Vous êtes sur la page 1sur 16

1

Remerciements

Nous exprimons notre sincère gratitude envers Mr Maatouk Salah-eddine pour ses conseils
inestimables, sa disponibilité constante, son soutien indéfectible, et ses avis éclairés. Nous
avons la conviction que ce travail est à la hauteur de ses attentes élevées. Nous tenons
également à exprimer notre reconnaissance envers l'ensemble de l'équipe pédagogique de
l'université Sidi Mohamed Ben Abdellah, qui nous a fourni les outils indispensables pour
mener à bien nos études et nos recherches. Enfin, un immense merci à tous les membres du
groupe qui ont contribué à la réussite de ce travail collaboratif.

2
Plan

Introduction
PARTIE 1 : L’étendue de la responsabilité pénale des dirigeants
Chapitre 1 : La mise en œuvre de la responsabilité pénale des dirigeants
Section 1 : Le cadre juridique de la responsabilité pénale des dirigeants
Section 2 : Les différentes formes de responsabilité pénale des dirigeants
Chapitre 2 : L’exonération de la responsabilité pénale des dirigeants
Section 1 : Conditions relatives au déléguant
Section 2 : Conditions concernant le délégataire

PARTIE 2 : L’approche jurisprudentielle sur la responsabilité pénale des dirigeants


Chapitre 1 : La responsabilité pénale des dirigeants à la lumière du code pénale
Section 1 : Une responsabilité de droit commun
Section 2 : La responsabilité pénale des dirigeants dans la jurisprudence
Chapitre 2 : L’extension de la responsabilité pénale des dirigeants en matière des
difficultés des entreprises
Section 1 : Les facteurs qui déclenchent la responsabilité pénale
Section 2 : Etude de cas
Conclusion

3
Introduction

« Un dirigeant d’entreprise est une personne qui prend un peu plus que sa part du blâme
et un peu moins que sa part d’honneur »
Cette citation montre qu’être un dirigeant d’une entreprise ne se limite pas à un titre, un prestige
ou une autorité, c’est surtout une responsabilité. Le dirigeant occupe le rôle du pouvoir exécutif
dans la société, et prend les décisions importantes au nom et pour le compte de celle-ci. C’est
le représentant de la société ainsi que les associés. Ses décisions peuvent être déterminantes :
en conduisant la société vers la prospérité ou au contraire vers une décadence.
Le dirigeant d’entreprise est responsable de ses actes personnels, mais il est également
responsable des infractions effectuées dans son entreprise. Il appartient au dirigeant de s’assurer
que la législation soit respectée au sein de sa société. Dans le cas contraire, il endosse toutes les
responsabilités liées aux infractions commises dans l’entreprise, car
« Ce ne sont pas les sociétés qui font des erreurs, ce sont les dirigeants »
Le législateur avait investi le gérant de pouvoirs énormes en matière de gestion et direction de
la société. Cependant ces pouvoirs exorbitants correspondent à des obligations pouvant mettre
en cause la responsabilité du gérant tant au niveau civil que pénal.
De ce fait, le monde des affaires repose de plus en plus sur le principe de la bonne gouvernance
d’entreprise qui a émergé en tant que système de réglementation, de lois, d’institutions destinés
à encadrer la manière dont l’entreprise est dirigée, administrée, contrôlée qui implique une
responsabilisation de l’entreprise et de ses organes. Cette équation a une importance
considérable dans le monde des affaires reposant sur l’activité des sociétés. En vue de ne pas
compromettre le développement du tissu sociétaire, le législateur a mis sur pied des dispositions
pénales, un arsenal répressif impressionnant : le droit pénal commun qui incrimine
l’escroquerie, l’abus de confiance….
Il est complété par un véritable arsenal d’infractions spéciales tel que l’abus des biens, du crédit,
du pouvoir, des voix, la présentation ou la publication de comptes annuels ne donnant pas une
image fidèle.
Dans le paysage historique, c’est avec les mutations de la conjoncture économique en général
et des sociétés en particulier qu’a émergé la volonté d’encadrer pénalement les organes de la
société, cette notion de responsabilité pénale des dirigeants n’a pas toujours existé. Or, le droit
pénal des sociétés et des entreprises en difficultés est un droit jeune.
Au Maroc, des années 40 à 90, le droit des affaires et le droit des sociétés marocains étaient
caractérisés par leur « sous pénalisation ». A partir des années 90, la modernisation du droit
marocain des sociétés s’est inscrite dans un vaste mouvement de mise à niveau du droit
marocain des affaires à travers sa pénalisation et notamment le régime de la responsabilité des
dirigeants de l'entreprise. Au moment où le législateur marocain « mettait à niveau » le droit
des sociétés par une transposition des mêmes infractions et sanctions de la loi française, une
réflexion a été engagée vers le milieu des années 90 pour proposer une modernisation qui a pris
la forme d'une dépénalisation d'une partie de cette loi.
Au Maroc, à partir de 1995, dès la promulgation, le 30 Août 1996, de la loi sur les sociétés
anonymes, des critiques se sont élevées pour souligner les limites d'une « modernisation » où
les lois marocaines ont vu le jour, la réflexion sur la dépénalisation du droit des sociétés était

