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JUS CIVITAS

Revue Juridique et Politique de l’Université de Garoua


RJPUG

COMITÉ SCIENTIFIQUE

Président
Pr BOUBAKARI OUMAROU

Directeur
Pr ABDOUL Nasser

Rédacteur en Chef
Pr NGANGO YOUMBI Éric Marcel

MEMBRES

1. Pr ABA’A OYONO Jean-Calvin 22. Pr MBALLA OWONA


2. Pr ABDOUL Nasser 23. Pr MBAYE Mayatta Ndiaye
3. Pr ABANE ENGOLO Patrick E. 24. Pr NGANGO YOUMBI
4. Pr ADAMOU Moctar 25. Pr NGO TONG Chantal-Marie
5. Pr AÏVO Gérard 26. Pr GUIMDO Raymond Bernard
6. Pr AKAMA PENDA Samuel 27. Pr NGUELE ABADA Marcelin
7. Pr ATANGANA AMOUGOU 28. Pr NGWA FORBIN Éric
8. Pr BIAKAN Jacques 29. Pr NKOULOU Yannick Serge
9. Pr BILOUNGA Stève 30. Pr OGO SECK Papa
10. Pr CABANIS André 31. Pr ONDOUA Alain
11. Pr DARLAN Danièle 32. Pr OWONA MFEGUE Kourra
12. Pr DU BOIS DE GAUDUSSON 33. Pr PEKASSA NDAM Gérard
13. Pr FOULLA DAMNA 34. Pr POUGOUÉ Paul-Gérard
14. Pr GAËTAN Foumena 35. Pr SOMA Abdoulaye
15. Pr GUIMDO Raymond Bernard 36. Pr TCHEUWA Jean-Claude
16. Pr KOUAM Siméon 37. Pr VOUDWE BAKREO
17. Pr HOUNBARA KAOSSIRI 38. Pr ZAMBO Dominique
18. Pr HOLO Théodore 39. Pr MENGUELE MENYENGUE
19. Pr NJOYA Jean 40. Pr LOGMO MBELEK Aron
20. Pr LEKENE DONFACK 41. Pr AKONO ONGBA Sedena
21. Pr MACHIKOU Nadine 42. Pr BEGNI BAGAGNA

SECRÉTARIAT DE RÉDACTION
1. Dr Ali ABDEL-EL KADER 8. Dr Séverin TCHETCHOUA T.
2. Dr Martine BIKOÉ 9. Dr Job NZOH SANGONG
3. Dr Aimé DOUNIAN 10. Dr Étienne Fabrice NTYAME
4. Dr ESEME NJUI EGBE 11. Dr Alice TOUAÏBA TIRMOU
5. Dr Patrick Achille OND OND 12. Mme Nana DJAMIRATOU
6. Dr Théodore POMTÉ-LE 13. M. Germain DEFAÏ NDOUWE
7. Dr HADIDJA Sali 14. Mme Anne FANSOU

JUS CIVITAS / RJPUG, Vol.1, N°1, Janvier 2024


JUS CIVITAS
Revue Juridique et Politique de l’Université de Garoua
RJPUG

POLITIQUE ÉDITORIALE
JUS CIVITAS encore dénommée RJPUG (Revue Juridique et Politique de l’Université de
Garoua) est une Revue généraliste et interdisciplinaire qui publie des contributions originales,
s’inscrivant dans les domaines du Droit, de la Science Politique et des disciplines connexes.
La Revue accueille des articles de fond, des chroniques de jurisprudence, des
commentaires des décisions de justice et de documents juridiques en français ou en anglais. Les
propositions sont envoyées spontanément ou dans le cadre des appels à contributions pour les différents
numéros de la Revue.
Elle publie également des actes de colloques et des journées d’études, organisés par la Faculté
des Sciences Juridiques et Politiques de l’Université de Garoua ou des institutions partenaires de la
Faculté, à condition que ceux-ci s’inscrivent dans des champs disciplinaires couverts par la Revue.
La RJPUG encourage des contributions adoptant des approches positiviste, politologique,
critique, comparatiste ou encore prospective. Toutefois, elles doivent, pour être retenues, adopter un ton
mesuré.

L’édito du présent numéro est signé Jean du Bois de Gaudusson, Agrégé des Facultés de droit,
Professeur émérite à l’Université de Bordeaux.

Tous les droits de reproduction sont réservés. Toute reproduction,


traduction ou adaptation, intégrale ou partielle, faite sans e
consentement du Directeur de la Revue, serait illicite et constituerait
un délit de contrefaçon.

Édition, administration, abonnements


Éditions Le Rousseau,
Ngaoundéré, Cameroun
BP. 346, FSJP, Université de Garoua-Cameroun
Tél : +237 655 92 81 76 / 698335182
Courriel de la Revue : juscivitas@yahoo.com ;
Infographie couverture : Abanda Mbarga Jacques (Tél ; +237 693 18 94 47)
ISSN – 0000 - 0000
Dépôt légal : janvier 2024
JUS CIVITAS / RJPUG, Vol.1, N°1, Janvier 2024
JUS CIVITAS
Revue Juridique et Politique de l’Université de Garoua
RJPUG

SOMMAIRE
Éditorial................................................................................................................................................... IV
Jean DU BOIS DE GAUDUSSON

DOCTRINE
DROIT PUBLIC

Les mécanismes de prévention et de résolution des conflits à l’épreuve de l’insurrection


terroriste de Boko Haram ....................................................................................................................1
Nasser ABDOUL
La notion « d’intérêt du service » dans l’action administrative ................................................ 21
Éleuthère MANGA ZAMBO
Genre et Droit international des droits de la femme : continuité ou discontinuité dans la
redéfinition de l’égalité ...................................................................................................................... 41
Crescence NGA BEYEME
Le transfert des ressources financières aux collectivités territoriales décentralisées au
Cameroun : entre (in) effectivité et opacité .................................................................................. 70
HAYATOU HAMAGADO
Les pouvoirs des États membres des organisations africaines d’intégration sous régionale :
cas de la CEMAC et de la CEDEAO .................................................................................................... 96
Emmanuel MOUBITANG
Navette parlementaire et état de droit au Cameroun ............................................................ 126
HADIDJA SALI
La préservation des ressources naturelles et le problème de surpêche en Afrique centrale
................................................................................................................................................................ 142
Clarisse Aimée EKA TOUBE, Epouse NGBWA

DROIT PRIVÉ

Les substituts pénaux l’épreuve de la remontée du phénomène des « microbes » sociaux


au Cameroun ......................................................................................................................................160
Roméo TANKOUA
La rationalisation législative des mandats de justice en procédure pénale au Cameroun
.............................................................................................................................................................. 200

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Revue Juridique et Politique de l’Université de Garoua
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Gaétan Mamert BILOA NTONGA


The Challenges of Common Law Principles of Offer and Acceptance in the Formation of
Online Contracts : a Critical Analysis ...........................................................................................228
Pauline ASHU MANYI
Le régime juridique de la protection du débiteur lors de la saisie en Droit OHADA .......... 244
Simplice Emmanuel TINWO FONKOUO

SCIENCE POLITIQUE

Construction d’un imaginaire unitaire et « démocratie passive » au Cameroun : retour


sur les liturgies politiques de la transition démocratique ....................................................... 262
Jean NJOYA
De la nécessité de développer la pensée africaine face à la complexité des crises de l’Etat
en Afrique .......................................................................................................................................... 306
Chantal Marie NGO TONG
La promotion de la tolérance et l’autonomisation financière : socles de la prévention de
l’extrémisme violent des jeunes de la Région de l’Extrême-Nord du Cameroun .................319
SOULEYMANOU ALHADJI

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JUS CIVITAS
Revue Juridique et Politique de l’Université de Garoua
RJPUG

ÉDITO
On ne peut que saluer pour s’en réjouir la naissance d’une
revue scientifique, lancée par l’Université de Garoua ; elle en témoigne
le dynamisme et la volonté de ses professeurs et chercheurs, même si à
l’évidence les auteurs des contributions sont destinés à provenir de tous
les horizons, à poursuivre leurs recherches, à les diffuser et par-là à
contribuer à sa notoriété dans le monde scientifique et professionnel. À
cet égard, la Revue Juridique et Politique naît sous des auspices
prometteurs si l’on en juge par la composition du comité scientifique et
la liste des auteurs de son premier numéro. On ne peut que lui souhaiter
longue vie ; de par nos responsabilités éditoriales, nous connaissons
les difficultés de maîtriser le rythme des parutions, numéro après
numéro, et de répondre aux attentes d’un lectorat dont on ne sait pas
encore avec précision qui il est, ni tout à fait ses orientations
scientifiques et professionnelles mais, en toute hypothèse, sans
frontières, bien au-delà du Cameroun et du continent africain. N’est –
ce pas là l’enjeu et le but d’une revue, surtout lorsqu’elle est diffusée,
comme il se doit désormais, par la voie de l’internet, que de s’adresser
aux uns et aux autres et, par-là, de participer au développement de la
connaissance et de la recherche, de favoriser les échanges et les débats,
de provoquer, parfois, des controverses et d’alimenter les réflexions
prospectives ?
Autant de fonctions qui sont assignées aux revues scientifiques
en général, plus particulièrement aux revues appartenant aux domaines
des sciences humaines et sociales, plus encore aux disciplines
juridiques et politiques qui sont celles que la Revue a pour ambition
d’embrasser. Comme celle-ci l’indique dans sa présentation, elle a pour
prétention d’étudier les mutations « d’une société qui change à un
rythme vertigineux en posant à la conscience collective des questions
juridiques et politiques aussi complexes les unes que les autres » et, par
les travaux des universitaires et des praticiens, de les accompagner.
On ne saurait mieux en définir l’utilité sociale et scientifique et
dans le fond le rôle qui lui est assigné : d’abord, rendre compte et faire
comprendre des situations, celles du continent africain, mais pas
seulement, trop souvent ignorées et mal comprises et encore
insuffisamment appréhendées par le comparatisme, clé de la
connaissance. Mais aussi participer au développement de la doctrine si

JUS CIVITAS / RJPUG, Vol.1, N°1, Janvier 2024


IV
JUS CIVITAS
Revue Juridique et Politique de l’Université de Garoua
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essentielle tant en droit qu’en science politique, d’une doctrine dont des
voix plus nombreuses soulignent la nécessité de la développer en
Afrique et de s’interroger sur les voies de son approfondissement et sur
sa (nécessaire ?) spécificité ou singularité. Quels que soient les points
de vue, la doctrine peut-être plus encore en Afrique qu’ailleurs, a pour
défi d’assurer une fonction prospective, d’élaboration d’une vision
globale de l’ordre juridique et politique et d’exercice d’un contrôle
collectif sur le champ de pratiques du législateur, des juges et des
acteurs politiques ou même de ce que l’on appelle « la société civile ».
Comme le relèvent nombre de publications, la doctrine, en Afrique est
confrontée à des questionnements majeurs, dont certains sont abordés
dans ce premier numéro, et qui font se demander jusqu’où aller dans la
contextualisation d’un droit dont il est remarqué qu’il appartiendrait à
d’autres, par exemple situés en occident (sic), comment assurer ce
constant et éternel arbitrage entre l’universalisme de la science et sa
territorialisation ou encore et, plus concrètement et pour les États de
l’espace africain francophone, sur le positionnement à adopter avec le
droit français, ses jurisprudences, ses théories ? … Autant de
questionnements, qui, comme les réponses recherchées, ne font pas
l’unanimité mais qui permettent d’alimenter les échanges doctrinaux et
de contribuer au renouvellement, au sud comme au nord, des approches
et des certitudes auxquelles ne peuvent échapper ni les juristes ni les
politistes. C’est finalement un acte de confiance que nous exprimons
envers cette nouvelle revue dont le titre « Jus civitas » est une incitation
à devenir, les uns et les autres, indifféremment, les citoyens du monde,
ici et d’abord, scientifique.

