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Carvallo Emilie

Groupe 8
Arrêt rendu par la Première Chambre Civile de la Cour de Cassation le 27 jujn
2018
Un local ayant une activité commerciale s’avère être détruit par un incendie. Le
sinistre a débuté, selon une expertise, dans un coffret de commandes et de régulation
de chambres froides. La société exploitant le local (demandeur à l’instance) assigne en
première instance les sociétés fabricante et installatrice du coffret de commandes et de
la chambre froide, l’assureur de la société productrice et les bailleurs en responsabilité
et indemnisation du préjudice subi, (défendeurs à l’instance) sur le fondement du
régime de la responsabilité du fait des produits défectueux. Un appel est ensuite
interjeté et un arrêt est rendu le 23 mars 2016 par la Cour d’Appel.

D’après la Cour d’Appel, le lieu de départ de feu n’est pas précis en se référant à
l’expertise, mais un coffret serait à l’origine de l’incendie, tout cela sans pouvoir
déterminer si la faute est de la responsabilité du fabricant ou de l’installateur. Ainsi,
selon la Cour, la société productrice serait responsable du dommage.

Est-il possible de déclarer une responsabilité du fait d’un produit défectueux en se


fondant uniquement sur la simple imputabilité du dommage pour induire le lien de
causalité entre le défaut et le dommage et le défaut en lui-même ?

La Cour de Cassation casse et annule partiellement l’arrêt de la Cour d’Appel en ce


qu’elle condamne la société productrice pleinement responsable du dommage et aux
réparations par celle-ci et répond négativement à cette question, aux motifs que les
trois ordres permettant de prouver une responsabilité du fait d’un produit défectueux
doivent être démontrés (défaut, lien de causalité entre défaut et le dommage,
imputabilité du dommage). La Cour de Cassation renvoie l’affaire devant la Cour
d’Appel de Paris.

