Vous êtes sur la page 1sur 49

JUS CIVITAS

Revue Juridique et Politique de l’Université de Garoua


RJPUG

COMITÉ SCIENTIFIQUE

Président
Pr BOUBAKARI OUMAROU

Directeur
Pr ABDOUL Nasser

Rédacteur en Chef
Pr NGANGO YOUMBI Éric Marcel

MEMBRES

1. Pr ABA’A OYONO Jean-Calvin 22. Pr MBALLA OWONA


2. Pr ABDOUL Nasser 23. Pr MBAYE Mayatta Ndiaye
3. Pr ABANE ENGOLO Patrick E. 24. Pr NGANGO YOUMBI
4. Pr ADAMOU Moctar 25. Pr NGO TONG Chantal-Marie
5. Pr AÏVO Gérard 26. Pr GUIMDO Raymond Bernard
6. Pr AKAMA PENDA Samuel 27. Pr NGUELE ABADA Marcelin
7. Pr ATANGANA AMOUGOU 28. Pr NGWA FORBIN Éric
8. Pr BIAKAN Jacques 29. Pr NKOULOU Yannick Serge
9. Pr BILOUNGA Stève 30. Pr OGO SECK Papa
10. Pr CABANIS André 31. Pr ONDOUA Alain
11. Pr DARLAN Danièle 32. Pr OWONA MFEGUE Kourra
12. Pr DU BOIS DE GAUDUSSON 33. Pr PEKASSA NDAM Gérard
13. Pr FOULLA DAMNA 34. Pr POUGOUÉ Paul-Gérard
14. Pr GAËTAN Foumena 35. Pr SOMA Abdoulaye
15. Pr GUIMDO Raymond Bernard 36. Pr TCHEUWA Jean-Claude
16. Pr KOUAM Siméon 37. Pr VOUDWE BAKREO
17. Pr HOUNBARA KAOSSIRI 38. Pr ZAMBO Dominique
18. Pr HOLO Théodore 39. Pr MENGUELE MENYENGUE
19. Pr NJOYA Jean 40. Pr LOGMO MBELEK Aron
20. Pr LEKENE DONFACK 41. Pr AKONO ONGBA Sedena
21. Pr MACHIKOU Nadine 42. Pr BEGNI BAGAGNA

SECRÉTARIAT DE RÉDACTION
1. Dr Ali ABDEL-EL KADER 8. Dr Séverin TCHETCHOUA T.
2. Dr Martine BIKOÉ 9. Dr Job NZOH SANGONG
3. Dr Aimé DOUNIAN 10. Dr Étienne Fabrice NTYAME
4. Dr ESEME NJUI EGBE 11. Dr Alice TOUAÏBA TIRMOU
5. Dr Patrick Achille OND OND 12. Mme Nana DJAMIRATOU
6. Dr Théodore POMTÉ-LE 13. M. Germain DEFAÏ NDOUWE
7. Dr HADIDJA Sali 14. Mme Anne FANSOU

JUS CIVITAS / RJPUG, Vol.1, N°1, Janvier 2024


JUS CIVITAS
Revue Juridique et Politique de l’Université de Garoua
RJPUG

POLITIQUE ÉDITORIALE
JUS CIVITAS encore dénommée RJPUG (Revue Juridique et Politique de l’Université de
Garoua) est une Revue généraliste et interdisciplinaire qui publie des contributions originales,
s’inscrivant dans les domaines du Droit, de la Science Politique et des disciplines connexes.
La Revue accueille des articles de fond, des chroniques de jurisprudence, des
commentaires des décisions de justice et de documents juridiques en français ou en anglais. Les
propositions sont envoyées spontanément ou dans le cadre des appels à contributions pour les différents
numéros de la Revue.
Elle publie également des actes de colloques et des journées d’études, organisés par la Faculté
des Sciences Juridiques et Politiques de l’Université de Garoua ou des institutions partenaires de la
Faculté, à condition que ceux-ci s’inscrivent dans des champs disciplinaires couverts par la Revue.
La RJPUG encourage des contributions adoptant des approches positiviste, politologique,
critique, comparatiste ou encore prospective. Toutefois, elles doivent, pour être retenues, adopter un ton
mesuré.

L’édito du présent numéro est signé Jean du Bois de Gaudusson, Agrégé des Facultés de droit,
Professeur émérite à l’Université de Bordeaux.

Tous les droits de reproduction sont réservés. Toute reproduction,


traduction ou adaptation, intégrale ou partielle, faite sans e
consentement du Directeur de la Revue, serait illicite et constituerait
un délit de contrefaçon.

Édition, administration, abonnements


Éditions Le Rousseau,
Ngaoundéré, Cameroun
BP. 346, FSJP, Université de Garoua-Cameroun
Tél : +237 655 92 81 76 / 698335182
Courriel de la Revue : juscivitas@yahoo.com ;
Infographie couverture : Abanda Mbarga Jacques (Tél ; +237 693 18 94 47)
ISSN – 0000 - 0000
Dépôt légal : janvier 2024
JUS CIVITAS / RJPUG, Vol.1, N°1, Janvier 2024
JUS CIVITAS
Revue Juridique et Politique de l’Université de Garoua
RJPUG

SOMMAIRE
Éditorial................................................................................................................................................... IV
Jean DU BOIS DE GAUDUSSON

DOCTRINE
DROIT PUBLIC

Les mécanismes de prévention et de résolution des conflits à l’épreuve de l’insurrection


terroriste de Boko Haram ....................................................................................................................1
Nasser ABDOUL
La notion « d’intérêt du service » dans l’action administrative ................................................ 21
Éleuthère MANGA ZAMBO
Genre et Droit international des droits de la femme : continuité ou discontinuité dans la
redéfinition de l’égalité ...................................................................................................................... 41
Crescence NGA BEYEME
Le transfert des ressources financières aux collectivités territoriales décentralisées au
Cameroun : entre (in) effectivité et opacité .................................................................................. 70
HAYATOU HAMAGADO
Les pouvoirs des États membres des organisations africaines d’intégration sous régionale :
cas de la CEMAC et de la CEDEAO .................................................................................................... 96
Emmanuel MOUBITANG
Navette parlementaire et état de droit au Cameroun ............................................................ 126
HADIDJA SALI
La préservation des ressources naturelles et le problème de surpêche en Afrique centrale
................................................................................................................................................................ 142
Clarisse Aimée EKA TOUBE, Epouse NGBWA

DROIT PRIVÉ

Les substituts pénaux l’épreuve de la remontée du phénomène des « microbes » sociaux


au Cameroun ......................................................................................................................................160
Roméo TANKOUA
La rationalisation législative des mandats de justice en procédure pénale au Cameroun
.............................................................................................................................................................. 200

JUS CIVITAS / RJPUG, Vol.1, N°1, Janvier 2024


JUS CIVITAS
Revue Juridique et Politique de l’Université de Garoua
RJPUG

Gaétan Mamert BILOA NTONGA


The Challenges of Common Law Principles of Offer and Acceptance in the Formation of
Online Contracts : a Critical Analysis ...........................................................................................228
Pauline ASHU MANYI
Le régime juridique de la protection du débiteur lors de la saisie en Droit OHADA .......... 244
Simplice Emmanuel TINWO FONKOUO

SCIENCE POLITIQUE

Construction d’un imaginaire unitaire et « démocratie passive » au Cameroun : retour


sur les liturgies politiques de la transition démocratique ....................................................... 262
Jean NJOYA
De la nécessité de développer la pensée africaine face à la complexité des crises de l’Etat
en Afrique .......................................................................................................................................... 306
Chantal Marie NGO TONG
La promotion de la tolérance et l’autonomisation financière : socles de la prévention de
l’extrémisme violent des jeunes de la Région de l’Extrême-Nord du Cameroun .................319
SOULEYMANOU ALHADJI

JUS CIVITAS / RJPUG, Vol.1, N°1, Janvier 2024


JUS CIVITAS
Revue Juridique et Politique de l’Université de Garoua
RJPUG

ÉDITO
On ne peut que saluer pour s’en réjouir la naissance d’une
revue scientifique, lancée par l’Université de Garoua ; elle en témoigne
le dynamisme et la volonté de ses professeurs et chercheurs, même si à
l’évidence les auteurs des contributions sont destinés à provenir de tous
les horizons, à poursuivre leurs recherches, à les diffuser et par-là à
contribuer à sa notoriété dans le monde scientifique et professionnel. À
cet égard, la Revue Juridique et Politique naît sous des auspices
prometteurs si l’on en juge par la composition du comité scientifique et
la liste des auteurs de son premier numéro. On ne peut que lui souhaiter
longue vie ; de par nos responsabilités éditoriales, nous connaissons
les difficultés de maîtriser le rythme des parutions, numéro après
numéro, et de répondre aux attentes d’un lectorat dont on ne sait pas
encore avec précision qui il est, ni tout à fait ses orientations
scientifiques et professionnelles mais, en toute hypothèse, sans
frontières, bien au-delà du Cameroun et du continent africain. N’est –
ce pas là l’enjeu et le but d’une revue, surtout lorsqu’elle est diffusée,
comme il se doit désormais, par la voie de l’internet, que de s’adresser
aux uns et aux autres et, par-là, de participer au développement de la
connaissance et de la recherche, de favoriser les échanges et les débats,
de provoquer, parfois, des controverses et d’alimenter les réflexions
prospectives ?
Autant de fonctions qui sont assignées aux revues scientifiques
en général, plus particulièrement aux revues appartenant aux domaines
des sciences humaines et sociales, plus encore aux disciplines
juridiques et politiques qui sont celles que la Revue a pour ambition
d’embrasser. Comme celle-ci l’indique dans sa présentation, elle a pour
prétention d’étudier les mutations « d’une société qui change à un
rythme vertigineux en posant à la conscience collective des questions
juridiques et politiques aussi complexes les unes que les autres » et, par
les travaux des universitaires et des praticiens, de les accompagner.
On ne saurait mieux en définir l’utilité sociale et scientifique et
dans le fond le rôle qui lui est assigné : d’abord, rendre compte et faire
comprendre des situations, celles du continent africain, mais pas
seulement, trop souvent ignorées et mal comprises et encore
insuffisamment appréhendées par le comparatisme, clé de la
connaissance. Mais aussi participer au développement de la doctrine si

JUS CIVITAS / RJPUG, Vol.1, N°1, Janvier 2024


IV
JUS CIVITAS
Revue Juridique et Politique de l’Université de Garoua
RJPUG

essentielle tant en droit qu’en science politique, d’une doctrine dont des
voix plus nombreuses soulignent la nécessité de la développer en
Afrique et de s’interroger sur les voies de son approfondissement et sur
sa (nécessaire ?) spécificité ou singularité. Quels que soient les points
de vue, la doctrine peut-être plus encore en Afrique qu’ailleurs, a pour
défi d’assurer une fonction prospective, d’élaboration d’une vision
globale de l’ordre juridique et politique et d’exercice d’un contrôle
collectif sur le champ de pratiques du législateur, des juges et des
acteurs politiques ou même de ce que l’on appelle « la société civile ».
Comme le relèvent nombre de publications, la doctrine, en Afrique est
confrontée à des questionnements majeurs, dont certains sont abordés
dans ce premier numéro, et qui font se demander jusqu’où aller dans la
contextualisation d’un droit dont il est remarqué qu’il appartiendrait à
d’autres, par exemple situés en occident (sic), comment assurer ce
constant et éternel arbitrage entre l’universalisme de la science et sa
territorialisation ou encore et, plus concrètement et pour les États de
l’espace africain francophone, sur le positionnement à adopter avec le
droit français, ses jurisprudences, ses théories ? … Autant de
questionnements, qui, comme les réponses recherchées, ne font pas
l’unanimité mais qui permettent d’alimenter les échanges doctrinaux et
de contribuer au renouvellement, au sud comme au nord, des approches
et des certitudes auxquelles ne peuvent échapper ni les juristes ni les
politistes. C’est finalement un acte de confiance que nous exprimons
envers cette nouvelle revue dont le titre « Jus civitas » est une incitation
à devenir, les uns et les autres, indifféremment, les citoyens du monde,
ici et d’abord, scientifique.

Jean du BOIS de GAUDUSSON


Agrégé des facultés de droit
Professeur émérite à l’Université de Bordeaux

JUS CIVITAS / RJPUG, Vol.1, N°1, Janvier 2024


V
JUS CIVITAS / RJPUG
Les substituts pénaux à l’épreuve de la remontée du phénomène des « microbes » sociaux au Cameroun

LES SUBSTITUTS PÉNAUX À L’ÉPREUVE DE LA REMONTÉE


DU PHÉNOMÈNE DES « MICROBES » SOCIAUX AU CAMEROUN

Par
Dr Roméo TANKOUA
Docteur/ ph. D en droit pénal et sciences criminelles
Chargé de Cours à la FSJP - Université de Bamenda

De nos jours comme par le passé, il est indéniable que la


criminalité demeure un problème de société qui n’épargne aucun État.
Son ampleur se fait ressentir autant dans les pays développés que dans
ceux en voie de développement. Avec l’évolution des progrès
techniques, des nouvelles technologies de l’information et de la
communication (NTIC), les formes des structures sociales et des
mentalités, des comportements criminels semblent s’adapter avec
beaucoup de facilités. L’on est passé ainsi de la criminalité classique à
une criminalité moderne avec des métastases aussi fondamentales
qu’opératoires.
Auteur du trouble porté à l’ordre social, le délinquant qualifié
par Lombroso de « microbe » est l’élément pivot qui concourt à la
commission de l’infraction c’est-à-dire à la violation d’un devoir
exigible, au préjudice de la société ou des individus ; que ce soit seul
ou avec d’autres personnes agissant à des degrés différents. Au fur et à
mesure où les sociétés se policent, à l’instar de la Côte d’Ivoire, voire
du Cameroun, la notion de « microbe » prend une autre connotation en
contenant et en contenu, sans se détacher fondamentalement des lignes
directrices de la notion traditionnelle de l’infracteur ou de l’approche
paramétrique de la notion d’infraction pénale.
Bandes criminelles apparentées et semant la psychose au sein de
la population urbaine, tant par la barbarie des agresseurs que dans le
nombre de leurs victimes, cette nouvelle catégorie atypique de jeunes
gens1 qualifiée à la faveur de leurs âges (10 à 20 ans) et de leurs petites
tailles, de « microbes » sociaux, a vu le jour en Côte d’Ivoire au
lendemain de la crise postélectorale de 2011 à laquelle certains avaient

1
Au Brésil, il y a les « Maras » et des « Pandillas », gangs de jeunes âgés de
12 ans au moins. Cf. H. CRIZOA, « Délinquance juvénile à Abidjan aujourd’hui : une
analyse causale du phénomène des "microbes" », Sciences et actions sociales (12),
Normes, déviances et nouvelles technologies : entre régulation, protection et contrôle,
2019, p. 2. En République démocratique du Congo, ils sont appelés les « Kuluna ».

