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DROIT JUDICIAIRE PRIVÉ

JACQUES HÉRON †
Professeur et Doyen de la Faculté de droit de l'Université de Caen

THIERRY LE BARS
Professeur et Doyen de la Faculté de droit de l'Université de Caen

6 édition
e
Précisions préalables
à la sixième édition

Sans atteindre le degré d’instabilité du droit du travail ou du droit fiscal, le droit judiciaire privé
est désormais une matière très évolutive. Comme dans bien d’autres domaines du droit, on assiste à
une véritable fuite en avant législative et réglementaire qui entretient les politiques dans l’illusion
qu’ils influent favorablement sur le cours des choses. En réalité, les réformes judiciaires s’enchaînent
sans grand bénéfice pour les justiciables et les professionnels du droit (les amateurs d’euphémismes
apprécieront). Cependant, tout n’est pas négatif, car la réformite présente quelques avantages. Ainsi,
elle oblige les universitaires à rester en éveil, quand la douce quiétude d’un droit immuable leur
ferait courir le risque d’un assoupissement intellectuel propice à un dépérissement prématuré de leurs
connexions neuronales. La réforme permanente (expression due à notre collègue Georges
Wiederkehr) a aussi un autre mérite, puisqu’elle entretient le marché de l’édition, les ouvrages étant
de plus en plus vite obsolètes. C’est évidemment un bien (mon éditeur ne me contredira pas) pour un
mal (l’acquéreur de ce livre en conviendra). Mais tout ceci a pour conséquence que je ne peux
garantir au lecteur que ce qu’il trouvera au détour des pages de cet ouvrage, dans quelques mois, sera
encore conforme au contenu de la loi ou de la jurisprudence. Tout ce que je suis en mesure d’affirmer,
c’est que la mise à jour de cette sixième édition du manuel de Droit judiciaire privé s’est achevée le
6 juin 2015, soixante et onze ans, jour pour jour, après le débarquement des troupes alliées dans la
plus belle région de France.

Fait à Caen, le 6 juin 2015.


Thierry LE BARS
Préface
(de la deuxième édition)

Jacques HÉRON nous a quittés en juin 1999. Ceux qui l'ont connu gardent le souvenir d'un
intellectuel extrêmement brillant et d'un homme doté d'un charisme et d'une personnalité hors du
commun. Brillant, il l'était à plus d'un titre. C'était, bien sûr, un juriste remarquable, major
d'agrégation, expert en droit international privé et en droit judiciaire privé et féru de théorie générale
du droit. Ses nombreux écrits, au premier rang desquels il faut sans doute placer son livre intitulé
Droit transitoire, ainsi que le présent ouvrage, révèlent un esprit libre, curieux de tout et
constamment animé du besoin de comprendre et du désir d'expliquer les choses. Pour lui, il n'existait
pas de vérité établie, tout demandant à être démontré, et il n'hésitait jamais à bousculer les dogmes et
les idées reçues que les juristes prennent généralement pour acquis. Mais Jacques HÉRON n'était pas
seulement un grand juriste. C'était aussi un homme d'une immense culture, lisant le grec et le latin
avec aisance, titulaire d'une licence d'histoire et d'une autre de lettres, passionné de musique
classique et tout spécialement d'opéra. C'était, enfin, un directeur de thèses exceptionnel et un
enseignant dévoué corps et âme à la Faculté de droit de Caen dont il fut le Doyen à deux reprises. Sa
disparition a été une perte immense pour l'institution comme pour la science juridique. Elle a surtout
été une perte irréparable pour tous ses amis, pour tous ceux qui ont eu la chance de le côtoyer
suffisamment pour percevoir la richesse de sa personnalité.
Dans sa première édition, le précis de Droit judiciaire privé date de 1991. C'est certainement
l'œuvre majeure de Jacques HÉRON. Par son style, par sa liberté de ton, aussi bien que par son
contenu, ce livre est un travail original. À proprement parler, ce n'est ni vraiment un manuel, ni
vraiment un traité. C'est un ouvrage atypique exprimant une vision du droit que Jacques tenait de son
maître Pierre MAYER. Lorsque l'on m'a proposé d'en assurer la mise à jour en vue d'une seconde
édition, je n'ai guère hésité à accepter cette offre. Jacques HÉRON souhaitait procéder à une réédition
de son précis. Il avait commencé ce travail, mais le temps lui a manqué. Je me devais de le terminer
pour lui. À cela s'ajoute qu'un livre de droit non réédité risque de sombrer dans l'oubli, sauf peut-être
pour une poignée de spécialistes. La pensée de Jacques HÉRON était trop riche et profuse pour subir
un tel sort. Elle méritait, au contraire, une plus large diffusion.
À l'intention du lecteur qui relèverait des divergences d'opinions entre les deux éditions, il
convient de préciser que je me suis efforcé de rendre compte des idées de Jacques HÉRON en leur
dernier état. Sur un certain nombre de points, sa position avait changé depuis 1991 : sa pensée n'était
pas figée mais, au contraire, en perpétuelle évolution. Par ailleurs, certaines divergences résultent de
la nécessité dans laquelle je me suis trouvé de tenir compte des changements intervenus en droit
positif. Enfin, on pourra s'étonner de ce que mes propres travaux (essentiellement ma thèse) soient
parfois cités comme exprimant une opinion contraire à celle présentée dans le précis. Cette situation
un peu schizophrénique provient de ce que Jacques et moi n'étions pas toujours d'accord sur une
question de droit. Ayant pris le parti de développer ses idées dans cet ouvrage qui reste le sien, j'ai,
dans la mesure du possible, fait passé mes opinions contraires au second plan. Heureusement, le
maître et son disciple étaient généralement d'accord.
Cette seconde édition du livre de Jacques HÉRON est dédiée à son épouse Hélène et à leurs cinq
enfants.

Caen, le 31 août 2002.


Th. LE BARS
INTRODUCTION

SECTION I
PRÉSENTATION GÉNÉRALE DU DROIT JUDICIAIRE PRIVÉ

1 Un droit servant. – Si, comme on l'enseigne généralement, le droit a pour fonction première
de régir l'activité sociale des personnes, le droit judiciaire privé présente une originalité marquée. Le
droit de la famille ou le droit des obligations permettent aux sujets de droit de savoir si la loi
autorise les activités qu'ils envisagent et, en cas de réponse positive, quels sont les moyens d'y
parvenir. Éventuellement, il peut même leur suggérer telle ou telle activité ; le recours à un contrat
original ou la constitution d'une société. C'est ce même objet que se proposent les droits spécialisés,
comme le droit social ou le droit commercial, avec ses multiples branches ; droits de la banque ou du
transport. Le droit judiciaire privé ne s'inscrit pas dans une pareille perspective. Il ne sert pas à
apprendre la vie juridique au sens où on l'entend ordinairement. Pour marquer son originalité, on peut
dire que c'est un droit sanctionnateur ou auxiliaire et un droit servant.
Les règles de droit font l'objet, dans la majorité des cas, d'une exécution spontanée pour diverses
raisons qui vont de la vertu, de la raison ou du bon sens jusqu'à la crainte de représailles de la part
d'un cocontractant puissant. L'une des raisons est aussi la crainte de la sanction. Le droit judiciaire
privé rejoint l'un des fondements les plus sûrs de la juridicité ; une règle de comportement mérite
indiscutablement d'être tenue pour une règle de droit lorsqu'elle est sanctionnée par l'autorité
publique 1. Le droit judiciaire privé contient précisément les règles applicables pour mettre en œuvre
la sanction des règles de droit ordinaire que, par opposition au droit sanctionnateur, on regroupe sous
le nom de droit substantiel. De là vient aussi que le droit judiciaire privé apparaisse comme un droit
auxiliaire, au sens premier du terme ; il vient au secours du droit substantiel. L'application du droit
n'est pas normalement contentieuse, mais, en cas de besoin, le droit judiciaire privé vient prêter
main-forte pour que la prescription du droit substantiel ne soit pas bafouée impunément 2.
Le droit judiciaire privé se trouve ainsi placé au service du droit substantiel, alors que les
matières de droit substantiel trouvent leur justification juridique dans leur contenu même. Le droit des
obligations n'est au service ni du droit de la famille, ni du droit des sociétés, il n'a d'autre but que
d'offrir aux sujets de droit une réglementation des obligations qui soit adaptée aux besoins de la
société. Le droit judiciaire privé, lui, est institué pour permettre aux droits substantiels de bien
fonctionner. Juridiquement, le contrat est une fin en soi, le procès ne l'est pas, si bien qu'il n'est
jamais autonome par rapport au droit substantiel. Par exemple, le juge est saisi de prétentions tendant
à l'exécution d'un contrat ou à l'obtention d'aliments. Autrement dit, le droit judiciaire privé tend à
l'application de la règle de droit substantiel et il doit s'y adapter 3.
2 L'expression « droit judiciaire privé ». – La situation de droit servant explique sans doute
que le droit judiciaire privé reçoive souvent la dénomination, qui n'est pas valorisante, de procédure
civile, surtout quand on l'accole à l'adjectif procédurier. Dans un sens étroit et précis, la procédure
désigne la façon de faire avancer le procès 4, c'est-à-dire l'ensemble des formalités qui doivent être
effectuées pour que le procès reçoive une solution. La désignation de notre matière sous le nom de
procédure civile présente deux inconvénients. D'une part, la procédure n'est pas propre au droit
judiciaire privé. Chaque fois qu'un certain nombre de formalités ou de démarches doivent être
accomplies pour obtenir un résultat quelconque, on peut parler de procédure ; il existe ainsi une
procédure à suivre pour constituer une société ou pour licencier un salarié. D'autre part, la procédure
civile ne recouvre pas la totalité de la matière à étudier. Le présent livre ne se limite pas, tant s'en
faut, à relater une longue suite de formalités à accomplir. Les conditions à remplir pour pouvoir
soumettre une demande au juge, la possibilité de solliciter du juge des décisions diverses, la
détermination des voies de recours ouvertes contre un jugement, ainsi que l'importance des
prétentions et des moyens qui peuvent être soumis au juge, tout cela dépasse de très loin la simple
description de formalités.
C'est ce qui explique que, pour désigner notre matière, Henri Solus ait proposé l'appellation de
droit judiciaire privé. Outre qu'elle évite la connotation péjorative qui s'attache à ce qui est
procédurier, elle a le mérite de faire ressortir l'étendue de la matière traitée. Il faut bien reconnaître
cependant que cette appellation n'est pas exempte de défauts. On peut lui reprocher d'être trop large.
Le droit judiciaire privé regroupe trois matières principales dont seule la deuxième, qui occupe une
position centrale, se trouve ici traitée. Qui peut s'adresser au juge, que peut-on lui demander, à quel
juge s'adressera-t-on, que doit-on faire concrètement, comment le procès se déroulera-t-il, sur quel
jugement débouchera-t-il, quelle voie de recours pourra-t-on exercer, c'est tout ce droit du procès, au
sens large, qui fait l'objet de ce manuel. Mais il existe deux autres matières qui se situent, l'une en
amont et l'autre en aval. Pour qu'un juge puisse être saisi, il faut qu'existent des institutions dont ce
soit la fonction de rendre la justice et auxquelles vont participer ou vont collaborer diverses
professions. Cette partie du droit judiciaire est généralement désignée sous le nom d'institutions
judiciaires 5. Par ailleurs, il ne suffit pas d'obtenir une décision. Il faut encore qu'elle puisse être mise
à exécution. Tel est le rôle des voies d'exécution ou procédures civiles d'exécution : permettre
l'exécution forcée des jugements, ainsi que des autres titres exécutoires, comme les actes notariés.
Il n'existe pas d'expression qui désigne exclusivement la partie centrale du droit judiciaire privé.
Puisque cette partie est centrée sur le procès, on pourrait parler de droit du procès ou de droit
processuel, mais l'usage, qui commande en maître, veut que le droit processuel désigne l'étude
comparée des droits judiciaires privé, pénal et administratif ou, encore, l'étude des principes
communs aux droits à caractère procédural. Il faut donc se résigner à désigner de la même façon
l'ensemble du droit judiciaire privé et son noyau central. Encore convient-il de préciser que tout le
droit du procès ne sera pas étudié ; à côté des dispositions générales applicables à toutes les
juridictions ou au moins à une juridiction, il existe des dispositions particulières à telle ou telle
procédure, par exemple au divorce ou aux faillites. Il ne saurait être question dans le cadre d'un
manuel au volume limité d'aborder toutes ces procédures spéciales. Le lecteur trouvera généralement
des explications détaillées les concernant dans les ouvrages de droit substantiel spécialisés 6.

3 L'importance pratique du droit judiciaire privé. – Le nombre des juridictions et leur


encombrement font suffisamment apparaître l'importance pratique du droit judiciaire privé pour qu'il
ne soit pas nécessaire d'insister sur ce point. L'importance quantitative et qualitative des procès pour
tous les membres du corps social, du plus riche au plus pauvre, en font l'une des matières sensibles
du droit. Aussi ne faut-il pas s'étonner qu'elle soulève parfois les passions politiques et qu'elle
suscite des controverses et des projets de réforme de toutes sortes, où, à côté des propositions
modestes et sensées, se retrouvent aussi tous les mirages de la mode intellectuelle et de l'ardeur
partisane, avec ses simplifications caricaturales et ses découvertes et redécouvertes de l'Amérique.
Par ailleurs, les progrès de notre société technicienne ne peuvent pas laisser de côté le droit
judiciaire privé. Les moyens les plus modernes doivent être mis en œuvre pour décharger le
personnel judiciaire de tout le travail répétitif ou de pure exécution. L'informatique et la télématique
peuvent y contribuer, sans qu'il y ait lieu de craindre sérieusement de voir un jour la machine
remplacer le juge, tant il est évident que l'intelligence artificielle n'a d'intelligence que le nom. En
revanche, la bureautique et des bases de données véritablement pratiques peuvent soulager son
travail. Il serait même opportun de s'interroger sur la possibilité de remplacer certaines audiences
par des moyens télématiques 7. Il y a là tout un champ à explorer à mi-chemin du droit et de la
technique.
En l'état actuel des choses et en se plaçant sur un terrain strictement juridique, le droit judiciaire
privé est perçu par l'opinion comme un droit parfois trop rigide, parce qu'il comporte beaucoup de
règles impératives, et plus encore comme un droit excessivement formaliste. À l'un et l'autre
reproches doivent être apportées des réponses nuancées.

4 Le caractère impératif du droit judiciaire privé. – L'impérativité des règles du droit


judiciaire privé repose sur des fondements solides dont on ne peut raisonnablement envisager la
disparition. Les institutions judiciaires par lesquelles l'État s'acquitte de son devoir de rendre la
justice aux sujets de droit forment un service public, qui est certes mis à la disposition des
justiciables, mais que ceux-ci ne sauraient utiliser et manipuler à leur fantaisie. Il en va de son
efficacité. Les moyens humains, matériels et financiers sont trop comptés pour que l'on puisse
admettre qu'ils soient accaparés par quelques plaideurs désireux d'une justice à la carte. Une certaine
discipline est inévitable.
Par ailleurs, en dehors même du bon fonctionnement du service public de la justice, l'impérativité
des règles du droit judiciaire privé tient à l'ordre public, tel qu'il est régi par l'article 6 du Code
civil. On y retrouve ses inspirations classiques, en particulier la protection de la partie la plus faible.
On verra ainsi 8 que les rédacteurs du Code de procédure civile de 1975 ont envisagé avec défaveur
les clauses attributives de compétence, parce qu'en pratique, elles permettent toujours au plus fort
d'imposer sa volonté au plus faible.
En revanche, lorsque rien ne s'y oppose, le législateur a introduit une certaine souplesse dans
l'organisation et le déroulement du procès, dont on peut penser qu'à l'heure actuelle, elle n'est pas
encore pleinement mise à profit. Une fois le litige né 9, les plaideurs peuvent choisir de saisir le juge
selon diverses modalités, moduler ses pouvoirs et ses devoirs, modifier le jeu normal des voies de
recours, au point que l'on parle parfois d'arbitrage judiciaire.

5 Le caractère formaliste du droit judiciaire privé. – Le jugement est encore plus sévère à
l'encontre du formalisme. Il est vrai qu'un plaideur a toujours du mal à accepter la perte d'un procès
qui était bon sur le fond, pour une question de procédure. Il n'admet pas, par exemple, que la
rédaction incorrecte d'un acte introductif d'instance puisse suffire à faire rejeter une demande bien
fondée, ou encore qu'on puisse attacher une importance décisive au fait que l'appel a été interjeté un
jour après l'expiration du délai. Pour finir d'instruire le procès du formalisme, il ne reste plus qu'à
ajouter que la procédure devrait être simple, rapide et peu coûteuse.
Faut-il condamner aussi vite le formalisme ? Pour cela, il faudrait oublier ses deux vertus
majeures. La première est illustrée par une phrase célèbre du grand juriste allemand Ihering ;
« ennemie jurée de l'arbitraire, la forme est la sœur jumelle de la liberté 10 ». La forme apporte la
sécurité à celui qui s'y soumet. Dans les exemples choisis, si l'acte introductif d'instance comporte
toutes les mentions voulues, le juge ne pourra pas l'écarter au motif qu'il n'apporte pas à l'adversaire
une information suffisante. De même, la fixation d'un délai chiffré protège celui qui fait appel dans le
délai, contre tout danger lié à l'opinion que pourrait avoir le juge sur la question. Le formalisme du
droit judiciaire privé peut alors sembler bien sévère à celui qui agit tardivement, mais il a le mérite
d'instaurer une certitude plutôt qu'un doute et de faire échapper les plaideurs aux hasards de
l'appréciation souveraine des juges du fond 11.
En second lieu, la forme constitue pour le législateur un moyen technique irremplaçable pour
atteindre un objectif déterminé. Sur ce point encore, les deux exemples précités sont démonstratifs.
On verra que le législateur réglemente de façon très stricte et même très minutieuse l'acte introductif
d'instance, surtout lorsqu'il est rédigé par l'huissier du demandeur 12. Le législateur ne le fait
évidemment pas pour mettre à l'épreuve la virtuosité des huissiers, mais il entend prendre le
maximum de garanties pour que le défendeur ait effectivement connaissance de l'acte qui lui est
destiné et qu'il y trouve les renseignements qui lui sont utiles pour organiser sa défense. De même, il
est normal qu'une décision de justice rendue par un juge du premier degré ne puisse pas être
indéfiniment remise en cause. Peut-on admettre que, trois ans ou cinq ans après sa condamnation, un
défendeur décide tout d'un coup de faire appel 13 ?
Il apparaît ainsi, à travers chacun de ces exemples que, si la forme impose des contraintes au
plaideur, ces contraintes sont loin d'être inutiles. La réglementation minutieuse des actes d'huissier
garantit l'information la plus complète du défendeur ; l'existence d'un délai déterminé pour faire appel
empêche les procès d'atteindre une durée démesurée et met obstacle aux manœuvres dilatoires. Le
formalisme est bon chaque fois qu'il répond à un but précis ; on peut alors parler de formalisme
causé. Le point essentiel est là ; la forme n'est qu'un moyen pour atteindre un résultat déterminé.
Inversement, le formalisme est condamnable lorsqu'il devient un but en soi ou lorsqu'il est inapte à
remplir la mission qui lui a été confiée. Il dégénère alors en excès. Il est permis de penser que ces
excès ont pratiquement disparu dans les textes récents de droit judiciaire privé, et l'on verra
également que les rédacteurs du Code de procédure civile ont établi quelques barrières pour
décourager la chicane qui prendrait appui, en le détournant, sur le formalisme 14.
Il reste à s'interroger sur les causes réelles des méfaits que l'on impute à tort au formalisme. Une
réflexion rapide suffit à faire ressortir qu'ils sont liés à la combinaison de deux causes principales.
La première est évidemment l'esprit de chicane des « mauvais » plaideurs. On ne peut pas empêcher
le plaideur dont la cause est désespérée de chercher à mettre à profit toutes les ressources du droit
judiciaire privé. Or la même règle procédurale peut être utile au bon comme au mauvais plaideur 15.
Mais, à elle seule, cette première cause ne suffirait pas. Comment soulever la nullité d'un acte de
procédure irréprochable ou la tardiveté d'un appel interjeté en temps utile ? C'est l'ignorance des
règles ou la négligence dans leur mise en œuvre qui donne l'occasion au « mauvais » plaideur de se
réfugier dans la chicane. Le formalisme n'est pas le coupable ; les méfaits du formalisme ne sont
imputables qu'aux hommes qui appliquent mal les règles. Il faut dire et répéter que les juges et les
auxiliaires de justice ne peuvent bien remplir leurs fonctions respectives que s'ils ont pleinement
assimilé le droit judiciaire privé.
6 Un droit complexe et enrichissant. – Paradoxalement, c'est parce qu'il est un droit servant
que le droit judiciaire privé présente un intérêt théorique ou intellectuel exceptionnel 16. À la
différence des droits substantiels, en effet, son objet n'est pas directement constitué par les relations
humaines. Il n'intervient qu'à un second degré, pour déterminer les règles de droit substantiel
applicables dans tel ou tel litige et il lui faut ordonner tous ces éléments. En quelque sorte, le droit
judiciaire privé est un droit portant sur le droit, ce qui lui confère une abstraction très marquée. Si
l'on essaie d'être plus précis, le droit judiciaire privé se signale d'abord par l'importance et la rigueur
des analyses auquel il conduit, analyses portant sur la façon d'appréhender les règles de droit
substantiel dans le cadre d'un procès ; par exemple, quelles sont les limites du droit substantiel et du
droit procédural, quelle influence le procès exerce-t-il sur le droit substantiel, le recours au juge
correspond-il toujours à la même situation ?
L'analyse doit porter aussi sur les instruments procéduraux mis en place pour le traitement du
procès ; comment peut-on définir une fin de non-recevoir, en quoi une demande en référé se distingue-
t-elle d'une demande ordinaire, ou encore quelle modification l'exercice d'une voie de recours
imprime-t-elle au procès originaire ? Lorsqu'il s'agit des concepts du droit judiciaire privé, l'analyse
débouche en outre sur une construction ; des éléments ainsi obtenus, se dégagent des réponses que
l'on peut déduire d'un raisonnement abstrait. On constate ainsi que c'est de ses rapports avec le droit
substantiel et de sa propre organisation interne que découlent la complexité et l'abstraction du droit
judiciaire privé ; et la difficulté se trouve encore accrue par le fait qu'en abordant le droit judiciaire
privé, le juriste ne peut pas utiliser son expérience quotidienne, comme il peut le faire lorsqu'il
aborde le droit de la famille ou des contrats.
La familiarité avec les mécanismes du droit judiciaire privé ne peut s'acquérir que par la
pratique. Son importance n'a pas besoin d'être soulignée, tant elle est évidente. Il faut plutôt mettre en
garde contre la tendance inverse, consistant à penser que la procédure (dans ce cas-là, on ne parle
plus de droit judiciaire privé) ne s'apprend pas dans les livres, mais uniquement sur le tas. Cette
opinion n'est à peu près fondée que pour les procès simples, face à des adversaires du même niveau.
Par comparaison, il n'est pas très difficile de ramener un navire au port lorsque la mer est calme, que
la visibilité est bonne et que le chenal est large. Mais, à défaut de connaissances approfondies et
d'expérience aussi, on risque le naufrage au premier coup de vent. De même, à la lecture des dossiers
d'appel et de cassation, on découvre nombre d'affaires qui ont été irrémédiablement gâchées à la suite
d'erreurs procédurales graves, dont la cause est presque toujours l'ignorance des mécanismes
essentiels de la matière 17.
La position de droit servant, qu'occupe le droit judiciaire privé, lui confère encore un autre intérêt
indirect. En prenant en charge le droit substantiel pour le procès, le droit judiciaire privé permet une
meilleure compréhension de ses règles. Bien entendu, ce n'est pas sur le contenu précis de la règle
que le droit judiciaire privé peut apporter des éclaircissements ; le déroulement du procès ne permet
pas de choisir entre l'interprétation extensive et l'interprétation restrictive d'un article du Code civil
relatif à un démembrement de propriété. En revanche, le procès constitue un excellent révélateur des
articulations et des mécanismes du droit substantiel, au même titre que le droit international privé.
Par exemple, il aide à comprendre en quoi consistent les droits réels, ou encore il montre le rôle
essentiel que joue la volonté de l'adoptant dans l'adoption.

7 Droit public ou droit privé ? – C'est enfin cette même situation particulière occupée par le
droit judiciaire privé qui permet de répondre à la question classique de son classement dans le droit
privé ou le droit public. L'appartenance de principe du droit judiciaire privé au droit public ne peut
être contestée, mais elle est dépourvue de signification. En réalité, la discussion ne doit pas être
menée comme elle l'est pour les disciplines relevant du droit substantiel. Pour un droit auxiliaire, le
défaut d'autonomie par rapport au droit substantiel est plus important que l'appartenance à l'une des
deux branches du droit. La constatation que les tribunaux judiciaires forment une administration de
l'État n'entraîne que peu de conséquences, en dehors de celle que les règles d'organisation judiciaire
sont presque toutes d'ordre public. En revanche, ce qui est déterminant pour le choix d'un modèle
procédural, c'est de savoir quels sont les droits mis en jeu par le procès ; l'organisation du procès ne
peut pas être la même selon que les droits litigieux appartiennent à des particuliers et leur sont
conférés pour la satisfaction de leurs intérêts personnels ou, à l'opposé, qu'il s'agit de prérogatives de
la puissance publique 18.

SECTION II
LES SOURCES DU DROIT JUDICIAIRE PRIVÉ

8 Plan. – L'existence en droit judiciaire privé d'un code d'une qualité exceptionnelle impose
que l'on s'écarte de l'ordre de présentation qu'exige la raison abstraite pour étudier distinctement le
Code de procédure civile (§ 1) et les autres sources du droit judiciaire privé (§ 2).

§ 1. LE CODE DE PROCÉDURE CIVILE

9 Sous-plan. – Il convient de retracer l'élaboration et l'évolution de cette œuvre (A), avant d'en
présenter les qualités (B).

A. L'ÉLABORATION ET L'ÉVOLUTION DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE DE 1975

10 Division. – Pour décrire l'élaboration du Code de procédure civile de 1975 19, il faut
indiquer brièvement les données de la situation au moment où le travail fut entamé (1). Ensuite pourra
être retracé le travail de réalisation lui-même (2), complété et modifié postérieurement (3) sur
certains points.

1. La situation antérieure

11 De 1806 à 1958. – Un premier Code de procédure civile a été élaboré en même temps
et selon la même méthode que les autres codes napoléoniens. Par un arrêté du 3 germinal an X, le
Consulat nomma une commission de cinq membres ; Treilhard, Pigeau, Séguier, Berthereau et Try. Il
s'agissait de praticiens 20 de l'Ancien Droit, de qualité 21, mais assez peu portés sur la nouveauté. Le
projet fut ensuite soumis à l'examen de la Cour de cassation et des cours d'appel. Les différentes
parties du Code furent votées et publiées en avril et mai 1806 et le Code de procédure civile entra en
vigueur le 1 janvier 1807 22.
er

Le Code de procédure civile de 1806 a fait l'objet de commentaires très sévères qui ne sont que
partiellement justifiés. À vrai dire, il souffre surtout de la comparaison avec le Code civil qui lui est
indiscutablement supérieur ; ses rédacteurs n'ont pas trouvé un inspirateur de la valeur de Domat.
Comme la Commission l'a indiqué elle-même dans son rapport, sa première et principale source fut
l'ordonnance civile 23 de 1667, rédigée à l'initiative de Colbert, par une commission présidée par le
Chancelier Séguier et animée par le premier Président de Lamoignon. Cette source d'inspiration fait
que le Code napoléonien comporte les mêmes lacunes que l'ordonnance royale, par exemple pour ce
qui est de la procédure de cassation 24. En revanche le Code de 1806 se démarque de l'ordonnance
sur d'autres points. En particulier, il simplifie les formes et raccourcit les délais.
Le temps a marqué le Code de 1806 plus rapidement que son homologue de 1804, si bien que, dès
la fin du XIX siècle, on a songé à le réformer. Mais rien de vraiment important n'a été accompli
e

jusqu'à la nomination en 1934 d'une commission de révision du Code de procédure civile. Cette
commission n'a pu mener sa tâche à son terme, mais de ses travaux sont sorties diverses lois (ou
décrets-lois) ; un décret-loi du 17 juin 1938 sur la saisie immobilière, des lois du 23 mai 1942,
portant notamment sur l'appel, des lois du 15 juillet 1944, dont l'une portant sur la matière
gracieuse 25, une loi du 9 février 1949 et une autre du 12 novembre 1955 instituant une saisie
conservatoire générale qui faisait défaut en matière civile. Ces textes ont utilement réformé la
procédure, mais de façon partielle. Le besoin se faisait sentir d'une réforme générale, ici comme
ailleurs. Mais, pour ce qui est du droit judiciaire privé, les choses se sont trouvées facilitées par les
institutions nouvelles que la France s'est données en 1958.

12 L'incidence de la Constitution de 1958. – L'article 34 de la Constitution ne réserve à la loi


qu'une faible partie des matières du droit judiciaire privé ; la création de nouveaux ordres de
juridiction et le statut des magistrats. En application des articles 34 et 37, le reste relève donc du
domaine réglementaire. En termes de principe, l'opportunité de soustraire au législateur une matière
aussi importante que le droit judiciaire privé prête à discussion 26. En termes d'efficacité, il n'est pas
douteux que le rattachement de la procédure au domaine réglementaire a joué un rôle décisif. On peut
penser que l'actuel Code de procédure civile n'existerait pas aujourd'hui s'il avait fallu soumettre les
textes nouveaux au Parlement et que seules des réformes partielles (et de quelle qualité ?) auraient vu
le jour, comme c'est le cas en droit civil. Pratiquement, la très grande majorité des textes de droit
judiciaire privé résultent aujourd'hui de décrets.
Il convient d'ajouter que le pouvoir réglementaire ne dispose pas en la matière d'une liberté
absolue. Interprétant souplement la Constitution, le Conseil d'État a décidé, en dépit du silence des
textes, que quelques règles fondamentales relevaient du pouvoir législatif 27. Par exemple, il n'a pas
admis que les dérogations au principe de la publicité des audiences soient fixées par décret. C'est ce
qui explique qu'elles soient énoncées par la loi n 72-626 du 5 juillet 1972 (article 11-1). Par
o

ailleurs, même dans le domaine qui relève de sa compétence, le pouvoir réglementaire se trouve
soumis au contrôle de la haute juridiction administrative, qui veille au respect des principes
fondamentaux, c'est-à-dire des garanties essentielles des justiciables. Une illustration en sera fournie
par l'annulation de l'article 16 du Code de procédure civile, dans la rédaction qui lui avait été donnée
en 1976 28.

2. Le travail de réalisation

13 Les acteurs de la réforme. – L'initiative de la mise en chantier d'un nouveau Code de


procédure civile revient à Jean Foyer, garde des Sceaux, autour duquel va progressivement se réunir
l'équipe qui mènera le travail à bien, au premier rang desquels on doit citer M. Pierre Francon,
directeur adjoint des affaires civiles à la Chancellerie, Henri Motulsky, professeur d'université, qui
décédera dès le mois de décembre 1971 29, et surtout Gérard Cornu, doyen de la Faculté de droit
de Poitiers. Lorsqu'en 1967, Jean Foyer cessa d'occuper les fonctions de garde des Sceaux, et devint
président de la Commission des lois de l'Assemblée nationale, le travail ne fut pas interrompu. Jean
Foyer fut en effet nommé par son successeur président de la Commission de réforme du Code de
procédure civile et, par la suite, tous les ministres de la justice qui se succéderont lui maintiendront
leur confiance jusqu'à la dissolution de la Commission à la fin de 1980. C'est de cette équipe
restreinte que proviennent les premiers décrets « instituant de nouvelles règles de procédure
destinées à constituer partie d'un nouveau Code de procédure civile », notamment le décret n 71-740
o

du 9 septembre 1971 et le décret n 72-684 du 20 juillet 1972.


o

En même temps, la Commission s'institutionnalisait. Elle comprenait trois rouages ; d'abord, la


commission plénière, présidée par Jean Foyer, comprenant une cinquantaine de membres, issus des
diverses professions intéressées par la réforme ; des magistrats, des avocats, des avoués, des
huissiers et bien entendu des universitaires. Le point remarquable est que ces personnes n'étaient pas
les représentants mandatés de leurs professions respectives, mais avaient été nommées à titre
personnel, ce qui leur conférait une grande liberté de pensée et d'expression. La commission devait
se réunir une ou deux fois par an. En réalité, son fonctionnement n'a guère été satisfaisant et ses
réunions se sont progressivement espacées. Le deuxième rouage était la sous-commission composée
d'une petite quinzaine de membres de la Commission, dont faisaient notamment partie, outre l'équipe
initiale, M. Roger Perrot, M. Claude Parodi, M. Paul Haegel, M. Jean-Baptiste Sialelli, M. Paul
Fontaine-Tranchand, M. Maurice Parmentier, M. André Bertherat. Cette commission se réunissait
environ une fois par mois pour examiner et amender les textes préparés par le troisième rouage de la
Commission. Ce troisième rouage était l'équipe de rédaction composée de MM. Gérard Cornu, Pierre
Francon et Claude Parodi. C'est au travail de toutes ces personnes et, en particulier, à celui du doyen
Cornu, ainsi qu'à l'influence doctrinale de Motulsky que l'on doit l'essentiel de ce qui allait devenir le
« nouveau Code de procédure civile ».
En dehors de la Commission, une double concertation était menée. D'une part, au Centre de
formation et d'études de Vaucresson, les textes nouveaux faisaient l'objet d'une présentation et d'une
étude par les magistrats les plus directement concernés par la matière. D'autre part, les pouvoirs
publics ont voulu que les textes nouveaux permettent d'unifier la législation applicable en France
métropolitaine. Pour parvenir à ce résultat, a été créée en 1972 une Commission d'harmonisation
d'une trentaine de personnes issues des trois départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-
Rhin, présidée par M. Zimmerman. Cette commission a permis, par un constant dialogue avec les
rédacteurs du nouveau Code (elle siégeait en leur présence environ deux fois par trimestre, à
Strasbourg, avant la commission parisienne), de retenir les dispositions empruntant au droit national
et au droit local leurs meilleures solutions.

14 Une élaboration progressive. – Les textes ainsi préparés étaient ensuite transmis au garde
des Sceaux. Ils devenaient alors des projets de décret soumis à l'examen du Conseil d'État avant leur
publication. Ainsi que cela a déjà été dit, les premiers d'entre eux étaient des décrets « instituant de
nouvelles règles de procédure destinées à constituer partie d'un nouveau Code de procédure civile »
ou encore « destinées à s'intégrer dans le nouveau Code de procédure civile ». Ce sont les décrets
n 71-740 du 9 septembre 1971, n 72-684 du 20 juillet 1972, n 72-788 du 28 août 1972 et n 73-1122
o o o o

du 17 décembre 1973.
Ce n'est qu'en 1974 qu'a été établi le plan qui a permis d'intégrer ces textes épars dans un nouveau
Code de procédure civile. Formellement, celui-ci résulte du décret n 75-1123 du 5 décembre 1975,
o

qui a codifié les dispositions contenues dans les textes antérieurs et en a ajouté de nouvelles 30.
L'ensemble est entré en vigueur le 1 janvier 1976 31. Tel qu'il se présentait en janvier 1976, le
er

nouveau Code de procédure civile était encore incomplet. Il ne comprenait que deux livres (à vrai
dire les plus importants 32), respectivement intitulés « dispositions communes à toutes les
juridictions » et « dispositions particulières à chaque juridiction », étant précisé que le second livre
ne comprenait pas toutes les dispositions particulières à chaque juridiction.
La majorité des lacunes subsistantes ont été comblées de 1976 à 1981, par les décrets n 76-714
o

du 29 juillet 1976, n 76-1236 du 28 décembre 1976, n 79-941 du 7 novembre 1979 (portant réforme
o o

de la procédure en matière civile devant la Cour de cassation), n 79-1022 du 23 novembre 1979


o

(modifiant certaines dispositions relatives aux conseils de prud'hommes 33), et surtout par le décret
n 81-500 du 12 mai 1981, instituant les dispositions des livres trois et quatre du nouveau Code de
o

procédure civile respectivement intitulés « dispositions particulières à certaines matières » (c'est


dans ce livre par exemple que se trouvent les dispositions applicables à la procédure de divorce 34)
et « l'arbitrage ».

3. Les modifications postérieures

15 De 1981 à nos jours. – Depuis le décret n 81-500 du 12 mai 1981, les textes du (nouveau)
o

Code de procédure civile ont été modifiés à de (trop) nombreuses reprises 35. Les textes entrés en
vigueur depuis cette date se distinguent de leurs prédécesseurs de deux façons. D'une part, la
Commission de réforme du Code de procédure civile a été dissoute à la fin de l'année 1980, si bien
que les textes actuels sont l'œuvre exclusive de la Chancellerie. Certains de ces textes sont
excellents. On ne peut s'empêcher de penser que d'autres ont été insuffisamment mûris et ne sont que
l'expression des idées de quelques magistrats, ce qui n'est pas la meilleure façon d'élaborer le droit
écrit 36. D'autre part, la majorité de ces textes ne comportent que des modifications limitées,
apportées à quelques articles du Code jugés inadaptés ou qui encore n'auraient pas été interprétés par
la Cour de cassation dans le sens que souhaitait la Chancellerie. Quelques textes font cependant
exception à ce propos. Ainsi, les décrets n 98-1231 du 28 décembre 1998 et n 2005-1678 du
o o

28 décembre 2005 ont procédé à des toilettages poussés du Code de procédure civile, en le modifiant
sur un nombre important de points. On relèvera aussi que le décret n 2012-66 du 20 janvier 2012 a
o

introduit dans le livre cinq 37 du Code un corps de règles relatives à la résolution amiable des
conflits.

B. LES QUALITÉS DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE DE 1975

16 Une œuvre majeure. – Si l'on a relaté longuement son élaboration, c'est parce qu'à notre
sens, le Code de procédure civile de 1975 constitue l'œuvre législative 38 majeure de la fin du
XX siècle 39. Rien ne peut lui être comparé depuis que se sont produites les profondes réformes du
e

droit civil et du droit commercial qui ont marqué les débuts de la Cinquième République. Il se
détache facilement d'une législation souvent médiocre et parfois même délétère. Les multiples
modifications qu'il a subies, depuis 1975, ont altéré ses qualités formelles mais, fondamentalement,
ce Code reste une œuvre de grande qualité.

17 La forme. – Le Code de procédure civile de 1975 possède d'abord une forme remarquable,
ce qui, pour un texte de droit, est loin d'être une qualité secondaire. Les rédacteurs ont su trouver un
juste milieu entre la technicité nécessaire au langage juridique et l'archaïsme qui a longtemps marqué
la procédure civile. S'y ajoute une élégance qui ne nuit jamais à la compréhension de la norme écrite.
Le texte comprend de nombreuses définitions qui éclairent le sens des institutions réglementées. On
doit noter, à ce propos, le souci qu'ont eu ses rédacteurs d'éviter les ambiguïtés liées à la polysémie
de nombreux mots du langage juridique ; ils se sont efforcés de ne jamais employer le même mot dans
des sens différents. Stendhal aurait certainement admiré ce texte.

18 Le fond. – Au fond, ses vertus ne sont pas moindres. Le Code de 1975 a d'abord apporté
une considérable simplification de la procédure, que l'on a débarrassée de nombre de formalités
devenues trop lourdes ou inutiles. La simplification a résulté aussi de la suppression des
particularités qui distinguaient sans raison la procédure de chaque juridiction. Aujourd'hui, presque
toutes les règles qui régissent l'administration de la preuve, le jugement et les incidents sont
communes à toutes les juridictions.
Les qualités de fond du Code de procédure civile tiennent aussi à son inspiration. Il constitue une
œuvre longuement méditée et mûrie par ses auteurs avant que la première ligne n'en ait été écrite 40.
Cette pensée s'exprime dans les principes directeurs du procès, qui donnent un sens aux dispositions
ponctuelles qui régissent le déroulement de l'instance. Le procès, tel que l'ont conçu les rédacteurs du
Code, essaie de tenir la balance égale entre les prérogatives des parties, dont les droits sont en cause,
et les exigences d'un bon fonctionnement des tribunaux 41.
Il faut ajouter que le Code de procédure civile a encore le mérite d'unifier la législation sur
l'ensemble du territoire métropolitain et des départements d'outre-mer 42, en enrichissant le droit
français de certaines solutions issues du droit allemand, que connaissaient les départements d'Alsace-
Moselle 43. Il convient cependant d'indiquer que ce code ne s'applique pas partout en France. À
l'exception de Wallis et Futuna 44, les « collectivités d'outre-mer » 45 et la Nouvelle-Calédonie ne lui
sont pas soumises. L'autonomie plus large qui les caractérise englobe la procédure civile, qui relève
de la compétence des autorités locales.

§ 2. LES AUTRES SOURCES DU DROIT JUDICIAIRE PRIVÉ

19 Plan. – Il se pourrait que le droit judiciaire privé français soit un jour gouverné par des
principes issus de travaux réalisés au niveau mondial 46. Ce n'est pas encore le cas, mais ce droit
subit déjà, depuis quelques décennies, l'influence croissante du droit européen et du droit
communautaire 47 (A). Cela étant, pour l'instant, les sources de notre droit judiciaire privé restent
principalement nationales (B).

A. LES DROITS COMMUNAUTAIRE ET EUROPÉEN 48

20 Le droit communautaire. – De manière générale, le droit communautaire ne porte pas


directement sur l'organisation et le déroulement du procès. Il faut cependant signaler quelques
exceptions. Initialement, c'est essentiellement à travers des traités que notre matière a été
appréhendée par le droit communautaire : la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, la
convention de Lugano du 16 septembre 1988 et celle dite de Bruxelles II du 28 mai 1998. Le premier
de ces trois textes, élaboré dans le cadre des communautés européennes, régissait la compétence, la
reconnaissance et l'exécution des jugements civils et commerciaux sauf dans certains domaines tels
que l'état des personnes. La convention de Lugano en étendit l'application aux pays de l'association
européenne de libre-échange (AELE) qui ne font pas partie de l'Europe communautaire 49. Enfin, eu
égard aux douloureuses difficultés posées par la séparation des couples mixtes, la convention
de Bruxelles II s'inspira des dispositions de la première convention de Bruxelles pour fixer des
règles de compétence, de reconnaissance et d'exécution des jugements en matière d'annulation de
mariage, de divorce et de séparation de corps. Elle envisagea également les questions d'autorité
parentale pouvant se poser à l'occasion de ces « actions en désunion ».
Le développement du droit communautaire comme source du droit judiciaire privé s'est accru, à
partir de l'an 2000, avec l'apparition de règlements communautaires qui, rappelons-le, sont
directement applicables dans les États membres de l'Union. En effet, le traité d'Amsterdam du
2 octobre 1997 a attribué compétence au Conseil de l'Union européenne pour prendre des mesures
dans le domaine de la coopération judiciaire en matière civile. Fort de cette nouvelle compétence, le
Conseil a ainsi adopté, en mai 2000, deux règlements intéressant directement notre matière. L'un
d'eux, portant sur la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière
matrimoniale 50 a remplacé la convention de Bruxelles II, avant d'être, à son tour, remplacé par un
autre règlement 51. Le second règlement concernait la signification et la notification des actes
judiciaires et extrajudiciaires 52. Enfin, un règlement nº 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000
relatif à la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et
commerciale, a remplacé la convention de Bruxelles I 53, avant d’être lui-même remplacé par le
règlement nº 1215/2012 du 12 décembre 2012 54. Dans les années 2000, ont vu le jour plusieurs
autres règlements portant, notamment, sur la coopération entre les juridictions des États membres
dans le domaine de l'obtention des preuves en matière civile et commerciale 55 ou sur la compétence,
la loi applicable, la reconnaissance et l'exécution des décisions et la coopération en matière
d'obligations alimentaires 56. Citons également le règlement de 2004 portant création d'un titre
exécutoire européen pour les créances incontestées 57, celui de 2006 instituant une procédure
européenne d'injonction de payer 58 ou celui de 2007 instituant une procédure européenne de
règlement des petits litiges 59. De manière générale, nous ne ferons qu'évoquer la plupart de ces
dispositions communautaires. Lorsqu'elles intéressent plus les procès transfrontaliers que les procès
purement internes, leur étude relève du droit international privé.
Au-delà de ces textes dont le caractère technique est assez marqué, on peut également relever un
texte plus général : la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne adoptée conjointement,
le 7 décembre 2000, par le Parlement européen, le Conseil et la Commission 60. La Charte constitue,
sur le modèle de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 élaborée par l'ONU, une
proclamation solennelle des droits fondamentaux reconnus par l'Union européenne, dans divers
domaines dont le droit processuel. Ainsi, l'article 47 de la Charte affirme l'existence d'un droit des
justiciables à un recours effectif devant un tribunal, ainsi qu'un droit à l'aide juridictionnelle pour
ceux qui disposeraient de ressources insuffisantes.
Enfin, il convient de préciser que la jurisprudence des juridictions communautaires fait, elle
aussi, partie des sources communautaires du droit judiciaire privé, au moins lorsque ces juridictions
et en particulier la Cour de justice de l'Union européenne, se prononcent sur l'interprétation d'un texte
communautaire à caractère procédural.
Mais, là encore, l'influence du droit communautaire n'est vraiment sensible que dans les
hypothèses de litiges internationaux. En revanche, bien que ce droit réglemente l'accès des nationaux
des divers États aux carrières juridiques et judiciaires, son influence demeure assez limitée en droit
processuel interne 61.
21 Le droit européen. – Le droit européen exerce, depuis le début des années 1990, une
influence croissante sur le droit judiciaire privé français. En effet, la France est partie à la
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du
4 novembre 1950. Cette convention, conclue dans le cadre du Conseil de l'Europe 62, comporte deux
articles intéressant directement la procédure civile française : l'article 6-1 pose, en substance, le
droit à un procès équitable et public devant un tribunal indépendant et impartial qui doit statuer dans
un délai raisonnable. Par ailleurs, l'article 13 pose le droit à un recours effectif devant une instance
nationale pour toute personne dont les droits et libertés reconnus par la Convention ont été violés. De
manière plus indirecte, ses articles 8 (sur le droit à une vie privée et familiale) et 14 (relatif au
principe de non-discrimination) ainsi que le protocole additionnel n 1 (relatif à la protection des
o

biens) peuvent avoir des répercussions sur certaines questions de procédure.


L'importance de la Convention de 1950 en tant que source du droit judiciaire privé français est
due à plusieurs facteurs. D'une part, les juges français peuvent l'appliquer eux-mêmes, au besoin en la
faisant prévaloir sur des dispositions de droit interne qui seraient incompatibles avec son contenu. En
vertu de l'article 55 de la Constitution, les traités internationaux ont, en effet, une valeur supra-
législative. La Cour de cassation multiplie d'ailleurs les références plus ou moins directes à la
Convention et notamment à son article 6-1.
D'autre part, la Convention permet aux particuliers de soumettre leur cause à la Cour européenne
des droits de l'homme 63, une fois épuisés les recours qui leur sont ouverts en droit interne. Le recours
devant la Cour européenne est alors formé contre l'État à qui le plaignant impute une violation de ses
droits fondamentaux et il peut conduire à une condamnation de cet État à lui verser une indemnité.
Certes, la décision de la juridiction nationale ne sera pas annulée pour autant, mais l'État condamné
aura généralement tendance à modifier son droit interne pour éviter à l'avenir de nouvelles
condamnations. Pareillement, les juges nationaux, à commencer par la Cour de cassation,
s'interrogeront sur l'issue que pourrait avoir le litige qui leur est soumis si une partie en venait à
saisir la Cour de Strasbourg. Leur propre jurisprudence s'en ressentira.
Enfin, la généralité des principes posés par les quelques articles de la Convention intéressant la
procédure permet d'en faire une application des plus larges et de reconsidérer tout le droit judiciaire
privé à travers le prisme de ces normes européennes. Désormais, le juriste français ne peut plus se
borner à rechercher la solution d'un problème juridique dans les textes de droit français ni dans la
jurisprudence nationale. Il doit également s'interroger sur les risques de remise en cause de cette
solution par application de la Convention telle que l'interprète la Cour européenne des droits de
l'homme. À cet égard, on peut s'inquiéter de la dérive qui pourrait découler de l'invocation à tout
propos du texte de l'article 6-1, lequel fait de plus en plus figure de « tarte à la crème » du droit
processuel. On peut craindre en effet qu'au-delà des avantages que présente une prise en compte
accrue des droits fondamentaux en procédure civile, ces derniers ne constituent le cheval de Troie
qui permettra aux tribunaux de s'affranchir des dispositions réglementaires et législatives censées
s'imposer à eux. Un droit judiciaire privé bâti sur des textes dont la cohérence est le fruit d'une
réflexion d'ensemble de la part des rédacteurs du Code de procédure civile, pourrait céder la place à
un nouveau droit judiciaire plus jurisprudentiel et, partant, plus fluctuant et plus incertain.
Il n'en reste pas moins que ce sont la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme
et, dans son sillage, celle de la Cour de cassation, qui donnent à la Convention toute sa portée, en
droit judiciaire privé français comme dans d'autres domaines. Et les apports jurisprudentiels de ces
deux juridictions sont nombreux 64.
B. LES SOURCES DE DROIT INTERNE

22 Division. – En droit interne, on examinera d'abord le droit écrit (1), puis la jurisprudence
(2) et la doctrine (3).

1. Le droit écrit

23 Diversité du droit écrit. – Le Code de procédure civile ne rassemble pas toutes les
dispositions intéressant le droit judiciaire privé. Certaines de ces dispositions se trouvent dans
d'autres codes ou même dans des textes non codifiés.

24 Les autres codes. – Institué par deux décrets du 16 mars 1978, le Code de l'organisation
judiciaire a été refondu par l'ordonnance n 2006-673 du 8 juin 2006 et le décret n 2008-522 du
o o

2 juin 2008. Déjà en 1978, on n'avait fait que compiler des textes antérieurs épars, et notamment des
ordonnances et des décrets du 22 décembre 1958. Il n'est donc pas étonnant que, même refondu, ce
travail, n'ait rien de comparable avec le Code de procédure civile de 1975, en dépit de son utilité. Le
Code de l'organisation judiciaire est divisé en deux parties, législative et réglementaire, dont les
articles sont classés selon une numérotation comparable à celle qui est utilisée dans le Code du
travail 65. Comme son nom l'indique, il intéresse d'abord l'organisation judiciaire. À ce titre, il décrit
la composition et le fonctionnement des juridictions de l'ordre judiciaire. Il comprend aussi la grande
majorité des règles de compétence d'attribution et de compétence territoriale 66.
Pendant longtemps, l'ancien Code de procédure civile est resté en vigueur, notamment dans ses
dispositions relatives à la saisie immobilière. Deux codes ont donc coexisté pendant plus de trente
ans, l'ancien et le nouveau, chacun portant sur des matières qui lui étaient propres. Progressivement
vidé de sa substance, l'ancien Code ne comportait plus qu'une poignée d'articles consacrés à la prise
à partie, lorsqu'il a été abrogé en 2007 67. Cette disparition a eu pour conséquence officielle que le
Code de 1975 a perdu son appellation de « nouveau Code de procédure civile », pour devenir tout
simplement le « Code de procédure civile ».
Pour ce qui est des voies d'exécution, un livre cinq devait initialement leur être consacré, au sein
du (nouveau) Code de procédure civile de 1975. Mais, cette matière n'a finalement été réformée que
bien plus tard et en trois temps. Elle l'a d'abord été en matière mobilière par la loi n 91-650 du
o

9 juillet 1991 et le décret n 92-755 du 31 juillet 1992. Puis, la saisie immobilière, qui était encore
o

régie par l'ancien Code de procédure civile, a été réformée par l'ordonnance n 2006-461 du 21 avril
o

2006 et le décret n 2006-936 du 27 juillet 2006, les dispositions de l'ordonnance étant seules
o

codifiées dans... le Code civil ! Enfin, cette dispersion des textes n'étant pas très satisfaisante, les
pouvoirs publics ont engagé un processus de codification à droit constant, à travers l'ordonnance
n 2011-1895 du 19 décembre 2011 et le décret nº 2012-783 du 30 mai 2012, qui ont institué un Code
o

des procédures civiles d'exécution, dont l'entrée en vigueur a été fixée au 1 juin 2012. Ce nouveau
er

Code a donc remplacé la loi du 9 juillet 1991, les décrets du 31 juillet 1992 et du 27 juillet 2006,
l'ordonnance du 21 avril 2006 et les dispositions relatives à la saisie immobilière qu'elle avait
insérées dans le Code civil.
D'autres dispositions de procédure civile sont également intégrées dans le Code de la
consommation issu de la loi n 93-949 du 26 juillet 1993. Ainsi, les procédures de surendettement des
o

particuliers sont actuellement régies par les articles L. 330-1 et suivants et R. 331-1 et suivants de ce
code.
25 Les textes non codifiés. – En dehors de tout code, il existe un grand nombre de lois et de
décrets qui intéressent en particulier le statut des divers partenaires de la justice. Le plus important
de ces textes est l'ordonnance n 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au
o

statut de la magistrature. Mais on peut également signaler, dans un domaine différent, la loi n 91-647
o

du 10 juillet 1991 et le décret n 91-1266 du 19 décembre 1991 relatifs à l'aide juridique.


o

2. La jurisprudence

26 La jurisprudence du Conseil constitutionnel. – Il est clair qu'aucun des textes à valeur


constitutionnelle que connaît notre ordre juridique 68 ne comporte de disposition relevant à
proprement parler de la procédure civile. De plus, les occasions qu'a le Conseil constitutionnel
d'aborder notre matière ne sont pas fréquentes puisqu'il n'est appelé à se prononcer que sur la
constitutionnalité des lois, tandis que le droit judiciaire privé fait majoritairement partie du domaine
réglementaire. Cependant, à diverses reprises le Conseil constitutionnel a été amené à se prononcer
sur des principes de procédure que l'on connaît en droit judiciaire privé. Par exemple, il a proclamé
que les droits de la défense résultaient « des principes fondamentaux reconnus par les lois de la
République » 69, avant de les qualifier de « droit fondamental à caractère constitutionnel » 70.
Pareillement il a estimé que le principe de la contradiction était un principe général du droit 71. À
travers de telles décisions, le Conseil confère une valeur particulière (et variable selon les cas) à des
principes de procédure et même s'il se prononce généralement à l'occasion d'une question relevant de
la procédure pénale, sa décision est transposable à la procédure civile. D'une certaine manière, on
peut donc parler de source constitutionnelle du droit judiciaire privé. Ceci nous amène à aborder
rapidement l'analyse que l'on peut faire de l'importance de cette source.

27 La constitutionnalisation du droit judiciaire privé ? – Depuis le début des années 1990, la


doctrine a mis en lumière un phénomène que l'on a qualifié de « constitutionnalisation du droit
judiciaire privé ». L'expression est sans doute ambiguë en ce sens qu'elle donne à penser que le droit
processuel serait en train de changer de nature et qu'il quitterait le domaine réglementaire pour entrer
non pas dans le domaine de la loi, mais carrément dans celui de la Constitution. Il n'en reste pas
moins, au-delà de la pertinence discutable de cette expression, que l'importance exacte de ce
phénomène controversé 72 est peut-être exagérée par une partie de la doctrine, laquelle multiplie les
arguments destinés à en démontrer la réalité 73. Il nous semble, au contraire, qu'il faut relativiser la
portée de cette « constitutionnalisation ».
Tout d'abord, l'intervention du Conseil constitutionnel, lorsqu'elle porte sur la répartition des
compétences entre le Parlement et le gouvernement pour édicter des règles de droit judiciaire privé,
conduit le Conseil à trancher une question de pur droit constitutionnel. Le contenu du droit judiciaire
privé n'est en rien affecté par une telle intervention. Ce n'est pas lui qui est en cause, mais les
compétences respectives du législateur et du pouvoir réglementaire. Il est donc tout à fait excessif de
parler ici, comme on le fait, de constitutionnalisation de la procédure civile. De plus, l'intervention
du Conseil constitutionnel dans notre matière demeure limitée en ce sens que le Conseil ne crée pas
de nouvelle règle. Il ne fait que consacrer une norme préexistante en lui conférant valeur
constitutionnelle. À titre d'exemple, ses décisions relatives aux droits de la défense n'ont pas instauré
de nouveaux droits ni modifié ceux que l'on connaissait déjà. De la même manière, les principes que
le Conseil peut élever au rang de principes constitutionnels ne changent pas de contenu et ne
deviennent pas plus obligatoires qu'ils ne l'étaient antérieurement. Le juge doit appliquer les normes
de droit, qu'elles aient valeur constitutionnelle ou non. Outre son impact psychologique sur les juges,
la reconnaissance d'une telle valeur n'a guère pour effet que de constituer un obstacle à une éventuelle
remise en cause du principe par le législateur.
On notera au surplus que le Conseil constitutionnel n'est pas seul à proclamer le caractère
constitutionnel de tel ou tel droit ou principe. La Cour de cassation elle-même 74 s'est déjà livrée à ce
genre de consécration dont la valeur est alors essentiellement incantatoire. Le droit constitutionnel est
à la mode. Chacun y va de sa partition. À ce compte-là, il ne faudrait pas s'étonner si des juges du
fond se laissaient aller, eux aussi, au plaisir de sanctifier telle ou telle norme par un rattachement à la
Constitution. Après tout, cela ne porterait guère à conséquences.

28 La jurisprudence du Conseil d'État. – L'élaboration du droit judiciaire privé s'effectuant


principalement par la voie réglementaire, le Conseil d'État est amené à exercer un contrôle de
légalité sur les textes de procédure civile, spécialement lorsqu'il est saisi d'un recours pour excès de
pouvoirs. L'arrêt qu'il rend alors présente un intérêt certain pour les processualistes, en particulier
quand il prononce l'annulation de l'article incriminé puisqu'il modifie directement le contenu du droit
objectif applicable 75. Cela étant, il n'est pas très fréquent que la haute juridiction administrative
censure ainsi un texte de droit judiciaire privé. La jurisprudence du Conseil d'État constitue de toute
évidence, pour le droit judiciaire privé, une source plus limitée que la jurisprudence des juridictions
judiciaires.

29 La jurisprudence des juridictions judiciaires. – Les premiers décrets dont est issu le Code
de procédure civile sont en vigueur depuis une trentaine d'années. Leur application a déjà donné lieu
à une abondante jurisprudence de la Cour de cassation 76. En principe, c'est la deuxième chambre
civile qui est chargée de statuer sur les questions de droit judiciaire privé. Cependant elle n'en a pas
le monopole. C'est une évidence en effet que toutes les questions de droit judiciaire privé naissent
lors de litiges qui portent sur des affaires de droit substantiel. Il arrive donc très fréquemment que le
pourvoi en cassation comprenne un ou plusieurs moyens de procédure et un ou plusieurs moyens de
droit substantiel. Dans ce cas, l'examen du pourvoi est le plus souvent attribué à la chambre de la
Cour qui s'occupe de la question de droit substantiel, par exemple, la troisième chambre civile pour
les affaires de construction ou la chambre sociale pour les affaires de droit du travail. Cette situation
entraîne deux inconvénients ; le premier est que des problèmes délicats de procédure sont parfois
réglés par une chambre qui n'est pas spécialisée en cette matière ; le second est qu'il arrive plus
souvent en droit judiciaire privé que dans d'autres matières que les chambres de la Cour de cassation
adoptent des solutions différentes, qui nécessitent l'intervention de l'Assemblée plénière de la Cour.
On rappellera enfin que la jurisprudence judiciaire n'est pas seulement issue de la Cour de
cassation. Les décisions rendues par des juridictions du fond, en particulier des cours d'appel,
présente souvent un intérêt certain pour le juriste, notamment lorsqu'elles portent sur l'application de
textes récents qui n'ont pas encore été soumis à l'interprétation de la haute Juridiction. L'utilisation de
la base de données Jurisdata par de nombreux avocats témoigne de l'importance d'une telle source
documentaire.

3. La doctrine

30 Auteurs. – Il serait présomptueux de vouloir dresser un tableau complet de la doctrine, mais


l'on se doit de citer ici quelques grands noms qui ont illustré cette discipline 77. Le plus ancien est
celui du doyen Henri Vizioz 78, qui est l'un des premiers à avoir montré que, loin de se réduire à
quelques recettes, la procédure civile constituait l'une des plus belles et potentiellement l'une des
plus riches disciplines du droit. Sa disparition prématurée l'a empêché de réaliser le grand ouvrage
qu'il méditait. Ses articles et ses chroniques ont été rassemblés dans un livre intitulé Études de
procédure civile 79. C'est au professeur Henri Solus 80 que le droit judiciaire privé doit son nom.
Notre discipline a bénéficié de son prestige et de son autorité considérables. Il est l'auteur, avec
M. Roger Perrot, d'un Traité de droit judiciaire privé 81, qui est d'une richesse incomparable. Comme
celles du doyen Henri Vizioz, la carrière et l'œuvre de Henri Motulsky ont été abrégées par une mort
prématurée 82. En dehors même de son apport à la conception et à la rédaction du Code de procédure
civile de 1975, Henri Motulsky a laissé sa thèse aujourd'hui classique sur les Principes d'une
réalisation méthodique du droit privé, ainsi qu'un cours de droit processuel. La majorité de ses
articles et notes de procédure civile ont été rassemblés dans un livre posthume 83. Sa pensée irrigue
encore aujourd'hui la doctrine processualiste et le droit judiciaire privé lui-même 84. On citera enfin
le nom du professeur Pierre Hébraud 85. Ses écrits 86, d'une lucidité remarquable, tempéraient ce que
pouvait avoir parfois d'excessive la doctrine si novatrice de Henri Motulsky 87.
Aux ouvrages déjà cités, ainsi qu'aux manuels de procédure civile ou de droit judiciaire privé
récents 88, il faut ajouter le Traité élémentaire de procédure civile de René Morel 89, ouvrage un peu
plus ancien, dans lequel le juriste ne recherchera pas la réponse à une question précise de droit
positif, mais des éléments de réflexion d'une valeur permanente.

31 Revues. – Par ailleurs, le droit judiciaire privé est, depuis quelques années, traité dans des
revues consacrées exclusivement ou principalement au droit procédural : Procédures, ainsi que Droit
et procédures (la Revue des huissiers de justice) 90. Enfin, cette matière fait régulièrement l'objet de
chroniques dans des revues plus généralistes telles que la Revue trimestrielle de droit civil, le
Recueil Dalloz ou la Semaine Juridique édition générale.

32 Plan général. – Les difficultés tenant à l'originalité du droit judiciaire privé rendent
opportune, dans un premier temps, la présentation des notions essentielles de la matière. La deuxième
partie pourra alors être consacrée de façon plus fructueuse à la procédure, au sens précis du terme,
devant les juridictions du premier degré. Les voies de recours font rebondir l'affaire soumise aux
juges du premier degré. Leur importance théorique et pratique justifie qu'une partie entière leur soit
réservée. Il restera à aborder dans un quatrième temps les incidents susceptibles de compliquer les
schémas procéduraux et qui, pour des raisons de clarté, n'auront pas encore été exposés.
Ce précis sera donc divisé en quatre parties ;
— Les notions essentielles du droit judiciaire privé,
— La procédure devant les juridictions du premier degré,
— Les voies de recours,
— Les incidents.

BIBLIOGRAPHIE

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PREMIÈRE PARTIE
LES NOTIONS ESSENTIELLES DU DROIT JUDICIAIRE
PRIVÉ

33 Des notions originales. – L'originalité du droit judiciaire privé par rapport au droit
substantiel oblige à un apprentissage. Il faut s'initier à des notions nouvelles, comme on le fait
lorsqu'on aborde le droit pour la première fois, ou qu'on découvre le droit des obligations. On peut
même penser que la démarche est un peu plus difficile encore. La raison en est qu'à la différence du
droit substantiel qui peut s'appuyer sur l'expérience de la vie quotidienne, le droit judiciaire privé ne
fait pratiquement appel qu'à des notions techniques, étrangères à l'activité ordinaire des sujets de
droit. On n'y rencontre ni fin de non-recevoir, ni jugement avant dire droit. C'est ce patient
apprentissage qui fera l'objet de cette première partie.
Les notions essentielles, ce sont d'abord les concepts fondamentaux, qui se situent au cœur même
du droit judiciaire privé, et sur lesquels il repose. On ne peut pas vraiment comprendre la procédure,
qu'elle soit civile ou administrative, sans savoir ce qu'est l'action ou la juridiction gracieuse. Ou
encore, sur de nombreux points, le contentieux du provisoire obéit à des règles particulières et, de
nouveau, il est certain qu'on ne saurait maîtriser le droit du procès sans avoir préalablement assimilé
l'essentiel de la matière du référé et des ordonnances sur requête. Il faut encore regrouper sous cette
dénomination des techniques de base. Elles sont essentielles en ce sens qu'elles trouvent à s'appliquer
dans tous les secteurs du droit judiciaire privé. Ainsi, partout il y est question des délais de
procédure, dont la computation doit être parfaitement connue.

34 Le déroulement du procès. – S'il est indispensable de maîtriser ces concepts et ces


techniques pour étudier plus en détail le droit du procès, à l'inverse, le risque existe qu'en les
abordant sans aucun préambule, on ne les comprenne pas faute de savoir les insérer dans le
déroulement d'un procès. Aussi est-il préférable de commencer par décrire celui-ci, de façon très
sommaire.
Un procès commence presque toujours par un acte introductif d'instance, émanant de l'une des
parties, citant l'autre partie à comparaître devant un tribunal du premier degré, par exemple un
tribunal de grande instance. Dans le contentieux de droit privé, c'est l'initiative de l'une des parties
(beaucoup plus rarement celle des deux parties) qui crée le procès. Inversement, le juge ne se saisit
pas lui-même 91. L'initiative vient des parties et non du juge pour la raison très simple que le
contentieux de droit privé met en jeu les droits des parties. Selon les juridictions, l'acte introductif
revêt des formes diverses. Le plus souvent, il consiste en une assignation, c'est-à-dire un acte délivré
au défendeur par un huissier de justice mandaté par le demandeur. Il en va ainsi devant le tribunal de
grande instance, le tribunal d'instance et le tribunal de commerce. Après l'assignation qui est adressée
au défendeur, le demandeur doit saisir le tribunal en déposant une copie de l'assignation au greffe,
c'est-à-dire au secrétariat de la juridiction. Devant le conseil de prud'hommes, le procès est
normalement introduit par une déclaration au greffe, qui saisit également le tribunal.
L'acte introductif d'instance contient les demandes par lesquelles le demandeur soumet ses
prétentions au tribunal 92, ainsi que les moyens, c'est-à-dire les raisonnements sur lesquels reposent
les prétentions. Par exemple, il demande que son débiteur soit condamné à lui payer une somme
d'argent en exécution du contrat passé, ou qu'un autre commerçant cesse ses actes de concurrence
déloyale. À ces demandes sont jointes une demande tendant à la condamnation du défendeur au
paiement des dépens et presque toujours une demande, fondée sur l'article 700 du Code de procédure
civile, tendant à la condamnation du défendeur au paiement d'une somme d'argent pour les frais du
procès qui ne sont pas compris dans les dépens 93.

35 L'instruction du procès. – Après l'introduction de l'instance commence une phase


d'instruction du procès. Si l'instruction des affaires caractérise aussi bien le procès civil que le
procès pénal, son organisation est totalement différente d'une procédure à l'autre. Dans le procès civil
l'instruction n'est pas à strictement parler menée par le juge ; elle est seulement menée sous la
direction du juge avec le concours des parties. On a pu parler à ce propos d'un principe de
coopération des parties et du juge 94. En pratique, l'instruction n'est pas menée par les parties elles-
mêmes. En effet, le plus souvent, les parties ne participent pas en personne au procès, elles y sont
représentées par un avocat (plus rarement par une autre personne qu'un avocat) : devant le tribunal de
grande instance, la représentation est même obligatoire.
L'instruction de l'affaire porte d'abord sur les éléments de fait du procès. Pour établir la réalité
des faits qu'elles allèguent, les parties soumettent des documents au juge. En termes techniques, on dit
qu'elles produisent des pièces. À la production des pièces, peuvent s'ajouter des mesures
d'instruction, qui sont ordonnées par le juge et se déroulent sous son contrôle en présence des parties.
La plus importante d'entre elles est l'expertise réalisée par un technicien. L'instruction ne se limite
pas aux seuls éléments de fait du procès. Il existe aussi une instruction juridique du procès. Chacune
des parties avance des arguments juridiques au soutien de ses prétentions, auxquels l'adversaire va
essayer de répondre. Sauf dans les procès très simples, les parties rédigent des écrits dans lesquels
elles exposent leurs raisonnements de fait et de droit. En termes techniques, les écrits (ou
« écritures ») sont appelés des conclusions et les raisonnements des moyens.
L'échange des conclusions, la production des pièces et l'exécution de mesures d'instruction sont
les actes essentiels de l'instruction du procès civil. La description rapide qui vient d'en être donnée
suffit à montrer que l'instruction constitue la partie centrale et déterminante du procès. C'est là que
sont élaborés et même parfois fixés les éléments de fait et de droit du litige, sur lesquels le juge doit
statuer.
Une fois l'instruction achevée, la procédure entre dans une phase orale, au cours de laquelle les
avocats des parties exposent la cause de leurs clients respectifs : ce sont les plaidoiries. Marquent-
elles la fin de l'instruction ou le début de la phase du jugement ? Selon le type de procédure, la
réponse peut ne pas être la même. Devant le tribunal de grande instance, les parties sont liées par
leurs écrits, de sorte que les plaidoiries ne servent qu'à expliciter devant le juge les éléments
essentiels du procès, tels qu'ils ont été fixés par les conclusions écrites. En revanche, devant les
autres juridictions, tribunal d'instance, tribunal de commerce et conseil de prud'hommes, les parties
peuvent encore, dans leurs plaidoiries, soumettre de nouvelles prétentions ou de nouveaux moyens au
juge 95.
36 Plan. – Pour ordonner ces matières, on peut suivre un plan qui, à défaut d'être purement
chronologique, repose du moins sur l'ordre dans lequel le sujet de droit les aborde normalement.
Dans un premier temps, il va se demander s'il peut ou s'il doit agir. S'il décide d'agir, que demandera-
t-il et comment le demandera-t-il ? Toutes ces interrogations tournent autour de l'action. C'est elle
qu'il faut étudier d'abord (titre 1). De l'action naît l'instance. Qui la conduit ? Comment s'organise-t-
elle et comment se dénoue-t-elle ? Toute cette matière est-elle abandonnée au hasard d'une
réglementation de détail ou bien s'ordonne-t-elle autour de quelques principes ? Et, plus
fondamentalement, tous les procès sont-ils identiques ? Après l'étude de l'action vient donc celle de
l'instance (titre 2).
TITRE 1
LES NOTIONS ESSENTIELLES CONCERNANT L'ACTION

37 Division. – L'action est l'un des tout premiers mots qu'utilise le droit. Chacun connaît les
actions possessoires et l'action oblique, l'action directe et l'action paulienne. Comme souvent, l'usage
s'accorde mal avec la rigueur intellectuelle, si bien que le même mot sert à désigner des réalités très
différentes. C'est donc à une étude de l'action en elle-même, dans sa théorie, qu'il faut se livrer dans
un premier temps (sous-titre 1). Sur un plan plus concret, pourra ensuite être abordée sa mise en
œuvre (sous-titre 2).
SOUS-TITRE 1
LA THÉORIE GÉNÉRALE DE L'ACTION

38 Subdivision. – Comme les autres notions usuelles du droit, l'action a fait l'objet de
nombreuses analyses. Il faut recenser les notions de l'action qui ont déjà été proposées, pour essayer
de dégager celle qui peut être retenue (chapitre I). Ce premier développement fera apparaître que
l'action est assimilable aux actes processuels que sont les demandes et les défenses 96 ; ils seront
étudiés dans un second temps (chapitre II).
CHAPITRE I
LA NOTION D'ACTION

39 Présentation. – L'action a fait l'objet de deux analyses successives, que l'on peut qualifier
de classiques (section I). Il est permis de penser que chacune d'elles propose une notion
excessivement étroite ou, au contraire, excessivement développée de l'action. Sans doute doit-on les
repousser l'une et l'autre et proposer une autre notion qui évite les reproches pouvant être adressés
aux deux premières (section II).

SECTION I
LES NOTIONS CLASSIQUES DE L'ACTION

40 Aspect du droit substantiel ou prérogative virtuelle ? – La première notion classique


considère l'action comme un aspect du droit substantiel (§ 1). Bien qu'elle ne soit plus guère soutenue
aujourd'hui, il convient cependant de l'étudier pour deux raisons. D'abord, elle permet de comprendre
pourquoi l'action désigne des institutions du droit substantiel. Par ailleurs, c'est pour une bonne part
en réaction contre cette première notion que s'est construite la seconde notion, aujourd'hui dominante,
qui voit dans l'action une prérogative virtuelle (§ 2).

§ 1. L'ACTION COMME ASPECT DU DROIT SUBSTANTIEL

41 L'exposé de la notion. – L'assimilation de l'action à un aspect du droit substantiel a trouvé


sa meilleure expression dans un texte célèbre de Demolombe. « L'action, écrit Demolombe 97, ne
forme pas un bien distinct du droit ou plutôt du bien lui-même auquel ce droit s'applique. Il est vrai
que, dans l'ancien droit romain, l'action intentée créait un droit nouveau et, par suite, une espèce de
bien. Le préteur "judicium dabat" 98. Et c'était là l'action, c'est-à-dire le "jus persequendi in judicio
quod nobis debetur" 99. Ce droit, on ne l'avait pas de plano : il fallait l'obtenir du préteur ; sous un tel
régime, il était, en effet, exact de distinguer le droit lui-même d'avec l'action intentée pour le faire
reconnaître. Mais (...) aujourd'hui chacun peut exercer ses droits en justice, chacun peut intenter des
actions sans permission préalable. Qu'est-ce donc alors seulement que l'action ? C'est la demande,
c'est le procès. Est-ce un bien, cela ? Non, vraiment ; c'est une lutte judiciaire, c'est un fait ! L'action
enfin, c'est le droit lui-même mis en mouvement ; c'est le droit à l'état d'action, au lieu d'être à l'état
de repos ; le droit à l'état de guerre, au lieu d'être à l'état de paix. »
Cette conception que l'on retrouve chez la majorité des auteurs de la fin du dix-neuvième siècle 100
s'explique par l'histoire, comme l'énonce Demolombe lui-même, et plus précisément par deux
éléments de la procédure formulaire du droit romain classique. Le premier, c'est l'origine prétorienne
du droit, que manifeste l'édit du préteur : si telle situation se rencontre, dit le préteur, alors je
donnerai telle formule pour agir. C'est donc la formule qui crée le droit grâce à l'action, si bien que le
droit ne semble pas pouvoir exister en dehors de l'action. L'origine prétorienne des droits se
manifeste encore dans le vocabulaire juridique actuel qui désigne le droit par l'action : on dit l'action
de in rem verso pour désigner le droit de in rem verso, l'action paulienne pour désigner le droit
paulien et ainsi de suite. L'origine prétorienne du droit substantiel conduit logiquement à confondre
l'action et le droit. Le second élément est constitué par la litis contestatio. Une fois déterminés les
éléments juridiques du litige, la litis contestatio marquait la fin de la première partie du procès. Elle
produisait un double effet : elle éteignait le droit substantiel litigieux et, en contrepartie, créait un
droit nouveau, de nature processuelle, le droit à la condamnation de l'adversaire si la demande venait
à être déclarée fondée en fait 101.
Dans un tel système, ainsi que le note Demolombe, l'action est nécessairement distincte du droit
substantiel. Or, le droit judiciaire privé français ne connaît pas et n'a jamais connu d'institution
comparable à la litis contestatio : le procès n'y éteint pas le droit substantiel 102. Dans ces conditions,
seule demeure l'influence exercée par le premier élément de la procédure formulaire et on comprend
qu'il ait pu conduire des juristes profondément imprégnés de droit romain à assimiler l'action au droit
substantiel. Cette assimilation est cependant critiquable.

42 La critique de la notion. – La conception selon laquelle l'action ne constitue, en droit


français, qu'un aspect du droit substantiel appelle deux critiques qui sont liées entre elles.
En premier lieu, l'assimilation de l'action et du droit substantiel conduit à un cercle vicieux.
Lorsque le demandeur saisit le juge, il demande au juge de lui dire s'il est titulaire ou non d'un droit
substantiel. Il appartiendra au juge d'examiner le bien-fondé de la prétention qui lui est soumise. Or,
dans la théorie de Demolombe, l'action n'étant qu'un aspect du droit substantiel, ne peut agir que celui
qui est titulaire du droit substantiel. Ainsi, pour pouvoir demander au juge si l'on est titulaire d'un
droit, il faut déjà avoir ce droit. C'est bien un cercle vicieux : pour poser la question (suis-je titulaire
de ce droit ?), il faut préalablement en connaître la réponse (oui, je suis titulaire de ce droit puisque
j'agis).
En second lieu, il est unanimement admis que, dans le procès, chacune des parties agit, aussi bien
le demandeur que le défendeur. Le demandeur demande au juge de déclarer qu'il est titulaire du droit
et le défendeur sollicite le débouté de son adversaire. Il est évident que le juge ne peut pas à la fois
reconnaître le droit du demandeur et donner satisfaction au défendeur 103. Par la force des choses, le
juge donnera tort à l'un des deux, donc lui déniera la titularité d'un droit substantiel. Par conséquent,
on ne saurait admettre en même temps que les deux parties agissent et que l'action n'est qu'un aspect
du droit substantiel.
En dehors même de son importance pour une meilleure compréhension des mécanismes du droit,
la distinction du droit substantiel et de l'action présente encore l'intérêt d'attirer l'attention sur le
principe que l'action est indépendante de son bien-fondé. Le droit pour une partie de soumettre au
juge une prétention n'est pas lié à une vérification préalable de la réalité de ses droits substantiels 104.
Cette vérification sera l'objet même du procès.

43 Rapports entre droit substantiel et action. – Aussi indiscutable que soit la distinction de
l'action et du droit substantiel, il serait excessif d'en déduire qu'il n'existe aucun rapport entre eux.
D'abord, le sujet de droit qui entend agir en justice doit alléguer qu'il est titulaire d'un droit
substantiel. À défaut, il ne peut agir. Cela ne signifie pas qu'il doive en être réellement titulaire. Il
vient d'être indiqué que cette question sera l'objet du procès qui commence. Mais, au moins, faut-il
qu'il se prétende titulaire d'un droit substantiel. L'obligation qui pèse ainsi sur le plaideur relève du
simple bon sens. Comment peut-on envisager qu'une partie saisisse un tribunal et demande qu'on lui
accorde quelque chose sans faire valoir de droit ? Le plaideur dirait en quelque sorte au juge : « je
vous demande de m'accorder telle somme d'argent simplement parce que je veux cette somme. » Il
faut que le plaideur se prétende créancier en raison d'une règle de droit qui lui confère une telle
qualité.
Il a cependant été soutenu que certaines actions existeraient sans droit substantiel, c'est-à-dire
sans qu'il soit même nécessaire d'alléguer un droit substantiel 105. On cite à titre d'exemples l'action
en concurrence déloyale et les actions possessoires. Cette proposition ne saurait être admise. Il existe
des règles substantielles qui organisent la concurrence entre les commerçants. Le droit permet aux
commerçants de se concurrencer mutuellement, à condition de ne pas avoir recours à certains
procédés qu'il prohibe. L'action en concurrence déloyale ne fait que sanctionner la violation de ces
règles. De même encore, les actions possessoires assurent le respect des prérogatives que la loi
reconnaît au possesseur. En dehors des actions possessoires et, si l'on peut dire, avant elles, il existe
un droit possessoire, c'est-à-dire lié à la qualité de possesseur.
Deux raisons expliquent probablement l'erreur qui est commise. La première est l'origine
prétorienne du droit. C'est la jurisprudence qui a créé et modelé les règles spécifiques de la
concurrence déloyale à partir des espèces qui lui ont été soumises. C'est pourquoi l'action en justice
apparaît au premier plan. De nouveau, le droit et l'action se trouvent en apparence confondus, avec
cette différence qu'ici c'est l'action qui absorbe le droit. La seconde raison tient à l'importance que
revêt le contentieux en matière de concurrence déloyale et de droit possessoire. Le contenu de ces
matières consiste en obligations de ne pas faire. Leur observation ne donne lieu à aucune prestation
apparente. Seule leur inobservation fait remarquer leur existence et il en surgit presque toujours un
contentieux. Il reste néanmoins possible, et nécessaire, de distinguer le droit substantiel de l'action.

44 Classification traditionnelle des actions. – Il existe une double classification traditionnelle


des actions qui est fondée sur les droits substantiels invoqués. On distingue, en premier lieu, les
actions réelles, personnelles et mixtes en fonction de la nature réelle ou personnelle du droit qui est
invoqué par le demandeur. L'action est réelle si elle est fondée sur l'invocation d'un droit réel, et
personnelle si elle est fondée sur l'invocation d'un droit personnel : c'est la nature du droit invoqué
qui commande sa qualification. Si l'on invoque à la fois un droit réel et un droit personnel résultant
d'une même opération juridique, l'action sera qualifiée de mixte. Entrent dans cette catégorie les
actions ayant pour objet l'exécution d'un acte créateur ou translatif d'un droit réel, comme une
demande en délivrance, ou inversement les actions tendant à la nullité, la rescision ou la résolution
d'un acte constitutif ou translatif d'un droit réel 106. Inversement, l'action n'est pas mixte lorsque, dans
le cadre d'une vente d'immeuble, le demandeur ne sollicite qu'une somme d'argent, qu'il s'agisse du
prix de vente ou de la restitution d'une indemnité d'immobilisation 107. La classification traditionnelle
des actions prend aussi en compte l'objet du droit. Est immobilière la demande qui met en jeu un droit
immobilier, et mobilière celle qui met en jeu un droit mobilier. Bien entendu, il faut se garder de
confondre les droits immobiliers avec les droits qui intéressent les immeubles. Seuls sont qualifiés
de droits immobiliers les droits réels qui portent sur un immeuble. Par exemple, le contrat par lequel
le maître de l'ouvrage contracte avec l'entrepreneur pour la construction d'un bâtiment intéresse un
immeuble, mais il ne fait naître au profit et à la charge de chacune des parties que des obligations,
c'est-à-dire des droits personnels.
La combinaison des deux classifications conduit logiquement à quatre sortes d'actions 108, mais, en
pratique, il n'en existe guère que deux : les actions réelles immobilières et les actions personnelles
mobilières. Les actions personnelles immobilières supposent un concours de circonstances
extraordinaire. Il faut, en effet, que soit invoquée une obligation de transférer un droit réel
immobilier, ce qui est rare puisque les contrats translatifs ou constitutifs d'un droit réel ont
généralement pour effet d'emporter par eux-mêmes transfert de ce droit 109. Les actions réelles
mobilières se rencontrent parfois : il arrive qu'une personne fasse valoir en justice un droit réel
portant sur un meuble. Cependant de telles demandes demeurent rares en raison d'abord du jeu de
l'article 2276 du Code civil et ensuite de l'absence de servitudes portant sur des meubles.
Cette double classification a été longtemps considérée comme la division majeure des actions. On
ne lui reconnaît plus aujourd'hui qu'une valeur secondaire, qui touche principalement à la compétence
des tribunaux 110. Cependant, l'intérêt de la classification des actions a été renouvelé par la loi du
17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile. En effet, alors que classiquement
les actions tant réelles que personnelles se prescrivaient en principe par trente ans, il résulte
désormais des articles 2224 et 2227 du Code civil que si les actions réelles immobilières restent
soumises à une prescription trentenaire, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par
cinq ans.
Les liens qui peuvent exister entre le droit substantiel et l'action ne remettent pas en cause le
principe de leur distinction. Cette distinction, aujourd'hui unanimement admise, constitue même l'un
des éléments fondamentaux de la seconde conception classique de l'action.

§ 2. L'ACTION COMME POUVOIR VIRTUEL

45 Les auteurs. – La théorie défendue par Demolombe péchait en ce qu'elle réduisait l'action
au point d'en nier même l'existence. En réaction contre cet excès, les processualistes modernes,
notamment le doyen Vizioz 111 et H. Motulsky 112, sont tombés dans un excès inverse consistant à
donner à l'action une place et surtout une autonomie injustifiées à l'égard des autres éléments du
procès. Pour ce dernier auteur, l'action se distingue à la fois du droit substantiel et des demandes et
défenses 113. L'exposé de sa notion de l'action précédera sa critique.

46 L'exposé de la notion. – La notion de l'action défendue par H. Motulsky est énoncée par
l'auteur en des termes substantiellement identiques 114 à ceux qu'utilise l'article 30 du Code de
procédure civile. Si l'on s'en tient par commodité aux termes de ce texte, « l'action est le droit, pour
l'auteur d'une prétention, d'être entendu sur le fond de celle-ci afin que le juge la dise bien ou mal
fondée. Pour l'adversaire, l'action est le droit de discuter le bien-fondé de cette prétention ». Cette
définition rappelle d'abord la distinction déjà opérée entre l'action et le droit substantiel : le droit
d'agir est indépendant du bien-fondé de la prétention. L'action est en outre présentée comme distincte
de la demande. C'est un droit, en soi, indépendant de tout exercice. Pour l'éminent auteur, en effet,
l'action constitue une pure faculté, ce que G. Cornu et J. Foyer traduisent en écrivant que « le droit
d'agir en justice existe indépendamment de la demande » ou encore « préexiste » à la demande 115.
La distinction de l'action et de la demande se manifeste principalement lorsqu'une demande est
déclarée irrecevable. L'existence d'une demande sans action fait saisir « sur le vif la distinction de la
demande, valable en tant qu'acte juridique, et du droit d'agir dont l'inexistence rend irrecevable la
prétention exprimée dans la demande. L'acte est valable, le droit manque 116 ». Par ailleurs,
l'antériorité de l'action se révèle « chaque fois que le droit d'agir constitue la matière d'une
convention antérieure en date à la demande 117 ». Un mandat, par exemple, doit avoir un objet et cet
objet ne peut pas être la demande puisque celle-ci n'existe pas encore et que peut-être elle n'existera
jamais. Le mandat d'agir ne peut donc porter que sur un pouvoir distinct de la demande elle-même ;
ce pouvoir, c'est précisément le droit d'agir.
L'action, comme pouvoir virtuel, s'oppose donc à la demande qui en est la concrétisation ou
encore l'exercice : selon Motulsky, la demande est l'acte juridique par lequel s'exerce le droit d'agir.
Il y a entre l'action et la demande la même différence qu'entre le pouvoir et l'exercice de ce pouvoir.
Telle est la notion d'action qui est aujourd'hui majoritairement reçue. Il est néanmoins permis de
penser que cette notion n'est pas à l'abri de la critique.

47 La critique de la notion. – La discussion de la notion d'action qui vient d'être exposée peut
être d'abord menée à partir de la définition même qu'en donnent les auteurs et le Code de procédure
civile. On peut remarquer, à la suite de M. Wiederkehr 118, que le texte de l'article 30 du code
comporte deux anomalies. La première tient à ce que la définition de l'action vue du côté du
demandeur n'est pas pleinement cohérente. L'action est d'abord définie comme étant le droit d'être
entendu sur le fond, ce qui correspond à l'idée que l'action est un pouvoir abstrait ou virtuel,
préexistant à la demande et distinct de celle-ci, mais en même temps l'article 30 se réfère à l'auteur
d'une prétention et cette référence signifie « qu'il n'y a d'action qu'autant qu'une prétention a été
émise 119 ». La formation d'une demande devient alors un élément de l'action. Il est contradictoire
d'énoncer en même temps que l'action préexiste à la demande et qu'elle suppose la présentation d'une
demande.
La seconde anomalie tient à l'existence de deux définitions 120. « S'il y a une notion d'action,
pourquoi faut-il deux définitions ? » Certes, on peut concevoir qu'il ne s'agisse que d'une anomalie
apparente, que justifierait un souci pédagogique. Si c'est le cas, les deux définitions doivent
s'harmoniser entre elles, autour d'une notion unique. Or à l'examen, il apparaît que la définition de
l'action vue du côté du défendeur est incompatible avec l'idée, véhiculée par la première définition,
selon laquelle l'action constitue un pouvoir virtuel préexistant à son exercice. D'abord, il est bien
évident que le droit d'agir du défendeur « suppose que quelqu'un ait engagé un procès contre lui 121 ».
Ensuite et surtout le droit d'agir consiste à pouvoir discuter le bien-fondé de la demande. C'est dire
que l'action du défendeur ne saurait être tenue pour un pouvoir virtuel. On peut, si l'on veut, imaginer
un droit virtuel, attaché au droit substantiel, de former une demande. Mais que peut signifier un droit
virtuel de se défendre, qui existerait dans l'abstrait ? En quoi ce droit d'agir du défendeur se
distingue-t-il de la défense ? La définition du droit d'agir du défendeur ne s'accorde qu'avec l'idée
que l'action suppose qu'une demande ait été formée et qu'elle en est inséparable. Par ailleurs, dans un
souci d'harmonie, les auteurs sont obligés de s'inspirer, pour la définition de la défense, de celle
retenue à titre « officiel » pour la demande et de se référer au droit d'être entendu sur le fond, ce qui
revient à réduire la notion de défense aux seules défenses au fond. Or, à côté des défenses au fond,
existent aussi les exceptions de procédure et les fins de non-recevoir. La définition est donc
également incomplète.
À l'examen des textes, donc, on constate d'abord que l'action vue du côté du demandeur comporte
deux définitions : une définition voulue et seule consciente (l'action préexiste à la demande), et une
autre définition latente mais nécessaire (l'action est dans la demande), et que ces deux définitions sont
incompatibles entre elles. On remarque ensuite que seule la seconde définition s'accorde avec celle
de l'action du défendeur et que, lorsque les rédacteurs du Code de procédure civile tentent de
rapprocher l'action du défendeur de l'action du demandeur, dans sa définition théorique, ils
aboutissent seulement à rendre incomplète la définition du droit d'agir du défendeur. Les
contradictions que l'on voit ainsi se manifester sont liées à la conception de l'action comme pouvoir
virtuel, distinct des demandes et des défenses. Ne doit-on pas en déduire que l'action doit être
totalement assimilée à ces actes processuels ?

SECTION II
LA NOTION PROPOSÉE DE L'ACTION

48 Idée générale. – La notion proposée d'action peut être énoncée ainsi. L'action n'est pas un
droit virtuel, distinct des demandes et des défenses. Lorsqu'on parle d'action, il ne s'agit que d'une
façon commode de désigner ces deux sortes d'actes processuels, et le contenu que l'on attribue à
l'action ne constitue rien d'autre que des conditions de recevabilité de ces actes, c'est-à-dire des
éléments du présupposé de la règle déterminant les conditions d'efficacité des demandes et des
défenses.
Il convient dans un premier temps d'établir le bien-fondé de cette proposition (§ 1) avant d'en
envisager les conséquences (§ 2).

§ 1. L'ÉTABLISSEMENT DE LA NOTION

49 L'approche structurale de la notion. – Une approche structurale de l'action permet


d'établir que l'action ne présente aucune indépendance par rapport aux demandes et aux défenses.
L'approche structurale consiste à décrire le droit d'agir en termes de règles, c'est-à-dire en ayant
recours à la forme « si..., alors... » 122. L'action étant définie comme le droit d'être entendu sur le fond,
par le juge, il est clair que cette prérogative constitue l'effet juridique de la règle qui peut être ainsi
énoncé : « alors, cette personne est entendue sur le fond de sa prétention par le juge, afin qu'il la dise
bien ou mal fondée ». Que trouve-t-on dans le présupposé de cette règle ? Ainsi que l'a montré
M. Wiederkehr, on ne peut concevoir qu'une personne puisse être entendue sur le fond sans qu'elle ait
formé une prétention, ce qui signifie que l'émission d'une prétention figure dans le présupposé de la
règle. Mais cela ne suffit pas à régler la difficulté. En effet, dans la doctrine de H. Motulsky, si
l'auteur d'une prétention peut être entendu sur le fond, c'est parce qu'il est titulaire du droit d'agir. Ne
doit-on pas en déduire que le droit d'agir constitue une condition qui serait antérieure à l'émission
d'une prétention ?
Une partie seulement de la déduction est exacte. Il est certain que l'auteur d'une prétention doit
remplir certaines conditions pour être entendu sur le fond. Il n'en résulte pas pour autant que ces
conditions constituent un droit antérieur et indépendant de la demande. En effet, si l'on peut
concevoir, en suivant la doctrine de H. Motulsky, que ces conditions se rattachent à une règle
différente et antérieure, qui jouerait avant celle dont l'effet juridique vient d'être énoncé, il est tout
aussi envisageable que ces conditions ne soient que des éléments du présupposé de cette règle. Pour
trancher entre ces deux hypothèses, il faut de nouveau avoir recours à la méthode structurale. Si
l'action est un droit antérieur et préexistant à la demande, on doit trouver deux règles distinctes,
dotées chacune d'un présupposé et d'un effet juridique. La seconde a été déjà sommairement décrite.
Dans son présupposé se trouve au minimum l'émission d'une prétention et dans son effet juridique le
droit d'être entendu sur le fond par le juge. Il reste à déterminer ce qui pourrait être placé dans la
première. Son présupposé comprendrait les conditions d'ouverture de l'action, comme l'intérêt et la
qualité 123. Reste à déterminer son effet juridique. C'est là qu'apparaît la faiblesse de la construction
de H. Motulsky. On ne peut trouver aucun effet juridique qui résulte de la réunion de ces seuls
éléments. L'intérêt et la qualité n'entraînent rien indépendamment d'une demande contenant une
prétention. S'il n'existe qu'un seul effet juridique, il n'existe qu'une seule règle. La conclusion
nécessaire de ce qui précède est donc que la qualité et l'intérêt ne constituent que des conditions de la
demande elle-même : le droit d'agir ne constitue pas un droit distinct indépendant de la demande. La
même démonstration pourrait être menée, de façon encore plus aisée, à propos des défenses.
Ainsi se vérifie-t-il que, lorsqu'on parle d'action, il ne s'agit que d'une façon commode de
désigner les demandes et les défenses et que le contenu que l'on attribue à l'action ne constitue rien
d'autre que des conditions de recevabilité de ces actes, c'est-à-dire des éléments du présupposé de la
règle déterminant leurs conditions d'efficacité 124. Pour les demandes, par exemple, la règle peut être
énoncée de cette façon : si une personne qui a intérêt et qualité pour émettre une prétention forme une
demande, alors elle a le droit d'être entendue par le juge sur le bien-fondé de la prétention contenue
dans cette demande 125.

50 La réfutation des objections. – Au soutien de la doctrine de Motulsky, ont été présentés 126
deux arguments destinés à établir la distinction de l'action et de la demande. Un nouvel examen
conduit à penser non seulement qu'ils ne permettent pas de justifier cette distinction, mais encore
qu'ils confortent la notion de l'action qui vient d'être proposée.
En premier lieu, que prouvent les « demandes sans action », que le juge déclare irrecevables et
rejette sans examen au fond ? Le rejet montre seulement que la demande ne remplit pas les conditions
exigées par la loi pour qu'elle soit examinée, mais il n'établit pas que ces conditions forment un droit
antérieur et indépendant de la demande. G. Cornu et J. Foyer ajoutent que la demande est « valable en
tant qu'acte juridique ». Cette affirmation est exacte, à condition d'y ajouter une précision. La validité
ne concerne que la manifestation de volonté « générale », si l'on peut dire, c'est-à-dire indépendante
de son objet propre, qui est de soumettre au juge une prétention. Par exemple, le demandeur jouit de
la capacité requise pour émettre une volonté juridiquement efficace. Mais, comme pour les autres
actes juridiques, tels que la vente ou le louage, l'efficacité de la demande est également soumise à des
conditions qui lui sont spécifiques. Ce sont ces conditions spécifiques que sanctionne l'irrecevabilité.
Dans le contrat de vente, les parties doivent avoir convenu d'un prix. Il existe cependant des ventes
sans prix ; les tribunaux les annulent. De même, ils déclarent irrecevables les demandes qui ne
remplissent pas les conditions posées par la loi. La réalité que traduisent les demandes sans action
s'accorde donc sans difficulté avec la notion d'action qui vient d'être exposée. L'irrecevabilité ne
manifeste pas l'inexistence d'un droit autonome et distinct, mais l'absence d'une condition de
recevabilité de la demande.
Le second argument est tiré de l'existence de conventions portant sur le droit d'agir, conclues
antérieurement à la demande. Un mandat, est-il soutenu, ne saurait porter sur la demande elle-même,
puisqu'elle n'existe pas et n'existera peut-être jamais. Il ne saurait avoir d'autre objet que l'action qui,
elle, existe déjà, comme droit éventuel appartenant au mandant. L'argument n'emporte pas la
conviction. D'abord, un mandat ne peut porter que sur un acte juridique, comme la demande, il ne
saurait porter sur un pouvoir virtuel, comme le serait le droit d'agir. En deuxième lieu, non seulement
il n'est pas anormal, mais il est même nécessaire que l'acte qui fait l'objet du mandat n'existe pas
encore. Il en va ainsi par définition : un mandat de vente porte toujours sur une vente future. Et il est
tout à fait possible que la vente n'ait jamais lieu. Le mandant peut laisser à son mandataire le choix de
conclure ou de ne pas conclure, selon qu'il parvient ou non à trouver un cocontractant à des
conditions satisfaisantes. La situation est donc identique à celle qui se rencontre en matière de vente
et les auteurs ne proposent pas de distinguer l'acte de vente d'un droit éventuel et abstrait de vendre.
Loin de fonder la distinction des deux notions, l'argument tiré du mandat contribue tout au
contraire à prouver qu'il n'existe pas d'action indépendante de la demande. Le mandat ne porte pas
sur un droit d'agir abstrait, il porte sur l'acte juridique qu'est la demande. C'est là une conséquence de
la notion qui est ici proposée : ce qui était attribué à l'action se trouve restitué à la demande.
L'assimilation de l'action aux demandes et aux défenses ne demeure donc pas sans conséquences. Il
convient maintenant d'aborder ce point de façon plus approfondie.

51 Les textes et la théorie de l'action. – La présentation que nous faisons de l'action se heurte
parfois à la lettre des textes pris par le législateur. Notre conception est ainsi en décalage avec les
termes mêmes de l'article 30 du Code de procédure civile, qui sont inspirés de la vision motulskienne
d'une action pouvoir virtuel. Pareillement, l'article L. 643-11 du Code de commerce semble
incompatible avec notre approche, lorsqu'il énonce que, sauf cas particuliers, « le jugement de
clôture de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif ne fait pas recouvrer aux créanciers
l'exercice individuel de leurs actions contre le débiteur ». En quelque sorte, et a contrario, la
créance subsisterait, mais sans action, ce qui n'aurait de sens que dans un système où l'action serait un
véritable droit subjectif indépendant du droit substantiel (ici, la créance). Cependant, il n'est pas
certain que le législateur ait eu conscience de la portée d'une telle formule. Il est possible qu'il ait
visé l'exercice individuel des actions du créancier en ayant à l'esprit la créance elle-même, auquel
cas ce texte signifierait qu'en cas de clôture pour insuffisance d'actif, les créances non apurées
seraient, en principe, éteintes 127. C'est d'ailleurs la solution retenue dans un domaine proche, celui du
surendettement, par l'article L. 332-9 du Code de la consommation.
À première vue, les articles 2224 et 2227 du Code civil, tels qu'issus de la loi n 2008-561 du
o

17 juin 2008, paraissent plus problématiques. Le premier énonce que « les actions personnelles ou
mobilières se prescrivent par cinq ans », tandis que le second déclare que « le droit de propriété est
imprescriptible » et que « sous cette réserve, les actions réelles immobilières se prescrivent par
trente ans ». Là encore, une distinction semble être opérée entre les droits substantiels, spécialement
le droit de propriété, et les actions en justice destinées à leur protection. Cependant, le fait que
l'article 2224 se réfère à des « actions » n'est guère significatif, tant il est courant que le législateur
utilise le concept d'action pour déterminer le régime applicable à un droit substantiel 128. Et, surtout,
en réservant le cas du droit de propriété, qualifié d'imprescriptible, l'article 2227 du Code civil le
fait échapper à la prescription trentenaire des « actions réelles immobilières », révélant ainsi que
dans l'esprit du législateur cette expression désigne à la fois ces actions et les droits réels
immobiliers eux-mêmes. En définitive, rien dans les textes actuels ne permet de confirmer avec
certitude que l'action en justice serait un pouvoir virtuel, ni de prendre en défaut la notion d'action
que nous défendons. En revanche, il est certain que l'idée d'une action qui consisterait en un véritable
droit subjectif indépendant du droit substantiel est adoptée par un certain nombre de hauts
magistrats 129.
§ 2. LES CONSÉQUENCES DE LA NOTION

52 Généralités. – Le rejet de la théorie qui fait de l'action un droit autonome par rapport aux
demandes et aux défenses conduit à l'idée que des restitutions doivent être opérées. L'action en tant
que droit s'est vu conférer des attributs ; on lui a rattaché le fonctionnement de certaines règles. Ainsi
parle-t-on des caractères facultatif et libre de l'action. Mais, si l'action n'existe pas en soi, toutes ces
règles ne peuvent lui demeurer attachées. Il faut les restituer à leur « propriétaire », si l'on peut dire.
Il est normal que l'on songe en premier lieu aux demandes et aux défenses. L'exemple du mandat est
démonstratif sur ce point. Ce n'est pas le seul, comme on le verra. Mais, l'action constituant comme
un point de rencontre entre le droit substantiel et la procédure, il faut aussi envisager la possibilité
qu'aient été attribués à l'action des attributs en provenance du droit substantiel.
Un examen exhaustif des restitutions qu'il y a lieu d'opérer serait prématuré à cet endroit. Il sera
plus simple et plus utile de le faire au fur et à mesure que seront abordées les institutions que l'on
rattache à l'action, comme l'intransmissibilité de certaines actions ou le désistement d'action. Le
présent développement se limitera à un exemple, que l'on espère éclairant, de restitution aux
demandes et aux défenses (A) et de restitution au droit substantiel (B).

A. LA RESTITUTION AUX DEMANDES ET AUX DÉFENSES

53 Le caractère facultatif de l'action. – La restitution aux demandes et aux défenses


d'attributs rattachés à l'action peut être illustrée par l'exemple des deux caractères qui lui sont
communément reconnus : le caractère facultatif et le caractère libre. Le caractère facultatif de l'action
signifie que le titulaire du droit d'agir peut décider d'exercer ou de ne pas exercer le droit qui lui
appartient. Cette courte définition suffit à montrer que le caractère facultatif ne saurait être réellement
rattaché à l'action considérée comme un droit virtuel. Que peut signifier l'expression qu'un droit
virtuel est facultatif ? À proprement parler, seule une demande (ou éventuellement une défense) peut
être facultative. On peut choisir de former ou de ne pas former un acte processuel. Appliqué à un
pouvoir virtuel, ce caractère perd tout sens.
Les raisons qui déterminent le choix sont multiples. Il peut s'agir de considérations morales, d'un
souci d'accommodement, ou même de négligence. Peu importent les raisons qui guident le choix du
sujet de droit. Le droit d'agir se trouve à sa disposition. Le grand juriste allemand Ihering a cependant
soutenu la position contraire dans un ouvrage intitulé La lutte pour le droit. Pour lui, chacun a le
devoir de réclamer son droit en justice. L'attitude contraire conduit en effet à laisser « pénétrer (...)
un élément d'illégalité et c'est ce à quoi nul ne doit prêter la main 130 ». Le risque serait important que
la règle finisse par devenir un « rouage inerte 131 » ou, comme on dirait aujourd'hui, qu'elle devienne
ineffective. L'argument ne manque pas de force. On constate en effet qu'une longue impunité supprime
le sentiment d'illicéité que devraient susciter certains comportements. L'agissement illégal finit
parfois même par être ressenti comme un droit acquis et par prendre la place du véritable droit qui,
lui, a perdu son effectivité. Pour autant, l'argument de Ihering n'emporte pas la conviction. Cet auteur
commet une erreur de perspective. Le risque couru intéresse la société, mais l'action est accordée aux
particuliers principalement pour satisfaire leurs propres intérêts, non ceux de la société. Si l'action
était obligatoire, les droits des particuliers se trouveraient dénaturés. Il est donc très préférable que
chacun puisse décider de l'opportunité de former ou non une demande 132.

54 Les limites au caractère facultatif de l'action. – Le principe selon lequel l'action est
facultative connaît cependant quelques limites. Une restriction directe apparaît dans le cas où le droit
d'agir est exercé par un autre que son titulaire, notamment lorsqu'en raison de son incapacité, le
titulaire est soumis à un régime de représentation. L'abstention du représentant peut être tenue pour
fautive et entraîner sa responsabilité. La responsabilité ainsi encourue est le signe que le représentant
avait l'obligation d'agir.
Le caractère facultatif de l'action connaît encore une sorte de restriction indirecte. Lorsque des
personnes se trouvent dans une situation de faiblesse ou de dépendance qui leur rend difficile
l'exercice d'une action (principalement en demande), il arrive que la loi confère, de façon ponctuelle,
le pouvoir d'agir pour leur compte, à des organismes plus puissants. L'exemple le plus net, qui sera
vu un peu plus en détail par la suite 133, est celui des syndicats à qui, dans certaines conditions, est
reconnu le droit de former des demandes pour le compte de leurs adhérents, voire pour le compte de
non adhérents. Le législateur a pensé que, si le groupement ne pouvait pas exercer les droits de ses
membres, ces droits seraient trop souvent perdus.

55 Le caractère libre de l'action. – Le caractère libre de l'action (l'expression n'est pas très
heureuse, mais l'usage l'a consacrée) signifie que la loi accorde une immunité à celui qui succombe
dans son action, que ce soit en demandant ou en défendant. Le plaideur n'engage pas sa responsabilité
du seul fait qu'il a perdu son procès. Il n'est guère difficile de justifier cette immunité. La solution
inverse découragerait les particuliers de faire valoir leurs droits en justice ; en particulier, ceux dont
les ressources sont modestes auraient trop à craindre une condamnation à des dommages-intérêts en
cas d'échec.
On aurait tort de croire qu'une telle sanction ne dissuaderait que les « mauvais » plaideurs, mais
non les « bons ». Ce serait oublier l'incertitude qui affecte l'issue de nombreux procès. L'aléa peut
tenir à des questions de preuve : quelle valeur le juge reconnaîtra-t-il aux indices et aux témoignages
produits par le demandeur ou par les deux parties ? Le droit peut lui aussi donner lieu à bien des
incertitudes. C'est le cas d'abord de toutes les notions qui, bien qu'étant de droit, ne sont pas
contrôlées par la Cour de cassation 134. Chaque cour d'appel détermine librement ce qu'il faut
entendre par violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage, rendant intolérable
le maintien de la vie commune. En matière de divorce, encore, l'avocat ne peut que très rarement
indiquer à son client quel sera celui des parents auquel sera confiée par le juge la « garde » de
l'enfant. Et en droit du travail, lorsque le jugement est rendu en premier et dernier ressort, une notion
non contrôlée par la Cour de cassation peut faire l'objet de près de trois cents interprétations
souveraines. Bien sûr, quand la Cour de cassation remplit sa fonction régulatrice, l'incertitude
diminue considérablement. Mais elle ne disparaît pas totalement, car les textes sont très nombreux
et souvent complexes ou mal rédigés. Lorsque, de surcroît, ils sont nouveaux, il devient très difficile
pour un conseil d'indiquer avec certitude au justiciable l'interprétation que retiendra finalement la
Cour de cassation. A fortiori ne peut-on lui demander de prévoir un revirement de jurisprudence.

56 Une limite apparente au caractère libre de l'action. – Aussi justifiée soit-elle, l'immunité
ne saurait cependant être absolue. Elle connaît d'abord une exception plus apparente que réelle, en ce
qui concerne les « frais et dépens » et les frais « non compris dans les dépens ». Les frais et dépens
comprennent les frais du procès, au sens précis du terme, comme les honoraires d'un expert ou les
indemnités dues aux témoins, ainsi que les émoluments tarifés des auxiliaires de justice auxquels les
parties ont dû avoir recours. Les frais non compris dans les dépens comprennent essentiellement les
honoraires librement convenus entre l'avocat et son client. En principe, les frais et dépens sont
automatiquement à la charge de la partie qui a perdu, en application de l'article 696 du Code de
procédure civile. Et en vertu de l'article 700, le juge condamne, en principe, le perdant à verser une
somme déterminée au profit de l'autre partie au titre des frais non compris dans les dépens 135.
Cependant, il ne s'agit pas là d'une véritable exception au caractère libre de l'action, parce que les
sommes que doit verser le plaideur qui succombe n'ont pas pour objet de réparer le préjudice qu'a
causé le procès (notamment le préjudice moral, la perte de temps, etc.). Cette partie ne fait que
supporter la charge financière du procès. Comme toute chose, un procès coûte de l'argent et il est
normal que ce coût soit supporté par le plaideur qui a perdu.

57 Une limite réelle au caractère libre de l'action : l'abus du droit d'agir. – La véritable
exception à l'immunité se rencontre lorsque le plaideur qui succombe a commis un abus du droit
d'agir. La figure la plus voyante de l'abus du droit d'agir est constituée par la malignité. Un plaideur
intente un procès avec la seule volonté de nuire, c'est-à-dire en sachant qu'il n'est réellement titulaire
d'aucun droit qu'il puisse faire valoir 136. C'est en quelque sorte la transposition au droit judiciaire
privé de l'abus du droit de propriété de la fameuse affaire Clément-Bayard 137.
Aussi démonstratifs qu'ils puissent être, les exemples d'abus de droit résultant de fautes
volontaires sont peu nombreux. La majorité des condamnations prononcées sur le fondement de l'abus
du droit d'agir sanctionnent des fautes involontaires. Les arrêts parlent le plus souvent de faute
grossière, parfois de légèreté blâmable. Il est permis de penser que les deux expressions traduisent la
même réalité. Dans tous les cas, il faut que la demande ou la défense présentent un minimum de
solidité. En d'autres termes, celui qui entend agir en justice doit préalablement se renseigner sur ses
chances de succès et il faut que les renseignements qu'il peut obtenir ne montrent pas qu'il va à un
échec certain 138.
Malgré tout, la Cour de cassation veille à ce que l'immunité demeure le principe. Elle exige des
juges du fond qu'ils relèvent et caractérisent la faute constitutive de l'abus de droit et elle se montre
assez exigeante. Ainsi, elle n'accepte pas que l'on sanctionne une partie au seul motif que sa demande
était mal fondée dans ses références juridiques et ne reposait sur aucune argumentation juridique 139.
À plus forte raison, les juges du fond ne sauraient se contenter de relever l'existence d'un préjudice
subi par l'une des parties en raison du procès 140. La Cour contrôle aussi la qualification donnée aux
agissements de la partie condamnée. C'est ainsi qu'elle décide qu'un succès même partiel et
temporaire, est exclusif de l'abus du droit d'agir, sauf circonstances particulières. Par exemple, une
cour d'appel ne peut condamner pour abus du droit d'agir le plaideur qui a obtenu gain de cause en
première instance, que si elle caractérise des circonstances particulières desquelles il ressort qu'il y
a bien eu abus de droit 141. À titre d'illustration, l'abus de droit peut être retenu, s'il résulte des
déclarations faites par le plaideur lors de sa comparution devant la cour d'appel qu'il était de
mauvaise foi 142 ou s’il a multiplié les moyens dilatoires ou artificiels et les procédures incidentes 143.
Mais à défaut de circonstances particulières, le principe reste qu'on ne pourrait qualifier d'abusif
l'exercice de l'action, lorsque les prétentions présentaient une apparence de solidité telle qu'elles ont
su convaincre le juge du premier degré 144.
Lorsque le juge constate l'existence d'un abus du droit d'agir, l'article 32-1 du Code de procédure
civile 145dispose que le plaideur qui l'a commis peut être condamné à une amende civile d'un
maximum de 3 000 euros et à des dommages-intérêts au profit de son adversaire. La somme accordée
par le juge est destinée à réparer le préjudice qu'a causé le procès lui-même, en sus de son coût
objectif. Peuvent ainsi être pris en compte les soucis causés, le temps perdu, l'atteinte à la
considération, ou le traitement contre l'insomnie.
58 Conclusion. – L'objet de ce développement était de montrer que les attributs reconnus à
l'action en tant que pouvoir virtuel devaient faire l'objet d'une restitution. Tel est bien le cas pour le
caractère libre de l'action. Comment pourrait-on abuser d'une simple potentialité ? De toute évidence,
l'abus porte sur une demande ou une défense. Ainsi apparaît-il de nouveau que le droit d'agir ne
constitue qu'une expression générique commode pour désigner les deux sortes d'actes processuels.
Après cette première restitution au profit des demandes et des défenses, il faut prendre un
exemple de restitution au profit du droit substantiel.