Jean du BOIS de GAUDUSSON


Agrégé des facultés de droit
Professeur émérite à l’Université de Bordeaux

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V
JUS CIVITAS / RJPUG
La rationalisation législative des mandats de justice en procédure pénale au Cameroun

LA RATIONALISATION LÉGISLATIVE DES MANDATS DE JUSTICE


EN PROCÉDURE PÉNALE AU CAMEROUN

Par
Dr Gaétan Mamert BILOA NTONGA
Docteur Ph. D en Droit privé de l’Université de Yaoundé II
Enseignant-chercheur au Département de droit pénal et
sciences criminelles de la Faculté des Sciences Juridiques et
Politiques de l’Université de Yaoundé II (Cameroun)

Dans sa mission de recherche de la vérité, la justice dispose de


pouvoirs très étendus dont l’une des expressions est la possibilité qui
lui est reconnue de décerner des mandats de justice. C’est dire que, tout
au long de la procédure pénale, le recours aux mandats de justice peut
s’avérer nécessaire et parfois même déterminant pour diverses
opérations conduites par les autorités judiciaires. Les mandats de justice
sont utilisés en procédure pénale partout dans le monde. D’ailleurs sauf
cas de leur illégitimité, ils sont peu ou pas contestés, certainement en
raison de leur fonction déterminante dans la conduite de cette
procédure.
Les mandats de justice peuvent être définis comme des actes
écrits de procédure se déclinant sous la forme d’ordres plus ou moins
coercitifs délivrés par un magistrat ou une juridiction à un agent public
en sa qualité d’officier de police judiciaire ou de régisseur de prison afin
d’obtenir la comparution d’une personne, sa détention provisoire, son
incarcération, son extraction, ou encore la recherche d’objets ayant
servi à la commission d’une infraction1.

1
Il faut noter à ce propos que le Code de procédure pénale dans la définition
finaliste des mandats de justice qu’il propose en son article 11 (1), ne saisit pas le
mandat d’extraction. Il se limite en effet à affirmer que, « Le mandat de justice est un
écrit par lequel un magistrat ou une juridiction ordonne :
- La comparution ou la conduite d’un individu devant lui ou elle ;
- La détention provisoire d’un inculpé, d’un prévenu, d’un accusé ou d’un
témoin soupçonné de perturber la recherche des preuves ;
- L’incarcération du condamné ;
- La recherche d’objets ayant servi à la commission d’une infraction ou en
constituant le produit ».

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La rationalisation législative des mandats de justice en procédure pénale au Cameroun

Les mandats de justice trouvent leur origine dans le droit


intermédiaire2. Le mandat de comparution et le mandat d’amener
jouaient le même rôle que le décret « d’assigné pour être oui » du droit
romain, c’est-à-dire qu’ils provoquent simplement la comparution de
l’assujetti. Le mandat de détention provisoire et le mandat servaient de
« prise de corps » du droit romain. Ils entraînent l’arrestation et la
détention. Aussi, les mandats de justice comme dans le droit moderne,
relèvent exclusivement du pouvoir judiciaire et ne peuvent être délivrés
que par des magistrats.
Leur apparition dans la procédure pénale au Cameroun
(francophone)3 remonte au vieux Code d’Instruction Criminelle
français de 18084. En accédant à l’indépendance, le Cameroun étant
confronté au problème de la production de normes constitutives de son
ordre juridique interne a été obligé de « recevoir et d’accepter, du moins
en partie l’ordre juridique de l’État ancien »5, c'est-à-dire de l’État
colonisateur. Ce qui a fait dire à un auteur que « la décolonisation des
sources formelles du droit n’a pas entraîné automatiquement la
décolonisation des sources matérielles », les États africains dont le
Cameroun se contentant pour l’essentiel de « nationaliser » au moment
de leur indépendance le droit existant6. C’est dans cette logique que le
législateur pénal camerounais a consacré le recours aux mandats de
justice.
Cette continuité législative est d’autant marquée concernant les
mandats de justice que la volonté du législateur pénal national d’adapter
les lois héritées au contexte camerounais par une réécriture du Code

2
En France, le mandat d’amener et le mandat d’arrêt ont été prévus et définis
par les lois des 19 au 22 juillet 1971 et septembre 1791. Le mandat de comparution a
été prévu par le Code du 3 brumaire An IV. Ce même Code a réglementé le mandat
d’arrêt. Le mandat de dépôt est né quant à lui de la loi du 7 pluviôse An IX. Le Code
d’instruction criminelle de 1808, modifié par les lois du 4 avril 1855, du 14 juillet
1865 et 8 décembre 1897, a repris ces différents mandats dans ses articles 91 à 112,
avant que le Code de procédure pénale ne remplace le mandat de dépôt par le mandat
de détention provisoire et ajoute les mandats d’incarcération et d’extraction.
3
Étant noté que la partie anglophone du Cameroun avant le Code de
procédure pénale appliquait les dispositions de la Criminal Procedure Ordinance
(C.P.O.).
4
Ce Code a été introduit en Afrique occidentale française d’abord au Sénégal
par une ordonnance royale du 14 février 1838 (lire dans ce sens, MELONE S.,
« L’instruction préparatoire en Afrique Noire francophone », RIDP, 1985, P. 253.)
5
F. WODIE, « La législation », in Encyclopédie Juridique de l’Afrique NEA,
1982, P. 1.
6
CONAC G., « La vie du droit en Afrique », in Dynamique et finalité des
droits africains, « Actes du Colloque de la Sorbonne, « La vie du Droit en Afrique »,
ECONOMICA, Paris, 1980, P. 6.

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La rationalisation législative des mandats de justice en procédure pénale au Cameroun

d’Instruction Criminelle n’a véritablement atteint lesdits mandats que


récemment, à la faveur notamment de l’adoption de la loi n° 2005/007
du 27 juillet 2005 portant Code de procédure pénale. Ce texte introduit
dans certains cas et clarifie dans d’autres les garanties substantielles et
formelles de protection des libertés individuelles en la matière, tout en
aménageant plus précisément non seulement les critères de délivrance
des mandats de justice, mais aussi la régularité formelle des titres
constitutifs desdits mandats. Aussi, contrairement à la législation
précédente, il traduit nettement la position du législateur pénal
camerounais sur la controverse portant sur la nature juridique des
mandats de justice7. Le Code de procédure pénale8, prévoit en effet qu’il
est possible de donner commission rogatoire à un autre magistrat pour
délivrer les mandats de justice sans exception.
Non seulement le caractère absolu de cette position peut être
critiqué, notamment concernant les mandats d’arrêt et de détention
provisoire qui apparaissent grandement contraignants pour la personne
qui en est assujettie9, mais aussi il suscite inéluctablement la question
de la rationalisation des procédés juridiques mis à la disposition du juge
par le législateur en matière de soumission aux mandats de justice. D’où
la question de savoir comment le législateur pénal envisage-t-il la

7
La nature juridique du mandat de justice fait l’objet d’une controverse. Pour
certains, le mandat de justice est un acte de juridiction et seul le magistrat peut le
décerner. La délégation de cette compétence aux officiers de police judiciaires étant
interdite. Dans ce sens, Faustin HELIE par exemple considère que le mandat de
justice, acte de juridiction ne peut être ordonné que par le juge d’instruction (HELIE
F., Traité de l’instruction criminelle, 2e éd., Paris 1866-1867, Tome I à IV n° 1961 ;
dans le même sens V. VIDAL et MAGNOL, Cours Drt. Crim. II n° 827). Pour d’autres
auteurs par contre, le mandat de justice est un acte judiciaire. Dès lors, en cas de
nécessité, le magistrat en charge d’une commission rogatoire peut délivrer un mandat
d’amener ou un mandat de comparution, voire un mandat de détention provisoire si la
commission rogatoire l’y autorise spécialement, (BOULOC B., HARITINI M., Droit
pénal général et procédure pénale 18e éd., Sirey, 2011P 388-396).
8
Article 191 (1) du Code de procédure pénale. Cependant, l’article 152 du
même texte établit que « Le juge d’instruction ne peut donner commission rogatoire
à un officier de police judiciaire pour procéder en ses lieu et place aux inculpations,
interrogatoires et délivrance des mandats de justice ».
9
Selon MERLE et VITU, contrairement aux « mandats de comparution et
d’amener qui sont de simples actes d’instruction, tendant à la manifestation de la
vérité en facilitant l’interrogatoire de l’inculpé », les mandats de détention provisoire
et le mandat d’arrêt ont des conséquences graves. C’est pourquoi seul le juge
d’instruction devrait être en mesure de les délivrer après avoir apprécié à ses justes
proportions l’opportunité de la détention. Ces deux mandats pour ces auteurs (R.
MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel, procédure pénale, éd. Cujas, 3è éd.
n° 1159) et d’autres (P. CHAMBON, Le juge d’instruction : théorie et pratique de la
procédure, 2e éd., n° 363, 1970, tome II.) sont donc des actes juridictionnels.

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soumission aux mandats de justice pour garantir l’équilibre des intérêts


contradictoires10 qu’est l’efficacité de la répression pour une justice
pénale qui se veut rapide et bien administrée 11 ?
Il convient de rappeler pour répondre à cette question que, la
règle d’après laquelle « la loi pénale s’impose à tous »12 trouve une
parfaite illustration en matière de délivrance des mandats de justice.
Toutefois le droit pénal lui-même entretient quelques distorsions en la
matière. Il se dégage assurément de la technique législative en matière
d’assujettissement aux mandats de justice, une constante à savoir la
démarcation du mineur du majeur (I), à laquelle il faut adjoindre les
variables liées à la prise en compte des immunités (II).

I- LA DISTINCTION ENTRE LE MINEUR ET LE MAJEUR

Il ne fait aucun doute que les textes concernant la délivrance et


l’exécution des mandats de justice s’appliquent autant aux personnes
majeures que mineures. Il reste que dans cette application, tous ne
relèvent pas de l’ordre des généralités. Des dérogations particulières

10
La pression et la coercition des mandats de justice bien que sous-tendues
par les nécessités d’une bonne administration de la justice ne sont pas toujours
compatibles avec le souci de permettre à certains responsables politiques et même
administratifs d’accomplir leurs missions en toute quiétude. Il est en effet par exemple
contraire à l’intérêt public que les parlementaires ne puissent accomplir leurs
fonctions nourrissant la crainte d’une procédure judiciaire ou que le Chef de l’État
soit interrogé à la suite d’une plainte déposée par n’importe quel citoyen. De même
qu’elles ne vont pas sans gêner la prise en compte de la vulnérabilité du mineur
délinquant, la préservation de la sérénité des liens familiaux, ainsi que la garantie
d’une libre défense devant la justice entre autres.
11
Il s’agit notamment de la protection des mineurs, de la protection de la
fonction des représentants du peuple (chef de l’État, parlementaires), de la garantie
des conditions préalables à l’efficacité des représentants de l’État à l’étranger dans
l’exercice de leurs fonctions (Diplomates agents consulaires…), de la protection de la
famille et la sauvegarde des droits de la défense.
12
Cette importante formule exprimée en de termes différents dans la
constitution camerounaise et les textes internationaux ratifiés par le Cameroun (voir
préambule de la constitution camerounaise du 18 janvier 1996, Déclaration
Universelle des Droits de l’Homme du 10 décembre 1948, Charte Africaine des Droits
de l’Homme et des Peuples du 27 juin 1981, Déclaration des Droits de l’Homme et
du Citoyen du 26 août 1789) est affirmée par le Code pénal en son article premier afin
de consacrer avec clarté l’égalité de tous les citoyens devant la loi. C’est dans la même
logique que le code de procédure pénale camerounaise (Voir loi n° 2005/007 du
27 juillet 2005) consacre également le principe d’égalité de tous devant la loi. Ce
principe signifie que tout délinquant sans considération de sa condition sociale, de sa
nationalité ou de son sexe, doit être poursuivi et condamné pour l’infraction dont il
est l’auteur le coauteur ou le complice.

