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MASTER SCIENCES JURIDIQUES

Année universitaire 2017-2018


Semestre 2

Discipline: Réalisé par :


Procès penal
ISMAILI Zineb
Professeur encadrant :
Mme ELFADDALI Nisrine TOUALA Lamia

La liberté individuelle au stade de l’instruction préparatoire


Plan :

Introduction

I. Lé régime juridique de la détention préventive :

A. Une mesure en principe exceptionnelle

B. La mise en application de la détention préventive

II. Une exception érigée en règle :


A. L'usage excessif de la détention préventive
B. La nécessité des mesures alternatives

Bibliographie
Introduction :

Le droit à la liberté est un droit fondamental inhérent à l’Homme, consacré aussi bien par les
instruments internationaux que par la constitution. Ainsi, le principe de la présomption
d’innocence proclamé à l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques
se retrouve bafoué. La mesure de détention préventive existait déjà dans le code de procédure
pénale de 1959 qui l’avait réglementé afin de protéger les droits et libertés fondamentaux.
Les dahirs de 1962 et 1974 ont nuancé cette réglementation protectrice pour engendrer des
abus à son égard sous prétexte du souci d’accélération de la procédure. Le code de procédure
pénale de 2003, toujours en vigueur d’ailleurs, a ré-instauré la détention préventive en tant
que mesure exceptionnelle.

En effet, la détention préventive est une mesure exceptionnelle ayant trait à s’appliquer que
dans les cas de nécessité extrême. Cela se justifie par le fait qu’elle puisse avoir des
conséquences préjudiciables sur la personne qui, présumée innocente se retrouve détenue et
emprisonnée. Cette mesure n’est pas sans conséquences sur la politique criminelle en ce
qu’elle contribue au surpeuplement des prisons conduisant ainsi à anéantir toute opportunité
de réinsertion et contribuant à l’augmentation du taux de la récidive.
Les défenseurs de la détention préventive sont satisfaits de l’aspect sécuritaire de la mesure en
ce qu’elle est nécessaire voire indispensable à la préservation de l’ordre public. Tandis que les
adversaires de cette mesure soutiennent une approche humaniste en la considérant attentatoire
à la liberté et aux droits de l’homme. De surcroît, la détention préventive met en jeu deux
intérêts contradictoires : L’intérêt de la société et celui de l’individu.

En effet, la détention préventive est un instrument répressif par anticipation ce qui donne à la
société, un sentiment de protection et de sécurité. Ainsi sa nécessité s’explique par le fait
qu’elle garantit l’exécution du jugement en s’opposant à la fuite du prévenu, elle facilite la
recherche de la vérité, en ce sens que le prévenu reste à l’entière disposition de la justice. De
ce fait, le prévenu se présente à tous les actes de la procédure en cours notamment
l’interrogatoire.
Dans cette conception utilitariste de la détention préventive, il n’en demeure pas moins
qu’elle engendre des inconvénients voire dissimule souvent la dangerosité de l’institution.
A la lumière de tout ce qui précède, on se demande s'il est possible de concilier le maintien de
l'ordre public et les principes de la liberté avec la détention provisoire. L'ordre public et les
principes de liberté étant deux notions constitutionnelles qui doivent être respectées.

La réalité pratique de la détention préventive répond-t-elle au régime juridique en vigueur qui


prévoit la détention préventive en tant que mesure exceptionnelle ?

Pour essayer de répondre à cette problématique, il convient d’analyser les dispositions


légales constituant le régime juridique de la détention préventive (I) avant d’étudier la
pratique judiciaire en la matière (II).

I. Lé régime juridique de la détention préventive :

A. Une mesure en principe exceptionnelle :


La détention préventive est définie comme étant une mesure de privation de liberté
généralement exceptionnelle prise par l'autorité judiciaire.
Grâ ce à cette mesure, la justice maintient une personne inculpée à sa disposition en
attendant le jugement.
Cette mesure est prévue par le Code pénal marocain à des fins exceptionnelles dans la
mesure où elle ne peut s'appliquer que lorsqu’il s'agit de crimes ou de délits punissables
de peine privative de liberté.
Cependant, la durée de détention préventive varie, dépendamment de s'il s'agit délit ou
d'un crime.
Lorsqu'il s'agit d'un délit la durée peut aller jusqu'à trois mois et lorsqu'il est question
d'un crime la durée peut aller jusqu'à 12 mois.
Cette mesure est ordonnée par le juge instructeur et elle peut intervenir à n'importe quel
stade de l'instruction, la notification se fait immédiatement et verbalement.

