledit mémoire enregistrés au Secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 7 septembre et 16 novembre
1901 et tendant à ce qu'il plaise au Conseil annuler un arrêté en date du 17 juillet 1901 par lequel le Conseil de Préfecture
du département de Saône-et-Loire s'est déclaré incompétent pour statuer sur sa demande tendant à obtenir du
département le paiement d'un certain nombre des primes allouées par le Conseil Général pour la destruction des vipères
; Vu la loi du 22 juillet 1889 ; Vu la loi du 24 mai 1872 ;

Sur la compétence : Considérant que le sieur X... défère au Conseil d'Etat une note rédigée en chambre du conseil par
laquelle le secrétaire-greffier lui fait connaître que la requête adressée par lui au conseil de préfecture du département de
Saône-et-Loire à l'effet d'obtenir du département le paiement d'un certain nombre de primes allouées pour la destruction
des animaux nuisibles aurait été soumise à ce conseil qui se serait déclaré incompétent ;

Considérant que la note dont s'agit ne constitue pas une décision de justice et ne peut à ce titre être déférée au Conseil
d'Etat ;

Mais considérant que, dans son pourvoi, le requérant a pris, en vue de l'incompétence du conseil de préfecture, des
conclusions directes devant le Conseil d'Etat pour être statué sur le bien-fondé de sa réclamation ;

Considérant qu'étant donné les termes dans lesquels a été prise la délibération du conseil général allouant des primes
pour la destruction des animaux nuisibles et a été voté le crédit inscrit à cet effet au budget départemental de l'exercice
1900, le sieur X... peut être fondé à réclamer l'allocation d'une somme à ce titre ; que du refus du préfet d'admettre la
réclamation dont il l'a saisi il est né entre les parties un litige dont il appartient au Conseil d'Etat de connaître et dont ce
conseil est valablement saisi par les conclusions subsidiaires du requérant ;

Doc. 3 – CE, 4 mars 1910, Thérond (V. GAJA)

Vu la requête sommaire et le mémoire ampliatif présentés pour le sieur X..., concessionnaire du service de la capture et
mise en fourrière des chiens errants et de l'enlèvement des bêtes mortes à Montpellier, y demeurant ..., ladite requête et
ledit mémoire enregistrés au Secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 13 septembre et 28 novembre 1907 et
tendant à ce qu'il plaise au Conseil annuler un arrêté, en date du 6 février 1907, par lequel le conseil de préfecture du
département de l'Hérault a rejeté sa demande en 120.000 francs de dommages-intérêts qu'il avait formée contre la ville
pour le préjudice que lui avait causé l'inexécution par cette dernière des clauses et conditions de l'article 11 du cahier des
charges qui régit la concession ; Vu la loi des 2-17 mars 1791 ; Vu la loi du 21 juin 1898 ; Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Sur la compétence : Considérant que le marché passé entre la ville de Montpellier et le sieur X... avait pour objet la capture
et la mise en fourrière des chiens errants et l'enlèvement des bêtes mortes ; qu'à raison de cet objet, ce contrat ne saurait
être assimilé à un marché de travaux publics dont il aurait appartenu au conseil de préfecture de l'Hérault de connaître
par application de l'article 4 de la loi du 28 pluviôse an VIII ; que ce conseil était, par suite, incompétent pour statuer sur
la demande du sieur X... et que son arrêté doit être annulé ;

Considérant qu'en traitant dans les conditions ci-dessus rappelées avec le sieur X..., la ville de Montpellier a agi en vue
de l'hygiène et de la sécurité de la population et a eu, dès lors, pour but d'assurer un service public ; qu'ainsi les
difficultés pouvant résulter de l'inexécution ou de la mauvaise exécution de ce service sont, à défaut d'un texte en attribuant
la connaissance à une autre juridiction, de la compétence du Conseil d'Etat ;

Considérant qu'à l'appui de la demande d'indemnité dont il a saisi le maire de Montpellier, le sieur X... soutenait que la
ville aurait porté atteinte au privilège qu'il prétend tenir de son contrat et lui aurait ainsi causé un préjudice dont il lui serait
dû réparation ; que du refus du maire et du conseil municipal de faire droit à cette réclamation il est né entre les parties
un litige dont le Conseil d'Etat, compétent comme il vient d'être dit, est valablement saisi par les conclusions prises devant
lui et tendant à la résiliation du marché et à l'allocation d'une indemnité ;

Au fond : Considérant qu'il résulte des dispositions combinées des articles 1er, 6 et 7 du cahier des charges de l'entreprise
que la ville de Montpellier a concédé au sieur X... le privilège exclusif de la capture des chiens et de l'enlèvement tant des
bêtes mortes dans les gares de chemins de fer, à l'abattoir, sur la voie publique ou au domicile des particuliers, qui
n'auraient pas été réclamées par leurs propriétaires, que de celles qui auraient été reconnues malsaines par le service de
l'inspection sanitaire ; que dans l'un et l'autre cas, la chair des bêtes malsaines doit être dénaturée par les soins du
concessionnaire ; que les dépouilles des bêtes mortes de maladies non contagieuses seront délivrées aux propriétaires
qui les réclameront, moyennant le paiement de taxes prévues à l'article 7 du marché, le concessionnaire gardant la
disposition des dépouilles des bêtes mortes de maladies contagieuses et de celles qui ne seront pas réclamées par leurs
propriétaires ; que ces taxes et la valeur de ces dépouilles constituent la rémunération qui est assurée par le marché au
concessionnaire ;

Mais considérant que les dispositions ci-dessus rappelées établissent au profit du sieur X... un véritable monopole, en
violation du principe de la liberté du commerce et de l'industrie, inscrit dans la loi du 17 mars 1791 ; qu'elles sont, en outre,
contraires aux articles 27 et 42 de la loi susvisée du 21 juin 1898, qui autorisent les propriétaires de bêtes mortes à en
opérer eux-mêmes la destruction par un des procédés énumérés à ces articles ; qu'il suit de là que la ville n'a pu légalement
obliger les propriétaires de bêtes mortes à les faire enlever et dénaturer par les soins du concessionnaire et n'a pas pu,
par suite, assurer à ce dernier les produits qu'il était en droit d'attendre de sa concession ; qu'elle est donc dans
l'impossibilité de satisfaire à ses engagements ; que, dans ces conditions, il y a lieu, faisant droit aux conclusions de la

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requête, de prononcer la résiliation du marché au profit du sieur X... et de condamner la ville de Montpellier à l'indemniser
des dommages résultant pour lui de la non-exécution du marché ;

Considérant que l'état de l'instruction ne permet pas d'apprécier l'étendue du préjudice qui a été causé au sieur X... et
qu'il y a lieu d'ordonner une expertise à cet effet ;