160
JUS CIVITAS / RJPUG, Vol.1, N°1, Janvier 2024
JUS CIVITAS / RJPUG
Les substituts pénaux à l’épreuve de la remontée du phénomène des « microbes » sociaux au Cameroun

pris part comme combattants. Cette appellation est inspirée semble-t-il,


de l’histoire réelle des gangs d’enfants des favelas dans le film brésilien
« La Cité de Dieu »2. Cette métaphore médicale en marge de
l’orientation donnée par LOMBROSO qui était destinée à traduire
l’agent pathogène nuisible au corps humain et par dérision, au corps
social ; traduit davantage l’apparence physique de ces jeunes,
insoupçonnables à l’œil nu, mais virulents et nuisibles à la santé du
corps social.
Au Cameroun, à l’orée des années 2000, cette nouvelle forme
de criminalité a vraisemblablement pris d’assaut principalement les
villes de Douala et de Yaoundé, et accessoirement les localités de Bafia,
Bangangté et Edéa. Elle a pris au dépourvu les autorités en charge du
maintien de l’ordre et de la sécurité publique. Sur le plan répressif, il y
a lieu de préciser que l’insuffisance des peines dans la lutte contre la
délinquance urbaine a conduit la doctrine criminologique et les
Nations-Unies à chercher de nouveaux outils d’anticipation criminelle
c’est-à-dire, de la prévention du crime3 dont une classification
empruntée au modèle médical a permis de la définir à trois niveaux : le

2
Ce film est sorti le 30 août 2002. Il s’agit de l’histoire d’un jeune homme
et de son meilleur ami avec qui, ils fondent à Rio de Janeiro un gang qui passe du
vol au meurtre pour finir dans le trafic de la drogue.
3
Pour la doctrine criminologique, la prévention peut être définie « comme
un instrument utilisé par l’État pour mieux maîtriser la criminalité par la limitation ou
l’élimination des facteurs criminogènes et par la gestion adéquate des facteurs de
l’environnement physique et social qui engendrent des occasions favorables à la
perpétration des délits ». Cf. Sur ce point lire J. PRADEL, Droit pénal comparé,
Dalloz, 1995, p 145 ; Selon les Nations Unies, la prévention de la criminalité
comprend : « des stratégies et mesures qui visent à réduire les risques d’infractions et
les effets préjudiciables que ces dernières peuvent avoir sur les personnes et sur la
société, y compris la peur de la criminalité, et ce en s’attaquant à leurs multiples
causes ». Cf. UNODC, La prévention de la criminalité, The Doha declaration,
Promoting a culture of Lawfulness, p. 6.

161
JUS CIVITAS / RJPUG, Vol.1, N°1, Janvier 2024
JUS CIVITAS / RJPUG
Les substituts pénaux à l’épreuve de la remontée du phénomène des « microbes » sociaux au Cameroun

niveau primaire4, le niveau secondaire5 et le niveau tertiaire6. L’analyse


porte davantage sur les deux premiers niveaux qui sont antérieurs au
crime (prévention ante delictum), nonobstant l’importance du troisième
niveau qui est postérieur au crime (prévention post delictum). Sur le
plan criminologique, les mesures de sûreté ante delictum sont
considérées comme de simples paramètres prophylactiques qu’elles
soient administratives ou non, même si elles pourraient éventuellement
présenter de sérieux dangers de dérives autoritaires.
À ce stade, l’encadrement de la jeunesse par les pouvoirs
publics7 dans la politique criminelle nationale interpelle plus d’un, à
structurer la stratégie pénale autour de la fonction préventive du droit
pénal du fait qu’elle procède à une énumération des infractions et
prévoit des peines qui frappent les auteurs. De plus, suivant la technique
d’anticipation rationnelle, cette fonction permettrait également au droit
pénal de réduire le phénomène criminel par des mesures efficaces et
efficientes qualifiées de « prophylaxie sociale » par l’école de la défense
sociale, ou simplement de « substituts pénaux » par Enrico FERRI de
l’école positiviste italienne. Et bien même qu’il y aurait la commission
d’une infraction, la politique criminelle camerounaise a révolutionné la
notion de mesures de sûreté qui paraît moralement étrangère à toute idée
d’opprobre et d’expiation. Celles-ci connaissent une extension avec
l’intégration de la personne morale8, revigorant la nécessaire distinction
des mesures de sûreté ante delictum et des mesures de sûreté post
delictum.
4
La prévention primaire désigne les efforts déployés pour ajuster les
politiques universelles et les conditions de vie, sur le plan social, éducatif et
économique. Elle est dirigée vers la modification des conditions qui, dans
l’environnement physique et social, peuvent mener au crime (P. I. BRANTINGHAM
et F. L. FAUST, « A conceptual model of crime prevention », Crime and delinquancy,
22 (3), 1976, pp. 284-296).
5
La prévention secondaire est une intervention de type « pré-crime ». Elle
cible des personnes et des groupes à risque d’être incriminés ou victimisés, et repose
sur un dépistage précoce, suivi d’interventions dans la vie des individus ou des
groupes considérés à risque d’être impliqués dans un crime. Il faut réduire les incitatifs
ou développer le « guardianship ».
6
La prévention tertiaire se concentre sur les efforts consentis après qu’un
crime a été commis. Son but premier porte sur la réduction de la récidive (P.
I. BRANTINGHAM et F. L. FAUST, op.cit., 1976).
7
Il faut signaler que cet encadrement nait de la phénoménologie de
l'insécurité à travers l'encapsulation de l'État par la grande délinquance. Cf. Y.-A.
CHOUALA, « Conjoncture sécuritaire, champ étatique et ordre politique au
Cameroun : éléments d’analyse anthropo-politiste d’une crise de l’encadrement
sécuritaire et d’un encadrement sécuritaire de crise », Polis / R.C.S.P. / C.P.S.R. Vol.
8, Numéro Spécial, 2001, p. 5.
8
Art. 200 du Code pénal camerounais.

162
JUS CIVITAS / RJPUG, Vol.1, N°1, Janvier 2024
JUS CIVITAS / RJPUG
Les substituts pénaux à l’épreuve de la remontée du phénomène des « microbes » sociaux au Cameroun

Dès lors, le problème se pose en termes de pertinence des


mécanismes juridico-administratifs pour endiguer de manière constante
le phénomène de « microbes » sociaux qui ne cesse de monter en
puissance et en capacité d’adaptation. Autrement dit, l’option
préventive de gestion de ce phénomène social a-t-elle eu un impact
décisif ou aura-t-elle une influence pérenne sur la terminabilité9 de ces
« insectes » sociaux qui ne cessent de créer un déséquilibre
pathologique dans le corps social ? En d’autres termes, entre étiologie
criminelle et fonction utilitaire du droit pénal, la logique de la défense
sociale est-elle suffisamment outillée pour mettre en berne le paradigme
répressif ?
Ces questionnements sont dignes d’intérêts à deux niveaux
d’appréciation. D’une part, en s’attachant à l’antisociabilité dans la
mesure où la défense sociale rejette le droit pénal (logique répressive)
et s’adresse davantage à des antisocialistes et à des délinquants
techniquement parlant, il devient urgent de traiter l’état dangereux de
l’infracteur qui se substitue à la notion de culpabilité du moment où
c’est le déterminisme et non le libre arbitre qui mène ici à l’acte
criminel. D’autre part, le choix d’opportunité des organes ou des
structures de lutte anticriminelle à mettre en œuvre, sont théoriquement
de nature à s’adapter avec efficacité au nouveau phénomène de
« microbes » sociaux.
Pour mener à bien cette étude, plusieurs méthodes scientifiques
ont meublé l’analyse. D’une part, on fera usage des méthodes
traditionnelles, synchroniques qui permettent de mettre en exergue la
valeur historique des données à travers l’analyse et la description, et
diachronique pour une approche holistique. D’autre part, il est
important de recourir aux méthodes criminologiques pures. Il s’agit de
l’étude longitudinale prospective qui permet de suivre ou d’évaluer les
agissements des délinquants dès le bas âge ; de l’étude longitudinale
rétrospective qui permet de réunir les facteurs précoces de risque ou de
l’activité criminelle d’un groupe bien déterminé afin de repérer de façon
rétrospective ces déterminants qui mènent à la criminalité ; et de
l’approche transversale couramment utilisée dans les recherches sur les

9
À ce propos, Cesare LOMBROSO, Raffaele GAROFALO et Enrico FERRI
insistent sur les mesures de sûreté qui visent à combattre l’état dangereux du
délinquant. Cette idée a été introduite par l’école de défense sociale nouvelle (mesures
de défense sociale) qui s’attache à la personnalité du délinquant et non à l’acte
criminel proprement dit, introduit dans le Code pénal.

163
JUS CIVITAS / RJPUG, Vol.1, N°1, Janvier 2024
JUS CIVITAS / RJPUG
Les substituts pénaux à l’épreuve de la remontée du phénomène des « microbes » sociaux au Cameroun

facteurs de risque10. Ceci nous conduira à analyser l’étiologie


criminelle et les paramètres d’une politique préventive consensuelle
inhérente aux « microbes » sociaux (I), et l’eidétique criminelle
conjuguée aux mesures administratives stricto sensu liées au
phénomène de « microbes » sociaux (II).

I- LE PHÉNOMENE DE « MICROBE » SOCIAL : ENTRE


ÉTIOLOGIE CRIMINELLE ET PARAMETRES D’UNE
POLITIQUE PRÉVENTIVE CONSENSUELLE

Si le crime est considéré à tort ou à raison comme un phénomène


normal de sociologie11, c’est qu’une société qui en serait exempte est
tout simplement impensable. Cette une évidence aussi paradoxale que
pragmatique fait surgir une réflexion aussi axiologique que
sociologique. Le renouveau du phénomène de « microbes » sociaux au
Cameroun en est le témoignage d’une pathologie qui met en évidence
le crime et les conditions de vie, en marge de l’analyse critériologique
des catégories criminelles évoquées par Enrico Ferry12, à la suite des
travaux de Cesare Lombroso13. De ce point de vue, ce tableau
symptomatologique et peu reluisant est la simple traduction que les faits
fondamentaux de la criminologie se présentent sous des concepts
entièrement nouveaux, qui interpellent la prévention du phénomène par
le développement sociétal, nécessaire à une stratégie liée à la recherche
d’une synthèse14.
Ainsi, le paradigme axiologique inhérent à un consensus
pragmatique de la politique criminelle (A), conduira à une prophylaxie
sociale en termes d’options à la prévention criminelle par le
développement sociétal (B).

10
V° CNPC, Détermination et Définition Des principaux facteurs De risque
Du comportement antisocial et Délinquant chez les enfants et les jeunes, Rapport de
recherche, 2012-3, 72 p.
11
E. DURKHEIM, « Le crime, phénomène normal », in Déviance et
criminalité. Textes réunis par Denis Szabo avec la collaboration d'André
Normandeau, Paris, Librairie Armand Colin, 1970, 378 pages, pp. 76-82.
12
Extrait de Sociologie criminelle, traduit de l’italien par l’auteur lui-même,
Paris, 1893, p. 69. Il s’agit des criminels-aliénés dans leurs différentes déclinaisons
(première classe), les criminels nés et les criminels d’habitude (2 e classe), les
criminels par habitude acquise (3e classe), les criminels d’occasion (4e classe) et les
criminels passionnés (5e classe).
13
C. LOMBROSO, L’Uomo delinquere (Homme criminel), 1976.
14
R. HASTINGS, « La prévention du crime par le développement social :
une stratégie à la recherche d’une synthèse », Revue criminologie, vol. 31, n° 1,
printemps 1998, pp. 110-122.

164
JUS CIVITAS / RJPUG, Vol.1, N°1, Janvier 2024
JUS CIVITAS / RJPUG
Les substituts pénaux à l’épreuve de la remontée du phénomène des « microbes » sociaux au Cameroun

A- LE PARADIGME AXIOLOGIQUE FONDE SUR LE CONSENSUS


PRAGMATIQUE DE LA POLITIQUE CRIMINELLE
Il est important de préciser au préalable que le phénomène de
« microbes » sociaux ces dernières années au Cameroun relève d’un
phénomène social peu loquace (1). Si le droit pénal est d’essence
répressive, il se heurte à la logique criminologique de la prévention qui
suppose l’importance d’une intervention précoce sur une personne
même en état dangereux, mais qui n’est encore qu’un contrevenant
potentiel, ou sur la défense sociale. Il est donc nécessaire de faire les
choses autrement « que simplement de la réaction et de la
répression »15 : voilà née la compossibilité des axes de réflexions
stratégiques (2) sur les mesures utilitaires pour la réduction de la
criminalité ou de la vulnérabilité des personnes exposées dues à la
résistance des « microbes » sociaux.

1- L’émergence des « microbes », un phénomène


social peu loquace
Au Cameroun depuis les années 2000, certaines bandes de
jeunes brigands dont les âges sont estimés entre dix et vingt ans
écument les artères des grandes métropoles du pays, et principalement
les villes de Douala et de Yaoundé. L’analyse criminologique des
techniques de passage à l’acte révèle un modus operandi bien déterminé
(a) ; ce qui soulève le vieux et sempiternel problème de catégorisation
des différentes classes de criminels (b) dans la perspective d’une
prévention proactive.

a- Le "modus operandi" des « microbes » sociaux


L’option de violence urbaine conçue et mise en œuvre
par les jeunes délinquants qui se trouvent principalement dans la
tranche d’âge de minorité civile et accessoirement dans la tranche d’âge
de majorité pénale, se caractérise sur le plan opératoire, par des identités
remarquables : leur système d’organisation, les armes blanches
utilisées, les lieux du crime et le degré de brutalité des actes perpétrés.
Dans le premier cas de figure, ces groupes de criminels
opèrent en bande de dix, vingt, trente voire quarante personnes.
Autrement dit, il est rare de voir la perpétration d’actes odieux par une
seule personne. Agissant à visages découverts, ils opèrent aussi de jour
comme de nuit, sur des motocyclettes à deux roues16. Ce qui leur facilite
le déplacement d’une zone ou quartier à l’autre, sans aucune contrainte

15
R. HASTINGS, idem, p. 111.
16
Cf. Cameroun web, 14 juin 2023.

165
JUS CIVITAS / RJPUG, Vol.1, N°1, Janvier 2024
JUS CIVITAS / RJPUG
Les substituts pénaux à l’épreuve de la remontée du phénomène des « microbes » sociaux au Cameroun

particulière de circulation telles que les embouteillages, les parties


poursuites des services de sécurité publique qu’ils soient de la police
nationale ou de la gendarmerie, la police municipale ou d’autres acteurs
infra-étatiques.
Dans le deuxième cas de figure, ils agressent, pillent et
volent des biens à l’aide d’armes blanches telles que les machettes, les
barres de fers, les couteaux, les poignards, les tournevis ou tout matériel
de nature à neutraliser une victime potentielle afin d’extorquer ses
biens. Mais d’observation générale, les armes blanches les plus utilisées
sont les machettes et les poignards, conjugués aux faucilles et marteaux
en Côte d’Ivoire.
S’agissant des lieux du crime, il s’agit des boutiques
situées dans les marchés publics ou dans les quartiers, les bars emporter,
les bars dancing, les snack-bars (et rarement semble-t-il, les boîtes de
nuit17), les grandes surfaces commerciales telles que les supermarchés
ouverts, et parfois, des personnes isolées sans moyens de défense
préalables ou proportionnels à l’attaque : tel semble être le cas de la
gendarme major Jeannine Njock en service au groupe d’escadron n° 2
de Mboppi à Douala, poignardée mortellement dans la nuit du 11 au
12 juin 2023 au quartier Kotto (Arrondissement de Douala 5e) au lieu-
dit « Carrefour Briquiny ». Ils y extorquent de l’argent, des bijoux, des
téléphones, des sacs à main, montres et autres objets de valeur, etc.
La technique d’approche ou d’attaque est double : la technique
active et la technique passive. Pour le premier cas, elle consiste à
investir les lieux de façon spontanée, avec des menaces proférées et des
injonctions à s’exécuter, suivi éventuellement des brutalités, des coups
et blessures sur toute personne qui s’oppose ou qui tenterait de
s’opposer à leurs ordres. C’est l’exemple des actes perpétrés par les
« microbes » au marché Mokolo à Yaoundé le 12 juillet 2022, et au
quartier Makéa à Douala, le 12 décembre 2022. Pour le cas de l’attaque
passive, la fulgurance et la brutalité de leurs crimes consistent en une
stratégie à double détente : la première étant de mettre en première ligne
quelques personnes apparemment inoffensives qui se font passer pour
des mendiants pour scruter les lieux ; et lorsque le signal est donné, la
deuxième ligne arrive subitement avec des moyens de brutalité
habituels. Cette technique a ceci de particulier qu’elle permet aux
brigands d’endormir l’esprit des potentielles victimes, afin de les
prendre au dépourvu sans que celles-ci aient la possibilité d’une
réaction spontanée et mesurée. Il n’est donc pas exagéré de dire que de