Concernant la liberté provisoire, elle est accordée par le juge d'instruction sous réserve
qu'elle réponde à un certain nombre de conditions tel que l'avis préalable du ministère
public.
Il en ressort l'importance du souci de sécurité et de protection de la société.
D'autre part, la liberté provisoire peut être accompagnée du placement sous surveillance
judiciaire conformément à l'article 178.

Sur le plan pratique, l'inculpé doit en principe être soumis à un régime carcéral différent
de celui auquel est soumis une personne condamnée.
Les prévenus et les condamnés devraient donc être séparés mais ce principe se heurte
souvent à la réalité carcérale marocaine.

D'autre part, le juge d'instruction peut avoir recours à des mesures accessoires, ces
mesures sont provisoires et peuvent être modifiées à n'importe quel moment.
On prendra pour exemple de mesures accessoires, la fermeture des frontières, la saisie
du passeport ou encore l'assignation à résidence.

Enfin, la mesure de détention préventive est souvent critiquée car on lui reproche
souvent d'aller à l'encontre du principe de la présomption d'innocence

B. La mise en application de la détention préventive:

Comme il est déjà précisé précédemment, les détenus préventifs sont en principe soumis à un
régime carcéral différent de celui auquel sont soumis les condamnés à un jugement définitif.
Il s’agit du principe de séparation des détenus préventifs, des condamnés suite à un jugement
définitif.

Ainsi, l'article 615 du CPP dispose que " les inculpés en détention préventive sont
incarcérés dans la maison d'arrêt de la localité où siège la juridiction saisie de la
procédure les concernant, en première instance et, le cas échéant, en appel, pour autant
que la sécurité ou la capacité d'hébergement de l'établissement le permettent".

De son cô té, la loi n° 23-98 relative à l'organisation et au fonctionnement des


établissements pénitentiaires dispose dans son article 7 que « Dans les prisons locales,
l'incarcération individuelle des détenus soumis à la détention préventive doit être
assurée.
Dans ces établissements, où par suite de l'encombrement temporaire des locaux, le
régime de l'emprisonnement individuel ne peut être appliqué à tous les détenus soumis
à la détention préventive, ceux à l'égard desquels l'autorité judiciaire aura prescrit
l'interdiction de communiquer ou la mise à l'isolement, doivent être placés par priorité
en cellule individuelle.»
En revanche, la plupart des établissements pénitentiaires ne permettent pas d'appliquer
cette séparation, de par le manque d'espace et le manque de moyens.

La détention préventive s'accompagne d'un contrô le judiciaire pour s'assurer que toutes
les normes sont respectées, il convient ainsi de mettre en exergue deux dispositions du
code pénal marocain.
La première disposition relève de l'article 249, qui permet au président de la chambre
correctionnelle ou son délégué de visiter au moins une fois par trimestre les maisons
d'arrêts du ressort de la cour d'appel pour vérifier la situation des inculpés en état de
détention préventive.
La seconde disposition relève de l'article 616 qui prévoit que les détenus sont inspectés
au moins une fois par mois par le juge de l'application des peines, accompagné du
procureur du roi ou de l'un de ses substituts afin d'assurer la régularité de la détention
et la bonne tenue des registres.

Le plus souvent on cherche à justifier la détention préventive par le faits que les actes
reprochés aux accusés revêtent un caractère assez grave.
On cherche aussi à convaincre que par souci de sécurité et pour maintenir l'ordre public
et empêcher sa violation ou la récidive il vaut mieux éviter de laisser les accusés en
liberté.
C'est pour cette raison que le législateur est resté vague et imprécis quant aux conditions
devant être réunies pour avoir recours à la détention préventive, octroyant ainsi aux
juges d'instructions et au ministère public un large pouvoir d'appréciation.