DECIDE : Article 1er : L'arrêté ci-dessus visé du Conseil de préfecture de l'Hérault en date du 6 février 1907 est annulé.
Article 2 : Il sera par trois experts nommés l'un par le sieur X..., l'autre par la ville de Montpellier, le troisième par le
président de la section du contentieux du Conseil d'Etat, à moins que les parties ne s'entendent pour la désignation d'un
expert unique, procédé à une expertise contradictoire. Faute par l'une des parties d'effectuer la désignation de son expert
dans le délai d'un mois à dater de la notification de la présente décision, il y sera procédé d'office par le président de la
section du contentieux ; le ou les experts auront à évaluer le montant de l'indemnité due au concessionnaire en réparation
du préjudice qui est résulté pour lui de l'inexécution du contrat. Cette indemnité devra comprendre : 1° le montant des
diverses perceptions dont le concessionnaire a été privé depuis le 24 juillet 1905 jusqu'au jour de la présente décision,
sauf déduction des dépenses d'exploitation correspondant à ces perceptions ; 2° la part des dépenses exposées par le
sieur X... pour satisfaire aux obligations du contrat et qui ne serait pas amortie soit par les perceptions diverses par lui
effectuées, soit par celles qui sont prévues au paragraphe ci-dessus ; le ou les experts prêteront serment soit devant le
secrétaire du contentieux du Conseil d'Etat, soit devant le président du conseil de préfecture de l'Hérault. Ils devront
transmettre leurs rapports au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat dans le délai de trois mois à partir de la
prestation du serment.

Article 3 : Les dépens sont réservés pour être statué ce qu'il appartiendra en fin de cause. Article 4 : Expédition Intérieur.

Docs. 4 – CE, Sect., 20 avril 1956, Epoux Bertin et Consorts Grimouard (V. GAJA)

CE, Sect., 20 avril 1956, Epoux Bertin

Vu la requête sommaire et le mémoire ampliatif présentés pour le sieur et la dame Bertin


demeurant ..., ladite requête et ledit mémoire enregistrés au secrétariat du Contentieux du
Conseil d'Etat le 2 août 1948 et le 26 janvier 1952, et tendant à ce qu'il plaise au Conseil annuler
une décision en date du 1er juin 1949 par laquelle le ministre des Anciens Combattants et
Victimes de la Guerre a refusé de leur verser une somme de 1.009.800 francs ; Vu l'ordonnance
du 31 juillet 1945 ; le décret du 30 septembre 1953 ;

Sur la compétence : Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par un contrat verbal passé
avec l'administration le 24 novembre 1944, les époux Bertin s'étaient engagés, pour une somme
forfaitaire de 30 francs par homme et par jour, à assurer la nourriture des ressortissants
soviétiques hébergés au centre de rapatriement de Meaux en attendant leur retour en Russie ;
que ledit contrat a eu pour objet de confier, à cet égard, aux intéressés l'exécution même
du service public alors chargé d'assurer le rapatriement des réfugiés de nationalité
étrangère se trouvant sur le territoire français ; que cette circonstance suffit, à elle seule, à
imprimer au contrat dont s'agit le caractère d'un contrat administratif ; qu'il suit de là que, sans
qu'il soit besoin de rechercher si ledit contrat comportait des clauses exorbitantes du droit
commun, le litige portant sur l'existence d'un engagement complémentaire à ce contrat, par
lequel l'administration aurait alloué aux époux Bertin une prime supplémentaire de 7 francs 50
par homme et par jour en échange de l'inclusion de nouvelles denrées dans les rations servies,
relève de la compétence de la juridiction administrative ;

Au fond : Considérant que les époux Bertin n'apportent pas la preuve de l'existence de
l'engagement complémentaire susmentionné ; que, dans ces conditions, ils ne sont pas fondés à
demander l'annulation de la décision en date du 1er juin 1949 par laquelle le Ministre des
Anciens Combattants et Victimes de la Guerre a refusé de leur verser le montant des primes
supplémentaires qui auraient été prévues audit engagement ;

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CE, Sect., 20 avril 1956, Consorts Grimouard

Vu le recours sommaire et le mémoire ampliatif présentés pour le ministre de l'Agriculture, ledit recours et ledit mémoire
enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 17 décembre 1954 et 28 janvier 1955 et tendant à ce qu'il
plaise au Conseil annuler un jugement en date du 29 septembre 1954 par lequel le Tribunal administratif de Poitiers a
déclaré l'Etat et le sieur X... solidairement responsables des dommages provoqués par un incendie né au cours
d'opérations de reboisement ; Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ; Vu la loi du 30 septembre 1946, le décret du 3 avril 1947 ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 ; le décret du 30 septembre 1953 ;

Considérant que, par des contrats en date des 26 avril et 11 mai 1951, l'Etat Français s'est engagé, dans le cadre des
dispositions du décret du 3 mars 1947, portant règlement d'administration publique pour l'application de la loi du 30
septembre 1946, à effectuer des travaux de reboisement sur des terrains appartenant aux dames de la Chauvelais et de
la Villemarqué et situés sur le territoire des communes de Chènevelles, Monthoiron et Senillé Vienne ; que, le 5 juillet
1952, à la suite d'un retour de flamme survenu dans le tuyau d'échappement d'un tracteur appartenant au sieur X...,
entrepreneur chargé des travaux, un incendie s'est allumé et a ravagé non seulement des terrains visés aux contrats
susmentionnés, mais encore des bois appartenant tant aux dames de la Chauvelais et de la Villemarqué qu'à d'autres
propriétaires ; que le recours du Ministre de l'Agriculture tend à l'annulation du jugement, en date du 29 septembre 1954,
par lequel le Tribunal Administratif de Poitiers a déclaré l'Etat et l'entrepreneur solidairement responsables des dommages
causés par ledit incendie ;

Sur la compétence : Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 30 septembre 1946 "le Ministre de l'Agriculture
est chargé de la reconstitution de la forêt française, selon les modalités fixées par des règlements d'administration
publique, en vue de l'organisation des travaux de boisement et de reboisement, de la mise en valeur et de la conservation
des terrains boisés, de la meilleure utilisation des produits de la forêt et, en général, de tout ce qui a pour but d'accroître
les ressources forestières, de faciliter l'écoulement des produits forestiers et de mieux satisfaire les besoins de la
population" ; qu'il résulte tant de ces prescriptions que de l'ensemble des dispositions de ladite loi et, notamment, de la
faculté qu'elle a donnée aux règlements d'administration publique prévus pour son application d'imposer aux propriétaires
certaines obligations pour leur exécution, ainsi que de la création d'un fonds forestier national alimenté par des taxes, que
le législateur a entendu créer, pour les fins ci-dessus mentionnées, un service public, préposé tant à la conservation, au
développement et à la mise en valeur de la forêt française qu'à l'utilisation et à l'écoulement de ses produits dans les
conditions les plus conformes à l'intérêt national. Que les opérations de boisement ou de reboisement entreprises par
l'administration des eaux et forêts sur des terrains privés, en vertu de contrats passés par elle avec les propriétaires de
ces terrains, telles qu'elles sont prévues par les articles 5, 8 et suivants du règlement d'administration publique du 3 mars
1947, qui soumet les terrains en question au régime forestier jusqu'au remboursement complet du montant des dépenses
engagées, constituent l'une des modalités de l'exécution même de ce service ; qu'il suit de là que, malgré la circonstance
que les terrains où s'effectuent ces opérations ne sont pas destinés à devenir la propriété de l'Etat et que les dépenses
engagées par lui sont récupérées sur le produit de l'exploitation, lesdites opérations ont le caractère de travaux publics et
que, quelle que puisse être la nature des stipulations incluses dans les contrats dont s'agit, ceux-ci tiennent de leur objet
même le caractère de contrats administratifs. Qu'ainsi le Ministre de l'Agriculture n'est pas fondé à soutenir que c'est à
tort que le tribunal administratif s'est reconnu compétent en la cause pour statuer sur les demandes d'indemnité
présentées contre l'Etat, en sa qualité de maître de l'oeuvre, ainsi que contre l'entrepreneur chargé par lui des travaux,
tant par les signataires des contrats ci-dessus mentionnés que par d'autres propriétaires ;