4
très avancée et regrettant que les rédacteurs de la loi n'aient pas mis à profit ces réflexions lors
de son élaboration.
Les dirigeants sociaux exercent une fonction dangereuse, pour eux-mêmes, pour la société et
envers les tiers. Ce danger se manifeste par la gravité de certaines fautes qu’ils peuvent
commettre. C’est ainsi que la responsabilité pénale des dirigeants sociaux est aux cœurs des
débats entre partisans et détracteurs de la dépénalisation. Elle présente à la fois un intérêt
théorique et un intérêt pratique.
La responsabilité du chef de l'entreprise prend une importance particulière dans le contexte
marocain caractérisé par la volonté des pouvoirs publics d'introduire une plus grande
transparence, sauvegarder l’éthique dans les affaires et d'assainir le fonctionnement de
l'économie afin d'améliorer l'attractivité des investissements, notamment étrangers, à la
recherche d'un environnement juridique sain et d'une justice impartiale.
D’un point de vue pratique, ce sujet a fait l’objet d’une jurisprudence abondante, le fait de se
baser sur les solutions dégagées notamment par la jurisprudence et la doctrine marocaine en la
matière. Paraît donc pertinent et pourrait permettre de préciser la portée du régime de la
responsabilité pénale à appliquer au cas marocain et contribuer ainsi à éclairer les tribunaux
marocains sur les solutions à retenir aux cas d’espèces.
Il ressort de ce qui précède que nous avons choisi de traitée la problématique suivante dans le
cadre notre sujet : Quelles est responsabilité pénale des dirigeants sociaux à la lumière du
droit pénal marocain ?
Il convient d'analyser tout d'abord l’étendue de la responsabilité pénale des dirigeants dans
la première partie, et l’approche jurisprudentielle la responsabilité pénale des dirigeants
dans la deuxième partie.

5
PARTIE 1 : L’ETENDUE DE LA RESPONSABILITE PENALE DES DIRIGEANTS.
La responsabilité pénale des dirigeants est une notion juridique qui engage la responsabilité
individuelle des hauts responsables d'une entreprise, organisation ou entité, pour des actes
criminels commis dans le cadre de leurs fonctions. Cette responsabilité découle du principe
selon lequel les dirigeants peuvent être tenus personnellement et légalement responsables des
actions répréhensibles commises au sein de l'entité qu'ils dirigent.
CHAPITRE 1 : La mise en œuvre de la responsabilité des dirigeants
La responsabilité pénale des dirigeants désigne la prise en compte individuelle des hauts
responsables d'une entreprise, organisation ou entité pour des actes criminels commis dans le
cadre de leurs fonctions. Cela implique que ces dirigeants peuvent être tenus légalement
responsables sur le plan pénal pour des infractions commises au sein de l'entité qu'ils dirigent.
La notion vise à assurer que les dirigeants répondent personnellement des actions
répréhensibles, renforçant ainsi la responsabilité individuelle dans le contexte de la
gouvernance d'entreprise et du respect des lois.
Section 1 : Le cadre juridique de la responsabilité pénale des dirigeants
Le dirigeant de fait est celui qui, sans avoir été nommé dirigeant par les statuts ou par une
décision de l’organe compétant, en assume les fonctions (article 100, loi n°5-96) 1
Il est susceptible de recevoir application d’une partie du régime des dirigeants sociaux, plus
particulièrement des conséquences de la responsabilité civile et de la responsabilité pénale des
dirigeants.
Néanmoins, la qualité de dirigeant de fait ne pouvant être présumée, il appartient à celui qui en
soutient l’existence d’en apporter la preuve.
Sauf prescription de l’action, il est à noter que le dirigeant licencié ou démissionnaire peut être
poursuivi pour des fautes antérieures à la cessation de ses fonctions, par conséquent, la
révocation ou la démission d’un dirigeant ne le met pas à l’abri de poursuites pénales
Qu’il soit de droit ou de fait, le dirigeant fait face à un risque pénal très important relatif aux
différentes infractions qui peuvent lui être imputable et engager de ce fait sa responsabilité
pénale.
L’article 706 du code de commerce détermine les faits constituants une faute de gestion grave
ou lourde et justifiant la soumission du dirigeant au redressement et liquidation judiciaire.
Pour la répression pénale de ces infractions, les articles 106 à 117 de la loi 5-96 prévoient une
peine d’emprisonnement de 1 à 6mois et d’une amende pouvant aller jusqu’à 100000 dhs pour
les dirigeants des SNC, SCS, SARL.
L’article 384 de la loi 17-95 prévoit l’emprisonnement d’un à six mois et d’une amende de
100.000 à 1.000 .000 dhs pour les membres des organes d’administration, de direction ou de
gestion d’une SA.