17
Peut-être parce que la sécurité est renforcée.

166
JUS CIVITAS / RJPUG, Vol.1, N°1, Janvier 2024
JUS CIVITAS / RJPUG
Les substituts pénaux à l’épreuve de la remontée du phénomène des « microbes » sociaux au Cameroun

nos jours, le crime est la « figure offensive de la monstruosité »18 par


excellence.
En tout cas, l’eidétique criminelle de ces techniques d’approche
nous interpelle à amorcer un essai de catégorisation de ces « microbes »,
basée sur une analyse déductive aussi psychologique, sociologique
qu’anthropologique des catégories criminelles.

b- L’essai de catégorisation des profils criminels des


« microbes » sociaux
L’approche est moins fondée sur la psychiatrie ou la biologie
expérimentale, encore moins sur l’étude morphologique
Lombrosonnienne, mais plutôt sur les paramètres devant constituer les
bases psychologiques et anthropologiques de la sociologie criminelle,
basée sur les méthodes d’observation, d’induction, de déduction et de
comparaison issues du paradigme diachronique. Dans les grandes zones
mobiles liées aux « microbes » sociaux dans la ville de Douala (Makéa,
Bilonguè, Bonaloka, Brazzaville, etc.) et Yaoundé (Mokolo,
Briqueterie, Miniferme, Avenue Kennedy, Ntaba etc.) pour ne citer que
celles-là, la constitution des couches socioanthropologiques ou
ethniques semblent être dominés par des jeunes venant des frontières
centrafricaines et de la zone de transition entre l’extrême-nord du
Cameroun et le Tchad, appelés sociologiquement de « Noirs Noirs ».
Dès lors, l’observation, l’induction voire éventuellement la déduction
sont orientées vers les identités remarquables d’ordre anthropologiques.
Sociologiquement en particulier, étant donné qu’aucune couche
de la population n’est épargnée (jeunes, hommes, femmes, riches et
pauvres) et la ville de Douala par exemple est un foyer reconnu de grand
banditisme et de territoire à risque en termes d’insécurité. La nature des
actes posés et des biens extorqués nous indiquerait les pistes d’analyse
basée sur l’approche diachronique dont l’ancrage se trouve dans études
d’Enrico FERRI qui, à quelques égards, a repris à son compte la
catégorie du criminel né de LOMBROSO. Ainsi, des cinq catégories
criminelles développées par FERRI c’est-à-dire les criminels aliénés19

18
M. KALUSZYNSKI, « Entre science et politique, la criminologie, une
science sociale en balbutiements… », Tempo Social, revista de sociologia da USP,
v. 32, n. 3, 2000, pp. 31-65. 35 p., https://orcid.org/0000-0002-8951-1389, p. 34.
19
Cette démarche se démarque un peu de celle de M. BIANCHI qui estime
que les aliénés criminels doivent appartenir à la psychiatrie et non à l’anthropologie,
contrairement à FERRI pour qui, la classification des classes de criminels ne doit pas
être exclusivement biologique, mais doit constituer la base anthropologique de la
sociologie criminelle. Ceci semble être logique, puisque FERRI procède également à
l’intérieur de cette classe, à d’autres catégorisations plus proches de la psychiatrie,
mais dont l’importance est nécessaire en sociologie criminelle.

167
JUS CIVITAS / RJPUG, Vol.1, N°1, Janvier 2024
JUS CIVITAS / RJPUG
Les substituts pénaux à l’épreuve de la remontée du phénomène des « microbes » sociaux au Cameroun

(les fous complets, les mattoïdes ou semi-fous, le criminel affreux et les


nécrophiles), les criminels nés et les criminels d’habitude, les criminels
par habitude acquise, les criminels d’occasion et les criminels
passionnés ; le mode opératoire des « microbes » sociaux au Cameroun
permet d’exclure d’office une certaine catégorie et de prendre en
considération d’autres.
Dans le premier tableau, il serait difficile et peu pertinent de
soutenir que les microbes sociaux au Cameroun ont un carnet médical
alliant vie sociale et maladie psychiatriquement définies telles que la
folie, la folie maniacodépressive, la schizophrénie, etc. À la vérité, si la
psychiatrie qui s’occupe des aliénés criminels n’a pas encore mené des
tests sur ces hordes de jeunes constituant cette maladie sociale de
l’heure au point de vue psychopathologique ; cela ne devrait pas
empêcher à l’anthropologie et à la sociologie criminelle de s’en occuper
véritablement pour en faire et constituer l’histoire naturelle de l’homme
criminel, afin de prendre des mesures préventives nécessaires, au point
de vue social. La préparation des actes criminels (lieu de pillage, les
moyens logistiques tels les motocyclettes à utiliser, les initiatives à
prendre, les armes blanches à utiliser, le temps d’action ou de passage
à l’acte) est autant d’arguments qui semblent militer en faveur de
l’écartement de ces groupes de jeunes de la catégorie d’aliénés
criminels. C’est donc dire qu’il est fortement improbable que ces hordes
de jeunes au Cameroun sont des fous complets ; des mattoïdes situés
dans la zone mitoyenne entre la folie complète et la raison ; des
criminels très affreux, encore moins des nécrophiles qui sont des
personnes atteintes par certaines formes de pathologies sexuelles ou des
personnes atteintes de la folie héréditaire et surtout des épileptiques et
épileptoïdes20.
Toujours dans ce tableau d’entame, il semble que classer ces
microbes sociaux comme les criminels de passion ou passionnés serait
incongru en vertu de leur mode opératoire particulier, bien qu’ils soient
plus proches des criminels d’occasions qui, par la force des actions
répétées, deviennent des criminels d’habitude.
Dans le deuxième tableau, il est fort soutenable que ces
« microbes » peuvent se répartir facilement entre les criminels nés, les
criminels d’habitude et les criminels d’occasion de par leur follow up
studies.
Dans le premier cas de figure relatif aux criminels nés ou
instinctifs, et à la lumière de l’anthropologie de la sociologie criminelle,
20
Ces deniers semblent se rattacher aussi aux criminels nés, selon
l’hypothèse très probable de LOMBROSO sur l’identité fondamentale de la
criminalité congénitale, de la folie morale et de l’épilepsie.

168
JUS CIVITAS / RJPUG, Vol.1, N°1, Janvier 2024
JUS CIVITAS / RJPUG
Les substituts pénaux à l’épreuve de la remontée du phénomène des « microbes » sociaux au Cameroun

cette catégorie renvoie aux hommes brutaux qualifiés parfois de tigres


humains ou bien de rusés et oisifs. Certains sont des criminels itinérants
tout comme les autres sont des bons travailleurs et comme le précisait
déjà ROMAGNOSI, ont malheureusement « moins de force que la
peine menacée ou n’en ont même pas, puisqu’ils regardent la prison
comme un risque naturel et logique de leur métier »21 ; un peu comme
la chute du toit d’un maçon ou le grisou pour les mineurs. Ce tableau
de comportement criminel entre en osmose avec les attitudes et le
modus operandi des « microbes » sociaux. Il nous semble que la
majorité de ces jeunes n’ont pas besoin de mesurer les conséquences de
leurs actes, et même s’ils sont en prison, ils seront comme des peintres
dans leurs ateliers, puisqu’en tout temps et en toutes circonstances, ils
rêvent un nouveau chef-d’œuvre telle une star d’une équipe de football
qui est convaincu d’un exploit magique même aux arrêts de jeu d’un
match. C’est ici que l’expression à connotation sociologique de la « loi
du retour » chez les « microbes » sociaux trouve toute sa place et sa
finitude, en renforçant cette évidence. D’ailleurs, même en matière
pénitentiaire, cette attitude est souvent observée par les régisseurs de
prisons qui qualifient de « chevaux de retour » les criminels d’habitude.
En effet, ces derniers en sortant de la maison d’arrêt, sont sûrs d’y
retourner tôt ou tard, dès lors que les agissements criminels deviennent
déjà comme une seconde nature qui, on le sait, n’est pas toujours facile
à changer.
Et c’est justement la raison pour laquelle dans le second cas de
figure c’est-à-dire les criminels d’habitude, conduits par leur libre
arbitre ou tout plus, par un manque d’éducation scolaire ou sociale que
par la constitution originaire physio-psychique, forment la masse des
récidivistes.
Enfin, concernant les criminels d’occasion, ce sont des
délinquants primaires qui agissent circonstanciellement pour les raisons
qui leur sont propres, multiformes ou à la faveur d’un phénomène
d’entraînement par les criminels d’habitude, sans toutefois avoir une
tendance innée ou naturelle au délit. Mais à la vérité, ils s’y retrouvent
plutôt par tentation des conditions personnelles ou du milieu physique
et social, et qui n’y tombent pas ou plus, si ces tentations socio-
économiques disparaissent. Donc, il s’agit d’une question de fréquence
en fonction de l’amélioration de leurs conditions de vie.
Il y a donc lieu de penser que d’autres actions pénales doivent
être menées autrement que d’insister en permanence dans l’approche

21
https://ledroitcriminel.fr/la_science_criminelle/hist_soc_crim/sociologues/
ferri_categories_criminels.htm, 11e §.

169
JUS CIVITAS / RJPUG, Vol.1, N°1, Janvier 2024
JUS CIVITAS / RJPUG
Les substituts pénaux à l’épreuve de la remontée du phénomène des « microbes » sociaux au Cameroun

répressive de la criminalité. Les substituts pénaux deviennent alors une


sorte de consensus qui permet d’exécuter une intervention précoce ou
anticipative et proactive contre ce phénomène criminel qui gagne de
plus le terrain en intensité. En conséquence, l’émergence du phénomène
des « microbes » sociaux impose une analyse de la compossibilité des
axes de réflexions stratégiques de la politique criminelle préventive.

2- La résistance des « microbes », la compossibilité


axiale de réflexions stratégiques
Il semble difficile pour le système pénal qui considère la victime
comme un outil, un figurant ou un faire-valoir, d’inscrire dans son
agenda le souci de réduire la vulnérabilité des personnes les plus
exposées ou même la réparation des victimes. Pourtant, une bonne
protection de la société ne doit pas toujours viser l’aspect curatif, car il
faut aussi prendre en considération l’aspect préventif en érigeant les
barrières infranchissables pour les criminels tels que les « microbes »
sociaux. Le débat autour des enjeux sécuritaires22 s’ouvre alors sur
quatre fronts d’égale importance : la nécessité de définir les buts ou les
objectifs de la prévention criminelle (a), la priorité d’une stratégie
criminelle proactive (b), le recours à la communauté en tant qu’acteur
actif (c) et l’importance accordée au partenariat sociétal (d).

a- La nécessité de définir les objectifs de la


prévention criminelle
En criminologie, il est important de souligner qu’il n’est pas
suffisant de recourir exclusivement à la criminalité apparente comme
appareil de mesure du succès des actions anticipatives, car la
coexistence de plusieurs leviers (taux de criminalité apparente, taux de
criminalité réelle et le taux du black number) est autant d’indicateurs
inhérents à la réaction des victimes des évènements qui les touchent au
quotidien. Dès lors, les taux officiels de la criminalité qui sont de
simples transformations de la réaction victimologique par la police
relèvent alors des simples descriptions de l’ensemble des actions des
contrevenants à l’ordre social. Ainsi, il est nécessaire pour l’État
d’intégrer les statistiques officiels dans un spectre plus large qui devrait
comprendre au moindre mot, les principaux éléments de la police
préventive : la réduction des taux de criminalité et leurs coûts
économiques et financiers pour la société (en termes de coûts du
système pénal mis en place) et pour la communauté nationale ou locale

22
L. MONCHALIN, « Pourquoi pas la prévention du crime ? Une
perspective canadienne », Criminologie, vol. 42, no 1 (2009), pp. 115-142.

170
JUS CIVITAS / RJPUG, Vol.1, N°1, Janvier 2024
JUS CIVITAS / RJPUG
Les substituts pénaux à l’épreuve de la remontée du phénomène des « microbes » sociaux au Cameroun

(en termes de sentiment d’insécurité et ses conséquences sur l’ensemble


des interactions sociales).
Comme phénomène d’entraînement, l’implémentation d’une
action étatique ou infra-étatique sera fonction de la planification
stratégique ayant pour but d’étouffer précocement la terminabilité des
potentiels délinquants. Par exemple, dans le cadre des « microbes »
sociaux, on peut fixer un objectif général (réduire le taux de criminalité
par tranche quinquennale pénale avec des pourcentages dégressifs) basé
sur un système d’amélioration continue ; et des objectifs spécifiques
sectoriels toujours à pourcentage dégressif, orientés vers les zones
mobiles c’est-à-dire des lieux à forte concentration criminogène, étant
donné qu’une fois une politique de prévention criminelle mise en place,
ces « insectes » sociaux sont capables de colporter leurs activités vers
les zones moins mobiles (« effets donuts » de la criminalité c’est-à-dire
des îlots d’accalmies dans un environnement dangereux) ou des
nouveaux quartiers situés à la périphérie de la ville. Par exemple dans
la ville de Douala, il ne sera pas surprenant que ces « microbes » se
transportent dans les quartiers neufs tels que Japoma (Stade, Marilou,
Mahol-City, Beach), Nkendeck, Dibamba, points kilométriques 20 à
27, Mabanda, Mbanga Pongo, Yatika, Ngouang, Nyalla-Kambo,
etc. Ceci exige une stratégie criminelle proactive.

b- La priorité d’une stratégie criminelle proactive


Il s’agit des stratégies axiologiques ante-delictum, orientées
vers les délinquants et les victimes. Dans cette perspective, il y a lieu
d’identifier d’abord les potentiels contrevenants à l’ordre social établi,
ainsi que les potentielles victimes persistantes. Ensuite, il faut cibler
efficacement les points d’intervention des différents acteurs de lutte
contre la criminalité urbaine en général, et le phénomène des
« microbes » en particulier. Ce qui reflète la reconnaissance de la
criminalité et de la victimisation dans la lutte contre « microbes ».
Dans le premier cliché, il faut reconnaître tout de même qu’il
serait probable que ce soit une partie de ces « microbes » qui semble
être responsable d’une proportion importante de l’ensemble des actes
criminels itinérants dans ces métropoles et dans leurs groupes d’âges.
D’ailleurs, concluant une étude sur la criminalité en fonction des
groupes d’âges en 1987, TREMBLAY précisait déjà qu’environs 6 %
des délinquants jeunes sont responsables de 50 % à 70 % des délits23.
En effet, le fait que ces contrevenants suivent des parcours de

