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2020
LA RESPONSABILITE
PENALE DES
DIRIGEANTS
Entre théorie et jurisprudence.
- Badreddine AKRACH
- Malak ALOUI
- Yassine MESRAOUI
PLAN :
INTRODUCTION
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Introduction :
« Un dirigeant d’entreprise est une personne qui prend un peu plus que
sa part du blâme et un peu moins que sa part d’honneur. »
Cette citation montre qu’être un dirigeant d’une entreprise ne se limite pas à un titre,
un prestige ou une autorité, c’est surtout une responsabilité.
Le dirigeant occupe le rôle du pouvoir exécutif dans la société, et prend les décisions
importantes au nom et pour le compte de celle-ci.
Ce poste peut engager aussi bien une responsabilité civile qu’une responsabilité
pénale.
« Ce ne sont pas les sociétés qui font des erreurs, ce sont les dirigeants »
En effet, le monde des affaires repose de plus en plus sur le principe de la bonne
gouvernance, à tel point que le vocable « corporate governance » : gouvernance
d’entreprise a émergé en tant que système de réglementation, de lois, d’institutions
destinés à encadrer la manière dont l’entreprise est dirigée, administrée, contrôlée
qui implique une responsabilisation de l’entreprise et de ses organes.
Cette équation a une importance considérable dans le monde des affaires reposant
sur l’activité des sociétés. En vue de ne pas compromettre le développement du tissu
sociétaire, le législateur a mis sur pied des dispositions pénales, un arsenal répressif
impressionnant : le droit pénal commun qui incrimine l’escroquerie, l’abus de
confiance.
Il est complété par un véritable arsenal d’infractions spéciales tel que l’abus des
biens, du crédit, du pouvoir, des voix, la présentation ou la publication de comptes
annuels ne donnant pas une image fidèle.
3
« La direction d’une société est rarement une sinécure . Un jour vient où
l’orage se déclare et le dirigeant redescendu sur terre fait l’apprentissage de la
responsabilité civile , pénale ou fiscale »
Au Maroc, des années 40 à 90, le droit des affaires et le droit des sociétés marocains
étaient caractérisés par leur « sous pénalisation ».
A partir des années 90, la modernisation du droit marocain des sociétés s’est inscrit
dans un vaste mouvement de mise à niveau du droit marocain des affaires à travers
sa pénalisation et notamment le régime de la responsabilité des dirigeants de
l'entreprise.
Au Maroc ,à partir de 1995 , dès la promulgation, le 30 Août 1996, de la loi sur les
sociétés anonymes, des critiques se sont élevées pour souligner les limites d'une
« modernisation » par le biais d'une transposition formelle du titre II de la loi
française 66-537 du 24 juillet 1966 sans adaptation des infractions édictées par les
lois françaises au milieu marocain en mettent l'accent précisément sur le fait qu' au
moment même où les lois marocaines ont vu le jour, la réflexion sur la dépénalisation
du droit des sociétés était très avancée et regrettant que les rédacteurs de la loi
n'aient pas mis à profit ces réflexions lors de son élaboration.
Les dirigeants sociaux exercent une fonction dangereuse, pour eux-mêmes, pour la
société et envers les tiers. Ce danger se manifeste par la gravité de certaines fautes
qu’ils peuvent commettre .C’est ainsi que la responsabilité pénale des dirigeants
sociaux est aux cœurs des débats entre partisans et détracteurs de la
dépénalisation.
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D’un point de vue pratique, ce sujet a fait l’objet d’une jurisprudence abondante.
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PARTIE 1 : L’ETENDUE DE LA RESPONSABILITE PENALE
DES DIRIGEANTS
Tout dirigeant d’entreprise est responsable à la limite de la loi et par les statuts de la
société. Toute faute en dehors des pouvoirs qui lui sont attribués engage sa
responsabilité.
Ne sont, dès lors, pas dirigeants de droit, les personnes qui exercent une fonction
de direction technique ou administrative et qui sont liées à la société par un
contrat de subordination dans la mesure où elles restent des exécutantes et
n’assument pas une direction de fait1.