1
ANDRE, akam, la responsabilité civile des dirigeants sociaux en droit OHADA in revue internationale de droit
économique p 211-243

6
Section 2 : Les différentes formes de responsabilité pénale des dirigeants
La responsabilité pénale des dirigeants peut revêtir différentes formes en fonction des actions
ou des omissions commises. Ces différentes formes sont généralement déterminées par la nature
des infractions et le degré d'implication du dirigeant. On peut distinguer plusieurs catégories de
responsabilité pénale des dirigeants :
Responsabilité Pénale Individuelle : Les dirigeants peuvent être tenus
individuellement responsables des infractions pénales qu'ils commettent
personnellement. Cela inclut des actions telles que la fraude, la corruption, le
blanchiment d'argent, ou d'autres délits qui peuvent être imputés directement à leur
comportement.

Responsabilité Pénale par Négligence : Si un dirigeant ne remplit pas ses obligations


de manière appropriée et que cela entraîne des conséquences pénales, il peut être tenu
responsable pour négligence criminelle. Cela peut inclure des cas où le dirigeant aurait
dû prendre des mesures pour prévenir des infractions, mais a omis de le faire.

Responsabilité Pénale pour les Actes de Subordonnés : Les dirigeants peuvent


également être tenus responsables des actes criminels commis par leurs subordonnés s'il
est prouvé qu'ils avaient connaissance de ces activités illégales et qu'ils n'ont rien fait
pour les empêcher.

Responsabilité Pénale de l'Entreprise : Dans certains cas, la responsabilité pénale


peut également être imputée à l'entreprise elle-même, avec des conséquences pour les
dirigeants. Cela peut se produire lorsque les infractions sont commises au nom de
l'entreprise, et que la direction est considérée comme ayant joué un rôle dans ces actes
répréhensibles.

Responsabilité Pénale pour Non-Respect des Règlements : Certains secteurs sont


réglementés de manière stricte, et les dirigeants peuvent être tenus pénalement
responsables s'ils ne respectent pas ces réglementations. Cela peut inclure des lois
spécifiques à l'industrie, comme les réglementations financières, environnementales, ou
de santé et sécurité au travail.

CHAPITRE 2 : L’exonération de la responsabilité pénale des dirigeants


La responsabilité pénale des dirigeants connaît des limites qui permettent à ces derniers de
prévenir le risque qu’ils encourent à l’engagement de leur responsabilité.
A cet effet, n’est pas pénalement responsable la personne qui a agi sous l’empire d’une force
ou d’une contrainte à laquelle elle n’a pas pu résister, que ça soit une contrainte physique ou
morale, à condition qu’elle soit irrésistible, imprévisible et également inévitable.
La force majeure fait donc une cause d’exonération de la responsabilité pénale des
dirigeants 2.
Il existe d'autres raisons telles que :

2
LA RESPONSABILITE PENALE DES DIRIGEANTS ; Entre théorie et jurisprudence.

7
L’impossibilité pour le dirigeant d’influencer le comportement du contrevenant :
l’un de ses salariés emprunte un véhicule appartenant à la société sans en avoir
l’autorisation et commet une infraction
L'absence de faute d’imprudence, de négligence ou de manquement à une
obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement : Tous sont
considérés comme des causes d'exonérer les dirigeants de leur responsabilité pénale.

La légitime défense : Si le dirigeant a agi pour se défendre ou défendre autrui contre


une menace immédiate.

L'ordre légitime : Si le dirigeant a agi conformément à des ordres légitimes et n'a pas
eu connaissance de l'illégalité de ses actions 3.

