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À chacun sa vérité.
Luigi Pirandello
Sommaire
Introduction ...
Annexes
Glossaire ...
Cahier pratique
à consulter ...
Préface
Christian Charrière-Bournazel
Ancien bâtonnier de l’ordre des avocats de Paris
Introduction
Rémi Barousse
1988-1990
École nationale de la magistrature
1990-1992
Juge au tribunal de grande instance de Saint-Nazaire (Loire-Atlantique)
1992-2000
Juge chargé du tribunal d’instance de Perpignan (Pyrénées-Orientales)
2000-2007
Successivement ou concomitamment président du tribunal de commerce, président du
tribunal du travail, juge de l’application des peines, président du tribunal correctionnel,
à Nouméa (Nouvelle Calédonie)
2007
Vice-président placé auprès du premier président de la cour d’Aix-en-Provence
(Bouches-du-Rhône)
Prestation de serment d’avocat « Avocat of counsel », à la SCP Salans et associés, Paris
La vocation
Le cursus
Expériences d’avocat
Avocat d’affaires
« En France, il n’y a qu’à Paris que l’on trouve des grands cabinets
internationaux. Le cabinet Salans a été créé en 1978 par des
avocats français et américains. Il compte près de 800 avocats, 21
bureaux dans 16 pays, dont des pays émergents.
Je pensais que je n’aurais pas eu ma place dans une petite structure
en province. Il faut vivre. J’ai trois enfants à charge. Je ne me
voyais pas créer mon propre cabinet. J’avoue que cela aurait été
mon rêve absolu. Je me suis dit : soyons plus réaliste.
Je n’ai pas eu à apporter de clients. Je n’ai pas acheté de parts. J’ai
été reçu par le « managing partner », autrement dit, l’avocat associé
qui est élu par les autres pour gérer le bureau parisien. J’avais une
autre opportunité, mais j’ai choisi Salans qui est le seul cabinet
international à avoir un bureau à Nouméa et un bureau à Papeete.
Mon expérience calédonienne les intéressait parce qu’il y a
beaucoup de spécificités juridiques à Nouméa, hormis le droit
coutumier. Ce n’est pas tout à fait le droit français qui s’applique.
Dans les cabinets, soit vous êtes associé, dans ce cas vous avez une
part du bénéfice, soit vous avez un contrat de collaboration libérale,
dans ce cas vous êtes comme un prestataire de service. On vous fait
une rétrocession d’honoraires. Je suis « of counsel ». Il y a une
hiérarchie spécifique dans les cabinets anglo-saxons. C’est
l’antichambre de l’association. C’est un peu un test, une sorte de
période d’essai. Ne me connaissant pas, ils n’allaient pas me
prendre comme associé tout de suite.
Alors que je suis dans ce cabinet depuis 2007, j’ai aussi un rôle
d’apporteur d’affaires. À ce stade, c’est nécessaire. Il y a des
affaires que j’apporte via mon relationnel, et des clients satisfaits
qui en attirent d’autres. Cela prend du temps. Les dossiers que
j’amène ne comptent encore que pour un petit pourcentage de mon
activité.
Dans les cabinets internationaux, vous n’avez pas un rapport aux
clients comme dans des cabinets de taille moyenne. Vous avez le
plus souvent un dossier avec un contact par téléphone ou par mail,
en général avec un directeur des services juridiques. Cela étant,
c’est tel associé qui a tel client. Un associé du cabinet peut décider
qu’il a besoin de mon aide, et dans ce cas je traite. En fonction du
dossier, je mène une action en justice, je rédige les contrats, etc.
Chaque mois, je facture un montant fixe au cabinet Salans auquel
s’ajoute un petit intéressement sur les honoraires facturés au titre
des dossiers traités. Lors de mes premières rencontres avec des
clients, je n’étais pas très à l’aise, notamment quand il s’agissait de
parler d’honoraires. J’ai encore du mal dans ce rapport marchand.
Je fais principalement du contentieux – c’est ce que je préfère –
qu’il s’agisse de contentieux de droit des affaires, de propriété
intellectuelle, de droit social, de droit des sociétés. Je n’aime pas le
rapport de force violent, mais j’aime le combat judiciaire. Dans le
contentieux il y a de la stratégie, qui est le fond du droit, et de la
tactique, qui ressort du domaine de la procédure. Du fait de mon
parcours, je suis à l’aise dans ce domaine.
À titre d’exemple, je gère tout le contentieux d’un groupe de
promotion immobilière : contentieux avec sa banque, problèmes
avec les entreprises qui font les travaux, etc.
Pour un autre client, en l’occurrence la République populaire de
Chine, opposée à Taïwan, il s’agit de savoir qui est propriétaire des
bâtiments consulaires qui avaient été achetés par la République de
Chine de Tchang Kaï-chek à Tahiti. Cela mêle à la fois le droit,
l’histoire et la géopolitique. J’ai été amené à étudier la façon dont
Mao a pris le pouvoir, à chercher comment la République
nationaliste s’est réfugiée à Taïwan, à savoir comment la France a
continué à reconnaître la République nationaliste. Pour cette
affaire, nous sommes actuellement devant la Cour de cassation ».
Les « magouilles » de Miloseviç
Première plaidoirie
« J’ai plaidé pour la première fois devant la cour d’appel de Pau en 2007. Je
suis arrivé le cœur battant. Cela se passait dans une petite salle. C’était une
histoire de droit bancaire. Il n’y avait pas de public mais pour moi, c’est
comme si j’avais plaidé pour la première fois aux assises. Je me retrouvais
de l’autre côté de la barre. J’étais ému. Une fraction de seconde j’ai eu
comme un vertige identitaire. Un peu plus et j’allais repasser de l’autre côté
de la table, là où j’avais toujours eu l’habitude de siéger en tant que
magistrat. Comme j’étais demandeur, j’ai dû plaider en premier. À peine
avais-je exposé mon dossier que l’avocat adverse m’en a mis plein la figure.
En tant que juge, vos propos ne sont jamais critiqués publiquement. Là, je me
suis entendu expliquer que je n’y connaissais rien au droit, que j’étais
totalement incompétent. J’ai trouvé qu’il était gonflé quand même de me
critiquer de cette façon-là. Évidemment, il fallait que je m’y habitue. Je me
suis dit : Maintenant, tu es avocat ! »
Les figures marquantes
Brigitte Bardot est sublime, comme Jean Gabin et Edwige Feuillère. Gabin joue le
rôle de maître André Gobillot, le bourgeois, l’avocat d’expérience. Brigitte Bardot
est une fille paumée qui devient sa cliente. Il se perd en la défendant. Son monde
s’écroule par amour pour elle. Tout cela est superbement mené. »
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À CONSULTER
www.salans.com
2.
Jean-Michel Darrois
1971
DESS de droit public à Assas
Débuts au cabinet Bernard Dupré
1972
CAPA (certificat d’aptitude à la profession d’avocat)
Prestation du serment d’avocat
Inscription au barreau de Paris
1978
Installation avenue Foch, Paris XVIe
1981
Ouverture du cabinet avenue Victor-Hugo, Paris XVIe
1987
Association avec Philippe Villey et Emmanuel Brochier
2001-2003
Membre du conseil de l’Ordre
2006
Président du Comité de droit des sociétés du CCBE (Conseil des barreaux européens)
Depuis 2007
Professeur associé à l’Institut d’études politiques de Paris
2009
Président de la commission sur la réforme des professions juridiques
La vocation
Le cursus
Expériences d’avocat
Défendre et négocier
« Les affaires les plus connues sont toujours des OPA hostiles, des
batailles qui se terminent par une négociation. Il s’agit d’user de
moyens juridiques, médiatiques et financiers pour se placer dans la
situation la plus favorable en vue d’une négociation. Nos
interventions dépendent en partie du moment auquel nous sommes
impliqués dans l’affaire. Certains clients viennent très en amont. Il
est alors possible d’élaborer une stratégie, de lancer une offre à un
prix donné et de l’augmenter, ce qui est la démarche classique. Le
travail consiste à imaginer les défenses que les adversaires vont
mettre en face pour essayer d’anticiper le jeu des uns et des autres.
Il faut se présenter dans la presse et auprès des pouvoirs publics de
la façon la plus aimable possible. Toujours anticiper. Celui qui
devine ce que va faire l’autre avant même que l’autre y pense
gagnera toujours. Lorsque les clients viennent plus tard, on maîtrise
moins les événements. Il faut s’adapter.
Les méthodes ont évolué avec les années. Nous avons mené de
nombreuses opérations en 1992. Nous avons aidé François Pinault
à prendre le contrôle du Printemps et à racheter Conforama. Nous
avons aidé Nestlé à prendre le contrôle de Perrier contre la famille
Agnelli. Il y avait beaucoup à faire et c’étaient vraiment des
opérations commando. Nous travaillions en petites équipes
composées de quatre ou cinq personnes dont un ou deux banquiers.
Progressivement, il y a eu de plus en plus de gens, de plus en plus
de banquiers. Les banquiers et les clients veulent être couverts par
des écrits juridiques, des documents qui leur expliquent ce qui se
passe. Chacun s’efforce de limiter les risques. Les avocats font eux
aussi en sorte de ne pas trop engager leur responsabilité. Les
affaires sont plus longues, plus lourdes, plus techniques. Ce n’est
pas toujours nécessaire, mais c’est ainsi. Nous devons
fréquemment élaborer des documents en anglais, parfois même
entre sociétés françaises. Il faut expliquer à des avocats implantés à
travers le monde ce qui se passe en France, leur détailler nos
usages. On travaille toute la journée et le soir, il faut faire le point
avec eux, ce qui est extrêmement énervant et fatigant. Les
explications sont longues. Il faut leur décrypter les méthodes et le
droit français. Les négociations se poursuivent tard dans la nuit. Il
faut, en général, renégocier après une première négociation. Ces
pratiques viennent des États-Unis. Le jeu consiste à montrer qui est
le plus costaud, qui tiendra mieux le coup. Quand on trouve une
solution, on rédige le contrat. C’est épuisant mais excitant… à ceci
près qu’avec l’âge, cela excite de moins en moins. C’est un peu
l’image traditionnelle de l’avocat d’affaires. On travaille, on se
dispute, on voyage, on revient. Nous, ici, nous insistons sur le fait
que nous plaidons, que pour nous, c’est très important. J’ai même
voulu aller plaider une fois en cour d’assises pour voir ce que
c’était. Je n’étais pas seul, cela aurait pu être trop dangereux pour
le client ! »
« Nous apportons à nos clients un service complet dans le cadre d’un cabinet
français de niche. Nous sommes différents d’un cabinet de type anglosaxon
dans la mesure où nous nous limitons à un créneau spécifique. Droit des
sociétés, fusionsacquisitions, concurrence, fiscalité, tout cela est lié. Nous
ajoutons le contentieux, soit devant les tribunaux, soit en arbitrage.