B. LA RESTITUTION AU DROIT SUBSTANTIEL

59 La problématique de l'obligation naturelle. – L'obligation naturelle a déjà fait l'objet et


fera sans doute longtemps encore l'objet de discussions très complexes 146. Il ne saurait être question
dans un manuel de droit judiciaire privé de reprendre à fond l'examen de la question. Il suffira
d'attirer l'attention sur l'inexactitude flagrante de la définition qui en était traditionnellement donnée :
on a longtemps prétendu que le droit substantiel demeurait, plus ou moins altéré sans doute, mais
encore « reconnaissable » ; malheureusement, il était privé d'action. L'obligation naturelle serait donc
un droit dépourvu d'action : son titulaire serait privé du droit virtuel de s'adresser au juge.
Si les mots ont un sens, la doctrine traditionnelle signifie à la fois que les traits essentiels du droit
substantiel subsistent et que la spécificité de l'obligation naturelle est la perte du droit d'agir. Or l'un
et l'autre points sont également faux. Si le titulaire d'une obligation naturelle demeurait véritablement
créancier, la compensation légale jouerait, de plein droit, comme le prévoit l'article 1290 du Code
civil, entre cette créance et une dette réciproque venant à peser sur lui. De même, si la créance
atteinte par la prescription avait été constatée par un acte authentique, ce créancier pourrait utiliser
les voies d'exécution extrajudiciaires, comme la saisie-vente. Cela n'a jamais été soutenu.
Inversement, il n'existe aucune raison vraiment convaincante de rattacher l'obligation naturelle à
l'action. La preuve en est que, si le défendeur soutient que son adversaire ne peut invoquer qu'une
obligation naturelle au soutien de sa demande, c'est une question de fond que le juge doit examiner
pour pouvoir statuer sur les mérites de la prétention originaire. La seule présentation exacte de
l'obligation naturelle consiste à dire que son titulaire n'a pas de droit au paiement 147. C'est là affaire
de droit civil, mais non de droit judiciaire privé.
À la réflexion, il est même étonnant que l'on ait pu rattacher l'obligation naturelle à l'action, tant
cela paraît contraire à la nature des choses, si l'on peut dire. La seule explication possible repose sur
l'hypertrophie de l'action à laquelle on a cédé. Un droit virtuel, et aux contours assez peu précis, il
faut bien le dire, peut servir à accueillir toutes sortes d'institutions. En revanche, dès que l'on réduit
l'action aux actes processuels que sont les demandes et les défenses, il devient évident que
l'obligation naturelle ne peut pas lui être rattachée.

BIBLIOGRAPHIE

G. BOLARD, « Notre belle action en justice », Mélanges G. Wiederkehr, Dalloz, 2009, p. 17.
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civile », Mélanges P. Hébraud, Toulouse, 1981, p. 949.
G. WIEDERKEHR, « Une notion controversée : l'action en justice », Études Ph. Simler, Dalloz, 2006,
p. 903.
CHAPITRE II
LES ACTES PROCESSUELS : LES DEMANDES ET LES
DÉFENSES

60 Actes de procédure et actes processuels. – Il est établi, depuis les travaux


de H. Kelsen 148, que, dans un acte juridique, on doit distinguer d'une part la manifestation de volonté
elle-même et d'autre part le contenu de l'acte. Dans un procès aussi, les parties émettent des
manifestations de volonté : le demandeur décide, par un acte unilatéral, de soumettre au juge une
prétention et, par une autre manifestation de volonté, le défendeur décide à son tour de soumettre au
juge l'examen de tel ou tel moyen de défense. Pour chacun de ces actes, peut et doit être opérée la
distinction entre la manifestation de volonté et l'objet de cette manifestation, entre l'acte créateur et ce
qui se trouve ainsi créé. Pour éviter de confondre les deux aspects de l'acte juridique, lorsqu'il se
rapporte à une procédure, nous proposons de réserver l'expression acte de procédure pour désigner
la manifestation de volonté et de parler d'acte processuel pour désigner le contenu de l'acte, c'est-à-
dire l'effet de droit recherché par les parties. Cela ne signifie pas que l'on doive oublier que l'acte
processuel est issu d'un acte de procédure, mais ce n'est pas cet aspect de l'acte juridique qui retient
alors l'attention. En ce sens, les demandes (section I) et les défenses (section II) constituent des actes
processuels, puisqu'elles sont l'objet spécifique de certains actes de procédure. Ce sont ces deux
sortes d'actes qui feront l'objet du présent chapitre.

SECTION I
LES DEMANDES

61 Plan. – Deux questions doivent être successivement abordées. D'abord, à quelles conditions
est subordonné le droit de présenter une demande (sous-section 1) ? Dans un second temps, on se
demandera quelles sont, d'après leur insertion dans l'instance, les diverses demandes que peuvent
former les parties (sous-section 2).

Sous-section 1
Les conditions de la demande

62 Intérêt, qualité et autres conditions. – Aux termes de l'article 31 du Code de procédure


civile, « l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une
prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes
qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention ou pour défendre un intérêt déterminé ». Ce
texte indique donc les conditions auxquelles la loi subordonne le droit de présenter une demande (le
texte vise aussi, à tort, la présentation d'une défense 149). À défaut, le juge n'en examinera pas le bien-
fondé. Il la rejettera, sans l'avoir examinée au fond, au seul motif que la partie n'avait pas le droit de
la présenter. Il peut arriver qu'un texte spécial pose une condition supplémentaire de recevabilité de
la demande. Ainsi, l'article 28 4 du décret du 4 janvier 1955 prévoit que sont obligatoirement
o

publiés au service chargé de la publicité foncière « les demandes en justice (...) tendant à obtenir la
résolution, la révocation, l'annulation ou la rescision » de certaines conventions ou dispositions à
cause de mort soumises à publicité obligatoire à peine d'inopposabilité aux tiers. Et en vertu de
l'article 30 5 du même décret, le défaut de publication de ces demandes entraîne leur irrecevabilité.
Pareillement, les demandes incidentes sont soumises à des conditions particulières de
recevabilité 150, en sus des conditions générales que sont la qualité et l'intérêt. Nous nous en
tiendrons, dans l'immédiat, à ces seules conditions générales.
Le texte de l'article 31 du Code de procédure civile traduit l'opinion d'une doctrine aujourd'hui
majoritaire en France 151. En énonçant que « l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt
légitime », l'article 31 pose qu'en général, une condition est à la fois nécessaire et suffisante pour
pouvoir agir : c'est l'intérêt. Mais, par exception (« sous réserve des cas... »), la loi pose parfois une
seconde condition : parmi toutes les personnes qui ont intérêt à agir, la loi opère une sélection et ne
retient que certaines d'entre elles, les « personnes qu'elle qualifie » ou, ce qui revient au même, les
personnes à qui elle confère qualité. L'intérêt et la qualité forment donc les deux conditions de
l'action, qu'exige l'article 31. Par exemple, beaucoup de personnes peuvent avoir intérêt au divorce
de deux époux : d'abord, les époux eux-mêmes, bien sûr, mais d'autres aussi, comme la belle-mère
qui souhaite débarrasser sa fille d'un gendre indigne d'elle, ou les créanciers du mari qui redoutent
les folies d'une épouse dépensière. Parmi toutes ces personnes qui pourraient avoir intérêt au
divorce, le législateur ne retient effectivement que les époux : ce sont les seules personnes à qui la
loi confère qualité pour agir 152.
Les conditions d'intérêt et de qualité peuvent faire l'objet d'une présentation différente, à la fois
plus simple et plus rigoureuse, qui insiste, d'une part, sur la délimitation des titulaires de l'action et,
d'autre part, sur l'objet de la demande. Cette présentation permet de regrouper plus scientifiquement
les conditions de l'action, chaque fois au moins qu'il s'agit de demandes formées par des personnes
physiques ou, plus généralement, par des personnes physiques ou morales susceptibles d'être les
destinataires de la règle de droit (§ 1). Le droit de présenter une demande fait apparaître de nouvelles
difficultés lorsque ce sont certains groupements qui sont impliqués. La difficulté provient de ce que
ces groupements reçoivent parfois du législateur le droit d'agir à propos de règles de droit dont ils ne
sont pas les destinataires. Il convient de réserver l'examen de cette question pour un second temps
(§ 2).

§ 1. LES DEMANDES FORMÉES PAR DES PERSONNES SUSCEPTIBLES D'ÊTRE


LES DESTINATAIRES DE LA RÈGLE DE DROIT

63 Problématique. – L'article 31 du Code de procédure civile pose qu'en principe, l'intérêt


suffit pour être titulaire de l'action. Cela signifie que l'action est ouverte à celui dont la situation est
susceptible d'être influencée par le jeu de la règle. À partir de là, deux questions doivent être
successivement posées. D'abord, quelles restrictions peut-on envisager à ce principe et en quoi
consistent-elles ? N'affectent-elles que le droit d'agir ou bien débordent-elles le droit judiciaire privé
pour atteindre le droit substantiel lui-même (A) ? C'est à cette interrogation que répond la notion
traditionnelle de qualité. Une seconde question doit ensuite être posée. Si une personne est titulaire
du droit d'agir, que peut-elle demander ? Le plus souvent, la réponse est évidente : le demandeur
sollicite du juge le jeu de l'effet juridique d'une règle de droit. Mais ce n'est pas toujours le cas : la
demande peut avoir un objet plus limité et ne porter que sur un ou plusieurs éléments du présupposé
de la règle (B). Pour reprendre les termes traditionnels, le demandeur a-t-il intérêt à former une telle
demande ?

A. LES RESTRICTIONS AU DROIT D'AGIR (LA QUALITÉ)

64 La nécessité de restrictions fondées sur la qualité. – Il paraît normal, au premier abord,


que le législateur ne restreigne pas le droit d'agir. N'est-il pas juste que soit habilitée à former une
demande toute personne dont la situation peut être affectée par l'application d'une règle de droit ?
Mais, à la réflexion, on est forcé de constater l'imprécision des termes utilisés. À partir de quand la
situation d'une personne est-elle susceptible d'être affectée par le jeu de la règle de droit ? Quelques
comparaisons viennent à l'esprit. Le caillou jeté dans l'eau fait naître une onde qui pourrait
théoriquement traverser l'océan Pacifique. En tapant le sol du pied, un enfant crée un choc qui ébranle
tout l'univers. Reconnaîtra-t-on le droit d'agir à tous ceux qui peuvent être affectés par le jeu de la
règle, même si c'est de façon infinitésimale ? On peut alors souhaiter que le législateur détermine
ceux dont il estime opportun qu'ils puissent agir.
L'exemple du divorce montre que c'est en matière extrapatrimoniale que ce besoin se fait
particulièrement sentir. On ne saurait permettre à tout un chacun de venir fouiller à sa guise dans
l'intimité des familles. Ainsi s'explique le nombre important d'actions relatives à la filiation, au
mariage, au divorce, aux droits de la personnalité, dans lesquels la loi limite à quelques personnes
précisément délimitées le droit d'agir. Cependant, les restrictions se rencontrent aussi en matière
patrimoniale. Par exemple, la Cour de cassation a décidé, en 2008, qu'un mari n'avait pas qualité
pour demander le partage de la succession de la mère de sa femme, alors même que la quote-part
d'indivision successorale de cette dernière avait le caractère d'un bien commun, les époux étant
mariés sous le régime de la communauté universelle 153. Pour la Cour, ce qui permet d'agir en partage,
ce n'est donc pas seulement la titularité des droits indivis, mais aussi la qualité d'héritier que le mari
n'avait pas, en l'espèce 154. D'autres exemples permettent de constater que ce type de restriction est
parfois détaché de toute considération d'ordre familial. Ainsi, l'action civile en contrefaçon de
marque n'est ouverte qu'au propriétaire de la marque ou, sous certaines conditions, au bénéficiaire
d'un droit exclusif d'exploitation sur celle-ci 155. Un tiers ne pourrait engager une telle action, quand
bien même les faits de contrefaçon lui auraient porté préjudice. Et contrairement à ce que l'on croit
parfois, de telles restrictions ne sont pas des raretés spécifiques à des domaines techniques et étroits.
On en rencontre fréquemment dans des domaines aussi vastes que généraux. C'est ainsi que, pour les
contrats, sous réserve de quelques institutions telles que l'action oblique, l'action paulienne ou
l'action en nullité absolue, le droit d'agir est généralement limité aux seules parties à l'acte. C'est là
un des aspects du principe de l'effet relatif des contrats. Pour désigner toutes ces situations dans
lesquelles la loi restreint ainsi le droit d'agir, on parle volontiers d'action « attitrée 156 » ou
« réservée ».
65 Le rattachement de la qualité au droit substantiel. – La question est donc de savoir sur
quoi porte la restriction. Peut-on imaginer qu'elle porte sur le seul droit d'agir ? S'il en était ainsi, il
faudrait admettre que ceux qui ne se trouvent pas inclus dans le cercle des titulaires de l'action
pourraient néanmoins être considérés comme titulaires d'un droit substantiel, tout en étant privés de
l'action. Par exemple, la belle-mère ou les créanciers de l'un des époux seraient destinataires de la
règle de droit substantiel définissant les droits et les obligations des époux, mais ils n'auraient pas le
droit de les faire valoir devant les tribunaux. On créerait une sorte « d'obligation naturelle » du
divorce. À proprement parler, il s'agit là d'un non-sens 157. La seule explication rationnelle consiste à
dire que la loi ne fait pas d'eux les destinataires de la règle substantielle qui définit ces droits et
obligations. Elle réduit toutes les personnes autres que les deux époux au rôle de simple « spectateur
passif ». Sur un plan civil, au moins, les parents de l'un des époux ne peuvent intervenir dans les
relations conjugales de leur enfant quelles que soient la gravité et l'importance des injures ou des
mauvais traitements qui puissent lui être infligés. Une preuve supplémentaire de l'appartenance de la
qualité au droit substantiel résulte de ce que le moyen par lequel le défendeur soulève le défaut de
qualité de son adversaire ne présente pas, à l'analyse, les traits d'une véritable défense
procédurale 158. On verra en effet qu'une vraie défense procédurale fait naître un débat nouveau, de
nature procédurale et logiquement préalable. Ici, ce n'est pas le cas. La discussion demeure sur le
terrain choisi par le demandeur, elle porte sur l'un de ses éléments, à savoir la possibilité pour le
demandeur de se prévaloir de la règle de droit dont il demande l'application. En d'autres termes, la
qualité du demandeur résulte de son aptitude « à être titulaire du droit substantiel litigieux, si ce droit
existe » 159. On peut donc dire que la qualité est la traduction en termes processuels d'une question de
droit substantiel 160.
Il n'en reste pas moins qu'en droit positif français, aux termes mêmes de l'article 32 du Code de
procédure civile, le défaut de qualité est sanctionné par la défense procédurale la plus forte qu'est la
fin de non-recevoir. Le législateur joue sur la qualification du défaut de qualité : il érige en fin de
non-recevoir un élément du débat au fond, auquel il donne artificiellement un caractère procédural,
comme il en a le pouvoir s'il l'estime opportun 161. L'intérêt pour le législateur de retenir une telle
qualification est, comme on le verra, d'obliger le juge à examiner en premier cet élément du débat ;
dans l'exemple du divorce, le juge rejettera, pour cette seule raison, la demande formée par la belle-
mère, sans avoir à examiner les griefs qu'elle invoque contre son gendre 162.

66 Le double sens du mot « qualité ». – Il convient, pour terminer sur cette question de la
qualité, d'indiquer que, dans la pratique, le mot qualité est employé dans deux sens différents. Dans
un premier sens, qui vient d'être étudié, la qualité peut être définie comme la traduction processuelle
de la titularité du droit substantiel. Le mot qualité est encore employé, de façon impropre, dans un
second sens, que révèle l'expression « agir ès qualités ». On dit ainsi que l'administrateur légal d'un
mineur ou le gérant d'une société agit ès qualités. Dans ce second sens, la question est celle du
pouvoir qu'une personne peut recevoir de la loi, du juge ou de la convention, pour en représenter une
autre et pour former une demande ou une défense en son nom. On voit ainsi que celui qui agit ès
qualités ne forme pas une demande en faisant valoir un droit substantiel dont il se prétendrait le
titulaire. Il exerce l'action en faisant valoir un droit substantiel dont il prétend qu'il appartient à celui
au nom de qui il agit.
C'est pourquoi, chaque fois que, dans un procès, on voit apparaître un phénomène de
représentation, la vraie qualité et la fausse qualité ne s'apprécient pas en la même personne. La vraie
qualité s'apprécie en la personne du représenté. Le représenté appartient-il au cercle de ceux dont la
loi fait les destinataires de la règle de droit invoquée au soutien de la demande, ou se trouve-t-il
rejeté dans le groupe des spectateurs passifs ? Si la qualité au sens propre s'apprécie en la personne
du représenté, c'est parce qu'il est la véritable partie au procès : c'est dans son patrimoine que se
produiront les effets profitables ou préjudiciables du jugement, c'est encore pour ou contre lui que
jouera l'autorité de chose jugée 163. La fausse qualité s'apprécie en la personne du représentant. Est-ce
à lui que la loi confie le soin d'accomplir les actes de procédure nécessaires pour faire valoir les
droits du représenté ? En un mot, il s'agit d'une simple question de pouvoir qui doit être examinée
avec les actes de procédure 164.

B. L'OBJET DE LA DEMANDE (L'INTÉRÊT)

67 La présentation classique de l'intérêt. – Tout autant et même plus que la qualité, l'intérêt
est abordé en des termes qui ne sont pas très satisfaisants. On admet assez couramment qu'en tant que
condition de l'action, l'intérêt doit présenter trois caractères : il doit être légitime, né et actuel et enfin
il doit être personnel. Cette présentation offre le grave défaut de réunir des questions qui sont
totalement distinctes. On peut dire qu'elles n'ont guère en commun que le mot d'intérêt autour duquel
on les regroupe.

68 Une erreur de perspective : l'intérêt légitime et personnel. – Il faut d'abord éliminer la


condition tirée de la légitimité de l'intérêt, bien que ce caractère soit cité par l'article 31 du Code de
procédure civile. Sous cette expression, on a regroupé quelques questions qui relèvent exclusivement
du droit substantiel. L'exemple classique en la matière est celui de la réparation du préjudice
délictuel de la concubine. On sait que, jusqu'à deux arrêts d'une chambre mixte de la Cour de
cassation de 1970, la jurisprudence décidait que la concubine était « irrecevable » en son action,
faute d'intérêt 165. Pour le processualiste, peu importe la solution finalement retenue. Ce qu'en
revanche il importe de comprendre, c'est que les termes du problème avaient été mal dégagés. Il était
d'une évidence absolue que la concubine avait intérêt à agir, l'accident l'ayant privée de celui qui
subvenait en fait à ses besoins. La vraie question était donc de savoir si cette femme avait un droit,
substantiel, à la réparation de son préjudice. La loi ne saurait réparer tous les préjudices que peut
causer le décès d'une personne. Elle limite le droit à réparation à un cercle limité de personnes, dont
elle exclut les simples voisins ou les amis. Fallait-il exclure aussi la concubine ou, à l'inverse, la
comprendre dans la liste des bénéficiaires du droit à réparation ? Sous couvert « d'intérêt légitime »,
ce n'était donc pas l'intérêt de la concubine à agir qui était en cause, mais sa « qualité » à agir, ladite
qualité relevant, on l'a vu, du droit substantiel 166 : il s'agissait simplement de déterminer si cette
personne était ou non destinataire de la règle en vertu de laquelle la victime d'un préjudice a, sous
certaines conditions, un droit à réparation. Au-delà de cet exemple, il faut retenir que la « légitimité »
de l'intérêt à agir n'est jamais que l'expression d'une qualité à agir. C'est l'existence de celle-ci qui
fait que celui-là est considéré comme légitime.
Quant au caractère personnel de l'intérêt, il touche à l'aptitude de certains groupements à agir en
justice. On aborde parfois ce point avec l'intérêt, au motif que la question est de savoir si ces
groupements (notamment les syndicats et les associations) sont habilités à défendre des intérêts
collectifs. Il s'agit d'une difficulté spécifique à ces groupements qui n'a rien de commun avec l'intérêt
au sens ordinaire du terme, ce qui justifie que son étude soit effectuée postérieurement 167. D'ailleurs,
on doit plutôt parler, là encore, de la qualité que le droit confère à ces personnes morales pour faire
valoir un intérêt collectif.
69 Une perspective correcte : l'intérêt né et actuel. – Pour que sa prétention soit recevable,
le demandeur doit pouvoir en tirer un avantage, dans le cas où elle serait déclarée bien fondée.
L'avantage ne se limite pas à l'obtention d'une somme d'argent, il peut consister en un autre avantage
matériel, ou même moral, comme la rupture du lien conjugal. L'exigence d'un intérêt relève d'abord
du bon sens. À quoi bon agir si le procès ne peut procurer aucun avantage quel qu'il soit ? C'est ce
qu'exprime le brocard « pas d'intérêt, pas d'action ». Ainsi, un héritier ab intestat non réservataire 168
n'a pas d'intérêt à agir en nullité d'un testament qui le déshérite, s'il existe par ailleurs un autre
testament qui le déshérite également et qu'il ne conteste pas. Son action doit être déclarée
irrecevable, parce que la déclaration de validité ou de nullité du premier testament est destinée à
demeurer sans effet pour lui 169.
Cela étant, pour agir en justice, il ne suffit pas d'un intérêt hypothétique ou éventuel. Il faut un
intérêt né et actuel, étant précisé que c'est au jour de l'introduction de la demande que s'apprécie cet
intérêt 170. Ces deux caractères s'apprécient par rapport à leur antonyme que constituent les actions
préventives. Traditionnellement, les actions préventives étaient classées en trois catégories : d'abord,
l'action provocatoire (encore appelée action de jactance), par laquelle il était possible de forcer une
personne qui se prétendait titulaire d'un droit à le faire valoir immédiatement sous peine de le
perdre ; ensuite, l'action interrogatoire, par laquelle il était possible de forcer une personne disposant
d'un délai à exercer immédiatement son option ; enfin, l'action déclaratoire, par laquelle il était
possible de faire constater l'existence ou l'inexistence d'un droit en dehors d'une contestation actuelle.
La classification manquait de rigueur. À proprement parler, en effet, l'action provocatoire et l'action
interrogatoire ne se distinguaient guère l'une de l'autre. Toutes deux se caractérisaient par la
possibilité pour une personne de contraindre une autre personne à faire valoir immédiatement son
droit. Surtout, ces deux premières actions ne présentaient pas de particularités relevant du droit
judiciaire privé. La possibilité de contraindre une autre personne à faire valoir immédiatement son
droit relève du droit substantiel : elle s'analyse en une limite au droit accordé au bénéficiaire d'un
délai. C'est ce qui explique que de telles actions n'aient jamais été admises de façon générale en droit
français et il n'en existe aujourd'hui encore que de très rares exemples 171.

70 Notion d'action déclaratoire. – L'étude de l'action déclaratoire relève, elle, du droit


judiciaire privé : c'est sur cette action que se cristallise principalement la question de l'intérêt né et
actuel. L'action déclaratoire ne peut être comprise que par rapport à l'action « normale » ou
ordinaire. Dans l'action normale, le demandeur allègue un certain nombre de faits dont il soutient
qu'ils correspondent au présupposé d'une règle de droit substantiel. Il demande au juge de constater
l'applicabilité de la règle de droit, puis d'en tirer les conséquences, en ordonnant que se produise
l'effet juridique de la règle. Par exemple, si mon cocontractant n'exécute pas la prestation promise, je
vais demander au juge de constater que cette prestation est prévue par le contrat que nous avons
passé, et que ce contrat s'est formé conformément à la loi, ce qui lui confère la force obligatoire. En
conséquence, je sollicite du juge qu'il ordonne à mon adversaire d'exécuter la prestation promise,
comme le prévoit l'article 1134 du Code civil. Dans un tel exemple, on ne se demande pas si j'ai
intérêt à agir. La réponse est évidente. De façon générale, chaque fois que le demandeur sollicite
l'effet juridique de la règle de droit, il a intérêt à agir : en effet, par définition, la demande, à la
supposer fondée, lui procurera l'avantage, matériel ou moral, prévu par cet effet juridique. On en
arrive ainsi à la conclusion qu'il n'existe pas de condition positive de l'action tenant à l'intérêt.
L'intérêt n'apparaît que de façon négative avec l'action déclaratoire. La raison en est que l'action
déclaratoire ne correspond pas au schéma qui vient d'être indiqué. La demande n'a pour objet que de
faire constater que sont remplies une ou plusieurs conditions contenues dans le présupposé de la
règle. Pour illustrer la notion d'action déclaratoire, il suffit de modifier légèrement les données de
l'exemple qui vient d'être donné. On supposera ainsi que l'exécution de la prestation est soumise à un
terme qui n'est pas encore échu. J'agis néanmoins pour faire dire à l'avance que, le jour où le terme
sera arrivé, j'aurai le droit d'obtenir l'exécution de la prestation.

71 Catégories d'actions déclaratoires. – L'action déclaratoire se présente sous deux modalités


légèrement différentes. À l'état pur, elle est formée par celui qui pourra plus tard se prévaloir de
l'effet juridique de la règle. Elle tend strictement à la constatation de la réunion des conditions
contenues dans le présupposé de la règle. Elle mérite alors pleinement son nom puisqu'elle n'a d'autre
objet que de faire déclarer que l'on est titulaire d'un droit. Dans l'exemple cité, tel est bien le cas : ma
demande tend exclusivement à la proclamation que je suis créancier de la prestation en question.
L'action déclaratoire perd de sa pureté lorsqu'elle est formée par l'adversaire de celui qui pourrait se
prévaloir de l'effet juridique de la règle. Elle tend en premier lieu à faire constater que l'autre
personne ne saurait se prévaloir de l'effet juridique de la règle. Parfois s'y ajoute un second objet qui
est de lui interdire de le faire jouer, puisque précisément il n'y a pas droit. L'exemple classique en la
matière est la dénonciation de nouvel œuvre. Le demandeur tend à faire juger que son voisin ne
saurait poursuivre l'ouvrage entamé sans violer l'obligation qui pèse sur lui de ne pas troubler la
possession d'autrui. En conséquence, il sollicite du juge qu'il interdise au voisin tout acte ultérieur
qui serait contraire à son obligation de ne pas faire 172. On parle alors plus volontiers d'action
préventive.

72 Inconvénients et avantages des actions déclaratoires. – L'analyse de l'action déclaratoire


qui vient d'être indiquée fait apparaître les objections qu'elle suscite. En premier lieu, l'action
déclaratoire permet la création d'un contentieux artificiel ou, si l'on préfère, d'un contentieux « à
vide ». Rien ne permet de savoir si la prestation prévue dans le contrat donnera ou ne donnera pas
lieu à des difficultés. Est-il opportun de permettre aux parties de saisir le juge dès à présent ? En
second lieu, l'action déclaratoire tend à transformer le rôle du juge. Le juge est institué par la loi pour
contrôler a posteriori l'attitude des sujets de droit et pour sanctionner l'inobservation des règles. En
demandant au juge de dire à l'avance que l'on pourra ou que l'on ne pourra pas faire telle chose, le
plaideur lui demande de se livrer à un examen anticipé de ses actes. Le justiciable sollicite du juge,
sinon l'autorisation préalable de passer tel contrat, du moins l'homologation de l'acte par le juge en
dehors des hypothèses, relevant de la matière gracieuse 173, où la loi institue un tel contrôle 174.
On doit reconnaître, d'un autre côté, que l'action déclaratoire présente aussi des avantages. Une
situation juridique peut devenir tellement complexe que les parties ne savent plus exactement quels
sont leurs droits. Leur interdire de recourir au juge pour qu'il les éclaire risque de les inciter à ne
rien faire de peur de voir leurs agissements ultérieurement sanctionnés. L'action déclaratoire peut
constituer le seul moyen d'éviter une paralysie préjudiciable tant aux intérêts des particuliers qu'à
ceux bien compris de la société tout entière. En outre, sous sa seconde modalité, l'utilité de l'action
déclaratoire ne peut guère être contestée. Lorsque le péril apparaît imminent, faut-il imposer à une
personne d'attendre que le dommage se soit effectivement réalisé pour lui permettre de saisir le
juge ? Ne vaut-il pas mieux prévenir que guérir ?

73 Une recevabilité limitée. Quelques cas. – Le droit judiciaire privé français adopte une
position nuancée à l'égard de l'action déclaratoire. On doit distinguer selon qu'il s'agit de la première
ou de la seconde modalité de l'action déclaratoire. Il vient d'être indiqué l'utilité de la seconde
modalité d'action déclaratoire que constitue l'action préventive. Chaque fois que le demandeur peut
apporter au juge des éléments établissant l'imminence d'un agissement préjudiciable et illicite
émanant d'une autre personne, il n'existe aucune raison solide de lui interdire d'agir immédiatement.
En matière possessoire, on a vu qu'il pouvait exercer la dénonciation de nouvel œuvre. Mais l'action
préventive n'est pas limitée à la seule protection de la possession. En toutes matières, l'urgence
commande la même solution. Elle impose même que le plaideur puisse disposer d'un moyen
procédural adapté à la situation, c'est-à-dire simple et rapide. Ce moyen consiste en un recours au
juge des référés : aux termes de l'article 809, alinéa 1, du Code de procédure civile, le juge peut
toujours prescrire en référé les mesures conservatoires qui s'imposent pour prévenir un dommage
imminent 175.
Lorsqu'il s'agit d'une action déclaratoire pure, l'hésitation est davantage permise. Il existe
cependant un certain nombre d'actions déclaratoires expressément prévues par les textes. On peut
citer ainsi l'action déclaratoire ou négatoire de nationalité française, prévue par l'article 29-3 du
Code civil 176. Le Code de procédure civile prévoit aussi l'action en vérification d'écriture et en
inscription de faux. Le plus souvent la vérification d'écriture et l'inscription de faux sont formées à
titre incident, au cours d'un procès dont l'objet est différent et dans lequel est invoqué un document
litigieux. Mais les textes prévoient aussi, dans l'un et l'autre cas, la possibilité d'une action à titre
principal, c'est-à-dire ayant pour seul objet l'examen de ces écrits 177. On est alors en présence d'une
action déclaratoire.
Il convient aussi de signaler l'action aux fins de mesure d'instruction prévue par l'article 145 du
Code de procédure civile. Son originalité consiste en ce qu'elle a pour objet de demander une mesure
d'instruction destinée à faciliter l'issue d'un procès futur. C'est donc au cours du procès futur qu'elle
devrait être ordonnée. Elle l'est cependant plus tôt, parce que l'on craint que le temps ne fasse
disparaître les preuves, même si, au moment où elle est sollicitée, il n'est pas encore certain que le
procès aura lieu 178.
En dehors de ces textes, les lignes du droit positif sont plus difficiles à cerner. En principe, la
Cour de cassation n'admet pas la recevabilité des actions purement déclaratoires, mais le principe
connaît quelques atténuations. C'est ainsi qu'en droit international privé, elle admet l'action en
opposabilité ou en inopposabilité d'un jugement étranger, dont le seul objet est de faire statuer sur la
régularité ou l'irrégularité de ce jugement étranger. Par exemple, une personne peut se remarier en
France en se fondant sur un jugement de divorce prononcé à l'étranger, à condition cependant que le
jugement soit tenu pour régulier au regard du droit français. On comprend que cette personne, ou
éventuellement l'autre époux qui a subi le divorce, demande au juge de dire si le jugement de divorce
peut ou non être reconnu en France. La recevabilité de ces demandes est aujourd'hui admise 179.

74 Le critère de recevabilité des actions déclaratoires : l'utilité. – À défaut de pouvoir


envisager toutes les hypothèses possibles, on peut essayer de dégager la ligne directrice suivante. La
recevabilité de l'action déclaratoire doit être liée à l'utilité de la demande pour l'activité des parties.
Ainsi, elle doit être admise chaque fois qu'elle permet d'éviter un autre procès qui se dessine. Dans le
cas du divorce international, l'action en inopposabilité ne fait qu'anticiper sur une action en nullité du
second mariage et mieux vaut en effet que la difficulté soit tranchée avant la célébration du second
mariage. La complexité d'une situation juridique plaide aussi pour la recevabilité de la demande, en
raison du risque de paralysie qu'elle comporte. La décolonisation qui a mis fin à notre empire a
suscité beaucoup d'incertitudes concernant la nationalité de certains de ses habitants. L'importance de
la nationalité française pour la jouissance de certaines prérogatives politiques ou sociales justifie
qu'en cas de doute, tout intéressé puisse interroger les tribunaux sur cette question. Plus généralement,
une action déclaratoire doit être admise chaque fois qu'elle apparaît utile à celui qui l'exerce. Un
exemple classique peut être tiré de l'action en nullité d'un acte juridique.
L'expression « action en nullité » est équivoque. Les mêmes mots recouvrent deux réalités
distinctes. Si le demandeur sollicite la remise des choses en l'état où elles se trouvaient avant
l'exécution de l'acte, on n'est pas en présence d'une action déclaratoire, mais d'une action ordinaire :
le demandeur ne sollicite le prononcé de la nullité de l'acte que pour obtenir l'effet juridique de la
règle de droit, à savoir la restitution des prestations qui n'étaient pas dues. En revanche, si aucune
prestation n'a encore été exécutée ni même sollicitée, l'action en nullité se présente comme une action
purement déclaratoire. Elle a pour seul objet de faire constater l'inaptitude de l'acte juridique à
bénéficier de la force obligatoire. Le demandeur entend faire juger qu'il ne devra pas s'exécuter le
jour où son cocontractant le lui demandera. À ce titre, la pure demande en nullité présente un
caractère préventif marqué. Mais son utilité évidente justifie que, dans l'écrasante majorité des cas,
elle soit déclarée recevable. Il en va de même de l'action du débiteur tendant à faire juger que sa
dette, garantie par une hypothèque, est éteinte par prescription 180.
Inversement, il faut rejeter l'action déclaratoire chaque fois que son utilité paraît faible et a
fortiori chaque fois qu'il est certain que l'action restera dépourvue de toute utilité pratique. Ainsi, une
demande aux fins de faire déclarer valable le congé délivré par un bailleur à son locataire a été jugée
irrecevable, dans un cas où cette demande avait été formée plusieurs mois avant la date de prise
d'effet du congé 181. Rien n'indiquant une probabilité élevée de contestation de la validité de cet acte
par le locataire, le bailleur n'avait pas un intérêt né et actuel à obtenir un jugement sur ce point.

75 Qualité et intérêt : synthèse. – Peut-être convient-il de résumer brièvement l'essentiel de


ce qui vient d'être indiqué. Pour les personnes physiques et la majorité des personnes morales, le
droit de présenter une demande est subordonné à deux conditions. Il faut d'abord que le demandeur ait
qualité, c'est-à-dire qu'il soit le destinataire de la règle de droit dont il sollicite le bénéfice. En soi,
cette condition n'intéresse pas le droit judiciaire privé, mais le droit substantiel ; cependant le Code
de procédure civile veut qu'elle soit traitée comme une question procédurale. En second lieu, le
législateur opère une discrimination entre les demandes normales qui portent sur l'effet juridique de
la règle de droit et les demandes, de nature déclaratoire, qui ne portent que sur le présupposé de la
règle. Les premières demandes ne peuvent pas faire naître de problème lié à l'intérêt. En revanche,
les secondes sont en principe irrecevables pour défaut d'intérêt. Il n'en va différemment que dans des
cas où elles apparaissent utiles à ceux qui entendent les exercer, c'est-à-dire lorsque, pour eux, elles
présentent... un intérêt.
Lorsque l'action est formée par certains groupements, sa recevabilité soulève de nouvelles
difficultés qu'il faut maintenant aborder, difficultés liées à ce qu'ils sont habilités à former des
demandes à propos de règles de droit dont ils ne sont pas les destinataires.

§ 2. LES DEMANDES FORMÉES PAR DES PERSONNES INSUSCEPTIBLES


D'ÊTRE LES DESTINATAIRES DE LA RÈGLE DE DROIT

76 Position du problème. – Dans un souci de simplicité, il n'a été question jusqu'à présent que
des demandes formées par des plaideurs faisant valoir leurs propres droits. Il existe d'autres
situations plus complexes, notamment des situations auxquelles participent certains groupements, tels
que les syndicats, les ordres et les associations. Ces groupements peuvent en effet agir à des titres
divers. Par exemple, un syndicat professionnel peut demander des dommages-intérêts à un garagiste,
parce que ce professionnel a mal réparé le véhicule appartenant au syndicat. Il peut encore intervenir
aux côtés d'un salarié licencié pour faire valoir que le licenciement est exclusivement motivé par son
appartenance syndicale. Il peut aussi faire valoir les droits que ses adhérents tirent d'une convention
collective ou s'efforcer de protéger les droits de salariés embauchés dans le cadre d'un contrat de
travail à durée déterminée.
Dans toutes ces hypothèses, il ne s'agit pas de demandes de même type. Un des exemples cités
constitue une action qui, d'un point de vue processuel, ne présente pas de particularité. Le syndicat
qui agit contre son garagiste exerce une action en tous points identique à celle que pourrait intenter un
particulier ou une société dans les mêmes circonstances : si l'on peut dire, cette action n'a rien de
syndical.
En revanche, les hypothèses les plus intéressantes et les plus délicates se rencontrent lorsque le
groupement agit de façon spécifique. Ainsi, lorsque le syndicat intervient aux côtés d'un salarié
licencié, on remarquera d'abord qu'il agit en son nom propre et non en tant que représentant du
salarié, puisque ce dernier fait déjà valoir lui-même ses propres droits. Par ailleurs, l'action du
syndicat est tout à fait originale : c'est une action qui ne lui est reconnue qu'en tant que syndicat. Un
particulier, par exemple un autre salarié de l'entreprise, serait déclaré irrecevable s'il intervenait aux
côtés du salarié licencié. Ce qui explique l'action du syndicat, c'est l'existence d'un intérêt collectif au
nom duquel l'action sera exercée. Cette sorte d'action sera l'objet principal du présent développement
(A). Dans un deuxième temps, il conviendra d'envisager les hypothèses dans lesquelles un
groupement, syndical ou autre, entend agir en défense des intérêts personnels d'autrui (B). Enfin, il
nous faudra aborder une institution plus récente en droit français et qui a fait grand bruit lors de son
introduction dans le Code de la consommation : l’action de groupe (C).

A. L'ACTION AU NOM D'UN INTÉRÊT COLLECTIF

77 Division. – L'action au nom d'un intérêt collectif conduit d'abord à s'interroger sur ce qu'est
l'intérêt collectif. On verra qu'il n'est pas possible de trouver réellement un contenu qui soit propre à
cette notion (1) et que, par ailleurs, le droit positif encadre plus ou moins les possibilités, pour un
groupement, d'agir en défense d'un intérêt collectif (2).

1. L'intérêt collectif

78 Une notion fonctionnelle. – La notion d'intérêt collectif est extrêmement difficile à


délimiter, à tel point que la plupart des auteurs se gardent d'en proposer une véritable définition. En
général, ils circonscrivent ce concept à l'aide d'exemples concrets ou procèdent par élimination en
écrivant que l'intérêt collectif se distingue à la fois de l'intérêt général, de l'intérêt individuel d'une
personne et de la somme des intérêts individuels des membres d'un groupement. Il arrive cependant
que l'on rencontre en doctrine une proposition de définition. Ainsi, concernant les actions exercées
par un syndicat professionnel, on définit habituellement l'intérêt collectif de la profession en disant
qu'il faut que se soit produit un trouble susceptible d'être ressenti par chacun des membres du
syndicat et de nuire à la profession tout entière 182. Cette définition, qui est certainement la plus
précise que l'on puisse avancer, peut être transposée aux autres domaines dans lesquels un
groupement est éventuellement habilité à agir en défense d'un intérêt collectif. Une association de
lutte contre la violence routière défend ainsi un intérêt collectif lorsqu'elle agit contre l'auteur d'un
comportement dangereux susceptible d'être ressenti par chacun des membres de la catégorie que
constituent les usagers de la route. Pareillement, l'intérêt des consommateurs ou d'un certain type de
consommateurs est en cause lorsqu'une entreprise a commis des actes de publicité mensongère, car
ceux-ci peuvent nuire à n'importe quel consommateur.
À travers ces exemples, on perçoit que l'intérêt collectif est celui d'une catégorie de
personnes 183. Et c'est là que se situe la difficulté : une catégorie se caractérise par son caractère
abstrait. Ce n'est pas forcément un groupe de personnes physiques ou morales déterminées ni même
déterminables. C'est une pure abstraction, dont les membres n'ont pas toujours de visage ni de
consistance. Parler d'intérêt de la catégorie, c'est alors recourir à une vue de l'esprit. Bien entendu, il
peut arriver que la catégorie en cause soit « fermée », auquel cas les personnes qui en font partie sont
identifiables. Il en irait ainsi d'une association de défense des anciens combattants de la guerre du
Golfe. Mais, même dans ce cas, il ne faut certainement pas confondre l'intérêt collectif de cette
catégorie de personnes avec la somme des intérêts individuels de chacune d'elles. Par hypothèse,
et sur ce point tout le monde semble d'accord, l'intérêt collectif se distingue nécessairement de la
somme des intérêts individuels. L'intérêt collectif est donc une fiction nécessaire à la reconnaissance
de l'action en justice de certains groupements. Tous défendent une cause : l'amélioration des
conditions de travail des salariés, la valorisation du statut des anciens combattants, la lutte contre la
drogue, la moralisation du commerce, la protection de la famille, etc. Et dire qu'il a été porté atteinte
à l'intérêt collectif défendu par le syndicat ou l'association, c'est dire simplement que le
comportement critiqué va à l'encontre de la cause qu'ils défendent.
L'intérêt collectif d'une catégorie ou d'une profession n'est, finalement, qu'une notion
fonctionnelle, un concept bien pratique mais qui n'a pas vraiment de contenu. C'est ce qui explique
sans doute que l'on n'en ait pas de définition satisfaisante. Car même la définition couramment retenue
en droit du travail ne rend pas compte de la réalité. Lorsqu'un salarié est victime d'une infraction à la
législation du travail commise par son employeur, en quoi y a-t-il un « trouble susceptible d'être
ressenti par chacun des membres du syndicat et de nuire à la profession tout entière » ? Si l'on peut à
la rigueur admettre que les membres du syndicat ressentent de la solidarité pour la victime, on ne peut
sérieusement prétendre que cet acte isolé, commis par un employeur déterminé, nuit à l'ensemble de
la profession. Ce comportement illicite restera généralement sans incidence sur la situation des
salariés d'autres entreprises, sauf dans l'hypothèse minoritaire où l'affaire porterait sur une question
de principe susceptible d'affecter les intérêts des autres membres de la profession. En réalité, sous
couvert d'intérêt collectif, le droit positif autorise le syndicat à agir en justice pour la défense d'une
cause : le respect du droit du travail.
Le caractère fonctionnel de la notion d'intérêt collectif apparaît avec encore plus de netteté
lorsque l'on se penche sur l'objet de certaines associations. En effet, il est fréquent qu'une association
défende une cause que l'on ne peut même pas exprimer en terme de catégorie. Tel est le cas des
associations de protection de la nature 184. Quel est leur objet ? C'est, de manière générale, de lutter
contre la dégradation de l'environnement. Quelle est la catégorie de personnes dont les intérêts sont
ainsi défendus ? Aucune en particulier et toutes en général. La protection de la nature ne concerne pas
que les asthmatiques, les ornithologues ou les buveurs d'eau. La qualité de l'air intéresse tout le
monde, de même que la disparition programmée d'une espèce animale ou la détérioration de l'état des
nappes phréatiques. En défendant un prétendu intérêt collectif, une association de protection de
l'environnement ne fait que défendre une cause (au demeurant des plus honorables). Et en même
temps, elle défend fréquemment l'intérêt général.

79 Le recoupement de l'intérêt collectif et de l'intérêt général. – Ce qu'il est d'usage


d'appeler l'intérêt collectif se définit d'autant plus mal qu'il recoupe bien souvent l'intérêt général 185.
L'intérêt général est celui de la société dans son ensemble. C'est le bien commun. Il appartient
normalement au ministère public d'agir en justice en défense de cet intérêt général. Les groupements
tels que les syndicats et les associations sont censés, eux, défendre par leur action en justice, des
« intérêts collectifs ». Mais, en réalité, un intérêt collectif, une bonne cause, fait généralement partie
de l'intérêt général. Ainsi, lorsqu'une association de protection de la nature agit à l'encontre
d'individus qui braconnent des animaux en voie de disparition, elle agit en défense d'un intérêt
collectif au sens où nous entendons cette expression. Mais cette cause relève incontestablement de
l'intérêt général : le patrimoine biologique nous concerne tous, que l'on soit ou non un militant
écologiste. Et l'on peut dire la même chose de toutes les causes d'intérêt public. Qui dit intérêt public
dit intérêt général. Ainsi, la lutte contre l'alcoolisme ou la grande pauvreté, le combat pour le respect
du droit du travail ou du droit de la consommation, plus largement le combat pour le respect des lois,
mettent directement en jeu l'intérêt général. Pour reprendre l'expression de Mme Bandrac, les intérêts
catégoriels défendus par certains groupements sont si étendus « qu'ils se confondent avec l'intérêt
public saisi sous l'un de ses aspects spéciaux » 186.
Il y a donc une certaine hypocrisie du droit positif à considérer que les groupements habilités à
agir dans un intérêt qui n'est pas le leur n'agissent que dans un intérêt collectif et n'empiètent pas sur
le domaine naturel du parquet. La faiblesse de cette présentation classique apparaît d'ailleurs avec la
force de l'évidence, lorsqu'une association est habilitée par la loi à exercer « les droits reconnus à la
partie civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif » 187
qu'elle défend. En effet, la référence à la notion de « partie civile » indique explicitement que
l'association en question peut s'élever contre un comportement pénalement sanctionné. Or, par
principe, si la loi instaure une sanction pénale, c'est pour protéger l'intérêt général de la société.

80 L'intérêt collectif en l'absence de recoupement avec l'intérêt général. – Dans les lignes
qui précèdent, nous avons exposé que « l'intérêt collectif » se rattachait fréquemment à l'intérêt
général, la notion d'intérêt collectif ayant alors pour fonction de masquer le fait qu'un groupement est
habilité à défendre en justice une cause d'intérêt public. Évidemment, tel n'est pas toujours le cas. Il
peut arriver, en effet, qu'une personne morale se donne pour objet de défendre un intérêt collectif
réellement distinct de l'intérêt général. Il en va ainsi lorsque la cause défendue par cette personne,
son objectif, est d'intérêt privé. Sur le fond, notre analyse de la notion d'intérêt collectif ne s'en trouve
pas fondamentalement modifiée.
En effet, l'intérêt collectif est, là encore, réductible à la cause (privée) que l'on entend défendre.
C'est ce qui permet de dire que l'intérêt collectif d'un groupe de personnes est distinct de la somme
des intérêts individuels de chacun des membres de ce groupe : la cause défendue par une association
peut aller à l'encontre des intérêts ponctuels de tel ou tel de ses membres. Il convient toutefois de
distinguer deux hypothèses dans lesquelles il est d'usage de parler « d'intérêt collectif » d'ordre
privé.
On utilise d'abord cette expression lorsque le groupement a pour objet une prétendue « grande
cause 188 » qui, aux yeux de la société n'est pas d'intérêt général. Imaginons, par exemple, un
mouvement religieux ou pseudo-religieux, philosophique ou politique, qui aurait pour but de répandre
la parole de son prophète, de son maître à penser ou de son idéologue favori. Il est manifeste qu'un
tel groupement défend une cause distincte des intérêts individuels de ses membres. Mais cette cause
n'est pas d'intérêt public. Elle est d'ordre privé. C'est ce que l'on appelle l'intérêt collectif des
membres. Bien sûr, la frontière qui sépare l'intérêt privé de l'intérêt public est parfois difficile à
établir. Aux yeux d'un catholique traditionaliste, la cause d'une association anti-IVG est d'intérêt
public, de même que la lutte pour la préservation des valeurs chrétiennes ou le combat contre la
permissivité des mœurs. Pour un féministe agnostique et partisan de la libération sexuelle, les intérêts
collectifs défendus par cette association sont incontestablement d'ordre privé. Mais, c'est finalement
la société elle-même, à travers son droit positif, qui fixe cette frontière. Ce qui est d'intérêt privé à
une époque devient d'intérêt public à une autre et inversement. Concrètement, c'est tantôt en instaurant
des sanctions pénales à l'encontre d'un comportement, tantôt en habilitant certaines associations à
défendre en justice un « intérêt collectif » (une cause), que la loi reconnaît à celui-ci un caractère
public 189.
On utilise, ensuite, l'expression « intérêt collectif » pour désigner une somme d'intérêts
individuels. Imaginons, par exemple, qu'une association de défense se constitue pour obtenir le
réaménagement d'un tracé routier qui est susceptible de nuire aux riverains membres de cette
association. Au nom du prétendu « intérêt collectif » de ses membres, ce groupement pourra
rechercher des modifications du projet de route. Mais, en réalité, le groupement ne fait alors que
défendre les intérêts personnels de ses membres. Nous verrons d'ailleurs que dans ce genre de
situation, la jurisprudence habilite les associations à agir en justice, dans le cadre de la théorie des
ligues de défense. Et les auteurs s'accordent à écrire que l'association ne défend alors que les intérêts
individuels de ses membres 190. Alors pourquoi parler d'intérêt collectif des riverains, des locataires
de tel immeuble, des habitants de telle rue, comme on le fait habituellement ? Simplement parce que
les intérêts des membres de l'association peuvent se contredire mutuellement et la position défendue
ponctuellement par ce groupement peut profiter à certains de ses membres et nuire à d'autres. Dans un
groupe, on ne peut pas forcément contenter tout le monde. L'opposition de « l'intérêt collectif »
d'ordre privé et de l'intérêt individuel de tel ou tel membre du groupement ne fait alors que traduire la
contrariété des intérêts individuels au sein du groupement.
On arrive finalement à la conclusion que l'intérêt collectif reste une notion fonctionnelle, que l'on
parle d'intérêt privé ou d'intérêt public. Si un groupement est habilité à défendre en justice un
« intérêt collectif » public, c'est l'intérêt général qui est, en réalité, recherché par le groupement.
Dans le cas inverse, « l'intérêt collectif » d'ordre privé, est constitué, soit de la somme des intérêts
individuels des membres du groupement, soit d'une « cause » à laquelle le droit positif n'entend pas
reconnaître un caractère d'intérêt général.

81 La nature de l'action en défense d'un intérêt collectif. – Dans la première édition de cet
ouvrage, il avait été avancé que l'action des groupements en défense d'un intérêt collectif avait un
caractère déclaratoire 191. À la réflexion, ce point de vue apparaît excessif par sa généralité. En effet,
on peut relever diverses hypothèses dans lesquelles un groupement, agissant au nom de l'intérêt
collectif qu'il représente, demande autre chose que la simple proclamation d'un droit, d'une absence
de droit ou d'une culpabilité. Ainsi, lorsqu'une association de protection de la nature demande qu'il
soit fait obstacle au déchargement, dans un port, de substances radioactives importées illégalement en
France, elle réclame la mise en œuvre d'une règle de droit et non pas seulement que soit constatée
l'illégalité de l'opération d'importation 192. Pareillement, lorsqu'une association de consommateurs
demande le retrait d'un produit non conforme à la réglementation ou la suppression d'une clause
abusive dans un modèle de convention proposé par un professionnel aux consommateurs 193, elle ne
se borne pas à faire proclamer la non-conformité dudit produit aux règles de droit. Elle sollicite des
mesures concrètes sur le fondement de ces règles de droit.
Cela étant, nous persistons à penser que, dans certains cas, l'action exercée au nom d'un intérêt
collectif a un caractère déclaratoire. Il en va d'abord ainsi lorsque le syndicat ou l'association se
borne à rechercher le déclenchement de l'action publique et le prononcé d'une peine par une
juridiction pénale, en se constituant partie civile. Il en va de même lorsque ce groupement agit devant
une juridiction civile, en qualité d'intervenant volontaire (à titre accessoire) 194, pour soutenir la
prétention d'une personne qui a pris l'initiative du procès afin de faire valoir son propre droit. Dans
ces deux hypothèses, le groupement ne demande pas pour lui l'effet juridique des règles de droit dont
il se prévaut. C'est la victime de l'infraction pénale ou le demandeur à l'action civile qui demande,
pour son propre compte, les indemnités prévues par la loi. Le syndicat et l'association ne devraient
pas pouvoir prétendre en bénéficier. Leur but, c'est qu'il soit dit par l'autorité compétente que telle ou
telle personne (par exemple un employeur) n'a pas respecté les dispositions de la loi. Ils poursuivent
une déclaration de culpabilité devant le juge pénal, comme devant le juge civil. La prétention que
forme le groupement manifeste alors le caractère déclaratoire de son action. Devant le juge répressif,
ce caractère apparaît à l'évidence : la constitution de partie civile n'a pas d'autre objet que la
constatation de l'infraction.

82 Le préjudice porté à « l'intérêt collectif » ? – Pendant longtemps, et jusqu'aux années


1990, ce n'était que pour respecter le discours que tenait la chambre criminelle de la Cour de
cassation que le syndicat ou l'association demandait au juge répressif de condamner le prévenu à lui
verser des dommages et intérêts le plus souvent symboliques. Il en allait de même devant le juge
civil. Faute de pouvoir demander l'effet juridique de la règle, le groupement sollicitait du juge une
condamnation neutre, consistant de nouveau en une somme d'argent à titre de dommages et intérêts.
Peu lui importait le montant de la somme qui lui était allouée : le but recherché était, rappelons-le,
une déclaration établissant le bien-fondé de sa demande ou encore la cessation d'un comportement
contraire à la cause défendue par le groupement.
Les choses se présentent aujourd'hui de manière différente. Les groupements, spécialement les
associations ont désormais tendance à solliciter du juge des sommes de moins en moins symboliques
et de plus en plus substantielles. Il est vrai que, tant qu'à faire un procès, autant que cela rapporte à la
cause que l'on défend. Le groupement serait pourtant bien en peine de justifier l'existence d'un
préjudice matériel que lui aurait directement causé le comportement de l'adversaire. C'est pourquoi il
sollicite parfois la réparation de son préjudice moral. Mais il arrive aussi de plus en plus souvent
qu'il invoque un préjudice indirect causé « à l'intérêt collectif » qu'il défend 195. On voit également
des associations demander et obtenir des dommages et intérêts eu égard aux frais qu'elles doivent
engager pour lutter contre le type de comportement reproché à l'adversaire 196. Et, dans le domaine
spécifique du droit de l’environnement, la Cour de cassation admet même qu’une association de
protection de la nature obtienne des dommages et intérêts en réparation d’un « préjudice écologique
pur », lequel serait distinct de son préjudice moral 197.
Il y a là, à notre avis, une dérive du système judiciaire. Que l'action formée par un groupement en
défense d'un « intérêt collectif » soit de nature déclaratoire ou non, on ne voit pas à quel titre cette
personne morale aurait droit à des dommages et intérêts en réparation du préjudice porté à ce
prétendu intérêt collectif. Si l'on conçoit l'intérêt collectif comme nous le faisons, à savoir comme
une cause que l'on défend, parler de préjudice pour l'intérêt collectif n'a pas de sens : une cause n'est
pas une personne physique ni même morale ; elle ne ressent rien et n'a pas de patrimoine. Et à
supposer même que « l'intérêt collectif » ait un réel contenu, ce n'est, de toute façon, pas l'intérêt
personnel du groupement. Là encore, rien ne justifie, en droit, que le groupement soit indemnisé pour
un dommage qui n'est pas le sien. Quant à parler de préjudice moral du groupement, là n'est pas non
plus la solution, car une personne morale ne ressent rien et lui accorder une indemnité au nom d'un
prétendu préjudice moral, comme on le fait désormais couramment, c'est faire preuve d'un
anthropomorphisme caractérisé. Enfin, la reconnaissance du droit de certaines associations à obtenir
l’indemnisation d’un préjudice écologique ne fait que brouiller les cartes, tant il est illusoire de
chercher à distinguer celui-ci de l’atteinte à « l’intérêt collectif » qu’elles défendent.
En bonne logique, le groupement qui agit en défense d'un « intérêt collectif » ne devrait pas
pouvoir obtenir le moindre centime de dommages et intérêts, ni au titre d'une atteinte à « l'intérêt
collectif », ni au titre de son propre « préjudice moral ». On ne devrait pouvoir l'indemniser que des
préjudices financiers qu'il a subis : en substance, les frais de gestion exposés pour réagir au
comportement critiqué en justice (frais de déplacement, de téléphone etc.). Ce n'est pourtant pas ce
qui se passe en pratique. Ainsi, le préjudice moral des associations est généralement reconnu par les
tribunaux 198, de même que leur droit à des dommages et intérêts en réparation de l'atteinte portée à
l'intérêt collectif qu'elles défendent. Mais, comme l'écrit M. Calais-Auloy, « l'évaluation (du
dommage causé à l'intérêt collectif des consommateurs) comporte une grande part d'artifice » et « on
peut se demander si les sommes qui leur sont attribuées ne sont pas, au fond, des peines privées
masquées sous l'apparence d'indemnités » 199.

83 Les spécificités de l'action en défense d'un intérêt collectif. – Il n'est sans doute pas
inutile de revenir sur les points essentiels que nous venons d'aborder. L'action exercée par un
groupement au nom d'un intérêt collectif peut être déclaratoire comme elle peut ne pas l'être. À dire
vrai, peu importe. Ce qu'il est important de retenir, c'est la vacuité de l'intérêt collectif. C'est un
concept purement utilitaire, une notion fonctionnelle permettant à un groupement de répondre à
l'exigence d'un intérêt à agir posée par l'article 31 du Code de procédure civile. On perçoit, dès lors,
l'une des spécificités de l'action en défense d'un intérêt collectif : c'est l'absence d'intérêt personnel
du groupement.
À cela on peut ajouter que le groupement habilité à agir en faveur d'un « intérêt collectif » n'est
pas non plus destinataire de la règle de droit qu'il invoque en justice. C'est la seconde spécificité.
Certes, comme toute personne physique ou morale, ces groupements sont destinataires de certaines
règles. D'abord, ils sont destinataires des règles de droit relatives aux biens et aux créances qui leur
appartiennent. Ils sont encore destinataires des règles qui régissent leur activité spécifique, par
exemple des règles relatives à la négociation des conventions collectives, pour un syndicat. Dans l'un
et l'autre cas, en agissant en justice, ces groupements font valoir des droits substantiels propres : leur
action ne présente alors aucune originalité par rapport à celle des autres plaideurs. Mais, lorsqu'il
s'agit de la défense de « l'intérêt collectif » d'une profession, d'une catégorie de personnes ou, plus
largement d'une cause quelconque, on ne trouve aucune règle dont on puisse dire qu'elle a pour
destinataire le syndicat ou l'association. Les règles invoquées au soutien de leur action ont pour
destinataires d'autres personnes : dans le domaine syndical, il s'agira des salariés directement
concernés par des règles relatives à la qualification professionnelle, la rémunération, les droits
d'expression dans l'entreprise, etc. Dans le domaine associatif, il s'agira, par exemple, des
consommateurs directement visés par le droit de la consommation. On est donc conduit à la
conclusion que le syndicat et l'association font valoir des règles de droit dont ils ne sont pas
destinataires 200. Leur « qualité » est donc totalement artificielle. Elle leur est accordée par la loi ou
la jurisprudence, parce qu'il apparaît au législateur ou au juge qu'il est bon pour la société que des
syndicats ou des associations puissent agir en justice pour défendre la cause qui est la leur.

2. La recevabilité de l'action en défense d'un intérêt collectif

84 La nécessité d'une intervention de la loi (ou de la jurisprudence). – Si les syndicats et les


associations exercent une action dans laquelle ils font valoir des règles de droit dont ils ne sont pas
les destinataires, leur action a quelque chose de techniquement anormal, puisqu'ils viennent se mêler
des affaires des autres, voire de l'intérêt général de la société. De surcroît, si l'on s'en tenait au
constat qu'ils ne sont pas destinataires des règles qu'ils invoquent, il faudrait leur dénier toute qualité
pour exercer ce type d'action. C'est pourquoi la loi intervient pour octroyer à divers groupements une
qualité artificielle et leur permettre ainsi d'agir en justice pour la défense de la cause qui est la leur.
De ce point de vue, les associations (b) paraissent encore plus étrangères que les syndicats (a) aux
intérêts qu'elles prétendent défendre et les causes qu'elles défendent ont tendance à se rattacher
encore plus facilement à l'intérêt général. Ceci explique que leur action soit moins facilement admise,
par la loi, que celle des syndicats. Cependant, comme on le verra, la jurisprudence leur est de plus en
plus favorable.
a) L'action des syndicats en défense d'un intérêt collectif

85 Une habilitation législative étendue. – Le droit des syndicats professionnels d'agir pour
défendre « les intérêts collectifs de la profession » de leurs adhérents leur est reconnu depuis le
célèbre arrêt des chambres réunies de la Cour de cassation du 5 avril 1913 201. La solution
jurisprudentielle a été consacrée par le législateur dans la loi du 12 mars 1920. Aujourd'hui, le texte
applicable, qui reprend presque sans changement le texte de 1920, est l'article L. 2132-3 du Code du
travail, aux termes duquel les syndicats peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits
réservés à la partie civile, concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt
collectif de la profession qu'ils représentent. Par la référence qu'il opère aux « droits réservés à la
partie civile », ce texte n'autorise les syndicats à agir dans le cadre d'une action collective qu'en
présence d'une infraction pénale. Cependant, la jurisprudence, manifestant ainsi sa bienveillance à
leur égard, admet qu'ils peuvent agir également lorsque les faits reprochés à l'adversaire ne
présentent pas de caractère pénal 202.
De plus, cette habilitation à la fois législative et jurisprudentielle ne se limite pas aux seuls
syndicats ouvriers. Bien entendu, ils se situent au cœur de la question, mais les mêmes règles
s'appliquent aux autres syndicats de salariés et de non salariés. L'arrêt de la Cour de cassation de
1913 a d'ailleurs été rendu à l'occasion d'une demande formée par un syndicat de viticulteurs. Et dans
certaines professions où il existe deux organismes différents de défense de la profession, le syndicat
et l'ordre, la jurisprudence admet leur action concurrente, sans opérer de répartition selon que les
intérêts mis en cause sont moraux ou matériels 203.
Quant à l'exigence d'un préjudice direct ou indirect qui serait porté à l'intérêt collectif de la
profession, on en a vu précédemment la signification : cette condition est remplie dès lors que les
agissements dénoncés en justice par le syndicat sont contraires à la cause qu'il défend. Tel est le cas
lorsque la situation met en jeu une question de principe ou de portée générale, car la question de droit
soulevée par le litige intéresse l'ensemble de la profession. Il en va pareillement si une situation,
dans laquelle il est fait application d'une règle pour un cas individuel, est susceptible de se
reproduire à l'avenir et de concerner les autres membres de la profession. De même, on peut admettre
que la demande du syndicat est recevable chaque fois que son action remplit une fonction préventive.
Le groupement veut empêcher le renouvellement de certains agissements contraires aux intérêts de
ses membres. En poursuivant la procédure, au besoin jusqu'en cassation, il cherche à obtenir la
création d'une jurisprudence qui lui soit favorable et qui dissuade les autres employeurs de suivre
l'exemple du premier. Bref, le syndicat peut rechercher la sanction d'un adversaire pour faire « un
exemple ».
En pratique, il n'est, toutefois, pas toujours facile de déterminer si les faits litigieux portent « un
préjudice à l'intérêt collectif de la profession ». La lecture de la jurisprudence et de la doctrine
laisse, sur ce point, une impression de flou, ce qui est normal puisqu'il s'agit, pour les juges,
d'apprécier le lien entre ces faits et les objectifs statutaires du syndicat. Un tel rapport ne peut être
apprécié que de manière empirique, en particulier quand il présente un caractère indirect.
b) L'action des associations en défense d'un intérêt collectif

86 Une jurisprudence naguère défavorable. – Si, en vertu de l'article L. 2132-3 du Code du


travail, les syndicats ont qualité pour exercer une action collective, c'est la solution inverse qui était
traditionnellement retenue pour les associations. Une association n'avait pas, en principe, qualité
pour défendre les intérêts collectifs ou généraux qu'énonçait son objet social. La solution avait été
fixée par un arrêt des chambres réunies de la Cour de cassation du 15 juin 1923 204. Trois raisons
pouvaient être avancées pour expliquer cette solution. D'abord, à la différence des syndicats qui
défendent les intérêts d'une catégorie déterminable et relativement limitée de personnes, les
associations se donnent pour objet de défendre des intérêts qui, très souvent, se confondent totalement
avec l'intérêt général : la lutte contre l'alcoolisme ou contre la prostitution, la défense de la culture
française ou des usagers de la route. Or, pour les associations plus encore que pour les syndicats,
agir peut consister à se porter partie civile devant les juridictions répressives, donc à concurrencer le
ministère public dans le déclenchement des poursuites. La deuxième raison est qu'il est très facile de
constituer une association qui se propose l'objet le plus large. Dès lors, si toute association pouvait
agir pour défendre les intérêts les plus généraux qu'elle se serait fixés, deux ou trois activistes 205
pourraient, sous le couvert d'une association, se mêler de tout et de n'importe quoi, en lançant des
actions à tout propos, qui ne tarderaient pas à submerger les tribunaux et à rendre la vie impossible.
Enfin, les associations ont longtemps suscité en France une réaction instinctive de méfiance. Alors
que chacun comprend que l'on fonde une société ou un syndicat parce qu'ils ont pour objet de
procurer un avantage pécuniaire aux associés ou aux adhérents, l'objectif désintéressé de
l'association peut faire craindre que, derrière le paravent de la gratuité, ne se dissimulent des visées
condamnables.
C'est pourquoi la Cour de cassation a longtemps décidé que les associations n'avaient pas en
principe qualité pour défendre en justice les intérêts correspondant à leur objet. C'est ainsi que, dans
l'affaire qui a donné lieu à l'arrêt de 1923, des associations d'instituteurs laïcs ont été déclarées
irrecevables à se constituer parties civiles contre le cardinal Luçon qui, dans un monitoire, avait mis
les fidèles en garde contre les dangers que l'école laïque faisait, selon lui, courir à la santé morale de
la jeunesse. Une association n'avait pas qualité pour agir au nom de la laïcité.

87 Une habilitation législative (de moins en moins) limitée. – À la règle de principe posée
par la Cour de cassation en 1923, le législateur a apporté des dérogations ponctuelles, qui se sont
multipliées de nos jours, en conférant à certaines associations le droit d'agir en justice pour la
défense des intérêts énoncés dans leurs statuts. Par exemple, le Code de l'action sociale et des
familles donne ce droit aux associations de défense des intérêts de la famille 206 et le Code de la
consommation aux associations de défense des intérêts de consommateurs, pourvu, concernant ces
dernières, qu'elles aient fait l'objet d'un agrément des pouvoirs publics 207. Une habilitation similaire
existe en faveur de certaines associations de protection de l'environnement 208. Quant aux articles 2-1
et suivants du Code de procédure pénale, ils fournissent de nombreux exemples dans des domaines
très divers allant de la lutte contre la toxicomanie à la défense de la langue française. Lorsque la loi
habilite ainsi telle ou telle catégorie d'association, elle fait de ces groupements des concurrents du
ministère public. Le législateur craint que les parquets, qui sont surchargés, négligent la répression de
certaines infractions. En permettant aux associations d'agir pour la défense d'intérêts généraux, il
augmente le nombre des poursuites pénales. On pourrait presque dire que l'association ainsi habilitée
par la loi devient un « ministère public à objet limité » 209. À dire vrai, ce phénomène n'est pas
unique, puisque la loi attribue également à d'autres personnes la tâche d'agir en défense de l'intérêt
général 210.
Généralement, le législateur n'accorde pas des pouvoirs aussi importants sans prendre quelques
précautions concernant les associations habilitées. Le droit d'agir de l'association peut être
subordonné à des conditions de durée d'existence, de nombre d'adhérents ou de représentativité. Le
contrôle des pouvoirs publics peut même, comme dans l'article L. 421-1 du Code de la
consommation, aller jusqu'à l'agrément de l'association. Ces exigences sont bien le signe que le
législateur français n'est pas disposé à abandonner les solutions prudentes qui ont fait leurs preuves,
même si elles peuvent paraître timorées à certains égards.

88 Une jurisprudence contemporaine (de plus en plus) favorable. – Dès lors qu'elle était
traditionnellement défavorable à l'action des associations en défense d'un intérêt collectif, la Cour de
cassation a longtemps interprété de manière stricte les textes fixant les limites des actions collectives
des associations 211. Sa politique à leur égard tranchait avec sa bienveillance à l'égard des syndicats.
De leur côté, les juges du fond semblaient généralement plus accueillants vis-à-vis des actions
collectives des associations. Puis, à partir de la fin des années 1990, la Cour de cassation elle-même
a commencé à interpréter plus souplement les termes des habilitations d'associations. Elle a ainsi
admis qu'une association de consommateurs habilitée à agir en suppression de clauses abusives
pouvait réclamer également des dommages et intérêts 212, ou qu'une association non agréée de
protection de l'environnement pouvait se constituer partie civile à la suite d'infractions portant
préjudice aux intérêts collectifs qu'elle avait pour objet de défendre 213. Mais, surtout, elle a fini par
poser en principe qu'en l'absence même d'habilitation législative, une association pouvait agir en
justice au nom d'intérêts collectifs entrant dans son objet social 214 et ce, même lorsque ses statuts ne
prévoient pas expressément une vocation à agir en justice 215. Autant dire que la jurisprudence de
1923 semble désormais enterrée et l'on se demande quel intérêt il peut encore y avoir, pour le
législateur, à habiliter telle ou telle catégorie d'association à agir en défense des intérêts collectifs
relevant de son objet social.

B. L'ACTION EN DÉFENSE DES INTÉRÊTS PERSONNELS D'AUTRUI

89 Distinction des questions de pouvoir et de qualité. – Une certaine confusion règne en


doctrine sur l'analyse qu'il convient de faire d'un certain nombre de situations. Tantôt, on les présente
comme des cas d'habilitation à agir dans l'intérêt d'autrui, mais sans qu'il y ait représentation ; tantôt,
on parle de représentation d'une personne par une autre, ce qui constitue une approche très différente.
En droit judiciaire privé, ces analyses se traduisent en termes de qualité et de pouvoir. On dit qu'une
personne a le pouvoir de faire un acte de procédure lorsqu'elle bénéficie d'un mandat légal, judiciaire
ou conventionnel d'agir au nom et pour le compte d'autrui. Par exemple, le tuteur est doté du pouvoir
d'agir pour le majeur incapable. Il le représente. Pareillement, le gérant d'une société à responsabilité
limitée a le pouvoir d'agir au nom et pour le compte de celle-ci. Dans ces deux exemples, ce sont les
représentés, l'incapable d'un côté, la société de l'autre, qui sont parties au procès. La qualité et
l'intérêt s'apprécient en leur personne : pour déterminer la recevabilité de leurs demandes, on se
demandera s'ils ont un intérêt à agir et s'ils sont destinataires des règles de droit dont leur
représentant sollicite la mise en œuvre.
Les choses se présentent différemment lorsqu'une personne est habilitée par la loi à agir dans
l'intérêt d'autrui, sans pour autant le représenter. Dans une telle hypothèse, on ne peut plus parler de
« mandat », sauf à admettre l'idée d'un mandat sans représentation 216. Et l'on ne peut plus non plus
parler de « pouvoir » stricto sensu. En effet, qui dit pouvoir, dit représentation 217. La seule
possibilité d'expliquer cette faculté d'agir pour autrui réside alors dans l'idée de qualité. L'intéressé
n'a pas naturellement qualité à agir, puisqu'il n'est pas destinataire des règles dont il réclame
l'application. Mais le droit positif lui confère artificiellement qualité, comme il le fait lorsqu'il
habilite une association à agir pour la défense d'un « intérêt collectif ».
Pour finir, on précisera que le débat autour de la distinction des questions de pouvoir et de qualité
n'est pas purement académique. En effet, l'article 31 du Code de procédure civile fait de la qualité à
agir, une des deux conditions du droit d'action, l'autre étant l'intérêt à agir 218. Le défaut de qualité
d'un plaideur est donc sanctionné par une fin de non-recevoir. Or, en vertu de l'article 117 du même
code, le pouvoir, à l'instar de la capacité, est, quant à lui, une condition de validité des actes de
procédure. À ce titre, le défaut de pouvoir est sanctionné par la nullité de l'acte, dans le cadre d'une
exception de procédure.

90 Méthode. – Les textes législatifs et réglementaires n'étant pas toujours clairs sur le point de
savoir s'ils accordent qualité ou pouvoir à une personne pour agir en défense des intérêts d'autrui, il
nous semble qu'il faut, en cas de doute, s'interroger sur les signes d'une éventuelle représentation ou,
au contraire, d'une absence de représentation. C'est ce qui nous permettra de dire s'il y a attribution
de pouvoir ou de qualité. Et en cas de doute, nous préconisons de présumer qu'il y a attribution de
qualité et non de pouvoir. En effet, si l'octroi artificiel d'une qualité à une personne physique ou
morale peut apparaître comme anormale, au regard de la théorie de l'action, l'octroi d'un pouvoir
nous semble encore plus éloigné de la normalité. Car alors, celui pour le compte de qui on agit sans
qu'il n'ait rien demandé, se retrouve, de surcroît, par le jeu de la représentation, partie à une instance
qu'il n'a pas recherchée. L'anormalité est double au lieu d'être simple. Une telle approche nous
semble commandée par les principes classiques d'interprétation du droit objectif.
Ces précisions étant apportées, il convient maintenant d'évoquer diverses hypothèses, non
exhaustives, dans lesquelles une personne se voit ainsi attribuer (artificiellement) qualité pour agir en
défense des intérêts d'autrui. On peut distinguer plusieurs séries de cas, selon que la défense des
intérêts d'autrui incombe à une autorité au sens large (1), à un particulier (2), à un syndicat (3) ou à
une association (4).

1. La défense des intérêts d'autrui par une autorité ou un organe procédural

91 Une autorité publique. – C'est parfois une autorité publique que la loi habilite à agir en
défense des intérêts d'autrui. Ainsi, aux termes de l'article L. 442-6 III du Code de commerce 219,
lorsqu'une action a été engagée devant une juridiction civile ou commerciale, afin de faire
sanctionner une pratique restrictive de la concurrence, le ministre de l'Économie et le ministère
public peuvent demander, outre la cessation des pratiques en cause, la réparation des préjudices
subis 220. Comme on peut l'imaginer, les préjudices subis l'ont été par des personnes, physiques ou
morales, et non par le ministère public ni par le ministre de l'Économie. C'est dire que les deux
organes visés au texte sont habilités à agir en dommages et intérêts pour le compte d'autrui, à savoir
les victimes du trouble. On doit voir dans cette situation une attribution (artificielle) de qualité. Une
représentation des victimes par le ministre ou le parquet serait, en effet, extrêmement choquante, les
victimes pouvant être des personnes physiques dotées d'une pleine capacité.

92 Un organe procédural. – Dans une situation toute différente, on peut également raisonner en
termes de qualité à agir, à propos du mandataire judiciaire désigné par le tribunal, dans le cadre
d'une procédure de sauvegarde des entreprises. La rédaction de l'article L. 622-20 du Code de
commerce est toutefois ambiguë. Ce texte énonce, au sujet de cet organe de la procédure collective,
qu'il a « seul qualité pour agir au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers » 221. La formule est
maladroite puisqu'elle mélange les notions de qualité et de pouvoir 222. Alors, s'agit-il d'une qualité
ou d'un pouvoir ? La Cour de cassation avait répondu, à propos du « représentant des créanciers »,
prédécesseur du mandataire judiciaire avant la réforme du droit des procédures collectives par une
loi du 26 juillet 2005, qu'il était doté du « pouvoir de représenter l'ensemble (...) (des créanciers)
pour la défense de leur intérêt collectif » 223. Il est vrai que l'appellation même de « représentant des
créanciers » plaidait en faveur de cette analyse. Cependant, il nous semble et il nous semblait déjà à
l'époque 224, que c'est en termes de qualité qu'il faut et qu'il fallait analyser la situation.
En effet, il apparaît d'abord difficile d'admettre une représentation de l'ensemble des créanciers.
Cet ensemble n'a, actuellement, pas de personnalité morale 225. Comment pourrait-on le représenter
juridiquement ? Autant vouloir agir au nom d'une personne qui n'existe pas. On ne peut pas dire non
plus que c'est chacun des créanciers pris individuellement qui est représenté, car le mandataire
judiciaire n'a pas pour mission de défendre les intérêts individuels de chacun, mais uniquement leur
prétendu « intérêt collectif » ? De plus, les sommes recouvrées à la suite des actions du mandataire
entrent dans le patrimoine du débiteur. Ce n'est donc qu'indirectement que ces actions profiteront à
ses créanciers. Au premier chef, c'est le débiteur qui en est bénéficiaire. C'est dans son intérêt à lui
que les actions sont exercées ! De surcroît, lorsque le mandataire judiciaire agit contre un tiers,
débiteur du débiteur, il est manifeste qu'il apparaît plus comme un représentant du débiteur en
redressement judiciaire que comme celui de ses créanciers. En réalité, le mandataire tient simplement
de la loi une habilitation à agir en tant qu'organe d'une procédure de redressement judiciaire. Quand
il engage une action, c'est directement dans l'intérêt du débiteur lui-même et, à notre avis, sans
représentation de qui que ce soit. C'est donc bien en terme de qualité et non de pouvoir qu'il faut,
selon nous, analyser l'action qu'il exerce.

2. La défense des intérêts d'autrui par un particulier

93 L'action oblique. – Il arrive qu'un simple particulier soit habilité par la loi, dans certaines
situations, à agir en justice dans l'intérêt d'autrui. L'action oblique régie par l'article 1166 du Code
civil en constitue une bonne illustration. Ce texte énonce que « les créanciers peuvent exercer tous les
droits et actions de leur débiteur, à l'exception de ceux qui sont exclusivement attachés à la
personne ». Un créancier peut ainsi assigner le débiteur de son débiteur pour obtenir, par exemple, le
paiement d'une somme à ce dernier 226 ou la délivrance d'une chose de genre. Il peut encore agir en
revendication d'un bien, pour le compte de son débiteur. Dans tous les cas, le bénéfice direct de cette
action ira au débiteur pour le compte de qui l'action oblique a été exercée, car les sommes ou les
biens ainsi obtenus entreront dans son patrimoine. Bien sûr, indirectement, le créancier pourra en
profiter puisque l'enrichissement de son débiteur augmente ses chances d'être payé de ce qui lui est
dû. Mais il n'est pas certain qu'il y trouvera son compte, car les autres créanciers du débiteur
pourront, eux aussi, profiter de cet enrichissement du débiteur. Dire que le créancier exerçant l'action
oblique agit dans son propre intérêt 227 est donc, à notre avis, en grande partie inexact. En réalité, s'il
agit dans son intérêt indirect et dans l'intérêt indirect des autres créanciers, il agit surtout et d'abord
dans l'intérêt direct du débiteur. Quant à dire qu'il y a représentation du débiteur par le créancier, ce
n'est pas non plus, selon nous, possible. Le créancier agit pour le compte, mais pas au nom de son
débiteur 228. En effet, s'il y avait représentation, l'exercice abusif d'une action en revendication ou en
paiement, par le créancier exerçant l'action oblique (le prétendu représentant), engagerait la
responsabilité de son représenté, à savoir son débiteur. Une telle condamnation d'un individu qui n'a
rien demandé à personne serait profondément choquante. L'action oblique est donc bien une
illustration du mécanisme par lequel la loi habilite, sous certaines conditions 229, une personne à agir
dans l'intérêt d'autrui. En reconnaissant au créancier « la possibilité d'exercer, à titre personnel, les
droits et actions d'autrui » 230, la loi lui attribue artificiellement une qualité à agir 231.

94 Les actions sociales. – Un deuxième exemple de qualité à agir dans l'intérêt d'autrui peut
être tiré des actions ut singuli et ut plures, en droit des sociétés. L'article 1843-5 du Code civil
dispose, en son alinéa premier, qu'outre « l'action en réparation du préjudice subi personnellement,
un ou plusieurs associés peuvent intenter l'action sociale en responsabilité contre les gérants. Les
demandeurs sont habilités à poursuivre la réparation du préjudice subi par la société ; en cas de
condamnation, les dommages-intérêts sont alloués à la société. » Manifestement, l'action sociale
exercée par un ou plusieurs associés 232 contre un dirigeant ne l'est qu'indirectement dans leur intérêt
propre 233. Les sommes attribuées au titre des dommages et intérêts le seront à la société elle-même,
ce qui montre bien que c'est d'abord dans son intérêt à elle que la demande est formée. La
personnalité de la société étant distincte de celle de ses membres, il y a bien action pour le compte
d'autrui. Reste à déterminer si le ou les associés agissant ut singuli ou ut plures représentent cette
personne morale. Certains auteurs le pensent 234. Tel n'est pas notre cas. En effet, rien, dans les termes
de la loi, n'indique une quelconque représentation. Tout au contraire, l'article R. 225-170 du Code de
commerce, applicable aux sociétés anonymes, indique qu'en cas d'action sociale, « le tribunal ne peut
statuer que si la société a été régulièrement mise en cause par l'intermédiaire de ses représentants
légaux ». Une telle exigence nous semble incompatible avec le mécanisme de la représentation : on
n'a nul besoin de mettre en cause une personne qui, étant représentée, est déjà partie au procès. À
notre avis, les actionnaires exerçant l'action sociale sont habilités à agir en leur propre nom, pour le
compte de la société. On peut parler, si l'on veut, d'action de substitution 235, les intéressés se
substituant à la personne morale 236 pour l'exercice de certains de ses droits, mais on ne peut parler
de pouvoir au sens strict.

95 Les actions de certaines personnes morales de droit public. – On peut citer une série de
cas relevant du droit public, dans lesquels il nous semble qu'un particulier peut être autorisé
judiciairement, et non plus légalement, à exercer une action dans l'intérêt d'autrui. L'article L. 2132-5
du Code général des collectivités territoriales énonce que « tout contribuable inscrit au rôle de la
commune a le droit d'exercer, tant en demande qu'en défense, à ses frais et risques, avec l'autorisation
du tribunal administratif, les actions qu'il croit appartenir à la commune, et que celle-ci,
préalablement appelée à en délibérer, a refusé ou négligé d'exercer » 237. Divers textes du même code
posent des règles similaires, concernant les actions appartenant aux départements 238, aux régions 239
et aux établissements publics de coopération intercommunale 240. L'indication, dans ces textes, que
l'action est exercée par le contribuable « à ses frais et risques » révèle assez clairement qu'il n'y a
pas représentation de la personne morale de droit public. Et, de toute évidence, ce n'est pas dans son
intérêt personnel qu'agit l'intéressé, sauf, peut-être, de manière très indirecte puisque tout ce qui
affecte une collectivité locale peut avoir des répercussions sur ses contribuables. La question se pose
donc de savoir dans l'intérêt de qui est exercée l'action. Pour certains auteurs, on serait en présence
d'une habilitation à agir dans l'intérêt général 241. Cette opinion est séduisante, car il est vrai que
l'intérêt d'une collectivité publique rejoint habituellement l'intérêt général. Malgré tout, nous sommes
plutôt enclins à parler d'exercice d'une action dans l'intérêt d'autrui, dans la mesure où ces personnes
morales de droit public ont parfois des intérêts propres, notamment à travers leur domaine privé, qui
ne rejoignent peut-être pas forcément l'intérêt général.

3. La défense des intérêts personnels d'autrui par une organisation syndicale

96 Des cas nombreux et hétérogènes. – La situation qu'il convient maintenant d'évoquer doit
être distinguée de celle précédemment abordée 242, dans laquelle un syndicat intervenait en justice,
dans « l'intérêt collectif de la profession », aux côtés d'un salarié qui agissait déjà lui-même. C'est, en
effet, d'action dans l'intérêt individuel d'un tiers qu'il est question, à travers divers articles du Code
du travail. Par exemple, l'article L. 7423-2 de ce code dispose que les syndicats professionnels
peuvent exercer les actions civiles fondées sur l'inobservation des dispositions du Code consacrées
aux travailleurs à domicile, en faveur de chacun de leurs membres, sans avoir à justifier d'un mandat
de l'intéressé pourvu que celui-ci ait été averti et n'ait pas déclaré s'y opposer. Le texte précise que
l'intéressé peut toujours intervenir à l'instance engagée par le syndicat. D'autres textes posent des
règles similaires dans d'autres domaines 243, en précisant parfois que le travailleur concerné doit être
averti « par écrit » ou « par lettre recommandée avec demande d'avis de réception » et en visant
parfois les « salariés » ou les « travailleurs », voire « les candidats à un emploi » ou à « un stage ou
une période de formation en entreprise », plutôt que les seuls membres du syndicat. Pareillement,
certains énoncent que l'intéressé peut intervenir à l'instance engagée par le syndicat, tandis que
d'autres ajoutent qu'il peut y mettre un terme à tout moment. Tout ceci apparaît bien décousu, mais
dans ces différents articles, on retrouve des constantes : la personne concernée peut s'opposer à
l'action du syndicat et celui-ci n'a pas à justifier d'un mandat auprès des juges.
Cette dernière affirmation se justifie parfaitement, dès lors que dans toutes ces hypothèses, le
syndicat ne représente pas la personne dont il défend les intérêts. Il agit pour le compte de celle-ci,
mais en son nom propre. Cette analyse a été consacrée par la Cour de cassation, dans un important
arrêt rendu, en l'an 2000, dans l'affaire CGT Roissy contre Servair, sur l'application de ce qui était
alors l'article L. 122-3-16 du Code du travail 244. Pour la Haute Juridiction, l'action exercée par
l'organisation syndicale est « une action de substitution qui lui est personnelle et non une action par
représentation des salariés » 245. Là encore, il y a donc attribution au syndicat, par la loi, d'une qualité
pour agir en défense des intérêts d'autrui 246.
4. La défense des intérêts individuels d'autrui par une association

97 Présentation : défaveur traditionnelle de la loi et faveur limitée de la jurisprudence. –


On sait que le droit français s'est longtemps montré méfiant envers les associations 247. C'est ainsi que
la loi, jusqu'à une période récente, s'est toujours gardée de leur accorder l'habilitation à agir dans
l'intérêt d'autrui, alors que, dans les vingt dernières années du vingtième siècle, elle a multiplié les
textes habilitant les syndicats en ce sens. Mais, paradoxalement, la jurisprudence civile a consacré
très tôt une jurisprudence permettant aux associations relevant d'un certain type, de défendre en
justice la somme des intérêts individuels de leurs membres.

98 La jurisprudence dite « des ligues de défense ». – C'est en 1918 que la chambre civile de
la Cour de cassation a posé une jurisprudence qui autorise certaines associations à agir en défense
des intérêts individuels de leurs membres 248. Précisément, il s'agit de ces associations que l'on
constitue pour réunir les forces d'individus ayant, dans un domaine particulier, des intérêts
convergents 249. On peut penser à des groupements de commerçants et d'artisans d'une ville craignant
la concurrence des grandes sociétés de distribution 250, de locataires d'un même ensemble
immobilier 251, de riverains d'une voie ferrée, de victimes d'un carambolage, d'usagers des transports
en commun d'une ville ou d'une région etc. En résumé, ces groupements, admis par la jurisprudence
civile à agir en justice dans l'intérêt de leurs membres, sont des comités de quartier, des ligues de
défense (d'où l'appellation de cette jurisprudence), des rassemblements d'individus désireux de
préserver leurs intérêts personnels dans tel ou tel domaine.
Cela étant, l'action des associations en défense des intérêts personnels d'autrui est soumise à
certaines conditions. Tout d'abord, elles ne peuvent agir en justice que dans l'intérêt de leurs membres
ou de certains d'entre eux. Il n'est pas question qu'elles agissent pour le compte de tiers à
l'association 252, comme peuvent généralement le faire les syndicats. Ensuite, il faut que leurs statuts
prévoient la possibilité de former une action dans l'intérêt de leurs adhérents 253.
L'analyse qu'il convient de retenir de l'action exercée par une association conformément à la
jurisprudence des ligues de défense est discutée en doctrine. Certains auteurs retiennent l'idée d'un
mandat que les membres donneraient à leur groupement 254. L'idée est séduisante, mais pas totalement
convaincante. En effet, si les adhérents de l'association peuvent agir concomitamment avec elle,
comme cela semble être admis en jurisprudence 255, on voit mal comment elle pourrait les
représenter. De plus, nous doutons que, dans l'hypothèse où la demande de l'association serait
rejetée, il soit concevable de condamner directement les adhérents pour le compte de qui l'action a
été exercée, à des dommages et intérêts pour abus du droit d'agir. C'est pourtant ce à quoi conduirait
une véritable représentation. À notre avis, il n'y a pas représentation de ses membres par
l'association. Ce n'est pas un pouvoir qui lui est octroyé, mais une qualité à agir dans l'intérêt
d'autrui 256.
La jurisprudence « des ligues de défense » tranche avec la réserve dont la Cour de cassation a
longtemps fait preuve sur la question de la défense d'intérêts collectifs (entendus comme une cause
d'intérêt public ou privé) par les associations 257. Cette ancienne réserve explique sans doute que
certains magistrats aient eu tendance à accueillir l'action en défense d'une prétendue « grande cause »
(notamment d'ordre religieux ou politique) sous couvert de défense des intérêts individuels des
membres du groupement 258. Cette confusion, délibérée ou non, était facilitée par la coexistence
fréquente, au sein de l'objet social, du souci de défendre une « cause » et de la mission de défendre
les intérêts individuels (notamment moraux) des adhérents 259. On peut espérer que l'évolution qu'a
connue la jurisprudence, dans les années 2000 260, en matière de défense d'intérêts collectifs
dispensera désormais les juges de ce genre d'amalgame.

99 Vers un alignement législatif des associations sur les syndicats ? – Contrairement à la


jurisprudence civile, le législateur n'est, traditionnellement, pas favorable à l'action des associations
en défense des intérêts d'autrui. Cependant, depuis quelques décennies, on constate une faveur
grandissante de la loi envers les mouvements associatifs. Nous avons vu que des textes de plus en
plus nombreux instauraient, au profit de diverses associations, des possibilités d'action en justice au
nom d'un « intérêt collectif » rejoignant, en réalité, l'intérêt général. Nous verrons plus tard que,
durant les années 1990, ont également été instaurés, notamment en droit de la consommation, des cas
de « représentation conjointe » de consommateurs par des associations 261. Cet accroissement de la
faveur du législateur s'est confirmé avec au moins deux textes, à commencer par la loi n 2001-1066
o

du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations, qui a introduit dans le Code du
travail un texte intéressant les associations. Il s'agit, aujourd'hui, de l'article L. 1134-3 du Code du
travail, qui est ainsi rédigé : « Les associations régulièrement constituées depuis cinq ans au moins
pour la lutte contre les discriminations ou œuvrant dans le domaine du handicap peuvent exercer en
justice toutes actions résultant de l'application des dispositions du chapitre II. Elles peuvent exercer
ces actions en faveur d'un candidat à un emploi, à un stage ou une période de formation en entreprise
ou d'un salarié dans les conditions prévues à l'article L. 1134-1, sous réserve de justifier d'un accord
écrit de l'intéressé. L'intéressé peut toujours intervenir à l'instance engagée par l'association et y
mettre un terme à tout moment ». En résumé, en présence de certaines discriminations 262, les
associations répondant aux conditions précitées ont désormais qualité pour agir en justice dans
l'intérêt des victimes. Le second texte qui a confirmé la faveur du législateur envers les associations a
été introduit dans le Code de procédure civile par un décret du 20 août 2008 : l'article 1263-1 du
Code de procédure énonce que « les associations régulièrement déclarées depuis au moins cinq ans
et se proposant, par leurs statuts, de lutter contre les discriminations peuvent exercer les actions en
justice qui naissent de la loi n 2008-496 du 27 mai 2008 en faveur de la victime d'une
o

discrimination. L'association doit justifier avoir obtenu l'accord écrit de l'intéressé » qui « pourra, à
tout moment, intervenir dans l'instance engagée par l'association ou y mettre fin ». L'article 1263-1 est
encore plus large par son champ d'application, que le texte évoqué précédemment, car les
discriminations qu'il vise et qui sont fondées sur l'ethnie, la race, la religion, les convictions, l'âge, le
handicap, l'orientation sexuelle ou le sexe de la victime, ne concernent pas que le monde du travail,
mais aussi, par exemple, la protection sociale, l'accès à la santé ou la fourniture de biens et de
services.
Le rapport que l'on peut établir entre ces articles et les actions syndicales en défense des intérêts
d'autrui est évident, ces textes étant manifestement inspirés de ceux que nous avons évoqués à propos
des syndicats 263. Certes, les associations ainsi habilitées devront justifier d'un « accord écrit de
l'intéressé », là où la plupart du temps, les syndicats doivent simplement l'avoir averti de leur action.
Mais ce n'est pas pour autant qu'il y aura représentation. Un accord écrit ne signifie pas forcément un
mandat. On notera également que cette habilitation législative de certaines associations n'est pas une
consécration de la jurisprudence des ligues de défense que nous venons d'évoquer. En effet, le texte
n'exige nullement que la personne dont les intérêts sont en jeu soit un adhérent de l'association. Il
s'agit bien d'un alignement du statut de certaines associations sur celui des syndicats. On peut penser
que le mouvement d'alignement ne s'arrêtera pas là et que les articles L. 1134-3 du Code du travail et
1263-1 du Code de procédure civile préfigurent d'autres textes qui iront dans le même sens.

C. L’ACTION DE GROUPE

100 Notion et origine. – Les actions de groupe reposent sur une idée simple : il arrive qu’un
professionnel cause un préjudice à de nombreuses personnes et que celles-ci soient dissuadées d’agir
en réparation, par la modicité des sommes en cause. Imaginons, par exemple, qu’un opérateur de
téléphonie mobile facture indument quelques minutes de communication à des milliers de clients.
Bien rares seront ceux qui intenteront un procès pour récupérer les quelques euros, voire les quelques
centimes, auxquels ils ont droit. La violation d’une règle de droit ou de stipulations contractuelles par
l’entreprise aura donc engendré un préjudice de masse qui ne sera pas réparé. L’action de groupe a
pour vocation de remédier à ce type de situation, en permettant à une personne d’agir pour le compte
du groupe que constituent les victimes et d’obtenir la condamnation du professionnel à indemniser
chacune d’elles.
Les actions de groupe appartiennent initialement au droit anglo-américain et, par son
intermédiaire, au droit québécois qui les connaît sous l’appellation de « recours collectifs ». Elles
sont apparues en Angleterre au cours du XVIII siècle, devant la Cour de chancellerie. Lorsqu'un
e

procès mettait en jeu des intérêts identiques, le juge ordonnait la jonction des demandes. Il lui arrivait
même de rendre parties, sans qu'elles le sachent, des personnes intéressées qui n'avaient pas comparu
devant lui. C'est ce mécanisme qui s'est implanté aux États-Unis et qui s'y est développé, donnant
naissance aux recours collectifs qu'on appelle en anglais les class actions 264. Dans les éditions
antérieures de cet ouvrage, nous présentions le droit québécois du recours collectif. Ceci ne se
justifie plus, dès lors qu’une action de groupe existe désormais en France. Ceux des lecteurs qui
souhaiteraient lire cette présentation du droit québécois pourront se reporter à nos précédentes
éditions 265.
Dans les années 2000, les actions de groupe sont apparues dans plusieurs pays européens 266. Leur
naissance en droit français a été consacrée dans le Code de la consommation par la loi nº 2014-344
du 17 mars 2014 et le décret nº 2014-1081 du 24 septembre 2014 267, au terme d’une trentaine
d’années de réflexion et d’hésitations 268. L’explication de cette longue gestation est à rechercher dans
les effets pervers des class actions nord-américaines. Aux États-Unis et au Canada, des avocats font
profession de provoquer des class actions au moindre prétexte, contre des entreprises réputées
solvables, ce qui contribue à la judiciarisation de la société et nuit à la sérénité des agents
économiques. Le législateur français s’est efforcé d’écarter les risques de dérive « à
l’Américaine » 269, en limitant de manière draconienne la liste des personnes susceptibles de
déclencher une action de groupe et en encadrant strictement les conditions de cette action (1). Le
résultat de ses efforts est une procédure « à la Française » assez originale (2), mais dont l’aptitude à
atteindre les objectifs poursuivis est quelque peu douteuse (3).

1. Les conditions de recevabilité de l’action de groupe

101 Un domaine limité. – La loi du 17 mars 2014 a circonscrit le domaine des actions de
groupe au champ du droit de la consommation et, dans une moindre mesure, à celui du droit de la
concurrence. De l’article L. 423-1 du Code de la consommation, il ressort que cette action tend à
« obtenir la réparation des préjudices individuels subis par des consommateurs 270 placés dans une
situation similaire ou identique et ayant pour cause commune un manquement d'un ou des mêmes
professionnels à leurs obligations légales ou contractuelles » 271. Le litige peut découler de « la vente
de biens ou de la fourniture de services » ou résulter « de pratiques anticoncurrentielles au sens du
titre II du livre IV du Code de commerce 272 ou des articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement
de l'Union européenne 273 ». Sont donc susceptibles d’être assignés des fournisseurs de téléphonie,
des établissements de crédit, des sociétés d’assurance, des transporteurs, des fabricants
d’automobiles, des entreprises de la grande distribution, etc. Certains se verront reprocher la vente
de produits défectueux, d’autres la fourniture de services de mauvaise qualité, le non-respect de
contrats ou de règles de droit ou une entente destinée à maintenir des prix élevés... Mais l’action ne
pourra tendre qu’à l’indemnisation de victimes ayant la qualité de consommateurs, ce qui exclut les
professionnels ayant acheté un bien ou un service pour les besoins de leur entreprise. Enfin, « l'action
de groupe ne peut porter que sur la réparation des préjudices patrimoniaux résultant des dommages
matériels subis par les consommateurs ». Sont donc exclues les actions tendant à la réparation d’un
dommage moral ou corporel. Par exemple, à l’heure actuelle, serait irrecevable une demande formée
par voie d’action de groupe qui tendrait à la réparation des souffrances imputables à une intoxication
par un aliment contaminé ou un médicament défectueux. Pareillement, les préjudices de masse, même
purement matériels, subis par les victimes d’une pollution industrielle de l’air ou d’un cours d’eau ne
peuvent pas, en droit actuel, donner lieu à une action de groupe, dès lors que cette pollution ne résulte
pas d’une vente ou d’une fourniture de services aux victimes. Les choses pourraient évoluer, puisque
les pouvoirs publics envisagent d’élargir ce type d’action aux domaines de la santé et de
l’environnement.

102 Une action attitrée. – Le législateur de 2014 ne s’est pas borné à limiter le domaine des
actions de groupe en posant des conditions de recevabilité liées à la nature du dommage ou à la
qualité des victimes. Il a également restreint la liste des personnes susceptibles de les exercer. En
effet, l’article L. 423-1 du Code de la consommation n’autorise à agir que les associations de défense
des consommateurs représentatives au niveau national et agréées en application de l’article L. 411-1
du même code 274. Concrètement, aucune personne physique ne peut engager une action de groupe et,
parmi les personnes morales, seules quelques associations nationales le peuvent, parce que la loi leur
confère qualité 275 pour cela. La circulaire du 26 septembre 2014 276 en recensait une quinzaine. Le
risque de voir l’action de groupe se transformer en l’instrument d’un harcèlement des entreprises par
des associations microscopiques composées d’excités est donc écarté. Seules des structures
importantes et d’envergure nationale peuvent initier ce genre de procédure.
Il est probable que lorsque l’une d’elles aura engagé une action de groupe, les autres s’en
abstiendront. Mais ce n’est pas une obligation ; il n’y a pas, en ce domaine de « prix de la course ». Il
pourra ainsi arriver que le défendeur soit assigné devant le même juge ou devant des juges
différents 277, par deux ou plusieurs associations. Cette possibilité est clairement évoquée à
l’article R. 423-15 du Code de la consommation. Selon les cas, la difficulté pourra se régler par une
jonction d’instance ou une exception de connexité 278, comme il pourra arriver que plusieurs
jugements soient prononcés 279. Il n’y aura cependant pas de risque de contrariété de décisions, car
chaque consommateur ne peut bénéficier que d’une action de groupe, en s’adressant à l’une ou l’autre
des associations demanderesses. Les décisions obtenues au terme d’actions engagées par plusieurs
associations distinctes ne peuvent donc pas être inconciliables dans leur application 280, quand bien
même elles prévoiraient des montants d’indemnisation différents : elles ne profitent pas aux mêmes
personnes.
2. Le déroulement de la procédure d’action de groupe

103 La compétence. – La compétence pour connaître des actions de groupe des


articles L. 423-1 et suivants du Code de la consommation est attribuée au tribunal de grande instance
et, plus précisément, à celui du lieu où demeure le défendeur 281. Si le défendeur demeure à l'étranger
ou s’il « n'a ni domicile ni résidence connus » (ce qui est une hypothèse d’école), le tribunal
territorialement compétent est celui de Paris. Présentées ainsi, les choses paraissent simples. En
réalité, elles sont un peu plus complexes. Tout d’abord, un défendeur personne morale peut
« demeurer » en plusieurs lieux, en ce sens qu’il peut avoir plusieurs établissements où l’on peut
l’assigner. Pour savoir devant quel tribunal de grande instance peut être introduite l’action de groupe,
il faudra donc déterminer le siège de la personne morale défenderesse, mais aussi le lieu de ses
succursales principales 282. De plus, lorsque le défendeur demeure à l’étranger, la compétence du
tribunal de Paris suppose d’abord que le juge français soit compétent au regard des règles du droit
international privé. Il faudra donc préalablement interroger les règles de conflit de juridictions
applicables. Par exemple, si le défendeur n’a d’établissement qu’en Allemagne, le juge français ne
sera compétent, pour connaître d’une action de groupe relative à des ventes de marchandises, que si,
en vertu des contrats, les marchandises ont été ou auraient dû être livrées en France 283. Enfin, quand
une action de groupe est fondée sur une atteinte au droit de la concurrence, il faut prendre en compte
les règles du Code de commerce qui, dans ce domaine, attribuent compétence à des tribunaux
spécialisés. Ainsi, pour prendre un dernier exemple, si une société défenderesse a son siège et unique
établissement dans le ressort du tribunal de grande instance de Lisieux (Normandie), c’est le tribunal
de grande instance de Rennes (Bretagne) qui sera compétent pour se prononcer sur l’action de
groupe, car en matière de concurrence, ce tribunal a une compétence qui s’étend sur un vaste
territoire englobant la Bretagne, mais aussi les ressorts des cours d’appel de Caen, Angers et
Poitiers 284.

104 L’introduction de l’instance et les règles procédurales applicables. – On retrouve la


procédure propre au droit de la concurrence dans le déroulement de la procédure d’action de groupe
(c), mais aussi, bien sûr, la procédure ordinaire (a), ainsi qu’une procédure simplifiée qui mérite
d’être évoquée (b). Mais, dans tous les cas, l’action est introduite par une assignation qui expose, à
peine de nullité, les cas individuels présentés par l'association au soutien de son action 285. En
théorie, deux cas suffisent, mais en pratique l’association demanderesse aura intérêt à étoffer sa liste,
afin de convaincre le juge de ce que les conditions de l’action de groupe sont bien réunies. Pour le
reste, les règles du Code de procédure civile s’appliquent. On suivra la procédure contentieuse
ordinaire devant le tribunal de grande instance et l’appel sera jugé à bref délai 286. Il existe aussi une
possibilité de médiation qui conduit, en cas de succès, à un accord négocié au nom du groupe et que
le juge homologue après avoir vérifié sa conformité aux intérêts des consommateurs concernés. On se
contentera de cette évocation 287.
a) La procédure ordinaire

105 Première phase : le jugement sur le fond. – La procédure ordinaire 288 comporte trois
phases dont la première est la plus classique sur le plan procédural puisqu’elle comporte peu de
spécificités par rapport à la procédure suivie lors d’un procès ordinaire en responsabilité civile. En
effet, en vertu de l’article L. 423-3 du Code de la consommation, le juge constate, dans la même
décision, que les conditions de recevabilité de la demande sont réunies et il statue sur la
responsabilité du professionnel, au vu des cas individuels présentés par l'association requérante.
Ensuite apparaissent les premières spécificités. En effet, le juge définit le groupe des consommateurs
à l'égard desquels la responsabilité du professionnel est engagée et il en fixe les critères de
rattachement. Il détermine aussi les préjudices susceptibles d'être réparés pour chaque consommateur
ou chacune des catégories de consommateurs constituant le groupe qu'il a défini, ainsi que leur
montant ou tous les éléments permettant l'évaluation de ces préjudices. Lorsqu'une réparation en
nature 289 du préjudice lui paraît plus adaptée, le juge précise les conditions de sa mise en œuvre par
le professionnel. À cette fin, à tout moment de la procédure, il peut ordonner toute mesure
d'instruction légalement admissible nécessaire à la conservation des preuves, comme il peut ordonner
la production de pièces, y compris de celles détenues par le professionnel. Il a également le pouvoir
de condamner le professionnel au paiement d'une provision à valoir sur les frais non compris dans
les dépens exposés par l'association (honoraires de son avocat...) 290. Cela suppose, bien sûr, que le
principe de la responsabilité du défendeur soit retenu.
Si le défendeur est jugé responsable, le juge ordonne, dans la même décision, toutes les mesures
nécessaires à la suite de la procédure. Il prescrit ainsi des mesures de publicité adaptées, afin de
permettre aux consommateurs concernés d’être informés de la décision 291. Ces mesures de publicité
sont à la charge du professionnel. Elles ne peuvent être mises en œuvre qu'une fois que la décision
sur la responsabilité n'est plus susceptible de recours. Il s’agit d’éviter de nuire à la réputation d’une
entreprise dont la responsabilité serait finalement écartée au terme de la procédure. Toujours dans la
même décision, le juge fixe le délai dont disposent les consommateurs pour adhérer au groupe afin
d'obtenir la réparation de leur préjudice 292. Ce délai est d’une durée comprise entre deux et six mois
et court à compter de l'achèvement des mesures de publicité. Le tribunal détermine également les
modalités de cette adhésion et précise notamment si les consommateurs doivent s'adresser
directement au professionnel ou passer par l'intermédiaire de l'association. Enfin, le jugement fixe un
délai dans lequel le défendeur devra procéder à la réparation des préjudices des consommateurs
lésés et il en fixe un autre, ouvert à l’expiration du premier, dans lequel on pourra saisir à nouveau le
juge des demandes d'indemnisation auxquelles le professionnel n'aura pas fait droit 293. À cette fin, le
jugement sur la responsabilité arrête la date de l’audience à laquelle seront examinées ces demandes
non satisfaites 294.

106 Deuxième phase : l’exécution du jugement. – Dans le meilleur des cas, cette phase est
non judiciaire. Chacun des consommateurs qui pensent être dans la catégorie déterminée par le
jugement doit, s’il entend profiter de cette décision, adhérer au groupe. Il lui suffit, pour cela, de
suivre les indications du jugement telles qu’elles ont été publiées 295. Tantôt, il lui faudra s’adresser à
l’association, tantôt à un avocat ou un huissier que l’association aura été autorisée par le jugement à
s’adjoindre pour l’aider à recevoir les adhésions au groupe et représenter les consommateurs auprès
du professionnel 296. Parfois, c’est directement auprès du professionnel que le consommateur sera
invité à se manifester. L’association devra, bien sûr, être informée de cette adhésion 297. Dans tous les
cas, l’acte d’adhésion au groupe comporte l’indication du montant demandé par le consommateur 298.
De plus, il emporte mandat 299 donné à l’association de percevoir les sommes dues 300 et, si le
versement n’a pas lieu, de représenter le consommateur lors de la troisième phase de la procédure,
c’est-à-dire devant le tribunal que l’association saisira pour qu’il statue sur les demandes
d’indemnisation auxquelles le professionnel n’aura pas fait droit.
L’originalité de la procédure d’action de groupe à la française tient certainement au fait que les
consommateurs ne sont appelés à se prononcer sur leur adhésion au groupe qu’après que le jugement
sur la responsabilité a été rendu. Dans la plupart des pays qui connaissent une action de groupe, un
recours collectif ou une class action, la première phase de la procédure porte sur la recevabilité de
la demande, la délimitation des contours du groupe et les mesures de publicité à prendre, mais pas
sur le montant de la condamnation. Le particulier qui décide d’adhérer au groupe (ou de s’y
maintenir) ne sait pas encore ce qu’il obtiendra, ni même s’il obtiendra quelque chose du juge. Ce
n’est qu’une fois le groupe constitué que le jugement sur la responsabilité sera rendu. Au contraire, en
France, le consommateur sait, au moment d’opter, ce que contient le jugement relatif à la
responsabilité du professionnel. Il n’est donc confronté à aucun aléa : il devient partie à la procédure
alors que la condamnation de son adversaire est déjà prononcée ! C’est très inhabituel en droit
comparé 301.
Durant toute la deuxième phase de la procédure, c’est le juge de la mise en état qui est chargé de
statuer sur les incidents qui pourraient se produire. En effet, l’article R. 423-7 du Code de la
consommation dispose que le jugement sur la responsabilité « renvoie l’affaire à la mise en état pour
la suite de la procédure ». C’est donc vers ce magistrat que l’association devra se tourner si, par
exemple, le professionnel omet de procéder aux mesures de publicité ordonnées dans le jugement ou
s’il refuse de verser une provision prévue dans cette même décision. Le pouvoir du juge de la mise
en état est d’autant plus important que son ordonnance est insusceptible d’appel, en vertu de
l’article R. 423-19. Une fois écoulé le délai dans lequel le professionnel est censé indemniser les
consommateurs, on retourne devant le tribunal pour la troisième et dernière phase de la procédure.