A ces causes s’ajoute la délégation de pouvoir consentie par les dirigeants de droit à leurs
collaborateurs pour assurer le bon fonctionnement de l'entreprise afin de s'assurer que les
décisions prises dans le cadre de l'exercice des pouvoirs du dirigeant produisent leurs effets aux
différents échelons de l'organisation de la société.
La jurisprudence admet que le chef d’entreprise puisse transférer sa responsabilité pénale par
délégation de pouvoirs, établie sous certaines conditions et dans certaines limites, à un préposé
pourvu de la compétence, de l’autorité et des moyens nécessaires.
Une telle délégation, lorsqu’elle est valable, déplace la responsabilité de la tête du dirigeant de
la société sur celle du délégué, c’est souvent le cas pour les ingénieurs à la sécurité, les chefs
de garage dans les entreprises de transports, etc.
La délégation de pouvoirs ne constitue une cause d'exonération de la responsabilité du dirigeant
que dans la mesure où elle remplit cumulativement certaines conditions
Section 1 : Conditions relatives au déléguant
Le dirigeant ne doit pas avoir personnellement pris part à la réalisation de l'infraction. Aussi la
délégation de pouvoirs invoquée par le dirigeant d'un établissement financier poursuivi pour
délit d'initié est privée d'effet dès lors que l'intéressé a pris la décision de vendre les titres
litigieux sur le marché et s'est ensuite informé constamment de l'exécution de l'ordre de vente.
Il est noté que cette délégation doit remplir des conditions de fond, la délégation de pouvoirs,
dont l'existence est souverainement appréciée par les juges du fond, doit être certaine, précise
et, par conséquent, exempte de toute ambiguïté.
La délégation n'est admissible que si elle se caractérise par un minimum de durée et de stabilité.
Le caractère permanent de la délégation est souvent rappelé par la cour de cassation. En effet,
la mission confiée au délégataire est illusoire si le temps dont il dispose est très court et si elle
est trop souvent interrompue.
L'objet de la délégation doit malgré tout être limité, si bien qu'est irrégulière la délégation
opérant un transfert de la totalité des pouvoirs du délégant.

3
Article ; Responsabilité pénale du dirigeant : quels sont les risques encourus ? Me Arthur Benchetrit Avocat,
spécialisé en droit des affaires

8
L'administration ne peut pas porter sur les pouvoirs d'administration assumés par les
mandataires sociaux.
Le dirigeant ne saurait, pour s'exonérer de sa responsabilité pénale, se prévaloir d'une délégation
de pouvoirs qu'il n'a pas lui-même consentie. La solution est logique. Dès lors que le
représentant légal de la société est présumé responsable des infractions et qu'il n'a pas délégué
ses pouvoirs, il ne parait pas convenable qu'il puisse se dégager de sa responsabilité en
invoquant une délégation de pouvoirs consentie par un tiers 4.
Section 2 : Conditions concernant le délégataire
Il doit en outre remplir trois caractères cumulatifs pour que la délégation puisse valablement
fonder une exonération de la responsabilité pénale du délégant :

La compétence : c'est-à-dire l'aptitude professionnelle du délégataire à assumer et


exécuter sa mission. Cette aptitude est à la fois technique et juridique puisque la
responsabilité pénale est fondée sur la violation d'une règle de droit.

L’autorité : c'est le pouvoir de donner des ordres, des consignes et de les faire
appliquer au besoin par le recours à des sanctions. Une délégation de pouvoir qui ne
permet pas à son titulaire de manifester son autorité par des instructions et qui ne
donne aucun pouvoir précis de sanction n'est pas valable. L'autorité sous-entend donc
l'indépendance du délégataire pour la mise en œuvre effective des pouvoirs délégués.
Ainsi, il a été jugé que « qu'un supérieur hiérarchique qui s'immisce dans le
déroulement des tâches en rapport avec la mission du délégataire supprime
l'autonomie d'initiative inhérente à toute délégation effective ».

Les moyens nécessaires : La compétence et l'autorité sont insuffisantes pour qualifier


une délégation d'acte valide. Il faut, en plus, doter le délégataire de moyens humains,
techniques et matériels pour accomplir réellement la mission.