23
R. HASTINGS, op.cit., p. 111.

171
JUS CIVITAS / RJPUG, Vol.1, N°1, Janvier 2024
JUS CIVITAS / RJPUG
Les substituts pénaux à l’épreuve de la remontée du phénomène des « microbes » sociaux au Cameroun

développement très similaires24 renforcerait l’idée de la nécessité d’une


stratégie criminelle proactive. Il en est de même pour les bandes de
« microbes » dont l’approche anthropologique est de nature à orienter
leur origine, les zones de provenance, leur parcours scolaire et social,
leurs activités courantes menées au quotidien et leur milieu de vie. Cette
approche permet aussi de nous orienter sur les potentielles victimes qui
ne sont autres que les personnes regroupées dans un lieu de distraction
quels que soit l’âge, le sexe et le statut socio-professionnel. Il s’agit
également des lieux de commerce, puisque l’objectif final des
« microbes » sur le plan économique, est le dépouillement des honnêtes
citoyens de leur argent et de leurs biens matériels ; et sur le plan social,
la vengeance d’un membre de leur groupe, de leur famille, amis ou
connaissances, à la suite d’un dommage subi par ce dernier du fait d’une
personne quelconque.
Dans le second cliché, la théorie de la victimisation répétée
permet en amont, de mettre les mesures de sécurité ou d’alerte, ou des
actions humaines avant le passage à l’acte de ces hordes criminelles.
C’est dire que cette théorie et ses implications pour la prévention ne se
traduisent pas très souvent en actions politiques ou programmes visant
à réduire la vulnérabilité de certains types de personnes, mais à
contrecarrer le passage à l’acte des potentiels infracteurs.
C’est ainsi que beaucoup de modèles opératoires ont été
élaborés par la doctrine à travers des techniques descriptives et
analytiques. Il s’agit par exemple des modèles SARA (situation, analyse,
réponse et évaluation), les cinq « I » d’Ekblom (intelligence,
intervention, implémentation, implication et impact), la Campbell
collaboration (pour combler les lacunes de connaissances en
regroupant les évaluations de diverses interventions spécifiques en
matière de prévention de criminalité), et l’EMMIE relatif à l’effet
(impact de la criminalité), le mécanisme (fonctionnement de la
criminalité), les modérateurs (lieux), l’implémentation ou mise en
œuvre (comment procéder) et le coût économique (combien cela coûte).
En tout cas, si aucun modèle n’est parfait, on recourt très souvent aux
services de la communauté humaine comme acteur actif.

c- Le recours à la communauté comme acteur actif


Il s’agit ici de la responsabilité sociétale du corps social. La
communauté doit jouer son rôle actif dans la gestion des étapes du
processus de résolution des problèmes locaux et de participer à la bonne

24
Cf. Comité permanent de la justice et du Solliciteur général du Canada,
1993.

172
JUS CIVITAS / RJPUG, Vol.1, N°1, Janvier 2024
JUS CIVITAS / RJPUG
Les substituts pénaux à l’épreuve de la remontée du phénomène des « microbes » sociaux au Cameroun

administration des services du système pénal25. En effet, la


communauté informe régulièrement les services de Force de Maintien
de l’Ordre (FMO) sur tous les actes persistants ou chroniques dans leur
localité, à travers les chefs du village, des chefs de quartier, des chefs
de blocs de manière individuelle ou anonyme.
La responsabilisation de la communauté justifie à tous égards,
le recours à l’appui et au bénévolat du public, afin de maintenir le
niveau minimum de services de l’ensemble des structures techniques
ou opérationnelles de l’État. Dans certains cas, on recourt au partenariat
sociétal qui reste d’une importance capitale dans la détection de l’état
dangereux des potentiels délinquants ou la simple prévention générale.

d- L’importance accordée au partenariat sociétal


Dans la logique de la politique criminelle préventive, le recours
au partenariat traduit davantage la reconnaissance des limites
conceptuelles, voire opératoires du système pénal grâce à la complexité
de l’étiologie criminelle et de la victimisation, que le désir de capitaliser
ou de maximiser l’efficacité des ressources limitées.
Cependant, dans le cadre des substituts pénaux relatifs au
phénomène de « microbes » au Cameroun, ces stratégies de politique
criminelle partenariale poseraient deux problèmes : un problème
d’ordre financier et un problème d’ordre opératoire. Pour le premier
cas, il est moins évident que le partenariat fasse toujours gagner du
temps et de l’argent, puisque ces pratiques sont de nature à entraîner
d’énormes coûts significatifs26 d’autant plus que dans nos sociétés, les
organisations communautaires ont peu de ressources financières et
humaines. Dans le deuxième cas, face aux assauts des « microbes »
sociaux avec des armes blanches qui peuvent varier d’une opération à
l’autre, il n’est pas certain, que le corps social ait les moyens efficaces
de dissuasion. Aussi, doit-on signaler que le concept de partenariat
suppose le partage d’un certain nombre de pouvoirs entre les
institutions pénales et la communauté. À ce stade, Ross Hasting se
demande « si les vieux routiers du pénal autant au plan individuel
qu’institutionnel, peuvent vraiment faire la peau neuve »27. Si tel n’est
pas le cas, il nous semble possible que les notions de communauté et de
partenariat avec les services du système pénal soient plutôt des masques
idéologiques et de fantasmes administratifs qui cacheraient les
tendances de l’État, comme le souligne si fort opportunément le Conseil

25
V° Comité permanent de la justice Solliciteur général, idem, pp. 12 et 13. ;
Prairie Research Associates, 1996 ; R. HASTING, op.cit., p. 111.
26
R. HASTINGS, op.cit., p. 112.
27
R. HASTINGS, op.cit., p. 112.

173
JUS CIVITAS / RJPUG, Vol.1, N°1, Janvier 2024
JUS CIVITAS / RJPUG
Les substituts pénaux à l’épreuve de la remontée du phénomène des « microbes » sociaux au Cameroun

national de prévention du crime du Canada, à responsabiliser la


communauté autant pour ses problèmes que pour leur solution28.
En tout état de cause, il semble que les signaux de la politique
criminelle préventive sont encore loin de permettre l’élaboration d’une
synthèse interdisciplinaire théorique et pratique, qui servirait de
boussole pour l’élaboration des politiques préventives au Cameroun. En
se focalisant sur les interrogations de « quoi faire » et de « comment
faire » d’une politique globale de prévention, le développement sociétal
s’avère donc être l’aune qui permet d’anticiper de manière rationnelle
à sa façon, le crime.

B- LES MESURES D’ANTICIPATION RATIONNELLE DU CRIME


PAR LE DEVELOPPEMENT SOCIETAL
En mettant de côté le paradigme répressif inhérent à la méthode
curative en matière criminelle, la question demeure toujours liée, dans
le cadre du phénomène des « microbes », à comment prévenir ou réduire
le taux ou la fréquence de criminalité en misant sur les sciences sociales
liées à l’être humain ? Waller a jugé nécessaire d’orienter la technique
prévisionnelle à travers la roue d’amélioration continue (voir
Tableau)29.

28
Conseil national de prévention du crime du Canada, 1995 ; R. HASTINGS,
op.cit., p. 113.
29
En effet, une des premières incarnations de cette façon de faire a pu être
observée dans l’Hexagone en 1982, lors des travaux de la Commission des maires sur
la sécurité. Ce modèle s’est développé par la suite, sur la base de diverses
recommandations émanant des exécutifs municipaux (maires), d’experts et
d’organismes nationaux. Cf. L. MONCHALIN, « Pourquoi pas la prévention du
crime ? Une perspective canadienne », op.cit., p. 127.

174
JUS CIVITAS / RJPUG, Vol.1, N°1, Janvier 2024
JUS CIVITAS / RJPUG
Les substituts pénaux à l’épreuve de la remontée du phénomène des « microbes » sociaux au Cameroun

Tableau n° 1 : L’implantation efficace des initiatives de


prévention du crime

1. Diagnostic de Leadership 2. Plan d’action


sécurité – Partenariat avec des – Établir des priorités
– Défis en matière de hauts fonctionnaires des claires.
criminalité. milieux scolaires, du
– Facteurs de risque. – Prévoir des actions
logement, des services stratégiques ciblant les
– Actifs et forces de la sociaux, de la santé facteurs de risque.
communauté. publique, de la police et
autres.
– Fondé sur des
connaissances établies
4. Évaluation quant aux facteurs de
risque. 3. Implantation
– Réalisations en cours – Coordination.
de processus. – Engagement de la
communauté. – Établissement
– Données sur la d’objectifs.
réduction du crime. – Hausse des
investissements
soutenus en prévention.

Sources : Waller (2006) et Waller et al. (1999) ; Lisa MONCHALIN (2009),


p. 126. Tableau adapté par nos soins.

Ainsi, face à cette question, la prévention criminelle par le


développement social (PCDS) est au cœur de la stratégie anticriminelle
à travers le triptyque suivant : l’approche développementale des sujets
pathologiques ou non dans la prévention criminelle (1), l’approche
sociale (2) et l’approche communautaire (3).

1- L’approche développementale de la prévention


criminelle
Dans cette approche, la cible particulière est le
délinquant chronique et persistant. Ici, la méthode régulièrement
utilisée est celle de l’étude de cohortes et plus particulièrement de
cohortes de jeunes garçons dans la mesure où d’après l’observation des
personnes constituant ces bandes criminelles, il y a rarement sinon, pas
du tout des jeunes filles parmi. L’ouverture d’une recherche
approfondie reste nécessaire pour prendre les sujets dès leur naissance
(et peut-être avant, s’agissant des relations entre leurs géniteurs ou les
profils psychologiques de ces derniers) et suivant l’évolution de

175
JUS CIVITAS / RJPUG, Vol.1, N°1, Janvier 2024
JUS CIVITAS / RJPUG
Les substituts pénaux à l’épreuve de la remontée du phénomène des « microbes » sociaux au Cameroun

l’enfant, de la naissance à l’insertion dans sa famille originaire


biologique ou dans une famille d’accueil, la transition à l’école, dans
les centres de formation classique ou professionnelle, à la création des
relations avec ses pairs, ses formateurs, son entourage direct et à la
formation des liens avec la communauté entière.
Cette technique repose sur la théorie du contrôle social, la
théorie de l’apprentissage et de plus en plus, la théorie de l’association
différentielle d’un groupe de pairs, que semblent développer François
Poulin et al.30.
Il serait donc intéressant que des actions concertées
soient menées entre les ministères de la justice, des affaires sociales, de
l’enseignement de base, des enseignements secondaires, de
l’enseignement supérieur, de la santé publique et de certains organismes
de protection et de la promotion de l’enfance pour identifier « les points
clés de la trajectoire développementale de l’enfant »31 en général et de
ces hordes criminelles en particulier. En tout cas, il faut intervenir pour
briser la mauvaise chaîne développementale qui conduit les sujets à la
commission d’actes antisociaux ou déviants, et qui pourront créer
progressivement en eux les caractères de délinquants d’habitude ou de
criminels nés ; et pour tout dire, la création d’un système de délinquance
persistante ou chronique.
L’intervention programmatique doit tenir compte des
secteurs clés de la socialisation qui sont : la famille, l’école, les pairs et
l’environnement social. Mais, quoi qu’il en soit, il ne serait pas
illogique de préciser que les éléments que l’approche développementale
identifie comme des causes, sont également, du moins en partie, des
effets d’une structure et d’une situation sociohistorique particulière. Et
c’est la raison pour laquelle l’approche sociale de la prévention
criminelle demeure une piste d’analyse épistémologique rationnelle.

2- L’approche sociale de la prévention criminelle


Ce paramètre aborde l’origine et la reproduction des inégalités
sociales qui jouent un rôle important dans l’existence des milieux
criminogènes. Cette politique sociale à répercussion criminelle met
l’accent sur la disponibilité des ressources nécessaires pour changer
cette situation de délitement des mœurs pour ces hordes d’enfants, peut-
être victimes pour la plupart, du système social mis en place par le

30
F. POULIN, T. J. DISHION, K. KAVANAGH et J. KIESNER, « La
prévention des problèmes de comportement à l’adolescence : l’Adolescent Transition
Program », Revue Criminologie, volume 31-1, 1998, pp. 70, 72 et s. ; R. HASTINGS,
op.cit., p. 114.
31
R. HASTINGS, op.cit., p. 115.

176
JUS CIVITAS / RJPUG, Vol.1, N°1, Janvier 2024
JUS CIVITAS / RJPUG
Les substituts pénaux à l’épreuve de la remontée du phénomène des « microbes » sociaux au Cameroun

pouvoir politique. C’est une posture qui trouve son origine dans les
approches marxistes ou critiques en criminologie et en sociologie de la
déviance, qui estime que la criminalité est avant tout, un fait social
normal inhérent aux conditions de vie32.
Plutôt que de s’attarder sur le développement du délinquant
persistant ou chronique, l’approche sociale dirige son intervention vers
le problème du taux de criminalité et de la victimisation, et
particulièrement leur distribution dans les différents secteurs du
système pénal. La méthodologie d’approche tend à favoriser les
analyses structurelles et comparatives de l’origine, de la reproduction
et des conséquences des inégalités sociales33. C’est dire que certaines
situations de l’approche développementale telles que les problèmes
familiaux des milieux défavorisés ou sous-scolarisés sont des
conséquences prévisibles des aménagements sociaux et des stress.
L’approche est donc macrosociologique. Elle cherche un lien
direct entre les taux de criminalité et la victimisation d’une part ; et
l’origine et le maintien des conditions sociales d’autre part. Cette
analyse s’appuie donc sur l’approche développementale en lui donnant
des explications de l’existence des milieux défavorisés ; tout en
expliquant la disponibilité des ressources nécessaires pour mettre en
place les interventions individuelles et interpersonnelles désirées. Dans
cette perspective, il faut donc expliquer la nécessité des liens entre la
structure sociale et le vécu des gens. Autrement dit, sur le plan
criminologique, il y a lieu de convoquer la théorie économique du
crime, bien que l’approche développementale critique l’approche
sociale pour sa faible capacité du niveau de corrélations entre
l’inégalité, le développement de l’enfant et le taux de déviances. En se
rectifiant, il faudrait reconnaître que les programmes proposés par
l’approche sociale exigeraient les investissements massifs de ressources
et inversement, pêcheraient par la lourde connotation centralisatrice
dans leur mise en œuvre34.

32
À prendre l’exemple du Cameroun, l’enquête faite auprès des ménages
(ECAM) en 1996 faisait déjà état de près de 85 % de la population active qui évoluent
dans le secteur informel où la faiblesse des revenus et la précarité de l’emploi rendent
vulnérables, (Enquête camerounaise auprès des ménages-ECAM, 1996). Cette
enquête considérait comme pauvre les individus ayant un revenu annuel inférieur à
184 000 FCFA. Cf. document d’enquête du PNUD sur la délinquance urbaine à
Yaoundé, ibid., p. 19). Cette enquête répartissait la population par niveau de vie en
1996. Trois groupes socio-économiques étaient identifiés : les pauvres (326 671
personnes, soit 28, 9 %), les intermédiaires (357 232 soit 32, 1 %), les non pauvres
(420 597 soit 39,0 %). Source, annuaire statistique du Cameroun, 1997.
33
R. HASTINGS, op.cit., p. 117.
34
R. HASTINGS, op.cit., p. 118.