Le dirigeant de fait est celui qui, sans avoir été nommé dirigeant par les statuts ou
par une décision de l’organe compétent, en assume les fonctions. (Article 100, loi 5-
96)
1
ROZES, Jean-Baptiste, la responsabilité des dirigeants, édition AFNOR, 2012, p.3.
2
ANDRE, akam, La responsabilité civile des dirigeants sociaux en droit OHADA in Revue internationale de droit
économique 2007/2 (t. XXI, 2), p. 211-243.
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Néanmoins, la qualité de dirigeant de fait ne pouvant être présumée, il appartient à
celui qui en soutient l’existence d’en apporter la preuve.
Qu’il soit de droit ou de fait, le dirigeant fait face à un risque pénal très important
relatif aux différentes infractions qui peuvent lui être imputables et engager de ce fait
sa responsabilité pénale.
La faute de gestion peut être définie comme étant tout acte ou omission commis par
un dirigeant de société qui peut s’analyser comme une erreur dans la direction de
l’entreprise, une imprudence, une négligence ou une transgression des obligations
légales ou des dispositions statutaires.
L’article 706 du Code de Commerce détermine les faits constituants une faute de
gestion grave ou lourde et justifiant la soumission du dirigeant au redressement et
liquidation judiciaire.
Pour la répression pénale de ces infractions, les articles 106 à 117 de la loi 5-96
prévoient une peine d’emprisonnement de 1 à 6 mois et d’une amende pouvant aller
jusqu’à 100000dhs pour les dirigeants des SNC, SCS, SARL.
L’article 384 de la loi 17-95 prévoit l’emprisonnement d’un à six mois et d’une
amende de 100 000 à 1 000 000 dirhams pour les membres des organes
d’administration, de direction ou de gestion d’une SA.
Il existe également des sanctions patrimoniales qui peuvent être encourues par les
dirigeants principalement en matière de difficultés des entreprises.
3
LAZRAK, Rachid, Le nouveau droit pénal des sociétés au Maroc, Rabat, Ed. la Porte, 1997, p.52.
7
De ce fait, l’action en comblement de passif, réglementée par l’article 704 du Code
de Commerce prévoit que le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué
à l’insuffisance d’actif, décider que cette dernière sera supportée, en tout ou en
partie, avec ou sans solidarité, par tous les dirigeants de droit ou de fait, rémunérés
ou non, ou par certains d’entres eux.
Il faut néanmoins que la société soit en état de cessation de paiement, qu’elle ait un
actif insuffisant pour répondre au passif et qu’une faute de gestion ait contribuée à
cette insuffisance.
En plus, l’article 706 du Code de Commerce prévoit également une autre action qui
tend à étendre la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire aux
dirigeants sociaux5.
A cet effet, n’est pas pénalement responsable la personne qui a agit sous l’empire
d’une force ou d’une contrainte à laquelle elle n’a pas pu résister, que ça soit une
contrainte physique ou morale, à condition qu’elle soit irrésistible, imprévisible et
également inévitable.
4
Cour d’appel Commerciale de Casablanca, arrêt n°173, dossier n°2018/8321/126, date du 2018/12/27
5
Cour d’appel commerciale Casablanca, arrêt n°135, dossier n° 271/8321/2017, date du 05/11/2018
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certaines limites, à un préposé pourvu de la compétence, de l’autorité et des moyens
nécessaires.
Ainsi, le chef d’entreprise qui n’aura pas personnellement pris part à la réalisation de
l’infraction, pourra s’exonérer de sa responsabilité pénale s’il apporte la preuve qu’il a
délégué ses pouvoirs à un préposé.
Néanmoins, pour être valable, cette délégation nécessite d’être faite de manière
permanente à un subordonné ayant la compétence et l’autorité nécessaires.
Ainsi dans le cas d’un redressement judiciaire, un administrateur est assigné aux
mêmes pourvois incombant au chef d’entreprise dans le but d’entretenir la gestion de
l’entreprise. Il est ainsi soumis aux obligations légales du même titre que le chef
d’entreprises. Par conséquent les infractions commises lors de sa mission engagent
sa responsabilité pénale.
