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CHAPITRE INTRODUCTIF: GENERALITES SUR LE DROIT ADMINISTRATIF

Section 1 : Eléments de définition du droit administratif

Toute analyse du droit administratif passe au préalable par la définition de l’administration.

Paragraphe 1- La notion d’administration.

Dans le vocabulaire juridique, l’administration se confond presque toujours avec


l’administration publique1. Celle-ci peut être appréhendée soit d’un point de vue fonctionnel,
soit d’un point de vue organique.

Du point de vue fonctionnel, l’administration est considérée comme un ensemble d’activités


qui se caractérisent à la fois par leurs finalités et par leurs modalités d’exercice. Ces finalités
renvoient, en règle générale, au maintien de l’ordre et à la satisfaction de besoins d’intérêt
général. Quant aux modalités d’exercice, elles renvoient à la notion de service public. La gestion
des services publics implique l’emploi de procédés de puissance publique. En effet, parce
qu’elle a une activité essentiellement dédiée à l’intérêt général, on admet ainsi que
l’administration utilise des prérogatives exceptionnelles de coercition que ne saurait utiliser un
particulier (soit des prérogatives dites de « puissance publique »)

Du point de vue organique, l’administration est un ensemble d’institutions qui relèvent de


personnes morales et au sein desquelles agissent des personnes physiques. Les personnes
morales sont considérées comme des sujets de droit et d’obligations.

Paragraphe 2 : Contexte d’apparition du Droit administratif

Le droit administratif est né d’un principe, le principe de la séparation des pouvoirs et d’une
œuvre jurisprudentielle, celle du Tribunal des conflits et du Conseil d'Etat.

I- Le principe de la séparation des pouvoirs. La Révolution a voulu distinguer trois pouvoirs,


exécutif, législatif et judiciaire et refuser de les confier à un organe unique. Les révolutionnaires
se méfiaient de la Justice considérée comme un attribut royal. L’activité administrative
considérée comme dépendante du pouvoir exécutif se devait donc d’être distinguée de la
fonction judiciaire. Dans le souci de préserver l’indépendance de l’administration, on alla
jusqu’à séparer nettement la fonction administrative de la fonction judiciaire. Deux textes
consacrent la séparation des autorités administratives et judiciaires. Il s’agit de la loi des 16-24
août 1790 et du décret du 16 fructidor an III(c’est-à-dire du 2 septembre 1795),.

Loi des 16-24 août 1790 sur l’organisation judiciaire

Article 13

1
Au sens du droit civil, le mot « administration » est évoqué dans la gestion d’un patrimoine. C’est ainsi que les
expressions « acte d’administration » (perception d’un loyer par exemple) et « acte de disposition » (vente ou
donation) sont utilisées.
1
« Les fonctions judiciaires sont distinctes et demeureront toujours séparées des fonctions
administratives. Les juges ne pourront, à peine de forfaiture, troubler, de quelque manière que
ce soit, les opérations des corps administratifs, ni citer devant eux les administrateurs pour
raison de leurs fonctions. »

Explication : Cette loi adresse une double interdiction aux juges :

1- Interdiction de trancher les litiges concernant l’administration parce qu’ils pourraient


troubler, c’est-à-dire gêner, l’action de l’administration;

2- Interdiction de juger les agents de l’administration qui seraient poursuivis devant eux pour
des faits accomplis dans l’exercice de leurs fonctions d’administrateurs.

Il s’agissait bien sûr des juges judiciaires, car il n’y avait pas encore de juges administratifs.

Les juges judiciaires vont désobéir à cette loi des 16-24 août 1790 et continuer à juger
l’administration.

Décret du 16 fructidor an III (c’est-à-dire du 2 septembre 1795), intitulé décret qui défend aux
tribunaux de connaître des actes d'administration, et annule toutes procédures et jugements
intervenus à cet égard :

Article unique

« La Convention nationale, après avoir entendu son comité des finances, décrète qu'elle annule
toutes procédures et jugements intervenus, dans les tribunaux judiciaires, contre les membres
des corps administratifs et comités de surveillance, sur réclamation d'objets saisis, de taxes
révolutionnaires, et d'autres actes d'administration émanés desdites autorités pour l'exécution
des lois et arrêtés des représentant du peuple en mission, ou sur répétition des sommes et effets
versés au trésor public.

Défenses itératives sont faites aux tribunaux de connaître des actes d'administration de
quelque espèce qu'ils soient, aux peines de droit, sauf aux réclamants à se pourvoir devant le
comité des finances pour leur être fait droit, s'il y a lieu, en exécution des lois, et notamment de
celle du 13 frimaire dernier.

II- L’origine jurisprudentielle. Le paradoxe réside dans le fait que la loi des 16-24 août 1790
et le décret du 16 fructidor an III posent une règle qui interdit sans proposer une solution
palliative. Interdiction a été faite aux tribunaux judiciaires de connaitre les litiges intéressant
l’administration mais aucune juridiction ne les connaissait. De tels litiges sont alors dévolus à
l’administration elle-même. Le Conseil d’Etat, conseiller du pouvoir exécutif, a alors été chargé,
en plus de sa fonction de préparation des lois, de « résoudre les difficultés qui s’élèvent en
matière administrative ». La compétence de juge spécialisé en matière administrative du Conseil
d’Etat prit ainsi forme.

2
A partir de la fin du XIXe siècle, dans une longue série d’arrêts du Conseil d'Etat et du Tribunal
des conflits, vont être affirmés des principes nouveaux constitutifs d’un droit administratif
général avec ses règles spéciales tant sur le fond que sur la forme et son juge spécialisé 2.

L’arrêt le plus souvent cité parce que l’un des plus symboliques est l’arrêt Blanco du Tribunal
des Conflits (8 février 1873)3 rendu à propos d’un problème de responsabilité. Pour cette
juridiction, « l’action de l’administration ne peut être régie par les principes qui sont établis dans
le Code civil, pour les rapports de particuliers à particuliers ». L’arrêt Blanco consacre
l’autonomie du droit administratif, droit de privilèges et de sujétions tout à la fois

Se pose alors la question du champ d’application du droit administratif. Quel est le critère de
détermination de ce champ d’application du droit administratif ?

Paragraphe 3- La vaine recherche d’un critère objectif du droit administratif :

Le droit administratif a la particularité d’être à la recherche d’un critère permettant de dire de


manière certaine quand le droit administratif est applicable et donc quand le juge administratif
est compétent.

I/ Une doctrine divisée.

La doctrine a réfléchi à partir du XIXe siècle tantôt sur les moyens utilisés par l’administration,
tantôt sur les finalités de ses actes.

-Les moyens utilisés par l’administration : l’Ecole de la puissance publique (Lafferrière,


Berthélémy, M. Hauriou 1856-1929 doyen de la faculté de droit de Toulouse). L’idée est de
définir le droit administratif à partir des procédés typiques utilisés par l’administration 4.

-Les finalités des actes de l’administration : L’Ecole du service public (L. Duguit doyen de la
faculté de droit de Bordeaux 1859-1928, G. Jèze, Bonnard et L. Rolland). L’idée est de définir
le droit administratif en fonction des buts de l’administration 5. Le service public est défini
comme l’activité d’une personne publique visant à satisfaire un besoin d’intérêt général.
2
Ce n’est que plus tard, que furent créés les Tribunaux administratifs - décret du 30 septembre 1953- et les Cours administratives d’appel - loi
du 31 Décembre 1987-.

3
Le tribunal des conflits qui est chargé de régler les problèmes de répartition de compétence entre juridictions judiciaires et administratives
devait se prononcer sur les faits suivants : une enfant de 5 ans, Agnès Blanco avait été renversée et blessée par un wagonnet que quatre ouvriers
de la manufacture de tabacs de Bacalan (quartier de Bordeaux) poussaient à travers une rue qui séparait la manufacture et son hangar. Le père de
la victime demandait des dommages-intérêts. Quel était le tribunal compétent ? En justifiant la compétence de la juridiction administrative, le
Tribunal des conflits formula de façon très nette la spécificité du droit administratif. Ainsi il déclara que « la responsabilité qui peut incomber à
l’Etat du fait des personnes qu’il emploie dans le service public ne peut être réglée par les principes qui sont établis dans le Code Civil pour les
rapports de particulier à particulier ». Elle a « ses règles spéciales » [d’où la compétence du tribunal administratif].

4
La doctrine remarque que l’administration a pour caractéristique de procéder par ordres, interdictions, réglementations unilatérales.
Administrer serait avant tout exercer une volonté de commandement, une volonté de puissance qu’un simple particulier ne peut manifester. Mais
dans l’activité de l’Etat, tout ne serait être puissance publique. D’où des distinctions qui vont tenter de délimiter le champ d’application du droit
administratif et par conséquent la compétence du juge administratif.
5

Ces buts se résument au meilleur service de l’intérêt général ; c’est-à-dire à la notion de service public. Dès lors, dès qu’il y a service public, il
doit y avoir application du droit administratif et compétence du juge administratif. Selon ces auteurs (notamment L. Rolland), le service public
se caractérise par trois éléments : c’est une activité (ou entreprise), assumée par une personne publique dans le but de satisfaire un intérêt
général.
3
II/ Des critères en déclin.

L’évolution de la vie administrative a révélé le caractère contingent des critères proposés par la
doctrine.

a- Le déclin de la notion de puissance publique.

A partir de la 1ère guerre mondiale, apparaissent des services de l’administration dont l’objet est
économique. Ce sont les services publics industriels et commerciaux dont l’existence est
reconnue par le Conseil d'Etat et le Tribunal des conflits. Ces services, de plus en plus
nombreux fonctionnent dans des conditions comparables à des entreprises privées, c’est-à-dire
sans l’emploi de procédés de puissance publique. En outre, la notion de puissance publique est
critiquée au nom de l’idéal démocratique.

b- La crise de la notion de service public.

Elle est perceptible à travers la rupture de la double relation entre service public et droit
administratif et entre service public et personne publique.

L’émergence des SPIC fonctionnant dans les mêmes conditions que les entreprises privées a
amené le juge à décider que les litiges nés du fonctionnement de ces services et notamment de
leurs rapports avec les usagers sont de la compétence du juge judiciaire. C’était là un démenti
aux thèses de l’Ecole du service public puisqu’il pouvait exister des services publics soustraits à
l’empire du droit administratif et du juge administratif. [solution consacrée le 22 janvier 1921
par le Tribunal des conflits dans l’affaire du bac d’Eloka et peu après par le Conseil d'Etat dans
son arrêt Soc. Générale d’armement du 23 décembre 1921].

En outre, depuis les arrêts du Conseil d’Etat français Etablissements Vezia 6, en 1935, Caisse
primaire aide et protection7 en 1938, Magnier8 en 1961…, la structure du droit administratif
révèle une forte implication des personnes morales de droit privé dans la gestion des services
publics emportant l’usage de prérogatives de puissance publique. Autrement dit, certaines
personnes morales de droit privé peuvent exercer des missions d’intérêt général.
Cette importante donnée perceptible dans l’évolution du droit administratif, a été saisie par le
juge sénégalais. A travers l’arrêt Dial Diop C/Fédération sénégalaise de Football (CE du
Sénégal 27 Avril 1994, BACE n° 1 p.62), il estime que « les actes pris par la fédération
sénégalaise de football dans les limites de la délégation de pouvoir sont des actes formellement
administratifs, relevant de la compétence du juge de l’excès de pouvoir ».

6
Un décret en date du 9 novembre 1933, a conféré à la colonie le droit d'acquérir par la voie de l'expropriation pour cause d'utilité publique,
dans l'intérêt des sociétés indigènes de prévoyance en Afrique occidentale française, les immeubles nécessaires à leur fonctionnement. Une SA,
Les Etablissements Vézia, dont le siège social est à Dakar [Sénégal] introduit un REP que le CE rejette.

7
Le service des assurances sociales est un service public dont la gestion est confiée à des caisses dites primaires, organismes ayant le caractère
d’un « établissement privé.
8
Pour mettre certains organismes privés à même d'exécuter la mission de service public qui leur est ainsi confiée (effectuer, sur la demande du
service de la protection des végétaux, les traitements insecticides et anticryptogamiques reconnus nécessaires), le législateur leur a conféré
diverses prérogatives de puissance publique notamment prendre des décisions unilatérales individuelles qui présentent le caractère d'actes
administratifs relevant de la compétence de la juridiction administrative et qui s'imposent aux propriétaires ou usagers intéressés.

4
Pour tenir compte de cette évolution, il convient de définir le droit administratif comme
l’ensemble des règles juridiques applicables à l’activité administrative des personnes morales.
Section 2 : Les caractères du droit administratif

Le droit administratif est né d’un principe, le principe de la séparation des pouvoirs et d’une
œuvre jurisprudentielle, celle du Tribunal des conflits et du Conseil d'Etat. Ce contexte
d’apparition explique les caractères du droit administratif

Paragraphe 1 – Le droit administratif, un droit autonome.

L’autonomie du droit administratif signifie que ce droit est constitué par un corps de règles
propres. En effet, l’administration, dans les pays de tradition française, a la particularité de
mettre en œuvre un droit spécifique qui régit son propre fonctionnement interne et les rapports
avec les administrés. Contrairement à ce qui se passe dans les pays anglo-saxons,
l’administration, dans ces pays, peut appliquer un droit qui lui est propre, distinct du droit privé
en ses principes mêmes et pas seulement par certaines dispositions.

Une raison historique et une raison pratique expliquent cette autonomie.


Du point de vue historique, c’est le principe de la séparation des autorités administratives et
judiciaires consacré par la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III et dont la
mise en œuvre a permis la création d’une juridiction administrative au XIXe siècle, qui explique
l’autonomie de droit administratif.
Du point de vue pratique, l’autonomie découle du fait que l’administration ne doive pas être
soumise au même droit que les particuliers parce qu’elle a une activité essentiellement dédiée à
l’intérêt général. Elle doit pouvoir utiliser des prérogatives exceptionnelles de coercition que ne
saurait utiliser un particulier (par exemple, le pouvoir de modifier dans certaines conditions les
clauses d’un contrat ou même d’exproprier un particulier pour cause d’utilité publique).

Il faut alors appliquer à l’administration un droit propre, un droit de privilèges apte à lui
permettre de mettre en œuvre la puissance publique tout en respectant les droits fondamentaux
du citoyen. En effet, l’administration est, en même temps soumise au principe de légalité et à
des sujétions particulières (par exemple, le principe d’une responsabilité sans faute).

Selon le Doyen G. Vedel, l’autonomie du droit administratif s’analyse comme un corps de


règles « répudiant en bloc le droit privé. Cette conception est relativement consacrée par l’arrêt
du T.C. rendu le 08 février 1873 Blanco « Considérant que la responsabilité qui peut incomber à
l’Etat pour les dommages causés aux particuliers par le fait des personnes qu’il emploie dans le
service public, ne peut être régie par les principes qui sont établis dans le Code civil, pour les
rapports de particulier à particulier ».
Cet arrêt consacre l’autonomie du droit administratif, droit de privilèges et de sujétions tout à la
fois. Elle implique l’application de règles spécifiques et, parfois, la compétence de tribunaux
spécifiques (en France ou au Gabon, par exemple, tribunaux administratifs, cours
administratives d’appel…). Cependant, la portée de cette autonomie n’est pas absolue.
L’administration peut dans certaines circonstances, se voir appliquer le droit privé. Elle est alors
redevable, comme les particuliers, des règles et des tribunaux de droit commun. En outre, on
assiste à une irruption massive dans le monde administratif de concepts de droit privé (notion de
propriété, de contrat, de responsabilité, de biens de l’administration…). Il ne faut pas également
5
perdre de vue la constitutionnalisation de secteurs variés de l’administration et l’intégration des
Etats à un cadre communautaire qui crée des règles qui s’imposent aux autorités administratives.

Paragraphe II- Le droit administratif, un droit d’origine jurisprudentielle.

Le droit administratif n’a pu se développer que parce que les juridictions administratives ont,
devant la carence du législateur, déterminé elles-mêmes ses notions fondamentales et ses
principes déterminants. Ces juridictions administratives ont progressivement forgé un corps de
règles spécifiques applicables à l’administration en interprétant les lois existantes. C’est dans
ces conditions qu’elles vont déterminer le régime de l’action administrative, le régime général
de la responsabilité publique, le régime des contrats administratifs, etc. Le droit administratif est
né.

C’est dire que l’origine jurisprudentielle, trait le plus caractéristique du droit administratif,
résulte de circonstances historiques propres à la France.

Ce trait caractéristique est aujourd’hui limité par la codification du droit dont la vertu principale
est de rendre la règle de droit accessible et claire. L’œuvre de codification constatée en France
est vivement encouragée par le Conseil constitutionnel qui se réfère, à travers sa décision du 26
juin 2003, au principe de clarté de la loi qui fonde l’objectif de valeur constitutionnelle
d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi. C’est que, derrière la codification se profile le
principe de sécurité juridique qui est un principe du droit administratif européen. Cette
jurisprudence encourage le gouvernement à simplifier le droit et à poursuivre sa codification.
Paragraphe III : Le droit administratif, un droit en mutation
Le droit administratif est classiquement présenté comme un droit exorbitant du droit privé. Les
prérogatives reconnues à l’administration ne se retrouvent pas dans les relations entre
particuliers. Elles sont justifiées par la recherche de la satisfaction de l’intérêt général.
Aujourd’hui, le droit administratif subit une mutation liée à une pluralité de facteurs. Celle-ci
affecte son exorbitance. Entre autres facteurs, il faut souligner l’élargissement des acteurs du
droit administratif (personne morale de droit public et personne morale de droit privé), la
diversification des sources du droit administratif avec l’irruption du droit international et du
droit communautaire, l’impératif de protection des droits fondamentaux de la personne
humaine. Droit de l’action administrative, le droit administratif devient de plus en plus un droit
de protection des citoyens.
L’explication est à trouver dans le fait que l’administration, «bras séculier du pouvoir exécutif»
(Charles Debbasch), est soumise à la philosophie dont s’inspire le régime constitutionnel. C’est
ainsi qu’en fonction de l’état de la démocratie, la tendance sera soit de valoriser les prérogatives
de la puissance publique, soit d’assurer la plus grande protection possible des administrés face
aux activités de l’administration. Cette tendance sera illustrée par des phénomènes comme
l’émergence des autorités administratives indépendantes, l’extension du champ de la motivation
obligatoire, l’extension du champ des décisions implicites d’acceptation, l’approfondissement
de la décentralisation, etc.
Section 3 : Les spécificités du droit administratif africain.

6
Au lendemain des indépendances, les pays africains de tradition juridique française n’ont pas
rompu avec le modèle français de droit administratif français qui a été introduit en Afrique noire
française par le colonisateur. Au contraire, s’est développé un phénomène de mimétisme
consistant à reprendre purement et simplement les règles du droit administratif français. Par
exemple, à l’image du droit français, le droit administratif africain traduit des rapports
d’inégalité juridique entre l’administration et les particuliers. Ce caractère inégalitaire est
souvent présenté comme ayant une plus grande portée en Afrique. Cela est justifié par
l’immensité des fonctions qui incombent à l’administration dans l’œuvre de développement
économique des pays africains.
Sous certains rapports et dans certains secteurs pourtant, des efforts sont faits dans le sens de
donner au droit administratif africain une relative spécificité.
Paragraphe I : Des éléments de ruptures d’avec le modèle français.
Les efforts faits dans le sens de donner au droit administratif africain une relative spécificité
sont observables, de prime abord, dans le domaine de la codification. Contrairement au modèle
français, le droit administratif africain est un droit essentiellement écrit. Cela découle d’une
option de politique juridique en rapport avec le contexte africain. Au Sénégal, il faut noter
l’existence d’un code des obligations de l’administration (loi n° 65-51 du 19 juillet 1965
modifié) qui codifie, pour l’essentiel, la jurisprudence française en matière de contrat et de
responsabilité. Le caractère écrit du droit africain est renforcé par la législation communautaire.
C’est le cas de nombreuses directives et règlements de l’UEMOA qui lient l’administration et
exercent une influence certaine sur le droit administratif africain.
Il en est également ainsi de l’adoption du système d’unité de juridiction c'est-à-dire qu’il
n’existe qu’un seul ordre de juridiction avec les mêmes juges qui sont compétents aussi bien en
matière administrative qu’en matière judiciaire. Pour préserver la spécificité du droit
administratif, des règles de procédures spéciales ont été aménagées.
Il en est ainsi, enfin, par l’existence de règles de fond différentes de celles du droit français ou
de législations spécifiques. Il en est ainsi des règles du droit de la famille ou de la législation
foncière en droit sénégalais qui sont différentes du droit français.
Paragraphe II : Une mutation dans la contrainte
Deux facteurs principaux expliquent les mutations du droit administratif en Afrique :
Il y a d’abord la transformation de l’environnement économique sous la contrainte des bailleurs
internationaux. Le désengagement de l’Etat de l’économie et la modernisation de
l’Administration sont préconisées dans les programmes d’ajustement structurel. Le
désengagement de l’Etat implique un engagement corrélatif du secteur privé tandis que la
modernisation de l’Administration vise à transformer une administration bureaucratique en une
administration au service du développement.
Le désengagement matérialisé par la privatisation d’entreprises du secteur parapublic et la
promotion de la concurrence avec le démantèlement des monopôles entraîne inéluctablement
une réduction du champ d’application du droit administratif avec le rétrécissement de la gestion
publique et du service public.
Il y a ensuite les transformations de l’environnement politique consécutives à la démocratisation
des systèmes politiques des années 90. En effet, à partir de l’année 1990, il y a eu un contexte -

7
l’implosion de l’U.R.S.S. et l’effondrement du communisme en Europe Centrale et Orientale,
La Baule, l’exacerbation des effets dévastateurs de la crise économique et la thérapeutique de
choc imposée par les institutions financières internationales- qui a incontestablement fragilisé
les pouvoirs africains.
Ce contexte a obligé bon nombre d’Etats africains n’ayant connu que des régimes de
monopartisme depuis leur accession à l’indépendance, à se résigner, par nécessité, au pluralisme
politique et à se soumettre à certaines de ses contraintes : multipartisme, organisation
d’élections libres et transparentes, consécration des droits et libertés.
La protection des droits et libertés fondamentaux, comme un peu partout est devenu, un élément
essentiel dans les rapports entre l’administration et les administrés.

8
PREMIERE PARTIE: L’ACTION ADMINISTRATIVE

Le droit administratif est avant tout le droit de l’action administrative. Il est destiné à permettre
à l’administration qui a pour raison d’être de satisfaire des besoins d’intérêt général, d’agir.
L’action administrative est exercée à travers une multitude de personnes morales juridiquement
distinctes les unes des autres et dont chacune a ses organes, son personnel, ses moyens d’action
(Titre1). Pour agir, la raison d’être de l’administration explique qu’elle puisse utiliser des
procédés exorbitants du droit commun à travers l’acte administratif unilatéral et le contrat
administratif (Titre 4) même si son activité est limitée par le principe de légalité (Titre 2),
qu’elle ait pour mission d’assurer le bon fonctionnement des services publics et d’exercer la
police administrative (Titre 3).
TITRE I- L’Organisation administrative

L’organisation administrative sénégalaise s’inspire fortement de celle de la France. Le système


administratif français est caractérisé par la distinction entre administration d'Etat et
administration décentralisée.

Chapitre unique- Les principes de base de l’organisation administrative.

L’organisation administrative a pour objet de permettre à l’Etat et aux nombreuses institutions


qu’il met en place de répondre aux besoins de la population. Le pouvoir de décision doit être
organisé. Cette organisation relève des techniques de la déconcentration et de la
décentralisation.
Section 1ère: La déconcentration

Paragraphe1er : Signification et avantages de la déconcentration


La déconcentration est une technique d’organisation qui consiste à remettre d’importants
pouvoirs de décision à des agents du pouvoir central placés à la tête de diverses circonscriptions
administratives ou de divers services. Elle s’analyse comme une technique de transfert de
certaines attributions administratives du pouvoir central au plan local, au bénéfice d'un agent de
l'Etat nommé par le pouvoir central et soumis au pouvoir hiérarchique. La déconcentration
suppose l’existence de circonscriptions administratives et des autorités nommées qui exercent
l’autorité de l’Etat au niveau local.
La déconcentration permet d’éviter un engorgement du pouvoir de décision au plus haut niveau
administratif. Elle rapproche ainsi l’administration des administrés en mettant à la disposition de
ces derniers des interlocuteurs sur place qui peuvent mieux comprendre les réalités locales.
L’ensemble des services déconcentrés constitue l’administration territoriale

Paragraphe 2 : L’administration territoriale au Sénégal


L’administration territoriale a beaucoup évolué au Sénégal depuis son indépendance. Les années
1960 et 1972 constituent des années repères dans la politique de structuration de
l’administration territoriale d’Etat du Sénégal.

A- La réforme de 1960
Les unités administratives du Sénégal ont été mises en place par la loi n° 60-015 du 13 janvier
1960 qui constitue le premier cadre juridique de référence de l’organisation administrative du
Sénégal. Cette réforme de 1960 divise l’ensemble du territoire en sept régions (Cap-Vert, Thiès,
9
Diourbel, Fleuve, Sénégal Oriental, Sine-Saloum, Casamance).Chaque région est divisée en un
nombre variable de cercles. Chaque cercle est divisé en arrondissements comprenant la totalité
des communautés rurales et des villages inclus dans le territoire du cercle. Le nombre maximum
d’arrondissements est fixé pour l’ensemble du territoire à quatre-vingt-dix (90).
L’article 1er de la loi n° 60-015 prévoit que le village est la cellule administrative de base. Un
ensemble de villages, groupés pour des raisons économiques, forme une communauté rurale.
Ces trois types d’unités administratives institués par la loi n° 60-015 sont repris et réaménagés
par le décret n° 64-282 du 3 avril 1964 fixant l’organisation administrative de la République 9,
qui remplace les cercles par les départements.
B – La réforme de 1972
Le système mis en place en 1972 présente deux types de structures territoriales :
l’administration territoriale d’Etat et l’administration locale. En ce qui concerne
l’administration territoriale d’Etat, la loi n° 72-02 du 1 er février 1972 relative à l’organisation de
l’administration territoriale10 reprend, en les réaménageant, les trois types d’unités
administratives déconcentrées ainsi que leurs organes, institués par le décret n° 64-282 du 3
avril 1964 relatif à l’organisation administrative de la République 11. Ces unités sont les
suivantes :
La région. Elle est administrée par un gouverneur. La loi n° 72-02 confirme l’existence de sept
régions prévues déjà dans le décret précité du 3 avril 1964 désignées dans l’ordre alphabétique :
Cap-Vert, Casamance, Diourbel, Fleuve, Sénégal-Oriental, Sine-Saloum et Thiès.
Le département. Il est administré par un préfet, subordonné hiérarchique du gouverneur. Les
départements sont en fait les anciens cercles, institués par la loi n° 60-15 du 13 janvier 1960
portant réforme de l’organisation administrative de la République du Sénégal. Ils ont ainsi
conservé les noms desdits cercles et sont au nombre de 27 (auxquels s’ajoutent les trois
nouveaux départements de la région de Dakar.
L’arrondissement. Il est administré par le sous-préfet, subordonné hiérarchique du préfet. Les
arrondissements sont au nombre de 90.
C – La réforme de 1984
La réforme de 1984 a été justifiée par le souci de rationalisation du découpage administratif. En
réalité, le souci de rationaliser ne date pas de 1984 mais de 1976. En effet, en 1976, à travers la
loi n° 76-61 du 26 juin 1976, une huitième région a été créée à travers la division de la région de
Diourbel en deux : celle de Diourbel et celle de Louga (avec pour départements, Kébémer,
Louga et Linguère).
A travers la réforme de 1984, il s’est agi d’abord de réaménager les régions ; ensuite de fixer le
ressort territorial des unités administratives. La nouvelle loi a, enfin, uniformisé l’appellation
des régions qui prennent désormais le nom de la commune chef-lieu. En ce qui concerne les
régions réaménagées, la loi n° 84-22 du 24 mars 1984 divise l’ancienne région de Casamance en
deux nouvelles régions : celle de Ziguinchor regroupant les départements de Bignona, Oussouye
et Ziguinchor et celle de Kolda comprenant les départements de Sédhiou, Vélingara et Kolda.

9
J.O. n° 3679 du 2 mai 1964, pp. 587-589.
10
J.O. n° 4209 du 19 février 1972, pp. 251-253.
11
J.O. n° 3679 du 2 mai 1964, pp. 587-589.
10
L’ancienne région de Sine-Saloum est ainsi divisée en deux nouvelles régions, celle de Fatick
comprenant les départements de Fatick, Foundiougne et Gossas et celle de kaolack regroupant
les départements de Kaolack, Kaffrine et Nioro-du-Rip.
Avec la réforme de 1984, le Sénégal était désormais divisé en dix régions 12. Chaque région est
divisée en trois départements. Sauf dans la région de Dakar, chaque département est divisé en
communes, d’une part et en arrondissements d’autre part13.
D- L’organisation actuelle de l’administration territoriale.
Les régions sont actuellement au nombre de 14, depuis la création de la région de Matam(voir
loi n° 2002-02 du 15 février 2002 modifiant la loi n° 72-02 du 1er février 1972 relative à
l’organisation de l’administration territoriale) puis celle de trois nouvelles régions en 2008 :
Kaffrine, Kédougou et Sédhiou (voir loi n°2008-14 du 18 mars 2008 modifiant la loi n° 72-02
du 1er février 1972 portant organisation de l’Administration territoriale.

