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Since there had been numerous examples of genocide throughout history, the
international community had to create means to prevent and to prosecute
this crime being one of the most horrible crimes man can commit. The task
was not always easy, and the solutions sometimes have to be criticized. Ho-
wever, thanks to this work, the international criminal law of today knows
several institutions qualified to judge the crime of genocide.
I. Introduction historique
1
SCHABAS W., Le génocide, in: ASCENSIO H./DECAUX E./PELLET A. (éd.), Droit inter-
national pénal, Pedone, Paris, 2000, p. 319.
2
Ibid. Le Préambule de la Résolution 96 (I) définissait le génocide comme étant: «le
refus du droit à l’existence de groupes humains entiers alors que l’homicide est le re-
fus du droit à l’existence à un individu: un tel refus bouleverse la conscience hu-
maine, inflige de grandes pertes à l’humanité qui se trouve ainsi privée des apports
culturels ou autres de ces groupes, et est contraire à la loi morale ainsi qu’à l’esprit
et aux fins des Nations Unies. La répression du crime de génocide est une affaire
d’intérêt international» (al.1).
3
KOLB R., Droit international pénal, Helbing Liechtenhahn/Bruylant, Bâle/Bruxelles,
2008, p. 74.
4
Formellement, il faudra toutefois attendre les premiers jugements du Tribunal spécial
pour le Cambodge institué par la Résolution 57/228 (2003), dont les procès devraient
débuter en 2008. Cela dit, en quatres ans, le régime des Khmers Rouges a coûté la vie
à environ deux millions de personnes, soit environ un quart de la population du pays.
C’est la raison pour laquelle la qualification de génocide est communément admise.
Voir doc. ONU A/RES/57/228.
Le génocide 233
serbe entre 1992 et 1995; et, finalement, le génocide rwandais qui causa plus
d’un million de victimes principalement issues de la communauté des Tutsi
en 1994.
Vient s’ajouter à ces quatre événements tragiques le massacre de plus de six
cent mille Arméniens par le gouvernement des Jeunes Turcs qui dirigeaient
le régime Ottoman au cours de la Première Guerre mondiale. Pourtant,
s’agissant du fait de savoir si la tragédie arménienne peut être reconnue
comme étant un génocide, la question reste controversée. En effet, la qualifi-
cation de génocide n’a pas été unanimement reconnue par la communauté
des Etats, bien que plusieurs parlements nationaux, dont le Conseil national
suisse5, aient reconnu aux événements cette qualification 6. C’est également le
cas de certaines institutions régionales ou internationales telles que le Parle-
ment européen 7, le Conseil de l’Europe8 ou la Sous-commission de l’ONU
pour la prévention des droits de l’homme et la protection des minorités9.
Finalement, il convient également de mentionner le massacre d’environ deux
cent mille personnes vivant au sud du Soudan, issues de tribus sédentaires
non-arabophones, par le gouvernement soudanais soutenu par des milices
nomades d’origine arabe connues sous le nom de Janjawid. La question de
5
Postulat 02.3069 de Jean-Claude Vaudroz du 16 décembre 2003. Il sied de préciser
que le Conseil fédéral s’est au contraire toujours refusé à qualifier le massacre de gé-
nocide. Le Tribunal fédéral a quant à lui récemment reconnu le génocide arménien
comme un fait avéré dans l’affaire Perincek du 12 décembre 2007 (TF, arrêt
6B_398/2007 du 12 décembre 2007).
6
Les Etats ayant reconnu le génocide arménien sont: la France, la Russie, l’Italie, le
Canada, la Suède, la Grèce, la Belgique, l’Uruguay, Chypre, l’Argentine, le Liban, les
Pays-Bas, la Slovaquie, le Canada, la Pologne et la Suisse. Par la Résolution 247 du
12 septembre 1984, la Chambre des représentants des Etats-Unis a décrété le 25 avril
1985 «Journée nationale du souvenir de l’inhumanité de l’homme pour l’homme en
mémoire de toutes les victimes d’un génocide et en particulier du million et demi de
personnes d’ascendance arménienne victimes du génocide commis par la Turquie en-
tre 1915 et 1923» (U.S. House of Representatives Joint Resolution 247, 12 septembre
1984, disponible sous: http://www.armenian-genocide.org/Affirmation.158/current_
category.7/affirmation_detail.html). Voir également U.S. House of Representatives
Joint Resolution 3540, 11 juin 1996.
7
JOC 190 du 20 juillet 1987, p. 119 ss.
8
Déclaration écrite de l’Assemblée parlementaire des 24 avril 1988 et 2001 (déclara-
tion écrite n° 320, doc. 9056, 2e édition), disponible sur le site Internet du Conseil de
l’Europe: http://assembly.coe.int/documents/workingdocs/doc01/fdoc9056.htm.