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S'agissant de la preuve, bien que la jurisprudence admette la preuve orale appuyée
sur des éléments concrets tels que les témoignages, le domaine de délégation peut
difficilement être prouvé sans un écrit car pour être valide le délégataire doit prouver
qu'il a accepté la délégation et préciser la nature et l'étendue des responsabilités
déléguées.
Il est à noter qu’aucune loi ne s’oppose à ce qu’un chef d’entreprise, qui délègue ses
pouvoirs à une personne pleinement qualifiée, autorise cette dernière à
subdéléguer, sous sa responsabilité, tout ou partie des pouvoirs qui lui sont dévolus.
L’autorisation du délégant n’est pas une condition de validité de la subdélégation, la
délégation de pouvoirs inclut donc la possibilité, pour le délégataire, de subdéléguer,
ce qui implique qu’il ait la compétence et l’autorité nécessaire pour subdéléguer à
une autre personne qui aura, elle aussi, la compétence, l’autorité et les moyens
nécessaires pour exercer sa mission.
La délégation de pouvoirs ne peut intervenir que si le préposé délégataire est soumis
à l’autorité hiérarchique du délégant.
Exemple : Un chef de groupe de sociétés peut déléguer le pouvoir au dirigeant d’une
autre société du groupe sur lequel il exerce une autorité hiérarchique. Le mandat doit
être officiel, et il est nécessaire que les salariés qui travaillent sous les ordres du
délégué aient pleinement connaissance de cette délégation.
L’objet de la délégation doit être précis, limité, permanent et certain.
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PARTIE 2 : L’APPROCHE JURISPRUDENTIELLE SUR LA
RESPONSABILITE PENALE DES DIRIGEANTS.
Etant donné l’importance de ce sujet dans le contexte juridique marocain, il est
nécessaire d’analyser les solutions et les interprétations apportées par la
jurisprudence marocaine en ce qui concerne la responsabilité pénale des dirigeants
tant au niveau des dispositions du code pénal que celles du code de commerce, et
plus précisément celles relatives aux difficultés des entreprises.
A cet effet, le code pénal marocain prévoit plusieurs infractions communément dites
générales puisqu’elles peuvent mettre en jeu la responsabilité pénale de tout
dirigeant social.
Citons à titre d’exemple, l’infraction de l’émission du chèque sans provision qui est
consacrée à la fois dans l’article 543 du code pénal 6 ainsi que l’article 3167 du code
de commerce.
Dans cet arrêt, le tribunal s’est basé sur le procès verbal dressé par les agents de
l’administration des douanes étant un moyen de preuve doté d’une force probante
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Art 543 du CP: « Est puni des peines édictées à l'alinéa premier de l'article 540, sans que l'amende puisse être
inférieure au montant du chèque ou de l'insuffisance, quiconque de mauvaise foi : 1° A, soit émis un chèque
sans provision préalable et disponible ou avec une provision inférieure au montant du chèque, soit retiré, après
l'émission, tout ou partie de la provision, soit fait défense au tiré de payer… »
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Art316 du CC : « Est passible d'un emprisonnement d'un à cinq ans et d'une amende de 2.000 à 10.000
dirhams sans que cette amende puisse être inférieure à vingt-cinq pour cent du montant du chèque ou de
l'insuffisance de provision »
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ainsi du fait que cette fausse déclaration a porté préjudice au Trésor public que le
code pénal réprime dans son article 3678
Ainsi concernant le chèque sans provision, un arrêt prononcé par la cour d’appel de
Oujda de l’affaire n° 2003/1063/845 condamnant un dirigeant d’une société
personnellement à payer le montant d’un chèque émis sans provision appartenant à
la société qui a été l’objet de l’action initiale fut cassé par la cour suprême. Le motif
de cassation était que le demandeur a intenté une action en justice contre le
dirigeant en sa personne et non pas en sa qualité de dirigeant de la société sachant
que le chèque émis était au nom de ladite entreprise. De cet arrêt, on constate que la
responsabilité pénale du dirigeant est toujours engagée en ce qui concerne
l’émission des chèques sans provision.