L’arbitrage est un mode de résolution des conflits par l’intermédiaire d’un
tribunal arbitral composé d’un ou de plusieurs arbitres. Cela permet de régler
un litige sans passer par les tribunaux de l’État, mais par une juridiction
arbitrale, en confiant le différend à un ou plusieurs particuliers choisis par les
parties. C’est une spécialité propre. Nous ne sortons pas de ces domaines.
Nous ne faisons pas de droit du travail ni de droit de la famille ou de droit de
la propriété intellectuelle et nous ne sommes implantés qu’à Paris.
Les cabinets anglo-saxons essayent de fournir à leurs clients un service
complet, partout dans le monde. Notre stratégie est différente. Nous
développons un service plus personnalisé, moins uniforme. Nous sommes en
mesure de faire de la haute couture. »
Odilon Redon
« Tout à fait récemment, j’ai vu chez un grand collectionneur américain un dessin
d’Odilon Redon, un peintre symboliste de la fin du XIXe siècle. En premier plan,
l’artiste a dessiné des barreaux. Derrière apparaît le visage d’une petite fille dont
on distingue plus précisément les yeux assez mélancoliques. Au premier regard,
on pense évidemment qu’elle est emprisonnée, puis on réalise que c’est elle qui
est dehors et que c’est nous, les observateurs, qui sommes en prison. Ce dessin
illustre la liberté de l’artiste et l’emprisonnement du spectateur dans sa vision
étriquée du monde. »
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À CONSULTER
www.darroisvilley.com
Éric Dupond-Moretti
1983
Maîtrise de droit
Année d’étude au Centre de formation professionnelle des avocats
Stage chez Jean Descamps
CAPA (certificat d’aptitude à la profession d’avocat)
1984
Prestation du serment d’avocat
Inscription au barreau de Lille (Nord)
1985
Premier secrétaire de la conférence du stage du barreau de Lille
Stage professionnel chez Éric Lewalle, associé de José Savoye, à Lille
1986
Ouverture du cabinet Dupond-Moretti boulevard Carnot, à Lille (transféré en 1989 rue
de la Monnaie)
1991
Ouverture du cabinet Dupond-Moretti et Squillaci, rue Royale, à Lille
2006
Audition devant la commission d’enquête sur l’affaire d’Outreau
La vocation
Le cursus
« Une fois le bac en poche, en 1979, il était évident pour moi que je
devais faire du droit. Je me suis inscrit à Lille. C’est la première
fois que j’allais vivre dans une grande ville. Le choc. J’avais grandi
à Cousolre, une petite commune à côté de Maubeuge. Certes,
j’avais ensuite vécu à Fourmies puis à Valenciennes, mais cela n’a
rien à voir. J’ai emménagé dans une chambre d’étudiant. J’avais
commencé à travailler régulièrement après le lycée dès l’âge de 15
ou 16 ans. J’ai fait de même à la fac. J’ai été barman. J’ai travaillé
dans la restauration et en boîtes de nuit. J’ai même creusé des
caveaux dans les cimetières. À partir de la troisième année, j’ai eu
un poste de pion. J’étais également boursier. Je gagnais plus que
ma mère.
À la fac, j’ai toujours opté pour le droit privé. Certains professeurs
m’ont beaucoup marqué, notamment José Savoye, avocat, doyen de
la fac de droit. Il assurait des cours de sciences politiques. C’était
un personnage truculent, intelligent, cultivé. Le cours de droit pénal
a aussi été pour moi une révélation. Certains rêvent de faire
médecine et s’aperçoivent dès le troisième cours qu’ils se sont
trompés. Lorsque j’ai abordé le droit pénal, j’ai trouvé cela
extraordinaire. Quand l’imaginaire rejoint la réalité, cela donne un
formidable appétit. J’ai obtenu la licence en 1982 et la maîtrise
l’année suivante. Le CFP (Centre de formation professionnelle des
avocats) venait d’être créé. J’ai dû passer le concours pour y entrer
et obtenir le CAPA (certificat d’aptitude à la profession d’avocat).
Cette année au CFP a été un calvaire. Le programme comportait
des matières qui m’ennuyaient terriblement. Je suis sorti dernier,
mais avec le CAPA en poche. À l’époque, quiconque entrait au
CFP en sortait avec son certificat. J’ai tout de même eu des
moments d’exception durant cette année. En premier lieu, le stage
chez Jean Descamps, un avocat lillois spécialiste de droit civil qui
touchait de temps en temps au pénal avec une minutie d’horloger
suisse. Je le suivais aux audiences. C’était magique. Je n’ai pas pu
être ensuite son collaborateur parce qu’il avait déjà son équipe. Un
autre moment merveilleux est celui qui m’a permis de plaider pour
une jeune Haïtienne à qui l’on reprochait d’avoir fait rentrer
illégalement un homme sur le sol français. En effet, dans le cadre
du CFP, avec un maître de stage, on peut plaider. C’était ma
première plaidoirie. Je n’étais pas encore avocat. J’ai obtenu sa
relaxe. Ma mère m’avait accompagné. Elle n’a rien trouvé de
mieux que d’aller l’embrasser après le verdict. Ce sont des choses
qu’on n’oublie pas. J’ai également mis à profit cette année pour
m’imprégner d’une culture judiciaire. Je passais un temps fou à la
cour d’assises. J’écoutais les grands avocats. Je mesurais à quel
point c’était hors d’atteinte. Le Graal. J’ai prêté serment le 11
décembre 1984. J’étais enfin avocat ! Il fallait tout de même encore
effectuer un stage professionnel. J’ai donc dû trouver un maître de
stage dans la spécialité que je voulais. Il y avait bien quelques
pénalistes à Lille, mais tout le monde s’évertuait à me décourager
de faire exclusivement du pénal au motif qu’il n’y avait pas
suffisamment de débouchés dans la région. Je me suis dit que
j’allais faire le tour de France. J’ai commencé par Marseille. Les
avocats avaient déjà leurs collaborateurs. J’ai pris mon bâton de
pèlerin pour Toulouse. J’avais obtenu une recommandation de la
part de Jean Descamps auprès d’Alain Furbury. J’avais deux mois
de barreau. Il était déjà un immense avocat. Il m’a accueilli avec
des attentions bouleversantes, mais lui non plus n’avait rien à me
proposer. J’aurais pu obtenir une place à Paris chez Jean-Louis
Pelletier, un très grand avocat, incontestablement un modèle pour
moi. J’ai dû renoncer. Je n’aurais pas eu les moyens de me loger à
Paris. Je suis revenu à Lille. Nous étions début 1985. J’ai décidé de
passer le concours de la conférence du stage du barreau de Lille.
Certes, ce concours d’éloquence n’a pas l’importance de celui de
Paris, mais il apporte une certaine reconnaissance. J’ai terminé
premier. Éric Lewalle, alors associé de José Savoye, m’a proposé
de le rejoindre. Il faisait exclusivement du droit du travail. Un
arrangement étonnant s’est mis en place. Je devais consacrer un mi-
temps à ses dossiers. Il me les expliquait et j’allais les plaider. Pour
le reste, j’étais libre.
Je me suis retrouvé dans un cabinet magnifique. J’allais au
conseil de prud’hommes. Cette instance règle les litiges individuels
entre salariés ou apprentis et employeurs. Cela ressemble un peu
aux assises dans la mesure où l’on y plaide vraiment. Nous étions
exclusivement du côté des patrons. J’avais parfois le sentiment de
trahir la classe ouvrière mais je me régalais. Ensuite je m’occupais
de mes histoires. Il y avait parfois dans la salle d’attente des
marlous qui avaient piqué des mobylettes à côté de chefs
d’entreprise en cravate Hermès et chaussures Weston. Jamais
personne ne m’a fait une réflexion. Le stage devait durer deux ans.
J’ai eu tellement de clients personnels que c’est devenu
incompatible avec le mi-temps que je devais effectuer pour le
cabinet. Je me suis installé en 1986, toujours à Lille. Un bureau
minuscule, une salle d’attente avec trois chaises, pas de secrétariat.
Je travaillais sur des dossiers dans lesquels j’étais commis d’office.
Je faisais sortir beaucoup de gens de prison, surtout en soulevant
des points entraînant la nullité des procédures. Je regardais les
dossiers à la loupe. Il suffisait de trouver une signature oubliée au
bas d’un document. Aujourd’hui c’est fini mais cela marchait à
l’époque. À Lille, ce n’était pas l’habitude. On disait que je ne
respectais rien. J’ai acquis une réputation d’avocat procédurier et
intransigeant dans le Nord-Pas-de-Calais.
Parmi les premiers dossiers qui ont fait beaucoup de bruit, il y a eu
l’affaire Deulin, en 1987. Jean-Pierre Deulin, fromager à Maroilles,
dans le Nord, s’était accusé d’avoir tué sa femme avant de se
rétracter. Je suis parvenu à faire invalider les expertises une à une, à
tel point que l’avocat général n’a requis aucune peine. Un épisode
de l’émission Faites entrer l’accusé a été tourné sur le sujet en
2009. En 1991, j’ai retrouvé Alain Furbury pour l’affaire des quatre
appelés de la base opérationnelle mobile aéroportée de Toulouse-
Francazal. Deux ans auparavant, cette petite bande avait enlevé,
violé, torturé et tué trois jeunes femmes puis abattu un garde
champêtre au cours d’une équipée atroce.
En 1992, à Montpellier, je suis intervenu dans l’affaire
Dandonneau. Pour mettre la main sur des primes d’assurances,
Yves Dandonneau avait organisé un accident de voiture. Il avait
ensuite mis le feu au véhicule dans lequel il avait placé une victime
qu’il avait droguée, dans le but de faire passer le cadavre carbonisé
pour le sien. Il l’avait attirée dans sa voiture en lui faisant croire
qu’il l’emmènerait sur la tombe de Brassens. J’intervenais pour la
famille de cette victime. J’ai terminé ma plaidoirie en chantant
L’Auvergnat. Ces trois affaires ont été extrêmement importantes.
Le cabinet s’est développé. Je me suis associé avec un spécialiste
de droit civil et commercial, Stéphane Squillaci, mais je continue à
ne faire que du pénal. Nous sommes implantés rue Royale, à Lille.
J’ai deux collaborateurs. Stéphane a aussi les siens. Nous n’avons
pas les mêmes revenus que des avocats d’affaires florissants, mais
nous gagnons bien notre vie. Les jeunes avocats ont presque
exclusivement des commissions d’office, ensuite évidemment, cela
évolue. Cela étant, tous les pénalistes vous le diront, il nous arrive
de plaider gratuitement. J’interviens dans toutes les cours d’assises
à travers la France. Il m’arrive de plaider trois fois dans la semaine.