107 Troisième phase : le jugement sur les créances individuelles impayées. – La troisième et
dernière phase de la procédure est certainement la plus courte. Le principe, on l’a vu, est celui d’une
exécution amiable du jugement sur la responsabilité. Mais il peut arriver qu’un consommateur ne
remplisse pas, aux yeux du professionnel condamné, les conditions pour obtenir l’indemnisation
sollicitée. On peut imaginer un prétendu créancier qui n’établit pas la preuve de son achat ou dont le
préjudice semble inférieur à celui qu’il allègue. Le professionnel refusera sans doute de verser les
sommes réclamées par l’intéressé. L’association qui représente les adhérents au groupe pourra alors
saisir le tribunal par voie de conclusions 302 pour obtenir une nouvelle décision de justice qui, cette
fois-ci, portera sur des cas individuels clairement identifiés. Une seule décision sera rendue « sur
toutes les demandes d'indemnisation auxquelles le professionnel » n'aura pas fait droit 303. Pour tous
les autres membres du groupe, il n’y aura pas lieu à jugement, puisqu’ils auront déjà été indemnisés.
Bien entendu, ce dernier jugement n’aura pas lieu d’être si le tribunal n’est saisi d’aucune demande
d’indemnisation, auquel cas le juge se bornera à constater l’extinction de l’instance 304.
Au-delà de cette troisième phase procédurale, tout contentieux n’est pas forcément écarté,
essentiellement pour deux raisons : d’abord parce qu’il peut arriver que le second jugement de
condamnation reste lui-même lettre morte. La résistance du débiteur ne peut alors être vaincue que
par les procédures civiles d’exécution. Dans cette perspective, l’article L. 423-13 du Code de la
consommation prévoit que le mandat donné à l’association requérante par l’adhérent au groupe
perdure pour les besoins de l’exécution forcée du second jugement. Elle a donc le pouvoir de
s’adresser à un huissier de justice au nom et pour le compte du consommateur créancier et, sur le
fondement du jugement exécutoire, de faire procéder à la saisie de biens du débiteur. Si tout
contentieux n’est pas écarté, c’est ensuite parce que l’autorité de la chose jugée sur l’action de
groupe ne fait pas obstacle à toutes les demandes susceptibles d’être formées à l’encontre du
professionnel.
108 L’autorité de chose jugée des décisions. – Les décisions rendues sur la responsabilité
(dans la première phase procédurale comme dans la troisième) ont autorité de chose jugée. Cette
autorité rend donc irrecevable toute demande d’un membre du groupe qui tendrait à une nouvelle
indemnisation du même préjudice, dès lors qu’il a déjà été indemnisé 305. En revanche, les dommages
qui n’entrent pas dans le champ de l’action de groupe peuvent faire l’objet d’une demande
individuelle du consommateur, que ce soit avant, pendant ou après la procédure diligentée par
l’association 306. On pense par exemple aux préjudices corporels ou moraux qui, on l’a vu, sont
exclus du domaine de l’action de groupe. Il est tout aussi évident que les décisions prononcées dans
la procédure d’action de groupe n’ont pas autorité de chose jugée à l’égard de ceux qui n’ont pas
adhéré au groupe ou qui ont renoncé à leur adhésion 307.
La question de l’autorité de chose jugée concerne également les associations susceptibles
d’exercer une action de groupe contre le professionnel. Que la première action ait été rejetée ou
qu’elle ait conduit à la condamnation du défendeur, il est évident que l’association qui a exercé une
action de groupe contre un professionnel est irrecevable à présenter une nouvelle demande à raison
des préjudices sur lesquels s’est prononcé le juge : elle était partie au litige qui a donné lieu au
jugement 308. Mais d’autres associations habilitées à agir peuvent-elles repartir à l’attaque contre ce
même défendeur, là encore à raison des mêmes préjudices ? La réponse apportée par la loi est
négative 309. Il est possible que plusieurs associations agissent en même temps et il est même
envisageable qu’elles obtiennent chacune un jugement 310, mais une fois qu’une action de groupe a
débouché sur un jugement, il n’est plus possible d’en introduire une autre relativement aux mêmes
dommages. Il y a, en quelque sorte, un épuisement des actions de groupe, comme si le groupe était
une personne morale (ce qu’il n’est pas) qui aurait déjà été partie à un premier procès. Cette
extension de la chose jugée aux autres associations habilitées à agir n’est pas sans rappeler les effets
d’une déclaration de jugement commun 311 ou la théorie de la représentation qui sévit en matière de
tierce opposition 312. La solution est bienvenue, car il serait intolérable que les actions s’enchaînent
les unes après les autres, au profit d’un même groupe. Il suffirait que l’association X ait été déboutée,
pour que l’association Y prenne le relais et tente sa chance ! Ce scénario cauchemardesque est
heureusement impossible.
b) La procédure simplifiée

109 Une spécificité discutable. – La procédure d’action de groupe simplifiée est régie par les
articles L. 423-10 et R. 423-8 et suivants du Code de la consommation. Elle est applicable « lorsque
l'identité et le nombre des consommateurs lésés sont connus et lorsque ces consommateurs ont subi un
préjudice d'un même montant, d'un montant identique par prestation rendue ou d'un montant identique
par référence à une période ou à une durée ». Ce qui justifie une procédure simplifiée aux yeux du
législateur, c’est donc la simplicité de la situation : les victimes sont facilement identifiables parce
qu’elles sont connues du professionnel qui en a la liste. On pense, par exemple, aux abonnés d’un
organe de presse ou d’un fournisseur d’accès à internet. De plus, leur préjudice est facile à évaluer et
ne suppose pas de calculs complexes auxquels il faudrait se livrer au cas par cas.
Quant à son déroulement, la procédure simplifiée présente trois particularités qui apparaissent à
la lecture de l’article L. 423-10. Tout d’abord, l’information des consommateurs aux frais du
professionnel n’est pas effectuée collectivement (par exemple par voie de presse), mais
individuellement. Ensuite, le consommateur n’a pas à procéder à une adhésion à proprement parler au
groupe. Ayant été contacté individuellement, il a simplement à accepter l’indemnisation qui lui est
proposée dans les termes du jugement 313. Enfin, le juge peut décider que les sommes qui reviennent
au consommateur lui seront versées directement par le professionnel, sans transiter par le compte de
l’association.
À défaut d’adhésion stricto sensu au groupe, c’est l’acceptation de l’indemnisation qui vaudra
mandat à l’association de rechercher la réparation du dommage, notamment dans la perspective d’un
refus d’indemnisation et d’une demande de liquidation de la créance qui serait adressée au tribunal
dans le cadre de la troisième phase de la procédure 314. Plus largement, ce sont normalement les
règles de la procédure d’action de groupe ordinaire qui doivent, de toute évidence, s’appliquer. La
procédure ordinaire fait, en quelque sorte, office de droit commun de l’action de groupe. Pourtant, il
apparaît que la procédure dite « simplifiée » l’est finalement bien peu. Pour l’essentiel, c’est la
procédure ordinaire assortie de deux ou trois particularités fondées sur la simplicité de la situation
litigieuse. Était-ce la peine d’instaurer une procédure spécifique pour si peu ? On pouvait tout aussi
bien mettre à la disposition du juge les quelques règles spéciales apparaissant utiles dans les
situations les plus simples, sans les présenter comme une procédure à part.
c) Les modalités spécifiques au droit de la concurrence

110 Un régime exorbitant. – L’article L. 423-17 du Code de la consommation dispose que


« lorsque les manquements reprochés au professionnel portent sur le respect des règles définies au
titre II du livre IV du Code de commerce ou des articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de
l'Union européenne, la responsabilité du professionnel ne peut être prononcée dans le cadre de
l'action (...) (de groupe) que sur le fondement d'une décision prononcée à l'encontre du professionnel
par les autorités ou juridictions nationales ou de l'Union européenne compétentes, qui constate les
manquements et qui n'est plus susceptible de recours pour la partie relative à l'établissement des
manquements ». En d’autres termes, lorsque l’action de groupe repose sur des atteintes à la
concurrence reprochées au professionnel défendeur, la condamnation de ce dernier dans le cadre de
l’action de groupe suppose qu’existe déjà une décision rendue par une autorité ou une juridiction
françaises ou de l’Union européenne constatant ces atteintes. Il peut donc s’agir, par exemple, du
jugement d’un tribunal de commerce français, d’une décision de l’Autorité de la concurrence ou
d’une décision de la Commission européenne 315, pourvu qu’elle constate une violation des règles du
droit de la concurrence et qu’elle soit désormais irrévocable sur ce point.
La raison d’être de l’article L. 423-17 est d’amener des personnes de droit privé (en l’occurrence
des associations) à contribuer à la lutte contre les pratiques anticoncurrentielles. Ainsi, une
association agréée peut engager une action de groupe contre des sociétés qui auraient conclu une
entente illicite sur les prix, cette entente ayant pour objectif et résultat de maintenir les prix à un
niveau élevé, au détriment des consommateurs. Les particularités procédurales qui accompagnent
cette introduction des actions de groupe dans le droit de la concurrence sont triples. Tout d’abord, la
loi dispose que le tribunal ne peut pas statuer sur la responsabilité tant que le manquement n’a pas été
constaté irrévocablement par une juridiction ou une autorité compétente. Il doit donc surseoir à
statuer. Comme l’a écrit un auteur 316, on pourrait presque dire que « les autorités de la concurrence
tiennent le civil en l’état », par analogie avec la règle traditionnelle selon laquelle « le criminel tient
le civil en l’état » 317. La deuxième particularité est aussi originale que la première, puisqu’il s’agit
de l’instauration d’une autorité positive de chose jugée 318 (ou de chose décidée pour ce qui est des
autorités administratives !) au profit de la décision judiciaire ou administrative rendue préalablement
par une juridiction ou une autorité française ou européenne. En effet, selon l’article L. 423-17, « les
manquements du professionnel sont réputés établis de manière irréfragable » à l’égard du tribunal
saisi de l’action de groupe. Le tribunal doit donc tenir pour acquis les manquements constatés
préalablement par l’Autorité de la concurrence, tel tribunal français ou telle autorité communautaire
compétente. La solution est surprenante au regard du principe de la séparation des pouvoirs.
Enfin, une troisième particularité, moins originale, doit être signalée. Dès lors que le manquement
reproché au professionnel a été constaté irrévocablement par une juridiction ou une autorité
compétente, il n’existe plus de risque qu’une entreprise soit stigmatisée à tort. C’est pourquoi
l’article L. 423-19 du Code de la consommation autorise le juge à ordonner les mesures de publicité
destinées à informer les consommateurs de l’existence de l’action de groupe, sans attendre
l’expiration des voies de recours.

3. Analyse et appréciation de l’action de groupe

111 Une institution ambitieuse au succès incertain. – Il est incontestable que le législateur
attache une grande importance à l’action de groupe. En témoignent le caractère d’ordre public qui lui
est reconnu 319, mais aussi le soin avec lequel les textes de 2014 ont été élaborés. Sur un plan
technique, le résultat est intéressant. Certaines des règles relatives à l’action de groupe paraissent
iconoclastes, mais d’autres ne manquent pas d’ingéniosité et toutes sont originales, à des degrés
divers. Un mécanisme présente sans doute tous ces caractères à la fois : c’est celui qui conduit un
consommateur à adhérer au groupe alors que la décision sur la responsabilité est déjà rendue.
Originale, la solution l’est par rapport aux législations nord-américaines qui proposent deux
méthodes désignées sous les appellations d’opt in (ou opting in) et d’opt out (ou opting out).
Lorsque le système retenu par le droit est l’opt in, un particulier ne bénéficie de la procédure
d’action de groupe que s’il manifeste la volonté d’adhérer au groupe. Le système inverse de l’opt
out, fréquent outre-Atlantique, repose sur le principe d’une adhésion tacite, le particulier étant intégré
d’office dans le groupe et devant manifester son opposition pour en sortir. L’opt out présente
l’avantage de garantir un grand nombre de membres, ce qui n’est pas le cas de l’opt in, qui suppose
que les bénéficiaires de l’action fassent l’effort d’opter. Mais l’opt in est plus respectueux de la
liberté de chacun, l’opt out étant quelque peu attentatoire à la liberté de ne pas agir en justice. Dans
un cas comme dans l’autre, dans les législations nord-américaines ce n’est que dans une phase
postérieure à la réception des options qu’est rendu le jugement sur la responsabilité. Le législateur
français a fait le choix de l’opt in, mais il a rejeté le schéma procédural classique de la class action,
en procédant à l’inversion de la phase de jugement et de la phase d’option. Cette approche originale
est assez iconoclaste, mais elle est également très ingénieuse car l’action de groupe est, de fait,
beaucoup plus attractive pour le consommateur, même dans un système d’opt in, que si un doute
persistait quant à la condamnation.
L’ingéniosité et l’originalité sont également ce qui caractérise la succession des deux périodes de
la procédure d’action de groupe qui sont séparées l’une de l’autre par l’adhésion du consommateur
au groupe. Avant cette adhésion, l’association exerce une action en son propre nom, mais pour le
compte des consommateurs victimes des agissements du professionnel. C’est une pure action dans
l’intérêt personnel d’autrui 320 ou, comme l’écrivent certains auteurs, une action de substitution 321. À
compter de l’adhésion au groupe, l’association reçoit un mandat ad agendum obligatoire et
représente tous ceux qui ont adhéré. L’action qu’elle exerce devient alors clairement une action en
représentation conjointe 322.
Quand on sait le peu de succès qu’a eu l’action en représentation conjointe depuis son apparition
en 1992, on peut s’interroger sur les chances de succès de l’action de groupe. Il existe quelques
raisons d’être optimistes. Ainsi, les mesures de publicité que peut utiliser le juge dans l’action de
groupe sont plus étendues que dans l’action en représentation conjointe et devraient donc toucher plus
de personnes. Mais, à l’inverse, l’utilisation de l’action de groupe risque fort d’être contrariée par la
lenteur prévisible des procès, en particulier lorsque sera en cause le droit de la concurrence et, plus
encore, par le faible nombre d’associations habilitées à agir.

Sous-section 2
La variété des demandes

112 Plan. – Dans un premier temps, seront énoncées les diverses sortes de demandes (§ 1) dans
un second temps, sera abordée l'étude de leurs effets (§ 2).

§ 1. L'ÉNONCÉ DES DIVERSES DEMANDES

113 Actes processuels et actes de procédure. – Le Code de procédure civile énonce les
diverses sortes de demandes dans les articles 53 à 70. En réalité, deux problèmes différents s'y
trouvent traités. D'abord, ces articles donnent la définition des différentes demandes à partir de leur
contenu ; les demandes y sont alors envisagées en tant qu'actes processuels. Mais ils réglementent
aussi les actes qui portent les demandes. Les demandes sont alors régies en tant qu'actes de
procédure. Seul le premier point nous intéresse présentement, le second sera étudié en même temps
que le déroulement du procès devant les juridictions du premier degré 323.
Cela étant, la lecture des articles 53 à 70 fait apparaître une première distinction entre la demande
initiale (A) et les demandes incidentes (B) ; il faut la suivre, même si elle conduit à un plan quelque
peu déséquilibré.

A. LA DEMANDE INITIALE

114 Notion. – Aux termes de l'article 53 du Code de procédure civile, « la demande initiale est
celle par laquelle un plaideur prend l'initiative d'un procès en soumettant au juge ses prétentions ». La
demande initiale constitue le premier acte d'un procès. C'est pourquoi elle est encore appelée
demande introductive d'instance. Les deux expressions sont synonymes et peuvent être employées
indifféremment. Si l'on reprend les comparaisons militaires utilisées par Demolombe 324 pour définir
l'action, la demande initiale marque le déclenchement des hostilités.
Contrairement à ce qu'on pourrait penser au premier abord, un plaideur ne forme pas
nécessairement une seule demande initiale. Il arrive très fréquemment qu'il en forme plusieurs. Par
exemple, le demandeur sollicite du juge la réparation de son préjudice matériel, celle de son
préjudice moral, la remise en état d'une chose donnée et une indemnité au titre de l'article 700 du
Code de procédure civile. Toutes ces demandes sont des demandes initiales. En effet doivent être
ainsi qualifiées toutes les demandes, quel qu'en soit le nombre et quel qu'en soit le contenu, qui se
trouvent réunies dans le premier acte de procédure du demandeur. Il serait inexact de considérer
seulement comme telle la première qui s'y trouve énoncée, et de tenir les autres pour des demandes
incidentes. Il faut dire que toutes ces demandes sont des demandes initiales juxtaposées 325, avec cette
conséquence qu'elles ne sont pas soumises à la condition supplémentaire de recevabilité que pose le
Code pour les demandes incidentes 326.
La demande initiale fournit aussi l'occasion d'une précision terminologique. Encore que la
confusion soit très fréquemment commise, même par les processualistes, il convient, dans la rigueur
des mots, de distinguer la demande de la prétention. La demande, c'est l'acte processuel par lequel le
juge est saisi d'une prétention : la prétention est l'objet de la demande. Ainsi, contrairement à ce que
les mots suggèrent, ce que l'on demande au juge d'accorder, ce n'est pas la demande, c'est la
prétention que l'on soumet au juge au moyen d'une demande.

B. LES DEMANDES INCIDENTES

115 La notion de demande incidente. – Les demandes incidentes sont les demandes qui sont
formées alors qu'une ou plusieurs demandes initiales ont déjà été soumises au juge. Elles s'ajoutent à
la demande initiale, en venant comme se greffer sur elle. Si l'on suivait l'étymologie, on dirait
qu'elles tombent sur la demande initiale 327. Après leur énumération (1), on indiquera la condition
posée par la loi pour leur recevabilité (2).

1. L'énumération des demandes incidentes

116 Types de demandes. – L'article 63 du Code de procédure civile énumère trois sortes de
demandes incidentes la demande reconventionnelle (a), la demande additionnelle (b) et la demande
en intervention (c).
a) La demande reconventionnelle

117 La notion de demande reconventionnelle. – Aux termes de l'article 64 du Code de


procédure civile, « constitue une demande reconventionnelle la demande par laquelle le défendeur
originaire prétend obtenir un avantage autre que le simple rejet de la prétention de son adversaire ».
Cette définition fait ressortir l'originalité de la demande reconventionnelle : c'est une demande qui
émane du défendeur. Or, comme aurait dit M. de La Palice, le rôle normal du défendeur consiste à
défendre, c'est-à-dire à obtenir le simple rejet de la demande de son adversaire. En soumettant au
juge une prétention allant au-delà du simple rejet de celle de son adversaire, il devient à son tour
demandeur et élargit la matière litigieuse.
Supposons, pour reprendre l'exemple le plus classique, que le demandeur sollicite du juge que le
défendeur soit condamné à exécuter une prestation en exécution d'un contrat qui a été partiellement
exécuté. Le défendeur peut soutenir qu'il a déjà exécuté la prestation réclamée, ou encore que le
contrat ne prévoit pas la prestation réclamée. Dans l'un et l'autre cas, le défendeur ne prétend obtenir
que le simple rejet de la demande de son adversaire : il lui oppose de pures défenses. Pareillement,
le défendeur qui se borne à soutenir que le contrat est nul ne présente qu'une défense au fond 328. Mais
sa prétention va au-delà d'une simple défense si, en conséquence de cette nullité, il sollicite la
restitution de ce qu'il a versé auparavant en vertu du contrat 329. Le défendeur forme alors une
demande reconventionnelle 330. Non seulement il soutient qu'il ne doit pas fournir la prestation que lui
réclame le demandeur, mais encore il sollicite autre chose du juge : la restitution de ce qu'il a versé
en vertu du contrat.
Il arrive également qu’une demande reconventionnelle émane du demandeur initial. Il faut, pour
cela, que la nouvelle demande de celui-ci vienne en riposte à une demande reconventionnelle du
défendeur originaire 331. En dépit de la lettre de l’article 64 du Code de procédure civile, la Cour de
cassation admet expressément qu’une demande reconventionnelle soit formée par le demandeur
originaire, marquant ainsi son rejet de l’ancien adage « reconvention sur reconvention ne vaut » 332.
Cela étant, on a peut-être parfois tendance à confondre les demandes reconventionnelles du
demandeur originaire avec ses demandes additionnelles 333. Les premières, assez rares, se
caractérisent par le fait qu’elles n’existeraient pas si le défendeur originaire n’avait pas lui-même
présenté une demande reconventionnelle. Les secondes, plus fréquentes, ne font que modifier ou
compléter une demande initiale sans être pour autant intrinsèquement liées à la demande
reconventionnelle exprimée par l’adversaire. En pratique, cette distinction peut cependant se révéler
byzantine, si bien que l’on gagnerait sans doute à s’en tenir à la lettre de l’article 64 et à considérer
qu’est additionnelle toute nouvelle demande du demandeur originaire.

118 Les demandes reconventionnelles pures et hybrides. – Toutes les demandes


reconventionnelles ne sont pas du même type. Le plus souvent (c'était le cas dans l'exemple cité),
elles peuvent être qualifiées d'acte hybride. On veut dire par là que la demande reconventionnelle
constitue à la fois une défense et une demande. En soulevant la nullité du contrat, le défendeur vise à
obtenir le rejet de la prétention de son adversaire, puisque l'on ne doit pas fournir une prestation
prévue par un contrat nul. En plus, comme on l'a vu, sa prétention va au-delà de ce simple rejet, s'il
demande la restitution des sommes versées, ce qui en fait une demande.
Parfois, la demande reconventionnelle n'est pas hybride, parce qu'elle ne constitue pas du tout une
défense : elle est une pure demande. Il en va ainsi chaque fois que la demande reconventionnelle ne
peut exercer aucune influence sur le sort de la demande formée par son adversaire. Elle ne tend qu'à
obtenir un résultat autre. Par exemple, au cours de la liquidation d'une succession, l'un des cohéritiers
soutient qu'un bien A, prétendument indivis, lui appartient déjà de façon exclusive. Il demande que le
bien soit retiré de la masse successorale. À son tour, un autre cohéritier forme la même prétention à
propos d'un bien B. Quelle que soit la solution que donnera le juge pour ce qui est du bien B, le sort
du litige ne sera pas modifié pour ce qui est du bien A 334.
Le divorce pour faute constitue un terrain privilégié des demandes reconventionnelles. Il est rare
que l'un des époux présente une demande en divorce pour faute sans que l'autre époux en forme une à
son tour. Selon les cas, il s'agira d'une demande reconventionnelle hybride ou d'une demande
reconventionnelle pure. Supposons que le mari demandeur reproche à son épouse l'adultère qu'elle
aurait commis. La femme peut demander à son tour le divorce en soutenant que son mari s'est
comporté, pendant des années, d'une façon inqualifiable à son égard, que ce comportement explique
une infidélité ponctuelle et la dépouille de son caractère fautif. La demande reconventionnelle de la
femme est alors hybride. En revanche, si la femme reproche également à son mari d'avoir été infidèle,
sans soutenir qu'il existe une relation entre les deux adultères, il s'agit d'une pure demande
reconventionnelle 335.
b) La demande additionnelle

119 La notion de demande additionnelle. – Aux termes de l'article 65 du Code de procédure


civile, « constitue une demande additionnelle la demande par laquelle une partie modifie ses
prétentions antérieures ». La demande additionnelle peut consister en une demande différente, que
l'on présente en plus de celle déjà formée : par exemple, le demandeur sollicite une indemnité
compensatrice de congés payés après avoir déjà demandé une indemnité de licenciement. Elle peut
aussi consister en une augmentation de la demande déjà présentée après réflexion, le demandeur
sollicitant, par exemple, 100 000 euros au lieu de 50 000 euros pour la réparation de son préjudice
moral. La demande additionnelle peut modifier une demande initiale, elle peut aussi modifier une
demande reconventionnelle ou une demande en intervention 336.
c) La demande en intervention

120 La notion de demande en intervention. – Aux termes de l'article 66, alinéa premier, du
Code de procédure civile, « constitue une intervention la demande dont l'objet est de rendre un tiers
partie au procès engagé entre les parties originaires ». La définition du Code fait ressortir
l'originalité de l'intervention. Comme les autres demandes incidentes, elle élargit la matière litigieuse
qui est soumise au juge, mais elle augmente aussi le nombre des parties au procès.

121 Interventions forcée et volontaire. – L'article 66, alinéa 2, distingue deux sortes
d'intervention. L'intervention forcée est celle qui est formée par l'une des parties originaires contre un
tiers. Par exemple, l'entrepreneur à qui le propriétaire demande réparation de désordres affectant son
bâtiment appelle en garantie le grossiste qui lui a vendu le matériau utilisé. L'intervention est
volontaire lorsqu'elle est formée par un tiers contre l'une des parties originaires. Par exemple, si un
accident a causé un préjudice à plusieurs personnes, et si l'une d'elles décide de demander
réparation, une autre victime peut se joindre à l'instance pour demander elle aussi réparation 337. En
raison de sa complexité, la demande en intervention appelle de plus longues explications, qui seront
données ultérieurement, dans le cadre des incidents d'instance 338.
À quelles conditions toutes les demandes incidentes qui viennent d'être énoncées sont-elles
recevables ?

2. La recevabilité des demandes incidentes

122 Inconvénients et avantages des demandes incidentes. – Comme pour toutes les
demandes, quelles qu'elles soient, il faut que celui qui soumet au juge une demande incidente ait
qualité et intérêt 339. En outre, dans des domaines particuliers, il arrive qu'une demande incidente soit
également soumise à des conditions spéciales propres au domaine concerné 340. Mais cela ne suffit
pas. Le fait qu'il s'agisse de demandes incidentes, qui viennent se greffer sur une ou plusieurs
demandes initiales, justifie que leur recevabilité soit subordonnée à une condition supplémentaire 341.
En effet, la demande incidente vient perturber l'instance créée par la demande initiale. Son principal
inconvénient est d'accroître la matière litigieuse soumise au juge. Du coup, le procès se trouve
alourdi et son issue risque d'en être retardée. On peut même imaginer que des demandes incidentes
(principalement des demandes reconventionnelles, mais aussi des demandes en intervention) soient
formées dans une intention purement dilatoire. Alors, faut-il interdire toutes les demandes
incidentes ? Ce serait oublier que la demande incidente présente aussi des avantages. D'une part, la
demande incidente évite la multiplication des procès juxtaposés. Le regroupement des demandes à
l'intérieur d'une seule instance diminue les soucis et les frais. D'autre part, le regroupement de toutes
les demandes relatives à une affaire permet au juge d'en avoir une vue globale et donc de mieux en
appréhender les éléments. À l'inverse, la dispersion des demandes aboutit à ne donner au juge qu'une
vue partielle des choses.
123 L'exigence d'un lien suffisant (un lien de connexité). – Pour tenir la balance égale entre
ces deux considérations opposées, il est raisonnable de poser que l'alourdissement de l'instance doit
être profitable à la compréhension du procès, ce qui aura lieu s'il existe un lien suffisant entre la
demande incidente et la demande initiale ou, autrement dit, si les demandes sont connexes entre elles.
Telle est la solution que retiennent l'article 70 du Code de procédure civile pour les demandes
additionnelle et reconventionnelle et l'article 325 pour la demande en intervention. Il faut mesurer la
portée de cette exigence. Dans l'absolu, l'absence de connexité n'interdit pas de former la demande.
Elle interdit seulement de la présenter dans le cadre d'une instance qui a déjà un autre objet. La
demande, irrecevable en tant que demande incidente, pourra être soumise au juge en tant que demande
initiale, dans le cadre d'une nouvelle instance.

124 Le contenu du lien suffisant. – Quand existe-t-il un lien suffisant entre la demande
incidente et la demande initiale ? Les rédacteurs du Code de procédure civile n'ont pas défini
abstraitement la connexité, à partir de ses éléments constitutifs, et il est vrai qu'il est très difficile de
déterminer ce qu'est en soi la connexité. C'est pourquoi ils ont préféré la caractériser par son résultat,
qu'énonce l'article 101 du Code à propos de l'exception de connexité 342 : « un lien tel qu'il soit de
l'intérêt d'une bonne justice de (...) faire instruire et juger ensemble » les demandes. Si les demandes
ne sont pas instruites et surtout jugées ensemble, il existe un risque que les décisions rendues soient
difficilement conciliables entre elles. En raison de la très grande imprécision qui entoure la notion de
connexité, la Cour de cassation n'en contrôle généralement pas l'application, qu'elle abandonne à la
souveraine appréciation des juges du fond 343. Cependant, quand l'existence d'un lien suffisant relève
de l'évidence, il lui arrive de censurer les juges du fond qui ont refusé d'examiner la demande
incidente. C'est ainsi que la Cour de cassation a justement décidé que, « par sa nature même »,
l'action à fins de subsides prévue par l'article 342 du Code civil est connexe à une demande en
recherche de paternité naturelle 344 : pour l'essentiel, en effet, les subsides constituent une filiation
limitée à des effets alimentaires. Incidemment, cet exemple montre que la connexité n'est pas une
question de fait, elle est une notion de droit que la Cour de cassation ne contrôle pas pour des raisons
d'opportunité 345.

125 La demande reconventionnelle en compensation judiciaire. – Dans le même ordre


d'idées, on remarquera que l'existence de la connexité n'est pas contestable pour ce qui est de la
demande reconventionnelle hybride. Par définition, elle est connexe à la demande initiale, puisqu'elle
constitue aussi un moyen de défense qu'on peut lui opposer. La question ne peut se poser qu'à propos
de la demande reconventionnelle pure et simple 346. Il est à noter cependant que l'article 70, alinéa 2,
du Code de procédure civile réserve le cas d'une demande reconventionnelle hybride : la demande en
compensation judiciaire. La compensation légale joue de plein droit, même à l'insu des parties,
lorsque les deux créances réciproques sont l'une et l'autre certaines, liquides et exigibles, mais la
compensation ne peut pas jouer lorsque toutes les conditions ne sont pas remplies, en particulier
lorsque la créance du défendeur n'est pas liquide. Le défendeur va alors demander au juge de liquider
sa créance. En ce qu'elle tend à faire reconnaître un droit de créance d'un montant déterminé à
l'encontre de son adversaire, la prétention du défendeur est incontestablement une demande 347, mais
c'est aussi une défense puisque la liquidation opérée diminuera ou même éteindra totalement la
créance du demandeur. Il est donc normal qu'elle soit recevable : par hypothèse, il existe un lien de
connexité avec la demande adverse 348. Cependant, la liquidation de la créance peut être difficile :
elle peut par exemple être subordonnée à une expertise. C'est pourquoi, si la demande en
compensation judiciaire est toujours recevable, le juge peut la disjoindre lorsqu'elle risque de
retarder à l'excès le jugement sur le tout.
Une fois connues les différentes sortes de demandes, il reste à en étudier les effets.

§ 2. LES EFFETS DES DEMANDES

126 Division. – On verra successivement les effets communs à toutes les demandes (A), puis
l'effet spécifique de la demande initiale (B).

A. LES EFFETS COMMUNS À TOUTES LES DEMANDES

127 Des effets relevant du droit civil. – Pour ce qui est du droit judiciaire privé, la demande
oblige le juge à statuer sur la prétention qui lui est soumise. Cet effet sera étudié avec les principes
directeurs du procès 349. Cela étant, la majorité des effets que la loi attache à la présentation d'une
demande relèvent non du droit judiciaire privé, mais du droit civil. Il suffira de les énoncer
brièvement : la demande interrompt les délais de prescription et de forclusion (article 2241 du Code
civil) ; on considère traditionnellement qu'elle équivaut à une sommation et qu'elle vaut donc mise en
demeure du débiteur (article 1139 du Code civil) ; à ce titre, elle met la chose aux risques de celui-ci
(article 1138 du Code civil) ; elle fait courir les dommages-intérêts moratoires (article 1153 du Code
civil) ; elle rend un droit litigieux au sens de l'article 1700 du Code civil ; elle rend transmissibles
aux héritiers d'une partie, certains droits normalement intransmissibles. Tous ces effets sont communs
à toutes les demandes, qu'elles soient initiales ou incidentes.
La question de la transmission de certaines actions 350 appelle quelques explications. Le principe
est que les actions du défunt sont normalement transmises à ses héritiers, tout comme ses biens. C'est
ce qui ressort de l'article 724 du Code civil. Les héritiers peuvent donc engager une action que le de
cujus aurait pu engager et, lorsqu'il l'a fait avant de mourir, ils acquièrent automatiquement la qualité
de partie au procès en cours 351. Cependant, la loi estime parfois, par exception, que le droit d'une
personne est trop personnel pour pouvoir être exercé par une autre qu'elle. L'exemple classique de
cette intransmissibilité absolue du droit est celui du divorce 352. On a pensé qu'il serait scandaleux de
conférer aux héritiers de l'un des époux, qui sont le plus souvent ses enfants, le droit de faire établir
en justice l'inconduite conjugale de l'autre époux, qui est aussi le plus souvent leur père ou leur mère.
Même si l'un des époux avait entamé une procédure de divorce, ses enfants ne peuvent pas la mener à
son terme s'il décède en cours d'instance. Dans des cas moins évidents, il revient généralement à la
jurisprudence de déterminer si les héritiers d'une personne peuvent agir à sa place ou poursuivre
l'instance qu'elle a pu engager 353. Cela étant, on dit habituellement que la demande (formée par le
défunt) rend transmissibles à ses héritiers certaines actions normalement intransmissibles. Cette
affirmation nous paraît partiellement inexacte. Si elle était exacte, on devrait considérer que le droit
substantiel subsiste, mais privé d'action, comme réduit à l'état d'obligation naturelle. Il a déjà été
indiqué 354 que la notion d'obligation naturelle n'avait aucun sens lorsqu'on la rattache à l'action : c'est
une pure affaire de droit civil. Il en va de même ici : la transmissibilité ou l'intransmissibilité porte
nécessairement sur le droit substantiel 355 et son rattachement à l'action n'est qu'une manifestation
supplémentaire de l'hypertrophie de l'action à laquelle on a longtemps succombé.
Cela étant, il est exact que la demande effectuée par le défunt rend parfois transmissibles à cause
de mort des droits qui, jusque-là, ne l'étaient pas. Ainsi, en principe, le droit du donateur d'obtenir la
révocation d'une donation pour cause d'ingratitude ne se transmet pas à ses héritiers. Par exception, il
y a transmission si le donateur est mort moins d'un an après les agissements constitutifs d'ingratitude.
Il y a également transmission s'il avait engagé une action en révocation, avant de mourir 356. Ce qui
provoque la transmission du droit de faire révoquer la donation, c'est la réunion de certaines
conditions, le décès étant une condition indispensable, alors que l'introduction antérieure d'une
demande n'est qu'une condition possible (parce qu'alternative). Mais on voit bien que dans le cas où
le défunt est mort plus d'un an après les faits litigieux, ses droits ne sont rendus transmissibles à ses
héritiers que parce qu'il a engagé une action en révocation en temps utiles et avant de mourir. Ces
exceptions à l'intransmissibilité par décès de certains droits reposent, elles aussi, sur le caractère
très personnel des droits en question. Le droit de révoquer une donation suppose une appréciation par
le donateur, de l'attitude du donataire. Mais, comme la présentation d'une demande montre que
l'appréciation a été portée, rien ne s'oppose à la reprise de l'instance par les héritiers du donateur. Et
lorsque le donateur est mort dans l'année des faits litigieux, sans avoir saisi le juge, rien ne dit qu'il
n'aurait pas agi dans ce délai s'il avait vécu un peu plus longtemps. Dans le doute, le législateur fait
le choix de transmettre ses droits à ses héritiers.

B. L'EFFET SPÉCIFIQUE À LA DEMANDE INITIALE

128 Le lien juridique d'instance. – La demande initiale comporte cet effet particulier de créer
le lien juridique d'instance. On appelle instance la période de temps qui commence avec la demande
initiale (encore appelée, pour cette raison, demande introductive d'instance) et qui s'étend jusqu'au
jugement ou jusqu'à la survenance d'un incident y mettant prématurément fin. On peut dire aussi que
c'est « la phase judiciaire du procès » 357. Pendant toute l'instance, les parties au procès sont soumises
à un lien juridique ou rapport juridique d'instance. Cette expression signifie que, tant que dure
l'instance, les parties deviennent les destinataires de nouvelles règles, relevant du droit judiciaire.
Sous peine de diverses sanctions, elles vont être tenues de comparaître ou d'effectuer certains actes
de procédure. Le vocabulaire juridique reflète l'existence de ce lien, puisque l'on dit que le
demandeur et le défendeur sont des parties : ils sont parties au lien juridique d'instance. Il ne saurait
être question d'indiquer ici toutes les obligations qui pèsent sur les parties pendant l'instance. Ces
obligations seront énoncées en même temps que sera exposé le déroulement des diverses procédures.
On se contentera pour l'instant d'en indiquer les deux caractères principaux, le caractère légal et le
caractère processuel.

129 Le caractère légal du lien juridique d'instance. – Il a existé autrefois une controverse sur
ce point. Certains auteurs 358 avaient soutenu que le lien juridique d'instance avait un caractère
conventionnel. Au soutien de cette position, on faisait valoir d'abord que, si l'instance se crée par un
acte unilatéral du demandeur, le défendeur accepte le procès en comparaissant et ensuite que, dans la
majorité des cas, le désistement d'instance proposé par le demandeur est subordonné à l'acceptation
du défendeur 359. L'accord nécessaire des deux parties montrait le caractère contractuel du lien.
Chacun de ces arguments peut être facilement réfuté. En premier lieu, il est artificiel de dire qu'en
comparaissant, le défendeur accepte le procès intenté par le défendeur. La réalité, plus simple, est
que le défendeur n'a guère le choix. La comparution est la seule possibilité qui s'offre à lui pour faire
valoir des moyens contre la demande de son adversaire. Mais il est évident que, dans l'écrasante
majorité des cas, le procès n'aurait pas lieu si son existence était subordonnée à une acceptation du
défendeur. D'ailleurs, cette acceptation est tellement peu nécessaire que le procès aura lieu même si
le défendeur ne comparaît pas. En second lieu, s'il est vrai que le désistement est en principe soumis
à l'acceptation du défendeur, l'exigence de la loi s'explique en dehors de toute référence à une nature
contractuelle du lien. Le défendeur qui a déjà fait valoir une fin de non-recevoir ou une défense au
fond s'est déjà préoccupé du procès et a probablement aussi déjà engagé des dépenses. Il est juste
que son adversaire ne puisse plus anéantir le procès à sa guise, pour le recommencer quelque temps
plus tard. Aujourd'hui, la doctrine considère que le lien juridique d'instance revêt un caractère légal.
Ce sont les obligations que la loi impose aux parties dès lors qu'une instance est formée. On doit
seulement préciser que le déclenchement de ce statut légal est lié à l'acte juridique unilatéral que
constitue la demande introductive d'instance.

130 Le caractère processuel du lien juridique d'instance. – Le caractère processuel du lien


juridique d'instance signifie que ce lien n'affecte pas en soi les rapports de droit substantiel qui
peuvent exister entre les parties. Le lien juridique qui se forme entre les parties, dans le cadre de
l'instance, s'ajoute ou se superpose au rapport de droit substantiel, mais ne le remplace pas.
Concrètement, il en résulte que, si pour une raison ou pour une autre, l'instance vient à s'éteindre
avant le jugement, le droit substantiel ne s'en trouve pas affecté : l'extinction prématurée de l'instance
n'exerce aucune influence sur l'existence et la consistance des droits substantiels des parties et une
nouvelle demande peut être soumise au juge 360. Il n'y a lieu d'insister sur ce point que parce que c'est
la solution contraire qui prévalait en droit romain : la litis contestatio 361 entraînait l'extinction du
droit substantiel qui avait donné naissance au litige pour le remplacer par un droit de nature
processuelle, si bien qu'en cas d'extinction de l'instance, le demandeur ne pouvait pas renouveler son
action. Bien sûr, en droit français, lorsque l'instance se poursuit jusqu'au jugement, la situation des
parties à l'égard des règles de droit substantiel se trouve modifiée, mais la modification provient de
la décision qu'a prise le juge 362 et non de l'instance qui l'a précédée.
C'est dans ce cadre de l'instance qu'à son tour le défendeur va agir.

SECTION II
LES DÉFENSES

131 Intérêt et qualité du défendeur. – Les défenses se présentant comme la suite presque
naturelle des demandes, on est tenté d'établir entre elles une symétrie totale. Ce serait oublier cette
vérité d'évidence que les défenses ne sont pas dotées d'une autonomie totale par rapport aux
demandes : on ne peut concevoir une défense qu'en raison de l'existence d'une demande et que par
rapport à elle. C'est la demande qui suscite la défense.
De cette dépendance, résulte une conséquence immédiate quant à la recevabilité des défenses. Le
droit d'agir du défendeur est beaucoup moins réglementé que celui du demandeur, au moins pour les
défenses essentielles que sont les défenses au fond. C'est à tort que le texte de l'article 31 du Code de
procédure civile subordonne le droit de se défendre à la double condition d'avoir intérêt et qualité au
rejet d'une prétention 363. Par principe, d'abord, le défendeur a toujours intérêt au rejet de la
prétention de son adversaire. Il a donc toujours intérêt à soumettre une défense au juge. Pour ce qui
est de la qualité 364, la question ne se présente pas tout à fait dans les mêmes termes. Il peut
effectivement arriver que le défendeur n'ait pas qualité pour défendre, c'est-à-dire ne soit pas
destinataire de la règle de droit invoquée contre lui par le demandeur 365. Quelle est la raison de ce
défaut de qualité ? Il ne provient pas d'un fait du défendeur, mais d'une erreur du demandeur, qui n'a
pas formé sa demande contre celui que désigne la loi. Pour ainsi dire, c'est la demande qui est « mal
adressée ». Le défaut de qualité doit être analysé comme un vice affectant la demande et non la
personne du défendeur. Il n'empêche donc pas celui-ci de présenter des défenses, il rend seulement la
demande irrecevable, ainsi que l'énonce l'article 32 du Code de procédure civile, aux termes duquel
« est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir ». Ainsi
constate-t-on que la qualité du demandeur et celle du défendeur ne sont susceptibles que d'affecter la
demande, et non la défense.

132 La classification des défenses. – Les défenses sont régies par les articles 71 à 126 du
Code de procédure civile. La lecture de ces articles montre qu'il existe plusieurs sortes de défenses.
Le Code cite successivement les défenses au fond, les exceptions de procédure et les fins de non-
recevoir. Il est permis de douter du bien-fondé de cette division tripartite des défenses et de penser
qu'il y a lieu de regrouper les deux dernières sortes de défenses dans la même catégorie des défenses
procédurales. C'est pourquoi il convient dans un premier temps d'examiner les différentes sortes de
défense (§ 1) avant d'étudier plus spécialement les défenses procédurales (§ 2) qui relèvent de
manière plus spécifique du droit judiciaire privé.

§ 1. LA DIVERSITÉ DES DÉFENSES

133 Plan. – Dans un premier temps, seront définies les diverses sortes de défenses qui existent
(A), puis on recherchera comment elles s'agencent entre elles et avec les demandes (B).

A. LA DÉFINITION DES DIVERSES SORTES DE DÉFENSES

134 Division. – Selon la proposition qui vient d'être effectuée, on essaiera de montrer qu'il
existe deux types de défenses : d'une part les défenses au fond (1) et, d'autre part, les défenses
procédurales (2) qui regroupent les exceptions de procédure et les fins de non-recevoir.

1. La définition des défenses au fond

135 Le contenu de la notion. – La défense au fond est définie par l'article 71 du Code de
procédure civile : « constitue une défense au fond tout moyen qui tend à faire rejeter comme non
justifiée, après examen au fond du droit, la prétention de l'adversaire ». Dans cette définition, les
mots les plus importants sont « après examen au fond du droit ». Par exemple, à une demande en
exécution du contrat, il sera répondu que cette prestation n'est pas due ou bien qu'elle a déjà été
exécutée. À une demande en recherche de paternité, le défendeur opposera qu'il ne peut être le père
de l'enfant.
Dans une demande, le demandeur allègue un certain nombre de faits dont il prétend qu'ils
correspondent au présupposé d'une règle de droit. La prétention du demandeur consiste à solliciter du
juge le bénéfice de l'effet juridique de la règle. Le défendeur au fond va se livrer à un examen au fond
de la demande formée par son adversaire. Il va soit contester les faits allégués, en soutenant qu'ils ne
se sont pas produits comme le soutient le demandeur, soit contester la règle de droit qu'invoque son
adversaire : il peut ainsi soutenir que la règle de droit, telle qu'elle est présentée par son adversaire,
n'existe pas ou encore ne correspond pas aux faits allégués ou au résultat recherché. Dans tous les
cas, le défendeur suit le demandeur sur le terrain choisi par celui-ci et discute, sur ce terrain, les
mérites de la prétention du demandeur. Il soutient que le demandeur ne saurait se voir reconnaître le
droit qu'il sollicite. En quelque sorte, il lui répond « non, vous n'avez pas droit à ce que vous
demandez ».
On peut traduire ce qui vient d'être dit en termes structuraux. Le demandeur invoque des faits a,
dont il soutient qu'ils correspondent au présupposé d'une règle A i B, ce qui le conduit à solliciter du
juge l'octroi de l'effet concret b. Le défendeur qui oppose une défense au fond répond non-b, soit
parce que les faits a ne se sont pas produits, soit parce qu'il n'existe pas de règle A i B correspondant
aux faits a.

136 Les incertitudes jurisprudentielles. – Envisagée in abstracto, la notion de défense au


fond paraît simple. Envisagée in concreto, elle peut sembler d'un maniement plus malaisé. En effet,
certaines demandes reconventionnelles présentent un lien si étroit avec la demande de leur adversaire
qu'elles peuvent faire penser à une défense au fond. En demandant quelque chose, une partie dénie
alors le droit de la partie adverse 366. De là à dire que la demande du défendeur s'analyse en une
simple défense, il n'y a qu'un pas que les juges franchissent parfois. Tel est le cas lorsqu'une caution
invoque les fautes commises par une banque créancière qui a octroyé des crédits abusifs au débiteur
principal : en l'absence de comportement relevant de l'article 2314 du Code civil 367, la caution ne
peut échapper aux conséquences de son engagement qu'en obtenant des dommages-intérêts du
créancier imprudent, lesquels se compenseront avec sa propre dette. Il s'agit là d'une demande
reconventionnelle puisque la caution ne se borne pas à dénier l'existence du droit de créance que le
banquier prétend avoir contre elle. Bien au contraire, si la compensation est appelée à jouer dans un
tel cas, c'est bien parce que la caution doit effectivement de l'argent à son adversaire. Malgré tout, le
résultat de cette demande reconventionnelle, si elle aboutit, sera de faire échouer (par compensation),
la demande principale du banquier. C'est sans doute ce qui explique que, dans ce type de
circonstances, la Cour de cassation ait admis la possibilité, pour la caution, de procéder par voie de
défense au fond, plutôt que par voie de demande reconventionnelle 368. Ce genre d'assimilation
(délibérée ou non) d'une demande à une défense au fond est, de la part de la Haute Juridiction, tout à
fait regrettable, car la discipline juridique n'a rien à gagner à une confusion des concepts, quel que
soit l'intérêt qu'il peut y avoir à simplifier les procédures. On regrettera, de la même manière et pour
les mêmes raisons, que la Cour de cassation fasse parfois le choix de qualifier de défense au fond une
demande en intervention 369.

2. La définition des défenses procédurales

137 Un déplacement du débat sur le terrain de la procédure. – Lorsqu'il oppose à une


demande une défense procédurale (on verra un peu plus loin que la défense procédurale peut ne pas
être opposée seulement à une demande 370), le défendeur adopte une attitude tout à fait différente de
celle qui vient d'être décrite. Il déplace le débat. Plus précisément, il instaure un débat qui est
différent, qui est normalement de nature procédurale et qui est préalable.
Supposons, par exemple, qu'un demandeur sollicite d'un tribunal d'instance diverses indemnités en
raison d'un licenciement dont il prétend avoir fait l'objet. Le défendeur peut opposer à cette demande
diverses défenses au fond. Il peut soutenir que le prétendu licenciement est en réalité une démission,
ou que le salarié s'est rendu coupable de fautes graves qui le privent de ces indemnités, ou encore
qu'il a déjà versé les indemnités réclamées. Toutes ces défenses constituent des défenses au fond,
puisque le défendeur accepte de suivre le demandeur sur le terrain choisi par celui-ci : il discute les
mérites de la prétention soumise au juge par le demandeur. Mais on peut imaginer aussi que le
défendeur crée un nouveau débat, en discutant la compétence du tribunal d'instance pour connaître de
cette demande. Ne devrait-elle pas être soumise à un conseil de prud'hommes ?
Supposons encore qu'une complainte soit formée par le possesseur d'un immeuble. Le défendeur
peut opposer des défenses au fond à une telle demande. Il peut soutenir, par exemple, que la
possession du demandeur ne remplit pas les conditions posées par la loi pour bénéficier de la
protection possessoire, ou encore qu'il ne lui a été causé aucun trouble de la possession. Mais il peut
aussi faire valoir que le demandeur au possessoire a déjà formé une demande au pétitoire et lui
opposer la règle de l'article 1266 du Code de procédure civile, aux termes de laquelle « celui qui
agit au fond n'est plus recevable à agir au possessoire ». Ce faisant, il oppose une défense d'un type
tout à fait différent.
Lorsque le défendeur conteste la compétence du tribunal ou se prévaut de la règle de
l'article 1266 du Code de procédure civile, il crée d'abord un débat différent. En effet, la discussion
ne porte pas directement sur les mérites de la prétention de son adversaire : par exemple, il ne
discute pas la réalité du trouble possessoire. La discussion porte sur l'application de règles
différentes ; dans les exemples donnés, il s'agit d'une règle de compétence ou de l'un des aspects de la
règle du non-cumul des actions possessoires et pétitoires 371. En deuxième lieu, ces règles nouvelles,
que le défendeur invoque, sont l'une et l'autre des règles de nature procédurale. On remarquera enfin
qu'elles créent un débat qui est préalable à celui qu'a instauré l'auteur de la demande. En bonne
logique, en effet, il faut régler ces questions avant d'examiner les mérites de la demande. Le tribunal
d'instance ne doit pas examiner la demande d'indemnité de licenciement avant de s'être demandé si
c'est à lui que la loi a confié le soin d'examiner ce genre de litige. De même, dans le second exemple,
il faut d'abord que le tribunal de grande instance 372 recherche si une demande a déjà été formée sur le
même sujet au pétitoire, puisque, si c'est effectivement le cas, la loi lui interdit d'examiner la
demande formée en second lieu au possessoire.

138 Une défense comparable à une demande par sa structure. – On constate ainsi que celui
qui soulève une défense procédurale soumet à son tour au juge une prétention qui, dans sa structure,
est strictement identique à celle d'une demande. Il allègue une série de faits, liés au procès, dont il
soutient qu'ils correspondent au présupposé d'une règle de droit. En conséquence, il sollicite du juge
que ce dernier fasse jouer l'effet juridique de cette règle. Par exemple, le plaideur allègue le
caractère prud'homal de la demande. Il soutient que cette situation correspond au présupposé d'une
règle de droit, l'article L. 1411-4 du Code du travail. Le plaideur prétend donc que le juge doit faire
jouer l'effet juridique de cette règle, à savoir le renvoi de l'affaire devant un conseil de prud'hommes,
seul compétent pour connaître d'un tel litige. Dans l'autre exemple, le schéma est le même : les faits
consistent en la présentation de deux demandes concernant le même trouble, d'abord une demande au
pétitoire, ensuite une demande au possessoire ; la règle de droit est la disposition contenue dans
l'article 1266 du Code de procédure civile ; l'effet juridique sollicité est une décision d'irrecevabilité
concernant la demande au possessoire.
L'expression peut surprendre, mais elle correspond à la réalité : le plaideur qui soulève une
défense procédurale agit comme un demandeur. Il est demandeur à la défense procédurale. On
remarquera d'ailleurs que, dans certaines hypothèses, l'usage reconnaît cette situation : on parle du
demandeur à l'exception d'incompétence 373, pour désigner celui qui prend l'initiative de soumettre au
juge une prétention sur la compétence du tribunal saisi 374.
La défense procédurale présente donc un visage différent, selon que l'on considère son mécanisme
ou son objet. Par son mécanisme, la défense procédurale est identique à la demande : le défendeur
prétend qu'il a le droit de faire jouer l'effet juridique d'une règle. Par son objet, en revanche, la
défense se distingue de la demande, en ce qu'elle tend à obtenir le rejet de la demande ou au moins à
entraver son examen. Il reste à examiner comment ces deux sortes de défenses s'ordonnent entre elles.

B. L'AGENCEMENT DES DIVERSES SORTES DE DÉFENSES

139 Division. – Pour étudier l'agencement des deux sortes de défenses qui viennent d'être
définies, il faut répondre à la question suivante à quoi peut-on opposer une défense procédurale (1) et
une défense au fond (2) ?

1. L'agencement des défenses procédurales

140 À quoi peut-on opposer une défense procédurale ? – Pour les défenses procédurales, la
réponse est simple une défense procédurale peut être théoriquement opposée à tout (sous cette
réserve, en pratique, qu'il faut que les circonstances s'y prêtent). La défense procédurale peut ainsi
être opposée à une demande, au sens plein du terme, c'est-à-dire à une demande portant sur le droit
substantiel. Les exemples utilisés précédemment en fournissent de bonnes illustrations. On peut
soulever l'incompétence du juge saisi ou l'irrecevabilité de la demande au possessoire. La défense
procédurale peut aussi être opposée à une défense au fond. Par exemple, en vertu de l'article 49 du
Code de procédure civile, une juridiction ne peut pas connaître d'un moyen de défense, lorsque celui-
ci soulève une question relevant de la compétence exclusive d'une autre juridiction. Dans une telle
situation, le demandeur originaire va pouvoir opposer une exception d'incompétence à la défense au
fond qui lui est opposée, au motif qu'elle conduit à une question préjudicielle 375. Ce type de défense
peut enfin être opposé à une autre défense procédurale. Par exemple, il est parfois possible de
soutenir qu'en raison de sa tardiveté, une défense procédurale est irrecevable.
La possibilité d'opposer une défense procédurale à toutes les sortes d'acte processuel est liée à
son mécanisme. Il existe une réglementation des actes du procès, à laquelle sont soumises les parties
en raison du lien juridique d'instance. Il en résulte que, théoriquement au moins, tout acte quel qu'il
soit peut donner lieu à une contestation quant à la façon dont il a été réalisé. Et tel est précisément
l'objet de la défense procédurale. Une partie va discuter la façon dont l'acte a été réalisé et invoquer
contre l'adversaire une règle du procès s'appliquant à l'acte que celui-ci vient d'accomplir.

2. L'agencement des défenses au fond

141 À quoi peut-on opposer une défense au fond ? – À la différence de la défense


procédurale, la défense au fond ne peut pas être opposée à toutes les sortes d'acte processuel. La
raison en est que, lorsqu'il oppose une défense au fond, le plaideur accepte de suivre son adversaire
sur le terrain choisi par ce dernier, ce qui suppose que celui-ci ait formé une prétention tendant à
obtenir le bénéfice d'une règle de droit. La défense au fond va consister à contester le bien-fondé de
cette prétention. Le plaideur répond à son adversaire non-b, ou, en termes du langage courant : « non,
vous n'avez pas le droit d'obtenir ce que vous demandez ».
La défense au fond peut donc être opposée à une demande portant sur le droit substantiel. C'est à
elle que l'on pense en priorité, ce que suggère d'ailleurs son appellation de défense au fond. Mais ce
n'est pas tout. Une telle défense peut encore être opposée à une défense procédurale. Par son
mécanisme, en effet, cette dernière constitue une demande dont l'autre partie peut contester le bien-
fondé. Si le défendeur à la demande initiale conteste, par une défense procédurale, la compétence du
juge pour connaître de la demande initiale, le demandeur peut soutenir que c'est à tort que la
compétence du tribunal est contestée. À l'égard de cette défense procédurale, le demandeur initial
devient défendeur. Étant défendeur à l'exception, il soutient que le demandeur à l'exception n'a pas le
droit d'obtenir le renvoi de l'affaire devant un autre juge. Son attitude est identique à celle qu'adopte
un plaideur qui conteste le droit de créance du demandeur initial. Il accepte la discussion sur le
terrain choisi par son adversaire, étant seulement précisé que ce terrain n'est pas celui du droit
substantiel, mais celui des règles de compétence. Il n'en reste pas moins que l'acte processuel qu'il
réalise tend bien, ainsi que l'énonce justement l'article 71 du Code de procédure civile, « à faire
rejeter comme non justifiée, après examen au fond du droit, la prétention de l'adversaire ».
En revanche, un plaideur ne saurait opposer une défense au fond à une autre défense au fond. On
peut certes discuter les mérites d'une défense au fond. Mais, à proprement parler, il ne s'agit pas alors
d'une défense au fond, mais plutôt de moyens ou d'arguments supplémentaires au soutien de la
demande, substantielle ou procédurale, que l'on a déjà formée. Si l'on peut s'exprimer ainsi, la partie
qui discute la défense au fond présentée par l'adversaire ne dit pas « non à votre non concernant ma
demande », il dit « mais si, j'ai raison de demander cela ».

142 Le régime des défenses au fond. – Le régime des défenses au fond découle logiquement
de leur nature. En ce qu'elle demeure sur le terrain choisi par le demandeur, la défense au fond
constitue la défense par excellence, celle qui est la plus digne d'intérêt. On ne peut guère envisager
qu'un plaideur soit admis à soumettre une prétention au juge et que son adversaire ne soit pas autorisé
à en contester le bien-fondé. Les principes les plus élémentaires de la justice exigent que soit retenue
la solution inverse.
C'est pourquoi le Code de procédure civile lui reconnaît le régime le plus favorable qui soit. Aux
termes de l'article 72, « les défenses au fond peuvent être proposées en tout état de cause ». Deux
règles sont contenues dans cette phrase unique. L'article 72 signifie d'abord que les défenses au fond
peuvent être proposées aussi bien devant les juges du premier degré que devant ceux du second
degré 376. Il signifie aussi qu'à l'intérieur de chaque instance, une défense au fond peut être proposée
aussi longtemps que des arguments peuvent être échangés.

143 Synthèse sur les défenses. – Peut-être convient-il de rappeler en quelques lignes
l'essentiel de ce qui vient d'être indiqué. L'instance commence avec une demande comportant une
prétention tirée du droit substantiel 377. À cette demande peuvent être opposées des défenses de deux
sortes totalement différentes. Il peut s'agir d'abord de défenses au fond qui demeurent sur le terrain
choisi par le demandeur. Le défendeur conteste directement le droit de son adversaire d'obtenir du
juge satisfaction sur la prétention que celui-ci a présentée. Il peut s'agir ensuite de défenses
procédurales qui créent un débat différent, portant normalement sur l'application de règles
procédurales, et dont la solution est logiquement préalable à l'examen de la demande initiale. À ces
défenses procédurales peuvent de nouveau être opposées de nouvelles défenses de l'une ou l'autre
sorte et ainsi de suite.
L'enchaînement de défenses procédurales est théoriquement indéfini. Dans la réalité, bien sûr,
elles sont, pour chaque affaire concrète, en nombre limité. Il faut cependant reconnaître que, dans
certains procès, les complications procédurales peuvent atteindre un tel développement que le débat
ne porte plus que sur la façon de démêler l'écheveau tissé par les parties elles-mêmes et que l'objet
initial du litige se trouve perdu de vue. Ce sont ces défenses procédurales qui doivent être maintenant
étudiées.

§ 2. LES DÉFENSES PROCÉDURALES

144 Une liste incomplète. – Deux sortes de défenses procédurales sont énumérées par le Code
de procédure civile : les fins de non-recevoir et les exceptions de procédure. En réalité, la liste est
incomplète. En plus du poids de l'histoire, les rédacteurs du Code ont été trompés par le plan qu'ils
ont adopté. Après avoir réglementé les demandes, ils ont comme naturellement réglementé les
défenses, et en particulier les défenses qui peuvent être opposées aux demandes dès le début de
l'instance. Mais il existe d'autres défenses procédurales, dont la mise en jeu suppose la survenance de
faits postérieurs à la présentation d'une demande. On peut citer, à titre d'exemple, la caducité qui
atteint l'assignation devant le tribunal de grande instance, lorsqu'elle n'a pas été placée dans un délai
de quatre mois 378. Quoi qu'il en soit, la tradition et la simplicité commandent que soient seules ici
abordées les fins de non-recevoir (A) et les exceptions de procédure (B). Les autres défenses
procédurales seront examinées plus tard dans le cadre des incidents d'instance.

A. LES FINS DE NON-RECEVOIR

145 Division. – Les fins de non-recevoir constituent l'une des notions les plus délicates du droit
judiciaire privé. Aussi est-il opportun d'examiner en premier lieu cette notion (1) avant de pouvoir
aborder leur régime (2).

1. La notion de fin de non-recevoir

146 La définition de la fin de non-recevoir. – La fin de non-recevoir est définie par


l'article 122 du Code de procédure civile. Aux termes de ce texte, « constitue une fin de non-recevoir
tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond,
pour défaut de droit d'agir (...) ». Cette définition doit beaucoup aux idées de Henri Motulsky. On
sait 379 que l'illustre auteur distinguait trois étages de droits à propos du procès : le droit substantiel,
le droit d'agir et l'acte de procédure. À chacun de ces niveaux correspond une défense. La défense au
fond porte sur le droit substantiel 380, la fin de non-recevoir sur le droit d'agir et l'exception de
procédure sur l'acte de procédure. Par exemple, pour Motulsky, si le demandeur n'a pas qualité, il n'a
pas le droit d'agir et sa demande est irrecevable.
Cependant, il a été indiqué que l'action ne pouvait pas être distinguée des demandes et des
défenses 381. Il convient donc de transposer légèrement la définition du Code de procédure civile. On
peut dire que la fin de non-recevoir est le moyen qui tend à faire rejeter, sans examen au fond, une
demande ou une défense, parce que la partie ne satisfait pas aux conditions exigées pour pouvoir
soumettre au juge cet acte processuel. Cette définition montre que la fin de non-recevoir consiste en
une sanction, puisqu'elle se définit exclusivement à partir de l'effet qu'elle entraîne, le rejet sans
examen au fond de l'acte processuel soumis au juge 382. La partie qui soulève une fin de non-recevoir
soutient que son adversaire ne satisfait pas aux conditions posées par la loi 383 pour pouvoir
soumettre au juge l'acte qu'il vient de réaliser. Dès lors que l'adversaire n'a pas le droit de faire
l'acte, le juge doit l'écarter au seul motif que les conditions exigées par la loi ne sont pas remplies ; il
doit donc l'écarter sans même prendre connaissance de son contenu. La fin de non-recevoir est un
obstacle anticipé à l'examen d'un acte processuel, sanctionnant le défaut du droit de son auteur de le
présenter. C'est ce qui la distingue de la défense au fond, qui tend au rejet d'une prétention après
examen au fond de ses mérites : le contenu de la demande adverse est étudié et son étude conduit
l'auteur de la défense au fond à prétendre que la demande ne peut être admise, en raison des faits qui
se sont réellement produits ou des règles de droit applicables à la situation litigieuse.

147 Une notion se définissant par ses effets. – Les lignes qui précèdent montrent donc qu'à la
différence de la défense au fond, la fin de non-recevoir ne se définit pas par ses éléments constitutifs,
mais par son effet : constitue une fin de non-recevoir la défense procédurale 384 qui entraîne le rejet
d'un acte sans examen de son contenu 385. Il en résulte qu'il n'existe pas de différence de nature entre
les deux types de défense procédurale que sont les fins de non-recevoir et les exceptions de
procédure 386. Les différences portent sur leurs effets respectifs. Lorsque le législateur entend
subordonner à certaines conditions le droit de soumettre un acte processuel au juge, il va sanctionner
leur absence par l'irrecevabilité de l'acte. La détermination des fins de non-recevoir dépend donc
exclusivement de la volonté de l'auteur du texte ou, à défaut, de l'interprète (le juge) chargé de
suppléer à la carence de ce dernier.
Le rapprochement des articles 56 et 57 du Code de procédure civile fait apparaître au grand jour
l'absence de différence de nature entre une fin de non-recevoir et une exception de procédure.
L'article 56 exige que l'assignation mentionne l'indication de la juridiction devant laquelle la
demande est portée ainsi que, le cas échéant, les mentions relatives à la désignation des immeubles
exigées pour la publication au fichier immobilier. L'inobservation de ces prescriptions est
sanctionnée par une exception de procédure 387. L'article 57 exige également que la requête conjointe
contienne ces mêmes mentions, mais il en sanctionne l'inobservation par une fin de non-recevoir.
Comment peut-on expliquer des sanctions différentes ? On ne saurait invoquer la nature des choses à
propos de mentions qui sont évidemment de même nature dans les deux actes. La différence ne
s'explique que par la volonté du législateur 388.
Les immunités de juridiction illustrent également l'absence de fin de non-recevoir « par nature ».
Selon un principe classique du droit international public, un État ne peut être attrait devant les
tribunaux d'un autre État, à raison de ses actes de souveraineté 389. La majeure partie de la doctrine et
de la jurisprudence y voit une fin de non-recevoir 390 que l'État étranger peut soulever devant la
juridiction française. Cela étant, cette fin de non-recevoir ressemble fort à une exception
d'incompétence internationale, car si les tribunaux français ne sont pas autorisés à trancher le litige,
le demandeur peut normalement se tourner vers les juridictions nationales de son adversaire. La
différence qui sépare l'immunité de juridiction d'une exception d'incompétence internationale réside
essentiellement dans leurs régimes respectifs : ainsi, au lieu de renvoyer les parties à mieux se
pourvoir, le juge déclarera la demande irrecevable. De plus, en vertu de l'article 123 du Code de
procédure civile, la fin de non-recevoir peut être soulevée en tout état de cause 391. Enfin, étant
d'ordre public, elle devra être soulevée d'office par le juge, par application de l'article 125. Le
régime d'une exception d'incompétence serait quelque peu différent 392.
C'est encore l'absence de définition de la fin de non-recevoir à partir de ses éléments constitutifs
qui explique la difficulté d'identifier celles des défenses procédurales qui doivent être ainsi
qualifiées 393. Le plus souvent, l'identification s'opère grâce aux mots utilisés par l'auteur de la règle.
Les mots « recevable » ou « irrecevable » marquent de façon certaine l'existence d'une fin de non-
recevoir. La même certitude existe lorsqu'un texte évoque les conditions « d'ouverture » d'une
procédure ou d'une voie de recours 394. C'est le signe que l'inobservation de ces conditions est
sanctionnée par une fin de non-recevoir. Mais l'inverse n'est pas vrai : l'absence d'un signe tel que
ceux qui viennent d'être indiqués n'exclut pas la qualification de fin de non-recevoir. Par exemple, si
l'article 1266 du Code de procédure civile indique clairement que « celui qui agit au fond n'est plus
recevable à agir au possessoire », l'article 1265 se contente d'énoncer que « la protection
possessoire et le fond du droit ne sont jamais cumulés ». La jurisprudence décide néanmoins qu'un
moyen tiré du droit pétitoire est irrecevable devant le juge du possessoire 395.
La fin de non-recevoir relève normalement du droit judiciaire privé. Elle sanctionne les règles
dont le législateur entend faire des conditions du droit de présenter un acte processuel. Ainsi en va-t-
il de l'intérêt pour former une demande. La même chose peut être dite des conditions particulières
auxquelles le législateur subordonne la présentation de certaines demandes : par exemple l'absence
de contestation sérieuse pour la demande en référé 396 ou l'absence de demande antérieure au pétitoire
pour une demande au possessoire 397. Pour ce qui est des défenses, la loi distingue selon le type de
défense. La légitime faveur accordée à la défense au fond justifie qu'elle ne soit subordonnée à
aucune condition générale. À l'opposé, le législateur se méfie des exceptions de procédure, qui sont
d'une moindre importance et qui peuvent plus facilement donner matière à la chicane. C'est ce qui
explique que leur présentation soit soumise à des conditions très strictes de recevabilité. Les voies
de recours font, elles aussi, l'objet d'une réglementation sanctionnée par des fins de non-recevoir. Par
exemple l'exercice d'une voie de recours qui n'est pas ouverte ou l'expiration du délai pour former
cette voie de recours sont sanctionnés de cette façon 398. Un appel formé hors délai entraîne son
rejet selon le mécanisme décrit, c'est-à-dire qu'il sera rejeté sans même que le juge ait examiné le
dossier, pour le seul motif que l'acte a été effectué un jour trop tard. Le procès se trouve alors
irrémédiablement perdu.

148 Les « fausses » fins de non-recevoir. – On constate ainsi l'efficacité, pour ne pas dire la
brutalité, de ce mécanisme, en ce qu'il constitue un obstacle anticipé à l'examen au fond de l'acte qui
a été accompli. Parce que la fin de non-recevoir est une défense procédurale, le juge doit
logiquement l'examiner en premier. De là est venue l'idée d'utiliser ce mécanisme pour des éléments
du débat qui ne constituent pas une défense procédurale. Un moyen relevant du droit substantiel va
être qualifié, de façon artificielle, de fin de non-recevoir. On peut parler alors de fin de non-recevoir
par détermination de la loi ou de fausse fin de non-recevoir. À titre d'exemple, citons la prescription
extinctive, la réconciliation des époux dans le divorce pour faute, la mauvaise foi du débiteur qui
sollicite le bénéfice d'une procédure de surendettement des particuliers 399 ou la fin de non-recevoir
tirée de l'examen des sangs dans le cadre d'une action à fins de subsides 400. On peut dire également
que l'article 414-2 du Code civil instaure une fausse fin de non-recevoir en posant certaines
conditions alternatives préalables à l'action en nullité d'un acte onéreux par les héritiers de son
auteur 401.
Ce qui distingue ces fausses fins de non-recevoir, c'est qu'elles ne présentent pas les traits
caractéristiques communs à toutes les défenses procédurales. Les fins de non-recevoir qui viennent
d'être indiquées ne donnent pas lieu à un débat nouveau, logiquement préalable, portant sur
l'application de règles procédurales. Pour le montrer, on peut raisonner sur la fin de non-recevoir
tirée de la réconciliation des époux, qu'énonce l'article 244 du Code civil 402. La réconciliation des
époux manifeste un pardon des offenses, qui ôte aux actes de l'époux coupable leur aspect fautif, et la
loi interdit à l'autre époux de revenir sur ce qu'il a accordé. En présentant ce moyen, le défendeur
reste sur le terrain choisi par son adversaire. Il soutient que l'autre époux ne peut obtenir satisfaction,
parce que l'une des conditions prévues par la loi ne se trouve pas remplie. Le divorce pour faute
suppose des actes que l'on puisse qualifier de faute. Or, en l'espèce, le caractère fautif des actes a été
effacé par la réconciliation qui est intervenue. De plus, il est évident que la réconciliation des époux
ne relève pas de la procédure. Enfin, l'examen de ce moyen de défense n'est pas logiquement
préalable. Dans un procès en divorce, la question de l'existence des fautes doit logiquement précéder
celle de leur pardon. Il s'agit donc d'un moyen de défense qui, par sa nature, constitue une défense au
fond.
Néanmoins, la loi en fait une fin de non-recevoir. La raison de cette qualification artificielle doit
être recherchée dans l'examen préalable qu'implique la fin de non-recevoir. La volonté du législateur
est que le juge examine en premier lieu l'existence d'une réconciliation avant même de s'interroger sur
l'existence de fautes antérieures et sur leur gravité. L'auteur de la norme isole ainsi un élément du
débat au fond et il ordonne au juge de l'aborder en premier 403. S'il apparaît que, sur ce point, la
prétention du demandeur n'est pas fondée, sa demande sera rejetée sans qu'il y ait eu lieu d'aborder
les autres éléments de l'affaire. Dans l'exemple choisi, le juge s'évitera la pénible obligation
d'examiner les misères d'une vie conjugale. La même démonstration pourrait être menée à propos de
chacune des fausses fins de non-recevoir qui ont été citées et en général de toutes celles qui sont
tirées du droit substantiel. Dans tous ces cas, une défense au fond se voit appliquer le régime d'une
fin de non-recevoir.

2. Le régime des fins de non-recevoir

149 Une recevabilité étendue. – La fixation du régime des fins de non-recevoir suscite
l'hésitation. D'un côté, on dira qu'il s'agit de défenses procédurales, moins importantes que les
défenses au fond, et qu'il convient d'aligner sur les autres défenses procédurales. Mais, d'un autre
côté, on remarquera que c'est dans la catégorie des fins de non-recevoir que le législateur place les
défenses procédurales les plus importantes et que, comme on vient de le voir, certaines fins de non-
recevoir (les « fausses ») constituent en réalité de véritables défenses au fond, ce qui peut conduire à
aligner leur régime sur celui des défenses au fond. Le décret-loi du 30 octobre 1935 avait choisi de
soumettre les fins de non-recevoir au régime défavorable des exceptions de procédure. La Cour de
cassation a tourné le texte, en se réfugiant derrière des arguments d'une rare fragilité 404. Les
rédacteurs du Code de procédure civile ont tenu compte de cette résistance, tout à fait exceptionnelle,
qu'avait manifestée le juge à l'encontre du législateur. L'article 123 du Code dispose que, comme les
défenses au fond, « les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause » 405. Il est
très rare que la loi déroge à ce principe 406, comme il est rare que la jurisprudence en limite la
portée 407.
L'article 124 ajoute, pour mieux distinguer les fins de non-recevoir des exceptions de nullité pour
vice de forme, qu'elles « doivent être accueillies sans que celui qui les invoque ait à justifier d'un
grief ». Ainsi, par exemple, un appel tardif sera déclaré irrecevable, de façon automatique, alors
même que l'intimé n'a en rien été gêné par le fait que cette voie de recours a été formée un jour trop
tard. Les règles de droit sont, on le voit, très rigoureuses pour celui qui se trouve confronté à une fin
de non-recevoir.

150 La régularisation de la situation. – Deux légères atténuations sont cependant apportées à


cette rigueur. Tout d'abord, l'article 126 du Code de procédure civile dispose que, « dans le cas où la
situation est susceptible d'être régularisée, l'irrecevabilité sera écartée si sa cause a disparu au
moment où le juge statue 408 ». Par exemple, certaines demandes doivent être publiées au service
chargé de la publicité foncière à peine d’irrecevabilité 409. La jurisprudence admet que leur
publication soit effectuée en cours d’instance et même en appel, emportant ainsi régularisation de la
fin de non-recevoir 410. D'irrecevable, la demande devient recevable. Cela suppose toutefois que la
situation soit encore « susceptible d'être régularisée ». Tel n'est pas le cas lorsque la fin de non-
recevoir est liée à l'expiration d'un délai de procédure. Si, par exemple, le délai d'appel est écoulé,
l'appelant ne pourra échapper à la fin de non-recevoir : on ne peut pas remonter le temps. De plus, la
solution posée à l’article 126 du Code de procédure civile n’est pas générale, car la jurisprudence
écarte parfois toute possibilité de régularisation dans certaines situations. Ainsi, la Cour de cassation
a décidé que la partie qui a saisi le juge au mépris d'une clause de conciliation préalable 411 et dont la
demande était de ce fait irrecevable 412, ne pouvait régulariser la situation en mettant en œuvre la
procédure de conciliation en cours d’instance 413.
Le second alinéa de l'article 126 vise le cas particulier où une fin de non-recevoir repose sur le
défaut de qualité d'une partie. Ce texte prévoit que l'irrecevabilité sera écartée si « la personne ayant
qualité pour agir devient partie à l'instance ». C'est une hypothèse de régularisation parmi d'autres.
Mais l'article 126, alinéa 2, précise que cette régularisation doit intervenir « avant toute forclusion »,
ce qui est une manière de rappeler qu'une régularisation ne peut être admise que lorsque « la situation
est (encore) susceptible d'être régularisée ». Cette condition n'est évidemment pas spécifique à la fin
de non-recevoir tirée du défaut de qualité. Quelle que soit la fin de non-recevoir, il ne peut y avoir de
régularisation si un délai de forclusion est d'ores et déjà écoulé 414.

151 La sanction de l'utilisation dilatoire d'une fin de non-recevoir. – Une seconde


atténuation apportée à la rigueur des principes posés par les articles 123 et 124 du Code de
procédure civile résulte de l'article 123 lui-même. Si ce texte permet de proposer les fins de non-
recevoir en tout état de cause, il réserve « la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-
intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt ».
L'allocation de dommages-intérêts est donc subordonnée à la réunion de deux conditions. Il ne suffit
pas que la fin de non-recevoir ait été soulevée tardivement (la tardiveté pourrait être liée à la
difficulté de la découvrir), il faut aussi que le retard soit lié à une intention dilatoire, c'est-à-dire à
une volonté de faire traîner le procès en longueur 415. Mais on notera encore que, même dans ce cas,
le juge n'a pas le pouvoir d'écarter la fin de non-recevoir.

152 L'effet de la fin de non-recevoir. – L'effet de la fin de non-recevoir a déjà été indiqué à
propos de l'étude de sa notion. Il suffit de le rappeler en quelques mots. La fin de non-recevoir
constitue un obstacle anticipé qui entraîne le rejet de l'acte processuel sans examen au fond. Tout
l'intérêt de la notion réside dans l'examen préalable de la cause d'irrecevabilité. Si ce moyen de
défense s'avère fondé, le reste ne sera pas examiné. Ainsi, lorsqu'elle est opposée à la demande
initiale, la fin de non-recevoir entraîne pour le demandeur la perte de son procès, sans même que le
fond du droit ait été abordé. La défense au fond relève de l'art du civiliste ou du commercialiste. La
fin de non-recevoir, quant à elle, peut être considérée comme l'enfant chéri du procédurier !

B. LES EXCEPTIONS DE PROCÉDURE

153 La notion d'exception de procédure. – Dans le droit romain, le mot exception désignait
toute sorte de défense. Notre vocabulaire juridique en porte encore la trace. Ainsi l'exception non
adimpleti contractus ne concerne en rien la procédure. Il s'agit d'une règle du droit civil spécifique
aux contrats synallagmatiques. Le plaideur qui l'oppose à son cocontractant soulève une défense qui
doit être qualifiée de défense au fond. La règle selon laquelle le juge de l'action est le juge de
l'exception relève du droit judiciaire privé, mais, selon les conceptions romaines, le mot désigne
toutes les défenses, qu'elles soient au fond ou procédurales. Pour éviter toute confusion, il est
préférable, en procédure, d'éviter d'utiliser le mot exception sans autre précision et de toujours parler
d'exception de procédure 416.
L'exception de procédure est définie par l'article 73 du Code de procédure civile. Aux termes de
ce texte, « constitue une exception de procédure tout moyen qui tend soit à faire déclarer la procédure
irrégulière ou éteinte, soit à en suspendre le cours ». À la différence de la quasi-totalité des autres
définitions, celle-ci manque de clarté, elle donne une impression de bric-à-brac. La procédure sera
déclarée irrégulière, éteinte ou suspendue. L'impression correspond à la réalité. Le mot important de
cette définition est le mot procédure : l'exception de procédure est une défense procédurale, qui n'est
pas une fin de non-recevoir. C'est la seule définition que l'on puisse donner, mais elle n'est pas très
éclairante. Elle a seulement le mérite de montrer ce qui distingue ces deux sortes de défense
procédurale : l'exception de procédure n'entraîne pas la même sanction que la fin de non-recevoir,
parce qu'elle se rapporte à des règles de procédure jugées moins importantes par le législateur. Pour
chacune des exceptions de procédure, le législateur a prévu une sanction spécifique : la suspension
de l'instance, l'annulation d'un acte ou le renvoi de l'affaire devant une autre juridiction. Mais,
rappelons-le, il n'existe pas de différence de nature entre une exception de procédure et une fin de
non-recevoir 417. Seuls leurs régimes respectifs permettent de les distinguer.
Positivement, il n'existe guère de lien entre les quatre exceptions de procédure réunies par les
rédacteurs du Code de procédure civile, de l'article 73 à l'article 121 ; qu'y a-t-il de commun entre
une exception dilatoire et une exception de nullité ? La seule explication que l'on puisse avancer tient
encore une fois à la tradition et au plan suivi. Ces défenses procédurales n'ont en commun que de
pouvoir être opposées à une demande dès le début de l'instance. Cependant, le rapprochement ainsi
opéré n'est pas demeuré sans conséquence. Le Code de procédure civile les a dotées d'un régime qui
est le même, à quelques détails près. L'énumération des diverses exceptions de procédure fera
apparaître la diversité de leur nature (1), mais c'est leur régime qui fait leur unité (2).

1. L'énumération des exceptions de procédure

154 Plan. – Les diverses exceptions de procédure seront successivement abordées dans l'ordre
retenu par le Code de procédure civile. On se contentera ici de les définir sommairement. Leur étude
approfondie sera effectuée par la suite.

155 L'exception d'incompétence. – L'exception d'incompétence est régie par les articles 75
à 99 du Code de procédure civile. La partie qui soulève une exception d'incompétence soutient que le
tribunal auquel une demande ou, plus exceptionnellement, une défense ont été soumises n'est pas celui
que désigne la loi pour en connaître ; et elle en demande le renvoi, préalablement à tout examen,
devant une autre juridiction. L'incompétence du juge est sanctionnée par un renvoi de la demande ou
de la défense à un autre juge 418.
L’exception d’incompétence est de celles qui illustrent la difficulté de distinguer les exceptions
des fins de non-recevoir. Ainsi, lorsqu’une règle de droit désigne la seule cour d’appel de Paris pour
connaître des appels formés dans certains contentieux particuliers, la saisine d’une autre cour d’appel
se heurte-t-elle à une exception d’incompétence ou à une fin de non-recevoir tirée de l’absence de
pouvoir de cette seconde juridiction ? À notre avis, il s’agit d’une exception d’incompétence
(territoriale et d’attribution), le litige étant attribué par la loi à une juridiction dotée d’un ressort
spécial, plutôt qu’à une autre moins spécialisée 419. Mais plusieurs arrêts de la chambre commerciale
de la Cour de cassation ont retenu, dans une telle situation, une fin de non-recevoir liée au « pouvoir
juridictionnel exclusif » de la cour de Paris 420. Il est fort possible que cette qualification ait un
caractère téléologique et que le but de la haute Juridiction soit d’obtenir l’application d’un régime de
relevé d’office plus rigoureux que celui de l’incompétence 421, mais il faut bien reconnaître que la
position retenue par la chambre commerciale est défendable en théorie. Quand une seule juridiction
est compétente à titre exclusif, ne peut-on dire que toutes les autres sont dépourvues du pouvoir de
statuer ?

156 Les exceptions de litispendance et de connexité. – Les exceptions de litispendance et de


connexité, que réglementent les articles 100 à 107 du Code de procédure civile, sont assez proches
de l'exception d'incompétence. La partie qui soulève l'exception soutient que la même affaire (en cas
de litispendance) ou qu'une affaire étroitement liée à la présente affaire (en cas de connexité) est déjà
pendante devant une autre juridiction et elle demande le renvoi de tout le procès devant l'autre
juridiction. Comme dans l'incident de compétence, le demandeur à l'exception sollicite le renvoi de
l'affaire, mais ici le renvoi n'est pas justifié par l'incompétence du juge, il l'est par le souci de
regrouper devant un seul juge les demandes actuellement soumises à deux juges différents 422.

157 L'exception dilatoire. – La définition de l'exception dilatoire, régie par les articles 108
à 111 du Code de procédure civile, soulève davantage de difficultés. Le plan adopté a conduit les
rédacteurs du Code à rassembler sous le même vocable divers incidents, qui certes se rapportent tous
à la suspension de l'instance, mais qui relèvent de catégories différentes. La suspension de l'instance
peut être liée à une radiation de l'affaire, à un sursis à statuer ou, enfin, à un cas légal de suspension.
La radiation se distingue clairement des autres cas de suspension de l'instance : c'est la sanction de
l'inactivité procédurale des parties. Les deux autres cas peuvent être plus facilement confondus. Les
cas légaux de suspension correspondent à des situations dans lesquelles la loi impose la suspension
de l'instance : le juge doit la suspendre. En dehors de ces cas, le plaideur peut seulement solliciter un
sursis à statuer, dont le juge apprécie discrétionnairement l'opportunité 423.
Dans les articles 108 à 111, les rédacteurs ont réuni quelques cas légaux de suspension et des
hypothèses de sursis à statuer, parce qu'il s'agit de situations qui peuvent se rencontrer en début
d'instance. L'article 108 du Code de procédure civile oblige le juge à suspendre l'instance lorsque la
partie qui le demande jouit d'un délai « pour faire inventaire et délibérer ». Cette expression
désormais obsolète vise aujourd'hui le délai d'option accordé à l'héritier qui est poursuivi par un
créancier du défunt 424. À compter de l'ouverture de la succession, il bénéficie d'un délai de quatre
mois pour accepter la succession ou y renoncer. La suspension de l'instance constitue un droit pour
l'héritier qui est poursuivi en justice 425.
Il n'en va pas de même des autres cas visés par les articles 109 et 110. Aux termes du premier, le
juge peut accorder un délai au défendeur pour appeler un garant. Aux termes du second, le juge peut
également suspendre l'instance lorsque l'une des parties invoque une décision frappée de tierce
opposition, de recours en révision ou de pourvoi en cassation, c'est-à-dire d'une voie de recours non
suspensive. Dans l'un et l'autre cas, la décision de suspendre l'instance est entièrement abandonnée à
l'appréciation du juge. Il s'agit d'hypothèses de sursis à statuer.
Il paraît préférable de réserver la qualification d'exception dilatoire aux seules hypothèses dans
lesquelles le plaideur dispose d'un véritable droit à la suspension de l'instance. Si l'on retient ce
parti, il convient d'éliminer les cas de sursis à statuer énumérés par les articles 109 et 110.

158 L'exception de nullité. – En soulevant une exception de nullité, réglementée par les
articles 112 à 121 du Code de procédure civile, un plaideur soutient qu'un acte de procédure n'a pas
été légalement formé et il en demande l'annulation 426.
Le bref aperçu qui vient d'être donné confirme, nous semble-t-il, le caractère disparate des
éléments qui composent la catégorie des exceptions de procédure ; son unité ne résulte que du régime
auquel elles se trouvent soumises.

2. Le régime des exceptions de procédure

159 Objectifs du législateur. – Le régime des exceptions de procédure est commandé par le
souci de concentrer au début du procès le règlement du contentieux qu'elles peuvent soulever,
s'agissant de contestations portant sur des points mineurs et touchant à l'organisation du procès. Ainsi
en va-t-il des incidents de compétence ou de nullité qui se rattachent le plus souvent à l'acte
introductif d'instance. Inversement, le législateur a voulu empêcher les mauvais coups tardifs. Il n'est
pas convenable qu'un défendeur, dont la cause est mauvaise, laisse le procès se développer et sorte
au dernier moment une exception de procédure qui commanderait l'issue du procès. C'est cette
volonté que traduit l'article 74 du Code de procédure civile qui pose deux règles de principe (a) à
laquelle ne sont apportées que de rares dérogations (b).
a) Les règles de principe

160 Quand soulever les exceptions. – Aux termes de l'article 74 du Code de procédure civile,
« les exceptions (de procédure) doivent, à peine d'irrecevabilité, être soulevées simultanément et
avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir. Il en est ainsi alors même que les règles invoquées
au soutien de l'exception seraient d'ordre public ».
L'article 74 contient deux règles sur la présentation de l'exception de procédure. La première est
que les exceptions doivent être soulevées simultanément. Un plaideur n'a pas le droit de sortir l'une
après l'autre des défenses secondaires qui pourraient retarder à l'excès le procès. Si l'on ose dire, il
faut qu'il vide son sac à malices en une seule fois. Par la seconde règle, le législateur interdit au
plaideur de renverser l'ordre normal des choses, qui veut que l'on se débarrasse en premier des
problèmes mineurs 427. La règle a aussi pour effet d'interdire la présentation de toute exception de
procédure au plaideur trop fougueux, que son emportement pousse à contester immédiatement le bien-
fondé des prétentions de l'adversaire. Ces deux règles sont sanctionnées par une fin de non-recevoir,
que le juge a l'obligation de soulever d'office 428, ce qui montre que le législateur attache plus
d'importance à leur respect qu'à celui des règles que sanctionnent les exceptions de procédure...
On dit souvent que le défendeur doit soulever les exceptions in limine litis (c'est-à-dire « au
début du procès »). L'expression n'est exacte que pour les exceptions de procédure qui sont opposées
à l'acte introductif d'instance. Lorsqu'une exception de procédure est opposée à un acte postérieur,
une adaptation est nécessaire. C'est, pourquoi l'article 112 du Code de procédure civile dispose que
« la nullité des actes de procédure peut être invoquée au fur et à mesure de leur accomplissement ».
La règle relève du plus élémentaire bon sens : comment pourrait-on soulever la nullité d'un acte qui
n'a pas encore été accompli ? Le texte de l'article 112 ne vise expressément que l'exception de nullité,
mais la même adaptation doit être opérée pour toutes les exceptions de procédure, si le cas se
présente. Il peut en aller ainsi pour une exception d'incompétence qui est opposée à une demande
incidente ou, plus exceptionnellement, à un moyen de défense. On doit parler d'adaptation plutôt que
de dérogation, puisque l'article 112 ajoute que l'exception est couverte, donc ne peut plus être
soulevée, « si celui qui l'invoque a, postérieurement à l'acte critiqué, fait valoir des défenses au fond
ou opposé une fin de non-recevoir sans soulever » l'exception de procédure. Ce sont de véritables
dérogations qu'il faut maintenant aborder.
b) Les dérogations au principe

161 Exceptions dilatoires, de connexité et de nullité. – La première des trois exceptions


intéresse l'exception dilatoire. L'article 111 du Code de procédure civile dispose que « le
bénéficiaire d'un délai pour faire inventaire et délibérer peut ne proposer ses autres exceptions
qu'après l'expiration de ce délai ». Cette dérogation se justifie aisément. La loi entend que, pendant
tout le temps que court le délai d'option 429 qui lui est ouvert pour accepter ou refuser la succession,
l'héritier n'ait pas à se soucier du procès qui a été intenté contre lui. Il faut donc qu'il puisse dans un
premier temps ne présenter que la seule exception dilatoire, sans diminuer ses droits en quoi que ce
soit. Les autres exceptions échappent ainsi à la règle de la simultanéité de la présentation, mais dans
cette seule mesure 430.
En deuxième lieu, il résulte de l'article 103 du Code de procédure civile que « l'exception de
connexité peut être proposée en tout état de cause ». L'exception de connexité échappe donc aux deux
règles de l'article 74, puisqu'elle peut être présentée après d'autres exceptions de procédure et même
après des défenses au fond. La raison en est que les contours de la connexité sont parfois très
flous 431. Il peut se faire qu'au moment où est engagé le second procès, il n'apparaisse aucun lien entre
les deux dossiers, qui justifie l'attribution de l'ensemble de l'affaire à l'un des juges et que le lien ne
soit révélé que par le développement du procès. C'est cette circonstance qui, seule, justifie la
dérogation. Aussi bien l'article 103 ajoute-t-il que l'exception peut être écartée si elle a été soulevée
tardivement dans une intention dilatoire 432.
La troisième exception résulte de l'article 118 du Code de procédure civile, aux termes duquel
« les exceptions de nullité fondées sur l'inobservation des règles de fond relatives aux actes de
procédure peuvent être proposées en tout état de cause, à moins qu'il en soit disposé autrement et sauf
la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans
une intention dilatoire, de les soulever plus tôt ». La lecture de ce texte fait apparaître que le régime
des exceptions de nullité pour vice de fond est aligné sur celui des fins de non-recevoir : c'est
quasiment un décalque de l'article 123 du Code 433. On verra que les exceptions pour vice de fond
sont plus graves que les autres exceptions de procédure en ce qu'elles portent sur la capacité des
parties et le pouvoir de leurs représentants. L'identité de régime, outre qu'elle manifeste l'importance
de ces nullités, présente encore le mérite d'enlever tout intérêt pratique aux discussions qui pourraient
naître sur la frontière qui sépare les deux sortes de défense 434.

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C. ROUGEAU-MAUGER, « Réflexion sur la nature juridique de l'action en justice du ministre de
l'économie en matière deA3B2 show [mep : ek] pratiques restrictives de concurrence », RTD
com. 2010, p. 653.
Y.-M. SERINET, « La qualité du défendeur », RTD civ. 2003, p. 203.
SOUS-TITRE 2
LES TECHNIQUES PROCÉDURALES DE L'INSTANCE

162 Annonce. – De l'acte processuel, il faut passer à l'acte de procédure, comme on passe de
l'abstrait au concret. Concrètement donc, le plaideur qui entend agir formera des actes de procédure
(chapitre I) dont, très souvent, le législateur enferme l'accomplissement dans des délais strictement
réglementés (chapitre II). Telles sont les deux matières qui vont être à présent abordées.
CHAPITRE I
LES ACTES DE PROCÉDURE

163 Présentation. – Les demandes et les défenses sont portées devant le juge au moyen d'actes
juridiques particuliers, les actes de procédure, dont c'est précisément l'objet 435. Comme tout acte
juridique, l'acte de procédure fait l'objet de règles fixant ses conditions de formation tant pour ce qui
est du fond que de la forme, qui s'écartent sur certains points des principes généraux qu'énonce le
Code civil et notamment du principe du consensualisme. La raison en est que l'écrasante majorité des
actes de procédure sont des actes unilatéraux qui doivent être portés à la connaissance de
l'adversaire et l'un des soucis majeurs du législateur est que le destinataire de l'acte en ait
effectivement connaissance et qu'il y trouve les éléments d'information qui lui sont nécessaires. On ne
s'étonnera pas, dans ces conditions, de l'importance apportée aux règles de forme, à côté des règles
de fond (section I). Le revers du formalisme est qu'il favorise l'esprit de chicane. Pour le limiter, les
rédacteurs du Code de procédure civile ont prévu un régime spécifique de la sanction de ces règles,
qu'il convient également étudier (section II).

SECTION I
L'ÉNONCÉ DES RÈGLES DE FORMATION

164 Plan. – L'originalité de la réglementation des actes de procédure se manifestant


principalement à propos des conditions de forme, il faut, pour une fois, les étudier (§ 1) avant les
conditions de fond (§ 2).

§ 1. L'ÉNONCÉ DES CONDITIONS DE FORME

165 Généralités. – Les actes de procédure sont accomplis, pour le compte des parties, dans le
cadre d'une instance (on parle d'acte judiciaire) ou même en dehors d'une instance (on parle d'acte
extrajudiciaire). Un grand nombre d'entre eux est rédigé par les huissiers et plus souvent encore
notifiés par eux. C'est ce qui explique qu'une partie importante de ce développement sera consacrée à
leurs actes, ainsi que le font les articles 648 à 694 du Code de procédure civile qui régissent cette
matière. Il faut encore préciser que seules seront indiquées ici les règles communes à tous les actes
de procédure. Il existe également des règles particulières à tel ou tel acte, qui seront étudiées
ultérieurement. Par exemple, l'acte introductif d'instance est le plus souvent formalisé au moyen d'un
acte d'huissier appelé l'assignation. En plus des règles communes à tous les actes d'huissier 436,
l'assignation est soumise à des règles qui tiennent à son objet spécifique, énoncées par l'article 56 du
Code.

166 Rédaction des actes de procédure. – La première règle pour la rédaction des actes de
procédure est que, comme tous les actes publics, ils doivent être rédigés en langue française 437. Les
règles suivantes n'intéressent que les actes d'huissier. Les actes d'huissier doivent être rédigés sans
blancs, ni ratures, ni surcharges, ni renvois, à moins que les ratures, les surcharges ou les renvois ne
soient approuvés. Le plus souvent, les huissiers utilisent des actes préétablis qu'il leur suffit de
compléter ou dans lesquels ils cochent la formule appropriée. Leurs actes sont établis en un
original 438 qu'ils conservent précieusement. Lorsque l'acte est destiné à être délivré à un destinataire,
l'huissier lui remet une expédition certifiée conforme 439. La copie doit être strictement identique à
l'original. En effet, à l'égard du destinataire, la copie vaut l'original. Par conséquent, tout vice qui
entache la copie entache de la même façon l'original : si une mention, dont l'absence est sanctionnée
par la nullité, fait défaut sur la copie remise au destinataire, la nullité atteint aussi bien l'original que
la copie 440.
L'acte d'huissier doit contenir un certain nombre de mentions qu'énumère l'article 648 du Code de
procédure civile. Outre sa date, l'acte comprend l'identification complète du requérant : pour une
personne physique, ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance ;
pour une personne morale, sa forme, sa dénomination sociale, son siège et l'organe qui la représente
légalement. Sur ce dernier point, la Cour de cassation a longtemps fait montre d'un coupable laxisme
en décidant qu'il n'était pas nécessaire de mentionner le nom de la personne physique représentant la
personne morale 441 et qu'il suffisait de faire figurer dans l'acte une formule passe-partout, comme « la
société X, prise en la personne de son représentant légal », ce qui privait la mention de tout
intérêt 442. Par la suite, la Cour a décidé que le défaut d'indication du représentant de la personne
morale (ou sa désignation erronée 443) constituait un vice de forme devant être sanctionné par la
nullité de l'acte, dès lors que l'adversaire justifiait d'un grief 444, mais la jurisprudence reste
incertaine 445. L'acte indique encore les nom, prénoms et demeure de l'huissier 446 et il est signé par
lui. La signature est évidemment indispensable, puisque c'est elle qui confère à l'acte son caractère
authentique 447. Enfin, si l'acte doit être signifié, il mentionne les nom et domicile du destinataire, s'il
s'agit d'une personne physique, ou sa dénomination et son siège social, s'il s'agit d'une personne
morale. Toutes ces mentions sont prescrites à peine de nullité 448.

167 Notification des actes de procédure. – Le formalisme qui marque la rédaction se


retrouve, de façon beaucoup plus importante, dans la notification des actes de procédure, à laquelle
sera consacré l'essentiel de ce développement. La raison en est qu'à de rares exceptions près, les
actes de procédure doivent être portés à la connaissance de l'adversaire et que tout doit être fait pour
que le destinataire de l'acte en ait effectivement connaissance. Mais il n'y a pas que les intérêts du
destinataire de l'acte qui doivent être protégés. Il y a aussi ceux de la partie qui accomplit l'acte, en
particulier ceux du demandeur : l'exercice de ses droits en justice ne saurait être paralysé par le refus
du défendeur de collaborer au procès ou, pire, par sa fuite. Le formalisme auquel est soumise la
notification protège également le demandeur. En effet, un acte de procédure régulier produit tous ses
effets à compter de son accomplissement, qu'il ait été ou non reçu par son destinataire 449.
La notification faite par acte d'huissier de justice est appelée « signification ». Elle est faite
traditionnellement sur support papier, mais le décret n 2012-366 du 15 mars 2012 a instauré la
o

possibilité de l'effectuer par voie électronique 450. Les garanties que présente la signification en font
la modalité normale de notification des actes de procédure les plus importants 451, ce qui justifie
qu'elle soit étudiée en premier (A). Les autres modes de notification seront examinés dans un
deuxième temps (B). Une place à part devra être réservée aux notifications et significations régies
par des traités internationaux ou par le droit communautaire (C).

A. LA SIGNIFICATION

168 Division. – Le plus souvent, l'huissier effectue lui-même 452 les démarches nécessaires pour
remettre ou tenter de remettre l'acte à son destinataire (1). Parfois cependant, en raison de
l'éloignement du destinataire, l'huissier joue un rôle concret plus limité : il se borne à signifier l'acte
au parquet, et c'est ce dernier qui prend en charge son acheminement jusqu'au destinataire (2). Il
convient également d'apporter quelques précisions sur la sanction des règles applicables à la
signification et sur la date de celle-ci (3).

1. La signification directe par l'huissier

169 Moment auquel la signification peut être faite. – La signification est effectuée
directement par l'huissier chaque fois que le destinataire ne demeure pas dans une collectivité
d'outre-mer ni à l'étranger 453. Elle est soumise à des règles légèrement différentes selon que le
destinataire est une personne physique (a) ou une personne morale (b).
Avant de les étudier, il convient d'indiquer qu'aux termes de l'article 664 du Code de procédure
civile, « aucune signification ne peut être faite avant six heures et après vingt et une heures, non plus
que les dimanches, les jours fériés ou chômés ». La liste des jours fériés et chômés est fixée par la
loi 454 ; elle correspond à des fêtes religieuses ou civiles : le 1 janvier, le lundi de Pâques, le 1 mai,
er er

le 8 mai, l'Ascension, le lundi de Pentecôte, le 14 juillet, l'Assomption, la Toussaint, le 11 novembre


et la Noël. Par exception, en cas de nécessité, le juge peut autoriser l'huissier à signifier un acte l'un
de ces jours.

170 Procédés de signification. – Depuis qu'une loi du 13 mars 2000 a édicté que les actes
authentiques pouvaient être dressés sur supports électroniques 455, à condition d'être établis et
conservés dans des conditions fixées par décret, on s'attendait à voir un jour apparaître sous cette
forme divers actes authentiques, notamment des actes d'huissier. Dans un premier temps, deux décrets
du 10 août 2005 ont organisé les conditions dans lesquelles les notaires et les huissiers pouvaient
désormais recourir à la technique de l'acte électronique. Concernant ces derniers, les pouvoirs
publics se sont montrés très prudents puisque les textes, tout en autorisant l'huissier à dresser un acte
authentique sur support électronique, ne lui ont pas permis de le notifier électroniquement à son
destinataire. L'huissier pouvait recourir à la communication électronique pour transmettre à son client
la copie de l'acte de notification qu'il l'avait chargé d'effectuer, comme il pouvait délivrer une copie
par voie électronique aux personnes qui avaient déjà été destinataires de l'acte 456. Mais la
signification à proprement parler devait encore consister, comme autrefois, en la délivrance physique
d'un ou plusieurs documents papier. Il a fallu attendre 2012 pour que la signification électronique
annoncée 457 fasse enfin son apparition dans les textes 458. Désormais, un huissier peut signifier un
acte par voie télématique, à condition de respecter certaines conditions techniques et que le
destinataire « ait consenti à la signification par voie électronique » 459, ce consentement devant
d'ailleurs être mentionné dans l'acte de signification 460. À défaut, une copie de l'acte, « ainsi que
celle des pièces qui y sont annexées », sont « éditées sur support papier, afin d'être remises au
destinataire, selon les modalités prescrites par les textes en vigueur » 461, c'est-à-dire selon la
procédure ordinaire non dématérialisée. Dans les années à venir, on devrait donc voir se développer
la signification d'actes de procédure ou de jugements par internet.
a) La signification à une personne physique

171 Principe de la signification à personne. – L'article 654 du Code de procédure civile pose
qu'en principe, la signification doit être faite « à personne », parce que seul ce procédé donne la
certitude que le destinataire de l'acte en a effectivement connaissance. Aux termes mêmes de
l'article 689, alinéa 2, du Code, la notification à personne est « valable quel que soit le lieu où elle
est délivrée, y compris le lieu de travail ». Deux précisions doivent être apportées. D'une part,
l'article 689 ne permet pas à l'huissier de pénétrer de sa propre autorité dans un lieu privé, comme
peut l'être l'entreprise où travaille le destinataire de l'acte. D'autre part, l'article 654 du Code ne fait
pas peser sur l'huissier une obligation de résultat. Il interdit seulement à l'huissier de signifier à
domicile sans avoir essayé raisonnablement de notifier l'acte à personne. En pratique, la signification
de l'acte à personne demeure un idéal qui est loin d'être toujours atteint. Elle peut être assez
facilement réalisée lorsque le destinataire de l'acte est un commerçant, dont l'auteur de l'acte de
procédure sait où se situe le fonds de commerce. La notification à personne est encore envisageable,
pour les non commerçants, dans les petites villes ou à la campagne, lorsque l'huissier sait où trouver
le destinataire de l'acte aux heures ouvrables. En revanche, dans les grandes villes, comment
pourrait-on exiger des huissiers qu'ils parviennent à signifier à personne, alors qu'aux heures où ils
délivrent les actes, les destinataires se trouvent au travail en dehors de chez eux, en un lieu que
l'huissier ne connaît pas 462 ? Les huissiers ne peuvent guère faire autre chose que de se rendre au
domicile de la personne.
Si la Cour de cassation n'exige pas que la signification à personne « s'avère impossible » au sens
précis du terme 463, contrairement à ce qu'énonce l'article 655 du Code de procédure civile, l'huissier
doit tout de même relater dans l'acte lui-même les démarches qu'il a concrètement effectuées pour
essayer de signifier à personne, ainsi que les circonstances qui l'en ont empêché 464. Cela étant, cette
description peut être relativement sommaire, l'essentiel étant que l'on soit certain que le destinataire
n'était pas présent au lieu de son domicile ou de sa résidence au moment du passage de l'huissier 465.
Mais la Cour de cassation n'accepte pas que l'huissier se contente de cocher une case correspondant à
une phrase préétablie qui indique en termes généraux que la signification de l'acte à personne s'est
avérée impossible, sans plus d'élément permettant de corroborer cette assertion 466. Pareillement,
quand le requérant sait à quel endroit travaille le destinataire, l'huissier doit s'en informer auprès de
lui et tenter une signification à personne sur ce lieu de travail 467.

172 Signification à domicile par remise de l'acte à une tierce personne. – À défaut de
pouvoir signifier à personne, l'huissier procède à une signification à domicile. La notification doit
être effectuée au domicile, au sens précis du terme 468 : ce n'est qu'à défaut de domicile connu que
l'article 655 du Code de procédure civile permet de notifier au lieu de la résidence de la personne.
Dans un cas comme dans l'autre, la copie de l'acte « peut être remise à toute personne présente », à
condition que celle-ci « l'accepte et déclare ses nom, prénoms et qualité 469 ». L'huissier doit donc
aller sonner à la porte du destinataire, pour essayer de lui remettre l'acte en personne ou, à défaut, à
une personne présente, comme le conjoint 470, un parent, un enfant 471 ou un employé. Mais, depuis que
l'article 655 du Code a été modifié par le décret n 2005-1678 du 28 décembre 2005, il n'est plus
o

possible de remettre le document à une personne non présente dans le logement du destinataire, tel
qu'un voisin ou un concierge. De surcroît, l'huissier doit mentionner sur l'original de l'acte les
indications relatives à la personne à laquelle la copie a été remise 472 et l'article 657 du Code lui
prescrit de mentionner sur celle-ci « les conditions dans lesquelles la remise a été effectuée ». La
copie de l'acte qui est remise à la personne présente au domicile ou à la résidence du destinataire
« doit être placée sous enveloppe fermée ne portant que l'indication des nom et adresse du
destinataire de l'acte, et le cachet de l'huissier apposé sur la fermeture du pli ».
Le Code de procédure civile impose également à l'huissier d'accomplir quelques diligences
supplémentaires pour que le destinataire ait effectivement connaissance de l'acte 473. D'abord,
l'article 655 lui commande de laisser au domicile ou à la résidence du destinataire un avis de passage
daté, l'avertissant de la remise de la copie et mentionnant la nature de l'acte, le nom du requérant,
ainsi que les indications relatives à la personne à laquelle la copie a été remise. Ensuite, en vertu de
l'article 658, le jour même ou au plus tard le premier jour ouvrable suivant, l'huissier doit aviser
l'intéressé de la signification, par lettre simple comportant les mêmes mentions que l'avis de passage.
La lettre contient aussi une copie de l'acte de signification. L'accomplissement 474 de ces diligences
doit être mentionné sur l'original 475 de l'acte.

173 Signification à personne ou à domicile par voie électronique. – En instaurant la


possibilité d'une signification par voie électronique 476, le décret n 2012-366 du 15 mars 2012 a
o

adapté les notions classiques de significations à personne et à domicile au contexte né de la


dématérialisation de cette notification. En vertu de l'article 662-1 du Code de procédure civile, la
signification électronique n’est considérée comme faite à personne que si son destinataire « en a pris
connaissance le jour de la transmission de l'acte » 477. Dans le cas contraire, elle est considérée
comme faite à domicile. Le premier enjeu de cette qualification ressort de la suite de l'article 662-1 :
en cas de signification à domicile, l'huissier doit « aviser l'intéressé de la signification, le premier
jour ouvrable, par lettre simple mentionnant la délivrance de la signification par voie électronique
ainsi que la nature de l'acte et le nom du requérant ». Cette formalité, inspirée de celle que prévoit
déjà l'article 658, dans la procédure non dématérialisée, a pour but d'alerter le destinataire qui
n'aurait pas consulté sa boîte aux lettres électronique ni lu ses SMS, de ce qu'un acte de signification
l’attend dans un coffre-fort électronique placé sous la responsabilité de la Chambre Nationale des
Huissiers de Justice. Les autres enjeux de la qualification de « signification à domicile » sont liés au
régime découlant de certaines notifications. Ainsi, quand une assignation est délivrée à domicile, le
jugement ultérieur peut, sous certaines conditions 478, être rendu par défaut, ce qui ouvrira la voie
d'une opposition. Pareillement, le jugement rendu par défaut doit être notifié dans les six mois de sa
date, ce qui n'est pas exigé du jugement qui aurait été rendu sur une assignation à personne 479. Il n'est
pas certain que la raison d'être de ces règles se retrouve encore en cas de signification électronique à
domicile. Si un moyen technique permet de déterminer quand le destinataire a eu connaissance de
l'acte, on ne devrait plus guère avoir de doute sur cette connaissance et, en dehors de la lettre de la
loi, on ne voit plus ce qui justifierait ces régimes protecteurs.

174 Signification à domicile élu. – Il arrive que les parties à un acte conviennent d'élire
domicile, pour cet acte, chez un notaire ou chez un avocat. Dans certaines procédures, la loi impose
aux parties d'élire domicile chez un avocat. Tel est le cas, par exemple, de l'article 751 du Code de
procédure civile qui dispose que, devant le tribunal de grande instance, les parties sont tenues de
constituer avocat et que la constitution de celui-ci emporte élection de domicile (à son cabinet).
L'élection de domicile a une importance pratique assez limitée 480. En effet, elle ne dispense pas
l'huissier de l'obligation d'essayer de signifier à personne. De plus, s'il n'y parvient pas, c'est en
principe au domicile réel qu'il doit s'efforcer d'effectuer la notification. L'article 689 du Code de
procédure civile n'envisage la notification à domicile élu que « lorsque la loi l'admet ou l'impose ».
Ainsi, dans la saisie immobilière, la dénonciation du commandement de payer valant saisie aux
créanciers inscrits sur l'immeuble peut être faite aux domiciles élus sur leurs bordereaux
d'inscription 481. Mais, en dehors des cas prévus par la loi, on peut dire qu'il existe une prohibition de
principe de la notification des actes de procédure à domicile élu 482. En pratique, on ne s'en rend pas
forcément bien compte, dans la mesure où l'article 652 du Code énonce que les actes destinés à une
partie qui a chargé une personne de la représenter en justice sont notifiés à son représentant 483, car
c'est chez ce dernier (généralement un avocat) que se rendra l'huissier pour procéder à la notification.
Mais, à proprement parler, il n'y a pas, alors, notification à domicile élu, mais notification à la
personne (ou au domicile) du représentant.