PARTIE 2 : L’approche jurisprudentielle sur la responsabilité pénale des dirigeants


En raison de l'importance prépondérante de cette question dans le contexte juridique marocain,
il est impératif de procéder à une analyse approfondie des solutions et des interprétations
élaborées par la jurisprudence marocaine concernant la responsabilité pénale des dirigeants.
Ceci s'applique tant aux dispositions du Code pénal qu'à celles du Code de commerce, en se
penchant spécifiquement sur celles afférentes aux complexités rencontrées par les entreprises.
CHAPITRE 1 : La responsabilité pénale des dirigeants à la lumière du code pénal
Le code pénal marocain prévoit que certains faits engagent la responsabilité pénale des
dirigeants si ces derniers les ont commis frauduleusement. C'est le cas notamment si le dirigeant
Section 1 : Une responsabilité de droit commun

4
https://www.memoireonline.com/12/08/1661/La-responsabilite-penale-des-dirigeants-de
lentreprise.html#fn21

9
La responsabilité pénale des dirigeants repose, premièrement, sur la commission d'une
infraction. Deuxièmement, cette infraction doit être perpétrée dans le cadre des activités de
l'entreprise, impliquant un ou plusieurs employés. Par conséquent, la responsabilité pénale d'un
dirigeant peut être engagée s'il est établi qu'il a commis ou participé à une infraction, ou s'il a
négligé son devoir de veiller personnellement à la conformité aux lois. Dans de telles
circonstances, il se trouve dans l'obligation d'assumer les conséquences pénales de sa
responsabilité.
À cette fin, le Code pénal marocain énumère diverses infractions généralement qualifiées de
telles, étant susceptibles d'engager la responsabilité pénale de tout dirigeant social. À titre
illustratif, citons l'infraction relative à l'émission d'un chèque sans provision, expressément
régie à la fois par l'article 543 5 du Code pénal et l'article 316 6 du Code de commerce.
Section 2 : La responsabilité pénale des dirigeants dans la jurisprudence.
Dans cette section, nous entreprendrons l'analyse de certaines décisions émanant de la
jurisprudence marocaine concernant les délits liés à l'émission de chèques sans provision et à
la fraude sur les marchandises.
Le jugement du tribunal de première instance de Casablanca a prononcé dans l'affaire n°
2019/2101/4028 un jugement condamnant la société H à une amende de 40 millions de
dirhams en faveur de l'administration des douanes et des impôts indirects étant la partie
demanderesse et son dirigeant Mr H.I à 4 mois d'emprisonnement assorti d'un sursis pour
fausse déclaration de quantité et de valeur des marchandises importées.
Dans cet arrêt, le tribunal s'est basé sur le procès-verbal dressé par les agents de
l'administration des douanes étant un moyen de preuve doté d'une force probante du préjudice
causé au Trésor public, cette déclaration fallacieuse est passible de sanctions prévues par
l'article 367 7 du Code pénal.
Ainsi concernant le chèque sans provision, un arrêt prononcé par la cour d'appel de Oujda de
l'affaire n° 2003/1063/845 condamnant un dirigeant d'une société personnellement à payer le
montant d'un chèque émis sans provision appartenant à la société qui a été l'objet de l'action
initiale fut cassé par la cour suprême. Le motif de cassation était que le demandeur a intenté
une action en justice contre le dirigeant en sa personne et non pas en sa qualité de dirigeant de
la société sachant que le chèque émis était au nom de ladite entreprise.
À la lumière de cette décision, il est observé que la responsabilité pénale du dirigeant demeure
impliquée en ce qui concerne l'émission de chèques sans provision.
Outre les diverses infractions énoncées par le Code pénal, la fraude sur les marchandises peut
également entraîner la responsabilité pénale des dirigeants de sociétés, que ce soit pour
tromperie ou falsification. Cette infraction a été encadrée par la Loi n°13-83 relative à la

5
Art 543 du CP : « Est puni des peines édictées à l'alinéa premier de l'article 540, sans que l'amende puisse être
inférieure au montant du chèque ou de l'insuffisance, quiconque de mauvaise foi : 1° A, soit émis un chèque
sans provision préalable et disponible ou avec une provision inférieure au montant du chèque, soit retiré, après
l'émission, tout ou partie de la provision, soit fait défense au tiré de payer... »
6
Art316 du CC : « Est passible d'un emprisonnement d'un à cinq ans et d'une amende de 2.000 à
10.000dirhams sans que cette amende puisse être inférieure à vingt-cinq pour cent du montant du chèque ou
de l'insuffisance de provision »
7
Art 367 du CP : « Les faux réprimés à la présente section, lorsqu'ils ont été commis au préjudice du Trésor
public ou d'un tiers, sont punis suivant leur nature, soit comme faux en écriture publique ou authentique, soit
comme faux en écritures privées, de commerce ou de banque. »