Soit je prépare personnellement le dossier, soit mes collaborateurs
s’en chargent. On se téléphone, on se voit. Parfois un collaborateur
m’accompagne pour me donner les éléments sur un point précis.
C’est un travail collectif qui implique beaucoup d’organisation. Je
ne suis que sur une affaire à la fois, parfois deux, mais c’est rare. Je
n’aime pas arriver pour plaider dans un procès que je n’ai pas suivi.
Il y a d’emblée une imprégnation, une présence indispensable. Il
faut imprimer sa marque. Arriver au dernier moment comme une
rock-star est insupportable.
Je ne sollicite jamais un client. Je prends ce qui se présente. Je crois
en la défense des hommes, pas en la défense des causes. Je pourrais
défendre un négationniste. Je ne pourrais pas défendre un
négationniste qui me demanderait de dire que les chambres à gaz
n’ont pas existé. La limite est là.
Mon parcours est émaillé de coups de gueule qui m’ont valu des
poursuites disciplinaires intentées par les juges. On dit que je
pratique l’intimidation. Je le fais avec ceux qui méritent d’être
intimidés. Il y a deux types de comportements possibles : soit un
rapport de respect mutuel et les choses se passent dans la sérénité,
soit un rapport de force. Je ne veux pas être un pot de géranium
posé devant mon client. Je veux être respecté. Je n’accepte jamais
qu’on me parle comme le font certains présidents de tribunaux. Je
ne suis pas un petit garçon que l’on gronde à l’école maternelle. Il
n’est pas question que je rentre dans une espèce de connivence qui
consiste à laisser le président d’un tribunal imposer une optique ou
une opinion sans qu’il prenne garde à qui je suis et à qui je dois être
quand je suis en robe d’avocat. C’est plus facile pour un avocat
général qui incarne la société que pour l’avocat de l’affreux. Il faut
d’abord conquérir sa place. Ou cela se fait naturellement, parce que
le président le souhaite, ou ce n’est pas le cas et je la prends. »
Expériences d’avocat
Outreau
La tribu
« Je me souviens d’un bâtonnier qui disait : “Regardez les pénalistes, ils ont
la même gueule que leurs clients.” Quand je défends les accusés d’Outreau
lorsqu’ils sont réputés être pédophiles, on me regarde comme un salaud.
Quand je défends les mêmes alors qu’ils sont devenus innocents, je suis un
héros. Je ne mérite ni cet excès d’opprobre ni cet excès d’honneur. Lorsque
je dis qu’il est intéressant de faire acquitter un coupable parce que faire
acquitter un innocent, c’est la moindre des choses, je sais que cela peut
choquer. Que traduit le fait qu’un coupable soit acquitté ? Est-ce le signe d’un
dysfonctionnement de la justice ? Est-ce que cela ne montre pas plutôt que la
justice a appliqué les règles qui sont les siennes, à savoir que dans un État
de droit, la culpabilité ne peut être consacrée que si la preuve en est
clairement rapportée par l’accusation ? N’est-ce pas cela qui est rassurant ?
Dans l’une des plus vieilles démocraties du monde, on n’a pas encore intégré
que la défense est un droit essentiel. Après un repas de communion, il y a
toujours quelqu’un pour demander : “Comment faites-vous pour défendre
l’assassin d’un enfant ?” Ce regard réprobateur renforce les liens entre les
pénalistes. Nous sommes assez peu nombreux à intervenir dans toutes les
cours d’assises de France sur les grandes affaires pénales. Nous nous
croisons souvent. Nous avons notre manière de vivre notre métier et de
ressentir le regard que l’on porte sur nous, à tel point que l’on a parfois
l’impression d’appartenir à une tribu. »
Gisèle Halimi
« On naît avocate, on ne le devient pas. »
(G. H.)
1945
Études supérieures à Paris
1949
Licence de droit
CAPA (certificat d’aptitude à la profession d’avocat)
Prestation du serment d’avocate
Inscription au barreau de Tunis
1956
Inscription au barreau de Paris
1964
Ouverture du cabinet rue Saint-Dominique, Paris VIIe
1971
Création du mouvement féministe « Choisir la cause des femmes »
1981
Élection à l’Assemblée nationale
1985
Nomination en tant qu’ambassadrice déléguée permanente de la France auprès de
l’UNESCO
La vocation
Le cursus
« Quand j’ai voulu entrer au lycée, mes parents ont refusé sous
prétexte que j’étais une fille. Nous étions en 1938. À l’époque, en
Tunisie, le lycée était payant et il fallait acheter les livres. J’ai passé
outre la décision de mes parents. Je me suis présentée à un examen
de bourse auquel je suis arrivée première. Comme nous étions une
famille nécessiteuse, on m’a prêté les livres. Il fallait une moyenne
annuelle de 14 sur 20 pour continuer à bénéficier d’une bourse.
C’était pour moi et pour moi seule un défi extraordinaire. Non
seulement mes parents n’ont rien payé, mais ils se désintéressaient
totalement de ce que je faisais. Mon frère aîné, lui, avait été inscrit
au lycée par mes parents. Je revenais première et lui dernier. Ils ne
s’occupaient pas de moi car l’honneur de la famille, c’était le
garçon. L’homme.
Je lisais des nuits entières. À la maison, nous étions quatre enfants
dans la même chambre. Je ne pouvais pas éclairer la pièce pour
lire. Il y avait une prise de courant en bas du mur. J’avais acheté
une petite ampoule. Je me mettais à plat ventre pour lire sans
déranger les autres. Lorsque les professeurs disaient de lire la scène
2 de l’acte III de L’Avare, je lisais tout Molière. Après sont venus
Stendhal, Balzac, etc. J’étais passionnée de culture française et je
mesurais toute l’incompatibilité qu’il pouvait y avoir entre ce que
je lisais et ce que faisaient les colonisateurs. Il ne s’agissait pas de
la même France.
En classe de philo – qui correspondrait aujourd’hui à la terminale –
je me suis demandé si je n’allais pas poursuivre dans cette voie. Je
me posais des questions. “La philosophie m’aidera-t-elle à changer
le monde ?” “Que deviendrai-je au plan professionnel ?”
J’imaginais bien que je parviendrais à une indépendance
économique en étant professeur, mais je me demandais si, même en
écrivant des livres, ce serait aussi fort qu’une parole, qu’une
présence physique dans un prétoire. J’ai obtenu 16 de moyenne au
baccalauréat. Apprendre était le sens de ma vie. Cela me permettait
d’oublier ce que je vivais chez moi. Je réalisais à quel point le
savoir et la connaissance étaient un pouvoir.
Malgré l’opposition de mes parents, je suis partie pour Paris en
août 1945, au moment voulu pour m’inscrire à l’université. Je ne
connaissais personne. J’étais mineure. Il a fallu que je fasse le siège
de la résidence française de Tunisie pendant un mois pour obtenir
les papiers nécessaires. Les autorités donnaient des ordres de
mission aux familles pour les rapatrier en France. J’ai fini par en
obtenir un, alors que je n’avais jamais mis les pieds en France. J’ai
fait le voyage dans un ancien bombardier anglais aménagé de
manière rudimentaire pour le transport de passagers. Il y avait
seulement des grands bancs de bois à la place des bombes.
Je me suis inscrite en droit à l’université Panthéon et en
philosophie à la Sorbonne. J’aurais voulu m’inscrire aussi à
Sciences Politiques, mais il y avait un concours d’entrée pour les
filles et pas pour les garçons. Par principe, j’ai refusé de le passer.
J’ai logé à Clichy, puis à Passy, où une veuve me louait un divan
Récamier dans l’entrée de son appartement, pour un loyer minime.
Je lui donnais les oranges qu’on m’envoyait de Tunisie. C’était
l’époque des cartes de rationnement, je lui donnais aussi le lait et le
beurre auxquels j’avais droit et que je détestais. J’avais emporté des
bidons d’huile d’olive de Tunisie. Je n’avais que cela. Quand
j’allais chez quelqu’un, j’arrivais toujours avec ma petite bouteille
d’huile. Très vite, j’ai cherché un travail. Je suis parvenue à me
faire embaucher en équipe de nuit au standard téléphonique des
armées, rue des Archives. C’était le plus grand standard
téléphonique d’Europe. Il était tenu par les Américains. Pour y
rentrer, j’ai dû apprendre l’anglais. On connectait le général Clark
avec le général Eisenhower. On les avait au bout du fil. Cela me
faisait rêver. Au regard des heures effectuées, c’était bien payé. Et
puis nous étions nourris. J’ai changé de logement. Je partageais la
chambre avec une veuve qui avait deux enfants. Le jour, j’allais au
cours. La licence se faisait en trois ans. J’ai dû m’arrêter en chemin
parce que je suis tombée malade. Je suis retournée en Tunisie pour
me soigner, puis je suis revenue à Paris achever mes études.
Les professeurs de droit étaient des monstres sacrés qui faisaient
cours sur les livres qu’ils avaient écrits. Ils professaient en robe
dans le grand hémicycle. C’était impressionnant, mais on chahutait.
Je travaillais surtout avec des polycopiés. Il n’y avait quasiment
aucun contact avec ces grands personnages, sauf à l’occasion des
travaux pratiques. Je me souviens du professeur Henry Solus qui
mimait comment il fallait plaider. Il disait : “Quand vous devez
plaider, n’écrivez pas tout. Préparez des notes, réfléchissez, mais
arrivez sans un papier. Présentez-vous nu comme un ver.” De fait,
je n’ai jamais écrit une plaidoirie.
Ce que j’étudiais m’enchantait, mais dès que j’ai commencé à
apprendre le droit, j’ai mesuré que cela ne suffisait pas. Je voulais
appréhender toute la société, tout un contexte et pas seulement
apprendre comment on fait une loi ou quelles sont les lois. C’était
pour cela que j’étais mordue par la philosophie. Les grands avocats
de ma génération ont presque tous fait de la philosophie ou des
lettres. L’étude du droit ne prépare pas, seule, à être un avocat
portant la vision d’une société différente de celle qui réprime
injustement. Il s’agissait pour moi de disposer de l’instrument qui
pouvait changer des ressorts que je trouvais tordus dans le monde
où je vivais. La justice a une fonction culturelle fondamentale et le
changement culturel va de pair avec le changement politique, avec
le combat contre les injustices.