175 Signification à domicile par dépôt de l'acte en l'étude de l'huissier. – L'huissier ne


parvient pas toujours à remettre la copie de l'acte à l'une des personnes qu'il trouve au domicile ou à
la résidence du destinataire (si tant est qu'il y trouve quelqu'un). À défaut, l'article 656 du Code de
procédure civile disposait naguère qu'il devait la déposer en mairie. Depuis le décret précité du
28 décembre 2005, les choses se passent autrement, la signification en mairie étant supprimée.
Désormais, l'article 656 prévoit que si personne ne peut ou ne veut recevoir la copie de l'acte au
domicile ou à la résidence du destinataire, l'huissier commence par s'assurer que celui-ci demeure
bien à l'adresse indiquée. Pour garantir le respect de cette obligation, la loi dispose qu'il devra
mentionner dans l'acte de signification les vérifications qu'il a effectuées sur ce point. Puis il laisse
au domicile ou à la résidence du destinataire un avis de passage similaire à celui qu'il laisserait s'il
avait pu remettre la copie de l'acte à une personne présente, à ceci près qu'au lieu d'indiquer le nom
d'un dépositaire, il informe le destinataire « que la copie de l'acte doit être retirée dans le plus bref
délai » à son étude, « contre récépissé ou émargement, par l'intéressé ou par toute personne
spécialement mandatée ». Enfin, comme dans l'hypothèse où la copie de l'acte a pu être remise à une
personne présente sur les lieux, l'article 658 dispose que le jour même ou au plus tard le premier jour
ouvrable suivant, l'huissier avise l'intéressé de la signification, par lettre simple comportant les
mêmes mentions que l'avis de passage, cette lettre contenant aussi une copie de l'acte de signification.
Que devient, ensuite, la copie de l'acte qu'il s'agissait de notifier ? L'article 656 du Code de
procédure civile précise qu'à la demande du destinataire, l'huissier peut la transmettre à un confrère
en l'étude duquel l'intéressé pourra la retirer 484. En dehors de ce cas, la copie doit être conservée
pendant trois mois en l'étude de l'huissier de justice. Au-delà, il en est déchargé. Si, finalement, le
destinataire ne vient pas chercher le document qui l'attend en l'étude de l'huissier de justice, la
signification est tout de même considérée comme réalisée. Comme l'indique l'article 656, tel que
modifié en 2006, le procédé utilisé constitue une forme de signification à domicile, comme l'était
naguère la signification à mairie. Et, à notre avis, lorsque le destinataire vient chez l'huissier
récupérer la copie de l'acte, la signification à domicile ne se transforme pas en signification à
personne. En effet, il se peut que le document soit remis à l'intéressé par un employé dépourvu du
pouvoir de procéder à une signification (une secrétaire, par exemple), la loi n'exigeant pas qu'il lui
soit remis par l'huissier ou par un clerc notificateur. Comme par le passé, à propos de la signification
en mairie, il faut considérer que la date de la notification est celle à laquelle l'huissier s'est présenté
au domicile du destinataire.

176 Signification par procès-verbal de recherches infructueuses. – La signification à


personne ou à domicile peut se révéler impossible lorsque la personne à qui l'acte doit être signifié
n'a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus. Il faut néanmoins que l'acte puisse être notifié
d'une façon ou d'une autre, sinon ce serait favoriser la fuite des défendeurs 485. Pour cette situation,
l'article 659 du Code de procédure civile a institué la signification de l'acte à la dernière adresse
connue. Elle consiste en ce que l'huissier dresse un procès-verbal où il relate avec précision les
diligences qu'il a accomplies pour rechercher le destinataire. Les très faibles garanties que ce type de
signification offre au destinataire 486 imposent, plus encore que pour les autres actes, que l'huissier ne
se contente pas de cocher une formule préétablie, mais qu'il rédige lui-même l'acte en fonction des
données précises de l'espèce 487. Bien qu'il ne soit remis ni même adressé à personne, c'est ce procès-
verbal qui constitue la signification elle-même. Les diligences que l'huissier est tenu d'accomplir
postérieurement complètent la signification mais, à proprement parler, ne la constituent pas 488.
Pour que le destinataire de l'acte ait une chance, si faible soit-elle, d'en avoir connaissance,
l'article 659 dispose que, le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, l'huissier
envoie au destinataire, à la dernière adresse connue, par lettre recommandée avec demande d'avis de
réception, une copie du procès-verbal à laquelle est jointe une copie de l'acte objet de la
signification. Le même jour, il avise le destinataire, par lettre simple, de l'accomplissement de cette
formalité. Il en fait également mention sur l'original de l'acte 489. Comme on peut l'imaginer, ce double
envoi à une adresse où l'on sait que le destinataire n'habite plus fait figure de « bouteille à la
mer 490 » et présente probablement le même degré d'efficacité. Mais il s'explique par le souci
quasiment obsessionnel, quoique parfaitement légitime, qu'a le pouvoir réglementaire de ménager au
maximum les intérêts d'un destinataire introuvable.

177 Significations hors du ressort territorial de l'huissier. – Comment procède l'huissier qui
doit effectuer une signification en dehors de son ressort territorial ? La réponse de principe est
simple : étant incompétent ratione loci, il ne peut que transmettre la demande et les pièces
justificatives à un confrère territorialement compétent qui procédera à la signification. Ainsi,
l'huissier caennais chargé de notifier un acte à une personne vivant à Rennes, se tournera vers un
huissier rennais et c'est ce dernier qui fera la signification. Cette solution vaut traditionnellement en
métropole, mais aussi dans les relations entre la métropole et un département d'outre-mer (par
exemple à la Martinique), lequel est traité, à cet égard et malgré son éloignement géographique,
comme un département ordinaire. En revanche, avant l'entrée en vigueur du décret n 2005-1678 du
o

28 décembre 2005, lorsqu'il était chargé de faire procéder à une signification dans une « collectivité
d'outre-mer » (par exemple en Polynésie française), l'huissier métropolitain devait signifier l'acte au
parquet, ce dernier se chargeant de le transmettre à l'autorité compétente dans le territoire concerné.
Aujourd'hui, l'article 660 du Code de procédure civile dispose que « si l'acte est destiné à une
personne qui demeure en Polynésie française, dans les îles Wallis-et-Futuna, en Nouvelle-Calédonie
et dans les Terres australes et antarctiques françaises (...), l'huissier de justice expédie l'acte à
l'autorité compétente 491 aux fins de sa remise à l'intéressé selon les modalités applicables » dans
cette collectivité. On ne passe donc plus par l'intermédiaire du parquet. De plus, le jour même, ou au
plus tard le premier jour ouvrable suivant, l'huissier expédie au destinataire, par lettre recommandée
avec avis de réception, la copie certifiée conforme de l'acte, ce qui augmente ses chances d'être
informé assez rapidement de son existence. Cette procédure ne doit pas être confondue avec la
pratique consistant, pour l'huissier, à transmettre la demande de son client à un confrère. Dans le
cadre de l'article 660, non seulement l'huissier expéditeur doit envoyer une lettre recommandée au
destinataire final de la notification, mais il est censé avoir procédé lui-même à la signification 492.
Depuis un décret du 13 mai 2008, l'article 660 du Code de procédure civile, qui visait
antérieurement les « collectivités d'outre-mer », désigne nommément des territoires bien précis,
parmi lesquels ne figure pas Saint-Pierre-et-Miquelon. Il faut donc en déduire qu'à l'instar des
départements d'outre-mer, cette collectivité est exclue du champ d'application de l'article 660 et qu'il
convient de retenir, à son égard, la solution traditionnelle retenue en cas de signification intra-
métropolitaine.
b) La signification à une personne morale

178 Principe de la signification à personne. – La signification des actes de procédure à une


personne morale pose quelques difficultés supplémentaires. Le destinataire de l'acte n'ayant pas
d'existence matérielle, l'acte doit être notifié à une personne physique qui recevra l'acte au nom de la
personne morale. Lorsqu'il s'agit de collectivités publiques ou d'établissements publics à caractère
administratif, leur organisation est fixée par les textes qui les régissent, ce qui simplifie la
notification. C'est pourquoi l'article 692 du Code de procédure civile dispose seulement que « les
notifications (...) sont faites au lieu où ils sont établis à toute personne habilitée à les recevoir ».
Reste la signification des actes destinés à une personne morale de droit privé ou à un
établissement public à caractère industriel ou commercial. Les textes du Code qui la régissent sont
rédigés d'une façon qui n'est pas très heureuse. En disposant que la notification destinée à l'une de ces
personnes morales est faite au lieu de son établissement et qu'à défaut d'un tel lieu, elle est faite en la
personne de l'un de ses membres habile à la recevoir, l'article 690 du Code de procédure civile
donne à penser que, pour elles, la loi renonce à la primauté de la notification à personne. Il n'en est
rien. L'article 690 doit être combiné avec l'article 654 du Code qui dispose que la signification à une
personne morale est faite à personne lorsque l'acte est délivré à son représentant légal, à un fondé de
pouvoir de ce dernier ou à toute autre personne habilitée à cet effet. À partir de ces deux textes, la
Cour de cassation a dégagé les règles suivantes.

179 Mise en œuvre du principe et lieu de la signification. – Pour respecter la primauté de la


signification à personne, l'huissier doit essayer de notifier à l'une des personnes physiques énoncées
par l'article 654 du Code de procédure civile. Mais, ces personnes n'étant les destinataires concrets
de l'acte qu'en tant qu'organes de la personne morale, qui en est le véritable destinataire juridique,
pour tenter de notifier l'acte à l'une d'elles, l'huissier n'est tenu par la loi que de se rendre à
l'établissement de la personne morale 493. C'est là qu'il cherchera à remettre l'acte à l'une de ces
personnes. La Cour de cassation ne considère pas que l'ordre dans lequel l'article 654 les énumère
constitue un ordre préférentiel, en sorte que l'huissier peut délivrer l'acte à une personne qui est
habilitée à les recevoir sans avoir préalablement demandé le représentant légal de la société ou un
fondé de pouvoir. En outre, la Cour de cassation n'exige pas de l'huissier qu'il vérifie que la personne
à qui il remet l'acte est véritablement habilitée à le recevoir. Il suffit qu'elle ait déclaré l'être 494. Le
résultat est que l'huissier peut s'adresser à la première personne de la société qu'il rencontre, à
l'accueil par exemple, et lui remettre l'acte dès lors que cette personne a déclaré être habilitée à
recevoir les actes 495. L'huissier porte sur l'original de l'acte le nom et la qualité de la personne qui a
reçu l'acte et il note que cette personne s'est déclarée habilitée à le recevoir. La notification ainsi
effectuée vaut signification à personne. Les garanties plus limitées qu'elle présente par rapport à la
signification à personne physique expliquent que l'article 658 du Code de procédure civile dispose
que l'huissier doit adresser à la société, le jour même ou au plus tard le premier jour ouvrable
suivant, une lettre simple contenant une copie de l'acte de notification et indiquant à qui l'acte a été
remis.
Cela étant, en dépit de la rédaction de l’article 690 du Code de procédure civile, l’huissier n’est
pas obligé de se rendre à un établissement de la personne morale. Il peut notifier l’acte en n'importe
quel lieu, à la personne d'un représentant légal de la société 496 (ou même probablement à l'un de ses
membres habile à la recevoir) ; s'il y parvient, la notification vaut signification à la personne de la
société 497. Mais il n'est pas non plus tenu d'essayer de le faire ; en particulier il n'a pas l'obligation
d'essayer de notifier l'acte à la personne du représentant légal de la société en se rendant à son
domicile personnel, dont il connaîtrait l'adresse 498. Il peut s'en tenir à une notification à domicile (au
lieu de l’établissement de la personne morale) ou, s'il ne trouve personne sur place pour recueillir
l'acte, à une notification par dépôt en son étude. Pareillement, s’il constate que la personne morale
n’a plus d’établissement connu au lieu indiqué comme siège social, il peut se borner à dresser un
procès-verbal de recherches infructueuses de l’article 659 du Code de procédure civile 499. Et s'il
cherche à notifier l'acte hors du siège de la société, l'huissier ne doit le remettre qu'à l'une des
personnes indiquées par l'article 690 du Code ; inversement, il ne peut le remettre à une autre
personne, par exemple à un parent ou à un employé du représentant légal 500.

180 Autres significations. – Lorsque, parvenu à l’établissement de la personne morale,


l’huissier n’arrive pas à remettre l'acte à l'une des personnes énoncées par l'article 654 du Code de
procédure civile, il doit tenter de le notifier à domicile selon les règles déjà indiquées pour les
personnes physiques 501 : il consigne dans l'acte les démarches concrètes qu'il a effectuées pour
notifier à personne, puis il essaie de remettre l'acte à une personne présente sur les lieux 502. En cas
d'échec, ce qui est probable lorsque l'établissement est fermé en raison des congés de l'entreprise,
l'huissier doit vérifier 503 (et mentionner dans l'acte) que le destinataire de l'acte demeure bien à
l'adresse indiquée et procéder à une signification à domicile par dépôt de la copie de l'acte en son
étude, conformément à l'article 656 du Code.
Enfin, il peut arriver que la personne morale n'ait pas ou plus d'établissement connu au lieu
indiqué comme siège social par le registre du commerce et des sociétés. S'il ne réussit pas à la
retrouver malgré les démarches effectuées, l’article 690 du Code de procédure civile commande à
l'huissier de s'efforcer de signifier l'acte à un représentant de la personne morale ou à l'un de ses
membres habilité à le recevoir. À défaut, il dressera un procès-verbal de recherches infructueuses,
conformément à l'article 659 du Code de procédure civile, comme il le ferait si le destinataire était
une personne physique 504. Et, bien sûr, il accomplira les envois postaux subséquents prévus par ce
texte 505.

2. La signification au parquet

181 Cas de signification au parquet. – En vertu de l'article 684 du Code de procédure civile,
la signification au parquet n'est plus utilisée, aujourd'hui, que dans une hypothèse 506 : lorsque l'acte
est destiné à une personne résidant habituellement à l'étranger 507. Le parquet « est, selon le cas, celui
de la juridiction devant laquelle la demande est portée, celui de la juridiction qui a statué ou celui de
la juridiction dans le ressort de laquelle demeure le requérant. S'il n'existe pas de parquet près la
juridiction, l'acte est remis au parquet du tribunal de grande instance dans le ressort duquel cette
juridiction a son siège ». L'huissier remet deux copies de l'acte au procureur de la République et lui
fait viser l'original. Le parquet conserve les deux copies, qu'il transmet au ministre de la Justice, pour
qu'elles soient acheminées par la voie diplomatique. Si un règlement communautaire ou un traité
international le prévoit, le parquet transmet l'acte à l'autorité désignée par ce règlement ou ce
traité 508. Le jour même de la signification à parquet, ou le premier jour ouvrable suivant, l'huissier
expédie au destinataire, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, une copie
certifiée conforme de l'acte signifié 509.
Par dérogation aux règles qui viennent d'être indiquées, l'acte n'est pas signifié au parquet lorsque
la signification de l'acte peut être faite à la personne même de son destinataire lors d'un séjour en
France 510.

3. La sanction des règles applicables et la date de la signification

182 La sanction des règles applicables aux significations. – Deux précisions doivent encore
être apportées. La première porte sur la sanction de ces règles. Il résulte de l'article 693 du Code de
procédure civile que les règles relatives à la signification des actes d'huissier qui viennent d'être
indiquées sont prescrites à peine de nullité de l'acte. Le régime de cette nullité sera étudié
ultérieurement, mais il faut peut-être indiquer tout de suite que l'existence d'une irrégularité de forme
n'entraîne plus la nullité de l'acte de façon automatique. Le prononcé de la nullité est subordonné à la
réunion d'autres conditions 511.

183 La date des significations. – La seconde précision porte sur la date de la signification.
Lorsque l'acte est signifié sur support papier à personne, il est évident que la date de la notification
est celle du jour où il est remis à son destinataire, ainsi que le prévoit l'article 664-1 du Code de
procédure civile. Lorsque l'acte est notifié à domicile, la date est celle du jour où l'huissier se
présente au domicile pour le signifier. Cette solution vaut, nous semble-t-il, même dans le cas où la
notification est effectuée par dépôt en l'étude de l'huissier, car il s'agit encore d'une notification à
domicile 512. Enfin, en cas de signification par établissement d'un procès-verbal de recherches
infructueuses, la date de la signification est celle dudit procès-verbal. Dans le cas, appelé à se
développer, d'une signification par voie électronique 513, l'article 664-1 précise que « la date et
l'heure de la signification » sont celles de l'envoi (électronique) de l'acte par l'huissier. La règle est
logique : il ne faut pas plus de quelques secondes pour qu'un document parvienne à destination.
Les choses sont un peu plus complexes dans les cas où le destinataire vit habituellement dans une
collectivité d'outre-mer (stricto sensu) ou à l'étranger, car alors le processus de notification ne
s'accomplit pas en un trait de temps, mais il s'étale sur plusieurs jours, voire plusieurs semaines ou
mois. Lorsque l'acte doit être signifié en Polynésie française, à Wallis-et-Futuna, en Nouvelle-
Calédonie ou dans les Terres australes et antarctiques françaises, l'huissier l'envoie à l'autorité
compétente sur place pour procéder à la notification 514. À l'égard du requérant, la date de la
signification est alors, selon l'article 647-1 du Code de procédure civile, la date de l'envoi par
l'huissier métropolitain. A contrario, on retiendra, à l'égard du destinataire, la date à laquelle
l'autorité locale lui notifie l'acte. Lorsque l'acte doit être signifié à l'étranger, il est, en principe,
signifié au parquet 515. La date de la notification est alors celle du jour où l'acte est remis au parquet
et non celle du jour où il parvient à son destinataire 516. Enfin, dans le cas où un règlement
communautaire ou un traité international autorise l'huissier à transmettre directement l'acte à son
destinataire ou à une autorité compétente de l'État de destination 517, la date de la signification sera, à
nouveau, à l'égard du requérant, celle de l'expédition de l'acte par l'huissier français. C'est qui ressort
de l'article 647-1 du Code.

B. LES AUTRES NOTIFICATIONS

184 Notifications traditionnelles et notifications par tous moyens. – Dans ses articles 665
à 673, le Code de procédure civile envisage essentiellement ce qu’il qualifie de notifications « en la
forme ordinaire » et de « notifications entre avocats ». En dehors de la signification que nous venons
d’étudier, il s’agit des grandes formes classiques de notifications d’actes de procédure. Cependant,
on peut toujours concevoir d’autres manières d’effectuer une notification et c’est ce que fait le Code,
lorsqu’il dispose que certaines convocations sont ou peuvent être effectuées par le greffe d’une
juridiction « par tous moyens ». On pense ainsi à la télécopie (le fax), au téléphone, au courrier
électronique ou au SMS (le texto). Pour l’essentiel, c’est surtout lorsqu’elles sont adressées au
demandeur que des convocations à l’audience sont admises par tous moyens, en vertu de textes
spéciaux 518. En effet, par hypothèse, le demandeur sait qu’une instance a été introduite, si bien que
l’on peut penser qu’il se renseignera, s’il ne reçoit pas de nouvelle du greffe. On ressent donc moins
le besoin de le convoquer par une lettre recommandée ou un autre procédé sûr, qu’un défendeur qui, a
priori, ignore l’existence du procès et, en tout cas, n’est pas forcément animé du même volontarisme
que son adversaire. Certains textes permettent cependant que le défendeur soit lui aussi avisé par tous
moyens d’une date d’audience ou même de l’exercice d’une voie de recours 519. Un texte plus général,
l’article 692-1 du Code de procédure civile autorise également les greffes à convoquer par tous
moyens les personnes morales de droit privé, les administrations de l'État, les collectivités
territoriales, les établissements publics à caractère administratif, les organismes de sécurité sociale
et les autres organismes chargés de la gestion d'un service public administratif, à condition qu’ils
aient préalablement consenti à l’utilisation du procédé en cause. En principe 520, la convocation
adressée dans ces conditions est réputée notifiée à personne à la date à laquelle son destinataire en a
accusé réception. À défaut, elle est réputée notifiée à domicile 521.
Au-delà du cas des convocations adressées aux personnes morales visées à l’article 692-1, toutes
les notifications « par tous moyens » ne bénéficient pas du même régime. De manière générale, elles
supposent toutes qu’un texte les autorise ou les impose. Mais l’usage du courrier électronique ou du
SMS par le greffe pour l’envoi d’un avis à une partie est soumis à une restriction supplémentaire : il
suppose que le destinataire y ait préalablement consenti dans une déclaration. Ce consentement est
révocable à tout moment 522.

1. La notification en la forme ordinaire

185 Sens de l'expression. – L'expression de notification en la forme ordinaire, qui apparaît


dans le titre de la section du Code de procédure civile regroupant les articles 665 et suivants, suscite
une ambiguïté. Elle donne à penser que cette notification constitue le mode normal de notification des
actes. Il n'en est rien. La notification en la forme ordinaire n'est qu'une exception par rapport à la
signification, comme le montre, à propos des jugements, l'article 675 du même code : « les jugements
sont notifiés par voie de signification à moins que la loi n'en dispose autrement ». La forme ordinaire
de l'acte doit être comprise par opposition à la forme plus solennelle que revêt la signification 523.
Son caractère dérogatoire explique que la notification en la forme ordinaire ne s'impose pas aux
parties et que l'article 651, alinéa 3, du Code dispose que « la notification peut toujours être faite par
voie de signification alors même que la loi l'aurait prévue sous une autre forme ». Et, dans ce cas, le
coût de la signification incombe à la partie qui supporte les dépens et pas forcément à celle qui
décide d'emprunter cette voie plus onéreuse 524.

186 Modalités de la notification. – La notification en la forme ordinaire comporte deux


modalités 525. D'abord, la notification peut résulter d'une remise directe de l'acte à son destinataire
contre émargement ou récépissé. Cette forme de notification ne peut être utilisée que si le destinataire
se trouve en personne au greffe ou à l'audience, pour la remise de l'acte. Mais c'est évidemment la
forme la plus simple et la plus sûre. C'est sans doute pourquoi on peut toujours y recourir, alors
même que la loi n'aurait prévu que la notification par voie postale 526.
À défaut, la notification s'effectue par la voie postale. Il faut alors opérer une nouvelle distinction.
Le plus souvent, pour qu'il puisse être établi avec certitude que le destinataire a eu ou n'a pas eu
connaissance de l'acte, les textes imposent le recours à la lettre recommandée avec demande d'avis
de réception. C'est de cette façon, par exemple, qu'en matière prud'homale, le défendeur est convoqué
ou que le jugement est notifié aux parties 527. Quand le destinataire de l'acte signe l'avis de réception,
on est en principe certain que l'acte lui a été remis, de sorte que l'article 670 du Code de procédure
civile dispose que cette remise vaut notification à personne. Depuis la réforme opérée par le décret
n 2005-1678 du 28 décembre 2005, l'article 670 comporte un second alinéa qui énonce que « la
o

notification est réputée faite à domicile ou à résidence lorsque l'avis de réception est signé par une
personne munie d'un pouvoir à cet effet ». Comme il est peu probable que le destinataire ait rédigé
une procuration permanente au profit des personnes qui vivent avec lui, ce texte devrait trouver à
s'appliquer principalement lorsqu'un proche se rend à la poste, muni d'une procuration ponctuelle,
pour retirer le pli recommandé à la place du destinataire 528. L'article 670-1 du Code dispose
aujourd'hui qu'« en cas de retour au secrétariat de la juridiction d'une lettre de notification dont l'avis
de réception n'a pas été signé dans les conditions prévues à l'article 670, le secrétaire invite la partie
à procéder par voie de signification ». L'article 670-1 a une portée générale. Il ne vise pas seulement
le cas où le destinataire n'a pu être joint en raison d'un changement d'adresse, mais il s'applique
encore en cas de négligence de celui qui ne va pas retirer la lettre qui lui est adressée en dépit de
l'avis qui lui est laissé, et même en cas de refus de prendre la lettre qui lui est présentée par le
préposé à la distribution du courrier 529, ce qui est une façon d'encourager la mauvaise foi 530.
Lorsque la notification est adressée à une personne morale, il existe une difficulté spécifique
tenant à l'absence de destinataire « matériel ». L'agent de la Poste ne peut matériellement s'adresser
qu'à des préposés de la personne morale et non à elle-même. Et il n'a guère le temps ni les moyens de
s'assurer de leurs pouvoirs de recevoir l'acte au nom de la personne morale. Pour échapper à cette
difficulté, la Cour de cassation décide que « la lettre de notification parvenue au lieu d'établissement
d'une société, au sens de l'article 690 » du Code de procédure civile est régulière « même si l'avis de
réception a été signé par un préposé ne faisant pas partie des personnes habilitées par cette société à
recevoir le courrier recommandé » 531. Cette solution se recommande de considérations pratiques
fortes, mais, en contrepartie, elle n'offre que peu de garanties à la personne morale destinataire de
l'acte.
Enfin, les textes du Code de procédure civile prévoient parfois, de façon très discutable, que la
notification d'un acte est faite par lettre simple. La raison serait que les lettres simples se perdent
moins souvent que les lettres recommandées ! Quoi qu'il en soit, il reste que les cas de perte sont
rares et que la lettre simple présente l'énorme inconvénient qu'il est impossible de prouver que le
destinataire a eu ou n'a pas eu connaissance de l'acte. Le destinataire peut donc feindre
l'ignorance 532. Il est regrettable que les textes du Code fassent usage de cette sorte de notification.

187 Date de la notification. – Quelle est la date de la notification en la forme ordinaire ?


Aucune difficulté n'existe en cas de remise directe de l'acte. La question ne doit être posée qu'en cas
de notification par voie postale. L'article 668 du Code de procédure civile prend en compte la
différence qui existe entre la date de l'émission et celle de la réception de l'acte : « La date de la
notification par voie postale, sous réserve de l'article 647-1, est, à l'égard de celui qui y procède,
celle de l'expédition, et, à l'égard de celui à qui elle est faite, la date de la réception de la lettre » et
l'article 669 ajoute que la date de l'expédition est celle qui figure sur le cachet du bureau d'émission
et que la date de réception est celle qui est apposée par l'administration des postes lors de la remise
de la lettre à son destinataire (pour les lettres recommandées avec avis de réception) 533. Par
exemple, si un jugement prud'homal est notifié le 16 février et remis à son destinataire le 20 février,
ce n'est qu'à compter de cette date que commence à courir à son égard le délai d'un mois pour former
appel. Pourvu que la lettre qui contient son appel n'ait pas été remise après le 20 mars à
l'administration des postes, son appel n'est pas tardif, même si le greffe du conseil de prud'hommes
ne l'a reçue que le 24 ou le 25 mars 534. On remarquera que, si le jugement est notifié à plusieurs
personnes, le délai d'appel peut commencer à courir à des moments différents, selon la date de
remise des lettres recommandées. Et l’on ajoutera que certains textes spéciaux dérogent à la règle de
l’article 669, en faisant courir un délai à compter de la première présentation de la lettre
recommandée par la poste au destinataire, plutôt qu’à compter de sa réception effective 535.
La logique de l’article 668 du Code de procédure civile est parfois contrariée lorsqu’un texte
prévoit qu’un acte doit être « remis » à son expéditeur avant une certaine date. Ce n’est pas le cas de
l’article 932 du même code qui, à propos de la déclaration d’appel, dans une procédure sans
représentation obligatoire, dispose que l’appelant la « fait » ou « l’adresse » par pli recommandé, au
greffe de la cour. Mais c’est le cas de l’article 82 qui énonce que le contredit doit être « remis » (et
non pas adressé) au greffe de la juridiction qui a rendu la décision. La Cour de cassation, admet la
« remise » par lettre recommandée mais, faisant une lecture littérale de ce texte, elle en déduit que ce
qui importe, en cas de contredit, ce n’est pas la date d’expédition de l’acte par l’auteur du recours,
mais celle de sa réception par le greffe 536. Cette lecture est fidèle au texte, mais elle présente
l’inconvénient de briser la relative unité de régime résultant de l’article 668. Une unification des
termes utilisés dans le Code serait sans doute une bonne chose.
Enfin, si cette unité de régime n’est pas totale, c’est aussi parce que des règles un peu
particulières s’appliquent en cas de notification à l’étranger ou dans une collectivité d’outre-mer. En
effet, si le greffe doit notifier un acte en Polynésie française, à Wallis-et-Futuna, en Nouvelle-
Calédonie, dans les Terres australes et antarctiques françaises ou à l'étranger, on retrouve les
solutions applicables aux notifications par les huissiers. La date de l'acte varie donc, à l'égard de
celui qui y procède, selon que le greffe transmet l'acte directement à son destinataire ou à une autorité
compétente ou bien le notifie au parquet. Dans les deux premiers cas, la date sera celle de l'envoi par
le greffe ; dans le troisième cas, la notification aura pour date celle de la réception par le parquet 537.

2. Les notifications entre avocats

188 Actes du palais. – Les actes que les avocats s'adressent les uns aux autres en cours
d'instance sont notifiés selon des procédés particuliers. On parle alors d'actes du palais, parce qu'ils
sont notifiés à l'intérieur du palais de justice. Lorsqu'une notification émane d'un autre auxiliaire de
justice (notaire, administrateur judiciaire...) ou lui est destinée, ce sont les règles de droit commun
qui s'appliquent 538. Concernant les actes du palais, les textes du Code de procédure civile prévoient
deux modalités pour leur notification. Elle peut d'abord être effectuée par le ministère d'un huissier-
audiencier. L'article 672 du Code dispose qu'il signe les deux exemplaires que lui remet l'avocat et
qu'il y appose son cachet. Il rend l'original à l'avocat requérant et il dépose la copie dans le casier du
destinataire 539. La notification par remise directe, prévue à l'article 673, est encore plus simple.
L'avocat remet les deux exemplaires de l'acte à son confrère. Celui-ci les date et les signe sur-le-
champ ; il en conserve un exemplaire et restitue l'autre. Dans certains barreaux, une pratique hybride
s'est instaurée, consistant à faire transiter les actes, non par un huissier, mais par la ou le secrétaire
de l'ordre des avocats. Ceci permet d'économiser la rémunération de l'huissier, mais n'est pas sans
danger, car un tel procédé n'a pas la valeur juridique d'une notification par huissier audiencier. De
plus, si l'on se borne à faire jouer au secrétariat de l'ordre le rôle d'un huissier, le second exemplaire
de l'acte est visé par le secrétaire, mais n'est pas signé ni daté par l'avocat destinataire. La
notification ne répondant, ni aux exigences de l'article 672, ni à celles de l'article 673 du Code de
procédure civile, n'est donc pas valable 540. Pour qu'elle le soit, il faudrait que le secrétaire de l'ordre
fasse signer et dater le second exemplaire par l'avocat destinataire, avant de le restituer à
l'expéditeur, ce qui est difficilement envisageable sur une grande échelle. La télécopie n’est pas non
plus un acte du palais, mais la Cour de cassation voit dans ce procédé un simple vice de forme, si
bien que l’annulation de la notification entre avocats par télécopie suppose un grief subi par le
destinataire 541.

189 Communication par voie électronique. – Les articles 748-1 et suivants du Code de
procédure civile, issus du décret du 28 décembre 2005, ont instauré une possibilité de
communication électronique. Ils ont été complétés par des arrêtés 542 et des décrets 543. Ces textes
débordent du domaine des communications entre avocats, puisqu'ils envisagent aussi les relations
entre le greffe et les avocats, mais ils permettent une communication par voie télématique (intranet)
entre avocats qui voudraient, par exemple, s'adresser mutuellement des pièces ou des conclusions. En
vertu de l'article 748-3 du Code de procédure civile, une communication électronique doit être suivie
de l'envoi d'un avis électronique de réception qui « tient lieu de visa, cachet et signature ou autre
mention de réception qui sont apposés sur l'acte ou sa copie lorsque ces formalités sont prévues » par
le Code de procédure civile. Lorsque l'on recourt à la notification par voie électronique, on est
réglementairement dispensé d'effectuer une notification par acte du palais 544.
Cependant, le recours à la voie électronique par un avocat suppose à la fois un réseau sécurisé et,
en principe, que le destinataire consente expressément à l'utilisation de ce mode de
communication 545, étant précisé que vaut officiellement consentement l'adhésion par un auxiliaire de
justice à l’un de ces réseaux de communication électronique 546. Pour ce qui est des avocats, le réseau
sécurisé est le Réseau Privé Virtuel des Avocats (RPVA). Une notification électronique par
l'intermédiaire d'un huissier de justice est également possible, cette profession s'étant dotée d'un
Réseau Privé Sécurisé Huissier (RPSH) 547. On retrouve donc la dualité de procédés évoquée à
propos des « actes du palais », à ceci près que la signification à l'avocat ou la remise directe de
l'acte par son confrère s'effectuent par voie télématique 548.
Lorsque la possibilité de communication électronique a été généralisée à tous les tribunaux de
grande instance, de nombreux avocats ont refusé d'adhérer au RPVA, en raison du montant jugé trop
élevé de la cotisation qui leur était demandée. De plus, tous les greffes n'étaient pas encore
techniquement prêts, au début de l'année 2010. Tout ceci explique qu'à cette époque, en pratique, le
système n'était encore qu'à l'état d'ébauche 549. Les résistances des avocats devraient être vaincues à
brève échéance, au moins pour ceux qui, depuis la disparition des avoués, entendent représenter leurs
clients devant les cours d'appel. En effet, dans les procédures avec représentation obligatoire, tous
les actes de procédure devaient être remis à la cour par voie électronique, au plus tard en 2013 550.
La communication électronique a eu moins de mal à se mettre en place devant la Cour de
cassation, sans doute parce que les cabinets d'avocats aux conseils sont peu nombreux et plus à l'aise,
financièrement, que la plupart des cabinets d'avocats. Dès juillet 2008, les articles 748-1 et suivants
du Code de procédure civile ont été rendus applicables devant la haute Juridiction 551 et après
expérimentation par quelques cabinets « pilotes », le système de la communication électronique a été
étendu à tous les avocats à la Cour de cassation en 2009. Là encore, l'objectif premier des
promoteurs de cette évolution technique était de permettre une communication télématique entre le
greffe de la Cour et les avocats aux conseils. Cet objectif a été atteint, puisque les déclarations de
pourvoi et les dépôts de pièces ou de mémoires par voie électronique se sont généralisés. Par la
suite, les notifications dématérialisées entre avocats se sont très largement développées.

C. ÉLÉMENTS DE DROIT INTERNATIONAL ET DE DROIT COMMUNAUTAIRE

190 Position du problème. – Les dispositions des articles 683 et suivants du Code de
procédure civile, relatives à la notification des actes à l'étranger 552, présentent un défaut important :
la procédure qu'elles instaurent est longue et peu protectrice du destinataire. Dès lors que la date
d'une signification est celle de la remise de l'acte au parquet, le destinataire domicilié à l'étranger
pourra recevoir très tardivement l'acte qui lui est ainsi notifié par la voie diplomatique. On peut
même imaginer qu'une assignation lui parvienne après la date de l'audience à laquelle il est censé
comparaître, ce qui est pour le moins fâcheux. C'est ce qui explique que l'article 688 du Code
dispose que, s'il n'est pas établi que le destinataire de l'acte en a eu connaissance en temps utile, le
juge saisi de l'affaire peut prescrire d'office toutes diligences complémentaires, notamment une
commission rogatoire, pour s'en assurer et informer l'intéressé des conséquences d'une abstention de
sa part. De plus, toujours dans le cas où il n'est pas établi que le destinataire a eu connaissance de
l'acte en temps utile, le juge ne peut statuer au fond que si trois conditions sont réunies : l'acte doit
avoir été transmis conformément aux articles 684 à 687 du Code ou aux règlements communautaires
ou traités applicables (on doit avoir utilisé la procédure de notification prévue par les textes) ; il doit
s'être écoulé au moins six mois depuis son envoi ; enfin, des démarches auprès des autorités
compétentes de l'État destinataire doivent avoir été effectuées aux fins de s'assurer que l'acte a bien
été remis à son destinataire. Et si ces démarches révèlent que le destinataire n'a plus de domicile ni
de résidence connus, l'huissier « procède à la signification comme il est dit aux alinéas 2 à 5 de
l'article 659 » 553 du Code de procédure civile. En d'autres termes, il doit procéder aux mêmes
mesures d'information obsessionnelles qu'en cas de signification par établissement d'un procès-
verbal de recherches infructueuses 554. Tout ceci ne garantit pas que le destinataire de l'acte a bien été
informé, mais augmente (un peu) les chances qu'il l'ait été.
Eu égard au caractère peu satisfaisant des notifications à parquet, des règles plus souples ont été
posées, dans les relations avec un certain nombre d'États, soit par des traités internationaux, soit par
le droit communautaire.

191 Les conventions internationales. – Divers traités internationaux instituent des


mécanismes de notification d'État à État dérogatoires aux règles du Code de procédure civile. Tantôt,
il s'agit de conventions bilatérales passées entre la France et un autre pays. Il n'est, évidemment, pas
question de les dénombrer ni d'en exposer le contenu dans cet ouvrage. Tantôt, les conventions sont
multilatérales et l'on citera simplement celles de La Haye du 1 mars 1954 relative à la procédure
er

civile et du 15 novembre 1965 relative à la notification et à la signification des actes judiciaires et


extrajudiciaires en matière civile et commerciale. De nombreux pays sont parties à ces deux
conventions 555. On en retiendra que ces conventions tendent à alléger et accélérer les procédures de
notification d'État à État.

192 Le droit communautaire. – Un règlement communautaire du 13 novembre 2007 relatif à la


signification et à la notification des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou
commerciale est entré en vigueur le 13 novembre 2008 556. Il pose des règles directement applicables
dans les relations entre les États membres de l'Union européenne 557. Plus largement, et c'est ce qui
fait en partie son importance, le texte communautaire du 13 novembre 2007 prévaut sur les
dispositions conventionnelles liant entre eux les pays de l'Union concernés.
Le règlement de novembre 2007 prévoit la désignation par chaque État de trois types « d'entités »,
c'est-à-dire d'autorités, habilitées à intervenir au cours d'une procédure de notification d'un acte, d'un
pays vers un autre : les entités d'origine susceptibles d'initier la procédure dans le pays d'origine de
l'acte ; les entités requises, qui ont qualité pour le prendre en charge dans le pays de destination ; et,
enfin, une entité centrale chargée, dans chacun des pays membres, d'informer les entités d'origine et
de rechercher une solution aux difficultés qu'elles pourraient rencontrer. Le règlement laissant aux
États le soin de désigner leurs propres entités, ceux-ci se sont prononcés dans des communications
publiées au Journal officiel de l'Union européenne 558. Ainsi, en France, les entités d'origine sont les
huissiers de justice et les greffes des juridictions compétentes en matière de notification d'actes et
l'entité centrale est le bureau de l'entraide judiciaire civile et commerciale internationale du ministère
de la Justice.
L'objectif des autorités européennes étant d'accélérer les procédures de notification, le règlement
prévoit une transmission directe de l'entité d'origine à l'entité requise. En d'autres termes, un huissier
de justice français, par exemple, pourrait s'adresser directement à un homologue du pays dans lequel
il doit faire notifier un acte (pourvu qu'il fasse partie des entités requises désignées par son propre
État). Et dans le même souci de rapidité, l'article 4 § 2 du règlement énonce que la transmission des
actes peut être effectuée par tout moyen approprié : on peut donc envisager une transmission non
seulement par courrier postal, mais également par télécopie 559 ou courrier électronique. Bien
entendu, les actes à notifier doivent être accompagnés de documents stéréotypés, des formulaires,
rédigés dans une langue admise par l'État destinataire.

§ 2. L'ÉNONCÉ DES CONDITIONS DE FOND

193 Plan. – Les conditions de fond régissent les qualités que doit présenter la manifestation de
volonté destinée à produire des effets de droit, ce qui conduit ordinairement à étudier les vices du
consentement et la capacité. Cependant le droit judiciaire privé français ne contient aucune règle
spécifique sur le premier point. Seule la capacité des parties appelle des développements qui doivent
porter d'abord sur les aspects classiques de cette matière : l'incapacité et son remède, le pouvoir
conféré à une autre personne (A). Il faudra en outre étudier les règles particulières qui régissent la
représentation en justice (B).

A. LA CAPACITÉ ET LE POUVOIR

1. La capacité

194 Capacité de jouissance. – La capacité de jouissance ne présente pas d'originalité en


raison du principe, relevant des libertés publiques, du libre accès aux tribunaux 560. Pour les
personnes physiques, à défaut d'incapacité de jouissance qui les frappe, le seul point à déterminer est
celui de leur existence, qui s'apprécie en principe au moment où la demande est formée 561. En
revanche, le décès d'une partie en cours de procès n'entraîne le plus souvent qu'une interruption de
l'instance 562. Pour les personnes morales, la capacité de jouissance est liée à l'attribution de la
personnalité juridique : tout groupement doté de la personnalité morale peut ester en justice 563.

195 Capacité d'exercice. – L'étendue de la capacité d'exercice relève pour l'essentiel du droit
substantiel. En droit civil, la summa divisio oppose les actes d'administration aux actes de
disposition. Cette distinction ne se retrouve pas à l'identique en droit judiciaire privé. En effet, la
capacité requise pour agir en justice n'est pas liée au fait que les actes substantiels éventuellement en
cause (vente, bail, prêt...) seraient des actes de disposition ou d'administration. Elle dépend de la
manière dont la demande ou la défense est elle-même qualifiée par la loi. En principe, les demandes
et les défenses à caractère patrimonial constituent des actes d'administration 564, même lorsqu'elles se
rapportent à des actes de disposition. Ainsi en va-t-il, par exemple, de la demande en annulation
d'une vente d'immeuble pour dol. À l'inverse, l'exercice d'une action extrapatrimoniale 565, telle
qu'une action relative à la filiation, est considéré comme un acte de disposition 566 : pour une
demande extrapatrimoniale, un tuteur doit donc se munir d'une autorisation du conseil de famille.
Cependant, les choses sont plus compliquées depuis l'entrée en vigueur des textes qui ont réformé le
droit des incapacités en 2007 et 2008. En effet, en vertu de l’article 458 du Code civil et sauf
disposition légale particulière, la personne protégée accomplit seule les actes dont la nature implique
un consentement strictement personnel, tels qu’une voie de recours contre une décision restreignant
son autorité parentale sur ses enfants 567. De plus, alors que le tuteur peut encore exercer sans
autorisation une action relative à un droit patrimonial, la personne en curatelle a besoin de
l'assistance de son curateur pour introduire une action en justice ou y défendre, que cette action soit
patrimoniale ou extrapatrimoniale 568. De leur côté, le curateur et le tuteur ont également besoin d'une
autorisation du juge ou du conseil de famille (s'il en existe un) pour agir en nullité, en rescision ou en
réduction d'un acte accompli par le majeur protégé alors qu'il était sous curatelle ou sous tutelle 569.
Enfin, les actes de procédure qui emportent « perte du droit d'action » sont regardés comme des actes
de disposition, si bien qu'un tuteur a, là encore, besoin d'une autorisation pour les accomplir 570. On
pense, par exemple, à un désistement d'action. Le Code civil pose aussi quelques règles particulières
pour la notification des actes de procédure. Notamment, l'article 467 du Code civil dispose que toute
signification faite au majeur en curatelle doit l'être aussi à son curateur, à peine de nullité 571.
Par ailleurs, certaines actions font l'objet de règles particulières de capacité. C'est ainsi que
l'article 328 du Code civil dispose que seul le parent, même mineur, à l'égard duquel la filiation est
établie, peut exercer l'action en recherche de maternité ou de paternité qui appartient à son enfant
mineur. Le jeune père ou la jeune mère, bien qu'encore incapable, se voit donc reconnaître une
capacité d'exercice spéciale pour cette demande. Pareillement, la Cour de cassation a reconnu à un
majeur sous tutelle le droit de former un recours contre la décision le plaçant sous ce régime
d'incapacité, alors même que la décision était exécutoire par provision et qu'il était, de ce fait,
désormais incapable 572. Enfin, dans une affaire où un tribunal avait prononcé la clôture d'une
procédure de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif, il a été jugé « qu'à moins que la loi ou le
règlement n'en disposent autrement, une partie conserve, malgré l'exécution provisoire de la décision,
le pouvoir de critiquer le jugement qui la prive du droit d'agir » 573. L'auteur de l'appel contesté était
le liquidateur qui se trouvait désormais privé, non pas de sa capacité, mais de sa qualité à agir. Mais,
la formule très générale employée par la Cour de cassation donne à penser que la solution doit être
transposée, mutatis mutandis, aux hypothèses où l'exécution provisoire ou immédiate d'une décision
porte atteinte à la capacité ou au pouvoir d'une personne.

2. Le pouvoir

196 Généralités. – Le pouvoir se présente d'abord comme un remède à l'incapacité.


L'incapacité fait surgir le pouvoir, qui est destiné à la compenser. L'incapacité d'exercice qui atteint
une personne physique se transformerait en incapacité de jouissance si la loi ne venait pas conférer à
une autre personne le pouvoir d'accomplir l'acte à la place de l'incapable ou, au moins, celui de
l'assister dans la passation de l'acte. Pour les personnes morales, le pouvoir de représentation,
attribué à une personne physique, est inhérent à la notion même de personnalité juridique attribuée
aux groupements. Cependant, le pouvoir n'est pas toujours lié à l'incapacité. Il peut avoir d'autres
sources (a). Par ailleurs, la mise en œuvre du pouvoir de représentation en justice comporte une règle
traditionnelle, selon laquelle « nul en France ne plaide par procureur » (b).
a) Les sources du pouvoir

197 Variété des sources du pouvoir. – Lorsque le pouvoir vient remédier à l'incapacité des
personnes physiques, il tire sa source directement de la loi ou du juge, selon les règles du Code civil
auxquelles il suffit de se reporter. La situation est plus complexe pour les personnes morales. Pour
certaines d'entre elles, comme les sociétés commerciales, la loi désigne impérativement les organes
auxquels elle confère un pouvoir de représentation 574. Les restrictions que les statuts de la personne
morale pourraient apporter à leurs pouvoirs ne sont pas opposables aux tiers 575. En revanche, il faut
tenir compte des éventuelles modifications qui sont liées aux événements susceptibles d'émailler la
vie de la société 576.
D'autres personnes morales ne sont pas dotées d'un représentant légal. C'est le cas, par exemple,
des associations et des comités d'entreprise. L'attribution du pouvoir résulte alors de la volonté des
membres de la personne morale exprimée dans les statuts 577, ou même au moyen d'une décision
ponctuelle de ses organes délibérants. Il est donc prudent, lorsqu'on agit contre une telle personne
morale ou qu'on est actionné par elle, de vérifier systématiquement le pouvoir de représentation du
dirigeant au nom de qui les actes sont effectués ou à qui ils sont adressés 578. C'est encore d'une
source conventionnelle que naît le pouvoir de représenter une personne physique capable, lorsqu'elle
confère un mandat pour agir en son nom, par exemple dans le cadre de la gestion de ses biens.

198 Le cas des actions en représentation conjointe. – Parfois même, la loi prévoit
expressément la possibilité d'un mandat conventionnel donné par deux ou plusieurs personnes à une
association. On parle alors d'action en représentation conjointe. Ainsi, en vertu des articles L. 422-1
et suivants du Code de la consommation 579, les associations de défense des consommateurs agréées
sur le plan national peuvent recevoir des mandats écrits de consommateurs personnes physiques, pour
agir en leur nom devant toute juridiction 580. Il faut, pour cela, que les mandants soient au moins au
nombre de deux et qu'ils aient subi des préjudices individuels ayant une origine commune et dus au
fait d'un même professionnel.
Instaurée initialement, en 1992, en droit de la consommation, l'action en représentation conjointe a
été, par la suite, étendue à d'autres domaines. À titre d'exemple 581, l'article 24-1 582 de la loi du
6 juillet 1989 tendant à l'amélioration des rapports locatifs énonce que des locataires qui ont un litige
locatif ayant une origine commune avec un même bailleur, peuvent donner par écrit mandat d'agir en
justice en leur nom et pour leur compte à une association siégeant à la Commission nationale de
concertation. Pareillement, en vertu de l'article L. 142-3 du Code de l'environnement, les associations
agréées de protection de l'environnement peuvent, si elles ont été mandatées par au moins deux
personnes victimes d'une infraction à diverses dispositions législatives en matière de protection de la
nature, agir en réparation en leur nom devant toute juridiction. Il convient cependant, là encore, que
ces personnes aient subi des préjudices individuels causés par le fait d'une même personne et ayant
une origine commune.
Bien qu’elles connaissent un succès limité en pratique 583, les actions en représentation conjointe
méritent d'être signalées, non seulement parce qu'elles tendent à se multiplier dans les textes, mais
également parce qu'elles rappellent d'autres actions que nous avons précédemment abordées, à savoir
l'action en défense d'un intérêt collectif 584, celle exercée par une association dans le cadre de la
jurisprudence « des ligues de défense » 585, et même l'action de groupe 586. Toutefois, elles s'en
distinguent nettement. En effet, l'action en représentation conjointe repose exclusivement sur un
véritable mandat conventionnel et si elle est exercée dans l'intérêt individuel de certaines
personnes 587, celles-ci peuvent tout à fait ne pas être adhérentes du groupement 588.
b) La règle « nul en France ne plaide par procureur »

199 Origine de la règle. – La règle « nul en France ne plaide par procureur » présente la
double originalité, pour une règle de droit positif, de ne figurer dans aucun texte récent de procédure
civile et d'avoir changé de sens au cours de sa longue histoire.
Lorsqu'elle apparaît au Moyen Âge, elle signifie que les plaideurs ne peuvent se faire représenter
en justice, car, dans l'ancienne France, le mot procureur désignait le représentant d'une personne en
justice, on dirait aujourd'hui l'avocat. Autrement dit, la règle imposait aux parties de comparaître en
personne devant le juge. Sous ce premier sens, la règle cesse de s'appliquer dès le XV siècle. Elle va
e

alors se transformer et devenir la règle « nul en France ne plaide par procureur, hormis le roi ». Son
sens, très proche de celui que nous connaissons aujourd'hui, est qu'un seigneur, même haut justicier,
ne peut se faire représenter devant les justices royales sans que son procureur indique le nom de celui
qu'il représente. Ce privilège n'appartient qu'au roi.

200 Sens actuel de la règle. – La règle n'a pas été reprise dans le Code de procédure civile de
1806, ni dans celui de 1975. Elle est pourtant toujours appliquée, dépouillée bien sûr de toute
référence à un privilège royal. Son origine lointaine et sa formulation quelque peu sibylline incitent
parfois à lui donner les sens les plus variés, et on trouve quelques arrêts de la Cour de cassation qui
font improprement référence à cette règle à propos d'un défaut de qualité ou de pouvoir 589. Ces
arrêts, quelle qu'en soit l'importance numérique, ne peuvent être suivis. Le défaut de qualité et le
défaut de pouvoir relèvent de règles propres qu'énonce le Code de procédure civile et le recours au
brocard traditionnel n'apporte rien : il n'existe aucune raison, bonne ou mauvaise, de lui rattacher ce
que réglemente un texte de droit écrit. En revanche, la règle traditionnelle doit toujours être invoquée
(et elle est la seule à pouvoir l'être) dans le sens que révèle la tradition historique. Au sens propre, la
règle « nul en France ne plaide par procureur » signifie qu'une partie à un procès ne peut se faire
représenter par une personne qui figurerait seule en nom dans l'instance. En d'autres termes, celui
dont le nom figure dans les actes de procédure doit indiquer à l'adversaire et au juge qui est
véritablement partie au procès.
Ainsi réduite à de plus modestes proportions, la règle ne trouve à s'appliquer que dans des
circonstances assez peu nombreuses. D'un point de vue pratique, on peut éliminer les hypothèses les
plus fréquentes de représentation, celles dans lesquelles un mandataire ou un représentant légal agit
pour le compte d'une personne physique isolée ou d'une personne morale constituée. Les exigences de
la règle sont satisfaites dès lors que le représentant porte à la connaissance de l'adversaire l'identité
de la véritable partie 590. Les difficultés n'apparaissent que lorsqu'un plaideur entend exercer les
droits d'un groupe de personnes qui ne se trouvent pas réunies dans une entité dotée de la personnalité
morale. Ainsi en va-t-il, par exemple d'un ensemble de cohéritiers. Un prétendu mandataire de ceux-
ci ne peut se contenter d'indiquer, en termes généraux qu'il agit au nom de la cohérie de tel défunt. Il
doit mentionner nominalement chacun des héritiers 591.
Ces illustrations de la règle « nul en France ne plaide par procureur » font apparaître quel est son
objet spécifique et en quoi elle se distingue du défaut de qualité et du défaut de pouvoir. Si l'on peut
dire, elle prend place entre les deux autres règles dont elle assure l'efficacité. D'un côté, en effet,
celui qui figure au procès ne prétend pas agir pour lui : il reconnaît ne pas avoir qualité pour le faire,
mais, en ne faisant pas connaître la personne qui est véritablement partie au procès, il ne permet pas à
l'adversaire de discuter la qualité de celle-ci et, au-delà de la qualité, l'ensemble de ses droits. Par
exemple, le prétendu représenté est-il vraiment salarié de l'entreprise et quelle est sa qualification ?
D'un autre côté, l'indication du mandant précède le contrôle du pouvoir de représentation que prétend
détenir la personne qui figure au procès. Comment savoir si l'héritier a véritablement donné mandat si
l'on ne sait même pas qui est héritier 592 ?
Aussi comprend-on que le législateur n'admette qu'il soit dérogé à la règle que dans des
hypothèses très particulières. L'une des exceptions les plus notables concerne la SACEM qui peut
agir au nom de tous ses associés, sans avoir à les identifier 593. Et il est à noter que, dans cet exemple,
il n'existe aucun doute sur l'homogénéité des personnes au nom desquelles l'action est menée, pas plus
que sur l'homogénéité des prétentions émises : la perception des droits d'auteurs.

B. LA REPRÉSENTATION EN JUSTICE

201 Plan. – Deux points doivent être successivement abordés : d'abord, et principalement,
celui du mandat de représentation en justice ; ensuite, celui d'une éventuelle représentation mutuelle
des parties elles-mêmes.

1. Le mandat de représentation en justice

202 Spécificité du mandat. – La représentation d'une personne en justice ne constitue pas une
sorte de représentation d'une nature différente de celles que régit le droit civil. C'est son objet
particulier, l'accomplissement d'actes de procédure pour le compte d'autrui, qui justifie l'existence
d'une réglementation spécifique.
Le nombre important et la complexité relative des règles de droit judiciaire privé font que, le plus
souvent, le plaideur n'accomplit pas lui-même les actes de procédure, mais en charge un mandataire.
Devant certaines juridictions, le législateur impose la représentation par un professionnel déterminé,
par exemple, devant le tribunal de grande instance, la représentation par un avocat. Le plaideur,
même s'il est un juriste expérimenté, ne peut donc pas accomplir personnellement les actes de
procédure se rapportant à son procès 594. Ce mandat de représentation en justice, que l'on appelle
encore le mandat ad litem 595, peut se combiner avec un ou plusieurs autres mandats antérieurs et
former comme une chaîne de mandats successifs. Un sportif ou une vedette du spectacle peut charger
un homme d'affaires de gérer sa fortune. À son tour, celui-ci peut charger un gérant de prendre en
main la gestion des immeubles et, en cas de litige avec un locataire, le gérant fera appel aux services
d'un avocat. Tous ces liens de droit sont fondamentalement des mandats de même nature. Cependant,
pour assurer un déroulement satisfaisant de la procédure, le dernier d'entre eux, qui est un mandat ad
litem 596, se trouve régi par des règles particulières. Il ne faut donc pas le confondre avec les autres
mandats et, en particulier, avec le mandat ad agendum 597, qui est l’acte par lequel on donne pouvoir
à quelqu’un d’agir en justice en notre nom. Ainsi, le syndic de copropriété qui se voit confier la
mission, par l’assemblée générale des copropriétaires, d’engager un procès contre un entrepreneur,
reçoit un mandat ad agendum. Il représente le syndicat de copropriété, mais si, comme c’est
obligatoirement le cas devant le tribunal de grande instance, il se tourne vers un avocat pour
accomplir les actes de procédure, ce dernier recevra un mandat ad litem.

203 Représentation et assistance. – La représentation en justice est régie par les articles 411
à 420 du Code de procédure civile. Mais, avant d'aborder son étude, il convient, à la lecture de ces
textes, de distinguer soigneusement la représentation de l'assistance en justice. L'article 411 définit la
représentation comme le « pouvoir et devoir d'accomplir au nom du mandant les actes de
procédure ». Les mots importants sont « au nom du mandant ». Le représentant de la partie est censé
exprimer sa volonté et, par voie de conséquence, il l'engage. Le plaideur est lié par ce qu'a fait son
représentant. De son côté, l'article 412 définit l'assistance comme le « pouvoir et devoir de conseiller
la partie et de présenter sa défense sans l'obliger ». Ici, les mots importants sont « sans l'obliger ».
Celui qui assiste un plaideur en justice n'est pas censé exprimer sa volonté. Il ne l'engage pas.
Autrement dit, alors que le représentant est assimilé à la partie elle-même, celui qui assiste se tient
seulement aux côtés de la partie.
La représentation et l'assistance n'ont donc pas les mêmes domaines. La représentation se trouve
limitée aux seuls cas où une personne accomplit un acte de procédure au nom d'un plaideur. Dans le
cadre d'un procès, il s'agit principalement mais non exclusivement des conclusions. De façon
générale, les règles de la représentation s'appliquent à tout acte juridique lié au procès, réalisé pour
le compte d'une partie. En dehors des actes juridiques, l'activité de l'auxiliaire de justice relève de
l'assistance. L'avocat qui plaide ne représente pas son client et, si une phrase malheureuse de la
plaidoirie semble reconnaître les droits de l'adversaire, elle n'engage pas le plaideur, à la différence
de ce qu'aurait fait une phrase des conclusions 598.
La distinction des deux activités peut être assez facilement établie lorsque la procédure est écrite.
La forme écrite que doivent revêtir les actes de procédure permet pratiquement d'exclure de la
représentation tout ce qui est oral. Il est ensuite assez aisé d'opérer une discrimination entre les écrits
rédigés au nom du plaideur et ceux que l'avocat rédige en son nom personnel. Il n'en va pas de même
lorsque la procédure est orale, car on ne peut plus s'en tenir, à titre de première approximation, à la
distinction de l'écrit et de l'oral. Par exemple, l'avocat qui, à l'audience, renonce à une prétention
qu'il avait formulée dans des conclusions écrites accomplit certainement un acte juridique qui engage
le plaideur. Pareillement, dans une procédure orale, l'avocat engage son client par l'aveu qu'il fait
oralement à l'audience 599. Il faut donc, pour chaque parole de l'avocat, se demander s'il a émis une
manifestation de volonté génératrice de droit au nom de son client. En pratique, la distinction ne va
pas sans incertitudes 600.
On notera, pour terminer sur ce point, que l'article 413 du Code de procédure civile dispose que
« le mandat de représentation emporte mission d'assistance, sauf disposition ou convention
contraire 601 ». Il est possible maintenant d'étudier successivement le domaine (a), l'établissement (b),
l'étendue (c) et la cessation (d) du mandat de représentation en justice.
a) Le domaine du mandat

204 Diversité des procédures et représentation. – Trois situations doivent être distinguées,
selon que la représentation est obligatoire, facultative ou même interdite.
La représentation obligatoire est généralement liée à la procédure écrite dont la technicité impose
le recours à un spécialiste du droit. Ce lien entre procédure écrite et représentation obligatoire n'est
pas systématique, car il existe des procédures écrites dans lesquelles la représentation n'est que
facultative. Mais celles-ci font figure d'exceptions 602 : la plupart du temps, la représentation par un
professionnel du droit tel qu'un avocat est obligatoire dans les procédures écrites. Il en va donc ainsi,
sauf exceptions, devant trois juridictions : le tribunal de grande instance 603, la cour d'appel 604 et la
Cour de cassation 605.
Lorsque la procédure est orale, le législateur estime que sa relative simplicité n'impose pas la
représentation obligatoire. Devant le tribunal de commerce 606 et le tribunal d'instance 607, elle devient
alors facultative. Devant le conseil de prud'hommes 608, elle est même, en principe, interdite : les
parties ont l'obligation de comparaître en personne, sauf motif légitime. L'obligation de comparaître
en personne, devant cette juridiction, traduit la volonté du législateur de favoriser la conciliation des
parties, qui ne peut guère être envisagée en leur absence. Cela étant, une autre solution est
envisageable : elle consiste à n'imposer la comparution personnelle que durant la phase de
conciliation préalable et d'autoriser la représentation au-delà. C'est le choix qu'a fait le pouvoir
réglementaire, pour le tribunal paritaire des baux ruraux, en 2010 609. Quoi qu'il en soit, même quand
la représentation est en principe interdite, le plaideur peut tout de même se faire assister.
b) L'établissement du mandat

205 Destinataires et preuve du mandat. – Quelles sont les personnes à qui un mandat de
représentation ad litem peut être confié ? Plus encore que la majorité des autres mandats, celui-ci
repose sur la confiance entre les parties. Il est fortement marqué par l'intuitus personae, ce qui
justifie que le plaideur puisse bénéficier d'un très large choix pour désigner son représentant. Le
choix n'est cependant pas illimité, sauf devant le tribunal de commerce 610. Pour les autres juridictions
dotées d'une procédure orale, le législateur donne une liste assez longue de personnes au sein
desquelles le choix doit être effectué 611. Lorsque la procédure est écrite, le choix est restreint aux
seuls membres de la profession à laquelle est conféré le monopole de la représentation : devant le
tribunal de grande instance et la cour d'appel, ce monopole appartient aux avocats, devant la Cour de
cassation aux avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation 612. Deux précisions peuvent encore
être apportées. En premier lieu, celui qui est habilité à représenter une partie en justice l'est aussi
pour l'assister 613. En second lieu, l'article 414 du Code de procédure civile dispose qu'une partie ne
peut être représentée que par un seul mandataire alors qu'elle peut être assistée de plusieurs
personnes 614.
La preuve du mandat de représentation est également soumise à des règles particulières.
L'article 416 du Code de procédure civile pose en principe que « quiconque entend représenter ou
assister une partie doit justifier qu'il en a reçu le mandat ou la mission ». La règle est donc que le
représentant doit produire un mandat écrit spécial 615. Il existe cependant une exception qui, en
pratique, est plus importante que la règle. L'alinéa 2 de l'article 416 ajoute en effet que l'avocat est
dispensé d'en justifier 616.
c) L'étendue du mandat

206 Le pouvoir « externe » et ses limites. – En application du principe de la liberté


contractuelle, l'étendue du mandat ne devrait dépendre que de ce qu'ont voulu les parties. Cependant,
dans le souci d'éviter les incertitudes liées à la diversité des volontés individuelles et, plus encore, à
l'absence d'écrit établissant l'importance des pouvoirs reconnus au représentant, la loi a posé des
règles de pouvoir « externe » 617. À l'égard du juge et de la partie adverse, le représentant est doté
des pouvoirs suivants : faire ou accepter un désistement, acquiescer, faire, accepter ou donner des
offres, un aveu ou un consentement 618. Cette règle de pouvoir posée par l'article 417 du Code de
procédure civile ne joue pas dans les relations entre les parties au contrat de mandat. Entre elles
s'appliquent les règles de droit commun 619. Il en résulte que, si un avocat a outrepassé les limites que
lui avait expressément imposées son client, l'acte de procédure ne pourra pas être remis en cause,
même si le dépassement de pouvoir est établi de la façon la plus certaine qui soit 620. L'avocat
n'engage que sa responsabilité contractuelle envers son client. À l'inverse, pour d'autres actes plus
graves, comme l'inscription de faux 621, le déféré ou le référé du serment judiciaire 622, ou la
récusation d'un juge 623, les textes exigent, même de l'avocat, la production d'un pouvoir spécial.
Qu'en est-il des autres actes ? La Cour de cassation pose une distinction entre les actes qui entrent
dans la mission ordinaire de représentation de l'avocat et ceux qui n'y entrent pas. L'article 417 du
Code de procédure civile ne joue que pour les actes de la première catégorie. Pour ceux qui relèvent
de la seconde, c'est-à-dire qui n'entrent pas dans sa mission ordinaire de représentation, l'avocat doit
justifier d'un pouvoir spécial 624.
d) La cessation du mandat

207 Révocation et renonciation au mandat. – Le mandat de représentation en justice étant


conclu intuitu personae, chacune des parties peut normalement y mettre fin à tout moment. Ce
principe se trouve cependant atténué lorsque la représentation est obligatoire. La liberté des parties
doit alors se combiner avec la nécessité d'éviter toute discontinuité dans la représentation du
plaideur. Les textes du Code de procédure civile distinguent selon la partie au contrat qui prend
l'initiative d'y mettre fin.
D'abord, le plaideur peut décider de révoquer le mandataire qu'il avait choisi. Si la représentation
est obligatoire, il doit procéder immédiatement à son remplacement. À défaut, la sanction prévue par
l'article 418 du Code de procédure civile est à la fois simple et efficace : l'adversaire n'a pas à tenir
compte de la révocation qui est intervenue et il continue valablement la procédure en s'adressant au
mandataire révoqué. Lorsque la représentation n'est pas obligatoire, le plaideur peut pourvoir au
remplacement de son mandataire, mais il peut aussi informer le juge et la partie adverse de son
intention de se défendre lui-même.
L'article 419 du Code de procédure civile régit le cas où c'est le mandataire qui prend l'initiative
de mettre fin à ses fonctions. Lorsque la représentation est obligatoire, le mandataire doit continuer
d'exercer ses fonctions tant qu'il n'a pas été pourvu à son remplacement. La désignation du nouveau
représentant du plaideur appartient normalement au mandant. À défaut, elle sera effectuée par le
bâtonnier. Lorsque la représentation n'est pas obligatoire, le mandataire peut cesser ses fonctions dès
qu'il en a informé son client, le juge et la partie adverse. Mais, en vertu de l'article 156 du décret
du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat, il ne suffit pas d'avertir son client : encore
faut-il le faire en temps utile pour que celui-ci soit à même de pourvoir à la défense de ses
intérêts 625.
Enfin, il va de soi que le mandat cesse aussi en cas de décès du mandataire ou de cessation de ses
fonctions 626.

2. La représentation mutuelle des parties

208 Principe de l'indépendance des litisconsorts. – Dans le schéma ordinaire du procès, un


demandeur unique fait face à un défendeur unique. Mais le procès peut opposer plusieurs demandeurs
à plusieurs défendeurs, ou encore on peut trouver un demandeur opposé à un défendeur qui lui-même
se porte demandeur en garantie contre un tiers défendeur. La question est de savoir si les parties sont
totalement indépendantes l'une de l'autre ou si l'on doit considérer qu'il s'institue une représentation
mutuelle entre elles, de sorte que les actes de l'une profiteraient aux autres. Le doute provient de ce
qu'il existe entre les parties une identité partielle ou totale d'intérêts. Par exemple, tous les
codébiteurs solidaires ont intérêt à ce que la créance invoquée par le demandeur soit déclarée
prescrite. Ces parties qui ont des intérêts communs sont appelées des consorts ou des litisconsorts.
Les articles 323 et 324 du Code de procédure civile posent le principe de l'indépendance des
litisconsorts. La solution retenue se justifie par la considération que l'identité d'intérêts est souvent
partielle et qu'elle laisse une certaine place à des divergences d'intérêts. Par exemple, si le défendeur
originaire et le débiteur de la garantie ont le même intérêt au rejet de la prétention du demandeur
originaire, leurs intérêts peuvent diverger si cette prétention est déclarée bien fondée. L'un voudra
bénéficier de la garantie que l'autre entendra lui dénier.

209 Conséquences du principe. – Le principe de l'indépendance des litisconsorts se manifeste


par deux règles. La première, énoncée par l'article 323, est que chacun des litisconsorts « exerce
et supporte, pour ce qui le concerne, les droits et obligations des parties à l'instance ». Par exemple,
chacun d'eux doit constituer avocat et déposer des conclusions. La portée de cette règle doit être
exactement mesurée. Elle ne signifie pas que chaque litisconsort doit prendre un avocat différent. Il
arrive fréquemment que des cohéritiers soient représentés par le même avocat ou encore qu'une
compagnie d'assurances qui reconnaît devoir sa garantie soit représentée par le même avocat que son
assuré et l'avocat unique déposera des conclusions identiques au nom de tous les litisconsorts. La
règle signifie seulement que l'initiative de l'un d'eux ne dispense pas les autres d'accomplir les
diligences qui leur incombent. La seconde règle, qui n'est que le corollaire de la première, dispose
que « les actes accomplis par ou contre l'un des coïntéressés ne profitent ni ne nuisent aux autres. »
Selon l'article 324 du Code de procédure civile, le demandeur doit citer à comparaître chacun des
litisconsorts ; de même, l'exercice d'une voie de recours par l'un d'eux ne profite pas aux autres,
chacun d'eux doit l'exercer personnellement. Il convient cependant de remarquer que l'article 324 du
Code de procédure civile ménage quelques dérogations à ce principe, en cas de solidarité ou
d'indivisibilité entre les parties, pour l'exercice des voies de recours ou l'autorité de la chose
jugée 627.
Après l'énoncé des conditions de formation des actes de procédure, il faut étudier la sanction de
ces règles 628.

SECTION II
LA SANCTION DES RÈGLES DE FORMATION

210 Présentation. – La théorie générale des obligations enseigne que l'inobservation des
conditions de formation des actes juridiques entraîne leur nullité. C'est une sanction grave : l'acte
annulé devra être refait, ainsi que tous les actes qui se trouvent sous sa dépendance. Ceci est vrai
aussi pour les actes de procédure. En outre, l'irrégularité de l'acte fait naître un incident qui retarde le
déroulement du procès et crée des frais supplémentaires. Lorsque c'est l'acte introductif d'instance
qui est annulé, tout le procès s'effondre. Le demandeur originaire doit former une nouvelle demande
initiale pour créer une autre instance. Il peut même se faire que l'expiration d'un délai de prescription
rende impossible la délivrance d'une nouvelle citation. Tout cela incite à limiter étroitement les cas
de nullité des actes de procédure, surtout lorsque la condition violée est de pure forme.
D'un autre côté, cependant, il n'est guère envisageable de laisser dépourvues de sanction les
règles de formation des actes de procédure, non seulement bien sûr les règles de fond, mais aussi les
règles de forme. Notamment, les règles régissant la signification des actes répondent toutes à une
finalité précise, qui est que le destinataire de l'acte puisse en avoir effectivement connaissance.
L'absence de sanction de toutes ces règles constituerait une véritable incitation à se livrer à des
manœuvres déloyales.
Entre ces deux impératifs qui paraissent contradictoires, il faut essayer de trouver un juste milieu.
C'est ce qu'ont tenté de réaliser les rédacteurs du Code de procédure civile, en s'appuyant sur
l'expérience tirée de la législation antérieure. Cette législation doit être brièvement retracée, parce
qu'elle explique dans une large part les solutions actuelles.

211 Évolution de la législation. – Dans le Code de procédure civile de 1806, la sanction des
conditions de forme des actes de procédure était commandée par deux principes, le premier étant
qu'il n'y avait pas de nullité sans texte et le second que l'inobservation des règles sanctionnées par la
nullité entraînait automatiquement le prononcé de la nullité. Chacune de ces règles a conduit à des
résultats malencontreux. Quelle qu'ait pu être l'attention des rédacteurs du Code de procédure civile,
ils n'avaient pu prévoir toutes les irrégularités graves pouvant affecter les actes de procédure.
Devait-on appliquer strictement la règle « pas de nullité sans texte » et laisser dépourvues de
sanction des irrégularités graves dont il était évident que le législateur les aurait sanctionnées par la
nullité de l'acte s'il y avait pensé ? La jurisprudence a comblé cette lacune en créant la catégorie des
formalités substantielles ou essentielles, sanctionnées même en l'absence de dispositions
particulières, la formalité substantielle étant celle qui « tient à (la) raison d'être (de l'acte) et lui est
indispensable pour remplir son objet 629 ». La règle du Code de procédure civile ne s'appliquait plus
que pour les formalités secondaires. Le caractère automatique de la nullité n'a pas conduit à des
résultats plus heureux. Il incitait les plaideurs à la chicane. En effet, un plaideur pouvait obtenir
l'annulation d'un acte, alors que l'irrégularité de l'acte ne lui avait causé aucune gêne. Le « mauvais »
plaideur était donc incité à se livrer à une étude systématique et minutieuse de tous les actes de
procédure dans l'espoir de déceler une irrégularité sanctionnée par la nullité.
Cette situation a conduit le législateur à opérer une réforme. Dans le décret-loi du 30 octobre
1935, il n'a pas condamné la création par la jurisprudence de la catégorie des formalités
substantielles, mais il a substitué à la règle de la nullité automatique la règle « pas de nullité sans
grief ». L'existence d'une cause de nullité ne suffisait plus à entraîner l'annulation d'un acte de
procédure. Il fallait encore que l'irrégularité ait causé un grief à celui qui se prévalait de
l'irrégularité. Les tribunaux n'ont pas donné à la règle nouvelle un domaine d'application général.
D'abord, ils l'ont écartée lorsque l'irrégularité portait sur une condition de fond de l'acte de
procédure. Il est probable en effet que le législateur n'avait pas visé cette sorte d'irrégularité. Ils l'ont
encore écartée, d'une façon plus surprenante, lorsque l'irrégularité de forme revêtait un caractère
substantiel. La raison invoquée était que, les formalités substantielles étant celles qui sont
indispensables pour que l'acte de procédure remplisse son objet, leur inobservation causait
nécessairement un grief. Il était donc inutile de vérifier son existence au cas par cas.

212 Plan. – Telle était la situation au moment de la rédaction du Code de procédure civile,
dans les années 1970 630. Sur certains points, les rédacteurs se sont inspirés des solutions qu'avait
dégagées la Cour de cassation. Sur d'autres en revanche, il est clair qu'ils ont entendu briser la
jurisprudence antérieure. C'est ce que l'étude de la sanction des conditions de forme permettra de
constater (§ 1). La sanction des conditions de fond soulève d'autres difficultés qui seront étudiées
dans un second temps (§ 2).

§ 1. LA SANCTION DES CONDITIONS DE FORME

213 Division. – De la lecture des articles 114 et 115 du Code de procédure civile, il résulte que
le prononcé de la nullité d'un acte de procédure pour vice de forme est subordonné à la réunion de
trois conditions : l'irrégularité doit être une cause de nullité (A), elle doit avoir causé un grief (B) et
elle doit ne pas avoir été régularisée (C).

A. LA CAUSE DE NULLITÉ

214 Formalités sanctionnées par la nullité. – Aux termes de l'article 114 du Code de
procédure civile, « aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité
n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle
ou d'ordre public ». Sur ce premier point, les rédacteurs du Code ont donc repris la distinction
qu'opérait la jurisprudence antérieure entre les formalités substantielles (auxquelles ont été ajoutées
celles qui sont d'ordre public) et les formalités secondaires. Ce n'est qu'à ces dernières que
s'applique la règle « pas de nullité sans texte ».
Le soin avec lequel a été rédigé le Code de 1975 explique que la Cour de cassation n'ait pas eu
souvent l'occasion de relever l'inobservation d'une formalité substantielle que la loi aurait omis
d'assortir de la nullité 631. En revanche, la Cour décide de façon constante que l'inobservation des
formalités prévues par l'article 202 du Code de procédure civile pour les attestations (émanant de
témoins) n'entraîne pas leur nullité 632, indiquant par là qu'il ne s'agit pas, selon elle, de formalités
substantielles. Pareillement, elle a jugé que l'obligation posée à l'article 56 du Code de procédure
civile, d'énumérer dans l'assignation et par bordereau annexé les pièces sur lesquelles la demande est
fondée, ne constituait pas une formalité substantielle ni d'ordre public 633.

B. L'EXISTENCE D'UN GRIEF

215 Exigence du grief. – La condition de l'existence d'un grief est posée par l'alinéa 2 de
l'article 114 du Code de procédure civile, aux termes duquel « la nullité ne peut être prononcée qu'à
charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il
s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public ». Sur ce deuxième point, les rédacteurs du Code
de 1975 ont rompu avec la jurisprudence antérieure en étendant le domaine de la règle « pas de
nullité sans grief » aux formalités substantielles. En l'état actuel du droit positif, la sanction d'un vice
de forme ne dépend plus de sa gravité. Une irrégularité même très grave n'est pas sanctionnée si elle
ne cause pas de grief, alors qu'une autre, moins grave, mais ayant causé un grief à l'adversaire,
entraînera la nullité de l'acte de procédure.
L'article 114 oblige les plaideurs à repousser la tentation, presque naturelle, consistant à soutenir
qu'un acte est nul parce qu'il contrevient à telle disposition du Code, prévue à peine de nullité.
Aujourd'hui, cette attitude conduit inéluctablement au rejet de l'exception de nullité, le demandeur à la
nullité devant non seulement alléguer l'existence d'un grief, mais encore l'établir : c'est sur lui que
pèse le risque de la preuve 634.

216 Notion de grief. – Il reste à préciser ce qu'il faut entendre par grief. En tout premier lieu, il
faut éviter de confondre le grief qu'un plaideur peut subir en raison d'une irrégularité avec l'intérêt
qu'il peut avoir au prononcé de la nullité. Par exemple, l'intérêt évident pour une partie de faire
annuler la signification d'un jugement, lorsqu'elle a interjeté appel tardivement, ne saurait constituer
en soi le grief exigé par les textes. Pour que l'acte soit annulé, il faut qu'elle établisse que c'est
l'irrégularité qui est la cause de la tardiveté de l'appel 635. Le grief est donc quelque chose de plus
précis, lié à l'acte irrégulier lui-même. L'irrégularité cause un grief lorsqu'elle perturbe sérieusement
le déroulement du procès pour le plaideur qui l'invoque. La solution est conforme à l'inspiration
actuelle du législateur en matière de formalisme. La forme ne constitue qu'un moyen destiné à obtenir
un résultat déterminé. Si, malgré l'inobservation de la forme, le résultat est néanmoins atteint, il
n'existe aucune raison d'annuler l'acte irrégulier.
Comment doit-on apprécier le grief, in abstracto ou in concreto ? Si l'on retient une appréciation
in abstracto, le juge se demandera si un plaideur normal (on n'ose dire : un plaideur bon père de
famille) a dû être perturbé dans l'organisation du procès. L'appréciation in concreto conduit à se
demander si, en l'espèce, le plaideur en question a été effectivement perturbé. Le respect de la
volonté des rédacteurs du Code de procédure civile conduit nécessairement à choisir l'appréciation
in concreto. L'appréciation in abstracto entraînerait l'annulation d'actes dont il ne serait pas
réellement établi qu'ils ont causé un grief. Ce serait un retour à la jurisprudence antérieure sur les
formalités substantielles, pour lesquelles les tribunaux décidaient que leur violation entraînait
toujours et par principe un grief pour l'adversaire. L'appréciation du grief s'opère donc au cas par cas
par les juges du fond qui disposent en principe d'un pouvoir souverain d'appréciation 636. Deux
exemples illustreront ce propos. Une assignation indiquait au défendeur une date inexacte de
l'audience à laquelle l'affaire serait appelée. Le défendeur demande l'annulation de l'acte au motif
que, la date de comparution étant un élément important de l'assignation, son inexactitude faisait
« incontestablement » grief. Sa demande est néanmoins rejetée au motif que l'inexactitude était facile
à réparer et qu'elle n'avait pas induit en erreur le défendeur 637. Dans une autre espèce, une
assignation n'indiquait aucune date de comparution au défendeur. Celui-ci ne fait rien, attendant sans
doute que le demandeur lui précise, dans un second acte, la date de l'audience à laquelle il devrait
comparaître. En réalité, quelques mois plus tard, il reçoit notification du jugement le condamnant en
son absence. La cour d'appel annule l'assignation à la demande de ce défendeur 638. La gravité de
l'irrégularité était sensiblement égale dans les deux espèces. C'est l'existence concrète d'un grief qui
explique le sort différent réservé aux deux actes.

C. L'ABSENCE DE RÉGULARISATION

217 Conditions de la régularisation. – La régularisation, prévue par l'article 115 du Code de


procédure civile, entraîne la validation rétroactive de l'acte de procédure. Le vice qui l'affectait se
trouve effacé, comme s'il n'avait jamais existé. La lecture de ce texte montre que la régularisation est
subordonnée à deux conditions.
La première est qu'aucune forclusion ne soit encore intervenue. Il faut donc qu'aucun délai de
procédure, sanctionné par la forclusion, n'ait expiré avant la régularisation. Cette restriction était très
importante, jusqu'en 2008, chaque fois que l'acte de procédure affecté d'un vice était celui par lequel
un plaideur exerçait une voie de recours enfermée dans un court délai. Si, comme c'était souvent le
cas, le recours était formé juste avant l'expiration du délai, il était en fait impossible de régulariser
l'acte. Le texte de l'article 115 n'a plus la même portée, depuis l'entrée en vigueur des articles 2241
et 2242 du Code civil tels qu'issus de la loi n 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la
o

prescription. Désormais, la demande en justice interrompt les délais de prescription et de forclusion


jusqu'à l'extinction de l'instance, même quand « l'acte de saisine » 639 de la juridiction est annulé pour
vice de procédure. On ne voit donc plus comment une forclusion 640 pourrait intervenir avant
régularisation de l'acte entaché d'un vice de forme. La loi de 2008 a donc vidé de sa substance une
partie de l'article 115 du Code de procédure civile.
L'article 115 du Code de procédure civile exige aussi que la régularisation ne laisse subsister
aucun grief. Cette condition constitue le pendant de celle que pose l'article 114 pour le prononcé de
la nullité. De même qu'une irrégularité ne peut entraîner la nullité d'un acte que si elle a causé un grief
à l'adversaire, de même un acte de régularisation ne peut être admis que s'il remet l'adversaire dans
une situation, sinon identique, du moins analogue à celle qui aurait été la sienne si l'acte avait été
régulier dès l'origine. Or, pour l'adversaire, le grief consiste en une perturbation de l'organisation du
procès, c'est-à-dire, en définitive, en un retard sensible dans cette organisation. Concrètement, il en
résulte que la régularisation doit intervenir très vite : il faut qu'elle se fasse à un moment où, même
régulièrement informé, l'adversaire n'aurait encore qu'à peine commencé à mener les diligences
nécessaires.

§ 2. LA SANCTION DES CONDITIONS DE FOND

218 Présentation. – La sanction des irrégularités de fond, régie par les articles 117 à 121 du
Code de procédure civile, ne répond pas aux mêmes préoccupations que celle des irrégularités de
forme. Ce n'est pas l'instrumentum qui est affecté, mais la qualité de la manifestation de volonté
émise par le plaideur ou par son représentant. Dès lors, n'est plus en cause l'équilibre entre le respect
de la formalité et les excès possibles du formalisme, équilibre que le législateur s'efforce d'instaurer
autour de l'exigence du grief. C'est pourquoi il convient d'indiquer immédiatement que le grief ne
constitue pas l'une des conditions de la nullité de l'acte de procédure : l'article 119 dispose que « les
exceptions de nullité fondées sur l'inobservation des règles de fond relatives aux actes de procédure
doivent être accueillies sans que celui qui les invoque ait à justifier d'un grief ». D'autre part,
l'exception de nullité, pour vice de fond, bénéficie d'un régime moins strict que justifie la gravité de
ces irrégularités.
Ainsi apparaît un contraste marqué et voulu entre l'irrégularité de fond et l'irrégularité de forme :
le législateur envisage beaucoup plus volontiers le prononcé de la nullité de l'acte de procédure dans
un cas que dans l'autre. Cette situation a fait naître l'idée d'élargir le domaine des irrégularités de
fond, au détriment des irrégularités de forme. Il faut donc étudier dans un premier temps la sanction
des irrégularités prévues par le Code de procédure civile (A) avant de se demander si ces règles ne
doivent pas être étendues à d'autres irrégularités (B).

A. LES IRRÉGULARITÉS PRÉVUES PAR LE CODE DE PROCÉDURE CIVILE

219 Division. – L'existence d'un grief n'étant pas exigée pour le prononcé de la nullité d'un acte
affecté d'un vice de fond, deux conditions seulement doivent être étudiées successivement : les causes
de nullité (1) et l'absence de régularisation (2).

1. Les causes de nullité

220 Énumération des causes de nullité. – L'article 117 du Code de procédure civile énumère
trois causes de nullité pour vice de fond. En premier lieu, le texte cite le défaut de capacité d'ester en
justice, la capacité que vise ce texte étant la capacité de jouissance. Ainsi se trouve frappé de nullité
l'acte émanant d'un groupement qui n'est pas doté de la personnalité juridique 641 ou d'une personne
qui était décédée au moment où l'acte a été fait en son nom 642. Pareillement, est nul l'acte adressé à
une personne décédée 643. On ne peut faire un procès à une personne juridique qui n'existe pas ou
n'existe plus. Une exception existe cependant concernant les personnes morales. Ainsi, alors même
que la personnalité morale d'une société dissoute ne subsiste, pour les besoins de sa liquidation, que
« jusqu'à la publication de la clôture de celle-ci » 644 au registre du commerce et des sociétés, la
jurisprudence admet une forme de résurrection de la personne morale pour les besoins d'une action en
justice exercée en son nom ou à son encontre à raison d'un droit ou d'une obligation qui lui
incomberait. Le demandeur doit alors faire désigner judiciairement un mandataire ad hoc qui
représentera la société, le mandat de ses représentants antérieurs ayant d'ores et déjà expiré 645. Mais
ceci nous amène au deuxième cas régi par l'article 117.
Le deuxième cas régi par l'article 117 est le « défaut de pouvoir d'une partie ou d'une personne
figurant au procès comme représentant soit d'une personne morale, soit d'une personne atteinte d'une
incapacité d'exercice ». Ce texte n'est pas rédigé de façon très heureuse. Tout d'abord, le défaut de
pouvoir, à proprement parler, ne saurait concerner la personne qui est partie au procès ; il ne peut
affecter que celui qui la représente. Pour une partie au procès, il est préférable de parler d'incapacité
d'exercice. La suite du texte n'appelle pas le même reproche, s'agissant désormais du soi-disant
représentant d'une partie. Cette irrégularité constitue le vice de fond par excellence pouvant affecter
les actes de procédure. C'est notamment l'hypothèse du procès formé ou continué par un dirigeant de
société dont les fonctions ont pris fin 646 ou par un syndic de copropriété qui n'a pas été habilité à agir
en justice pour le compte du syndicat 647. S'il peut être établi qu'un acte de procédure a été établi pour
son compte, alors qu'il était dépourvu du pouvoir de représenter la personne morale, l'acte sera
annulé pour irrégularité de fond 648. Cela étant, un second reproche peut être adressé au texte : sa
lettre ne vise que le défaut de pouvoir du prétendu représentant d'une personne morale ou d'une
personne physique incapable. Ses rédacteurs ont donc oublié les hypothèses de représentation de
personnes physiques capables. La jurisprudence pallie cependant cette lacune en appliquant
l'article 117 à toutes les hypothèses de défaut de pouvoir 649.
En troisième lieu, l'article 117 sanctionne le « défaut de capacité ou de pouvoir d'une personne
assurant la représentation d'une partie en justice ». Ce n'est rien d'autre que l'application du texte
précédent au cas particulier du mandat de représentation en justice. Le défaut de capacité vise
improprement l'hypothèse où un plaideur donnerait pouvoir, pour le représenter en justice, à une
personne que la loi n'autorise pas à exercer une telle fonction devant une juridiction déterminée. On
peut ainsi imaginer un mandat ad litem conféré à un avocat pour représenter une partie devant un
tribunal autre que celui devant lequel il peut postuler 650. Les applications les plus concrètes de cette
règle intéressent les tribunaux d'exception à caractère professionnel. Ainsi, devant le conseil de
prud'hommes, l'article R. 1453-2 du Code du travail permet à un plaideur de se faire assister ou
représenter par « les délégués permanents ou non permanents des organisations d'employeurs et de
salariés ». Mais une partie ne saurait se faire représenter par un simple salarié de cette organisation
qui n'en est pas membre lui-même 651. Le défaut de pouvoir, quant à lui, désigne l'absence de mandat
conféré à une personne susceptible d'en recevoir un.

2. L'absence de régularisation

221 Conditions de la régularisation. – Aux termes de l'article 121 du Code de procédure


civile, « dans les cas où elle est susceptible d'être couverte, la nullité ne sera pas prononcée si sa
cause a disparu au moment où le juge statue ». Ce texte subordonne donc expressément la
régularisation de l'acte à deux conditions. La première est que l'irrégularité soit susceptible d'être
couverte, ce qui est presque toujours le cas. La procédure peut être reprise par celui qui a
véritablement pouvoir de représenter l'incapable ou la personne morale. La régularisation est
cependant inenvisageable lorsque l'acte a été accompli par un groupement dépourvu de personnalité
juridique 652 : si l'on peut régulariser l'acte d'une personne incapable ou dépourvue de pouvoir, on ne
peut valider celui d'une personne qui n'existe pas, car la nullité de l'acte confine alors, elle-même, à
l'inexistence 653. Il en va pareillement lorsqu’un acte a été attribué à une personne d’ores et déjà
décédée. N’existant plus, cette personne n’a pas pu faire cet acte, même de manière irrégulière 654.
La seconde condition est tout aussi favorable à la régularisation, puisqu'il suffit qu'elle
intervienne avant que le juge ne statue. Pour être exact, il faudrait dire « avant la clôture des débats »,
dans une procédure orale, ou « avant l'ordonnance de clôture », dans une procédure écrite. En effet,
ainsi que l'a précisé la Cour de cassation, « l'article 121 du (...) Code de procédure civile ne déroge
pas aux dispositions du même code qui interdisent aux parties de conclure ou de communiquer des
pièces après la clôture des débats ou, dans les procédures avec représentation obligatoire, après
l'ordonnance de clôture » 655. Dès lors qu'il est trop tard pour faire valoir auprès des juges l'existence
d'une régularisation, ceux-ci ne peuvent en tenir compte.
L'article 121 du Code de procédure civile soulève cependant deux difficultés d'interprétation. La
première peut être formulée ainsi : cette condition constitue-t-elle la seule condition de temps ? Pour
la régularisation des vices de forme, l'article 115 du Code de procédure civile exige qu'aucune
forclusion ne soit intervenue. Qu'en est-il pour les vices de fond ? Bien que le Code soit muet sur ce
point, la jurisprudence n'a pas hésité à étendre cette règle aux vices de fond, les raisons étant
sensiblement les mêmes dans les deux cas 656. Le pouvoir qui fait défaut à l’auteur d’un recours peut
ainsi lui être conféré tant que le délai de ce recours n’est pas écoulé 657. Le risque de forclusion
devrait désormais être écarté par l'article 2241 du Code civil qui énonce, depuis 2008, que l'acte de
saisine de la juridiction interrompt les délais de prescription et de forclusion, même s'il est annulé
pour « vice de procédure » 658. En 2013, la Cour de cassation a tout de même réaffirmé la nécessité
de régulariser les irrégularités de fond avant l’expiration des délais de recours, ce qui nous paraît
discutable, l’article 2242 du même code énonçant que l’interruption produit ses effets jusqu’à
l’extinction de l’instance 659. Puis, elle est revenue sur cette exigence en 2015 660. Au regard de
l’article 2241, la solution est cohérente, mais elle réduit sensiblement l’intérêt de soulever les
nullités susceptibles de régularisation.
La seconde difficulté tient à la détermination du juge visé par l'article 121, lorsque l'affaire est
portée successivement devant le juge du premier degré, puis devant celui du second degré. En
principe, l'irrégularité de fond qui a été soulevée pour la première fois devant le juge du second
degré peut encore être couverte au cours de l'instance d'appel, même si elle existait dès le début de
l'instance qui s'est déroulée au premier degré, aucun juge n'ayant eu à statuer sur cette irrégularité 661.
Mais en va-t-il encore ainsi lorsque l'irrégularité a été soulevée devant le juge du premier degré, qui
l'a examinée ? Ne devrait-on pas considérer que la régularisation n'est plus possible après que le
tribunal a statué, même si un appel est formé et si un acte tendant à la régularisation est intervenu
avant que la cour n'ait elle-même statué ? La jurisprudence est divisée sur ce point 662. Il paraît
préférable de décider qu'aucune régularisation n'est plus possible. En effet, l'appel est
essentiellement une voie de recours destinée à corriger les erreurs qu'auraient pu commettre les juges
du premier degré. Les juges du premier degré ayant eu à statuer sur l'irrégularité, les juges d'appel
doivent seulement examiner si, compte tenu des faits qui leur étaient soumis, ils ont bien ou mal jugé.
En revanche, l'existence d'un grief n'étant pas une condition du prononcé de la nullité d'un acte de
procédure pour vice de fond, il n'est pas nécessaire que la régularisation ne laisse subsister aucun
grief. Le grief est totalement étranger aux irrégularités de fond, de quelque façon que ce soit.

B. L'EXTENSION À D'AUTRES IRRÉGULARITÉS

222 Présentation. – La nullité d'un acte de procédure affecté d'un vice de fond peut être
demandée au juge dans des conditions beaucoup moins rigoureuses que celle d'un acte qui est affecté
d'un vice de forme. Deux différences importantes séparent les deux situations. D'une part, la nullité
pour vice de fond échappe aux règles strictes de présentation posées par l'article 74 du Code de
procédure civile 663 : aux termes de l'article 118, elle peut en principe être proposée en tout état de
cause. D'autre part, et surtout, le prononcé de la nullité n'est pas subordonné à la preuve d'un grief.
On a vu que, pour les vices de forme, l'exigence d'un grief aboutissait à ce résultat que la sanction ne
dépendait plus de la gravité de l'irrégularité, mais de la perturbation que l'irrégularité avait causée à
l'adversaire. Il peut ainsi se faire qu'une irrégularité très grave demeure dépourvue de sanction.
L'idée a alors été émise que certaines irrégularités, que dans un premier temps on songerait à classer
dans la catégorie des vices de forme, devraient néanmoins être traitées comme des vices de fond, en
raison précisément de leur gravité et de la nécessité de les sanctionner indépendamment de tout grief.
En principe, la Cour de cassation refuse toute idée d'extension (1) ; dans quelques cas, cependant,
elle l'accepte (2).
1. L'extension refusée

223 Principe du rejet de l'extension. – La question de l'extension aux vices de forme les plus
graves des règles applicables aux vices de fond a été posée à la Cour de cassation dans une espèce
où avait été signifié à une partie un acte d'huissier non signé. Devant les juges du second degré, on
soutenait d'un côté que cette irrégularité, qui n'était que de forme, n'avait causé aucun grief à
l'adversaire, donc que l'acte ne pouvait être annulé, et de l'autre côté qu'une telle irrégularité ne
pouvait demeurer impunie et on proposait de tenir l'acte pour « légalement inexistant », au motif
indiscutable que c'est la signature de l'officier ministériel qui confère à l'acte son caractère
authentique. Ce n'était plus vraiment un acte d'huissier et on pouvait donc le tenir pour inexistant.
Cette proposition a été repoussée par la Cour de cassation. Pour elle, quelle qu'en soit la gravité, le
vice reste un vice de forme et le prononcé de la nullité de l'acte demeure subordonné à la preuve d'un
grief 664. Depuis lors, un important arrêt rendu le 7 juillet 2006 a condamné de manière beaucoup plus
générale la théorie de l'inexistence, en énonçant que « quelle que soit la gravité des irrégularités
alléguées, seuls affectent la validité d'un acte de procédure, soit les vices de forme faisant grief, soit
les irrégularités de fond (...) » 665. Même d'une extrême gravité, l'irrégularité qui entache un acte ne
doit pas (ou plus) conduire à le tenir pour inexistant. Dès lors que l'acte existe, il peut être corrompu
par un vice de forme ou de fond, mais il n'est plus question de dénier son existence.
Peut-on alors tenter de qualifier d'irrégularités de fond les vices les plus graves, pour lesquels il
serait choquant qu'il n'y ait pas de sanction en l'absence de grief ? La Cour de cassation n'y est pas
non plus favorable par principe, car elle considère que la liste des irrégularités de fond énumérées
par l'article 117 du Code de procédure civile a un caractère limitatif 666. Elle a d'ailleurs saisi
l'occasion, dans l'arrêt de 2006 qui condamnait la théorie de l'inexistence, de réaffirmer cette
position. Tout vice qui n'est pas visé à l'article 117 doit donc être qualifié de vice de forme.

224 Appréciation de la solution. – Que l'on refuse de qualifier d'irrégularité de fond ce qui
constitue un vice de forme est sans doute une bonne chose, car il n'est jamais bon de tricher avec la
nature des choses. À ce titre, on peut approuver la Cour de cassation lorsqu'elle s'oppose à la
requalification des vices de forme en vices de fond. Le législateur a voulu que, quelle qu'en soit la
gravité, une irrégularité affectant l'instrumentum ne puisse être sanctionnée qu'après qu'il a été établi
qu'elle a causé un grief à l'adversaire. On ne peut qu'approuver le juge lorsqu'il respecte la volonté
du législateur. Cependant, il est permis de penser que la lecture que fait la Cour de cassation de
l'article 117 du Code de procédure civile, lorsqu'elle y voit une liste exhaustive des irrégularités de
fond susceptibles d'entacher un acte de procédure est contestable. Et si cette lecture correspond à la
volonté des auteurs du Code, ce que la seule lettre de l'article 117 ne permet pas d'affirmer, c'est
alors cette volonté qui a quelque chose d'excessif 667.
Une lecture rapide de l'article 119 du Code de procédure civile pourrait faire douter du caractère
limitatif de la liste des irrégularités de fond figurant à l'article 117. L'article 119 dispose en effet que
« les exceptions de nullité fondées sur l'inobservation des règles de fond relatives aux actes de
procédure doivent être accueillies (...) alors même que la nullité ne résulterait d'aucune disposition
expresse ». Existerait-il des irrégularités de fond non visées par les textes, notamment par
l'article 117 ? Il existe des raisons de le penser, mais il faut dire tout de suite que l'argument tiré de
l'article 119 n'est pas décisif. En effet, son sens est probablement le suivant : une irrégularité visée
par l'article 117 constitue une cause de nullité pour tout acte dans quelque procédure que ce soit,
même si aucune disposition spéciale n'en prévoit la nullité. En d'autres termes, il semble que
l'article 119 ne fasse que conférer un domaine d'application général aux dispositions qui l'entourent,
si bien qu'en toute matière, le défaut de pouvoir du représentant d'une personne morale, pour ne citer
que cet exemple, entraîne la nullité de l'acte de procédure effectué par cette personne.
Il n'en reste pas moins qu'il est réducteur de restreindre la catégorie des irrégularités de fond à
celles qui figurent à l'article 117. Comment ne pas voir que ce qui touche au negotium de l'acte ne se
réduit pas à la capacité et au pouvoir d'une partie ou de son représentant ? Les faits qui ont donné lieu
à l'arrêt précité du 7 juillet 2006 668 sont édifiants : deux sociétés avaient assigné leur adversaire
devant un tribunal de commerce à une date correspondant à un jour férié, c'est-à-dire à un jour où le
tribunal ne siégeait pas. L'assignation était-elle inexistante ? Non, répond la Cour de cassation et
force est de reconnaître qu'il y a bien eu assignation. Cependant, il faut beaucoup d'imagination pour
voir un vice de forme dans le défaut reproché à cet acte. En effet, si la date erronée figure bien sur
l'instrumentum de l'assignation, il y a tout de même eu une convocation irrégulière sur le fond (quelle
qu'en soit la forme). Peu importe que la citation ait été faite par acte d'huissier, par lettre
recommandée ou oralement ; il y a eu manifestation de volonté tendant à faire comparaître une partie
à une date où ce n'était pas possible. C'est donc bien le negotium de l'acte qui était vicié. Il y avait
irrégularité de fond et c'est uniquement en raison de la volonté de la Cour de cassation ou du
législateur de limiter de manière draconienne cette catégorie de vice, que les juges seront conduits à
retenir un vice de forme. Toutefois, une telle position jurisprudentielle n'est pas complètement
tenable, car elle va contre la réalité des choses : l'édifice est condamné à s'effriter et l'on ne peut que
voir apparaître des décisions qualifiant d'irrégularités de fond, des vices non visés à l'article 117 du
Code de procédure civile 669. À tout le moins, il est probable que la Cour de cassation persiste à
déroger à sa politique générale, pour admettre d'étendre le régime des vices de fond dans quelques
cas particuliers.

2. Les extensions acceptées

225 Omission d'acte et vices assimilés. – La jurisprudence a autrefois consacré une extension
des règles applicables aux irrégularités de fond, à propos d'un acte d'huissier. En l'espèce, l'huissier
avait instrumenté en dehors de son ressort territorial. Selon la Cour de cassation, l'acte était « entaché
d'une nullité d'ordre public résultant de la violation d'une règle d'organisation judiciaire qui enlève à
l'acte son caractère authentique et qui constitue une irrégularité de fond » soustraite à l'exigence du
grief 670. Hélas, cette solution semble aujourd’hui abandonnée dans le cas de l’incompétence
territoriale de l’huissier 671, mais on la retrouve encore dans deux autres hypothèses. La première se
présente lorsqu'un acte de procédure a été omis. L'omission de l'acte 672 entraîne la nullité des actes
qui lui sont liés indépendamment de tout grief. Ainsi, en cas de représentation obligatoire,
l'article 678 du Code de procédure civile dispose que le jugement doit être notifié au représentant de
la partie avant de l'être à la partie elle-même. L'omission de cette notification préalable entraîne la
nullité automatique de la signification à la partie 673. De même encore, il y a omission d'acte, et donc
nullité indépendamment de tout grief, lorsque, pour notifier en la forme ordinaire un jugement à deux
époux, le greffe ne leur adresse qu'une seule lettre, au lieu d'en adresser une à chacun d'eux : il
manque un acte et, comme il est impossible de déterminer celui qui manque, il faut considérer que
l'acte unique équivaut à l'absence des deux actes exigés par la loi 674.
La même sanction est parfois appliquée, en second lieu, lorsqu'un acte de procédure a été
accompli à la place d'un autre 675, par exemple lorsque le plaideur a utilisé une modalité inappropriée
pour interjeter appel. En principe, l'appel résulte d'une déclaration au greffe de la cour. Cependant,
dans certaines procédures particulières, il résulte d'une déclaration effectuée au secrétariat de la
juridiction qui a rendu la décision attaquée 676. Une erreur sur ce point entraîne de nouveau la nullité
automatique de l'acte 677, sauf à considérer que l'appel est irrecevable 678.
Pour expliquer cette nullité automatique, on peut dire que, dans l'un et l'autre cas, l'acte qui devait
être effectué ne l'a pas été. C'est une évidence lorsqu'il s'agit de l'omission d'un acte. C'est encore la
même situation lorsqu'un acte a été fait à la place de l'autre : la déclaration au greffe de la juridiction
qui avait rendu le jugement n'a pas eu lieu. On peut donc parler d'absence d'acte, comme le fait
parfois la Cour de cassation. Cette explication permet de marquer la frontière entre les irrégularités
de forme régies par l'article 114 du Code de procédure civile et cette catégorie créée par la Cour de
cassation. Pourvu qu'il soit celui que prévoit la loi, l'acte de procédure, même très mal réalisé, relève
pour sa sanction des vices de forme. Dans le cas inverse, l'article 114 n'est plus applicable. Le
premier exemple jurisprudentiel l'énonçait déjà : on devrait considérer que l'acte accompli par un
huissier en dehors de son ressort n'est plus un acte d'huissier 679.
On remarquera que, par rigueur intellectuelle, la Cour de cassation évite généralement,
aujourd'hui, de parler de vice de fond à propos des actes omis ou des actes accomplis à la place d'un
autre. À proprement parler, en effet, ce n'est pas la manifestation de volonté qui se trouve affectée par
l'acte. La cour énonce plus simplement et plus exactement que ces irrégularités échappent à la règle
« pas de nullité sans grief » 680. Il est permis de penser qu'il faudrait aussi écarter la règle « pas de
nullité sans grief », en cas de violation des règles posées par l'article 202 du Code de procédure
civile, pour la rédaction des attestations. En effet, quand bien même on retiendrait le caractère
substantiel des formalités prévues par ce texte (ce qui n'est actuellement pas le cas en jurisprudence),
l'adversaire ne pourrait pratiquement jamais établir que l'inobservation des formalités prévues par ce
texte lui a causé un grief. En l'état actuel de la jurisprudence de la Cour de cassation, la règle est
aujourd'hui dépourvue de toute sanction 681.

226 Le recours aux fins de non-recevoir. – Pour éviter l'application du régime des vices de
forme à un vice de forme d'une particulière gravité ou à une irrégularité de fond non visée à
l'article 117 du Code de procédure civile, la Cour de cassation opte parfois pour une troisième voie
consistant à retenir la qualification de fin de non-recevoir. Ainsi, plutôt que de retenir la nullité d'une
déclaration d'appel effectuée auprès d'un greffe autre que celui désigné par la loi, la Cour de
cassation semble désormais encline à parler d'irrecevabilité de l'appel 682. De même, il conviendrait
de relever une fin de non-recevoir quand un demandeur a saisi un tribunal d'instance par déclaration
au greffe dans un cas où il aurait dû procéder par assignation 683. À certains égards, ce choix
jurisprudentiel peut faire figure d'échappatoire : pour n'avoir pas à qualifier de vice de forme une
irrégularité à laquelle on refuse d'appliquer l'article 114 du Code de procédure civile et pour n'avoir
pas, non plus, à la qualifier d'irrégularité de fond 684, on la qualifie de fin de non-recevoir. Mais, d'un
autre côté, cette option n'est pas aberrante, dès lors que l'on considère qu'il n'y a pas de différence de
nature entre une exception de procédure et une fin de non-recevoir 685 et que, de surcroît, le régime
des exceptions de nullité pour irrégularité de fond est calqué sur celui des fins de non-recevoir 686.

227 Autre sanction. – Une autre possibilité d'échapper au régime rigide des vices de forme se
rencontre en jurisprudence. Imaginons qu'un appel a été formé tardivement par un employeur contre
un jugement notifié par le greffe du conseil de prud'hommes. Pour tenter d'échapper à l'irrecevabilité
de son appel, l'employeur soulève la nullité de la notification en faisant valoir que, sur le document
que lui a adressé le greffe, les divers recours envisageables pour attaquer la décision étaient tous
mentionnés de façon indistincte, au mépris de l'article 680 du Code de procédure civile. La cour
d'appel rejette l'exception de nullité en considérant que l'irrégularité n'a causé aucun grief à
l'appelant, car celui-ci disposait d'un service juridique et de conseils qui lui ont certainement indiqué
le recours qui lui était ouvert. À s'en tenir à l'application stricte des règles qui viennent d'être
énoncées, la décision de la cour d'appel semble à l'abri de la critique. Mais on voit que, si l'on admet
cette solution, on encourage les greffes à se dispenser d'indiquer les recours ouverts et les délais
dans lesquels ils le sont. C'est pourquoi la Cour de cassation, après une résistance prolongée de la
deuxième chambre civile 687, a décidé d'écarter le principe « pas de nullité sans grief », en cas de
transgression de l'article 680 du Code de procédure civile 688. Désormais, elle pose en principe que
« la mention erronée, dans l'acte de notification d'une décision de justice, de la voie de recours
ouverte, de son délai ou de ses modalités ne fait pas courir le délai » 689.

228 Nul en France ne plaide par procureur. – Il reste encore à envisager un autre domaine des
règles qui sanctionnent les vices de fond, que l'on peut à peine qualifier d'extension. Il est en effet
rationnel de soumettre au même régime tous les vices qui affectent le negotium, qu'ils soient ou non
énumérés par l'article 117 du Code de procédure civile. À supposer qu'un acte de procédure soit
entaché d'erreur, de dol ou de violence, son annulation devrait être soumise aux règles qui viennent
d'être étudiées. Il s'agit là, il est vrai, d'hypothèses marginales, mais qu'on ne saurait totalement
négliger.
C'est de la même façon qu'il convient de sanctionner la règle « nul en France ne plaide par
procureur ». Sur ce point encore, la jurisprudence est incertaine. Parfois, elle assimile la violation de
cette règle à une irrégularité de forme, tantôt elle lui applique le régime des fins de non-recevoir,
identique à celui des nullités pour vice de fond 690. L'assimilation de la règle à un vice de forme n'est
pas satisfaisante. Le fait que son inobservation se manifeste par l'absence d'indication dans les actes
de procédure des noms des véritables parties au litige ne saurait suffire. La représentation d'une
société par un dirigeant dénué de pouvoir est susceptible, de la même façon, de se manifester par une
mention dans un acte de procédure. Il ne s'agit pas pour autant d'un vice de forme. Il en va de même
pour la règle « nul en France ne plaide par procureur ». Elle sanctionne essentiellement un emploi
illicite du pouvoir de représentation. Le représentant qui n'indique pas le nom des personnes pour qui
il agit, ne commet pas une simple erreur de rédaction des actes de procédure, il prétend surtout ne pas
être tenu de le faire, c'est-à-dire qu'il prétend avoir le droit de représenter des mandants qui
demeureraient inconnus de l'adversaire. La nullité pour vice de fond est tout à fait adaptée à cette
sorte d'irrégularité.

BIBLIOGRAPHIE

C. CHAINAIS, « Les sanctions en procédure civile. À la recherche d’un clavier bien tempéré », in Les
sanctions en droit contemporain, vol. 1, (dir. C. CHAINAIS et D. FENOUILLET), éd. Dalloz, 2012,
p. 357.
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J. HÉRON, « Réflexions sur l'acte juridique et le contrat à partir du droit judiciaire privé », Droits
1988-7.
Y. LOBIN, « La notion de grief dans la nullité des actes de procédure », Mélanges J. Vincent, Paris,
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D. TOMASIN, « Remarques sur la nullité des actes de procédure », Mélanges P. Hébraud, Toulouse,
1981, p. 853.
S. VANUXEM, « L'étrange disparition du désaveu d'« avocat à la Cour » devant les juridictions
judiciaires », RTD civ. 2011, p. 677.
G. WIEDERKEHR, « La notion de grief et les nullités de forme dans la procédure civile », D. 1984, chr.
p. 165.
CHAPITRE II
LES DÉLAIS DE PROCÉDURE

229 Généralité du domaine d'application des règles sur les délais. – Le temps du procès est
rythmé par les délais de procédure, soumis à des règles très strictes, qui confèrent à cette matière une
très grande importance pratique : leur méconnaissance peut décider du sort d'un procès. Leur intérêt
pratique ne se limite d'ailleurs pas au seul domaine du droit judiciaire privé. Les règles posées par
les rédacteurs du Code de procédure civile sont dotées d'une portée générale ; à défaut de
dispositions contraires, elles régissent tous les délais de droit privé. Par exemple, elles s'appliquent,
sauf exceptions, au délai du congé donné par le bailleur à son fermier 691 ou encore aux délais
applicables en matière de révision du loyer commercial 692 ou du prix du bail rural 693.