10
répression des fraudes sur les marchandises, promulguée par le dahir n°1-83-108 du 9
moharrem 1405 (5 octobre 1984).
À cette fin, une brigade spéciale, la Brigade Nationale de lutte contre la fraude, a été créée
pour diligenter les enquêtes relatives à cette fraude. La Chambre criminelle chargée des
crimes financiers près de la Cour d'appel de Rabat a récemment rendu un jugement
condamnant quatre individus à des peines allant de 8 mois à 2 ans de prison ferme pour leur
implication avérée dans des actes de tromperie concernant des marchandises destinées à la
consommation.
Ainsi, la Chambre criminelle a prononcé une condamnation à deux ans de prison ferme et à
une amende de 5 000 dirhams à l'encontre du directeur administratif et financier d'une
entreprise spécialisée dans l'élevage et la vente de viandes de volaille et dérivés.
Il convient de noter qu'au cours de son exercice, toute entreprise peut être confrontée à des
individus mal intentionnés à l'encontre desquels elle peut engager des poursuites judiciaires. Un
exemple illustratif est l'arrêt n°5814 du 21/06/2019 relatif à l'affaire n°2005/2101/2019, qui a
été rendu en faveur de la société Locassom. Cette dernière a engagé des poursuites contre
l'accusé qui avait émis un chèque sans provision. L'inculpé a été reconnu coupable du délit
d'émission d'un chèque sans provision et a été condamné à une peine de 6 mois de sursis,
assortie d'une amende de 72 000 dirhams, ainsi que des frais judiciaires
CHAPITRE 2 : L’extension de la responsabilité pénale des dirigeants en matière des
difficultés des entreprises
L'extension de la responsabilité pénale des dirigeants en matière de difficultés des entreprises
constitue un enjeu crucial dans le contexte économique et juridique. Dans de nombreux
systèmes juridiques, y compris au Maroc, cette extension reflète une reconnaissance croissante
de l'impact des décisions des dirigeants sur la stabilité financière des entreprises et sur
l'économie en général.
Section 1 : Les facteurs qui déclenchent la responsabilité pénale
La justification légale de l'extension de la responsabilité pénale des dirigeants en cas de
difficultés des entreprises repose sur plusieurs fondements juridiques cruciaux, reflétant la
nécessité de renforcer la gouvernance d'entreprise et de protéger les intérêts des parties
prenantes.
Faute de gestion et négligence : La faute de gestion et la négligence sont des
fondements juridiques clés sur lesquels repose l'extension de la responsabilité
pénale. Les dirigeants ont le devoir fiduciaire de gérer l'entreprise avec
compétence et diligence. Ainsi, toute défaillance dans l'exercice de ces devoirs
peut être considérée comme une faute de gestion. Lorsque des difficultés
financières surviennent et sont attribuables à une mauvaise gestion délibérée ou
à une négligence grave, les dirigeants peuvent être tenus pénalement
responsables.

Intention criminelle et fraude : L’exigence d'une intention criminelle distingue


les erreurs de gestion des actes criminels délibérés. Pour que la responsabilité
pénale soit engagée, il doit être démontré que les dirigeants ont agi délibérément
pour tromper, frauder ou causer préjudice à l'entreprise. La fraude peut revêtir
différentes formes, de la manipulation délibérée des états financiers à la
dissimulation d'informations cruciales. Cette intention criminelle constitue un

11
fondement essentiel pour élargir la responsabilité pénale au-delà des erreurs de
jugement légitimes.

Non-respect des obligations légales : Les dirigeants sont soumis à un cadre


juridique et réglementaire strict qui dicte leurs obligations envers l'entreprise,
ses actionnaires et d'autres parties prenantes. L'extension de la responsabilité
pénale peut découler du non-respect délibéré de ces obligations légales. Si les
dirigeants, par exemple, enfreignent des lois spécifiques relatives à la
gouvernance d'entreprise, à la comptabilité ou à la protection des droits des
actionnaires, cela peut constituer un fondement pour des poursuites pénales.