Ces lacunes juridiques couplées aux moeurs judiciaires inappropriés sont sources de
nombreux problèmes. C'est en cela qu'il serait intéressant que le législateur opère un
changement et compose des textes de loi plus clairs et précis.

Si les dispositions légales régissant la détention préventive tiennent plus ou moins compte de
la liberté individuelle au stade de l’instruction préparatoire et prévoient la détention
préventive à titre exceptionnel, la pratique judiciaire en témoigne autrement.
II. Une exception érigée en règle :
La conciliation textuelle entre protection des libertés individuelles et les nécessités de la
justice apparaît donc dans la pratique comme brisée. Les moyens mis en place par le
législateur pour limiter le recours à la détention provisoire se révèlent insuffisants.
A. L'usage excessif de la détention préventive:
La règle, selon l’alinéa 1er de l’art 159 est que : ‘’ La détention préventive est une mesure
exceptionnelle.’’. Ainsi, l’article 1er du code de procédure pénale, « Tout accusé ou suspect
est innocent jusqu’à ce que sa culpabilité soit établie…le doute profite à l’accusé. »
Or la pratique en témoigne autrement, les chiffres attestent en effet le recours excessif à la
détention préventive. Jusqu’au mois de septembre 2017, plus de 40% de la population totale
des détenus sont des détenus préventifs. La doctrine ne cesse de dénoncer le taux alarmant du
recours à la détention préventive depuis plusieurs décennies.

On assiste à une transformation de l’exception en règle. La pratique judiciaire, fait que le


parquet général et le juge d’instruction même en cas de délit de gravité minime, placent quasi-
systématiquement le suspect en détention préventive. D’autant plus que la majorité des
détenus préventifs, bénéficie d’un non-lieu ou est acquittée ou encore condamnée à des peines
avec sursis, on en vient à remettre en cause le rôle des acteurs qui concourent à la recherche
de la vérité.

Cependant, depuis l’indépendance du pouvoir judiciaire on remarque une rationalisation de la


détention préventive qui se matérialise par une légère baisse du taux de la détention
préventive qui est passé de 42% à 40%. L’objectif étant d’atteindre un taux de 35% par
rapport à la population carcérale totale. La doctrine considère qu’il s’agit d’un véritable
moyen de pression pour arracher des aveux. D’autant plus que plusieurs détenus présentent
des garanties, de représentation leur permettant de bénéficier du contrôle judiciaire comme le
prévoit la loi.

À ce titre, il est utile de dénoncer le décalage existant entre les dispositions légales et la
pratique judiciaire notamment l’inobservation de l’article 47 du code de la procédure pénale
en vertu duquel en dehors du cas de flagrant délit, la détention préventive ne doit avoir lieu
que si le suspect ne présente pas de garanties de représentation, ou s’il est dangereux pour
l’ordre public, la sécurité des personnes ou des biens.

En outre, la prise en compte des déclarations accusatoires d’un suspect à l’encontre d’un
autre, consignées dans les procès-verbaux de la police judiciaire, sans aucune preuve valable à
cet effet. Ainsi, le ministère public profite du doute pour ordonner la détention préventive
tandis que le doute doit en principe bénéficier à l’accusé.

La sur-qualification des faits, le plus souvent des poursuites sont engagées pour constitution
de bande criminelle en absence d’éléments constitutifs de cette infraction ce qui prolonge la
durée de détention préventive.

Dans d’autres cas certains délits sont qualifiés abusivement de crimes, on peut citer à titre
d’exemple le délit de falsification d’actes administratifs, ou d’actes sous seing privé portant la
légalisation de la signature, effectuée par une autorité administrative qui est assimilé à tort au
crime de falsification d’actes officiels.

L’usage excessif de la détention préventive a ainsi contribué au phénomène de la


surpopulation carcérale notamment avec l’évolution de la criminalité ( Terrorisme, trafic de
stupéfiants, crime organisé ). Cette tendance à l’augmentation concerne une majorité de pays
développé et en voie de développement. Les principales causes de cette augmentation sont les
changements de taux de criminalité, les tendances démographiques, l’urbanisation ou
l’industrialisation, les facteurs économiques. Il convient de ne pas négliger les causes dites
politiques.
En effet, la surpopulation carcérale varie en fonction des changements d’approches des
pouvoirs publics et des politiques pénales qui en découlent, de l’opinion publique relayée ou
induite par les médias, et en fonction des comportements des autorités judiciaires et des
responsables du maintien de l’ordre.