230 Délais légaux et délais judiciaires. – Les délais de procédure n'ont pas tous la même
nature ni la même finalité. Sur le premier point, le principe est que les délais de procédure sont
légaux, ce qui signifie que la durée de chacun d'eux résulte d'une disposition du Code de procédure
civile. Par exemple, aux termes de l'article 538, le délai pour exercer une voie de recours ordinaire
est normalement 694 d'un mois en matière contentieuse et de quinze jours en matière gracieuse. Il ne
saurait être question, dans ce chapitre, de voir les uns après les autres tous les délais prévus par le
Code de procédure civile. Ce serait un travail à la fois fastidieux et inutile. Les délais seront
indiqués au fur et à mesure que sera décrite telle procédure ou telle voie de recours. Il ne sera
question ici que des règles qui s'appliquent à tous les délais de procédure. Il convient seulement de
signaler que les rédacteurs du Code actuel ont eu l'heureuse idée d'en diminuer le nombre qui était
très important dans celui de 1806. Aujourd'hui, pour la plupart d'entre eux, les délais sont soit de
quinze jours, soit d'un mois 695.
À côté des délais légaux existent des délais judiciaires, c'est-à-dire des délais dont la durée est
fixée par le juge. Les rédacteurs du Code de procédure civile ont estimé préférable de ne pas
enfermer l'accomplissement de certains actes de procédure dans des délais prédéterminés, parce que
le temps nécessaire pour faire ces actes est susceptible de varier dans des proportions très
importantes, en fonction des données de chaque procès. Les délais judiciaires intéressent
principalement les actes d'instruction des affaires : selon qu'il s'agit d'un accident « ordinaire » ou de
l'écroulement d'un immeuble de trente étages, les mesures d'instruction demandent plus ou moins de
temps 696. Les délais judiciaires répondent à un souci de souplesse et traduisent le rôle croissant
reconnu au juge dans le déroulement de la procédure.

231 Délais de forclusion et délais d'attente. – Les délais se distinguent aussi par leur but. Le
plus souvent, les délais sont destinés à combattre l'inertie des parties. Ils fixent une durée maximum
pour l'accomplissement d'un acte. Ces délais sont, pour l'essentiel, des délais de forclusion, appelés
encore délais de déchéance, en raison de leur sanction 697. C'est le cas, par exemple, du délai pour
exercer une voie de recours. Le plaideur doit impérativement le faire avant l'expiration du délai.
Après, il est trop tard.
Quelques fois, le délai est un délai d'attente, qui institue une trêve en faveur de l'une des parties au
litige. À l'inverse des délais précédents, le délai d'attente impose à l'une des parties de demeurer
inactive tant que sa durée n'est pas expirée. Le délai d'attente a pour objet de permettre à l'autre
partie de s'organiser en mettant à profit le répit qui en résulte. L'exemple classique du délai d'attente
est celui du délai de comparution, qui est normalement de quinze jours. Devant le tribunal de grande
instance en particulier, ce délai n'oblige pas le défendeur à constituer avocat avant son expiration, il
lui donne le temps de le faire sans précipitation. Pendant toute la durée du délai, le défendeur n'a pas,
en principe, à craindre d'initiative de son adversaire. Cette différence se retrouve en ce qui concerne
la sanction. À l'expiration du délai, le défendeur peut toujours constituer avocat, mais la trêve est
expirée et il risque de se trouver « sous le feu » du demandeur 698 et à la merci d’une clôture de
l’instruction qui rendrait irrecevables ses futures conclusions.

232 Plan. – Les règles communes aux délais de procédure, que régissent les articles 640 à 647
du Code de procédure civile, portent sur la computation (section I), sur la modification (section II)
et sur la sanction des délais (section III).

SECTION I
LA COMPUTATION DES DÉLAIS

233 Variété des délais légaux. – On peut imaginer autant de sortes de délais qu'il existe
d'unités de mesure du temps. Le droit judiciaire privé n'utilise que quatre de ces unités : les heures,
les jours, les mois et les années, dont deux seulement présentent un réel intérêt pratique : les jours et
les mois.
Les délais en heures supposent qu'un acte présente une extrême urgence. En pratique, ils sont très
rares. Il existe certes ce qu'on appelle le référé d'heure à heure, mais l'expression est impropre. Le
juge qui autorise le demandeur à assigner en référé indique l'heure à laquelle l'affaire sera appelée. Il
s'agit donc en réalité d'un référé à heure déterminée 699. Lorsqu'existe un véritable délai en heures 700,
sa computation est on ne peut plus simple. Le délai comprend, à partir de l'événement qui le fait
courir, autant de fois soixante minutes que le délai comprend d'heures 701.
Quant aux délais en années, ils constituent de simples variantes des délais en mois et seront
étudiés en même temps que ceux-ci. Il reste donc à examiner successivement la computation des
délais en jours (§ 1) et celle des délais en mois (§ 2).

§ 1. LA COMPUTATION DES DÉLAIS EN JOURS

234 Division. – Les délais en jours sont très fréquents en droit judiciaire privé français. Ils
concernent en particulier les voies de recours qui doivent être exercées rapidement, comme le
contredit ou l'appel des ordonnances de référé. La computation des délais en jours s'opère en
appliquant les règles qui régissent le point de départ, appelé dies a quo (A) et le point d'arrivée,
appelé dies ad quem 702 (B).

A. LE DIES A QUO

235 Détermination du dies a quo. – La détermination du dies a quo obéit à deux règles. La
première, qui est de bon sens, est énoncée par l'article 640 du Code de procédure civile. Le délai a
« pour origine la date de l'acte, de l'événement, de la décision ou de la notification qui le fait
courir ». Cette règle n'appelle aucune explication complémentaire, elle ne fait que rappeler qu'on ne
peut se contenter de connaître la durée d'un délai, il faut encore savoir quel est l'événement qui le fait
courir. En matière de voies de recours, cet événement n'est pas toujours le même. Le plus souvent, il
s'agit de la notification du jugement, mais parfois le délai commence à courir à compter du prononcé
de la décision, comme pour le contredit de compétence 703.
La seconde règle répond à la question de savoir s'il faut compter dans le délai le jour où se
produit l'événement qui le fait courir. À cette question, le premier alinéa de l'article 641 répond
négativement. Si l'événement qui fait courir le délai se produit le 6 avril à 14 heures, le délai
commence à courir le 7 avril à 0 heure 704. Les dix heures du 6 avril qui restent encore ne comptent
pas dans le délai 705.

B. LE DIES AD QUEM

236 Subdivision. – Le dies ad quem est lui aussi régi par deux règles, l'une qui concerne le
caractère du délai (1), l'autre la prorogation de l'échéance (2).

1. Le caractère du délai

237 Détermination du dernier jour du délai. – On distingue traditionnellement le délai franc


de celui qui ne l'est pas. Lorsqu'un délai est franc, le délai n'expire que le lendemain du dernier jour
du délai, si bien que l'acte soumis à un délai de forclusion peut encore être accompli le lendemain du
dernier jour. Si donc le dernier jour du délai est le 21 avril, l'acte peut encore être fait le 22. Lorsque
le délai n'est pas franc, c'est la solution inverse qui s'applique : dans notre exemple, le 21 est le
dernier jour pour accomplir l'acte. Avant le Code de procédure civile de 1975, tantôt les délais de
procédure étaient francs, tantôt ils ne l'étaient pas. L'article 642 pose désormais que « tout délai
expire le dernier jour à 24 heures ». C'est dire qu'aujourd'hui les délais ne sont plus francs.
Si l'on combine ces règles avec celles qui s'appliquent au dies a quo, on constate qu'il existe un
moyen pratique très simple pour compter les délais en jour. Pour déterminer le dernier jour du délai,
celui après lequel l'acte ne peut plus être accompli, il suffit d'ajouter au quantième du jour où s'est
produit l'événement qui fait courir le délai le nombre de jours que comprend le délai. Si l'événement
qui fait partir le délai se produit le 6 avril et si le délai est de quinze jours, le dernier jour pour
accomplir l'acte est le 21 avril (6 + 15 = 21) 706. Ce moyen pratique reste utilisable même lorsque le
total auquel on parvient dépasse le nombre de jours que comprend le mois. Mais alors, il faut en plus
soustraire de ce total le nombre de jours que comprend le mois où a commencé à courir le délai, pour
obtenir le quantième du dernier jour du délai, le mois suivant. Par exemple, si le délai de quinze
jours commence à courir le 21 avril, il arrive à expiration le 36 avril, soit, puisque le mois d'avril
compte trente jours, le 6 mai à 24 heures (21 + 15 = 36 ; 36 – 30 = 6). Si le délai commence à courir
le 21 mai, il arrive à expiration le 36 mai, soit le 5 juin à 24 heures, puisque le mois de mai
comprend trente et un jours 707.
Ces règles doivent encore être combinées avec celles qui régissent la date des actes de
procédure. Il faut notamment tenir compte des particularités concernant la notification des actes par
voie postale 708. C'est le cas en matière prud'homale : les jugements sont notifiés par voie postale et
l'appel peut lui aussi être formé par pli recommandé adressé au greffe de la cour 709. Si la lettre de
notification de l'ordonnance de la formation de référé est expédiée le 31 mars et parvient à son
destinataire le 5 avril, la lettre par laquelle cette personne forme appel peut être expédiée jusqu'au
20 avril inclus. Il se peut qu'elle n'arrive au secrétariat que le 23 ou le 24 avril. L'appel est
néanmoins recevable : le délai de quinze jours prévu par l'article R. 1455-11 du Code du travail a été
respecté 710.

2. La prorogation de l'échéance

238 Délai finissant un jour inutile. – Il peut arriver que le dernier jour du délai tombe un jour
que l'on peut qualifier d'inutile, c'est-à-dire un jour où le plaideur ne peut pas accomplir l'acte soumis
à un délai de forclusion, parce qu'il s'agit d'un samedi, d'un dimanche ou encore d'un jour férié ou
chômé 711. Il pourrait en résulter un raccourcissement du délai. Ainsi, un délai de quinze jours
expirant un dimanche se trouverait réduit à treize jours. Le législateur a voulu que la partie bénéficie
de l'intégralité du délai. Aussi l'article 642 du Code de procédure civile dispose-t-il que « le délai
qui expirerait normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, est prorogé jusqu'au
premier jour ouvrable suivant ». Dans l'exemple qui vient d'être cité, le délai est donc prorogé
jusqu'au lundi suivant. La durée de la prorogation peut atteindre deux et même parfois trois jours
lorsqu'un jour férié, comme le 11 novembre, tombe un vendredi ou un lundi. Précisons que ces règles
ne sont pas spécifiques aux délais calculés en jours : elles valent également pour les délais calculés
en mois ou en années. Ce n'est que par commodité que nous en traitons dans ce paragraphe.

239 Obstacle lié à la communication électronique. – En 2009, a été introduit dans le Code de
procédure civile un article 748-7 qui instaure un cas supplémentaire de prorogation. Désormais,
lorsqu'un acte n'a pas pu « être transmis (au greffe) par voie électronique le dernier jour du délai »
dans lequel il devait être accompli, le délai est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant, si cet
empêchement est dû à « une cause étrangère » à son auteur. Ce texte est bienvenu dans un contexte où
les pouvoirs publics cherchent à développer l'utilisation de la télématique dans les rapports entre les
services de la justice et les praticiens ou les justiciables 712. Comme on n'est jamais à l'abri d'une
saturation de réseau ou d'une panne de serveur, la faculté (voire l'obligation) d'utiliser les modes de
transmission télématique ne doit pas se transformer en piège pour les usagers. La prorogation du
délai, quand le dysfonctionnement s'est produit le dernier jour de celui-ci, permet d'y remédier.
Cependant, de sérieux problèmes de preuve pourraient se rencontrer quant à la date et même quant à
la réalité d'un dérangement informatique. De plus, la généralité des termes de l'article 748-7 du Code
de procédure civile pourrait être source de contentieux 713. Certains plaideurs seront tentés d'invoquer
la panne de leur propre ordinateur ou même un quelconque cas de force majeure étranger à
l'informatique, tel qu'un accident de la circulation. Il appartiendra à la jurisprudence de déterminer
les conditions d'application de ce texte.

240 Délai expirant à... une heure inutile ! – De son côté, la Cour de cassation a admis une
possibilité de prorogation d'un délai, non prévue par les textes. Elle a, en effet, jugé que la fermeture
du greffe à 19 heures, établie par un constat d'huissier, le dernier jour du délai pour procéder à une
déclaration d'appel, autorisait l'appelant à effectuer sa déclaration le lendemain 714. Cette solution
repose sur la philosophie de l'article 642 du Code de procédure civile : la fin du délai n'étant plus
exploitable par l'intéressé, celui-ci doit bénéficier d'une prorogation. Il n'est cependant pas certain
que cette extension de la règle de l'article 642 soit opportune ni justifiée. En effet, dans les cas visés
par ce texte, le plaideur est dans l'impossibilité d'exercer son recours pendant au moins une journée
entière (par exemple un dimanche). Ne pas admettre la prorogation du délai reviendrait donc à le
réduire de façon substantielle. Toute différente est la situation dans laquelle le délai ne devient
inexploitable, de fait, que durant les dernières heures, car le justiciable n'a pas été privé pour autant
de la possibilité d'agir le dernier jour du délai 715. Il pouvait le faire pendant les heures ouvrables. De
surcroît, si l'on suit la Cour de cassation dans sa vision des choses, il faudrait proroger la plupart des
délais, sachant que les bureaux des services publics concernés, à savoir les greffes et la poste, sont
généralement fermés au public durant la nuit. Enfin, sur un plan théorique, on ne voit d'ailleurs pas ce
qui empêcherait de proroger à l'infini le délai d'action, puisque le plaideur peut toujours, le
lendemain de l'expiration du délai, venir frapper à la porte du greffe à minuit moins le quart et se
plaindre de ce que le greffier ne lui répond pas... La prorogation est-elle d'une journée ou de
19 heures ?

241 Particularité des délais à rebours. – Toutes les règles qui viennent d'être étudiées ont été
conçues en fonction des délais « normaux », qui courent vers l'avenir à partir d'un point de départ
antérieur. Mais il arrive aussi que le délai soit un délai à rebours, c'est-à-dire qu'il soit compté à
partir d'un événement futur, qui est utilisé pour déterminer la date d'un acte antérieur. Par exemple,
devant le tribunal d'instance, l'assignation doit être délivrée au défendeur quinze jours au moins avant
la date de l'audience et une copie de cet acte doit être remise au greffe au moins huit jours avant
l'audience 716. Comment calculer ces délais ? Faut-il appliquer les règles applicables aux délais
tournés vers l'avenir ? L'hésitation est permise. D'un côté, il peut paraître normal de se référer aux
règles du Code de procédure civile, à défaut d'autres dispositions qui leur soient spécifiquement
destinées. Mais, d'un autre côté, il n'est pas certain que ces règles soient adaptées aux délais à
rebours, pour lesquels elles n'ont pas été conçues.
Sur cette question, la Cour de cassation a modifié sa position à plusieurs reprises 717. Il semble
qu'aujourd'hui, elle ait adopté les deux règles suivantes. En premier lieu, elle décide que les délais à
rebours sont des délais francs. C'est ainsi que, si un acte doit être accompli cinq jours avant un
événement fixé au 20 avril, il faut qu'il soit effectué au plus tard le 14 avril, pour qu'entre l'acte et
l'événement s'écoulent cinq jours complets allant de 0 heure à 24 heures 718. En second lieu, elle
refuse de faire jouer les règles relatives à la prorogation du délai lorsque le dernier jour où l'acte
peut être accompli est un jour inutile 719. Dans l'exemple qui vient d'être indiqué, à supposer que le
14 avril tombe un samedi, l'acte doit être accompli au plus tard le 13 avril. Il ne peut plus être
accompli le lundi suivant, soit le 16 avril. La raison en est que les règles sur la prorogation sont
inadaptées pour ce type de délai, surtout lorsque celui-ci est très court. On pourrait même imaginer
que, par le jeu d'une prorogation, le délai ne soit pas expiré le jour où se produit l'événement avant
lequel l'acte doit être fait 720 ! Ces solutions jurisprudentielles méritent approbation 721.

§ 2. LA COMPUTATION DES DÉLAIS EN MOIS


242 Division. – Les délais en mois sont également très fréquents en droit judiciaire privé. Le
délai pour faire appel est en principe d'un mois, celui pour se pourvoir en cassation de deux mois. Le
plus souvent, le délai ne comporte qu'un ou plusieurs mois (A). Exceptionnellement, quelques délais
comprennent à la fois des mois et des jours (B).

A. LES DÉLAIS NE COMPORTANT QUE DES MOIS

243 Détermination du dernier jour du délai. – La computation des délais en mois s'opère en
suivant la règle qu'énonce l'article 641 du Code de procédure civile : le délai « expire le jour du
dernier mois (...) qui porte le même quantième que le jour de l'acte, de l'événement, de la décision ou
de la notification qui fait courir le délai ». Par exemple, le délai pour se pourvoir en cassation est de
deux mois à compter de la notification de la décision rendue en dernier ressort. Si la notification a eu
lieu le 12 novembre, le dernier jour du délai tombe le 12 janvier.
Cette règle appelle seulement trois précisions. Comme les délais en jours, les délais en mois ne
sont pas des délais francs : ils expirent le dernier jour à 24 heures. L'acte soumis au délai ne peut
plus être accompli après le dernier jour du délai ; dans notre exemple, le pourvoi doit être formé au
plus tard le 12 janvier. En deuxième lieu, comme pour les délais en jours, il peut se faire que le
dernier jour du délai tombe un jour inutile. Alors, de la même façon, le délai est prorogé jusqu'au
premier jour ouvrable suivant. La troisième précision est propre aux délais en mois. Elle tient au fait
que tous les mois n'ont pas la même durée. Si un jugement est notifié le 31 mars, on ne saurait dire
que le délai d'appel expire le 31 avril. Cette difficulté est réglée par l'article 641, alinéa 2, du Code
de procédure civile qui dispose qu'« à défaut de quantième identique, le délai expire le dernier jour
du mois ». Le délai expire donc le 30 avril. On en déduira qu'il ne faut pas confondre un délai de
trente jours et un délai d'un mois. Un délai d'un mois peut durer vingt-huit, vingt-neuf, trente ou trente
et un jours selon les cas.

244 Délais en années. – Les règles qui viennent d'être indiquées pour les délais en mois
s'appliquent également aux délais en années, puisque, aux termes de l'article 641, alinéa 2, du Code
de procédure civile, lorsqu'un délai est exprimé en années, il expire le jour de la dernière année qui
porte le même quantième que le jour de l'événement qui fait courir le délai. En droit judiciaire privé,
il n'existe que très peu de délais de cette sorte. Le plus important est le délai de péremption 722 qui est
de deux ans 723.

245 Le dies a quo dans les délais en mois ou en années. – L'opposition des alinéas 1 et 2 de er

l'article 641 du Code de procédure civile pourrait donner à penser que la règle selon laquelle le dies
a quo ne compte pas est spécifique aux délais exprimés en jours, puisque cette précision n'apparaît
que dans l'alinéa 1 . Par un raisonnement a contrario (en l'occurrence mal venu), on pourrait être
er

tenté de dire que dans les délais exprimés en mois ou en années, le jour où se produit l'événement qui
est à l'origine du délai est inclus dans celui-ci. Ce serait, cependant, une erreur de raisonner ainsi. En
effet, le mode de calcul instauré par l'article 641, alinéa 2, du Code conduit, en réalité, à ne pas
compter le dies a quo dans le délai. Il est aisé de s'en assurer en reprenant notre exemple fondé sur le
délai de deux mois du pourvoi en cassation : si la décision rendue en dernier ressort a été notifiée
le 12 novembre, on sait que le délai pour former le pourvoi expirera le 12 janvier à minuit (c'est-à-
dire à 24 heures). Pour dire que le délai n'a duré que deux mois, il faut considérer qu'il n'a commencé
à courir que le 13 novembre à zéro heure (ou, ce qui revient au même, le 12 novembre à minuit), pour
s'achever le 13 janvier à zéro heure (ou 12 janvier à minuit). Dans ce cas, force est de constater que
le dies a quo, la journée du 12 novembre, n'est pas inclus dans le délai. S'il l'était, le délai du
pourvoi serait de deux mois et un jour. En résumé, que les délais de procédure soient exprimés en
jours, en mois ou en années, le dies a quo ne compte pas 724.

B. LES DÉLAIS COMBINANT DES JOURS ET DES MOIS

246 Détermination du dernier jour du délai. – Il est rare qu'un délai se compte à la fois en
mois et en jours. En pratique, on ne peut guère citer que le cas des délais en jours qui se trouvent
allongés d'un mois ou de deux mois en raison de la distance 725. Ainsi, le délai pour former un
contredit, qui est de quinze jours à compter du prononcé du jugement peut se trouver allongé 726 d'un
mois si le défendeur demeure dans un département ou une collectivité d'outre-mer, alors que le
tribunal siège en France métropolitaine. Comment compter ce délai ? La première idée qui vient à
l'esprit est de compter d'abord les jours, puis le ou les mois puisque originairement, le délai était en
jours. C'est la solution inverse qu'impose l'article 641, alinéa 3, du Code de procédure civile aux
termes duquel, « lorsqu'un délai est exprimé en mois et en jours, les mois sont d'abord décomptés,
puis les jours ». Dans l'exemple cité, si le jugement est prononcé le 20 mai, on comptera d'abord le
mois ; cela conduit au 20 juin. Ce n'est qu'ensuite qu'on ajoute le délai de quinze jours. Le délai
expire donc le 35 juin, soit le 5 juillet à 24 heures 727.

SECTION II
LA MODIFICATION DE LA DURÉE DES DÉLAIS

247 Plan. – La durée des délais est en principe invariable. Cependant, la détermination de leur
durée ne prend pas en compte la diversité des situations des intéressés. C'est ce qui explique que le
législateur ait prévu quelques mécanismes destinés à assouplir ce que pourrait avoir de trop rigide la
fixation uniforme de leur durée. Le plus souvent, il s'agit de mécanismes qui jouent par l'effet direct
de la loi (§ 1). Parfois, leur mise en jeu suppose l'intervention du juge (§ 2).

§ 1. LES MODIFICATIONS LÉGALES

248 Présentation. – Le législateur modifie parfois la durée des délais en édictant un moratoire,
c'est-à-dire une décision législative, au sens propre du terme 728. Le moratoire est pris en raison de la
survenance d'une guerre, de troubles ou encore de catastrophes naturelles ou postales. Le moratoire
suspend les délais qu'il vise pour la durée qu'il détermine. Ce n'est donc qu'une mesure ponctuelle.
Plus intéressantes sont les dispositions générales qui organisent l'allongement des délais en raison
de la distance. La justification de cet allongement est très simple. C'est la prise en compte des
difficultés que rencontre une personne pour agir devant un tribunal lointain. Comment s'organiser en
quelques jours pour plaider devant une juridiction siégeant à Caen lorsque l'on habite au Guatemala
et que l'on ignore tout de la langue et du droit français 729 ? La même question se pose, mais de façon
moins aiguë, pour un Martiniquais convoqué devant un tribunal situé à Caen ou pour un Normand
convoqué devant un tribunal situé à Fort-de-France. Ces exemples font apparaître la source des
difficultés rencontrées par le plaideur. Certainement la distance kilométrique joue un rôle, mais ce
n'est pas le seul élément à prendre en compte, ni même le plus important. La distance intellectuelle
est encore plus difficile à surmonter. Il est incomparablement plus facile pour un habitant de Lille de
se défendre devant un tribunal de Nice ou de Saint-Denis de la Réunion que devant une juridiction
anglaise, même siégeant à Douvres. L'allongement des délais intéresse donc principalement les
plaideurs qui demeurent à l'étranger 730. En France, il n'existe plus aujourd'hui d'allongement à
l'intérieur du territoire métropolitain, mais seulement avec les départements et les collectivités
d'outre-mer. La lecture des articles 643 et 644 du Code de procédure civile conduit à distinguer selon
que le tribunal siège en France métropolitaine (A) ou dans un département ou une collectivité d'outre-
mer (B).

A. LE TRIBUNAL SIÉGEANT EN FRANCE MÉTROPOLITAINE

249 Mécanisme de l'allongement. – Les procès deviendraient interminables si tous les délais
à l'intérieur de chaque instance étaient allongés au profit des plaideurs éloignés. Le législateur
n'allonge en leur faveur que le premier délai de chaque instance. L'article 643 du Code de procédure
civile vise donc, d'une part, le délai de comparution non seulement pour le défendeur en première
instance, mais aussi pour celui qui défend dans le cadre d'une voie de recours, comme l'intimé, et,
d'autre part, le délai pour exercer les voies de recours, lorsqu'il s'agit d'un bref délai. L'article 643
cite l'appel, l'opposition, le recours en révision et le pourvoi en cassation. La Cour de cassation a
justement décidé que le délai pour former contredit était également susceptible d'allongement en
raison de la distance 731. Il faut donner la même solution pour les autres voies de recours enfermées
dans de brefs délais 732. En revanche, c'est à dessein que le législateur a omis la tierce opposition
dont l'exercice est ouvert pendant un délai qui est en principe de trente ans. De plus, la Cour de
cassation a refusé d'appliquer le mécanisme de l'allongement à des délais qui ne sont ni de
comparution, ni destinés à encadrer l'exercice d'une voie de recours 733.
La durée de l'allongement varie selon le lieu où demeure le plaideur. Elle est d'un mois lorsque la
personne demeure dans un département d'outre-mer ou dans une collectivité d'outre-mer 734 et de deux
mois lorsqu'elle demeure à l'étranger. La plus grande durée de l'allongement, lorsque la personne
demeure à l'étranger, montre que le législateur ne tient pas compte seulement du nombre de
kilomètres, mais encore du dépaysement que ressent le plaideur demeurant à l'étranger ; peut-être
tient-il compte également de la très grande lenteur de la transmission des actes par la voie
diplomatique.

B. LE TRIBUNAL SIÉGEANT DANS UN DÉPARTEMENT OU UNE COLLECTIVITÉ


D'OUTRE-MER

250 Mécanisme de l'allongement. – L'article 644 du Code de procédure civile énonce, pour
les tribunaux siégeant dans un département d'outre-mer ou une collectivité d'outre-mer où le Code
s'applique, des règles identiques sous deux réserves : par la force des choses, il ne vise pas le délai
pour former un pourvoi en cassation, mais surtout, à l'intérieur du territoire français, les bénéficiaires
de l'allongement sont plus nombreux. En plus de ceux qui demeurent en France métropolitaine, le
texte vise les plaideurs qui demeurent dans une autre collectivité territoriale située outre-mer.
On remarquera que si ce texte vise les départements d'outre-mer et des collectivités d'outre-mer
telles que Wallis-et-Futuna ou Saint-Pierre-et-Miquelon, il ne prévoit pas le cas du tribunal qui
siégerait en Polynésie française ou en Nouvelle-Calédonie. Ceci s'explique par le fait que le Code de
procédure civile n'y est pas applicable, ces collectivités disposant de leurs propres règles de
procédure.

251 Exception à l'allongement. – Les règles qui viennent d'être énoncées sont parfois écartées
en raison des modalités de la notification des actes. Le Code de procédure civile prévoit en effet que
les actes de procédure peuvent être notifiés à personne en tous lieux 735, et l'article 647 ajoute que,
« lorsqu'un acte destiné à une partie domiciliée en un lieu où elle bénéficierait d'une prorogation de
délai est notifié à sa personne en un lieu où ceux qui y demeurent n'en bénéficieraient point, cette
notification n'emporte que les délais accordés à ces derniers ». Ainsi, si une assignation peut être
notifiée, à personne, à un étranger de passage pour quelques heures en France, cette personne ne
bénéficie plus que du délai ordinaire de comparution, qui est de quinze jours ; elle a perdu le
bénéfice de l'allongement de deux mois 736. Il n'est pas certain que cette solution soit très
opportune 737. En revanche, la Cour de cassation prône une solution plus favorable au destinataire de
l'acte, en cas de notification, en France, à son domicile élu. En effet, si une personne demeurant à
l'étranger procède à une élection de domicile en France, elle ne perd pas le bénéfice de l'allongement
des délais, lorsque la notification lui est adressée à son domicile élu 738.

§ 2. LES MODIFICATIONS JUDICIAIRES

252 Pouvoirs du juge. – Les modifications que le juge peut apporter peuvent jouer dans les
deux sens. L'article 646 du Code de procédure civile permet au juge, en cas d'urgence, d'abréger les
délais légaux de comparution ou d'autoriser à assigner à jour fixe. Ce pouvoir appartient au juge
même lorsque le défendeur bénéficie d'un allongement des délais en raison de la distance, la
réduction pouvant porter aussi bien sur le délai normal que sur l'allongement.
En sens inverse, les pouvoirs du juge sont beaucoup plus limités. Le juge ne peut allonger la durée
d'un délai légal, mais seulement celle d'un délai judiciaire. Par exemple, le juge peut proroger le
délai dans lequel l'expert doit donner son avis 739 ou, devant le tribunal de grande instance, proroger
le délai dans lequel les parties doivent conclure 740.

SECTION III
LA SANCTION DES DÉLAIS

253 Principe et exceptions. – Les délais de procédure sont sanctionnés d'une façon
particulièrement énergique. Leur dépassement entraîne normalement la forclusion, ou déchéance, du
plaideur tardif.
Cependant cette solution n'est pas absolument générale. En premier lieu, la forclusion ne
sanctionne pas les délais d'attente, tels que le délai de comparution. Il a déjà été dit que ces délais ne
sont pas destinés à stimuler l'activité processuelle des parties, mais instituent une trêve au profit de
l'une d'elles. L'expiration du délai ne saurait nuire, par elle-même, à celui au profit duquel il a été
institué. La question est plutôt de savoir comment est sanctionnée la violation de ce délai par une
partie qui n'observerait pas la trêve que le législateur accorde à son adversaire 741. Par ailleurs,
certains délais destinés à stimuler l'activité des parties font l'objet de sanctions spécifiques, telles
que la radiation ou la péremption. Elles seront étudiées dans le cadre des incidents d'instance 742.
Lorsqu'elle vient à s'appliquer, la forclusion constitue une sanction qui est presque toujours
définitive (§ 1). Ce n'est que très exceptionnellement qu'apparaissent des remèdes (§ 2).

§ 1. LA SANCTION DE LA FORCLUSION

254 Irrecevabilité de l'acte accompli hors délai. – Lorsqu'un plaideur laisse expirer le délai
qui lui était imparti pour accomplir un acte, il est déchu du droit de faire cet acte. On peut dire
encore, en termes plus techniques, qu'il perd le droit d'agir pour ce qui est de cet acte. L'expiration
d'un délai de procédure tombe donc sous le coup de la plus forte sanction procédurale qui existe, la
fin de non-recevoir. Il convient d'insister sur ce point parce qu'il existe une tentation presque
naturelle de rapprocher l'acte de procédure tardif de l'acte de procédure entaché d'un vice de forme,
en considérant que l'accomplissement tardif de l'acte peut être assimilé à une irrégularité. Il n'en est
rien : la sanction de l'acte de procédure tardif échappe totalement au régime des nullités pour vice de
forme et, en particulier à l'exigence d'un grief. La Cour de cassation décide classiquement qu'il suffit
de constater que le délai n'a pas été respecté pour que la sanction soit encourue de façon
automatique 743. En revanche, la forclusion obéit à toutes les règles applicables aux fins de non-
recevoir. Ainsi, elle peut être proposée en tout état de cause. Par ailleurs, il résulte de la lettre même
de l'article 125 du Code de procédure civile que la forclusion est une fin de non-recevoir d'ordre
public. Par conséquent, non seulement le juge a le pouvoir, mais encore il a le devoir de la relever
d'office 744.
Ainsi, l'expiration du délai pour exercer une voie de recours, et en particulier pour interjeter
appel, met définitivement fin au procès. La décision rendue par le juge du premier degré devient
irrévocable. Aussi critiquable ou même aberrante qu'elle puisse être, il n'existe plus aucun moyen
juridique d'empêcher qu'elle s'applique et qu'elle soit dotée de l'autorité de la chose jugée, avec
toutes les conséquences qui peuvent en résulter pour l'avenir. Et le fait que le dépassement du délai
soit le fait d'un auxiliaire de justice n'est pas de nature à faire échapper son client à la forclusion 745.
Tout au plus le malheureux justiciable peut-il engager la responsabilité du professionnel fautif 746.

§ 2. LES REMÈDES À LA FORCLUSION

255 Division. – La force brutale avec laquelle opère la forclusion a conduit le législateur et le
juge à lui apporter quelques tempéraments, le premier en instituant le relevé de forclusion (A), le
second en admettant que le délai puisse être suspendu (B).

A. LE RELEVÉ DE FORCLUSION

256 Domaine du relevé de forclusion. – La nécessité du relevé de forclusion ne se rencontre


que dans les cas où un délai pour agir a expiré, ce qui suppose qu'il ait couru. S'il n'a pas couru, il n'a
pas pu expirer et point n'est alors besoin de solliciter le relevé d'une forclusion qui n'existe pas.
Mais, qu'en est-il lorsqu'une partie forme une voie de recours apparemment tardive, tout en
invoquant l'irrégularité de la notification du jugement attaqué, cette irrégularité empêchant que le
délai de la voie de recours n'ait couru 747 ? Doit-elle obtenir un relevé de forclusion pour faire
constater l'irrégularité ou, à l'inverse, le juge doit-il examiner cette prétention sans relevé de
forclusion préalable, ce qui le conduira, s'il la juge bien fondée, à dire qu'il n'y a pas eu de
forclusion ? C'est la seconde solution qui est retenue en jurisprudence. La procédure de relevé de
forclusion résultant de l'expiration du délai imparti pour faire appel « est inapplicable en cas de
contestation de la régularité de la signification du jugement » 748. Il faut approuver cette position.
Subordonner la sanction d'une notification irrégulière à l'obtention d'un relevé de forclusion
conduirait à empêcher certains plaideurs d'agir, alors qu'en réalité aucun délai n'aurait couru à leur
encontre.
Cela étant, les articles 540 et 541 du Code de procédure civile prévoient deux hypothèses dans
lesquelles un plaideur peut être relevé de forclusion par le juge. L'article 540 vise les jugements
contentieux rendus par défaut ou réputés contradictoires 749. Il s'agit dans l'un et l'autre cas d'instances
au cours desquelles le défendeur n'a pas comparu. Le plaideur qui a laissé expirer le délai pour
former appel ou opposition peut être relevé de forclusion s'il établit que, « sans qu'il y ait eu faute de
sa part, (il) n'a pas eu connaissance du jugement en temps utile pour exercer son recours ou (...) s'est
trouvé dans l'impossibilité d'agir 750 ». D'autre part, l'article 541 ouvre la même possibilité, en
matière gracieuse, à l'intéressé qui n'a pu, « sans faute de sa part, exercer dans le délai prescrit le
recours ouvert ». En pratique, cette seconde possibilité concerne les tiers à l'instance qui s'est
déroulée devant le juge du premier degré et auxquels le jugement gracieux est notifié en application
de l'article 679 du Code de procédure civile. Par dérogation aux principes applicables en la matière,
l'article 583 du Code dispose que ces tiers ne peuvent pas former tierce opposition : ils doivent
interjeter appel dans le délai de quinze jours, conformément à l'article 538 du même code 751.

257 Régime du relevé de forclusion. – Dans l'un et l'autre cas, le relevé de forclusion doit être
demandé, comme en matière de référé 752, au « président de la juridiction compétente pour connaître
de l'opposition ou de l'appel », c'est-à-dire la plupart du temps au premier président de la cour
d'appel. En vertu de l'article 540 du Code de procédure civile, la présentation de la demande en
relevé de forclusion doit avoir lieu dans « un délai de deux mois suivant le premier acte signifié à
personne ou, à défaut, suivant la première mesure d'exécution ayant pour effet de rendre indisponibles
en tout ou partie les biens du débiteur ». On ne peut, en effet, laisser planer éternellement une
incertitude sur la pérennité de la décision. Il faut donc, qu'à un moment donné, on ne puisse plus se
voir autorisé à la remettre en cause. La règle actuelle est cependant très favorable à la partie
défaillante, car la signification à personne ou un acte d'exécution sur ses biens peuvent intervenir très
longtemps après le prononcé de la décision et ont généralement pour effet d'informer véritablement
l'intéressé de l'existence d'une condamnation contre lui 753. Le président se prononce sans recours 754
sur la demande de relevé de forclusion et s'il y fait droit, le demandeur au relevé de forclusion doit
former le recours dans le délai d'appel ou d'opposition, lequel court (à nouveau) à compter de la
décision du président 755.

B. LA SUSPENSION DU DÉLAI

258 Suspension en cas de force majeure. – À la différence des délais de prescription, les
délais de procédure sont insusceptibles de suspension ou d'interruption, sauf textes particuliers 756.
Par exemple, il est constant que les délais de procédure courent aussi bien contre les mineurs que
contre les majeurs. La Cour de cassation a cependant accepté d'apporter une dérogation à cette règle
de principe pour une partie qui n'avait pu enrôler une affaire en appel dans le délai voulu, en raison
d'un cas de force majeure 757. En l'espèce, les documents nécessaires avaient été adressés en temps
utile à son avoué, mais leur acheminement avait été retardé pendant un mois par des perturbations
postales.
Cette solution qu'il n'est pas nécessaire de justifier est demeurée isolée. Dans les autres espèces
qui ont été soumises à son contrôle, la Cour de cassation n'a pas admis l'existence d'un cas de force
majeure parce que le plaideur n'établissait pas que les perturbations postales fussent les seules
causes possibles du retard 758.

BIBLIOGRAPHIE

B. APPERT, « Délais de procédure 1972-1973 », D. 1973, chr. p. 47.


B. APPERT, « Délais de procédure 1976 », D. 1976, chr. p. 15.
Ph. BERTIN, « La date de l'appel par lettre recommandée », Gaz. Pal. 1985, doct. p. 109.
G. BOLARD, Rapport de synthèse au XV Colloque des IEJ, Annales de l'Université de Clermont I,
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1983.
S. GUINCHARD, « Le temps en procédure civile », Rapport au XV Colloque des IEJ, Annales de
e

l'Université de Clermont I, 1983.


Th. LE BARS, « La computation des délais de prescription et de procédure. Quiproquo sur le dies a
quo et le dies ad quem », JCP G 2000, I, n 258.
o
TITRE 2
LES NOTIONS ESSENTIELLES CONCERNANT LE PROCÈS

259 Annonce. – Le procès, que crée une partie au moyen d'une demande initiale appelle plus
d'une interrogation. Pour le plaideur, la question immédiate est celle de son déroulement. Si l'on peut
s'exprimer ainsi, qui fait quoi ? Quels pouvoirs le législateur reconnaît-il aux parties et au juge et
comment doivent-ils les exercer ? Les procédures sont trop diverses et les actes de procédure trop
nombreux pour que l'on puisse tout dire en quelques articles. Pour autant, les rédacteurs du Code de
procédure civile n'ont pas voulu laisser le déroulement du procès privé de directive. Tout au
contraire, leur intention a été d'éclairer les règles de détail en les ordonnant autour de principes qui
leur donneraient un sens. Ce sont les principes directeurs du procès (sous-titre 1).
Il est remarquable qu'après avoir rédigé ces principes directeurs du procès, les rédacteurs du
Code aient énoncé des règles propres à la matière gracieuse. Si les règles applicables ne sont pas
identiques, c'est sans doute que les besoins ne sont pas les mêmes, autrement dit que le juge n'est pas
appelé à jouer le même rôle dans toutes les situations où les parties ont recours à lui. Le recours au
juge (sous-titre 2) fera apparaître en effet la diversité des actes du juge et, à l'intérieur même du
contentieux, la diversité des demandes qui lui sont soumises.
SOUS-TITRE 1
LES PRINCIPES DIRECTEURS DU PROCÈS

260 Présentation. – Faisant preuve d'originalité, les rédacteurs du Code de procédure civile
ont voulu énoncer quelques lignes essentielles qui commandent tout le déroulement du procès : ce
sont les principes directeurs du procès, que l'on appelle aussi les principes directeurs de l'instance,
auxquels sont consacrés les vingt-quatre premiers articles du code 759. Si leur appellation ne suffisait
pas à le faire, leur inclusion dans le livre premier manifesterait qu'ils sont applicables devant toutes
les juridictions, au moins en matière contentieuse 760. Leur liste est-elle limitative ? Ce n'est pas ce
que pense une partie de la doctrine qui, à travers une réflexion sur l'évolution du droit judiciaire
privé et, plus largement, sur celle du droit processuel, entend discerner des principes nouveaux. Non
consacrés par le Code actuel, des principes de loyauté, de dialogue ou de célérité, voire d’efficacité
ou de qualité, émergeraient ainsi de la jurisprudence des juridictions nationales et des jurisprudences
européenne et communautaire, du discours politique ou de la logique des textes 761. On parle aussi
d'un principe de coopération du juge et des parties 762. La démarche est intéressante, mais il n'est pas
certain que les valeurs ou les préoccupations qui animent actuellement le législateur et le juge
méritent vraiment d'être érigées en « principes » et il est encore moins certain qu'il faille y voir des
principes « directeurs » du procès 763. Le danger d'une telle démarche est de multiplier à l'excès les
principes de procédure et de noyer sous la masse ceux qu'ont posés les rédacteurs du Code de
procédure civile. Il en va des principes directeurs comme des droits fondamentaux : plus ils sont
nombreux, moins ils ont de valeur. Quand tout devient fondamental, plus rien ne l'est et quand tout
devient directeur, on finit par se perdre. Au demeurant, avec un peu d'imagination, il est aisé de voir
des principes en toutes choses 764 et d'en faire la quintessence de tous les mécanismes juridiques.
Nous nous en tiendrons donc, très prosaïquement, aux principes directeurs exprimés dans le Code
de procédure civile. À vrai dire, tous ne sont pas d'une égale importance. Ainsi en va-t-il par
exemple des articles 20, 23 et 24. Les deux premiers disposent que « le juge peut toujours entendre
les parties elles-mêmes » et que « le juge n'est pas tenu de recourir à un interprète lorsqu'il connaît la
langue dans laquelle s'expriment les parties ». Le dernier impose aux parties une obligation de
réserve qui, exception faite de la répression des écrits injurieux ou diffamatoires 765, relève plus de la
bonne conduite que du droit. Il faut ajouter que, parmi les principes véritablement « directeurs »,
certains ne constituent qu'une simple annonce de dispositions qui sont reprises et développées par la
suite. Par exemple, l'article 22 dispose qu'en principe, « les débats sont publics, sauf les cas où la loi
exige ou permet qu'ils aient lieu en chambre du conseil » ; mais, pour ce qui est de la réglementation
proprement dite de la publicité des débats, il faut consulter les articles 433 et suivants du Code de
procédure civile 766. La même chose peut être dite de la mission de concilier les parties qu'énonce
l'article 21 et que réglementent les articles 127 à 131 du même code 767, ou encore du principe selon
lequel les parties sont libres de se défendre elles-mêmes et de prendre le défenseur de leur choix,
qu'énoncent les articles 18 et 19 et que réglementent les articles 411 et suivants du Code de
procédure civile 768.
Restent alors deux séries de dispositions d'une importance majeure, qui méritent pleinement leur
dénomination de principes directeurs, en ce qu'elles éclairent et déterminent tout le déroulement du
procès. C'est elles qu'il convient d'étudier plus longuement ; d'une part, les articles 1 à 13, qui
déterminent les rôles respectifs des parties et du juge (chapitre I), d'autre part, les articles 14 à 17,
qui régissent le principe de la contradiction (chapitre II).
CHAPITRE I
LES RÔLES RESPECTIFS DES PARTIES ET DU JUGE

261 Procédure accusatoire et procédure inquisitoire. – L'étude des rôles respectifs des
parties et du juge conduit traditionnellement à évoquer deux types de procédures opposées, la
procédure accusatoire et la procédure inquisitoire. La procédure accusatoire met l'accent sur le rôle
des parties, dont le procès est la chose. C'est pourquoi non seulement les parties délimitent le contenu
factuel et juridique des prétentions soumises au juge, mais encore elles dirigent le déroulement même
de la procédure. À l'opposé, la procédure inquisitoire insiste sur les pouvoirs du juge, parce que le
procès fait intervenir le service public de la justice. C'est pourquoi le juge dirige le déroulement de
la procédure. Son rôle ne se limite pas à cela. Le juge peut s'immiscer également dans la
détermination des éléments y compris factuels du litige, recherchant la vérité pour donner au litige
une solution conforme en tous points au droit.
En réalité, ces deux conceptions n'offrent qu'un intérêt très limité en notre matière, parce qu'elles
sont inadaptées aux données de la procédure civile. Leur dénomination même montre suffisamment
qu'elles proviennent de la procédure pénale ; or le procès pénal et le procès civil sont trop différents
l'un de l'autre, dans leurs données fondamentales, pour qu'une transposition puisse être utilement
opérée. Si l'on peut dire que telle prérogative reconnue aux parties relève plutôt d'un esprit
accusatoire ou qu'à l'inverse, tel pouvoir du juge revêt un caractère inquisitoire, dans la plupart des
cas, la recherche se révèle artificielle et inutile. On peut même penser qu'elle est parfois nuisible :
par son simplisme quelque peu manichéen, l'opposition de l'accusatoire et de l'inquisitoire risque de
détourner des données véritables du procès civil, qui sont seules à même d'inspirer le législateur.

262 Rejet de la procédure inquisitoire. – Des deux types de procédure entre lesquels il
faudrait choisir, c'est le système inquisitoire qu'il est le plus irrationnel de vouloir transposer en droit
judiciaire privé. La transposition méconnaîtrait cette vérité première, et d'évidence, qu'à la différence
du procès pénal, le procès civil n'est pas mené au nom de la société contre un individu que protège la
présomption d'innocence et à qui il ne peut être demandé de collaborer à la recherche d'une vérité
susceptible de conduire à sa condamnation. En matière civile, contre qui la société est-elle partie ?
Est-ce contre le demandeur ou contre le défendeur... à moins que ce ne soit contre les deux ? On voit
bien que la question n'a pas de sens. Le procès civil oppose deux parties privées à propos de règles
de droit dont elles sont les destinataires. Ce n'est donc pas la protection des intérêts de la société qui
se trouve principalement mise en jeu par le procès civil, mais celle des intérêts des particuliers. Dès
lors, pourquoi l'existence d'un procès devrait-elle conduire à les exproprier au profit du juge ? Si l'on
suivait la logique de la procédure inquisitoire transposée au droit judiciaire privé, on devrait décider
que le droit non litigieux appartient aux particuliers mais, que dès l'instant qu'il devient litigieux, il
cesse de leur appartenir pour être alors la propriété du juge.

263 Procédure inquisitoire et service public de la justice. – L'adoption d'une procédure


civile de type inquisitoire est fondée sur la notion de service public de la justice, l'idée étant que ce
service public ne fonctionne de façon satisfaisante que si le juge peut donner au litige une solution
juste et exacte, et que, pour cela, il faut qu'il prenne en main non seulement le déroulement du procès
civil mais encore la détermination de ses éléments. Ainsi présentée, l'idée est fausse. Le recours à la
notion de service public de la justice n'est légitime que dans des proportions beaucoup plus
modestes. L'État doit la justice aux sujets de droit et, pour l'accomplissement de cette mission, il a
créé un service public, le service public de la justice, comprenant tout un ensemble de tribunaux.
Chaque juge est, à son niveau, responsable du bon fonctionnement de cette administration particulière
que constitue un tribunal judiciaire. Il est de son devoir de veiller à ce que le service public ne se
trouve pas engorgé et paralysé par l'inertie ou par la mauvaise volonté de certains plaideurs. La
notion de service public justifie donc que le juge dispose de pouvoirs lui permettant d'ordonner le
cours des procédures et d'en régulariser le rythme 769.
En dehors de ce domaine, le recours à cette notion doit être condamné en ce qu'il repose sur une
grave équivoque. Le devoir qu'a l'État de rendre la justice aux sujets de droit s'exerce, par la force
des choses, au moyen d'un service public. Mais la justice ne saurait être confondue avec le service
public qui en assure la mise en œuvre, elle le transcende. Dire qu'il existe un service public de la
justice ne permet donc en rien de déterminer les pouvoirs qui doivent être reconnus aux parties et aux
juges pour fixer les éléments essentiels du procès. C'est en dehors du service public que doivent être
recherchés les objectifs qui lui sont assignés. Il faut remonter à des considérations plus générales sur
les droits reconnus aux parties et sur la notion de justice. Sur ce point, il a déjà été indiqué que le
procès civil mettait en jeu des droits dont les particuliers, et non le juge, étaient les destinataires. Il
n'existe a priori aucune raison que la situation se trouve modifiée quand ces particuliers ont recours
au service public de la justice.

264 Rejet de la procédure accusatoire. – Les reproches que l'on peut adresser à la notion de
procédure accusatoire sont à peine moins dirimants que ceux qui affectent la procédure inquisitoire.
Il n'est pas faux de dire que le procès est la chose des parties, en ce sens qu'il met en jeu des droits
qui leur appartiennent. Cependant la maîtrise que l'on peut raisonnablement reconnaître aux parties
sur le cadre du litige ne se confond pas avec la notion de procédure accusatoire ; ce type de
procédure implique aussi des conséquences procédurales inconciliables avec ce qu'exige le bon
fonctionnement du service public de la justice. Le recours à la notion de procédure accusatoire ne
traduit donc pas exactement l'idée qui vient d'être exprimée. Il masque même que la maîtrise reconnue
aux parties ne commande pas l'ensemble du procès. Pourquoi, dans ces conditions, ne conserverait-
on pas cette idée telle qu'elle est, c'est-à-dire sans la rattacher à la notion de procédure accusatoire
qui ne sert qu'à en altérer l'image ?

265 Inspiration du Code de procédure civile. – Il convient sans doute de renoncer à l'un et à
l'autre de ces schémas qui n'apportent aucun guide fiable pour la pensée. Il nous semble vain, en tout
cas, d'analyser le droit positif actuel à partir des concepts de procédure accusatoire et de procédure
inquisitoire. Et si l'on devait à toute force se référer à ces notions, il faudrait, de toute façon, dire que
la procédure civile actuelle est hybride, mi-accusatoire, mi-inquisitoire. La lecture des textes des
principes directeurs montre en effet que les rédacteurs du Code de procédure civile n'ont pas entendu
consacrer l'un ou l'autre de ces modèles de procédure. Leur démarche, à la fois plus rationnelle et
plus pragmatique, a consisté à déterminer, à propos de chaque question, quel rôle devait être reconnu
aux parties (section I) et au juge (section II), selon les principes propres au procès civil, comme ceux
qui viennent d'être sommairement abordés.

SECTION I
LE RÔLE DES PARTIES

266 Plan. – Les rédacteurs du Code de procédure civile ont attribué aux parties tout ce qui est
détermination des éléments du procès : en effet, les prétentions que les parties soumettent au juge ne
sont rien d'autre que l'expression de ce qu'elles estiment être leurs droits et l'invocation d'un droit en
justice ne saurait en bouleverser les traits essentiels. C'est donc en ce domaine que se manifeste
et s'exprime la liberté des parties, liée au caractère facultatif de l'action 770. Inversement, la loi exclut
en principe l'initiative du juge, puisque le service public de la justice n'est pas directement concerné.
La maîtrise que le Code de procédure civile reconnaît ainsi, en principe, aux parties comprend
deux aspects : d'une part, l'existence de l'instance (§ 1), d'autre part, la détermination de ses éléments
(§ 2).

§ 1. L'EXISTENCE DE L'INSTANCE

267 Division. – Les parties sont libres de créer l'instance (A), mais aussi d'y mettre fin (B).

A. LA CRÉATION DE L'INSTANCE

268 Principe et exceptions. – L'article premier du Code de procédure civile dispose de la


façon la plus claire que « seules les parties introduisent l'instance ». L'instance que vise ce texte est
aussi bien celle qui résulte de la demande initiale, donc la première instance à l'intérieur du procès,
que les autres instances qui seront créées ultérieurement par l'exercice des voies de recours.
Inversement, le juge ne peut introduire l'instance, c'est-à-dire, selon l'expression classique, se saisir
lui-même. Cette règle de principe connaît une fausse exception et quelques véritables exceptions.
La fausse exception apparaît lorsque l'instance est introduite par le ministère public, comme le
prévoient les articles 422 et 423 du Code de procédure civile, aux termes desquels « le ministère
public agit d'office 771 dans les cas spécifiés par la loi » et « en dehors de ces cas, (...) pour la
défense de l'ordre public, à l'occasion des faits qui portent atteinte à celui-ci 772. » L'action du
ministère public constitue une fausse exception parce que le parquet n'est pas un juge. Le ministère
est une partie qui, comme les autres parties, saisit un juge. Les véritables exceptions se rencontrent
lorsqu'un juge au sens propre peut se saisir lui-même. Les cas, très rares, que prévoit la loi se
rapportent principalement à la protection des mineurs 773. Pendant longtemps, le droit des entreprises
en difficulté a également été riche en exemples de saisines d’office. Ces cas se sont cependant réduits
progressivement, à la suite d’une décision du Conseil constitutionnel qui, en 2012, a censuré
l’article L. 631-5 du Code de commerce, lequel permettait au tribunal de se saisir d’office aux fins
d'ouverture d’une procédure de redressement judiciaire. Le Conseil a énoncé « qu'en principe une
juridiction ne saurait disposer de la faculté d'introduire spontanément une instance au terme de
laquelle elle prononce une décision revêtue de l'autorité de chose jugée et que, si la Constitution ne
confère pas à cette interdiction un caractère général et absolu, la saisine d'office d'une juridiction ne
peut trouver de justification (...) qu'à la condition qu'elle soit fondée sur un motif d'intérêt général et
que soient instituées par la loi des garanties propres à assurer le respect du principe
d'impartialité » 774. Depuis lors, d’autres dispositions du droit des entreprises en difficulté ont été
censurées par le Conseil constitutionnel, pour des motifs similaires 775, tandis que des textes
éliminaient encore des cas de saisine d’office 776, sans doute sous la pression du Conseil. Le
processus d’éradication des saisines d’office n’est peut-être pas achevé et il se peut que d’autres cas
soient appelés, eux aussi, à disparaître du droit français pour cause de contrariété au bloc de
constitutionnalité 777.

B. L'EXTINCTION VOLONTAIRE DE L'INSTANCE

269 Extinction par accord des parties. – L'instance s'éteint normalement par le jugement. Il
peut cependant arriver qu'elle s'éteigne prématurément en raison d'un incident d'instance auquel la loi
attache directement cet effet, comme la péremption de l'instance ou encore la caducité de la
citation 778. Elle peut encore s'éteindre par la volonté des parties. Les parties peuvent en effet décider
de mettre fin à l'instance qu'elles ont créée, en se désistant de l'instance 779.
Il n'existe toutefois pas un total parallélisme entre la création et l'extinction de l'instance. Sauf les
cas pratiquement exceptionnels où elle est introduite par une requête conjointe 780, l'instance résulte
d'un acte unilatéral du demandeur. En revanche, une fois créée, l'instance ne s'éteint le plus souvent
que par l'accord des deux parties au procès 781.

§ 2. LA DÉTERMINATION DES ÉLÉMENTS DE L'INSTANCE

270 Division. – Pour caractériser le rôle des parties dans la détermination des éléments de
l'instance, on évoque fréquemment le « principe dispositif ». L'expression est relativement récente en
droit français, puisqu'elle s'est développée dans les années 1960, sous l'influence de Motulsky. Dans
son contenu, cependant, le principe dispositif est beaucoup plus ancien, puisqu'il illustre une
économie du procès qui remonte à l'ordonnance de 1667 relative à la procédure civile et plonge ses
racines dans le droit médiéval. Ce principe a un double sens : d'une part, les prétentions sont fixées
par les parties elles-mêmes ; et, d'autre part, il leur appartient d'indiquer au juge et d'établir les faits
propres à fonder lesdites prétentions. Cette présentation schématique ne correspond plus totalement à
la réalité juridique actuelle : le principe dispositif a évolué et l'on peut même dire que, pris dans son
second sens, il s'est édulcoré avec le temps. Sous cette réserve, il permet encore aujourd'hui, de
rendre compte, dans les très grandes lignes, des rôles respectifs du juge et des parties. En effet, pour
l'essentiel, le rôle des parties reste déterminant sur deux points : la détermination des demandes (A)
et la détermination des faits litigieux (B).

A. LA DÉTERMINATION DES DEMANDES

271 Le principe dispositif pris dans son premier sens. – La maîtrise des parties sur les
demandes est affirmée par l'article 4 du Code de procédure civile aux termes duquel « l'objet du
litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. » Il appartient donc aux parties de
fixer le cadre du litige et le juge est tenu par ce cadre, comme le précise l'article 5 : il « doit se
prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé ». Dans cette première
acception, le principe dispositif est donc synonyme de « principe d'immutabilité du litige à l'égard du
juge ». Si un plaideur a demandé quelque chose, le magistrat n'a pas le droit de faire comme s'il avait
demandé autre chose. Il n'a pas à modifier les demandes.
En dépit du mot « prétention » qu'utilise l'article 4, l'interdiction faite au juge de modifier les
prétentions des parties ne s'applique qu'aux demandes, mais non aux défenses au fond 782 dont il a
déjà été dit qu'elles ne modifiaient pas la matière litigieuse. Contrairement à ce qu’énoncent certains
arrêts, le juge doit donc pouvoir relever d’office un moyen conduisant au rejet d’une demande
(pourvu qu’il respecte le principe de la contradiction) 783. Le demandeur s'expose à un examen
complet de tous les éléments du présupposé des règles de droit dont il demande l'application. Le juge
peut ainsi rejeter totalement une demande, s'il l'estime infondée, alors que le défendeur n'en aurait
demandé qu'un rejet partiel. La rédaction de l'article 5 montre d'ailleurs que c'est de cette manière
que la règle doit être comprise : le juge ne doit pas statuer au-delà ou en deçà de ce qui lui est
demandé ou, selon les expressions latines consacrées par l'usage, ultra ou infra petita.
Le juge statue ultra petita 784 lorsqu'il accorde ce qui ne lui a pas été demandé. En quelque sorte,
il succombe à la tentation de corriger la demande : il octroie au demandeur ce qu'il aurait pu
demander. Par exemple, le juge accorde la réparation de son préjudice moral à un plaideur qui n'avait
sollicité que celle de son préjudice matériel 785. Le juge n'a pas en principe le droit de réparer ainsi
les erreurs commises par les parties dans la détermination de leurs prétentions en demande. Il ne
saurait davantage condamner une partie au profit d'un autre plaideur qui n'a pas formé de demande
contre elle 786.
Le juge statue infra petita lorsqu'il ne statue pas sur tout ce qui lui a été demandé. L'infra petita
ne doit pas être confondu avec le débouté total ou partiel du demandeur. Le juge ne commet pas un
infra petita lorsqu'il estime qu'une demande qui lui est présentée est infondée ou excessive. Il statue
sur la demande précisément en la rejetant. Il est à peu près sans exemple qu'un juge omette de statuer
sur une demande principale. En revanche, il arrive en pratique que, dans un procès complexe, le juge
oublie l'une des dix ou quinze demandes secondaires que lui ont soumises les parties et donc ne statue
pas sur elle.

272 Difficultés de mise en œuvre du principe. – La mise en œuvre du principe dispositif


soulève des difficultés, en raison des aménagements ou des tempéraments qui lui sont apportés.
D'abord, il appartient au juge d'interpréter la volonté du demandeur, sans s'arrêter à la lettre des
conclusions. En agissant ainsi, il ne modifie pas l'objet de la demande : il statue sur ce qui lui a été
réellement demandé, en restituant leur sens véritable à des conclusions mal rédigées 787. Par exemple,
le juge ne modifie pas l'objet du litige lorsque, saisi d'une demande en « résiliation » d'un bail pour
vice de violence, il en prononce la nullité 788. En effet, la violence vice du consentement n'étant pas
une cause de résiliation des contrats, mais une cause de nullité, on peut penser qu'en réclamant le
prononcé de la première, le demandeur a, en réalité, recherché le prononcé de la seconde. De la
même façon, le juge ne statue pas véritablement ultra petita lorsqu'il se prononce sur une demande
implicitement mais nécessairement comprise dans les prétentions du demandeur 789. En revanche, le
magistrat ne doit pas accorder ce qui ne lui a été demandé ni expressément, ni implicitement, ni même
maladroitement. Ainsi, la partie qui sollicite la condamnation de son adversaire au « paiement des
sommes dues », sans fournir aucun élément de nature à permettre aux juges d'évaluer leur montant, ne
les saisit, en réalité, d'aucune prétention 790. En substance, on ne peut interpréter que la prétention
entachée d'obscurité. Mais interpréter celle qui n'existe pas, ce serait l'inventer et statuer ultra petita.
Il se présente une difficulté beaucoup plus délicate, pour déterminer l'objet de la demande,
lorsque la règle de droit dont l'application est sollicitée par le demandeur comprend un effet
juridique complexe. Par exemple, si l'auteur d'un délit ou d'un quasi-délit doit le plus souvent réparer
le préjudice par équivalent, la réparation peut aussi s'effectuer en nature ; la prestation compensatoire
peut consister en une rente ou en un capital ; l'inexécution de ses obligations par l'une des parties à un
contrat synallagmatique donne le droit à l'autre d'en demander l'exécution forcée ou la résolution avec
dommages-intérêts, mais, si l'inexécution n'est que peu importante, le cocontractant ne peut demander
que des dommages-intérêts. Dans toutes ces hypothèses que doit-on entendre par l'objet de la
demande ? La jurisprudence manque de fermeté : tantôt elle permet au juge de prononcer l'une ou
l'autre des mesures prévues par la règle de droit, tantôt, au contraire, elle le lui interdit 791. Le respect
du principe dispositif commande sans doute d'opérer des distinctions selon la structure de la règle.
Lorsque la loi met les deux effets juridiques sur le même plan, en les soumettant aux mêmes
conditions, le choix de l'effet juridique ne peut appartenir qu'au demandeur et non au juge (en dehors
bien sûr de l'hypothèse d'obligations alternatives pesant sur le débiteur-défendeur, auquel cas le
choix appartient à ce dernier). Le juge ne devrait donc pouvoir choisir entre les deux effets que si,
par inadvertance, le demandeur les a demandés l'un et l'autre sans marquer sa préférence, s'en
remettant en quelque sorte à la sagesse du juge. Par exemple, il n'appartient en principe qu'au
créancier de choisir entre l'exécution forcée de l'obligation et le jeu de la clause pénale.
La situation est plus complexe, lorsque les effets sont hiérarchisés, notamment lorsque le
déclenchement de l'un d'entre eux est soumis à des conditions plus nombreuses ou plus strictes. Le
juge statue alors ultra petita, s'il accorde l'effet le plus important alors que seul le moins important a
été sollicité. Mais, dans le cas inverse, il est raisonnable de penser que l'effet le moins important est
implicitement demandé à titre subsidiaire. Le juge peut donc l'accorder à défaut de manifestation
contraire de volonté du demandeur. Par exemple, si le juge estime que l'inexécution de ses
obligations par une partie n'est pas telle qu'elle justifie la résolution d'un contrat synallagmatique, il
peut néanmoins accorder des dommages-intérêts à l'autre partie.

273 Dérogations au principe. – Par ailleurs, il arrive que la loi permette au juge de statuer
ultra petita, donc d'accorder à une partie ce qu'elle n'a pas demandé. L'ultra petita légal vise parfois
à protéger les parties dont les droits sont exercés par un représentant. En conférant au juge le pouvoir
de statuer au-delà de la demande, la loi lui permet de remédier aux oublis du représentant, ce qui
revient à faire du juge un représentant subsidiaire de la partie. C'est ainsi qu'en vertu de l'article 208
du Code civil, le juge peut indexer une pension alimentaire. Cela étant, la loi attribue parfois au
tribunal le pouvoir de statuer ultra petita, indépendamment de toute représentation à l'action d'une
partie par une autre personne. Ainsi, lorsqu'il rejette définitivement la demande en divorce,
l'article 258 du Code civil l'autorise à statuer sur « la contribution aux charges du mariage, la
résidence de la famille et les modalités de l'exercice de l'autorité parentale ». Pareillement, en vertu
de l'article 245 du Code civil, le juge saisi d'une demande de divorce pour faute peut, « même en
l'absence de demande reconventionnelle », prononcer le divorce « aux torts partagés des deux époux
si les débats font apparaître des torts à la charge de l'un et de l'autre ». Dans tous ces cas, le juge
statue d'office, par dérogation au principe dispositif.
Au-delà de ces règles particulières, dans les hypothèses où la loi prévoit une saisine d'office, le
pouvoir qu'a le juge de se saisir lui-même implique, là encore, le pouvoir de statuer sur ce qui ne lui
a pas été demandé 792.

B. LA DÉTERMINATION DES FAITS DU PROCÈS

274 Allégation et preuve du fait. – Pris dans son second sens, le principe dispositif est relatif
à l'allégation et à la preuve des faits. C'est sans doute sur le terrain de la preuve, qu'il a connu ses
principales atténuations. Alléguer un fait, c'est prétendre directement ou indirectement qu'il existe.
Lorsqu'une partie allègue un fait, on dit aussi qu'elle le met ou qu'elle l'introduit dans le débat : les
deux expressions sont synonymes. La preuve du fait ne vient que dans un second temps 793.

1. L'allégation des faits

275 Un monopole des parties ? – La doctrine considère traditionnellement que les articles 6
et 7 du Code de procédure civile confèrent aux parties le monopole de l'allégation des faits. C'était
d'ailleurs l'opinion prônée par Jacques Héron dans les trois premières éditions de ce manuel. Cette
présentation repose sur l'article 6 qui qualifie de « charge » des parties l'allégation des faits propres
à fonder leurs prétentions et sur l'article 7, alinéa 1, qui ajoute que « le juge ne peut fonder sa
décision sur des faits qui ne sont pas dans le débat ». Contrairement à ce qui se passe en procédure
pénale, où le juge est le bras de la société poursuivant le crime, le juge civil ne serait que l'organe du
service public mis à la disposition des particuliers pour leur permettre de faire trancher leurs
différends. Il appartiendrait donc aux seules parties de choisir les faits, se rapportant à leur vie,
qu'elles estiment utile de soumettre au juge dans le cadre du procès qu'elles ont intenté. Au sens
propre du terme, ces faits seraient leur affaire. Faut-il pour autant parler de monopole, comme si
l'introduction d'un fait dans le débat ne pouvait être opérée que par une partie ? On peut en douter.
Que les parties aient une place privilégiée en ce domaine et qu'il leur appartienne d'alléguer des faits
propres à fonder leurs prétentions est une évidence. Mais cela ne signifie pas qu'elles soient les
seules à pouvoir le faire.
À l'opposé de la doctrine traditionnelle, il est parfois soutenu que le juge peut introduire des faits
dans le débat, pourvu qu'il respecte le principe de la contradiction 794. Sur ce point, la jurisprudence
n'est pas d'un apport décisif, car les quelques arrêts que l'on cite au soutien de cette opinion manquent
de netteté : aucun d'entre eux n'a affirmé le pouvoir du juge en termes exprès, ni même ne l'implique
de façon nécessaire. De plus, on trouve des arrêts qui rappellent l'interdiction faite au juge de se
fonder sur des faits qui n'ont pas été allégués par les parties 795, et la plupart d'entre eux sont rendus
au seul visa de l'article 7 du Code de procédure civile et ne font aucune allusion au principe de la
contradiction 796.
En vérité, l'opinion que l'on peut avoir sur un éventuel monopole des parties en matière
d'allégation des faits dépend essentiellement de la philosophie que l'on a du procès civil. Si l'on
estime que le juge est au seul service des parties, par opposition à ce que l'on connaît dans le procès
pénal ou administratif, on dira que les parties doivent avoir l'entière maîtrise de l'introduction des
faits dans le débat. C'était l'opinion de Jacques Héron. À l'inverse, si l'on pense que le juge civil n'est
pas seulement le serviteur des parties, mais aussi celui de la loi, on considérera que la recherche de
la vérité et le souci d'une saine application des règles de droit justifient que d'autres que les parties
puissent contribuer à l'introduction des faits dans le débat 797. Les incertitudes de la jurisprudence ne
font que révéler qu'elle est, tout comme la doctrine, traversée par ces deux visions de l'office du juge.
276 Portée de l'article 7 du Code de procédure civile. – Fréquemment présenté comme
instaurant un monopole de l'allégation des faits, l'article 7, alinéa 1 , du Code de procédure civile
er

n'énonce rien de tel. Il ne fait qu'interdire au juge de se fonder sur des faits qui ne sont pas dans le
débat, ce qu'on ne peut qu'approuver. Mais, une fois qu'un fait a été introduit dans le débat, l'article 7,
alinéa 2, dispose que « le juge peut prendre en considération même les faits que les parties n'auraient
pas spécialement invoqués au soutien de leurs prétentions ». Pour comprendre cette précision, il faut
savoir qu'au début du procès, il arrive fréquemment que les parties allèguent, comme en vrac, toute
une masse de faits pouvant toucher de près ou de loin au procès. Certains faits ressortent d'ailleurs
des pièces qu'elles versent au débat (contrats, attestations de témoins etc.), sans être forcément
articulés, ni oralement lors de l'audience, ni par écrit dans des conclusions 798. Dans un second temps,
les parties opèrent une sélection dans cette masse et en isolent certains qu'elles estiment être les plus
importants : ce sont eux qu'elles invoquent « spécialement » au soutien de leurs prétentions. Invoquer
(ou invoquer spécialement) un fait consiste à le présenter de telle sorte qu'il est censé attirer
l'attention de l'adversaire et du juge. Concrètement, cela consiste à l'articuler dans un « moyen »,
c'est-à-dire un raisonnement tendant à faire reconnaître le bien-fondé de la prétention de son
auteur 799. Néanmoins, tous les faits allégués simplement, à savoir les faits non invoqués
spécialement, ont été mis dans le débat (fût-ce en vrac) et le juge peut les utiliser pour fonder sa
décision 800. Par exemple, il peut fonder sa décision sur une clause d'un contrat produit par une partie
et qu'aucun plaideur n'a spécialement invoquée 801.
Ensuite, l'article 8 permet au juge d'« inviter les parties à fournir les explications de fait qu'il
estime nécessaires à la solution du litige ». Cet article complète le texte précédent. Les faits qui n'ont
pas été repris pour être spécialement invoqués sont le plus souvent allégués de façon incomplète ou
imprécise et le juge peut souhaiter obtenir des éclaircissements ou des explications supplémentaires
sur ces faits. Ce faisant, il n'introduit pas lui-même de nouveaux faits dans le débat car, d'une part,
ces faits s'y trouvent déjà et, d'autre part, le juge ne peut qu'« inviter » les parties à lui fournir les
renseignements qu'il souhaite. La maîtrise des parties sur le fait ne se trouve donc pas réellement
entamée, même si, indirectement, le juge peut provoquer l'allégation d'un fait en sollicitant les
explications des parties.

2. La preuve des faits

277 Prérogatives concurrentes. – La preuve des faits constitue encore une prérogative des
parties, mais il est cette fois évident qu'elle n'est pas exclusive : les parties rencontrent ici un pouvoir
concurrent du juge. Aux termes de l'article 9 du Code de procédure civile, « il incombe à chaque
partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ». Cette règle
comprend deux aspects. D'abord, elle rappelle l'existence des règles du droit civil sur le risque de la
preuve 802 et sur les moyens de preuve, auxquelles sont nécessairement soumises les règles de
procédure. Ensuite, elle pose que les questions de preuve se trouvent dans le domaine des parties.
Cependant, ces dernières ne disposent pas d'un monopole sur ce point puisque l'article 10 du Code de
procédure civile dispose que « le juge a le pouvoir d'ordonner d'office toutes les mesures
d'instruction légalement admissibles ». Ce texte comporte lui aussi deux aspects, relevant l'un et
l'autre du droit processuel, qu'il convient de distinguer, même si les rédacteurs du Code de procédure
civile les ont réunis dans la même phrase. En premier lieu, l'article 10 énonce que c'est au juge qu'il
appartient d'ordonner les mesures d'instruction. De façon plus précise, une décision du juge est
nécessaire, d'une part, pour les mesures d'instruction qui ne peuvent être mises en œuvre qu'en vertu
de son imperium et, d'autre part, pour celles qui se déroulent devant lui. En revanche, les parties n'ont
pas besoin de l'autorisation du juge pour collecter des attestations ou pour procéder à une expertise
« privée ». Sous ce premier aspect, l'article 10 ne fait que rappeler la nécessité d'un recours au juge
chaque fois qu'il faut qu'une mesure soit ordonnée.
Le second aspect de l'article 10, c'est que le juge peut prendre l'initiative de la mesure
d'instruction, il peut l'ordonner « d'office », c'est-à-dire sans qu'une partie l'ait sollicitée. Ce pouvoir
reconnu au juge s'accorde mal avec l'idée d'un juge qui serait au service exclusif des parties 803. En
pratique, cependant, les juges n'usent que très peu de ce pouvoir. La grande majorité des mesures
d'instruction sont ordonnées à la demande des parties et les décisions prises d'office ne font le plus
souvent que précéder une demande des parties 804.

278 Influence possible de la preuve sur l'allégation ? – Le pouvoir d'ordonner d'office une
mesure d'instruction renforce l'idée qu'il n'existe pas de véritable monopole des parties en matière
d'allégation des faits. Défendue par quelques auteurs 805, cette opinion était farouchement combattue
par Jacques Héron. Cependant, ses arguments 806 ne nous paraissent pas déterminants et ce,
principalement pour deux raisons.
En premier lieu, en matière d'enquête, les articles 213 et 218 du Code de procédure civile
permettent au juge d'entendre toute personne dont l'audition lui paraît utile à la manifestation de la
vérité et de l'interroger « sur tous les faits dont la preuve est admise par la loi, alors même que ces
faits ne seraient pas indiqués dans la décision prescrivant l'enquête ».
En second lieu, on peut penser que toute mesure d'instruction conduit inévitablement, en raison
même de son objet, à faire entrer dans le débat des faits que les parties n'y avaient pas mis. D'abord,
le juge peut ordonner une mesure d'instruction sur un fait que les parties ont allégué, quand la réalité
ou les circonstances de ce fait demeurent obscures. Or, par définition, la mesure d'instruction est
destinée à lever les incertitudes et, en ce sens, on peut estimer qu'elle fait entrer dans le débat des
éléments de fait nouveaux. On peut nous opposer que, dans une telle hypothèse, le juge n'a fait que
rendre plus clair ou mieux connu un fait qui avait déjà été réellement allégué : le complexe de faits
gagnerait en clarté ou en qualité plus qu'en étendue. Il n'en reste pas moins que des éléments de fait
nouveaux sont alors apparus. Et, sans aller jusqu'à imaginer que le juge use des pouvoirs que lui
reconnaît l'article 10 du Code de procédure civile pour rechercher des faits que les parties n'ont pas
du tout allégués, il est concevable qu'une mesure d'instruction fasse apparaître des faits nouveaux tout
à fait déterminants pour la solution du litige : la présence d'un produit toxique dans le corps d'un
malade, un pourcentage anormal de sable dans un béton dont la solidité est contestée, etc. Ces faits
sont dans le débat dès lors qu'ils ont été révélés, par exemple, par un rapport d'expertise. Le juge doit
donc pouvoir s'en emparer, conformément à l'article 7 du Code de procédure civile.

279 Théorie du fait constant. – S'il est excessif de parler de véritable charge de la preuve,
l'expression « risque de la preuve » étant préférable 807, il est certain que les parties s'efforcent
généralement d'établir les faits qu'elles allèguent. Est-ce à dire que tout fait allégué et non prouvé doit
être tenu pour inexistant ? Une réponse négative s'impose, d'abord parce que le risque de la preuve ne
pèse pas forcément sur la partie qui a allégué ce fait. L'attribution de ce risque à l'adversaire
conduira logiquement le juge, en l'absence de preuve dans un sens ou dans l'autre, à tenir le fait
contesté pour acquis. Ensuite, en l'absence de contestation du fait allégué, il conviendra parfois de
faire application de la théorie du fait constant.
Selon une opinion doctrinale, en l'absence de contestation, le fait allégué devrait être tenu pour
constant par le juge. Cette proposition, soutenue notamment par Henri Motulsky, repose sur l'idée
qu'il existerait une charge de la contestation pesant sur l'adversaire de celui qui allègue un fait, de
sorte qu'en l'absence de contestation, la partie qui allègue le fait bénéficierait d'une dispense de
preuve 808. La dispense ne saurait jouer dans toutes les circonstances, et l'on s'accorde pour l'écarter
quand la matière du procès est d'ordre public ou relève de la matière gracieuse, ou encore quand
l'adversaire n'a pas comparu 809.
Cependant, même ainsi limitée, la théorie du fait constant telle que la concevait Motulsky ne
correspond plus au droit positif. Dans plusieurs décisions 810, la Cour de cassation a en effet décidé
que la juridiction du second degré « n'était pas tenue de considérer que les faits allégués étaient
constants au seul motif qu'ils n'avaient pas été expressément contestés ». Cette position de la Cour de
cassation doit être approuvée parce que la théorie du fait constant ne repose pas sur une base solide.
L'absence de contestation n'établit pas formellement la réalité du fait allégué, et l'on ne voit pas
pourquoi le juge devrait être lié de façon automatique par une allégation non contredite. Ce serait
transformer tout silence de l'adversaire en un aveu judiciaire, au mépris des textes qui réglementent
l'aveu.
Pour autant, il n'est pas interdit au juge de considérer comme établi un fait allégué qui n'est pas
contesté par l'adversaire, en voyant dans le silence de celui-ci une présomption du fait de l'homme 811.
Autrement dit, le fait non contesté n'est pas un fait dispensé de preuve, mais un fait prouvé : lorsque
les circonstances s'y prêtent, le juge peut estimer que l'allégation par une partie et le silence gardé
par l'autre établissent la réalité du fait. Mais à l'inverse, lorsque la réalité du fait est combattue par
des éléments du dossier, par exemple par les conclusions d'une expertise, le juge doit pouvoir rejeter
le fait allégué en dépit du silence gardé par l'adversaire 812. Pour éviter de surprendre le plaideur qui
a allégué sans être contredit, le juge doit alors l'inviter à fournir les éléments de preuve à sa
disposition. Le respect du principe de la contradiction s'impose ici avec une force particulière 813.

SECTION II
LE RÔLE DU JUGE

280 Surveillance du bon déroulement de l'instance. – Le rôle du juge, que l'on appelle
souvent l'office du juge (du mot latin officium, qui signifie le devoir), apparaît d'abord comme lié au
fonctionnement du service public de la justice, au sens propre du terme 814. Le juge doit veiller au bon
fonctionnement de la « machine » judiciaire, en évitant son engorgement et sa paralysie. C'est
pourquoi l'article 3 du Code de procédure civile dispose que « le juge veille au bon déroulement de
l'instance. ». Le juge est donc chargé d'une mission de direction générale de la procédure, au sens
précis du terme, c'est-à-dire d'avancement du procès jusqu'à son terme normal qu'est le jugement.
Cette mission n'aboutit pas à enlever tout rôle actif aux parties. L'article 2 énonce en effet que « les
parties conduisent l'instance sous les charges qui leur incombent. Il leur appartient d'accomplir les
actes de la procédure dans les formes et délais requis ».
Ces deux articles mettent très justement l'accent sur les rôles complémentaires des parties et du
juge dans le déroulement du procès. La maîtrise des parties dans la détermination des éléments du
procès implique nécessairement leur participation active dans les actes de procédure, puisque ce sont
ces actes qui contiennent les allégations de faits et leurs prétentions. De même, il leur appartient
d'apporter au juge les éléments de preuve des faits contestés. Elles jouent sur ces points un rôle que
le juge ne peut assumer à leur place. Mais l'on peut légitimement craindre qu'à partir de là, les parties
ne veuillent mener le procès à leur guise, que le défendeur, qui craint une condamnation, ou que les
conseils des deux parties, déjà surchargés d'affaires, fassent ou au moins laissent traîner le procès en
longueur, encombrant inutilement le rôle du tribunal au détriment de l'intérêt des autres justiciables. Il
appartient au juge de faire en sorte que le procès se déroule dans des conditions normales. En
particulier, « il a le pouvoir d'impartir les délais et d'ordonner les mesures nécessaires 815 » au bon
avancement de la procédure 816. L'énoncé de toutes les prérogatives ponctuelles conférées au juge
dans ce but sera indiqué au fur et à mesure de l'étude des différentes procédures.

281 Da mihi factum, tibi dabo jus. – L'office du juge ne se limite évidemment pas à ce rôle de
surveillant général de la procédure. Le juge est avant tout celui qui tranche le litige que lui ont soumis
les particuliers. Les parties déterminent librement les prétentions et les faits qu'elles entendent
« porter » devant le juge et soumettre à son examen. L'énumération des prérogatives qui leur sont
reconnues laisse apparaître qu'il manque l'élément intermédiaire, celui qui relie le fait à la
prétention : la règle de droit. Le droit ne figure pas en effet au nombre des prérogatives des parties.
Sur ce point encore, le Code de procédure civile marque, mais de façon partielle seulement,
l'influence de la doctrine de Henri Motulsky, tiré d'un adage latin, dans lequel le juge dit au plaideur :
« da mihi factum, tibi dabo jus », c'est-à-dire : « donne-moi le fait, je te donnerai le droit ». Henri
Motulsky utilisait encore l'expression : aux parties le fait, au juge le droit. La formule est très
critiquable en ce qu'elle revient à dire que le droit est « l'apanage » du juge 817 ou encore qu'il
appartient au juge, comme le fait appartient aux parties, le fait et le droit faisant ainsi l'objet d'une
attribution symétrique, l'un aux parties, l'autre au juge. On méconnaît cette donnée première que le
juge n'est pas le destinataire, au sens propre du terme, des règles de droit substantiel 818. Ces règles
de droit régissent l'activité des sujets de droit, ce sont des normes de comportement, avant d'être des
normes de jugement et le jugement ne fait que sanctionner l'application ou l'inapplication de la norme
de comportement. Si l'on suit jusqu'au bout la doctrine de Henri Motulsky, on prive « de toute
juridicité toute l'activité sociale qui ne donne pas lieu à contentieux 819. »

282 Présentation de l'article 12 du Code de procédure civile. – Une autre analyse des
pouvoirs des parties et du juge peut être menée à partir des premiers éléments dégagés par l'illustre
auteur. L'allégation des faits et la détermination des prétentions sont réservées aux parties et,
inversement, le juge s'en trouve exclu. Pour Henri Motulsky, l'exclusion du juge ne peut aller au-delà
et s'étendre jusqu'au droit : il est en quelque sorte de la définition même du juge qu'il fasse respecter
la règle de droit, même si les parties n'ont pas invoqué la règle de droit véritablement applicable 820.
Par conséquent, le juge ne saurait être lié par les indications des parties en matière de droit.
Comment d'ailleurs le juge pourrait-il l'être chaque fois que le demandeur exprime sa prétention en
fait, comme la loi lui permet de le faire, pour faciliter sa tâche (au moins dans les procédures
orales) ? Le juge doit donc, selon les termes mêmes de l'article 12 du Code de procédure civile
trancher « le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables » et non selon celles
qu'ont invoquées les parties.
Il ne résulte pas de là que le droit appartienne au juge comme les faits appartiennent aux parties.
Ce n'est que par un souci inapproprié d'établir une symétrie entre la situation du juge et celle des
parties que l'on peut être tenté de l'affirmer 821. L'analyse menée par Henri Motulsky lui-même ne
conduit d'ailleurs pas à ce résultat, mais seulement à décider qu'à la différence de l'introduction de
l'instance, de l'allégation des faits et de la détermination des prétentions qui appartiennent aux
parties, et dont le juge est exclu, l'application du droit n'appartient pas aux parties de façon exclusive.
L'article 12 du Code de procédure civile ne pose donc pas une règle d'exclusion des parties, mais
seulement une règle de non-exclusion du juge. Le droit constitue comme une sorte de res communis
dont le juge ne saurait être exclu et où il peut prendre en principe les plus larges initiatives.
Le principe justement posé par le Code de procédure civile est donc que le juge dispose des plus
larges pouvoirs pour ce qui est de l'application du droit (§ 1). Cependant, le principe n'est pas absolu
et connaît quelques restrictions (§ 2).

§ 1. LE PRINCIPE

283 Division. – Dans un premier temps, il convient de prendre la mesure des pouvoirs reconnus
au juge (A). Après cela, il faut encore se demander si les pouvoirs que la loi lui reconnaît ne
constituent pour lui qu'une simple faculté ou bien si, compte tenu de la mission qui lui est confiée, le
juge n'a pas l'obligation de les utiliser (B).

A. LES POUVOIRS DU JUGE

284 Étendue des pouvoirs du juge. – Le principe posé par l'article 12 est que le juge doit
retenir, pour trancher le litige, les règles de droit « qui lui sont applicables » et non celles que lui ont
indiquées les parties. L'alinéa 2 de l'article 12 exprime très clairement cette différence à propos des
qualifications. Le juge, dit ce texte, « doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et
actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée ». Par exemple,
les parties exposent qu'elles ont conclu un contrat prévoyant telles prestations. Elles en déduisent
qu'elles ont conclu un contrat de bail. Si le juge constate qu'en vertu des stipulations voulues par les
parties, le contrat entraîne un transfert de propriété, il doit requalifier le contrat en contrat de
vente 822. Plus largement encore, l'ancien alinéa 3 de l'article 12, aujourd'hui annulé 823, disposait que
le juge « (pouvait) relever d'office les moyens de (...) droit 824 quel que soit le fondement juridique
invoqué par les parties » 825. De nouveau, se trouvait manifestée l'étendue des pouvoirs reconnus au
juge en matière juridique. C'est ainsi par exemple que, si les parties ont invoqué une disposition qui
n'est pas applicable au litige compte tenu du moment auquel se sont produits les faits litigieux, il
appartient au juge d'appliquer le texte qu'il estime être applicable 826. A fortiori il est interdit au juge
de statuer en équité 827, sauf si les parties lui ont donné mission de statuer en amiable compositeur.
Les plus larges pouvoirs, en matière de droit, que la loi reconnaît ainsi au juge ne sauraient
cependant porter atteinte aux prérogatives des parties. De là résultent deux limitations indirectes aux
pouvoirs du juge. La première tient à la libre détermination par les parties de leurs prétentions en
demande. Le juge ne peut pas appliquer d'office une règle de droit, qu'il estime applicable aux faits
que lui ont soumis les parties, pour accorder au demandeur autre chose que ce que celui-ci a
demandé, sous peine de méconnaître le principe dispositif. En revanche, lorsque deux règles sont
dotées d'un même effet juridique ou qu'en l'espèce l'effet juridique des deux règles conduit au même
résultat, le juge, qui constate que la règle de droit invoquée par le demandeur n'est pas applicable, a
le pouvoir de retenir la seconde 828.
La seconde limite tient au jeu de l'article 7 du Code de procédure civile. Le juge ne peut fonder sa
décision sur des faits qui ne sont pas dans le débat. C'est ainsi que le juge ne peut que débouter le
demandeur lorsqu'il ne trouve aucune règle de droit permettant de lui donner satisfaction compte tenu
des faits allégués, même s'il est « moralement » certain que d'autres faits, non allégués, rendent en
réalité la prétention bien fondée. Il faut rappeler, à ce propos, que l'article 7, alinéa 2, permet au
magistrat de fonder sa décision sur tous les faits qui sont dans le débat, même ceux qui ne sont pas
spécialement invoqués au soutien des prétentions.

B. L'EXERCICE OBLIGATOIRE OU FACULTATIF DES POUVOIRS

285 Approche doctrinale. – Les pouvoirs conférés au juge par l'article 12 du Code de
procédure civile constituent-ils pour lui une obligation ou une simple faculté ? La question ne
présente pas d'intérêt pratique chaque fois que le juge les a exercés. Peu importe qu'il l'ait fait à titre
d'obligation ou de simple faculté. Il n'en va pas de même dans le cas inverse. Peut-on reprocher au
juge de n'avoir pas opéré d'office une requalification ou de n'avoir pas soulevé d'office un moyen ?
Devant la Cour de cassation, aucun reproche ne pourra être adressé au juge s'il ne s'agit que d'une
simple faculté, alors que la cassation de la décision pourra être demandée si le juge est tenu d'une
obligation. Il arrive que la loi réponde elle-même à cette importante question, notamment lorsqu’elle
exige du juge qu’il relève d’office tel ou tel type de moyen 829. Mais, la plupart du temps, elle reste
muette, laissant entière la question générale du caractère facultatif ou obligatoire du relevé d’office
des moyens de pur droit.
La réponse à cette question repose sur une distinction entre deux situations. À notre sens, si tous
les faits correspondant au présupposé de la règle de droit applicable sont constatés dans la décision
que rend le juge, et si ces faits ont été spécialement invoqués 830 au soutien de la prétention, c'est une
obligation qui pèse sur lui. Cette obligation se déduit de la combinaison de ces deux situations : tout
d'abord, le juge a entre les mains tous les éléments nécessaires pour statuer de façon satisfaisante.
N'ayant plus à examiner aucun élément de fait (s'il en constate l'existence dans son jugement ou son
arrêt, c'est que, pour lui, ces faits sont acquis), son travail est de pur droit et il peut lui être reproché
d'avoir mal réglé une telle question. L'obligation qui pèse alors sur le juge trouve sa sanction dans la
recevabilité devant la Cour de cassation des moyens nouveaux lorsqu'ils sont de pur droit,
recevabilité que prévoit l'article 619 du Code de procédure civile 831. Ensuite, les faits correspondant
au présupposé de la règle applicable, ayant été spécialement invoqués au soutien de la prétention
d'une partie, doivent attirer l'attention des magistrats au point de les amener à identifier la règle
adéquate. En effet, en invoquant spécialement certains faits, une partie les met en exergue, elle les
présente comme les fondements de sa prétention. Elle les signale comme étant importants. On peut
alors légitimement attendre du juge qu'il envisage, de lui-même, toutes les « potentialités » juridiques
liés à ces faits. Dès lors que, de surcroît, il a reconnu l'existence de ces faits, il n'a plus aucune
excuse pour n'avoir pas appliqué d'office la norme qui s'imposait en l'espèce.
La solution est différente lorsque tous les faits nécessaires à l'application de la règle n'ont pas été
constatés par le juge ou que, ayant été constatés dans la décision, ils n'avaient pas tous été
spécialement invoqués. Le juge n'est alors tenu d'aucune obligation. En effet, si les faits nécessaires à
la mise en jeu de la règle applicable n'ont pas tous été constatés dans la décision du juge du fond, le
moyen de cassation tiré de l'absence d'application d'office de cette règle est « mélangé de fait et de
droit », c'est-à-dire que la Cour de cassation est dans l'impossibilité de déterminer si ladite règle
était vraiment applicable, puisqu'elle n'a pas de certitude quant aux faits non constatés par le juge. Un
tel moyen de cassation est donc irrecevable, ce qui revient à dire que l'on ne peut reprocher au juge
du fond de n'avoir pas relevé d'office l'applicabilité (éventuelle) de cette règle de droit. Selon les
termes mêmes de la Cour de cassation, les juges du fond ne sont pas tenus de soulever d'office un
moyen qui, impliquant l'appréciation de circonstances de fait, n'est pas de pur droit 832.
Quant aux faits constatés dans le jugement, mais qui ont été incomplètement allégués ou même
simplement esquissés par les parties dans leurs conclusions, le juge ne saurait, raisonnablement, être
tenu de reprendre l'examen des conséquences juridiques de tous ces éléments factuels. En quelque
sorte, quand les parties allèguent des faits, il leur appartient de bien les alléguer, c'est-à-dire de faire
ressortir ceux qu'elles estiment être véritablement concluants 833. Bref, il leur appartient de
développer de vrais moyens, c'est-à-dire des raisonnements tendant à la reconnaissance du bien-
fondé de leur prétention. Les faits articulés dans ces moyens apparaissent comme le fondement de
celle-ci. Ils sont « spécialement invoqués ». En présence de faits qui ne seraient que « simplement
allégués », le juge ne doit donc pas être tenu de relever d'office la règle applicable, quand bien même
il relèverait l'existence de ces faits dans sa décision.

286 Présentation de la jurisprudence. – La distinction qui vient d'être indiquée ne rend pas
compte de la position de la Cour de cassation française 834. Pour tout dire, elle a un caractère
principalement doctrinal. Pendant longtemps, la jurisprudence a manqué de clarté en ce domaine, des
décisions élargissant l'office du juge, tandis que d'autres le restreignaient. Dans le sens d'un
élargissement, la Cour de cassation, en matière de garantie des vices cachés, a parfois reproché aux
juges du second degré d'avoir rejeté une demande en résolution d'une vente sans rechercher si elle ne
pouvait être accueillie sur un autre fondement, par exemple sur le fondement du dol. Comme les faits
susceptibles de constituer un dol n'avaient pas été spécialement allégués, la Cour imposait en réalité
aux juges du fond de soulever d'office un moyen mélangé de fait et de droit, ce que traduisait
d'ailleurs le manque de base légale reproché à la décision attaquée 835.
Cette jurisprudence semble aujourd'hui abandonnée, et il est probable que ces arrêts avaient
surtout pour objectif d'attirer l'attention des parties sur l'étendue des moyens dont elles disposaient
pour faire sanctionner des vendeurs peu scrupuleux. Plus largement, on peut penser que la
jurisprudence est désormais fixée dans le sens d'une restriction de l'office du juge. En effet la Cour de
cassation décide couramment que l'article 12 du Code de procédure civile n'impose pas au juge de
rechercher d'office les dispositions légales de nature à justifier une demande dont il est saisi « sur le
fondement d'un texte déterminé » 836. En d'autres termes, le relevé d'office des moyens de pur droit est
facultatif, lorsque « le demandeur a précisé le fondement juridique de sa prétention » 837. Cette
solution a été consacrée en Assemblée plénière, en 2007 838. De cette jurisprudence, il résulte que le
juge n'est tenu de soulever d'office un moyen de pur droit que lorsque le demandeur n'a pas indiqué le
fondement de sa prétention. On cherche en vain la justification d'une telle distinction : les textes du
Code ne l'imposent pas, et il n'existe aucune raison de traiter différemment les parties selon qu'elles
ont ou non invoqué un texte précis. Cette solution présente même l'inconvénient de défavoriser la
partie qui « joue le jeu » en indiquant au juge la règle de droit qu'elle estime applicable et,
inversement, de favoriser celle qui n'essaie pas du tout d'aider le juge dans l'élaboration de la
solution. De surcroît, cette jurisprudence peut sembler choquante si l'on considère l'actuelle rédaction
des articles 753 et 954 du Code de procédure civile. En effet, ces textes imposent aux parties, devant
le tribunal de grande instance et la cour d'appel, de formuler dans leurs conclusions les moyens de
fait et de droit sur lesquels reposent leurs prétentions. Or, il est incohérent d'imposer aux parties de
contribuer, par leurs moyens de droit, à la construction juridique du litige, tout en diminuant leur droit
à une bonne justice, sauf à estimer qu'elles doivent devenir les auxiliaires du juge.
Quant à la requalification des faits et actes de la cause, la Cour de cassation serait certainement
favorable à une simple faculté, si l'alinéa 2 de l'article 12 du Code de procédure civile n'était aussi
clair : le juge « doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux ». Malgré
tout, elle limite la portée de ce texte en appliquant cette obligation aux seuls faits « invoqués » par
une partie au soutien de ses prétentions 839. Bref, pour la Cour, les juges ne seraient pas tenus de
requalifier d'office des faits simplement allégués. Compte tenu de notre approche doctrinale, nous
aurions mauvaise grâce à lui en faire le reproche.
Enfin, même s'ils sont relativement isolés, il faut signaler quelques arrêts de la Cour de cassation
interdisant aux juges de relever d'office un moyen de pur droit. Tantôt, la Cour estime (à tort à notre
avis) que les juges du fond ont modifié l'objet du litige en appliquant une règle de droit dont aucune
des parties n'avait sollicité l'application 840. Tantôt, dans des domaines particuliers, elle pose en
principe que la méconnaissance d'une règle, même d'ordre public, ne peut être opposée qu'à la
demande de la personne que cette disposition a pour objet de protéger 841. En plus des deux branches
de l'alternative que nous avons abordée, il y aurait donc une troisième voie en jurisprudence : ni
obligation, ni faculté de relever d'office des moyens de pur droit, mais interdiction. Une telle solution
ne saurait être approuvée, tant elle est en contradiction avec les termes mêmes de l'article 12 du Code
de procédure civile, selon lequel le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui
sont applicables. Il n'est pas exclu que les positions de la Cour de cassation évoluent encore,
notamment sous l'influence de la jurisprudence communautaire 842.

§ 2. LES RESTRICTIONS AU PRINCIPE

287 Division. – Le principe selon lequel le juge dispose des plus larges pouvoirs pour
l'application de la règle de droit connaît quelques restrictions, qui concernent tantôt le droit
procédural, tantôt le droit substantiel. Les restrictions concernant le droit procédural (A) doivent être
examinées en premier parce qu'elles résultent directement de la loi, alors que celles qui affectent le
droit substantiel (B) ne résultent que de la volonté des parties.

A. LE DROIT PROCÉDURAL

288 Position du problème. – Les restrictions apportées au pouvoir des juges à propos des
règles procédurales peuvent surprendre. Ne s'agit-il pas de règles qui intéressent plus directement le
juge que les règles de droit substantiel ? Ainsi en va-t-il, par exemple, des règles qui déterminent la
recevabilité d'une demande et, plus encore, de celles qui fixent sa compétence. Ce n'est pas de cette
façon qu'il faut aborder la matière. Il ne faut pas raisonner en termes de proximité des règles par
rapport au juge, mais en termes d'importance de la règle. Le législateur considère que les règles
procédurales sont moins importantes que les règles substantielles. Or la mise en jeu des règles
procédurales crée un débat nouveau et préalable à l'examen des questions de droit substantiel 843,
donc retarde cet examen. Le législateur envisage volontiers le sacrifice des règles procédurales au
profit d'un règlement plus rapide du procès. Ne pouvant empêcher les parties d'en demander
l'application 844, il se contente de restreindre les pouvoirs d'initiative du juge en fonction de
l'importance qu'il attribue à la règle de procédure. Aussi n'est-il pas surprenant que les pouvoirs du
juge soient plus importants pour les fins de non-recevoir (1) que pour les exceptions de procédure
(2).

1. Les fins de non-recevoir


289 Fins de non-recevoir d'ordre public ou non. – L'article 125 du Code de procédure civile
opère une distinction entre la fin de non-recevoir qui est d'ordre public et celle qui ne l'est pas. Pour
ce qui est de la première, comme celle tirée de l'expiration des délais dans lesquels doivent être
exercées les voies de recours ou de l'absence d'ouverture d'une voie de recours, que cite
l'article 125, la règle est que le juge a non seulement le pouvoir mais encore l'obligation de la
soulever d'office. Pareillement, l'article 126-2 du Code de procédure civile impose au juge confronté
à une question prioritaire de constitutionnalité 845 de relever d'office l'irrecevabilité de ce moyen,
lorsqu'il n'est pas présenté par son auteur « dans un écrit distinct et motivé ». Au contraire, lorsque la
fin de non-recevoir n'est pas d'ordre public, s'applique la solution inverse. Le juge n'a pas le pouvoir
de la soulever d'office. Il ne peut la prononcer qu'à la demande d'une partie. Ainsi en va-t-il en
particulier de la fin de non-recevoir fondée sur un défaut de publicité de certaines demandes en
justice au service chargé de la publicité foncière 846. Cependant, les fins de non-recevoir tirées du
défaut d'intérêt et, depuis un décret du 20 août 2004, de la chose jugée ou du défaut de qualité,
jouissent d'un régime intermédiaire, puisqu'aux termes de l'article 125, alinéa 2, le juge peut les
soulever d'office sans être tenu de le faire. De plus, il arrive de manière très originale que le juge soit
tenu de relever une fin de non-recevoir sans qu'une partie ait le droit de la soulever ! Ce régime
incongru est celui que l'article 963 du Code de procédure civile réserve à l'irrecevabilité d'un appel
ou d’une défense en appel dont l'auteur n'a pas acquitté le droit de 225 euros affecté au fonds
d'indemnisation de la profession d'avoué 847.
Le régime de l'article 125 du Code de procédure civile s'applique sans aucun doute aux véritables
fins de non-recevoir, qui sanctionnent l'application de règles procédurales, mais s'applique-t-il aussi
aux fins de non-recevoir artificielles, qui constituent en réalité des moyens tirés du droit
substantiel 848 ? Parfois, un texte rend cette question sans objet, en posant des règles propres à telle ou
telle prétendue fin de non-recevoir. Ainsi, pour ce qui est de la prescription, l'article 2247 du Code
civil dispose que le juge ne peut la soulever d'office, sans distinguer entre les prescriptions qui
seraient d'ordre privé et celles, moins nombreuses, qui seraient d'ordre public 849. De même, en droit
du surendettement, le Code de la consommation détermine les conditions dans lesquelles le juge peut
ou non relever d'office la prétendue fin de non-recevoir tirée de la mauvaise foi du débiteur, ces
conditions n'ayant rien à voir avec le régime de l'article 125 du Code de procédure civile 850. Mais,
lorsqu'aucun texte spécial ne fixe le régime applicable à une « fausse » fin de non-recevoir, on peut
effectivement s'interroger sur l'applicabilité de l'article 125 du Code de procédure civile. Si l'on
appliquait ce texte, la qualification artificielle que leur donne le législateur, pour que le juge les
examine avant les autres, priverait celui-ci de la possibilité de les soulever d'office chaque fois
qu'elles ne sont pas d'ordre public. On peut penser que tel n'est pas le souhait du législateur, et il
paraît préférable de les soumettre sur ce point aux règles qui correspondent à leur véritable
qualification 851.

2. Les exceptions de procédure

290 Principe de l'absence de pouvoir. – Les règles sanctionnées par une exception de
procédure sont tenues pour moins importantes que celles que sanctionne une fin de non-recevoir. Le
législateur y voit volontiers, et non sans quelque raison, un refuge de la chicane. Aussi est-il de
principe 852 que le juge ne peut soulever d'office l'inobservation de ces règles, par exemple celle des
règles de forme des actes de procédure 853.
Le principe connaît cependant des exceptions qui sont de deux sortes. D'abord, l'article 120 du
Code de procédure civile dispose que le juge doit relever d'office « les exceptions de nullité fondées
sur l'inobservation des règles de fond relatives aux actes de procédure (...) lorsqu'elles ont un
caractère d'ordre public ». Ce texte n'est doté que d'un domaine d'application très restreint. En
pratique, il n'intéresse guère que le défaut de pouvoir d'un représentant de l'État ou d'une collectivité
publique 854.
Il existe d'autres exceptions, plus nombreuses, où le juge a la faculté, mais non l'obligation, de
soulever d'office une exception de procédure. Le juge peut ainsi se déclarer incompétent d'office dans
les hypothèses strictement définies par les articles 92 et 93 du Code de procédure civile 855. En
application de l'article 100, le juge saisi en second peut aussi se dessaisir au profit du juge premier
saisi, en cas de litispendance 856. Enfin, l'article 120, alinéa 2, permet au juge de soulever d'office la
nullité d'un acte de procédure pour défaut de capacité (de jouissance 857 ou d'exercice 858) d'ester en
justice.

B. LE DROIT SUBSTANTIEL

291 Pouvoir des parties sur le droit substantiel. – Les alinéas 3 et 4 de l'article 12 du Code
de procédure civile 859 permettent aux parties de modifier les pouvoirs du juge de deux façons
différentes et pour ainsi dire opposées. L'alinéa 3 confère aux parties le pouvoir de lier le juge « par
les qualifications et points de droit auxquelles elles entendent limiter le débat », ce qui lui interdit
toute initiative juridique. Cette possibilité est subordonnée à deux conditions qui sont, d'une part,
qu'il s'agisse de droits dont les parties ont la libre disposition, donc qui ne soient pas d'ordre public
et, d'autre part, que la convention résulte d'un accord exprès. Une simple concordance des
conclusions des parties sur la règle de droit applicable ne suffit pas 860. L'alinéa 4 prévoit que les
parties peuvent aussi conférer au juge « mission de statuer comme amiable compositeur », c'est-à-
dire en équité. Il faut, comme pour l'alinéa 3, qu'il s'agisse de droits dont les parties ont la libre
disposition et que la convention résulte d'un accord exprès. En outre, l'accord ne peut intervenir
qu'une fois le litige né.
Ces textes, manifestement inspirés de l'arbitrage, ne présentent qu'un très faible intérêt pratique et,
dans les faits, il y est rarement recouru. Les parties qui souhaitent bénéficier des avantages de
souplesse que confère l'arbitrage ont presque toujours recours à un véritable arbitre privé qui leur
assure une plus grande discrétion. En revanche, ils présentent l'intérêt non négligeable de démontrer
l'inexactitude de la théorie développée par Henri Motulsky, selon laquelle le droit appartient au
juge 861. S'il en était réellement ainsi, les parties ne pourraient pas évincer le juge par une stipulation
contractuelle. Réciproquement, il faut bien que le droit soit aussi aux parties pour qu'elles puissent en
disposer lorsque l'ordre public n'est pas en jeu.

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CHAPITRE II
LE PRINCIPE DE LA CONTRADICTION

292 Les deux visages de la contradiction. – Le principe de la contradiction 862 est également
appelé principe contradictoire ou du contradictoire. Ces expressions sont synonymes et peuvent être
employées indifféremment. Principalement régi par les articles 14 à 17 du Code de procédure civile,
il signifie que les parties au procès doivent être mises en mesure de s'opposer mutuellement et
d'opposer au juge, les moyens et les preuves dont elles disposent à l'appui de leurs prétentions.
Proclamé à l'article 16, ce principe est décliné à travers d'autres dispositions du code, par exemple
l'article 132, qui dispose que « la partie qui fait état d'une pièce s'oblige à la communiquer à toute
autre partie à l'instance ». Son importance est telle que Motulsky a pu écrire qu'il relevait du droit
naturel 863, rejoignant en cela un vieil arrêt de la Cour de cassation 864. Depuis lors, le principe de la
contradiction a été consacré par le Conseil constitutionnel comme « principe général du droit » 865 et
rattaché à l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme par la Cour
européenne des droits de l'homme 866.
La contradiction comprend aujourd'hui deux visages bien différents. Celui qui vient à l'esprit en
premier régit les rapports entre les parties. En ce sens, le principe de la contradiction serait
l'expression d'un principe plus large de « loyauté des débats », non énoncé dans le Code de
procédure civile, mais consacré par la Cour de cassation 867. Le second visage du principe
contradictoire est apparu dans un second temps. Il est lié au développement des pouvoirs du juge et il
signifie que celui-ci doit soumettre ses initiatives juridiques à la discussion des parties. Chacun de
ces deux aspects sera examiné successivement (sections I et II). Mais, avant cela, il convient de
distinguer le principe de la contradiction du respect des droits de la défense.

293 Contradiction et droits de la défense. – Les droits de la défense ne se résument pas au


seul droit à la contradiction, même si ce dernier constitue le principal d'entre eux. Ainsi, le libre
choix d'un défenseur, la possibilité d'exercer un recours ou l'obligation qu'a le juge de motiver ses
décisions n'entrent pas dans le principe de la contradiction, mais font certainement partie des droits
de la défense. Pareillement, s'il n'est pas certain qu'il faille rattacher au principe contradictoire
stricto sensu le droit de développer librement des moyens nouveaux à divers stades de la procédure,
il est évident que ce droit se rattache aux droits de la défense. C'est l'occasion d'indiquer que ni le
principe de la contradiction, ni les droits de la défense ne sont absolus. Comme la plupart des droits
et principes juridiques, ils connaissent des limitations ou des dérogations. Ainsi, le droit de
développer des moyens nouveaux en cours de procès est strictement limité dans la procédure de
cassation 868. Il l'est également devant les juridictions du fond, par les règles régissant la recevabilité
des exceptions de procédure 869. Il l'est encore, du fait de l'émergence, en jurisprudence, du principe
de l'interdiction de se contredire au détriment d'autrui 870. En substance, sous des conditions qu'il
appartient encore à la Cour de cassation de définir précisément, un moyen pourrait être déclaré
irrecevable quand il est en contradiction avec les positions précédemment adoptées par son auteur.
Cette jurisprudence demande à être précisée et cantonnée dans des limites raisonnables, mais elle
illustre le fait que même un droit aussi important que celui de développer librement des moyens à
l'appui de ses prétentions peut connaître des limites. Il en va de même du principe de la contradiction
et des autres droits de la défense.

SECTION I
LE PRINCIPE DE LA CONTRADICTION ENTRE LES PARTIES

294 Justification du principe. – Il suffit de quelques mots pour indiquer les raisons qui
justifient le principe de la contradiction entre les parties, tant elles sont puissantes et claires : d'une
part, c'est un principe élémentaire de justice qu'une personne puisse faire valoir ses arguments avant
d'être jugée, d'autre part, pour rendre un jugement éclairé, le juge a besoin d'entendre toutes les
parties au procès. C'est ce qu'exprime l'adage latin : audi et alteram partem 871, c'est-à-dire : écoute
aussi l'autre partie. Aussi puissant que soit le principe (§ 1), il souffre cependant une exception (§ 2).

§ 1. LE PRINCIPE

295 Plan. – Le principe de la contradiction entre les parties se manifeste d'abord au moment de
la présentation des demandes. Il commande que le défendeur ait connaissance des demandes qui sont
formées contre lui, pour être à même de participer aux débats (A). Il se manifeste encore pendant tout
le cours du procès par l'exigence d'un débat pleinement contradictoire (B).

A. L'INFORMATION DU DÉFENDEUR

296 Partie entendue ou appelée. – L'article 14 du Code de procédure civile pose en principe
que « nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée ». Il faut ainsi que le
défendeur soit informé des demandes qui ont été soumises au juge pour qu'il puisse participer aux
débats et présenter sa défense. Il a déjà été indiqué 872 avec quelle minutie le législateur réglementait
la rédaction et la signification des actes d'huissier. Or, en droit judiciaire privé, l'acte d'huissier, c'est
d'abord l'assignation, qui contient la citation adressée au défendeur d'avoir à comparaître devant le
tribunal. Tout est mis en œuvre pour que le défendeur ait connaissance du procès qui lui est intenté.
L'étude du déroulement du procès fera apparaître d'autres applications de ce principe 873. Signalons
seulement ici que, pour être à même de se défendre avec efficacité, le défendeur dispose d'un délai
destiné à lui permettre de s'organiser. En général, ce délai est de quinze jours 874.
La rédaction de l'article 14 appelle deux observations. La première est qu'en énonçant que l'autre
partie doit être « entendue ou appelée », la loi n'exige pas que le défendeur soit effectivement
entendu. Le mot important est « appelé ». Si l'expression ne sonnait pas mal aux oreilles, on pourrait
dire : « appelé pour être entendu ». Il lui appartient ensuite de choisir l'attitude qu'il entend adopter. Il
est libre de participer ou de ne pas participer au procès. S'il choisit de ne pas y participer, il
supportera les conséquences de son abstention volontaire 875. Le procès se déroulera sans lui, car il
serait anormal qu'un défendeur puisse paralyser le cours de la justice en ne comparaissant pas. Ce
serait une prime à la mauvaise foi ! En second lieu, il faut encore remarquer que la règle de
l'article 14 ne trouve pas à s'appliquer seulement au moment de l'introduction de l'instance. Elle joue
pour toutes les demandes, même incidentes. En particulier, la Cour de cassation censure
systématiquement les juridictions qui statuent sur des demandes additionnelles résultant d'une simple
déclaration à l'audience, dans les procédures orales, lorsque le défendeur n'a pas encore comparu 876.
En effet son défaut de comparution peut ne tenir qu'au contenu de la seule demande dont il est informé
et à laquelle, par exemple, il n'a aucun argument sérieux à opposer. Il n'a pas pour autant renoncé à se
défendre contre d'autres demandes 877.