9
Sous-commission de l’ONU pour la prévention des droits de l’homme et la protection
des minorités, 38e session, 2 juillet 1985, disponible sous: http://www.armenian-
genocide.org/Affirmation.169/current_category.6/affirmation_detail.html.
234 Maryam Massrouri et Loredana Magri
B. Développement international
Le projet qui mena à l’adoption d’une Convention fut le fruit de longs et
laborieux débats. Le contexte politique et social dans lequel se déroulèrent
les travaux préparatoires n’est pas négligeable. En effet, les atrocités commi-
ses durant la Deuxième Guerre mondiale étaient encore bien présentes dans
les esprits de chacun et décidèrent les Etats membres des Nations Unies à
trouver un accord quant à l’adoption d’un texte.
Suite à la Résolution 96 (I) de l’Assemblée générale des Nations Unies, le
Conseil économique et social se chargea de la préparation de la Convention
contre le génocide. Le 9 décembre 1948, l’Assemblée générale des Nations
Unies adopta à l’unanimité la Convention pour la prévention et la répression
du crime de génocide. La Convention entra en vigueur le 12 janvier 1951, à
la suite du dépôt du vingtième instrument de ratification. Elle fut ratifiée par
la Suisse le 7 avril 199913 qui, par la suite, introduisit une disposition répri-
mant le crime de génocide dans son Code pénal (art. 264 CP).
La Convention fut élaborée dans les premières années de la Guerre froide, ce
qui explique les désaccords entre les rédacteurs sur certains points particu-
liers, notamment en ce qui concerne la définition du groupe protégé. En effet,
de nombreux Etats souhaitaient que la notion de groupe politique y soit in-
cluse, ce à quoi les Soviétiques se sont fermement opposés. Finalement, les
rédacteurs décidèrent de ne pas faire figurer cette catégorie dans le texte de la
Convention14.
10
Le 23 juillet 2004 le Congrès américain a adopté à l’unanimité une résolution quali-
fiant la situation au Darfour de génocide.
11
Sur la CPI, voir la contribution de GODELAINE L. dans le présent ouvrage.
12
Statut de Rome de la Cour pénale internationale du 17 juillet 1998, RS 0.312.1.
13
RS 0.311.11.
14
BALL H., Prosecuting war crimes and genocide, University Press of Kansas, Kansas,
1999, p. 89.
Le génocide 235
15
CIJ, avis consultatif du 28 mai 1951 relatif aux «Réserves à la Convention pour la
prévention et la répression du crime de génocide».
16
Voir CIJ, arrêt Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro, 26 février 2007.
17
Ibid., § 155 ss.
18
Voir la contribution de BISAZZA P. dans le présent ouvrage.
19
CIJ, arrêt République démocratique du Congo c. Rwanda, 3 février 2006, § 64.
20
KOLB R., op. cit. ad note 3, p. 90.
21
Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (ci-après TPIY) et Tribunal pénal
international pour le Rwanda (ci-après TPIR).
236 Maryam Massrouri et Loredana Magri
22
A ce propos, voir la contribution de NASEL M. dans le présent ouvrage.
23
KOLB R., op. cit. ad note 3, p. 74.
24
Affaire Tadic n° IT-94-1, Chambre de première instance II, 7 mai 1997.
Le génocide 237
génocide, car l’intention criminelle n’était pas de chasser une population hors
de son territoire – ce qui constitue une purification ethnique – mais de dé-
truire tout ou partie d’une population 25. Il est donc difficile de tracer une
frontière précise entre ce qui relève du crime de génocide et ce qui relève de
la purification ethnique, car certains éléments sont communs aux deux cri-
mes dans leur définition. L’élément caractéristique de la purification ethni-
que est de chasser un peuple de son territoire, mais cet acte peut également se
produire dans le cadre du crime de génocide.
25
BOYLE D., Y a-t-il génocide au Kosovo?, RIDI 1999.
26
BOUSTANY K./DORMOY D., Génocide(s), Bruylant, Bruxelles, 1999, p. 73 ss. Pour
plus de détails, voir CIJ, arrêt Bosnie-Herzégovine c. Serbie, cité ad note 8.
27
SCHABAS W., op. cit. ad note 1, p. 324.
28
Affaire Krstic n° IT-98-33, Chambre de première instance I, 2 août 2001, § 94.
238 Maryam Massrouri et Loredana Magri
dique protégé étant le groupe en tant que tel, les différents actes portent at-
teinte au même bien. Ainsi, le fait que plusieurs actes constitutifs aient été
perpétrés n’entraîne pas une aggravation de l’infraction.