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dans lesquelles le majeur ne peut se reconnaître (B), protègent le mineur


(A).

A- LA PROTECTION DU MINEUR DANS LE RECOURS AUX MANDATS DE


JUSTICE
La délinquance des mineurs n’est pas un phénomène nouveau.
Bien que les statistiques souvent établies dans ce domaine au Cameroun
soient trop fragmentaires et incomplètes pour donner une idée exacte
du phénomène, la délinquance des mineurs va croissant et les parents
sont de plus en plus désemparés face à leurs enfants.
Le droit pénal camerounais considère comme mineur tout
individu âgé de moins de 18 ans13. La prise en considération de cette
qualité s’effectuant au moment de la commission des faits14. Aussi,
sensible à leur âge, le législateur a prévu des mesures destinées à assurer
leur protection dès lors qu’ils sont interpellés dans le cadre d’une
procédure pénale. Le Code de procédure pénale distingue en fonction
de l’âge, deux catégories de mineurs délinquants : le mineur de douze
(12) à quatorze (14) ans (1) et le mineur de quatorze (14) à dix-huit (18)
ans (2).

1- Le mineur de douze à quatorze ans


D’après l’alinéa 1 de l’article 80 du Code pénal camerounais, le
mineur de dix ans n’est pas pénalement responsable. La responsabilité
pénale consiste, il faut le rappeler dans l’obligation de répondre de ses
actes délictueux et en cas de condamnation, d’exécuter la sanction
pénale prévue pour cette infraction. Étant donné qu’elle est l’une des
facettes de l’élément moral de l’infraction, elle constitue la
conséquence normale de la culpabilité d’une personne à laquelle est
imputée une infraction. Or un mineur de dix ans bénéficie de la
présomption légale et irréfragable d’irresponsabilité pénale en droit
camerounais. De ce fait, quelle que soit l’infraction par lui commise,
aucun mandat de justice ne peut lui être appliqué.
Quant aux mineurs dont l’âge varie entre douze et quatorze ans,
le Code de procédure pénale prévoit d’une manière générale que
lorsqu’une infraction qualifiée crime ou délit est commise par un
mineur de dix-huit ans, l’information est faite selon les règles de droit
commun15. Le procureur de la République ou le juge d’instruction avise
les parents, tuteur ou gardien du mineur des poursuites engagées contre

13
Article 80 de la loi n° 2016/007 du 12 juillet 2016 portant Code pénal.
14
Article 80 (4) de la loi n° 2016/007 du 12 juillet 2016 portant Code pénal.
15
Article 700 al.2 du Code de procédure pénale.

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La rationalisation législative des mandats de justice en procédure pénale au Cameroun

celui-ci16. Cependant, le mineur de douze à quatorze ans ne peut faire


l’objet d’un mandat de détention provisoire qu’en cas d’assassinat17, de
meurtre18 ou de coups mortels19. Il en ressort un certain nombre de
remarques très importantes pour ce qui est de l’assujettissement des
mineurs de cette tranche d’âge aux mandats de justice.
D’abord, le législateur pénal ne reconduit pas les tranches d’âge
qu’il aménage à l’article 80 du Code pénal en matière de responsabilité
pénale des mineurs. La forte circonspection que le législateur
recommande aux autorités judiciaires quant à l’usage du mandat de
détention provisoire à l’encontre du mineur délinquant saisit ce dernier
à partir de douze (12) ans. Ce qui permet d’en déduire que le mineur de
plus de dix (10) ans et de moins douze (12) ans ne saurait aucunement
faire l’objet d’un mandat de détention provisoire.
Ensuite, même dans le cas du mineur délinquant de douze (12)
à quatorze (14) ans, les autorités judiciaires qui ont l’obligation comme
c’est le cas en général en matière de minorité pénale, de procéder à
l’information judiciaire20, n’ont cependant pas l’obligation de délivrer
le mandat de détention provisoire21. Ce qui permet d’entrevoir la
préférence entretenue par le législateur pour la remise de l’enfant à ses
parents ou à une personne digne de confiance lorsque soit l’infraction
n’est pas d’une gravité manifeste22 ; soit l’infraction étant grave, les
circonstances de sa commission ne traduisent pas des signes ostensibles
de dangerosité du mineur qui en est l’auteur. Le législateur pénal ne
manque d’ailleurs pas de souligner que, lorsqu’un mineur est laissé en
liberté, le juge d’instruction ou le tribunal peut exiger soit son
engagement écrit de bien se comporter et de comparaître chaque fois
qu’il en sera requis, l’engagement sous caution des père et mère, tuteur
ou gardien du mineur de garantir sa représentation en justice ; ou encore

16
Article 700 al.4 du Code de procédure pénale.
17
Article 276 du Code pénal.
18
Article 275 du Code pénal.
19
Article 278 du Code pénal.
20
Selon l’Article 700 al.1 du Code de procédure pénale, « l’information
judiciaire est obligatoire en matière de crime et de délit commis par les mineurs de
dix-huit (18) ans ». Autrement dit, sauf en matière de contravention, le mineur ne peut
être poursuivi par voie de citation directe.
21
La délivrance du mandat de détention provisoire par l’autorité judiciaire
dans ce cas relève d’une simple faculté. D’où l’usage par le législateur de l’expression
« ne peut faire l’objet » et non « ne doit faire l’objet ».
22
Lorsqu’il ne s’agit ni d’un assassinat, ni d’un meurtre, ni des coups mortels.

205
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JUS CIVITAS / RJPUG
La rationalisation législative des mandats de justice en procédure pénale au Cameroun

l’engagement sur parole de toute personne digne de confiance, de


garantir sa représentation en justice23.
De même, lorsque le mineur âgé de quatorze (14) ans ou moins
est déclaré coupable, le tribunal doit lui adresser une admonestation
avant de prononcer l’une des mesures que sont : l’attribution de sa garde
à ses parents, tuteur ou gardien ou à toute autre personne digne de
confiance, la liberté surveillée, le placement dans un établissement de
formation professionnelle ou de soins, le placement dans une institution
spécialisée et l’engagement préventif24. Les positions du législateur
apparaissent un peu différentes et moins indulgentes vis-à-vis des
mineurs de quatorze (14) à dix-huit (18) ans.

2- Le mineur de quatorze à dix-huit ans


En droit camerounais, les mineurs âgés de plus de quatorze (14)
ans et de moins de dix-huit (18) ans sont bien entendu pénalement
responsables. Cette disposition a comme conséquence d’éveiller chez
ces mineurs, le sens de la responsabilité sociale et morale. Ainsi,
lorsqu’à cet âge, un mineur commet un fait infractionnel, on devrait
s’attendre à le voir subir tous les effets des mandats de justice. Il est
cependant recommandé aux autorités judiciaires de déployer tous les
efforts possibles pour que le recours à ces mesures soit exceptionnel.
C'est-à-dire uniquement dans l’hypothèse om il serait impossible de
faire appel à toute autre disposition.
C’est dans ce sens que le Code de procédure pénale prévoit que
le mineur de quatorze (14) à dix-huit (18) ans ne peut faire l’objet d’un
mandat de détention provisoire que si cette mesure paraît
indispensable25. Le juge d’instruction peut donc aussi en tout état de
cause ordonner, le ministère public entendu, qu’en lieu et place d’un
mandat de détention provisoire, la garde du mineur soit confiée à la
famille, à un parent, à une personne ou une institution digne de
confiance26. Ces dispositions assurent la protection de cette catégorie

23
Article 708 du Code de procédure pénale. Cette disposition du Code de
procédure pénale vient compléter l’article 702 qui prévoit que le juge d’instruction
peut confier la garde du mineur à :
a) ses parents, tuteur, gardien ou toute autre personne digne
de confiance ;
b) un centre d’accueil ou d’observation ;
c) une institution spécialisée ;
d) un établissement de formation professionnelle ou de soins.
24
Article 724 du Code de procédure pénale.
25
Article 705 du Code de procédure pénale.
26
Ces institutions sont supposées œuvrer pour une rééducation des mineurs
délinquants dangereux. On peut dans ce répertoire citer l’institution camerounaise de

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de mineurs. L’objectif recherché étant d’explorer toutes les voies


permettant d’exclure le mineur du champ des mandats de justice
conduisant à l’incarcération.
L’article 708 du Code de procédure pénale confirme cette idée
quand il dispose que lorsqu’un tel mineur est laissé en liberté, le juge
d’instruction ou le tribunal peut exiger : son engagement écrit de bien
se conduire et de comparaître chaque fois qu’il en sera requis ;
l’engagement sous caution des père et mère, tuteur ou gardien du
mineur, de garantir sa représentation en justice ; l’engagement sur
parole de toute personne digne de confiance, de garantir sa
représentation en justice.
L’on peut fort de ce qui précède, dire que contrairement aux
mandats de justice visant la comparution du mineur, la délivrance des
mandats de justice conduisant à l’incarcération est somme toute
exceptionnelle pour cette catégorie de justiciables. De tels mandats
n’interviennent qu’après vérification par l’autorité judiciaire qui en est
le signataire qu’il n’y a pas de possibilité de laisser le mineur en liberté.
Ce qui n’est pas toujours le cas pour les personnes majeures.

B- LA SOUMISSION DU MAJEUR AUX MANDATS DE JUSTICE


La délivrance des mandats de justice est une opération cruciale
dans la conduite de la procédure pénale. Bien que pouvant dans certains
cas entraîner une atteinte grave à la liberté individuelle, les mandats de
justice sont d’usage dans tous les systèmes judiciaires. Ils répondent à
certaines nécessités d’administration de la justice reconnues aussi bien
dans les systèmes de procédure inquisitoire27 que dans ceux où elle est
de type accusatoire28.
La recherche d’un compromis entre la nécessité des mandats de
justice et la protection des droits des individus passe ainsi par la
détermination de la nature des faits légitimant les mandats de justice.
Les mandats de justice ne peuvent être émis que s’ils répondent aux

l’enfance de BETAMBA, le centre d’accueil et d’observation de BEPANDA, et de


l’institut BORSTAL de BUEA.
27
Apparue historiquement à un moment où le pouvoir était capable
d’imposer aux plaideurs le recours à des auxiliaires qualifiés et à une justice rendue
par des magistrats professionnels, la procédure inquisitoire est écrite, sécrète et non
contradictoire, le juge obéissant à son intime conviction. Ici, le juge exerce un rôle
prépondérant dans la conduite de l’instance et dans la recherche des preuves.
28
La procédure pénale est dite accusatoire, lorsque le rôle principal dans le
déclenchement et la conduite de l’instance, dans la recherche des preuves, est réservé
aux parties. Elle présente généralement un caractère oral, public et contradictoire. Il
reste cependant que dans les systèmes contemporains, des compromis ont été trouvés
entre la procédure accusatoire et la procédure inquisitoire.