Arrêt rendu par la Première Chambre Civile de la Cour de Cassation le 2 février


2022
En l’espèce, un patient subit en janvier 2007 une intervention à la suite d’une
rupture de la tête fémorale d’une prothèse de hanche posée en février 2006, afin
qu’une nouvelle tête en métal soit mise en place. Cependant, celui subit des
complications nécessitant des réinterventions et des séquelles.
L’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections
iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) indemnise le patient de ses
préjudices. L’ONIAM (demandeur à l’instance) assigne le producteur de la prothèse
et, une société mutuelle et une caisse primaire d’assurance maladie demandant son
remboursement (défendeurs à l’instance) à l’instance. Un appel est interjeté en faveur
de l’ONIAM puis un pourvoi est formé en cassation par les producteurs de la prothèse
qui contestent le fait d’être déclarés responsables du préjudice subi par le patient et de
devoir payer les sommes de prise en charge des préjudices par la caisse d’assurance
maladie et l’ONIAM. Ils estiment que la Cour d’Appel a inversé la charge de la
preuve et de ne pas statuer sur l’objet de la preuve en n’établissant pas de défaut ni de
lien de causalité entre le défaut et le dommage.
Les producteurs sont-ils responsables de l’ensemble des dommages subis par le
patient portant la prothèse qui serait un produit défectueux ?
La Cour de Cassation répond positivement à cette question, rejette le pourvoi et
confirme donc la solution de la Cour d’Appel aux motifs que : la rupture de la
prothèse initiale ne garantissant pas la sécurité attendue, qui après expertise aurait eu
lieu dans un très court délai après la pose, est à l’origine des dommages subis par le
patient et des réinterventions chirurgicales. Aucune cause exogène n’est retenue pour
exonérer la responsabilité des producteurs.
La Cour de Cassation affirme l’application de la loi de 1998 relative à la
responsabilité du fait des produits défectueux (I) mais émet tout de même un
contournement d’une partie du droit civil relatif au fait des produits défectueux (II).
I/ Une affirmation de l’application de la loi de 1998 relative à la responsabilité du
fait des produits défectueux
L’application du régime spécial du fait des produits défectueux (A) entraîne tout de
même une appréciation subjective du juge sur certains points non codifiés dans le
droit civil (B).
A/ Une application du régime spécial du fait des produits défectueux
- Transposition de la loi de 1998 relative à la responsabilité du fait des produits
défectueux. Cour de Cassation se fonde sur ce régime spécial pour construire sa
solution.
- Rappel dans l’arrêt de l’art. 1245-3 al.1 du Code Civil : le défaut existe lorsqu’
« il n’offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre ». « On »
concerne le public en général.
- Ce défaut entraîne la responsabilité de plein droit du producteur du produit
défectueux (art. 1245-10 du Code Civil).
- La Cour de Cassation statue sur le fait qu’il n’y a pas d’inversement de la
charge de la preuve appartenant à la victime, et donc pas de violation de règle
de droit.
B/ Un jugement subjectif du juge sur certains points non précisés par le droit civil
- Le juge juge in abstracto et non in concreto, d’après M. Hervieu, juriste, si le
défaut entraîne un manque de sécurité qui est attendue par le public, et non par
l’avis de la victime. Le juge apprécie ainsi dans cet arrêt, ce « qu’est une
sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre » face à ce flou juridique.
En l’espèce, la sécurité légitimement attendue serait une prothèse viable à long
terme et ne causant aucune complication nécessitant des interventions
chirurgicales peu de temps après la pose.
- « Dans l'appréciation de la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, il
doit être tenu compte de toutes les circonstances et notamment de la
présentation du produit, de l'usage qui peut en être raisonnablement attendu et
du moment de sa mise en circulation. » (art. 1245-3 al.2 du Code Civil). Les
circonstances et l’usage « raisonnablement attendu » sont des notions que le
juge apprécie souverainement à chaque cas d’espèce.
L’arrêt qui respecte quand même l’application du régime spécial, admet tout de même
un contournement de celui-ci sur certains points du régime spécial du fait des produits
défectueux.
II/ Un contournement du droit concernant le régime spécial du fait des produits
défectueux
La Cour de Cassation admet dans cette décision un assouplissement de la charge de la
preuve de la victime (A), ce qui conduit à s’interroger sur la portée et notamment la
pertinence de la solution qui peut être remise en cause (B).
A/ Un assouplissement de la charge de la preuve de la victime
- Il est fait grief à l’arrêt de fonder sa décision sur la seule imputabilité du
dommage qui ne suffit pas à établir le défaut du produit ni le lien de causalité
entre ce défaut et les dommages de la victime, ce qui serait contraire à l’art.
1245-8 du Code Civil (« Le demandeur doit prouver dommage, défaut et lien
de causalité entre le défaut et le dommage »). Pour la CA, c’est la cause la plus
plausible du dommage.
- Mais CC rejette le pourvoi et confirme donc la responsabilité des producteurs
en se fondant sur le fait que seule la prothèse aurait pu causer un dommage de
cette nature (opérations chirurgicales, complications, séquelles) à la victime.
Une procédure par élimination est réalisée (pas de cause exogène rapportée).
- Présomption d’un lien de causalité entre le défaut et les conséquences sur la
victime dans cet arrêt (arrêt 21/06/2017 rendu par la Cour de Cassation
établissant la présomption d’un lien de causalité entre la défectuosité d’un
produit, le vaccin contre l’hépatite B en l’espèce, et le dommage de la victime)
allégeant la charge de la preuve de la victime.

B/ Une solution pouvant être remise en cause et questionnée


- Il y a là une présomption d’un produit défectueux causant le dommage, ici la
prothèse : selon la Cour d’Appel, les raisons de la rupture de la prothèse sont
« difficiles à déterminer », ce qui ne respecte pas les 3 ordres permettant
d’établir la responsabilité des producteurs selon le droit civil. Il y a une
dérogation au droit civil.
- La présomption du produit défectueux entraîne la question du renversement de
la charge de la preuve de la victime qui a déjà eu lieu dans le passé car il est
difficile dans de nombreux cas pour la victime de prouver le défaut, le lien de
causalité et le dommage. Une des raisons serait une indemnisation en faveur de
la victime comme la loi de 1985 sur les accidents de la circulation. Dans un
arrêt de la Première Chambre Civile de la Cour de Cassation rendu le 24
septembre 2000, celle-ci renverse la charge de la preuve au fabricant dans le
domaine des produits relatifs à ce qui concerne la santé afin de favoriser
l’indemnisation des victimes car la preuve du défaut était très difficile à
prouver pour la victime. Ainsi, il serait possible de se demander si la loi de
1998 ne pourrait être pas par extension considérée comme une loi
d’indemnisation des victimes.
- Arrêt qui ne constitue pas un revirement de jurisprudence ni réellement une
affirmation de jurisprudence constante.

Source principale : https://actu.dalloz-etudiant.fr/a-la-une/article/responsabilite-du-


fait-des-produits-defectueux-le-doute-reste-permis/h/
d284f6daa1fdb19fd1544af76b690650.html

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