Sur le droit à indemnité : Considérant qu'en ce qui concerne lesdits propriétaires, qui ne se trouvent pas, à l'égard de
l'Etat, dans une situation contractuelle et qui ont ainsi la qualité de tiers par rapport aux travaux publics litigieux, la
responsabilité de l'Etat se trouve engagée envers eux sans qu'ils aient à faire d'autre preuve que celle de la relation de
cause à effet entre le travail public dont s'agit et le préjudice invoqué ; qu'il résulte des affirmations des propriétaires
intéressés, confirmées ou non contestées par l'administration, qu'au moment où l'incendie qui a causé le préjudice a pris
naissance, le tracteur du sieur X... se trouvait sur le chemin rural desservant les terrains à reboiser, en bordure desdits
terrains ; que ledit sieur X... lui-même parcourait ces terrains afin de déterminer les conditions d'exécution du travail de
débroussaillage qu'il s'apprêtait à entreprendre ; qu'il suit de là que le préjudice dont s'agit se rattache à la réalisation des
opérations de reboisement ; qu'il en est de même en ce qui concerne le préjudice causé aux signataires des contrats ci-
dessus indiqués, quant aux terrains qui ne faisaient pas l'objet des travaux de reboisement en cours ;

Considérant, en ce qui concerne les terrains faisant l'objet desdits travaux, qu'il résulte de l'instruction que les dommages
litigieux sont uniquement dus au fait qu'aucune des mesures de sécurité exigées notamment par la saison où s'exécutait
le reboisement n'a été prescrite par l'administration ou prise par le sieur X... ; que ce fait constitue un manquement aux
obligations résultant des contrats susmentionnés ;

Considérant que de tout ce qui précède il résulte que c'est à bon droit que le tribunal administratif a déclaré l'Etat
solidairement responsable des dommages causés tant à ses co-contractants qu'aux autres propriétaires par l'incendie
susmentionné ;

DECIDE : Article 1er - Le recours susvisé du Ministre de l'Agriculture est rejeté. Article 2 - L'Etat supportera les dépens
exposés devant le Conseil d'Etat. Article 3 - Expédition de la présente décision sera transmise au secrétaire d'Etat à
l'Agriculture.

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II) La définition du service public : une activité d’intérêt général assurée ou assumée par
une personne publique

Sur l’intérêt général :

Doc. 5 – CE, 7 avril 1916, Astruc

Considérant que la requête, dont le sieur Astruc et la Société du Théâtre des Champs-Elysées
ont saisi le conseil de préfecture de la Seine, tendait à faire condamner la ville de Paris à leur
payer une indemnité, à raison de l’inexécution d’une promesse de concession d’un
emplacement sis aux Champs-Elysées, pour la construction d’un « Palais philharmonique »; —

Considérant que si, à raison de l’emplacement que devait occuper le palais projeté, le conseil
municipal a inséré, dans sa délibération du 12 juillet 1906, certaines prescriptions relatives aux
dimensions de cet immeuble et à ses aménagements, et si cet immeuble devait, en fin de
concession, dans le cas où celle-ci serait réalisée, devenir la propriété de la ville de Paris, le
palais dont il s’agit n’était pas destiné à assurer un service public ni à pourvoir à un objet
d’utilité publique; que, d’autre part, il résulte de l’ensemble des dispositions de la délibération
précitée que la convention à intervenir comportait une attribution de jouissance au sieur Astruc,
moyennant le paiement d’une redevance annuelle de 20.000 francs et d’une redevance
proportionnelle; que le projet de convention participait ainsi de la nature d’un contrat de droit
commun, rentrant dans la compétence de l’autorité judiciaire; que c’est donc à tort que le conseil
de préfecture, assimilant l’affaire à un débat sur une concession de travaux publics, en a retenu
la connaissance et a statué au fond ;

— Art. 1er. L’arrêté du conseil de préfecture susvisé, en date du 27 mars 1912, est annulé pour
incompétence. — Art. 2. Les dépens de première instance et d’appel sont mis à la charge du
sieur Astruc et de la Société du Théâtre des Champs-Elysées

Doc. 6 – CE, Sect. 27 octobre 1999, Rolin

Sur la compétence de la juridiction administrative pour connaître des décisions attaquées :

Considérant qu'aux termes de l'article 136 de la loi du 31 mai 1933 portant fixation du budget général de l'exercice 1933 :
"Dans le délai d'un mois à dater de la promulgation de la présente loi, le gouvernement fixera par décret les conditions
d'organisation et les modalités d'une loterie dont le produit sera, après prélèvement d'une somme de 100 millions, affecté
à la caisse de solidarité contre les calamités agricoles, rattaché selon la procédure des fonds de concours au chapitre 14
du budget des pensions (retraites de combattant) dont le crédit sera réduit à due concurrence" ; qu'en application du
décret du 9 novembre 1978 pris sur le fondement de ces dispositions, le gouvernement a confié l'organisation et
l'exploitation de cette activité de loterie à la société "La Française des Jeux", laquelle a le caractère de personne morale
de droit privé ;

Considérant qu'il ne résulte ni des dispositions législatives précitées ni des caractéristiques générales des jeux
de hasard que la mission dont la société "La Française des Jeux" a été investie en application du décret du 9
novembre 1978 revête le caractère d'une mission de service public ; qu'ainsi les décisions prises par le président-
directeur général de ladite société n'ont pas le caractère d'actes administratifs ; que dès lors, les conclusions de M. X...
tendant à l'annulation, d'une part, des décisions prises le 30 mai 1995 par le président-directeur général de La Française
des Jeux au sujet des jeux instantanés dénommés "Banco" et "Bingo" et, d'autre part, de la décision implicite par laquelle
la même autorité a rejeté sa demande tendant à ce que soient retirés de la vente les billets des jeux dénommés "Tac au
Tac", "Millionnaire" et "Bingo" émis à compter du 17 mars 1995, ne sont pas au nombre de celles dont il appartient à la
juridiction administrative de connaître ;