177
JUS CIVITAS / RJPUG, Vol.1, N°1, Janvier 2024
JUS CIVITAS / RJPUG
Les substituts pénaux à l’épreuve de la remontée du phénomène des « microbes » sociaux au Cameroun

Sauf que pour Georges Picca, le problème de la criminalité ne


devrait pas être totalement déplacé sur le terrain de l’amélioration des
conditions générales d’existence des plus défavorisés. Selon cet auteur,
ce serait finalement faire une erreur de jugement que de penser que la
criminalité peut être traitée par les mesures sociales35, bien que certains
gouvernements aient eu à les expérimenter36. Pourtant, ce qu’on
constate aujourd’hui avec les « microbes » est que si les jeunes bandes
délinquantes développent de plus en plus un esprit d’imagination et
misent sur la marge bénéficiaire de leurs actes, c’est qu’ils sont dans la
logique de ce que Jean Yves Caro appelle la « préférence pour le
risque »37. Dès lors, le facteur milieu fait son entrée triomphale dans
l’étiologie des « microbes ». À ce niveau et contrairement à la posture
de Cesare LOMBROSO qui a toujours voulu traiter le criminel sous
l’angle purement clinique (une sorte d’hérédité d’attitude criminelle)38,
il y a lieu de se rapprocher plutôt de l’approche synthétique d’Enrico
FERRI qui insiste davantage sur la sociologie criminelle39. D’ailleurs,
c’est ce que fait remarquer Alain-Didier Olinga qui persiste sur le fait
que « la seule approche pénale ne peut avoir la vertu pédagogique
escomptée par le législateur » dans la lutte la lutte des phénomènes
déviants tels que la corruption40. On constate alors que Cesare
Lombroso « retombe ici dans son défaut familier : vouloir embrasser
trop à la fois, et s'aventurer dans un labyrinthe de matériaux trop

35
G. PICCA, « Criminologie internationale et criminalité », in Problèmes
actuels de science criminelle, Vol. VII, PUAM, 1994, p. 61.
36
La théorie libérale-progressiste du crime a fourni une base intellectuelle à
de nombreux programmes sociaux censés combattre la criminalité sous les
administrations Kennedy, Johnson et Carter (Great Society, War on Poverty…). C’est
pourquoi on a estimé à certains moments que la criminalité serait mieux combattue au
moyen de services sociaux et par la redistribution égale des richesses plutôt que par
des arrestations et des incarcérations. Cette approche sociale de la lutte contre la
criminalité semble épouser l’adhésion des structures répressives qui consacrent
beaucoup d’actions vers la prévention.
37
J.-Y. CARO, « La théorie économique du crime », Note critique, in
Sociologie du travail n° spécial 1/81 janvier-mars ; P. KITCHEN, Examen du lien
entre la criminalité et la situation socio-économique à Ottawa et à Saskatoon :
Analyse géographique à petite échelle, Ministère de la Justice Canada Division de la
recherche et de la statistique, 2006, rr06-6f, 104 pages.
38
J. MIELKE, « Causes primaires de la criminalité et de la délinquance
juvénile », Ediçâo, 2012, p. 2.
39
E. FERRI, La Sociologie criminelle, Fratelli Bocca, 1900.
40
A.-D. OLINGA, « De la corruption au Cameroun », in P. TITI NWEL
(sous la coord.), Corruption in Cameroon, Fondation Friedrich-Ebert-Stiftung
Cameroun, Yaoundé, 1999, p. 157.

178
JUS CIVITAS / RJPUG, Vol.1, N°1, Janvier 2024
JUS CIVITAS / RJPUG
Les substituts pénaux à l’épreuve de la remontée du phénomène des « microbes » sociaux au Cameroun

hétérogènes et trop peu explorés »41. L’éducation de masse se révèle


donc être comme une lueur d’espoirs visibles, car elle serait non
seulement une arme fatale de lutte anticriminelle, mais également, elle
favoriserait le binôme Formation-employabilité. Même le Burkina Faso
s’est aligné sur cette voie42.
Dans cette perspective, il est nécessaire de briser la logique
développementale qui tend à la production des déviances ou des
victimes chroniques. Ainsi, on pourrait réduire le taux de criminalité,
du moins sa fréquence, et celui de la victimisation dans nos
communautés.

3- L’approche communautaire de la prévention


criminelle
Le paradigme communautaire est le troisième aspect
contenanciel de la notion de PCDS en matière de substitut pénal. Il se
distingue des deux premières méthodes de prévention criminelle par la
minimisation de la question de « quoi faire ? » et la maximisation de la
question de « comment procéder ? ». Son intérêt est double : il est
stratégique et pratique.
D’abord, l’intérêt stratégique est lié à la mobilisation des
ressources et la mise sur pied des programmes réalistes et efficaces.
Ensuite, l’intérêt pratique, pris malheureusement au dépourvu,
relève du constat permanent selon lequel les secteurs publics et privés
semblent accorder peu de place à un investissement conséquent dans le
secteur social, dans le sens d’une politique criminelle proactive ; mais
s’attache plutôt dans une vision purement économique et financière. Et
c’est justement la raison pour laquelle l’approche communautaire a
pour ambition de lier la mobilisation des communautés locales ou
sociales et le partenariat entre les organismes existants afin de favoriser
la création des nouvelles activités ou bien, favoriser le maintien ou la
stabilité des activités existantes dans le contexte actuel où le pays est
sous perfusion du budget programme. Cette raison est assez suffisante
pour comprendre la pertinence des étapes du processus de résolution
des problèmes liés à la criminalité urbaine au sein de la communauté :
l’identification des problèmes et les axes de priorités, l’identification
des objectifs à atteindre, le choix d’une stratégie générale et des

41
J. VAN KAN, Les causes de la criminalité. Etude historique et critique de
d’étiologie criminelle, Bibliothèque de criminologie, Imprimerie-éditeurs, Paris,
1902, p. 58.
42
Burkina Faso, Matrice d’actions prioritaires du PUS-BF 2020-2021,
Programme d’urgence pour le Sahel, 2020, 107 pages.

179
JUS CIVITAS / RJPUG, Vol.1, N°1, Janvier 2024
JUS CIVITAS / RJPUG
Les substituts pénaux à l’épreuve de la remontée du phénomène des « microbes » sociaux au Cameroun

programmes spécifiques, l’évaluation des résultats et le réajustement


dans les nouvelles actions à mener.
L’implémentation d’une telle politique criminelle est faite par
une multiplicité d’individus, de groupes ou d’organisation sociale, car
l’idée centrale qui guide cette démarche est que la communauté est le
lieu par excellence du vécu d’un problème d’ordre sécuritaire et donc,
la place indiquée pour le prendre en charge43. Toutefois, il faut éviter
de tomber dans l’errance technique, puisqu’une communauté ne vit
qu’au sein d’une structure administrative et ne saurait être une
administration entièrement à part, ou ne saurait se substituer aux
obligations cardinales de l’administration. Dès lors, la communauté doit
déterminer son statut dans ce concert de lutte contre le phénomène de
« microbes » sociaux. Elle doit préciser si elle est un agent, un lieu ou
un projet social alternatif. L’enjeu sécuritaire est que la solution aux
problèmes de la mobilisation des ressources pour la prévention
criminelle se trouve, non pas dans la création de nouveaux programmes
universels au niveau de l’État central, mais plutôt dans les initiatives
plus restreintes qui permettent aux différentes entités de prendre en
charge la solution de leurs problèmes, puisque « la communauté doit
être l’axe central d’intervention préventive, réaliste et efficace »44. Si
tel n’est pas le cas, le résultat risque d’être un accroissement du pénal
au détriment des populations ; et par conséquent, la notion de virage
communautaire deviendrait un masque idéologique qui justifie ou cache
la sous-traitance des élites étatiques. On le voit bien, la plus grande
faiblesse de cette stratégie de mobilisation se situe dans les limites du
localisme, puisque si l’État au niveau politique que bureaucratique
cherche à vendre cette stratégie pour les besoins d’embellissement de
son image, il n’en reste pas moins que les communautés semblent
finalement affirmer que le vrai message est celui de l’abandon plutôt
que celui du partenariat45 dans cette vaste entreprise de lutte préventive
contre les hordes criminelles de jeunes gens qui écument les grandes
métropoles du Cameroun.
Mais Cohen en est très réticent, car à cette allure, la communauté
court le risque de s’ajouter au système pénal plutôt que de le
remplacer46. Quoi qu’il en soit, il faut tout de même reconnaître en
définitive que plusieurs causes de la criminalité ou de la victimisation
qui sont identifiées aux niveaux développemental, social et

43
Prairie Resaerch Associates, 1996, p. 1.
44
R. HASTINGS, op.cit., p. 119.
45
Conseil national canadien de prévention du crime, 1995, pp. 6-8.
46
A. COHEN, The symbolic xonstruction of community, Tavistock
pblications, London, 1985, pp. 83-86.

180
JUS CIVITAS / RJPUG, Vol.1, N°1, Janvier 2024
JUS CIVITAS / RJPUG
Les substituts pénaux à l’épreuve de la remontée du phénomène des « microbes » sociaux au Cameroun

communautaire n’ont pas toujours reçu les traitements similaires,


puisque n’étant pas identiques. Malgré qu’au niveau communautaire, le
risque est de mobiliser les ressources pour traiter les symptômes d’un
problème que de s’attaquer à ses racines profondes, les pouvoirs publics
interviennent également dans l’objectif d’assurer l’ordre public, la
sécurité publique à travers des décisions spéciales de prévention
criminelle et de maintien de l’ordre.

II- LE PHÉNOMÈNE DE « MICROBE » SOCIAL : ENTRE


EIDÉTIQUE CRIMINELLE ET MESURES
ADMINISTRATIVES STRICTO SENSU

La sécurité demeure l’un des secteurs où l’État exerce sa


souveraineté. Quelques décennies après les indépendances et face aux
crises sociopolitiques en Afrique centrale, la sécurité des personnes et
de leurs biens a commencé à subir des critiques aussi bien sur le plan
conceptuel qu’opérationnel : déficit des politiques préventives,
insuffisance des moyens humains et logistiques, mauvaise organisation
matérielle des agents, inégale répartition territoriale des structures
répressives, incurie de la police judiciaire dans certaines situations
délictuelles. Aujourd’hui, stratégiquement, l’accent est mis sur les
mesures de prophylaxie sociale basées non seulement sur le levier de la
loi de saturation criminelle (A), mais également sur le levier de la
coopération informationnelle (B).

A- LE LEVIER DE LA LOI DE SATURATION CRIMINELLE MIS SUR


ORBITE
L’émergence de nouvelles formes d’expression de l’insécurité
telles que les gangs urbains47, les réseaux criminels transnationaux48, la
violence privée indirecte49 et surtout le nouveau phénomène de
« microbe » social traduit le signe d’une démultiplication des centres
d’exercice de la violence organisée et d’une professionnalisation
progressive de l’industrie du crime. Les substituts pénaux, fondés sur

47
Association des malfaiteurs, organisations criminelles structurées chacune
autour d’un chef (patron) et fonctionnant sur la base d’une division sociale des tâches
à l’intérieur ; cf. Y.-A. CHOUALA, in Criminalité organisée et insécurité au
Cameroun, CRAPS, Yaoundé, inédit, p. 2.
48
Groupe de malfrats qui coalisent leurs actions et mettent en commun leurs
ressources dans la visée de la défense, de la stabilisation et de la maximisation de leurs
intérêts et profits à travers les territoires frontaliers.
49
Détournement des moyens légitimes de violence ou des instruments et des
moyens de la cœrcition étatique à des fins privées. Exemple : accointance entre
certains éléments véreux des forces de l’ordre avec les malfrats.

181
JUS CIVITAS / RJPUG, Vol.1, N°1, Janvier 2024
JUS CIVITAS / RJPUG
Les substituts pénaux à l’épreuve de la remontée du phénomène des « microbes » sociaux au Cameroun

l’action anticipative des autorités publiques, œuvrent pour la mise en


œuvre des mesures ante delictum liées aux zones criminogènes (1) ou
post delictun relativement au délinquant dans le cadre de la prévention
de la récidive (2).

1- Les mesures ante-delictum : le traitement accordé


aux zones criminogènes
Il s’agit pour le cas de « microbes » sociaux en puissance, d’un
traitement en milieux libres c’est-à-dire des actions d’anticipation
criminelle rationnelle, qui ont pour but de réduire ou d’étouffer l’état
dangereux de ces hordes de jeunes gens. Cette méthode de criminologie
préventive est qualifiée d’approche situationnelle. Autant dans la ville
de Douala que celle de Yaoundé50, les autorités qu’elles soient de l’État
centralisé ou des collectivités territoriales décentralisées, ont axé leurs
politiques criminelles en trois séquences : les mesures restrictives de
libertés publiques prises (a), les opérations de prévention générale
diligentées (b) et les mesures de prophylaxie urbaine renforcées (c).

a- Les mesures restrictives de libertés publiques


prises
Le retour fulgurant du phénomène des « microbes » au
Cameroun, principalement dans les villes de Douala et de Yaoundé,
montre à suffisance que le système pénal camerounais a besoin d’un
nouveau réservoir de techniques d’approche, non pas fondé sur la
répression, mais sur la dissuasion afin de limiter l’accroissement du
taux de la criminalité réelle ou apparente. Et avec la transportation des
nouvelles habitudes dans le triangle national, cette dernière décennie, à
cause des divers conflits sociopolitiques que traverse le pays, il était
urgent pour les détenteurs du pouvoir administratif d’anticiper sur ces

50
On se souvient que dans une enquête non moins récente menée par le
PNUD entre janvier et juillet 2001, il ressortait avec une certitude avérée que
l’incertitude de la débrouillardise des jeunes diplômés ne peut que « cristalliser le
sentiment de frustration, de marginalisation et provoquer des attitudes de violence et
de délinquance ». Ainsi, dans la répartition des quartiers dangereux dans les
arrondissements de Yaoundé, on constate que le degré d’insécurité est moins élevé
dans les quartiers résidentiels (Elig-Essono, Yaoundé 1er, 60 %) ou dans les quartiers
situés autour de la prison (Kondengui, Yaoundé 4e, 55 % ; Nkol Ndongo, Yaoundé 5e,
80 % ) que dans les quartiers commerciaux (Melen, Yaoundé 6 e, 65 %) ; alors que ce
taux est assez très élevé dans les quartiers populeux (briqueterie, Yaoundé 2e, 90 % ;
Mokolo Elobi, Yaoundé 2e, 90 %), Madagascar, Yaoundé 2e, 90 %), Etam-Bafia
(Yaoundé 4e, 90 %). Sur l’ensemble de la question, voir PUNUD, Enquête faite auprès
des ménages (ECAM), en 1996, p. 24.