B. L'INSTAURATION D'UN DÉBAT CONTRADICTOIRE

297 Information mutuelle des parties. – Le principe de la contradiction continue de se


manifester à l'intérieur du procès, lorsque les parties ont comparu. L'article 15 du Code de procédure
civile dispose en effet que « les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les
moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent
et les moyens de droit qu'elles invoquent ». Désormais l'obligation ne pèse plus uniquement sur le
demandeur. Le défendeur lui aussi est tenu de faire connaître ses arguments au demandeur. Pour
l'essentiel, les parties sont tenues de deux obligations : d'abord, elles doivent échanger leurs
conclusions, c'est-à-dire notifier à l'adversaire les écrits dans lesquels elles développent leurs
prétentions et leurs moyens de fait et de droit. Ensuite, elles doivent se communiquer mutuellement
leurs pièces. On désigne sous ce nom tous les documents utilisés pour établir la réalité d'un fait
allégué.
La communication de pièces, qui nous intéresse présentement doit être soigneusement distinguée
de la production de pièces. Produire une pièce, c'est la verser aux débats comme moyen de preuve.
Une pièce est soumise à l'examen du juge parce que la partie qui la produit estime que cette pièce
établit ou concourt à établir la réalité d'un fait concluant. La production de pièces intéresse les
rapports entre la partie et le juge, parce que c'est au juge que doivent être apportés les éléments de
preuve : c'est lui qu'il faut convaincre. Communiquer une pièce, c'est fournir à l'adversaire une pièce
dont on compte se servir comme élément de preuve, que l'on compte produire. À proprement parler,
la communication de pièces est étrangère à la preuve, car il importe peu que l'adversaire soit
convaincu ou non de la valeur probante de la pièce qui lui est communiquée. La communication de
pièces est une application du principe de la contradiction. C'est un élément indispensable pour que se
déroule un débat pleinement contradictoire. S'il arrive que la production et la communication de
pièces soient confondues, c'est qu'elles vont normalement de pair. En effet, aux termes de l'article 132
du Code de procédure civile, « la partie qui fait état d'une pièce s'oblige à la communiquer à toute
autre partie à l'instance ».
Le plus souvent, comme le prévoit le second alinéa de l'article 132, le respect de la contradiction
est le fait spontané des parties. En cas de difficulté, il appartient au juge de faire respecter cette
obligation : l'article 16 du Code de procédure civile fait de lui le garant de la loyauté des débats.
C'est ainsi qu'une partie peut demander au juge d'enjoindre à l'adversaire de communiquer une
pièce 878. Le juge peut impartir des délais et assortir sa décision d'une astreinte 879. Si toutes ces
mesures ne suffisent pas, l'article 135 dispose que le juge peut et en réalité doit « écarter du débat les
pièces qui n'ont pas été communiquées en temps utile », de façon à dissuader les parties de se livrer à
des manœuvres déloyales 880. Si le juge doit écarter les pièces qui n'ont pas été communiquées en
temps utile, a fortiori doit-il le faire pour celles qui ne l'ont pas été du tout, ainsi que le prévoit
l'article 16, alinéa 2, du Code de procédure civile.

298 Preuve de la communication des pièces. – Ces solutions ne suscitent par elles-mêmes
aucune discussion. Les difficultés que l'on rencontre en pratique portent sur la preuve de la
communication. Comment savoir si une pièce qui a été produite a été réellement communiquée à
l'adversaire ? Pour augmenter ses chances de succès, un plaideur peut être en effet tenté de produire
une pièce, sans la communiquer, notamment en la glissant dans le dossier de plaidoirie 881 que les
parties remettent traditionnellement au tribunal à l'issue des débats oraux 882. Le juge croit que la
pièce a été communiquée et statue en la prenant en compte, si bien que l'autre plaideur a la
désagréable surprise d'apprendre l'existence et surtout la production de la pièce en même temps que
la condamnation prononcée contre lui.
La question est de savoir sur qui pèse le risque de la preuve. À défaut de preuve dans un sens ou
dans un autre, doit-on présumer que les pièces ont été régulièrement communiquées ? Cette question,
qui a été très longtemps débattue, reçoit aujourd'hui une réponse satisfaisante lorsque la procédure est
écrite. La réponse proposée par la Cour de cassation, lorsque la procédure est orale, est moins
satisfaisante.

299 Preuve et procédure écrite. – Pour les instances soumises à une procédure écrite, il a
existé autrefois une opposition très marquée entre la deuxième et la troisième chambres civiles de la
Cour de cassation. La deuxième chambre civile décidait 883 « qu'en l'absence de tout incident de
communication de pièces, il doit être présumé que les documents critiqués ont été régulièrement
versés aux débats et soumis à la discussion contradictoire des parties ». À l'inverse, la troisième
chambre civile exigeait 884 une preuve positive, cassant les décisions se fondant sur des pièces dont
rien n'établissait qu'elles avaient fait l'objet d'une communication régulière. Des deux solutions, c'est
certainement celle retenue par la troisième chambre civile qu'il faut préférer, pour deux raisons qui se
complètent. D'une part, l'absence d'incident de communication ne prouve rien. Un plaideur ne crée
d'incident de communication que s'il sait que son adversaire produit ou compte produire une pièce
qui ne lui a pas été communiquée. Mais il ne peut deviner que cet adversaire veut insérer
discrètement une pièce dans le dossier de plaidoirie. L'absence d'incident ne prouve donc que
l'habileté du plaideur peu scrupuleux ! D'autre part, la partie qui se plaint de ne pas avoir eu
communication de la pièce est, en fait, dans l'impossibilité de renverser la présomption qui jouerait
contre elle. Comment peut-on prouver que l'on n'a pas eu communication d'une pièce ? Il est
critiquable de faire peser la charge de la preuve sur une partie qui n'a aucun moyen de s'en acquitter.
En revanche, il est possible pour celui qui a communiqué une pièce de se ménager une preuve de la
communication qu'il a opérée.
Après quelques hésitations, la deuxième chambre civile s'est décidée à modifier sa position en
cassant 885 un arrêt qui s'était fondé sur des pièces alors, dit la Cour, qu'il n'apparaissait ni des
mentions de l'arrêt, ni du bordereau de communication de pièces qu'elles avaient été communiquées,
et qu'elles n'étaient pas visées dans les conclusions des parties. À l'heure actuelle, c'est donc une
solution nuancée qu'adopte la Cour de cassation. Il n'existe plus de présomption générale de
communication, dans les procédures écrites. La preuve de celle-ci peut d'abord résulter expressément
d'une mention de la décision. Il s'agit là de la preuve la plus forte, puisque la mention vaut jusqu'à
inscription de faux 886. À défaut, la présomption de régularité joue lorsque la pièce est mentionnée
dans le bordereau de communication de pièces 887. D'ailleurs, l'article 815, alinéa 2, du Code de
procédure civile énonce expressément que « la communication des pièces produites est valablement
attestée » par la signature de l'avocat destinataire apposée sur le bordereau au moment de sa remise
avec les pièces qu'il accompagne. Il appartient donc à l'avocat signataire de renverser cette
présomption en prouvant qu'en réalité telle ou telle pièce mentionnée sur le bordereau ne figurait pas
au nombre de celles qui lui ont été communiquées. Ce sera évidemment très difficile. En quelque
sorte, l'article 815, alinéa 2, pose une présomption légale simple de communication, en présence d'un
bordereau de communication signé de son destinataire. D'autres types de bordereaux peuvent être à
l'origine d'une présomption, mais, cette fois-ci, de fait. Il s'agit des bordereaux visés aux articles 56
et 753 du Code de procédure civile, qui accompagnent l'assignation et les conclusions devant le
tribunal de grande instance 888. À la différence de celui visé à l'article 815, ceux-ci n'accompagnent
pas des pièces au moment de leur communication, ils se bornent à les mentionner. Leur portée est
donc moindre. Ils doivent simplement attirer l'attention de l'adversaire sur l'existence de telle ou telle
pièce et il n'en découle pas immédiatement une présomption de communication. On peut dire la même
chose des conclusions d'une partie : si elles mentionnent une pièce qui, en réalité, n'a pas été
communiquée, l'adversaire est censé réagir. Toutefois, dans ce dernier cas, comme en présence d'un
bordereau des articles 56 ou 753, la communication ne pourra raisonnablement être présumée qu'à
partir du moment où il se sera écoulé un temps significatif sans que l'adversaire ait soulevé l'absence
de communication.
En dehors de ces diverses hypothèses où l'on peut retenir une présomption légale ou de fait, il
appartient à la partie qui doit communiquer d'apporter par tous moyens la preuve de l'exécution de
son obligation.

300 Preuve et procédure orale. – La procédure orale ne se prête pas aussi facilement à la
préconstitution d'une preuve de la communication, surtout lorsque les parties ne sont pas représentées
ou assistées par un professionnel du droit. Ainsi, la partie qui comparaît seule devant un conseil de
prud'hommes ne rédige en général ni conclusions écrites, ni bordereau de communication. Ce sont
sans doute ces raisons qui ont conduit la Cour de cassation, en particulier la chambre sociale, à
décider, à plusieurs reprises, que les documents dont la production n'avait donné lieu à aucune
contestation étaient réputés, sauf preuve contraire, avoir été régulièrement versés aux débats
et soumis à la libre contradiction des parties 889. La solution retenue par la Cour de cassation ne peut
être approuvée. En effet, on peut, même lorsque la procédure est orale, mettre en œuvre des procédés
simples pour prouver la communication des pièces. D'abord, chaque fois que les parties sont
assistées d'un avocat, ce qui est très fréquent, il n'existe aucune raison de dispenser celui-ci d'établir
un bordereau de communication ou de viser dans les conclusions qu'il rédige les pièces sur
lesquelles il s'appuie. En l'absence d'avocat, il peut paraître difficile d'exiger d'une partie la
confection d'une liste écrite, mais la preuve de la communication peut être apportée au moyen d'une
mention opérée par le greffier ou par le juge au moment où la communication est effectuée 890. À
défaut de mention, la juridiction peut encore, en cours de délibéré, vérifier auprès de la partie
intéressée que la communication a eu lieu. L'article 16 du Code de procédure civile ne confie-t-il pas
au juge la mission de veiller, en toutes circonstances, au respect du principe de la contradiction ?

§ 2. L'EXCEPTION
301 Mesure prise à l'insu d'une partie. – Quelle que soit la valeur que l'on attache au principe
de la contradiction, il existe cependant quelques cas où il est nécessaire de l'écarter au moins
temporairement. La matière gracieuse ne constitue qu'une fausse exception au principe de la
contradiction. Si le demandeur n'appelle aucune autre partie, c'est que sa demande n'est pas formée
contre un adversaire 891. Qui donc pourrait-il appeler ? En revanche, c'est une véritable dérogation
qui est apportée au principe de la contradiction quand un plaideur peut obtenir du juge une décision
contre un adversaire sans que celui-ci ait été préalablement appelé. C'est cette situation que régit
l'article 17 du Code de procédure civile pour les cas où « la loi permet » ou « la nécessité commande
qu'une mesure soit prise à l'insu d'une partie ». Ainsi, en cas d'urgence, la loi permet au demandeur
de saisir sur requête le président du tribunal de grande instance d'une demande d'assignation à jour
fixe 892. Pareillement, la nécessité commande, pour que la mesure sollicitée soit efficace, que la
demande d'autorisation de procéder à un constat d'adultère 893 ne soit pas portée à la connaissance de
l'autre époux : l'effet de surprise suppose une procédure non contradictoire. Le moyen utilisé est alors
le plus souvent l'ordonnance sur requête 894.
L'article 17 du Code de procédure civile déroge véritablement au principe de la contradiction,
puisque le juge saisi sur requête statue sans que la personne contre laquelle la mesure est sollicitée
ait eu la possibilité de faire valoir sa défense. La prescription de l'article 14 n'est donc pas
respectée. Mais, comme il est normal, le législateur limite la dérogation à ce qui est strictement
nécessaire. C'est pourquoi l'article 17 ajoute que la partie à l'insu de laquelle la mesure a été
ordonnée « dispose d'un recours approprié contre la décision qui lui fait grief ». Lorsque la décision
est une ordonnance prise sur requête, le recours approprié consiste en une demande en rétractation
portée en la forme des référés devant le juge même qui a rendu l'ordonnance 895. Ainsi se manifeste le
souci de permettre un rétablissement a posteriori de la contradiction entre les parties, dont les
rédacteurs du Code de procédure civile ont entendu souligner l'importance, en l'incorporant dans les
principes directeurs du procès.

SECTION II
LE PRINCIPE DE LA CONTRADICTION À L'ÉGARD DU JUGE

302 Second sens du principe. – Il a été indiqué 896 qu'à l'égard du juge, le principe de la
contradiction n'a pas le même sens qu'entre les parties, parce que le juge n'est l'adversaire de
personne. L'expression est malheureuse, mais elle est utilisée par le Code de procédure civile et elle
est consacrée par l'usage. Elle signifie que le juge doit soumettre à la discussion des parties les
initiatives qu'il prend dans l'application du droit. Le principe de la contradiction à l'égard du juge est
lié au développement de ses pouvoirs juridiques. Si le juge était confiné dans un rôle purement passif
ne lui permettant que d'adopter l'une des deux thèses juridiques que les parties ont développées
devant lui, la question ne se poserait pas. Mais l'article 12 du Code de procédure civile reconnaît au
juge les plus larges pouvoirs pour l'application du droit. Le juge peut avoir à trancher un litige en
appliquant d'office une règle différente de celles qu'ont invoquées les parties. Le principe de la
contradiction régit la façon dont il doit alors exercer ces pouvoirs.

303 Principe de la contradiction et office du juge. – L'importance du principe de la


contradiction ne doit pas conduire à lui conférer un rôle qui ne saurait être le sien. C'est une idée qui
peut venir à l'esprit qu'il importe peu, en soi, que le juge dispose de tel ou tel pouvoir, pourvu qu'en
usant de ce pouvoir, il respecte le principe de la contradiction. L'idée peut séduire au premier abord ;
elle doit cependant être rejetée en ce qu'elle méconnaît l'ordre rationnel des choses. Dans un premier
temps, il faut déterminer quelles sont les prérogatives qu'il convient de reconnaître au juge dans le
cadre d'un procès civil. Ce n'est que dans un second temps qu'on s'interroge sur la façon dont le juge
exerce lesdites prérogatives. Inversement, il est irrationnel de partir d'une modalité d'exercice des
pouvoirs du juge pour fixer leur étendue ; en d'autres termes, le principe de la contradiction ne permet
pas de déterminer l'étendue de l'office du juge 897.

304 Plan. – Le principe est posé par l'article 16 du Code de procédure civile. En dépit du
caractère récent de ce code, l'article 16 a déjà connu plusieurs rédactions ; il a eu, si l'on peut dire,
une vie agitée qu'il est opportun de retracer parce qu'elle est instructive (§ 1). L'état actuel du droit
pourra ensuite être abordé (§ 2).

§ 1. LES RÉDACTIONS SUCCESSIVES DE L'ARTICLE 16

305 Premières rédactions de l'article 16. – Le texte qui devait devenir l'article 16 du Code de
procédure civile figurait déjà, sous le même numéro, dans le premier décret dont est issu ce Code, le
décret n 71-740 du 9 septembre 1971. Il disposait alors, dans son premier alinéa, que « le juge doit,
o

en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ».


L'alinéa 2 ajoutait qu'il « ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit, autres que d'ordre
public, qu'il a relevés d'office (...) sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs
observations ». Ce texte imposait donc au juge de rouvrir les débats chaque fois qu'il soulevait
d'office un moyen de droit. Il n'était soustrait à cette obligation que dans le cas où le moyen était
d'ordre public. Ce texte devait connaître une première modification avec le décret n 72-684 du
o

20 juillet 1972, qui abrogeait dans l'alinéa 2 les mots « autres que d'ordre public ». Ainsi se trouvait
supprimée la seule exception à l'obligation pour le juge de respecter le principe de la contradiction :
il avait donc, dans tous les cas, l'obligation d'inviter les parties à présenter leurs observations.
Le décret n 75-1123 du 5 décembre 1975, instituant un nouveau Code de procédure civile, allait
o

lui faire subir une modification d'une tout autre ampleur. Le premier alinéa de l'article 16 du décret
de 1971, devenu l'article 16 du Code de procédure, disposait désormais que « le juge doit, en toutes
circonstances, faire observer le principe de la contradiction ». Ainsi le juge n'était-il plus tenu de
respecter lui-même la contradiction (l'alinéa 2 ne concernait pas ce sujet). Le changement ne passa
pas inaperçu : la nouvelle rédaction suscita une forte réaction d'hostilité de la part des praticiens.
Pour tenter de la calmer, le décret n 76-714 du 29 juillet 1976 modifia légèrement l'alinéa 2 en
o

précisant que le juge ne pouvait retenir les moyens des parties que si celles-ci avaient pu en débattre
contradictoirement. En réalité, rien n'était changé pour ce qui est du magistrat lui-même, puisque ce
texte n'intéressait que le respect de la contradiction entre les parties.

306 Signification des modifications intervenues. – Peut-être est-ce le moment de s'arrêter


quelques instants au milieu de l'histoire de l'article 16 du Code de procédure civile, pour essayer de
comprendre le sens des modifications intervenues. Les premiers décrets ont été élaborés au sein
d'une commission qui comprenait évidemment des magistrats, mais dans laquelle étaient aussi
représentées d'autres professions judiciaires, ainsi que l'Université 898. On sait par ailleurs l'influence
qu'y exerçait Henri Motulsky et l'attachement de cet auteur au respect du principe de la contradiction.
Les premières rédactions de l'article 16 traduisent ces influences. Il n'en va pas de même de celles
qui furent adoptées en 1975 et 1976, qui ne résultent que des pressions exercées par des magistrats
sur la Chancellerie et sur les rédacteurs du Code. Ces textes reflètent donc leurs conceptions 899. Pour
eux, le juge n'est pas soumis au principe de la contradiction, d'abord parce qu'il n'est pas une partie et
que la notion de contradiction implique un antagonisme qui lui est étranger ; et ensuite parce que le
droit lui appartient comme le fait appartient aux parties. Pour les magistrats, il existe un lien évident
entre les articles 12 et 16 du Code de procédure civile : si le droit appartient au juge, pourquoi
devrait-il en conférer avec les parties 900 ?
Ces raisons ne sauraient emporter la conviction. Au fond, contrairement à ce que l'on peut être
tenté de penser dans un premier temps, l'article 12 et l'article 16 du Code de procédure civile doivent
être soigneusement distingués l'un de l'autre. L'article 12 reconnaît au juge le pouvoir d'appliquer
d'office les règles de droit appropriées. On voit que l'objet de cet article est de définir l'étendue des
pouvoirs du juge. L'article 16 a un tout autre objet. Il ne vise qu'à définir l'attitude procédurale que
doit adopter le juge quand il entend exercer les pouvoirs que lui confère l'article 12. Peut-il, selon
l'expression d'un auteur 901, relever les moyens « en secret » ou doit-il les relever « au plein jour » ?
Il est clair que l'étendue des pouvoirs ne détermine pas la façon dont ils doivent être exercés. On peut
même dire que le simple bon sens appelle le principe de la contradiction : plus les pouvoirs d'une
personne sont étendus, plus elle doit les exercer avec prudence. Le respect systématique par le juge
de la contradiction ne constitue de sa part qu'une simple mesure de précaution. Comme tous les autres
juristes, le juge peut se tromper et une discussion avec les parties permet parfois d'éviter des erreurs
malencontreuses 902. Par ailleurs, le secret suscite le soupçon. Le meilleur moyen d'entretenir la
confiance des justiciables est d'agir en tout au grand jour 903.
Il est possible aussi que ces magistrats aient été influencés par la mauvaise formulation qui peut
être faite des principes contenus par les articles 12 et 16. D'abord, ils ont pu être influencés par
l'adage : aux parties le fait, au juge le droit. Nous avons vu qu'en réalité, il est tout à fait inexact de
dire que le droit appartient au juge. Le droit est un bien commun à tous les membres de la société et
le juge ne peut se l'approprier 904. Par ailleurs, il est certain qu'il est malvenu de parler de
contradiction à propos du juge et l'on comprend que des magistrats aient manifesté quelque réticence
à l'égard d'un principe qui semblait les assimiler aux plaideurs. Mais, au-delà des mots, c'est la
réalité qui compte, c'est-à-dire la façon dont le juge doit exercer ses pouvoirs et, sur ce point, la
position de ces magistrats était critiquable.

307 Annulation par le Conseil d'État et nouvelle rédaction. – On peut maintenant reprendre
le cours de l'histoire de l'article 16 du Code de procédure civile. La rédaction adoptée en 1975
et 1976 n'avait pas seulement suscité des protestations verbales. Des associations d'avocats avaient
également formé un recours devant le Conseil d'État tendant à l'annulation de ce texte. Le recours a
donné lieu à un arrêt important de la section du contentieux, du 12 octobre 1979 905, « Rassemblement
des nouveaux avocats de France ». L'arrêt annule le premier alinéa de l'article 16 au motif que le
principe de la contradiction constitue une garantie essentielle des justiciables 906. Le Conseil d'État
n'admet de restriction à ce principe que pour les moyens d'ordre public 907. Dans ce même arrêt, le
juge administratif annule aussi l'article 12, alinéa 3, permettant au juge de relever d'office les moyens
de droit, en tant qu'il serait indivisible de l'article 16 : pour le Conseil d'État, le pouvoir de soulever
d'office un moyen suppose le respect de la contradiction. Cette annulation par ricochet de
l'article 12, alinéa 3, est une erreur manifeste 908. En annulant l'article 16 du Code de procédure
civile, le Conseil d'État fait revivre l'article 16 du décret de 1971 ; le principe de la contradiction se
trouve restauré, ce qui justifie le pouvoir reconnu aux juges par l'article 12, alinéa 3. Quoi qu'il en
soit sur ce point, il est constant que l'annulation de ce texte n'a entraîné aucune modification du droit
positif. Le changement opéré par le Conseil d'État est demeuré purement formel 909.
L'arrêt du Conseil d'État créait une situation qui n'était guère satisfaisante en la forme. Il fallait
réécrire l'article 16 du Code de procédure civile. Les rédacteurs du Code y ont procédé d'une façon
irréprochable dans le décret n 81-500 du 12 mai 1981. Désormais, l'article 16 comporte trois
o

alinéas. Le premier alinéa reprend la formule initiale du décret de 1971 : « le juge doit, en toutes
circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ». Le deuxième
alinéa demeure inchangé, en ce qui concerne les moyens des parties. Enfin, le troisième alinéa
reprend en l'explicitant le second alinéa du texte de 1972 : le juge « ne peut fonder sa décision sur les
moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs
observations ». On remarquera que les rédacteurs du texte n'ont pas utilisé la distinction peu solide
que permettait le Conseil d'État entre les moyens d'ordre public et ceux qui ne le sont pas. Le
principe de la contradiction s'impose dans tous les cas au juge.

§ 2. LE DROIT POSITIF ACTUEL

308 Principe. – Le texte de l'article 16 du Code de procédure civile n'ayant plus été modifié
depuis le décret du 12 mai 1981, c'est son application par les tribunaux qu'il faut maintenant
examiner. Globalement, il est de plus en plus largement appliqué. Ainsi, après avoir, pendant quelque
temps, soustrait au principe de la contradiction l'application des fins de non-recevoir d'ordre
public 910, la Cour de cassation a abandonné cette solution en 1981 911. Plus récemment, la Cour a
décidé que les juges ne pouvaient pas refuser de tenir compte de pièces non produites, mais visées au
bordereau récapitulatif qui, devant le tribunal de grande instance, accompagne les conclusions des
parties 912, sans inviter ces dernières à s'expliquer sur l'absence de ces pièces au dossier 913, du moins
quand leur communication n'est pas contestée. Il en va de même, quand une erreur a visiblement été
commise au moment de la production, la pièce produite n'étant pas celle sur laquelle se fonde la
partie 914. Pareillement, avant de rejeter une demande de dommages et intérêts au motif que les
éléments de preuve rapportés ne permettent pas de déterminer le préjudice selon la méthode retenue
par la cour d'appel, celle-ci doit mettre les demandeurs en mesure de justifier dudit préjudice, dès
lors qu'ils demandent la confirmation pure et simple du jugement qui a fait application d'une méthode
d'évaluation différente 915. Ces arrêts montrent bien que le principe contradictoire impose aux juges
de dialoguer avec les parties. Dans cette optique, la loyauté ne doit pas caractériser les seuls
rapports entre elles, mais aussi les rapports entre elles et les magistrats. Ceux-ci doivent être loyaux
envers les plaideurs et s'abstenir de les « prendre en traîtres ».
Malgré tout, il existe encore quelques dérogations ou atténuations jurisprudentielles au principe
de la contradiction. Plus précisément, il reste deux difficultés, l'une qui touche au respect même du
principe, l'autre seulement à la preuve de son respect.

309 Limites apportées au respect du principe. – De manière générale, la Cour de cassation


impose aux juges du fond le plein respect de la contradiction chaque fois que, de leur propre
initiative, ils relèvent un moyen ou procèdent à une requalification. Il convient cependant de signaler
une jurisprudence dont on a pu espérer, pendant un temps, qu'elle appartenait au passé. Il s'agit de la
jurisprudence dite des « moyens dans la cause » ou « moyens dans le débat ». La Cour de cassation
fait appel à cette notion, de deux façons différentes. Au sens étroit, le moyen dans la cause est celui
qui touche à l'application de la règle de droit invoquée. Par exemple, le fait de demander une enquête
met dans la cause (dans le débat) le moyen tiré de l'admissibilité de la preuve testimoniale 916. Ou
encore, lorsqu'une partie soulève une exception de procédure, est dans le débat la question de la
recevabilité de ce moyen de défense 917. Dans un sens plus large, on parle encore de moyen dans la
cause lorsque le juge donne, en pur droit, une qualification différente aux faits discutés par les
parties 918 ou attribue un contenu différent à une règle qu'elles ont invoquée 919. Que le moyen dans la
cause soit pris au sens étroit ou au sens large, le régime qui lui est donné constitue une anomalie que
l'on ne peut justifier. En effet, dès lors qu'un moyen mérite cette qualification, le juge du fond est
dispensé, par la haute Juridiction, de le soumettre à la discussion des parties. Outre qu'elle ne repose
sur aucun texte, cette solution méconnaît que, dans tous les cas, le juge soulève un moyen qui n'a pas
été discuté par les parties, et elle met ces dernières dans l'impossibilité d'apporter au débat des faits
dont elles ne pensaient pas qu'il était nécessaire en l'état de les alléguer, faits qui pourraient faire
apparaître l'inexactitude de la construction juridique édifiée par le juge 920. La France a d'ailleurs été
condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme, pour violation du droit à un procès
équitable, dans une affaire où le gouvernement avait cru pouvoir échapper à la condamnation en
invoquant la théorie des moyens dans la cause 921.
Durant les années 1990, on a pu croire que la Cour de cassation allait renoncer à cette regrettable
jurisprudence, car la fréquence des références qu'elle faisait à la notion de moyen dans la cause
semblait diminuer. En réalité, il apparaît que la théorie des moyens dans le débat est toujours
d'actualité 922. De surcroît, on peut se demander si, parfois, la Cour de cassation ne l'applique pas
sans le dire 923. Tout se passe comme si le respect du principe de la contradiction constituait une
charge dont les juges cherchent périodiquement à s'affranchir.
Par ailleurs, la Cour de cassation continue à méconnaître les exigences du principe de la
contradiction dans le cas où le demandeur ne précise pas le fondement juridique de sa prétention,
c'est-à-dire la règle de droit sur laquelle il se fonde 924. La Cour considère alors qu'en retenant la
règle applicable au litige, le juge ne relève aucun moyen, puisqu'il n'applique aucune règle différente
de celle invoquée par le demandeur 925. Le raisonnement est très loin d'être convaincant. Il est au
contraire certain que, le juge devant trancher le litige selon la règle applicable, il relève
nécessairement un moyen, puisque le demandeur n'en a pas proposé : la règle de droit finalement
retenue n'est pas apparue dans un nuage... En outre, la solution conduit à un résultat particulièrement
aberrant lorsque l'on se place du côté du défendeur. Si son adversaire invoque un moyen, il sait que
le juge n'appliquera pas une autre règle de droit sans l'avoir invité à présenter des observations. En
revanche, si le demandeur ne dit rien, il faut que le défendeur envisage absolument toutes les règles
de droit susceptibles de s'appliquer aux faits exposés par son adversaire, car le juge pourra appliquer
en secret la règle qu'il estimera convenir aux faits 926.

310 Preuve du respect du principe. – La seconde difficulté concerne la preuve du respect du


principe de la contradiction par le juge. Dans les procédures écrites, cette question ne soulève pas
vraiment de problème, car les parties exprimant leurs moyens à travers des conclusions, il est aisé de
déterminer si un moyen a été proposé par l'une d'elles ou si, au contraire, il a été relevé d'office par
les magistrats. Et si, dans la seconde de ces situations, il n'apparaît nulle part que les parties ont été
invitées à donner leur avis sur ce moyen, on en déduira sans peine que le principe du contradictoire
n'a pas été respecté. Les choses se présentent moins simplement dans le cadre des procédures orales.
En effet, dans ces procédures, les parties ne déposent pas systématiquement des conclusions, elles
peuvent présenter des moyens nouveaux à l'audience (donc oralement) et on ne retrouve pas le
formalisme d'une procédure écrite. Il arrive ainsi qu'à l'audience, les juges soumettent aux parties un
moyen qu'ils envisagent de relever d'office, moyen sur lequel celles-ci vont s'exprimer sur-le-champ,
dans une discussion improvisée, pour ne pas dire « à bâtons rompus ». Cet échange de vues ne
laissera pas forcément de trace et, notamment, il est possible que les juges retiennent finalement, dans
leur décision, le moyen qu'ils avaient imaginé, sans penser à préciser qu'ils ont préalablement invité
les parties à s'exprimer sur ce point. C'est à propos des procédures orales que la Cour de cassation a
instauré une véritable présomption de respect du principe de la contradiction. Lorsqu'une partie
soutient devant la Cour de cassation que le juge a soulevé d'office un moyen sans inviter les parties à
présenter leurs observations, la Cour répond de façon constante que les « moyens retenus par le
jugement sont présumés avoir été débattus contradictoirement » 927. Cette solution est encore plus
critiquable que celle qu'a prônée la chambre sociale en 1984 928, concernant la communication des
pièces entre les parties. En effet, il est très facile pour le juge d'indiquer dans sa décision qu'il relève
d'office un moyen, après avoir mis les parties à même de s'expliquer ; inversement, la partie qui se
plaint de l'atteinte au principe de la contradiction ne peut pas, sauf circonstances exceptionnelles,
renverser la présomption que pose la Cour de cassation.

BIBLIOGRAPHIE

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o

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P. RAYNAUD, « L'obligation pour le juge de respecter le principe de la contradiction. Les vicissitudes
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G. WIEDERKEHR, « Le principe du contradictoire », D. 1974, chr. p. 95.
SOUS-TITRE 2
LE RECOURS AU JUGE

311 Plan. – Il ne suffit pas de connaître les principes directeurs qui organisent le déroulement
du procès. Une question plus fondamentale doit encore être posée. Que recouvre le procès ? Dans
quelles situations a-t-on recours au juge ? Dans la très grande majorité des cas, la réponse n'est pas
douteuse. Il est demandé au juge de trancher un litige : le recours au juge permet de mettre fin à un
contentieux qui oppose des particuliers entre eux. Le corollaire est que la majorité des actes du juge
consistent en des jugements contentieux. Mais, si les jugements contentieux forment la catégorie la
plus importante et sans doute la plus significative des actes du juge, d'autres actes existent, qui ne
sauraient y être incorporés. C'est ainsi qu'à côté des jugements contentieux, on distingue
traditionnellement les jugements gracieux. Il faut s'interroger sur la diversité des actes du juge
(chapitre I). À l'intérieur même du contentieux, la même question doit être posée. Tous les jugements
contentieux ne sont pas identiques : une ordonnance de référé n'est pas identique à un jugement au
principal. Dans un second temps, sera donc abordée la diversité des contentieux (chapitre II).
CHAPITRE I
LA DIVERSITÉ DES ACTES DU JUGE

312 Présentation. – La diversité des actes du juge, dont la réalité n'est pas discutée, s'ordonne
traditionnellement autour de la distinction des jugements contentieux et gracieux. Cette classification
est d'une importance primordiale. C'est elle qui se trouvera au cœur de ce chapitre. Pour autant, elle
n'est pas exhaustive. Il existe des actes qui n'appartiennent ni à l'une ni à l'autre catégorie. On doit
repousser la tentation de rattacher à la catégorie des jugements gracieux tous les actes qui ne sont pas
des jugements contentieux, car ce serait faire des jugements gracieux une catégorie purement négative.
Il n'en est rien : on verra que cette catégorie se définit de façon positive, à partir d'éléments
constitutifs qui la distinguent de celle des jugements contentieux. Mais alors, si certains actes
n'entrent pas dans cette classification, il faut en déduire nécessairement qu'il existe d'autres
classifications qui se situent en amont de celle-ci. Quelles sont-elles ?

313 Décisions et actes non décisionnels. – Il semble que la première classification des actes
du juge que l'on puisse opérer consiste à distinguer ceux qui sont des décisions de ceux qui ne le sont
pas. On trouve en effet des actes dans lesquels le juge se borne à relater un acte juridique qui se
déroule devant lui sans juger, et sans même décider quoi que ce soit. L'exemple classique est celui de
l'acte improprement appelé jugement d'adjudication, dans la procédure de saisie immobilière. La
vente se déroule devant le tribunal et le juge relate les enchères qui ont été portées en indiquant
finalement l'enchère la plus élevée. L'acte qu'il réalise n'est pas différent de ceux qu'effectuent un
notaire ou un commissaire-priseur judiciaire, parce qu'en l'absence d'incident, le juge ne décide rien.
L'acte est un simple procès-verbal qui, ainsi que l'énoncent certains arrêts, ne fait que constater un
contrat judiciaire 929. En tout cas, il n'a rien d'une décision contentieuse ou gracieuse 930. De là
découle son régime. Au même titre qu'un procès-verbal dressé par un notaire, il est à la fois dépourvu
de l'autorité de la chose jugée 931 et insusceptible de voies de recours 932 ; en revanche, il peut faire
l'objet d'une action en nullité 933.

314 Actes juridictionnels et mesures d'administration judiciaire. – Le procès-verbal


d'adjudication permet de dégager une question de plus grande ampleur. S'il est de même nature qu'un
acte de notaire, de commissaire-priseur judiciaire ou d'huissier, on peut en déduire, de façon
certaine, qu'il n'est pas caractéristique de l'activité du juge, ou encore qu'il n'est pas un acte
juridictionnel, pour reprendre l'expression qui désigne tous les actes qui sont caractéristiques de
l'activité du juge : pour mériter le qualificatif d'acte juridictionnel, un acte du juge doit consister en
une décision. Si seules les décisions d'un juge peuvent être ainsi qualifiées, il faut se demander si
toutes doivent l'être. La question mérite d'être posée parce que toutes les décisions du juge ne sont
pas du même type. Deux sortes de décisions ont déjà été évoquées rapidement : ce sont les jugements
contentieux et les jugements gracieux.
Il en existe encore une troisième sorte, les actes à caractère administratif. Leur trait
caractéristique est qu'en les accomplissant, le juge agit dans l'intérêt du service public de la justice, il
en assure le bon fonctionnement. On peut citer comme exemple de cette sorte d'acte la distribution
des affaires que le président effectue entre les différentes chambres de son tribunal. C'est une
décision qui intéresse essentiellement le bon fonctionnement de la juridiction. Elle évite que
certaines chambres soient engorgées alors que d'autres resteraient inoccupées, et permet ainsi au
tribunal de juger les affaires qui lui sont soumises dans un délai raisonnable. Inversement, la
distribution des affaires n'affecte pas les droits des parties. Normalement, il est indifférent en soi à un
plaideur qu'une affaire soit jugée par telle ou telle chambre du tribunal. La même qualification
convient pour la répartition des magistrats entre les chambres du tribunal ou pour l'organisation des
audiences. Pour désigner ces décisions dont l'objet est le fonctionnement du service public de la
justice, le Code de procédure civile parle de mesures d'administration judiciaire. Il les a dotées d'un
régime spécifique, qui consiste à les soustraire à la réglementation applicable aux jugements 934. La
conséquence principale en est tirée par l'article 537 du Code, aux termes duquel « les mesures
d'administration judiciaire ne sont sujettes à aucun recours » 935. Les plaideurs ne sauraient former de
recours contre des mesures qui n'affectent pas leurs droits. Le bien-fondé de la solution n'est pas
discutable en soi. La seule difficulté est de tracer la limite des mesures d'administration judiciaire,
cette notion reposant sur des critères assez fuyants 936. On verra d'ailleurs que les textes et la
jurisprudence qualifient parfois de mesures d'administration judiciaire des décisions qui mériteraient
d'être qualifiées de jugements 937.

315 Division. – On peut donc distinguer trois sortes de décisions : les jugements contentieux,
les jugements gracieux et les mesures d'administration judiciaire. Il est bien certain que les jugements
contentieux appartiennent, normalement, à la catégorie des actes juridictionnels. Inversement,
lorsqu'il distribue les affaires entre les chambres de son tribunal, le président agit plus en
administrateur qu'en juge, et l'on s'accorde pour dire que les mesures d'administration judiciaire ne
sont pas des actes juridictionnels. L'hésitation est permise pour les jugements gracieux. Dans quelle
catégorie convient-il de les placer ? À quel endroit faut-il faire passer la frontière qui sépare les
actes juridictionnels des autres décisions du juge ? Pour répondre à cette question, il faut s'interroger
sur ce qu'est l'acte juridictionnel et essayer d'en dégager une théorie (section I). Dans un second
temps, il faudra s'interroger sur les effets que produit l'acte juridictionnel et sur les attributs qui sont
les siens (section II).

SECTION I
LA THÉORIE DE L'ACTE JURIDICTIONNEL

316 Problématique. – La difficulté de dégager une notion précise de l'acte juridictionnel 938 est
liée, pour une bonne part, au sort qu'il convient de réserver aux jugements gracieux. Faut-il ou ne
faut-il pas leur reconnaître cette qualification ? La réponse à cette question serait moins délicate s'il
n'existait pas aussi d'importantes incertitudes sur ce qu'est la matière gracieuse. Pour trouver
quelques débuts de réponses dans cette matière controversée, il faut essayer de se fixer un point de
départ qui soit aussi solide que possible. Quel peut-il être ? Doit-on définir la matière gracieuse à
partir de l'acte juridictionnel ou faut-il suivre la démarche inverse ? À notre sens, il est possible de
dégager une notion de la matière gracieuse, indépendamment de ce qu'est l'acte juridictionnel. C'est
donc elle qui doit être examinée en premier (§ 1). À partir de là, il sera peut-être moins hasardeux de
dégager la notion d'acte juridictionnel (§ 2).

§ 1. LA NOTION DE MATIÈRE GRACIEUSE

317 Généralités. – La notion de matière gracieuse ne s'est dégagée que progressivement dans
le temps. Il n'y a rien d'étonnant à cela : elle n'est qu'un aspect exceptionnel et quelque peu accessoire
de l'activité du juge. Le Code de procédure civile de 1806 ne contenait aucune disposition à son
sujet. Le premier texte important la concernant fut une loi du 15 juillet 1944, qui aborda cette matière
sous l'angle extrêmement étroit de la procédure applicable devant la chambre du conseil du tribunal
civil. Dans le Code de procédure civile, on trouve des dispositions plus complètes et plus riches sur
la matière gracieuse : elle est abordée dès les dispositions liminaires, dans le premier titre du Code,
qui en dégage les traits essentiels. Par la suite, le Code contient toute une réglementation de cette
matière.
Pour dégager la notion de matière gracieuse, il faut commencer par en rechercher la définition
(A). Dans un second temps, il sera utile d'en examiner les limites, ce qui permettra de mettre à
l'épreuve la définition retenue (B).

A. LA DÉFINITION DE LA MATIÈRE GRACIEUSE

318 Énoncé de la définition. – Il a déjà été indiqué que le Code de procédure civile
comprenait un nombre important de définitions destinées à faciliter la compréhension des notions
fondamentales du droit judiciaire privé 939. L'une des plus remarquables porte sur la matière
gracieuse. Aux termes de l'article 25 du Code, « le juge statue en matière gracieuse lorsqu'en
l'absence de litige, il est saisi d'une demande dont la loi exige, en raison de la nature de l'affaire ou
de la qualité du requérant, qu'elle soit soumise à son contrôle ». De cette définition ressortent les
deux éléments qui caractérisent la matière gracieuse.

319 L'absence de litige. – En premier vient l'absence de litige. Alors que la loi du 15 juillet
1944 faisait référence à l'absence de contestation, l'article 25 du Code de procédure civile vise plus
exactement l'absence de litige. Les deux expressions ne sont pas synonymes. Quelques exemples
permettent de le montrer. Lorsqu'une demande en paiement est formée contre un défendeur qui ne
comparaît pas, aucune contestation n'est opposée à la prétention du demandeur. La demande reste
néanmoins contentieuse. Il y a litige 940. De même, avant 1975, il n'existait pas de divorce par
consentement mutuel. Lorsque les époux voulaient divorcer l'un et l'autre, il fallait donc que l'un d'eux
forme une demande contre son conjoint. Celui-ci ne contestant pas ses torts, il n'y avait pas de
contestation. Cependant, la demande restait contentieuse parce que la loi ne reconnaissait aucun effet
à l'accord des époux, de sorte que le juge ne devait prononcer le divorce que si le demandeur
établissait la réalité des griefs invoqués 941. On a pu parler à ce sujet de contentieux obligatoire 942.
Cette expression convient encore mieux aux cas dans lesquels la loi désigne à un demandeur un
adversaire officiel, faute pour cette partie d'avoir un adversaire véritable contre qui agir.
L'article 328 du Code civil prévoit ainsi que l'action en recherche de paternité ou de maternité est
exercée contre le parent prétendu ou contre ses héritiers s'il est décédé. Toutefois, si le défendeur est
mort sans laisser d'héritier, l'action sera dirigée contre l'État. De toute évidence, l'action ne change
pas de nature dans cette hypothèse particulière et elle reste contentieuse, même si l'État n'est alors
qu'un adversaire pour les besoins de la cause, qui n'a pas vraiment de contestation à élever.
L'absence de contestation ne caractérise donc pas la matière gracieuse. Elle n'empêche pas qu'il y
ait un litige (éventuellement artificiel, comme on vient de le voir). Ce qui le montre, c'est que la
demande est formée contre une autre personne : il existe un adversaire, donc un litige, c'est-à-dire un
différend 943. L'existence d'un adversaire caractérise la demande contentieuse et exclut absolument
que l'on soit en matière gracieuse. Inversement, dans les exemples qui seront développés par la suite,
pour illustrer la matière gracieuse, on constatera à chaque fois que la demande n'est dirigée contre
personne. Mais alors, s'il n'y a pas de litige, s'il n'y a pas d'adversaire contre lequel la demande soit
formée, pourquoi faut-il s'adresser au juge ? La réponse tient au second élément de la définition.

320 L'exigence légale d'un contrôle du juge. – Le second élément qui caractérise la matière
gracieuse est l'exigence légale d'un contrôle du juge. Pour une raison ou pour une autre, le législateur
impose le contrôle du juge. Cela signifie que la matière gracieuse est créée au coup par coup par le
législateur 944. Sur ce point, il existe une opposition complète entre le gracieux et le contentieux.
Toute règle de droit est susceptible de donner lieu à un différend entre deux personnes, qu'elle porte
sur la construction de bâtiments ou le transport de voyageurs. Toute règle de droit est donc
susceptible de donner lieu à une demande contentieuse, mais non à une demande gracieuse. Quelle
demande gracieuse peut-on former en matière de construction de bâtiments ou de transport de
voyageurs ? Pour qu'une demande gracieuse puisse être formée, il faut que le législateur l'ait prévu.
L'exigence du contrôle légal détermine le domaine de la matière gracieuse. Un contrôle du juge
sur les faits juridiques réalisés par les particuliers n'a pas de sens, il ne peut être envisagé que sur les
actes juridiques, au sens précis du terme, c'est-à-dire sur les manifestations de volonté auxquelles la
loi attache un effet de droit. En principe, la manifestation de volonté constitue la condition à la fois
nécessaire et suffisante de la création de l'effet de droit. Parfois, le législateur subordonne la création
de l'acte à une condition de forme. Il peut encore ajouter une condition supplémentaire consistant en
un contrôle judiciaire de l'acte. En termes de structure de la règle de droit, le législateur ajoute un
élément au présupposé de la règle de droit qui détermine les conditions auxquelles est subordonnée
la force obligatoire de l'acte 945.

321 Types de situations relevant de la matière gracieuse. – Pour l'essentiel, le législateur


impose un contrôle dans deux séries de situations. Il en va d'abord ainsi pour des actes importants qui
sont jugés particulièrement sensibles : ils répondent en général à une finalité déterminée dont le
législateur craint qu'elle ne soit détournée par les particuliers. L'exemple le plus démonstratif est
celui de l'adoption. L'adoption a été instituée dans l'intérêt de l'enfant adopté et le législateur peut
craindre que tel ne soit pas le but recherché par l'adoptant ou encore que la volonté de ce dernier soit
trop capricieuse pour qu'un enfant lui soit confié 946 : la loi confie au juge le soin de vérifier que
l'adoption correspond réellement à l'intérêt de l'enfant. La même chose peut être dite du changement
de régime matrimonial. L'article 1397 du Code civil exige que ce changement soit conforme à l'intérêt
de la famille et le juge est chargé de s'en assurer, du moins dans les cas où cette procédure reste
judiciaire. Il en va ainsi lorsque « l'un ou l'autre des époux a des enfants mineurs » ou lorsqu'un
créancier ou un enfant majeur décide de notifier son « opposition 947 » au notaire rédacteur de la
nouvelle convention matrimoniale. Si l'évolution des mœurs a permis, en 2006, de revenir sur
l'exigence systématique d'une homologation judiciaire du changement conventionnel de régime
matrimonial, le législateur a donc maintenu cette exigence dans les situations les plus sensibles.
En second lieu, le législateur soumet fréquemment au contrôle du juge les actes qui, en raison des
circonstances, ne peuvent plus être passés de façon normale. Par exemple, lorsqu'une personne se
trouve hors d'état de manifester sa volonté, la loi peut imposer à celui qui est chargé de la remplacer
l'obligation de soumettre ses actes à un contrôle du juge. C'est ce que prévoit l'article 219 du Code
civil dans les relations entre époux 948. Ou encore, lorsqu'une personne est disparue, l'impossibilité
de constater matériellement le décès a incité le législateur à remplacer l'acte juridique qu'est la
déclaration de décès par un jugement déclaratif de décès 949.
Les quelques exemples qui viennent d'être indiqués font ressortir le caractère essentiellement
ponctuel de la matière gracieuse. L'exigence d'un contrôle du juge dépend exclusivement d'un choix
du législateur que la nature des choses n'impose pas. L'exemple le plus net est celui du changement de
régime matrimonial. Lorsque les futurs époux décident avant leur mariage d'adopter un régime
matrimonial, leur choix n'est soumis à aucun contrôle, même s'ils ont des enfants ou des créanciers.
On pourrait concevoir qu'il en aille de même lorsque le choix d'un nouveau régime matrimonial
intervient au cours du mariage. Avant la déjudiciarisation partielle du changement conventionnel de
régime matrimonial, par une loi du 23 juin 2006, il avait d'ailleurs été sérieusement envisagé de
supprimer purement et simplement tout contrôle du juge. De même, on pourrait imaginer que le décès
des personnes disparues ne donne pas lieu à un jugement déclaratif de décès, mais à une simple
formalité administrative 950. Dans l'avenir, ces situations disparaîtront peut-être de la matière
gracieuse, alors que d'autres y feront leur entrée.
Selon les cas, le contrôle du juge peut intervenir à trois moments différents par rapport à l'acte
des parties. Il a lieu avant l'acte lorsque le législateur prévoit que le particulier devra être autorisé ou
habilité 951 ; il a lieu en même temps que l'acte lorsque le consentement doit être donné devant le
juge 952 ; enfin le contrôle peut être effectué après la passation de l'acte, on parle alors d'une
homologation qui confère à l'acte sa pleine efficacité 953.

B. LES LIMITES DE LA MATIÈRE GRACIEUSE

322 Division. – Les limites de la matière gracieuse peuvent être envisagées de façon statique ou
dynamique : on peut d'abord se demander de quel côté de la frontière se situe telle situation
particulière (1). Il faut aussi envisager la possibilité d'un passage d'une affaire de la matière
gracieuse à la matière contentieuse (2).

1. La frontière des matières gracieuse et contentieuse

323 Méthode. – C'est principalement à propos des ordonnances sur requête et du contentieux
apparent que l'on s'interroge pour savoir s'ils relèvent de la matière gracieuse ou de la matière
contentieuse. Il est encore trop tôt pour pouvoir déterminer la nature des ordonnances sur requête, qui
fait naître hésitations et discussions. Il ne sera possible de le faire qu'une fois qu'elles auront fait
l'objet d'une étude complète. Il convient cependant d'en dire immédiatement un mot pour se prémunir
d'un risque. À supposer même (ce qui n'est sans doute pas le cas 954) que l'on puisse inclure les
ordonnances sur requête dans la matière gracieuse, il faut s'abstenir de raisonner sur la matière
gracieuse à partir de ce type de décisions. À tout le moins, en effet, il est certain qu'elles ne se situent
pas au cœur, mais à l'extrême limite de la matière gracieuse. Il est toujours mauvais d'essayer de
dégager les traits essentiels d'une matière à partir d'un cas marginal parce que, selon toute
vraisemblance, il présente des particularités qui ne sont pas représentatives de l'ensemble de la
matière. Pour éviter ce danger, il faut s'en tenir, comme nous essayons de le faire, à des exemples
dont le rattachement à la matière gracieuse ne laisse pas de place au doute, comme l'adoption ou le
changement de régime matrimonial.

324 Jugement d'expédient et jugement de donné acte. – Dans le contentieux apparent, il faut
distinguer le jugement d'expédient du jugement de donné acte. Le jugement d'expédient (encore appelé
jugement convenu) correspond à l'hypothèse assez rare où deux parties simulent un procès en vue
d'obtenir un jugement 955. Le point important est que les parties se présentent et agissent devant le juge
comme si un véritable litige les opposait. Le juge, étant tenu dans l'ignorance de l'accord des parties,
examine l'affaire exactement comme s'il s'agissait d'un véritable litige et il tranche ce pseudo-litige en
retenant des motifs de fait et de droit qui expriment son jugement personnel. Ce jugement est tenu, à
juste raison, pour un jugement contentieux doté de l'autorité de la chose jugée : la qualification du
jugement dépend de ce que fait le juge et, en l'espèce, le juge a eu une activité intellectuelle identique
à celle qu'il a dans n'importe quelle autre affaire contentieuse.
Lorsque le juge rend un jugement de donné acte, les parties ne dissimulent pas leur accord. C'est
tout le contraire : les parties disent au juge qu'elles sont parvenues à s'entendre sur un point déterminé
et elles lui demandent de constater cet accord. On parle aussi de « contrat judiciaire » 956. Ce
jugement n'est assurément pas un jugement contentieux, puisque le juge ne rend pas une décision qui
contiendrait des motifs de fait et de droit traduisant sa propre pensée : il n'a pas cru qu'il avait à
trancher un litige. On en déduit parfois qu'il s'agit d'un jugement gracieux. Il n'en est rien. La
qualification de jugement gracieux ne peut pas être automatiquement attribuée à un jugement dès
l'instant qu'il n'est pas contentieux. Un jugement n'est gracieux que s'il répond à la définition positive
que donne l'article 25 du Code de procédure civile 957. Tel n'est pas le cas en l'espèce : les parties
peuvent conclure leur accord 958 en dehors du juge et la loi n'exige pas qu'il soit soumis à son
contrôle. En réalité, le jugement de donné acte n'est pas du tout un jugement (ni contentieux, ni
gracieux), puisque le juge ne décide rien et qu'il se borne à enregistrer les déclarations des parties.
Ce n'est qu'un procès-verbal 959, comme peut l'être le jugement d'adjudication d'un immeuble saisi, en
l'absence d'incident 960. Par voie de conséquence, le jugement de donné acte ne peut pas faire l'objet
des voies de recours habituellement ouvertes contre les décisions juridictionnelles. Il est
insusceptible d'appel 961, comme de pourvoi en cassation 962.

2. Le passage de la matière gracieuse à la matière contentieuse

325 La possibilité d'un litige consécutif à la demande gracieuse. – Le passage de la matière


gracieuse à la matière contentieuse signifie qu'une demande qui relève initialement de la matière
gracieuse peut déboucher sur une instance contentieuse. Par exemple, les créanciers non opposants
des époux peuvent, en cas de fraude à leurs droits, « attaquer le changement de régime matrimonial »,
dans le cadre d'une action paulienne 963. Ou encore, à la suite d'un naufrage, un parent d'un voyageur
demande au tribunal de rendre un jugement déclaratif de décès. Un autre parent s'y oppose au motif
que tout espoir de retrouver des survivants n'est pas perdu. On pourrait prendre, à la suite les uns des
autres, tous les exemples de matière gracieuse ; à chaque fois, la constatation serait la même : une
affaire gracieuse peut devenir contentieuse. Pour désigner cette transformation, on parle volontiers
« d'élévation du contentieux » 964.
Pourquoi une telle transformation est-elle possible ? L'explication est facile à trouver. Par
définition, on vient de le voir, la juridiction gracieuse ne dépend pas de la nature des choses, elle
n'existe qu'en raison de la volonté du législateur. Un acte juridique pourrait être formé par la seule
volonté d'une ou de plusieurs personnes, mais, pour des motifs d'opportunité, le législateur
subordonne la formation de l'acte au contrôle du juge, il introduit le contrôle du juge dans le
présupposé de la règle qui détermine les conditions de validité de l'acte. L'explication est là : toutes
les règles de droit sont susceptibles de donner lieu à une demande contentieuse, y compris celles qui
régissent le régime matrimonial ou le décès, et que le législateur fait entrer dans la matière gracieuse.
À la réflexion, c'est l'inverse qui serait surprenant : pourquoi l'inclusion d'une règle de droit dans la
matière gracieuse devrait-elle empêcher qu'elle donne lieu à une demande contentieuse ?
De ce que toute affaire gracieuse peut se transformer en affaire contentieuse, il serait inexact de
déduire que le gracieux n'est qu'une variété du contentieux. Il existe entre eux une réelle différence de
nature. Au moment où elle est formée, la demande gracieuse ne contient aucun élément contentieux.
Concrètement, si, dans la demande gracieuse, il existait un élément contentieux, on pourrait à chaque
fois dire contre quelle personne la demande est dirigée (même si elle n'est pas encore formée contre
elle, au sens procédural du mot). Contre qui est dirigée la demande de changement de régime
matrimonial présentée par les époux ? L'est-elle contre les enfants ? Le plus souvent, ce n'est pas le
cas, évidemment. Si les parents saisissent le tribunal, c'est parce qu'il n'y a pas d'autre moyen de
rendre efficace leur convention. De même, contre qui est dirigée la demande tendant à la déclaration
de décès ? Elle ne l'est manifestement pas contre l'époux, ou la mère, ou le fils que l'on pense avoir
perdu dans le naufrage du navire ; mais la demande gracieuse est le seul moyen de faire dresser l'acte
de décès. On retrouve ainsi la définition de l'article 25 du Code de procédure civile qui insiste sur
l'absence de litige : à la différence de la demande contentieuse, la demande gracieuse n'est pas
dirigée contre quelqu'un, même intellectuellement 965.
À partir des éléments de la matière gracieuse, qui viennent d'être énoncés, on peut essayer de
rechercher ce qu'est l'acte juridictionnel.

§ 2. LA NOTION D'ACTE JURIDICTIONNEL

326 Problématique. – Dégager la notion d'acte juridictionnel revient à déterminer les actes qui
sont caractéristiques de l'activité du juge, autrement dit ceux que le juge fait vraiment en tant qu'il est
juge. À vrai dire, l'hésitation existe pour les jugements gracieux. Où convient-il de les placer ?
Majoritairement, la doctrine processualiste française assimilait autrefois l'acte juridictionnel au
jugement contentieux (A), ce qui revenait à exclure le jugement gracieux. Il est permis de douter du
bien-fondé de cette doctrine et de se demander s'il n'est pas préférable de s'attacher au critère tiré de
la qualité de tiers du juge, qu'a proposé la doctrine italienne (B). Quant aux jugements contentieux
rendus par le juge, ils constituent normalement des actes juridictionnels, tandis que les mesures
d'administration judiciaire ne méritent pas cette qualification. Mais, depuis quelques années, la
doctrine a pris conscience que certains actes du juge doivent s'analyser en actes administratifs,
malgré la forme juridictionnelle que leur donne la loi (C).

A. LE CRITÈRE TIRÉ DU CONTENTIEUX


327 Une origine publiciste. – L'assimilation de l'acte juridictionnel au jugement contentieux a
été proposée par la doctrine privatiste, mais plus encore sans doute par la doctrine publiciste et elle
porte indiscutablement la marque de cette dernière, ce qui n'est pas sans inconvénient pour la
présente recherche. En effet, comme il est logique de le faire, la doctrine publiciste s'est intéressée
par priorité aux difficultés qu'elle rencontre en droit administratif et qui sont différentes de celles que
rencontre le processualiste de droit privé. La matière gracieuse, telle que la définit l'article 25 du
Code de procédure civile, est presque inexistante devant les juridictions administratives.
Inversement, la difficulté essentielle à laquelle sont confrontés les publicistes est liée au
foisonnement d'organismes à la nature et aux fonctions mal définies. Doit-on les qualifier de
juridictions ou de simples commissions administratives ? Cette difficulté n'apparaît que très peu en
droit privé.
Les travaux de la doctrine publiciste ne sont donc que d'une médiocre utilité pour répondre à la
question de savoir si un jugement gracieux entre ou n'entre pas dans la catégorie des actes
juridictionnels, parce que tel n'a pas été l'objet de ses recherches. On pourrait presque dire, pour
résumer la spécificité de la recherche publiciste, que la question posée est moins de savoir ce qu'est
un acte juridictionnel que de savoir ce qu'est une juridiction 966. Ces précisions sont indispensables
au moment d'aborder l'étude de cette doctrine, pour en comprendre l'esprit.

328 La combinaison de critères formels et matériels. – Pour la doctrine processualiste


majoritaire, la définition de l'acte juridictionnel se déduit de la combinaison de plusieurs critères. En
premier lieu, il convient de citer des critères formels, sur lesquels a insisté particulièrement Carré
de Malberg 967. Le critère organique insiste sur la spécificité de l'autorité dont émane la décision.
Cette autorité est constituée en tribunal, donc se caractérise par son indépendance et son impartialité.
Un acte est juridictionnel lorsqu'il a été accompli par un organe juridictionnel. Ce premier critère,
pour important qu'il soit, ne suffit pas : tous les actes d'une juridiction ne sauraient être qualifiés de
juridictionnels, en particulier les mesures d'administration judiciaire. Au critère organique, Carré
de Malberg ajoute un critère procédural : l'acte juridictionnel est élaboré en suivant une procédure
particulière. Ce second critère est moins instructif que le premier, surtout en droit public, où la
question se pose souvent dans le sens inverse : on se demande si un organisme doit être astreint à
suivre les principes essentiels de la procédure administrative pour les décisions qu'il prend, et la
réponse dépend de la nature de la décision prise.
L'insuffisance des critères formels a conduit les auteurs à leur ajouter des critères matériels. Pour
Duguit 968, l'acte juridictionnel se distingue de l'acte administratif par sa structure qui comprend deux
éléments : d'abord une constatation, qui résulte de la confrontation de la règle de droit avec les faits
de la cause (c'est le début du fameux syllogisme judiciaire) ; ensuite la décision qui traduit le résultat
de la confrontation. À l'opposé, l'acte administratif ne serait qu'une décision. Cette construction n'est
pas à l'abri de toute critique. S'il est vrai que, dans l'acte administratif, l'élément décisionnel apparaît
en premier, la constatation n'en est pas absente. En particulier, chaque fois qu'une autorité
administrative ne dispose que d'une compétence liée, la démarche intellectuelle que la loi lui impose
de suivre est identique à celle que suit un juge. On ajoute alors qu'il existe une différence entre les
deux situations et que c'est elle qui fait l'acte juridictionnel : à la différence de l'autorité
administrative, le juge met fin à un litige et telle est précisément sa fonction que de mettre fin aux
litiges qui peuvent naître entre les sujets de droit.

329 L'éviction de la matière gracieuse. – En définitive, lorsque tous ces critères sont
combinés, on arrive à la définition suivante de l'acte juridictionnel : c'est l'acte émanant d'un juge qui,
à l'issue d'une procédure, procède à une constatation lui permettant de trancher un litige par sa
décision. Si l'on retient cette définition, la conclusion est que le jugement gracieux n'appartient pas à
la catégorie des actes juridictionnels. Il se trouve rejeté avec les actes administratifs. Certes, les
auteurs n'assimilent pas le jugement gracieux à une simple mesure d'administration judiciaire. Il n'en
reste pas moins qu'ils se trouvent situés du même côté de la frontière par rapport aux jugements
contentieux : la summa divisio du droit judiciaire place ces derniers d'un côté et toutes les autres
décisions de l'autre. On doit de nouveau remarquer que cette construction a été élaborée dans une
perspective strictement publiciste, pour répondre à la question suivante : quand peut-on dire qu'une
commission aux contours incertains rend des décisions à caractère juridictionnel ? Elle ne prend pas
en considération le problème spécifique de la matière gracieuse. À l'opposé, l'autre conception, qu'il
faut maintenant examiner, s'attache à ce problème.

B. LE CRITÈRE TIRÉ DE CE QUE LE JUGE EST UN TIERS

330 Division. – La remise en cause de la doctrine majoritaire s'appuie principalement sur les
travaux de la pensée processualiste italienne. Son exposé peut être décomposé en deux temps. En
premier lieu, est menée une discussion des résultats auxquels conduit la doctrine majoritaire. Existe-
t-il vraiment une telle différence entre le gracieux et le contentieux ? On peut se demander, à la suite
de P. Hébraud 969, s'il n'existe pas une unité fondamentale du contentieux et du gracieux (1). S'il en va
ainsi, il faut, dans un second temps, proposer un autre critère de l'acte juridictionnel, reposant sur le
fait que le juge est un tiers par rapport à la demande qui lui est soumise (2).

1. L'unité fondamentale du contentieux et du gracieux

331 Critique du critère tiré du contentieux. – Un premier indice de l'unité fondamentale de


l'activité contentieuse et de l'activité gracieuse peut être tiré négativement des conclusions de la
doctrine classique. La summa divisio des actes du juge qu'elle adopte conduit à des résultats qui nous
semblent heurter le bon sens : s'il est certain qu'un jugement gracieux n'est pas en tous points
identique à un jugement contentieux, peut-on pour autant dire qu'il ressemble davantage à une mesure
d'administration judiciaire qu'à un jugement contentieux ? Concrètement, nous n'arrivons pas à
admettre qu'un jugement qui prononce le divorce par consentement mutuel est plus proche de la
décision attribuant un procès à une chambre du tribunal qu'à un jugement qui prononce le divorce
pour faute, ou encore qu'un jugement qui prononce une adoption ressemble plus à une décision de
radiation d'une affaire qu'à un jugement qui statue sur une demande en désaveu de paternité.
Positivement, on doit remarquer que, sur les quatre critères formels ou matériels que retient la
doctrine classique, trois sont communs aux matières contentieuse et gracieuse : dans l'une et l'autre, la
décision est rendue par une autorité constituée en tribunal à la suite d'une procédure complexe (même
si elle ne peut évidemment pas être identique) ; les deux sortes de décisions présentent encore la
même structure : le juge procède à une constatation sur laquelle il fonde sa décision. Seul le
quatrième critère tiré de l'existence d'un litige les distingue. Cependant, on doit immédiatement
remarquer que ce critère a été avancé par la doctrine publiciste pour distinguer l'acte juridictionnel
de l'acte administratif, mais qu'inversement, sa pertinence n'a pas été mise à l'épreuve de la matière
gracieuse.
Pour mieux opposer la décision gracieuse à la décision contentieuse, on affirme parfois que le
troisième critère les distingue également : en matière gracieuse, le juge ne ferait qu'utiliser son
pouvoir d'ordonner sans procéder préalablement à une constatation juridique ; autrement dit, la
décision gracieuse ne ferait pas appel à sa jurisdictio, mais seulement à son imperium. Cette
affirmation ne correspond pas à la réalité 970. La décision gracieuse repose toujours sur une
vérification juridictionnelle, ainsi que l'indique expressément l'article 25 du Code de procédure
civile. En exigeant que l'acte soit soumis au contrôle du juge, la loi commande au juge d'examiner si
l'acte répond aux conditions posées par la loi. Par exemple, avant de prononcer une adoption, le juge
doit s'assurer que sont remplies les conditions tenant à l'âge de l'enfant, à sa situation ou à la durée de
son placement. Il lui appartient surtout de vérifier que l'adoption répond à la condition, posée par
l'article 353 du Code civil, d'être conforme à l'intérêt de l'enfant. Lorsque le juge examine l'adoption
qui lui est soumise, il a la même activité intellectuelle que lorsqu'il tranche un litige. C'est d'ailleurs
pour que le juge agisse ainsi que, non seulement la conclusion de l'acte est soumise à un contrôle,
mais encore que ce contrôle lui est confié, au lieu de l'être à une autorité administrative. Inversement,
il y a quelque absurdité à vouloir qu'un acte soit soumis au juge, si celui-ci ne doit pas l'examiner
comme les autres affaires qui lui sont soumises et vérifier qu'il remplit les conditions posées par la
loi.
Ainsi se manifeste l'unité fondamentale des actes contentieux et gracieux, qui interdit de faire
passer entre eux la summa divisio des actes du juge. Les deux sortes d'actes appartiennent à la même
catégorie essentielle des actes spécifiques de l'activité du juge. L'existence d'un litige ne saurait donc
être retenue comme critère de l'acte juridictionnel, elle ne sert qu'à distinguer, dans la catégorie des
actes juridictionnels, les jugements contentieux des jugements gracieux. Il faut chercher un autre
critère de l'acte juridictionnel.

2. Le critère proposé de l'acte juridictionnel

332 La qualité de tiers du juge. – C'est à la doctrine italienne que revient le mérite d'avoir
proposé un nouveau critère de l'acte juridictionnel 971. La spécificité de l'activité du juge tient à ce
qu'il est un tiers, c'est-à-dire qu'il est étranger aux intérêts en cause. C'est sur ce point que l'acte
juridictionnel se distingue de l'acte administratif. L'administrateur agit dans l'intérêt du service public
dont il a la charge, il en est l'agent normal d'exécution. Par exemple, le fonctionnaire de l'urbanisme
essaie de promouvoir les objectifs d'urbanisme définis par les autorités compétentes, il ne peut pas se
dire étranger à leur mise en œuvre. À l'inverse, le juge est étranger à ces préoccupations. Son seul
intérêt est celui du respect de la légalité. C'est sa qualité de tiers qui justifie que la loi lui confie de
trancher les litiges et qui fait de lui un juge. Si la démarche intellectuelle de l'administrateur qui ne
dispose que d'une compétence liée est identique à celle d'un juge 972, son acte n'est cependant pas un
acte juridictionnel ; il reste de nature administrative, parce que celui qui l'accomplit n'est pas un tiers.
N'est-il pas révélateur que l'une des préoccupations majeures des juridictions administratives ait été
autrefois de répudier la doctrine du ministre-juge ?

333 Application du critère à la matière contentieuse. – En matière contentieuse, le juge vient


lever les obstacles à l'activité d'une personne liés à la résistance que lui oppose un adversaire, cette
résistance pouvant être active, mais aussi passive, lorsque par exemple le débiteur se contente de ne
pas payer ce qu'il reconnaît devoir. L'institution d'une autorité indépendante chargée de trancher les
litiges apparaît comme le corollaire de l'interdiction de la justice privée. Si l'on peut s'exprimer
ainsi, en matière contentieuse le recours au juge apparaît conforme à la nature des choses.
334 Application du critère à la matière gracieuse. – Il n'en va pas de même en matière
gracieuse. A priori, rien ne vient entraver l'activité des particuliers. En matière gracieuse, c'est un
obstacle artificiel que vient lever le juge, un obstacle que la loi dresse elle-même en ne permettant
pas aux parties de conclure tel acte déterminé sans le soumettre au contrôle du juge. Il est vrai aussi
que, sous peine de paralyser l'activité des parties, le législateur ne peut créer d'obstacle qu'à titre
exceptionnel. Mais ce n'est pas parce que le recours au juge est exceptionnel et peut apparaître
artificiel que l'on doit en déduire que le jugement gracieux n'est pas spécifique de l'activité du juge.
C'est tout le contraire. L'examen de l'acte est confié au juge parce qu'il est un tiers, étranger aux
intérêts en cause, et que la loi veut qu'il agisse en juge. Autrement dit, la matière gracieuse n'a de sens
que si l'on reconnaît au jugement gracieux la qualification d'acte juridictionnel. Inversement, affirmer
que le jugement gracieux n'est pas juridictionnel revient à dire qu'en examinant la demande qui lui est
soumise, le juge fait seulement semblant d'être juge (en respectant par exemple certaines formes
procédurales), mais qu'en réalité son activité est purement administrative. Pourquoi la loi se
livrerait-elle à une pareille mise en scène 973 ?
L'exemple de la procédure de changement de prénom visée à l'article 60 du Code civil permet
d'illustrer notre propos. En vertu de ce texte, toute personne qui justifie d'un intérêt légitime peut
demander à changer de prénom, par une demande portée devant le juge aux affaires familiales.
Comme l'a écrit très justement M Bandrac, abstraction faite des organes concernés, on peut se
me

demander quelle différence il faut faire entre cet « acte du juge aux affaires familiales autorisant un
changement de prénom et le décret autorisant un changement de nom après instruction de la demande
par le garde des Sceaux 974 » prévu à l'article 61 du Code civil. Dans les deux cas, un organe d'État
est chargé de vérifier une condition d'intérêt légitime pour autoriser ou refuser un changement de
prénom ou de nom. Et dans les deux cas, c'est la loi qui pose elle-même un obstacle au changement.
La différence réside essentiellement dans la qualité de l'organe concerné. La loi a voulu que le juge
se prononce sur la demande de changement de prénom, parce que le juge est censé être un tiers,
neutre et impartial (bien qu'il soit un agent de l'État). C'est un choix qui vaut ce qu'il vaut. On aurait
pu subordonner le changement de prénom à une décision préfectorale ou ministérielle, mais l'organe
compétent n'aurait pas été tiers, car le prénom d'un individu intéresse directement l'État, en ce qu'il
constitue un élément d'identification de la personne. La loi a préféré confier cette tâche à un tiers : le
juge. En matière de changement de nom de famille, le choix a été différent et on a voulu que ce soit le
pouvoir exécutif qui autorise ou refuse ce changement. Là encore, ce choix ne s'imposait pas
d'évidence, car on aurait pu tout aussi bien confier au juge cette mission. Mais on peut tenter de
l'expliquer par la gravité, pour l'État lui-même, comme pour les tiers, d'un changement de nom de
famille. Pour l'identification des citoyens, celui-ci constitue certainement l'élément d'identification
principal, le prénom n'étant qu'un élément complémentaire. De plus, le changement de nom s'étend de
plein droit aux enfants de l'intéressé, du moins s'ils ont moins de treize ans 975, alors que le
changement de prénom n'a qu'une portée beaucoup plus limitée. Cette gravité de la modification du
patronyme justifie d'ailleurs que les mesures de publicité de la demande de changement de nom et du
changement lui-même soient considérablement plus poussées que les mesures de publicité du
changement de prénom. C'est sans doute eu égard à l'importance, pour l'État, du changement de nom
d'un citoyen, qu'il a été décidé qu'il appartiendrait à l'autorité politique de l'autoriser. Les pouvoirs
publics, premiers concernés, n'ont pas voulu qu'une question aussi grave soit laissée à l'appréciation
d'un tiers.
En conséquence, si le décret de changement de nom est un acte administratif, le jugement de
changement de prénom est bien un acte juridictionnel, en ce qu'il émane d'un tiers, neutre et impartial.
Par ailleurs, si l'on suivait l'opinion contraire, il faudrait traiter le jugement gracieux comme les
autres actes administratifs. Il n'en est évidemment rien et ce n'est pas le fruit du hasard. La loi veut
non seulement que le juge agisse en juge, mais encore que sa décision soit un acte de juge, c'est-à-
dire un véritable jugement, soumis pour l'essentiel aux mêmes règles que les jugements contentieux.

C. LES ACTES ADMINISTRATIFS DU JUGE

335 Des actes étrangers à la mission ordinaire du juge. – Nous avons vu précédemment qu'un
acte du juge pouvait être qualifié d'acte juridictionnel, qu'il tranche ou non un litige. C'est pourquoi la
matière gracieuse relève bien de l'activité juridictionnelle. Par ailleurs, nous savons également que,
dans la direction de l'instance, le magistrat peut accomplir des actes d'administration judiciaire 976,
c'est-à-dire des actes destinés à permettre le bon fonctionnement du service public de la justice. Ces
actes n'ont, évidemment, pas de caractère juridictionnel : ce sont des actes à caractère administratif.
Mais, parmi les actes apparemment juridictionnels, peuvent également se cacher certains actes qui
sont, en réalité, administratifs. En effet, dans certains domaines particuliers, notamment en droit des
incapacités, en matière d'assistance éducative ou en droit des procédures collectives, la loi confie
parfois au juge des tâches qui ne relèvent pas à proprement parler de son activité juridictionnelle,
dans la mesure où il ne s'agit plus de trancher un litige comme en matière contentieuse, ni de lever un
obstacle posé par la loi comme en matière gracieuse. Il s'agit, en réalité, de protéger un intérêt auquel
le législateur attache une certaine importance. Le révélateur de la nature administrative de l'acte du
juge réside bien souvent dans la possibilité qu'il a de se saisir d'office 977 d'une question étrangère à
la demande qu'une partie lui a présentée. Ainsi, dans le cadre d’une administration légale sous
contrôle judiciaire, le juge peut, à tout moment, même d'office, décider d'ouvrir la tutelle du
mineur 978. On voit bien que dans ce type de situation, le juge ne lève pas un obstacle auquel serait
confronté une partie. Tout au contraire, en transformant l'objet de l'instance, il ne permet pas au
demandeur d'atteindre le but qui était le sien. Par exemple, si le but de l’administrateur légal d’un
enfant était d'obtenir l’autorisation de faire un acte au nom de ce dernier, il risque fort d'être déçu par
le placement du mineur sous le régime de la tutelle, surtout si, finalement, ce n’est pas lui qui est
nommé tuteur par le conseil de famille.
Dans ce type d'exemple, la mission du juge ne se rattache pas à son office ordinaire. Sa mission
n'est plus, ou plus seulement, de lever un obstacle posé par la loi en autorisant ou en homologuant un
acte, pas plus qu’elle ne consiste à trancher un éventuel litige. Il s’agit plutôt de protéger un ou des
intérêts supérieurs : généralement l'intérêt d’un mineur ou celui d’une entreprise en difficulté 979. Dans
d'autres cas, le choix d'un magistrat comme autorité administrative n'est pas lié à un intérêt qu'il
faudrait protéger, mais simplement à sa position privilégiée par rapport aux parties. Ainsi, on peut
penser que si c'est le premier président de la cour d'appel qui est habilité à rendre exécutoire le rôle
des cotisations de la Caisse nationale des barreaux, c'est parce que l'activité de cette caisse
« intéresse au premier chef le monde judiciaire 980 ». Mais, peu importe ; ce qu'il faut comprendre,
c'est que dans tous les cas, le juge assume un rôle qui pourrait être dévolu à une autorité
administrative quelconque, si la loi en décidait ainsi. Un parallèle peut être fait avec la juridiction
gracieuse où, là aussi, le législateur confie au juge une mission qui pourrait parfaitement être
attribuée à un organe non juridictionnel. Mais, à la différence de ce qui se passe en matière gracieuse,
il ne s'agit plus de lever un obstacle posé par la loi elle-même. C'est pourquoi on peut voir, dans les
décisions que nous venons d'évoquer, des actes administratifs accomplis par le juge. Quelques
précisions doivent cependant être apportées.
336 Saisine d'office et décision rendue d'office. – La première précision porte sur les
décisions rendues d'office. À notre sens, seuls les cas de saisine d'office révèlent le caractère
administratif de la décision du juge. La possibilité qu'a un magistrat de prononcer d'office certaines
mesures, pour les besoins de sa mission strictement juridictionnelle, ne porte nullement atteinte au
caractère juridictionnel de son acte. Ainsi, lorsque le juge ordonne d'office une mesure d'instruction,
il reste parfaitement dans les limites de la demande qui lui a été adressée par une partie. Celle-ci
réclame, par exemple, des dommages et intérêts à raison d'un préjudice qu'elle aurait subi. En
ordonnant une expertise, le juge ne fait que contribuer à définir la mesure de ce préjudice et cette
décision, même si elle prise d'office, reste tout à fait dans le cadre de ce qui lui a été demandé :
constater un préjudice, proclamer une responsabilité et prononcer une condamnation au versement
d'une somme d'argent. De même, quand le magistrat prononce d'office une astreinte, il ne fait que
renforcer l'efficacité de la décision qu'on lui avait demandé de rendre. Ce n'est que dans les
hypothèses, beaucoup plus limitées, de saisine d'office que l'on peut parler d'acte administratif. Le
juge sort alors du cadre que les parties lui avaient assigné.

337 Conséquences de la nature administrative d'une décision. – La seconde précision que


nous souhaitons apporter concerne le régime applicable à l'acte administratif du juge. On aura
compris qu'en confiant au magistrat la mission d'accomplir un acte administratif, le législateur
confère une forme juridictionnelle à cet acte. En quelque sorte, il procède à un habillage juridique : il
plaque sur un acte étranger à la fonction juridictionnelle, les structures et le régime des actes
juridictionnels. Partant de là, les conséquences de la nature profonde du « jugement » sont
extrêmement réduites. De manière générale, c'est le régime des actes juridictionnels qui s'applique à
l'acte administratif pris par le tribunal. Mais il arrive que le déguisement juridique laisse entrevoir ce
qu'il recouvre vraiment, comme lorsque l'échancrure d'un vêtement laisse apparaître le corps de celui
ou celle qui le porte. On constate alors des anomalies procédurales, des particularismes liés à telle
ou telle matière, par exemple quant à la portée du principe dispositif 981, ou à propos des recours
ouverts contre la décision 982, ou encore en ce qui concerne les pouvoirs de la juridiction
supérieure 983. Ces distorsions que l'on constate par rapport à la théorie générale du droit judiciaire
privé s'expliquent bien souvent par la nature administrative de la décision. Il n'est donc pas
surprenant qu'on les rencontre principalement dans des domaines tels que la protection des mineurs
ou le droit des procédures collectives.

338 Les actes administratifs d'organes non juridictionnels. – Pour finir, on notera que la
confusion des genres entretenue par le législateur va parfois très loin. Non seulement il confie des
fonctions de nature administrative à des juges et confère la qualité de jugement aux décisions à
caractère administratif qu'ils prennent, mais il lui arrive également d'agir ainsi à l'égard d'organes
qui, manifestement, ne sont pas des juridictions. Ainsi, depuis janvier 2010, la voie de l'appel est
ouverte contre les décisions du juge des tutelles, mais aussi contre celles du conseil de famille 984.
Or, si le juge des tutelles est bien un juge, il est évident que l'on ne peut en dire autant du conseil de
famille. Celui-ci n'a pour fonction que d'organiser la vie d'une personne bien précise, la personne
placée sous tutelle, et de gérer son patrimoine. De plus, le conseil est composé de proches de la
personne protégée 985, ce qui est incompatible avec l'idée même de juridiction impartiale. Enfin, ses
décisions ne relèvent ni de la matière contentieuse, ni de la matière gracieuse. Si la loi le décidait,
elles pourraient parfaitement être prises par une commission administrative quelconque. Pourtant,
c'est par un recours normalement destiné à remettre en cause les décisions de justice que l'on peut
désormais attaquer les décisions du conseil de famille. Par le passé, il existait à leur encontre un
recours spécial (et innommé) devant le tribunal de grande instance, ce qui n'avait rien de choquant : il
s'agissait d'un recours juridictionnel contre un acte de nature administrative. Désormais, on utilise
une authentique voie de recours, l'appel, ce qui est intellectuellement aberrant 986.

SECTION II
LES EFFETS ET ATTRIBUTS DE L'ACTE JURIDICTIONNEL

339 Plan. – Le juge statue normalement sur une demande dans laquelle est contenue une
prétention. Le jugement a donc pour premier effet de dire quels sont les mérites de cette prétention.
Le cas échéant (et la plupart du temps), les magistrats ne se borneront pas à cette seule proclamation
du droit de telle ou telle partie : ils en tireront les conséquences qui en découlent, en ordonnant tel ou
tel comportement concret : livraison d'un bien, paiement d'une somme d'argent, destruction d'un
ouvrage, etc. En d'autres termes, le jugement exerce d'abord une influence sur la situation des parties.
On peut ainsi parler d'une « efficacité » du jugement ou, plus classiquement, de ses « effets » (sous-
section 1). On pourrait être tenté de parler également d'effets du jugement à propos de l'autorité de
chose jugée et du dessaisissement du juge. L'utilisation de ce terme nous paraît cependant impropre,
dès lors qu'on l'applique à ces mécanismes juridiques. En ce qui les concerne, nous préférons parler
« d'attributs » du jugement (sous-section 2) 987.

Sous-section 1
Les effets de l'acte juridictionnel

340 Division. – L'étude des effets de l'acte juridictionnel appelle essentiellement des
développements qui portent sur leur contenu (§ 1). La distinction classique des jugements déclaratifs
et constitutifs de droit conduit aussi à dire quelques mots sur le moment où se manifeste l'efficacité du
jugement (§ 2).

§ 1. LE CONTENU DES EFFETS DE L'ACTE JURIDICTIONNEL

341 Subdivision. – Les actes juridictionnels peuvent produire deux types d'effets qu'il convient
de distinguer : les effets substantiels (A) et les effets procéduraux (B).

A. LE CONTENU DES EFFETS SUBSTANTIELS DU JUGEMENT

342 La notion d'effet substantiel du jugement. – La détermination des effets substantiels du


jugement peut être effectuée à partir de la demande ou des demandes qui sont soumises au juge. Dans
celles-ci, le demandeur allègue un certain nombre de faits dont il prétend qu'ils se sont effectivement
produits et qu'ils correspondent au présupposé d'une règle de droit ; c'est sur eux qu'il fonde sa
prétention, consistant à solliciter du juge le bénéfice de l'effet juridique de la règle de droit. Lorsqu'il
statue sur les mérites de cette prétention, le juge va donc dans un premier temps examiner les faits et
leur correspondance au présupposé de la règle de droit. Il va procéder à la « vérification
juridictionnelle ». Dans un second temps, il fait droit ou au contraire rejette la prétention de droit
substantiel. C'est dans la consécration, voire dans le rejet, de la prétention que réside l'efficacité
substantielle de l'acte juridictionnel : par exemple, le juge décide que le demandeur est créancier de
telle personne ou encore qu'il est propriétaire du terrain litigieux. On peut parler d'effet substantiel
parce que le jugement produit une modification de la situation de droit substantiel des parties.

343 L'effectivité de la notion. – La réalité de cette modification ne saurait être mise en doute
quand le jugement est constitutif de droit : à la suite du jugement de divorce, le mari et la femme
cessent d'être des époux. Pour être moins facilement perceptible, la modification de la situation des
parties n'en est pas moins réelle en cas de jugement déclaratif, chaque fois au moins que le juge
donne satisfaction au demandeur. On peut être tenté d'en nier la réalité à partir de l'alternative
suivante : ou bien, il faut admettre (ce qui est très contestable) qu'un particulier ne peut se dire
créancier ou propriétaire qu'autant qu'un jugement est venu reconnaître son droit ; ou bien, il faut
décider qu'avant même le jugement, le demandeur était déjà créancier ou propriétaire, mais alors le
jugement ne modifie en rien la situation substantielle des parties. En réalité, il est possible
d'échapper à cette alternative. S'il nous paraît certain que les personnes sont titulaires de droits
indépendamment de tout jugement, leur droit n'est pas le même selon qu'il n'existe pas ou au contraire
qu'il existe un jugement. Aussi longtemps qu'il n'existe pas de jugement, la personne tient son droit de
la règle abstraite qu'énonce le droit des obligations ou le droit des biens. En d'autres termes, son
droit dépend exclusivement de la réunion des conditions énoncées dans le présupposé de la règle. En
revanche, lorsqu'un jugement a été rendu, le droit de la personne devient indépendant de la règle de
droit. C'est directement du jugement qu'elle le tient. Au sens propre du terme, elle dispose d'un droit
nouveau et véritablement distinct de celui qu'elle avait auparavant, en ce qu'il repose sur la décision
particulière dont elle bénéficie : pour elle, la décision remplace la règle abstraite 988.
Un exemple concret permettra d'illustrer notre propos. Lorsqu'une personne a été victime d'un
dommage qu'elle impute à son adversaire, elle ne peut, pour fonder son droit à des dommages-
intérêts, qu'invoquer un ensemble de faits dont elle prétend qu'ils se sont produits et une règle de
droit abstraite qui prévoit, par exemple, que celui qui, par sa faute, cause un dommage à autrui,
s'oblige à le réparer. Il en va ainsi tant qu'un jugement de condamnation au versement d'une certaine
somme n'a pas été rendu. Mais, une fois le jugement rendu, la situation des parties change
substantiellement. En effet, désormais, la victime ne dispose plus d'un vague « droit à réparation » :
elle dispose, dans son patrimoine, d'un droit concret à une somme liquide. Avoir droit « à
réparation » et avoir droit « à 10 000 euros », ce n'est pas du tout la même chose. Le jugement a, dans
cet exemple, opéré une « concrétisation » du contenu du droit d'une partie. En même temps, le juge a
procédé à une « individualisation » de l'effet juridique de la règle de droit. D'une règle, norme
abstraite, on est passé à une décision, norme concrète qui a des destinataires bien précis. Enfin, le
jugement a procédé à une « inconditionnalisation 989 » de l'effet juridique de la règle. D'une norme
hypothétique, on est passé à une norme catégorique. On voit donc bien que l'acte juridictionnel a
modifié l'ordonnancement juridique en ajoutant quelque chose à la situation juridique des parties. Il a
produit un effet substantiel 990.
Ce qui empêche de cerner plus facilement l'effet substantiel du jugement, c'est que le juge doit
conformer sa décision aux dispositions de la règle, puisqu'il a pour mission d'en assurer
l'application. Il reste néanmoins que la « réalisation » de la règle par le juge (pour reprendre
l'expression de H. Motulsky 991) peut avoir été effectuée de façon défectueuse. Dans ce cas, sous
réserve de l'exercice des voies de recours, la discordance qui apparaît entre la règle et la décision se
résout au profit de la décision. La modification de la situation des parties apparaît alors de façon
évidente, puisque le droit substantiel a non seulement changé de source, mais encore de contenu : par
exemple, par sa décision, le juge a rendu créancier une personne qui ne l'était pas au regard de la
règle abstraite.

344 Le cas des jugements de débouté. – Les jugements de débouté ne produisent pas toujours
d'effet substantiel. Tout dépend de la portée du jugement. Par exemple, lorsqu'un jugement rejette une
demande en annulation d'un contrat, au motif que le défendeur n'a pas eu le comportement dolosif qui
lui est reproché, il ne décide pas que le contrat est valable ; il dit seulement que la demande ne peut
pas aboutir sur le fondement du dol 992. On chercherait en vain où pourrait bien se situer
l'effet substantiel d'une telle décision.
En revanche, lorsque le jugement déboute un demandeur de son action en paiement d'une créance,
au motif que l'obligation est éteinte par la prescription, il modifie la situation substantielle des
parties, en proclamant l'inexistence du droit subjectif d'une partie. Désormais, le défendeur tient du
jugement (quel qu'en soit le mérite) le droit de ne pas payer son adversaire. La décision a produit un
effet substantiel.

B. LE CONTENU DES EFFETS PROCÉDURAUX DU JUGEMENT

345 L'efficacité procédurale. – Indépendamment de ses éventuels effets substantiels, un


jugement produit des effets procéduraux qui nous retiendront moins longtemps. Ainsi, il arrive que le
juge soit conduit à ne pas statuer au fond du droit en raison de l'existence d'une défense procédurale
qui entraîne l'extinction prématurée de l'instance. Il ne statue alors que sur les mérites de la défense
procédurale qui a été opposée à la demande. L'efficacité substantielle du jugement se réduit alors à la
proclamation de la situation procédurale : par exemple, le juge va dire que l'instance est éteinte ou
que la demande est irrecevable. Sur le terrain du droit substantiel, il est manifeste que la situation des
parties n'est en rien modifiée par une telle décision : les questions de droit substantiel n'ont même pas
été abordées par le tribunal. Cependant, en proclamant l'existence d'une fin de non-recevoir (par
exemple), le jugement a produit un effet, même si celui-ci est purement processuel.
Pareillement, on peut parler d'effet procédural du jugement, à défaut d'effet substantiel, pour le
jugement qui déboute un plaideur de son action en nullité d'un contrat pour dol. En effet, un tel
jugement met fin à l'instance. C'est, en soi, un effet 993.

§ 2. LE MOMENT AUQUEL SE PRODUISENT LES EFFETS DE L'ACTE


JURIDICTIONNEL

346 Jugements déclaratifs et jugements constitutifs. – L'étude du moment où se manifeste


l'efficacité substantielle du jugement recoupe la distinction classique des jugements constitutifs et
déclaratifs de droit. Le jugement déclaratif de droit serait celui qui se borne à déclarer, c'est-à-dire à
reconnaître, un état de droit préexistant. Par exemple, le jugement qui annule un contrat ne ferait que
reconnaître la nullité préexistante du contrat. À l'opposé, le jugement constitutif de droit serait celui
qui constitue, c'est-à-dire qui crée un état de droit nouveau, différent de celui qui existait auparavant.
Par exemple, le jugement qui prononce le divorce rompt le mariage. Jusqu'au jugement, les parties
étaient unies par le lien du mariage, elles ne cessent de l'être qu'à partir du jugement. Ainsi présentée,
la distinction est critiquable. Elle méconnaît d'abord que les deux sortes de jugement sont également
dotées d'un effet substantiel, tel qu'il vient d'être expliqué. Le jugement prononçant la nullité du
contrat dispense pour l'avenir la partie d'avoir à exécuter le contrat, il lui permet aussi, le cas
échéant, d'obtenir la restitution des prestations déjà fournies. Inversement, le jugement constitutif a lui
aussi un aspect déclaratif marqué : de même que le jugement prononçant la nullité constate que fait
défaut une condition de validité du contrat, le jugement prononçant le divorce constate que sont
réunies les conditions prévues par la loi et il en tire les conséquences.
Pour autant, la distinction des jugements constitutifs et déclaratifs ne peut être rejetée ; elle doit
seulement être ramenée à une taille plus modeste. Elle intéresse seulement la date à laquelle se
produisent les effets substantiels du jugement. À la différence du jugement constitutif, le jugement
déclaratif produit ses effets de façon rétroactive. De là vient l'impression que le juge ne fait que
reconnaître ce qui existait déjà. Il n'en est rien : par exemple, lorsqu'il prononce la nullité d'un contrat
qui a été exécuté, le juge dit en réalité que la règle de droit est telle que le contrat n'aurait pas dû être
exécuté 994 et il ordonne la restitution des prestations. La rétroactivité dont est doté le jugement
déclaratif est le moyen technique approprié pour que la décision du juge remette, autant qu'il est
possible, les choses en l'état où elles auraient dû se trouver : si les parties avaient suivi les
prescriptions de la règle, telles que les comprend le juge, il aurait dû se produire (ou inversement ne
pas se produire) tel effet juridique. Le jugement poursuit le rétablissement a posteriori de la
situation.
C'est pour cette raison qu'en matière contentieuse, le jugement est en principe déclaratif. À
l'inverse, le jugement constitutif y apparaît comme une exception dont l'existence repose sur des
motifs d'opportunité. Par exemple, on pourrait imaginer que le jugement de divorce produise ses
effets à compter de l'événement qui justifie la rupture du lien conjugal. Cependant, cette solution
serait inopportune : le législateur ne veut pas que les époux puissent spéculer sur la rétroactivité du
jugement de divorce et anticiper sur la décision, comme on peut le faire en matière d'annulation d'un
acte juridique ordinaire. La favor matrimonii et la sécurité des tiers incitent également à écarter la
rétroactivité du jugement de divorce 995. C'est même une règle très spéciale qui s'applique en ce
domaine, puisque le jugement de divorce ne produit son effet principal, la rupture du lien conjugal,
que lorsqu'il est passé en force de chose jugée, c'est-à-dire bien après qu'il a été rendu 996. Pour les
autres jugements non rétroactifs, l'effet substantiel se produit au prononcé de la décision : la norme
judiciaire naît à ce moment. Si le jugement est susceptible d'un recours suspensif d'exécution, on ne
pourra pas encore en exiger l'exécution, mais les droits et obligations en découlant existent d'ores et
déjà 997.
Les données sont totalement différentes en matière gracieuse. La loi fait de l'accord du juge un
élément du présupposé de la règle de droit substantiel fixant les conditions de validité de l'acte. En
d'autres termes, le juge ne dit pas : « les choses auraient dû se passer ainsi », mais : « j'approuve
l'acte que vous me soumettez 998 ». L'acte ne se formant valablement et complètement qu'avec
l'approbation du juge, il est normal qu'il ne produise ses effets que quand elle est donnée : c'est à ce
moment-là que toutes les conditions se trouvent réunies. Le jugement gracieux est en principe un
jugement constitutif, comme l'est par exemple le jugement d'adoption.

Sous-section 2
Les attributs de l'acte juridictionnel

347 La notion d'attribut. – On a vu, dans les développements qui précèdent, que le jugement
produisait des effets substantiels et (ou) procéduraux. Ceux-ci résultent de la volonté du juge telle
qu'elle est exprimée dans la décision de justice. Cela étant, un acte juridictionnel peut produire
d'autres « effets » qui ne résultent pas de la volonté des magistrats, mais sont attachés de manière
automatique au jugement par la loi. Pour l'essentiel, il s'agit de l'autorité de la chose jugée, du
dessaisissement du juge, de la force exécutoire 999, de l'interversion des courtes prescriptions 1000 et
de l'hypothèque légale des jugements de condamnation visée à l'article 2412 du Code civil 1001. Pour
les désigner, on peut, bien sûr, parler « d'effets » au sens large. Mais cette terminologie présente
l'inconvénient de mettre sur un même plan ce qui est issu de la volonté du juge et ce qui relève de la
volonté du législateur. Afin d'éviter cela, il a été proposé de réserver l'utilisation du terme « effet » à
la désignation des effets substantiels et procéduraux et de parler « d'attributs » du jugement, pour
désigner les « effets » lato sensu découlant directement de la loi 1002. C'est ce que nous ferons
désormais.
L'acte juridictionnel est doté de divers attributs, dont les principaux sont énumérés ci-dessus.
Mais tous ne méritent pas d'être étudiés, dans le cadre d'un manuel de droit judiciaire privé. Nous
n'envisagerons, dans l'immédiat, que l'autorité de chose jugée et le dessaisissement du juge. L'une et
l'autre poursuivent le même objectif, qui est de mettre un terme aux procès et d'en empêcher le
renouvellement. L'autorité de la chose jugée (§ 2) en est l'instrument essentiel, en ce qu'elle interdit
aux parties de discuter à nouveau ce qui a déjà été jugé. Le dessaisissement du juge (§ 3) complète et
renforce l'autorité de la chose jugée en interdisant au juge lui-même de recommencer à juger ce qu'il
a déjà tranché. Mais avant d'étudier chacun de ces deux attributs, il n'est sans doute pas inutile de
distinguer les effets substantiels du jugement, de certains attributs avec lesquels on pourrait les
confondre (§ 1).

§ 1. LA DISTINCTION DES EFFETS ET DE CERTAINS ATTRIBUTS DU


JUGEMENT

348 Effets du jugement et autorité de la chose jugée. – Il convient de distinguer l'efficacité


substantielle que nous venons d'étudier, de l'autorité de chose jugée et de la force exécutoire avec
lesquelles on pourrait être tenté de la confondre. L'autorité de chose jugée est ce qui, en dehors des
voies de recours prévues par la loi, interdit à un juge de revenir sur ce qui a été constaté dans une
précédente décision de justice. Par exemple, lorsqu'un tribunal a condamné une partie à verser des
dommages-intérêts à son adversaire au motif que ce dernier l'avait blessé au cours d'un accident de la
circulation, la partie condamnée ne peut (sauf à utiliser les voies de recours qui s'offrent à elle, telles
que l'appel) s'adresser à un autre tribunal pour faire juger qu'il n'est pas responsable du dommage. Le
premier jugement est doté de l'autorité de chose jugée.
L'efficacité substantielle du jugement est souvent confondue avec l'autorité de la chose jugée, y
compris par la Cour de cassation 1003. L'approche structurale de la règle de droit permet de
déterminer précisément ce qui relève de l'une et de l'autre. De l'autorité de la chose jugée relève la
constatation des éléments du présupposé et leur correspondance à une règle de droit déterminée 1004 ;
de l'efficacité substantielle, relève l'affirmation du droit de l'auteur de la prétention à l'effet juridique
de la règle. Pour reprendre les exemples esquissés dans le développement précédent, l'existence d'un
fait fautif qui a causé un dommage et la correspondance de ces faits avec le présupposé de la règle de
l'article 1382 du Code civil sont couvertes par l'autorité de la chose jugée. La reconnaissance par le
juge d'un droit de créance au profit du demandeur constitue l'effet substantiel de sa décision. De
même, l'existence de faits constitutifs d'une possession et la correspondance de ces faits avec la
possession telle qu'elle est exigée pour la prescription acquisitive trentenaire relèvent de l'autorité de
la chose jugée, alors que la proclamation du droit de propriété fait partie de l'effet du jugement.
Il est certain qu'il existe un lien entre l'autorité de la chose jugée et l'effet substantiel du jugement.
En principe, le second est sous la dépendance de la première : c'est l'intangibilité de ce qui a été jugé
qui rend normalement intangible l'effet juridique de la décision. Mais, si les deux vont le plus souvent
de pair, l'intangibilité ne s'attache directement qu'à ce qui est couvert par l'autorité de la chose jugée
au sens précis. L'effet substantiel du jugement n'en bénéficie que de façon indirecte, dans la stricte
mesure où il est lié à l'autorité de la chose jugée.
La distinction de l'efficacité substantielle et de l'autorité de la chose jugée peut être facilement
opérée en examinant certaines décisions qui, par dérogation aux principes, ne sont dotées que de l'un
de ces deux effets de l'acte juridictionnel. L'ordonnance de référé n'a pas l'autorité de la chose jugée
au principal 1005. Cela signifie que le juge du principal peut revenir sur toutes les constatations et les
qualifications effectuées par le juge des référés. Si l'ordonnance de référé ne bénéficie pas de
l'intangibilité qui s'attache à la chose jugée, elle est néanmoins dotée de l'efficacité substantielle. La
décision du juge s'impose aux parties, qui doivent y conformer leur comportement. Par exemple, si le
juge des référés prononce la réintégration d'un salarié, ce salarié peut se présenter aux élections
professionnelles organisées dans l'entreprise 1006. Les constatations de fait et le raisonnement
juridique qui ont conduit à la décision du juge des référés peuvent de nouveau être discutés devant le
juge du principal et leur remise en cause est susceptible de se répercuter sur l'effet substantiel de la
décision. Cependant, aussi longtemps qu'un second jugement n'a pas été rendu, l'effet substantiel de la
première décision demeure 1007.

349 Effets du jugement et force exécutoire. – Il existe moins de risques de confondre


l'effet substantiel de l'acte juridictionnel avec la force exécutoire qui s'attache au jugement en tant
qu'il est un titre 1008. Peut-être convient-il cependant d'en dire quelques mots. L'effet substantiel de
l'acte juridictionnel consiste en la consécration du droit substantiel du demandeur. La force
exécutoire du jugement est la qualité qui permet de mettre à exécution forcée l'effet substantiel du
jugement : sur la base d'un titre exécutoire, on peut pratiquer des saisies telles que la saisie-vente ou
la saisie immobilière. La force exécutoire vient ainsi prêter main-forte à la décision du juge.
Comme pour l'autorité de la chose jugée, la distinction se trouve facilitée par l'existence d'actes
qui ne se trouvent dotés que de l'un ou de l'autre. D'abord, la force exécutoire appartient à d'autres
actes que des jugements ; par exemple, elle appartient aussi aux actes notariés : on peut pratiquer une
saisie sur le fondement d'un contrat notarié et, plus largement, d'un acte authentique. Le fait que cet
effet soit attaché aux deux sortes d'actes montre bien que le jugement n'en est pas doté en tant qu'il est
un acte juridictionnel, mais en tant qu'il est un titre revêtu de la formule exécutoire. À l'opposé,
l'efficacité substantielle est reconnue de plein droit à certains jugements étrangers 1009. Pour autant,
ces jugements ne bénéficient pas de la force exécutoire, ils ne l'acquièrent qu'une fois qu'ils ont
obtenu l'exequatur du juge français. Par exemple, l'efficacité substantielle reconnue à un jugement
étranger de divorce permet à l'un des anciens époux de se remarier en France sans exequatur. En
revanche, l'ancien époux à qui le jugement étranger accorde une pension alimentaire ne peut pas
saisir en France les meubles de l'autre si le jugement n'a pas reçu l'exequatur.

350 Force exécutoire et droit communautaire. – Dans certains domaines, le droit


communautaire a instauré des règles particulières qu'il convient de signaler.
Ainsi, dans les matières relevant du règlement « Bruxelles II bis » 1010, les décisions rendues dans
un État membre sont normalement reconnues dans les autres États membres sans qu'il soit nécessaire
de recourir à aucune procédure. En revanche, l'exécution forcée de ces décisions passe en principe
par une procédure de constatation de la force exécutoire. Pour ce qui est de constater ainsi la force
exécutoire en France des titres exécutoires étrangers entrant dans le champ d'application du règlement
« Bruxelles II bis », c'est le président du tribunal de grande instance qui est compétent, en vertu de
l'article 509-2, alinéa 2, du Code de procédure civile 1011.
Le droit communautaire est allé encore plus loin avec le titre exécutoire européen, ou
« TEE » 1012. En effet, les décisions de justice, les transactions judiciaires ou les actes authentiques
assortis d'un certificat de titre exécutoire dans un État membre de l'Union européenne sont reconnus et
exécutés dans les autres États membres, « sans qu'une déclaration constatant la force exécutoire soit
nécessaire 1013 ». Tous les titres ne sont pas éligibles à cette qualité de titre exécutoire européen.
Seuls sont concernés, les décisions, transactions judiciaires et actes authentiques qui portent sur des
« créances incontestées 1014 », en matière civile ou commerciale et à l'exclusion de certains domaines
tels que l'état des personnes, les successions, les régimes matrimoniaux ou l'arbitrage 1015. Toujours
est-il que les actes, notamment les décisions de justice, constitutifs d'un TEE échappent à l'exigence
d'un exequatur, même simplifié. C'est dire qu'un jugement étranger, lorsqu'il a la qualité de titre
exécutoire européen, a de plein droit force exécutoire et efficacité substantielle en France.
Dans un tout autre domaine, un règlement européen a supprimé l'exequatur pour les décisions
rendues en matière d'obligations alimentaires dans un État membre de l'Union européenne lié par le
protocole de La Haye de 2007 1016, lorsque ces décisions sont exécutoires dans cet État 1017. Un autre
règlement a instauré une procédure européenne d'injonction de payer, qui est applicable dans les
litiges transfrontaliers, en matière civile et commerciale 1018. La procédure à suivre est proche de
celle de l'injonction de payer française 1019. On retrouve ainsi un mécanisme dans lequel l'ordonnance
portant injonction est signifiée au défendeur qui peut alors former opposition auprès du juge qui l'a
rendue 1020. À défaut d'opposition dans un délai de trente jours, elle sera déclarée exécutoire par le
greffier 1021 et pourra être mise à exécution dans l'ensemble des pays membres 1022, sans avoir à faire
l'objet d'un quelconque exequatur. La suppression de l'exequatur est également le choix qu'a fait
l'Union européenne, dans le cadre du règlement instituant une procédure européenne de règlement des
petits litiges 1023. Cette procédure très originale ne peut être empruntée, là encore, qu'à l'occasion de
litiges transfrontaliers. Mais il faut, de surcroît, que le montant du litige n'excède pas 2 000 euros et
divers domaines sont exclus, tels que le droit du travail ou les atteintes à la vie privée. La procédure
est écrite, à tel point que le juge ne prévoit une audience que s'il la juge nécessaire 1024. Cela étant, la
décision rendue dans le cadre de cette procédure sera identifiée comme telle grâce à un certificat 1025
qui l'accompagnera et permettra son exécution dans tout État membre de l'Union européenne 1026,
nonobstant une éventuelle voie de recours 1027 et sans qu'il soit besoin de recourir à une procédure
d'exequatur, même simplifiée 1028.
Enfin, dans les matières relevant du règlement « Bruxelles I bis » 1029 le droit de l’Union
européenne déroge largement aux règles françaises relatives à l’exequatur. En effet, depuis le
10 janvier 2015, les jugements rendus par une juridiction d'un État membre de l'Union, dans les
matières relevant de ce règlement échappent à toute procédure d’exequatur. Ils sont non seulement
reconnus de plano en France comme dans les autres États membres, ce qui n’est pas nouveau, mais on
peut les faire exécuter sans avoir à se tourner préalablement vers un juge ni même, comme c’était
auparavant le cas 1030, vers le greffier en chef d'un tribunal de grande instance. Pareillement, les actes
notariés étrangers relevant du règlement « Bruxelles I bis » sont désormais exécutoires sans
exequatur (simplifié ou non), même si, à l’inverse, on doit encore s’adresser au président (français)
de la chambre départementale des notaires pour obtenir le certificat qui devra accompagner les actes
français destinés à être exécutés à l’étranger 1031.

§ 2. L'AUTORITÉ DE LA CHOSE JUGÉE

351 Fondement. – Il est curieux de constater que l'autorité de la chose jugée 1032 est d'abord
réglementée par le Code civil, qui la qualifie de présomption légale. La loi présume vrai ce qu'a
décidé le juge ; comme le dit l'adage latin, res judicata pro veritate habetur 1033. Ce fondement ne
résiste guère à l'analyse, car on sait bien que toutes les énonciations des jugements ne correspondent
pas à la vérité. Si tel était le cas, l'autorité de la chose jugée serait moins utile, tant il est certain qu'un
plaideur est davantage tenté de discuter ce qui est discutable que ce qui est indiscutable et que la
vérité est généralement moins discutable que l'erreur... Par ailleurs, si le jugement correspondait
toujours à la vérité, les voies de recours seraient inutiles. En réalité, l'autorité de la chose jugée sert
d'abord à protéger les jugements dont le contenu laisse place à la discussion.
C'est l'existence des voies de recours qui permet de détecter le véritable fondement de l'autorité
de la chose jugée. Quelles que soient sa prudence et sa connaissance du droit, le juge peut se tromper.
Pour remédier à une erreur toujours possible, le législateur a institué les voies de recours, qui seules
permettent de remettre en cause ce qui a été jugé : si une partie entend contester une décision, elle
doit exercer une voie de recours, et une fois les voies de recours épuisées, elle ne peut plus contester
ce qui a été jugé. On ne saurait tolérer des procès à répétition à propos d'un même litige. Ainsi se
trouvent conciliées deux exigences contradictoires : la stabilité nécessaire des situations juridiques
est assurée par l'autorité de la chose jugée, mais son efficacité est tempérée par l'existence des voies
de recours, qui assure une certaine garantie aux justiciables. L'autorité de la chose jugée se présente
donc comme l'immutabilité que le législateur confère à ce que le juge a tranché dans son jugement.
Il faut garder présent à l'esprit ce fondement de l'autorité de la chose jugée : c'est lui qui
conditionne son contenu (A) et son domaine (B).

A. LE CONTENU DE L'AUTORITÉ DE LA CHOSE JUGÉE

352 Autorités négative et positive. – L'autorité de chose jugée peut se manifester de deux
manières différentes 1034 qui trouvent leur origine en droit romain 1035. Tout d'abord, dans sa forme la
plus évidente, elle s'oppose à ce qu'un juge statue, en dehors d'une voie de recours, sur une demande
qui a déjà fait l'objet d'une précédente décision de justice. La loi veut éviter que le même procès soit
refait à l'infini par les mêmes parties. Cette première forme d'autorité de la chose jugée est régie par
l'article 1351 du Code civil. Pour la désigner, on parle, en doctrine, « d'autorité négative » ou
« d'effet négatif de l'autorité » de la chose jugée.
L'autorité de la chose jugée se présente également sous une forme moins connue (et surtout moins
reconnue), lorsqu'elle s'oppose à ce qu'un juge, saisi d'une demande nouvelle, remette en question les
constatations effectuées par une juridiction qui aurait rendu une précédente décision entre les mêmes
parties à propos d'une autre demande. Il ne s'agit plus, alors, d'empêcher que des procès soient
recommencés indéfiniment, puisque le procès n'est plus le même, la demande étant différente. Dans
ce second cas de figure, la raison d'être de l'autorité de chose jugée est double : accélérer le cours de
la justice, en dispensant le second juge de se pencher sur des faits déjà reconnus judiciairement et, en
même temps, éviter que soient rendues des décisions contradictoires. Pour désigner cette seconde
forme d'autorité de la chose jugée, on parle, en doctrine, « d'autorité positive » ou « d'effet positif de
l'autorité » de la chose jugée. Contrairement à l'autorité négative (1), dont l'existence résulte de
l'article 1351 du Code civil, l'autorité positive n'est pas prévue par un texte général. Mais elle l'est,
dans des domaines particuliers, par des textes spéciaux. De plus, si l'état de la jurisprudence ne
permet pas d'affirmer l'existence d'un principe général d'autorité positive de la chose jugée, le
contenu d'un certain nombre de décisions commande de s'interroger sur ce point (2).