Doc. 7 – CE, 19 mars 2012, SA groupe Partouche, n° 341.562


Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que la commune de Lille a lancé, le 30 décembre
2005, une procédure de mise en concurrence pour l'attribution d'une délégation de service public portant sur la réalisation
et l'exploitation d'un casino, d'une salle de spectacles de 1 200 places, d'un hôtel de catégorie quatre étoiles d'une capacité

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de 148 chambres, de trois restaurants et divers bars, ainsi que d'un parc de stationnement de 680 places ; que, par
délibération du 9 octobre 2006, le conseil municipal de Lille a autorisé son maire à signer le contrat de délégation de
service public avec le groupe Lucien Barrière ; que par l'arrêt attaqué, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté
l'appel de la SA GROUPE PARTOUCHE, candidat évincé, contre le jugement du tribunal administratif de Lille du 20
novembre 2007 rejetant sa demande dirigée contre la délibération du 9 octobre 2006 ;

Considérant qu'il résulte des dispositions de la loi du 15 juin 1907 relative aux casinos, ainsi que des travaux
parlementaires qui ont précédé son adoption et de ses modifications successives, que le législateur, tout en soumettant
à une surveillance particulière les jeux de casino, a entendu que ces activités concourent aux objectifs de développement
touristique, économique et culturel des communes autorisées à les accueillir ; qu'ainsi, en vertu de l'article 2 de la loi du
15 juin 1907 modifiée, les jeux de casino sont autorisés par arrêté du ministre de l'intérieur, sur avis conforme du conseil
municipal de la commune concernée ; que ces dispositions imposent à la commune, d'une part, de conclure à cette fin
avec le titulaire de l'autorisation une convention et, d'autre part, d'assortir celle-ci d'un cahier des charges fixant des
obligations au cocontractant, relatives notamment à la prise en charge du financement d'infrastructures et de missions
d'intérêt général en matière de développement économique, culturel et touristique ; que si ces jeux de casinos ne
constituent pas, par eux-mêmes, une activité de service public, les conventions obligatoirement conclues pour leur
installation et leur exploitation, dès lors que le cahier des charges impose au cocontractant une participation à ces missions
et que sa rémunération est substantiellement assurée par les résultats de l'exploitation, ont le caractère de délégation de
service public ;

Considérant, en premier lieu, que pour rejeter le moyen tiré de l'insuffisance d'information des membres du conseil
municipal sur la durée d'amortissement proposée par chacun des candidats à la délégation pour le projet hôtelier réalisé
à titre accessoire, la cour a relevé, d'une part, que le procès-verbal de la commission de délégation de service public
comportait la durée de l'amortissement prévu pour l'hôtel par chaque candidat et a jugé, d'autre part, que la société
requérante ne fournissait pas d'élément concret permettant d'évaluer, en l'espèce, l'incidence des conditions
d'amortissement différentes sur les conditions d'appréciation des offres ; que ce faisant, la cour, qui a mis le juge de
cassation en mesure d'exercer son contrôle, n'a pas entaché son arrêt d'insuffisance de motivation ;

Considérant, en deuxième lieu, que pour écarter le moyen tiré de la partialité de la présidente de la commission de
délégation de service public à l'égard de la société Lucien Barrière, la cour a recherché si les liens de subordination
professionnelle ayant existé entre elle et la personne choisie par le groupe Lucien Barrière pour le conseiller sur sa
candidature étaient de nature, eu égard à leur ancienneté et leur intensité, à faire porter, par eux-mêmes, un doute sur
l'impartialité de la commission ; que, par suite, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que la procédure devant
la commission de délégation de service public n'était pas entachée de partialité ;

Considérant, en troisième lieu, que la cour n'a pas davantage commis d'erreur de droit en ne se prononçant pas sur le
point de savoir si la présidente de la commission de délégation de service public avait été régulièrement habilitée pour
représenter le maire de Lille, dès lors que le moyen tiré de son défaut d'habilitation n'était pas soulevé devant les juges
du fond par la société requérante ; que de même, la société requérante n'ayant pas soulevé devant les juges du fond le
moyen tiré de ce que la construction d'une annexe hôtelière serait de nature à rompre l'égalité entre les candidats en
favorisant les groupes hôteliers, la cour n'a pas commis l'erreur de droit alléguée en ne répondant pas à un tel moyen ;

Considérant, en quatrième lieu, que l'article L. 1411-2 du code général des collectivités territoriales dispose que : " (...) les
conventions de délégation de service public ne peuvent contenir de clauses par lesquelles le délégataire prend à sa
charge l'exécution de services ou de paiements étrangers à l'objet de la délégation " ; que ces dispositions ne font pas
obstacle à ce qu'une convention de délégation de service public mette à la charge du cocontractant des prestations
accessoires dès lors qu'elles présentent un caractère complémentaire à l'objet de la délégation ; que la cour, par une
appréciation souveraine, ayant estimé que l'activité hôtelière permise par la délégation, en complément de l'exploitation
du casino, présentait un caractère accessoire à l'activité de jeux, elle n'a pas, en conséquence, commis d'erreur de droit
en jugeant que la délégation litigieuse ne méconnaissait pas les dispositions de l'article L. 1411-2 du code général des
collectivités territoriales ;

Considérant, enfin, qu'il résulte des dispositions de l'article L. 2333-54 du code général des collectivités territoriales que
les communes dotées d'un casino peuvent instituer sur le produit brut des jeux un prélèvement dont le taux ne peut
dépasser 15 % de ce produit ; qu'indépendamment de ce prélèvement fiscal, les conventions d'occupation du domaine
public peuvent prévoir le versement d'une redevance par le cocontractant en contrepartie des avantages que lui procurent
l'occupation du domaine, et qui excèdent le seul produit des jeux ; que cette redevance, si elle affecte les revenus que tire
des jeux le délégataire, comme les autres charges qu'il doit supporter, n'est pas légalement exclue de l'assiette du
prélèvement prévu par l'article L. 2333-54 du code général des collectivités territoriales, lequel s'applique sur le produit
brut des jeux ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient la société requérante, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en
jugeant que la redevance domaniale demandée à un casino ne pouvait être regardée comme incluse dans le plafond de
15 % fixé pour les prélèvements sur le produit brut des jeux ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SA GROUPE PARTOUCHE n'est pas fondée à demander
l'annulation de l'arrêt attaqué

13
Mission confiée par une personne publique à une personne privée :

V. au GAJA : CE Ass.,13 mai 1938, Caisse primaire d’aide et protection ; CE Ass., 31 juillet
1942, Monpeurt ; CE Ass., 2 avril 1943, Bouguen