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conditions relatives au cadre légal qui les différencie selon leur objet et
leur but. Toutefois, préalablement à tout recours à un mandat de justice,
il faut qu’une infraction ait été commise justifiant l’usage de cette
mesure (1). Le droit camerounais autorise également l’émission des
mandats de justice lorsqu’une personne viole volontairement ses
obligations judiciaires (2).

1- Les faits infractionnels


Le Code pénal camerounais a adopté la classification tripartite
des infractions29 en distinguant les crimes, les délits et les
contraventions. Le Code de procédure pénale ne semble pas a priori
distinguer entre les infractions dans le cadre de l’émission des mandats
de justice. Il y a donc pour ainsi dire, une généralité de principe des
infractions légitimant les mandats de justice (a), même si on ne peut
omettre de souligner quelques particularités requises en présence de
certains mandats (b).

a- La généralité de principe des infractions légitimant


les mandats de justice
En droit camerounais, l’auteur, le coauteur, le complice et le cas
échéant le témoin d’un fait infractionnel peuvent faire l’objet d’un
mandat de justice, que ce fait soit un crime, un délit, ou une
contravention. C’est dire que si on appréhende les mandats de justice
dans leur grande diversité, ils opèrent autant pour les infractions les plus
graves, celles les moins graves, que les fautes pénales légères. Ainsi,
qu’ils s’agissent des infractions pour lesquelles l’agent encourt soit la
réclusion, soit la détention à perpétuité ou à temps, soit la peine de
mort30, ou des infractions pour lesquelles le législateur prévoit aussi une
amende, le recours aux mandats de justice est possible. Les mandats de
justice sont délivrés tout autant pour les infractions de droit commun,
les infractions militaires que les infractions politiques. Les infractions
de droit commun sont souvent présentées comme celles qui ne sont ni
militaires, ni politiques. Les infractions militaires étant bien entendu
celles prévues par le Code de justice militaire dont l’objet est une

29
V° Art. 21 de la loi n° 2016/007 du 12 juillet 2016 portant Code pénal.
30
La peine de mort est encore applicable au Cameroun et l’article 21 de la
loi n° 2016/007 du 12 juillet 2016 portant Code pénal qualifie de crimes les infractions
punies des peines les plus graves, notamment de la peine de mort. Cette peine a
d’ailleurs connu une revitalisation dans son édiction avec la loi n° 2014/028 portant
répression des actes terrorisme, de laquelle il se dégage une véritable sublimation de
cette peine par le recours récurrent à la sanction extrême qui est la peine de mort
(articles 2, 3,4, 5 de la loi).

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atteinte aux règles et principes militaires et qui relèvent de la


compétence des juridictions militaires31, alors que les infractions
politiques s’identifient suivant un double critère objectif et subjectif.
Sur le plan objectif, elles sont celles qui portent atteinte
directement à un intérêt de nature politique tel le fonctionnement des
pouvoirs constitutionnels ou le régime politique ou économique de
l’État. Sur le plan subjectif, les infractions politiques sont celles dont
les mobiles sont de porter atteinte aux intérêts de nature politique. Il
apparaît bien clairement de ce qui précède que malgré quelques
particularités requises pour certains mandats de justice, le législateur
pénal admet le recours aux mandats de justice pour toutes les infractions
quelles qu’en soient la nature et la gravité.

b- Les particularités requises pour les infractions


légitimant certains mandats de justice
Bien que le point de départ de la légitimation de tous mandats
de justice soit la commission d’un fait infractionnel, certains mandats
de justice se démarquent de cette généralité dès lors que leur délivrance
suppose la commission d’un fait infractionnel d’un certain type. C’est
le cas du mandat de détention provisoire dont la délivrance se rattache
aux infractions passibles d’une peine privative de liberté. Ces
infractions présentent souvent la particularité d’être soumises à
l’information judiciaire même lorsqu’elles sont flagrantes.
Le mandat de détention provisoire ne doit dès lors intervenir que
lorsqu’il est strictement nécessaire. C’est ce qui explique l’exigence
textuelle de sa motivation32. La doctrine tant ancienne que moderne est
unanime à ce propos. Muyart De Vouglans recommandait de longue
date, que pour assujettir une personne au mandat de détention
provisoire, il faut considérer tout à la fois la gravité de l’infraction et la
qualité de son auteur33. Faustin HELIE, n’en pense pas autrement quand
il démontre que, le mandat de détention provisoire ne doit point
s’appliquer dans des cas où il n’est point indispensable, soit à la sûreté
publique, soit à l’exécution de la peine, soit à l’instruction du procès.
La nécessité étant la condition et la mesure de son application. Dès que
31
V° Loi n° 2008/015 du 29 décembre 2008 portant organisation judiciaire
militaire et fixant les règles de procédure applicables devant les tribunaux militaires.
Selon l’article 30 alinéa 1 de la loi n° 2017/ 012 du 12 juillet 2017 portant Code de
justice militaire du Cameroun, « est considérée comme infraction militaire, tout acte
de manquement grave au devoir et à la discipline militaire réprimé par le présent
Code ».
32
Article 218 (2) du Code de procédure pénale in fine.
33
Cité par R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel, procédure
pénale, éd. Cujas, 3è éd. n° 1195 (note 5) Paris 1979.

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cette nécessité n’est plus constatée, l’acte est présumé inutile et, s’il est
inutile, il n’est plus qu’un abus odieux34.
Les infractions soumises à l’information judiciaire sont pour
l’essentiel celles pour lesquelles l’instruction préparatoire s’avère
nécessaire. Autrement dit, celles qui ne sont pas directement soumises
au juge de jugement. Il s’agit aux termes du Code de procédure pénale,
hormis les crimes et délits commis par les mineurs, des crimes de
manière automatique et des délits et contraventions complexes le cas
échéant. Selon le Code de procédure pénale, « l’information judiciaire
est obligatoire en matière de crime, sauf disposition contraire de la
loi »35. « Elle est facultative en matière de délit et de contravention ».36
Ce qui n’est pas pour surprendre, étant donné que le même texte
appréhende la détention provisoire pour laquelle le mandat est une des
mesures préalables obligatoires comme une mesure exceptionnelle qui
ne peut être ordonnée qu’en cas de délit ou de crime, et en vue de
préserver l’ordre public, la sécurité des personnes et des biens ou
d’assurer la conservation des preuves ainsi que la représentation en
justice de l’inculpé37. Ces finalités du mandat de détention provisoire
sont confirmées par le législateur pénal lorsqu’il souligne : « nonobstant
les dispositions du Code de procédure pénale relatives aux conditions
de mise en détention provisoire, le juge d’instruction ou de jugement
peut placer sous mandat de détention provisoire tout militaire qui
commet une infraction constituant une atteinte grave à la discipline
militaire, même si ladite infraction n’est pas un crime »38.
Le domaine des infractions flagrantes39 quant à lui s’adosse sur
une combinaison de deux composantes ; temporelle et matérielle,
contribuant chacune à rendre l’existence de l’infraction sinon
manifeste, au moins évidente. Il comprend non seulement celles qui se

34
F. HELIE, Traité de l’instruction criminelle, 2e éd., Paris, tome I à VIII,
° 1949
P. 610, n et 1950.
35
Article 142 al.1 du Code de procédure pénale.
36
Article 142 al.2 du Code de procédure pénale.
37
Article 218 al.1 du Code de procédure pénale.
38
Article 15 al. 1b de la loi n° 2017/ 012 du 12 juillet 2017 portant Code de
justice militaire du Cameroun.
39
Nombreuses sont les législations qui ont adopté la notion de flagrance en
y faisant découler divers effets parmi lesquels figure toujours une simplification de la
procédure ainsi qu’une extension des pouvoirs coercitifs de la police judiciaire. Ces
effets sont très souvent justifiés tout à la fois par la nécessité de satisfaire l’opinion
publique en réagissant rapidement contre le comportement délictueux ayant troublé
l’ordre social, et par la possibilité de rassembler rapidement et avec un maximum
d’efficacité les preuves encore « fraîches » de l’infraction.

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commettent actuellement40 ou qui viennent d’être commises41, mais


aussi celles pour lesquelles après leur commission, la personne est
poursuivie par la clameur publique. C’est aussi le cas des infractions
pour lesquelles dans un temps voisin de la commission, le suspect est
trouvé en possession d’un objet ou présente des traces ou indices
laissant penser qu’il a participé à la commission du crime ou du délit. Il
y a par ailleurs flagrance lorsqu’une personne requiert le procureur de
la République ou un officier de police judiciaire pour constater un crime
ou un délit commis dans une maison qu’elle occupe, ou dont elle assure
la surveillance42.
Les fondements de cette particularisation dans la légitimation du
mandat de détention provisoire doivent être trouvés dans le souci de la
limitation de la détention avant jugement, dont les effets néfastes sur la
présomption d’innocence sont à juste titre décriés. Il reste que la
commission d’un fait infractionnel n’est pas le seul motif participant de
la légitimation de l’assujettissement des majeurs aux mandats de
justice. Cette légitimation peut tout aussi découler de la violation des
obligations judiciaires.

1- La violation des obligations judiciaires


Les obligations judiciaires au sens générique du terme sont les
celles imposées par les autorités judiciaires. Elles peuvent être rangées
dans deux catégories au moins, à savoir les obligations de surveillance
judiciaire et les obligations inhérentes à l’exécution des condamnations
devenues définitives. La violation desdites obligations dans l’un (a) et
l’autre (b) cas peut également justifier la soumission à un mandat de
justice.

40
TPI de Dschang, jugement n° 929/Cor du 19 juillet 2004. Dans cette affaire,
les auteurs de l’acte infractionnel avaient été surpris en train de porter atteinte aux
biens d’un supermarché par vol. Voir également TPI de Dschang, jugement n° 686/
Cor du 8 avril 2005. Voir également, PI de Dschang, jugement n° 776/Cor du 13 mai
2005. Dans cette espèce, le prévenu avait été surpris en train d’administrer de violents
coups avec son arme à la victime.
41
TPI de Dschang, jugement n° 850/Cor du 24 juin 2005, affaire NJANG
Henri Bertin.
42
C’est une hypothèse de flagrance qui n’est pas tout à fait nouvelle en
procédure pénale camerounaise. Elle était déjà prévue aux articles 44 et suivants du
Code d’instruction criminelle qui cependant, du fait de l’usage de l’expression « chef
de maison », n’en avait pas clairement circonscrit les contours. Voir à ce propos V.
TCHOKOMAKOUA, « Les particularités de la procédure de flagrant délit en droit
camerounais depuis 1972 », RDC, n° 30 p. 5 et S.