Aux termes de l’article premier de ladite loi, l’organisation de l’Administration territoriale de la


République est fixée ainsi qu’il suit :

L’ensemble du territoire de la République est divisé en quatorze régions ;


chaque région est divisée en départements ;
chaque département comporte une ou plusieurs communes et un ou plusieurs
arrondissements ;
chaque arrondissement est divisé en communautés rurales. Toutefois, dans les villes, des
arrondissements regroupant des communes d’arrondissements, peuvent être créés.
la ville est une commune divisée en communes d’arrondissement ;
la commune d’arrondissement est un démembrement d’une ville dotée de la personnalité
morale et de l’autonomie financière ;
la communauté rurale comprend un certain nombre de villages appartenant au même terroir ;
le village constitué par la réunion de plusieurs familles ou carrés en une seule agglomération
est la cellule administrative de base.

Section 2 : La décentralisation

La décentralisation comporte deux modalités : la décentralisation territoriale et la


décentralisation technique ou par service.
La décentralisation territoriale renvoie à une modalité de répartition juridique des compétences
dans laquelle un certain nombre de missions administratives sont confiées à des entités
autonomes par rapport au gouvernement central. La décentralisation technique ou par service
dite encore fonctionnelle se traduit par l’apparition de personnes morales de droit public
spécialisées telles que les établissements publics14.

12
Les dix régions sont désignées ainsi qu’il suit : Dakar, Diourbel, Fatick, Kaolack, Louga, Saint-Louis, Tambacounda, Thiès et
Ziguinchor.
13
Dans la région de Dakar, chaque département comporte une commune et éventuellement une ou plusieurs communautés
rurales (cf. article 1er de la loi n° 84-22).
14
Le premier texte au Sénégal concernant les établissements publics est la loi n° 66-27 du 2 mai 1966 relative aux
établissements publics, aux sociétés d’économie mixte et aux personnes morales de droit privé bénéficiant du concours financier
de la puissance publique.
Sous l’empire de ce texte, il n’existait que trois catégories d’établissements publics ; à savoir :
- les établissements publics à caractère administratif (EPA),
- les établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC),
- les établissements publics à caractère professionnel (EPP).
11
Paragraphe 1er :La décentralisation territoriale
Cette modalité de décentralisation repose sur une base géographique. Elle est opérée au profit de
collectivités territoriales15 administrées par des autorités locales élues, distinctes et autonomes
de l’Etat.Le département et la commune constituent les deux ordres de collectivités
décentralisées au Sénégal depuis l’entrée en vigueur de la loi n°2013-10 du 28 décembre 2013
portant code général des collectivités locale.
Ces collectivités disposent d'une compétence d'attribution par opposition à l'Etat investi de la
compétence générale et sont placées sous un régime de liberté surveillée (tutelle exercée par un
agent du pouvoir central).

Paragraphe 2: L’histoire de la décentralisation au Sénégal

L’expérience de décentralisation au Sénégal remonte à la période coloniale plus précisément


à1872 avec la création des communes de Saint-Louis et de Gorée. En vérité, le mouvement
communal est même plus ancien dans la mesure où dès l’année 1778, la ville de Saint Louis
avait un maire élu. En 1880, Rufisque fut érigée en commune et Dakar le sera en 1887.
Ces quatre communes étaient dites de plein exercice car elles étaient soumises à un régime de
droit français.
Ce mouvement communal se poursuivra au début du XXe siècle avec la création entre 1904 et
1926 des communes mixtes. La commune mixte était gérée par un administrateur nommé (le
chef de circonscription) et par une commission municipale tantôt nommée tantôt élue au
suffrage universel.
En 1955 furent créées à travers la loi n°55-1489 du 18 novembre 1955 les communes de
moyen exercice qui se caractérisaient par le fait qu’elles étaient gérées par un administrateur à
temps plein.
Entre 1957 et 1960 toutes les communes mixtes seront transformées en communes de moyen
exercice.
En 1966, le statut de commune de plein exercice est élargi à toutes les communes avec
l’adoption du code de l’administration communal (loi n°66-64 du 30 juin 1966). Les autorités
ont depuis lors opté pour une politique de décentralisation progressive et prudente marquée
schématiquement par trois étapes reproduites ci-dessous :
A- 1ère étape (1960 – 1990) : Une décentralisation limitée
Pour plusieurs raisons, la décentralisation est limitée au Sénégal : d’abord elle ne concerne de
1960 à 1972 que les communes ; ensuite elle se caractérise par une certaine méfiance de l’Etat
qui se manifeste par une autonomie fort réduite.
Dans les communes chefs lieu de région, des régimes spéciaux avaient été instaurés. Au lieu
d’un maire, c’est un fonctionnaire de la hiérarchie A (l’administrateur de la commune) qui y
L’article 327 de la loi n° 96-06 du 22 mars 1996 portant Code des Collectivités locales modifiée ouvre la possibilité pour ces
entités de créer des établissements publics locaux (EPL). C’est sur ce fondement que les agences régionales de développement
(ARD) ont été érigées en EPL à caractère administratif par le décret n° 2008-517 du 20 mai 2008,
La loi n° 97-13 du 2 juillet 1997 est venue créer les établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST) et
fixer leurs règles d’organisation et de fonctionnement.
Les établissements publics de santé (EPS) ont été créés par la loi n° 98-08 du 2 mars 1998 portant réforme hospitalière et la loi
n° 98-12 du 2 mars 1998 fixe leurs règles d’organisation et de fonctionnement.
Les établissements publics à caractère spécial (EPCS) sont créés par les textes suivants :
- la loi n° 2001-15 du 27 décembre 2001 portant Code des Télécommunications, modifiée par la loi n° 2006-02 du 4 janvier
2006 : pour l’Agence de régulation des Télécommunications et de la Poste (ARTP) ;
- la loi n° 2006-03 du 4 janvier 2006 : pour la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC).

15
Aux termes de l’article 102 de la Constitution du Sénégal, les collectivités territoriales constituent le cadre institutionnel de la
participation des citoyens à la gestion des affaires publiques. Elles s’administrent librement par des assemblées élues au
suffrage universel direct. Elles participent à la faveur de la territorialisation des politiques publiques à la mise en œuvre de la
politique générale de l’Etat ainsi qu’à l’élaboration et au suivi des programmes de développement spécifique à leurs territoires.
12
jouait le rôle d’Exécutif à côté d’un organe délibérant, le conseil municipal à la tête duquel se
trouve le président du conseil municipal.
Dans les communautés rurales créées à partir de 1972 (loi n° 72-25 du 29 avril 1972), c’est le
sous-préfet, qui gère le budget de la collectivité. Il y a pourtant un conseil élu dirigé par le
président du conseil rural.

B- 2ème étape (1990 – 1996) : Un approfondissement de la décentralisation


entamé.

Dans les communes, le statut spécial et le poste d’administrateur de commune sont supprimés
avec l’adoption de la loi n° 90-35 du 8 octobre 1990 (Cela a été fait pour Dakar en 1983).
Chacune de ces collectivités a désormais à sa tête, un maire qui assure la gestion quotidienne
de la localité.
Dans les communautés rurales, la gestion du budget est retirée au sous-préfet par la loi n°90-37
du 8 octobre 1990. Le président du conseil rural est responsabilisé pour ce faire.
Il y a certes approfondissement de la décentralisation mais la surveillance de l’Etat est toujours
étroite. Elle s’exerce surtout par le biais de la tutelle sur les actes. C’est ainsi que suivant les cas,
l’autorité de tutelle dispose soit du pouvoir d’approbation expresse ou tacite, soit du pouvoir
d’annuler elle-même, dans certains cas, les actes illégaux, soit, toujours dans certains cas, du
pouvoir de substitution d’action ( possibilité d’accomplir un acte aux lieu et place de l’autorité
décentralisée).
Le contrôle de tutelle est nécessaire pour assurer d’abord une bonne application de la loi
(contrôle de légalité) et, exceptionnellement pour assurer une bonne administration (contrôle
d’opportunité).
C- 3ème étape (1996- 2013) : Une responsabilisation plus accrue des CL.

En 1996, les autorités estiment "qu’il est temps de mieux approfondir la décentralisation en
considérant les collectivités locales comme majeures, de mieux répondre à l’exigence du
développement économique en créant entre les administrations centrales de l’Etat et les
collectivités locales de base des structures intermédiaires, les Régions, destinées à servir de
cadre à la programmation du développement économique, social et culturel "(exposé des motifs
de la loi n°96-06 du 22 mars 1996). C’est ainsi que le contrôle d’approbation a priori est
supprimé et remplacé par un contrôle de légalité a posteriori exclusivement exercé par le juge.
Une nouvelle catégorie de collectivité décentralisée (la Région) est créée dans le but de
rapprocher les décisions à la base. Toujours dans le cadre de la responsabilisation plus accrue
des collectivités locales, la loi n° 96-07 du 22 mars 1996 portant transfert de compétences aux
Régions, aux Communes et aux Communautés rurales est adoptée en application de l’article 5
du code des collectivités locales.
D- 4ème étape (Depuis 2013) :L'Acte III de la décentralisation

A travers la loi n° 2013-10 du 28 décembre 2013 portant code général des CL, les mutations
suivantes sont notées dans la politique de décentralisation :
- Suppression de la région, collectivité locale ;
- Erection des départements en collectivités locales ;
- Communalisation intégrale par l’érection des communautés rurales et des
communes d’arrondissement en communes ;
- Répartition des neuf domaines de compétences jusqu’ici transférées entre les deux
ordres de collectivités locales que sont le département et la commune.

13
La réforme appelée « Acte III de la décentralisation» a érigé le département en collectivité
locale. L’institution départementale était jusqu’à cette date une circonscription administrative
déconcentrée dépourvue de personnalité juridique à la tête de laquelle se trouver un préfet,
subordonné hiérarchique du gouverneur. Cette institution demeure et coexiste désormais avec le
département, personne morale de droit public. Le département est créé par décret. Le décret
détermine le nom du département, en situe le chef-lieu et en fixe le périmètre.
1: Le département
a : Les organes du département
Le conseil départemental par ses délibérations, le président du conseil départemental par
l'instruction des affaires et l'exécution des délibérations concourent à l'administration du
département.
- Le conseil départemental
Le conseil départemental est l'organe délibérant du département. Il est composé de conseillères
et de conseillers départementaux élus pour cinq ans. Le conseil élit en son sein un bureau
composé d'un président, d'un premier vice-président, d'un second vice-président et de deux
secrétaires. Les membres du bureau, en raison des responsabilités qui leur sont dévolues,
doivent savoir lire et écrire dans la langue officielle.
Après le président et les membres du bureau dans l'ordre de leur élection, les conseillers
départementaux prennent rang dans l'ordre du tableau qui est déterminé par la date la plus
ancienne des élections intervenues depuis le dernier renouvellement intégral des conseils locaux
et entre conseillers élus le même jour, par la priorité d'âge.
- Le président du conseil départemental
Le président du conseil départemental est l'organe exécutif du département. Il est élu pour la
même durée que le conseil départemental. Il prépare et exécute les délibérations du conseil
départemental. Il est le chef des services décentralisés du département. Il peut, sous sa
surveillance et sous sa responsabilité, donner délégation de signature aux membres du bureau.
b : Les compétences du département
Aux termes de l’articles 27 du code général des collectivités locales, le département a
compétence pour promouvoir le développement économique, éducatif, social, sanitaire, culturel
et scientifique, pour réaliser les plans départementaux de développement et organiser
l'aménagement du territoire dans le respect de l'intégrité, de l'autonomie et des attributions des
autres collectivités locales.
Il peut engager des actions complémentaires de celles de l'Etat et des autres collectivités locales
situées dans la région circonscription administrative, dans les domaines et les conditions fixés
par la loi.
Le Département peut passer des conventions avec l'Etat ou avec d'autres collectivités
locales ou leurs groupements, pour mener avec eux des actions relevant de leur compétence,
dans le strict respect de leurs attributions.
Il peut proposer aux communes du ressort du département toutes mesures tendant à favoriser la
coordination des investissements locaux et des actions de développement, sous réserve des
dispositions de l'article 15 du présent code.
2 : La commune
a : Statut de la commune
Aux termes de l’article 71 du CGCL, la commune est une collectivité locale, personne morale
de droit public. Elle regroupe les habitants du périmètre d'une même localité composé de
quartiers et/ou de villages unis par une solidarité résultant du voisinage, désireux de traiter de
leurs propres intérêts et capables de trouver les ressources nécessaires à une action qui leur soit
particulière au sein de la communauté nationale et dans le sens des intérêts de la nation.
Les quartiers et les villages constituent les cellules administratives de base dont le statut est
déterminé par décret. Le conseil municipal par ses délibérations, le maire par ses décisions,
14
par l'instruction des affaires et l'exécution des délibérations, concourent à l'administration de la
commune.
b : Compétences de la commune
Le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune. Il doit assurer à
l'ensemble de la population, sans discrimination, les meilleures conditions de vie. Le conseil
municipal donne son avis toutes les fois que celui-ci est requis par les lois et règlements ou à la
demande du représentant de l'Etat.
Il peut émettre des vœux, par écrit, sur toutes les questions ayant un intérêt local, notamment sur
celles concernant le développement économique et social de la commune.
En outre, il exerce un nombre important de compétences énumérées à l’article 81 du CGCL 16.
c : Les organes de la commune
Ils sont au nombre de deux : un organe délibérant et un organe exécutif. Le conseil municipal,
composé de conseillères et de conseillers municipaux élus pour cinq ans au suffrage universel
direct, est l'organe délibérant de la commune.
Le maire est l'organe exécutif de la commune. Il est élu par le conseil municipal, en son sein. Le
maire est assisté par les adjoints, dans l'ordre de leur élection. Le maire et les adjoints sont élus
pour la même durée que le conseil municipal.
Le maire est secondé par ses adjoints qui forment avec lui le bureau municipal.
Le bureau municipal donne son avis toutes les fois que cet avis est requis par les lois et
règlements ou qu'il est demandé par le représentant de l'Etat.

16
1. les modalités d'exercice de tout droit d'usage pouvant s'exercer à l'intérieur du périmètre communal, sous réserve des
exceptions prévues par la loi ;
2. le plan général d'occupation des sols, les projets d'aménagement, de lotissement, d'équipement des périmètres
affectés à l'habitation, ainsi que l'autorisation d'installation d'habitations ou de campements;
3. l'affectation et la désaffectation des terres du domaine national ;
4. la création, la modification ou la suppression des foires et marchés ;
l'acceptation ou le refus des dons et legs ; ...
6. le budget de la commune, les crédits supplémentaires ainsi que toutes modifications du budget ;
7. les projets locaux et la participation de la commune à leur financement ;
8. les projets d'investissement humain ;

15
Titre 2. Le Principe de légalité.

Le principe de la soumission de l’administration au droit est une donnée récente car,


historiquement, toute limitation de l’Etat et de son administration était considérée comme
contraire au principe de souveraineté. La légalité, c’est la qualité de ce qui est conforme à la loi.
Mais dans cette définition, le terme « loi » doit être entendu au sens général de droit. La légalité
exprime donc la conformité au droit et est synonyme de régularité juridique. C’est pourquoi,
certains auteurs préfèrent utiliser l’expression « principe de juridicité ».

Chapitre 1: Les sources de la légalité administrative

Les règles de droit encadrant l’activité de l’administration - que l’on qualifie souvent de sources
de la légalité administrative - sont nombreuses et ont des origines variées. Par ordre décroissant
dans la hiérarchie des normes, il s’agit des sources à valeur constitutionnelle, des sources
internationales, des lois, des principes généraux du droit, des décisions juridictionnelles, des
règles jurisprudentielles et des actes édictés unilatéralement par l’administration elle-même.
Tout acte administratif unilatéral ou tout contrat administratif violant l’une de ces sources est
donc illégal, et susceptible d’être annulé par le juge de l’excès de pouvoir.

Section1 : Les règles ayant une origine étrangère à l’administration.

Au premier rang de ces règles figure la Constitution

Paragraphe 1 Les sources à valeur constitutionnelle

L’obligation pour l’administration de respecter la Constitution vaut pour la Constitution stricto


sensu mais également pour le préambule et pour l’ensemble des textes auxquels ce dernier fait
référence.

A- La Constitution

La Constitution est, dans l’ordre interne, la norme suprême. Le respect de la constitution


s’impose à tous les organes de l’Etat et notamment à toutes les autorités administratives. C’est la
Constitution dans son ensemble qui s’impose à l’administration. En fait, seuls certains de ses
articles ont vocation à encadrer son action, en soumettant celle-ci à des règles de compétence, de
procédure et de fond. Aux termes des dispositions de l’article 43, le Président de la République
signe les ordonnances et les décrets et dispose d’un pouvoir réglementaire sur le fondement de

16
l’article 76. Le règlement, moyen d’intervention par excellence de l’autorité administrative
trouve sa source dans la constitution.

B- Les autres sources à valeur constitutionnelle.

Le préambule de la Constitution proclame l’adhésion du peuple du Sénégal souverain à la


Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, à la Déclaration Universelle des
Droits de l'Homme du 10 décembre 1948, à la Convention sur l'élimination de toutes les formes
de discrimination à l'égard des femmes du 18 décembre 1979, à la Convention relative aux
Droits de l’Enfant du 20 novembre 1989 et à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des
Peuples du 27 juin 1981.Par ce fait, la constitution maintien en vigueur tous ces textes.

Le Conseil Constitutionnel du Sénégal a affirmé dans ses décisions du 23 juin 1993 (rabat
d’arrêt) et du 16 décembre 1993 (OHADA) que le préambule de la Constitution a une force
juridique identique au texte même de la constitution suivant en cela le Conseil d’Etat français
qui a conféré au préambule une juridicité dès son arrêt du 12 février 1960 Eky. Cette démarche
du juge de l’excès de pouvoir a été confirmée par le Conseil Constitutionnel français dans sa
décision du 16 juillet 1971 (Liberté d’association) à travers laquelle il a confirmé la valeur
constitutionnelle du Préambule de 1946.

C’est donc la Constitution dans son ensemble qui constitue une source de la légalité
administrative. Tout acte administratif qui méconnaît une disposition de la Constitution encourt
l’annulation C.S. 6 février 1974, Abdourahmane Cissé, Annales Africaines 1974 p.65 (référence
à la liberté de presse consacrée par l’article 8 de la constitution). Il faut mentionner cependant
que le principe qui veut que tout acte administratif qui viole l’une des sources sus mentionnées
ait vocation à être annulé par le juge comporte une exception qui correspond à l’hypothèse de
« la loi-écran »

C- Le problème de l’écran législatif.

La Constitution comme source de la légalité administrative connaît une limite essentielle, celle
relative au fait qu’une loi peut s’intercaler entre la Constitution et l’acte administratif. Or, le
juge administratif ne contrôle pas la constitutionnalité de la loi. Si donc il est saisi d’un recours
contre l’acte administratif, il ne peut que le contrôler au regard de la loi. Si celle-ci est contraire
à la Constitution, il doit considérer comme régulier l’acte administratif alors même qu’il est lui
aussi, par voie de conséquence, contraire à la Constitution. C’est l’écran législatif. Le juge

17
administratif s’interdit d’annuler l’acte administratif contraire à la Constitution, dès lors qu’il est
pris conformément à la loi CE 06 novembre 1936, Arrighi RDP 1936 CS 21 février 1978 PDS
GDJAS n° XXI (Jurisprudence constamment confirmée : voir CE 19 novembre 2008,
Communauté urbaine de Strasbourg, AJDA 2009, 425.)

Paragraphe 2 Les sources internationales.

. Elles sont constituées des traités ou accords internationaux et du Droit communautaire.

A/ Les traités internationaux


On observe depuis quelques décennies un phénomène d’internationalisation des sources de la
légalité. L’explication de cette évolution tient largement à la place faite par les Constituons au
droit international. Aux termes des dispositions constitutionnelles (article 98 Sénégal et 55
France), « les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont dès leur publication,
une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve pour chaque accord ou traité, de son
application par l’autre partie ».

Cette disposition fixe la valeur des engagements internationaux et leur place dans la hiérarchie
des normes : ils ont une suprématie sur les lois et constituent une source de la légalité
administrative sous réserve des trois conditions posées par la Constitution et confortées par le
juge (Voir Cour suprême, 29 janvier 1975 Séga Seck FALL, Penant 1976 n° 754, 415 ; GDJAS
2ème éd. p.177 et suiv)

Se pose alors un autre problème : qu’en est-il de la hiérarchie entre les engagements
internationaux et la Constitution elle-même ? La solution est complexe dans la mesure où elle
est variable en fonction du fait que l’on est dans l’ordre international ou dans l’ordre interne.

Dans l’ordre international, le droit international a une supériorité sur les Constitutions des Etats.
Le principe est affirmé par les juridictions internationales devant lesquelles peut être engagée la
responsabilité d’un Etat. Cf. CJCE, 1964, Costa c Enel.

En revanche, dans l’ordre interne, aussi bien au Sénégal qu’en France, la Constitution a une
primauté sur les engagements internationaux. Cf. arrêts Koné du 3 juillet 1996 et Sarran du 30
octobre 1998, Ccass, 02 Juin 2000 Mlle Fraisse, LPA 2001.

S’agissant de la conformité des actes administratifs au droit international, le principe posé par
l’arrêt du CE du 30 mai 1952 Dame Kirkwood (RDP 1952, p.781), permet au juge administratif

18
de contrôler la conformité des actes administratifs au droit international. Un acte administratif
contraire à un traité international encourt ainsi l’annulation. Il faut toutefois que le traité
produise des effets directs en droit interne.

L’évolution de la jurisprudence sur les rapports entre la loi et le traité est complexe et a donné
naissance à une contrariété de décisions entre diverses juridictions.

L’article 55 de la constitution française dispose que le traité est supérieur à la loi qu’en est-il en
cas de contrariété entre une loi et un traité international ?

Si la loi est antérieure au traité, ce dernier primait sur la loi et les actes administratifs.

Si la loi est postérieure au traité, on note des réponses différentes au niveau des juridictions
françaises :

- Le Conseil constitutionnel s’était déclaré incompétent pour apprécier la conformité d’une


loi par rapport à un traité. Pour le juge constitutionnel, les traités ne font pas partie du bloc
de constitutionnalité (CC 15 janvier 1975, IVG, AJDA 1975, p.567).

- La Cour de cassation a fait primer le traité de Rome instituant la CEE sur une loi
postérieure contraire (C Cass. 24 mai 1975, Administration des Douanes C/ Société Café
Jacques Vabre RDP 1975 p.1335.

- Le Conseil d’Etat, dans un premier temps et sur le fondement de l’écran législatif, a refusé
de censurer un acte administratif conforme à une loi postérieure mais contraire au traité.
Pour le juge, la loi fait écran entre le traité et l’acte administratif (CE 1 er mars 1968,
Syndicat des fabricants de semoule de France AJDA 1968, p.235).

La jurisprudence a été unifiée avec l’arrêt d’assemblée, CE 20 octobre 1989, Nicolo R. p.190.
La question de l’antériorité ou de la postériorité n’est plus prise en compte. La jurisprudence fait
primer le traité sur la loi.

Cette vision a été confirmée par la jurisprudence postérieure CE 28 février 1992, S.A. Rothmans
International France et Société Arizona Tobacco products R. CE 1992 p. 603.

Elle est aujourd’hui consolidée, au regard de l’importance du traité dans l’ordre juridique
interne. En effet, il pèse sur l’Etat, une obligation d’assurer le respect des conventions
internationales par les autorités publiques. Il engage sa responsabilité du fait des lois adoptées

19
en méconnaissance des engagements internationaux de la France CE ASS. 08 février 2007
Gardelieu AJDA 2007 p. 585.

B/ Le droit communautaire :

L’ordre juridique communautaire comprend les traités constitutifs qui forment le droit
communautaire originaire ainsi que les actes des organes créés par ces traités qui constituent le
droit communautaire dérivé.

Ce dernier est constitué :

 des règlements qui ont une portée générale et obligatoire dans tous leurs éléments. Les
règlements sont directement applicables et obligatoires en toutes leurs dispositions (CE,
Sect., 22 décembre 1978, Syndicat viticole des Hautes-Graves de Bordeaux, Leb. p. 826.

 des directives qui ne lient l’Etat que quant au résultat à atteindre en laissant aux
instances nationales le choix des moyens. Il appartient à l’Etat de les transposer en droit
interne, dans le délai imparti de sorte qu'elles ne peuvent être invoquées directement à
l'encontre d'un acte individuel (CE, Ass., 22 décembre 1978, Ministre de l'intérieur c/
Cohn-Bendit, Leb. p. 524, GAJA n° 97), mais elles prévalent en revanche sur les actes
législatifs (CE, Ass., 28 février 1992, SA Rothmans International France, Leb. p. 81 et,
Ass., même jour, Société Arizona Tobacco Products et SA Philipe Morris France, Leb.
p. 78) ou réglementaires ;

 des décisions qui sont obligatoires dans tous leurs éléments mais elles ne valent que pour
les destinataires qu’elles désignent.

Paragraphe 3 : Les lois


Elles occupent le troisième rang dans la hiérarchie des normes. Historiquement, c’est la
première source de la légalité administrative. En droit sénégalais, la loi est un acte pris par le
parlement selon une procédure déterminée et portant sur des matières énumérées par la
constitution. La méconnaissance de la loi par un acte administratif entraîne son annulation. Le
20
juge de l’excès de pouvoir exerce un contrôle de régularité formelle afin de s’assurer que la loi
existe réellement, qu’elle est bien applicable et qu’elle n’est pas contraire aux traités (Voir
Nicolo).

Paragraphe 4 : Les règles d’origine jurisprudentielle

Elles sont constituées des principes généraux du droit et des décisions de justice qui s’expriment
sous une forme écrite par le biais des jugements et arrêts.

A- Les Principes généraux du droit (PGD)


Les principes généraux du droit sont des principes non écrits, dégagés par le juge. Leur respect
s’impose à l’administration.

L’arrêt du TC du 8 février 1873 (le jour même de l’arrêt Blanco) Dugave et Bransiet a été le
premier arrêt à avoir reconnu l’existence de « principes généraux du droit ». Le CE s’en inspira
implicitement dans bon nombre de solutions juridictionnelles. Voir Couitéas, CE 30 novembre
1923 (principe d’égalité des citoyens devant les charges publiques) ; Veuve Trompier-Gravier,
CE 5 mai 1944 (principe du respect des droits de la défense).Ce n’est qu’à travers l’arrêt Aramu/
et autres26 Octobre 1945 que le Conseil d’Etat a, pour la première fois fait expressément
référence aux PGD. Il jugea « qu’il résulte des principes généraux du droit applicables même
en l’absence de texte, qu’une sanction disciplinaire ne peut être légalement prononcée sans que
l’intéressé ait été mis en demeure de présenter sa défense ». Depuis lors, la liste des PGD n’a
cessé de s’allonger. On peut les répartir selon qu’ils tendent à assurer la liberté (exemple liberté
d’aller et venir CE 14 février 1958 Abisset AJDA 1958, 220), qu’ils tendent à défendre l’égalité
des administrés (par exemple égalité devant la loi : CE Ass 7 février 1958 Syndicat des
propriétaires de forêts de chênes lièges d’Algérie ; CS 26 Mars 1966 Samba Ndoucoumane
Guéye GDJAS n° XXV etc.
Jusqu’en 1958, la doctrine et la jurisprudence accordaient aux PGD une valeur législative. Ils
s’imposaient aux actes administratifs mais non aux lois.

21
Depuis 1958 cette approche a été abandonnée. La Constitution de 1958 ayant consacré
l’existence de règlements « autonomes » non soumis aux lois, le risque était grand d’en déduire
que les PGD ne s’imposaient aux règlements autonomes. Le CE désamorça ce danger en
affirmant en 1959 que les PGD s’imposaient aux règlements autonomes comme aux autres
actes administratifs (CE 26 juin 1959 Synd. Gén. des ingénieurs-conseils). La doctrine, Braibant
principalement, a déduit de l’arrêt de 1959 qu’il aurait implicitement admis la valeur
constitutionnelle des PGD. Cette interprétation a été repoussée. C’est finalement la position de
R.Chapus qui a prévalu. Pour lui, l’arrêt de 1959 a implicitement consacré la valeur infra-
législative et supra-décrétale des PGD.
Depuis lors, cette position a été rendue caduque par l’attitude du juge constitutionnel qui a
entrepris avec sa décision du 26 juin 1969 (protection des sites) de dégager lui aussi des PGD
mais qui a surtout accordé à certains d’entre eux une valeur constitutionnelle (voir principe de
continuité du service public : CC 25 juillet 1979, Droit de grève à la radio et à la télévision)

Il est dès lors possible de dégager cette hiérarchisation au niveau des PGD :

- Les principes généraux à valeur constitutionnelle qui s’imposent au législateur, au juge


et à l’administration.
- Les principes à valeur législative qui s’imposent à l’administration et auxquels le
législateur peut déroger CE 07 Février 1958 Syndicat des propriétaires de forêts de
chênes, lièges d’Algérie :
- Les principes généraux à valeur règlementaire. Il s’agit de PGD supplétifs que n’importe
quel règlement pourrait écarter. Pour certains auteurs (G. LEBRETON par exemple),
cette troisième catégorie de PGD n’existe pas car le propre d’un PGD est de s’imposer à
l’administration.
-
B- Les décisions de Justice

Elles s’expriment par le biais des arrêts et jugements rendus par les différentes juridictions. Les
décisions de Justice sont revêtues de l’autorité de la chose jugée lorsqu’elles ont acquis un
caractère définitif du fait, par exemple, de l’épuisement ou du non usage des voies de recours.
L’administration est tenue d’exécuter les décisions de justice.
Les juges, en règle générale, n’appliquent que les textes existants. Toutefois, en cas
d’inexistence ou d’obscurité des textes, le juge fait œuvre constructive car il est dans

22
l’obligation de juger s’il ne veut pas se rendre coupable de déni de justice. La légitimité des
règles jurisprudentielles comme sources de droit, découle de cet état de fait. L’administration a
l’obligation de les respecter. Cf. CE du Sénégal 25 Novembre 1999 Ligue Démocratique
Mouvement pour le parti du Travail /BACE n° 2, p.26.