En 1949, j’ai obtenu la licence de droit, deux certificats de licence
de philosophie et le CAPA (certificat d’aptitude à la profession
d’avocat), puis j’ai prêté le serment d’avocate. J’ai débuté mon
stage à Paris chez un jeune avoué qui avait pris la succession de
son père, puis je suis rentrée en Tunisie. J’étais partie depuis l’âge
de 18 ans. Personne ne me connaissait. La chance a voulu que je
puisse m’inscrire à un concours d’éloquence. Aucune femme ne s’y
était jamais présentée. Il s’agissait d’une cérémonie socialement
très importante qui se déroulait en présence du représentant de Son
Altesse le Bey et du Résident général. Mon père était fier et disait à
qui voulait l’entendre : “C’est ma fille.” Le thème choisi, “le droit
de supprimer la vie”, m’avait enthousiasmée. Je me souviens avoir
fait un grand réquisitoire contre la peine de mort et pour
l’euthanasie. L’assistance avait été très intéressée. Les journaux
s’en sont fait l’écho. J’ai été élue lauréate, ce qui m’a permis
d’entrer comme stagiaire au cabinet de Paul Ghez, l’un des plus
grands avocats du barreau de Tunis. Il a été un patron
extraordinaire. J’ai commencé par défendre devant les tribunaux
militaires des soldats des bataillons d’infanterie légère d’Afrique,
plus connus sous leur surnom de Bat d’Af'. Au début j’étais
commise d’office, ensuite j’étais choisie. Finalement, j’avais
tellement d’affaires que je n’ai pas pu finir mon stage. Je me suis
installée dans une grande pièce coupée en deux, avec, d’un côté,
une dactylo et la salle d’attente et, de l’autre, mon cabinet. Je me
suis occupée d’affaires pénales ordinaires jusqu’en 1956. Je me
suis engagée alors dans le pénal politique avec les événements de
Tunisie, puis d’Algérie. C’était l’époque des tribunaux spéciaux,
des lois spéciales, des lois et des tribunaux d’exception. J’ai plaidé
pour la nièce d’Habib Bourguiba aux côtés de Pierre Mendès
France et d’Edgar Faure, les grands avocats que les nationalistes
tunisiens faisaient venir de la Métropole. Ils plaidaient pour les
chefs de file politiques et nous plaidions pour les autres. Je faisais
du légal jusqu’au bout. J’avais le sentiment étrange qu’en poussant
l’exigence de légalité dans la justice, on arrivait à établir que le
verdict qui allait être rendu violait la légalité même de l’autorité
judiciaire. Nous étions spécialistes des conclusions sur la forme.
Cela “revissait” des têtes comme je le disais à cette époque où la
peine de mort était souvent requise. Très tôt, j’ai été une pénaliste
et une assez bonne juriste. J’avais plaisir à développer dans mes
conclusions l’illégalité de telle mesure, la nullité de tel procès-
verbal. L’émotion venait en dernier recours. Avant tout, je voulais
démontrer que la justice ne devait pas être pratiquée comme elle
l’était alors.
En 1956, des changements d’ordre privé m’ont amenée à regagner
la France. Je me séparais de mon conjoint, je quittais la Tunisie
avec mes enfants. Je me suis inscrite au barreau de Paris. Nous
étions en pleine guerre d’Algérie. J’étais toujours très impliquée
dans le pénal politique. Je me battais contre les atteintes aux droits
de la défense alors que la justice couvrait les agissements de la
police et des parachutistes. Le chapitre infini et tragique des
tortures remettait en cause mon attachement à la justice de ce pays.
Qu’était la France ? Que signifiait être avocate dans un pays qui
bafouait les droits les plus élémentaires, à commencer par
l’intégrité physique d’un individu ?
Tout en étant très impliquée dans la défense de nationalistes du
FLN (Front de libération national) algérien, je m’étais par ailleurs
mobilisée pour la cause des femmes. La fondation du mouvement
féministe “Choisir la cause des femmes”, que je préside
aujourd’hui encore, remonte à 1971. Ainsi, mes chemins
personnels, mes convictions, mes idéaux et mes activités d’avocate
puis d’écrivaine et enfin de députée et d’ambassadrice
d’organisations internationales se sont mutuellement fertilisés.
Comme j’ai eu l’occasion de l’écrire, ma chance est que les grands
événements de l’Histoire et les grandes mutations de la société se
soient mêlés à l’histoire de ma vie jusqu’à la remplir totalement. »
Expériences d’avocat
Djamila Boupacha
« Arrêtée le 10 février 1960 à Alger, Djamila Boupacha était
accusée d’avoir déposé une bombe dans un café. L’engin avait été
désamorcé. Il n’y avait pas eu de dégâts. Elle avait reconnu les
faits. Pourquoi la torturer pendant plus d’un mois ? C’était un agent
de liaison. Le général Massu voulait qu’elle parle. Elle ne l’a pas
fait.
La première fois que je l’ai vue à Alger, elle boitait, elle avait les
côtes brisées, les seins brûlés par des cigarettes. Il ne s’agissait pas
seulement de faire la clarté sur ces tortures, il fallait sauver cette
jeune fille qui risquait la peine de mort. Le pire des actes commis
par ses tortionnaires, aux yeux de cette musulmane très pratiquante,
vierge, fut le viol. Immédiatement, je lui dis que j’allais la
défendre. J’avais les autorisations nécessaires. J’ai déposé une
plainte en tortures. Je n’ai pas pu aller au tribunal car, ayant fait
l’objet d’un arrêt d’expulsion, la police m’a mise dans l’avion pour
Paris à cinq heures du matin. L’audience commençait à huit heures.
Djamila a refusé de parler et récusé l’avocat commis d’office. Je
connaissais Simone de Beauvoir. J’avais lu tous ses livres,
notamment Le Deuxième Sexe, avant de la rencontrer, en septembre
1958. C’était à l’école communale de la rue d’Alésia, à Paris. La
gauche avait organisé un meeting pour le NON au référendum à De
Gaulle. Je l’ai vue entrer, avec son célèbre chignon, sa démarche un
peu lourde, son visage sévère. Elle était accompagnée de Sartre et
tous deux prirent place à la tribune où j’étais déjà assise. Nous
échangeâmes quelques mots avant que ne commence le meeting.
Avec une simplicité naturelle, elle me dit admirer en moi la jeune
femme engagée et active. Je bafouillais de confusion et de plaisir.
Après les discours – pour ma part, je témoignais du putsch des
généraux, à Alger le 13 mai, j’avais alors été arrêtée par les
parachutistes et détenue dans un centre de tortures – Simone de
Beauvoir s’était rapprochée de moi et avait décidé : “Nous devons
déjeuner ensemble…” Ainsi avons-nous tissé des liens qui ne
devaient se défaire qu’à sa mort. C’est donc tout naturellement que
je pensais à elle, pour m’aider à sauver la vie de Djamila.
Arrivée à Paris, je suis immédiatement allée la trouver. J’ai appelé
Le Monde qui a pris les choses très au sérieux. La tribune du
Monde a lancé l’affaire. L’édition du journal a été saisie. Simone de
Beauvoir et moi avons été poursuivies. C’est là que je me suis
rendu compte que pour obtenir la justice que je voulais, il fallait
parfois transgresser la loi et même la déontologie. J’étais liée par le
secret professionnel certes, mais il fallait sauver cette femme qui
risquait la mort. Des comités de défense se sont créés dans le
monde entier. Il y a eu une manifestation à Washington et à Tokyo,
nous faisions des conférences de presse, c’était extraordinaire.
Nous avons obtenu le transfert de Djamila Boupacha en France.
Notre comité était d’une ouverture politique jamais pratiquée
auparavant. Il rassemblait depuis Gabriel Marcel, le philosophe
existentialiste de droite, pro-Algérie française, jusqu’à Aragon, en
passant par Sartre, Geneviève de Gaulle, Edgar Faure, etc. Nous
avons obtenu les photos des tortionnaires présumés, que Djamila
Boupacha a reconnus sans hésitation, mais il fut impossible de se
faire communiquer leur nom et leur matricule afin de pouvoir les
entendre. Pierre Messmer, ministre de la Défense, refusait au motif
que ce serait mauvais pour le moral de l’armée. Cela a provoqué
une levée de boucliers sur le plan médiatique. Toujours armée du
droit, j’ai déposé plainte en forfaiture contre Messmer et contre le
général en chef des armées Charles Ailleret puisque,
constitutionnellement, ils n’avaient pas à s’opposer à la justice et
devaient répondre aux demandes d’enquêtes. Djamila Boupacha a
été amnistiée avec la signature des accords d’Évian qui ont mis fin
à la guerre d’Algérie, en 1962.
Djamila Boupacha a été pour moi un révélateur de tout ce que je
voulais défendre. Je retrouve mon combat contre la torture, la
défense de ma conception de la justice, mon idée du droit des
peuples à disposer d’eux-mêmes, ma lutte contre le viol, mon
féminisme enfin. »
Le droit des femmes
Le serment d’avocat
Vieira da Silva
« La peinture dite moderne m’intéresse particulièrement. Elle nous dit, sur notre
monde, bien autre chose que la photographie. J’étais très amie de Vieira da
Silva. Elle avait un immense talent et une affectivité à fleur de peau. J’ai eu le
triste privilège d’assister à sa mise en bière. Chez moi, j’ai d’elle plusieurs lithos.
L’une exprime le chatoiement mais aussi la complexité d’une grande ville
américaine. L’autre, traitée comme un fin maillage gris-bleu, m’est dédicacée par
elle, à l’occasion d’un week-end, dans sa campagne. Je suis également très
touchée par l’œuvre de Nicolas de Staël, trop tôt lassé de vivre… »
▬▬▬▬▬
PRINCIPAUX OUVRAGES
Djamila Boupacha, préface de Simone de Beauvoir, Gallimard, 1962, 1978, 1991, 2003.
Récit du procès.
Le procès de Burgos, préface de Jean-Paul Sartre, Gallimard, 1971. Gisèle Halimi est
mandatée par la Fédération internationale des droits de l’Homme pour assister au procès
de militants basques de l’ETA.
La cause des femmes – Le temps des malentendus, Grasset, 1974 ; Gallimard, 1992.
Manifeste où sont abordées différentes thématiques : la création de « Choisir la cause des
femmes », avortement et sexualité, le procès de Bobigny, la dynamique des luttes de
femmes, etc.
Le lait de l’oranger, Gallimard, 1998, 1990, 2001. L’itinéraire d’une femme engagée,
actrice et témoin des principaux événements de son temps.
Une embellie perdue, Gallimard, 1995. L’élection de Gisèle Halimi en 1981 au siège de
députée, les espoirs et la désillusion. Réflexion sur le pouvoir, la démocratie et la place
des femmes en politique.
Avocate irrespectueuse, Plon, 2002, 2003. Retour sur trente ans de carrière d’une avocate
engagée.
La Kahina, Plon, 2006. Histoire de la reine de l’Aurès qui, au VIIe siècle, résista aux
troupes du général arabe Hassan.
Ne vous résignez jamais, Plon, 2009. Une réflexion générale sur le féminisme
d’aujourd’hui.