Doc. 8 – CE, Sect. 28 juin 1963, Narcy


Requête du sieur Narcy, tendant à l'annulation pour excès de rendement et à la garantie de la qualité de l'industrie » ;
pouvoir d'une décicion du ministre des Finances des Affaires qu'en vue de les mettre à même d'exécuter la mis s i o n
économiques et du plan en date du 18 décembre 1957, d'intérêt général qui leur est ainsi confiée et d'assurer à
notifiée le 28 décembre suivant par le service de la solde du
commissariat de la marine à Paris, rejetant sa réclamation
l'administration un droit de regard sur les modalités
contre l'application faite à la solde de réserve de la
d'accomplissement de cette mission, le législateur a
réglementation sur les cumuls et, en tant que de besoin, de la conféré aux centres techniques industriels certaines
décision de rejet implicite du secrétaire d'Etat aux Forces prérogatives de puissance publique et les a soumis à
armées (Marine) de sa réclamation du 8 août 1957 dirigée divers contrôles de l'autorité de tutelle ; qu'en particulier
contre une précédente décision dudit secrétaire d'Etat du 26 il ressort des termes mêmes de l'article 1er de la loi
juin 1957 ; (…) précitée qu'il ne peut être créé dans chaque branche
d'activité qu'un seul centre technique industriel ; que
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non- chaque centre est investi du droit de percevoir s u r l e s
recevoir opposées par le ministre des Finances et d e s membres de la profession des cotisations obligatoires ;
Affaires économiques : que les ministres chargés de la tutelle des centres
techniques industriels pourvoient à la nomination des
Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décr e t d u membres de leur conseil d'administration e contrôlent
11 juillet 1955, alors en vigueur, « la réglementation sur leur activité par l'intermédiaire d'un commissaire du
les cumuls d'emplois, de rémunérations d'activité s , d e gouvernement doté d'un droit de veto suspensif ;
pensions et de rémunérations s'applique aux
personnels civils, aux personnels militaires, aux Considérant qu'en édictant l'ensemble, de ces
ouvriers et agents des collectivités et organismes dispositions et nonobstant la circonstance qu'il à décidé
suivants... 4° organismes même privés assurant la d'associer étroitement les organisations syndicales l e s
gestion d'un service public ou constituant le plus représentatives des patrons, des cadres et des
complément d'un service public sous réserve qu e l e u r ouvriers à la création et au fonctionnement des centres
fonctionnement soit au moins assuré, pour moitié , p a r techniques industriels, le législateur a entendu, sans
des subventions des collectivités visées au 1° ci-dessus leur enlever pour autant le caractère d'organismes
ou par la perception de cotisations obligatoires» ; privés, charger lesdits centres de la gestion d'un
véritable service public ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, depuis s a
création, le fonctionnement du Centre technique des Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que,
industries de la fonderie a toujours été assuré pour plus par application des prescriptions ci-dessus reproduit e s
de moitié par des cotisations obligatoires et que de l'article 1er, 4e alinéa du décret du 11 juillet 1955,
notamment le pourcentage desdites cotisations dans alors en vigueur, le personnel des centres techniques
les ressources du Centre s'est élevé en 1957 et 1958 à industriels est soumis à la réglementation des cumuls ;
95 et 97 ; qu'il suit de là que ladite réglementation a été appliquée
à bon droit à la solde de réserve d'officier général de
Considérant qu'en vertu de l'article 1er de la loi du 22 l'armée de mer du sieur Nancy, raison de l'emploi
juillet 1948, les ministres compétents sont autor i sé s à occupé par celui-ci au Centre technique des industr i e s
créer dans toute branche d'activité où l'intérêt g é n é r a l de la Fonderie, lequel est entièrement régi par les
de commande, des établissements d'utilité publique dits dispositions de la loi précitée du 22 juillet 1948 que, dès
centres techniques industriel ayant pour objet, aux lors, la requête susvisée ne peut être accueillie ;...
termes de l'article 2 de la loi, «de promouvoir le progrès (Rejet avec dépens.)
des techniques, de participer à l'amélioration du

Doc. 9 – CE, 22 mars 2000, Lasaulce, n° 207.804

Considérant qu'aux termes de l'article L. 22 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Le
président du tribunal administratif ou son délégué peut être saisi en cas de manquements aux obligations de publicité et
mise en concurrence auxquelles est soumise la passation des marchés publics et des conventions de délégation de
service public./ Les personnes habilitées à agir sont celles qui ont un intérêt à conclure le marché et qui sont susceptibles
d'être lésées par ce manquement ( ...). / Le président du tribunal administratif peut être saisi avant la conclusion du contrat.
Il peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre la passation du marché ou
l'exécution de toute décision qui s'y rapporte. Il peut également annuler ces décisions et supprimer les clauses ou
prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations ( ...)./ Le président du tribunal
administratif ou son délégué statue en premier et dernier ressort en la forme des référés" ;

14
Considérant qu'en application de ces dispositions, le président du tribunal administratif de Melun, statuant en référé, a,
par une ordonnance du 30 avril 1999, rejeté la demande formée par M. et Mme X... tendant à l'annulation de l'intégralité
de la procédure et des actes afférents à l'attribution par le préfet du Val-de-Marne d'agréments relatifs au dépannage et
au remorquage de véhicules sur les autoroutes et voies assimilées du secteur Est du département ;

Considérant que, pour rejeter comme irrecevable la demande de M. et Mme X..., le président du tribunal administratif de
Melun s'est fondé sur ce que les opérations de dépannage, de remorquage et d'évacuation des véhicules sur le réseau
des autoroutes non concédées et voies assimilées du Val-de-Marne, telles qu'elles ont été définies par le cahier des
charges approuvé par arrêté préfectoral du 7 avril 1998, ne constituant pas un service public, la procédure d'agrément
des dépanneurs habilités à procéder à ces opérations n'était pas soumise aux obligations de publicité et de mise en
concurrence applicables à la passation des marchés publics et des conventions de délégation de service public et qu'ainsi,
les dispositions de l'article L. 22 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel n'étaient pas
applicables ;