Afin d’éviter les effets négatifs de la détention préventive, une réforme s’impose pour réduire
le recours à cette mesure critiquée et la remplacer par d’autres alternatives.

B. La nécessité des mesures alternatives :

En effet, le recours à la détention préventive, est vivement contesté et pourtant fortement


ancré dans les mythes fondateurs de nos sociétés modernes et dans nos législations pénales.
Le recours aux mesures alternatives à la détention préventive s’inscrit dans la philosophie de
la réforme de législations pénales de plusieurs pays notamment la France et les Etats-Unis.

Pour réussir a réduire l’usage de la détention préventive au Maroc, cela exige une reforme
intégrée de le système procédural, système plus équitable, qui respecte notamment le principe
de la présomption d’innocence.

L’usage des mesures alternatives a la détention préventive ne peut se développer au Maroc et


avoir des effets sur le taux de détention que dans le cadre d’une politique pénale cohérente,
stable et lisible. En d’autres termes, le ministère de la justice doit élaborer et diffuser chaque
année des orientations de politique pénale, compte tenu du principe selon lequel la privation
de liberté devrait être comme on l’a déjà signalé considérée comme une mesure de dernier
recours.

Dans ce sens, un projet de loi modifiant le code de procédure pénale vient limiter le recours à
la détention préventive. Il prévoit plusieurs mesures en vue de rationaliser le recours à cette
mesure, parmi lesquelles on peut citer : l’obligation de motiver les décisions de détention
préventive ainsi que celles de leur prolongation.

Le projet de loi prévoit également la création d’une chambre des libertés pour statuer sur les
recours aux décisions de détention préventive. Il faudrait plutôt une chambre pour statuer sur
la détention préventive afin de mieux apprécier selon le cas la nécessité de recours à cette
mesure en fonction des critères liés aux prévenus notamment leur degré de dangerosité.

Il s’agit d’étudier l’opportunité de détention avant jugement notamment en cas d’existence de


mesures ayant trait à neutraliser la situation. Le projet de loi prévoit en outre, la réduction de
la période de détention d’un an à huit mois en matière de crimes au stade de l’instruction.
Ainsi, une nouvelle mesure de contrôle judiciaire sera introduite, celle du bracelet
électronique.

En France, le renforcement des droits des citoyens implique que le contentieux relatif à la
détention provisoire soit réservé à un juge du siège, en position d'arbitre impartial et
«paraissant tel aux yeux de tous » selon les termes de la Convention européenne des droits de
l'homme.

Pour que les mesures de détention fassent l'objet d'un examen rigoureux, plus sérieux et soient
réduites au strict nécessaire, leur prononcé est confié à un juge distinct du juge d'instruction.
Tel est le rôle du juge des libertés et de la détention que le juge d'instruction doit saisir, s'il
entend placer le mis en examen en détention provisoire. Le juge des libertés et de la détention
est donc compétent pour examiner les conditions préalables pour le placement en détention et
ce placement n'est ordonné, qu'à la suite d'un débat contradictoire.
Bibliographie :
AMZAZI Mohieddine - ESSAI SUR LE SYSTÈME PÉNAL MAROCAIN Éditeur :
Centre Jacques-Berque Lieu d’édition : Rabat Année d’édition : 2013
MOHAMMAED-JALAL ESSAID : le procès équitable dans le code de procédure pénale de
2002, Najah El Jadida, 1ère édition, 2008.
Outils de travail :
– Projet de réforme du Code de la procédure pénale.
– Rapport du CNDH sur la situation dans les prisons 2012.
Webographie :
https://platform.almanhal.com/Files/2/36013 - Thèse de doctorat en Droit privé soutenue par
Hicham MOUJAHID à l’Université de Perpignan en France - La nécessité d’un recours aux
mesures alternatives à la détention préventive au Maroc
http://www.memoireonline.com/ .: La problématique de la détention provisoire, Oumar
KONE Université Nancy II - Diplôme criminologie 2008. (WLP), 2002.

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