À consulter
www.choisirlacausedesfemmes.org
Maître Gisèle Halimi est titulaire de la médaille du barreau de Paris pour son
cinquantenaire professionnel. Elle est également Officier de la Légion d’honneur et
Commandeur de l’Ordre national du Mérite.
5.
Cédric Labrousse
2000
DESS (diplôme d’études supérieures spécialisées) de droit européen des affaires, Paris
II Panthéon Assas
2001
LLM (Master of Laws) in European Legal Studies, Université d’Exeter (Grande-
Bretagne)
2002
Master en droit des affaires internationales et management à HEC (Hautes Études
commerciales)
2004
CAPA (certificat d’aptitude à la profession d’avocat)
Prestation du serment d’avocat
Pré-stage chez maître Pierre-Olivier Sur
Entrée au cabinet d’Olivier Metzner, en qualité de collaborateur
2009
Premier secrétaire de la conférence du stage des avocats au barreau de Paris
2010
Ouverture du cabinet Labrousse, cité Vaneau, Paris VIIe
La vocation
Le cursus
Expériences d’avocat
La conférence du stage
« Depuis des années, la situation dans les prisons est catastrophique, voire
explosive. La population carcérale se développe à une vitesse galopante
alors qu’elle atteint déjà plus de deux fois le nombre de places disponibles
dans les centres de rétention. Les surveillants des établissements
pénitentiaires eux-mêmes prônent la mise en œuvre de sanctions alternatives
pour désengorger les prisons. La très grande majorité des personnes privées
de liberté le sont pour des faits mineurs, des petits délits. Nombre
d’incarcérations sont consécutives à des problèmes de drogue. De trop
nombreuses personnes emprisonnées présentent des pathologies mentales.
Elles ressortent de leur séjour en prison encore plus vulnérables. Les prises
en charge sont inadaptées. L’une des premières missions de l’administration
pénitentiaire devrait consister à favoriser la réinsertion sociale des personnes
qui lui sont confiées par l’autorité judiciaire, mais les ressources et les
formations manquent. Prétendre que les choses s’améliorent quand on met
les gens en prison est absurde. Il faut voir l’état des prisons et ce qui s’y
passe. Certaines personnes entrent et sortent pour y retourner aussitôt.
Sanctionner tout et n’importe quoi n’est pas une solution viable. Le tout-
sécuritaire est une dangereuse illusion. »
Musique Post-bourgeoise
« C’est un trio parisien qui joue des textes graves, cyniques et drôles sur des
thèmes étonnants. Ce petit monde porte un regard sur la vie vraiment original et
surréaliste. Un danseur fou illustre des textes hurlés au mégaphone sur une
musique simple : des sons de synthèse analogiques très chauds et des
séquences rythmiques répétitives, minimalistes, pures. C’est totalement
surréaliste. C’est ce groupe qui avait eu, il y a quelque temps déjà, l’idée de
concerts où les artistes débarquaient chez les gens sans les prévenir. Cette folie
fraîche et drôle me fait du bien. Ils expriment une belle forme de liberté par
l’absurde. »
▬▬▬▬▬
Henri Leclerc
1955
Licence de droit
CAPA (certificat d’aptitude à la profession d’avocat)
Prestation du serment d’avocat
1957
Entrée au cabinet d’Albert Naud
1958-1961
Service militaire en Algérie
1962
Concours de la conférence du stage
1969
Ouverture du cabinet avenue Kléber, Paris XVIe
1973
Ouverture du cabinet Ornano, boulevard Ornano, Paris XVIIIe
1983-1986
Membre du conseil de l’ordre des avocats
1989-1991
Membre de la « Commission justice pénale et droits de l’Homme » présidée par Mireille
Delmas-Marty
1994
Ouverture du cabinet rue Cassette, Paris VIe
1995 à 2000
Président de la Ligue française pour la défense des droits de l’Homme et du citoyen
La vocation
Le cursus
Expériences d’avocat
Dans le mouvement de Mai 68
L’affaire Roman
Le cabinet Ornano
PRINCIPAUX OUVRAGES
À lire
La défense, avec W.-H. Fridman, EDP Sciences, 2002. Du corps humain au corps social,
le rôle et les stratégies de la défense sont essentiels pour restituer de l’humain là où il y a
crime et blessure. Les points de vue d’Henri Leclerc et de W.-H. Fridman, docteur en
médecine et docteur ès sciences, praticien hospitalier, chercheur en immunologie.
Un combat pour la justice : entretiens avec Marc Heurgon. La Découverte, 1994. Les
entretiens menés par Marc Heurgon, agrégé d’histoire, retracent la carrière d’Henri
Leclerc, les multiples facettes de son combat pour la justice, son analyse des rouages
judicaires et son approche des grandes évolutions politiques et juridiques de la société
française contemporaine.
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À CONSULTER
www.cabinet-leclerc.fr
7.
Corinne Lepage
1974
DES de l’Institut d’études politiques de Paris DES de droit public
CAPA (certificat d’aptitude à la profession d’avocat)
1975
Prestation du serment d’avocate
1978
Association avec Christian Huglo,
Création du cabinet Huglo-Lepage, Paris VIIIe
1982
Doctorat d’État en droit
1987-1989
Membre du conseil de l’Ordre des avocats
1995-1997
Ministre de l’Environnement
1996
Création du club de réflexion Cap21 (Citoyenneté, action, participation pour le XXIe
siècle)
2009
Élection au Parlement européen en tant qu’eurodéputée
La vocation
Le cursus
Expériences d’avocat
Erika
Au nom du principe
« Je plaide très peu parce que je n’ai pas le temps. J’interviens dans
des dossiers qui posent des questions de principe. Ainsi, j’ai
défendu le Mouvement pour le droit et le respect des générations
futures (MDGRF) lorsqu’il a été attaqué pour avoir voulu alerter
les pouvoirs publics et l’opinion en diffusant sur son site Internet,
en novembre 2008, le résultat d’analyses attestant la présence de
pesticides dans le raisin de table vendu dans certains supermarchés.
Le mouvement s’était vu assigné en justice pour dénigrement par la
Fédération nationale des producteurs de raisins de table (FNPRT)
qui réclamait 500 000 euros. C’est typique des actions actuellement
menées par certains grands groupes pour faire peur aux
associations et éviter les publications qui dérangent. La FNPRT a
été déboutée et condamnée à reverser un euro d’amende pour
procédure abusive, ainsi que la somme de 2 000 euros pour
rembourser les frais d’avocat. »
PRINCIPAUX OUVRAGES
On ne peut rien faire Madame la ministre, Albin Michel, 1998. Les ministres sont sous
haute surveillance, leur action est freinée de toutes parts. Quelles solutions pourraient
légitimer la politique ?
On efface tout et on recommence, (sous le pseudonyme de Catherine Médicis), Michalon,
2006. Les Français sont inquiets. Ce qui n’était que morosité et doute s’est transformé en
fatalisme, en repli individualiste voire en haine de l’autre, exprimée parfois de la pire des
manières. L’auteur expose ses propositions pour se « réapproprier » la société.
Vivre autrement, Grasset & Fasquelle, 2009. Selon l’auteur, la crise est une chance pour
changer notre système et répondre simultanément aux crises énergétique, écologique,
alimentaire, démocratique. Elle expose ses préconisations.
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À consulter
www.huglo-lepage.com
8.
Olivier Metzner
1975
Licence en droit à l’université de Caen (Calvados)
CAPA (certificat d’aptitude à la profession d’avocat)
Prestation du serment d’avocat
Inscription au barreau de Paris
Ouverture du cabinet rue de Babylone, Paris VIIe
1979-1980
Premiers grands succès dans le domaine du droit pénal
1989-1990
Médiatisation des premiers dossiers dans le domaine du droit pénal des affaires
1998
Installation du cabinet Metzner et associés rue de l’Université, Paris VIIe
La vocation
Le cursus
Expériences d’avocat
Un pionnier de la procédure pénale
L’avocat et la presse
« Certains de mes clients ont appris leur mise en examen par les journaux. À
partir du moment où les médias vont plus vite que la justice, l’avocat doit
s’inscrire dans ce rythme et plaider sa cause auprès des journalistes. Pour
certains avocats, c’est un plaisir. Pour moi, c’est une contrainte nécessaire à
l’intérêt du client et je l’assume totalement. On travaille essentiellement avec
la presse judiciaire, avec les journalistes qui traitent les faits divers et ceux
qui couvrent les audiences. Nous avons quasiment toujours les mêmes
interlocuteurs. Les journalistes spécialisés dans les affaires judiciaires sont
plus sereins. Ceux qui traitent les faits divers sont prêts à aller trop vite pour
avoir un scoop. À une époque, Le Monde vérifiait trois fois avant d’écrire. Ce
n’est plus le cas. Il y a parfois des agressions médiatiques. Dans le cas de
Bertrand Cantat, c’était une horreur. Cela pouvait aller jusqu’à cinquante
coups de fil par jour. Quand il arrivait à l’audience au tribunal de Vilnius, il
avait cinquante objectifs en face de lui. Là-bas, c’est légal. Certains
photographes apportaient leur escabeau pour être au-dessus des autres et
pouvoir cadrer son visage. Dès que vous êtes présenté comme coupable,
cela a un effet sur la justice. L’avocat est donc obligé de jouer avec les
médias. Si les journalistes ont la parole d’un avocat en qui ils croient, ils en
tiendront compte dans ce qu’ils écriront. Ils ne sont pas le porte-parole de
l’avocat, mais l’avocat peut les convaincre que ce qu’on leur raconte par
ailleurs n’est pas forcément la réalité. Le client ne souhaite pas que l’on parle
de lui. Parler de lui dans la presse, c’est déjà le présenter comme coupable.
Donc il faut attendre le bon moment, celui où la presse va forcément en
parler pour le faire juste un peu avant. Il ne faut pas trop anticiper sinon vous
laissez entendre qu’il y a un vrai problème. »
« Martin Luther King est la personne qui m’a le plus marqué. J’ai
été frappé par la lecture de ses sermons que j’ai découverts alors
que j’avais 15 ans. Ce sont des leçons de vie, des leçons d’égalité.
Il a mené un vrai combat avant les autres. C’est mon préféré, peut-
être par la prégnance de ma culture familiale protestante, mais
essentiellement parce qu’il est monté au front plus que les autres. Il
a pris tous les risques à une époque où c’était extrêmement mal vu
de ne pas partager la pensée unique, la pensée blanche. C’est un
homme qui apparaît sincère, honnête, d’un courage extraordinaire.
Concernant les juristes, c’est de Henri Leclerc que j’ai le plus
appris. Il allie à la fois le talent oratoire et le travail du dossier.
C’est un des rares qui le fait remarquablement bien, tout en
dégageant une grande émotion et une profonde chaleur humaine.