1. L'autorité négative de chose jugée

353 Source textuelle. – L'article 1351 du Code civil dispose que « l'autorité de la chose jugée
n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ;
que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et
formée par elles et contre elles en la même qualité ». Il résulte de ce texte que le contenu de l'autorité
de la chose jugée se trouve délimité par une triple identité : identité de cause (a), identité d'objet (b)
et identité de parties (c).
a) L'identité de cause

354 Notion. – La « cause » au sens de l'article 1351 du Code civil n'a rien à voir avec la cause
des obligations, condition de validité des actes juridiques, chère à tous les étudiants en droit. En
matière d'autorité de la chose jugée, le terme « cause » désigne ce sur quoi est fondée une demande.
Logiquement, il faut donc considérer que la cause comporte à la fois des éléments de fait et de droit
et que c'est la comparaison des éléments factuels et juridiques articulés par le demandeur lors de son
second procès avec ceux qui ont été jugés lors du premier qui permet de dire s'il y a identité de
cause. Par exemple, si la victime d'un accident invoque des faits dommageables et une règle de droit,
pour solliciter des dommages et intérêts, son adversaire peut lui opposer l'autorité de la chose jugée
si un jugement a déjà tranché ce litige 1036, en décidant que ces faits se sont ou non produits et que la
règle de droit invoquée était ou non applicable. Pour les adeptes de la méthode structurale, on peut
s'exprimer un peu différemment, mais pour dire finalement la même chose : l'autorité de la chose
jugée s'attache aux faits retenus par le juge et à la correspondance de ces faits avec les éléments du
présupposé de la règle de droit, telle que la retient le juge. Par exemple, un tribunal juge qu'au
moment où le possesseur est entré en possession d'un bien, il connaissait les vices de son titre et il en
déduit que cette partie n'est pas de bonne foi au regard des dispositions de l'article 2272 du Code
civil et qu'ainsi elle ne peut bénéficier de la prescription acquisitive abrégée 1037. Désormais, il est
acquis en fait que la partie connaissait les vices de son titre et il est acquis en droit que cette
connaissance correspond à la notion légale de mauvaise foi au sens de l'article 2272 et que la
mauvaise foi rend impossible le jeu de cet article.
De cette définition, il ressort essentiellement que l'autorité de la chose jugée s'attache aux
éléments du présupposé de la règle de droit par opposition à l'effet juridique qui relève, comme on
l'a vu 1038, de l'efficacité substantielle du jugement. En d'autres termes, l'autorité de chose jugée
concerne tout ce qui a fait l'objet de la « vérification juridictionnelle 1039 » à laquelle le juge s'est
livré. La logique de ce schéma a cependant été remise en question de manière radicale par une
importante jurisprudence, en 2006.

355 La jurisprudence Cesareo. – Si la doctrine a toujours été divisée sur le caractère


simplement factuel ou à la fois juridique et factuel de la cause au sens de l'article 1351 du Code civil,
la jurisprudence de la Cour de cassation a longtemps prôné une conception large et, à notre sens,
correcte, de la cause. Pour qu'il y ait identité de cause, il fallait que la demande repose sur les mêmes
moyens de fait et les mêmes moyens de droit que ceux antérieurement jugés. Il était donc possible de
saisir un juge d'une nouvelle demande reposant sur des faits qui avaient déjà donné lieu à un jugement
entre les mêmes parties, dès lors que le demandeur invoquait des règles de droit différentes.
Cependant, par un important arrêt du 7 juillet 2006 (« Cesareo »), l'Assemblée plénière de la Cour
de cassation a opéré un revirement de jurisprudence qui a bouleversé la matière. Désormais, elle
juge qu'il incombe au demandeur de « présenter dès l'instance relative à la première demande
l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci » 1040. Si, dans le cadre d'un nouveau
procès opposant les mêmes parties, il présente une demande dont l'objet est le même, en invoquant un
fondement juridique (une règle de droit) qu'il s'était abstenu de soulever lors du premier procès,
l'autorité de la chose jugée peut donc lui être opposée. À s'en tenir à cet arrêt de 2006, on pouvait
croire que le revirement consistait simplement à réduire la notion de cause aux moyens de fait, c'est-
à-dire à consacrer son caractère purement factuel, ce qui eût déjà été en soi un changement
considérable. Mais la Cour de cassation ne s'est pas arrêtée là. Dans les années qui ont suivi, elle a
étendu la jurisprudence Cesareo aux parties qui étaient défenderesses lors de l'instance initiale, en
jugeant qu'elles devaient présenter dès cette instance l'ensemble des moyens susceptibles de faire
échec à la demande de leur adversaire 1041. L'autorité de la chose jugée est donc désormais opposable
à l'ancien défendeur s'il invoque en demande, dans un nouveau procès, un moyen qu'il aurait pu
invoquer en défense lors du premier procès. De plus, dans les arrêts postérieurs à 2006, la Cour de
cassation n'a pas limité aux seuls moyens de droit l'obligation qu'ont les parties de présenter « dès
l'instance relative à la première demande », l'ensemble des moyens de nature à faire accueillir leurs
prétentions. Autrement dit, la Cour n'a pas distingué les moyens de fait des moyens de droit, si bien
qu'une partie qui invoque, lors d'un second procès contre le même adversaire, des faits et des règles
qu'elle avait omis d'invoquer lors du premier procès peut se heurter à l'autorité de la chose jugée. Par
exemple, celui qui demande l'annulation d'une procédure de saisie au motif qu'il fait l'objet d'une
procédure collective et que la créance du saisissant n'a pas été déclarée a intérêt à invoquer
également tous les vices de procédure qui pourraient entacher la saisie, car l'autorité de la chose
jugée du jugement qui rejetterait sa demande lui serait opposable s'il introduisait une nouvelle
instance 1042. En résumé, la jurisprudence Cesareo a donné naissance à un principe de concentration
des moyens de fait et de droit. Ce principe va très loin puisqu’il a même été jugé qu’il pouvait
empêcher une partie de soulever une fin de non-recevoir en tout état de cause, dès lors qu’une
précédente fin de non-recevoir soulevée par cette partie avait été rejetée par une décision
irrévocable du magistrat de la mise en état 1043.

356 L'appréciation de l'identité de cause. – Sous l'empire de la jurisprudence Cesareo telle


qu'elle s'est développée après 2006, il ne reste plus grand-chose de la « cause » visée à
l'article 1351 du Code civil. La Cour de cassation l'a vidée d'une bonne partie de sa substance, dès
lors que tout nouveau moyen de fait comme de droit se heurte à l'autorité de chose jugée quand la
nouvelle demande a le même objet 1044 et se rattache au même contexte événementiel 1045 que celle qui
a donné lieu à un précédent jugement entre les mêmes parties. La « cause » correspond désormais à la
situation globale, au complexe de fait, dans lequel s'inscrit la nouvelle demande. Par conséquent, si
une personne a agi une première fois en indemnisation d'un dommage causé lors d'un accident, elle ne
pourra pas initier un nouveau procès contre le même adversaire, pour réparation de ce même
dommage, quand bien même elle invoquerait des faits ou des règles de droit non invoqués durant le
premier procès. On considérera que la cause est la même : c'est l'accident qui est à l'origine de son
préjudice.
On le voit, sous l'empire de la jurisprudence Cesareo, la « cause » n'a plus le contenu technique et
relativement précis qu'elle avait jusqu'en 2006. On a jugé autrefois que le rejet d'une demande en
revendication fondée sur des titres ne faisait pas obstacle à la présentation d'une autre demande
fondée sur la prescription acquisitive, car les faits invoqués n'étaient pas les mêmes 1046. Il est certain
qu'une telle solution ne serait plus approuvée par la Cour de cassation, de nos jours. Il est tout aussi
certain que l'expression « chose jugée » est désormais largement inadaptée pour désigner la fin de
non-recevoir de l'article 1351 du Code civil, car si le premier juge n'a pas connu des faits et règles
non invoqués devant lui, c'est à une chose non jugée que l'on accorde désormais autorité 1047 !

357 Preuves nouvelles et autorité de chose jugée. – Que l'on raisonne à la lumière de
l'article 1351 du Code civil ou à celle de la jurisprudence Cesareo, il est certain que les questions de
preuve des faits sont étrangères à l'autorité de chose jugée. Autrement dit, peu importent les preuves
sur lesquelles le juge s'est fondé. Un fait jugé ne saurait être remis en question au motif que de
nouveaux éléments de preuve peuvent être produits 1048. Un exemple très simple permet d'illustrer ce
propos : un particulier demande des dommages et intérêts à un jeune homme, au motif que celui-ci
aurait provoqué sa chute en le bousculant accidentellement dans l'escalier d'un grand magasin. Il
produit, à l'appui de ses dires, le témoignage d'une vendeuse, mais le juge le déboute, les
déclarations du témoin étant trop imprécises pour emporter sa conviction. Si ultérieurement, une fois
écoulés les délais de recours, la victime retrouve d'autres témoins qui sont à même de corroborer sa
version des faits, elle ne pourra pas retourner devant son juge ni devant un autre. Il y a autorité de la
chose jugée : les parties n'ont pas changé (mêmes demandeur et défendeur), l'objet de la demande est
le même (indemnisation du préjudice) et la cause est identique (les faits allégués et la qualification
de faute qui leur est appliquée), même si cette dernière précision n'a plus guère d'intérêt sous
l'empire de la jurisprudence Cesareo. Sous couvert de nouveaux éléments de preuve, le demandeur
cherche à refaire le même procès. La loi s'y oppose 1049.
b) L'identité d'objet

358 Notion. – Pour que l'on puisse opposer à une partie la fin de non-recevoir tirée de
l'autorité de la chose jugée, l'article 1351 du Code civil n'exige pas seulement une identité de cause.
Il faut encore que la demande présentée par cette partie ait le même objet que celle ayant donné lieu à
une précédente décision. En effet, ce qui caractérise une demande, c'est avant tout son objet : la
demande qui a pour objet l'annulation d'une vente mobilière est nécessairement distincte de celle qui
tend à la revendication d'un immeuble. Pour comparer deux demandes, il faut donc, logiquement,
prendre en compte non seulement leur objet au sens strict (contrat de vente, bien immobilier...), mais
aussi leur nature (annulation, revendication...). Il est évident que deux demandes d'annulation sont
distinctes si l'une porte sur un contrat « A » et l'autre sur un contrat « B ». Pareillement, on devrait
dire qu'il n'y a pas identité d'objet si une demande tend à l'annulation du contrat « A » et qu'une autre
demande tend à sa résolution. C'est ainsi que raisonnaient, dans l'ensemble, les tribunaux, avant 2006.
Mais les effets de la jurisprudence Cesareo 1050 n'ont pas été limités à la question de la cause. Ils se
sont également fait sentir à propos de l'identité d'objet.

359 De la concentration des moyens à la concentration des demandes. – La jurisprudence


Cesareo a bouleversé (pour ne pas dire renversé) la notion de cause au sens de l'article 1351 du
Code civil. Mais cette révolution a atteint, par ricochet, la question de l'objet des demandes
susceptibles d'être déclarées irrecevables à raison de l'autorité de chose jugée. En effet, dans
l'application de la jurisprudence Cesareo, il arrive que l'on reproche à un demandeur de n'avoir pas
présenté les moyens sur lesquels il se fonde, lorsqu'il était défendeur à un précédent procès. Ainsi a-
t-il été jugé qu'une société condamnée à régulariser une vente d'immeuble ne pouvait plus,
ultérieurement, agir en rescision pour lésion 1051. Elle aurait dû invoquer la lésion lors de l'instance
qui a conduit à sa condamnation. En raisonnant de la sorte, on est en accord avec la jurisprudence
Cesareo et son principe de concentration des moyens, mais on méconnaît totalement le fait que la
prétention actuelle du demandeur n'a pas le même objet que son ancienne défense. Ses défenses
tendaient au rejet de la demande de régularisation forcée de la vente présentée par son adversaire. En
demandant la rescision de ladite vente, il demande tout autre chose que le rejet de cette ancienne
demande de régularisation. Pourtant, la Cour de cassation fait jouer l'autorité de la chose jugée,
sacrifiant ainsi l'exigence d'une identité d'objet à son principe de concentration des moyens 1052.
Ce faisant, les juges sont passés aussi d'une concentration des moyens à une véritable
concentration des demandes. Reprocher au demandeur de n'avoir pas invoqué la lésion lorsqu'il était
défendeur, c'est dire qu'il aurait dû agir reconventionnellement en rescision. C'est dire aussi que, sous
couvert de concentration de ses moyens, il lui fallait concentrer ses demandes ! Un tel basculement de
la concentration des moyens à la concentration des demandes est inévitable dès lors que l'on applique
la concentration des moyens à un défendeur initial. Comme on pouvait le prévoir, la Cour de
cassation ne s'est pas arrêtée là et, très rapidement, une de ses chambres a consacré ouvertement un
principe de concentration des demandes, en écrivant « qu'il incombe au demandeur de présenter dans
la même instance toutes les demandes fondées sur la même cause » 1053. Cette position transgresse la
lettre tout autant que l'esprit de l'article 1351 du Code civil. Heureusement, elle ne fait pas l'objet
d'un consensus entre les différentes formations de la Cour de cassation. Depuis quelques années,
plusieurs arrêts des deuxième et troisième chambres civiles en reviennent à une conception plus
acceptable, en rejetant la concentration des demandes pour s'en tenir à la concentration des
moyens 1054.

360 Chose jugée implicitement et chose non jugée. – Quand bien même on admettrait le
principe de concentration des demandes qui ressort d'une partie de la jurisprudence actuelle, il est
certain que l'autorité de la chose jugée suppose qu'une demande, lorsqu'elle a été présentée lors d'un
premier procès, ait été traitée par le juge. On ne pourra pas opposer l'autorité de la chose jugée à
celui dont la prétention s'est heurtée à une omission de statuer. Mais il n'est pas toujours facile de
déterminer ce qui a été jugé. Ne peut-on parfois dire que tel point l'a été implicitement ? En principe,
la réponse est positive, une décision implicite pouvant parfois découler d'une décision explicite.
Cependant, il convient d'être très prudent et de ne reconnaître une décision implicite que lorsqu'elle
est certaine. De même, la théorie des motifs décisoires étant rejetée par la jurisprudence actuelle 1055,
l'accueil ou le rejet de la prétention doit ressortir du dispositif de sa décision. La Cour de cassation
l'a clairement rappelé à propos de demandes reconventionnelles qui n'avaient pas été tranchées par
les premiers juges, dans le dispositif de leur décision 1056.
c) L'identité de parties

361 Parties et ayants cause. – Alors que l'effet substantiel de la décision peut être opposé à
tous, l'autorité de la chose jugée n'est que relative : l'article 1351 du Code civil dispose qu'elle ne
joue qu'entre les parties prises « en la même qualité ». La référence à la qualité des parties est à
prendre au sens précis du mot. L'autorité de la chose jugée n'existe qu'au profit ou à l'encontre de
celui qui a qualité pour que la demande soit formée pour lui ou contre lui. Par exemple, c'est à l'égard
du mineur représenté dans un procès par son administrateur légal ou par son tuteur, que le jugement
est doté de l'autorité de la chose jugée. Le jugement est dépourvu d'autorité de la chose jugée à
l'égard du représentant de la personne physique ou de la personne morale. L'inverse est tout aussi
vrai. Supposons qu'un jugement ait été rendu contre le président du conseil d'administration d'une
société, poursuivi personnellement. Si une nouvelle demande est formée, cette fois, contre la société,
le président n'est pas lié, en tant que représentant de la société, par ce qui a été jugé contre lui 1057.
La disposition de l'article 1351 ne doit pas être prise de façon trop stricte. En dehors des parties
elles-mêmes, l'autorité de la chose jugée lie encore les ayants cause universels ou à titre universel
des parties. Succédant à leur auteur, ils reprennent ses droits tels qu'ils existaient au jour de son
décès. La même raison justifie que la même solution soit retenue pour les ayants cause à titre
particulier pour les jugements antérieurs relatifs aux biens sur lesquels ils ont acquis un droit de leur
auteur : par exemple, l'acquéreur d'un fonds est lié par ce qui a pu être jugé, avant la vente, sur une
servitude grevant ce fonds 1058.

362 Extensions jurisprudentielles à d'autres personnes. – L'autorité de la chose jugée joue


encore à l'égard d'autres personnes qui ne sont ni les parties, ni leurs ayants cause, ce qui se traduit
par l'impossibilité pour elles de former tierce opposition contre la décision. Une jurisprudence
ancienne décide ainsi que ce qui a été jugé contre une personne lie également ses créanciers
chirographaires, qui se trouvent alors privés de la possibilité de contester, pour la conservation de
leur créance, tout ce qui a été jugé contre leur débiteur 1059. Et contrairement à ce que l'on pourrait
croire, ce n'est pas qu'une question d'efficacité substantielle du jugement. Certes, l'adversaire du
débiteur peut se prévaloir de l'effet substantiel du jugement contre les créanciers chirographaires. Par
exemple, si un litige a opposé deux personnes sur la propriété d'un bien, celui qui a obtenu gain de
cause peut, en dehors de toute question d'autorité de la chose jugée, s'opposer à la saisie de ce bien
par les créanciers de son adversaire : la proclamation de son droit par le juge relève de l'efficacité
substantielle de la décision. Mais, si le jugement rendu contre le débiteur n'était pas doté de l'autorité
de la chose jugée à l'égard des créanciers chirographaires, ceux-ci pourraient former tierce
opposition à ce jugement en contestant les faits retenus par le premier juge et les conséquences
juridiques qu'il en a tirées. C'est de cette possibilité qu'ils se trouvent privés par l'extension à leur
égard de l'autorité de la chose jugée.
Le cercle des personnes ainsi enfermées par l'autorité de la chose jugée a été considérablement
élargi par la Cour de cassation. Elle a créé une notion de « représentation » spécifique à l'autorité de
la chose jugée et différente de la représentation du droit civil qui joue pour les actes juridiques. Il est
normal que le mandant soit lié par ce qui a été jugé lors d'un procès où son mandataire agissait pour
lui. Mais ce n'est que de façon impropre, au regard des règles du droit civil, que l'on peut parler
d'une représentation des débiteurs solidaires les uns par les autres. Néanmoins, la Cour de cassation
décide classiquement que le jugement rendu contre l'un des débiteurs solidaires a l'autorité de la
chose jugée à l'encontre des autres 1060. Pareillement, elle décide que la décision rendue contre un
époux, quant au sort d'un bien de communauté, a autorité de chose jugée à l'égard de son conjoint 1061.
Pour s'en tenir à ce dernier cas, il est manifeste que l'époux qui use des pouvoirs de gestion de la
communauté qu'il tient du droit des régimes matrimoniaux, ne représente pas pour autant son conjoint
au sens du droit civil.
Si l'on peut parler de « représentation » pour expliquer ces cas d'extension de l'autorité de la
chose jugée, il faut préciser que c'est une « représentation » pour le procès et même une fausse
représentation. Son effet concret est de nouveau que les personnes « représentées », par exemple les
codébiteurs solidaires, ne peuvent pas former tierce opposition 1062 aux jugements auxquels elles n'ont
pas été parties, sauf en cas de fraude ou en faisant valoir des moyens qui leur sont propres, c'est-à-
dire des moyens que le débiteur principal ne pouvait pas opposer à la demande de son créancier 1063.

363 Autorité de chose jugée et opposabilité du jugement. – Sous réserve des hypothèses
d'extension jurisprudentielle de l'autorité de chose jugée à des tiers, le principe reste que le jugement
n'a pas autorité de chose jugée à l'égard de ceux qui n'ont pas été parties au procès. Autrement dit,
l'autorité de chose jugée est relative : elle ne joue qu'entre les parties (et les personnes qui leur sont
assimilées par extension jurisprudentielle). Ainsi, contrairement à ce qui a été longtemps affirmé 1064,
les jugements rendus en matière de filiation ne bénéficient pas d'une autorité absolue, qui vaudrait
erga omnes. L'article 324 du Code civil dispose exactement qu'ils « sont opposables aux personnes
qui n'y ont point été parties », mais que « celles-ci ont le droit d'y former tierce opposition ».
Autrement dit, l'effet substantiel de ces jugements peut être opposé à tous, mais l'autorité de chose
jugée n'existe qu'entre les parties, ce qui n'est somme toute que l'expression du droit commun 1065. Il
n'y a pas extension, ici, de l'autorité de chose jugée à des tiers. Il y a seulement opposabilité de la
décision 1066. On peut dire la même chose des jugements rendus en matière de nationalité française :
ils sont opposables à tous, mais tout intéressé peut les attaquer par la voie de la tierce opposition 1067.
Pareillement, il ne nous semble pas exact de dire, comme on le fait souvent, que les décisions par
lesquelles une juridiction administrative annule un acte administratif ont une autorité absolue de
chose jugée 1068. Ce qui est absolu, c'est l'opposabilité de l'annulation, c'est-à-dire de ce qui a été
changé, par le juge, dans l'ordonnancement juridique. Bref, c'est l'effet substantiel du jugement rendu
par la juridiction administrative qui s'impose à tous. Mais ce qui a fait l'objet de la vérification
juridictionnelle, par exemple le fait qu'un conseil municipal a voté dans telles ou telles conditions, ne
s'impose certainement pas aux tiers.
On notera, pour finir, qu'il arrive fréquemment que la Cour de cassation confonde l'opposabilité
de l'effet substantiel d'un jugement et son autorité de chose jugée 1069. Ceci est regrettable, car la
portée et la valeur des arrêts qu'elle rend s'en trouvent sensiblement altérées. Parler à tort d'autorité
de chose jugée ne peut que renforcer la confusion qui règne déjà en doctrine comme dans la pratique,
sur cette délicate notion.

364 Autorité de chose jugée et qualité de la décision. – Il convient de préciser que l'autorité
de la chose jugée est totalement indépendante de la qualité de la décision rendue. Elle bénéficie, par
exemple, au jugement rendu par un juge incompétent 1070. Mieux encore, lorsqu'un juge constate qu'une
erreur de fait ou de droit a été commise dans un précédent jugement 1071, non seulement il lui est
interdit de la corriger, mais encore, pour sa propre décision, il doit se conformer à ce qui a déjà été
mal jugé 1072. Si l'on peut dire, la loi l'oblige à persévérer dans l'erreur. Aussi surprenante que cette
solution puisse paraître au premier abord, elle résulte d'un souci de cohérence du droit : le respect de
l'intangibilité de la chose jugée est plus important que le respect de la loi substantielle. Il faut répéter,
à cette occasion, que le seul moyen de remettre en cause l'autorité de la chose jugée est d'exercer une
voie de recours. Si la voie de recours n'est pas formée ou si elle est formée trop tard, aussi
critiquable ou aberrant qu'il puisse être, le jugement acquiert une autorité irrévocable de la chose
jugée.

365 La date d'acquisition de l'autorité de chose jugée. – L'article 480 du Code de procédure
civile confère autorité de chose jugée, dès son prononcé, à la décision « qui statue sur une exception
de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident ». Si une partie veut remettre en question
ce qui a été décidé, elle devra exercer une voie de recours contre la décision contestée 1073. Si elle ne
le fait pas et se borne à interjeter appel du seul jugement rendu ultérieurement sur le fond, la cour
d'appel ne pourra pas revenir sur la décision relative à la fin de non-recevoir ou à l'exception de
procédure 1074. Les juges du second degré seront tenus par l'autorité de la chose jugée par la
juridiction de première instance.
On ajoutera que l'article 480 du Code de procédure civile dispose également que l'autorité de la
chose jugée appartient au jugement qui tranche tout ou partie du litige « dès son prononcé », alors que
sa force exécutoire est subordonnée à sa notification préalable. Cette différence montre que l'autorité
de la chose jugée est moins un effet qu'un attribut du jugement 1075. Concrètement, il en résulte que
l'absence de notification d'une décision n'empêche pas les parties de se prévaloir de son autorité de
la chose jugée 1076, pour empêcher un nouveau procès.

366 Une fin de non-recevoir d'ordre public ? – La fin de non-recevoir 1077 qui sanctionne
l'autorité de la chose jugée est-elle ou non d'ordre public ? La réponse dépend en large part du
fondement qui lui est reconnu. Si l'on met en avant l'idée d'un respect dû aux décisions de justice, on
estimera que la fin de non-recevoir doit être d'ordre public. Cependant, quel que soit le respect dû
aux décisions de justice, le point essentiel est que le jugement « réalise » des droits privés. C'est
donc la nature des droits mis en jeu qui commande logiquement la solution. En principe, la fin de
non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée n'est pas d'ordre public et l'on jugeait naguère que le
juge ne pouvait la relever d'office 1078. À la suite d'une réforme intervenue en 2004, l'article 125 du
Code de procédure civile énonce désormais que le juge « peut » la relever d'office, ce qui, d'une
certaine manière, confirme qu'elle n'est pas, normalement, d'ordre public. Toutefois, on doit raisonner
autrement lorsque le jugement est rendu dans une matière qui est d'ordre public, car la nature des
droits substantiels mis en jeu rejaillit sur la fin de non-recevoir : ainsi en va-t-il en matière d'état et
de capacité des personnes 1079. La Cour de cassation décide aussi que la fin de non-recevoir est
d'ordre public lorsque des jugements successifs sont rendus au cours d'une même instance 1080. Dès
lors qu'elle est d'ordre public, le juge est tenu de relever la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de
chose jugée, par application de l'article 125 du Code de procédure civile. Il doit alors inviter
préalablement les parties à présenter leurs observations sur ce moyen qu'il envisage de relever
d'office, afin de ménager le principe de la contradiction 1081. La Cour de cassation le dispense
cependant de procéder à cette invitation, lorsque la fin de non-recevoir repose sur l'existence d'un
précédent jugement rendu dans la même instance 1082. Manifestement, la Cour est sensible au fait que
la première décision est déjà dans le débat et il nous semble que, pour relever le juge du fond des
exigences du principe contradictoire, elle fait application de la théorie des moyens dans la cause 1083,
sans le dire clairement.

2. L'autorité positive de chose jugée

367 Notion. – Nous avons vu que lorsque, après un premier procès, une nouvelle demande
fondée sur les mêmes faits et comportant la même prétention était présentée au juge, entre les mêmes
parties, l'effet négatif entraînait l'irrecevabilité de la seconde demande. L'effet positif, quant à lui,
apparaît lorsque l'identité de matière litigieuse n'est que partielle. Un fait déjà jugé dans une première
instance est invoqué, à titre incident, dans un second procès portant sur une demande différente par
son objet. L'autorité de la chose jugée, si elle est admise, permet à l'une des parties d'opposer à
l'autre la force probante de ce qui a déjà été décidé dans la première instance. Par exemple, s'il a été
jugé, à l'occasion d'une action en revendication que la mauvaise foi du possesseur l'empêchait de
bénéficier de la prescription acquisitive abrégée, l'autorité positive de ce jugement permettrait à
l'adversaire, dans une seconde instance ayant pour objet la restitution des fruits perçus par le
possesseur, de faire juger que le possesseur ne peut les conserver, ce droit étant réservé au
possesseur de bonne foi 1084.
Il n'existe aucune différence de nature entre l'effet négatif et l'effet positif de l'autorité de la chose
jugée. Fondamentalement, la réalité est la même : seule varie d'une situation à l'autre l'importance de
la matière litigieuse identique. En cas d'identité totale (même cause et même objet), tout ayant déjà
été tranché, le second juge n'a plus rien à examiner. Il peut rejeter sans examen la demande qui est
formée pour la seconde fois, c'est-à-dire la déclarer irrecevable. Il y a autorité négative. En
revanche, lorsque l'objet de la demande présentée lors du premier procès est différent de celui de la
nouvelle demande, celle-ci n'est pas, en soi, irrecevable. Mais, si l'on admet l'autorité positive de
chose jugée, le juge devra tenir pour acquis les faits et qualifications précédemment retenus par le
premier juge, ce qui conduira tantôt au rejet de la nouvelle demande, tantôt à la reconnaissance de
son bien-fondé.
À cet égard, il convient de préciser que l'identité de cause ne doit pas être appréciée de façon
globale, mais au regard de chaque élément du présupposé. Il en résulte que, si un élément du
présupposé retenu par le juge pour statuer sur une demande se retrouve dans une autre règle
applicable à une autre demande, le juge devra, pour cet élément, se conformer à ce qui a été décidé
pour la première demande. C'est ainsi que, si son adversaire demande au possesseur de restituer les
fruits perçus, le possesseur ne pourra pas s'y opposer en soutenant qu'il est de bonne foi. Les faits
constitutifs de mauvaise foi pour la prescription abrégée reçoivent la même qualification pour
l'acquisition des fruits 1085. Dès lors que la mauvaise foi d'un acquéreur a été reconnue dans un
premier jugement non remis en cause à l'occasion d'une voie de recours, cette mauvaise foi doit être
tenue pour acquise par un juge qui, à l'avenir, serait saisi d'un litige opposant les mêmes parties, sur
la question de la restitution des fruits. Il en est ainsi, du moins, si l'on reconnaît une autorité positive
de chose jugée à la première décision, ce qui ne va pas de soi.

368 Portée de l'autorité positive de chose jugée. – L'existence d'une autorité positive de la
chose jugée n'est pas universellement reconnue en doctrine. Si, dans leur majorité, les auteurs ne
l'évoquent même pas, certains la nient, tandis que d'autres l'affirment 1086, quitte à convenir que sa
consécration en droit positif apparaît limitée. En l'état actuel de la législation et de la réglementation,
il n'existe pas de texte posant de manière générale que les jugements sont dotés d'une autorité positive
de chose jugée. L'article 1351 du Code civil, en exigeant une triple identité de parties, de cause et
d'objet, ne consacre que l'autorité négative. Cependant, il existe bien une autorité positive, dans des
cas particuliers, visés par la loi ou la jurisprudence.
Ainsi, l'article 95 du Code de procédure civile énonce que « lorsque le juge, en se prononçant sur
la compétence, tranche la question de fond dont dépend cette compétence, sa décision a autorité de
chose jugée sur cette question de fond ». Par exemple, si le juge saisi d'une exception
d'incompétence, se fonde, pour statuer, sur la nature d'un acte juridique 1087, sa décision aura autorité
de chose jugée quant à la qualification de cet acte. Dès lors que cette première décision n'est pas
remise en cause dans le cadre d'un recours, la qualification retenue devra être tenue pour acquise
durant le reste de l'instance. Manifestement, l'article 95 instaure un cas d'autorité positive de la chose
jugée. En effet, le premier jugement répond à une demande relative à la compétence du juge, alors
que le second statue sur une tout autre demande, telle qu'une demande d'exécution forcée, d'annulation
ou de résolution pour inexécution. La chose réclamée n'étant plus la même, il n'y a pas identité d'objet
des demandes. Et pourtant, en vertu de l'article 95, il y a autorité de la chose jugée : autorité positive.
Pareillement, il est traditionnellement admis que ce qui a été jugé par une juridiction pénale
statuant au fond 1088 sur l'action publique s'impose aux juges civils. On dit qu'il y a autorité du pénal
sur le civil 1089 et l'on précise volontiers « autorité absolue 1090 ». En réalité, cette expression masque
ce qui n'est qu'une autorité positive de la chose jugée au pénal 1091. En effet, l'autorité du pénal sur le
civil signifie que ce qui a fait l'objet d'une vérification juridictionnelle au pénal, dans le cadre de
l'action publique, doit être tenu pour acquis si une partie agit ensuite au civil. Par exemple 1092, si une
personne ayant été condamnée à une peine d'emprisonnement pour vol est assignée en dommages et
intérêts, par sa victime, devant le juge civil, elle ne pourra pas contester, devant celui-ci, la
matérialité des faits constatés par le premier juge 1093. Pareillement, si le prévenu a été relaxé pour ne
s'être pas emparé de la chose d'autrui, le plaignant ne pourra pas contester ce fait pour obtenir des
dommages et intérêts au civil. On voit bien, à travers cet exemple, qu'il ne s'agit pas d'autorité
négative, puisque le second juge n'est pas saisi de la même demande que le premier : l'un a statué sur
une demande de condamnation à une sanction pénale, l'autre sur une demande de dommages et
intérêts. Il s'agit d'autorité positive 1094.
Un troisième exemple peut être tiré de l’article L. 423-17 du Code de la consommation qui
dispose que les manquements d’un professionnel aux règles du droit de la concurrence « sont réputés
établis de manière irréfragable », dans le cas où une action de groupe est engagée contre lui, sur le
fondement d’une décision prononcée à son encontre par une autorité ou une juridiction nationale ou
de l'Union européenne compétente, qui a constaté ces manquements. La réalité des pratiques
anticoncurrentielles reprochées au professionnel dans le cadre de l’action de groupe s’impose donc
au juge saisi de cette action. Il doit les tenir pour acquises parce que le juge de la concurrence ou, ce
qui est plus extraordinaire, une autorité administrative 1095, en a reconnu la réalité.
Enfin, on signalera que si la jurisprudence actuelle semble défavorable à une reconnaissance
généralisée de l'autorité positive de chose jugée, on trouve parfois des arrêts qui la retiennent,
ponctuellement, dans des cas autres que ceux que nous venons d'évoquer. Ainsi a-t-il été décidé, par
la Cour de cassation, que l'existence de relations intimes entre un homme et la mère d'un enfant
pendant la période légale de conception, affirmée par un précédent jugement rendu sur une action à
fin de subsides, ne pouvait être remise en cause par un autre juge saisi d'une action en recherche de
paternité contre le même homme 1096. La demande n'étant plus la même, l'autorité de chose jugée
reconnue par la haute Juridiction était, de toute évidence, de nature positive. Dans un tout autre
domaine, la Cour de cassation a admis que l'autorité de chose jugée d'une première décision ayant
prononcé la résolution d'un contrat qualifié de « vente » s'opposait à une nouvelle demande du client
(en responsabilité) tendant à la condamnation de son fournisseur sur le fondement d'un « contrat
d'entreprise » 1097.
Cela étant, les arrêts dans lesquels la Cour de cassation retient une autorité positive de chose
jugée ont toujours été rares et ils semblent l'être de plus en plus depuis quelques années 1098. En effet,
comme nous le verrons 1099, en refusant désormais de reconnaître une quelconque autorité aux motifs
des jugements et arrêts, la Cour de cassation fait obstacle à l'autorité positive de chose jugée, dans la
mesure où c'est généralement dans les motifs de la décision que sont relatés les faits et les
qualifications qui ont fait l'objet d'une vérification juridictionnelle.

369 Valeur de l'autorité positive de chose jugée. – Abstraction faite de la position actuelle de
la jurisprudence qui est plutôt défavorable, on peut se demander s'il serait opportun de consacrer, de
manière générale, une autorité positive des jugements 1100. Rien n'est moins sûr. Certes, une telle
autorité contribuerait utilement à éviter des décisions contradictoires, alors qu'en l'absence d'autorité
positive, un juge peut dire une chose et un autre le contraire, dès lors que la demande n'est plus
exactement la même. De surcroît, la reconnaissance de cette forme d'autorité permettrait aux
magistrats de gagner du temps en s'en tenant à ce que d'autres auraient constaté avant eux, ce qui leur
éviterait d'avoir à refaire une partie du travail de vérification juridictionnelle. Mais, d'un autre côté,
l'autorité positive de chose jugée peut se révéler extrêmement dangereuse pour les parties. En effet,
pour l'essentiel, les éléments couverts par elle se situent dans les motifs de la décision. Or, il se peut
qu'une partie ait décidé de ne pas former de recours contre le jugement, parce qu'elle se satisfait du
dispositif de celui-ci. Le dispositif peut lui être favorable, par exemple parce qu'elle obtient la
condamnation de son adversaire ou que ce dernier est débouté de ses demandes. Il se peut encore que
le dispositif la condamne moins lourdement qu'elle aurait pu le craindre, ce qui peut l'inciter à ne pas
faire appel. Dans ces conditions, ce qui a été relevé par le premier juge dans les motifs de sa
décision peut se transformer en « bombe à retardement » pour cette partie, si son adversaire engage
un nouveau procès et que, dans le cadre d'une demande nouvelle, il invoque des faits désormais
couverts par l'autorité positive de chose jugée. Si l'on consacrait ce type d'autorité, le risque serait
réel et ne pourrait être écarté d'avance, car on ne peut, en principe, former un recours contre une
décision de justice en critiquant uniquement les motifs : il faut s'en prendre au dispositif, ce qui n'est
pas toujours possible (par exemple parce que l'on n'a pas été condamné), ni souhaitable (par exemple
parce que l’on risque une aggravation de la condamnation).
Il est donc sans doute préférable de ne pas consacrer l'autorité positive de chose jugée, de
manière générale. Peut-être doit-on s'en tenir aux cas particuliers admis par la loi ou la jurisprudence
et n'appliquer cette théorie que dans les rares hypothèses où il apparaîtrait choquant, pour l'esprit, de
ne pas le faire. Par exemple, si un juge a dit qu'un salarié avait droit à un rappel de salaires en raison
de sa qualification, et s'il est constant que sa situation professionnelle n'a pas changé, le juge saisi
d'une seconde demande de rappel, pour une autre période, devrait se tenir à ce qui a déjà été jugé sur
la question de la qualification professionnelle de l'intéressé 1101. C'est la présence d'un contrat à
exécution successive, doté d'une permanence dans le temps, qui justifie que l'on retienne l'autorité
positive de la chose jugée par le premier juge entre les mêmes parties. On doit certainement
raisonner de la même manière à propos d'autres contrats tels que le bail : il serait intolérable pour
l'esprit qu'un locataire qui a été condamné à payer des loyers en retard après qu'il ait été jugé que son
contrat n'était pas entaché d'un dol, puisse soulever à nouveau ce moyen de nullité à l'occasion d'une
nouvelle action en paiement qui serait engagée contre lui relativement à des échéances ultérieures.
B. LE DOMAINE DE L'AUTORITÉ DE LA CHOSE JUGÉE

370 Division. – Le point essentiel de ce développement consiste à déterminer quels sont les
jugements qui disposent de l'autorité de la chose jugée (1). Cependant, dans un souci de clarification,
les rédacteurs du Code de procédure civile ont subordonné l'octroi de cet attribut à une condition de
forme relative à la rédaction des décisions de justice (2). Cette exigence pouvant être mal comprise,
il convient d'en préciser le sens et la portée exacts.

1. Les jugements disposant de l'autorité de la chose jugée

371 Jugements tranchant tout ou partie du litige. – Tous les jugements ne disposent pas de
l'autorité de la chose jugée 1102. Pour déterminer ceux qui en disposent, les articles 480 et 482 du
Code de procédure civile opposent le jugement définitif au jugement avant dire droit. Pour reprendre
les termes de l'article 480, le jugement définitif (qu'on ne doit pas confondre avec le jugement
irrévocable 1103) est celui « qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal ou celui qui
statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident ». Il « a, dès son
prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche ». À l'opposé, selon
l'article 482 du Code, le jugement avant dire droit est celui « qui se borne dans son dispositif à
ordonner une mesure d'instruction ou une mesure provisoire ». Il « n'a pas au principal l'autorité de la
chose jugée ». La référence que les deux textes font au dispositif du jugement constitue la condition
de forme qui sera examinée par la suite 1104. Pour l'instant, on la supposera remplie. En raison des
effets différents qui s'y attachent, la distinction des deux sortes de jugements doit être soigneusement
opérée. Le jugement définitif est d'abord celui qui tranche tout ou partie du principal, au sens de
l'article 4 du Code de procédure civile, c'est-à-dire tout ou partie des prétentions de droit substantiel
soumises au juge par les parties. Il faut placer sur le même plan le jugement qui statue sur une défense
au fond opposée à une demande de droit substantiel, puisque, par définition, la défense au fond se
place sur le même terrain que la demande. Le jugement définitif va au-delà du jugement qui statue sur
tout ou partie du principal. L'article 480 comprend encore dans cette catégorie le jugement « qui
statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident ». Par exemple,
le jugement qui statue sur une exception d'incompétence ou sur la tardiveté de l'acte d'appel a
l'autorité de la chose jugée.
L'expression de l'article 480 du Code de procédure civile est cependant trop large. Tous les
incidents ne donnent pas lieu à un jugement définitif. L'article 482 réserve d'ailleurs le cas des
jugements qui ordonnent une mesure d'instruction ou une mesure provisoire : ces jugements avant dire
droit ne bénéficient pas de l'autorité de la chose jugée. Qu'est-ce qui distingue le jugement qui
ordonne une mesure d'instruction de celui qui statue sur une exception d'incompétence ou sur la
péremption de l'instance ? La différence est que seul le second tranche une partie du litige, si minime
soit-elle. Si l'on peut s'exprimer ainsi, les diverses prétentions des parties, qu'elles portent sur le
droit substantiel ou sur la procédure, conduisent le juge à établir sur son carnet la liste des différentes
difficultés qu'il devra successivement trancher 1105 : la validité d'un acte de procédure, la compétence
du tribunal, la qualité du demandeur, la prescription qui serait acquise, le paiement qui aurait été
effectué et ainsi de suite. Chaque fois que le juge tranche l'une de ces difficultés, il tourne une page de
son carnet et se rapproche du moment où il aura entièrement réglé le litige qui lui a été soumis. À
l'opposé, lorsqu'il ordonne une mesure d'instruction, le juge ne règle aucune difficulté, il se donne
seulement les moyens de pouvoir par la suite statuer sur un point de fait particulièrement difficile. La
décision du juge n'est certes pas inutile, mais, par elle-même, elle ne règle rien. Une fois qu'il a
ordonné une mesure d'instruction, il reste au juge exactement le même nombre de difficultés à
trancher qu'auparavant ; il n'a pas tourné une seule page, même secondaire, de son carnet. De la même
façon, lorsque, au début de l'instance en divorce, le juge aux affaires familiales fixe (provisoirement)
la résidence des enfants chez l'un des époux, sa décision permet à l'instance de divorce de se
dérouler dans des conditions meilleures, ou moins mauvaises, mais le nombre de questions à régler
demeure identique. La preuve en est qu'au moment de prononcer le divorce, le juge devra de nouveau
statuer sur cette question. À l'instar d'une décision ordonnant une mesure d'instruction, la décision
provisoire rendue sur la résidence de l'enfant n'a pas, au principal, l'autorité de la chose jugée.
En résumé, c'est parce qu'ils ne tranchent aucune partie du litige que les jugements avant dire droit
n'ont pas l'autorité de la chose jugée. En les rendant, le juge n'établit pas la réalité et la qualification
juridique d'un fait du litige.

372 Jugements au principal. – On pourrait penser que tous les jugements qui tranchent une
partie du litige sont des jugements définitifs, donc des jugements dotés de l'autorité de la chose jugée.
En réalité, ils ne le sont pas tous. En effet, parmi ces jugements, le Code de procédure civile opère
une nouvelle distinction entre les jugements au principal et les jugements provisoires, et seuls les
jugements au principal sont compris dans la catégorie des jugements définitifs ; les jugements
provisoires s'en trouvent exclus. La pauvreté du vocabulaire juridique crée une ambiguïté à propos
de chacun des termes qui viennent d'être utilisés.
Le jugement au principal dont il est maintenant question n'est pas celui qui statue sur tout ou partie
du principal, au sens de l'article 4 du Code de procédure civile. Le jugement au principal s'oppose au
jugement provisoire par nature, comme par exemple l'ordonnance de référé : le jugement au principal
n'est donc pas celui qui statue sur le droit substantiel, mais celui qui est rendu par le juge du principal
par opposition à celui qui est rendu par le juge du provisoire. Lorsqu'un tribunal de grande instance,
ou un conseil de prud'hommes statue sur un incident de compétence, il rend un jugement au principal,
qui a l'autorité de la chose jugée. À l'inverse, le jugement rendu par un juge du provisoire n'a pas
l'autorité de la chose jugée au principal. L'article 488 du Code de procédure civile énonce cette
solution pour les ordonnances de référé et l'article 775 la reproduit, en l'assortissant de quelques
exceptions, pour les ordonnances du juge de la mise en état 1106. Ainsi, une ordonnance de référé ne
dispose que d'une autorité de chose jugée au provisoire 1107, qui interdit à un autre juge des référés de
revenir sur la décision prise en l'absence de circonstances nouvelles 1108. L'étendue de l'autorité de la
chose jugée au provisoire se mesure au dessaisissement limité du juge du provisoire 1109.
Le jugement provisoire suscite également une ambiguïté. Cette expression recouvre deux réalités
bien différentes. Le jugement provisoire désigne d'abord et principalement le jugement rendu par un
juge du provisoire. C'est en ce sens que l'article 484 du Code de procédure civile qualifie
l'ordonnance de référé de « décision provisoire », dont il vient d'être indiqué qu'elle n'a pas au
principal l'autorité de la chose jugée. Mais on parle aussi de jugement provisoire à propos de
certaines décisions rendues par un juge du principal. Par exemple, en ce qu'il fixe la résidence des
enfants chez l'un des parents, le jugement de divorce est provisoire. C'est là une façon incorrecte de
s'exprimer même si elle est très répandue. Il faut dire plus exactement que le jugement de divorce est
un jugement au principal qui contient une disposition provisoire. C'est d'abord un jugement au
principal, qui en tant que tel est doté de l'autorité de la chose jugée : par exemple, l'ancien mari ne
peut plus contester qu'il a battu son ancienne femme et que cet agissement a rendu intolérable le
maintien de la vie commune. Mais le sort des enfants pose un problème particulier. Le juge doit,
évidemment, arrêter l'exercice de l'autorité parentale en fonction de l'intérêt des mineurs 1110. Comme
dans le reste de la décision, les faits constatés par le juge, qui se rapportent à l'intérêt des enfants, se
trouvent couverts par l'autorité de la chose jugée, mais il est évident qu'il n'a pu statuer qu'en se
fondant sur les faits existant au jour de la décision rendue. Par la suite, il peut arriver que la mère
irréprochable cesse de l'être et que le père s'amende. Sur cette évolution, le juge n'a pas pu statuer et,
si les faits passés ne peuvent plus être contestés, son jugement ne saurait avoir autorité de la chose
jugée pour les faits à venir. C'est cette situation particulière qui rend sa décision provisoire et qui fait
que l'autorité de la chose jugée qui s'attache à un tel jugement n'empêche pas un juge de modifier la
résidence des enfants en cas de modification des circonstances, mais l'empêche de remettre en
question ce qui a déjà été décidé sur le fondement des faits constatés dans la décision précédente 1111.
Le même raisonnement doit être tenu en matière d'aliments : il faut soigneusement séparer ce qui a
déjà été jugé de ce qui ne l'a pas été 1112.

373 Jugements « en l’état ». – Un juge peut-il limiter ou écarter l’autorité de chose jugée de
sa décision en précisant qu’elle est rendue « en l’état » ? La Cour de cassation l’a longtemps admis.
Ce n’est plus le cas depuis le début des années 1990 1113. Elle considère désormais que cette mention
est sans portée dans une décision statuant au fond 1114, si bien que cette dernière est dotée de l’autorité
de la chose jugée et que le juge qui l’a rendue est dessaisi. Ce qui compte en réalité, ce n’est pas la
formule que le juge utilise, mais la nature intrinsèque de sa décision. Il est évident que certaines
décisions sont par nature rendues en l’état d’une situation susceptible d’évoluer. Dans ce cas,
l’autorité de la chose jugée ne s’opposera pas à ce qu’un nouveau jugement soit rendu, lorsque la
situation ne sera plus la même. On pense ainsi à certaines fins de non-recevoir susceptibles de
disparaître ou au rejet d’une demande de résiliation d’un contrat. Il suffit que la fin de non-recevoir
n’existe plus ou qu’une soudaine inexécution contractuelle vienne justifier la résiliation, pour qu’une
nouvelle demande soit jugée recevable ou bien fondée. La formule « en l’état » est alors peut-être
utile en ce qu’elle attire l’attention des parties sur le caractère non irrémédiable de la décision, mais
elle est dépourvue de toute efficacité par elle-même 1115, l’autorité ou l’absence d’autorité de chose
jugée découlant de la loi et non de la volonté du tribunal. Et lorsque la situation n’est pas évolutive,
la formule, d’inefficace devient nocive, car elle donne à penser à tort que la décision est dépourvue
de l’autorité de la chose jugée. Les jugements rendus « en l’état des preuves produites » entrent dans
cette funeste catégorie : l’apparition de nouvelles preuves n’autorise pas (sauf à ce que les conditions
d’un recours en révision soient réunies) à retourner devant le juge qui a débouté une partie en raison
de preuves initialement insuffisantes. Sur le fond et dans l’absolu, la situation n’a pas évolué, en ce
sens que les faits, qu’ils soient prouvés ou non, n’ont pas changé. Dès lors, le juge qui précise qu’il
déboute un plaideur « en l’état des preuves produites » ne fait que l’induire en erreur sur la portée de
sa décision.

374 Synthèse. – Si l'on reprend tout ce qui vient d'être indiqué, il faut opérer une première
distinction entre les jugements qui tranchent tout ou partie du litige et ceux qui ne le font pas, qui sont
les jugements avant dire droit. Parmi les jugements qui tranchent tout ou partie du litige, il faut opérer
une deuxième distinction entre le jugement rendu par un juge du provisoire et celui rendu par un juge
du principal. Seul ce dernier est qualifié par la loi de jugement définitif et bénéficie de l'autorité de
la chose jugée. Enfin, un jugement rendu par un juge du principal peut contenir des dispositions
provisoires, en ce sens qu'elles sont susceptibles d'être modifiées par la survenance de faits futurs sur
lesquels le juge n'a pas statué.
375 Les jugements gracieux. – Il reste enfin à s'interroger sur les jugements gracieux.
Disposent-ils de l'autorité de la chose jugée ? À cette question, il est souvent répondu de façon
négative, mais la lecture des développements qui lui sont consacrés fait apparaître beaucoup de
confusions qui diminuent leur portée. C'est ainsi d'abord que la discussion est parfois menée à partir
d'actes du juge qui ne sont pas des jugements gracieux : par exemple, il ne faut pas raisonner sur le
« jugement » d'adjudication sur saisie immobilière qui est un simple procès-verbal 1116. Il ne peut
donc rien apprendre sur l'autorité de chose jugée qui appartiendrait ou non aux jugements gracieux.
De même, aucun enseignement ne peut être tiré des ordonnances sur requête. À supposer même qu'il
s'agisse de décisions gracieuses 1117, leur caractère provisoire, qu'énonce l'article 493 du Code de
procédure civile, suffit à expliquer qu'elles ne bénéficient pas de l'autorité de la chose jugée 1118. Par
ailleurs, l'autorité de la chose jugée est souvent confondue avec l'effet substantiel que produit le
jugement gracieux 1119.
Une fois que l'on a écarté ces éléments étrangers au débat, on constate qu'il existe peu d'arrêts
récents de la Cour de cassation qui aient statué sur la question. On ne saurait s'en étonner. Il est rare
en effet que l'on veuille et que l'on puisse se prévaloir de l'autorité de la chose jugée qui
appartiendrait aux jugements gracieux 1120. Cela étant, sous réserve de cas particuliers relevant de
conventions internationales 1121, la Cour de cassation a proclamé, au moins à deux reprises, que les
décisions rendues en matière gracieuse n'avaient pas autorité de chose jugée 1122.
En dépit de ces arrêts, ce qui a été dit jusqu'à présent sur le caractère juridictionnel de ces
décisions nous conduit à penser que cette autorité devrait leur être reconnue. Pourquoi devrait-on
réserver un sort différent aux constatations de fait opérées par le juge et aux conséquences qu'il en a
tirées selon qu'il existe ou non un litige 1123 ? Si le rôle que tient le juge dans l'une et l'autre situations
est fondamentalement le même, les décisions doivent pour l'essentiel produire les mêmes effets.

2. La condition de forme tenant à la rédaction des jugements

376 Le rejet des motifs décisoires. – Le jugement étant un acte juridique, donc un acte de
volonté du juge, il semble normal de rechercher en priorité quelle a été cette volonté. Aussi justifiée
soit-elle d'un point de vue abstrait, une telle démarche présente de graves inconvénients pour les
justiciables. Il faut en effet que ceux-ci puissent déterminer facilement ce qui a été jugé et décidé.
Ainsi s'expliquent les articles 480 et 482 du Code de procédure civile, qui font l'un et l'autre
référence au dispositif du jugement : seul dispose de l'autorité de la chose jugée « le jugement qui
tranche dans son dispositif » tout ou partie du litige ; à l'opposé, celui « qui se borne, dans son
dispositif, à ordonner une mesure d'instruction ou une mesure provisoire » n'en dispose pas. Il faut en
effet, selon les termes de l'article 455 du même code, que le jugement « énonce la décision sous
forme de dispositif ». Ce faisant, le législateur condamne les motifs décisoires auxquels la
jurisprudence antérieure accordait la même valeur qu'au dispositif 1124, pour ce qui est de l'autorité de
la chose jugée et de l'efficacité substantielle.
L'expression « motifs décisoires » désigne des éléments de la décision qui ont été exprimés par
les juges dans les motifs de leur jugement, alors qu'ils auraient dû l'être dans son dispositif.
Autrement dit, les « motifs décisoires » sont des « morceaux » de dispositif égarés dans la partie du
jugement réservée à la motivation. En pratique, la difficulté se rencontre principalement dans les
circonstances suivantes. Dans les motifs de sa décision, le juge du principal énonce les raisons de
fait et de droit qui le conduisent à estimer qu'il convient de donner telle ou telle solution au fond du
litige, mais cette énonciation n'est pas reprise dans le dispositif du jugement, qui ne fait qu'ordonner
une mesure d'instruction ou une mesure provisoire. Par exemple, le juge dit dans les motifs qu'en
raison des circonstances de l'accident, la victime a le droit d'obtenir réparation du défendeur et il
ajoute qu'il ne dispose pas des éléments d'information nécessaires pour fixer le montant de la
réparation, mais, dans le dispositif, il se borne à nommer un expert pour l'éclairer sur l'importance du
préjudice subi par le demandeur, sans réaffirmer le droit à réparation du demandeur. La proclamation
de ce droit se rattache incontestablement à l'efficacité substantielle de la décision de justice et, à ce
titre, c'est dans le dispositif qu'elle devrait figurer, et non pas (ou pas seulement) dans les motifs.
Comment doit-on qualifier un tel jugement ? Si l'on met en avant la volonté du juge et que l'on fait
abstraction de la maladresse dont il a fait preuve dans la rédaction du jugement, il faut dire que ce
jugement tranche une partie du principal et que, sur ce point, il a donc un caractère définitif. Mais, si
l'on s'attache à la forme du jugement, en faisant ainsi une application stricte des articles 480 et 482 du
Code de procédure civile, on doit dire que ce n'est qu'un jugement avant dire droit dépourvu
d'autorité de la chose jugée, puisque, « dans son dispositif », il ne tranche pas « tout ou partie du
principal ».
Dès le départ, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a choisi d'appliquer
strictement les articles 480 et 482 du Code de procédure civile, en décidant qu'il ne fallait s'attacher
qu'à ce que le juge avait énoncé dans le dispositif. S'il ne s'y trouve qu'une mesure d'instruction ou
une mesure provisoire, le jugement doit être qualifié de jugement avant dire droit quel que soit le
contenu de ses motifs, et il ne bénéficie pas de l'autorité de la chose jugée 1125. Les autres chambres
de la Cour de cassation ont marqué davantage d'hésitation pour adopter la même solution de rigueur,
en particulier la chambre sociale. Aujourd'hui, il n'existe plus de divergence. Il est de jurisprudence
désormais constante que les motifs décisoires n'ont aucune valeur et que l'on ne doit pas les prendre
en considération pour déterminer la nature de la décision (décision définitive ou avant dire droit) 1126.
On ne peut qu'approuver la solution retenue par la Cour de cassation sur la question des motifs
décisoires, mais on ne doit pas en exagérer la portée. Notamment, le rejet des motifs « décisoires »
n'implique nullement qu'il faille rejeter les motifs « décisifs ».

377 Pour l'autorité de chose jugée des motifs soutien nécessaire du dispositif. – Les
dispositions des articles 480 et 482 du Code de procédure civile n'ont pour objet que d'assurer la
sécurité des plaideurs. Il faut qu'à la seule lecture du dispositif du jugement, les parties puissent
savoir si le juge a tranché une partie du litige ou n'a rendu qu'une décision avant dire droit. Ces textes
ne signifient pas qu'il ne faut accorder aucune autorité aux énonciations se trouvant dans les motifs
d'un jugement qui tranche une partie du principal dans son dispositif. L'article 480 dit très exactement
que seul ce type de jugement a l'autorité de la chose jugée, mais il ne dit pas que seul ce qui est dans
le dispositif a l'autorité de la chose jugée. Autrement dit, l'article 480 du Code de procédure civile
détermine les jugements qui bénéficient de l'autorité de la chose jugée, mais n'en fixe pas l'étendue.
À notre avis, on ne doit pas refuser l'autorité (au moins négative) de la chose jugée aux motifs qui
sont le soutien nécessaire du dispositif, autrement appelés « motifs décisifs ». Dès lors qu'ils en
constituent le soutien nécessaire, ces motifs sont indispensables pour comprendre le dispositif du
jugement et ne peuvent en être détachés. Pourquoi tel jugement dit-il que Pierre doit réparation du
préjudice subi par Paul, si ce n'est en raison de certains faits et des conséquences juridiques qui en
ont été tirées ? N'accorder autorité qu'aux seules énonciations du dispositif nous paraît incohérent. On
rappellera d'ailleurs que l'autorité de la chose jugée s'attache aux faits sur lesquels le juge s'est
prononcé, mais pas à la proclamation de l'effet juridique de la règle de droit 1127. À proprement
parler, la reconnaissance (la proclamation) du droit d'une partie constitue l'effet substantiel du
jugement et doit apparaître dans le dispositif du jugement. En revanche, ce n'est pas dans le
dispositif, mais dans les motifs du jugement que prennent normalement place la constatation des faits
et le raisonnement juridique opérés par le juge. Refuser l'autorité de chose jugée aux motifs décisifs,
pour ne l'accorder qu'à ce qui figure dans le dispositif, reviendrait donc à n'accorder cette autorité
qu'à la partie du jugement qui n'a pas vocation à comprendre ce qui est couvert par l'autorité de la
chose jugée ! Prenons un exemple concret. Pierre est condamné à 5 000 euros de dommages et
intérêts au profit de Paul. Dans le dispositif, le jugement énonce : « dit Pierre responsable du
préjudice subi par Paul et le condamne à verser à ce dernier la somme de 5 000 euros... ». Dans les
motifs, sont exposés les faits (et qualifications) relevés par le juge au soutien de ce dispositif : « à
telle date et à tel endroit, Pierre, qui pilotait une bicyclette sans prendre soin de regarder devant lui,
ce qui constitue une faute, a violemment heurté Paul qui traversait la rue sur un passage pour piétons ;
dans sa chute, Paul s'est fracturé le radius et le cubitus du bras gauche etc. ». Si l'on refuse l'autorité
de chose jugée aux motifs, pour l'accorder au seul dispositif, le jugement n'aura, finalement, plus
d'autorité de chose jugée, car dans le dispositif ne figurent que la proclamation de la responsabilité
de Pierre et sa condamnation, c'est-à-dire deux éléments qui relèvent de l'effet substantiel du
jugement, lequel est opposable à tous sans qu'il soit besoin d'invoquer une quelconque autorité de
chose jugée...
Il n'est pas davantage cohérent de faire dépendre, sans raison, l'étendue de la chose jugée de la
rédaction du jugement. À le faire, on aboutirait au résultat suivant : si le juge disait dans le dispositif
que le comportement de Pierre a été fautif, il y aurait autorité de la chose jugée sur ce point, mais il
n'y en aurait pas si le juge se bornait à dire que Paul a droit à réparation. Si l'on pousse le
raisonnement jusqu'à l'absurde, le juge qui entend que sa décision bénéficie largement de l'autorité de
la chose jugée devrait reprendre dans le dispositif tous les faits, toutes les qualifications et toutes les
interprétations qu'il a retenus ; à la limite, il devrait recopier dans le dispositif tout ce qu'il a écrit
dans les motifs !
En somme, s'il nous apparaît cohérent de refuser de prendre en compte les motifs décisoires (et
non pas décisifs) pour qualifier un jugement, il nous semble incohérent de refuser de manière
générale d'accorder l'autorité de chose jugée aux motifs soutiens nécessaires du dispositif de cette
décision 1128.

378 Difficultés jurisprudentielles. – Si la doctrine actuelle est divisée sur le point de savoir
s'il y a lieu d'accorder l'autorité de la chose jugée aux motifs qui constituent le soutien nécessaire du
dispositif d'un jugement ou d'un arrêt 1129, c'est sans doute en partie parce que l'examen des arrêts de
la Cour de cassation pose de sérieuses difficultés d'interprétation. Pendant très longtemps, et
notamment sous l'empire de l'ancien Code de procédure civile, la jurisprudence leur a reconnu
l'autorité de chose jugée. Parfois, la Cour de cassation autorisait une prise en compte des motifs
soutiens nécessaires du dispositif pour interpréter celui-ci 1130. Mais il lui arrivait aussi de
reconnaître ouvertement l'autorité de chose jugée à ce type de motif 1131. Cependant, depuis les années
1980 se sont multipliées des décisions affirmant de manière catégorique que les motifs n'étaient pas
revêtus de l'autorité de chose jugée, celle-ci étant circonscrite au contenu du dispositif 1132.
À notre avis, ces arrêts doivent être interprétés comme s'opposant à la reconnaissance d'une
autorité positive de chose jugée 1133. Trois principales raisons nous conduisent à penser ainsi. Tout
d'abord, les arrêts que nous avons relevés ont été rendus dans des affaires où l'autorité invoquée était
de nature positive. On ne se situait pas dans des hypothèses d'autorité négative. Ensuite, on
remarquera que si la Cour de cassation veut dénier toute autorité positive à des décisions de justice,
le moyen le plus simple qui s'offre à elle consiste à décider que le contenu des motifs ne peut être
invoqué au titre de la chose jugée. Cela lui évite de faire appel au concept abstrait d'autorité positive,
à propos duquel nos lecteurs ont certainement remarqué qu'il n'était pas d'un abord facile. Enfin, il est
invraisemblable que l'affirmation selon laquelle les motifs sont dépourvus d'autorité de chose jugée
vaille pour l'autorité négative. Quand on sait que la matière litigieuse examinée par le juge (la cause
et l'objet, au sens de l'article 1351 du Code civil) est relatée à 99 % dans les motifs de sa décision,
on comprend que refuser l'autorité négative de chose jugée aux motifs soutien nécessaire du dispositif
reviendrait à la supprimer purement et simplement pour ne laisser subsister que l'opposabilité de
l'effet substantiel du jugement, avec lequel on la confond encore trop souvent. Ce serait vider
l'article 1351 du Code civil de sa substance 1134.
Au demeurant, si l'on perçoit mal que le rejet de l'autorité de chose jugée des motifs ne concerne
que l'autorité positive, c'est en grande partie parce que la Cour de cassation ne se réfère pas
expressément aux motifs lorsqu'elle se prononce sur l'autorité négative. Mais elle le fait sans le dire.
Et à l'analyse, on constate qu'elle n'a jamais cessé de reconnaître une autorité négative de chose jugée
aux motifs soutiens nécessaires du jugement 1135.
Enfin, un indice nous semble révélateur du lien qu'il y a entre la jurisprudence actuelle et le rejet
de l'autorité positive de chose jugée : dans quelques cas, la Cour de cassation a maintenu sa
jurisprudence antérieure et continué à écrire que les motifs qui constituent le soutien nécessaire du
dispositif ont autorité de chose jugée. Or, c'est très précisément dans les rares cas où la loi instaure
une autorité positive de la chose jugée qu'elle a statué ainsi, à savoir dans le cadre de l'article 95 du
Code de procédure civile 1136 et en matière d'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil 1137...

§ 3. LE DESSAISISSEMENT DU JUGE

379 Le principe. – Le dessaisissement du juge signifie que, lorsqu'il rend un jugement qui
tranche tout ou partie du litige, le juge a épuisé son pouvoir juridictionnel pour ce qui est tranché. Le
dessaisissement conduit ainsi à opposer la période antérieure à la période postérieure au jugement.
Tant qu'il n'a pas rendu sa décision, le juge peut légitimement hésiter, changer d'opinion, modifier son
projet de décision. En revanche, une fois qu'il a rendu son jugement, rien de tout cela n'est plus
possible : il lui est désormais interdit de revenir sur ce qu'il a fait et de modifier sa décision. L'adage
latin exprime très bien cette différence : lata sententia, judex desinit esse judex ; une fois qu'il a
rendu sa sentence, le juge cesse d'être juge. Par exemple, une fois la décision rendue, le juge (soit
spontanément, soit sur la remarque d'un plaideur) constate qu'il a omis d'examiner un moyen que lui
avait soumis une partie. Aussi regrettable que soit cette erreur, le magistrat ne peut plus reprendre son
ouvrage 1138.
Le dessaisissement présente une étroite parenté avec l'autorité de la chose jugée. Il en est le
complément procédural. En interdisant au juge de modifier la décision qu'il a rendue, le
dessaisissement en conforte l'immutabilité. Si cet attribut du jugement n'existait pas, une partie
pourrait échapper à l'autorité de la chose jugée en demandant au juge de revenir sur ce qu'il a déjà
tranché. La parenté qui existe entre le dessaisissement et l'autorité de la chose jugée explique qu'en
principe, ils aient l'un et l'autre le même domaine. C'est ainsi qu'en complément de l'article 480
relatif à l'autorité de chose jugée, l'article 481 du Code de procédure civile dispose que le jugement
au principal qui tranche une partie du litige « dessaisit le juge de la contestation qu'il tranche ».
Inversement, complétant l'article 482, l'article 483 du même code dispose que « le jugement avant
dire droit ne dessaisit pas le juge 1139 ».
Les mêmes solutions, mais avec des nuances, doivent encore être données pour ce qui est des
jugements provisoires (comme les ordonnances de référé) ou des jugements au principal comprenant
des dispositions provisoires (comme les jugements de divorce qui statuent sur la résidence des
enfants). C'est ainsi qu'aux termes de l'article 488 du Code de procédure civile, l'ordonnance de
référé « ne peut être modifiée ou rapportée qu'en cas de circonstances nouvelles 1140 ». La même règle
s'applique aux dispositions provisoires qui sont contenues dans un jugement au principal.
De nouveau, les jugements gracieux soulèvent une difficulté. On affirme souvent qu'ils ne
dessaisissent pas le juge 1141. En effet, on sait que la Cour de cassation a proclamé, au moins à trois
reprises, que les décisions rendues en matière gracieuse n'avaient pas autorité de chose jugée 1142. Eu
égard au lien évident qui unit cette autorité au principe du dessaisissement, l'absence de la première
devrait entraîner l'absence du second. C'est d'ailleurs ce qu'énonce expressément le deuxième de ces
arrêts, rendu le 6 avril 1994, qui admet que le juge statue à nouveau en matière gracieuse, en cas de
circonstances nouvelles (en l'espèce la production de nouveaux éléments de preuve). Malgré tout,
nous pensons que la haute Juridiction fait fausse route, que les jugements gracieux sont dotés de
l'autorité de chose jugée 1143 et que, par voie de conséquence, ils sont soumis au principe du
dessaisissement. D'ailleurs, lorsqu'on raisonne sur des jugements d'adoption ou de divorce par
consentement mutuel, le dessaisissement du juge s'impose avec la force de l'évidence. Comment peut-
on imaginer qu'un juge puisse revenir sur le jugement qu'il a rendu, qu'il puisse, par exemple, faire
revivre un an plus tard le mariage qu'il a dissous, au motif qu'il n'est plus persuadé que la volonté des
époux de divorcer était réelle ?

380 Les limites du principe. – Le dessaisissement du juge ne joue que dans la limite de
l'instance au cours de laquelle le jugement est rendu. Il ne fait pas obstacle à l'exercice d'une voie de
recours que pourrait exercer le plaideur insatisfait. Dans le cas où la voie de recours ouverte est une
voie de rétractation, c'est le juge qui a statué qui devra de nouveau examiner l'affaire 1144. Il n'y a là
aucune exception à la règle du dessaisissement : l'immutabilité du jugement, à laquelle concourent le
dessaisissement et l'autorité de la chose jugée, ne s'applique que sous réserve du jeu des voies de
recours.
En matière gracieuse, l'exercice de l'appel fait l'objet d'un aménagement particulier. En effet, aux
termes de l'article 952 du Code de procédure civile, lorsqu'une déclaration d'appel a été formée (au
secrétariat de la juridiction qui a rendu le jugement), le juge qui a statué au premier degré peut
« modifier ou rétracter sa décision 1145 ». Le juge ne peut donc pas prendre l'initiative de la modifier,
mais l'appel formé par l'une des parties lui donne la possibilité, s'il le souhaite, de se faire le censeur
de sa propre décision. L'article 952 ouvre ainsi, à côté de l'appel, une voie de rétractation qui
présente ce trait singulier d'être laissée à l'appréciation non des parties mais du juge.
Aussi justifiée que soit en principe la règle du dessaisissement, elle peut se révéler inopportune,
par exemple lorsque le juge a commis une simple erreur de calcul. On peut penser que, dans un tel
cas, il y a quelque chose d'excessif à obliger les parties, pour obtenir la réparation de ce vice, à
perdre le temps et à exposer les frais qu'entraîne une « grande » voie de recours, comme l'appel ou le
pourvoi en cassation. Le législateur a estimé que, pour les malfaçons mineures qui peuvent affecter
les jugements, il était préférable de permettre au juge qui a déjà statué de revenir sur sa décision.
Techniquement, les aménagements qu'apporte le Code de procédure civile à la règle du
dessaisissement constituent des « petites » voies de recours, des voies de rétractation à
l'objet strictement limité : le juge pourra ainsi refaire l'addition incorrecte, mais il ne pourra pas se
livrer à un nouvel examen général de l'affaire.
Il faut d'abord étudier les divers cas d'aménagement permis par le Code (A) avant d'en indiquer le
régime (B).

A. LES CAS D'AMÉNAGEMENT

381 Annonce. – Les articles 461 à 464 du Code de procédure civile énoncent trois cas
d'aménagement qui seront successivement abordés.

1. L'interprétation du jugement

382 L'action en interprétation. – L'article 461 du Code de procédure civile dispose qu'il
« appartient à tout juge d'interpréter sa décision ». Traditionnellement, pour désigner l'action par
laquelle une partie saisit le juge à cette fin, on parle de « recours » en interprétation. Comme on a pu
le démontrer, cette formule est inexacte, car cette action ne tend pas à l'anéantissement ni au
remplacement de la décision en cause 1146. Il ne s'agit pas, à proprement parler, d'un recours ni d'une
voie de recours. Toujours est-il qu'un jugement appelle une interprétation lorsqu'il présente une
obscurité, une ambiguïté ou une contradiction dans son dispositif 1147. Le juge s'étant mal exprimé, on
ne comprend pas ce qu'il a voulu dire (en cas d'obscurité), ou ce qu'il a dit peut être compris de
plusieurs façons (en cas d'ambiguïté), ou il a dit une chose et son contraire (en cas de contradiction).
L'action en interprétation permet de mettre fin à cette difficulté 1148.
L'action en interprétation ne peut avoir d'autre objet que celui qui vient d'être indiqué et la Cour
de cassation veille avec beaucoup de vigilance à ce que le juge, sous couvert d'interprétation, ne
modifie pas un chef de sa décision qui est clair et univoque, même s'il est certain que le juge a
commis une erreur, éventuellement énorme, de fait ou de droit 1149. Pour obtenir la correction d'une
telle erreur, les parties doivent former celle des voies de recours qui leur est ouverte.

2. L'erreur ou l'omission matérielle

383 Notions. – Plus encore que l'action en en interprétation, l'action 1150 en rectification d'erreur
ou d'omission matérielle, prévue par l'article 462 du Code de procédure civile, appelle une
délimitation précise. Pourtant, les textes ne définissent pas le caractère « matériel » d'une erreur ou
d'une omission. Il en résulte une grande incertitude quant au contenu de cette notion. À dire vrai, il
peut y avoir autant de conceptions de l'erreur (ou de l'omission) matérielle qu'il y a d'auteurs. Le
problème n'est d'ailleurs pas spécifique à l'action de l'article 462 du Code de procédure civile,
puisqu'on le rencontre aussi à propos de l'interprétation de l'article 99 du Code civil relatif à la
rectification des actes d'état civil 1151.
À notre sens, l'erreur ou l'omission matérielle s'oppose à l'erreur intellectuelle. Une erreur
intellectuelle, même grossière, n'entre pas dans le domaine de l'article 462 du Code de procédure
civile 1152. L'erreur ou l'omission matérielle se réduit donc à l'erreur de plume ou de frappe. Le juge a
écrit un mot pour un autre. Par exemple, il a commis une erreur dans le nom des parties et condamné
celui qui demandait réparation. Ou encore, il a mal transcrit le montant d'une créance litigieuse 1153.
On peut également citer l'exemple du juge qui, saisi d'une demande en séparation de corps, dont il
examine les mérites, se trouve emporté par la force de l'habitude et laisse sa plume faire mention d'un
divorce 1154.
Selon la jurisprudence, l'article 462 du Code de procédure civile permet aussi de réparer l'erreur
de calcul 1155. Bien que cette erreur soit le plus souvent une erreur intellectuelle, il est opportun d'en
permettre la réparation par ce moyen procédural simplifié 1156. La Cour de cassation a également
décidé qu'il y avait omission matérielle, lorsqu'un juge omettait d'indexer une pension alimentaire ou
une prestation compensatoire en cas de divorce 1157. Si elle n'est pas non plus inopportune, cette
solution est clairement incompatible avec les dispositions de l'article 462. En effet, le juge a commis
une erreur intellectuelle qui ne devrait pouvoir être réparée que par l'action en omission de statuer,
régie par l'article 463 du Code de procédure civile 1158. L'inconvénient de cette seconde action est
qu'elle est enfermée dans un délai d'un an après que le jugement est passé en force de chose jugée. En
requalifiant l'omission de statuer en omission matérielle, la Cour de cassation a trouvé un moyen
détourné et peu orthodoxe d'écarter ce délai.

384 Les conditions de la rectification. – Pour empêcher les juges de donner une extension
excessive à l'erreur et à l'omission matérielles, qui leur permettrait de revenir sur ce qu'ils ont déjà
jugé, l'article 462 du Code de procédure civile dispose que l'erreur ne peut être réparée que « selon
ce que le dossier révèle ou, à défaut, ce que la raison commande ». La référence à ce que la raison
commande intéresse essentiellement les erreurs de calcul : la raison commande en effet qu'en faisant
une addition, on n'oublie pas une retenue. En dehors de l'erreur de calcul, il faut qu'il existe des
éléments de fait objectifs qui établissent que le juge n'a commis qu'une erreur de plume. Dans
l'exemple précité 1159, la lecture des conclusions et même des motifs de jugement faisait apparaître
qu'il n'avait été question pendant tout le procès que de séparation de corps et que le juge n'avait donc
pas voulu statuer sur un divorce : l'erreur était révélée par le dossier.
La liste donnée par l'article 462 du Code de procédure civile est limitative. Pour qu'une erreur
matérielle puisse être rectifiée par application de ce texte, il faut vraiment qu'elle soit révélée par le
dossier ou la raison. Le tribunal ne peut donc pas se fonder sur les souvenirs concordants des juges,
du ministère public et du greffier pour corriger les énonciations d'un jugement 1160, pas plus qu'il ne
peut se fonder sur des documents qui auraient été portés à sa connaissance après le prononcé du
jugement. Ajoutons que si l'erreur entraîne la nullité du jugement, il n'est pas possible de procéder à
une rectification 1161. Cette procédure sert à corriger à peu de frais une décision valable, pas à valider
un jugement nul.

3. L'ultra et l'infra petita

385 Notions. – Aux termes des articles 463 et 464 du Code de procédure civile, le juge
commet un infra petita lorsqu'il « a omis de statuer sur un chef de demande » et un ultra petita « s'il
s'est prononcé sur des choses non demandées ou s'il a été accordé plus qu'il n'a été demandé » 1162. En
effet, le juge est lié par les prétentions des parties à qui les principes directeurs du procès
reconnaissent un monopole de principe en la matière 1163. L'ultra et l'infra petita constituent des vices
plus graves de la décision que les deux premiers qui ont déjà été examinés. Ils sont néanmoins
rectifiés, eux aussi, selon un procédé simplifié et spécifique défini à l'article 463. Ce procédé
s'analyse en une voie de recours lorsqu'il vise à sanctionner un ultra petita, puisqu'il doit conduire à
l'anéantissement rétroactif d'un chef de jugement. En revanche, c'est de manière inexacte que l'on
parle traditionnellement de « recours en infra petita », dès lors qu'il ne s'agit pas de faire anéantir un
acte judiciaire, mais bien plutôt d'en obtenir un. Si l'on peut parler de « recours en ultra petita », il
faut donc parler « d'action » en infra petita (ou en omission de statuer) 1164.
386 Infra petita et défaut de réponse à conclusions. – Il faut distinguer soigneusement l'infra
petita du défaut de réponse à conclusions 1165, qui ne peut être réparé que par les voies de recours
normales. D'un point de vue pratique, la différence est importante lorsque le jugement affecté de l'un
ou l'autre vice a été rendu en dernier ressort. En cas de défaut de réponse à conclusions, le plaideur
doit former un pourvoi en cassation. À l'opposé, la Cour de cassation décide de façon constante que
le moyen de cassation fondé sur une omission de statuer est irrecevable 1166. En quoi se distinguent-
ils ? Dans l'un et l'autre cas, le juge a oublié quelque chose, mais l'objet de l'oubli n'est pas le
même. Lorsque le juge commet un infra petita, il omet de statuer sur une demande, alors qu'en ne
répondant pas aux conclusions, le juge omet d'examiner un moyen se rapportant à une demande sur
laquelle il a statué 1167. On pourrait penser à première vue qu'il est moins grave d'oublier un moyen
qu'une demande et qu'il est donc peu logique de sanctionner plus sévèrement la première omission
que la seconde. En réalité, la solution est logique, parce qu'elle prend en compte les conséquences de
l'omission. L'omission de statuer sur un chef de demande est sans influence sur la valeur des autres
dispositions du jugement 1168 ; le jugement est incomplet et il convient seulement de le compléter. En
revanche, lorsque le juge a omis d'examiner un moyen, c'est la valeur du dispositif du jugement qui se
trouve atteinte : l'examen du moyen aurait pu modifier la décision et dès lors la Cour de cassation ne
peut laisser subsister le chef du jugement qui se trouve affecté par le défaut de réponse à conclusions.
La question de la distinction de l'infra petita et du défaut de réponse à conclusions se pose avec
une acuité particulière, dans le cas fréquent où les juges du fond déclarent, dans le dispositif de leur
décision, débouter les parties « du surplus de leurs demandes » ou « de toutes autres demandes plus
amples ou contraires ». Par ce type d'expression, parfois qualifiée de « formule-balai », les
magistrats se dispensent de détailler les prétentions qu'ils entendent rejeter. Ils gagnent du temps, tout
en espérant échapper à un éventuel reproche d'infra petita. Une telle formule est acceptable si les
motifs de la décision permettent de se rendre compte qu'il a vraiment été statué sur toutes les
prétentions et si, en même temps, il a été suffisamment répondu aux moyens sur lesquels elles
reposaient 1169. En revanche, cette technique rédactionnelle n'est pas satisfaisante dans le cas où l'on
est en présence d'une pure formule de style. On peut alors se demander s'il y a défaut de réponse à
conclusions ou infra petita. La rigueur théorique plaide plutôt en faveur de la première analyse, car
le juge qui déclare rejeter « toutes autres prétentions » n'omet pas, à proprement parler, de statuer. Il
rejette effectivement des demandes. Et le fait qu'il les ait ou non examinées véritablement est une
autre question. On peut alors lui reprocher un défaut de réponse à conclusions consistant à n'avoir pas
motivé ce rejet. Cependant, cette qualification de défaut de réponse à conclusions emporte des
conséquences très fâcheuses dans l'hypothèse où la décision est rendue en dernier ressort. En effet, la
voie de recours ouverte aux parties est alors le pourvoi en cassation, lequel s'il aboutit, sera suivi
d'un renvoi. Cette procédure étant longue et coûteuse, il est sans doute préférable, en pratique,
d'analyser la situation en termes d'infra petita. La voie à emprunter est alors celle, plus rapide et plus
économique, prévue par l'article 463 du Code de procédure civile. On s'adressera au juge qui a omis
de statuer sur un des chefs de demande et il pourra compléter lui-même sa précédente décision.
Confrontée à une divergence de jurisprudence opposant plusieurs chambres de la Cour de
cassation, c'est finalement en faveur de la qualification d'infra petita que s'est prononcée
l'Assemblée plénière de la haute Juridiction, en 1999. Selon elle, la cour d'appel qui, usant d'une
formule générale, a déclaré débouter « les parties de leurs demandes plus amples ou contraires », n'a
pas statué sur un chef de demande, dès lors qu'il ne résulte pas des motifs de sa décision qu'elle l'ait
examiné 1170. Si, sur le plan théorique, on hésite à approuver cette solution, on ne peut qu'applaudir à
une simplification procédurale qui, outre qu'elle fait économiser du temps et de l'argent aux plaideurs
concernés, est de nature à lutter contre l'engorgement du greffe de la Cour de cassation. Malgré tout,
il est permis de déplorer la tendance que semblent manifester les différentes chambres de la Cour de
cassation, à la suite de l'arrêt d'Assemblée plénière rendu en 1999, à opter largement pour l'omission
de statuer dans des cas où il semble bien que les juges du fond aient, en réalité, examiné une demande
sans motiver leur décision de la rejeter. Dans de telles hypothèses, c'est parfois un authentique défaut
de motivation qui est qualifié à tort, par la Cour de cassation, d'omission de statuer. Une telle
politique jurisprudentielle, qui va au-delà du cas envisagé dans l'arrêt de 1999 précité, peut produire
des effets pervers, ce que n'a pas manqué de relever un éminent spécialiste de la cassation 1171.

387 Ultra petita et modification de l'objet du litige. – Pour sanctionner et réparer un ultra
petita, la loi a instauré le recours spécifique de l'article 464 du Code de procédure civile. Cela étant,
un ultra petita constitue, par définition, une violation des articles 4 et 5 du même code, selon
lesquels il appartient aux parties de déterminer l'objet du litige, interdiction étant faite au juge de le
modifier. Lorsque la décision a été rendue en dernier ressort 1172, on peut s'interroger sur la voie qu'il
convient d'emprunter : celle du recours en rétractation de l'article 464 ou celle d'un pourvoi en
cassation fondé sur une violation de l'article 4 (ou des articles 4 et 5) du Code de procédure ? La
jurisprudence a longtemps été ambiguë sur ce point. De nombreux arrêts prononçaient une cassation
pour modification de l'objet du litige, alors que, de toute évidence, cette modification résidait dans un
ultra petita 1173, tandis que d'autres arrêts, tout aussi nombreux, affirmaient que l'ultra petita ne
constituait pas un cas d'ouverture à cassation, mais une irrégularité que l’on ne pouvait réparer que
selon la procédure prévue aux articles 463 et 464 1174. Cette seconde opinion s'imposait d'évidence en
cas d'infra petita 1175, moins en matière d'ultra petita. Finalement, la modification de l’article 616 du
Code de procédure civile, en 2014 1176, a permis de clarifier un peu les choses (mais pas totalement) :
lorsque le jugement peut être rectifié par la procédure de l’omission de statuer (infra petita), seul le
jugement statuant sur la rectification peut faire l’objet d’un pourvoi en cassation ; inversement,
l’article 464 du même code n’étant plus visé au texte, il apparaît que le jugement entaché d’ultra
petita peut être attaqué par la voie d’un pourvoi comme il peut être rectifié par celle de l’article 464.
Cette solution est bienvenue, mais mériterait d’être encadrée. En effet, il n'est pas souhaitable de
laisser aux parties une option totalement libre entre le recours simple et peu coûteux de l'article 464
et l'onéreux pourvoi en cassation. Le recours spécial prévu par la loi en cas d'ultra petita devrait
donc être, en principe, la seule voie ouverte pour remédier à ce vice. Cependant, la Cour de
cassation doit pouvoir sanctionner un ultra petita pour violation des articles 4 et 5 du Code de
procédure civile, lorsqu'elle est saisie d'un pourvoi également fondé sur d'autres moyens (une
violation du principe de la contradiction, un défaut de base légale...). En effet, dès lors que la voie
coûteuse du pourvoi a été valablement empruntée, il n'y a plus de raison d'imposer la voie de
l'article 464 et ce serait même contre-productif, car le demandeur serait contraint de former deux
recours distincts contre un même jugement. Qu'il puisse le faire, c'est une chose (au demeurant
incontestable), mais il est raisonnable de l'autoriser à regrouper ses prétentions au sein d'un même
recours, le pourvoi en cassation, en appréhendant l'ultra petita pour ce qu'il est : une violation des
articles 4 et 5 du Code de procédure civile. Il serait donc souhaitable de comprendre ainsi la
suppression, en 2014, de toute référence à l’ultra petita, dans l’article 616 du Code de procédure
civile : il ne s’agirait pas de rendre systématiquement recevable le pourvoi en cas d’ultra petita,
mais simplement de ne plus donner à croire qu’il serait systématiquement irrecevable.

388 La réparation de l'infra et de l'ultra petita. – Pour réparer une omission de statuer ou un
ultra petita, le juge saisi sur le fondement des articles 463 ou 464 du Code de procédure civile peut
et même doit reprendre l'examen des conclusions des parties. L'article 463 l'invite expressément à
« rétablir, s'il y a lieu, le véritable exposé des prétentions respectives des parties et de leurs
moyens ». Autrement dit, le recours en ultra petita remet en cause l'autorité de la chose jugée
pouvant s'attacher 1177 à la partie de sa décision antérieure qui est affectée par le vice à réparer.
L'objet du recours en ultra petita ou de l'action en infra petita demeure limité à la seule réparation
de ce vice. Il ne s'opère aucune dévolution sur les autres chefs de la décision, qui ne peuvent être
remis en cause que par les voies de recours ordinaires. Même sur les chefs du jugement qui posent
problème, ce n'est pas un nouveau procès qui commence. Le juge doit seulement reprendre l'examen
des prétentions des parties telles qu'elles avaient déjà été soumises au juge et les parties ne sauraient
présenter de nouveaux moyens 1178.

B. LE RÉGIME DES AMÉNAGEMENTS

389 Communauté de régime. – Le régime des trois actions est le plus souvent identique. Il est
donc possible de les étudier de front et il suffira de signaler sur tel ou tel point les règles
particulières à l'une ou à l'autre. Pour l'essentiel, ce régime commun est énoncé par les articles 462
et 463 du Code de procédure civile. L'article 461, qui intéresse l'action en interprétation est presque
muet sur la question du régime qui lui est applicable. L'examen de la jurisprudence de la Cour de
cassation montre qu'il convient de maintenir, en ce qui le concerne, les solutions anciennes que
reprennent les articles 462 et 463.

390 Compétence. – Pour ce qui est de la compétence, d'abord, ces différentes actions sont en
principe exercées devant le juge qui a statué. Au moins en qui concerne le recours en ultra petita, on
peut parler de voie de rétractation. Cette règle connaît cependant deux limites.
D'abord, en cas d'appel, la dévolution complète du litige qui s'opère empêche désormais le juge
du premier degré d'interpréter ou de rectifier sa décision 1179. Il appartient à la cour d'appel de le
faire 1180. La solution se justifie aisément : le législateur a institué une voie de droit particulière pour
éviter aux parties d'avoir à emprunter une voie de droit plus importante. L'action particulière n'a plus
lieu d'être, dès lors que l'on s'est engagé dans la voie plus importante 1181. De plus, autoriser le
premier juge à interpréter ou rectifier sa décision, alors qu'un appel a été formé, pourrait conduire à
des contrariétés de décisions pour le moins fâcheuses. Dans cette optique, la cour d'appel doit encore
rester seule compétente pour procéder à une rectification d'erreur ou d'omission matérielle affectant
les dispositions du jugement sur lesquelles elle a statué, alors même qu'ayant rendu son arrêt, elle est
dessaisie 1182. Cependant, on doit admettre logiquement que si la cour d'appel déclare l'appel
irrecevable, le premier juge retrouve son pouvoir d'interprétation et de rectification 1183, parce que
tout risque de contrariété est désormais écarté et que, de surcroît, la solution inverse aurait pour effet
d'empêcher toute clarification ou correction du jugement.
La seconde limite à la compétence du juge qui a rendu la décision n'intéresse que l'action en
interprétation. Le juge qui a statué ne dispose pas d'une compétence exclusive pour interpréter sa
décision. Si le jugement obscur ou ambigu est invoqué devant un autre juge, ce dernier peut
l'interpréter à titre incident 1184.

391 Délai pour agir. – La présentation de la demande n'est enfermée en principe dans aucun
délai. La raison en est sans doute que le vice qui affecte la décision peut n'apparaître que
tardivement. On peut imaginer, par exemple, que ce soit seulement au moment où le jugement est mis
à exécution que les parties s'aperçoivent qu'elles ne l'interprètent pas de la même façon. Par
exception, l'action en infra petita et le recours en ultra petita doivent être formés dans le délai d'un
an à compter du moment où le jugement passe en force de chose jugée 1185. Et pour ménager les
intérêts d'une partie qui aurait, à tort, formé un pourvoi en cassation, l'article 463 du Code de
procédure civile prévoit que ce délai ne court, dans cette hypothèse, qu'à compter de l'arrêt
d'irrecevabilité du pourvoi. Il ne faut toutefois pas exagérer l'importance de ce délai d'un an, en cas
d'infra petita. En effet, dès lors qu'il a omis de statuer sur un chef de demande, la décision du juge
n'est pas dotée de l'autorité de chose jugée sur ce qui a été omis. Il n'est donc pas interdit au plaideur
qui le souhaite de réitérer sa demande, du moins sur les éléments qui n'ont pas été jugés, comme s'il
agissait pour la première fois de ce chef 1186.
La demande en interprétation, en rectification d'erreur ou d'omission matérielle, en infra petita ou
en ultra petita, est contenue dans une requête présentée par l'une des parties ou éventuellement par
les deux parties. De quelque façon que la demande ait été soumise au juge 1187, la décision qu'il rend
sur une demande en interprétation, en infra ou en ultra petita, doit être précédée d'un débat
contradictoire, l'instance se déroulant selon la procédure applicable devant cette juridiction. En
revanche, l'article 462 du Code de procédure civile prévoit qu'il statue sans audience, lorsqu'il est
saisi par requête d’une demande de rectification d’erreur ou d’omission matérielle, à moins qu'il
n'estime nécessaire d'entendre les parties. Issue d'une réforme intervenue en 2010, la solution paraît
pleinement justifiée quand la requête émane des deux parties, car on voit mal alors l'intérêt d'un
débat. On peut être plus réservé lorsqu'une seule des parties est à l'origine de la requête, surtout
quand on considère l'étroitesse des conditions dans lesquelles est enfermé un éventuel appel par la
partie adverse 1188. La jurisprudence exige tout de même, dans ce cas, que le juge s’assure que la
requête a bien été portée à la connaissance des autres parties 1189, celles-ci ayant alors au moins la
possibilité de déposer des conclusions.

392 Forme de l'interprétation ou de la rectification. – Les actions des articles 461 et suivants
du Code de procédure civile donnent lieu à la rédaction d'un jugement interprétatif ou rectificatif
(selon les cas), qui est notifié aux parties selon les mêmes modalités que le premier jugement. Cette
précision donnée par les articles 462 et 463 du Code de procédure civile rappelle qu'il est
absolument interdit au juge de procéder à une simple modification matérielle de la première décision,
que ce soit sur la minute ou sur une expédition du jugement. Il lui est interdit, par exemple, de
rectifier sur le premier jugement une addition inexacte. Il doit rendre un second jugement indiquant le
bon résultat de l'opération. La seule modification apportée à la première décision consiste en une
mention en marge, portée sur la minute et sur les expéditions, indiquant l'existence d'un jugement
rectificatif 1190.

393 Voies de recours contre la décision interprétative ou rectificative. – Les voies de


recours ne sont pas exactement les mêmes selon les demandes. Le jugement rendu à la suite d'une
action en interprétation ou en infra petita ou d'un recours en ultra petita donne lieu aux mêmes voies
de recours que le jugement interprété ou rectifié 1191. Si donc le jugement interprété était susceptible
d'appel, le jugement interprétatif l'est également, quand bien même le premier serait passé en force de
chose jugée avant que ne soit rendu le second. C'est une règle partiellement différente que pose
l'article 462 du Code de procédure civile en cas de rectification d'erreur ou d'omission matérielle :
« si la décision rectifiée est passée en force de chose jugée, la décision rectificative ne peut être
attaquée que par le pourvoi en cassation ». Chaque fois que la décision rectifiée a été rendue en
dernier ressort, rien n'est changé. La différence apparaît lorsque le jugement rectifié a été rendu en
premier ressort seulement. Après une action en interprétation, une action en infra petita ou un recours
en ultra petita, le jugement interprétatif ou rectificatif est susceptible d'appel si le jugement
interprété ou rectifié l'était lui aussi au moment où il a été rendu 1192, et il importe peu que, par la
suite, ce dernier ait cessé d'être susceptible d'appel. Au contraire, après une rectification d'erreur ou
d'omission matérielle, une partie ne peut faire appel que si, au jour où elle veut le faire, le jugement
rectifié est lui-même (encore) susceptible d'un tel recours 1193. Le plus souvent, en raison de la
brièveté du délai pour faire appel, ce ne sera plus le cas. Le jugement rectifié sera passé en force de
chose jugée, ce qui fait que le jugement rectificatif ne sera susceptible que d'un pourvoi en
cassation 1194.
Le régime de l'article 462 instaure un lien très fort entre la décision qui était entachée d'erreur ou
d'omission matérielle et la décision rectificative. Il serait sans doute excessif de dire que la seconde
ne fait qu'une avec la première, car elle est tout de même soumise à une voie de recours qui lui est
propre (le pourvoi en cassation) et ne peut être empruntée contre la décision initiale. Mais il est
certain que l'autonomie de la décision rectificative est moindre que celle dont bénéficient les
décisions rendues à la suite d'une action en interprétation ou en infra petita ou d'un recours en ultra
petita 1195.

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CHAPITRE II
LA DIVERSITÉ DES CONTENTIEUX

394 Plan. – Dans le chapitre précédent, il a été montré que tous les actes du juge ne sont pas
identiques. À l'intérieur des décisions contentieuses, la même situation se rencontre : on constate que
les demandes soumises au juge ne sont pas toujours du même type, et qu'en particulier, il est possible
d'observer ce que l'on peut appeler des contentieux parallèles. Cette expression signifie que la même
situation litigieuse peut susciter plusieurs demandes qui vont se développer l'une après l'autre, sans
pouvoir se rejoindre. Une demande « ordinaire » se trouve précédée par une autre demande qui la
prépare ou l'anticipe 1196 et le litige ne sera pleinement réglé qu'avec le second jugement, la première
demande ne débouchant que sur une solution juridiquement incomplète ou fragile. La raison en est
qu'il s'agit d'une demande donnant naissance à un contentieux qui est soit celui du provisoire
(section I), soit celui du possessoire (section II).

SECTION I
LE CONTENTIEUX DU PROVISOIRE

395 Notions de « provisoire ». – Le contentieux du provisoire présente une importance


pratique considérable : il est d'un usage quotidien au palais. Sa place dans l'ensemble du contentieux
soulève aussi d'intéressants problèmes dont la résolution concourt à la connaissance et à la
compréhension des mécanismes du droit judiciaire privé.
La première difficulté tient au mot même de provisoire. En effet, il est question de jugements ou
de décisions provisoires dans deux sens totalement différents. Dans un premier sens, qui a déjà été
étudié 1197, on peut parler d'un jugement provisoire par son objet. Ainsi en va-t-il, par exemple, du
jugement qui, dans une procédure de divorce, fixe la résidence des enfants mineurs chez l'un des
parents. Ici, peu importe quelle est la juridiction qui rend la décision. Le jugement est provisoire en
raison de son contenu 1198. Un jugement peut encore être provisoire en raison de la juridiction qui l'a
rendue. Dans ce second sens, le jugement est dit provisoire par sa nature, ce qui signifie que ce
caractère lui est attribué quel que soit son objet, simplement parce qu'il a été rendu par telle
juridiction.
C'est ce second type de décisions qui sera abordé présentement. Plus précisément, seront étudiées
les deux sortes de décisions provisoires les plus caractéristiques, l'ordonnance de référé (sous-
section 1) et l'ordonnance sur requête (sous-section 2), mais il convient d'indiquer, dès à présent,
qu'il en existe d'autres, notamment les ordonnances du juge ou du conseiller de la mise en état 1199.
Sous-section 1
L'ordonnance de référé

396 Généralités. – La définition de l'ordonnance de référé est donnée par l'article 484 du Code
de procédure civile. Aux termes de ce texte, l'ordonnance de référé est « une décision provisoire
rendue à la demande d'une partie, l'autre présente ou appelée, dans les cas où la loi confère à un juge
qui n'est pas saisi du principal le pouvoir d'ordonner immédiatement les mesures nécessaires ». Cette
définition met en valeur les traits essentiels de l'ordonnance de référé : c'est une décision
provisoire 1200 ; à la différence de l'ordonnance sur requête 1201, elle est rendue à la suite d'un débat
contradictoire ; elle émane d'un juge qui n'est pas saisi du principal, ce qui entraîne la naissance d'un
contentieux « parallèle » à celui qui est susceptible de se dérouler au principal 1202 ; elle contient des
mesures et même, peut-on ajouter, elle ne contient que des mesures : à l'inverse, le juge des référés ne
dit pas le droit 1203 ; enfin, elle est rendue « immédiatement », ce qui implique l'existence d'une
procédure qui lui est particulière et qui se signale par sa rapidité et corrélativement par sa
simplicité 1204.
C'est avec le référé que se manifeste principalement l'importance pratique du contentieux du
provisoire. Les raisons de son succès sont faciles à comprendre. Sa procédure est simple et rapide et
elle débouche sur une décision qui peut être immédiatement exécutée. Aussi le référé permet-il
d'éviter la relative lenteur du contentieux ordinaire, chaque fois qu'une affaire ne soulève pas de
difficulté ou requiert une solution rapide. Le schéma normal est alors le suivant : le demandeur
introduit une première instance en référé pour obtenir du juge une mesure urgente ou une mesure
incontestable (ou les deux). Ensuite, il introduit une seconde instance, au principal, qui va se dérouler
plus lentement, mais qui conduit à un règlement complet et définitif du litige. Ainsi, à la suite d'un
accident, la victime demande au juge des référés l'attribution d'une provision et la nomination d'un
expert pour évaluer plus précisément son préjudice. Plus tard, l'instance au principal établira les
responsabilités et fixera le montant définitif des dommages-intérêts.
Il arrive cependant que ce schéma se trouve modifié. Par exemple, si le demandeur obtient du juge
des référés une provision d'un montant égal à celui des dommages-intérêts que pourrait lui accorder
le juge du principal, il peut décider de ne pas saisir ce dernier 1205. Le plus souvent, son adversaire ne
le fera pas davantage : d'une part, la saisine du juge du principal ne lui permettra pas d'éviter
l'exécution de l'ordonnance de référé, ce qui supprime tout intérêt dilatoire ; d'autre part, si la
provision est d'un montant qui correspond réellement au préjudice subi, l'auteur de l'accident sait que
le juge du principal ne diminuera pas la somme accordée. Pourquoi, dans ces conditions, intenterait-
il un second procès dont les frais pèseraient sur lui ? L'importance des mesures que peut prendre le
juge des référés, résultant de l'accroissement considérable de ses pouvoirs, aboutit ainsi à la création
d'un second schéma dans lequel ne se déroule qu'une seule instance, en référé, débouchant sur une
décision, juridiquement provisoire, mais qui est en fait définitive, au moins au sens ordinaire du
terme. En quelque sorte, le provisoire est susceptible de se pérenniser. Dans ce schéma, le référé
apparaît comme une technique commode pour évacuer rapidement une partie du contentieux.

397 Les textes. – Les textes régissant le référé se trouvent dispersés à travers le Code de
procédure civile 1206. Le livre premier contient l'article 145, relatif aux mesures d'instruction, et les
articles 484 à 492, qui, outre la définition de l'ordonnance de référé, fournissent les règles
applicables à la procédure proprement dite du référé. Dans le livre deux se trouvent des dispositions
concernant le référé devant chaque juridiction : pour le tribunal de grande instance, les articles 808
à 811 ; pour le tribunal d'instance, les articles 848 à 850 ; pour le tribunal de commerce, les
articles 872 et 873 ; pour le conseil de prud'hommes, l'article 879, qui renvoie aux articles R. 1455-1
et suivants du Code du travail ; pour le tribunal paritaire des baux ruraux, les articles 893 à 896 ;
pour la Cour d'appel, les articles 956 et 957. Ces textes appellent quelques précisions immédiates.
La première est qu'il faut mettre de côté le référé qui se déroule devant le premier président de la
cour d'appel : il a un objet particulier qui se rapporte à l'appel. Son étude est donc liée à celle de
cette voie de recours 1207. En second lieu, il ne faut pas s'attacher au fait que la plupart des
dispositions concernant le référé figurent dans le livre deux du Code de procédure civile.
Formellement, il existe bien des dispositions particulières à chaque juridiction, mais la plupart de
ces dispositions sont substantiellement identiques : elles ne diffèrent que par l'indication du juge qui
est appelé à rendre l'ordonnance. C'est ainsi que l'article 808, pour le tribunal de grande instance,
contient la même règle que les articles 848, pour le tribunal d'instance, 872, pour le tribunal de
commerce, 893, pour le tribunal paritaire des baux ruraux et R. 1455-5 du Code du travail, pour le
conseil de prud'hommes. Il en va encore ainsi pour les articles 809, 849, 873, 894 du Code de
procédure civile et les articles R. 1455-6 et R. 1455-7 du Code du travail. Cependant cette identité
substantielle n'existe pas toujours 1208. Dans un souci de simplicité, chaque fois que les textes sont
substantiellement identiques, seul sera cité le texte qui concerne le tribunal de grande instance.
L'examen des textes du Code de procédure civile fait apparaître qu'aujourd'hui il n'existe plus un
référé unique, mais plusieurs référés : cette diversité des référés (§ 2) apparaît dans le vocabulaire
de la pratique qui distingue, par exemple, le référé-provision du référé en vue d'obtenir une mesure
d'instruction. Leur appartenance à un type particulier de contentieux du provisoire explique qu'ils
soient aussi soumis à des dispositions communes (§ 1).

§ 1. LES DISPOSITIONS COMMUNES AUX RÉFÉRÉS

398 Division. – Les dispositions communes aux référés intéressent la compétence du juge (A),
la recevabilité de la demande (B) et les mesures qui peuvent être ordonnées (C).

A. LA COMPÉTENCE EN MATIÈRE DE RÉFÉRÉ

399 Subdivision. – Au sens propre 1209, la règle de compétence a pour fonction de résoudre le
choix entre les diverses juridictions qui existent pour connaître d'un litige donné. La loi ayant institué
un juge des référés dans chacune des juridictions du premier degré, il faut déterminer quel est le juge
habilité à connaître d'une demande en référé, tant pour ce qui est de la compétence d'attribution (1)
que de la compétence territoriale (2), cette question pouvant être affectée par la présence d'une
clause compromissoire ou d'une clause attributive de compétence (3).

1. La compétence d'attribution

400 Juridiction présidentielle et formation spéciale. – La compétence d'attribution obéit à


deux règles très simples. La première concerne la désignation du juge des référés à l'intérieur de
chaque juridiction. La règle de principe est que le juge des référés est le président du tribunal (on
parle couramment de la juridiction présidentielle) : le juge des référés commerciaux est le président
du tribunal de commerce. Il en va de même pour le tribunal de grande instance et le tribunal paritaire
des baux ruraux. Cette règle comporte deux exceptions. D'abord, dans le tribunal d'instance, il
n'existe pas de président. C'est donc le même juge, personne physique, qui statue au principal et en
référé. Mais, dans un cas, il statue au nom du tribunal d'instance, alors que, dans l'autre, il statue en
tant que juge d'instance 1210. Le conseil de prud'hommes comporte un président, mais le principe de
parité entre employeurs et salariés a conduit le législateur à ne lui accorder aucun pouvoir
juridictionnel. Pour que ce principe s'applique également au référé, il existe une formation de référé
régie par les articles L. 1423-13 et R. 1455-1 et suivants du Code du travail, comprenant un
conseiller employeur et un conseiller salarié 1211.

401 Une compétence calquée sur celle des juges du principal. – Pour déterminer comment
s'opère entre ces différents juges des référés la répartition des procès, il existe une seconde règle
selon laquelle la compétence des juges des référés est calquée sur celle des juges du principal : le
plaideur doit se demander à quel tribunal il s'adresserait s'il entendait former une demande au
principal. Par exemple, si l'exécution d'un contrat relève de la compétence du tribunal de commerce,
la demande de provision concernant ce contrat sera portée devant le président du tribunal de
commerce.
Précisons que l'institution d'un juge des référés dans chaque tribunal a rendu pratiquement sans
objet la disposition de l'article 810 du Code de procédure civile, aux termes duquel « les pouvoirs du
président du tribunal de grande instance, prévus aux deux articles précédents, s'étendent à toutes les
matières où il n'existe pas de procédure particulière de référé 1212. » Dans le même esprit,
l'article 850 dispose que « le juge du tribunal d'instance dispose des mêmes pouvoirs (de référé)
dans les contestations nées à l'occasion du contrat de travail lorsqu'elles relèvent de sa
compétence. » Ce texte n'a plus lieu de s'appliquer aujourd'hui 1213.

2. La compétence territoriale

402 Principe et dérogation jurisprudentielle. – Le principe est que la demande en référé obéit
aux mêmes règles de compétence territoriale que la demande au principal. Par conséquent, à défaut
de règle particulière contraire, s'applique la règle posée par l'article 42 du Code de procédure
civile 1214 : la juridiction territorialement compétente est, normalement, celle du lieu où demeure le
défendeur. À l'époque de l'ancien Code de procédure civile, la jurisprudence décidait que le
demandeur pouvait également saisir le juge des référés du lieu où s'était produit le fait litigieux et où
devait s'exécuter la mesure ordonnée, tout particulièrement lorsqu'il s'agissait d'une mesure
d'instruction 1215. Le Code de procédure civile de 1975 ne contient aucune indication sur le maintien
de cette solution traditionnelle, mais la Cour de cassation l'a réaffirmée 1216. Ainsi, le demandeur peut
adresser une demande de désignation d'un expert au juge des référés dans le ressort duquel doivent
avoir lieu les mesures d'expertise, quand bien même le défendeur demeurerait dans un autre ressort.
La compétence territoriale du juge des référés et celle du juge du principal sont alors dissociées.
Cette solution se justifie par des considérations pratiques : la désignation d'un expert lyonnais par un
juge des référés de Lyon n'a guère de sens s'il s'agit de procéder à des opérations d'expertise à Brest.
Il est plus raisonnable de s'adresser à un juge brestois, lequel désignera un expert local plus à même
de mener à bien sa mission qu'un expert qui résiderait à plusieurs centaines de kilomètres de là.

3. L'incidence des clauses compromissoires et des clauses attributives de compétence


403 Référé et clause attributive de compétence. – Lorsqu'elle est admise, une clause
attributive de compétence peut déroger à la compétence d'attribution du juge que désigne la loi, à sa
compétence territoriale, ou aux deux 1217. Les parties ont entendu faire juger leur éventuel litige par le
juge civil plutôt que par le juge commercial, par une juridiction caennaise plutôt que par une
juridiction lilloise, voire par le tribunal de grande instance de Caen, plutôt que par le tribunal de
commerce de Lille. Si la volonté des parties a été clairement d'inclure le juge des référés dans le
champ d'application de leur clause, on devrait logiquement considérer que le magistrat que désigne la
loi devient incompétent au profit de celui que désigne la convention des parties. Mais en général,
lorsqu'elles ont stipulé une clause attributive de juridiction dans leur contrat, les parties ont pensé
essentiellement au juge du principal. Quel sera alors l'effet de cette clause à l'égard du juge des
référés ? La jurisprudence s'est prononcée sur le cas des clauses attributives de compétence
territoriale. Après avoir estimé, apparemment, qu'elles étaient efficaces à l'égard du juge des
référés 1218, la Cour de cassation a décidé le contraire en 1998, en énonçant de manière catégorique
« qu'une clause attributive de compétence territoriale est inopposable à la partie qui saisit le juge des
référés 1219 ». Il n'est pas certain que cette solution doive être transposée aux clauses attributives de
compétence d'attribution.

404 Référé et conventions d'arbitrage. – Il existe deux types de conventions d'arbitrage que
définit l'article 1442 du Code de procédure civile. La clause compromissoire est la convention par
laquelle les parties à un ou plusieurs contrats s'engagent à soumettre à l'arbitrage les litiges qui
pourraient naître relativement à ce ou à ces contrats. Le compromis est la convention par laquelle les
parties à un litige né soumettent celui-ci à l'arbitrage. Dans un cas comme dans l'autre, la mise en
œuvre de la convention doit conduire à la constitution d'une juridiction privée, le tribunal arbitral,
qui aura pour mission de trancher le litige opposant les parties. Le compromis est largement admis
par la loi car, par définition, il est conclu après la naissance du litige. La liberté des parties de
refuser de s'orienter dans la voie de l'arbitrage est entière. La loi est plus restrictive, concernant la
clause compromissoire, au moins en droit interne, car une partie faible ou inexpérimentée pourrait
accepter cette voie sous la pression de son partenaire 1220.
Quoi qu'il en soit, l'existence d'une convention d'arbitrage, lorsqu'elle est valable, pose la
question de son effet à l'égard du juge des référés. Peut-on le saisir, alors que l'on a contractuellement
attribué compétence à une juridiction arbitrale ? Pendant longtemps, c'est la jurisprudence qui s'est
efforcée de répondre à cette question. Depuis le décret n 2011-48 du 13 janvier 2011 1221, le Code de
o

procédure civile comporte des éléments de réponse. Par principe, dès que le tribunal arbitral est
constitué, c'est-à-dire dès que ses membres ont tous accepté leur mission 1222, aucune juridiction
étatique ne peut plus être saisie pour ordonner une mesure d'instruction 1223, ni une mesure provisoire
ou conservatoire, hormis s'il s'agit d'autoriser des saisies conservatoires ou des sûretés
judiciaires 1224. C'est ce qui ressort des articles 1449 et 1468 du Code de procédure civile, qui
consacrent, pour l'essentiel, la jurisprudence antérieure de la Cour de cassation 1225. Puisqu'il est
saisi, c'est au tribunal arbitral qu'il appartient d'ordonner les mesures d'instruction, dès lors qu'elles
ne contraignent pas des tiers 1226. Logiquement, c'est aussi à lui qu'il revient d'ordonner des mesures
provisoires ou conservatoires. En revanche, tant que la juridiction arbitrale n'est pas constituée, une
juridiction étatique peut être saisie. Ce sera, en principe, le juge de l'exécution, pour obtenir
l'autorisation de pratiquer une saisie conservatoire ou d'inscrire une sûreté judiciaire 1227. Pour les
autres mesures, notamment les mesures d'instruction in futurum, l'article 1449 désigne le président du
tribunal de grande instance ou de commerce. Cependant, le texte apporte une restriction au pouvoir du
président, puisqu'il ne peut ordonner des mesures provisoires ou conservatoires (autres que les
saisies et sûretés judiciaires) qu'en cas d'urgence.
La condition d'urgence posée par l'article 1449 du Code de procédure civile est manifestement
inspirée d'une jurisprudence de la Cour de cassation qui, jusqu'en 2011, soumettait à la même
condition, l'octroi d'une provision à une partie par le juge des référés saisi avant constitution de la
juridiction arbitrale 1228. Cette solution jurisprudentielle propre au référé provision reposait sur le fait
que celui-ci aboutit fréquemment à un achèvement de fait du procès. Le demandeur satisfait d'une
« provision » qui couvre en réalité son préjudice n'a aucun intérêt à saisir le juge du principal, tandis
que le défendeur, découragé ou conscient de ce que sa cause est douteuse, peut être tenté d'en rester
là. Lorsque le juge du principal est une juridiction arbitrale désignée par les parties, l'ordonnance de
référé accordant une provision à l'une d'elles risque donc de les dissuader de mettre en œuvre la
clause d'arbitrage. Le juge judiciaire coupe l'herbe sous le pied de l'arbitre, alors que les parties
s'étaient entendues initialement pour que leur éventuel litige soit tranché par celui-ci. En limitant aux
cas d'urgence les possibilités de référé provision en présence d'une clause d'arbitrage, la
jurisprudence limitait les atteintes à la compétence des arbitres. Les auteurs du décret du 13 janvier
2011 sont allés encore plus loin en généralisant la condition d'urgence. En quelque sorte, si une
mesure n'est pas urgente, on peut attendre que le tribunal arbitral soit constitué pour obtenir qu'elle
soit ordonnée. La compétence de la juridiction arbitrale est encore mieux protégée que par le passé.
Cependant, le nouvel article 1449 du Code de procédure civile crée un vide réglementaire dans
les hypothèses où une partie souhaite obtenir une mesure provisoire en l'absence d'urgence : sa
demande, qui peut être parfaitement légitime, ne peut être adressée ni au tribunal arbitral non encore
constitué, ni au juge judiciaire 1229. Est-il satisfaisant de devoir attendre que les arbitres aient accepté
leur mission, pour faire cesser un trouble manifestement illicite ou pour obtenir l'exécution d'une
obligation non sérieusement contestable ? L'article 1449 pose aussi la question de la nature de la
procédure qu'il convient de suivre devant « le président du tribunal de grande instance ou de
commerce ». S'agit-il d'une procédure spéciale ou faut-il voir dans cette désignation une référence
implicite au juge des référés 1230 ? Dans la première hypothèse, on peut supposer que le président
statuerait « en la forme des référés », même si le texte ne le précise pas. Dans la seconde hypothèse,
l'obtention de la mesure sollicitée serait soumise aux conditions d'un vrai référé. L'instauration d'une
condition générale d'urgence, qui ne se retrouve pas dans tous les référés, ainsi que la désignation de
deux juges précis, donnent à penser que l'on est en présence d'une procédure spéciale, sans que l'on
puisse en être sûr. Mais, quand bien même ce serait le cas, on devrait admettre une combinaison des
procédures de référé (ou sur requête) et de cette procédure spéciale (si c'en est une), lorsque leurs
conditions respectives sont réunies. Il sera intéressant d'observer la lecture que fera la jurisprudence
de l'article 1449 du Code de procédure civile.

