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Cass. Com.

10 juillet 2007

Par un arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation du 10 juillet 2007,


celle-ci répond à la question de savoir si la mauvaise foi est une limite à la force
obligatoire des contrats.
En l’espèce, des actionnaires d’une discothèque cède leur participation au
président du conseil d’administration de cette société détenant déjà un certain nombre
de titre. Le contrat prévoyait un complément de prix dû sous certaines conditions qui se
sont réalisées ainsi qu’une garantie des cédants contre tout augmentation du passif, au
prorata de la participation cédée, d’évènements à caractère scal dont le fait générateur
est antérieur à la cession. Un redressement scal ayant eu lieu, les cédants ont demandé
la condamnation du président à leur payer un complément de prix qui, lui, demande
reconventionnellement la condamnation des cédants à lui payer une somme au titre de la
garantie de passif.
La Cour d’appel de Paris, par un arrêt du 18 décembre 2000, rejette la demande
du créancier sur le fondement que celui-ci ne peut, sans manquer à la bonne foi, se
prétendre créancier à l’égard des cédants dès lors qu’étant dirigeant et principal
actionnaire de la société, il avait délibérément exposé la société aux risques, qui se sont
réalisés, de redressement scal ouvrant droit à garantie.
La mauvaise foi empêche-t-elle de se prévaloir d’une clause du contrat par force
obligatoire ?
La Cour de cassation, sous le visa de l’article 1134 alinéas 1 et 3, casse et annule
l’arrêt de la Cour d’appel qui a fait une fausse application de règle selon laquelle les
conventions doivent être exécutées de bonne foi.
Nous verrons dans un premier temps comment la bonne foi ne peut être un
principe de neutralisation de la force obligatoire des contrats (I) et dans un second temps
comment par cet arrêt la Cour de cassation dégage un nouveau principe (II).

I. La bonne foi, ne pouvant porter atteinte à la force obligatoire des contrats

Dans cette première partie, nous verrons d’abord comment le bonne foi constitue
un principe essentiel du droit des obligations (A) et ensuite, nous étudierons sa limite
dans son étendu vers la force obligatoire des contrats (B)

A. Un principe essentiel du droit des obligations

Le principe de bonne foi de l’ancien art 1134 al 3 du code civil, désormais présent
à l’article 1104 du code civil par la réforme de 2016, prévoit que « les contrats doivent
être négociés et exécutés de bonne foi ». Ainsi celui-ci s’impose dans les négociations
pré-contractuelles mais aussi dans la phase d’exécution du contrat. C’est ainsi que ,sur le
fondement de l’article 1134 alinéa 3 eu code civil, les juges du fond par leur pouvoir
d’appréciation souverain ont déclaré un dirigeant inapte à se prétendre créancier et à
réclamer l’exécution d’une obligation du contrat du fait de sa mauvaise foi et ont souhaité
sanctionner l’usage déloyale d’une prérogative contractuelle permis par la règle présente
aux articles mentionnés ci-dessus. En e et, l’obligation de mauvaise foi à deux aspects et
notamment celui de la loyauté imposant aux parties de s’abstenir d’un certain nombre
d’attitudes manifestement déloyales auquel le dirigeant, en l’espèce, n’a pas répondu. Ce
principe de loyauté, dégagé par la jurisprudence, a pu être con rmé par un arrêt de la
Chambre commerciale du 17 mai 1998. La Cour d’appel, en le sanctionnant ainsi, s’est
inscrit dans la lignée de di érents arrêts allant dans ce sens. Notamment deux arrêts de
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la Cour de cassation du 27 février 1996 et du 24 février 1998 qui prévoient que
l’obligation de loyauté du dirigeant doit être respecté tant à l’égard de ses associés qu’à
celui de l’entreprises.
Cependant, bien que la règle permette de sanctionner l’usage déloyal d’une
prérogative, elle ne permet pas au juge de porter atteinte à la substance même des droits
obligations légalement convenus par les parties.