Section 2 : Les règles en provenance de l’administration : les actes administratifs


unilatéraux

L’administration est également tenue de se soumettre aux règles qu’elle édicte. L’AAU est
l’acte juridique, adopté unilatéralement par une autorité administrative qui s’impose aux
administrés indépendamment de leur consentement.

Cette manifestation de volonté de l’administration peut revêtir diverses formes.

Aux termes de l’article 43 de la Constitution, « Le Président signe les ordonnances et les


décrets ».

L’ordonnance est un acte pris par le Président de la République sur le fondement de l’article 77
de la constitution. Elle porte sur des matières qui relèvent du domaine de la loi et nécessite par
conséquent une habilitation de l’assemblée nationale. Tant que l’ordonnance n’est pas ratifiée,
elle conserve un caractère réglementaire.

Le décret est un acte exécutoire à portée générale ou individuelle pris par une autorité du
Pouvoir exécutif. Actuellement, au Sénégal, un décret est pris par le Président de la République.
Toutefois, aux termes des dispositions de l’article 50, le Président peut autoriser le Premier
Ministre à prendre ses décisions par décret.

Les décrets, comme tous les textes de nature législative ou réglementaire doivent être publiés,
après signature et éventuellement contreseing, au Journal officiel

A côté des ordonnances et décrets, il y a à noter comme actes règlementaires, les arrêtés et les
délibérations. Les arrêtés sont des actes pris par diverses autorités administratives centrales,
déconcentrées ou décentralisées quant au contenu de l’arrêté, il peut s’agir d’une mesure
règlementaire ou non règlementaire. Quant aux délibérations, elles constituent des actes pris par
un organe collégial (conseil municipal ou rural...).

Voir plus loin le régime juridique des AAU.

23
Chapitre 2 : Les limites au principe de légalité

Par limites du principe il faut entendre les hypothèses dans lesquelles, l’administration peut ne
pas respecter la légalité et n’encourir aucune sanction du juge. Il s’agit notamment de
l’existence de certains actes insusceptibles de tout recours et de la théorie des circonstances
exceptionnelles. Pour ces dernières, il importe de préciser qu’elles agissent sur la légalité en
rétrécissant son domaine. Pour autant, la légalité ne disparaît pas.

Section 1 : Les actes de gouvernement.

Un acte de gouvernement est un acte pris par les pouvoirs publics et qui est « insusceptible
d'être discuté par la voie contentieuse ». Aucun juge ne censure ni ne contrôle l'acte de
gouvernement. C’est sous ce rapport, qu’il constitue une limite du principe de légalité.

A l’origine, les aces de gouvernement échappaient au contrôle du juge en raison des mobiles
politiques qui les inspiraient : le juge administratif considérait que les mobiles politiques ôtaient
leur nature administrative à ces actes, lesquels cessaient donc d’être soumis à son contrôle. CE
1er mai 1822, Laffitte, R.202 « La réclamation tient à une question politique dont la décision
appartient exclusivement au gouvernement ».

Paragraphe 1 :Le domaine des actes de gouvernement.

Il s’agit en fait de deux domaines marqués par la raison d’Etat. Tout d’abord le domaine des
relations de l’Exécutif avec les autres Pouvoirs constitutionnels. Ainsi le juge administratif se
déclare incompétent pour connaître la décision de recourir à l’article 16 de la Constitution de
1958 (CE 02 mars 1962 Rubin De Servens, GAJA n°82), la décision du Président de la
République de recourir au référendum (CE SN 04 janvier 2001, Parti Socialiste et URD contre
Etat du Sénégal), la nomination d’un membre du Conseil constitutionnel(CE 09 avril 1999,
Mme BA, RFDA 1999, p.566). Il en est ainsi des décisions de dissoudre l’assemblée nationale,
de saisir le Conseil constitutionnel, de promulguer la loi, de mise en œuvre des pouvoirs
exceptionnels du PR, de nomination du Premier ministre, de soumettre un projet ou une
proposition de loi au référendum…

Il s’agit ensuite de certains actes qui ne sont pas détachables des relations internationales car le
Conseil d’Etat ne s’estime pas compétent pour apprécier l’activité diplomatique du
gouvernement. Il en est ainsi de l’élaboration et de la signature d’accords et traités
internationaux, de la décision de la République française de reprendre les essais nucléaires CE
24
29 septembre 1995, Association Greenpeace, AJDA 1995, 684, de celle d’engager des forces
militaires au Kossovo, CE 05 juillet 2000 Mégret et Mekhantar AJDA 2001-95 etc.

Paragraphe 2 : Le régime juridique des actes de gouvernement.

Les actes de l’administration bénéficient d’une immunité juridictionnelle absolue. Cela signifie
qu’il n’est pas possible d’intenter contre eux une action pour contester leur légalité ou pour
engager la responsabilité de l’administration. Le juge saisi, se déclare incompétent.

L’existence des actes de gouvernement constitue une faille dans le principe de légalité et semble
incompatible avec les exigences de l’Etat de droit. C’est pourquoi depuis l’arrêt Prince
Napoléon du 19 février 1875 à travers lequel, le Conseil d’Etat a renoncé au critère du mobile
politique, on assiste à une restriction très sensible des cas d’immunité juridictionnelle.
N’empêche que les actes de gouvernement sont encore très présents.

Il faut noter qu’en dehors des actes de gouvernement, d’autres actes de l’administration
bénéficient d’une immunité juridictionnelle. Tel est notamment le cas des mesures d’ordre
intérieur17.

Section 2 : Les circonstances exceptionnelles

17
Les mesures d’ordre intérieur n’ont pas un caractère dérisoire, car ne faisant pas grief. Autrement dit, elles ne portent pas atteinte à la structure
des droits et obligations (ordonnancement juridique).Elles ne sont, par conséquent, pas déférables devant le juge de l’excès de pouvoir. En
d’autres termes, le recours pour excès de pouvoir est irrecevable à l’encontre des telles mesures. Elles sont nombreuses et variées. On distingue :

-Les circulaires. Jusqu’à la fin de l’année 2002, la jurisprudence faisait la différence entre la circulaire réglementaire et la circulaire
interprétative. La circulaire réglementaire (qui fixe des règles nouvelles) est véritablement un règlement soumis alors au régime des actes
décisoires, CE 29 janvier 1954, institution notre dame du Kreisker, R.64.Quant à la circulaire interprétative, elle se borne à commenter ou
interpréter un texte antérieur (CE 11 avril 1951, Fédération nationale de fabricants français de vêtements masculins R.184).

Depuis sa décision du 18 décembre 2002, Duvignères, GAJA n°114, le Conseil d’Etat a abandonné la distinction traditionnelle en opposant
aujourd’hui la circulaire impérative déférable de celle qui ne l’est pas, parce que ne faisant pas grief. Depuis lors, les circulaires qui sont
considérées comme des mesures d’ordre intérieur sont celles qui sont dénuées de « caractère impératif » c’est-à-dire celles qui se bornent à
rappeler les lois et règlements en vigueur, sans rien « prescrire », en s’abstenant notamment d’une part de « fixer une règle nouvelle », d’autre
part, de « réitérer une règle contraire à une norme juridique supérieure (Duvignères).

En droit sénégalais, le juge se réfère au caractère décisoire ou non de la mesure. Ainsi, dans l’affaire Djibril Ndiaye CE du Sénégal 21 décembre
2000, BACE n°2 année 2000, p.53, le juge a rappelé « qu’une circulaire du sous-préfet invitant les membres d’une association à renouveler ses
instances conformément à un texte de base n’est pas un acte dérisoire susceptible de recours pour excès de pouvoir ».

Les directives : Elles sont considérées comme des règles d’orientation, des actes généraux fixant à l’avance les principes qui fonderont l’action
administrative dans certaines matières. CE 11 décembre 1970, crédit foncier de France, GAJA n°87 ». Les directives ne modifiant pas par elles-
mêmes, la situation juridique des intéressés ».Elles ne peuvent être attaquées que par voie d’exception à l’occasion des recours dirigés contre les
décisions en faisant application.

Les mesures préparatoires ou indicatives : Ce sont des mesures destinées à préparer ou à confirmer des décisions proprement dites : exemple,
la convocation d’un organe administratif, la convocation d’un agent devant le conseil de discipline
25
Une autre limite au principe de légalité concerne l’hypothèse dans laquelle des circonstances
exceptionnelles rendent particulièrement difficile le respect du principe de légalité. Cette théorie
des circonstances exceptionnelles a été élaborée par le juge administratif à l’occasion de la
Première guerre mondiale.

Paragraphe 1 :La théorie des circonstances exceptionnelles, une œuvre purement prétorienne.

Pendant la première guerre mondiale, la jurisprudence du Conseil d’Etat a consacré l’idée selon
laquelle le respect du principe de la légalité n’a pas le même contenu dans les périodes de crise
et dans les périodes normales .Dans deux arrêts, Heyries, CE 28 juin 1918 et Dame Dol et
Laurent, CE, 28 février 1919, le Conseil d’Etat précise qu’il " appartient au juge […] de tenir
compte dans son appréciation des nécessités provenant de l’état de guerre, selon les
circonstances de lieu et de temps, la catégorie des individus visés et la nature des périls qu’il
importe de prévenir ".

Dans l’arrêt Heyries, le juge s’appuie sur des circonstances exceptionnelles pour autoriser le
gouvernement à suspendre l'application des dispositions d’une loi (celle du 22 avril 1905,
relative à la communication des dossiers) par un décret (celui du 10 septembre 1914). Pour le
juge, il incombe au gouvernement « de veiller à ce que qu’à toute époque les services publics
soient en état de fonctionner et à ce que les difficultés résultant de la guerre n’en paralysent pas
la marche ».

Dans l’affaire Dames Dol et Laurent, le Conseil d'État a reconnu la régularité, en temps de
guerre, d’une mesure préfectorale de restriction de la prostitution (interdiction avait été faite aux
prostitués de racoler en dehors du quartier réservé). Les dames Dol et Laurent attaquent la
décision en disant qu'elle porte atteinte à la liberté d'aller et venir. Le Conseil d'État admet cette
limitation des libertés en spécifiant qu'« il appartient au juge, sous le contrôle duquel s'exercent
ces pouvoirs de police, de tenir compte, dans son appréciation, des nécessités provenant de l'état
de guerre… ».

Paragraphe 2 : Les effets de la théorie des circonstances exceptionnelles

Lorsqu’elle est confrontée à des circonstances anormalement graves, l’autorité administrative a


la faculté de se soustraire au respect des règles ordinaires qui entraveraient son action. Elle peut
prendre des décisions qui, en temps normal, seraient déclarées illégales. Elle peut être dispensée

26
de l’observation des règles de forme et de procédure et même des règles de compétence. Ainsi,
de simples particuliers peuvent se substituer à l’autorité administrative défaillante et devenir des
fonctionnaires de fait (CE 05 mars 1948, Marion : Pendant la débâcle de 1940, la municipalité
d’une commune a fui ; quelques habitants restés sur place constituent un « comité » qui
administre la ville à la place du conseil municipal ; les actes de ce comité sont déclarés légaux).

On considère, en outre, que les atteintes graves à la liberté individuelle n’ont plus le caractère de
voie de fait. Ces agissements se transforment en simples illégalités. TC 27 mars 1952, Dame de
la Murette : Une arrestation arbitraire, décidée en 1944 sans mandat judiciaire ni arrêté
d’internement administratif, constitue, eu égard aux circonstances exceptionnelles de la
libération, un acte administratif illégal dont l’indemnisation relève du juge administratif, alors
qu’en temps normal il se serait agi d’un cas typique de voie de fait, GAJA n°85.

Toutefois, cet assouplissement du principe de légalité ne s’opère pas en dehors du droit. Bien au
contraire, les mesures prises par l’administration sont contrôlées par le juge qui met en place
une sorte de légalité de crise. Bien que l’administration puisse s’affranchir du respect des règles
ordinaires, elle n’échappe pas à la vigilance du juge. Ce dernier contrôle d’une part si la
situation était réellement exceptionnelle, d’autre part si l’administration était vraiment dans
l’impossibilité d’agir dans le respect des règles normalement applicables, et enfin si les mesures
de crise adoptées sont proportionnelles à la gravité de la menace encourue : CE 14 janvier 1959,
société française d’ornements R. CE.115.

Paragraphe 3 : L’organisation textuelle légale des circonstances exceptionnelles.

A côté de la théorie des circonstances exceptionnelles qui est purement prétorienne, il existe
aussi des textes régissant des situations de crise particulièrement difficiles. Il est ici possible de
mentionner les régimes de l’état d’urgence et de l’état de siège fixés au Sénégal par l’article 69
de la Constitution et la loi n°69-29 du 29 avril 1969, JO du 10 mai 1969 (qui s’inspire des lois
françaises du 9 août 1849, du 3 avril 1878 et du 3 avril 1955). Le régime de l’état d’urgence
concerne des hypothèses d’atteinte grave à l’ordre public ou de calamités publiques. Prononcé
par décret pour une période de 12 jours (avec une prolongation possible par le Parlement), l’état
d’urgence se traduit par un renforcement des pouvoirs de police des autorités dépendant du
ministre de l’Intérieur. L’état de siège quant à lui est destiné à transférer l’autorité civile à

27
l’autorité militaire pour faire face à un péril imminent résultant par exemple d’une guerre
étrangère ou d’une insurrection à main armée. Ce transfert est opéré par décret pour une durée
maximale de 12 jours : la prolongation de l’état de siège au-delà de cette période doit être
autorisée par le Parlement.

Parallèlement à ces deux régimes d’origine législative, l’article 52 de la Constitution du


Sénégal (article 16 en France) prévoit aussi la possibilité pour le Président de la République de
s’arroger des pouvoirs exceptionnels.

Section 3 : La flexibilité de l’obligation de légalité.

La soumission à la loi, si elle est absolue dans son principe connait nécessairement une certaine
flexibilité dans son application et la jurisprudence, afin de préciser l’étendue du contrôle exercé
par le juge, a établi une distinction capitale entre le pouvoir discrétionnaire et la compétence
liée.

Paragraphe 1er : Distinction pouvoir discrétionnaire – compétence liée.

On dit qu’il y a compétence liée lorsque l’administration est d’une part tenue d’agir, d’autre
part, tenue d’agir dans un sens déterminé par une règle de droit sans possibilité d’appréciation
ou de choix. Lorsque le texte sur lequel se fonde la décision administrative est précis, le
comportement de l’administration n’est pas libre. Elle n’a ni le choix de la décision, ni celui des
moyens pour y parvenir ni celui du moment où la décision doit être prise 18. Exemples : lorsque
le fonctionnaire atteint la limite d’âge, l’administration doit le faire quitter son service le 1 er jour
suivant son anniversaire; après le dépôt d’une déclaration d’association, l’administration est
dans l’obligation de délivrer un récépissé (TA Paris, 25 Janvier 1971, Dame de Beauvoir et
Léris).

Il existe des cas où la compétence n’est que partiellement liée par des textes disposant de
manière très générale, imposant une obligation de résultat mais laissant à l’administration le
choix des moyens.

Il y a pouvoir discrétionnaire lorsque l’administration dispose d’une certaine liberté d’action


(agir ou ne pas agir) et de décision (choix entre plusieurs solutions légales). L’administration
agit librement sans que la conduite à tenir lui soit dictée à l’avance par une règle de droit.

18
Il est cependant fréquent qu’elle dispose d’un « délai raisonnable » pour prendre sa décision (elle peut donc
choisir dans certaines limites, le moment de son intervention).
28
Il faut noter cependant que le pouvoir discrétionnaire ne se confond pas avec un pouvoir
arbitraire. La marge de liberté accordée à l’administration ne lui ouvre le choix qu’entre des
mesures et des comportements légaux. Exemple : sanctions disciplinaires (l’autorité
administrative dispose d’un pouvoir d’appréciation par rapport à la gravité des fautes commises
par un agent et la liberté de choix de la sanction).

Un autre exemple pris dans le droit de la fonction publique permet de saisir cette distinction. Il y
a compétence liée dans le cas d'un avancement à l'ancienneté, l'autorité compétente devant
procéder à cet avancement lorsque les conditions légales sont remplies. En revanche, il y a
pouvoir discrétionnaire, parce que l'administration dispose d'un large pouvoir d'appréciation,
dans le cas d'un avancement au choix.

Paragraphe 2 : Les effets de la distinction sur le contrôle du juge.

Que la compétence de l’administration soit liée ou discrétionnaire, le juge, dans tous les cas,
contrôle la légalité. La nature de la compétence va cependant influer sur l’étendue du contrôle
du juge. C’est ainsi que le contrôle peut être normal, minimum. Il est même dit parfois
maximum.

A/ Le contrôle normal. En cas de compétence liée de l’administration, le juge administratif


contrôle l’intégralité des moyens d’ouverture du REP, à savoir les éléments de légalité externe
et de légalité interne (voir infra).

B/ Le contrôle minimum. Dans l’hypothèse du pouvoir discrétionnaire, l’examen du juge est


nécessairement plus limité. Le juge se contente de vérifier, outre la légalité externe une partie de
la légalité interne. Il peut vérifier :

- le but de l’acte (pour s’assurer qu’il n’y a pas détournement de pouvoir ou de


procédure),
- le contenu de l’acte (pour s’assurer qu’il n’y a pas violation de la loi),
- les motifs de droit (pour s’assurer qu’il n’y a pas d’erreur de droit).
- les motifs de fait (pour s’assurer qu’il n’y a pas inexactitude matérielle des faits).

Il n’exerce aucun contrôle sur la qualification juridique des faits. C’est en cela que le contrôle
est dit restreint. Cette lacune va motiver l’introduction de la théorie de l’erreur manifeste
d’appréciation.

29
1- Genèse et signification de l’erreur manifeste d’appréciation

Pendant longtemps, le CE a rejeté toute idée d’un contrôle du pouvoir discrétionnaire de


l'Administration car, disait-on, soumettre le pouvoir discrétionnaire au contrôle juridictionnel,
c’est permettre au juge de « s’immiscer dans le domaine de l’administrateur »19. Les autorités
administratives doivent bénéficier d’une tolérance, d’un droit à l’erreur.

L’idée s’est ensuite imposée que si l’administration « a le droit » de commettre une erreur, celle-
ci ne peut pas dépasser un certain seuil de gravité. Il appartient au juge de vérifier, en ce qui
concerne les motifs de fait, que l’administration n’a pas commis d’erreur manifeste. Il y a un
seuil à ne pas franchir : la décision ne doit pas défier le bon sens et la logique. L’erreur grave,
grossière et si évidente qu’elle pourrait être décelée par n’importe quel profane doit être
sanctionnée. Dans l’arrêt Lagrange (CE, 15 février 1961), le CE estime que l’appréciation qui
lui est déférée « n’est pas susceptible d’être discutée » devant lui mais « qu’il lui appartient
néanmoins d’examiner si cette appréciation ne serait pas manifestement erronée ». Au Sénégal,
le CE a consacré la technique de l’EMA dans son arrêt du 27 octobre 1993, CICR 20 se
démarquant ainsi de la position de l’ancienne Cour suprême qui a toujours rejeté la théorie de
l’EMA. Dans sa décision, le CE définit l’EMA comme une « erreur à la fois apparente et grave,
rendant la décision inadaptée aux motifs qui l’ont provoqués ».

2- Portée de la consécration de l’erreur manifeste d’appréciation


Par cette consécration, il a été imposé au titulaire d’une compétence discrétionnaire l’obligation
de ne pas se livrer à une appréciation déraisonnable, c’est-à-dire manifestement erronée. Les
autorités administratives sont prévenues qu’au-delà d’un certain degré de gravité, une erreur
pourra entrainer l’annulation d’une décision. Dans sa décision du 23 février 2012, IbnouAbath
DIA et autres C/ Etat du Sénégal, la CS estime que l’autorité administrative qui dans (certaines)
circonstances a retenu la faute pour fonder le licenciement de délégués du personnel, sans en
caractériser la gravité, a commis une erreur manifeste d’appréciation.

19
Formule du Président Letourneur
20
Dans cette affaire, l’inspecteur du travail de Dakar avait autorisé le licenciement d’un groupe de travailleurs. La
dame Yéya Kane qui faisait partie de ce groupe fut la seule à saisir le ministre de l’Emploi d’un recours dirigé
contre la décision de l’inspecteur du travail. Le ministre de l’Emploi, infirma la décision en ce qui concerne la
dame Kane. Le CICR déféra alors la décision du ministre devant le CE en soulevant deux moyens : la violation du
principe d’égalité des citoyen devant le service public et l’EMA. Même si le CE a rejeté les deux moyens, il a
quand même consacré, pour la première fois, la technique.
30
C’est dire que quelle que soit l'étendue du pouvoir discrétionnaire de l'Administration, le juge
exerce ce qu'il est convenu d'appeler le « contrôle minimum ».

C/ Le contrôle maximum (contrôle de proportionnalité). Le contrôle peut conduire le juge à


dresser un bilan entre les avantages et les inconvénients d’une décision administrative. S’il
estime que les inconvénients sont excessifs par rapport aux avantages (donc que le bilan est
négatif), il peut alors censurer la décision. Cette théorie a été posée à l’occasion de l’arrêt de
principe «Ville nouvelle Est » en 1971, époque pendant laquelle les expropriations se
multipliaient en France (CE ass, 28 mai 1971). C’est ce contrôle que l’on qualifie de maximum
car il conduit le juge aux confins de l’opportunité. Il est appliqué en matière d’expropriation et
en matière de police administrative. Le contrôle est dit maximum car l’acte administratif n’est
légal que s’il est nécessaire, eu égard aux conséquences qui s’attachent à cet acte. En effet, une
mesure de police, comme une mesure d’expropriation, constitue un acte ayant des répercussions
très graves pour les personnes concernées puisqu’elle porte atteinte à des droits fondamentaux
(comme la liberté d’aller et venir pour la mesure de police ou le droit de propriété pour la
mesure d’expropriation).

31
TITRE III- LES FORMES DE L’ACTION ADMINISTRATIVE

L’action de l’administration a pour raison d’être lorsqu’elle s’exerce dans le cadre de la fonction
administrative, de satisfaire les besoins du public. C’est cette raison d’être qui explique les deux
missions fondamentales qui lui sont confiées : d’une part, assurer des prestations de biens et de
service (cette mission renvoie à la notion de service public), d’autre part, veiller au maintien de
l’ordre public (il s’agit de la police administrative).

CHAPITRE I- LE SERVICE PUBLIC

Le service public a été la notion centrale et fondatrice du droit administratif, puisque dans son
arrêt Blanco (TC 8 février 1873) le tribunal des conflits en faisait le critère de la compétence du
juge administratif21. Même s’il n’est plus le critère exclusif ou dominant de définition du droit
administratif, le service public demeure la justification première de toute activité administrative
ainsi que des moyens exceptionnels dont dispose l’administration pour mettre en œuvre ces
activités (notamment les prérogatives de puissance publique).

Section 1ère : La notion de service public

La définition classique du service public a, aujourd’hui, beaucoup évolué.

Paragraphe 1er : La définition classique.

Selon sa définition classique telle qu’elle s’est forgée au cours du 19 e siècle, le service public
est une activité d’intérêt général, assurée par une personne publique au moyen de procédés
exorbitants du droit commun. Cette définition renvoie donc à trois éléments.

1. Un élément organique. Il permet de désigner l’organe, c'est-à-dire la personne publique


qui gère une activité d’intérêt général.
2. Un élément matériel. Des activités de prestations développées dans un but d’intérêt
général. Exemple : le service public hospitalier, le service public de la justice.

21
Par l’Ecole de Duguit, la notion de service public permet d’expliquer et de justifier l’ensemble du droit administratif mais également de
déterminer le champ d’application du droit administratif.
32
3. Un troisième élément d’ordre juridique : l’existence d’un régime de droit public. Cela se
justifie par le fait que le service public correspond à un besoin impérieux.

La définition classique se caractérise par la prééminence du critère organique. La qualification


de service public dépend en effet essentiellement de la nature juridique de l’organe qui gère
l’activité : cet organe doit être une personne publique22.

Au Sénégal, on semble faire prévaloir le critère organique. En effet, l’article 11 du COA dispose
que le service public est constitué par « toute activité d’une personne morale de droit public en
vue de satisfaire un besoin d’intérêt général »

Paragraphe 2 : Une définition dépassée.

Cette interdiction de principe faite aux personnes privées de gérer le service public, ne pouvait
pas résister au besoin de service public qui a cru dans les proportions telles que les personnes
publiques se sont senties incapables d’y répondre seules. L’Etat a été dans l’obligation de
confier la gestion de certaines activités d’intérêt général à des personnes privées.

A/ La gestion du service public par des personnes morales de droit privé.

Confronté à des services publics effectivement gérés par des personnes privées, le Conseil
d’Etat se devait de déterminer si oui ou nonces personnes privées s’étaient retrouvées investies
de véritables missions de service public. Dans un premier temps, le Conseil d’État va admettre
que des personnes privées puissent être investies de prérogatives de puissance publique 23, en
l’occurrence le droit d’expropriation (CE 20 décembre 1935, Société des Etablissements Vézia).

Il finit par admettre quelques années plus tard qu’une personne privée puisse, en dehors de tout
contrat de concession, par la simple soumission partielle à un régime de droit public 24, gérer un
service public administratif (CE 13 mai 1938 Caisse Primaire Aide et Protection). Quatre arrêts
confirment cette jurisprudence et reconnaissent à de nombreuses catégories de personnes privées

22
Au Sénégal, les personnes publiques sont, aujourd’hui l’Etat, les collectivités décentralisées (départements et communes), les établissements
publics et les agences d’exécution.
23
Tout en refusant d’analyser l’activité d’aide agricole des « sociétés indigènes de prévoyance » créées par décret dans les colonies, comme un
service public, il reconnait pourtant qu’il s’agit d’une activité d’intérêt général .
24
Le fonctionnement interne du SPA géré par une personne privée, ses rapports avec le personnel, les actes de la vie civile qu’il accomplit…
relèvent du droit privé. Toutefois, ses actes unilatéraux sont des actes administratifs si trois conditions sont réunies :
1. La personne privée doit être habilitée à édicter de tels actes,
2. Ces actes doivent concerner l’organisation de l’ensemble du service,
3. L’organisme doit être doté de prérogatives de puissance publique
(cf CE, 28 juin 1946, Morand)
33
la même possibilité (CE 31 juillet 1942, Montpeurt--les comités
d’organisation-- CE 2 avril 1943, Bouguen -- les ordres professionnels--, CE, 28 juin 1946,
Morand --les organisations corporatives--.

Le juge dans ces différents arrêts a omis de préciser à quelles conditions l’activité d’une
personne privée est un service public. Il a fallu attendre les années soixante et les arrêts Magnier
(CE 13 janvier 1961, RDP 1961, 155) et Narcy (CE 28 juin 1963, AJDA 1964, 91) pour les
connaître avec certitude. Ces deux arrêts font en effet apparaître que trois conditions doivent
être réunies pour que l’activité d’une personne privée soit un service public : il faut que cette
activité ait un objet d’intérêt général, qu’elle s’effectue sous le contrôle d’une personne
publique, et qu’elle nécessite la mise en œuvre de prérogatives de puissance publique25.

Au Sénégal, la consécration par l’article 11 du COA de la conception organique du service


public constitue, en principe, un obstacle pour la gestion, par les personnes morales de droit
privé, d’une mission de service public. Cependant, l’utilisation de la technique de la délégation
de pouvoirs ou du procédé contractuel atteste de l’existence d’une mission de service public
portée par les personnes morales de droit privé (Voir CE 27 Avril 1994, Dial Diop C/Fédération
sénégalaise de Football, BACE n° 1 p.62). En outre, le procédé législatif peut toujours être
utilisé dans le but de reconnaître à l’activité prise en charge par une personne morale de droit
privé un caractère de service public. Il en est ainsi de la mission des sociétés nationales.

B/ La gestion du service public par de simples particuliers.

L’exemple classique est celui du procédé de la concession, qui permet à une collectivité
publique de confier à un particulier la gestion d’un service public : CE 4 mars 1910, Thérond.
Le juge considéra qu’à travers la concession accordée au sieur Thérond de capturer et de mettre
en fourrière les chiens errants, la ville de Montpellier a eu « pour but d’assurer un service
public »26.

25
Ce n’est finalement qu’en 2007 par un arrêt A.P.R.E.I du 22 février que seront précisément posés les critères d’identification du service
public sous gestion privée. Pour le juge, l’intérêt général et le contrôle, plus ou moins grand, de l’administration sont toujours des critères
indispensables. En revanche les prérogatives de puissance publique ne constituent plus un critère indispensable d’identification d’un service
public sous gestion privée. Le juge, s’il ne trouve aucune prérogative de puissance publique, doit d’abord rechercher (s’il existe une loi) si celle-
ci n’a pas entendu qualifier de service public, la mission assurée par l’organisme privé. S’il n’en existe pas, il doit avoir recours à la technique
du faisceau d’indices en explorant les conditions de création, l’organisation et le fonctionnement de l’organisme.