Alors que j’étais avocat depuis deux ans, nous avons plaidé dans
une même affaire. Je défendais un client et lui un autre, plus
important. Ses plaidoiries sont les meilleures leçons que j’ai eues.
Parmi les clients, on rencontre des personnalités qui ont des
facultés intellectuelles hors du commun, des individus qui portent
des émotions d’une manière extraordinaire. De ce point de vue, ma
rencontre avec Bertrand Cantat a été un moment inoubliable. Mon
premier rendez-vous avec lui a duré quatre heures dans sa prison de
Vilnius. Ma collaboratrice me passait des Kleenex parce que je
pleurais tellement l’émotion qu’il portait était véritable et sincère.
On ne pouvait pas résister. Le jour où il s’est exprimé devant le
procureur lituanien de Vilnius, les juges, les policiers de la brigade
criminelle, tous ceux qui étaient présents dans cette petite salle sont
ressortis quasiment en pleurs. J’ai rarement vu quelqu’un qui ait
autant de remords, une telle conscience de ses actes. »
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Gilles-Jean Portejoie
1971
Licence de droit à la faculté de droit de Clermont-Ferrand
1973
Diplôme d’études supérieures de droit public à Paris II
CAPA (certificat d’aptitude à la profession d’avocat)
Prestation du serment d’avocat
Inscription au barreau de Clermont-Ferrand
Stage, puis association avec Maurice Pialoux
1973
Ouverture du cabinet à Clermont-Ferrand
1981-1986
Membre du conseil de l’Ordre à Clermont-Ferrand
1987-1988
Bâtonnier de l’Ordre à Clermont-Ferrand
1988
Ouverture du cabinet secondaire à Paris, en association avec Paul Lombard
2008
Membre du comité Léger de réforme du code pénal et du code de procédure pénale
La vocation
Le cursus
« Mon unique but, lorsque je préparais le baccalauréat au lycée
Blaise-Pascal à Clermont-Ferrand, était de l’obtenir le plus
rapidement possible pour entamer des études de droit. J’étais en
section “sciences expérimentales”, une filière vers laquelle se
dirigeaient ceux qui ne voulaient faire ni philosophie ni
mathématiques. Je me suis inscrit à la faculté de droit de Clermont-
Ferrand. J’ai obtenu ma licence en 1971. Il fallait alors quatre ans
d’études. J’ai ensuite intégré Sciences Po à Paris, rue Saint-
Guillaume, tout en préparant à l’université Paris II un diplôme
d’études supérieures (DES) de droit international public. J’avais
choisi cette branche du droit et en particulier le droit international,
non par goût, mais par aversion pour le droit civil et le droit
commercial. Parallèlement, je préparais à Clermont-Ferrand le
certificat d’aptitude à la profession d’avocat (CAPA). Comme
aujourd’hui, je faisais l’aller-retour en permanence. Mon seul luxe
était ma voiture, une Morgan bleu marine. Une vraie folie car
lorsque j’avais payé l’essence, le garage et les fréquentes
réparations, je n’avais plus grand-chose pour vivre. Mais j’avais
une Morgan !
Je n’étais pas véritablement heureux à Paris car je n’ai jamais aimé
l’école de la rue Saint-Guillaume et son parisianisme exacerbé.
J’avais le sentiment de ne pas être des leurs. Le jour de l’examen
de sortie a coïncidé avec le passage du CAPA. Je n’ai pas hésité
une seconde et j’ai négligé Sciences Po. J’ai obtenu mon diplôme
de droit international public en octobre 1973. Je m’étais marié
quelques mois auparavant. J’ai prêté mon serment d’avocat en
décembre, en même temps que mon épouse.
Je me suis inscrit au barreau de Clermont-Ferrand dans un souci de
sécurité personnelle et professionnelle, mais aussi parce que j’aime
cette ville où je suis né. Je me disais que je trouverais là les
meilleures chances de me constituer une clientèle. J’ai effectué
mon stage chez un ancien bâtonnier, Maurice Pialoux. C’était un
avocat généraliste talentueux qui avait succédé à son père. Il
s’intéressait à la vie de la cité. Je l’ai suivi également dans cette
voie et j’ai été de longues années élu local, notamment maire-
adjoint de Clermont-Ferrand pendant dix ans mais sous une couleur
politique différente de la sienne. Il incarnait la droite classique et
entretenait une relation amicale avec Valéry Giscard d’Estaing, qui
a été député-maire de Chamalières, dans le Puy-de-Dôme, jusqu’à
son élection à la présidence de la République. Notre collaboration a
très vite débouché sur une association qui a duré des années. Dès le
début, j’étais attiré par le pénal. Maurice Pialoux m’a tout de suite
confié des affaires lourdes et difficiles pour un avocat débutant.
C’est ainsi que je me suis formé. Rapidement notre cabinet s’est
développé. Nous avons engagé de nouveaux collaborateurs qui sont
pour la plupart devenus ensuite des associés. Je me suis décidé
ensuite à voler de mes propres ailes avec mon épouse et de
nouveaux associés. Depuis quelques années mes fils nous ont
rejoints. Le cabinet clermontois compte actuellement quinze
personnes dont huit avocats.
Maurice Pialoux m’avait incité à m’intéresser activement à la vie
du barreau. En 1981, j’ai été élu au conseil de l’Ordre. J’ai siégé en
qualité de membre jusqu’en juin 1986, date à laquelle j’ai été élu
bâtonnier. Les mandats, d’une durée de deux ans, sont non
renouvelables. L’élection au bâtonnat a constitué une étape
importante dans mon parcours. Je me souviens comme si c’était
hier de cette journée de juin 1986. De l’élection elle-même, qui
avait suivi une campagne longue et difficile, mais aussi du coup de
fil immédiat passé à ma mère déjà souffrante, du déjeuner de midi
organisé par mon complice, Jean Michel, aujourd’hui député du
Puy-de-Dôme et de la réception improvisée le soir dans les locaux
du restaurant de la gare routière, lieu incontournable à l’époque des
moments forts de la ville. J’étais le plus jeune bâtonnier de
l’histoire d’un barreau qui comprenait près de deux cents membres.
Le bâtonnier représente partout son Ordre. C’est une charge et un
honneur. J’ai aussi beaucoup apprécié, avec même une certaine
jubilation, de réconcilier l’Ordre et les pénalistes. À l’époque, les
pénalistes n’avaient pas dans l’opinion l’image positive qu’ils
peuvent donner aujourd’hui.
Mon bâtonnat a coïncidé avec la campagne du second mandat de
François Mitterrand pour la présidence de la République (1988-
1995). Maurice Benassayag, un de ses fidèles compagnons de
route, avait décidé de créer des comités de soutien par secteurs
professionnels. Il m’a demandé, parce que j’étais jeune, bâtonnier
et provincial, d’animer le comité des juristes avec Roland Dumas,
qui avait déjà une formidable carrière d’avocat et d’homme
politique à son actif. Je garde un très bon souvenir de cette période
durant laquelle j’ai fait le tour de tous les barreaux français pour
recueillir des témoignages de soutien.
Après la réélection de François Mitterrand, parallèlement à mon
activité d’avocat et à mon mandat d’adjoint au maire de Clermont,
j’ai intégré le ministère chargé des Départements et Territoires
d’outremer en tant que conseiller spécial, puis le ministère du
Tourisme et celui de la Francophonie. Une récompense en quelque
sorte. J’allais donc à Paris très régulièrement à la fin des années
1980 pour mes activités politiques et surtout dans le cadre
professionnel. C’est ainsi que j’ai rencontré Paul Lombard, monstre
sacré du barreau. Ce coup de cœur est à l’origine de l’ouverture de
mon cabinet secondaire à Paris, en 1988. Je l’ai en effet rejoint en
association de moyens rue de Tournon, puis au 205 boulevard
Saint-Germain. Mon cabinet principal est toujours à Clermont-
Ferrand et mon cabinet secondaire à Paris, où je suis deux ou trois
jours par semaine. J’aurais bien transféré mon exercice principal à
Paris, mais j’ai préféré respecter l’usage selon lequel on reste fidèle
à l’Ordre dont on a été bâtonnier. À vrai dire, j’aime la province.
J’en ai physiquement besoin. Elle me rassure et me régénère.
Mon parcours doit également beaucoup à Michel Charasse, que j’ai
connu en 1985.
Une véritable synergie s’est créée. Paul Lombard m’a ouvert les
salons, Michel Charasse de nombreuses portes, notamment celle de
la mitterrandie. Auvergnat, ministre du Budget, il était l’un des plus
influents conseillers de François Mitterrand. Je suis devenu son ami
et son avocat. C’est aussi notamment grâce à lui que je suis devenu
le conseil de Bernard Tapie, Kofi Yamgnane, Christian Pierret, tous
trois ministres de gouvernements de gauche, mais aussi de Guy
Ligier, des acteurs Michel Creton et Jacques Villeret et de la
famille de Coluche. C’est également sur son intervention que je
suis devenu le défenseur de Mazarine, la fille de François
Mitterrand, gardienne de la mémoire de son père.
Je me souviens en particulier du bras de fer avec Laurence
Vichnievsky, alors juge d’instruction. Au nom de la séparation des
pouvoirs, Michel Charasse avait refusé de se rendre aux
convocations de ce magistrat instructeur pour donner des
explications sur un dossier qu’il avait eu à connaître en qualité de
ministre du Budget. Cela avait défrayé la chronique. La loi de la
République a d’ailleurs été modifiée à la suite de cette résistance
qui était parfaitement justifiée.
De nombreux clients viennent me voir du fait des retombées
médiatiques de certains dossiers. Le réflexe, surtout en province,
est de faire appel à un avocat dont on connaît le nom. C’est ainsi
que mon cabinet intervient aussi bien dans des divorces, des
affaires prud’homales, que dans des affaires commerciales en
France et à l’étranger. Je suis un généraliste à dominante pénaliste,
un avocat à l’ancienne. Je tiens à ce spectre large. Je refuse toutes
spécialités. Un pénaliste peut tout faire. J’ai plaidé contre le
président libyen Mouammar Kadhafi. J’ai défendu des familles de
victimes qui ont péri en 1996 lors de l’explosion du Boeing 747-
131 du vol TWA 800 entre New York et Paris, au large de Long
Island. En 2009, j’ai conclu un dossier qui concernait l’usine
d’incinération de Bakou en Azerbaïdjan. Je m’investis avec une
égale énergie dans des dossiers qui concernent tout un chacun.