182
JUS CIVITAS / RJPUG, Vol.1, N°1, Janvier 2024
JUS CIVITAS / RJPUG
Les substituts pénaux à l’épreuve de la remontée du phénomène des « microbes » sociaux au Cameroun

bouleversements sociaux, bien que le crime reste et demeure un


phénomène normal de société51.
Dans la ville de Yaoundé par exemple, à la suite d’une série
d’explosions des Engins Improvisés (EEI) en l’espace de dix jours, et
dont la dernière a eu lieu au marché Mokolo le 12 juillet 2022 au lieu-
dit « Sapeurs-Mokolo », l’arrêté préfectoral n° 0001024/AP/JOG/SP du
12 juillet 2022 portant interdiction de dépôt et d’abandon de colis dans
les lieux publics venait résoudre deux problèmes : celui de contenir
l’exportation des actes de violences urbaines vécus jusqu’alors dans les
régions dites anglophones, et celui de déstabiliser le modus operandi de
la horde des jeunes gens qui semblaient se métamorphoser en fonction
des circonstances et des objectifs qu’ils voulaient atteindre. En effet, le
Préfet Emmanuel DJIKDENT interdisait de manière permanente le
dépôt et/ou l’abandon des colis (sacs, paquets et surtout des emballages
dits « plastiques noirs » dans les lieux publics ou ouverts au public). Par
la suite, la stratégie prévention qui suivait a été celle de mener une
opération fouille-à-corps, ou de tout colis, sacs suspects. En
conséquence, toute personne qui s’inscrirait en marge des prescriptions
anticipatives contre cette criminalité itinérante, est considérée comme
« suspect » au même titre que toute personne qui se réjouit des
difficultés de l’État ou souhaite voir l’État en difficulté. S’agissant
particulièrement des « microbes » sociaux, l’article 2 de l’arrêté précise
que la détention non justifiée d’objets susceptibles (écrous, billes,
boulons, morceaux de fer, etc.), est considérée comme un cas de
suspicion des préparatifs dangereux. Il en est de même des instruments
tels que les machettes, les poignards, les couteaux, les pinces, les
tournevis généralement utilisés par ces bandes de jeunes gens qui
écument régulièrement les grandes artères de la ville. D’ailleurs,
récemment, le 29 juin 2023, le Sous-préfet de l’Arrondissement de
Yaoundé VI Joseph Alain ETOUNDI, a pris la décision
n° 130/D/J06/06/BAJP portant fermeture temporaire pour une durée
renouvelable de 30 jours, tous les bars, snacks, snack-bars, auberges,
hôtels et salles de jeux situés aux quartiers à risques tels que Mélen,
Miniferme et environs, entre autres, à cause de l’insécurité causée par
ces structures et les cas d’agressions enregistrées tout autour. D’autres
niches d’inflation criminelle ou outliers c’est-à-dire des lieux qualifiés
d’hétérogénéité spatiale des faits criminels, sont légion52.

51
É. DURKHEIM, « Le crime phénomène normal » (1894), op.cit., pp. 76-
82.
52
Cf. M. M’PACKO, Violence, délinquance et insécurité à Douala, 2000, 18
pages ; S. BOURDIN et B. C. WANDJI, « Les signatures spatiales de la criminalité
dans les villes du Sud. L'exemple de la ville de Yaoundé », in Mondes en

183
JUS CIVITAS / RJPUG, Vol.1, N°1, Janvier 2024
JUS CIVITAS / RJPUG
Les substituts pénaux à l’épreuve de la remontée du phénomène des « microbes » sociaux au Cameroun

Dans la ville de Douala par contre, étant donné que le mode


opératoire de ces jeunes âgés entre 10 et 20 ans est une particularité du
fait que, si à Yaoundé ils vont à pied sur des distances raisonnables et
qu’à Douala ils utilisent des motocyclettes pour leurs déplacements, les
autorités administratives ont tenu compte de deux paradigmes dans
leurs actions préventives : les lieux probables de saturation criminelle
c’est-à-dire les zones criminogènes hautement mobiles, et les moyens
de déplacement de ces « insectes » sociaux. C’est ainsi que les mesures
d’anticipation criminelle rationnelle ont été prises à travers deux arrêtés
préfectoraux : l’arrêté n° 269/AP/C19/SP portant limitation de la
circulation des motos taxis dans la ville de Douala et l’arrêté
n° 270/AP/C19/SP portant fermeture des débits de boissons dans
certains quartiers de la ville de Douala. Ces mesures conservatoires ont
été prises à la suite d’un incident survenu le 12 décembre 2022 à
l’hôpital Laquintinie de Douala, où une horde de jeunes y avait fait
irruption pour retirer de la morgue le corps d’un des leurs, ayant trouvé
la mort au cours d’une altercation avec les FMO au quartier Makéa dans
l’Arrondissement de Douala IIe. À la suite de ces échauffourées, une
« folle rumeur » annonçant l’arrivée des « microbes » volontairement
grossie et entretenue par un groupe de personnes à bord des motos taxis,
s’est emparée de la ville, alors que la menace semblait plus ou moins
réelle53.
Par souci de mettre en œuvre les alternatifs pénaux afin d’éviter
les procédures pénales fleuves à l’encontre de ces délinquants, le
premier arrêté interdisait la circulation des motos taxis dans toute la
ville de Douala dès le 14 décembre 202254 et tout contrevenant verrait
son engin être saisi et conduit en fourrière55. Certes, le 22 décembre
2022, un allègement a été apporté à cette décision au fur et à mesure où

Développement, Vol.47-2019/4-n°188, 2019, p. 22. Il s’agit des points chauds tels


que : Mvog- Ada, Carrefour Mvog-Mbi, Zone intérieure du Marché Central, Marché
du Mfoundi, Marché d'Essos, Marché de Mokolo, Carrefour Mvog Antangana Mballa,
Biyem-Assi, Nsiméyong et du Centre commercial, Briquetérie, Medong, Emmana,
Bonamoussadi, Ntaba, Kondengui, Avenue Kennedy, Etoa Méki (ou place du sang).
53
Certes d’après les services du Gouverneur après vérification faite, il
s’agissait d’une bande de fauteurs de troubles qui, sous le label de « microbes », a
tenté de créer des soulèvements populaires pour mettre à mal la stabilité des
institutions.
54
Art. 1, arrêté n° 269/AP/C19/SP portant limitation de la circulation des
motos taxis dans la ville de douala et l’arrêté n° 270/AP/C19/SP portant fermeture des
débits de boissons dans certains quartiers de la ville de Douala
55
Art. 2, idem.

184
JUS CIVITAS / RJPUG, Vol.1, N°1, Janvier 2024
JUS CIVITAS / RJPUG
Les substituts pénaux à l’épreuve de la remontée du phénomène des « microbes » sociaux au Cameroun

les pulsions criminelles revenaient au bien vivre-collectif56. Dans le


deuxième arrêté, il s’agissait de la fermeture des débits de boissons
entre 19 heures 30 minutes et 6 heures du matin, dans les zones à forts
comportements criminogènes dans cinq arrondissements de Douala57.
Et c’est sans doute l’une des raisons pour lesquelles le ministre
d’État, secrétaire général à la présidence de la République Ferdinand
Ngoh est venu à Douala le 15 juin 2023 rendre opératoire le Système
de vidéosurveillance dans les grands lieux stratégiques de la ville, à
l’instar du Tunnel Ndokoti, Carrefour Ndokoti, Carrefour Agip,
Carrefour Anatole, Feu Rouge Bessenguè, Rond-point Deido, etc. Cette
avancée aura forcément un effet dissuasif sur les bandes criminelles qui
écument la capitale économique, surtout à l’heure où la population est
souvent témoin des scénarii assez loufoques de pillage en bande
organisée.
Par ailleurs, il nous semble que ces mesures prophylactiques
sont les bienvenues. Toutefois, elles doivent être accompagnées non
seulement d’un personnel formé et moulé en matière de techniques
électronique ou cybernétique, mais surtout d’une réorganisation des
services de sécurité publique et de la police judiciaire avec une
logistique adaptée à toute intervention immédiate. Ainsi, il y a lieu
d’augmenter le nombre de postes de police et de gendarmerie dans les
quartiers nouveaux qui se trouvent à la périphérie de la ville ; doubler
les patrouilles de jour comme de nuit qui vont sillonner régulièrement
les quartiers à risque criminel élevé ; augmenter les services sociaux ;
revoir dans l’urgence la réglementation sur l’activité des motos taxis en
termes d’enregistrement par arrondissement, quartier à haute intensité
criminelle58, zone et secteur et des documents tels que les badges si on
ne peut inscrire les noms sur leurs chasubles, les plaques
d’immatriculation, etc. ; reconfigurer l’unité de police invisible en
fonction de la police apparente. Ceci permettra de réaliser avec
efficacité les opérations spéciales diligentées par les FMO dans le cadre
du maintien de l’ordre et de la sécurité publique.

56
L’allégement portait dans un premier temps de l’interdiction de la
circulation entre 22 heures et 6 heures du matin, ensuite entre 00 heures et 06 heures
du matin, y compris dans les zones ciblées par l’arrêté n° 270.
57
Deido au lieu-dit « Rue de la Joie » et Nkomondo (Douala 1er) ; Quartier
Makéa (Douala 2e) ; Carrefour Agip et carrefour Ndokoti (Douala 3 e) ; Bépenda au
lieu-dit « Double Balles » et à Sodiko au lieu-dit « Kwassa-Kwassa » (Douala 4e) et
Carrefour Bijou à Bonamoussadi (Douala 5e).
58
On peut citer entre autres, New-Bell, Nkomondo, New-Deïdo, Village,
Nganguè, Brazaville, New-Town aéroport, Bilonguè, Bepanda, Banga Pongo, etc.

185
JUS CIVITAS / RJPUG, Vol.1, N°1, Janvier 2024
JUS CIVITAS / RJPUG
Les substituts pénaux à l’épreuve de la remontée du phénomène des « microbes » sociaux au Cameroun

b- Les opérations de prévention générale diligentées


Dans la perspective d’endiguer de manière pérenne les assauts
prévisibles et imprévisibles des « microbes » sociaux, les FMO
camerounaises mènent régulièrement en temps utile, des opérations
circonstanciées dont l’objectif d’une part, est de maintenir la paix et la
quiétude sociale ; et d’autre part, de respecter la déontologie
professionnelle qui œuvre pour l’évitement des actions menant dans le
schéma des bavures courantes, comme cela a été le cas de l’affaire des
« neuf disparus de Bépanda » à Douala en 2001. Dans le cadre des
« microbes », il ne saurait être question de mener des opérations qui ont
fait leur preuve à une époque déterminée59, mais de régler des
problèmes spécifiques au moment où les mutations sociales semblent
colporter des formes nouvelles de la criminalité. Mais, le respect des
droits de l’homme obligeant, la nouvelle stratégie de lutte anticriminelle
semble être axée sur la dialectique de la demande de sécurité et le
respect des droits de tout suspect arrêté ou soupçonné de l’être, suivant
la logique de la politique criminelle préventive.
Si les Opérations coups de poing ont été lancées à Douala et à
Yaoundé, c’était pour apporter une réponse immédiate à ce phénomène
de « microbes » sociaux qui gagnait déjà le terrain en intensité. Pour le
cas spécifique de Yaoundé, la première région de gendarmerie a mis
main sur un gang de « microbes », déférés en justice le 12 septembre
2022, à la suite d’une saisie de cinq motos de marque Senke, un
kilogramme de cannabis, 200 grammes de cocaïne, 14 téléphones, des
montres de valeur, des sacs dames, des devises, deux couteaux, une
machette, etc.60.
De toutes les façons, comme ce fut le cas des substituts pénaux
dans le cadre des mesures de PCDS avec des écarts de convergences
stratégiques au niveau de l’aspect développemental, de l’aspect social
et de l’aspect communautaire ; ces opérations ne peuvent suffire pour
rendre les alternatifs au système pénal répressif plus général. Ce qui
semble justifier l’importance des mesures de prophylaxie sociale
inhérentes aux normes d’urbanisme, de construction et de l’habitat qui
sont de plus en plus renforcées.

59
Il s’agit des opérations l’Opération scorpion noir (à Douala en
février 2000) plus connue sous le nom de Commandement opérationnel (CO) et de
l’Opération Vautour (à Yaoundé en février 2000) chargées de la coordination de
l’action des forces armées et de la police, dans la lutte contre la grande criminalité.
60
En effet, tout est parti de l’exploitation de deux jeunes interpellés pour un
vol aggravé au quartier Ngousso. Cf. https://www.stopblablacam.com/societe/1209-
9335-gendarmerie-des-operations-coup-de-poing-pour-combattre-le-phenomene-
des-microbes-a-yaounde-et-douala.

186
JUS CIVITAS / RJPUG, Vol.1, N°1, Janvier 2024
JUS CIVITAS / RJPUG
Les substituts pénaux à l’épreuve de la remontée du phénomène des « microbes » sociaux au Cameroun

c- Les mesures de prophylaxie d’urbanisme renforcées


L’une des mesures à prendre en considération dans la politique
de prévention criminelle contre les « microbes » est relative à la
configuration de l’architecture et de la voirie urbaine. À ce niveau, les
collectivités territoriales décentralisées en général et les mairies en
particulier, sont logiquement interpellées. Cette interpellation se situe à
deux niveaux : veiller au respect des normes d’urbanisme et de
construction d’une part, et d’autre part, aménager la voirie urbaine en
termes d’éclairage public.
Dans le premier cas de figure, le respect du plan d’aménagement
urbain a une influence, aussi minime soit-elle, sur le contrôle ou la
prévention des mouvements suspects des personnes et des biens.
Sociologiquement, il semble que les quartiers dits de constructions
anarchiques, signe parfois de la précarité des occupants, favoriseraient
la commission des actes antisociaux, du fait qu’il sera difficile non
seulement pour les services de maintien de l’ordre d’y accéder en cas
de signalement des cas de forfaitures, mais également pour la
communauté locale de prendre des mesures spécifiques pour endiguer
ou contenir le phénomène. On ne le dira jamais assez, la théorie
économiste du crime, on l’a déjà soulignée, montre que la criminalité
itinérante serait aussi liée au niveau de développement économique : à
chaque société ses formes de criminalité. Même si cette théorie soulève
des controverses, il y a lieu de signaler tout de même qu’au-delà de
l’étiologie criminelle au Cameroun sur le phénomène des « microbes »,
nous estimons que d’autres facteurs non moins négligeables sont à
prendre en compte. Ce sont entre autres, le milieu géographique avec la
loi thermique de la délinquance ; le milieu familial d’origine, choisi ou
subi ; le milieu social d’origine, choisi ou subi61 et les conflits d’identité
culturelle. Pour ne se limiter qu’au milieu social, l’inexistence des
servitudes dans de nombreux quartiers du Cameroun, et surtout
certaines bâtisses abandonnées62 sont autant de facteurs criminogènes
qui militent en faveur de la mise sur pied d’un nouveau plan
d’urbanisme ou l’implémentation effective du plan existant, tel que cela
se fait depuis quelques années dans les villes de Douala et de Yaoundé.

61
T. BOUYABLANE, La délinquance juvénile : comparaison et synthèse,
Université Hassane II -Mohammadia - Maroc - Licence en droit privé, pp. 22-22.,
www.memoireonline.com, catégorie droit pénal.
62
On se souvient du fameux immeuble de la mort, situé aux encablures du
rond-point poste central à Yaoundé, qui, avant son aménagement, était un terreau
fertile aux agressions ou à la préparation des actes de délinquance. Or, il est d’avis
général que depuis sa mue, en 2014, ce phénomène a disparu dans ou autour du site.

187
JUS CIVITAS / RJPUG, Vol.1, N°1, Janvier 2024
JUS CIVITAS / RJPUG
Les substituts pénaux à l’épreuve de la remontée du phénomène des « microbes » sociaux au Cameroun

Dans le deuxième cas de figure, il est à noter que l’éclairage


public ou privé est de nature à éloigner les agissements criminels de
manière substantielle. Pour s’en convaincre, on peut constater qu’il y a
moins d’agressions de jour comme de nuit, dans les grands carrefours
et les grandes artères des villes. On s’en réjouit aujourd’hui de
l’opérationnalisation des caméras de surveillance urbaine dans les
grands carrefours et des endroits à haute activité criminelle dans cette
ville depuis le 15 juin 2023. Toutefois, l’État ne pouvant tout faire, les
autorités encouragent les communautés et les habitants pris
individuellement, à œuvrer dans la pose des lampadaires dans les
différents quartiers de la ville. Ainsi, le schéma du triangle du crime ci-
dessous interpelle plus d’un, à prendre au sérieux les trois volets de
facteurs qui contribuent à la commission des actes criminels63 bien
qu’une telle approche se focalise sur des incidents spécifiques et sur les
conditions conduisant au crime, plutôt que sur la façon dont les
conditions sociales et économiques créent fabriquent les criminels.
D’ailleurs, on n’a qu’à évaluer l’importance des notions de défenseur
(acteur capable de contrôler les activités criminelles), de transgresseur
(acteur actif des comportements antisociaux), du gestionnaire (acteur
chargé de gérer un espace particulier. Il peut être engagé par la police
en vue d’améliorer un espace pour dissuader les criminels), de victime
(acteur passif vers qui, l’infracteur dirige ses comportements
antisociaux), du lieu (scène du crime ou des opérations criminelles), du
crime et du gardien (acteur chargé de décourager les activités
criminelles en protégeant les victimes potentielles, les espaces ou objets
touchés par les activités criminelles), des cibles criminelles64.