26
Le Conseil d’Etat avait reconnu très tôt la possibilité pour un organisme de droit privé de gérer un service public dans le cadre d’une
concession ou d’une délégation de service public c’est-à-dire d’un contrat passé entre une personne publique et une personne privée (CE, 10
janvier 1902, Cie nouvelle de gaz de Déville-les-Rouen et CE, 30 mars 1916, Cie générale d’éclairage de Bordeauxpar exemple).
34
En dehors de la concession, des particuliers peuvent être chargés d’une mission de service
public. C’est ce qu’a reconnu le Conseil d’Etat qui, dans l’arrêt Terrier (6 février 1903), a
qualifié de mission de service public, la tâche de destruction d’animaux nuisibles (vipères)
qu’un département avait confié à ses habitants. Il en va de même de l’engagement pris par de
simples particuliers, en l’espèce les époux Bertin, « pour assurer la nourriture de ressortissants
soviétiques » hébergés par l’Etat dans un centre en attendant le rapatriement dans leur pays
d’origine (CE 20 avril 1956, Epoux Bertin).

Section 2 : Le régime juridique du service public

Si la qualification donnée à un service public est un élément nécessaire (mais pas suffisant) pour
connaitre le droit qui lui est applicable, il existe pourtant des principes de fonctionnement
communs à tous les services publics.

Paragraphe 1: Les principes de fonctionnement communs à tous les services publics.

Le régime juridique du service public est organisé autour de trois grands principes: le principe
de la continuité du service public, le principe de mutabilité et le principe d’égalité qui a
comme corollaire le principe de neutralité. Ces principes sont aussi appelés lois de Rolland (du
nom du Professeur Rolland.
A/ Le principe de continuité. Parce qu’il est créé pour répondre à un besoin reconnu et
permanent du public, le service public ne peut pas fonctionner avec des interruptions. Ce
principe a justifié jusqu’en 194627 l’interdiction du droit de grève dans les services publics (CE,
7 août 1909, Winkell). Il justifie aujourd’hui la restriction possible du droit de grève dans les
services publics (CE, 7 juillet 1950, Dehaene) ou encore la théorie de l'imprévision dans
l'exécution des contrats administratifs (CE, 30 mars 1916, Compagnie générale d'éclairage de
Bordeaux).

B/ Le principe de mutabilité. Il est également appelé “principe d’adaptation du service public”.


Ce principe repose sur l’idée que le service public doit être capable de s’adapter à l’évolution
des besoins du public mais aussi au changement des techniques qui permettent de réaliser le
service (exemple mise en ligne d’informations administratives, distributeurs automatiques de
billets ou de tickets pour les transports publics).

27
C’est le préambule de la Constitution de 1946 qui a consacré le caractère constitutionnel du droit de grève.
35
Ce principe explique les règles relatives à la modification unilatérale des contrats.
L’administration a la prérogative d’imposer à son cocontractant les adaptations nécessaires, à
charge pour lui de lui verser une indemnité si les modifications contractuelles entraînent des
déséquilibres financiers (CE, 10 janvier 1902, Compagnie nouvelle du gaz de Deville-lès-
Rouen).

C/ Le principe d'égalité devant le service public signifie que toute personne a un droit égal à
l’accès au service, participe de manière égale aux charges financières résultant du service et
enfin doit être traitée de la même façon que tout autre usager du service. Il désigne le fait que
des situations identiques doivent être traitées de la même manière. Le principe de neutralité
découle de ce principe d’égalité. Il implique que le service public ne favorise pas une personne
ou une catégorie de personnes ou ne fonctionne pas de façon différenciée en fonction,
notamment, des convictions politiques ou religieuses de ses agents ou de ses usagers.

Paragraphe 2: Le droit applicable au service public

Le droit applicable au service public varie en fonction de la nature du service en cause. En effet,
plusieurs catégories de services publics sont apparues au fil du temps. Jusqu’en 1921, il
n’existait qu’une seule catégorie de services publics, les services publics ultérieurement
qualifiés d’administratifs. Leur particularité, était d’avoir un objet administratif, qui les
distinguait nettement des activités privées.
Le SPA géré par une personne publique connaît un régime juridique qui se définit par
l’application exclusive et intégrale des règles du droit administratif. Les agents du service sont
assujettis au droit de la fonction publique, ses biens relèvent de la domanialité publique, ses
actes sont soit des décisions exécutoires soit des contrats administratifs, sa responsabilité
s’apprécie selon des règles particulières28.

S’agissant du droit applicable aux SPIC, le principe c’est leur soumission au droit privé,
notamment en ce qui concerne les contrats passés avec les usagers, le régime du personnel (sauf
pour le personnel de direction), les actions en responsabilité pour les dommages causés aux tiers
ou aux usagers. Les actes unilatéraux des SPIC sont des actes administratifs (TC. 15 janvier
28
En ce qui concerne le SPA géré par une personne privée, son fonctionnement interne, ses rapports avec le
personnel, les actes de la vie civile qu’il accomplit…relèvent du droit privé.
Toutefois, ses actes unilatéraux sont des actes administratifs si trois conditions (dégagées par l’arrêt Morand, CE.
26 juin 1946) sont réunies : La personne privée doit être habilitée à édicter de tels actes, ces actes doivent
concerner l’organisation de l’ensemble du service, l’organisme doit être doté de prérogatives de puissance publique
36
1968 : Cie. Air France/c. Epoux Barbier) si les conditions posées dans l’arrêt Morand sont
réunies (CE. 26 juin 1946 : Morand : la personne privée doit être habilitée à édicter de tels
actes ;ces actes doivent concerner l’organisation de l’ensemble du service ; l’organisme doit être
doté de prérogatives de puissance publique).

37
Section 3 : Les modes de gestion des services publics

Les modes de gestion des services publics sont divers. On peut les regrouper en deux grandes
catégories : la gestion publique des services publics et la gestion privée des services publics.

Paragraphe 1 : La gestion publique des services publics

Parmi les modes de gestion publique, on distingue la gestion en régie et la gestion par une
personne publique spécialisée.

A/ La gestion en régie

La gestion en régie d'un service public consiste en la prise en charge directe de son
fonctionnement par la personne publique qui l'a créé, avec ses propres moyens matériels,
humains et financiers. La régie est le procédé de gestion classique de la plupart des services
publics proprement administratifs. Le ministère est un service en régie.

La régie simple (par opposition à la régie intéressée) suppose que le personnel soit constitué
de fonctionnaires stricto sensu, ainsi que d’agents qui bénéficient du régime de droit public
sans avoir la qualité de fonctionnaire, tels que les agents contractuels.

B/La gestion par une personne publique spécialisée.


1/ La gestion des services publics par les établissements publics

a- La notion d’établissement public.

Un établissement public est une personne publique spécialement créée pour gérer un service
public. Il dispose d’un patrimoine et d’un budget propres, peut passer des contrats et agir en
justice. Il jouit de la capacité de recevoir des dons et legs.

Les établissements publics sont chargés d’exercer à la place de l’Etat, mais sous son contrôle,
une ou plusieurs activités. Ils sont soumis à une tutelle technique (Ministre technique) et à une
tutelle financière (Ministre chargé des Finances).

b- Les catégories d’établissements publics

38
Dire qu’un organisme est un EP n’épuise pas le champ de la recherche de sa nature juridique.
Il existe en effet plusieurs catégories d’établissements publics. Si, traditionnellement, on ne
distinguait que les principaux types d’EP (les EPA et les EPIC), on trouve aujourd’hui au
Sénégal plusieurs autres : les établissements publics à caractère professionnel (EPP) 29, les
établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST) 30, les établissements
publics de santé (EPS) ...

Le droit applicable aux établissements publics est variable suivant la nature juridique de
l’établissement31.

2/ La gestion des services publics par les agences d’exécution

L’agence d’exécution est une personne morale de droit public dotée d’un patrimoine et de
moyens de gestion propres. C’est une entité administrative autonome, investie d’une mission
de service public. Les agences ont été créées dans plusieurs secteurs d’activités
(investissement, assainissement, distribution, tourisme, sécurité…) pour faire face à la
complexité des procédures administratives et répondre à l’exigence accrue des usagers du
service public en termes de célérité et d’efficacité.
Aux termes de l’article 2 de la loi d’orientation n° 2009-20 du 4 mai 2009 sur les agences
d’exécution, la création d’une agence doit être justifiée par « des nécessités fonctionnelles
relevant :
d’une volonté politique de donner plus d’impulsion, d’autorité et d’autonomie à un
ensemble d’activités nouvelles ou insuffisamment prises en charge par les services
administratifs ;
du souci de rendre un service de qualité aux usagers en apportant des solutions
appropriées fondées sur la proximité, la participation et l’adaptabilité, que des services
centraux ne peuvent pas assurer ;
de la nécessité de rendre l’Administration plus attentive à la notion de performance et
de résultats ».
L’agence est créée par décret pour une durée déterminée ou indéterminée, en vue de remplir
des tâches de nature technique, scientifique ou de gestion bien spécifique. Elle comprend deux

29
Les différents Ordres (médecins, architectes…), la Chambre de Commerce et d’Industrie…
30
Exemples, l’Institut de Technologie Alimentaire, l’Institut national de Pédologie…
31
Pour les EPA, ce sont, en principe, les règles du droit administratif qui s’appliquent à leurs actes (unilatéraux et
contractuels), leurs agents, leur responsabilité etc. Pour les EPIC, en principe, c’est le droit privé qui s’applique pour tout ce
qui concerne leurs contrats et leurs rapports avec les tiers. Le personnel relève du droit du travail sauf pour le Directeur et
pour les fonctionnaires de l’Etat détachés dans les établissements. Cependant, la part de droit public n'est pas négligeable
notamment dans l'organisation du service.
39
organes : un conseil de surveillance ayant à sa tête un Président nommé par décret et un
directeur général ou directeur également nommé par décret.

Paragraphe 2 : La gestion privée du service public.

L’Etat peut décider de ne pas assurer lui-même l’exécution d’un service public mais la
confier à une personne privée. Aux termes de l’article 10 nouveau du COA, la participation
d'un cocontractant à un service public est réalisée par voie de délégation de service public ou
sur la base d'un contrat de partenariat.
A-La délégation de service public32.
La directive communautaire n°04/2005/CM/UEMOA portant procédures de passation,
d’exécution et de règlement des marchés publics et des délégations de service public dans
l’UEMOA retient deux formes de délégation de service public que reprend le code des
obligations de l’administration -COA-. Il s’agit de la concession de service public et de la
régie intéressée33.

1- La concession de service public : Le contrat de concession de SP se présente comme une


convention par laquelle une personne publique (concédant) charge une personne privée
(concessionnaire) de faire fonctionner un service public à ses frais, risques et périls en se
rémunérant sur les redevances perçues sur les usagers. Le concessionnaire exploite le service
public en son nom et à ses risques et périls en percevant des rémunérations des usagers de
l'ouvrage ou des bénéficiaires du service concédé.
2- La régie intéressée : La régie intéressée est un mode de gestion mixte du service public qui
s'appuie sur le concours extérieur d’un professionnel privé contractuellement chargé de faire fonctionner
le service public moyennant le versement d’une redevance déterminée par la personne publique
qui a réalisé les investissements initiaux.
La rétribution comprend une redevance fixe et une partie variable provenant notamment des résultats
de l’exploitation34.
32
Il s’agit d’une convention par laquelle une personne morale de droit public confie, pour une période déterminée, la gestion
d’un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou privé dont la rémunération est totalement ou
essentiellement liée aux résultats de l’exploitation.
33
La loi de 2006 modifiant le COA n’a pas repris l’affermage comme une modalité de participation d’un cocontractant au
service public. L’affermage est une convention par laquelle une personne publique confie un SP à une autre personne qui en
assure l’exploitation sous sa responsabilité grâce aux ouvrages qui lui sont remis et verse en contrepartie des redevances à la
personne publique. L’affermage suppose que les moyens de l’exploitation sont déjà construits. L’exploitant se borne à e n assurer le
fonctionnement et perçoit des redevances en contrepartie du service fourni.

34
La régie intéressée ne sera considérée comme une convention de délégation de service public qu'à la condition que la rémunération du
régisseur soit substantiellement assurée par les résultats de l’exploitation (CE,30juin1999,Syndicat mixte du traitement des ordures
40
B- Le contrat de partenariat. Il s’agit d’un contrat par lequel une personne publique confie à
un tiers, pour une période déterminée35, une mission globale comprenant le financement et la
réalisation (y compris la construction, la réhabilitation ou la transformation) d'investissements
matériels ou immatériels, ainsi que leur entretien, leur exploitation ou leur gestion et, le cas
échéant, d'autres prestations, qui concourent à l'exercice par la personne publique concernée
de la mission de service public dont elle est chargée.
Le cocontractant est rémunéré à partir d’objectifs de performance déterminés par la puissance
publique.

C—La gestion du service public par les entreprises du secteur parapublic.

Aux termes de l’article 2 de la loi n° 90-07 du 26 juin 1990, le secteur parapublic comprend les
établissements publics à caractère industriel et commercial, les sociétés nationales et les sociétés
anonymes à participation publique majoritaire. Les SN sont des sociétés par action de droit privé
dont le capital est intégralement souscrit (ou souscrit à hauteur au moins de 50%) 36 par l’Etat
et le cas échéant par d’autres personnes morales de droit public (art 4 de la loi de 1990). Les
SA à participation publique majoritaire, régies par le Code des obligations civiles et
commerciales, sont des sociétés dans lesquelles une ou plusieurs personnes publiques
possèdent directement ou indirectement au moins 50% du capital (art 6 de la loi de 1990).

Diverses sociétés nationales et sociétés anonymes à participation publique majoritaire se voient confiée
la gestion d’un service public (SICAP, LA POSTE, SAED, SODEVA…).

Chapitre 2 : La police administrative

Il s’agit d’une notion particulière qui connaît un régime juridique précis.

Section 1- La notion de police administrative.


ménagères centre-ouest seine-et-marnais).
35
La durée du contrat de partenariat est déterminée en fonction de la durée d'amortissement des investissements ou des
modalités de leur financement. Le cocontractant reçoit de la personne publique une rémunération échelonnée
36
En deçà de 50%, il s’agit d’une société anonyme à participation publique minoritaire (voir art 48 de la loi de 1990).
41
La police est une activité administrative qui a pour objet de protéger l’ordre public. La police
administrative a un but préventif, en ce sens qu’elle cherche à empêcher que le désordre
s’installe. Elle est distincte de police judiciaire quia un but répressif. La police judiciaire est
l'activité qui vise à rechercher les auteurs d'une infraction.
Il faut noter qu’une opération peut se décomposer en plusieurs phases rattachables aux deux
types de police (la mise en fourrière des véhicules, avec l'enlèvement du véhicule, acte de
police judiciaire, qui a pour but de réprimer la violation d’une interdiction de stationnement,
acte de police administrative).
Le droit public fait la distinction entre la police administrative générale et la police
administrative spéciale. Ces deux catégories de police ont un but commun qui est le maintien
de l'ordre public, mais elles visent des éléments différents.
I- La police administrative générale
La police administrative générale remplit une mission de protection de l'«ordre public ».
Pour définir l’ordre public, on recourt classiquement à une trilogie sûreté, tranquillité et
salubrité publiques. Cette trilogie classique a aujourd’hui été élargie.
A- La trilogie classique
Par sûreté publique il faut entendre la sécurité dans la rue pour les personnes qui y circulent :
la sécurité routière mais c’est aussi la sécurité des immeubles ou la sécurité des produits que
l’on consomme.
La tranquillité publique est une notion proche puisqu’il s’agit ici d’assurer une vie paisible
à tous donc à prévenir les agressions et les nuisances multiples. La lutte contre le bruit par
exemple relève de cet objectif.
Enfin, la salubrité publique correspond à la notion d’hygiène publique. A ce titre, sont prises
des mesures d’assainissement, des mesures nécessaires à la préservation de la qualité de l’air
et de l’eau.
B- Les nouvelles finalités de l’ordre public
La jurisprudence administrative a intégré la notion de moralité à l’ordre public consacrant
ainsi l’extension des composantes classiques de l’ordre public. Le Conseil d’Etat a estimé en
1959 qu’un maire peut interdire la représentation d'un film dès lors que sa projection «est
susceptible d'entraîner des troubles sérieux » dans sa commune (CE Sect, 18
décembre1959,Soc Les films Lutétia ; CE, 26 juillet 1985, Ville d’Aix en Provence).
Il en a été de même de la notion de « protection contre soi-même ». Le juge français a estimé
que le port obligatoire du casque pour les conducteurs de véhicules à deux roues et de la

42
ceinture de sécurité pour les automobilistes, imposé par l’administration en 1973, a pour objet
de « réduire les conséquences des accidents de la route ». La protection des individus contre
eux même a ainsi été considérée comme un des buts de police administrative.
La dignité humaine constitue une autre extension. Le Conseil d’Etat a affirmé que « le respect
de la dignité de la personne humaine est une des composantes de l'ordre public » (CE Ass, 27
octobre 1995, Commune de Morsang-sur-Orge (le même jour: Ville d'Aix-en-Provence). Le
Conseil d’Etat a reconnu la légalité des arrêtés municipaux ayant interdit le spectacle de
« lancer de nains ».

II-Les polices spéciales


Comme la police administrative générale, les polices administratives spéciales sont des
activités de surveillance qui visent à maintenir la paix sociale. Mais alors que la première
remplit cette mission en protégeant l’«ordre public » en général, les secondes la remplissent
en régissant certaines activités (affichage, cinéma etc.), certaines catégories d’administrés
(étrangers avec la police des étrangers), ou un aspect déterminé de l’ordre public (cf la police
des édifices menaçant ruine, la police des débits de boisson).

Section 2: Le régime juridique de la police administrative

Puisque les mesures de police sont potentiellement dangereuses pour les libertés publiques,
l’obligation de les motiver est forte. Elle est imposée en France par le législateur (voir l’article
1er de la loi du 11 juillet 1979). Au Sénégal, le juge a, de son propre chef, élargi le domaine
d’application de la motivation obligatoire à propos des décisions qui restreignent l'exercice
des libertés publiques. Il l’a clairement signifié dans l’affaire LD/MPT 37 en sanctionnant
l’absence de motivation alors qu’aucun texte n’obligeait l’administration à faire connaître les
motifs d’une décision d’interdiction d’une manifestation pacifique sur la voie publique. Les
mesures de police sont encadrées assez strictement par les textes et sont strictement contrôlées
par le juge.

I-Un contrôle des motifs consacré par la jurisprudence. Le juge veille à ce que les autorités de
police administrative ne portent pas atteinte à l’exercice d’une liberté publique, au-delà de ce
qui est nécessaire au maintien de l’ordre.
37
CE, 25 novembre 1999, B.A, 1999, p.26
43
Afin d’empêcher tout arbitraire de l’administration en la matière, il exerce un contrôle dit
"maximum". Ce contrôle consiste à vérifier la proportionnalité de la mesure de police
attaquée par rapport au motif invoqué par l’autorité administrative pour la justifier. Toute
disproportion, même légère, entraîne la censure de la mesure (CE 19-5-1933 Benjamin Gaja).
Pour le juge administratif « la liberté est la règle et la restriction de police l’exception »

Dans l’affaire Alioune TINE (CS 13 octobre 2011), le juge considère que, s’il incombe à
l’autorité administrative compétente, de prendre les mesures qu’exige le maintien de l’ordre,
elle doit concilier l’exercice de ce pouvoir avec le respect de la liberté de réunion garantie
par la Constitution. Le Préfet de Dakar, dans l’arrêté attaqué, s’est fondé sur ce que
l’encadrement sécuritaire du rassemblement pacifique programmé à Dakar à la place de
l’Obélisque le 24 Décembre 2010 par la Rencontre Africaine des Droits de l’Homme
(RADDHO)en vue de réclamer le départ du Président Laurent GBAGBO serait difficile à
assurer en raison de la mobilisation des forces de sécurité pour la couverture du Festival
Mondial des Arts Nègres(FESMAN). Le juge lui répondit qu’en se bornant à invoquer la
difficulté de l’encadrement sécuritaire sans même alléguer l’éventualité de troubles à l’ordre
public, il a porté atteinte à la liberté de réunion. S’il est vrai, lui rappelle le juge, que
laloin°78–02 du 29 Janvier197 8relative aux réunions lui permet en son article 14
d’interdire toute réunion publique, cette interdiction ne peut intervenir que s’il existe une
menace réelle de troubles à l’ordre public et si elle ne dispose pas de forces de sécurité
nécessaires pour assurer la sécurité des citoyens.

II-Un contrôle limitant le pouvoir de l'autorité administrative.


L’exercice du pouvoir de police est soumis à un contrôle étendu de légalité parce qu’elles sont
susceptibles de porter atteinte aux libertés. La légalité des mesures de police est étroitement
liée à leur nécessité.
A. Le caractère nécessaire des mesures de police
Le caractère nécessaire des mesures de police a pour corollaire, le principe de prohibition des
interdictions « générales et absolues »
Dans l’affaire Daudignac (CE, 22 juin 1951), le juge rappelle à l’autorité administrative que
seul le législateur peut instaurer un régime d’autorisation préalable ou de déclaration
préalable. Les interdictions « générales et absolues » sont illégales s’il est possible de parvenir

44
au but à atteindre par une décision moins rigoureuse. (CE, 24 octobre 1986, Fédération
française des sociétés de protection de la nature).
Les mesures de police ne peuvent être prises que dans le but exclusif qui leur est assigné,
c’est-à-dire le maintien de l’ordre public.
Le juge n’hésite pas à annuler une qualification lorsque celle-ci lui parait ne pas correspondre
à la réalité38. Dans l’affaire ayant opposé And Jef/Parti Africain pour la Démocratie et le
Socialisme (AJ/PADS) et l’Etat du Sénégal, le juge a considéré dans sa décision du 24
décembre 2009,qu’il ne ressort pas des éléments du dossier que le risque de télescopage
allégué au siège du parti A.J./P.A.D.S entre les partisans de Landing SAVANE, le SG et ceux
de Mamadou DIOP DECROIX, le SG adjoint fut de nature à menacer l’ordre public. Dans
cette affaire, le Gouverneur de Dakar avait ordonné la fermeture provisoire du siège du Parti
A.J./P.A.D.S en invoquant dans son arrêté des risques de troubles à l’ordre public découlant
du différend ayant opposé Landing SAVANE et Mamadou DIOP DECROIX, Pour le juge,
des mesures de police appropriées, pouvaient être prises en l’espèce sans aller jusqu’à la
mesure extrême de fermeture du siège du parti.
B. L’influence des circonstances de temps et de lieu.
Il faut noter que les mesures de police ont une rigueur variable en fonction de circonstances
de temps ou de lieu. En effet, les pouvoirs de police sont plus étendus en temps de crise (état
d’urgence par exemple) ou en période de circonstance exceptionnelle (épidémie ou calamité
naturelle) qu’en période normale. De même, ils sont plus étendus s’il s’agit de la voie
publique que s’il s’agit d’un domicile privé non ouvert au public (veiller à la tranquillité ou à
la salubrité publique) ou un lieu ouvert au public (café, bar, restaurant).

TITRE IV LES PROCEDES DE L’ACTION ADMINISTRATIVE

L'administration utilise deux procédés classiques, l'acte unilatéral et le contrat, mais d'une
manière différente que les particuliers, et avec un régime juridique spécifique.

Chapitre 1 L’acte administratif unilatéral

38
Dans l’affaire Sté Frampar, le CE estime qu’une saisie de journaux ordonnée par le Préfet d’Alger en 1956 et 1957, dont
l’objet était d’empêcher la diffusion d’articles susceptibles d’entrainer des troubles à l’ordre public (et non de conserver les
preuves d’une infraction comme il le prétendait), ne pouvait être présentée comme une mesure de police judiciaire mais
constituait en réalité une mesure de police administrative (CE Ass, 24 juin 1960, Sté Le Monde et Sté Frampar).

45
C’est une manifestation unilatérale de volonté émanant d’une autorité administrative en vue
de modifier l’ordonnancement juridique et s’appliquant aux sujets de droit.
Section 1 : La détermination administrative de l’acte
Ici, deux critères sont utilisés pour déterminer le caractère administratif de l’acte. Il s’agit du
critère organique et du critère matériel.
Paragraphe 1 : Le critère organique
L’acte administratif a toujours été présenté comme appartenant au droit public interne. Il est
défini à contrario, l’acte administratif n’est ni un acte de l’organe législatif statuant en la
forme législative, ni un acte de juridiction, ni même un acte de gouvernement.
L’acte administratif est une mesure prise par une autorité publique autre que le juge ou le
législateur. Il est pris par un démembrement de l’exécutif.
Paragraphe 2 : Le critère matériel
La possibilité reconnue aux personnes morales de droit privé de prendre des actes
administratifs s’explique par le recours au critère matériel qui s’attache au contenu et à l’objet
de l’acte. L’arrêt Montpeurt39 CE Ass. 31 juillet 1942, reconnaît pour la première fois qu’un
acte administratif peut émaner d’une personne privée40.
Dans le second sens, il convient de faire remarquer que tous les actes administratifs n’ont pas
un contenu décisoire, c'est-à-dire modifiant l’ordonnancement juridique, « référable devant le
juge de l’excès de pouvoir »
Section 2 : Le régime juridique de l’AAU

Par régime juridique, il faut entendre les règles qui s’appliquent à l’élaboration de l’acte,
à son exécution ainsi qu’à son application dans le temps.

Paragraphe 1 : L’élaboration de l’AAU

Les actes administratifs sont élaborés par les autorités administratives suivant un certain
nombre de règles décrites par les textes et les PGD. Celles-ci englobent les règles de
compétence et la procédure administrative non contentieuse.

39
Les comités d'organisation, bien que le législateur n'en ait pas fait des établissements publics, sont chargés de participer à l'exécution d'un
service public (dans le cadre de l’organisation provisoire de la production industrielle, assurer la meilleure utilisation possible des
ressources réduites existantes, préalablement recouvrées, tant au point de vue du rendement que de la qualité et du coût des produits, et
d'améliorer l'emploi de la main d'oeuvre dans l'intérêt commun des entreprises et des salariés) , et que les décisions qu'ils sont amenés à
prendre dans la sphère de ces attributions, soit par voie de règlements, soit par des dispositions d'ordre individuel, constituent des actes
administratifs

40
En droit sénégalais, la jurisprudence du Conseil d’Etat a reconnu aux fédérations sportives (Associations) la
possibilité de prendre ses actes administratifs. Les fédérations dans la limite de la délégation de pouvoir
consentie par la puissance publique prennent des actes formellement administratifs et relevant du contentieux
dévolu au Conseil d’Etat. CE 27 avril 1994, Dial Diop contre fédération sénégalaise de football. Pour la première
fois, le Conseil d’Etat du Sénégal fonde sa compétence sur un acte d’une personne morale de droit privé. Cette
décision est confirmée par la jurisprudence postérieure. CE 31 novembre 2001 Oumar Seck C/FSF inédit – CE 12
juin 2008, DVC/Ligue de Basket Ball de Dakar inédit.

46
A- Les règles de compétence

La compétence s’analyse comme une aptitude juridique conférée à une autorité pour prendre
un acte ou ne pas le prendre. Elle suppose un titre juridique habilitant une autorité à agir ou à
s’abstenir. Par exemple, la Constitution contient des dispositions relatives à la répartition des
compétences entre les autorités de l’Etat. Il en est ainsi des articles 67 et 76.
Le respect des règles de répartition des compétences s’impose à toutes les autorités publiques
d’autant plus qu’elles ont un caractère d’ordre public. C'est-à-dire même si le requérant ne
relève pas l’illégalité d’une décision fondée sur l’incompétence, le juge doit la soulever
d’office. CS 27 mai 1981 Amadou Lamine BA, Ripas n°4 p.402.
La compétence est appréciée en fonction d’un certain nombre d’éléments. Elle peut faire
l’objet d’un aménagement qui perturbe les règles normales de répartition des compétences
entre les diverses autorités publiques.
1- Les éléments d’appréciation de la compétence

Ils sont au nombre de trois. La compétence ratione materiae, ou l’élément matériel. La


compétence ratione temporis ou l’élément temporel et la compétence ratione loci ou l’élément
territorial.
a-La compétence ratione materiae. Elle confère à l’autorité un pouvoir de décision en
fonction de la matière considérée. Une autorité administrative ne peut légalement intervenir
que dans une matière qui lui a été attribuée. CS 05 juillet 1979, Aminata Sall et autres GAJAS
n°XII.
b-La compétence ratione temporis. Elle détermine le moment où une autorité
administrative peut prendre un acte administratif. Ce moment part de l’investiture jusqu’à la
cessation de ses fonctions. Un acte administratif est donc illégal lorsqu’il est pris
prématurément par une autorité qui n’a pas encore été investie de ses nouvelles fonctions ou
s’il a été pris tardivement par une autorité qui ne l’est plus. Toutefois, la nécessité d’assurer
une certaine continuité de l’action administrative peut cependant conduire l’autorité
désinvestie à prendre certaines décisions, dans le but d’expédier les affaires courantes (CE
Ass, 4 avril 1952, syndicat régional des quotidiens d’Algérie, Rec, 210).
C-La compétence ratione loci. Elle détermine le champ géographique des pouvoirs de
l’autorité administrative. Les autorités centrales ont une compétence qui concerne l’espace
territorial sénégalais alors que le maire n’a qu’une compétence limitée à sa commune (CS du
29 janvier 1975 Séga Seck Fall).
Les règles normales de compétence peuvent être aménagées ou même altérés ou c’est le cas
des altérations liées aux circonstances exceptionnelles et au recours à la technique des
délégations.
2- Les altérations aux règles normales de la compétence
Elles procèdent soit d’une situation normale, soit de circonstances exceptionnelles. Dans tous
les deux cas, l’ordre normal des compétences est perturbé.
a- Les altérations qui découlent d’une situation normale : le recours à la technique des
délégations
Deux modes de délégation sont distingués. Il s’agit de la délégation de pouvoir et de la
délégation de signature.