Souvent, c’est le fruit de rencontres, chacune doit être saisie et
vécue intensément. »
Expériences d’avocat
Lolo Ferrari
« Lolo Ferrari, tout le monde connaissait cette personnalité
attachante et sulfureuse. Sa mort survenue en 2000 à Grasse, dans
les Alpes-Maritimes, a fait grand bruit et l’arrestation de son ancien
mari, Éric Vigne, soupçonné de l’avoir assassinée, a fait plus de
bruit encore. Éric Vigne a été incarcéré sur les allégations d’un
rapport d’expertise selon lequel on ne pouvait “pas exclure que la
mort soit intervenue par étouffement.” C’est sur cette simple
hypothèse que la juge d’instruction, convaincue de sa culpabilité
depuis le départ, l’a placé en détention. L’événement a fait
l’ouverture des journaux de vingt heures sur toutes les chaînes
télévisées. Je suis entré dans cette affaire quelques mois plus tard.
À la prison de Grasse, alors qu’il passait pour l’assassin d’une
femme qui faisait fantasmer le public, Éric Vigne vivait un enfer.
Après le rejet de deux ou trois demandes de mise en liberté, il m’a
fait parvenir une lettre me sollicitant pour devenir son avocat. Je
suis immédiatement allé le voir. J’ai à mon tour formulé plusieurs
demandes de mise en liberté provisoire et miracle, j’ai pu le faire
sortir de prison. Il n’était pas encore innocenté pour autant, mais au
moins était-il dehors. Dix-huit mois plus tard, en février 2007, j’ai
obtenu un non-lieu, confirmé ensuite par la cour d’appel d’Aix.
Nous nous sommes battus pied à pied et nous avons obtenu gain de
cause. Éric Vigne a fini par être indemnisé pour incarcération
injustifiée. »
Johnny Hallyday
L’angoisse du pénaliste
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Le Chardonnay
« Au gré de mes déplacements, je découvre des terroirs et leurs richesses,
notamment leurs vins. Je me suis dit que je devais en faire profiter mes amis. J’ai
ainsi créé à Clermont-Ferrand, entre la mairie et la cathédrale, avec des
membres de la famille, un lieu où les gens se rencontrent, mangent et goûtent de
petits vins. Nous l’avons baptisé Le Chardonnay. L’architecture intérieure,
organisée autour d’un immense bar, a été conçue par le frère du célèbre critique
gastronomique Jean-Luc Petitrenaud. On y boit du vin au verre, notamment celui
que je produis moi-même. J’ai une vigne dans le Saint-Pourcinois, en Auvergne,
qui donne annuellement 5 000 à 6 000 bouteilles. Je pense ouvrir bientôt un
restaurant à Vichy. J’ai une passion pour cette ville et pour son histoire. Je lui ai
consacré plusieurs ouvrages, notamment La France sans République, qui
souligne que le régime de Vichy est porteur d’une leçon historique essentielle car
il nous montre avec quelle facilité s’effilochent les libertés individuelles et se
désagrègent les droits de l’Homme. Sur Vichy, sur la justice également, l’écriture
est pour moi un besoin. Une discipline aussi. La vigne et la restauration
constituent un bonheur, un équilibre. Mais ma seule vraie passion demeure mon
fabuleux métier. »
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PRINCIPAUX OUVRAGES
La France sans République, Canope, 1987. L’analyse du régime de Vichy et de la
disparition des libertés individuelles.
Glas pour l’intime conviction (avec Pierre-Charles Ranouil, avocat) Unlimit. Ed, 2009.
Au cœur des débats sur la réforme de la procédure pénale, les auteurs contestent l’intime
conviction. Ils concluent à la nécessité de l’abandonner et de parvenir à ce que les
décisions de justice soient précisément motivées.
1965
DES de droit IEP de Paris
CAPA (certificat d’aptitude à la profession d’avocat)
Prestation du serment d’avocat
1966-1967
Chargé de mission au cabinet d’Edgard Pisani, Ministre de l’Équipement et du
Logement
1968-1969
Secrétaire de la conférence du stage du barreau de Paris
Création du cabinet avenue Niel, Paris XVIIe
1977
Ouverture du cabinet avenue de la Grande-Armée, Paris XVIIe, en association avec
Patrick Perroux3.
1988-1990
Membre du conseil de l’ordre des avocats
1992-1993
Membre du Comité consultatif pour la révision de la Constitution dit commission ou
comité Vedel
2002-2003
Membre de la commission de réflexion sur le statut pénal du président de la République
La vocation
Le cursus
Expériences d’avocat
L’affaire Eugène Rousseau
Défendre le diable
PRINCIPAUX OUVRAGES
L’avocature, Ramsay, 1982. L’exposé de ce que l’on peut penser du métier d’avocat, à
quoi il peut servir, quels sont ses problèmes, son histoire, son destin et son sens.
Les juges dans la balance, Ramsay, 1987. L’ouvrage retrace l’histoire de la magistrature
française. Il en brosse le tableau et propose une comparaison avec la magistrature
américaine et une réflexion sur la fonction de juge.
Justice pour la justice, Seuil, 1990. Une analyse des maux de la justice en France et des
propositions de solutions.
Du cirque médiatico-judiciaire et des moyens d’en sortir, Seuil, 1993. Depuis quelques
années, les juges d’instruction font les gros titres des journaux. L’auteur explique qu’au
nom de la démocratie, il conviendrait de réguler les rapports entre les sphères médiatiques
et judiciaires.
Grand soir pour la justice, Seuil, 1997. En 1996, Jacques Chirac lançait l’idée d’une
grande réforme de la justice, la première en France depuis 1958. L’auteur montre
l’étendue des réformes à accomplir et passe les projets en revue tout en préconisant
l’avènement d’un « grand soir » pour la justice.
Lettres à un jeune avocat, Balland, 1999. Des lettres à un jeune confrère avocat éclairent
le lecteur sur l’évolution du barreau, les rapports des avocats avec le juge, les médias,
l’argent et la concurrence.
Le temps des victimes (avec Caroline Eliacheff, psychanalyste), Albin Michel, 2006.
Pourquoi les victimes occupentelles une telle place dans notre société ? Comment se fait-
il que même les hommes politiques rivalisent à qui sera le plus victime ? Jusqu’où irons-
nous dans cette victimisation de la société ? Telles sont les questions auxquelles les
auteurs s’efforcent de répondre.
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À CONSULTER
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L’ordre judiciaire
Glossaire
Cahier pratique
■ Les formations
■ Les métiers
■ À consulter
L’ordre judiciaire
Premier jugement
- Les juridictions pénales : les infractions sont jugées par le tribunal de police
(infractions routières par exemple) et les juridictions de proximité (bagarres ne
donnant pas lieu à une incapacité temporaire de travail par exemple) ; les délits sont
jugés par le tribunal correctionnel ou par le tribunal correctionnel pour enfants
(conduite sans permis, vol, trafic de stupéfiant, etc.) ; les crimes sont jugés en cour
d’assises et en cour d’assises pour mineurs (meurtre, viol, etc.).
Appel
Lorsqu’une ou plusieurs personnes ne sont pas satisfaites d’un premier jugement, il
est possible de faire appel. Une cour d’appel réexamine et juge les affaires qui lui
sont soumises.
Contrôle
La Cour de cassation vérifie si les lois et la procédure ont été correctement
appliquées par les tribunaux et les cours d’appel. Elle ne rejuge pas.
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Glossaire
Acquittement : décision de justice mettant l’accusé hors de cause à l’issue d’un procès
criminel devant une cour d’assises.
Aide juridictionnelle (ou judiciaire, ou juridique, ou AJ) : aide financière apportée par
l’État aux personnes qui souhaitent faire valoir leurs droits en justice (intenter un procès
ou se défendre, trouver un accord, faire exécuter une décision de justice). Elle peut être
totale ou partielle. Son attribution dépend des revenus du demandeur. Le client choisit
l’avocat qu’il veut faire intervenir. Ce dernier doit avoir donné son accord pour traiter le
dossier au tarif forfaitaire fixé par la chancellerie.
Avocat : il défend devant un tribunal les particuliers ou les entreprises engagés dans un
procès. L’avocat donne des consultations sur des questions d’ordre juridique, procède à
des formalités, apporte son aide pour la rédaction de déclarations, rédige des actes sous
seing privé, assiste ou représente son client devant un organisme public ou privé. Les
avocats peuvent se spécialiser. Les avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation
représentent leurs clients auprès de ces instances. On ne compte que quatre-vingt-huit
avocats au sein de ces deux juridictions.
Avocat général : magistrat placé sous les ordres du procureur général, qui représente le
ministère public devant la Cour de cassation, la Cour des comptes, les cours d’appel ou
les cours d’assises. Il a pour tâche de réclamer l’application de la loi et de veiller aux
intérêts généraux de la société. Malgré son appellation, il n’est pas un avocat.
Avocat of counsel : au sein d’un cabinet, l’expression désigne un avocat qui n’est pas
encore associé, ne pouvant générer suffisamment de chiffre d’affaires. Utilisée seule,
l’expression « Of counsel » peut désigner un consultant ou un apporteur d’affaires.
Avoué : officier ministériel disposant du privilège d’engager des procédures devant une
cour d’appel.
Barreau : expression désignant collectivement les avocats qui exercent auprès d’un
tribunal de grande instance dans le ressort duquel ils ont établi leur cabinet (barreau de
Paris, de Nice, etc.).
Bâtonnier de l’Ordre : avocat élu pour deux ans par l’assemblée générale des avocats
inscrits au barreau pour assurer la présidence du conseil de l’Ordre*. Il représente les
avocats auprès des instances officielles, prévient et règle les conflits entre avocats, entre
avocats et clients, entre avocats et juges. Il est garant de la déontologie de la profession et
de la discipline des avocats.
Chambre de l’instruction : garde-fou de l’instruction, elle peut ordonner tout acte qui lui
paraît utile à la manifestation de la vérité et rendre des arrêts de non-lieu ou de mise en
accusation. Elle dépend de la cour d’appel et intervient sur appel d’une décision du
parquet, du juge d’instruction ou du prévenu, par exemple dans le cadre d’une mise en
liberté avant procès.
Conférence du stage : il s’agit d’un concours d’éloquence proposé aux jeunes avocats, en
général tous les ans ou tous les deux ans. Les meilleurs compétiteurs sont élus par leurs
confrères avocats pour constituer la « conférence ». Ils portent le titre de « secrétaire de la
conférence ». Ils représentent le jeune barreau, assurent des permanences pénales et plus
spécialement la commission d’office en matières criminelle et correctionnelle et ils
organisent la conférence de l’année qui suit leur élection. Depuis la suppression du stage,
le concours s’appelle « conférence du barreau ». Créé à la fin du XVIIe siècle notamment
pour fournir des consultations gratuites aux déshérités, ce concours existe dans de
nombreux barreaux.
Cour d’assises : cette juridiction pénale juge les personnes accusées de crime (meurtre,
viol, vol à main armée, etc.), de tentatives et de complicités de crimes passibles de peines
de réclusion pouvant aller jusqu’à perpétuité. C’est une juridiction départementale
composée de trois juges professionnels, un jury de neuf citoyens tirés au sort (douze en
appel), un avocat général, magistrat du parquet (ministère public) qui représente la société
et demande l’application de la loi, un greffier, fonctionnaire chargé des tâches
administratives et de transcrire les débats.