63
Ces facteurs pivotent autour de trois éléments : (1) Il doit y avoir un objet
ou une victime offrant à un criminel un certain niveau de profit, ce qui le pousse à
commettre un crime ; (2) Il doit y avoir un lieu dans lequel un crime peut se produire
et dans lequel un criminel peut raisonnablement estimer ne pas être appréhendé ; (3)
il doit y avoir un criminel motivé à commettre un crime.
64
Sur l’ensemble de la question, voy. UNODC-ONU/HABITAT, Manuel
Introductif sur les Activités de Police en Milieu Urbain, Série de manuels sur la justice
pénale, 2013, pp. 34 et ss.

188
JUS CIVITAS / RJPUG, Vol.1, N°1, Janvier 2024
JUS CIVITAS / RJPUG
Les substituts pénaux à l’épreuve de la remontée du phénomène des « microbes » sociaux au Cameroun

Tableau n° 2 : Le triangle du crime

CRIME

Cible / Victime

Gardien
Source : Lawrence E. Cohen et Marcus Felson, Social Change and Crime
Rate Trends : A Routine Activity Approach, American Sociological Review 44 : 4
(1979), pp 588-608.

À ce stade, le reproche que l’on peut faire dans le cadre


camerounais est que le système d’éclairage des quartiers n’est pas
automatique comme celui des grandes artères provenant du générateur
AES Sonel65. En effet, en marge des lampes crépusculaires, les
ampoules sont reliées à un câble connecté à un interrupteur posé dans
un domicile. Elles manquent parfois d’entretien et plongent les rues
dans l’obscurité permanente.
Quoi qu’il en soit, la sécurité est une affaire de tous. Et même
les hordes de délinquants qui sévissent dans les villes passent derrière
les barreaux, il n’en demeure pas moins qu’une chance peut leur être
offerte suivant la logique des substituts pénaux. Dans ce cas, il ne
s’agira plus des mesures préventives ou de sûreté ante delictum, mais
post delictum, puisque l’objectif est de prévenir autant que possible, la
récidive en milieu carcéral ou à la sortie de la prison.

2- Les mesures post delictum : le besoin de resocialisation


effective
Parlant des mesures post delictum, une remarque préalable doit
être formulée. Il faut se souvenir qu’il ne s’agit pas d’analyser les

65
C’est la société d’électrification d’énergie au Cameroun, en charge de
production, de transport, de distribution et de commercialisation de l’énergie
électrique.

189
JUS CIVITAS / RJPUG, Vol.1, N°1, Janvier 2024
JUS CIVITAS / RJPUG
Les substituts pénaux à l’épreuve de la remontée du phénomène des « microbes » sociaux au Cameroun

mesures postpénales de l’article 2066 du Code pénal qui relève plus de


l’approche juridico-répressive, étant donné que la vision
programmatique des substituts pénaux recouvre surtout la fonction
utilitaire du système pénal. Certes, l’approche criminologique tend à
phagocyter l’approche juridique. Ainsi, même étant en prison après la
commission d’une infraction, la prévention générale met davantage
l’accent sur la métamorphose du sujet criminel dans le sens de la
sociabilité, que de l’individualisation. Ceci réconforte l’idée de l’école
de la défense sociale et nous amène ainsi à considérer la prison métier
comme une piste de la politique criminelle préventive à consolider (a),
et l’insertion sociale comme un point de chute de la politique criminelle
(b).

a- Prison métier, une piste de politique criminelle à


consolider
En milieu carcéral et suivant la politique criminelle préventive
d’ordre général, le plus important n’est pas forcément de chercher à
appliquer les mesures de sûreté afin de réduire la terminabilité du
délinquant qui, selon l’école positiviste italienne du droit pénal menée
par GAROFOLO, désigne l’état dangereux ou la capacité criminelle de
l’infracteur ; mais la production des actions socio-économiques de
nature à amener le sujet criminel à un changement radical dans la
perspective d’une réinsertion sociale efficace. Ce qui lui permettra
d’éviter de retomber dans les travers qui le reconduiront à la maison
d’arrêt, tel un criminel d’habitude qui surfe sur la notion de « chevaux
de retour ».
Même si dans la doctrine positiviste italienne la notion d’état
dangereux du délinquant tend à se substituer à la notion de culpabilité,
puisque c’est le déterminisme et non le libre arbitre qui mène à l’acte
criminel, la formation du délinquant aux petits métiers en prison peut
l’aider à dominer sa labilité qui est l’une des quatre composantes du
noyau criminel, qui se caractérise par l’imprévoyance, le manque
d’organisation dans la durée et le défaut d’inhibition. Elle rend le sujet
inapte à renoncer aux satisfactions immédiates. Ce terme employé par
son précurseur Etienne De Greef et repris par Jean Finstel ne traduit que
l’état psychologique d’une personne incapable d’avoir d’autres options
de vie, puisque plombé par la loi de la saturation criminelle. Il est donc
important pour tout membre de la bande des jeunes gens qui sèment la
psychose au sein de la société à travers des méthodes barbares de
66
Pour la personne physique : L’interdiction de l’exercice de la profession,
la relégation, les mesures de surveillance et d’assistance postpénales, l’internement
dans une maison de santé (article 20-a du Code pénal).

190
JUS CIVITAS / RJPUG, Vol.1, N°1, Janvier 2024
JUS CIVITAS / RJPUG
Les substituts pénaux à l’épreuve de la remontée du phénomène des « microbes » sociaux au Cameroun

violence sur les personnes et d’extorsion de leurs biens, qu’on peut


« améliorer la terre par l’homme et l’homme par la terre »67. Les
« microbes » sociaux doivent cesser d’être des malades ambulants qui
n’attendent que le bon moment pour séjourner au campement de
pénitence.
Certes, certaines mesures administratives sont prises pour
l’éducation scolaire en prison avec des cours allant parfois de la classe
de sixième en terminale ; suivi de la présentation de ces élèves aux
examens officiels. Il en va de même des séances de catéchèse, de
l’apprentissage des petits métiers68, les séances de divertissement69.
Mais, il reste que l’une des critiques doctrinales de ces mesures
de rééducation porte sur celle pratiquée sur les détenus provisoires. Il
reste évident que ces personnes devraient être exclues de la rééducation
administrée aux condamnés. Pourtant, toutes ces mesures destinées à
éviter la récidive postpénale sont nécessaires à la réinsertion sociale
considérée comme un point de chute de la politique criminelle.

b- La réinsertion sociale : un point de chute de la


politique criminelle
L’idée centrale de la réinsertion comme mesure de
prévention criminelle est la resocialisation de ces hordes de jeunes
délinquants. La prévention se traduit ici par la capacité des ex-détenus
à capitaliser tous les acquis des formations pratiques reçues en prison,
pour redonner un sens à leur vie. Mais à la vérité, il semble inutile pour
les « microbes » sociaux de comprendre la nuance qu’il y a entre la
théorie économiste du crime (basée sur les conditions de vie comme
s’inscrivent la loi de la saturation criminelle et la loi thermique de la
criminalité) et la théorie économique du crime dont beaucoup de jeunes
délinquants semblent suivre, tout en surfant sur un prisme déformant
des avantages comparatifs assez réducteurs qui ne pourront
véritablement pas les aider dans leur investissement criminel.
Cette dernière théorie aussi appelée « théorie conservatrice du
crime » ou « théorie du choix rationnel », suppose que le résultat de
l’acte criminel est converti en équivalent monétaire dans les calculs de
67
Cet adage de l’école néoclassique italienne du XIXe siècle piloté par
ROSSI et ORTOLAN, au-delà du fait d’envisager le régime colonial pour l’exécution
de la peine des travaux forcés, permet antisocialistes de capitaliser ou de transformer
leur peine en une force de production et de réussite sociale.
68
Couture, broderie, maçonnerie, menuiserie, etc. Dans ce sens, voir aussi P.
CANNAT, « La prison », in RPDP 1982, pp. 27-40, p. 34.
69
Jeux et attractions divers (théâtres, football, handball, musique, etc.)
comme cela se fait la plupart des fins d’année ou pendant la période de fête de la
jeunesse, à la prison centrale de Kondengui à Yaoundé.

191
JUS CIVITAS / RJPUG, Vol.1, N°1, Janvier 2024
JUS CIVITAS / RJPUG
Les substituts pénaux à l’épreuve de la remontée du phénomène des « microbes » sociaux au Cameroun

maximisation de l'utilité et de l'estimation de la perte sociale.


L’avantage ou le profit pécuniaire tiré d’un acte quelconque semble
expliquer davantage aujourd’hui que naguère, l’ascendant
psychologique criminel de plusieurs citoyens fonctionnaires,
gestionnaires des fonds publics ou non. Dès lors, ils développent l’esprit
d’imagination sur les marges bénéficiaires de leurs actes criminels et
doivent avoir une utilité marginale croissante du revenu, traduite dans
le langage courant par ce que Jean Yves Caro appelle la « préférence
pour le risque »70. Dans ces conditions, ces personnes n’agissent que si
elles ont de bonnes raisons de le faire. Elles empiètent ainsi sur la
propriété d’autrui en utilisant les rouages juridiques ou d’hypocrites
pressions affectives dans certains cas, afin de grossir malhonnêtement
leur patrimoine privé. Pour Roger Merle et André Vitu, ce sont en
réalité des tortionnaires moraux qui, semant « le chagrin, la jalousie, la
honte ou le désespoir », provoquent des suicides. Ce sont aussi des
lâches qui, « sans aller jusqu’au faux témoignage, laissent par leur
silence condamner les innocents »71.
Or, pour les délinquants itinérants en général et les « microbes »
en particulier, la mesure du risque à payer ne semble pas toujours être
une logique objective, mais un défi à une démonstration de force, une
option de vengeance sociale, une nécessité de survivre par des moyens
peu orthodoxes ou alors la simple expression du mimétisme : « si les
grands prennent en haut ; nous les petits, on prend en bas », puisqu’il se
peut que la couleur de l’argent ne saurât traduire le riche ou le pauvre.
Pourtant, en suivant des exemples de réussite sociale avant tout
acte criminel ou après le passage dans une maison de détention, la
culture de l’expérience, de la compétence et de la patience peut amener
cas bandes de délinquants, bien que l’État doit faire des efforts dans la
formation professionnelle et la création des emplois jeunes, à inverser
la courbe de la tendance criminelle au profit d’une courbe de la sécurité
sociale, tout en comptant sur sa coopération informationnelle avec les
populations.

B- LE LEVIER DE LA COOPERATION INFORMATIONNELLE A


SCRUTER
La spécificité du mode opératoire de l’activité des « microbes »
sociaux au Cameroun impose un réajustement des actions de la police
judiciaire ou des autorités administratives envers la population qui,
tantôt est considérée comme un acteur actif dans la politique criminelle
70
J.-Y. CARO, « La théorie économique du crime », op.cit., note n° 5.
71
R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel, T.1, Problèmes généraux
de la science criminelle. Droit pénal général, 6e éd., Cujas, Paris, 1978, p. 35 in fine.

192
JUS CIVITAS / RJPUG, Vol.1, N°1, Janvier 2024
JUS CIVITAS / RJPUG
Les substituts pénaux à l’épreuve de la remontée du phénomène des « microbes » sociaux au Cameroun

d’anticipation rationnelle (1), tantôt comme un acteur nocif de


l’anticipation criminelle (2).

1- La population, un acteur actif de l’anticipation


criminelle
Au Cameroun, l’administration a mis en place depuis plusieurs
années des mécanismes de renseignements prévisionnels à travers des
numéros téléphoniques d’intervention d’urgence qui traduit le devoir de
coopération souhaitée avec le corps social (a), ainsi que les mécanismes
d’encadrement des comités de vigilance (b).

a- Le devoir de coopération souhaitée, l’émergence


des numéros d’urgence
En général, il serait incorrect de dire que la police ou la
gendarmerie couvrent toute l’étendue du territoire camerounais en
termes d’un officier ou d’un agent de police judiciaire par centaines de
mètres carrés, ou d’une patrouille par quartier. Le dire serait
logiquement irréaliste et techniquement impensable, même si le ratio
Densité de la population/nombre des FMO qu’ils soient de la
Délégation générale à la sûreté nationale (DGSN), du Secrétariat d’État
à la défense (SED) relève d’une analyse surréaliste. La vérité est qu’il
est déraisonnable de mener une politique de sécurité publique en
fonction du nombre d’habitants par mètre carré, puisqu’il sera difficile
de mettre un policier derrière chaque citoyen.
Dès lors, l’État camerounais a trouvé judicieux d’orienter dans
ce cas, sa politique criminelle dans le sens du renseignement
prévisionnel qui permet aux populations de donner de manière
instantanée, toute information relative à tout acte de déviance constaté
ou en voie de préparation dans les quartiers. La raison en est simple :
c’est au sein de la population que tous les fauteurs de troubles vivent :
dans la famille, dans le voisinage, les mouvements suspects de certains
individus dans les quartiers en général, ou dans les lieux de détentes ou
de loisirs (bars, boîtes de nuit), les marchés, les évènements
socioculturels (baptêmes, anniversaires, centres sportifs, les lieux des
fêtes légales ou religieuses, les célébrations de médailles, mariages, les
cérémonies culturelles, les enterrements, les conférences nationales ou
internationales, etc.).
Fort de ce constat, plusieurs numéros verts ont été mis à la
disposition des populations pour une collaboration proactive ou
interactive. Il s’agit entre autres du pôle Eco-matin des numéros 117 de
la police nationale et 113 du centre d’opération de la gendarmerie
nationale ; le numéro 119 de permanence de soins ambulatoires

193
JUS CIVITAS / RJPUG, Vol.1, N°1, Janvier 2024
JUS CIVITAS / RJPUG
Les substituts pénaux à l’épreuve de la remontée du phénomène des « microbes » sociaux au Cameroun

(médecins de garde) ; et pour l’hypothèse des actes entraînant la montée


des flammes, du numéro 118 du Samu72 social et spécifiquement pour
le cas également des personnes sans-abri. Et pour éviter les dérives
éventuelles que pourraient causer des gendarmes aux usagers, le
numéro 1501 est mis à la disposition des usagers depuis 2019 pour
dénoncer tout acte de corruption, de harcèlement et d’abus de pouvoir
des pandores.
Toujours est-il que sur le plan pratique, la plus grande difficulté
se trouverait au niveau des appels de complaisance, des fausses alertes,
des appels fausses pistes mettant une éventuelle intervention à l’opposé
du lieu du crime, les moyens d’intervention insuffisants et les voies
d’accès difficiles dans les quartiers n’ayant pas respect les normes
d’urbanisme et de construction. Cet état de choses a amené
l’administration à orienter les actions de prévention criminelle dans
l’organisation interne des communautés, à travers des comités de
vigilance.

b- Le devoir de coopération à encadrer, les comités


de vigilance
Face à l’incapacité des États à endiguer complètement les
nouvelles formes de criminalité telles les bandes urbaines de
délinquants évoluant en groupe, les autorités étatiques sont souvent
amenées à emboîter le pas aux entités communautaires qui, vivant
constamment dans une phobie sécuritaire et une précarité sociale
ambiante, réagit par la constitution des dispositifs privés de vigilance
ou d’autodéfense dans les divers quartiers, considérés comme étant des
« capteurs humains de la chaîne de renseignement »73. D’essence
sociopolitique stabilisatrice au départ, ces structures ont connu par la
suite une prospérité sociosécuritaire dans leur aspect global.
Premièrement, de par sa genèse, il ressort que les comités de
vigilance sont des regroupements des jeunes gens par quartiers ou par
zones sujettes à des menaces récurrentes des délinquants, inhérentes
aux problèmes démocratiques, à la menace de la stabilité politique et de
la paix74.
72
Ce corps a été créé au Cameroun par décret n° 86/28 605 avril 1985.
73
L. R. ZAM, « Le rôle de la victime dans la prévention de la radicalisation :
étude comparée des systèmes pénaux camerounais et français », inédit, p. 9 ; A.
MBOUTCHOUANG KOUNTCHOU, Criminalité urbaine et comportements des
ménages : un examen de la demande de sécurité dans la ville de Yaoundé, Cameroun,
thèse de doctorat, Université de Dschang, 2018, pp. 88 et s.
74
P. NKOU MVONDO, « La justice parallèle au Cameroun : la réponse des
populations camerounaises à la crise de la justice de l’État », CAIRN, éd., Juridiques
ass./Droit et sociétés 2002/2, n° 51-52, p. 379.