La Convention contre le génocide ainsi que les Statuts des juridictions péna-
les internationales énumèrent exhaustivement cinq actes prohibés et constitu-
tifs de génocide.
29
KOLB R., op. cit. ad note 3, p. 81.
30
Affaire Akayesu n° ICTR-96-4-T, Chambre de première instance I, 2 septembre 1998,
§ 502.
Le génocide 239
31
Affaire Kayishema/Ruzindana n° ICTR-95-1-T, Chambre de première instance II, 21
mai 1999, § 114 ss.
32
CIJ, arrêt Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro, cité ad note 16, § 344.
33
Affaire Krstic, citée ad note 28, § 580.
240 Maryam Massrouri et Loredana Magri
34
Affaire Akayesu, citée ad note 30, § 507 s.
35
KOLB R., op. cit. ad note 3, p. 83.
36
Ibid. Voir également CIJ, arrêt Bosnie-Herzégovine c. Serbie, cité ad note 16 ainsi
que la contribution de MOREILLON L. (Crime de génocide et intention: blocages ju-
ridiques ou blocage politique?) dans le présent ouvrage.
Le génocide 241
37
SCHABAS W., op. cit. ad note 1, p. 320.
38
Ibid., p. 321.
39
KOLB R., op. cit. ad note 3, p. 86.
40
Ibid., p. 85.
242 Maryam Massrouri et Loredana Magri
position n’a pourtant jamais reçu l’aval de tous les Etats, que ce soit lors de
l’élaboration de la Convention 1948 ou lors de l’élaboration du Statut de
Rome. Le TPIR a résolu le problème en suggérant que l’on interprète large-
ment la définition et que l’on considère qu’elle contient d’autres groupes que
ceux présents dans la définition de la Convention 1948. Dans l’affaire
Akayesu 41, les juges ont observé que l’intention des rédacteurs de la Conven-
tion était de protéger tout groupe stable et permanent42. A cet égard, KOLB
opère une distinction entre l’apprtenance à un groupe librement choisi et
celle que l’individu ne choisit pas. En effet, l’individu ne peut décider de sa
nationalité ni de son apparence physique, alors que les groupements politi-
ques ou sociaux sont basés sur la libre adhésion. Ces derniers ne devraient
dès lors pas être protégés par la norme contre le génocide43. Partant, tout
groupe dont la stabilité et la permanence rappellerait le type des quatre au-
tres, serait couvert par la norme44.
La définition des différents groupes pose des difficultés.
Selon le TPIR, la notion de groupe national doit s’appuyer sur l’affaire Not-
teböhm45 qui suggère des liens découlant de la citoyenneté46. Cette approche
est toutefois trop restrictive, car elle exclut les minorités nationales qui n’ont
aucune reconnaissance en droit interne, mais qui constituent tout de même
une part non négligeable de la population. La jurisprudence a toutefois remé-
dié à cette lacune par une interprétation extensive. Le TPIY a admis la pro-
tection pour les minorités nationales qui ont une histoire, des usages, une
langue ou d’autres critères en commun 47.
Quant au groupe racial, l’interprétation permet de s’inspirer de l’article 1 de
la Convention internationale pour l’élimination de toute forme de discrimina-
tion raciale48. Toutefois, le TPIR en donne une interprétation restrictive en
exigeant la présence de traits physiques héréditaires visibles, comme la cou-
leur de la peau ou d’autres signes distinctifs49.
41
Affaire Akayesu, citée ad note 30.
42
SCHABAS W., op. cit. ad note 1, p. 322.
43
KOLB R., op. cit. ad note 3, p. 78 s.
44
Cette approche est toutefois contestée par la doctrine. Celle-ci rappelle le principe
nullum crimen sine lege. Voir KOLB R., op. cit. ad note 3, p. 79 s.
45
CIJ, arrêt Liechtenstein c. Guatemala (arrêt dit «Notteböhm»), 6 avril 1955, disponi-
ble sur le site Internet de la CIJ: http://www.icj-cij.org.
46
SCHABAS W., op. cit. ad note 1, p. 321.
47
Affaire Kristic, citée ad note 28, § 555.
48
RS 0.104.
49
SCHABAS W., op. cit. ad note 1, p. 322.
Le génocide 243
Le groupe ethnique lui, est identifié par l’entremise d’une langue et/ou d’une
culture communes. Souvent, ces groupes sont concentrés dans un espace
géographiquement limité.
Le groupe religieux est celui qui partage une religion ou un culte. Ces grou-
pes partagent des croyances ou des pratiques basées sur un idéal spirituel
commun. Alors que les sectes sont protégées, la question de savoir si les
groupes athés sont protégés reste controversée50.
50
KOLB R., op. cit. ad note 3, p. 76.
51
Ibid., p. 326.