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a- La soustraction aux obligations de surveillance


judiciaire
La surveillance judiciaire est une institution essentielle et
originale à laquelle le législateur français accorde un primat par rapport
au mandat de détention43. Le législateur camerounais lui se contente de
l’appréhender comme une simple alternative à ce mandat et son
incidence44. Elle consiste en un ensemble d’obligations imposées à la
personne mise en liberté contre soumission à des mesures de contrainte.
En clair, le juge d’instruction peut par ordonnance, soumettre l’inculpé
à des mesures de surveillance judiciaire ou substituer de telles mesures
au mandat de détention provisoire, en l’astreignant, soit à une ou
plusieurs des obligations prévues aux articles 41 et 42 du Code pénal45,
soit à une ou plusieurs de celles énumérées à l’article 246 du Code de
procédure pénale.
Ces dernières vont de l’obligation de ne pas sortir des limites
territoriales déterminées par le juge d’instruction46, à l’interdiction
provisoire d’exercer certaines activités professionnelles47, lorsque
l’infraction a été commise à l’occasion ou dans l’exercice de celles-ci
et si le juge d’instruction estime que leur poursuite est de nature à
43
Le législateur français recommande au juge d’examiner d’abord si les
obligations de la surveillance judiciaire sont suffisantes au regard des fonctions
définies à l’article 137 du Code de procédure pénale, étant donné qu’en matière
correctionnelle, le placement en détention n’est possible que si les obligations de
surveillance judiciaire sont insuffisantes.
44
Par l’usage de l’expression « peut » le législateur pénal camerounais laisse
le choix au juge de s’orienter soit vers la détention provisoire à travers le mandat y
relatif, soit substituer ce mandat par la surveillance judiciaire.
45
Le Code pénal distingue en effet dans ces deux articles entre les obligations
générales et les obligations spéciales. Les premières prévues à l’article 41 s’imposent
de plein droit et comprennent : l’établissement par le condamné de son domicile en
un lieu déterminé, la réponse aux convocations de l’autorité chargée de la mission de
surveillance et d’assistance, la réception des visites du surveillant et la communication
à ce dernier des renseignements ou documents de nature à permettre le contrôle de ses
moyens d’existence, l’information du surveillant ou la justification auprès de lui des
motifs des changements d’emploi ou de résidence du condamné, l’information
préalable du surveillant par le condamné en cas de toute absence excédant quinze (15)
jours et la notification de son retour et l’autorisation préalable de l’autorité chargée de
cette mission avant tout déplacement à l’étranger. Les secondes quant à elles sont
laissées à la discrétion de la juridiction qui peut d’ailleurs les imposer au condamné
en tout ou partie. Il s’agit notamment de : l’établissement de sa résidence par le
condamné en un ou plusieurs lieux déterminés, la non-parution en certains lieux
déterminés, sauf autorisation spéciale et temporaire, la contribution aux charges
familiales ou l’acquittement régulier des pensions alimentaires et la réparation des
dommages causés par l’infraction.
46
Article 246 (a) du Code de procédure pénale.
47
Article 246 (h) du Code de procédure pénale.

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faciliter la commission d’une nouvelle infraction. Dans tous les cas, les
obligations de surveillance judiciaire visent entre autres à assurer la
garantie de représentation de l’intéressé48, la protection de la victime de
l’infraction49 ou de l’intéressé lui-même50, ainsi que la sauvegarde de
l’ordre public. Cependant si la surveillance judiciaire constitue un
moyen plus souple que le mandat de détention provisoire, son usage ne
va pas sans risque. L’intéressé peut en effet se soustraire aux obligations
qui lui sont imposées. Pour sanctionner cette violation, le Code de
procédure pénale permet au juge d’instruction de révoquer la liberté de
l’inculpé et décerner à son encontre un mandat de justice. Le texte
dispose : « Si l’inculpé viole l’une des obligations de la surveillance
judiciaire, le juge d’instruction peut quelle que soit la durée de la peine
d’emprisonnement encourue, décerner à son encontre mandat
d’amener, d’arrêt ou de détention provisoire ».51

b- L’inexécution des condamnations pécuniaires


Sur le fond, les juridictions pénales peuvent acquitter ou
relaxer ; elles peuvent rendre une décision d’exemption de peine, ou
prononcer une condamnation. Quand elles sont pécuniaires, les
condamnations au pénal comprennent les amendes, les frais de justice
et les dommages-intérêts. Les amendes et les frais de justice sont payés
au greffier en chef de la juridiction qui a rendu la décision52. Avant le
paiement, le greffier en chef délivre au condamné sans frais, une copie
de la décision contenant le décompte des amendes et frais de justice
prévus à l’article 558 alinéa 2a du Code de procédure pénale. Aussi,
après le paiement, il est délivré une quittance extraite d’un carnet à
souches et, lorsque la décision est devenue irrévocable, une copie sans
frais de ladite quittance. C’est dire que, le payement des amendes et des
frais de justice a lieu avant même que la décision ne devienne
irrévocable. Le remboursement restant possible en cas de relaxe ou
d’acquittement ultérieur. Cela permet de remédier aux inconvénients du
système ancien qui consistait à ne recouvrer les amendes et frais de
justice qu’après l’établissement des pièces d’exécution. Ce qui
rappelons-le, avait généré des arriérés se chiffrant parfois à des
milliards. C’est dans le but d’accélérer le recouvrement des amendes
judiciaires, qu’il est prévu que les condamnations pécuniaires à
l’exception des dommages-intérêts, sont exécutoires sur-le-champ par

48
Article 246 (a, c, e) du Code de procédure pénale.
49
Article 246 (b) du Code de procédure pénale.
50
Article 246 (d, f) du Code de procédure pénale.
51
Article 250 du Code de procédure pénale.
52
Article 556 al.1 du Code de procédure pénale.

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consignation au greffe de la somme correspondante. Le défaut de


consignation entraîne la contrainte par corps.53 La contrainte par corps
est aujourd’hui, le rempart judiciaire contre l’inexécution des
condamnations pécuniaires. Elle doit être définie comme une mesure
qui vise à obliger le condamné à exécuter les condamnations
pécuniaires ou à effectuer les restitutions ordonnées par une juridiction
répressive. Elle est d’ailleurs applicable sans mise en demeure
préalable, à la diligence du ministère public54, sauf lorsque le condamné
est une personne âgée de moins de dix-huit (18) ans ou de plus de
soixante (60) ans, ou encore une femme enceinte au moment de
l’exécution55. Aussi, la contrainte par corps ne peut être exercée
simultanément contre le mari et la femme, même pour le recouvrement
des sommes afférentes à des condamnations différentes. Dans sa
consistance, la contrainte s’exprime par une incarcération au cours de
laquelle le débiteur est astreint au travail. C’est pourquoi elle doit aussi
être présentée comme le corollaire d’un mandat d’incarcération. En cas
de condamnation pécuniaire au profit de l’État, un mandat
d’incarcération est immédiatement établi au prononcé de la décision et
transmis pour exécution au ministère public. En cas de condamnation
au profit de la partie civile, lorsque la décision est devenue définitive,
un mandat d’incarcération est établi à la requête de cette partie civile,
si elle n’a pas encore été désintéressée. Tout condamné non détenu
contre lequel un mandat d’incarcération a été décerné pour non-
exécution des condamnations pécuniaires peut, soit en prévenir, soit en
arrêter les effets en s’acquittant desdites condamnations.
L’inexécution des condamnations pécuniaires est ainsi
incontestablement une circonstance de légitimation de la soumission du
majeur aux mandats de justice. Ainsi, en se référant au principe de
l’égalité de tous devant la loi, les autorités judiciaires peuvent dès lors
que les conditions sont remplies et que les circonstances l’exigent
recourir à la délivrance des mandats de justice à l’encontre de toute
personne majeure indépendamment de toute restriction particulière. Il
en est ainsi, qu’il s’agisse des étrangers, des nationaux, sans distinction
de sexe et de qualité. Cela étant, les militaires et les fonctionnaires ne
sont pas à l’abri de ces mesures. Il ressortait dans ce sens de la loi de
2008 portant organisation judiciaire militaire et fixant les règles de
procédure applicables devant les tribunaux militaires que le
commissaire du Gouvernement, le juge d’instruction ou même le juge
de jugement près le tribunal militaire peut délivrer tout mandat pour
53
Article 393 du Code de procédure pénale.
54
Article 557 du Code de procédure pénale.
55
Article 565 du Code de procédure pénale.

214
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lequel la loi lui en donne habilitation à l’encontre des militaires ou de


toutes personnes justiciables du tribunal militaire ayant commis une
infraction56.
En France des dispositions similaires sont prévues par le Code
de justice militaire57. Ce texte donne d’ailleurs au commissaire du
Gouvernement le pouvoir de recourir à tous mandats nécessaires en vue
d’incarcérer provisoirement tout justiciable des tribunaux aux armées
relevant des articles 61 et 63 dudit Code. Les mandats de justice peuvent
donc apparaître légitimes à l’encontre des majeurs en droit camerounais
dès lors qu’il est établi qu’ils font suite à un fait infractionnel ou à une
violation des obligations judiciaires et si la personne qui en est assujettie
est pénalement responsable. Cependant, un certain nombre de situations
peuvent échapper à cette règle générale. Elles concernent autant les
personnes protégées par certaines conventions internationales que
celles qui occupent des fonctions politiques et parlementaires, mais
aussi celles pouvant tirer avantage soit du lien familial avec la victime58,
soit du cadre judiciaire de commission de l’infraction59. On dit qu’elles
sont couvertes par l’immunité60. Le législateur camerounais a dans ce
sens prévu diverses causes d’impunité qui, tenant à la situation
particulière de l’auteur d’une infraction au moment de l’acte,
s’opposent à toute poursuite ou provoquent la cessation de
l’instruction61. Ces causes d’impunité qualifiées immunités peuvent
être présentées comme, « une sorte de passe-droit, de faveur qui place
telle ou telle personne à l’abri des poursuites pénales »62. L’immunité

56
Ces dispositions n’ont pas été reprises par la loi n° 2017/ 012 du 12 juillet
2017 portant Code de justice militaire du Cameroun, mais cette réalité demeure
inchangée. Le législateur pénal ayant dans ce texte choisi de régir la compétence en
matière de délivrance des mandats de justice en fonction des phases de la procédure
pénale.
57
Articles 131 et suivants du Code de justice militaire français.
58
Cette protection fondée sur le lien familial avec la victime s’illustre bien
au regard des articles 172 sur le refus d’innocenter ; 95 sur la conspiration ; 100 sur
le recel ; 300 sur la violation de correspondance et 323 du Code pénal sur les
immunités familiales. C’est une protection qui procède par l’irrecevabilité de
l’action publique entre les membres de la famille.
59
Il s’agit précisément des exceptions à la diffamation, prévues aux alinéas 3
et 4 de l’article 306 du Code pénal.
60
Il est aussi tout à fait possible d’envisager dans cette rubrique, l’immunité
exceptionnelle reconnue aux réfugiés telle que prévue à l’article 8 de la loi n° 2005/006
du 27 juillet 2005 portant statut des réfugiés au Cameroun ainsi que l’immunité
reconnue aux membres du Conseil Constitutionnel par l’article 51 alinéa 5 de la
constitution camerounaise du 18 janvier 1996.
61
V° Article 148 du Code de procédure pénale camerounais.
62
V° J.-P. DOUCET, Le jugement pénal, 3e éd. p. 104.

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apparaît dès lors comme une dérogation légale au principe de l’égalité


de tous devant la loi63 et qui de manière incidente affecte la généralité
de l’assujettissement aux mandats de justice.