47
La délégation de pouvoir est une technique administrative par laquelle, une autorité additive
supérieure confère à une autorité administrative inférieure un pouvoir de décision. Dans ce
cadre, l’autorité délégante se dessaisit pour les matières déléguées tant que dure l’acte de
délégation. Cette modalité de la délégation vise non pas une personne nommément désignée
mais le titulaire à une fonction. Elle est conférée es qualité.
La délégation de signature est conférée intuiti personae. C’est simplement la tâche matérielle
de signature qui est déléguée. Ce qui ne fait pas obstacle à l’intervention du délégant sur les
matières pour lesquelles, sa signature est déléguée. En réalité, les décisions du délégataire
sont considérées comme celles du délégant.
Les deux modalités de la délégation obéissent à des règles communes. D’abord, les
délégations sont autorisées par un texte. Ensuite, la décision de délégation doit préciser son
étendue et le titulaire de la délégation. Enfin, les actes de délégation doivent être publiés.
b-L’altération exceptionnelle des règles de compétence.
C’est principalement le cas d’application des circonstances exceptionnelles qui permettent
d’étendre les compétences des autorités administratives. L’altération la plus manifeste est
révélée par la notion de fonctionnaire de fait CE 05 mars 1948, Marion, Rec, p.113.
B- Les règles de forme et de procédure.
L’acte administratif, pour être valable, doit, en vertu du principe de légalité, respecter
certaines règles de forme et de procédure.
1-Les règles de forme.
Elles sont variées et ne présentent pas la même importance. Certaines sont qualifiées de
« substantielles » ; ce sont celles dont la violation entraine l’illégalité de l’acte. D’autres sont
dites « accessoires », parce qu’au contraire leur violation n’affecte pas la légalité de l’acte.
D’autres enfin sont tantôt substantielles tantôt accessoires.
a- Les formalités substantielles : la signature et les contreseings
Lorsqu’un texte exige qu’un AAU soit écrit, le défaut de signature de la part de l’auteur de la
décision est une cause d’annulation de celle-ci.
Le contreseing est une signature supplémentaire, apposée par une autorité administrative, à la
suite de celle de l’autorité compétente à titre principal pour édicter un acte administratif.
b- Les formalités accessoires : les visas.
Les visas sont les références aux textes en vertu desquels l’AAU est pris. Exemple : « Vu la
Constitution, vu la loi n° tel… » Ils précèdent généralement la partie déclinée en articles qui
constitue le « dispositif » de l’acte. La jurisprudence considère que ni leur inexactitude ni leur
omission pure et simple n’ont la moindre incidence sur la légalité de l’acte : CE, 6 mars 1957,
Saint-André.
c- Les formalités tantôt substantielles tantôt accessoires.
Des textes ou la jurisprudence peuvent parfois exiger le respect de certaines formalités. Tel est
le cas s’agissant par exemple de la forme écrite ou de la motivation. La forme écrite n’est
obligatoire pour un AAU que si un texte l’exige. Il en est ainsi pour les délégations de
compétence.

48
La motivation, c'est l'inscription des motifs dans la décision même : on dit d'un acte qu'il est
motivé lorsque la simple lecture de la décision renseigne sur les raisons de droit et de fait qui
ont amené l’autorité administrative à prendre cette décision. Ainsi, les motifs et la motivation
ne se confondent pas..

Le problème de la motivation des actes administratifs a toujours soulevé l’interrogation


suivante : est-elle obligatoire ? La réponse à cette question est attribuée au juge français qui,
dans un arrêt du 30 avril 1880, Harouel, a estimé que la motivation n’est pas une obligation
pour l’administration ; elle ne s’impose à elle que quand un texte le prévoit. C’est le principe
"pas de motivation sans texte" Il s’agit là d’une position constante plusieurs fois affirmée par
le juge français. Le juge sénégalais, d’abord fidèle au principe "pas de motivation sans texte"
a fini par étendre, sans qu’aucun texte ne le prévoit, le champ de la motivation obligatoire,
allant même jusqu’à imposer à l’administration une forme de motivation. C’est ainsi que le
juge a, de son propre chef, élargi le domaine d’application de la motivation obligatoire à
propos des décisions de sanction disciplinaire d’agents publics mais aussi des décisions qui
restreignent l'exercice des libertés publiques. Il l’a clairement signifié dans l’affaire
LD/MPT41

Les faits : Une marche avait été programmée pour le 30 juin 1999 par "le Collectif des 19",
un regroupement des partis d’opposition dont la Ligue Démocratique, Mouvement pour le
Parti du Travail fait partie. Le préfet du département de Dakar, par un arrêté du 28 juin 1999
interdit la manifestation en se gardant de motiver sa décision. La LD/MPT demande
l’annulation de la décision administrative parce que n’étant pas motivée. Dans sa décision, le
juge estime que la marche étant la manifestation d’une liberté publique soumise à une simple
déclaration, elle ne doit être interdite que si, d’une part, il y a un risque de perturbation de
l’ordre public et d’autre part, il y a une insuffisance de moyens nécessaires pour le maintien
de l’ordre. Pour le juge, toute décision d’interdiction doit être motivée pour lui permettre
d’apprécier les motifs de l’interdiction et de pouvoir exercer un contrôle normal. Il a annulé
la décision

2-Les règles de procédure


L’adoption de l’acte administratif conduit souvent à l’accomplissement de procédures plus ou
moins complexes. On en retiendra deux : la procédure consultative et la procédure
contradictoire.42
a- La procédure consultative
L’AA, avant d’être pris, peut être précédé de la consultation d’un organisme appelé à émettre
un avis sur la décision à prendre. On distingue traditionnellement 3 sortes d’avis. L’avis peut
être soit facultatif soit obligatoire soit conforme.
*L’avis facultatif. L’administration n’est pas obligée de le prendre encore moins de le suivre.
*L’avis obligatoire. L’addition est tenue de le prendre mais peut ne pas le suivre.
41
CE, 25 novembre 1999, B.A, 1999, p.26
42
On y inclut la règle du parallélisme des procédures (improprement appelée parallélisme des formes) ou la règle
relative aux délais
49
*L’avis conforme. L’administration est tenue de demander mais aussi de suivre l’avis de
l’organe consulté.
b- La procédure contradictoire.
Elle permet à la personne, préalablement à la décision, de présenter ses observations. Elle est
destinée à garantir les droits de la défense. CE 05 mai 1944 Dame Veuve Trompier Gravier 43
GAJA n°06 – CE SN 26 janvier 1994, coopérative des boulangers du marché PINC, BACI
n°1, p.51.
Paragraphe II : L’exécution de l’acte administratif unilatéral

La Décision administrative déploie ses effets à partir de son entrée en vigueur sur le fondement de
l’autorité qui lui est attachée.
A) L’entrée en vigueur de l’acte administratif.
L’acte administratif fait son entrée dans le monde juridique dès son émission, c'est-à-dire dés sa
signature. Autrement dit, l’existence d’un acte administratif n’est pas subordonnée à sa publication ou
à sa notification et peut donc faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir dès sa signature CE 19
décembre 1952, Mattei, R.569.
Cependant, l’acte administratif ne sera opposable aux administrés qu’à partir de l’accomplissement
des formalités de la publicité. La publicité est une opération destinée à faire porter à la connaissance
des destinataires d’un acte, le contenu dudit acte. Il y a deux modalités de publicité : la notification
(utilisée pour les actes administratifs individuels) et la publication (utilisée pour les actes
réglementaires ou les actes individuels susceptibles d’intéresser les tiers).

B) L’autorité de l’AAU
Si l’acte administratif unilatéral a force exécutoire en raison du privilège du préalable il ne
fait pas nécessairement l’objet d’une exécution forcée.
1- Le privilège du préalable

En matière administrative, la décision administrative est source d'obligation et doit être


exécutée immédiatement. Le privilège du préalable qui signifie que les décisions
administratives sont présumées régulières et produisent leurs effets tant qu'elles n'ont pas été
déclarées nulles par le juge, a pour corollaire, l'exécution provisionnelle. Autrement dit,
l'administration peut poursuivre l'exécution de ses décisions en dépit d'un recours dirigés
contre elles.

Ce privilège peut être remis en cause par le biais du sursis à exécution demandé par
l’administré au juge. Celui-ci a peut accéder à cette demande et prononcer le sursis s'il
estime les moyens suffisamment sérieux et le préjudice que l'exécution entrainerait
difficilement réparable.
2- L’exécution forcée
Dire que la décision administrative à force exécutoire ne signifie pas que l’administration
peut recourir à la force pour exécuter ses décisions. L’exécution forcée (le recours à la
force) est en effet l’exception. Le Tribunal des conflits l’a rappelé et a précisé les cas
dans lesquels ce recours est possible. (TC, 2 décembre 1902, Société Immobilière
Saint-Just). Le premier est l’urgence que le juge vérifie bien sûr, le second est l’absence
de procédure légale.

43
Le préfet de la Seine a retiré à la dame veuve Trompier-Gravier l'autorisation qui lui avait été accordée de vendre des journaux dans un
kiosque sis boulevard Saint-Denis, à Paris, au motif qu’elle aurait commis une faute. Le CE considère « qu’une telle mesure ne pouvait
légalement intervenir sans que la dame veuve Trompier-Gravier eût été mise à même de discuter les griefs formulés contre elle ».

50
Le recours abusif à l'exécution d'office peut engager la responsabilité de l'administration, et
l'annulation des mesures prises. Elle peut même constituer une voie de fait - en portant
atteinte à une liberté fondamentale ou au droit de propriété - et relever de la compétence du
juge judiciaire (CE, 8 avril 1961, Dame Klein).
Paragraphe 3 : La disparition de l'acte administratif unilatéral

Hors la volonté de l'administration, la disparition de l'acte administratif peut résulter de son


annulation pour illégalité par le juge de l’excès de pouvoir, de la survenance du terme
exprimé dans l'acte, du décès du destinataire…

Par sa volonté, l'administration peut provoquer la disparition d’un acte de l'ordre juridique par
deux moyens : l'abrogation qui ne fait disparaître que les effets de l'acte pour l'avenir ; le
retrait qui entraîne la disparition rétroactive des effets de l'acte.

A- L'abrogation

L'abrogation est le procédé normal de l'administration. Elle peut être expresse (elle doit alors
être prise par un acte contraire) ou tacite.

- L'abrogation des actes réguliers.

 Pour les actes réguliers non créateurs de droits, l'abrogation est une faculté que
l'administration peut à tout moment, sur simple opportunité, sans condition de légalité,
utiliser.

 Pour les actes réguliers créateurs de droits, l'abrogation est en principe impossible.
Elle n’est envisageable que dans deux hypothèses identifiées par le juge : Soit lorsque
le titulaire des droits concerné en fait la demande (CE 30 juin 2006, Soc. Neuf
Télécom AJDA, 2006, 1720) ; soit dans les cas et aux conditions prévus par les textes
(CE 6 novembre 2002 Mme Soulier). Par exemple, la nomination régulière d'un
fonctionnaire ne peut être abrogée que dans des hypothèses et selon des procédures
précises prévues par le statut général des fonctionnaires (révocation, mise à la
retraite…)

En tout état de cause, le juge français estime depuis 2009, dans un souci de sécurité
juridique que « l’administration ne peut…abroger une décision expresse individuelle
créatrice de droit que dans le délai de quatre mois suivant l’intervention de cette décision
et si elle est illégale »CE 6 mars 2009 Coulibaly, AJDA 2009, 455.

- L'abrogation des actes irréguliers.


Qu'ils soient créateurs de droits ou non, l'administration a obligation d'abroger les
actes devenus illégaux du fait d'un changement de droit ou de circonstances (CE, 1930,
Despujol) sur simple demande d'un intéressé. Le législateur français en 2007 (loi n° 2007-
1787 du 20 décembre relative à la simplification du droit) 44 est intervenu pour fixer les
contours de l’obligation d’abrogation dans la perspective déjà envisagée par la jurisprudence
Despujol. « L’autorité administrative est tenue d’office ou à la demande d’une personne
intéressée, d’abroger expressément tout règlement illégal ou sans objet, que cette situation
44
JO n° 296 du 21 décembre 2007
51
existe depuis la publication du règlement ou qu’elle résulte de circonstances de droit ou de fait
postérieures à cette date »45.

B- Le retrait

Encore plus attentatoire au principe de la sécurité juridique, il permet comme l'annulation d'un
acte par le juge d'effacer rétroactivement les actes administratifs.

- Retrait des actes non créateurs de droits.

Concernant les règlements, le retrait n'est possible que tant que celui-ci n'est pas devenu
définitif. Au-delà, seule l'abrogation est possible, qu'il soit régulier ou non.

Concernant les décisions individuelles non créatrices de droit, le retrait est possible à tout
moment (c'est le cas des actes frauduleux, des autorisations précaires).

En vertu du principe de non-rétroactivité des actes administratifs, les actes administratifs


réguliers ne peuvent être retirés. Par exception, la jurisprudence a admis ce retrait pour les
actes individuels à la demande de leur bénéficiaire.

- Retrait des actes créateurs de droits.

Concernant les actes individuels réguliers créateurs de droit, le retrait n'est admis par la
jurisprudence que si le bénéficiaire en fait lui-même la demande.

Pour les actes individuels irréguliers créateurs de droit, la règle traditionnelle provenait de
l'arrêt Dame Cachet (C.E 3 novembre 1922) selon lequel l'administration pouvait retirer l'acte
illégal tant que le juge de l'excès de pouvoir était compétent pour l'annuler. Cette
jurisprudence a, aujourd’hui, évolué.

Chapitre 2: Le contrat administratif


Contrairement aux contrats de droit privé fondés sur le principe de l’égalité des parties
contractantes, les contrats administratifs mettent en œuvre un but d’intérêt général et sont
soumis à un régime exorbitant du droit commun
Se pose alors la question de savoir à quels signes reconnaît-on qu’un contrat est
administratif ? Autrement dit quels sont les critères du contrat administratif ?
Section 1 : L’identification des contrats administratifs
Il n’existe pas de critère formel permettant de reconnaître de prime abord le contrat
administratif. En présence d’un contrat passé par l’administration (par exemple vente des
produits de son domaine privé) on peut donc hésiter à première vue sur le caractère privé ou
45
Article 1er de la loi 2007-1787 insérant un article 16-1 après l’article 16 de la loi n°2000-321 du 12 avril 2000
relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations
52
administratif du contrat. Selon que l’on opte pour l’un ou l’autre sens, le régime du contrat
c’est-à-dire les droits et obligations et les règles de procédures changent.
Dans certains cas les textes tranchent expressément la question. La loi ou le règlement peut à
tout moment attribuer la qualité de contrat administratif à une catégorie de conventions
auxquelles une personne morale de droit public est partie.
En dehors de ces contrats appelés contrats administratifs par détermination de la loi, c’est la
jurisprudence qui, en France, a dû s’efforcer de résoudre le problème et de définir les critères
des contrats administratifs par nature. C’est cette jurisprudence qui a été codifiée au Sénégal.
Paragraphe 1 : Les contrats administratifs par détermination de la loi ou du règlement

Le contrat administratif par détermination de la loi résulte d’une volonté manifeste du


législateur ou de l’autorité réglementaire d’attribuer la qualification administrative à certaines
catégories de contrats. Au Sénégal, les marchés publics, les conventions de délégation de
service et les contrats de partenariat constituent des contrats administratifs aux termes des
dispositions de l’article 10 nouveau de la loi n°2006-16 modifiant la loi n°65-61 du 19 juillet
1965 portant Code des obligations de l’administration. JO du 05 août 1966.

A- Les marchés publics


Le marché public est un contrat à titre onéreux donnant lieu au paiement d’un prix. Toutefois,
il existe une catégorie de contrat dans laquelle le cocontractant est rémunéré autrement que
par un prix qui exprime la valeur de ses prestations. (Décret 2007-545 du 27 avril 2007),
B- La délégation de service public
Elle constitue un mode de gestion déléguée qui se définit comme un contrat par lequel une
personne morale de droit public confie la gestion d’un service public dont elle a la
responsabilité à un délégataire public ou privé dont la rémunération est substantiellement liée
aux résultats de l’exploitation46.
La directive communautaire n°04/2005/CM/UEMOA portant procédures de passation,
d’exécution et de règlement des marchés publics et des délégations de service public dans
l’UEMOA retient comme formes de délégation de service public les catégories suivantes :

- La régie intéressée : Procédé contractuel par excellence des collectivités locales,


le fermier assure le service public qui lui est délégué par contrat moyennant le
versement d’une redevance déterminée par la personne publique qui a réalisé les
investissements initiaux.
- La concession de service public : C’est un contrat de gestion déléguée par lequel
le concessionnaire se rémunère à partir de redevances perçues sur les usagers du
service qu’il gère à ses risques et périls.

46
La loi française n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 (article 3) définit ainsi la délégation de service
public : « Une délégation de service public est un contrat par lequel une personne morale de droit public confie
la gestion d'un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou privé, dont la rémunération
est substantiellement liée aux résultats de l'exploitation du service. Le délégataire peut être chargé de construire
des ouvrages ou d'acquérir des biens nécessaires au service. » Cette définition reprend, pour l’essentiel, les
critères retenus par le Conseil d’Etat dans l’arrêt C.E., 15 avril 1996, Préfet des Bouches-du-Rhône c/
Commune de Lambesc (Rec. p.137).

53
Au Sénégal, le Code des obligations de l’administration dispose en son article 10 nouveau
dispose que les formes de délégation de service public comprennent la concession de service
public, la régie intéressée et le contrat de partenariat. Ce dernier est un contrat administratif
par détermination de la loi emportant de larges obligations du cocontractant pour une période
déterminée. Entre autres obligations non exhaustives, le financement, la réalisation, la
construction, la réhabilitation, l’entretien et l’exploitation. Le cocontractant est rémunéré à
partir d’objectifs de performance déterminés par la puissance publique.
Paragraphe 2 : Les contrats administratifs par nature
En dehors des hypothèses où la qualification administrative du contrat est établie par le
législateur ou l’autorité réglementaire, le contrat administratif peut résulter de la réunion d’un
certain nombre de critères.
Il est généralement exigé la réunion de deux conditions pour qu’il y ait contrat administratif.
Le contrat administratif repose avant tout sur un critère permanent : c’est la présence d’une
personne morale de droit public.
A côté de ce critère permanent, existent deux critères alternatifs dont l’un combiné au critère
permanent suffit pour donner naissance au contrat administratif. Les critères alternatifs
renvoient à la participation du cocontractant de l’administration à l’exécution du service
public et à la présence dans le contrat de clauses exorbitantes du droit commun.
1-Le critère permanent : la présence d’une personne morale de droit public
Le contrat administratif est généralement imputé aux personnes morales de droit public. Cela
veut dire que la qualification administrative d’un contrat présuppose l’existence d’une
personne morale de droit public comme partie au contrat.
La convention entre deux personnes publiques constitue un contrat administratif.
A contrario, un contrat conclu entre deux personnes privées reste en principe un contrat de
droit privé - sauf si l’une des personnes privées a agi pour le compte d’une personne publique
en vertu d’un mandat express. TC 08 juillet 1963, société entreprise Peyrot GAJA n°102 –
(CF article 09 du COA).
2-Les critères alternatifs
La présence d’une personne morale de droit public ne suffit pas à elle seule pour imprimer au
contrat un caractère administratif. Il faut ensuite pouvoir déceler l’un des deux critères
suivants :
- le critère du service public qui se dédouble en deux branches : 1ère branche : que le contrat,
de par son objet, assure la participation du cocontractant à l’exécution d’une mission de
service public (CE 20 avril 1956, Epoux Bertin ; 2ème branche : que le contrat constitue une
modalité d’exécution du service public. Le service public n’est plus, à la différence de
l’hypothèse précédente, exécuté par le cocontractant, mais par la personne publique elle-
même, qui recourt au contrat pour assurer sa mission de service public. (CE 20 avril 1956
Min. de l’Agriculture c. consorts Grimouard),
- le critère de l’exorbitance qui s’est lui aussi dédoublé en deux branches : Selon la première,
un contrat est administratif lorsqu’il comporte une ou plusieurs clauses exorbitantes du droit
commun (CE 31 juillet 1912, Société des granits porphyroïdes des VOSGES). Selon la
seconde branche, un contrat est administratif même s’il ne contient pas de clauses
54
exorbitantes, lorsqu’il est soumis à un régime juridique prédéterminé exorbitant du droit
commun, lorsqu’il a été conclu dans une ambiance de droit public (CE 19 janvier 1973 Soc.
d’exploitation électrique de la rivière du Sant, AJDA 1973, 358).
Section 2 : L’exécution des contrats administratifs
Les contrats administratifs révèlent des pouvoirs importants de l’administration. En effet, le
contrat est généralement conclu en vue de l’exécution d’une mission de service public. Il est
dès lors indispensable de lui reconnaître des pouvoirs lui permettant de faire prévaloir l’intérêt
général.
Les pouvoirs exorbitants de l’administration sont nombreux et variés. C’est un pouvoir de
direction, de contrôle, de modification et même de sanction unilatérale. Il s’y ajoute les
pouvoirs reconnus à l’administration du fait de la survenance de faits nouveaux susceptibles
de rompre l’équilibre originel du contrat administratif.
Paragraphe 1- Un pouvoir de modification unilatérale : l’aléa administratif
L’expression fait du prince renvoie à l’hypothèse d’une mesure législative ou réglementaire
qui intervient a posteriori et affecte les stipulations du contrat. C’est un aléa administratif du
fait de l’administration. Ce pouvoir de modification unilatérale va devoir causer un préjudice
direct et certain. Un acte imprévisible et imputable à une autorité publique doit être à l’origine
du préjudice. CE 21 mars 1910 Compagnie Générale des Tramways GAJA n°25.
Paragraphe 2- L’aléa économique : l’imprévision
Elle résulte d’un bouleversement de l’économie du contrat. C’est une situation imprévisible
entraînant un déficit quasi insurmontable. CE 30 mars 1916, Gaz de Bordeaux GAJA. N° 34.
L’aléa économique peut être une dépréciation monétaire ou une inflation généralisée
Paragraphe 3 -Les sujétions imprévues
Constitue une sujétion imprévue, un fait matériel, extérieur ne pouvant être raisonnablement
envisagé au moment de la conclusion du contrat. La sujétion imprévue entraîne une difficulté
anormale d’exécution. Elle ne bouleverse pas l’économie du contrat mais rend son exécution
onéreuse (article 118 du COA).
.Quelle que soit l’imprévisibilité des cas énumérés, le cocontractant est tenu d’exécuter ses
engagements contractuels sur le fondement du principe de la continuité du service public.
Toutefois, le cocontractant a des droits qui se ramènent à l’équilibre financier du contrat.
En cas d’exercice du pouvoir de modification unilatérale, il est prévu une réparation
intégrale au profit du cocontractant. L’indemnité couvre aussi bien le préjudice subi que le
manque à gagner.
En cas d’imprévision, la réparation est partielle CE 25 novembre 1931, Compagnie générale
des automobiles postales R. p.3 33 – CE 9 décembre 1932, Compagnie des Tramways de
Cherbourg GAJA n°50.
En cas de sujétions imprévues, il y a réparation intégrale pour le cocontractant.
Section 3 : La disparition du contrat administratif

55
Cinq situations peuvent entrainer la disparition d’un contrat administratif :

++ Le contrat prend fin lorsque les obligations des parties ont été exécutées. On parle de
réalisation de l’objet du contrat. Par exemple, la livraison du produit dans le cas d’un marché
de fournitures. La résiliation se produit de plein droit.

++ Le contrat prend fin à la survenance de son terme. Par exemple l’arrivée du terme d’une
concession de service public.

++ Les parties peuvent à tout moment mettre fin à un contrat en cours d’exécution. C’est une
résiliation conventionnelle article 132 du COA.
++ L’administration dispose d’un pouvoir de résiliation unilatérale d’un contrat
administratif. C’est une manifestation des prérogatives exorbitantes du droit commun. Elle est
prononcée pour faute imputable au cocontractant ou sans faute lorsque les clauses du contrat
sont devenues inutiles et inadaptées.
++ Le contrat administratif peut enfin disparaitre sur décision du juge. Il peut s’agir du juge
du plein contentieux. Il peut également s’agir du juge de l’excès de pouvoir.
Section 4 : Le contentieux des contrats administratifs
Compte tenu de la nature du litige, le contentieux des contrats administratifs peut être scindé
en deux sous ensembles.
1-Le contentieux subjectif : Le principe étant que les effets du contrat sont limités aux
parties, ces dernières ont de tout temps été les seules admises au contentieux contractuel.
C’est ainsi que sur saisine du cocontractant de l’administration, le juge peut annuler un contrat
sur le fondement d’une force majeure, d’une modification excessive de l’objet du contrat ou
d’une faute grave de l’administration. Depuis 2007, le CE français reconnait aux concurrents
évincés le droit de former un recours de plein contentieux contre les marchés publics (et les
autres contrats administratifs) dans un délai de deux mois à compter de la publicité de leur
signature (CE 16 juillet 2007 Soc. Tropic travaux signalisation AJDA 2007, 1577).

Les évolutions jurisprudentielles récentes tendent à favoriser la stabilité des relations contractuelles,
notamment par l'aménagement, en cas de nullité du contrat, de sa résiliation (résiliation différée). Le
juge du contrat pourra notamment déterminer dans quelle condition une mesure d'exécution d'un
contrat qui lèse l'une des parties est de nature à ouvrir un droit à indemnité, mais surtout, cette même
partie pourra former un recours de plein contentieux en vue de contester la validité de la résiliation du
contrat et d'exiger la reprise des relations contractuelles, cela, deux mois après s'être vue notifiée la
décision de résiliation : CE Sec. 21 mars 2011, Commune de Béziers.
« Considérant que le juge du contrat, saisi par une partie d'un litige relatif à une mesure d'exécution
d'un contrat, peut seulement, en principe, rechercher si cette mesure est intervenue dans des
conditions de nature à ouvrir droit à indemnité ; que, toutefois, une partie à un contrat administratif
peut, eu égard à la portée d'une telle mesure d'exécution, former devant le juge du contrat un recours
de plein contentieux contestant la validité de la résiliation de ce contrat et tendant à la reprise des
relations contractuelles ; qu'elle doit exercer ce recours, y compris si le contrat en cause est relatif à
des travaux publics, dans un délai de deux mois à compter de la date à laquelle elle a été informée de
la mesure de résiliation ; que de telles conclusions peuvent être assorties d'une demande tendant, sur
le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, à la suspension
de l'exécution de la résiliation, afin que les relations contractuelles soient provisoirement reprises... »

Le contentieux des contrats relève de la pleine juridiction dès lors qu’il repose sur l’existence
d’une situation juridique individuelle. Au Sénégal, le juge des contrats administratifs est le
56
tribunal régional (139 COA) saisi sur le fondement des articles 729 et suivant du Code de
procédure civile.
2-Le contentieux objectif. Il existe une règle traditionnelle selon laquelle en matière de
contrat administratif il n’est possible d’attaquer en recours pour excès de pouvoir que les actes
détachables du contrat. Ces derniers sont les actes fortement individualisés dont l’appréciation
de la légalité peut se faire en dehors du contrat dans sa globalité. CE 04 août 1905 Martin
GAJA 15ème éd. n°16 – CE 29 octobre 1997, Société Sud Communication BACE n°1 juillet
1998, p.147.
Le droit sénégalais (article 140 nouveau du COA) donne une liste énumérative des actes
détachables qui peuvent faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir devant la chambre
administrative de la Cour Suprême. Il s’agit de l’autorisation de contracter, de la décision de
contracter ou de ne pas contracter, de l’opération d’attribution et de l’approbation du contrat.
Il faut noter qu’à ces actes, il faut ajouter aujourd’hui le déféré 47 du représentant de l’Etat dans
le cadre de la décentralisation (recours exercé contre un contrat passé par une collectivité
décentralisée) mais aussi le recours susceptible d’être formé par un tiers contre le recrutement
d’un agent territorial (CE 30 octobre 1998 Ville de Lisieux).
Le déféré est par définition restreint au niveau du requérant, puisqu’il s’agit d’une procédure
spécifique réservée au représentant de l’Etat. Traditionnellement, on distingue le déféré sur
demande et le déféré spontané. Le déféré sur demande autorise une personne lésée par le
contrat de saisir le représentant de l’Etat pour lui demander de le déférer devant le juge (Art.
341 CCL). Le déféré spontané émane directement du représentant de l’Etat décidant suite à
l’exercice de son contrôle de légalité de déférer au juge, le contrat qu’il estime entaché
d’illégalité (Art. 337 CCL).

DEUXIEME PARTIE - LE CONTRÔLE DE L’ADMINISTRATION

L’administration exerce des missions d’intérêt général qui lui permettent d’utiliser des
procédés exorbitants du droit commun. En contrepartie, un droit de regard s’exerce sur elle.
Dans un Etat de droit, l‘administration est soumise au droit comme tout particulier et tout
citoyen, en vertu du principe de la prééminence du droit. L’administration est surveillée à la
fois par des juridictions, des autorités politiques ou administratives 48 et, de plus en plus, par
des autorités administratives indépendantes.