B. Ne pouvant porter atteinte à la force obligatoire des contrats : pacta sunt servanda

La force obligatoire des contrats désigne le principe selon lequel toutes les
obligations stipulées par les parties doivent être exécutées conformément à ce qui était
prévu par contrat et si nécessaire sous la contrainte de l’autorité publique. Ce principe est
consacré dans l’article 1103 du Code civil qui s’inspire de l’article 1134 alinéa premier qui
prévoit que « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont
faites ». Cet article est notamment utilisé par la Cour de cassation dans l’arrêt d’espèce
a n de condamner la Cour d’appel ayant fait une interprétation trop extensive du principe
de bonne foi et portant ainsi atteinte à la substance même des droits et obligations
légalement convenues entre les parties. En e et, pour la Cour de cassation, la bonne foi
d’un débiteur n’est pas une excuse lui permettant d’échapper à ses obligations et aux
sanctions de l’inexécution, inversement, sa seule mauvaise foi n’est pas un motif de
résolution ou d’annulation du contrat. Ainsi, le juge doit faire attention de son
interprétation notamment en terme de bonne foi, il ne peut l’étendre à la substance du
contrat qui est le cœur du contrat, sans quoi il ne peut exister, et ni aux prérogatives
contractuelles qui renvoient clauses du contrat qui donne des pouvoirs unilatéraux aux
parties, comme il a pu le faire dans cet arrêt.
Ainsi, l’exigence de bonne foi ne peut atteindre la force obligatoire des contrats. Ce
principe est notamment en accord avec la jurisprudence du droit positif.

II. Un nouvel apport jurisprudentiel limitant la compétence du juge au nom de la


sécurité contractuelle

Dans cette seconde partie, nous verrons, dans un premier temps, en quoi la Cour
de cassation instaure une sécurité juridique de la force obligatoire (A), puis dans un
second temps nous verrons en quoi cela forme un nouvel apport jurisprudentiel (B)

A. Un arrêt tenant compte de l’importance de la sécurité contractuelle

La Cour de cassation précise que l’obligation de bonne foi, si elle « permet au juge
de sanctionner l’usage déloyal d’une prérogative contractuelle, elle ne l’autorise pas à
porter atteinte à la substance même des droits et obligations légalement convenu entre
les parties ». En statuant ainsi, la Cour de cassation permet d’instaurer une certaine
sécurité contractuelle et respecte le principe de la théorie de l’autonomie de la volonté qui
veut que la personne soit tenue par un contrat parce qu’elle l’a voulu. En e et, elle
rappelle que la seule mauvaise foi n’est pas un motif de résolution ou d’annulation du
contrat et ne permet donc pas d’échapper à ses obligations. Le Professeur Sto el-Munk
précise qu’a rmer la neutralisation d’une créance pour déloyauté du créancier créerait un
réel désordre dans l’exécution des contrats. Par ailleurs, cet arrêt, en limitant le contrôle
du juge sur les prérogatives protège la liberté contractuelle, qui permet à chacun de
déterminer le contenu et la forme du contrat dans les limites xées par la loi, en créant
une distinction entre les simples prérogatives contractuelles et la substance des droits et
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obligations établis par les parties. Cependant, cela peut porter atteinte à la con ance
entre les parties qui se voient dans l’obligation d’exécuter une clause du contrat, peu
importe que le créancier est obtenu l’exécution de cette obligation de bonne foi ou non.
Cet arrêt mettant en oeuvre une sécurité contractuelle pour le créancier, créer un
nouvel apport jurisprudentiel

B. Un nouvel apport jurisprudentiel : une limite à l’étendu du principe de bonne foi

Par cet arrêt, la Cour de cassation consacre un arrêt de principe en précision avec
sa précédente jurisprudence. En e et, dans un communiqué, la Cour de cassation avait
précisé qu’un « manquement à la bonne foi, qui est d’ordinaire sanctionné par la
responsabilité civile du contractant de mauvaise foi, peut trouver une autre sanction dans
la neutralisation de la stipulation mise en oeuvre ». Cet sanction, ajoutée par le
communiqué, a été e ectivement mise en place par un arrêt de la Cour de Cassation du 7
février 2006. Dans l’arrêt d’espèce, la Cour de cassation fait une distinction entre les
simples prérogatives contractuelles dont l’usage déloyal peut être sanctionné sur le
fondement de l’article 1134 alinéa 3 du Code Civil et la substance même des droits et
obligations nés du contrat qui ne peut être remise en cause sans violer l’alinéa premier de
ce même article. Cet jurisprudence a pu être réa rmé dans un arrêt de la 3ème Chambre
Civile de la Cour de cassation du 9 décembre 2009.
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