II- LES VARIABLES LIÉES A LA PRISE EN COMPTE DES


IMMUNITÉS

En raison d’un certain nombre de fondements, certains citoyens


sont bénéficiaires d’un régime de faveur face à la justice. Ce régime de
faveur peut s’analyser en termes d’immunités64. Les personnes
protégées par l’immunité font l’objet d’une attention particulière de la
part du législateur. La particularité du régime qui leur est applicable
découlant de ce qu’elles échappent à la poursuite et partant aux mesures
qui en sont incidentes, sous réserve des conditions que la loi elle-même
définit. C’est essentiellement sur la base de leur statut et leurs fonctions
que ces personnes justifient dès lors de ce privilège. Il s’agit
précisément des agents diplomatiques et consulaires (A), des
gouvernants65 et des parlementaires (B).

A- L’EVICTION DES MANDATS DE JUSTICE PAR L’IMMUNITE


DES AGENTS DIPLOMATIQUES ET CONSULAIRES
Bien que le privilège soit reconnu autant aux agents
diplomatiques que consulaires, il faut dire que l’immunité dans les deux
cas n’est pas de portée identique. Alors qu’elle conduit à une éviction
totale, autrement dit à un véritable retranchement des mandats de justice

63
Il faut dès lors se garder de confondre les immunités avec les notions qui
leur sont voisines. Parmi elles, il faut citer :
- Les causes subjectives d’irresponsabilité prévues par la loi
n° 2016/007 du 12 juillet 2016 portant Code pénal comme la contrainte
matérielle et le cas fortuit (article 77), la démence (article 78), l’intoxication
(article 79), la minorité (article 80), la menace (article 81) et la crainte
révérencielle (article 82) ;
- Les causes objectives d’irresponsabilité pénale prévues par le même
texte à l’instar de l’exécution de la loi (article 76), l’obéissance à l’autorité
légale (article 83), la légitime défense (article 84), l’état de nécessité
(article 86) ;
- Les faits justificatifs spéciaux (c’est-à-dire propres à certaines
infractions) également prévus par la loi n° 2016/007 du 12 juillet 2016 portant
Code pénal comme les interventions médicales (article 286), l’intérêt de la
victime (article 287), les activités sportives (articles 288), etc.
64
V° dans ce sens, Q. TCHAYA TCHATAT, Le statut pénal du chef d’État,
thèse, Université de Yaoundé II, 2009.
65
Une interprétation restrictive du vocable « gouvernant » renvoie le plus
souvent au président de la République et aux membres du gouvernement.

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concernant les agents diplomatiques (1), elle se réduit à une simple


inflexion des mandats relatifs aux agents consulaires, ce qui peut
correspondre à une éviction partielle (2).

1- Le désamorçage des mandats de justice par


l’immunité diplomatique
L’immunité est une garantie exceptionnelle qui permet aux
66

agents diplomatiques d’échapper aux juridictions de l’État qui a accepté


leurs lettres de créance. Ce privilège trouve sa source dans un accord
ratifié par le Cameroun. Il s’agit de la convention de Vienne du 18 avril
1961 sur les relations diplomatiques. Cette convention a force
obligatoire du fait de son intégration dans l’ordre juridique de chaque
État signataire67.
Selon l’article 29 de la convention du 18 avril 1961, l’agent
diplomatique « ne peut être soumis à aucune forme d’arrestation ou de
détention ». Par agent diplomatique, il faut entendre le chef de la
mission diplomatique ainsi que tout membre du personnel
diplomatique68. Les membres de la famille de l’agent diplomatique69
non ressortissants de l’État accréditaire70 bénéficient de la même

66
Une distinction fondée sur leur base juridique respective a été proposée
entre immunités et privilèges diplomatiques. Seules les premières par exemple (les
immunités juridictionnelles) seraient fondées directement sur le droit international ;
elles seules constitueraient des atteintes à la souveraineté de l’État accréditaire et
s’imposeraient comme telles à lui. Par contre les privilèges tels les exemptions fiscales
dépendraient exclusivement du droit interne de l’État accréditaire qui aurait pleine
compétence pour les octroyer à l’État accréditant (Voir R. GENET, Traité de
diplomatie et de droit diplomatique, pedone, 1931, 3 è vol. 612 p).
67
L’article 10 de la loi n° 2017/012 du 12 juillet 2017 portant Code de justice
militaire dispose à ce propos que les étrangers, auteurs, coauteurs ou complices des
faits visés à l’article 8 qui aménage la compétence du tribunal militaire, « sont
justiciables du tribunal militaire sous réserve des conventions internationales
prévoyant un privilège de juridiction ou des règles relatives aux immunités
diplomatiques ».
68
Article 29 et 31 de la convention de Vienne du 18 avril 1961 sur les
relations diplomatiques.
69
L’article 37 de la Convention dispose que les membres de la famille d’un
agent diplomatique qui font partie de son ménage bénéficient des mêmes privilèges et
immunités que ceux prévus en faveur de cet agent, pourvu qu’ils ne soient pas
ressortissants de l’État accréditaire. L’immunité couvre également les agents et les
membres de leur famille qui les accompagnent ou qui voyagent séparément, quand les
uns et les autres sont en transit régulier à travers le territoire d’un État tiers pour se
rendre dans l’État accréditaire ou pour rentrer dans leur pays.
70
Au Cameroun, les diplomates et les envoyés extraordinaires des puissances
étrangères sont accrédités auprès du président de la République conformément à
l’article 8 (4) de la constitution du 18 janvier 1996.

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protection, tout comme, bien que de manière régressive, les membres


du personnel administratif et technique de l’ambassade ne relevant pas
du pays d’accueil pourraient aussi y prétendre71.
L’immunité juridictionnelle est absolue et opère, que l’agent
soit ou non dans l’exercice de ses fonctions72 au moins dans toute la
mesure où des crimes internationaux dont la répression intéresse la
communauté internationale dans son ensemble ne sont pas en cause73.
Sa véritable finalité n’est pas d’avantager les individus mais de garantir
l’accomplissement efficace des fonctions dans les missions
diplomatiques en tant que représentants des États74. L’atteinte de cet
objectif requiert donc que l’agent diplomatique se retrouve à l’abri de
toutes mesures de poursuite, d’arrestation ou de détention émanant de
l’État accréditaire75. Dans le même ordre d’idées, l’inviolabilité des
locaux abritant la mission diplomatique est une règle fondamentale
imposant à l’État accréditaire non seulement de ne pas porter atteinte
aux locaux de la mission diplomatique et aux biens qui s’y trouvent,
notamment par la délivrance et l’exécution d’un mandat de
perquisition ; mais aussi de prendre toutes dispositions nécessaires pour
protéger et prévenir les atteintes qui pourraient y être portées par des

71
Les membres du personnel administratif et technique, ainsi que les
membres de leurs familles jouissent, à quelques différences près, des mêmes
immunités que celles des agents diplomatiques. Les membres du personnel de service
ne bénéficient de l’immunité que pour les actes accomplis dans l’exercice de leurs
fonctions. Il s’ensuit que les membres de leurs familles en sont entièrement exclus.
Quant aux domestiques privés d’un membre de la mission diplomatique, ils sont
exemptés des impôts et taxes sur les salaires qu’ils reçoivent du fait de leurs services.
Pour le reste, ils sont à la discrétion de l’État accréditaire qui détermine librement les
privilèges et immunités qu’il est disposé à leur accorder. (Voir P. DAILLIER,
M. FORTEAU, A. PELLET, Droit international public, 8è édition, L.G.D.J, pp 837-
838).
72
La Convention admet cependant une possibilité de renonciation à
l’immunité juridictionnelle. La tendance des juridictions françaises en la matière est
d’exiger une renonciation certaine, non équivoque et expressément autorisée par le
gouvernement accréditant (C. A. Paris, 17 mars 1978, Dame NZIE contre VESSAH,
J.D.I., 1978, p. 605).
73
J. SALMON, « Immunités et actes de la fonction », AFDI 1992, pp. 314-
357.
74
Préambule de la Convention de Vienne du 18 avril 1961 sur les relations
diplomatiques.
75
Toute assimilation de l’immunité de juridiction au privilège de juridiction
est dès lors impossible, voy. dans ce sens R. BLOSH et LEFEVRE, Les fonctions
publiques internationales et européennes, Paris, LGDJ, 1963, p. 43.

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éléments incontrôlés76. Du moment où ces mesures qui sont les


corollaires des mandats de justice sont rendues inopérantes à l’égard de
ces sujets et objets, les mandats de justice eux-mêmes apparaissent sans
objet dans de telles circonstances. On peut donc bien affirmer que
l’immunité des agents diplomatiques retire aux mandats de justice toute
possibilité d’action77.
Les représentants des missions diplomatiques peuvent toutefois
être appelés en témoignage en justice. Ils peuvent être entendus à huis
clos, sur leur demande ou sur réquisitions du ministère public. Leur
déposition est, sauf dispositions légales contraires, reçue dans les
formes prescrites par le Code de procédure pénale.78Dans ce cas, la
déposition de l’agent diplomatique obéit aux principes posés par les
conventions internationales dûment ratifiées79. Aussi, si les faits dont
l’agent diplomatique est l’auteur sont constitutifs d’infraction qualifiée
de crime dans son pays d’origine, il peut être prié de quitter le
Cameroun afin d’être poursuivi et de subir les effets des mandats de
justice devant les tribunaux de son pays pour ces faits80. Les nationaux
employés dans les missions diplomatiques étrangères ne sauraient

76
V° CIJ, arrêt du 24 mai 1980, personnel diplomatique et consulaire des
Etats-Unis à Téhéran, Rec. Not. p. 30 s. ou encore 19 décembre 2005, Activités armées
sur le territoire du Congo (RDC contre Ouganda), Rec. p. 277 s.
77
Un raisonnement analogue est possible concernant les fonctionnaires et les
experts de l’Organisation des Nation Unies. En effet, selon l’article 105 alinéa 2 de la
Charte des Nations Unies, « les représentants des membres des Nations Unies et les
fonctionnaires de l’organisation jouissent également des privilèges et immunités qui
leur sont nécessaires pour exercer en toute indépendance leurs fonctions en rapport
avec l’organisation ». Cependant, la résolution 76 (I) par laquelle l’Assemblée
Générale a approuvé l’octroi des privilèges et immunités aux articles V et VII de la
Convention sur les privilèges et immunités des Nations Unies à tous les membres du
personnel des Nations Unies en excepte ceux qui sont recrutés sur place et payés à
l’heure. Par ailleurs cette immunité a une portée absolue pour les cadres supérieurs
des Nations Unies et le personnel militaire alors qu’elle est restreinte aux actes de
fonction pour le personnel civil ordinaire. (V. articles 20 et 23 de la Convention sur
les privilèges et immunités des membres du personnel des Nations Unies).
78
Article 589 du Code de procédure pénale.
79
C’est ainsi que la lettre invitant l’agent diplomatique à témoigner lui est
adressée sous le couvert du ministre en charge des relations extérieures. De même,
lorsque l’agent diplomatique accepte de témoigner, mais ne peut comparaître devant
le magistrat, un questionnaire lui est adressé par ce magistrat toujours sous le couvert
du ministre en charge des relations extérieures. La réponse de l’agent diplomatique
qui prête serment par écrit, est retournée sous pli fermé au magistrat sous le couvert
du ministre en charge des relations extérieures. Celui-ci la transmet sans en prendre
connaissance.
80
L. SFEZ, « La rupture des relations diplomatiques », RGDIP 1966, pp.359-
430 ; R. PAPINI et G. CORTESE, La rupture des relations diplomatiques et ses
conséquences, Pedone, 1972 299 p.