47
Le Conseil d’Etat considère que le déféré préfectoral peut être assimilé à un recours pour excès de pouvoir ; C.E., 26 juillet
1991, Commune de Sainte-Marie.
48
Commissions parlementaires, inspections générales
57
S’agissant du contrôle juridictionnel, on distingue le contentieux de l’excès de pouvoir et le
contentieux de pleine juridiction49.
CHAPITRE I : LE CONTENTIEUX DE L’EXCES DE POUVOIR

Le recours pour excès de pouvoir est un recours contentieux par lequel tout intéressé peut
demander au juge compétent d’annuler un acte administratif pour violation de la légalité. Au
Sénégal, le recours pour excès de pouvoir est consacré par la constitution en son article 72
modifié et complété par la loi constitutionnelle 2008-33 du 07 août 2008 50, et également par la
loi organique n°2008-35 portant création de la Cour Suprême (CS).
La CS est juge en premier et dernier ressort de l’excès de pouvoir des autorités exécutives
Section I : Les conditions de recevabilité du recours pour excès de pouvoir
Les conditions sont relativement nombreuses et variées. Il importe de les regrouper en trois
rubriques. Les conditions de recevabilité tenant à la personne du requérant, les conditions
tenant à la nature de l’acte attaqué et les conditions tenant à la requête elle même.
Paragraphe 1- Les conditions de recevabilité tenant à la personne du requérant
Pour être recevable, il faut que le requérant ait la capacité d’agir et un intérêt à agir. La
capacité d’agir est appréciée dans les termes du droit commun. La condition relative à l’intérêt

49
A ces deux recours principaux, le droit positif (sur le fondement de la classification établie
au XIXe siècle par Edouard Lafferière) admet deux autres recours, plus secondaires, mais non
dépourvus d'intérêt : le recours en interprétation et le contentieux des poursuites.

Les 4 branches à l’intérieur du contentieux administratif selon la nature et l’étendue des


pouvoirs du juge sont :

1. Le contentieux de pleine juridiction ou « plein contentieux », dans lequel le


requérant demande au juge d’utiliser l’ensemble de ses pouvoirs juridictionnels, ce
dernier pouvant réformer totalement ou partiellement la décision administrative
contestée, mais aussi des condamnations pécuniaires, notamment en vue de la
réparation de préjudices.

2. Le contentieux de l’annulation, qui est le domaine du recours pour excès de pouvoir,


dans lequel le requérant demande au juge de reconnaître l’illégalité d’une décision
administrative et d’en prononcer l’annulation.

3. Le contentieux de l’interprétation et de l’appréciation de la légalité, dans lequel le


juge saisi d’un recours en interprétation ou en appréciation de légalité, ne fait
qu’interpréter le sens d’un acte administratif obscur ou apprécier la légalité d’un tel
acte.

4. Le contentieux de la répression, dans lequel le juge administratif est compétent pour


réprimer certaines infractions en prononçant des peines. Il s’agit généralement de
sanctions pécuniaires.

50
JO 64-20 du 08 août 2008, p.755
58
à agir soulève plus des difficultés. La jurisprudence distingue l’intérêt à agir des personnes
physiques et l’intérêt à agir des groupements.
A - L’intérêt à agir des personnes physiques
En ce qui concerne les personnes physiques, l’acte doit avoir lésé moralement ou
matériellement les intérêts du requérant. Entre le requérant et l’acte doit exister un lien
évident CE SN 25 août 1993, Professeur Iba Der Thiam. BACE n°1, p.6. Pour justifier d’un
intérêt à agir au sens du juge français, l’auteur d’un REP doit montrer que l’acte attaqué lui
fait grief. Ce grief doit exister, peut importe qu’il soit matériel 51 ou moral52 et il doit être
certain et non éventuel53.
B - L’intérêt à agir des personnes morales

L’intérêt à agir des groupements soulève des problèmes beaucoup plus délicats. En principe,
les personnes morales ne doivent normalement agir que pour la défense des intérêts collectifs
de leurs membres. La recevabilité de leur action a été admise : CE 28 décembre 1906 syndicat
des patrons coiffeurs de Limoges GAJA n°18. Au regard de cette jurisprudence, les personnes
morales ne peuvent attaquer les actes individuels concernant un de leurs membres sauf si elles
ont reçu un mandat spécial. CE 29 juin 2000, ANHMS c Etat du Sénégal. Dans cette affaire,
mandat a été donné par le sieur Fadiya à l’Association Nationale des Handicapés Moteurs du
Sénégal –ANHMS- qui a introduit un recours en annulation de la décision d’un jury ayant
écarté la candidature du sieur Fadiya à l’épreuve d’admission au motif que l’infirmité dont il
est atteint est incompatible avec la fonction de volontaire de l’enseignement. Ce dernier,
handicapé physique avait été classé second sur une soixantaine d’admissibles. Le CE a
déclaré la requête recevable et annulé la décision du jury. Voir, antérieurement, CS 25 mars
1981 SUDES, RIPAS n°3, p.151.
Paragraphe 2- Les conditions de recevabilité relatives à l’acte attaqué
Le REP n’est en principe recevable que si l’acte contre lequel il est dirigé est un AAU. En
plus, il faut qu’il s’agisse d’une décision, c'est-à-dire un acte susceptible de modifier
l’ordonnancement juridique pris par une personne morale de droit public ou par une personne
morale de droit privé gérant une mission de service public emportant l’usage de prérogatives
de puissance publique (cf Magnier, Dial Diop…). Cela signifie que les REP formés contre
une mesure d’ordre intérieur (destinée à régir l’organisation et le fonctionnement interne des
services), un acte préparatoire (avis, renseignements…)54, un acte comminatoire (injonction
d’agir ou de ne pas agir dans un sens : exemple, une mise en demeure) sont irrecevables.
En ce qui concerne les contrats administratifs, l’on a fini par admettre qu’un REP puisse être
dirigé, en dehors des actes détachables (CE 4 août 1905 Martin) contre les « clauses
règlementaires » du contrat (CE ass, 10 juillet 1996 Cayzeele). En outre, dans le cadre de la
décentralisation, le procédé du déféré permet au représentant de l’Etat de saisir le juge d’un
recours dirigé contre un contrat administratif.
Paragraphe 3- Les conditions de recevabilité tenant à la requête
La requête doit être présentée sous une certaine forme, comporter certaines mentions et être
introduite dans un délai bien déterminé.
51
CE 29 mars 1901 Casanova, GAJA
52
CE 13 juillet 1948 Association des anciens élèves de l’Ecole polytechnique, S. 1949, 36.
53
CE 7 janvier 1944 Robert, RDP 1944,353
54
CS 20 mars 1963 Amadou Alpha KANE, Annales afr. 1973. 277 ; GDJA T1, p.47
59
La requête doit être écrite et signée « par un avocat ou par un Ministre ou un fonctionnaire
habilité à ester en justice au nom de l’Etat ou encore par un Président de Conseil régional, un
Maire ou un Président de Communauté rurale » (Art 34 de la LO n° 2008-35 du 7 août 2008
portant création de la Cour suprême) Nb, Il faut noter qu’aux termes de l’article 73 de cette
même loi organique, « le demandeur est dispensé du ministère d’un avocat ».

. Elle doit comporter certaines mentions relatives au nom, domicile du requérant et contenir
un exposé sommaire des faits et des moyens c’est-à-dire des circonstances qui sont à l’origine du
recours et des arguments juridiques qui soutiennent la requête.. Le juge déclare irrecevable
une requête dans laquelle il n’y a pas un exposé des moyens. CS 27 mai 1981, Aboubacar
Sylla RIPAS n°10, p663. La décision contestée doit être jointe à la requête-- (article 34 LO
2008-35).
La requête doit être introduite dans le délai de 02 mois à partir de la notification de l’acte ou
de la publication.
En ce qui concerne les actes individuels intéressant les tiers, le point de départ du délai est la
publication pour les tiers intéressés et la notification pour les destinataires 55. Le juge peut
appliquer la théorie de la connaissance acquise. Au regard de cette théorie, le point de départ
du délai est déterminé à partir de la date à laquelle le requérant, en posant certains actes,
révèle qu’il a eu connaissance de la décision : CS 27 mai 1981, Amadou Lamine BA RIPAS
n°4, p.402.
Une décision implicite nait du silence gardé par l’administration pendant un certain délai. Le
délai du recours pour excès de pouvoir commence alors à courir à partir de l’expiration de ce
délai (quatre mois en droit sénégalais CS 05 janvier 1978 Cheikh Anta Diop GDJAS tome I
n°10. CE 27 avril 1994 Ousmane Kane Kamara BA CE n°1, p.64 ; deux, en principe, en droit
français aux termes de l'article 21 de la loi du 12 avril 200056).
Le calcul du délai communément appelé computation du délai est dit « franc » car ne sont
comptés dans le délai ni le ‘’dies aquo’’ (jour de la notification, de la publication, ni le « dies
ad quem » (jour du terme du délai). Les jours fériés et non ouvrables ne sont pas pris en
compte dans la computation du délai.
Généralement, le délai du recours peut être prorogé pour deux raisons :
- Une décision explicite intervient au-delà de la période des 04 mois. Dans ce cas, aux
termes des dispositions de l’article 73 alinéa 1 de la loi organique n°2008-35 portant
création de la Cour Suprême, « la décision explicite intervenue postérieurement à
l’expiration de la période de 04 mois prévus aux 3 e et 4e alinéas fait courir un nouveau
délai de 02 mois ».
- La saisine d’une juridiction incompétente proroge le délai du recours pour excès de
pouvoir qui commence à courir à partir de la notification de la déclaration

55
Il en est ainsi des permis de construire, notifiés aux intéressés et aussi affichés en mairie et sur les terrains
visés
56
Lorsque l'administration ne répond pas à un recours gracieux ou hiérarchique formé par une personne morale
ou physique, le silence vaut au bout d'un certain temps décision implicite de rejet du recours. Le délai le plus
connu est celui du silence gardé par l'administration pendant plus de deux mois fixé par l'article 21 de la loi du
12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations qui vaut décision
implicite de rejet. Mais le pouvoir réglementaire peut fixer dans certaines matières des délais plus courts ou plus
longs.
60
d’incompétence de la juridiction saisie à tort CS 09 février 1966, Dame Fatou Diop
annales Africaines 1973, p.268.
Section 2 : Les cas d’ouverture du recours pour excès de pouvoir
On appelle cas d'ouverture du recours pour excès de pouvoir, ou encore moyens d'annulation,
les cinq éléments suivants du principe de la légalité dont le non-respect est sanctionné par
l'annulation : l'irrégularité quant à l'auteur (l'incompétence), l'irrégularité quant à la forme (le
vice de forme ou de procédure), l’irrégularité quant aux motifs (l'illégalité ou l’inexistence des
motifs), l'irrégularité quant à l'objet (violation de la loi), l'irrégularité quant au but (le
détournement de pouvoir). Ces cinq éléments sont regroupés sous les deux catégories
d'illégalités externes et d'illégalités internes.
Paragraphe 1- Les illégalités externes
Les moyens invocables concernant la légalité externe se ramènent aux vices d’incompétence,
de forme et de procédure.
A- L’incompétence
On dit qu’il y a vice d’incompétence lorsque l’auteur de l’acte administratif n’avait pas
pouvoir légal de le prendre. Le vice d’incompétence est d’ordre public parce qu’il peut être
relevé spontanément par le juge. L’incompétence revêt généralement deux formes :
- La 1ère consiste en la violation de l’élément matériel (la plus courante : CS 05
juillet 1979, Aminata Sall GDJAS –exclusion d’étudiants de l’université :
incompétence du Président de la République-.), temporel ou territorial (Préfet
de Bignona n’a de compétence qu’à l’intérieur du Département du même nom)
de la compétence (CS 2 janvier 1970, Longin Coly)
- La deuxième forme qui est la plus grave, consiste en une usurpation de
fonctions. Celle ci donne lieu à application de la théorie de l' inexistence : l'acte
accompli par l'usurpateur n'est pas seulement illégal, il est inexistant 57. Le cas
le plus fréquent est celui d’un acte pris par une personne n’ayant pas la qualité
d’autorité administrative. Le juge peut déclarer l’acte légal en application de la
théorie du fonctionnaire de fait.
B-Le vice de forme et de procédure

Le vice de forme a été longtemps confondu avec le vice de procédure. Or, le vice de
procédure affecte le processus de l'élaboration d'une norme tandis que le vice de forme
concerne le contenant de la norme (instrumentum) par opposition à son contenu (negotium).

Les règles de forme concernant les actes administratifs sont assez peu nombreuses. On peut
citer la signature de l'acte par son auteur, la motivation de l'acte, et les contreseings…

Toute violation d’une règle de forme par un acte n’entraîne pas son annulation. La
jurisprudence distingue les formalités substantielles dont la violation entraîne l’annulation de
l’acte et les formalités non substantielles dont la violation peut être sans effet sur la légalité de
l’acte.

57
La constatation de l’inexistence pourra être faite aussi bien par le juge judiciaire que par le juge
administratif, même si les délais sont écoulés. Le Conseil d'État a admis la théorie de l'inexistence à propos d'une
usurpation de fonction dans l'arrêt Rosan Girard
61
Il y a vice de procédure quand l’irrégularité concerne le processus d’élaboration de la décision
qui doit garantir les libertés fondamentales des administrés comme par exemple : respect des
droits de la défense, consultations préalables : CS 23 mars 1975, Souleymane Sidibé, annales
africaines 1974, p.179 (non consultation du conseil supérieur de la fonction publique pour
modifier le statut particulier des administrateurs civils).

Paragraphe 2 : Les illégalités internes.

La légalité interne est relative à l’objet, au but et aux motifs de l’acte. Ces éléments peuvent être
entachés des vices suivants : violation de la loi, détournement de pouvoir et irrégularité des motifs.

A- La violation de la loi

Peut constituer une violation de la loi la méconnaissance du principe de légalité.

Le principe de légalité formelle implique le respect de la hiérarchie des normes juridiques,


suivant un critère organique, tiré de la qualité de leur auteur.

L’autorité administrative ne doit pas donner à son acte administratif, un contenu contraire à
celui des actes supérieurs: CS 26 mai 1965 Ibrahima Seydou Ndaw annales africaines 1973.

B- Le détournement de pouvoir

Il y’a détournement de pouvoir lorsque l’autorité administrative a utilisé ses pouvoirs dans un
but autre que celui pour lequel ils lui sont confiés, pour des motifs étrangers à l’intérêt public
en vue duquel ils lui ont été octroyés.

Deux hypothèses doivent être distinguées :

- en prenant l’acte, l’autorité n’a poursuivi aucun but d’intérêt général. Elle a en réalité obéi à
des préoccupations d’ordre privé CE, 14.3.1934 Dlle Rault (maire dancing semaine)

- en prenant l’acte, l’autorité administrative a poursuivi un but d’intérêt général différent de


celui qu’elle aurait du viser. CE 26.11. 1875 Pariset (préfet- fabrique d’allumettes-
nationalisation-indemnisations) ; CS 05 février 1986, Mously Wagne (utilisation d’un pouvoir
de police spéciale pour exercer un pouvoir de police générale).CE 06 juin 1973 Dame Yaye
Dieng, Annales a. 1974, p.65.(à CONFIRMER
Le vice de détournement de procédure se rapproche du détournement de pouvoir. Il y a
détournement de procédure lorsque l’autorité administrative, au lieu d’utiliser la procédure
prévue pour l’élaboration d’un acte, utilise une procédure aménagée pour un autre acte pour
atteindre un résultat qui serait impossible ou plus difficile à atteindre avec l’utilisation de la
procédure normale : CE 24 juin 1960, société Frampar GAJA n°102.

C- L’irrégularité des motifs

Il peut s’agir des motifs de droit ou des motifs de fait

62
Pour les motifs de droit, il y a irrégularité lorsque l’acte n’a pas de base légale. L’autorité a
fondé son acte sur une règle juridique inapplicable. Une règle juridique peut être inapplicable
pour quatre raisons : parce qu’elle n’est pas encore en vigueur (CE ass 2.2 1987 Soc TV6) ;
parce qu’elle n’est plus en vigueur ; parce qu’elle n’existe pas58 ; parce qu’elle est illégale.

Il y a également irrégularité lorsque l’autorité a fondé son acte sur une règle juridique
applicable mais elle s’est trompée sur ce que celle-ci permettait ou imposait de faire. Il y a eu
mauvaise interprétation. On parle d’erreur de droit.
Pour les motifs de fait, il y a irrégularité soit lorsque les faits qui ont justifié la prise de la
décision n’existent pas : on parle d’inexactitude matérielle des faits: CE 14 janvier1916 Camino
(la révocation d’un Maire, décidée pour le punir d’avoir fait passer un cercueil par une brèche du mur
d’enceinte d’un cimetière, alors qu’après vérification du juge il s’avère qu’il l’avait fait passer par le
portail) ; CS 20 mars 1963 Amadou Alpha Kane, annales africaines 1973, p.277 ( les menées
subversives ne sont pas établies); soit lorsque les faits invoqués ne correspondent pas à ceux
pour lesquels l’autorité administrative a reçu compétence : on parle d’erreur dans la
qualification juridique des faits. Exemple: une situation pas grave qualifiée de menace de
trouble à l’ordre public et qui justifie une décision. Qualifier juridiquement un fait revient à le
loger dans des catégories juridiques pré existantes. Une mauvaise ou une erreur dans la
qualification juridique d’un fait entraîne l’illégalité de l’acte CE 04 avril 1914 Gomel, GAJA
n°32.

Le recours pour excès de pouvoir

 Le recours pour excès de pouvoir n’est recevable que contre une décision explicite ou
implicite d’une autorité administrative.

 Le demandeur est dispensé du ministère d’un avocat (article 73).

 Le délai pour se pourvoir est de deux mois ;

 ce délai court de la date de la publication de la décision attaquée, à moins qu’elle ne


doive être notifiée ou signifiée, auquel cas le délai court de la date de la notification
ou de la signification.

 Le silence gardé plus de quatre mois sur une réclamation par l’autorité compétente
vaut décision de rejet.

 Le délai de deux mois pour se pourvoir contre le rejet d’une réclamation court du jour
de la notification ou de la signification de la décision explicite de rejet de la
réclamation et, au plus tard, à compter de l’expiration d’une période de quatre mois.

 avant de se pourvoir contre une décision administrative, les intéressés peuvent


présenter dans le délai du recours pour excès de pouvoir un recours administratif
hiérarchique ou gracieux tendant à faire rapporter ladite décision. Le silence gardé
58
La décision en cause doit reposer sur une base juridique correcte CS 28 avril 1971 Issaga Keïta, annales
africaines 1973-294. (En l’absence de texte exprès, le ministre ne dispose pas du pouvoir de modifier la
répartition des postes entre le concours professionnel et le concours direct
63
plus de quatre mois par l’autorité compétente sur le recours administratif vaut
décision de rejet.

 Le délai de deux mois prévu ci-dessus ne commence à courir qu’à compter de la


notification ou de la signification de la décision de rejet du recours administratif et,
au plus tard, de l’expiration d’une période de quatre mois

 Lorsque la législation ou la réglementation en vigueur prévoit une procédure


particulière de recours administratif, le recours en annulation n’est recevable
qu’après l’épuisement de ladite procédure et dans les mêmes conditions de délai que
ci-dessus.

Remarques

La décision explicite de rejet intervenue postérieurement à l’expiration de la période de


quatre mois prévue aux 3e et 4e alinéas fait courir un nouveau délai de deux mois (article 73-
1).

Sursis à exécution

Sur demande expresse de la partie requérante, la Cour suprême peut, à titre exceptionnel,
ordonner le sursis à exécution des décisions des autorités administratives contre lesquelles a
été introduit le recours en annulation.
Le sursis en exécution ne peut être accordé que si les conditions suivantes sont remplies :

 les moyens invoqués doivent paraître sérieux en l’état de l’instruction

 le préjudice encouru par le requérant est irréparable (article 73-2).

Cas de suspension de l’exécution d’un acte en cas de recours


Le délai de recours et le recours sont suspensifs en cas :

 de déclaration d’utilité publique,

 d’expulsion d’étranger,

 d’extradition.
 Source : Site du Gouvernement (fenêtre Cour Suprême)

CHAPITRE II : LE CONTENTIEUX DE PLEINE JURIDICTION

Le contentieux de pleine juridiction ou plein contentieux est un procédé de règlement des


litiges administratifs portant sur la reconnaissance, l’étendue et les limites d’un droit subjectif
opposant l’administration à un administré. Le CPJ est constitué pour l’essentiel du

64
contentieux de la responsabilité publique et du contentieux des contrats. Il englobe d’autres
types de litiges qui se rattachent au contentieux fiscal et au contentieux électoral.
La structure du contentieux de pleine juridiction est dominée par le choix de l’unité de
juridiction mais également par la spécificité de la matière administrative. L’unité de
juridiction procède de l’article 3 de la loi n°84-17 du 02 février 1984 modifiée qui abroge
l’ordonnance n°60-56 du 14 novembre 1960 fixant l’organisation judiciaire du Sénégal.
Le choix de l’unité de juridiction présente des avantages certains liés au fait que le requérant
est dispensé de la douloureuse question de la détermination du juge compétent. Toutefois, si
le modèle fait l’économie de la détermination du juge compétent, il laisse subsister le
problème du droit applicable qui conditionne la procédure administrative. D’où, la nécessaire
recherche de la matière administrative qui conditionne l’application de la procédure
administrative contentieuse. Il s’agit de sauvegarder la spécificité du contentieux
administratif.
Section 1- La matière administrative au Sénégal
Elle ne fait pas l’objet d’une définition légale même si elle est formellement consacrée par le
Code de procédure civile en ses articles 729 à 733 intitulé de la matière administrative.
La matière administrative est déterminée à partir de deux critères : le critère matériel et le
critère organique.
Paragraphe 1 : La conception matérielle de la matière administrative
La matière administrative est circonscrite aux litiges soulevant des problèmes spécifiques de
droit administratif. Elle correspond à une conception restrictive de la matière administrative et
reste le premier critère utilisé par le jugement du tribunal de première instance de Dakar 23
mai 1970, Abdourahmane Ndoye annales africaines 1975, p.203. Un an auparavant, la même
juridiction après avoir dégagé dans l’affaire Sékou Badio (1 er mars 1969) que le litige en
question devait être résolu sur la base du droit public, n’avait pas exigé le respect de la
procédure spéciale.
Le juge a fait application du critère matériel dans plusieurs autres affaires : TPI Dakar 17 mai
1969, Sté Bernabé c/ Etat du Sénégal ; TPI du 4 mai 1977 et CA de Dakar 20 mai 1977 Mor
Tall59 ; TPI, 11 mai 1982 et CA, 18 février 1983, Etat du Sénégal/C/Héritiers Abdou Lo ; TPI
Dakar, 9 mai 1984, Samba Douckel Ka…
Au regard de la conception matérielle, la matière administrative regroupe l’ensemble des
litiges dont la solution doit être trouvée dans l’application des règles du droit administratif.
Par contre les litiges mettant en cause une personne publique sont résolus sur le fondement du
droit privé.
Le critère matériel comporte un certain nombre de contraintes :
- Pour le requérant, la recherche du droit applicable constitue une difficulté
majeure avec les risques d’erreurs, source d’irrecevabilité.
- Pour le juge, ces contraintes se situent au niveau de la nécessaire recherche du
droit applicable avant la décision sur la recevabilité. Cette contrainte explique

59
Dans l’affaire Mor Tall, le juge considère qu’un litige causé par un bus dès l’instant qu’il résultait d’un
fonctionnement défectueux du service public, relevait, par conséquent, du contentieux administratif. Il revenait
ainsi sur le jugement du TPI du 4 mai 1977 qui prônait l’applicabilité du droit privé
65
certainement les difficultés du juge dans certaines affaires : TPI du 4 mai 1977
Mor Tall; TPI, 11 mai 1982, Héritiers Abdou Lo60 …
Paragraphe 2- La conception organique de la matière administrative
Selon cette conception, on est dans la matière administrative chaque fois qu’il y a présence
dans le litige d’une personne morale de droit public. Elle correspond à une conception large
de la matière administrative.
Aujourd’hui en droit sénégalais, on note une application tendancielle du critère organique de
la matière administrative. Ainsi, la jurisprudence récente sénégalaise fait prévaloir
l’application de la procédure des articles 729 et s. à la seule présence d’une personne morale
de droit public. Ainsi, impose t-elle au requérant le respect des règles de la procédure
administrative.
La conception organique comporte un certain nombre de limites :
- Une limite légale : l’exclusion des PMD privé chargées d’une mission de
service public.
- Une limite pratique : le risque d’hypertrophie du contentieux administratif.
La Cour d’Appel de Dakar a été la première à privilégier le critère organique CA 14 juillet
1978 Abdoulaye Diack C/Municipalité de Nioro du Rip. Le juge d’appel considère la
municipalité de Nioro du Rip comme étant une personne morale de droit public visée par
l’article 39 du CPC. Ainsi, l’action du requérant aurait du suivre la procédure décrite aux
articles 729 et s du CPC.
Dans l’affaire Dieynaba Diallo61 Tribunal régional de Dakar 17 octobre 1986 C/Etat du
Sénégal, le juge retient le critère organique sans pour autant exclure le critère matériel. « La
notion de matière administrative rendant impératif le recours administratif, hiérarchique
s’entend non pas seulement des litiges dans lesquels le droit applicable quant au fond est le
droit administratif, mais encore et surtout de l’ensemble des litiges dans lesquels une personne
publique est partie ».
Dans une deuxième affaire, la consécration du critère organique est sans équivoque CA Dakar
29 avril 1993 TDI Cassala62. L’article 729 est applicable « aux litiges auxquels l’Etat est
partie même lorsqu’ils relèvent du droit privé ».
Section 2 : La portée de la procédure en matière de droit
Il s’agit de voir quelle est l’incidence de la procédure sur l’issue du procès. Toutefois, il
importe de rappeler que la matière administrative ne fait pas l’objet d’une définition légale.
C’est la raison pour laquelle, des critères sont avancés pour l’identifier.
60
Dans l’affaire Héritiers Abdou lo, le juge a déclaré l’action des requérants recevable sur le fondement des
articles 118, 119 du COCC. La CA reviendra sur cette décision en estimant que le droit applicable n’était pas le
droit privé car « le préjudice causé aux demandeurs résulte d’une action de police des douaniers en service
commandé », d’où « la responsabilité de la puissance publique ». Pour le juge, il ne s’agissait pas « d’un
dommage causé par un véhicule administratif, réparable selon les principes de droit commun …». Etant en
matière administrative, la demande devait nécessairement respecter la procédure spéciale. Voir CA, 18 février
1983, Etat du Sénégal/C/Héritiers Abdou Lo
61
L’immeuble de la Dame Dieynaba DIALLO avait été détruit par erreur suite à un décret déclaratif d’utilité
publique.
62
L’Etat avait passé un contrat de droit privé avec la société TDI Cassala. A la suite d’un litige survenu en cours
d’exécution, la société intente une action en responsabilité contre l’Etat sans respecter la procédure spéciale.
66
Paragraphe 1- L’incidence de la procédure administrative sur l’issue du procès.
Dans la jurisprudence Abdourahmane NDoye le requérant avait été débouté pour non respect
de la procédure de l’article 729.
Dans certains cas, le juge admet la recevabilité de la requête introduite sur le fondement de
l’article 729 du CPC, alors qu’elle soulevait des questions de droit privé. Il en a été ainsi dans
l’affaire Babacar Gueye c/ Etat du Sénégal (28 novembre 1970). Dans cette affaire, une
demande assignant l’Etat par le fait d’un membre de l’enseignement public avait été introduite
avec respect de la procédure spéciale.
Ces fluctuations ont semblé disparaître avec un arrêt de la Cour d’Appel 18 février 1983, Etat
du Sénégal/C/Héritiers Abdou Lo dans lequel, la Cour consacre le caractère d’ordre public de
la procédure de l’article 729.
Cela signifie que l’omission de la formalité doit être soulevée d’office et entraîner le rejet de
l’action. Cet espoir a été déçu dans la mesure où le juge a adopté une démarche contraire. CA
Dakar 07 avril 1989 Etat du Sénégal C/Etudiant de l’UCAD. Dans cette décision, le juge n’a
pas sanctionné l’absence de recours administratif préalable.
Dans la même perspective, le Conseil d’Etat en Cassation 31 mars 2005 Directeur Général des
Impôts et Domaines DGID C//Kamel Badredine délimite la procédure de l’article 729 du
CPC. Selon le juge de cassation, l’irrecevabilité des requêtes pour non respect des règles
spéciales de procédure doit être soulevée devant le juge du fond. Selon le CE en cassation,
« Le recours administratif préalable doit être présenté avant la saisine du juge de fond ».
Le Conseil d’Etat en cassation 03 avril 2008, société Uniplast. Précise que le recours
administratif préalable n’est pas une condition de l’action en justice dans le contentieux de
l’assiette des impôts et taxes.
Paragraphe 2 : L’expansion du recours de pleine juridiction.
Le recours de pleine juridiction gagne sur les domaines traditionnels du recours pour excès de
pouvoir. C’est ainsi que les sanctions administratives (qui sont des actes répressifs par leur
contenu mais administratifs par leur auteur) basculent dans le contentieux de pleine juridiction
CE 16 février 2009 société Atom, RDP 2009.
Il s’y ajoute que l’arrêt société Tropic, CE 16 juillet 2007 parachève la domination de la
pleine juridiction sur le recours pour excès de pouvoir. Ces considérations rendent actuelles le
constat du Doyen M. Hauriou à propos du caractère attractif du recours de pleine juridiction.
« Le changement est que le recours pour excès de pouvoir pâlit et s’efface de plus en plus
derrière le contentieux ordinaire »
Dans ce domaine, le juge a véritablement des pouvoirs étendus, il annule, réforme et
condamne à des dommages et intérêts
CHAPITRE III : LA RESPONSABILITE PUBLIQUE

Jusqu'à la fin du XIXe siècle, la responsabilité de l’administration ne pouvait être engagée.