194
JUS CIVITAS / RJPUG, Vol.1, N°1, Janvier 2024
JUS CIVITAS / RJPUG
Les substituts pénaux à l’épreuve de la remontée du phénomène des « microbes » sociaux au Cameroun

Deuxièmement, ces organisations infra-étatiques jouent


aujourd’hui un rôle sociosécuritaire à l’égard des citoyens. La nouvelle
mission des comités d’autodéfense ou de vigilance est d’installer autour
des quartiers des ceintures de sécurité généralement de nuit, afin de
compléter l’action des pouvoirs publics dans la sécurisation des
personnes et de leurs biens. Leurs actions intègrent le contrôle de toute
personne suspecte ou non qui entre ou sort du quartier à une heure
tardive. En plus, ils sont astreints au devoir de collaboration avec les
structures répressives dans la dénonciation, les interpellations et la
détection des présumés hors-la-loi.
Quoi qu’il en soit, l’intérêt des comités d’autodéfense ou
Groupe de Surveillance des quartiers-GSQ se situe aujourd’hui à au
moins trois niveaux. D’abord, leur présence est plus dissuasive et
permet de réduire le rythme d’incursion des bandes de délinquants dans
les quartiers ou les domiciles. Dans la conclusion d’une étude non
moins récente, Prosper NKOU MVONDO fait remarquer que les
justices parallèles participent à leur façon à la régulation sociale, au
maintien de la paix75. Ensuite, dans les quartiers où il existe le comité
de vigilance, la justice populaire tend à subir une cure
d’amaigrissement, car n’étant plus l’affaire de "Monsieur tout le
monde".
Certes, des griefs ne manquent pas quant aux éventuelles dérives
constatées quant à l’opérationnalisation des activités des comités de
vigilance dans les quartiers. À la vérité, deux griefs sont généralement
adressés à l’intervention des comités d’autodéfense : la forte tendance
à la substitution des faits aux agents pénaux et à l’anarchie populaire,
conjuguée à la forte tendance au tribalisme. Au Tchad par exemple, on
reproche aux jeunes des quartiers de la capitale politique (D’jamena) de
se regrouper par affinités ethniques et régionales. On estime par
conséquent que dès lors que les voleurs sont de ou des ethnies
différentes, le délit de faciès peut vite arriver76.
C’est sans doute pour résoudre ce problème sur le plan global
que les municipalités, on l’a déjà souligné, procèdent de plus en plus
aux mesures de la prophylaxie criminelle qui consistent à l’éclairage
des rues et des quartiers. L’accent est mis sur les carrefours, les ruelles
principales, les points drainant un nombre important de personnes, etc. ;
sans toutefois oublier les mesures de protection personnelle telles que
les chiens de garde dont les races les plus recherchées sont les bergers
allemands ou danois, les rothweillers ou les dobermans.
75
P. NKOU MVONDO, ibidem., p. 381.
76
Ces pratiques ont été largement décriées même par les journaux ; cf. Le
progrès, 1er novembre 2003.

195
JUS CIVITAS / RJPUG, Vol.1, N°1, Janvier 2024
JUS CIVITAS / RJPUG
Les substituts pénaux à l’épreuve de la remontée du phénomène des « microbes » sociaux au Cameroun

On le voit bien, les comités de vigilance semblent ne pas


toujours apporter la sérénité au sein de la population et sont de plus en
plus qualifiés de comités de turbulence malgré le fait que les dérives
qu’ils peuvent orchestrer, ne sauraient avoir la même ampleur, malgré
que dans certaines hypothèses, la population se trouve même être un
acteur passif de l’anticipation criminelle.

2- La population, un acteur nocif de l’anticipation


criminelle
La population n’intervient pas toujours pour faciliter la tâche
aux services de maintien de l’ordre. Parfois, bon gré mal gré, elle
empêche les organes de lutte et de répression criminelle à passer un peu
à côté des objectifs de prévention criminelle dans le cadre des alternatifs
pénaux. Ceci provoque une coopération de lutte anticriminelle en berne
(a), malgré les implications de la loi du retour (b).

a- La coopération de lutte anticriminelle en berne


Il s’agit de l’hypothèse où la population semble ramer à contre-
courant de la logique d’anticipation rationnelle des FMO : on dit que la
coopération est mise en veilleuse ou est en état de dormance ou de
somnolence. Cette situation est matérialisée dans le cadre des enquêtes
d’auto-confession ou d’autoportrait. Ces techniques d’approche
criminelle consistent à s’adresser à un groupe de personnes prises dans
l’ensemble de la population et à les interroger sur les infractions
commises par ses membres et les suites données à ces infractions.
Certes à l’origine, elles étaient destinées à la criminalité réelle et
éventuellement, à comparer les délinquants demeurés inconnus avec
ceux qui avaient été arrêtés et condamnés. Mais de plus en plus, les
partisans de la criminologie dite de la réaction sociale leur assignent
d’autres finalités. Ils y voient désormais un instrument d’étude de la
manière dont se produit cette réaction et les criminologues cliniciens les
utilisent sous la forme de questionnaires de délinquance cachée pour
reconstituer les carrières criminelles ou pour mieux asseoir les
statistiques sur l’état dangereux et les statistiques de la récidive. Ce qui
pourrait être une belle opportunité dans une étude longitudinale des
« microbes » sociaux au Cameroun.
Au Cameroun, ces enquêtes présenteraient une grande
utilité dans la dynamique criminelle en général et la criminalité en
bande organisée en particulier : estimation du nombre de « microbes »
sociaux, comparaison entre les délinquants officiels et les délinquants
non connus, étude des carrières criminelles, composition des groupes
de contrôles policiers, formation des personnes supposées innocentes

196
JUS CIVITAS / RJPUG, Vol.1, N°1, Janvier 2024
JUS CIVITAS / RJPUG
Les substituts pénaux à l’épreuve de la remontée du phénomène des « microbes » sociaux au Cameroun

dans la perspective d’un esprit de collaboration, approche indirecte des


méthodes de poursuites et de mise aux arrêts des délinquants connus
par la population ou non. Seulement, sur le plan de la sociologie
criminelle, ces enquêtes vont présenter sûrement d’importants défauts
non seulement par rapport à la collaboration ou à la réaction amorphe
des populations, mais aussi à cause de son caractère scientifique assez
dubitatif.
S’agissant principalement du handicap relatif à la réticence des
populations camerounaise face à ces enquêtes, elles ne savent pas
toujours ou acceptent difficilement les enjeux de telles actions. Elles
estiment globalement aussi, que les enquêtes policières sont davantage
des guets-apens soit pour les nuire, soit pour les arrêter pour complicité
d’une infraction quelconque des « microbes », soit pour arrêter à
postériori les présumées hordes délinquantes jamais connues ou en
fuite. Dans cette occurrence, tout l’intérêt devait désormais se porter sur
les enquêtes de victimisation. Or, même dans ce cadre, les promesses
de vengeance des hors-la-loi nés de la « loi du retour », ne prédispose
pas toujours la population à coopérer efficacement avec les services de
répression criminelle, bien que cet état de choses entraîne le phénomène
de reportabilité différentielle avec comme effet direct, l’existence du
Dunkelfeld77.

b- La coopération de lutte anticriminelle sous


perfusion de la loi du retour
La loi de retour suivant la logique des « microbes » sociaux au
Cameroun suppose que, la horde de jeunes gens après que l’un d’eux,
leur ami ou connaissance ait subi un acte de violence quelque part,
décide de revenir sur les lieux où la personne a subi le préjudice, venger
farouchement et sans ménagement leur protégé des supposés
commanditaires. C’est fort de ce mode de réaction qu’une enquête
d’auto-confession ou d’autoportrait, ou même celle de victimisation,
aboutit généralement à l’impasse au sujet de l’identité des infracteurs,
même si une personne ou une victime connaît parfaitement plusieurs
membres de la horde des « microbes ». Il s’agit donc de la peur des

77
Cette expression allemande signifie Black number en anlgais et chiffre noir
en français. Du chiffre noir, on distingue ici le chiffre gris ou Dunkelziffer c’est-à-dire
le nombre des auteurs des crimes non identifiés par la police, bien que les crimes
soient effectivement commis. Sur l’ensemble de la question, cf., M. HISRCH, « Les
chiffres cachés de la statistique criminelle », R.C.P.T., 1956, p. 110 ; H. BEKAERT,
« L’impunité », in Revue de l’institut de sociologie de l’Université de Bruxelles, 1963,
1. p. 133.

197
JUS CIVITAS / RJPUG, Vol.1, N°1, Janvier 2024
JUS CIVITAS / RJPUG
Les substituts pénaux à l’épreuve de la remontée du phénomène des « microbes » sociaux au Cameroun

actes de représailles par ces délinquants sur toute personne qui tenterait
de décliner leurs identités aux services de maintien de l’ordre.
À la vérité et s’agissant de l’enquête de victimisation, le
problème ne se poserait pas en termes de collecte des données liées à
l’acte criminel, mais en termes d’identification des délinquants. C’est
du moins ce qui peut ressortir d’une enquête du PNUD en 2001 sur de
la délinquance urbaine à Yaoundé. C’est dire que contrairement à
l’enquête d’auto-confession portant sur les personnes ayant eu
connaissance des infractions, l’enquête de victimisation consiste à
interroger un groupe de personnes sur les infractions dont elles ont été
victimes78. Même si ces enquêtes peuvent avoir un objectif clinique
c’est-à-dire qui tend à rechercher les mécanismes psychosociaux qui
commandent le phénomène de victimisation lié aux actes posés par les
« microbes » sociaux, elles ont davantage un objectif de sociologie
pénale et non de criminologie véritable, en s’intéressant davantage aux
plaignants79 en tant que catégorie sociologique et non point aux
victimes comme catégorie criminologique80.

Sans rentrer dans la sphère de controverse de la philosophie


criminelle, il est important de constater que l’histoire a jugé peut-être
sévèrement la frange de la doctrine qui, dans le passé, frayait un
nouveau chemin (celui de la prévention criminelle dans toutes ses
dimensions) pour un redressement utile des délinquants ou une défense
sociale spécifique, écartant de manière spontanée la logique répressive
du droit pénal. Toutefois, les différentes stratégies mises en place
progressivement par l’État ou les communautés, doivent être moulées
dans un système planification, de management et d’amélioration
continue. Il s’agit de mettre en place des mesures de prophylaxie sociale
générales ou individuelles, simples, modernes et adaptées aux
pathologies sociales ; car, « les délinquants présentent donc cette

78
À Yaoundé IIe, en 2001, sur une population estimée à 250 000 habitants,
près de 70 % de personnes consultées entre janvier et juillet affirment avoir été
victimes de l’insécurité. Il en est de même de Yaoundé III e pour lequel, sur une
population sur près de 300 000 habitants, le taux de victimisation était de 41,7 %. À
Yaoundé VIe, on a : Biyem-assi (75 % du taux de victimisation), Melen mini-ferme
(70 %) et Etoug Ebé (50 %), qui sont les zones les plus criminogènes de cet
arrondissement. Sur l’ensemble de la question, PNUD, Diagnostic de la délinquance
urbaine à Yaoundé, 2001, pp. 60 et s.
79
C’est ainsi qu’entre janvier et juillet 2001, les crimes et délits enregistrés
par FMO à Yaoundé sont entre autres, les vols simples (49,6 %), les braquages
(19,5 %), les viols (3,5 %), les cambriolages et braquages (16,8 %) et autres
infractions (10,81 %).
80
R. GASSIN, Criminologie, 4e éd., Paris, Dalloz, 1998, p. 119.

198
JUS CIVITAS / RJPUG, Vol.1, N°1, Janvier 2024
JUS CIVITAS / RJPUG
Les substituts pénaux à l’épreuve de la remontée du phénomène des « microbes » sociaux au Cameroun

particularité d'être portés à commettre non seulement des crimes, mais


une diversité d'actes déviants et risqués : des "bêtises" »81.
Dans cette perspective, les shareholders ont la lourde mission
de traiter sur mesure, les pathologies criminelles en stoppant de manière
progressive les facteurs criminogènes, qu’ils soient endogènes ou
exogènes parfois issues des phénomènes migratoires. Si l’éducation
semble être une arme fatale de lutte anticriminelle, entre autres mesures
prophylactiques, il y a lieu de mentionner que le binôme Formation-
Employabilité doit être valorisé ; au même titre que l’encadrement des
entités familiales, le développement d’un système de lutte contre la
consommation des substances psychotropes, que le suivi et l’entretien
du nouveau système de caméra ou vidéosurveillance.
Ainsi, il faut suggérer aux metteurs en scène sociopolitiques, la
nécessité de mise en œuvre de certaines politiques criminelles
proactives telles que : la mobilisation et la coordination de différents
secteurs et partenaires, le diagnostic de la sécurité urbaine en particulier
et de la sécurité nationale en général, l’élaboration d’un plan d’action
stratégique sur fond de plan quinquennal, l’implantation du plan
d’action adopté, et enfin, le monitorage et l’évaluation du plan d’action.
En tout état de cause, la criminalité devrait occuper une place
prépondérante dans l’esprit des planificateurs du développement, et les
idées relatives à la lutte contre la criminalité devraient influencer tous
les aspects des projets de développement.

81
M. CUSSON, Criminologie actuelle, Canada, 1998, 323 pages. Un
document produit en version numérique par Jean-Marie TREMBLAY au Cégep de
Chicoutimi, p. 117.

199
JUS CIVITAS / RJPUG, Vol.1, N°1, Janvier 2024
JUS CIVITAS / RJPUG
Les substituts pénaux à l’épreuve de la remontée du phénomène des « microbes » sociaux au Cameroun

200
JUS CIVITAS / RJPUG, Vol.1, N°1, Janvier 2024

Vous aimerez peut-être aussi