Dissimulation d'informations financières : La dissimulation délibérée


d'informations financières est un fondement spécifique qui découle souvent de
la fraude. Les dirigeants sont tenus de fournir des informations financières
précises et transparentes. Si des éléments cruciaux sont dissimulés dans le but
de masquer la véritable situation financière de l'entreprise, cela peut être
considéré comme une infraction pénale distincte. Les autorités cherchent à
décourager cette pratique en érigeant la dissimulation en infraction pénale.
Section 2 : Etude de cas
Au Maroc, la majorité des affaires concernant les entreprises en difficultés s'étendent vers
l'extension de la procédure aux dirigeants, les cas sont nombreux, on en traitera les plus récents
et les plus pertinents notamment la fameuse affaire de " la Samir" :
- L’affaire la Samir ; extension de la responsabilité : responsabilité pénale, déchéance
commerciale.
‘’ Les fautes de gestion par les administrateurs ayant encouru à des pertes de fonds ‘’
Jugement numéro : 135, Cour d’appel commerciale de Casablanca
Date : 2018/11/05
Dossier numéro : 271/8321/2017
Les fautes de gestion constatées par le syndic :
→ Distribution des dividendes malgré les difficultés financières
→ Cession douteuse de la filiale hôtelière de la Samir
→ La non-souscription d’une assurance
L’article 704 et suivants du Code de commerce prévoient des sanctions patrimoniales
contre des administrateurs fautifs
Toujours en matière d'extension en matière de procédure collective une autre décision plus
récente datant du 27/12/2018 :
Jugement n°173, dossier numéro 2018/8321/126 : la cour d'appel commerciale s'est
prononcé une déchéance commerciale à l'encontre du dirigeant de la société suite au rapport du
commissaire judiciaire qui a demandé l'extension de la procédure concernant la liquidation
judiciaire sur le dirigeant de la société.

12
Selon l'étude des résultats d'exploitation et numéros de transactions, du cahier de charge et
aussi de la situation des capitaux, il s'est avéré que la société y n'établissait pas la
comptabilité selon les dispositions législatives.
La même décision est prononcée par le tribunal de commerce le 15/01/2018 dossier n°
161/8321/2017, au sujet d’une affaire qui évoque le cas d’un dirigeant qui a
participé à l'extinction du fonds de commerce tout en changeant le siège social de la société
sans avis préalable au syndic. Ce dernier a aussi dissimulé les actifs de la société en cachant ses
meubles en un local privé.
Toutefois, le dirigeant refusait aussi de remettre au syndic les documents concernant la
comptabilité, les actifs et passifs de l'entreprise.
De ce fait, le tribunal a prononcé l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à
l'encontre du dirigeant et sa déchéance commerciale pour une durée de 5ans.Cette
décision s'est basée sur les articles 711 et suivants du code de commerce.
Le 15/01/2018: dossier numéro °161/8321/2017 la cour d'appel commerciale était devant
une affaire qui constituait le prolongement d'une décision qui date du 1er décembre
2014 dossier n° 145/8319/2013 qui a prononcé de mettre fin au plan de continuation et
l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de l'entreprise en
difficulté et afin d'exécuter la décision du tribunal on s'est rendu au siège social de la société
plusieurs fois afin d'établir des inventaires nonobstant le dirigeant refusait toujours de
remettre n'importe quel document concernant la société.
Selon les articles 706, 713 8, 718 du code commercer, le tribunal a décidé l'ouverture d'une
procédure de liquidation judiciaire à l'encontre du dirigeant de la société, sa déchéance
commerciale pour une durée de 5 ans, tout en ordonnant au greffier de publier la décision dans
un journal d'annonces légales.

8
Article 713 :« À tout moment de la procédure, le tribunal doit se saisir en vue de prononcer, s’il y a lieu, la
déchéance commerciale de tout dirigeant d’une société commerciale qui a commis l’un des actes mentionnés à
l’article 706 du Code de commerce

13
Conclusion
En définitive, la loi au Maroc confère aux dirigeants des entreprises une place importante dans
la mise en œuvre du dispositif pénal qui accompagne la naissance, le fonctionnement de
l’entreprise qu’elle soit in bonis ou en difficulté. Ces dirigeants sont concernés, qu’ils soient de
fait ou de droit, du fait de leur rôle important au sein de l’entreprise. Ainsi, ils doivent faire
attention aux actes qu’ils accomplissent car en cas d’infraction, ils engagent leur responsabilité
pénale.
Ainsi le législateur marocain a adapté le régime de la responsabilité pénale a l’impératif
d’efficacité et d’utilité de la sanction en insérant cette politique dans le double mouvement de
la pénalisation des actes les plus graves et dépénalisation des actes ayant un caractère non
intentionnel ou une portée limitée. Cependant, en dépit de la multiplicité des infractions pénales
aux quelles sont exposés les gérants durant leur mandat au Maroc, une réalité incontestable,
nous pousse à dire que l’ensemble de ces infractions demeure non applicable en pratique. Cela
s’explique par la rareté des décisions prononcées dans ce sens par les tribunaux marocain.
L’objectif de cette étude est de présenter les principes de base en matière de responsabilité
pénale des dirigeants au Maroc.
En matière de responsabilité des dirigeants, les règles légales au Maroc sont édictées notamment
par les lois :
17-95 relatives aux sociétés anonymes
5-96 sur la SARL (et autres formes de sociétés)
Le code pénal, prévoit également un certain nombre de sanctions.
La loi a prévu des sanctions pénales pour les dirigeants des sociétés lorsqu’ils commettent une
infraction.
Par dirigeant de société, il faut entendre :
D’abord, dans la SARL : le gérant
Ensuite, dans la S.A: les membres du conseil d’administration et son président
En outre, les membres des directoires et des conseils de surveillance sont concernés
Enfin, de manière générale : toute personne ayant le pouvoir d’engager ou de représenter la
société.
Les dirigeants, du fait qu’ils disposent des pouvoirs pour agir au nom de la société, engagent
par leurs actes leurs responsabilités tant civiles que pénales.
De ce qui précède, on peut conclure que le métier du dirigeant est un métier à risque car il risque
d’engager sa responsabilité à plusieurs niveaux de la conduite des affaires. Cette responsabilité
qui peut devenir aggravé si la société est soumise à une procédure collective, vu que, dans ce
cas le dirigeant doit témoigner de sa bonne foi et prouver son respect des procédures en vigueur.
Donc mieux vaut prévenir les situations délicates et s’assurer d’avoir mis en place les processus
nécessaires pour éviter toute mauvaise surprise.