Incarnant l’intérêt général, et le mettant en œuvre, l’administration ne devait pas voir son
action entravée par un risque juridique trop important. Les hypothèses de responsabilité
administrative se limitant aux seuls cas où une loi en décidait expressément ainsi (c'était par
exemple le cas des dommages causés aux bâtiments par les travaux publics). Il était en effet
67
considéré, dans la lignée de l'adage le roi ne peut mal faire, que les actes de la souveraineté
nationale ne pouvaient être jugés par un tribunal. Les choses ont changé à la suite de l’arrêt du
Tribunal des Conflits du 8 février 1873 (Blanco) à travers lequel le juge reconnait une
responsabilité de principe des personnes publiques. Cependant, du fait de la mission de
service public qui leur est confiée, cette responsabilité ne saurait être régie par les règles du
Code Civil. Le contentieux de la responsabilité administrative est confié au juge administratif.

La responsabilité publique désigne la responsabilité civile extra contractuelle des personnes


publiques. En la matière, il s’agit de répondre aux questions suivantes :

- Qui sera responsable : le fonctionnaire ou la collectivité ?


- Est-il nécessaire qu’une faute soit commise par l’administration pour qu’il y ait
réparation ?
- La puissance publique peut-elle être amenée à réparer les dommages causés par
ses agents ?
Il existe aujourd’hui deux grands régimes de responsabilité de l’administration. Il s’agit du
régime général fruit d’une construction jurisprudentielle et des régimes spéciaux.

Section 1ère : Le régime général de la responsabilité

La responsabilité administrative peut être engagée sous deux conditions : soit une faute est
commise : c’est la responsabilité pour faute ; soit en l’absence de faute : c’est la responsabilité
sans faute

Paragraphe 1 : La responsabilité pour faute

La responsabilité pour faute comporte trois dimensions, la faute de service, la faute


personnelle et le cumul de fautes et de responsabilités.

A) La faute de service
Le juge dans l’arrêt Mor Diaw, (CA de Dakar 09 janvier 1970 Annales africaines 1973,
p.235), définit la faute de service comme « un fonctionnement défectueux du service public
par rapport à son fonctionnement normal » Aux termes de l’article 142 du COA, ce
fonctionnement défectueux s’apprécie « en tenant compte de la nature du service, des
difficultés qu’il rencontre et des moyens dont il dispose».

La faute de service est anonyme ; elle est imputable à la mauvaise organisation ou au


fonctionnement défectueux du service.

B) La faute personnelle
La jurisprudence (arrêt Pelletier, TC 30 juillet 1873) distingue entre :

- La faute personnelle de l’agent détachable du service et qui engage la


responsabilité de son auteur en application du droit privé.
- Et la faute personnelle commise à l’occasion de l’exercice des fonctions et qui
engage la responsabilité de l’administration.

68
A l’occasion de l’exercice des fonctions, la faute personnelle peut résulter de préoccupation
d’ordre privé. Elle est intentionnelle et a pour but soit de nuire, soit de satisfaire un intérêt
personnel. C’est le cas de l’utilisation de véhicules administratifs à des fins privées de
promenade CS 8 juin 1968 Abdoulaye Gueye annales africaines 1973 – 219. Voir aussi CA de
Dkr, 9 avril 1971, Société Bernabé.

Hors de l’exercice des fonctions, il existe deux situations :

-Les fautes personnelles commises en dehors du service public mais non dépourvues de tout
lien avec celui.ci. Pour savoir si la faute personnelle est non dépourvue de tout lien avec le
service, trois critères sont utilisés :
 Le critère matériel : l’instrument ayant servi à commettre la faute, a été remis à l’agent
par le service même (CE ass. 26 octobre 1973 SADOUDI : un policier tue
accidentellement une personne chez lui avec son arme de service que le règlement
l’obligeait à conserver en dehors du service).
 Le critère temporel : la faute a été commise pendant les heures de service (CS
Abdoulaye Gueye 8 juin 1968).
 Le critère géographique : la faute a été commise à l’intérieur du service

-Les fautes dépourvues de tout lien avec le service. C'est-à-dire que la faute a un caractère
détachable du service. Exple : Un douanier en uniforme et en arme blesse mortellement une
personne avec qui il avait un différend d’ordre personnel (CE 23 juin 1954 Dame veuve
Litzler.)
C’est le type de fautes qui n’ont aucun lien ni avec l’objet du service ni avec son but CA 05
février 1973, Ministère public C/Gorgui Ndiaye.

C) Le cumul
L’inconvénient majeur de la jurisprudence Pelletier est d’empêcher la victime d’une faute
personnelle d’engager la responsabilité de l’administration. Elle la contraint en effet, si elle
veut obtenir réparation de son préjudice, à engager la responsabilité personnelle de l’agent
fautif, avec tous les risques d’insolvabilité que cela comporte. Pour y remédier, trois solutions
ont été successivement explorées :

 Le cumul de fautes désigne l’hypothèse dans laquelle un même préjudice est causé à
la fois par une faute de service et une faute personnelle. CE 03 février 1911 Anguet,
GAJA n°26 : la fermeture prématurée d’un bureau de poste (faute de service) avait
contraint M. Anguet à tenter de sortir par une pièce interdite du public. Pris pour un
voleur, deux agents le jetèrent violemment dehors au point qu’il se cassa la jambe. Le
juge considère qu’« au cas où un dommage a été causé à un tiers par les effets conjugués de
la faute d'un service public et de la faute personnelle d'un agent de ce service, la victime peut
demander à être indemnisée de la totalité du préjudice subi soit à l'administration, devant les
juridictions administratives, soit à l'agent responsable, devant les tribunaux judiciaires, la
contribution finale de l'administration et de l'agent à la charge des réparations doit être
réglée par le juge administratif compte tenu de l'existence et de la gravité des fautes
respectives constatées dans chaque espèce » (CE Ass., 28 juillet 1951, Delville).

 Le cumul de responsabilités dérivant d’une faute personnelle détachable du service


mais non dépourvu de tout lien avec l’administration. La victime a alors le choix entre
69
deux actions en responsabilité. C’est l’arrêt Epoux Lemonnier (CE 26 juillet 1918) qui
est à l’origine de cette théorie : Un promeneur avait été blessé par un coup de feu tiré à
l’occasion d’une épreuve de tir organisée dans le cadre d’une fête foraine communale :
faute personnelle (négligence) du Maire qui n’avait pris aucune mesure de sécurité
bien qu’il eut été averti du danger. La victime attaque non pas le Maire mais la
commune : le CE accepta au nom du cumul de responsabilité et condamna celle-ci à
réparer le dommage (voir article 145 du COA).

 Le cumul de responsabilité en cas de faute personnelle commise en dehors du service


mais non dépourvu de tout lien avec celui-ci. La victime peut engager la responsabilité
de l’administration plutôt que celle de l’agent (Cf CE 18 novembre 1949, Dlle Mimeur
GAJA n°75). Dans cette affaire, le conducteur d’un camion militaire ayant perdu le
contrôle du véhicule avait violemment heurté l'immeuble de la demoiselle Mimeur.
Sur le chemin de retour d’une mission, il s'était écarté de son itinéraire normal pour
des raisons indépendantes de l'intérêt du service (voir sa famille).
Le juge a considéré que l'accident litigieux, survenu du fait d'un véhicule qui avait été
confié à son conducteur pour l'exécution d'un service public, ne saurait, dans les
circonstances de l'affaire, être regardé comme dépourvu de tout lien avec le service.
d) L’action récursoire

Jusqu’en 1951, l’administration condamnée à réparer un dommage causé par une faute
personnelle en application des jurisprudences Anguet-Lemonnier-Mimeur, ne pouvait pas
intenter ensuite une action récursoire contre l’agent fautif afin de récupérer tout ou partie de
l’indemnité versée (voir CE 28 MARS 1924 Poursines)

Ce n’est qu’en 1951 que le CE à travers l’arrêt Laruelle (CE Ass 28 juillet 1951) opéra un
revirement de jurisprudence. Le sieur Laruelle, utilisant en dehors du service, pour des fins
personnelles, la voiture militaire dont il était le conducteur a renversé la dame Marchand.
Pour le juge, l'autorité militaire n'avait pas pris des mesures suffisantes pour assurer le
contrôle de la sortie des voitures gardées dans le garage. Pour ce motif, il a condamné l'État à
réparer entièrement le préjudice subi par la dame mais également estimé que l’Etat était fondé
à demander au sieur Laruelle (qui a commis une faute personnelle) le remboursement de la
totalité de l'indemnité payée par l'État à la dame Marchand.
Dans l’arrêt Delville (CE Ass., 28 juillet 1951), rendu le même jour à propos d’un accident
causé par un camion de l'administration, que conduisait le sieur Delville, chauffeur de
l’administration, Le juge estime que cet accident est imputable tout à la fois et dans une égale
mesure, d'une part, à l'état d'ébriété du sieur Delville, faute qui dans les circonstances de
l'affaire constituait une faute personnelle caractérisée, et d'autre part au mauvais état des freins
du camion, constituant une faute à la charge de l'État

Depuis cette date, l’administration condamnée peut exercer une action récursoire pour
récupérer la moitié de la somme versée (jurisprudence Anguet) ou sa totalité ( Lemonnier-
Mimeur).

Cette jurisprudence a été reprise à l’article 145 al 2 du COA.

70
Paragraphe II : La responsabilité sans faute

La responsabilité sans faute est une responsabilité de plein droit. Cette particularité emporte
trois conséquences :

* la victime n’a pas à prouver de faute de l’administration pour être indemnisée ; il lui suffit
de démontrer un lien de causalité entre le dommage et une activité imputable à
l’administration.

* l’administration ne peut pas s’exonérer en prouvant qu’elle n’a pas commis de faute. Elle
ne peut être exonérée qu’en cas de force majeure ou de faute de la victime.

* la responsabilité sans faute est d’ordre public : le juge peut le soulever d’office lors d’un
procès.

La responsabilité sans faute se décline en deux grandes catégories : la responsabilité pour


risque et la responsabilité pour rupture de l’égalité devant les charges publiques.

A) La responsabilité pour risque.

On distingue plusieurs cas de responsabilité sans faute sur la base du risque :

La responsabilité du fait des choses, des méthodes et des situations dangereuses. Sont
considérées comme des choses dangereuses : les explosifs (CE 28 mars 1919 Regnault-
Desroziers : explosion de munition entreposées dans un fort ; CE ass 21 octobre 1966 SNCF :
explosion de wagons de munitions dans une gare) ; les armes à feu (CE ass 24 juin 1949
Consorts Lecomte : un patron tué accidentellement par un coup de feu tiré par un policier) ;
les produits sanguins, “ Eu égard aux risques que présente la fourniture de produits sanguins,
les centres de transfusion sont responsables, même en l'absence de faute, des conséquences
dommageables de la mauvaise qualité des produits fournis (CE ass 26 mai 1995 Jouan et
consorts Nguyen) ; les méthodes libérales comme les permissions de sortie accordées à des
individus présentant un certain danger (malades mentaux, détenus, mineurs délinquants placés
dans des institutions d’éducation surveillée : CE 13 juillet 1967 Département de la Moselle);
les méthodes thérapeutiques. Ici, le dommage résulte d’un acte médical nécessaire au
diagnostic ou au traitement du malade. Cet acte présente un risque dont l'existence est connue
mais dont la réalisation est exceptionnelle, et dont aucune raison ne permet de penser que le
patient y soit particulièrement exposé - C.E., Ass., 9 avril 1993, Bianchi.

Il résulte des dispositions de l’article 143 du COA que les tiers ont droit à la réparation du
dommage résultant soit de l’exécution d’un travail public, soit de l’existence ou du
fonctionnement d’un ouvrage public.

La responsabilité du fait des collaborateurs du service public. Aux termes de l’article 144
du COA, le dommage subi par les personnes participant à l’activité du service public soit en vertu
de leurs fonctions, soit, en cas d’urgence, de leur propre initiative, ouvre droit à réparation, à
moins qu’il ne soit établi que ce dommage est dû à une cause étrangère à l’Administration. En
France, on entend par collaborateur du service public les fonctionnaires, agents publics non
fonctionnaires mais aussi les collaborateurs occasionnels : CE Ass 22 novembre 1946
71
Commune de Saint- Priest-la-Plaine (Deux bénévoles se sont blessés en tirant un feu
d’artifice). Pour qu’une personne publique soit responsable sans faute des dommages subis
par ses collaborateurs occasionnels, trois conditions doivent être réunies : la collaboration doit
être réelle (CE, 3 octobre 1980 Gambini : le spectateur qui se blesse en assistant passivement
à l’interpellation d’un individu par la police), elle doit, sauf urgence être sollicitée (par
réquisition, demande écrite ou verbale CE Ass 30 novembre 1945 Faure (exemple, appel à
participer à la lutte contre u incendie) ou acceptées, et elle doit concerner un véritable service
public.

La responsabilité du fait des dommages de travaux publics. Une distinction est opérée au
niveau du COA entre les tiers et les usagers. Ce n’est qu’à l’égard des tiers qu’un régime de
responsabilité sans faute est retenu. Aux termes de l’article 143 al 1, les tiers ont droit à la
réparation du dommage résultant soit de l’exécution d’un travail public, soit de l’existence ou
du fonctionnement d’un ouvrage public. Pour les usagers, il y a un régime de responsabilité
pour faute. L’alinéa 2 de l’article 143 dispose que les usagers ont droit à la réparation du
dommage causé par une faute relative à ces travaux ou par le fonctionnement défectueux d’un
tel ouvrage.

B---La responsabilité pour rupture de l’égalité devant les charges publiques.

Les tiers peuvent obtenir la réparation d’une partie du dommage anormal et spécial qui leur
est causé par l’intervention d’une loi ou d’un règlement régulier lorsque le législateur n’a pas
exclu explicitement toute réparation, et que la mesure, bien que prise dans l’intérêt général, a
pour effet d’avantager anormalement un groupe de particuliers et de désavantager gravement
les demandeurs ;
Les tiers peuvent également obtenir par le refus de prêter main forte à l’exécution d’une
décision de justice, lorsque ce refus, justifié par des raisons tirées de la sauvegarde de l’ordre
public, s’est prolongé pendant une période anormalement longue.
Section 2. Les régimes particuliers de responsabilité administrative.

Le COA a institué des régimes particuliers de responsabilité administrative. Il s’agit


respectivement de la responsabilité des membres de l’enseignement public et de la
responsabilité du fait des véhicules administratifs.

Ces deux cas constituent des régimes de substitution de responsabilité.

Paragraphe 1 : Les régimes de substitution de responsabilité.

Ils sont caractérisés par l’application du droit privé

A- Les membres de l’enseignement public

Cette responsabilité est prévue par l’article 146 du COA. Ainsi, « La responsabilité de l’Etat
est substituée à celle des membres de l’enseignement public, à raison de dommages subis ou
causés par les élèves placés sous leur surveillance. La réparation ne peut être demandée qu’à
l’Etat ». Celui-ci peut intenter une action récursoire contre l’auteur du dommage,
conformément au droit commun. C’est le droit privé qui est applicable. Si en France, ce sont

72
les tribunaux judiciaires qui sont compétents, au Sénégal, c’est le tribunal régional qui est
juge de droit commun en toute matière.
B- Le cas des véhicules administratifs

Aux termes de l’article 147 du COA, le droit à réparation des dommages causés par un
véhicule ou moyen de transport utilisé par l’Administration est régi par le droit commun de la
responsabilité et par les règles concernant le fait des choses et des animaux. L’action est
dirigée contre l’auteur du dommage. La responsabilité de l’Administration est substituée, à
l’égard des tiers, à celle de l’agent agissant à l’occasion de l’exercice de ses fonctions .

DROIT ADMINISTRATIF FICHE DE


METHODOLOGIE

THEME : PRESENTATION GENERALE

I / NOTE :
Dans la Faculté de Sciences Juridiques et Politiques, la première séance de travaux dirigés
(TD) est traditionnellement consacrée d’une part à une « prise de contact » avec la matière et
d’autre part à une esquisse de la méthodologie.
En effet, lors de cette séance, contrairement à ce que pensent beaucoup d’étudiants,
d’importants problèmes relatifs au cours, aux travaux dirigés et aux examens y sont abordés.
73
Des conseils sont donnés aux étudiants pour leur permettre de préparer cette première année
de droit administratif.
Certains aspects relatifs à l’enseignement du droit administratif seront abordés dans cette
première fiche :
- la matière enseignée ;
- le contrôle des connaissances ;
- les instruments de travail ;
- les thèmes de travaux dirigés ;
- la méthodologie portant sur les différents exercices ;
- le sommaire du cours.

II / LA MATIERE ENSEIGNEE :
L’enseignement du droit administratif fait l’objet d’un cours magistral annuel divisé en deux
semestres et de travaux dirigés.

A / LE COURS :
Il importe de faire certaines observations quant à son objectif, son objet et les difficultés de
son enseignement.

1) L’objectif du cours :
Le cours permet une introduction au droit administratif. Il analyse les aspects généraux du
droit administratif. Les autres questions relevant du droit administratif spécial sont
approfondies en 3ème et 4ème année de Droit Public. S’il est vrai que le cours constitue le
principal instrument de travail, il doit toutefois être complété et approfondi par des lectures
personnelles. L’étudiant, au demeurant, doit s’efforcer de savoir prendre des notes surtout
avec une discipline réputée technique, ésotérique et hétérogène. La complexité serait
inhérente au droit administratif.

2) L’objet du cours :
Le programme du cours de droit administratif comprend les éléments suivants :
a- La notion d’administration : le droit administratif.
Il s’agit d’une introduction dans laquelle on étudiera la notion d’administration et son
évolution mais aussi les aspects caractéristique du droit administratif de façon générale et du
droit administratif africain en particulier.
b- L’organisation administrative :
Il concerne l’Etat et le pouvoir central ; les Collectivités locales ; les Etablissements publics.
c- Le contentieux administratif :
C’est l’étude de la juridiction administrative, la procédure.
d- Les actes de l’administration :
Ils renvoient aux actes unilatéraux ; aux contrats de l’administration.
e- La responsabilité administrative :
Il s’agit de l’étude de la responsabilité de l’administration.

74
Toutefois, il faut préciser que ces différents éléments sont susceptibles d’être agencés de
manière différente dans le cours.

3) Les difficultés :
L’enseignement du droit administratif dans un pays africain soulève quelques difficultés.
La difficulté essentielle résulte du fait que le droit administratif d’inspiration française a été
progressivement adapté dans un pays en développement. La manipulation de certains
concepts ou notions fondamentales dans un milieu qui ne leur était pas destiné auparavant
conduit à des applications différentes.
Le droit administratif sénégalais présente un caractère largement normatif, l’accent est mis sur
les normes élaborées par le juge tout en tenant comptes des règles écrites qui régissent
l’administration. Mais cette approche doit être complétée dans certains cas par des
considérations sociologiques, historiques ou économiques. Certaines de ces questions sont
approfondies en 4ème année dans le cadre du Cours de science administrative.

B / LES TRAVAUX DIRIGES :


Organisés en groupe d’étudiants restreints, les travaux dirigés sont destinés d’une part, à
l’acquisition de méthodes de travail et à l’approfondissement d’un savoir. C’est pourquoi, ils
constituent de ce point de vue un moyen de formation intellectuelle très important. Les
travaux dirigés visent d’autre part, à permettre l’utilisation de ces méthodes en droit
administratif, et c’est là un moyen appréciable d’approfondir les connaissances ; et surtout
d’apprendre à les utiliser sur des thèmes pratiques. Ils nécessitent un travail de préparation
spécifique, sérieux et rigoureux : avant, pendant et après la séance. La présence aux travaux
dirigés est obligatoire.

III / LE CONTROLE DES CONNAISSANCES ET DES APTITUDES :


Ce contrôle comporte deux aspects :
A / Un contrôle en cours d’année :
Dans le cadre des travaux dirigés, une série de notes est attribuée à chaque étudiant,
relativement à différents aspects de l’activité pédagogique et du travail (préparations, exposés,
devoirs écrits, interrogations, etc.). La notation est déterminée en fonction de la participation
de l’étudiant aux divers activités individuelles ou collectives, écrites ou orales, organisées
dans le cadre de son groupe. C’est une notation qui tient compte des aptitudes manifestées par
l’étudiant, des progrès qu’il aura fait, de son assiduité et de sa participation régulière aux
séances de travaux dirigés.
B / Un contrôle à la fin de chaque semestre :
Le contrôle à la fin du semestre portera à la fois sur les connaissances exposées en cours
magistral et sur les savoir-faire acquis en travaux dirigés, arrêtés à la date de l’épreuve. Elle
engagera tant la connaissance des principes fondamentaux du droit administratif, que la
maîtrise de l’histoire et de l’analyse des évolutions jurisprudentielles.

IV / ORIENTATIONS BIBLIOGRAPHIQUES :

75
Outre le cours et les documents distribués en vue de la préparation des séances de travaux
dirigés, les étudiants doivent consulter impérativement d’autres instruments de travail. Les
lectures personnelles complètent l’enseignement à travers notamment à travers notamment
l’exploitation de manuels, des articles, certains ouvrages spécialisés et des documents bruts
tels que les arrêts et décisions de justice, textes de lois ou décrets et rapports ou conclusions.
On trouvera ci-dessous une liste des principaux manuels ; il y a beaucoup de manuels
français, dont la consultation est absolument indispensable du moins dans les parties
théoriques (acte, contrat, responsabilité, service public, police administrative, etc.). Les
manuels étant souvent réédités, il est souhaitable d’utiliser une édition récente.
Il est indiqué, en outre, quelques recueils de jurisprudence et revues juridiques.

A / Manuels, traités et ouvrages de méthodologies :


1) Travaux traitant des institutions et du droit administratif africain :
-A.T. Bâ, Droit du contentieux administratif burkinabé, Université de Ouagadougou, UFR de
sciences juridiques et politiques, Coll. Précis du droit burkinabé, 2007, 550 p.
-BOCKEL (A), Droit administratif, Dakar, NEA, Coll. CREDILA, 1978, 544 p.
-CONAC (G), Les institutions administratives des Etats d’Afrique Noire Francophone, Paris,
Economica, 1979.
-DEGNI-SEGUI (R), Droit administratif général, T.1, 2 et 3, 2 ème édition, Abidjan, 2002-
2003.
-DIAGNE (M), L’efficacité du contrôle contentieux exercé sur l’administration, Thèse Aix-
en-Province, 1990, 412 p
-DIAGNE (Nd. M.), Les méthodes et les techniques du juge en droit administratif sénégalais,
Thèse, Dakar, 1995, 532 p
-FALL (A.B), La responsabilité extra-contractuelle de la puissance publique : Essai de
transposition du droit administratif français dans un pays d’Afrique francophone, Thèse de
doctorat d’Etat, Université Montesquieu Bordeaux IV, 1994, 2 Tomes
-GAUTRON (J.C) et ROUGEVIN-BAVILLE, Droit public du Sénégal, Paris, Pédone, 2 ème
édition, 1977, 447 p
-GAYE (O) et DIOUF (M.S), Le Conseil d’Etat et la pratique du recours en annulation,
Dakar, 2001, 198 p.
-KANTE (B), Unité de juridiction et droit administratif : l’exemple du Sénégal, Thèse pour le
doctorat d’Etat, Orléans, 1983, 426 p.
-MESCHERIAKOFF (A.S), Le droit administratif ivoirien, Paris, Economica, 1982, 247 p
-NLEP (R), L’administration publique camerounaise : contribution à l’étude des systèmes
africains d’administration publique, Thèse, Paris, LGDJ, 1986, 406 p
-NZOUANKEU (J.M), Cours de droit administratif, Fascicule 1, Publication RIPAS, dactylo,
Mars 1993, 418 p
-REMONDO (M), Le droit administratif gabonais, Paris, LGDJ, 1987, 304 p
-ROUSSET (M), Droit administratif marocain, Rabat Royal, 5ème édition, 1992, 751 p
-SY (D), Cours de droit administratif, 2ème année, Faculté des Sciences Juridiques et Politiques
de l’UCAD, 2004-2005, doc. Dactylo.

76
2) Ouvrages traitant des institutions et du droit administratif non africain :
-AUBY (J.M) et AUBY (J.B), Institutions administratives, Paris, Dalloz, 1996, 576 p
-AUTIN (J) et RIBOT (C), Droit administratif général, Paris, Litec, 3ème éd. 2004, 400 p
-BRAIBANT (G) et STIRN (B), Le droit administratif français, Paris, Dalloz, PFSP, Coll.
Amphi, 7ème éd, 2005, 556 p
-CHAPUS (R), Droit administratif général, Tome 1, Paris, Montchrestien, 15 ème éd. 2001,
1440 p
-DE LAUBADERE (A), VENEZIA (J.C) et GAUDEMET (Y), Traité de droit administratif,
Tome 1, 17ème éd. Paris, LGDJ, 2002, 464 p
-DEMICHEL (A), Le droit administratif français, Essai de réflexion théorique, Paris, LGDJ,
1978, 220 p
-GAUDEMET (Y), Droit administratif, Paris, LGDJ, 18ème éd. 2005
-LEBRETON (G), Droit administratif général, Paris, A. Colin, Compact-droit, 4ème éd. 2008
-LOMBARD (M) et DUMONT (G), Droit administratif, Paris, Dalloz, Coll. Hyper Cours,
7ème éd. 2007
-MORAND-DEVILLER (J), Cours de droit administratif, Paris ? Montchrestien, 10ème éd.
2007
-MOREAU (J), Droit administratif, Paris, PUF, 1989, 569 p
-OBERDORF (H), Les institutions administratives, Paris, A. Colin, Coll.Compact-droit, 4 ème
éd. 2004, 296 p
-PEISER (G), Droit administratif général, Paris, Dalloz, Coll. Mémento, 23ème éd. 2004, 272 p
-PEYRICAL (J), Droit administratif, Paris, Montchrestien, 2ème éd., 2000
-RICCI (J.C), Droit administratif général, Collection HU Droit, 2ème éd. 2007, 320 p
-RIVERO (J) et WALINE (J), Droit administratif, Paris, Dalloz, 21ème éd. 2006, 700 p
-ROUGEVIN-BAVILLE (M) et Autres, Leçons de droit public, Paris, Hachette, 1989
-VEDEL (G) et DELVOLVE (P), Droit administratif, Paris, PUF, 12 ème éd. 1999, Tome 1,
780 p, Tome 2, 807p
-WALINE (J), Droit administratif, Paris, Dalloz, 22ème éd. 2008
-WEIL (P) et POUYAUD (D), Le droit administratif, Paris, PUF, Coll. Que sais-je ? 20ème éd.
2003, 128 p

3) Ouvrages de méthodologie :
-Les annales du droit, Coll. Dalloz (sujets d’examens des universités françaises en droit
administratif, Annuel
-BERTRAND (C) et MASSIAS (J.P), Droit administratif, Paris, LGDJ, Coll. Exercices
corrigés, 3ème éd. 2004
-GAUDEMET (Y) et VENEZIA (J.C), Droit administratif, Préparation à l’examen, Paris,
LGDJ, 6ème éd. 2000
-JANIN (P), Méthodologie du droit administratif, Paris, Ellipses, Coll. Méthodologie et
exercices juridiques, 2007, 188 p
-LARZUL (T), Droit administratif, Travaux dirigés, Paris, Dalloz, 1996, 189 p
-LECLERCQ (C), CHAMINADE (A) et LUKASWITZ (J.P), Travaux dirigés de droit
administratif, Paris, Litec, 5ème éd. 2002

77
-LECOCQ (P.A), Travaux dirigés de droit administratif, Paris, Ellipses, 2000, 256 p
MAURIN (A), Droit administratif, Aide mémoire, Paris, Sirey, 4ème éd. 2004, 272 p
-DE THEUX (A) et KOVALOVSKI (I), Précis de méthodologie juridique : les sources
documentaires du droit, Bruxelles, Publication des Facultés universitaires de St Louis, 1995,
561 p
-VEDEL (G), Droit administratif, Exercices corrigés, PUF, 1980

B / Recueils, Répertoires et Dictionnaires :


1) Sénégal :
-BOCKEL (A), Recueil de jurisprudence administrative sénégalaise, 1960-1974
-Bulletin des arrêts du Conseil d’Etat sénégalais, n° 1, 1993-1997 ; n° 2, 1998-2000
-Répertoire de jurisprudence de droit public, CREDILA, 1980
-Répertoire de jurisprudence de droit public (1995-1997), CREDILA, Dir. Demba SY, Dakar,
2005
-NZOUANKEU (J.M), Les Grandes Décisions de la Jurisprudence Administrative
Sénégalaise, Tome 1, RIPAS, 1984
-YONOBA (S), Les Grandes Décisions de la Jurisprudence Burkinabaise, Droit administratif,
Ouagadougou, UFR DE Sciences Juridiques et Politiques, Coll. Précis de droit burkinabé