Considérant, toutefois, qu'il résulte de l'instruction, et notamment des stipulations du cahier des charges approuvé par
arrêté préfectoral du 7 avril 1998, que les dépanneurs habilités à procéder aux opérations de dépannage, de
remorquage et d'évacuation des véhicules sur le réseau des autoroutes non concédées et voies assimilées du
Val-de-Marne sont tenus d'intervenir sur l'ensemble du réseau pour remettre les véhicules en état de marche en
moins de trente minutes ou, lorsque cela n'est pas possible, de les évacuer hors de l'autoroute ou de la voie
assimilée ; que cette mission d'intérêt général est exercée sous le contrôle de la puissance publique qui peut
procéder à une inspection annuelle des véhicules utilisés par le dépanneur et qui impose aux personnes agréées
le respect d'obligations, définies à l'article 5 du cahier des charges, tenant aussi bien aux conditions d'exécution
du service qu'à l'information de l'administration sur la situation de l'entreprise agréée ; qu'en prévoyant que seuls
sont habilités à intervenir sur le réseau des autoroutes non concédées et voies assimilées du Val-de-Marne les
titulaires agréés, l'administration envisage en outre de confier aux entreprises agréées des prérogatives de
puissance publique ; qu'ainsi la procédure d'agrément des garagistes dépanneurs sur le réseau autoroutier et les voies
assimilées du Val-de-Marne a pour objet de sélectionner les entreprises qui seront chargées de l'exécution d'un
service public ; qu'il résulte de ce qui précède qu'en se fondant sur ce que les opérations définies par le cahier des
charges approuvé par arrêté préfectoral du 7 avril 1998 ne constituaient pas un service public, le président du tribunal
administratif de Melun a entaché son ordonnance d'une erreur de droit ; que, par suite, l'ordonnance attaquée doit être
annulée ;

Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi susvisée du 31 décembre 1987, le Conseil d'Etat, s'il prononce
l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut "régler l'affaire au fond si
l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler
l'affaire au fond ;

Sur la compétence du juge de l'article L. 22 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le préfet du Val-de-Marne a choisi, pour assurer l'exécution du service public
de dépannage et d'évacuation sur les voies autoroutières, de confier cette mission à un cocontractant et non de se borner
à agréer celles des entreprises remplissant les conditions qu'il entendait imposer pour participer à l'exécution du service ;
que le contrat envisagé entre l'Etat et les entreprises sélectionnées au terme de la procédure engagée par l'avis d'appel
public à la concurrence publié au BOAMP le 18 novembre 1998 a, eu égard notamment à son objet, portant sur l'exécution
du service public de dépannage et d'évacuation sur les voies autoroutières, et au mode de rémunération du cocontractant
de l'administration, par une redevance payée directement par les usagers du service, le caractère d'une délégation de
service public ; que la passation d'un tel contrat est soumise au contrôle du juge de l'article L. 22 du code des tribunaux
administratifs et des cours administratives d'appel ;

Doc. 10 – CE, 20 juillet 1990, Ville de Melun

Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la loi du 17 juillet 1978 "sous réserve des dispositions de l'article 6 les
documents administratifs sont de plein droit communicable aux personnes qui en font la demande, qu'ils émanent des
administrations de l'Etat, des collectivités territoriales, des établissements publics ou des organismes, fussent-ils de droit
privé, chargés de la gestion d'un service public" ;
Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que l'association "Melun-Culture-Loisirs" a été créée par la
ville de Melun en vue "de coordonner les efforts de toutes personnes physiques et morales pour l'animation culturelle de
Melun" et est chargée de la gestion des centres de loisirs et des garderies, ateliers et clubs communaux ainsi que de
diverses autres missions en matière culturelle et socio-éducative ; que pour l'exercice de ces missions elle perçoit des
aides de la ville qui constituent plus de la moitié de ses recettes et représentant la quasi-totalité des dépenses de la ville
dans le domaine culturel et socio-éducatif ; que l'association bénéfice aussi d'aides indirectes sous la forme de mises à
disposition gratuite de locaux et de personnel communaux ; que ladite association dont le maire était président de droit
jusqu'en 1983 et dont le conseil d'administration comporte une majorité de conseillers municipaux siégeant pour la plupart
en cette qualité, doit, dans ces conditions, être regardée, alors même que l'exercice de ses missions ne
comporterait pas la mise en œuvre de prérogatives de puissance publique comme gérant, sous le contrôle de la
commune, un service public communal et figure ainsi au nombre des organismes mentionnés à l'article 2 précité de la
loi du 17 juillet 1978 ;

15
Considérant, d'autre part, que les comptes de l'association "Melun-Culture-Loisirs" qui retracent les conditions dans
lesquelles elle exerce les missions de service public qui sont les siennes présentent par leur nature et leur objet le
caractère de documents administratifs ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'association "Melun-Culture-Loisirs" n'est pas fondée à soutenir que c'est
à tort que, par le jugement attaqué, en date du 5 juillet 1985, le tribunal administratif de Versailles a annulé la décision par
laquelle son président a rejeté la demande de MM. X..., Laplace et Bodin tendant à ce que ses comptes des exercices
1972 à 1983 ainsi que tous justificatifs correspondants leur soient communiqués ;

Doc. 11 – CE, Sect., 22 février 2007, APREI, n° 264.541

Vu la requête sommaire et les observations complémentaires, enregistrées les 13 février et 2 novembre 2004 au
secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentées pour l'ASSOCIATION DU PERSONNEL RELEVANT DES
ETABLISSEMENTS POUR INADAPTES (A.P.R.E.I.), dont le siège est 2 A, boulevard 1848 à Narbonne (11100),
représentée par son président en exercice ; l'ASSOCIATION DU PERSONNEL RELEVANT DES ETABLISSEMENTS
POUR INADAPTES demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler l'arrêt du 19 décembre 2003 par lequel la cour
administrative d'appel de Marseille, faisant droit à l'appel formé par l'Association familiale départementale d'aide aux
infirmes mentaux de l'Aude (A.F.D.A.I.M.), a d'une part annulé le jugement du magistrat délégué par le président du
tribunal administratif de Montpellier en date du 27 janvier 1999 en tant que ce jugement a annulé le refus de l'A.F.D.A.I.M.
de communiquer à l'A.P.R.E.I. les états du personnel du centre d'aide par le travail La Clape, d'autre part a rejeté la
demande présentée par l'A.F.D.A.I.M. comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître ; 2°) statuant
au fond, d'annuler le refus de communication qui lui a été opposé par l'A.F.D.A.I.M. ; 3°) de mettre le versement à la SCP
BOULLEZ de la somme de 2 000 euros à la charge de l'A.F.D.A.I.M. au titre de l'article L. 761-1 du code de juridiction
administrative ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu le code de la famille et de l'aide sociale ; Vu le code du travail ; Vu la
loi n° 75-535 du 30 juin 1975 ; Vu la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 ; Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; Vu le code de
justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Fabienne Lambolez, Maître des
Requêtes, - les observations de la SCP Boullez, avocat de l'ASSOCIATION DU PERSONNEL RELEVANT DES
ETABLISSEMENTS POUR INADAPTES et de Me Le Prado, avocat de l'A.F.D.A.I.M., - les conclusions de Mlle Célia
Verot, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que l'ASSOCIATION DU PERSONNEL RELEVANT DES ETABLISSEMENTS POUR INADAPTES