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valablement revendiquer une quelconque immunité de juridiction,


même dans le cas de la commission des faits à l’intérieur de la mission
diplomatique employeur. Il en va un peu différemment concernant les
agents consulaires.

2- L’inflexion des mandats de justice devant l’immunité


des agents consulaires
Les agents consulaires ne jouissent pas d’une immunité d’égale
portée à celle des agents diplomatiques. Il s’en dégage une conception
purement fonctionnelle de cette immunité qui exclut toute idée de
représentation politique. L’immunité des agents consulaires trouve sa
source dans un texte distinct à savoir, la convention du 24 avril 1963
sur les relations consulaires. Cette convention autorise en cas de crime
grave81, l’arrestation ou la mise en détention des agents consulaires à la
suite d’une action judiciaire. C’est dire que l’inviolabilité qui est
absolue dans le cas de l’agent diplomatique est toute relative en ce qui
concerne les fonctionnaires consulaires.
Dans l’hypothèse où un agent consulaire ferait l’objet de
poursuites judiciaires, il pourra être assimilé à tout ressortissant
étranger vivant sur le territoire d’un État tiers. De même, l’inviolabilité
des locaux consulaires ne s’applique qu’aux bâtiments que le personnel
utilise exclusivement pour les besoins de son travail82. Du coup, elle ne
protège pas la résidence du chef de poste consulaire qui de ce fait
n’échappe pas aux effets d’une procédure pénale le cas échéant. Les
juridictions saisies peuvent alors recourir aux mandats de justice. Il
reste que s’il s’agit d’actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions
ou des locaux exclusivement destinés à l’accomplissement des tâches
relatives à la profession, aucun mandat provenant des autorités
judiciaires de l’État de résidence n’est admis83.
La possibilité d’une délivrance des mandats de justice n’étant
pas absolument écartée, on ne saurait parler de désamorçage des

81
L’inviolabilité personnelle des fonctionnaires consulaires est de ce fait
sérieusement amoindrie, étant donné qu’ils peuvent être mis en état d’arrestation ou
de détention provisoire pour crime « grave » ; la Convention prescrit seulement que
dans ce cas, la procédure dirigée contre eux doit être ouverte dans le plus bref délai et
l’État de résidence doit prévenir au plus tôt le chef de poste consulaire ; si c’est ce
dernier lui-même qui est en cause, l’État de résidence en informe l’État d’envoi par la
voie diplomatique conformément aux articles 41 et 42.
82
Article 31 de la convention du 24 avril 1963. (Voir T. LIBERA, « Le
fondement juridique des privilèges et immunités consulaires », RCADI 1959, pp. 434-
477 ; J. ZOUREK, « Le statut et les fonctions des consuls », RCADI 1962-II, vol. pp.
357-497).
83
Article 43 para. 1 de la convention du 24 avril 1963.

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mandats de justice dans cette hypothèse, mais d’une simple inflexion


de leur application. Il en va de même des membres de la famille d’un
agent consulaire vivant au sein de son foyer, des membres de son
personnel privé. Autrement dit, en dehors des cas de crime grave, les
agents consulaires ne devraient pas subir l’effet des mandats de
justice84.
Ce minimum de protection est également reconnu aux
fonctionnaires consulaires ressortissants ou résidents permanents du
pays d’accueil, mais uniquement pour les actes accomplis dans
l’exercice de leurs fonctions85. Si les immunités diplomatiques et
consulaires ne discriminent pour l’essentiel que les étrangers, d’autres
immunités sont applicables aux nationaux et leur permettent au moins
momentanément d’échapper à l’assujettissement aux mandats de
justice. Ces immunités rendent aussi plus ou moins les mandats de
justice inopérants et sont aménagées par le droit interne. C’est
notamment le cas concernant les gouvernants et les parlementaires.

B- LE BALISAGE DES MANDATS DE JUSTICE PAR L’IMMUNITE


DES GOUVERNANTS ET DES PARLEMENTAIRES
Dans un souci de clarté de l’analyse, il est judicieux de
distinguer les immunités du chef de l’État et celles des membres du
gouvernement qui restreignent le champ d’assujettissement aux
mandats de justice (1), de celles des parlementaires qui opèrent à double
détente à ce propos (2).

1- L’importante restriction du champ des mandats de


justice relatif à l’immunité du chef de l’État et des membres du
gouvernement
Il est traditionnellement admis au Cameroun que, hormis le cas
de haute trahison, le chef de l’État ne peut faire l’objet de poursuites
judiciaires ou d’arrestation pour les faits commis dans l’exercice ou en
dehors de l’exercice de ses fonctions. Ainsi, le président de la
République, « aussi longtemps qu’il est en fonction est irresponsable86

84
Article 52 para. 2 de la convention du 24 avril 1963.
85
Article 71 para. 1 de la convention du 24 avril 1963. Il faut d’ailleurs ajouter
dans le même sens qu’en dehors des agents diplomatiques et consulaires, il existe une
autre catégorie d’agents jouissant de l’immunité diplomatique. Il s’agit des
fonctionnaires qui contribuent directement à l’action des organisations internationales
qui bénéficient autant de l’immunité de juridiction que de l’inviolabilité personnelle.
86
Cette irresponsabilité est donc une protection permanente et absolue au
bénéfice non du titulaire, mais de la fonction. Elle a pour particularité d’une part de
s’étendre au-delà de la cessation du mandat antérieurement couvert et d’autre part,
s’opposer à toute mise en cause du titulaire de la fonction pour les opinions émises et

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pour tous ses actes autres que de haute trahison »87, même s’il s’agit
d’actes antérieurs à son élection88. Plus clairement dit, le seul cas où les
mandats de justice seraient rendus possibles contre le président de la
République se présente lorsque les charges suffisantes pèsent contre lui
dans le cadre d’une procédure pour crime de haute trahison89 ou de
complot contre la sûreté de l’État ? Selon le Professeur Ardant, ce
privilège a pour raison d’être de « protéger la fonction et non pas
l’homme » et de lui « permettre d’exercer aussi sereinement que
possible le mandat que les électeurs lui ont confié »90.
Dans l’hypothèse où la responsabilité du chef de l’État est
engagée, la procédure judiciaire commence après la notification au
procureur général près la Cour Suprême de l’acte d’accusation émanant
de l’Assemblée nationale. Cette notification faite par le président de

les actes accomplis dans l’exercice de ses fonctions. Cf. M. DE VILLIERS,


Dictionnaire de droit constitutionnel, 2e éd., Paris, Armand Colin, 1999, p. 114.
87
G. CARCASSONNE, « La Constitution », collect. Point, Le Seuil, 1996,
p. 277 ; « La responsabilité des gouvernants », in Pouvoirs, n° 92, 2000, not. Etudes
P. ARDANT, G. CARCASSONNE, D. CHAGNOLLAND, D. ROUSSEAU et G.
VEDEL, pp. 61 et s. Add. L’opposition entre constitutionnalistes (G.
CARCASSONNE, R.D.P.D., 2 004. 139) et pénalistes (J.H. ROBERT, id., p. 147).
88
Cette décision du Conseil Constitutionnel français (décision du 22 janvier
1999, à propos de l’examen du Traité, portant statut de la Cour pénale internationale)
avait été confirmée par la Cour de cassation saisie d’une affaire pénale où le chef de
l’État était visé. La Cour de cassation indiquant à ce propos que « le président de la
République ne peut, pendant la durée de son mandat, être entendu comme témoin
assisté, ni être mis en examen, cité ou renvoyé pour une infraction quelconque devant
une juridiction pénale de droit commun », (Ass. Plén. , 10 octobre 2001, P. AVRIL et
J. GICQUEL, petites affiches, 30 octobre 2001, n° 216 ; D. ; 2 002. 237).
89
La constitution camerounaise du 18 janvier 1996 ne définit pas le crime de
haute trahison. On pourrait cependant se référer aux articles 102 et 103 du Code pénal,
sur la trahison et l’espionnage, l’adjectif « haute » comme le suggère J. PRADEL
s’expliquant par la personnalité du chef de l’État, (J. PRADEL, Procédure pénale, éd.
Cujas, 14e éd. 2008-2009, P. 201.) Il reste que la haute trahison est l’ancêtre des chefs
d’accusation par lesquels les monarques, puis présidents de la République et enfin les
membres du gouvernement furent soumis à la justice des hommes. Sur l’évolution de
la compréhension de la haute trahison, lire S. CAPORAL, Histoire des institutions
publiques de 1789 à nos jours, Paris, Hachette, 2005, p. 46 et suivants.
90
P. ARDANT, « La responsabilité pénale du président français », in La
responsabilité des gouvernants, op.cit., p. 63. Le Professeur G. CARCASSONNE
observe d’ailleurs que « ce n’est pas faire injure à l’autorité judiciaire que de lui nier
des droits qui seraient abusifs », car « ce que perd le principe d’égalité devant la
justice est comparablement moins grave que ce que perdraient, dans l’hypothèse
inverse, la séparation des pouvoirs et la continuité de l’État », (G. CARCASSONE,
« Le statut pénal du chef de l’État. Le point de vue du constitutionnaliste », Revue
pénitentiaire de droit pénal, n° 1, mars 2004, pp. 64-65). Voir dans le même sens,
C. EMERI, « De l’irresponsabilité présidentielle », in Le Président, Pouvoirs, n° 41,
1987, p. 135.

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ladite Assemblée contient la mise en accusation du président de la


République ainsi que l’énoncé sommaire des faits et est simultanément
adressée au procureur général près la Cour Suprême et au président de
la commission d’instruction. C’est à ce dernier qu’il revient la
possibilité de décerner un mandat à l’encontre du chef de l’État. Dans
cette hypothèse, bien que déduite, c’est la dimension inviolabilité de
l’immunité du chef de l’État en tant que protection d’ordre procédural
ayant pour objet de soumettre les poursuites à son encontre à des règles
de procédure dérogatoires de celles de droit commun91 qui lui confère
un privilège de juridiction. Ainsi bien que grandement réduit, le champ
de la délivrance des mandats de justice à l’encontre du président de la
République au Cameroun n’est pas inexistant.
En ce qui concerne les ministres et les membres du
gouvernement, leur responsabilité pénale peut être mise en œuvre
devant la haute Cour de Justice92 en raison des crimes et délits
constitutifs d’atteintes à la sûreté de l’État. Mais aussi en raison de
toutes autres infractions devant les juridictions de droit commun. Ils
peuvent donc de ce point de vue en principe faire l’objet des mandats
de justice. Le Professeur Maurice Kamto affirme dans ce sens qu’
« individu, le ministre peut engager sa responsabilité civile. Homme
politique, concourant à l’expression du pouvoir exécutif, il a, bien sûr
une responsabilité politique qu’il est appelé à assumer solitairement ou
collectivement avec les autres membres du gouvernement. Citoyen
enfin, il est soumis aux lois régissant les libertés, garantissant la paix,
l’ordre public et les bonnes mœurs dans la Cité ; il a à ce titre une
responsabilité pénale »93. Il reste que la responsabilité pénale des
ministres ne saurait totalement se départir des contraintes de la fonction
qui est la leur. Malgré la distinction utile et préalable ministre et
citoyen, cette responsabilité pénale doit s’appuyer davantage sur la
mission publique de la fonction des ministres qui fait que ces derniers
ne peuvent être logiquement totalement assimilés aux citoyens
ordinaires du point de vue de la responsabilité pénale. Pour cette raison,
l’article 127 du Code pénal sur les « empiétements du judiciaire sur
certaines immunités » en disposant qu’ « est puni d’un emprisonnement
91
M. DE VILLIERS, Dictionnaire de droit constitutionnel, 2e éd., Paris,
Armand Colin, 1999, op.cit. P., 114.
92
Article 53 alinéa 2 de la constitution du 18 janvier 1996.
93
M. KAMTO, « La responsabilité pénale des ministres sous la Vé
République », RDP, n° 5, 1991, pp. 1241-1242. Cette position est aussi celle de P.
ARDANT qui insiste sur la démarcation entre la responsabilité civile du ministre de
celle pénale. Cette dernière devant elle-même reposer sur « la distinction des actes
extérieurs à la fonction de ceux commis dans l’exercice des fonctions ». (P. ARDANT,
Institutions politiques et droit constitutionnel, op.cit. p. 511).