14
Bibliographie

Ouvrages :
-ANDRE, akam, La responsabilité civile des dirigeants sociaux en droit OHAD Ain Revue
internationale de droit économique 2007/2 (t. XXI, 2), p. 211-243.
-LAZRAK, Rachid, Le nouveau droit pénal des sociétés au Maroc, Rabat, Ed. La Porte, 1997,
p.52.
-ROZES, Jean-Baptiste, la responsabilité des dirigeants, édition AFNOR, 2012, p.3
Textes et lois :
-Dahir n°1-96-83 du 15 rabii I 1417 (1er août 1996) portant promulgation de la loi 15-95
formant code de commerce.
-Dahir n° 1-18-26 du 2 shaaban 1439 (19 avril 2018) portant promulgation de la loi n° 73-17
modifiant et remplaçant le livre V de la loi n° 15.95 formants code de commerce relatif aux
difficultés de l’entreprise
-Dahir n° 1-59-413 du 28 Joumada ii 1382 (26novembre 1962) portant approbation
du texte du code pénal
-Dahir n° 1-96-124 (14 rabii ii 1417) portant promulgation de laloin°17-95relative
aux sociétés anonymes
-Dahir n° 1-97-49 (5 chaoual 1417) portant promulgation de la loi n° 5-96 sur la société en
nom collectif, la société en commandite simple, la société en commandite par actions,
la société à responsabilité limitée et la société en participation (B.O. 1er mai 1997).
-Dahir nº 1-08-18 du 17 Joumada I 1429 (23 mai 2008) portant promulgation delaloin°20-
05modifiant et complétant la loi n° 17-95 relative aux sociétés anonymes.
-Dahir n°1-83-108 du 9 moharrem 1405 (5 octobre 1984) portant promulgation de la Loi n°13-
83 relative à la répression des fraudes sur les marchandises
Jurisprudence :
Cour d’appel Commerciale de Casablanca, arrêt n°173, dossiern°2018/8321/126,
date du 2018/12/27.
-Cour d’appel Commerciale de Casablanca, arrêt n°141, dossier n°109/8303.-Cour d’appel
Commerciale de Casablanca, arrêt n°2, dossier n°2017/8321/161, date du 15/01/2018. -
Cour d’appel Commerciale de Casablanca, arrêt n°88, dossier n°63/8321/2018.
-Cour d’appel commerciale Casablanca, arrêt n°135, dossier n° 271/8321/2017, date du
05/11/2018-Tribunal de première instance de Casablanca, jugement n° 5267, dossier
n°2019/2101/4028, date du 28/05/2019
-Tribunal de première instance de Casablanca, jugement n° 5814, dossier n°2019/2101/2005,
date du 21/06/2019-Cour d’appel d’Oujda, Arrêt n°620, dossier n° 2003/1063/845, date
du01/04/2004

15
Webographie :
-http://judgment-call-med.e-monsite.com/pages/la-responsabilite-des-dirigeants-d-
entreprises.html%20consult%C3%A9%20le%2
-https://pdfcoffee.com/responsabilite-penale-des-dirigeants-pdf-free.html
-https://www.libe.ma/Prison-ferme-a-l-encontre-de-quatre-personnes-poursuivies-pour-
tromperie-sur-des-marchandises_a75413.html

16

Vous aimerez peut-être aussi