(A.P.R.E.I.) a demandé communication des états du personnel d'un centre d'aide par le travail géré par l'Association
familiale départementale d'aide aux infirmes mentaux de l'Aude (A.F.D.A.I.M.) ; que le magistrat délégué par le président
du tribunal administratif de Montpellier a, par un jugement du 27 janvier 1999, annulé le refus de communication opposé
par l'A.F.D.A.I.M et enjoint à cette dernière de communiquer les documents demandés dans un délai de deux mois à
compter de la notification de son jugement ; que l'A.P.R.E.I. demande la cassation de l'arrêt de la cour administrative
d'appel de Marseille du 19 décembre 2003 en tant que la cour a d'une part annulé le jugement du 27 janvier 1999 en tant
que ce jugement est relatif au refus de communication opposé par l'A.F.D.A.I.M., d'autre part rejeté sa demande comme
portée devant une juridiction incompétente pour en connaître ; Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la loi du 17
juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions
d'ordre administratif, social et fiscal, dans sa rédaction alors en vigueur : « sous réserve des dispositions de l'article 6 les
documents administratifs sont de plein droit communicables aux personnes qui en font la demande, qu'ils émanent des
administrations de l'Etat, des collectivités territoriales, des établissements publics ou des organismes, fussent-ils de droit
privé, chargés de la gestion d'un service public » ;

Considérant qu'indépendamment des cas dans lesquels le législateur a lui-même entendu reconnaître ou, à
l'inverse, exclure l'existence d'un service public, une personne privée qui assure une mission d'intérêt général
sous le contrôle de l'administration et qui est dotée à cette fin de prérogatives de puissance publique est chargée
de l'exécution d'un service public ; que, même en l'absence de telles prérogatives, une personne privée doit
également être regardée, dans le silence de la loi, comme assurant une mission de service public lorsque, eu
égard à l'intérêt général de son activité, aux conditions de sa création, de son organisation ou de son
fonctionnement, aux obligations qui lui sont imposées ainsi qu'aux mesures prises pour vérifier que les objectifs
qui lui sont assignés sont atteints, il apparaît que l'administration a entendu lui confier une telle mission ;

Considérant qu'aux termes de l'article 167 du code de la famille et de l'aide sociale alors en vigueur : « les centres d'aide
par le travail, comportant ou non un foyer d'hébergement, offrent aux adolescents et adultes handicapés, qui ne peuvent,
momentanément ou durablement, travailler ni dans les entreprises ordinaires ni dans un atelier protégé ou pour le compte
d'un centre de distribution de travail à domicile ni exercer une activité professionnelle indépendante, des possibilités
d'activités diverses à caractère professionnel, un soutien médico-social et éducatif et un milieu de vie favorisant leur
épanouissement personnel et leur intégration sociale./ » ; que les centres d'aide par le travail sont au nombre des
institutions sociales et médico-sociales dont la création, la transformation ou l'extension sont subordonnées, par la loi du
30 juin 1975 alors en vigueur, à une autorisation délivrée, selon le cas, par le président du conseil général ou par le
représentant de l'Etat ; que ces autorisations sont accordées en fonction des « besoins quantitatifs et qualitatifs de la
population » tels qu'ils sont appréciés par la collectivité publique compétente ; que les centres d'aide par le travail sont
tenus d'accueillir les adultes handicapés qui leur sont adressés par la commission technique d'orientation et de
reclassement professionnel créée dans chaque département ;

Considérant que si l'insertion sociale et professionnelle des personnes handicapées constitue une mission d'intérêt
général, il résulte toutefois des dispositions de la loi du 30 juin 1975, éclairées par leurs travaux préparatoires, que le
législateur a entendu exclure que la mission assurée par les organismes privés gestionnaires de centres d'aide par le

16
travail revête le caractère d'une mission de service public ; que, par suite, la cour administrative d'appel n'a pas commis
d'erreur de droit en estimant que l'A.P.R.E.I. n'est pas chargée de la gestion d'un service public ; qu'ainsi l'A.P.R.E.I. n'est
pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué, qui est suffisamment motivé ;

Doc. 12 – CE, 5 octobre 2007, Société UGC, n° 298.773 (application négative du faisceau
d’indices)

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que la société d'économie mixte « Palace
Epinal » , qui exploite à Epinal un cinéma composé de six salles, a demandé le 19 janvier 2006 à la commission
départementale d'équipement cinématographique des Vosges l'autorisation d'ouvrir un nouveau multiplexe de dix salles,
pour remplacer le précédent, autorisation qui lui a été délivrée le 24 avril 2006 ; que la SOCIETE UGC-CINE-CITE se
pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 26 octobre 2006 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de
Nancy a rejeté sa demande tendant, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 551-1 du code de justice
administrative, à ce qu'il soit ordonné à la ville d'Epinal d'organiser une procédure de passation de la délégation du service
public de spectacle cinématographique respectant les obligations de publicité et de mise en concurrence préalable ;

Considérant qu' indépendamment des cas dans lesquels le législateur a lui-même entendu reconnaître ou, à l'inverse,
exclure l'existence d'un service public, une personne privée qui assure une mission d'intérêt général sous le contrôle de
l'administration et qui est dotée à cette fin de prérogatives de puissance publique est chargée de l'exécution d'un service
public ; que même en l'absence de telles prérogatives, une personne privée doit également être regardée, dans le silence
de la loi, comme assurant une mission de service public lorsque, eu égard à l'intérêt général de son activité, aux conditions
de sa création, de son organisation ou de son fonctionnement, aux obligations qui lui sont imposées ainsi qu 'aux mesures
prises pour vérifier que les objectifs qui lui sont assignés sont atteints, il apparaît que l'administration a entendu lui confier
une telle mission ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que si la société d'économie mixte «
Palace Epinal », qui n'est pas dotée de prérogatives de puissance publique, a, en vertu de ses statuts, une mission
d'intérêt général en vue d'assurer localement l'exploitation cinématographique, son activité, eu égard notamment
à l'absence de toute obligation imposée par la ville d'Epinal et de contrôle d'objectifs qui lui auraient été fixés, ne
revêt pas le caractère d'une mission de service public confiée par la commune, qui n'avait ainsi à consentir
aucune délégation à cet égard ; qu'il suit de là que le juge des référés n'a pas entaché d'erreur de droit son
ordonnance, laquelle est suffisamment motivée, en jugeant que le projet de création de salles de la société
d'économie mixte ne relevait pas de la procédure de délégation de service public ;

Considérant que le juge des référés n'a pas considéré qu'il ne pouvait être saisi dans la mesure où la personne publique
s'est abstenue de mettre en oeuvre une procédure de délégation conforme aux exigences légales mais a jugé, ainsi qu'il
a été dit ci-dessus, que le projet de la société d'économie mixte «Palace Epinal » n'était pas réalisé dans le cadre d'une
délégation de service public ; que doit ainsi être écarté le moyen tiré de ce que l'ordonnance attaquée aurait méconnu les
dispositions de l'article L. 551-1 du code de justice administrative ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE UGC-CINE-CITE n'est pas fondée à demander
l'annulation de l'ordonnance du 26 octobre 2006 du juge des référés du tribunal administratif de Nancy ;