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d’un (01) à cinq (05) ans, le magistrat ou l’Officier de Police Judiciaire


qui, en violation des lois sur les immunités, poursuit, arrête ou juge un
membre du Gouvernement …», constitue aussi une des restrictions du
champ d’assujettissement des membres du gouvernement aux mandats
de justice.

2- L’aménagement à double détente du jeu des mandats


de justice en rapport avec les immunités des parlementaires
Communément connue sous l’appellation d’immunités
parlementaires, la protection dont jouissent les représentants de la
souveraineté nationale a pour but de préserver ces derniers des
poursuites pouvant entraîner la délivrance des mandats de justice à leur
encontre94. Le tout en vue de leur assurer le libre exercice de leur
mandat tant du point de vue fonctionnel que personnel95. Au Cameroun
le parlement est composé de deux chambres que sont l’Assemblée
nationale et le Sénat96. Deux procédés complémentaires constituent
l’architecture de leur immunité : l’irresponsabilité et de l’inviolabilité.
L’irresponsabilité place le parlementaire à l’abri de
l’intervention judiciaire. Il ne peut donc ni être poursuivi, ni être
recherché, ni être arrêté ou détenu ou encore jugé à l’occasion des
opinions ou votes émis par lui dans l’exercice de ses fonctions. De ce
point de vue, aucun mandat de justice n’est envisageable contre le
parlementaire, d’autant plus qu’aucune autorisation de poursuite ne
peut être accordée par le parlement pour faire échec au principe de
l’irresponsabilité. Il s’agit donc en réalité d’un système de protection
que la législation aménage, pour garantir la sérénité et l’efficacité du
parlementaire, tout au long de l’exercice de son mandat. « Par
conséquent, si les paroles ou écrits du parlementaire constituent des
injures, diffamations ou provocations à la commission d’une infraction,
ces faits échappent à toute responsabilité pénale »97, et partant à la
délivrance de tout mandat de justice. Cette irresponsabilité pénale est
d’ailleurs considérée par la doctrine comme le « vecteur de la

94
V° Art. 306 du Code pénal camerounais et 127 du même texte op.cit. Ainsi
que l’article 68 du Code de procédure pénale camerounais.
95
P. AVRIL et J. GICQUEL, Lexique du droit constitutionnel, Paris, Que
Sais-je ? Puf, 2004, p. 61.
96
Article 14 (1) de la constitution du 18 janvier 1996 : « Le pouvoir législatif
est exercé par le parlement qui comprend deux (2) chambres :
- L’Assemblée nationale
- Le Sénat ».
97
C. GUERIN-BARGUES, Immunités parlementaires et régime
représentatif. L’apport du droit constitutionnel comparé (France-Angleterre-États-
Unis), thèse dactyl. , Paris II, 2007, obs. J. PRADEL, Procédure pénale, op.cit., p. 203.

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transformation des assemblées parlementaires en instances


délibérantes »98.
En d’autres termes, lorsque le parlementaire participe aux
travaux en commission ou en séances plénières de la chambre auquel il
appartient, il ne peut du fait de ses propos, faire l’objet d’un mandat de
justice. Dans ce sens, à la différence de la constitution du 4 mars 1960
qui abordait directement à son article 9 la question de l’immunité des
parlementaires, les immunités des députés et des sénateurs ne font plus
au Cameroun l’objet d’un traitement par la constitution elle-même99
comme c’est le cas en France100. Le régime des immunités des députés
est fixé par l’ordonnance n° 72/12 du 26 août 1972 qui dispose qu’aucun
député de l’Assemblée nationale ne peut être poursuivi, recherché,
arrêté, détenu ou jugé à l’occasion des opinions ou votes émis par lui
dans l’exercice de ses fonctions101. Le Règlement Intérieur du Sénat
dispose également que « les sénateurs jouissent des immunités
conformément à la loi »102 et qu’« aucun sénateur ne peut être
poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé à l’occasion des opinions
ou votes émis par lui dans l’exercice de ses fonctions »103. Il s’agit là de
ce que le Professeur Alain Didier Olinga appelle une « immunité de
juridiction et d’exécution au pénal » visant « à protéger la fonction de
parlementaire dans ce qu’elle a d’essentiel, à savoir l’usage de la
parole, la manifestation de son opinion »104.
Par ailleurs, le parlementaire bénéficie du privilège de se voir
soustrait du répertoire des assujettis aux mandats de justice pour les
actes accomplis en dehors du cadre de l’exercice de ses fonctions
officielles. On parle dans ce cas du procédé de l’inviolabilité qui établit
que, le parlementaire ne peut sauf cas de flagrant délit, ou de crime et
délit commis contre la sûreté intérieure ou la sûreté extérieure de l’État,
ni être poursuivi, ni être recherché, ni être arrêté ou détenu ou encore

98
Ibid., p. 142.
99
L’article 14 (6) de la constitution du 18 janvier 1996 énonce en effet que
la loi fixe entre autres le régime des immunités, des indemnités et des privilèges des
membres du parlement.
100
Article 26 de la constitution française.
101
Article 1 de l’ordonnance n° 72/12 du 26 août 1972 portant régime des
immunités des députés.
102
Article 19 (1) de la loi n° 2013/006 du 10 juin 2013 portant Règlement
Intérieur du Sénat.
103
Article 19 al.2 de la loi n° 2013/006 du 10 juin 2013 portant Règlement
Intérieur du Sénat.
104
A.D. OLINGA, La constitution de la République du Cameroun, Presses
de l’UCAC, 2006, p. 115.

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jugé pour des actes étrangers à l’exercice de son mandat qu’avec


l’autorisation du bureau de la chambre à laquelle il appartient105.
C’est dire qu’il faudrait au préalable dans cette hypothèse
indépendamment de toute flagrance et de toute atteinte à la sûreté de
l’État, que son immunité parlementaire soit préalablement levée106. Ce
procédé laisse donc entrevoir une double possibilité de délivrance des
mandats de justice à l’encontre des parlementaires. D’un côté en
présence du flagrant délit et en cas de commission d’une infraction
qualifiée d’atteinte à la sûreté intérieure ou extérieure de l’État et de
l’autre en cas de levée de l’immunité107. L’immunité du parlementaire
peut dans ce cas être levée par la chambre entière, siégeant pendant les
sessions ou par le bureau soit de l’Assemblée nationale, soit du Sénat,
agissant hors session. L’immunité parlementaire a donc un jeu à double
détente sur les mandats de justice : dans le premier cas elle les rend
absolument inopérants et dans le second, elle les place sous condition.

La technique législative d’assujettissement aux mandats de


justice en procédure pénale camerounaise permet de distinguer d’abord
entre le mineur et le majeur et ensuite entre les majeurs protégés par
l’immunité et ceux non protégés. En aménageant ainsi des critères nets
et clairs en matière d’assujettissement aux mandats de justice, le
législateur pénal entend non seulement améliorer l’administration de la
justice, mais aussi combattre l’arbitraire qui souvent s’exprime à travers

105
Article 19 al.3 de la loi n° 2013/006 du 10 juin 2013 portant Règlement
Intérieur du Sénat par exemple dispose que : « sauf cas de flagrant délit ou de crimes
et délits commis contre la sûreté intérieure ou la sûreté extérieure de l’État, tels qu’ils
sont fixés par le Code pénal, aucun sénateur ne peut être poursuivi en matière
criminelle ou correctionnelle qu’avec l’autorisation du Sénat pendant les sessions ou
hors session, de son Bureau :
- Par le parquet compétent ;
- Par le ministre en charge de la Défense en cas de
compétence des juridictions militaires ».
106
Dans un arrêt n° 38 du 11 novembre 1969, la Cour Suprême du Cameroun
a décidé qu’est entaché d’excès de pouvoir par violation des dispositions de
l’ordonnance 62/OF/22 du 31 mars 1962 sur les droits et prérogatives des membres
des Assemblées parlementaires, l’ordre de mise en jugement direct délivré par le
ministre des forces armées qui, hors le cas de flagrant délit dûment relevé, prescrit que
l’engagement des poursuites pénales contre un membre de l’Assemblée législative ne
peut s’appuyer que sur une autorisation de levée de l’immunité parlementaire donnée
par cette Assemblée.
107
Depuis l’indépendance, l’immunité parlementaire d’un député n’a été
levée qu’une seule fois, précisément le 14 février 2005, par le Bureau de l’Assemblée
Nationale. Le député mis en cause était DOH GAH GWAYIN III, député du
Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC) de la circonscription
du Ngo-ketunjia dans la région du Nord-Ouest, dans le cadre d’une affaire de meurtre.

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des abus en la matière. Ces critères apparaissent cependant insuffisants


pour apporter au justiciable toutes les garanties nécessaires en termes
de protection de sa liberté individuelle. C’est pourquoi le législateur
pénal doit également assortir les titres constitutifs des mandats de
justice d’un formalisme rigoureux.
Il est tout aussi important de définir d’une manière aussi
restrictive que possible le champ de ces immunités et prérogatives, qui,
il faut le rappeler, dérogent au principe d’égalité de tous devant la loi et
compliquent parfois les opérations judiciaires relatives à la délivrance
des mandats de justice.
La multiplication de ces immunités a d’ailleurs conduit un
auteur à y voir un signe du déclin de l’État de droit au Cameroun108. En
clair, aucune immunité ou prérogative ne devrait permettre à l’auteur
d’une infraction de s’y abriter pour échapper aux autorités chargées de
décerner les mandats de justice. Il faudrait par ailleurs qu’elles cessent
du moment où le bénéficiaire n’exerce plus ses fonctions, sauf bien
entendu, lorsqu’elles concernent des actes officiels accomplis de bonne
foi et couverts par le secret d’État ? Une immunité qui excède le terme
du mandat ne sert en aucune façon l’intérêt général mais uniquement
celui de la personne qui en est le bénéficiaire. Même s’il est possible
dans la plupart des cas à l’instance compétente de procéder à la levée
de l’immunité en cas de crime ou de délit grave, ce procédé apparaît
toutefois comme une contrainte supplémentaire pouvant avoir pour
effet de réduire la rapidité et même l’efficacité des mandats de
justice.109

108
M. BILONG, « Le déclin de l’État de droit au Cameroun : le
développement des immunités juridictionnelles », in juridis périodique, n° 62,
juin 2005, p. 52.
109
Signalons dans ce sens le cas d’un député du Rassemblement
Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC). de la Mefou et Afamba qui menacé
de levée de son immunité parlementaire, en a profité pour sortir du pays.

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