Cour d’assises d’appel : elle réexamine entièrement le dossier en appel et rejuge
l’affaire. Elle est composée de trois magistrats et de douze jurés.
Cour de cassation : juridiction suprême de l’ordre judiciaire, installée à Paris. Son rôle
n’est pas de rejuger une affaire, mais de contrôler que les décisions de justice ont été
rendues en conformité avec les règles de droit. Le recours exercé devant cette juridiction
est appelé pourvoi en cassation.
Cour de sûreté de l’État : créée en France en 1963 dans le contexte des évènements
d’Algérie pour juger les personnes accusées de porter atteinte à la sécurité de l’État, elle
concernait les infractions politiques. Supprimée sous sa forme initiale par François
Mitterrand à son arrivée au pouvoir, elle a perduré pour juger des militaires impliqués
dans des crimes ou délits. Elle a été remplacée en 1986 par une cour d’assises spéciale
dont les compétences ont été étendues au terrorisme, puis au trafic de stupéfiants en bande
organisée. Cette juridiction d’exception s’est occupée, entre autres, de l’affaire Yvan
Colonna, lorsqu’il a été coaccusé de l’assassinat du préfet Érignac.
Détention provisoire : mesure ordonnée par le juge des libertés et de la détention lorsque
le juge d’instruction ou le parquet demande de placer en prison avant son jugement une
personne mise en examen pour un crime ou un délit susceptible d’être puni d’au moins
trois ans d’emprisonnement.
Fusion-acquisition : rachat d’une entreprise par une autre. L’entreprise acquise peut
conserver son intégrité, ou bien être fusionnée à celle qui achète. L’OPA (offre publique
d’achat), qui a pour but la prise de contrôle d’une société, est un type de fusion-
acquisition.
Garde à vue : procédure consistant à retenir une personne soupçonnée, avec l’accord du
parquet, afin de l’interroger. Une garde à vue dure en principe vingt-quatre heures. Elle
peut être prolongée suivant les faits reprochés (proxénétisme aggravé, extorsion de fonds,
vol commis en bande organisée, terrorisme, trafic de stupéfiant, etc.).
Garde des Sceaux : ministre de la Justice (voir aussi Chancellerie). En vertu de la
séparation des pouvoirs, il n’intervient pas sur le cours d’une instruction mais il a autorité
sur tous les membres du parquet et il peut être informé de l’évolution d’une affaire.
Juge : ces magistrats peuvent être présidents, vice-présidents, juges d’instruction, juges
d’instance, juges des enfants, juges aux affaires familiales, juges de l’application des
peines, juges de l’exécution, juges des chambres collégiales des tribunaux de grande
instance, présidents de chambre et conseillers des cours d’appel ou de la Cour de
cassation.
Juge de l’application des peines (JAP) : après un jugement, il est chargé de suivre
l’exécution des peines des condamnés pendant leur détention. Il décide des mesures
applicables en vue de la réinsertion des détenus. Il décide de la mise en place ou non
d’une surveillance électronique appelée « bracelet électronique ». Il suit les mesures de
mise à l’épreuve et les peines de travail d’intérêt général. Il donne également son avis sur
une autorisation de sortie ou de liberté conditionnelle. En cas de récidive, il peut
demander au tribunal correctionnel la révocation des sursis antérieurs.
Magistrat : au sens général, personne susceptible de prendre une décision pouvant être
exécutée par la force publique, tel que le président de la République, qui prend des
décrets, et les maires, qui prennent des arrêtés. Au sens technique, ce sont les
fonctionnaires des cours et des tribunaux, principalement les juges (« magistrature
assise » constituant le siège) et les procureurs (ministère public, dit « magistrature
debout » constituant le parquet).
Magistrat du siège (magistrature assise) : plus souvent appelé juge, il est inamovible,
c’est-à-dire que nulle promotion ou mutation ne peut être décidée sans son accord et qu’il
exerce en toute liberté, ce qui garantit son impartialité. Il prononce des jugements. Il a
pour mission d’appliquer la loi et de dire le droit après avoir entendu les parties en litige
et le ministère public.
Mise en examen : décision du juge d’instruction de faire porter ses investigations sur une
personne contre laquelle il estime qu’il existe des indices graves ou concordants qui
rendent vraisemblable qu’elle ait pu participer à la réalisation d’un crime ou d’un délit. Le
juge peut prononcer à l’encontre du mis en examen une mesure de contrôle judiciaire ou
saisir le juge des libertés et de la détention pour demander un placement en détention
provisoire.
Partie civile : elle se présente comme victime et demande des dommages et intérêts pour
compenser le préjudice subi. Une victime peut saisir le doyen des juges d’instruction
d’une plainte avec constitution de partie civile pour mettre en mouvement l’action
publique sans attendre la décision du procureur de la République*, et même malgré lui
lorsqu’il a classé l’affaire sans suite.
Prévenu : personne poursuivie pour contravention, délit ou crime et qui n’a pas encore
été jugée, ou dont la condamnation n’est pas définitive.
Procureur général : il siège près les cours d’appel, ou près la Cour de cassation, ou la
Cour des comptes. Les procureurs généraux près les cours d’appel sont les supérieurs
hiérarchiques des procureurs de la République, dont ils coordonnent l’action.
Prud’hommes (conseil de) : juridiction spécialisée dans les litiges entre salariés ou
apprentis, et employeurs, portant sur le respect des contrats de travail ou d’apprentissage.
Elle est composée de juges non professionnels élus, les conseillers prud’homaux, qui sont,
en nombre égal, des employeurs et des salariés.
Relaxe : décision de justice mettant l’accusé hors de cause à l’issue d’un procès pénal
devant un tribunal correctionnel.
SCP : société civile professionnelle créée par deux associés minimum, membres de
professions libérales règlementées, qui ont décidé d’exercer en commun leur même
activité.
Tribunal de commerce : cette juridiction spécialisée statue sur les litiges entre
commerçants ou sociétés commerciales. Elle peut être saisie par un particulier dans le cas
d’un litige avec un commerçant.
Tribunal correctionnel : cette juridiction pénale statue sur les délits passibles de peines
allant jusqu’à dix ans d’emprisonnement, ainsi que d’amendes, de peines
complémentaires, de travail d’intérêt général. De fait, c’est une chambre du tribunal de
grande instance. Les infractions les moins graves (appelées contraventions) sont jugées
par le tribunal de police ou par la juridiction de proximité. Les infractions les plus graves
(appelées crimes) sont jugées par la cour d’assises.
Tribunal de grande instance : cette juridiction civile statue sur les litiges de plus de 10
000 euros : divorces, autorité parentale, succession, filiation, immobilier, etc.
Tribunal d’instance : cette juridiction civile statue sur les litiges de 4 000 à 10 000 euros.
Elle a compétence pour la mise en place des mesures de sauvegarde de justice (tutelles et
curatelles) tant pour les mineurs que les majeurs. Elle statue aussi en matière de faillite
personnelle ou de surendettement des particuliers. Les litiges de moins de 4 000 euros
sont du ressort de la juridiction de proximité.
▬▬▬▬▬
Les formations
Pour devenir avocat, il faut présenter l’examen d’entrée dans un centre régional de
formation professionnelle des avocats (CRFPA) et suivre la formation initiale dispensée
dans l’un des onze centres ouverts en France métropolitaine. Pour cet examen d’entrée, il
faut être titulaire d’un diplôme de maîtrise en droit ou d’un titre ou diplôme équivalent
dont la liste est fixée par arrêté du 25 novembre 1998. Des critères de moralité et de
nationalité sont également requis. Il faut être de nationalité française ou ressortissant d’un
État membre de l’Union européenne et n’avoir fait l’objet d’aucune condamnation pénale
pour agissements contraires à l’honneur, à la probité ou aux bonnes mœurs.
Vous pouvez préparer cet examen d’entrée dans un institut d’études judiciaires (IEJ), au
sein de chaque université.
Après obtention de l’examen d’entrée dans un CRFPA, vous suivez une formation
théorique et pratique de dix-huit mois au terme de laquelle vous passez le certificat
d’aptitude à la profession d’avocat (CAPA) qui permet de prêter serment et d’exercer la
profession d’avocat.
– Les docteurs en droit sont ainsi dispensés de l’examen d’accès au CRFPA, mais doivent
suivre le cycle complet de formation initiale et passer les épreuves du CAPA (art. 12-1, al.
2 L. 1971).
Les métiers
– Droit des personnes : droit de la famille, réparation du préjudice corporel, droit des
étrangers en France, droit des successions et donations, droit du patrimoine, droit du
surendettement, responsabilité civile, assurances des particuliers, droit des mineurs.
– Droit pénal : droit pénal général, droit pénal des affaires, droit de la presse.
– Droit rural : baux ruraux et entreprise agricole, droit des produits alimentaires, droit de
la coopération agricole.
– Droit de l’environnement
– Droit public : droit électoral, collectivités locales, fonction publique, droit public
économique.
– Droit de la propriété intellectuelle : droit des brevets, droit des marques, droit des
dessins et modèles, propriété littéraire et artistique, droit de l’informatique et des
télécommunications.
– Droit social : droit du travail, droit de la Sécurité sociale, droit de la protection sociale.
– Droit des relations internationales : droits étrangers (il existe autant de champs de
compétence que d’États indépendants), contentieux internationaux, contrats
internationaux.
La mission de ces avocats est de permettre à chacun, dans des conditions égales, l’accès
aux juridictions suprêmes que sont la Cour de cassation et le Conseil d’État devant
lesquels ils représentent les parties. Ils interviennent aussi devant les juridictions
internationales : la Cour de justice de l’Union européenne et le Tribunal de première
instance, à Luxembourg, ou encore la Cour européenne des droits de l’Homme, à
Strasbourg.
À l’issue de la formation dispensée par l’IFRAC, il faut subir avec succès les épreuves
écrites et orales de l’examen d’aptitude à la profession d’avocat au Conseil d’État et à la
Cour de cassation régi par un arrêté du 21 octobre 1991 modifié.
__________
À consulter
www.justice.gouv.fr
www.cnb.avocat.fr
www.ordre-avocats-cassation.fr
www.avocatparis.org
Métiers et formations
www.onisep.fr
Les auteurs remercient Suzanne Deffrennes, avocat,
Thérèse et Hubert Perrin, Annabelle Rondaud et
Véronique Taveau.
Responsable éditorial : Marie-Laurence Dubray
Remerciements de l’Éditeur à : Anne-Laure Marsaleix, Térence Gbaguidi, Catherine Garnier, Iris Prioux
© Le Cavalier Bleu