En addition des différentes infractions prévues par le code pénal, la fraude sur les
marchandises peut à son tour engager la responsabilité pénale des dirigeants des
sociétés soit pour tromperie ou falsification.
Cette infraction fut objet de la Loi n°13-83 relative à la répression des fraudes sur les
marchandises, promulguée par dahir n°1-83-108 du 9 moharrem 1405 (5 octobre
1984)
A cet effet, une brigade spéciale est crée pour mener les investigations concernant
cette fraude (La Brigade Nationale de lutte contre la fraude).
Il est à noter que durant l’exercice de son activité, toute société peut faire face à des
personnes de mauvaise foi contre lesquels elle peut intenter une action en justice.
C’est le cas notamment de l’arrêt n°5814 daté du 21/06/2019 sur l’affaire
n°2005/2101/2019 qui a été prononcé en faveur de la société Locassom contre
l’inculpé qui avait fourni à cette dernière un chèque sans procurer les fonds
nécessaires. L’inculpé est poursuivi pour délit d’émission d’un chèque sans provision
et a été condamné à 6 mois de sursis et une amende de 72.000 dhs ainsi que les
frais de justice.
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Il est assez légitime de s'interroger sur l'incidence des fautes des dirigeants sur la
défaillance de l'entreprise débitrice chaque fois que celle-ci ne peut plus être
redressée, et de mettre en cause le cas échéant leur responsabilité personnelle pour
réparer le préjudice subi par les créanciers.
Date : 2018/11/05
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- Mauvaise tenue de la comptabilité - Articles 704 et suivants du code de
commerce marocain
- L’investissement excessif et
inadapté
Cette société, qui détenait l’Amphitrite Beach Hotel Mohammedia, a été vendue à
Corral Hotel Resort Compagnie, une entreprise appartenant à Mohamed Hussein El
Amoudi, lui-même propriétaire de la Samir. Le montant de la vente, 66 millions de
dirhams n’a jamais été réglé selon le rapport.
Fondement juridique :
14
Jugement n°173, dossier numéro 2018/8321/126 : la cour d'appel commerciale
s'est prononcé une déchéance commerciale à l'encontre du dirigeant de la société
suite au rapport du commissaire judiciaire qui a demandé l'extension de la procédure
concernant la liquidation judiciaire sur le dirigeant de la société.
Selon les articles 706, 7139, 718 du code commercer, le tribunal a décidé l'ouverture
d'une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre du dirigeant de la société, sa
déchéance commerciale pour une durée de 5 ans, tout en ordonnant au greffier de
publier la décision dans un journal d'annonces légales.
BIBLIOGRAPHIE :
Ouvrages :
9
Article 713 : « A tout moment de la procédure, le tribunal doit se saisir en vue de prononcer, s’il y a lieu, la
déchéance commerciale de tout dirigeant d’une société commerciale qui a commis l’un des actes mentionnés à
l’article 706 du Code de commerce
15
- ANDRE, akam, La responsabilité civile des dirigeants sociaux en droit OHADA
in Revue internationale de droit économique 2007/2 (t. XXI, 2), p. 211-243.
- LAZRAK, Rachid, Le nouveau droit pénal des sociétés au Maroc, Rabat, Ed. la
Porte, 1997, p.52.
- ROZES, Jean-Baptiste, la responsabilité des dirigeants, édition AFNOR, 2012,
p.3.
Textes et lois :
Jurisprudence :
16
Webographie :
- http://judgment-call-med.e-monsite.com/pages/la-responsabilite-des-
dirigeants-d-entreprises.html consulté le 3-11-2019
- https://aafir.ma/responsabilite-dirigeants-maroc/consulté le 3-11-2019
- http://socialmaroc.net/de-la-responsabilite-penale-de-lemployeur-2/consulté le
3-11-2019
- https://www.libe.ma/Prison-ferme-a-l-encontre-de-quatre-personnes-
poursuivies-pour-tromperie-sur-des-marchandises_a75413.html
ANNEXES :
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