Doc. 13 – CE, 25 juillet 2008, Commissariat à l’énergie atomique, n° 280.163 (application


positive du faisceau d’indices)
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 17 juillet 1978, dans sa rédaction alors en vigueur : « Le droit de
toute personne à l'information est précisé et garanti par le présent titre en ce qui concerne la liberté d'accès aux documents
administratifs. / Sont considérés comme documents administratifs, au sens du présent titre, tous dossiers, rapports,
études, comptes rendus, procès-verbaux, statistiques, directives, instructions, circulaires, notes et réponses ministérielles
qui comportent une interprétation du droit positif ou une description des procédures administratives, avis, prévisions et
décisions, qui émanent de l'Etat, des collectivités territoriales, des établissements publics ou des organismes de droit
public ou privé chargés de la gestion d'un service public. Ces documents peuvent revêtir la forme d'écrits,
d'enregistrements sonores ou visuels, de documents existant sur support informatique ou pouvant être obtenus par un
traitement automatisé d'usage courant. » ; que l'article 2 de la même loi dispose : « Sous réserve des dispositions de
l'article 6, les autorités mentionnées à l'article 1er sont tenues de communiquer les documents administratifs qu'elles
détiennent aux personnes qui en font la demande, dans les conditions prévues par le présent titre (...) » ; qu'aux termes
de l'article 1er de la loi du 12 avril 2000 : « Sont considérés comme autorités administratives au sens de la présente loi
les administrations de l'Etat, les collectivités territoriales, les établissements publics à caractère administratif, les
organismes de sécurité sociale et les autres organismes chargés de la gestion d'un service public administratif » ; qu'aux
termes de l'article 10 de la même loi : « Les budgets et les comptes des autorités mentionnées à l'article 1er et dotées de
la personnalité morale sont communicables à toute personne qui en fait la demande dans les conditions prévues par la
loi n° 78-753 du 17 juillet 1978. / La communication de ces documents peut être obtenue tant auprès de l'autorité
administrative que de celles qui les détiennent (...) » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un courrier du 12 novembre 2003, M.
A a demandé au COMMISSARIAT A L'ENERGIE ATOMIQUE la communication, sur le fondement des dispositions de la
loi du 17 juillet 1978, d'une part, des décisions de l'association « Centre d'études sur l'évaluation de la protection dans le

17
domaine nucléaire » (CEPN) qui fixent le montant de l'adhésion du COMMISSARIAT A L'ENERGIE ATOMIQUE pour les
comptes 2000 à 2003, et, d'autre part, des comptes annuels 2000 à 2002 de cette association (bilans, comptes de
résultats), des rapports des commissaires aux comptes (général et spéciaux) et des procès-verbaux des assemblées
générales 2000 à 2002 ; qu'à la suite du refus de lui communiquer les documents demandés, M. A a saisi la Commission
d'accès aux documents administratifs qui, par un avis du 23 février 2004, a émis un avis défavorable à la communication
des décisions fixant le montant de l'adhésion et un avis favorable à la communication des autres documents ; que le
COMMISSARIAT A L'ENERGIE ATOMIQUE demande l'annulation du jugement du 25 février 2005, par lequel le tribunal
administratif a annulé sa décision refusant de communiquer l'ensemble des documents et lui a enjoint de communiquer à
M. A les documents sollicités ;

Considérant, en premier lieu, qu'indépendamment des cas dans lesquels le législateur a lui-même entendu reconnaître
ou, à l'inverse, exclure l'existence d'un service public, une personne privée qui assure une mission d'intérêt général sous
le contrôle de l'administration et qui est dotée à cette fin de prérogatives de puissance publique est chargée de l'exécution
d'un service public ; que, même en l'absence de telles prérogatives, une personne privée doit également être regardée,
dans le silence de la loi, comme assurant une mission de service public lorsque, eu égard à l'intérêt général de son activité,
aux conditions de sa création, de son organisation ou de son fonctionnement, aux obligations qui lui sont imposées ainsi
qu'aux mesures prises pour vérifier que les objectifs qui lui sont assignés sont atteints, il apparaît que l'administration a
entendu lui confier une telle mission ;

Considérant que le Centre d'études sur l'évaluation de la protection dans le domaine nucléaire est une association
qui a pour objet « l'étude, dans le domaine nucléaire, de l'évaluation, de la protection de l'homme sous ses
aspects techniques, biologiques, économiques et sociaux » ; qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux
juges du fond que cette association a été créée par Electricité de France, alors établissement public, et par le
COMMISSARIAT A L'ENERGIE ATOMIQUE, pour le compte desquels elle est chargée des évaluations précitées
et dont elle perçoit des subventions ; que par suite, en jugeant que le Centre d'études sur l'évaluation de la
protection dans le domaine nucléaire était un organisme privé chargé d'une mission de service public au sens
de la loi du 17 juillet 1978, le tribunal administratif, qui a mentionné tant l'objet que les conditions de création et
de fonctionnement de l'association, n'a pas commis d'erreur de droit ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte des dispositions précitées des articles 1er et 10 de la loi du 12 avril 2000 que
les comptes annuels du Centre d'études sur l'évaluation de la protection dans le domaine nucléaire pour 2000 à 2002, les
rapports des commissaires aux comptes et les procès-verbaux des assemblées générales de cet organisme, qui retracent
les conditions dans lesquelles l'association exerce la mission de service public qui lui a été confiée, présentent par leur
nature et leur objet le caractère de documents administratifs communicables ; qu'il en est de même, dans les circonstances
de l'espèce, des décisions du Centre d'études sur l'évaluation de la protection dans le domaine nucléaire qui fixent le
montant de l'adhésion du COMMISSARIAT A L'ENERGIE ATOMIQUE pour les années 2000 à 2003, dès lors que ces
documents se rattachent à la mission de service public de l'association ; que, par suite, le tribunal administratif n'a pas
commis d'erreur de droit en jugeant que les documents en cause constituent des documents administratifs
communicables ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte des dispositions précitées des articles 1er et 2 de la loi du 17 juillet 1978 que
les établissements publics doivent communiquer les documents administratifs qu'ils détiennent même s'ils n'en sont pas
les auteurs ; qu'il n'est pas sérieusement contesté que le COMMISSARIAT A L'ENERGIE ATOMIQUE, établissement
public, détient les documents en cause ; que, dès lors, le COMMISSARIAT A L'ENERGIE ATOMIQUE était tenu de
communiquer les documents demandés à M. A ; que, par suite, le tribunal administratif, qui n'a pas entaché son jugement
d'insuffisance de motivation ni de dénaturation des faits, n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que le requérant était
tenu de communiquer le document demandé ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le COMMISSARIAT A L'ENERGIE ATOMIQUE n'est pas fondé à
demander l'annulation du jugement attaqué ;

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