2) Etrangers :
-Dalloz, Code administratif, Paris, Dalloz, 2006, 30ème édition
-BONICHOT (J.Cl), CASSIA (P) et POUJADE (J), Les grands arrêts du contentieux
administratif, Paris, Dalloz, Coll. Grands arrêts, 2007, 1182 p
-RICCI (J.C), Mémento de la jurisprudence administrative, Paris, Hachette, Coll. Les
fondamentaux, 6ème éd. 2006, 160 p
-GAUDEMET (Y) et Autres, Les grands avis du Conseil d’Etat, Paris, Dalloz, Coll. Les
grands arrêts, 3ème éd. 2008
-LACHAUME (J.F) et PAULIAT (H), Les grandes décisions de la jurisprudence
administrative, PUF, Coll. Thémis, 14ème éd. 2007, 908 p
-LONG (M), WEIL (P), BRAIBANT (G), DEVOLVE (P), GENEVOIS (B), Les grands arrêts
de la jurisprudence administrative, Paris, Dalloz, Coll. Les grands arrêts, 17ème éd., 2009
-PAMBOU TCHIVOUNDA (G), Les grandes décisions de la jurisprudence administrative du
Gabon, Paris, Pédone, 1994, 646 p
- Recueil Lebon des décisions du Conseil d’Etat, du Tribunal des Conflits, des arrêts des
Cours Administratives d’Appel et des jugements des Tribunaux Administratifs

C / REVUES :
Les revues sélectionnées comportent des articles de droit administratif.
1) Revues sénégalaises et africaines :
-Annales Africaines (A.A)
-Lex Lata ‘Bulletin de chronique juridique du Cameroun)
-Revue Juridique Africaine (RJA)
-Revue Juridique et Politique indépendance et coopération (RJPIC)

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-Revue de l’Association Sénégalaise de Droit Pénal (RASDP)
-Revue des institutions politiques et administratives sénégalaises (RIPAS)
-Les éditions juridiques africaines (E.D.J.A)

2) Revues françaises :
-Actualité juridique du droit administratif (AJDA)
-Cahiers juridiques de l’électricité du gaz (CJEG)
-Dalloz (Recueil Dalloz)
-Droit administratif (D.A)
-Etudes et documents du Conseil d’Etat (EDCE)
-La revue administrative (R.A)
-Revue de droit public et de la science politique (RDP)
-Revue française de droit administratif (RFDA)
- Les petites affiches (LPA)

WEBLIOGRAPHIE :
http//www.droitadministratif.net
http//www.guglielmi.fr
http//www.blogdroitadministratif.net
http//www.jurisquide.univ-paris1.fr
http//www.lex-publica.com

V / METHODOLOGIE :
Les conseils qui seront donnés au cours de cette première séance seront approfondis
ultérieurement. Il faut préciser que la méthodologie peut varier d’une discipline à une autre et
que la meilleure recette pour réussir est la constance dans le travail.
En droit administratif, les étudiants peuvent être confrontés à l’examen soit d’une épreuve
théorique, soit d’une épreuve pratique.
Mais, il est conseillé aux étudiants d’élaborer, dès le début des enseignements, une fiche
d’arrêt. Il s’agit d’un instrument de travail que l’on utilise pour créer sa propre
documentation. Il permet de mémoriser plus facilement certaines décisions. La fiche d’arrêt
est établie à partir d’une lecture minutieuse de l’arrêt ou du jugement. Ces informations sont
utilisés pour tous les types d’exercice en raison du rôle important joué parla jurisprudence en
droit administratif.
Dans une fiche d’arrêt, il y a sept informations qui doivent apparaître :
-l es références exactes de la décision ;
- les mots-clés ;
- les faits ;
- la demande du requérant ;
- le (s) problème (s) de droit soulevé (s) ;
-l a solution du juge ;
- la motivation de la décision.
Maintenant, les deux types d’exercices sont présentés :

79
1) L’épreuve théorique :
Elle se confond avec la dissertation et il est, notamment, demandé à l’étudiant de faire une
construction logique à partir d’éléments préalablement choisis. On peut citer comme épreuve
théorique les sujets suivants :
- Le représentant de l’Etat auprès des collectivités locales.
- Le juge de l’excès de pouvoir et les traités internationaux.
- La matière administrative au Sénégal.
Dans une dissertation juridique, il est « fait appel aux qualités de réflexion et d’exposition des
étudiants. Elle n’est pas normalement une question de cours, laquelle, à la limite ne révèle que
des capacités de mémoires » (Y. Gaudemet et J.C Vénézia, Droit administratif, Corrigé
d’examens, Paris, LGDJ, 5ème éd. 1997, p 161). Toute dissertation est dominée par deux
exigences : une construction et une rédaction aussi bien du point de vue de l’expression
française que de l’expression juridique.
La première tâche dans une dissertation juridique consiste à chercher à bien comprendre le
sujet d’abord, il y a lieu de rassembler ensuite les questions suggérées par le sujet et on
s’efforcera enfin de dégager un plan.
Le plan est un aspect délicat du travail. Il est notamment « dominé par un principe d’ordre,
une idée générale, qui donne une unité aux articulations de la dissertation. Une simple
juxtaposition de questions sans liens entre elles ne constitue pas un plan » (J.M Auby, Droit
administratif, 2ème année, Coll. Travaux pratiques, Sirey, 1958, pp 14-18). Ce qui est le plus
important dans un plan, c’est l’unité qui ordonne et guide toute la dissertation et non le
nombre de parties. C’est ce que on appelle le fil conducteur ou encore la problématique.
Toutefois, les plans en deux parties sont conseillés à ce niveau. Les deux parties doivent être
complémentaires. Le plan ne doit pas être construit sur des détails ou des idées secondaires.
Ce qui implique une bonne réflexion sur le sujet, son contenu et son sens.
On peut néanmoins dégager quelques plans parmi les plus utilisés :
a) Le plan analytique qui est basé sur une analyse du sujet. Ex : La théorie de
l’imprévision dans les contrats administratifs.
On peut avoir : I / Les conditions d’application de l’imprévision
II / Les effets de l’imprévision
Les plans analytiques sont aussi de ce type : I / Caractères, II / Conséquences ; I/ Principe, II/
Exceptions ou limites ; I/ Analyse du point de vue formel, II/ Analyse du point de vue
matériel.

b) Le plan synthétique qui est le plus difficile à réussir et qui est le plus adéquat en
droit. Il s’agit d’un plan d’idées. Ce qui veut dire « une démonstration au service d’une
opinion : les deux parties constitueront les deux temps de la démonstration » (P. Janin,
Méthodologie du droit administratif, Paris, Ellipses, Coll. Méthodologie et exercices
juridiques, 2007, p 30).
Dans le plan synthétique, il est demandé à l’étudiant de faire des propositions pouvant être
antagoniques, complémentaires ou parallèles.
Le plan ainsi dégagé comporte une introduction destinée à annoncer la perspective selon
laquelle le sujet sera traité, mais une conclusion n’est pas nécessaire.

80
1.1. Le schéma de la dissertation, tel qu’il se présent au moment de rendre la copie est
le suivant :
- Une introduction :
Elle comporte en général quatre masses ou quatre paragraphes :
 A la position du problème : amener le sujet, définir les termes du sujet
 A sa délimitation
 A son intérêt en profiter pour dégager la problématique
 A l’annonce et la justification du plan.

- Une première partie :


-Un chapeau présentant les grandes idées de cette partie et annonçant ses sous-parties.
-Les sous-parties qui peuvent être au nombre de deux ou de trois, subdivisées elles-mêmes de
manière rationnelle et cohérente.

- Une deuxième partie :


Idem.
Faut-il matérialiser les divisions du plan par des chiffres ou des lettres alphabétiques ? Sans
hésitation, nous vous disions oui. Votre dissertation se présentera donc de la manière
suivante :

Introduction :
-amener le sujet
-définir les termes du sujet
- délimiter le sujet
-dégager la problématique
-ressortir l’intérêt du sujet
-annoncer et justifier le plan
Espacement pour séparer l’introduction du corps de la dissertation.

I / Enoncé de l’intitulé de votre première partie :


Un chapeau pour annoncer les deux sous-parties.
A / Intitulé de la première sous-partie
B / Intitulé de la deuxième sous-partie
II / Enoncé de l’intitulé de votre deuxième partie :
A / Intitulé de la première sous-partie
B / Intitulé de la deuxième sous-partie

Une dernière observation : éviter autant que possible les dissertations en trois parties. En
Licence 2, il est extrêmement rare de réussir une dissertation en trois parties. Recherchez les
plans en deux parties subdivisés autant que possible en deux sous-parties.

1.2. L’élaboration pratique de la dissertation :

81
Comment à partir des principes exposés ci-dessus va-t-on concrètement élaborer une
dissertation ? C’est ce qu’il convient maintenant d’examiner :
L’élaboration de la dissertation dans les conditions de l’examen. Dans les conditions de
l’examen, vous êtes soumis à un certain nombre de contraintes auxquelles sont subordonnées
les éléments de la marche à suivre pour élaborer votre travail.
1.2.1. Les contraintes :
A. La première, c’est l’absence de documentation. A l’examen, en principe (NB) vous ne
ne pouvez consulter aucun document. Dans cette hypothèse, ce sont vos connaissances
personnelles qui vous permettront de faire votre travail. Si ces connaissances sont assimilées,
digérées, assumées, vous n’aurez pas de difficultés à les utiliser en vue de la confection de
votre dissertation. Si au contraire elles sont lacunaires, fragmentaires, inexactes, vous aurez
beau « réfléchir », il vous sera difficile de faire un bon travail. Il faut donc commencer par
acquérir et assimiler les connaissances de droit administratif.
B. La seconde contrainte, c’est la limite de temps qui vous est impartie : l’épreuve dure
trois heures. Il faut donc vous organiser de manière rationnelle selon les principes ci-après :
- Ne jamais rédiger son travail au brouillon en vue de le recopier ensuite sur la copie à rendre.
Ce procédé s’avère toujours désastreux pour l’étudiant qui l’adopte, parce qu’il arrive
difficilement à tout recopier au propre en sorte qu’il glisse dans sa copie à rendre ses derrières
feuilles de brouillons. La seule partie de la dissertation que vous pourriez rédiger au brouillon
c’est l’introduction de la dissertation, parce que, comme nous le verrons, c’est la plus difficile
à faire et parce que, souvent, de son succès dépend en grande partie la valeur de la
dissertation. Pour le reste, faites un plan suffisamment détaillé au brouillon et développez vos
idées directement sur la copie à rendre.
NB : Parfois, il est vrai, l’utilisation des codes peut être autorisée, mais les documents
susceptibles de vous fournir des idées ne sont pas autorisés. Remarquez que rien n’empêche
que ce principe soit reconsidéré et que le sujet soit choisi de telle sorte que pour l’élaborer, il
soit nécessaire d’autoriser les étudiants à accéder à la documentation de leur choix.

Au cours de l’année, travaillez systématiquement dans les conditions de l’examen. Dès lors
que vous avez réuni votre documentation, que vous l’avez exploitée, au moment de la rédiger
votre dissertation, mettez-vous dans les conditions de l’examen ; assignez-vous comme limite
de temps 3 heures. Les avantages de cette pratique sont évidents :
- vous apprenez à vous connaître ; vous découvrez ce que vous êtes capable de faire ou de ne
pas faire en trois heures ;
- vous apprenez à travailler vite ; trois ne représentent rien du tout … Lorsqu’on possède des
connaissances, bien entendu ;
- vous apprenez aussi à mieux répartir votre temps.

La répartition des trois heures dépend des capacités de chaque étudiant, et peut varier en
fonction des sujets. C’est la pratique régulière des exercices dans les conditions de l’examen
qui permettra à chacun d’en fixer les principes. En gros, le schéma ci-après peut-être adapté à
de nombreuses situations :
- environ 15 minutes : compréhension et réflexion préalable sur le sujet ;

82
- environ 25 minutes : élaboration du plan détaillé ;
- environ 35 minutes : élaboration et rédaction de l’introduction ;
- environ 90 minutes : rédaction de la dissertation ;
- environ 15 minutes : lecture de la copie.
Et ceci nous amène à la marche à suivre pour élaborer la dissertation.

1.2.1. La marche à suivre :


Comment donc réagir concrètement devant votre sujet ? La répartition du temps ci-dessus
peut nous guider ; om peut distinguer quatre étapes principales :
a) Comprendre le sujet :
Cette expression que l’on répète tout au long de l’année et que très peu d’étudiants appliquent
effectivement le jour de l’examen, se traduit dans la pratique de la manière suivante :
- il faut commencer par lire attentivement le sujet afin d’en peser chaque terme ;
- il faut lire le sujet en se disant qu’il ne comporte aucun piège. Nous n’avons aucun intérêt à
vous tendre des pièges. Ce qui nous intéresse, c’est de nous assurer que vous dominez les
notions fondamentales de droit administratif, que vous ne les confondez pas ; que vous êtes
bien conscient de ce que chaque terme du sujet comporte ;
- ne ramenez pas le sujet à une question du cours, mais examinez le tel qu’il se donne lui-
même, phénoménalement. Si l’on vous demande de faire la distinction entre le pouvoir
discrétionnaire et le pouvoir lié, c’est vraiment de la distinction entre ces deux pouvoirs qu’il
s’agit, et rien d’autre. Il ne s’agit pas d’un piège pour vous faire dire autre chose, rien n’est
sous entendu ; il n’y a rien à deviner, c’est bien ce sujet-là, tel qu’il est libellé qu’il s’agit de
traiter.
- délimiter correctement le sujet. Vous devrez traiter la question qui vous a été posée et rien
d’autre. S’agit-il, comme dans l’exemple précédent de faire la distinction entre le pouvoir
discrétionnaire et le pouvoir lié ? Alors délimitez le sujet, pour éviter d’être hors du sujet, ou
de ne pas traiter complètement le sujet proposé. Ainsi, devant un tel sujet, ne réagissez pas
impulsivement comme ceci : c’est le problème des limites du pouvoir discrétionnaire ! Non !
Cette manie de ramener le sujet proposé à un autre sujet est la source de nombreuses et graves
erreurs.

b) Réfléchir sur le sujet :


Cela signifie concrètement que vous devez :
-rassembler vos souvenirs, vos connaissances sur le sujet ;
-et surtout, trouver l’idée directrice, celle qui orientera tout votre travail, qui permettra d’en
justifier les divisions. Pour que cette idée soit parfaitement claire dans votre esprit, posez-vous
les questions suivantes : que s’agit-il de démontrer, de prouver, de justifier ; où se trouve la
difficulté et quelle idée générale permet-elle de la résoudre ? Etc. Il peut être utile de, pour
certains types de sujets, de formuler par écrit dans un paragraphe de 5 à 6 lignes l’essentiel de
la démonstration que vous entendez développer dans votre copie.

c) Elaborer le plan selon les principes énoncés plus haut.


d) Rédiger votre dissertation en veillant :

83
- à votre écriture qui doit être lisible ;
- à votre style qui doit être sobre et correct ;
- à la disposition matérielle de la copie qui doit laisser apparaître les grandes masses :
introduction, parties.

2) L’épreuve pratique :
Dans les facultés de droit, il s’agit de trois types d’exercices essentiellement : le commentaire
d’arrêt, le commentaire de texte et le cas pratique.

2.1. Le commentaire d’arrêt :


Il s’agit en fait du commentaire d’une décision juridictionnelle. Mais l’expression consacrée
est celle de commentaire d’arrêt. Le droit administratif qui est considéré comme une
discipline fondamentalement jurisprudentielle ne peut se passer ce type d’exercice.
C’est l’un des exercices plus difficiles en droit. Il est à distinguer d’une note d’arrêt. Dans une
note d’arrêt, l’étudiant doit à partir d’un ou des éléments de la motivation engager « une
réflexion synthétique, le cas échéant, critique sur une plusieurs questions controversées,
débattues en doctrine ou susceptibles de l’être sur lesquelles l’arrêt prend partie à sa façon »
(Y. Gaudemet et J.C Vénézia, opt. Cit., p 201). La note n’analyse pas de la même manière
tout le contenu de l’arrêt.
Quant au commentaire d’arrêt proprement dit, c’est une présentation synthétique et raisonnée
de tous les éléments de la décision.

2.1.1. L’élaboration du commentaire d’arrêt :


A ce niveau, et compte tenu de ce que nous avons dit plus haut sur la difficulté du genre
commentaire, nous allons nous contenter de quatre principes simples. Au préalable, il faut
préciser que le commentaire concerne essentiellement les motifs de la décision. Un
commentaire d’arrêt est un commentaire des motifs.

a) Recenser les problèmes juridiques soulevés par l’arrêt en rattachant chacun d’eux à
une ou plusieurs dispositions précises de l’arrêt à commenter.
Sur votre feuille de brouillon, vous notez a gauche par exemple, les dispositions significatives
de l’arrêt et à droite les problèmes juridiques qu’elles soulèvent. Le but de cette opération,
c’est de vous permettre d’avoir constamment les pieds sur terre : les problèmes que vous
soulevez doivent être ceux de l’arrêt et pour vous assurer qu’il en est ainsi, évitez d’évoquer
un problème juridique in abstracto et essayer ensuite de le rattacher à l’arrêt.
Voici donc ce qu’il faut éviter : tel problème est soulevé par tel passage de l’arrêt.
Voici le procédé à adopter : tel passage de l’arrêt soulève tel problème. Le concret d’abord,
l’arrêt ; les idées ensuite.
Remarquez le procédé : vous énoncez les problèmes en allant des plus concrets aux plus
abstraits ; en allant des problèmes particuliers aux problèmes généraux.

- Problèmes juridiques soulevés :

84
Ex : Conditions dans lesquelles le Préfet peut exercer son pouvoir d’approbation du
lotissement municipal ; limitation du pouvoir de tutelle sur les actes du conseil municipal ;
conditions et limites de la tutelle administrative ; différence entre tutelle et pouvoir
hiérarchique, …
Classer ou regrouper les problèmes juridiques soulevés par l’arrêt en les hiérarchisant :
D’abord le problème le plus important ; il peut y en avoir plusieurs d’ailleurs ; ensuite les
problèmes secondaires, soit qu’ils découlent des premiers, soit qu’ils s’en distinguent, mais
les complètent utilement.
L’écueil à éviter c’est de transformer le commentaire en dissertation. Sur ce point, nous
sommes formels, les mots ont un sens : un commentaire est un commentaire ; une dissertation
est une dissertation ; un commentaire n’est une dissertation ; une dissertation n’est pas un
commentaire.

Analyser la solution de l’arrêt :


1) Voici les faits
2) Voici les règles de droit qui étaient applicables à ces faits
3) Voici les règles de droit qui, dans l’espèce, ont été effectivement appliquées à ces faits
4) Tirez la conclusion : l’autorité administrative a fait une bonne ou mauvaise application
de la règle de droit.
L’analyse de la solution de l’arrêt comporte plusieurs opérations successives dont le nombre
ne peut pas être déterminé une fois pour toute. En voici les principales :

Première opération : Expliquer la solution de l’arrêt


A ce stade, de nombreux étudiants, même avancés, s’imaginent qu’il s’agit de résumer l’arrêt.
Il n’en est rien. Voici ce qui pourrait être présentée :
1) Les faits : rein à dire, sauf qu’il faut les exposer correctement, parce que les règles de droit
ne s’appliquent pas indistinctement à n’importe quel fait.
2) Les règles de droit qui étaient applicables à ces faits. Lorsque c’est la Cour Suprême qui les
rappelle ou les pose, il faut être très attentif à cet exposé ; il s’agira alors de bien montrer leurs
rapports avec les faits.
3) Il convient de comparer les règles effectivement appliquées aux règles énoncées ; l’autorité
administrative a peut-être appliqué des règles toutes différentes de celles qui s’imposaient, ou
encore a-t-elle donné à ces règles telle interprétation, etc.
4) Montrer que la décision du juge découle logiquement de ce qui précède.

Deuxième opération : Apprécier la solution de l’arrêt


On y parviendra en répondant à plusieurs questions dont les principales sont :
- comment le juge applique-t-il en l’espèce les notions générales du droit ?
- a-t-il toujours tranché les problèmes analogues dans le même sens ou bien y a-t-il eu des
revirements de jurisprudence ?
- l’arrêt confirme-t-il une évolution de la jurisprudence ? En quoi ? Comment ?
- l’arrêt constitue-t-il un revirement de jurisprudence ? Pourquoi ?

85
- depuis que l’arrêt a été rendu, des solutions nouvelles sont-elles intervenues ? Lesquelles ?
Diffèrent-elles des solutions exposées dans l’arrêt ? En quoi ?
- comment s’explique la solution du juge ? A-t-il tenu compte du contexte socio-économique
pour prendre sa décision ou d’autres considérations extra-juridiques ? Lesquelles ?

2.1.2. Le plan du commentaire :


Dès lors que le travail préliminaire qui vient d’être décrit est correctement fait, l’élaboration
du plan ne soulèvera pas de très grandes difficultés.
Ici, il existe deux écoles : l’une qui s’attache au plan en deux parties comparables à celui de la
dissertation.

Introduction :
-La phrase d’attaque n’est pas nécessaire. Mais, si l’étudiant est bien inspiré, il peut en
proposer une. Il faut qu’il évite de dire des banalités à ce niveau.
- reconstitution des faits
- et de la procédure
- principaux problèmes soulevés et sens dans lequel le juge a tranché l’affaire (problème
juridique)
- annonce du plan.
I / Analyse de la solution
II / Appréciation de la solution
Ou bien s’il s’agit d’une solution nouvelle, d’un revirement de jurisprudence :
I / Exposé de la solution
II / Portée de la solution
Il faut seulement éviter de faire apparaître les intitulés des grandes parties tels quels dans le
corps du commentaire ; au lieu d’écrire analyse de la solution, énoncez effectivement ce
l’idée retenue telle que vous l’avez dégagé de l’arrêt.
Les intitulés longs sont à éviter.

NB : L’étudiant peut être amené à traiter un commentaire parallèle. Il s’agit d’un exercice qui
consiste à commenter deux décisions de justice en les rapprochant en évitant de les
juxtaposer.

2.2. Le commentaire de texte :


Le commentaire de texte est un exercice qui doit respecter certaines règles relatives à la
présentation.
2.2.1. Préparation :
Il faut nécessairement utiliser tous les éléments du texte quelle que soit sa dimension. Il faut
présenter l’auteur, sauf texte anonyme, en faisant ressortir sa biographie, son œuvre, son
activité et son époque. Ainsi, si vous devez réfléchir sur un texte de Maurice HAURIOU, il
faut préciser qu’il est né en 1856, reçu premier au concours d’agrégation de 1882 avec
Duguit, Michoud et Berthélémy. Professeur et Doyen de la Faculté de Droit de Toulouse, il se
consacre à l’enseignement jusqu’à sa mort en 1929. Son effort à la science du droit concerne

86
la théorie de l’institution et la place de la puissance publique dans le droit administratif. Son
précis de droit administratif paraît en 1892.
C’est de cette manière qu’on présente bien un auteur.
Si le texte comporte un intitulé, c’est un moyen supplémentaire pour la compréhension du
texte à commenter.
Si en plus, il comporte une date et la référence précise de l’ouvrage ou de tout autre
document extrait, ce sont des indications utiles. Si vous commentez, par exemple, un texte sur
le service public de 1920, ne faites pas comme si vous devez vous situer uniquement à cette
époque. Il faut tenir compte aussi de toutes les évolutions.
Un texte est toujours le reflet d’une période ou d’un problème posé à un moment déterminé.
Au niveau de la préparation, il faut préciser la nature du document à commenter : document
juridique, discours politique, article de journal ou texte polémique. C’est généralement la
nature du texte qui conditionne son style. Il faut relever le plan du texte, à savoir
l’argumentation qui le sous-tend. Ce qui permettra, notamment, de dégager l’idée générale.
Quand ce travail préliminaire de préparation est terminé, on relève les mots-clés qu’il faudra
définir avec précision.

Ensuite le commentaire doit s’interroger sur la manière dont le texte est à présenter, en
s’interrogeant sur le plan à suivre pour présenter le commentaire. Il est vrai que le plan du
texte détermine souvent le plan du commentaire, mais il peut arriver qu’un texte trop bref ou
comportant des répétitions appelle à un certain esprit de synthèse. En tout état de cause, quel
que soit le plan retenu, le commentateur doit s’interroger sur les justifications du plan. Ce
travail est essentiel, car il permet de valider le plan retenu.
2.2.2. Présentation :
Un commentaire de texte comporte globalement une introduction et le développement du plan
retenu. La conclusion n’est pas nécessaire. Mais, l’introduction comporte les éléments
suivants :
- auteur du texte
- date du texte et si le texte n’est pas daté, émettre des hypothèses mais avec une certaine
prudence
- nature du texte
- contexte du texte (il s’agit à ce niveau d’expliquer les conditions dans lesquelles le texte à
commenter a vu le jour et les raisons pour lesquelles l’analyse de ce texte se justifie en droit
administratif)
- plan du texte
- idée générale du texte
- justification du plan proposé (qui peut être différent du plan initial du texte)
- annonce du plan.
Tous ces éléments doivent être entièrement rédigés, présentés et séparés par des paragraphes
distincts.

87
Pour le corps du commentaire, il faut des développements clairs en sautant des lignes entre
chaque partie ou sous-partie et en soulignant les intitulés. Il faut éviter que certaines parties ou
sous-parties se recoupent, si c’est le cas, cela signifie que le plan proposé est mauvais.
Pour les développements, il est indispensable de citer les mots-clés en utilisant les guillemets,
et en définissant clairement chacun de ces mots et dire ce qu’ils suggèrent tout en évitant les
digressions ou les développements hors sujet.
En définitive, le commentaire est comme « un vol d’oiseau à altitude variable » : il faut suivre
le texte, l’expliquer en utilisant ses connaissances, sans le paraphraser toutefois, en évitant
d’être trop original au risque de s’éloigner du texte. C’est cet équilibre qu’il faut
nécessairement respecter.

2.3. Le cas pratique :


Le cas pratique ressemble souvent à une consultation juridique. Généralement, celui qui pose
les questions s’attend à obtenir des réponses précises et non des développements théoriques
ou des généralités sur une question de droit. Par conséquent, le cas pratique est souvent
proche de la réalité. Certains cas peuvent être imaginés à partir d’arrêts et d’autres sont
purement fictifs.
Aucun formalisme n’est exigé dans ce genre d’exercice. Il faut répondre aux questions telles
qu’elles se présentent, tout en sachant que le raisonnement suivi importe plus que la réponse
donnée. En outre, les questions n’ont pas toutes la même importance, certaine étant plus
faciles que d’autres.
Quant aux réponses, même si cela n’est pas précisé, elles doivent être souvent appuyées par
des espèces jurisprudentielles. Lorsqu’une question est apparemment mal posée ou que des
faits sont difficiles à distinguer, il appartient à l’étudiant de refaire tout ce travail intellectuel
avant de répondre à la question.
Vous devez avoir un style sobre, précis et correct.
Evitez les choses suivantes dans ce genre d’exercice :
- faire semblant de répondre à la question ou la fuite devant la question
- le manque de liaison entre la règle de droit et le cas d’espèce
- la perte inutile d’un temps précieux (perte de temps en recopiant le cas, faire une
introduction au cas pratique, résumer les faits, présenter la conclusion.

Répondez aux questions tirées de l’arrêt suivant : Cour suprême, 16 mars 2009, Abdou
NDIAYE Contre Etat du Sénégal.

LA COUR SUPRÊME,

88
Après en avoir délibéré conformément à la loi;

SUR LA RECEVBILITE :
Considérant que, dans son mémoire en réponse, l’agent judiciaire de l’Etat a conclu à
l’irrecevabilité du recours introduit par Abdou Ndiaye pour défaut de qualité à agir pour
n’avoir subi aucun grief à titre individuel puisque la dissolution concerne une collectivité
locale, personne morale, qui n’est représentée en justice que par l’organe exécutif local ;

Considérant que, cependant, le requérant qui est le cinquième adjoint au maire de la


commune d’arrondissement de Golf Sud a, pour cette raison, un intérêt certain à conserver
son mandat électif qui se termine par la dissolution du Conseil municipal ; que cet intérêt
déterminant qualité à agir, il y a lieu de déclarer son recours en annulation recevable ;

SUR LE FOND :
Considérant qu’il ressort du rapport établi le 29 avril 2008 par le sous-préfet de Guédiawaye,
régulièrement versé au dossier et non contredit dans ses conclusions par le requérant, que
pendant plus de deux ans, le bureau municipal de la commune d’arrondissement de Golf-Sud
ne s’est pas réuni une seule fois ;

Considérant qu’il résulte des dispositions combinées des articles 113 et 150 de la loi n° 96-
06 du 22 mars 1996 portant code des collectivités locales que le bureau municipal est chargé,
entre autres, de l’établissement de l’ordre du jour des séances du Conseil municipal, lequel
doit se réunir en session ordinaire une fois par trimestre ;

Considérant qu’au regard de ce qui précède que le fonctionnement du Conseil municipal de


la commune d’arrondissement de Golf Sud s’étant révélé durablement impossible, et, dès lors,
que la mesure de dissolution prise à son encontre est conforme aux prescriptions de l’article
173 du code des collectivités locales ;

PAR CES MOTIFS :


Déclare recevable le recours formé par Abdou Ndiaye ;

Le rejette comme mal fondé ;



QUESTIONS
1- Quels sont les faits dans cette affaire ?
2- Quels sont les moyens invoqués ?
3- Expliquez pourquoi le juge a déclaré la requête recevable? Quelles sont les autres
conditions de recevabilité d’un recours pour excès de pouvoir ?
4- Quelle solution a été retenue par le juge ? Quel en est le fondement ? Quelle
appréciation en faites-vous ?

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