244 Maryam Massrouri et Loredana Magri
52
En Suisse, l’entente en vue de commettre un génocide est réprimée par l’article 260bis
al. 1 CP puissant les actes préparatoires.
53
SCHABAS W., op. cit. ad note 1, p. 327.
54
A ce propos, voir l’affaire Akayesu citée ad note 30, § 709. Voir également l’affaire
Kayishema/Ruzidana citée ad note 31, § 552.
55
Clément Kayishema exerçait les fonctions de préfet dans la préfecture de Kibuye. En
cette qualité, il était le représentant du pouvoir exécutif au niveau de la préfecture.
Durant les massacres de 1994, il exerçait une autorité de jure et un contrôle de facto
sur les bourgmestres, les gendarmes et autres forces de l’ordre qui ont participé aux
massacres.
56
Affaire Kayishema/Ruzindana citée ad note 31, § 552. Voir également affaire Akaye-
su citée ad note 30, § 709.
Le génocide 245
57
Affaire Samanza n° ICTR-97-20-T, Chambre de première instance I, 15 mai 2003,
§ 395.
58
KOLB R., op. cit. ad note 3, p. 89.
246 Maryam Massrouri et Loredana Magri
complice est celui qui aura «aidé et encouragé à planifier, préparer ou exé-
cuter» le crime de génocide (art. 7 ch. 1 Statut TPIY, art. 6 ch. 1 Statut
TPIR). Ce chevauchement s’explique par le fait que les rédacteurs du Statut
ont repris tel quel l’article 3 de la Convention contre le génocide. Les articles
6 et 7 des Statuts sont des dispositions générales, s’appliquant à n’importe
quelle infraction réprimée par les Statuts, y compris au crime de génocide.
Dans l’affaire Akayesu59, le TPIR a relevé qu’il y avait deux grandes diffé-
rences entre ces deux dispositions. Tout d’abord, la complicité dans le géno-
cide prévue aux articles 4 Statut TPIY et 2 Statut TPIR exige un acte positif,
c’est-à-dire un acte de commission, alors que l’aide et l’encouragement pré-
vus aux articles 7 Statut TPIY et 6 Statut TPIR, peut consister en une inac-
tion ou une abstension. Ensuite, dans ce dernier cas, la personne doit être
animée par le dol spécial c’est-à-dire qu’elle doit avoir agi dans l’intention de
détruire en tout ou en partie un groupe national, ethnique, racial ou religieux
comme tel; alors que comme nous venons de le voir, cette exigence n’est pas
requise dans le cas prévu aux article 4 Statut TPIY et 2 Statut TPIR. Toute-
fois, dans l’affaire Semanza, la Chambre de première instance du TPIR a
estimé qu’il n’y avait pas de différence entre la complicité visée à l’article 2
ch. 3 lit. e Statut TPIR et la complicité au sens large prévue à l’article 6 ch. 1
Statut TPIR 60.
Notons que le Statut de la CPI a éliminé cette ambiguïté, puisque l’article 6
Statut CPI (relatif au crime de génocide) ne mentionne plus les modalités de
commission du crime de génocide. La complicité est ainsi uniquement pré-
vue dans la disposition générale de l’article 25 ch. 3 lit. b, c et d Statut CPI.
E. La question de la responsabilité
Dans un premier temps, le système de responsabilité pénale internationale a
eu de la peine à s’imposer, car il reposait sur des juridictions ad hoc. Depuis
la création de la Cour pénale internationale et d’un véritable droit pénal in-
ternational, la situation semble évoluer. Les règles diffèrent néanmoins selon
que l’on est en présence d’un cas de responsabilité individuelle ou d’un cas
de responsabilité étatique, puisque les deux sujets sont de nature différente.
Même si l’implication d’organes étatiques n’est pas une condition
d’application du génocide, en pratique l’ampleur des actes en cause suppose
généralement une participation de l’Etat, que ce soit par une voie active ou
59
Affaire Akayesu, citée ad note 30, § 546.
60
Affaire Semanza, citée ad note 57, § 390 ss.
Le génocide 247
61
La CIJ, dans son arrêt du 26 février 2006 Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-
Monténégro, a considéré que la Serbie était responsable indirectement du crime de
génocide commis à Srbrenica car elle n’avait pas pris toutes les mesures visant à em-
pêcher et à réprimer la commission dudit crime.
62
BOUSTANY K./DORMOY D., op. cit. ad note 26, p. 487 ss.
63
SCHABAS W., op. cit. ad note 1, p. 331.
248 Maryam Massrouri et Loredana Magri
64
BOUSTANY K./DORMOY D., op. cit. ad note 26, p. 271 ss.
Le génocide 249
65
Ibid., p. 272.