B. LA RECEVABILITÉ DE LA DEMANDE

405 Fausse compétence et vraie recevabilité. – Dans certains cas (mais pas dans tous les
cas), la demande en référé est subordonnée par le législateur à deux conditions ou à l'une d'elles
seulement : l'urgence et l'absence de contestation sérieuse. Une confusion est souvent commise à leur
propos. En pratique, il est fréquent d'entendre dire que le juge des référés n'est compétent qu'en cas
d'urgence ou encore que l'existence d'une contestation sérieuse enlève toute compétence au juge des
référés. En soi, peu importent les expressions qui sont utilisées, y compris dans certains arrêts de la
Cour de cassation. En revanche, ces mots ne doivent pas abuser et il convient d'indiquer qu'à
strictement parler, l'urgence et l'absence de contestation sérieuse ne concernent pas la compétence du
juge saisi, mais la recevabilité de la demande. La compétence intéresse la répartition des litiges entre
les tribunaux (si ce n'est pas l'un, c'est l'autre) ; or les deux conditions qui viennent d'être citées
n'exercent pas d'influence sur la détermination du juge qui sera saisi ; elles n'exercent d'influence que
sur la possibilité de soumettre à un juge, quel qu'il soit, une sorte déterminée de demande.
Si, dans l'expression « le juge des référés n'est compétent qu'en cas d'urgence », il s'agissait d'une
véritable question de compétence, la question serait alors de savoir quel est le juge compétent en
l'absence d'urgence. Or, à cette question, aucune réponse ne peut être apportée. Même si, en l'absence
d'urgence, il est possible de saisir le juge du principal, par exemple le tribunal de grande instance au
lieu du président du tribunal de grande instance, il ne s'opère entre ces deux juridictions aucune
répartition. En effet, le tribunal est saisi au principal d'un autre litige que de celui qui est soumis au
juge des référés : il ne lui est pas demandé d'ordonner des mesures, mais de dire le droit et de régler
la totalité du litige, et le jugement qu'il rendra ne constituera pas une décision provisoire. D'ailleurs,
lorsqu'il y a urgence, le demandeur a toujours la possibilité de saisir le juge du principal en plus du
juge des référés ; il peut donc former deux demandes distinctes. C'est l'une des possibilités qui
disparaît en raison de l'absence d'urgence. Entre la demande qui subsiste et celle qui disparaît, il
n'existe aucune question relevant de la notion de compétence. Il faut dire plus exactement que
l'urgence est l'une des conditions auxquelles est subordonné le droit de présenter une demande en
référé. C'est donc une condition de recevabilité complémentaire que pose le législateur.
D'un point de vue pratique, il faut en déduire que la défense tirée de l'absence d'urgence ou au
contraire de l'existence d'une contestation sérieuse n'est pas soumise au régime très strict de
l'exception de procédure, mais à celui, plus favorable, de la fin de non-recevoir. En particulier, le
défendeur n'est pas tenu de la présenter avant toute défense au fond ou toute fin de non-recevoir, il
peut la présenter en tout état de cause 1231.

406 L'urgence. – Il y a urgence lorsqu'un retard dans la décision judiciaire qui doit être rendue
serait gravement préjudiciable aux intérêts d'une partie 1232. Cette définition montre que la notion
d'urgence ne peut être aisément déterminée de façon abstraite et générale. Elle suppose en effet une
appréciation concrète des intérêts en présence : il faut évaluer l'importance respective de l'intérêt de
celui à qui le retard serait préjudiciable et de l'intérêt de l'autre ou des autres parties, qui peut être
compromis par un examen trop rapide. C'est pourquoi la Cour de cassation décide que l'urgence est
abandonnée à la souveraine appréciation des juges du fond 1233 : il leur appartient de prendre en
compte tous les éléments de fait de la situation qui leur est soumise, y compris de l'attitude passée
des parties, pour décider d'accorder ou de refuser la mesure qui leur est demandée.

407 L'absence de contestation sérieuse. – La notion d'absence de contestation sérieuse n'est


pas moins difficile à définir que l'urgence, parce que c'est une notion qui est d'abord négative : la
contestation sérieuse est celle que seul le juge du principal peut trancher. De façon positive, l'absence
de contestation sérieuse se ramène à l'évidence, c'est-à-dire à ce qui ne peut raisonnablement faire de
doute dans l'esprit d'un juge. Il reste que la détermination précise, dans chaque cas d'espèce, de ce
qui relève ou ne relève pas de la contestation sérieuse n'est guère facile. La difficulté tient en partie à
l'attitude adoptée par la Cour de cassation, qui contrôle son existence, mais ne la définit pas, se
contentant d'affirmer qu'elle existe ou n'existe pas dans l'affaire qui est soumise à son examen 1234. À
défaut de critérium général, la distinction ne peut donc être opérée que matière par matière. À titre
d'illustration, dans le domaine des contrats, la jurisprudence de la Cour de cassation refuse au juge
des référés le pouvoir d'interpréter la volonté des parties 1235, mais elle lui permet de « lire » le
contrat en juriste expérimenté 1236. Ce pouvoir reconnu au juge des référés n'est d'ailleurs pas limité
au domaine contractuel. De façon générale, le juge des référés n'est pas désarmé par le seul fait que
le défendeur soulève, de façon quasiment automatique, une contestation qu'il prétend être sérieuse. En
effet, selon les règles ordinaires du fardeau de la preuve, s'il appartient au demandeur de prouver le
bien-fondé du droit dont il revendique une application, en revanche c'est au défendeur d'établir que la
prétention de son adversaire se heurte à une contestation sérieuse 1237.
En principe, la difficulté qui fait obstacle aux pouvoirs du juge tient à l'incertitude concernant
l'applicabilité des règles de droit à la situation litigieuse, en raison des circonstances de fait qui sont
complexes ou incertaines. L'exemple de l'interprétation du contrat est particulièrement significatif à
cet égard. Cependant, il existe une figure tout à fait particulière de la contestation sérieuse, que
révèlent quelques arrêts de la Cour de cassation, dans laquelle l'hésitation porte sur la teneur, c'est-à-
dire sur le sens même de la règle de droit applicable, ce qui contredit le principe selon lequel le juge
sait ou doit savoir le droit 1238. Le référé apporte une exception à ce principe, lorsqu'il s'agit
d'interpréter un texte nouveau 1239 : la Cour de cassation considère alors qu'il n'appartient pas au juge
des référés de précéder, en la matière, le juge du principal.

C. LES MESURES SUSCEPTIBLES D'ÊTRE ORDONNÉES

408 Division. – Dans la définition même que donne de l'ordonnance de référé l'article 484 du
Code de procédure civile, il apparaît que le juge des référés est institué pour ordonner des
« mesures » et ce mot revient dans les autres textes qui lui sont consacrés. Ainsi, dans l'article 808, il
est indiqué que « le président du tribunal de grande instance peut ordonner (...) toutes les mesures
(...) ». L'article 809 dispose de son côté que « le président peut toujours (...) prescrire en référé les
mesures conservatoires (...) qui s'imposent ». Il convient de préciser ce qu'il faut entendre par
mesures (1) avant d'insister sur leur caractère provisoire (2).

1. La notion de mesures

409 Classification. – La notion de mesures ne peut être comprise que par rapport à l'activité du
juge du principal. Dans la décision qu'il rend, le juge du principal dit le droit puis ordonne : dans un
premier temps, il constate que les faits qu'il a retenus dans sa décision correspondent au présupposé
d'une règle de droit déterminée ; dans un second temps, qui est la conséquence du premier, il ordonne
que se produise l'effet juridique de cette règle dans la limite des prétentions dont il a été saisi. Le
juge des référés n'a pas à dérouler ce raisonnement juridique dans son intégralité. Il lui est interdit de
dire le droit 1240 pour en tirer ensuite les conséquences ; il doit se borner à ordonner des mesures qui
peuvent être de deux sortes.
Il peut s'agir de mesures qui correspondent à l'effet juridique, ou à une partie de l'effet juridique
de la règle substantielle applicable aux données de l'espèce. Lorsqu'il prend une telle mesure, le juge
des référés anticipe sur la décision que sera sollicité de prendre le juge du principal. Dans cette
catégorie peuvent être classés, par exemple, l'octroi d'une provision, la réintégration d'un salarié ou
l'expulsion de grévistes d'une usine ou d'occupants sans droit d'un logement.
La seconde catégorie comprend des mesures dont la portée est plus limitée. Au lieu d'être tirées
de l'effet juridique de la règle substantielle éventuellement applicable, elles font plutôt partie d'un
fonds commun de mesures générales qui peuvent être qualifiées de mesures d'attente. Le jeu de la
règle substantielle est laissé en suspens, la décision sur ce point étant réservée au juge du principal.
La mesure qu'ordonne le juge des référés peut avoir pour objet de permettre que le temps, qui va
s'écouler jusqu'à la solution du litige au principal, cause aux parties le moins de dommages qu'il est
possible. On peut citer, à titre d'exemples, la suspension de travaux en cours, la suspension des effets
d'un acte, la nomination d'un administrateur provisoire ou d'un séquestre ou même, la Cour de
cassation l'a admis, la prorogation jusqu'à une certaine date d'un contrat d'assurance résilié par
l'assureur 1241.
La mesure ordonnée en référé peut également avoir pour but de faire en sorte que le litige puisse
être plus facilement tranché au principal. Ce sera le cas de la désignation d'un expert.

410 La limite à ne pas dépasser. – Il vient d'être indiqué que le juge peut ordonner des
mesures tirées de l'effet juridique de la règle substantielle applicable. Ce sont donc des mesures qui
anticipent sur ce que décidera probablement le juge du principal. Pour autant, le juge des référés n'a
pas à dire le droit, c'est-à-dire à énoncer de façon complète le raisonnement juridique qui le conduit
à ordonner la mesure qui est sollicitée. Par exemple, il ne saurait prononcer la nullité d'un contrat ; il
peut seulement, si la nullité du contrat ne lui paraît pas sérieusement contestable, ordonner une
restitution à titre provisoire 1242. En effet, juger qu'un contrat est nul, c'est affirmer que l'un des
éléments du présupposé nécessaires à la validité de cet acte juridique fait défaut. Telle n'est pas la
mission du juge des référés. De façon générale, il peut ordonner, à titre de mesure, à peu près tout ce
qu'on lui demande 1243, pourvu qu'il joue le jeu du référé, c'est-à-dire qu'il n'affirme pas que le
demandeur remplit toutes les conditions posées par le présupposé de la règle de droit substantiel. Et
le juge des référés doit également s'abstenir de proclamer de façon générale que le demandeur a un
droit à bénéficier de l'effet juridique de la règle. Dans cet esprit, ce magistrat n'a pas à dire qu'une
clause pénale est manifestement excessive et qu'ainsi elle doit être réduite. En revanche, rien ne lui
interdit de juger que la créance du titulaire de la clause pénale n'est à l'abri de la contestation
sérieuse que jusqu'à un certain montant et de fixer à ce montant la provision dont il ordonne le
paiement 1244. Cette distinction peut sans doute paraître un peu hypocrite, mais elle est nécessaire
pour tenir compte des particularités de l'ordonnance de référé. L'ordonnance de référé produit un
effet substantiel en ce qu'elle ordonne une mesure anticipant sur la décision du juge du principal, mais
elle n'est pas dotée de l'autorité de la chose jugée, en raison de son caractère provisoire 1245.

2. Le caractère provisoire des mesures

411 Le vrai référé. – Quelle que soit la mesure que prenne le juge des référés, sa décision est
toujours provisoire. Ce caractère va, pour ainsi dire, de soi pour les mesures d'attente, puisque, par
définition, elles n'ont été ordonnées que pour régir le temps qui s'écoulera jusqu'à la décision du juge
du principal. En revanche, lorsque le juge des référés prend une mesure tirée de l'effet juridique de la
règle substantielle éventuellement applicable, il ordonne ce qui, pratiquement, sera un morceau de la
décision au principal. Les exemples qui ont été cités sont révélateurs à cet égard : la provision
viendra s'intégrer dans les dommages-intérêts ou même pourra leur être strictement équivalente,
l'expulsion d'un occupant sans droit est ce que souhaite concrètement le propriétaire du local
indûment occupé, la réintégration constitue, en cas de licenciement irrégulier, la prétention essentielle
du salarié qui peut en bénéficier.
Dans ce cas, le caractère provisoire de la mesure est purement juridique, il résulte du seul fait
qu'elle a été ordonnée par un juge des référés. Sa décision ne lie pas le juge du principal parce qu'aux
termes de l'article 488 du Code de procédure civile, « l'ordonnance de référé n'a pas, au principal,
l'autorité de la chose jugée ». Ce texte signifie qu'en droit, le juge du principal n'est pas lié du tout
par les appréciations qu'a pu porter le juge des référés. Par exemple, l'octroi d'une provision par le
juge des référés implique que, pour lui, le droit de créance du demandeur ne fait pas de doute 1246.
Néanmoins, non seulement le juge du principal demeure libre de décider le contraire, mais encore il
n'a pas le droit de fonder sa décision sur la seule existence de l'ordonnance de référé 1247. Dans les
faits, il est extrêmement rare qu'un juge du principal revienne sur ce qui a été décidé dans une
ordonnance de référé 1248, ce qui s'explique certainement par la prudence dont fait preuve le juge des
référés. On peut cependant se demander si le pouvoir du juge des référés d'ordonner des mesures ne
devrait pas trouver sa limite dans leur caractère irréversible, y compris lorsqu'il s'agit de mettre fin à
un trouble considéré par le juge comme manifestement illicite 1249.

412 Le référé procédural (ou en la forme) ou faux référé. – Le caractère provisoire ne


s'attache qu'aux véritables ordonnances de référé. En effet, à côté des décisions qui répondent à la
définition de l'article 484 du Code de procédure civile, il existe un faux référé, que l'on a parfois
appelé référé au fond 1250. L'existence de ce faux référé repose sur l'extrême simplicité et la rapidité
de la procédure de référé destinée à permettre au juge de statuer « immédiatement ». Le législateur
décide parfois d'emprunter cette procédure, en la sortant de son domaine normal, pour l'appliquer à
d'autres litiges. La procédure de référé se trouve alors dissociée du contentieux du référé. Un des
exemples les plus nets 1251 est fourni par l'article R. 471-1 du Code de l'urbanisme, à propos de
l'établissement de la servitude dite de cours communes, dont le contentieux est confié au président du
tribunal de grande instance statuant « comme en matière de référé ». On peut parler de faux référé, de
référé procédural ou de référé en la forme, parce que seule la procédure est celle du référé 1252. Mais
pour le reste, la décision obéit essentiellement aux règles du contentieux du principal, selon sa
véritable nature. C'est ainsi que la demande n'est pas subordonnée à l'urgence ou à l'absence de
contestation sérieuse, ou encore que la décision est dotée de l'autorité de la chose jugée au
principal 1253. Cependant, pour ce qui est de l'exécution provisoire, les décisions rendues en la forme
des référés bénéficient en principe d'un régime hybride. En effet, depuis une réforme intervenue en
2011, elles sont (sauf exceptions) exécutoires à titre provisoire, « à moins que le juge en décide
autrement » 1254.
Pour marquer son intention de créer un référé procédural, le législateur emploie le plus souvent
une expression qui ne laisse aucun doute sur la nature de la décision qui sera rendue. Les textes
indiquent que le juge sera saisi « comme en matière de référé », « en la forme des référés », ou
« suivant la forme prévue (ou dans les formes prévues) pour les référés » 1255. Cependant, il peut
arriver que l'on institue un référé procédural sans le marquer par un signe distinctif 1256. Pour savoir
en face de quelle sorte de référé on se trouve, il convient de rechercher si la décision que rendra le
juge répond à la définition que donne de la véritable ordonnance de référé l'article 484 du Code de
procédure civile. Le moyen le plus simple consiste à se demander si cette décision est susceptible
d'être suivie d'une autre décision qui pourra tenir la première pour lettre morte, en dehors bien sûr de
l'exercice d'une voie de recours 1257.
Par ailleurs, l'article 496 du Code de procédure civile prévoit, en matière d'ordonnance sur
requête, que tout intéressé peut en « référer » au juge qui l'a rendue. La procédure de référé sert alors
de support à la voie de recours spécifique à cette sorte de décision. Il s'agit donc, encore une fois,
d'un faux référé, dont la recevabilité n'est subordonnée ni à l'urgence 1258, ni à l'absence de
contestation sérieuse 1259. Cependant, la décision ainsi rendue ne doit pas forcément être considérée
comme l'étant au principal. Tout dépend de la nature de la procédure sur requête engagée initialement.
S'il s'agit d'une procédure provisoire, l'ordonnance rendue « en la forme des référés » sera elle aussi
rendue au provisoire. Mais si, comme cela arrive fréquemment, il s'agit d'une procédure sur requête
tendant à l'obtention d'une décision au fond 1260, la décision rendue sur recours dans le cadre de
l'article 496, alinéa 2, sera rendue au principal et bénéficiera de l'autorité de la chose jugée au
principal 1261.

§ 2. LA DIVERSITÉ DES RÉFÉRÉS

413 Exposé de la problématique. – Faut-il parler de référé ou de référés ? Pour la pratique, il


est certain qu'il existe plusieurs référés. Au Palais, on parle du référé-provision ou du référé sur
difficulté d'exécution. Indépendamment des textes extérieurs au Code de procédure civile qui
instituent des référés spéciaux 1262, la reconnaissance de référés distincts trouve un appui dans le
Code de procédure civile. Celui-ci énumère divers cas dans lesquels il est possible de s'adresser au
juge des référés : pour ce qui est du président du tribunal de grande instance, les articles 145, 808
et 809. Sans aucun doute, de tous ces textes, le plus général est l'article 808 aux termes duquel le juge
« peut ordonner en référé toutes les mesures (...) ». À l'opposé, les autres référés sont plus limités
puisqu'ils ne visent qu'un type déterminé de mesures, par exemple, une mesure d'instruction. La
question est de savoir comment ces divers référés s'ordonnent entre eux. Deux interprétations peuvent
être proposées, qui conduisent à des résultats totalement différents.
La première interprétation confère une importance primordiale à l'article 808 du Code de
procédure civile, les autres référés s'ordonnant autour de lui et n'étant que des illustrations du référé
général, que le législateur a cru bon d'énoncer pour telle ou telle situation particulière. Dans la
seconde interprétation, chacun des référés est tenu pour indépendant des autres 1263. Les autres référés
ne se trouvent donc pas placés sous la dépendance de celui de l'article 808. Ce dernier ne constitue
qu'un référé parmi les autres, qui présente seulement cette particularité d'être plus général que les
autres. Selon l'interprétation qui est retenue, le recours aux divers référés n'obéit pas aux mêmes
règles. Ainsi, dans la première conception, pour qu'un plaideur puisse s'adresser au juge des référés,
il faut que soient remplies les conditions posées par la loi pour le référé général, le choix entre les
divers référés spéciaux n'apparaissant que dans un second temps.
Si l'on compare le référé à un bâtiment, dans la première conception, l'article 808 du Code de
procédure civile en constitue l'unique porte d'entrée, si bien que, pour pénétrer dans ce bâtiment, le
plaideur doit remplir les conditions posées par ce texte. Les autres référés apparaissent comme des
portes de distribution interne, auxquelles le plaideur n'accède qu'à partir du hall d'entrée. Au
contraire, dans la seconde conception, le bâtiment comprend autant de portes d'entrée indépendantes
qu'il existe de référés différents.

414 Enjeux de la problématique. – La rédaction des textes du Code de procédure civile


confère à cette discussion un intérêt pratique considérable. En effet, l'article 808 subordonne, en
principe, le recours au juge des référés à la réunion de deux conditions, l'urgence et l'absence de
contestation sérieuse. En revanche, l'article 809, alinéa 2, permet au juge des référés d'accorder une
provision chaque fois que « l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable », sans faire
mention de l'urgence. Si l'on retient la première interprétation, peu importe cette différence de
rédaction. L'urgence constitue néanmoins une condition pour obtenir une provision. Dans la seconde
interprétation, l'urgence n'est plus exigée. La faveur dont jouit actuellement le référé explique que la
Cour de cassation ait retenu la seconde conception, celle de l'autonomie de chacun des référés.
En droit positif, le référé de l'article 808 du Code de procédure civile se trouve donc placé sur un
pied d'égalité avec les référés spéciaux. C'est pourquoi on étudiera successivement les divers textes
du Code de procédure civile instituant des référés.

A. L'ARTICLE 808

415 La difficulté d'interprétation de l'article 808. – À s'en tenir au début du texte,


l'article 808 confère un régime très simple à ce référé général. La recevabilité de la demande est
soumise aux deux conditions d'urgence et d'absence de contestation sérieuse qui doivent être
cumulativement réunies. Ce référé est donc assez peu largement ouvert. En contrepartie de cette
relative sévérité, le demandeur peut solliciter du juge toutes les mesures possibles.
Mais la rédaction de la fin de l'article 808 suscite une difficulté qui, elle aussi, est sérieuse : ce
texte permet au juge des référés d'ordonner « toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune
contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend ». Prises à la lettre, les deux
expressions se contredisent ou, plus exactement, la seconde annule la première, en raison du « ou »
qui les relie. De deux choses l'une, en effet : ou bien la demande ne se heurte à aucune contestation
sérieuse et le juge peut ordonner toutes les mesures, ou bien la demande se heurte à une telle
contestation, dans le cadre d'un différend qui oppose les parties (ce qui est presque toujours le cas),
et de nouveau le juge peut prendre toutes les mesures. Ainsi l'existence d'une contestation sérieuse
serait-elle sans influence sur les mesures que le juge peut ordonner.

416 Le sens de l'article 808. – Ce n'est pas ainsi que doit être compris le texte. L'article 808
vise deux types de mesures différents, selon la distinction qui a déjà été indiquée 1264.
D'abord, le demandeur peut solliciter une mesure qui anticipe sur la décision que prendra le juge
du principal, c'est-à-dire une mesure qui correspond à l'effet juridique ou à une partie de l'effet
juridique de la règle substantielle applicable. L'urgence permet au juge des référés de prendre une
décision certes juridiquement provisoire, mais qui, en fait, est proche de ce que décidera le juge du
principal. Il peut ordonner ainsi la réintégration d'un salarié ou l'expulsion d'un occupant sans droit ni
titre. Pour que le juge puisse prendre une telle mesure, il faut qu'il n'y ait pas de contestation sérieuse,
autrement dit que la solution soit évidente pour un juriste expérimenté.
En présence d'une contestation sérieuse, la mesure sollicitée est différente. Le juge des référés ne
peut plus anticiper sur le jugement au principal. Il peut seulement ordonner les mesures rendues
nécessaires par l'existence du litige, qui permettent d'attendre le jugement au principal. C'est à ce type
de mesures que se réfère l'article 808 en visant les mesures « que justifie l'existence d'un différend ».
Par exemple, en cas de mésentente entre des héritiers, l'existence d'une contestation sérieuse interdit
au juge des référés d'ordonner à titre provisoire la remise d'un bien successoral à l'un d'entre eux.
Mais il peut nommer un administrateur provisoire ou un séquestre pour éviter que les biens
héréditaires ne perdent de leur valeur ou même ne disparaissent avant le jugement sur le principal. En
effet, il ne s'agit plus d'anticiper sur ce que décidera le juge du principal, mais de stabiliser la
situation jusqu'à ce qu'il se soit prononcé sur le différend qui oppose les héritiers. Ce que des auteurs
ont qualifié de « référé-différend » 1265 est donc une forme un peu particulière de référé qui permet de
prendre des mesures 1266 de stabilisation d’une situation conflictuelle.
L'article 808 du Code de procédure civile pose donc en principe que l'absence de contestation
sérieuse conditionne la possibilité pour le juge des référés d'anticiper sur le jugement au principal.
On verra par la suite 1267 qu'on doit considérer qu'il s'agit là d'un principe d'application générale en
matière de référé.

417 La place du référé de l'article 808. – Compte tenu des règles qui viennent d'être
indiquées, il faut se demander quand une partie a intérêt à se prévaloir de l'article 808 du Code de
procédure civile. La question peut surprendre, quand on sait que, sur le fondement de ce texte, le juge
des référés peut ordonner toutes les mesures possibles. Ne devrait-on pas considérer qu'il est
toujours le plus intéressant ? Ce serait oublier que le recours à l'article 808, pour les mesures
d'anticipation, est subordonné à la réunion des deux conditions d'urgence et d'absence de contestation
sérieuse. Il n'en va généralement pas ainsi pour les référés spéciaux. L'exemple le plus net est celui
du référé-provision, prévu par l'article 809, alinéa 2, du Code de procédure civile, qui ne contient
aucune référence à l'urgence. Par conséquent, chaque fois qu'un demandeur sollicite du juge des
référés une provision, son intérêt est évidemment de ne pas invoquer l'article 808, mais l'article 809
qui le dispense d'établir l'existence de cette condition. Le référé général de l'article 808 se trouve
ainsi réduit à un rôle subsidiaire : les plaideurs n'y ont recours qu'à défaut de référé spécial
comportant la mesure souhaitée.
En réalité, son rôle est devenu non seulement subsidiaire, mais encore résiduel. La raison en est
que l'éventail des mesures qui peuvent être sollicitées au moyen d'un référé spécial est aujourd'hui
tellement large que le domaine d'application spécifique de l'article 808 se réduit à presque rien.

B. L'ARTICLE 809, ALINÉA 2

418 Annonce. – L'article 809, alinéa 2, du Code de procédure civile revêt la plus grande
importance pratique. Dès avant le décret n 85-1330 du 17 décembre 1985, il permettait d'obtenir en
o

référé une provision (1). Aujourd'hui, il permet aussi d'obtenir l'exécution d'obligations en nature (2).

1. La provision

419 Portée du texte. – L'article 809, alinéa 2, subordonne l'octroi d'une provision par le juge
des référés à la condition que l'existence de l'obligation ne soit pas sérieusement contestable 1268. En
revanche, comme il a déjà été dit, ce texte ne contient aucune référence à l'urgence. La Cour de
cassation a donc décidé que l'urgence ne constituait pas une condition de recevabilité de la
demande 1269.
Le référé-provision peut être utilisé pour toutes sortes de créances et permet même le versement
d'une provision ad litem, c'est-à-dire d'une somme d'argent destinée à faire face aux frais du
procès 1270. Et, si son domaine de prédilection est celui de la responsabilité délictuelle, où il permet
aux victimes d'accidents d'obtenir très rapidement une première indemnisation, le référé-provision
est appelé à jouer un rôle important en matière contractuelle, pour obtenir le paiement d'un prix, d'un
salaire ou de toute autre somme d'argent.
Ce recours au juge des référés en matière contractuelle s'explique en large part par la notion de
provision qu'a retenue la Cour de cassation. Dans le langage ordinaire, la provision constitue un
acompte à valoir sur la somme totale : c'est une partie seulement de cette somme. Telle n'est pas
l'interprétation qu'en donne la jurisprudence. Selon la Cour de cassation 1271, la provision n'a « d'autre
limite que le montant non sérieusement contestable de la dette alléguée ». Si dans son montant total, la
créance se trouve à l'abri de la contestation sérieuse, le juge peut accorder la totalité de la créance à
titre de provision, ce que la pratique appelle la provision à 100 %. On comprend que, dans ces
conditions, le créancier puisse ne pas saisir ensuite le juge du principal et qu'ainsi le référé devienne
un moyen commode d'évacuer une partie du contentieux 1272.

2. L'exécution de l'obligation

420 Portée du texte. – Le juge des référés peut ordonner « l'exécution de l'obligation, même
s'il s'agit d'une obligation de faire ». Cette règle importante, qui date d'un décret du 17 décembre
1985, trouve son origine, semble-t-il, dans les travaux d'une commission chargée d'étudier les litiges
liés à la consommation. L'une des solutions proposées consistait à permettre au consommateur d'avoir
facilement recours au juge des référés. Mais le texte de l'article 809 ne pose aucune limite tenant à ce
type de contentieux : il est donc d'application générale. Pour autant toute difficulté d'interprétation ne
disparaît pas. Le texte vise incontestablement les obligations de faire comme celles de remettre une
chose, de la livrer, de la réparer ou de la transporter. Les pouvoirs du juge des référés ne rencontrent
qu'une limite, en dehors, bien sûr, de l'absence de contestation sérieuse. Cette limite résulte des
règles du droit civil. L'article 809, alinéa 2, du Code de procédure civile ne constitue qu'un texte de
droit judiciaire privé qui ne saurait faire obstacle à l'application de l'article 1142 du Code civil aux
termes duquel « toute obligation de faire (...) se résout en dommages-intérêts en cas d'inexécution de
la part du débiteur ». Le juge des référés ne pouvant jamais disposer de plus de pouvoirs que le juge
du principal, il ne peut ordonner l'exécution en nature de l'obligation que dans les cas où la
jurisprudence civile a accepté de déroger au principe posé par l'article 1142. Il faut même décider
que le juge des référés ne peut ordonner cette exécution en nature que lorsqu'il n'est pas sérieusement
contestable que le juge du principal peut le faire.
L'article 809, alinéa 2, permet-il aussi au juge des référés d'ordonner l'exécution des obligations
de ne pas faire ? Les mots employés (« même s'il s'agit d'une obligation de faire ») incitent à
l'admettre, au moins pour les obligations de ne pas faire qui résultent ponctuellement d'un contrat, par
exemple pour l'obligation de non-concurrence. En revanche, il est très douteux que l'article 809,
alinéa 2, s'applique à cette obligation particulière de ne pas faire que tout titulaire d'un droit réel peut
opposer aux autres sujets de droit et qui constitue son droit même. Le respect du droit de propriété
relève davantage des mesures de remise en état prévues par l'article 809, alinéa 1 , pour faire cesser
er

un trouble manifestement illicite, ou encore de celles qu'autorise le référé général de l'article 808.
Quoi qu'il en soit sur ce dernier point, le décret du 17 décembre 1985 a contribué pour une large part
à donner au référé général de l'article 808 son caractère résiduel 1273.

421 L'article 809 et l'expulsion du locataire. – L'article 809, alinéa 2, peut encore servir à
donner une assise légale à une solution traditionnelle en matière de baux. Pour accroître l'efficacité
de la clause résolutoire insérée dans le contrat, il y est fréquemment stipulé que le jeu de la clause
pourra être constaté par simple ordonnance du juge des référés, ce qui permettra l'expulsion du
locataire. Le recours au juge des référés s'explique par le seul souci de disposer de la procédure
rapide du référé. Pour autant, ce référé conventionnel ne constitue pas un référé procédural : la Cour
de cassation décide de façon constante que la décision du juge n'est que provisoire 1274 et ne lie pas le
juge du principal. Par ailleurs, sa recevabilité est subordonnée à l'absence de contestation
sérieuse 1275. À dire vrai, l'indication, dans la clause contractuelle, que le juge des référés pourrait
être saisi ne nous paraît nullement nécessaire, dès lors que les conditions de l'article 809, alinéa 2,
sont remplies 1276.

C. L'ARTICLE 145

422 Finalités. – L'article 145 du Code de procédure civile 1277, applicable devant toutes les
juridictions, fait ressortir l'originalité de ce référé, en disposant que « s'il existe un motif légitime de
conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un
litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout
intéressé, sur requête ou en référé ». On remarquera d'abord que, selon les cas, le demandeur peut
solliciter la mesure d'instruction du juge des référés ou du juge des requêtes 1278. Surtout, la demande
est formée « avant tout procès » et avant même qu'il soit certain qu'un litige naîtra 1279. À la différence
des autres référés, qui supposent que le litige soit déjà né (ils en constituent la première
manifestation), celui de l'article 145 contient une action préventive. La demande a pour objet de
prévenir le dépérissement ou l'affaiblissement des preuves qui pourraient résulter de l'écoulement du
temps. La mesure d'instruction peut aussi fournir au demandeur des informations plus complètes sur la
situation et, par voie de conséquence, lui permettre de mieux apprécier l'opportunité d'entamer ou de
ne pas entamer une procédure devant le juge du principal. Accessoirement, elle lui donne un temps
supplémentaire de réflexion, puisque la prescription est suspendue jusqu'à l'exécution de la mesure,
lorsque le juge accueille la demande 1280. L'intérêt pratique de ce référé explique le succès qu'il
rencontre dans la pratique judiciaire.

423 Conditions. – La rédaction de l'article 145 montre que le recours à ce référé n'est
subordonné ni à l'urgence, ni à l'absence de contestation sérieuse 1281. Les conditions posées par ce
texte sont tout autres.
La première est l'existence d'un intérêt légitime 1282, qu'apprécient souverainement les juges du
fond 1283. L'intérêt légitime résulte normalement de l'une des deux finalités qui viennent d'être
indiquées : le demandeur veut éviter le dépérissement des preuves ou être à même de mieux
apprécier les chances de succès d'un procès qu'il envisage d'entamer. Inversement, l'article 145 du
Code de procédure civile n'a pas pour objet de permettre d'entrer en possession des secrets de
fabrication d'un concurrent 1284, ni d'autoriser des mesures d'investigation générale sur l'ensemble de
l'activité d'un adversaire potentiel 1285. Ce texte ne doit pas non plus permettre à un créancier de
déterminer la consistance du patrimoine d'un débiteur, dans la perspective du recouvrement de la
créance qu'il a contre lui 1286. Enfin, il faut bien s'entendre sur la seconde finalité que nous avons
mentionnée : dire qu'une partie peut recourir à l'article 145 afin de mieux apprécier les chances de
succès d'un procès qu'elle envisage d'entamer, signifie que si le procès ne doit pas être déjà engagé,
il doit tout de même exister un « litige potentiel 1287 », c'est-à-dire une situation suffisamment tendue
pour que l'on puisse sérieusement craindre ou envisager la naissance d'un procès. Dans une situation
normale où aucun désaccord ne préfigure un possible contentieux, il n'y a pas lieu d'autoriser des
mesures d'instruction in futurum 1288.
La seconde condition de l'article 145 du Code de procédure civile est relative à l'absence de
procès en cours. Ce texte a vocation à s'appliquer « avant tout procès ». La jurisprudence a précisé
que cette formule devait être entendue comme visant les procès au fond, c'est-à-dire que la voie de
l'article 145 est fermée dès lors que le juge du principal est saisi du fond de l'affaire 1289. Cette
précision est logique, car si un tribunal est saisi d'une demande au principal, il lui appartient
d'ordonner d'éventuelles mesures d'instruction s'y rapportant 1290. Mais, à l'inverse, la Cour de
cassation a jugé qu'une procédure de référé ne faisait pas obstacle à l'application de l'article 145 1291.
Pareillement, une mesure d'instruction in futurum peut être ordonnée par le juge des référés, même si
les parties sont liées par une clause compromissoire 1292 ou une clause de conciliation préalable 1293.
En effet, en l'absence de litige déclaré, il n'y a lieu ni à saisine de la juridiction arbitrale, ni à
conciliation.
Quant à la référence aux mesures d'instruction « légalement admissibles », elle souligne que tous
types de mesures sont envisageables 1294, tout en rappelant que l'article 145 du Code de procédure
civile ne constitue qu'un texte de droit judiciaire privé qui demeure subordonné aux règles du droit
civil. Par exemple, le juge des référés ne peut ordonner une mesure d'instruction pour établir
l'existence d'un contrat en violation des dispositions de l'article 1341 du Code civil. La référence aux
mesures légalement admissibles permet aussi d'écarter l'application de l'article 145, lorsque la
mesure sollicitée méconnaît l'existence d'une procédure spécifique et exclusive. Par exemple, on ne
peut pas recourir à une procédure de vérification d'écriture, quand l'écrit en cause est un acte
authentique, car la procédure à emprunter est alors celle de l'inscription de faux. Il n'est donc pas non
plus possible d'obtenir l'expertise graphologique d'un tel acte, sur le fondement de l'article 145 du
Code de procédure civile 1295. Ce serait faire échec au caractère exclusif et d'ordre public de la
procédure d'inscription de faux.
On précisera, pour finir, que la Cour de cassation refuse à la partie qui a obtenu une mesure
d'instruction in futurum la possibilité de solliciter une nouvelle mesure au motif que la première
aurait été menée de manière irrégulière ou insatisfaisante 1296. Selon la haute Juridiction, c'est au juge
du fond qu'il appartient d'apprécier la valeur des mesures d'instruction accomplies 1297. On comprend
bien qu'il faille éviter d'inciter les plaideurs à multiplier les demandes fondées sur l'article 145 du
Code de procédure civile, alors même qu'il n'existe encore aucun litige déclaré. Mais, sur le terrain
des principes, cette jurisprudence nous semble regrettable : elle revient à dire aux justiciables que
s'ils ont le droit de demander le bénéfice de mesures d'instruction destinées à conserver ou obtenir
des éléments de preuve en vue d'un éventuel procès, ils n'ont droit « qu'à un essai ». Et tant pis pour
eux si la justice a mal fait son travail et si les preuves dont on craint la disparition n'ont pas été
sauvegardées. On peut ne pas approuver cette solution.

D. L'ARTICLE 809, ALINÉA 1 ER

424 La logique interne du texte. – L'article 809, alinéa 1 , du Code de procédure civile
er

permet au juge des référés de prescrire « les mesures conservatoires ou de remise en état qui
s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement
illicite ». De tous les référés, c'est assurément celui qui, en raison de sa rédaction, suscite le plus de
difficultés 1298. Le texte envisage deux sortes de mesures : des mesures conservatoires, d'une part, et
des mesures de remise en état, d'autre part. Il envisage aussi deux sortes de situations de nature à
déclencher la mise en œuvre de ces mesures : un péril imminent à prévenir, d'une part, et un trouble
manifestement illicite à faire cesser, d'autre part. Comment doit-on ordonner ces mesures et ces
situations ? Le juge peut-il prescrire toutes les mesures dans tous les cas ou bien, à l'inverse,
convient-il d'associer un type de mesures à chacune des deux situations ? À la réflexion, une mesure
conservatoire ne paraît pas apte à faire cesser un trouble manifestement illicite et une mesure de
remise en état ne saurait prévenir un dommage imminent. En revanche, il apparaît rationnel de
considérer que ce sont les mesures conservatoires qui permettent de prévenir un dommage imminent,
alors qu'un trouble manifestement illicite appelle des mesures de remise en état. Les juges ne
raisonnent pas toujours ainsi et voient parfois une mesure conservatoire dans une mesure de remise
en état, ou le contraire 1299.

425 Mesures conservatoires et dommage imminent. – Une telle analyse ne reste pas sans
conséquence pratique. Les mesures conservatoires appartiennent par définition aux mesures d'attente
qui n'anticipent pas (ou, en tout cas, qui n'ont pas pour objet d'anticiper) 1300 sur la décision que
rendra le juge du principal. L'existence d'un péril imminent justifie qu'elles puissent être ordonnées
en dépit d'une contestation sérieuse sur le fond du droit, ainsi que l'a toujours admis la Cour de
cassation 1301. Sous une autre formulation, les mesures conservatoires destinées à prévenir un
dommage imminent rejoignent ainsi les mesures que justifie l'existence d'un différend, énoncées par
l'article 808 du Code de procédure civile. La condition d'urgence, quant à elle, résulte suffisamment
de l'imminence du péril.

426 Mesures de remises en état et trouble manifestement illicite. – Qu'en est-il des mesures
de remise en état qui s'imposent pour faire cesser un trouble manifestement illicite 1302 ? Après
quelques hésitations 1303, la Cour de cassation a décidé 1304 que la demande pouvait être présentée au
juge indépendamment de toute condition d'urgence, comme peut l'être d'ailleurs une demande de
provision.
Reste l'autre condition tenant à l'absence de contestation sérieuse. Avant le décret n 87-434 du
o

17 juin 1987, la jurisprudence n'était pas très clairement établie. Quelques décisions de la Cour de
cassation exigeaient que cette condition soit remplie 1305, mais la plupart d'entre elles statuaient en
sens inverse 1306, sans, il est vrai, viser spécialement les mesures de remise en état : les arrêts
parlaient indistinctement des mesures conservatoires et de remise en état, qui sont pourtant de nature
différente. Le nouveau texte pose, lui aussi sans distinction, que le juge peut prendre toutes les
mesures prévues par l'article 809, alinéa 1 , « même en présence d'une contestation sérieuse ».
er

Il est cependant permis de penser que tout n'est pas réglé pour autant. En effet, pris à la lettre, le
texte actuel de l'article 809, alinéa 1 , du Code de procédure civile est véritablement absurde, car il
er

ne peut pas exister de contestation sérieuse à propos d'un trouble qui serait manifestement illicite. Le
caractère manifestement illicite du trouble est inconciliable avec l'existence d'une contestation
sérieuse 1307. L'examen de la jurisprudence montre d'ailleurs que lorsqu'il existe une contestation
sérieuse, les juges du fond décident généralement que le trouble n'est pas manifestement illicite et la
Cour de cassation les approuve habituellement de reprendre sous ce couvert ce que paraît avoir
accordé le décret du 17 juin 1987 1308.
Cette solution est la seule non seulement qui s'accorde avec la logique, mais encore qui respecte
les principes gouvernant la juridiction des référés. L'examen rapide et nécessairement sommaire des
affaires, qui caractérise la procédure de référé, doit raisonnablement interdire au juge, en cas de
contestation sérieuse, de prendre des mesures de même type que celles que prend le juge du
principal 1309, comme peut l'être, par exemple, la destruction d'un ouvrage.
En réalité, le texte du décret du 17 juin 1987 a été conçu pour répondre à la situation suivante.
Une voie de fait est commise et la victime du trouble demande au juge des référés une mesure de
remise en état. Pour s'y opposer, le défendeur prétend qu'il existe une contestation sérieuse sur le fond
du droit. Il est certain qu'une telle contestation ne saurait empêcher le juge des référés d'ordonner la
mesure sollicitée. Mais, à vrai dire, le décret du 17 juin 1987 était inutile pour le permettre. La
raison en est que la prétendue contestation sérieuse se situe sur un autre plan que celui qui fait l'objet
du litige en référé. L'auteur de la voie de fait a peut-être un droit à faire réellement valoir. Si c'est le
cas, il lui appartient de le faire devant le juge, que celui-ci soit le juge du principal ou même,
pourquoi pas, le juge des référés. Mais il est de principe constant qu'en France, nul ne peut se faire
justice soi-même et que les actes de « justice personnelle » constituent des voies de fait auxquelles il
convient de mettre fin, indépendamment de tout examen au fond et sans contestation possible 1310. Ce
n'est donc que par une erreur de perspective que l'on peut parler dans de telles hypothèses de
contestation sérieuse : il n'en existe pas sur le seul litige dont est saisi le juge, à savoir l'existence de
la voie de fait. De ce point de vue, un rapprochement s'impose entre l'article 809, alinéa 1 , et les
er

actions possessoires, en particulier l'action en réintégration. Les deux actions reposent sur le même
principe spoliatus ante omnia restituendus 1311, ce qui explique, d'ailleurs, que le référé supplante de
plus en plus l'action en réintégration, en raison de sa plus grande facilité d'utilisation 1312.

Sous-section 2
L'ordonnance sur requête

427 Plan. – L'ordonnance sur requête constitue l'autre catégorie de décisions provisoires
relevant de la juridiction présidentielle. Plus que l'ordonnance de référé encore, elle soulève des
difficultés, qui tiennent à la détermination de sa nature : notamment convient-il de la rattacher à la
juridiction contentieuse ou à la juridiction gracieuse ? Aussi est-il plus prudent d'examiner dans un
premier temps le droit positif de l'ordonnance sur requête (§ 1). C'est à partir de ces données que,
dans un second temps, pourra être abordée l'étude de sa nature juridique (§ 2).

§ 1. LE DROIT POSITIF DE L'ORDONNANCE SUR REQUÊTE

428 Généralités. – L'ordonnance sur requête est définie par l'article 493 du Code de procédure
civile. C'est, dit ce texte, « une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le
requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse ». Et l'article 495 ajoute qu'elle « est
exécutoire au seul vu de la minute ».
La définition que donnent ces textes permet d'en dégager les traits caractéristiques, qui conduisent
à la rapprocher de l'ordonnance de référé : le fait d'abord qu'il s'agisse d'une décision provisoire (les
deux définitions 1313 commencent par les mêmes mots) et ensuite l'efficacité immédiate dont elle est
dotée. En revanche, elles se distinguent tout aussi nettement sur un troisième trait. Alors que
l'ordonnance de référé est rendue l'autre partie « présente ou appelée », l'ordonnance sur requête,
elle, est « rendue non contradictoirement ».

429 Les textes. – Pour ce qui est des textes, on trouve d'abord quelques dispositions qui
figurent dans le livre premier du Code de procédure civile, dispositions communes à toutes les
juridictions : d'une part, l'article 145, qui a déjà été étudié avec le référé, mais qui intéresse aussi
l'ordonnance sur requête ; d'autre part, les articles 493 à 498 qui en donnent la définition et indiquent
la procédure applicable en la matière. Les autres dispositions figurent dans le livre deux. Ce sont les
articles 812 et 813, applicables devant le tribunal de grande instance, 851 et 852, applicables devant
le tribunal d'instance, 874 à 876, applicables devant le tribunal de commerce, 897 et 898,
applicables devant le tribunal paritaire des baux ruraux, et 958 et 959, applicables devant la cour
d'appel. À propos de ces textes doit être faite la même remarque qu'à propos des textes régissant le
référé, à savoir que la plupart d'entre eux sont substantiellement identiques. C'est ainsi que les
articles 851, 874 et 875, et 897 sont les correspondants devant les juridictions d'exception de
l'article 812, applicable devant le tribunal de grande instance.
Le droit positif de l'ordonnance sur requête 1314 fera l'objet de trois développements qui seront
consacrés à la compétence du juge (A), à la recevabilité de la requête (B) et à l'efficacité de la
décision (C).

A. LA COMPÉTENCE DU JUGE

430 Compétence d'attribution. – Les règles applicables sont pour l'essentiel les mêmes que
celles qui ont déjà été indiquées pour le référé. Sous réserve du tribunal d'instance, la compétence
appartient au président du tribunal. Entre les divers juges des requêtes, la compétence est calquée sur
celle des tribunaux pour les demandes au principal. Ainsi, lorsque le juge compétent au principal est,
par exemple, le tribunal de commerce, le juge des requêtes compétent sera le président de cette
juridiction.
Le président de la juridiction n'est, toutefois, pas le seul juge qui rende des ordonnances sur
requête. En effet, l'article 812, alinéa 3 du Code de procédure civile dispose que « les requêtes
afférentes à une instance en cours sont présentées au président de la chambre à laquelle l'affaire a été
distribuée ou au juge déjà saisi ». Ce texte intéresse les ordonnances rendues en cours d'instance. Son
domaine d'application est de peu d'importance 1315. On pourrait penser que l'application principale de
l'article 812, alinéa 3, du Code de procédure civile intéresserait le juge de la mise en état (ou, pour
le divorce, le juge aux affaires familiales) en tant que « juge déjà saisi ». Il n'en est rien. La Cour de
cassation a décidé que le juge de la mise en état était incompétent pour rendre une ordonnance sur
requête 1316. Elle fonde la solution sur l'article 774 du Code de procédure civile qui dispose que les
ordonnances du juge de la mise en état sont rendues « les avocats entendus ou appelés », ce qui exclut
toute décision rendue non contradictoirement. Il en va de même pour le juge aux affaires familiales à
qui l'article 1073 du même code ne confère que les pouvoirs d'un juge de la mise en état et d'un juge
des référés 1317.
Enfin, quel est l'effet de clauses d'arbitrage sur la compétence du juge des requêtes 1318 ? Lorsque
la juridiction arbitrale n'est pas encore constituée, on peut saisir le juge des requêtes pour obtenir une
mesure d'instruction ou une mesure provisoire ou conservatoire, s'il y a urgence et que les
circonstances exigent que la mesure ne soit pas prise contradictoirement. Le texte très général de
l'article 1449 du Code de procédure civile, issu d'une réforme intervenue en 2011 1319, semble
l'autoriser. En revanche, dès lors que le tribunal arbitral est constitué, c'est-à-dire à partir du moment
où les arbitres ont accepté leur mission 1320, la compétence des juridictions étatiques paraît exclue par
les textes actuels 1321. Ces textes posent cependant problème. En effet, la procédure sur requête
n'existe pas devant les juridictions arbitrales. Et quand bien même elle existerait, on ne voit pas qui,
en dehors d'une juridiction étatique, pourrait rendre une décision immédiatement exécutoire 1322, ce
que nécessite généralement la situation dans laquelle on a besoin d'une ordonnance sur requête.
Rappelons que les sentences arbitrales ne sont susceptibles d'exécution forcée qu'en vertu d'une
décision d'exequatur émanant d'une juridiction étatique 1323. En somme, à s'en tenir aux textes issus de
la réforme de 2011, une fois le tribunal arbitral constitué, personne ne pourrait donc accéder à une
demande présentée au moyen d'une requête : ni le juge étatique incompétent, ni le juge arbitral
dépourvu du pouvoir de statuer sur requête. Antérieurement à la réforme de 2011, la Cour de
cassation avait jugé à l'inverse qu'une clause compromissoire ne faisait pas obstacle au pouvoir du
président de la juridiction qui eût été compétente en l'absence de clause, d'ordonner sur requête des
mesures urgentes devant être prises non contradictoirement 1324. Il faut espérer que la jurisprudence, à
travers une lecture compréhensive des textes, maintiendra cette solution et comblera ainsi un vide
juridique qui confinerait au déni de justice.

431 Compétence territoriale. – La compétence territoriale, a fait l'objet, en 1992, d'une


importante décision de la Cour de cassation, qui énonce qu'en principe, le juge territorialement
compétent pour rendre une ordonnance sur requête est le président de la juridiction saisie au fond ou
celui du Tribunal du lieu où la mesure demandée doit être exécutée 1325. Et contrairement à ce qui est
jugé en matière de référé 1326, la Cour décide clairement, dans son arrêt de 1992, que le juge des
requêtes compétent ne peut être que celui du lieu d'exécution de la mesure, lorsque le juge du
principal n'est pas encore saisi au fond. Le demandeur n'a donc pas, dans ce cas, d'option de
compétence. Logiquement, c'est également le juge des requêtes du lieu d'exécution des mesures qui
doit être saisi d'une demande d'instruction in futurum, au titre de l'article 145 du Code de procédure
civile, puisque par hypothèse elle est formée avant tout procès. Et si ces mesures doivent être
exécutées dans le ressort de plusieurs tribunaux, la demande pourra être centralisée devant l'un d'eux,
si c'est celui qui serait compétent pour connaître d'une éventuelle instance au fond 1327.

432 Ordonnance sur requête et matière prud'homale. – On précisera, pour finir que le Code
du travail ne comporte aucune disposition relative à l'ordonnance sur requête. La composition
paritaire du conseil de prud'hommes n'est pas adaptée à ce type particulier de décisions 1328. Les
requêtes qui pourraient être formées en matière prud'homale doivent donc être soumises au président
du tribunal de grande instance, juridiction de droit commun 1329.

B. LA RECEVABILITÉ DE LA REQUÊTE

433 L'article 812, alinéa 1 , du Code de procédure civile. – Les textes du Code de procédure
er

civile distinguent trois cas dans lesquels un plaideur peut avoir recours au juge des requêtes.
L'article 812, alinéa 1 , dispose que « le président du tribunal est saisi par requête dans les cas
er

spécifiés par la loi ». Ce texte ne fait que rappeler tous les textes épars qui prévoient le recours à ce
type de décision. Les conditions de recevabilité de chaque requête sont fixées par le texte particulier
lui-même. Par exemple, aux termes de l'article 788 du Code de procédure civile, pour qu'un plaideur
soit autorisé par le président à assigner son adversaire à jour fixe devant le tribunal de grande
instance, il faut qu'il établisse le caractère urgent de sa demande.
Il ne saurait être question ici de répertorier tous les cas prévus par la loi. Il convient seulement
d'indiquer qu'ils sont très nombreux et importants 1330. C'est ainsi que l'article R. 511-1 du Code des
procédures civiles d’exécution prévoit que l'autorisation de procéder à une mesure conservatoire
(comme l'hypothèque conservatoire) est demandée au juge (de l'exécution) par requête. Il faut alors
que le demandeur se prévale d'une créance qui paraît fondée en son principe et que les circonstances
soient susceptibles d'en menacer le recouvrement 1331. Bien que le juge compétent soit le juge de
l'exécution, il s'agit là d'une hypothèse particulière, parmi d'autres, d'ordonnance sur requête 1332.
434 L'article 812, alinéa 2, du Code de procédure civile. – L'article 812, alinéa 2 du Code de
procédure civile dispose que le président « peut également ordonner sur requête toutes les mesures
urgentes lorsque les circonstances exigent qu'elles ne soient pas prises contradictoirement ». Ce texte
constitue pour l'ordonnance sur requête l'équivalent de l'article 808 relatif à l'ordonnance de référé.
Le requérant peut demander « toutes » les mesures lorsque deux conditions sont remplies. En premier
lieu, il faut qu'il y ait urgence, celle-ci devant s'entendre comme en matière de référé. Il faut surtout
que les circonstances exigent que la mesure ne soit pas prise contradictoirement. Cette seconde
condition s'explique par le caractère profondément dérogatoire de l'ordonnance sur requête par
rapport aux principes directeurs du procès : n'entraîne-t-elle pas la mise à l'écart du principe de la
contradiction ? C'est dire que le demandeur ne peut pas avoir recours à l'ordonnance sur requête
parce qu'il estime plus facile ou plus expédient de ne pas appeler son adversaire. La voie
procédurale normale est celle qui respecte le principe de la contradiction pour les mesures
provisoires, c'est le référé. En d'autres termes, la voie de l'ordonnance sur requête ne doit être
envisagée que si les circonstances ne permettent pas d'avoir utilement recours au référé.
Quelles sont ces circonstances ? Il faut penser en premier lieu à toutes les situations dans
lesquelles l'efficacité de la mesure dépend de l'existence d'un effet de surprise, que rend impossible
un débat contradictoire précédant la décision. L'exemple classique en la matière est celui du constat
d'adultère, qui suppose que l'époux coupable ne soit pas prévenu de la mesure dirigée contre lui 1333.
Cependant le recours à l'ordonnance sur requête n'est pas limité à cette sorte de situation. L'effet
de surprise n'épuise pas l'ensemble des circonstances qui exigent que la mesure ne soit pas prise
contradictoirement. C'est ainsi que la chambre sociale de la Cour de cassation a décidé qu'une
ordonnance de référé, rendue contre des délégués syndicaux, ordonnant l'expulsion d'une usine
occupée, pouvait valoir comme ordonnance sur requête à l'égard des autres occupants que
l'employeur ne pouvait identifier individuellement 1334. La solution doit être approuvée. Ce qui
compte, c'est qu'il ne soit pas possible d'appeler ceux contre lesquels la mesure est sollicitée. La
raison peut être l'effet de surprise, mais elle peut être tout autre. Dans ce genre de situation,
apparaissent en effet deux impératifs contradictoires. Le premier a déjà été cité : c'est le respect du
principe de la contradiction, qui s'oppose normalement à ce qu'une mesure soit prise contre une
personne à son insu. Mais il existe aussi un second impératif, qui commande que, quelles que soient
les circonstances, les sujets de droit puissent obtenir justice et donc que le juge puisse ordonner les
mesures que prévoit la loi 1335. En cas de conflit entre ces deux impératifs, le second doit l'emporter
sur le premier.
C'est la primauté de ce second principe que consacre l'article 812, alinéa 2, du Code de
procédure civile : de façon générale, chaque fois que la situation est telle qu'il est impossible
d'appeler l'adversaire en justice, la mesure peut être sollicitée sur requête. En dehors de l'effet de
surprise ou de l'impossibilité d'identifier tous les adversaires, on peut encore imaginer, de façon non
limitative, que le recours à l'ordonnance sur requête soit justifié par l'urgence absolue 1336 ou par
l'éloignement de l'adversaire 1337.

435 L'article 145 du Code de procédure civile. – Pour l'essentiel, les règles applicables sont
les mêmes que celles qui ont déjà été indiquées à propos de l'ordonnance de référé rendue sur le
fondement de ce texte 1338. C'est ainsi que l'urgence n'est pas exigée 1339, seule étant nécessaire
l'existence d'un motif légitime. La seule difficulté tient à la rédaction de l'article 145 du Code de
procédure civile qui ne précise pas dans quels cas la mesure d'instruction peut être sollicitée sur
requête. En dépit du silence du texte, il faut poser qu'en principe elle doit être demandée en référé et
que ce n'est que si les circonstances exigent que la mesure ne soit pas rendue contradictoirement,
qu'elle peut être sollicitée sur requête 1340. L'ordonnance sur requête est par définition une voie
dérogatoire.

C. L'EFFICACITÉ DE LA DÉCISION

436 Décision et recours. – Parce qu'elle est rendue le plus souvent dans des circonstances qui
appellent une solution immédiate, l'ordonnance sur requête bénéficie d'une efficacité exceptionnelle,
supérieure encore à celle de l'ordonnance de référé. L'article 495 du Code de procédure civile
dispose en effet qu'elle est exécutoire de plein droit « au seul vu de la minute » 1341.
Son efficacité peut même apparaître excessive à celui à l'encontre et à l'insu duquel elle a été
prise. Son adversaire peut faire exécuter une décision rendue sans qu'il ait pu faire valoir le moindre
argument pour sa défense. C'est pourquoi, dès les dispositions consacrées aux principes directeurs du
procès, les rédacteurs du Code de procédure civile ont tenu à affirmer son droit à un « recours
spécifique » 1342. Ce recours s'analyse en une demande en rétractation que régit l'article 496 dudit
Code. Dans le décret du 9 septembre 1971, il était qualifié d'opposition 1343. Cette appellation
pouvait donner à penser qu'il s'agissait de la même voie de recours que celle qui peut être formée
contre les jugements rendus par défaut. En réalité, la situation est tout à fait différente. Le jugement
par défaut clôt une procédure à laquelle le défendeur a été appelé et qui avait donc vocation à se
dérouler de façon contradictoire. Ici, ce n'est pas le cas : avant que l'ordonnance sur requête ne soit
rendue, le défendeur n'est pas appelé. Quoi qu'il en soit, l'expression ne figure plus dans le Code de
procédure civile. Cette disparition a le mérite de faire apparaître qu'il s'agit d'un recours
spécifique 1344.
La demande en rétractation constitue même un recours exclusif. Celui à l'encontre de qui
l'ordonnance sur requête a été rendue ne peut en faire directement appel 1345 et si elle a été rendue par
un président de chambre de cour d'appel, le défendeur ne peut se pourvoir directement en
cassation 1346. Ce n'est qu'une fois que le juge qui a rendu la décision originaire aura rejeté son
recours qu'il pourra faire appel de la seconde ordonnance ou former un pourvoi contre elle. On
précisera encore que, dans l'article 496, il est dit que tout intéressé peut en « référer » au juge qui a
rendu l'ordonnance. Il a déjà été indiqué qu'il s'agissait d'un faux référé 1347. La demande en
rétractation est présentée en la forme des référés, mais elle constitue en réalité une voie de
recours 1348. Il en résulte que la recevabilité de la demande n'est subordonnée ni à l'urgence 1349 ni à
l'absence de contestation sérieuse 1350. On notera aussi qu'en l'absence de délai fixé par les textes,
cette voie de recours peut être empruntée tant qu'elle présente encore un intérêt, notamment tant que
l'ordonnance sur requête n'a pas épuisé tous ses effets. D'ailleurs, l'article 497 du Code de procédure
civile précise que le juge qui a rendu l'ordonnance a la faculté de la modifier ou de la rétracter,
« même si le juge du fond est saisi de l'affaire ».
Essayons maintenant d'étudier la nature juridique de l'ordonnance sur requête.

§ 2. LA NATURE JURIDIQUE DE L'ORDONNANCE SUR REQUÊTE

437 Division. – L'étude de la nature juridique de l'ordonnance sur requête et, en particulier, de
son caractère gracieux ou contentieux soulève de grandes difficultés 1351. Elle paraît située comme à
mi-chemin des deux sortes de décision. La doctrine majoritaire lui attribue une nature évolutive (A).
Une autre proposition peut paraître préférable (B).

A. LA THÉORIE ÉVOLUTIVE DE L'ORDONNANCE SUR REQUÊTE

438 Exposé de la théorie. – Cette théorie se fonde essentiellement sur deux constatations. La
première est que l'instance est introduite par une requête comme en matière gracieuse. La seconde est
qu'au moment, au moins, où la requête est présentée, le demandeur n'a pas d'adversaire et la
procédure n'est pas contradictoire, ce qui montre qu'il n'existe pas encore de litige. Tout au plus peut-
on parler d'un contentieux latent, dans certaines hypothèses, par exemple en matière de mesures
conservatoires. Mais ce contentieux ne s'est pas encore manifesté et ne se manifestera peut-être pas.
Initialement, l'ordonnance sur requête relève donc de la matière gracieuse.
Mais, en raison de la charge de contentieux latent qu'elle contient, l'ordonnance sur requête est
plus susceptible que d'autres décisions gracieuses de faire naître un contentieux qui résultera de
l'exercice de la demande en rétractation prévue par l'article 496 du Code de procédure civile. Toute
demande gracieuse est susceptible de donner lieu à une procédure contentieuse. L'expression de
« nature évolutive » de l'ordonnance sur requête traduit l'aptitude particulière de cette décision sur ce
point. Encore faut-il ajouter que, dans certains cas, il est même difficile de discerner l'existence d'un
contentieux latent. L'exemple le plus net est celui de l'article 99 du Code civil qui donne compétence
au président du tribunal de grande instance, saisi sur requête, pour ordonner la rectification des actes
de l'état civil. Ainsi, dans tous les cas, que l'on puisse ou non discerner aisément l'existence d'un
contentieux latent, il reste que la procédure de l'ordonnance sur requête doit être rattachée à la
matière gracieuse, tant, au moins, qu'aucune contestation n'est formée.

439 Discussion de la théorie. – La doctrine qui vient d'être exposée repose principalement sur
le rapprochement qui est opéré entre la procédure de l'ordonnance sur requête et celle qui caractérise
la matière gracieuse. Mais est-ce là le point essentiel ? Plus que les procédures, ce sont les demandes
et, corrélativement, les décisions qui doivent être rapprochées. Le résultat est alors tout à fait
différent.
On sait qu'aux termes de l'article 25 du Code de procédure civile, la matière gracieuse se définit
par l'absence de litige et par l'exigence légale d'un contrôle judiciaire sur un acte fait ou à faire. Ces
deux traits caractéristiques ne se retrouvent pas dans l'écrasante majorité des ordonnances sur
requête. On constate d'abord que les demandes tendant à l'obtention d'une ordonnance sur requête sont
dirigées contre un adversaire. C'est, évidemment, le cas des demandes d'autorisation de faire
procéder à un constat d'adultère ou des demandes tendant à la saisie conservatoire d'un bien de son
débiteur. L'autorisation est demandée contre une personne déterminée, l'autre conjoint ou le débiteur.
Par ailleurs, quel est, dans ces hypothèses, l'acte juridique dont le législateur subordonne l'efficacité
à un contrôle judiciaire en raison des difficultés qu'il suscite, c'est-à-dire pour lequel la manifestation
de volonté d'un sujet de droit est tenue pour insuffisante ? En un mot, qu'y a-t-il de commun entre une
demande aux fins d'adoption et les demandes qui viennent d'être citées ?
C'est avec la matière contentieuse et plus spécialement avec l'ordonnance de référé qu'un
rapprochement mérite d'être opéré, rapprochement qui a déjà été signalé à propos des définitions de
ces deux sortes de décisions. Dans les deux cas, il s'agit d'une mesure provisoire prise contre une
personne déterminée, comme l'indiquent les termes mêmes de « partie adverse », employés par
l'article 493 du Code de procédure civile. Elles ne se différencient qu'en ce que l'ordonnance sur
requête est prise non contradictoirement en raison des circonstances, par exemple en raison de l'effet
de surprise qui est nécessaire à l'efficacité de la mesure sollicitée. L'article 145 du Code de
procédure civile le montre parfaitement : la même mesure peut être ordonnée tantôt en référé, tantôt
sur requête. En quoi la requête est-elle moins contentieuse que la demande en référé ? En réalité, la
requête implique même un litige déjà plus aigu, puisque l'efficacité de la mesure est conditionnée par
le fait que la décision soit prise à l'insu de l'adversaire. Elle est donc plus « agressive » que la
demande en référé et c'est ce qui explique que la Cour de cassation en restreigne l'usage aux seuls cas
où elle est nécessaire.
Il faut cependant ajouter que le rapprochement qui vient d'être opéré ne convient pas pour la
requête aux fins de rectification d'un acte de l'état civil prévue par l'article 99 du Code civil : cette
demande n'a rien de commun avec une demande en référé. Il convient d'en tenir compte pour proposer
une solution.

B. LA SOLUTION PROPOSÉE

440 La nécessité de distinguer matière gracieuse et procédure non contradictoire. – Pour


être à même de proposer une solution, il faut se prémunir contre les deux risques de confusion qui
existent en cette matière. En premier lieu, il faut éviter d'assimiler la matière gracieuse et la
procédure non contradictoire. Les qualificatifs de gracieux et de contentieux caractérisent un type
donné de demandes qui conduisent à un type donné de décisions. Il a ainsi été indiqué que la matière
gracieuse se distinguait par l'absence de litige et par l'exigence légale d'un contrôle judiciaire sur un
acte juridique. Ce sont ces traits spécifiques qui font véritablement la matière gracieuse. La
procédure, comme son nom l'indique, n'est qu'un cheminement qu'il faut suivre pour obtenir une
décision. Rien ne s'oppose à ce que la même technique procédurale soit utilisée pour différentes
sortes de demandes. Pour prendre un exemple qui vient d'être vu, la procédure de référé est utilisée
non seulement pour l'examen des véritables demandes de référé, mais aussi pour des demandes au
principal formées en la forme des référés 1352. Inversement, il peut se faire que des demandes d'un
même type suivent des procédures légèrement différentes. Sur certains points, la procédure de référé
prud'homal se distingue de celle qui est applicable devant le président du tribunal de grande
instance 1353. Le recours à un type de procédure ne peut donc suffire à caractériser un type de
demande.
Appliquée à la question de l'ordonnance sur requête, la distinction qui vient d'être soulignée
conduit à ceci. S'il est certain qu'en raison de l'absence d'adversaire, la matière gracieuse donne lieu
à une procédure non contradictoire (comment pourrait-il en aller autrement ?), la réciproque n'est pas
vraie. Une demande de nature contentieuse peut très bien donner lieu à une procédure non
contradictoire. Sans doute une telle solution n'est-elle pas souhaitable de façon générale et constitue-
t-elle une anomalie. Il reste que rien n'interdit au législateur d'y avoir recours lorsqu'il l'estime
opportun. Cette possibilité est expressément prévue par l'article 17 du Code de procédure civile,
dont on remarquera qu'il ne figure pas dans le chapitre consacré aux règles propres à la matière
gracieuse, mais dans celui qui traite des principes directeurs du procès. Il ne suffit donc pas de
constater que l'ordonnance sur requête est rendue à la suite d'une procédure non contradictoire, pour
pouvoir affirmer qu'elle appartient à la matière gracieuse.

441 Ordonnances provisoires sur requête et ordonnances définitives. – Le second risque de


confusion tient à la pauvreté du vocabulaire juridique qui conduit à désigner de la même façon des
réalités différentes. Pour les décisions provisoires rendues contradictoirement par un juge qui n'est
pas saisi du principal, il existe un mot spécifique, le référé, qui désigne certaines décisions du
président du tribunal de grande instance. Mais il est certain que toutes les décisions que rend ce
magistrat ne sont pas des ordonnances de référé. En dehors même des faux référés ou référés
procéduraux, il faut citer le contentieux de la fixation du loyer commercial pour lequel la loi lui
attribue compétence 1354. Il n'a jamais été soutenu qu'en ce domaine, le président du tribunal de grande
instance rendait des ordonnances de référé. L'existence d'un mot spécifique permet d'éviter les
risques de confusion.
Malheureusement ce n'est pas le cas ici. Chaque fois que le juge est sollicité de rendre une
décision non contradictoire, la demande est présentée au moyen d'une requête et, puisque c'est le
président du tribunal qui statue, sa décision est une ordonnance, donc une ordonnance sur requête. Le
vocabulaire juridique n'a forgé aucun mot pour en distinguer certaines de l'ensemble. La pauvreté du
vocabulaire ne saurait cependant faire obstacle à l'analyse des décisions que rend le président saisi
sur requête, ni empêcher de concevoir que ces décisions peuvent ne pas être toutes du même type.
Pour chaque décision rendue sur requête par un président, il faut donc se demander à quel type elle
correspond. Les ordonnances de l'article 493 du Code de procédure civile se définissent par le fait
qu'il s'agit de décisions provisoires prises contre une personne à son insu. Ces traits ne répondent pas
à la définition de la matière gracieuse, mais rapprochent ces décisions des ordonnances de référé, qui
appartiennent à la matière contentieuse. Il faut donc décider qu'elles sont, elles aussi, des décisions
contentieuses.
Pour autant, on ne saurait affirmer que toutes les ordonnances rendues sur requête sont
contentieuses. Les décisions gracieuses relèvent le plus souvent de la compétence du tribunal de
grande instance ou plus rarement d'un autre tribunal. Cependant les règles de compétence ne sont pas
un élément constitutif de la matière gracieuse et rien n'interdit au législateur de donner compétence au
président du tribunal de grande instance pour rendre certaines décisions gracieuses. Ainsi en va-t-il
de l'ordonnance prévue par l'article 99 du Code civil. L'ordonnance ordonnant la rectification d'un
acte de l'état civil n'est pas une décision prise contre une personne à son insu. On ne voit pas
davantage pourquoi elle serait provisoire. On constate en revanche qu'elle est prise alors qu'il
n'existe pas de litige et qu'il s'agit de corriger un acte normalement intangible : on comprend aisément
que la loi ne permette pas aux officiers de l'état civil d'y procéder sans que le juge judiciaire exerce
son contrôle. Tous ces traits conduisent à rattacher l'ordonnance de l'article 99 du Code civil à la
matière gracieuse 1355. Cette décision est donc une ordonnance sur requête, mais non une ordonnance
sur requête de l'article 493 du Code de procédure civile. Peut-être pourrait-on, pour éviter toute
confusion, proposer pour ces dernières l'appellation d'ordonnances provisoires sur requête 1356.

442 Application de la solution proposée. – La distinction entre les ordonnances gracieuses et


les ordonnances provisoires et contentieuses, rendues sur requête, peut encore être illustrée par un
exemple tiré des dispositions de l'article 1008 du Code civil. Le légataire universel institué par un
testament olographe, en l'absence d'héritiers réservataires est tenu de se faire envoyer en possession
par le président du tribunal de grande instance. Le juge saisi de la demande doit procéder à un
premier examen de la régularité du testament. L'ordonnance d'envoi en possession est-elle
contentieuse ou gracieuse ? L'hésitation est permise. On serait tenté de dire que la demande est
formée contre les héritiers par le sang en ce qu'elle tend à les déshériter. Mais, en réalité, ce n'est pas
l'ordonnance qui déshérite les héritiers, c'est le testament et précisément, parce que l'exhérédation est
un acte particulièrement grave, la loi exige qu'il soit soumis, avant toute prise de possession des
biens héréditaires, à un premier contrôle judiciaire. La demande d'envoi en possession relève donc
en elle-même de la matière gracieuse. Cependant, comme toute règle de droit, celle qui permet à une
personne de déshériter certains de ses parents par un testament peut susciter un litige. Si les héritiers
par le sang contestent le testament, la contestation qu'ils forment constitue une demande contentieuse
et donne lieu à un jugement qui est lui aussi contentieux. Cette situation ne fait donc qu'illustrer le
principe général selon lequel toute affaire gracieuse peut se transformer en affaire contentieuse 1357. Il
reste, et c'est le point essentiel, que la demande d'envoi en possession n'est en elle-même dirigée
contre aucun adversaire et qu'elle n'a pour objet que de conforter un acte juridique. Elle relève donc
de la matière gracieuse.
L'exemple tiré de l'article 1008 du Code civil s'accorde donc avec les analyses qui viennent d'être
menées. D'une part, toutes les ordonnances rendues sur requête par un président de tribunal de grande
instance ne sont pas du même type. Certaines répondent à la définition de l'article 493, d'autres non.
D'autre part, pour rattacher chaque ordonnance à sa catégorie, il faut examiner si elle correspond à la
définition donnée par l'article 25 du Code de procédure civile, auquel cas elle est gracieuse, ou à la
définition des ordonnances provisoires sur requête donnée par l'article 493 du Code de procédure
civile, auquel cas elle est contentieuse.

SECTION II
LE CONTENTIEUX DU POSSESSOIRE

443 Généralités. – Les actions possessoires, prévues à l’article 2278 du Code civil et aux
articles 1264 et suivants du Code de procédure civile, sont au nombre de trois : la complainte, la
dénonciation de nouvel œuvre et l'action en réintégration. Leur raison d'être repose sur la distinction
de la titularité du droit substantiel, notamment du droit de propriété, et de la possession du droit en
question. En substance, et pour s'en tenir à la matière immobilière seule concernée par les actions
possessoires : être propriétaire d'un immeuble est une chose ; en être possesseur est autre chose. En
effet, la propriété est un droit subjectif, tandis que la possession est un fait. Être possesseur consiste à
se comporter comme si l'on était titulaire du droit (corpus), tout en ayant la volonté d'en être titulaire
(animus). On peut donc être possesseur en étant propriétaire, possesseur sans être vraiment
propriétaire, ou même propriétaire sans être possesseur 1358. Ces actions sont appelées à disparaître
prochainement, sans doute parce qu’elles sont concurrencées par les référés. L’abrogation de
l’article 2279 du Code civil par une loi du 16 février 2015 est certainement un signe avant-coureur
de la suppression de ces actions qui fleurent bon le XIX siècle.
e

444 Actions pétitoires et actions possessoires. – Lorsque le possesseur et le propriétaire sont


deux personnes distinctes, un conflit peut éclater entre elles. Notamment, le propriétaire peut être
tenté de mettre fin à cette possession qui constitue, par définition, une contradiction apportée à son
droit. La loi lui permet alors d'agir en justice, sur le fondement de son droit de propriété ou sur celui
de l'inexistence du droit de son adversaire, afin d'obtenir que cessent les actes de possession de ce
dernier. On dit de son action (qui est le plus souvent une action en revendication) qu'elle est de nature
pétitoire : les actions pétitoires sont celles qui reposent sur l'affirmation d'un droit subjectif,
généralement un droit de propriété 1359, ou sur celle de l'inexistence du droit de l'adversaire 1360.
Bien entendu, le propriétaire peut avoir également la tentation de s'opposer à la possession de
l'autre partie sans passer par un tribunal. Par exemple, l'idée peut lui venir de murer la porte d'entrée
de la maison occupée par le possesseur. Il n'a, cependant, pas le droit de se comporter de la sorte. En
effet, en droit français, il est admis que l'on n'a pas, en principe, à se faire justice soi-même. De plus,
la possession, bien qu'étant un simple fait juridique (et non un droit), bénéficie d'une certaine faveur
de la loi, en raison des effets considérables qu'elle peut produire, au premier rang desquels vient la
prescription acquisitive ou usucapion 1361. Cette faveur se traduit par l'instauration d'actions
spécifiques tendant à la protection de la possession immobilière : ce sont les actions
possessoires 1362. En substance, le possesseur dont la possession est troublée par autrui, peut saisir le
tribunal de grande instance pour obtenir qu'il soit mis fin au trouble. L'action possessoire ordinaire
est appelée « complainte ». Si le trouble se traduit par des violences ou des voies de fait, l'action
adéquate est « l'action en réintégration ». Et l'on peut même prévenir un trouble futur 1363, grâce à
l'action en « dénonciation de nouvel œuvre ». La spécificité des actions possessoires réside dans
l'absence de référence à un éventuel droit substantiel du possesseur. Par exemple, pour obtenir que
soit dégagée l'entrée du logement dont il est possesseur, il n'a pas à établir qu'il est propriétaire. Il
doit simplement répondre aux conditions posées par les textes relatifs aux actions possessoires. Il
faut, ainsi, que sa possession soit paisible 1364. Ce type d'action est intéressant pour celui qui n'est que
simple possesseur, car il ne pourrait obtenir gain de cause dans le cadre d'une action pétitoire, faute
de pouvoir justifier d'un droit de propriété. Tant que le tribunal d'instance était compétent en matière
d'actions possessoires, celles-ci présentaient aussi l'avantage de suivre une procédure moins lourde,
moins coûteuse et généralement plus rapide que les procédures au pétitoire, qui relevaient du tribunal
de grande instance. Depuis qu'en 2005, le contentieux du possessoire est devenu une compétence
exclusive du tribunal de grande instance 1365, on voit moins bien ce qui pourrait encore inciter la
personne ayant la double qualité de possesseur et de propriétaire à emprunter cette voie, d'autant que
les actions possessoires étaient, avant même cette réforme, déjà sérieusement concurrencées par les
demandes en référé 1366.

445 Ressemblances des contentieux du provisoire et du possessoire. – En lui-même, le droit


de la possession intéresse le civiliste plus que le processualiste 1367. Il ne retient l'attention de ce
dernier qu'en ce qu'il fait apparaître un contentieux parallèle. Deux demandes différentes peuvent être
formées, qui sont insusceptibles de se rejoindre, l'une au possessoire, l'autre au pétitoire. Cette
situation incite à opérer une comparaison entre le possessoire et le référé. Les mots eux-mêmes y
invitent. On oppose le possessoire au fond du droit comme on le fait pour le référé.
À vrai dire, les ressemblances vont au-delà des mots. Dans l'un et l'autre cas, ce sont bien deux
demandes d'un type différent qui sont présentées et une partie peut avoir successivement recours aux
deux types de contentieux. Après le juge des référés, le demandeur peut saisir le juge du principal,
comme un procès au pétitoire peut succéder à un procès au possessoire. De la même façon encore, ce
qui a été décidé dans le cadre du premier procès peut se trouver remis en cause dans le cadre du
second, la remise en cause se justifiant par l'idée que le premier procès n'avait pas pour objet de
donner une solution complète au litige, après examen approfondi de tous ses éléments, mais
seulement de parer au plus pressé.

446 Distinction des contentieux du provisoire et du possessoire. – Pour réelles qu'elles


soient, ces ressemblances ne signifient pas que les deux sortes de contentieux puissent être totalement
assimilées l'une à l'autre ; elles se distinguent aussi sur certains points. En effet, lorsqu'il est saisi
d'une demande en référé, le juge n'applique pas de règles substantielles spécifiques, il a recours, si
l'on peut dire, aux règles substantielles « ordinaires » 1368. Leur utilisation est seulement subordonnée,
dans la majorité des cas, à l'absence de contestation sérieuse. De plus, dans la mise en œuvre de la
règle, le juge des référés n'a pas à dire le droit, il doit se contenter d'ordonner une mesure. Dans le
contentieux du possessoire, il n'en va pas de même. Le juge du possessoire applique des règles
substantielles spécifiques, celles du droit possessoire, qui accordent au possesseur des prérogatives
spécifiques et, s'il est vrai que la possession est conçue à l'image de la propriété, elle n'en est pas
moins distincte de la propriété et autonome en ce sens qu'elle est protégée « sans avoir égard au fond
du droit », selon les termes de l'article 2278 du Code civil.
De plus, le jugement possessoire n'est pas un jugement provisoire. Certes, la jurisprudence
déclare qu'il n'a pas autorité de chose jugée au pétitoire. Mais ceci s'explique très bien par le rejet,
par la Cour de cassation, de l'autorité positive de chose jugée. La demande au possessoire n'est pas
fondée sur les mêmes faits qu'une demande au pétitoire et elle tend simplement à la protection de la
possession, alors que l'action pétitoire tend, au moins en partie, à la proclamation judiciaire d'un
droit ou d'une absence de droit. On voit donc bien qu'entre une action possessoire et une action
pétitoire, il n'y a pas identité de matière litigieuse. Il est donc normal que ce qui a été constaté dans le
cadre d'une instance n'ait pas autorité de chose jugée à l'égard du juge chargé de l'autre instance. Cela
ne signifie pas pour autant que le jugement rendu au possessoire ait un caractère provisoire. En
réalité, un jugement possessoire a un caractère définitif.
Bien sûr, la protection apportée à la possession par un jugement possessoire peut disparaître sous
l'effet d'un jugement pétitoire ultérieur qui reconnaîtrait le droit de propriété de l'auteur du trouble et
l'autoriserait à expulser le possesseur. Mais il n'y a rien de surprenant à cela : la possession mérite,
en soi, une protection contre des troubles de fait, mais elle doit céder devant le droit de propriété de
l'adversaire lorsque l'on en vient à discuter des droits substantiels des parties 1369. Autrement dit, le
renversement de situation qui peut survenir du jugement possessoire au jugement pétitoire ne
manifeste pas la force supérieure d'un jugement par rapport à l'autre (comme en matière de référé),
mais la force supérieure du droit pétitoire par rapport au droit possessoire ou, si l'on préfère, la
primauté d'un droit subjectif (le droit de propriété) sur un fait juridique (la possession).

447 La règle du non-cumul du possessoire et du pétitoire. – C'est cette force supérieure du


droit pétitoire qui a conduit le législateur à doter les actions possessoires d'un régime procédural
particulier. En effet, le risque existe que le plaideur qui craint une condamnation au possessoire, mais
espère l'emporter au pétitoire, ne tente systématiquement d'écarter le droit possessoire et d'invoquer
la prééminence du droit pétitoire, en disant au juge : « peut-être ai-je tort au possessoire, mais j'ai
raison au pétitoire, et c'est cela qui compte ». Pour prévenir ce risque, a été instituée la règle du non-
cumul des actions possessoires et des actions pétitoires. L'expression de non-cumul n'est pas très
heureuse. En réalité, ce qu'interdisent les articles 1265 et 1267 du Code de procédure civile, c'est le
mélange des genres. Il serait donc plus exact de parler d'une séparation du possessoire et du pétitoire,
mais l'usage l'a emporté et se trouve aujourd'hui consacré par l'article 1265.
Le risque de confusion du possessoire et du pétitoire peut prendre deux aspects différents. Il peut
apparaître d'abord à l'intérieur d'une instance possessoire : dans ce cadre, la loi interdit aux parties
d'invoquer des règles tirées du droit pétitoire. De là naît un second risque. À défaut de pouvoir les
invoquer dans l'instance possessoire, on peut être tenté de former une action devant le juge pétitoire,
pour lui demander ce qu'on ne saurait obtenir du juge possessoire. C'est pourquoi seront abordés
successivement le non-cumul à l'intérieur de l'instance au possessoire (§ 1) et le non-cumul des
actions (§ 2).
§ 1. LE NON-CUMUL À L'INTÉRIEUR DE L'INSTANCE POSSESSOIRE

448 Le principe de l'interdiction des moyens tirés du droit pétitoire. – Une instance a été
formée devant le juge possessoire. La protection que la loi accorde à la possession pour elle-même
impose que les parties ne puissent avoir recours à des règles substantielles tirées du droit pétitoire.
C'est ce premier volet de la règle que régit l'article 1265 du Code de procédure civile, volet qui
comporte lui-même un premier aspect : En principe, les parties ne peuvent invoquer des moyens tirés
du droit pétitoire et le juge ne peut les reprendre dans les motifs de sa décision. Le contenu et la
raison d'être de ce principe ont déjà été indiqués. En raison de sa supériorité, le droit pétitoire
évincerait totalement le droit possessoire s'il pouvait être opposé aux moyens tirés de la possession.
Dans le cadre d'une instance possessoire, le juge ne doit donc s'attacher qu'aux moyens visant à
établir et à caractériser la possession des plaideurs.
L'interdiction joue à l'égard des deux parties. Elle s'applique d'abord au défendeur, mais aussi au
demandeur qui, par exemple, ne saurait se borner à produire ses titres de propriété au soutien de la
complainte formée pour faire cesser un empiétement sur son fonds. De même, le juge ne saurait
fonder sa décision exclusivement sur des motifs tirés du fond du droit 1370. Pour se prononcer sur une
action possessoire, il doit rechercher s'il y a ou non possession 1371 et si tel est le cas, il doit
déterminer si elle répond aux exigences posées par les textes. Le fait qu'une partie produise un titre
de propriété, un acte constitutif de droit réel ou toute autre preuve d'un droit substantiel est
secondaire, voire hors de propos.

449 Les limites au principe. – Cependant, la règle connaît quelques limites. La première limite
résulte de l'alinéa 2 de l'article 1265 du Code de procédure civile, aux termes duquel « le juge peut
toutefois examiner les titres à l'effet de vérifier si les conditions de la protection possessoire sont
réunies ». Le titre peut donc être invoqué pour mieux caractériser la possession. Les arrêts utilisent
diverses comparaisons, parlant tantôt d'éclairer la possession, tantôt d'aider à sa coloration. La
nécessité d'une telle « coloration » apparaît en matière de servitudes discontinues, qui ne peuvent être
acquises par prescription acquisitive, mais seulement par titre, ce mot devant être entendu au sens
large : il peut s'agir d'une convention entre les propriétaires des deux fonds, d'un acte de division d'un
fonds ou même d'un titre purement légal, comme la situation d'enclave. Au possessoire aussi, le titre
peut donc être nécessaire, non pas pour établir l'existence de la servitude, ce qui relève du pétitoire,
mais pour savoir si la prétendue servitude fait l'objet d'une véritable possession ou d'une simple
tolérance 1372 que ne protègent pas les actions possessoires 1373. Pareillement, il est parfois difficile
de dire si une personne possède à titre de propriétaire ou à titre d'usufruitier. En effet, le corpus de la
possession est presque le même dans les deux cas. L'existence d'un acte juridique tel qu'un contrat de
vente ou un acte constitutif d'usufruit permettra de caractériser la possession, encore que cet acte
émane d'un non propriétaire 1374.
Cependant, si le titre est parfois nécessaire, il ne saurait être suffisant. L'instance demeure une
instance possessoire. Les parties doivent donc établir aussi des agissements matériels (le corpus de
la possession) que le titre permettra d'éclairer et ce sont ces agissements qui fonderont la décision du
juge du possessoire.
La seconde limite n'intéresse que les motifs du jugement. Le juge a pu céder à la tentation
d'insérer dans la motivation de son jugement des arguments tirés du droit pétitoire. Néanmoins, sa
décision échappe à la cassation dès lors que, par ailleurs, elle repose sur des motifs suffisants tirés
du droit possessoire. Les motifs pétitoires peuvent alors être tenus pour surabondants et retranchés
sans conséquence pour la décision attaquée 1375.

450 L'irrecevabilité des prétentions tendant à la reconnaissance d'un droit pétitoire. – Le


second aspect de la règle du non-cumul du possessoire et du pétitoire à l'intérieur de l'instance
possessoire concerne les prétentions des parties que le juge peut être tenté de reprendre dans le
dispositif de sa décision. Pour ce qui est des prétentions des parties et du dispositif du jugement, la
règle de la séparation du possessoire et du pétitoire joue de façon stricte : aucun cumul n'est admis.
Le juge du possessoire doit rejeter comme irrecevable toute demande tendant à la reconnaissance
d'un droit pétitoire, qu'il s'agisse de la demande initiale ou d'une demande incidente, notamment
reconventionnelle. Il ne saurait, dans le dispositif de sa décision, reconnaître le droit de propriété ou
l'existence d'une servitude au profit de l'une des parties. Son rôle se borne à déterminer s'il y a
possession d'un droit de propriété, d'une servitude, ou de tout autre droit immobilier. Il n'a pas à
proclamer, dans le dispositif de son jugement, la titularité de ces droits. La Cour de cassation
sanctionne impitoyablement les erreurs que peuvent commettre les juges du fond en la matière 1376.

§ 2. LE NON-CUMUL DES ACTIONS

451 La demande au pétitoire formée par le défendeur au possessoire. – La mise en œuvre


simultanée des deux sortes de règles peut encore être envisagée dans le cadre de deux instances
distinctes, l'une au possessoire et l'autre au pétitoire. Cependant le risque d'une disparition de la
protection possessoire ne doit être réellement envisagé que si c'est le défendeur au possessoire qui
est demandeur au pétitoire. Le défendeur au possessoire n'a pas le droit de soulever devant le
premier juge des moyens tirés du droit pétitoire pour combattre les prétentions de son adversaire. Il
peut alors être tenté de prévenir le jugement, dont il devine qu'il lui sera défavorable, en formant une
demande au pétitoire, dans l'espoir que le juge du pétitoire statue avant le juge du possessoire.
Si l'on admettait ce genre de stratégie, il pourrait s'instaurer une sorte de « course de vitesse »,
qui serait malsaine, entre les deux instances. C'est pourquoi, l'article 1267 du Code de procédure
civile dispose que « le défendeur au possessoire ne peut agir au fond qu'après avoir mis fin au
trouble ». La tentative de manœuvre du défendeur se trouve ainsi déjouée. On remarquera que ce
texte impose au défendeur à la fois d'attendre la fin du procès au possessoire et d'exécuter le
jugement rendu contre lui. À défaut, sa demande au pétitoire est irrecevable 1377.

452 La demande au pétitoire formée par le demandeur au possessoire. – Dans le cas où


c'est le demandeur au possessoire qui entend agir au pétitoire, on ne saurait craindre le risque d'une
« course de vitesse » entre les deux procès pour écarter le jeu des règles possessoires. Il n'existe
donc aucune raison d'empêcher le demandeur au possessoire d'agir au pétitoire. Mais l'article 1266
du Code de procédure civile lui impose un choix en décidant que « celui qui agit au fond n'est plus
recevable à agir au possessoire ».
Invoquer à l'appui de cette solution la maxime « electa una via » n'explique rien : elle ne fait que
décrire le contenu du texte. Il paraît préférable de penser qu'il s'agit là d'une manifestation de la
supériorité du droit pétitoire sur le droit possessoire. Dès l'instant qu'elle se prévaut des règles les
plus importantes, la victime du trouble perd le droit d'invoquer les règles moins importantes, et
comme accessoires, qui sont liées à la possession. En quelque sorte, la loi lui offre la possibilité de
se défendre par un moyen simple, rapide et économique. Mais si elle préfère employer les grands
moyens en allant au pétitoire, elle doit faire preuve de cohérence et s'abstenir de solliciter ensuite le
bénéfice de la protection possessoire. Pareillement, si une partie engage une action possessoire, puis
une action pétitoire tendant aux mêmes fins, alors que la première demande est encore pendante,
celle-ci devient irrecevable 1378.
Le fondement de la règle de l'article 1266 explique qu'elle ne joue qu'à l'encontre de celui qui
forme une demande au pétitoire. En revanche, celui qui est assigné au pétitoire conserve le droit de
faire cesser le trouble qu'il pourrait ressentir dans sa possession. Pour la même raison, la fin de non-
recevoir édictée par l'article 1266 ne peut être opposée au demandeur au pétitoire pour des troubles
postérieurs à sa demande. Dans ces hypothèses, on ne saurait lui reprocher de mettre sur le même
plan l'essentiel et l'accessoire.

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Lexisnexis, 3 éd., 2012.
e
DEUXIÈME PARTIE
LA PROCÉDURE DEVANT LES JURIDICTIONS DU PREMIER
DEGRÉ

453 Dispositions communes à toutes les juridictions. – Avant les réformes dont est issu
l'actuel Code de procédure civile, la réglementation de la procédure devant les juridictions du
premier degré se trouvait dans une situation aussi simple dans son principe que compliquée dans la
réalité. Chaque juridiction était dotée d'une procédure distincte, ce qui était la source de grandes
disparités entre elles. Certes, l'existence de différences entre les procédures applicables devant telle
ou telle juridiction ne constitue pas en soi une anomalie. Ainsi, le souci qu'a le législateur en matière
prud'homale de parvenir à une conciliation entre les parties justifie qu'une phase procédurale
spécifique lui soit consacrée. Cependant, sous l'empire de l'ancien Code, la majorité des disparités
ne reposait sur aucun motif de cet ordre. Elles provenaient tout simplement des hasards de l'histoire.
Chacune des procédures avait fait l'objet, à une époque donnée, d'une réglementation particulière,
faite indépendamment des autres. À aucun moment, il n'avait été procédé à une rédaction d'ensemble
des diverses procédures existantes. Chacune des solutions retenues pouvait n'être pas critiquable. En
matière de procédure, il arrive assez souvent que l'on puisse réglementer une phase du procès de
deux ou trois façons différentes qui sont à peu près aussi satisfaisantes les unes que les autres. Ainsi,
l'exercice d'une voie de recours doit être enfermé dans un délai assez bref, mais il n'existe aucune
raison décisive qui doive conduire à préférer un délai de quinze jours à un délai de douze jours ou de
vingt jours. Il est donc indifférent que le législateur retienne l'un plutôt que les autres. En revanche, il
est inutilement compliqué qu'il utilise chacun de ces trois délais au gré de sa fantaisie 1379. L'unicité
de solution constitue par principe une bonne chose.
Pour remédier à ces difficultés, les rédacteurs du Code de procédure civile ont édicté des
dispositions communes à toutes les juridictions, regroupées en son livre premier. Ces dispositions ont
déjà été rencontrées à propos des notions essentielles de droit judiciaire privé. Certaines d'entre
elles intéressent le déroulement de l'instance, principalement le jugement et les incidents d'instance
qui en relèvent presque entièrement. Il s'agit là d'un incontestable progrès par rapport à la situation
antérieure. On doit cependant reconnaître que cette méthode présente le léger inconvénient de
disperser au travers du Code les règles qui régissent un point donné. Par exemple, la réglementation
de l'assignation devant le tribunal de grande instance résulte de trois groupes différents de
dispositions : les articles 648 et suivants du Code de procédure civile qui contiennent les règles
communes à tous les actes d'huissier, les articles 54 à 56 qui contiennent les règles applicables à
toutes les assignations, et enfin les articles 750 et 752, qui contiennent les règles particulières à ce
type d'assignation. Il faut donc apprendre à manier les textes avec dextérité !
454 Rôle des parties et du juge. – Le déroulement de la procédure intéresse les parties, mais
il intéresse aussi le juge qui a en charge le bon fonctionnement du service public de la justice. Les
rédacteurs du Code de procédure civile en ont tiré cette conséquence qu'il devait disposer de très
larges pouvoirs pour assurer le bon déroulement de l'instance. Les développements qui vont suivre
montreront qu'effectivement le juge dispose de pouvoirs considérables. Certains auteurs ont même
parlé d'une « expropriation du plaideur » ou encore de l'institution d'un « juge d'instruction civil ».
Toutes ces expressions sont excessives et condamnables. Empêcher les parties d'encombrer le rôle
des tribunaux par des procès négligemment menés, est-ce vraiment les exproprier ? De même, on ne
peut pas et on ne doit pas raisonnablement parler d'un juge d'instruction civil. Le juge d'instruction
appartient à la procédure pénale. La société y instruit un procès contre un individu, que protège la
présomption d'innocence et à qui il ne peut être demandé de collaborer à l'élucidation des faits, parce
qu'elle peut conduire au prononcé d'une peine. Ce schéma est totalement intransposable en matière
civile. Le procès n'est pas mené au nom de la société, il oppose deux parties en litige à propos de
leurs droits. Contre qui l'instruction serait-elle menée ? Le serait-elle contre le demandeur ou contre
le défendeur ? On n'ose envisager qu'elle le soit contre les deux à la fois.
Ce n'est donc pas par référence au procès pénal que doit être envisagé l'exercice des pouvoirs du
juge civil pendant le procès, plus spécialement, pendant toute la phase d'instruction. La loi confère de
très importants pouvoirs au juge, mais il convient qu'il en use avec discernement et modération. Il lui
appartient d'abord de donner l'impulsion nécessaire pour que les plaideurs de bonne volonté puissent
obtenir une décision dans des délais raisonnables. Le meilleur moyen d'y parvenir, l'expérience le
prouve, ne consiste pas à adopter une attitude que l'on pourrait qualifier de caporaliste. C'est au
moyen d'une concertation avec les représentants des auxiliaires de justice que des résultats durables
peuvent être obtenus. S'inspirant d'une pratique qui s'était développée à l'intérieur de certaines
juridictions, les rédacteurs du décret n 2005-1678 du 28 décembre 2005 ont introduit, dans
o

l'article 764 du Code de procédure civile, la possibilité pour le juge de fixer, en accord avec les
avocats, un calendrier de la mise en état, devant le tribunal de grande instance 1380. Dans le dessein de
planifier les procès, peuvent ainsi être fixés des délais pour l'accomplissement des actes de
procédure, selon la complexité du dossier. Sous réserve de prorogations de ces délais, ce calendrier
doit permettre aux parties de savoir, dès le début de l'instance, quand leur affaire sera jugée. L'usage
s'était instauré, pour désigner les calendriers imaginés par la pratique, de parler de « contrat de
procédure » 1381. Le terme est sans doute impropre 1382, car si l'accord des avocats est nécessaire,
c'est toujours le juge qui fixe le calendrier et c'est lui qui accorde d'éventuelles prorogations de
délais.
Lorsque la concertation ne peut aboutir ou que ses objectifs ne sont pas respectés, que ce soit par
négligence ou par mauvaise volonté, il est nécessaire que le juge dispose des pouvoirs les plus
importants pour que le procès ne se perde pas dans des lenteurs incompatibles avec l'idée que l'on
peut se faire d'une bonne justice. Ces quelques idées doivent demeurer présentes à l'esprit tout au
long de l'étude du déroulement de l'instance, qui va être menée. On y remarquera le nombre et
l'ampleur des pouvoirs dont les rédacteurs du Code de procédure civile ont pourvu le juge. Il faudra
se rappeler que ces pouvoirs n'ont pas vocation à être mis en œuvre à chaque instant. Ce sont des
armes que le juge doit parfois montrer pour n'avoir à s'en servir que le moins souvent possible.
L'existence de dispositions communes à toutes les juridictions justifie que leur étude soit menée
dans un premier temps (titre 1), avant que soit abordée celle des dispositions particulières à chaque
juridiction (titre 2).
TITRE 1
LES DISPOSITIONS COMMUNES À TOUTES LES
JURIDICTIONS

455 Ordonnancement des dispositions communes. – Les règles qui régissent le déroulement
de l'instance ne peuvent être identiques selon le type de recours au juge dont il s'agit. La matière
gracieuse ne saurait être soumise à la même procédure que la matière contentieuse. De même, les
contentieux du provisoire demandent des règles plus simples que celles qui régissent le contentieux
du principal. Parmi toutes ces procédures, il est évident que c'est la procédure contentieuse au
principal (chapitre I) qui appelle les développements les plus longs, d'abord en raison de son
importance pratique et aussi parce qu'elle constitue la procédure normale et sert donc de procédure-
type, de sorte qu'il suffira pour les autres de signaler les points sur lesquels elles s'en distinguent
(chapitre II).
CHAPITRE I
LA PROCÉDURE CONTENTIEUSE AU PRINCIPAL

456 Plan. – On peut comparer la procédure à une sorte de ruban qui se déroule au fur et à
mesure que les actes des parties et du juge font avancer l'instance. Cette progression est orientée dans
un sens déterminé ; elle est tendue vers le jugement. Il est le but vers lequel tendent les parties ou au
moins le demandeur. Il constitue aussi le dénouement de l'instance, puisqu'elle prend fin avec lui.
Toute la procédure s'ordonne donc par rapport au jugement. C'est dire combien le jugement se
détache du reste de la procédure de l'instance. Il y a, d'un côté, toute la procédure antérieure au
jugement (section I), dans laquelle les parties agissent sous le contrôle du juge, et, de l'autre, le
jugement qui constitue l'œuvre exclusive du juge (section II). Sur un tout autre plan, le déroulement
d'une procédure judiciaire entraîne des frais, dont certains restent à la charge des parties et que l'on
ne peut ignorer pour des raisons pratiques évidentes (section III).

SECTION I
LA PROCÉDURE ANTÉRIEURE AU JUGEMENT

457 Contenu des dispositions communes. – Les dispositions communes applicables à la


procédure contentieuse jusqu'au jugement présentent l'inconvénient pédagogique de ne pas donner une
image simplifiée, mais fidèle dans ses grandes lignes, de l'ensemble du déroulement d'une instance. Il
manque la partie centrale consacrée à l'instruction de l'affaire. L'instruction « ordinaire » relève des
dispositions particulières à chaque juridiction. L'administration judiciaire de la preuve, quant à elle,
figure dans les dispositions communes, mais elle constitue une complication de l'instance, ce qui
explique qu'elle soit examinée dans le cadre des incidents d'instance. L'essentiel des dispositions
communes intéresse le début et la fin de la procédure. Seront ainsi successivement abordés l'acte
introductif d'instance (§ 1), la saisine du tribunal (§ 2), la communication au ministère public (§ 3) et
les débats oraux (§ 4).

§ 1. L'ACTE INTRODUCTIF D'INSTANCE

458 Diversité des actes introductifs. – L'objet de ce développement doit être bien précisé. Il
ne s'agit pas d'étudier la demande initiale, que l'on appelle encore la demande introductive d'instance,
mais l'acte de procédure qui la porte, c'est-à-dire l'acte qui a pour objet de porter devant le juge la
demande introductive d'instance 1383. Plus précisément, l'article 68 du Code de procédure civile pose
que cet acte de procédure a aussi pour objet de porter les demandes incidentes formées contre les
tiers et les parties défaillantes : pour l'essentiel, les demandes additionnelles formées contre un
défendeur qui n'a pas comparu ou les demandes en intervention forcée. Il est réglementé par les
articles 54 à 59 du Code de procédure civile. La lecture de l'article 54 fait apparaître que le
législateur a retenu quatre sortes d'actes pour la présentation de la demande initiale : l'assignation, la
requête conjointe, la présentation volontaire des parties et la déclaration au secrétariat de la
juridiction. Cependant, la présentation volontaire n'est pas traitée dans les dispositions communes à
toutes les juridictions. La raison en est sans doute, qu'elle n'est soumise pour ainsi dire à aucune
forme particulière. On n'en dira donc ici que quelques mots.
La présentation volontaire des parties devant le juge peut être utilisée devant le tribunal
d'instance, la juridiction de proximité 1384, le tribunal de commerce 1385 et le conseil de
prud'hommes 1386. Elle offre la particularité de se présenter comme une modalité supplémentaire,
c'est-à-dire qu'elle ne constitue pas, devant ces tribunaux, le mode ordinaire d'introduction de
l'instance. Par exemple, devant le tribunal de commerce, la demande initiale est normalement
contenue dans une assignation, mais les parties peuvent décider, si elles le souhaitent, de se présenter
volontairement devant le juge au lieu que le demandeur assigne le défendeur. La présentation
volontaire présente les avantages évidents de ne rien coûter et d'être exempte de formalisme. Elle
suppose en revanche l'accord des deux parties pour soumettre leur différend au juge.
Il n'y a pas beaucoup plus à dire de la déclaration au greffe. Elle est définie par l'article 58 du
Code de procédure civile comme l'acte par lequel le demandeur saisit la juridiction sans que son
adversaire en ait été préalablement informé. Elle constitue la modalité normale d'introduction de
l'instance devant le conseil de prud'hommes 1387 et le tribunal paritaire des baux ruraux 1388, où elle
résulte le plus souvent d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Devant ces
juridictions, elle exclut l'assignation et la requête conjointe. Lorsque le montant de la demande
n'excède pas 4 000 euros, elle peut aussi être utilisée devant le tribunal d'instance et la juridiction de
proximité 1389, où elle vient s'ajouter et non se substituer aux autres modalités déjà existantes.
L'article 58 détermine son contenu à peine de nullité. La déclaration contient ainsi les nom, prénoms,
profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance du demandeur personne physique, la
forme, la dénomination, le siège social du demandeur personne morale, ainsi que l'organe qui le
représente. La déclaration, qui est datée et signée, indique également les noms et domicile
(dénomination et siège social, pour une personne morale) du défendeur et mentionne l'objet de la
demande. En principe, elle précise aussi les diligences entreprises en vue de parvenir à une
résolution amiable du litige 1390. Des textes spéciaux peuvent poser des exigences supplémentaires
dans des domaines particuliers 1391. C'est le greffe de la juridiction qui se chargera de notifier cet acte
introductif d'instance au défendeur. L'article 665-1 du Code de procédure civile prévoit qu'il devra
alors indiquer de manière très apparente la date de cet acte, la juridiction saisie et que le défendeur
s'expose à ce qu'un jugement soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire
s'il ne comparaît pas. Le cas échéant, il indiquera aussi la date de l'audience, ainsi que les conditions
dans lesquelles le défendeur peut se faire assister ou représenter.
Il y a plus de choses à dire de l'assignation (A) et de la requête conjointe (B), que régissent les
articles 55 à 57-1 du Code de procédure civile. Ces deux modes d'introduction de l'instance peuvent
être utilisés devant le tribunal de grande instance 1392, le tribunal d'instance, la juridiction de
proximité 1393 et le tribunal de commerce 1394, mais non devant le conseil de prud'hommes et le
tribunal paritaire des baux ruraux. On remarquera donc qu'il n'existe aucun mode d'introduction de
l'instance qui mérite, à strictement parler, de figurer dans les dispositions communes à toutes les
juridictions.

A. L'ASSIGNATION

459 Définition et réglementation de l'assignation. – Aux termes de l'article 55 du Code de


procédure civile, l'assignation est « l'acte d'huissier de justice par lequel le demandeur cite son
adversaire à comparaître devant le juge ». Cette définition fait exactement ressortir que l'assignation
est adressée à l'adversaire et non au juge, qu'il faudra saisir par un acte postérieur 1395, et aussi qu'elle
est destinée à informer l'adversaire sur le procès qui vient de lui être intenté.
Les mentions que doit contenir l'assignation sont énoncées par l'article 56 du Code de procédure
civile. Avant de les examiner, il convient seulement de rappeler que la liste de l'article 56 n'est pas
complète. D'une part, en effet, l'assignation est un acte d'huissier. À ce titre, elle doit comporter les
mentions communes à tous les actes d'huissier, qu'énonce l'article 648 du Code de procédure civile,
concernant la date de l'acte, le requérant, l'huissier instrumentaire et le destinataire de l'acte 1396.
D'autre part, l'article 56 n'indique que les mentions communes à toutes les assignations. N'y figurent
pas les mentions qui sont particulières aux assignations devant telle ou telle juridiction. Par exemple,
l'assignation à comparaître devant le tribunal de grande instance doit mentionner la constitution
d'avocat du demandeur et le délai de quinze jours dans lequel le défendeur est tenu à son tour de
constituer avocat 1397.

460 Mentions obligatoires de l'assignation. – Les mentions qui vont maintenant être recensées
relèvent presque toutes de la même inspiration : l'assignation doit donner à l'adversaire toutes les
informations qui lui sont nécessaires pour lui permettre d'organiser sa défense. Ce sont :
— L'indication de la juridiction devant laquelle la demande est portée. Le demandeur doit
appliquer les règles de compétence d'attribution et territoriale en indiquant quelle est la sorte de
juridiction qui est saisie et quel est son siège.
— L'objet de la demande avec un exposé des moyens en fait et en droit, qui vont permettre au
défendeur d'identifier le procès qui lui est intenté : que lui demande-t-on et pourquoi le lui demande-
t-on ? La précision selon laquelle les moyens sont ceux de fait et de droit a été introduite dans
l'article 56 par le décret du 28 décembre 1998, en même temps que dans l'article 753 du Code de
procédure civile 1398. En pratique, l'assignation est rédigée sur le modèle des jugements. Elle
comporte d'abord des motifs indiquant les moyens de fait et de droit du demandeur, ensuite l'objet de
la demande figure dans le dispositif de l'assignation qu'introduisent souvent les mots « par ces motifs,
dire et juger que... ». L'article 56 du Code de procédure civile dispose, in fine, que l'assignation vaut
conclusions. L'assignation opère donc une première délimitation des prétentions, qui oblige le juge à
statuer, et, si l'assignation contient un exposé vraiment complet de ses moyens et de ses prétentions, le
demandeur peut s'en tenir là. Cependant, le plus souvent, l'assignation ne les expose pas de façon
complète. Il peut être difficile pour le demandeur de le faire à ce stade du procès, alors qu'il ne
connaît pas encore l'attitude qu'adoptera le défendeur : celui-ci contestera-t-il tout ce qu'avance le
demandeur, ou bien limitera-t-il la discussion à tel ou tel point qu'il estime décisif, le reste étant
admis ? L'assignation est donc complétée par la suite par des conclusions. L'article 56 n'a pas pour
objet de figer le débat, il exige seulement que le défendeur puisse identifier le procès qui lui est
intenté 1399.
— L'indication des modalités de comparution devant la juridiction concernée (représentation
obligatoire ou facultative...) et des risques d'un défaut de comparution pour le défendeur. Le risque
que court le défendeur est qu'il soit jugé au vu des seuls éléments fournis par son adversaire, c'est-à-
dire au vu d'éléments inévitablement partisans. C'est une idée assez largement répandue que, lorsque
l'on est assigné en justice, le mieux est de s'abstenir de comparaître ou, si l'on peut s'exprimer ainsi,
de « faire le mort », en espérant que les choses s'arrangeront d'elles-mêmes. Il n'en est évidemment
rien. Le défaut du défendeur n'empêchera pas le procès de se dérouler. Le Code de procédure civile
impose au demandeur d'informer son adversaire qu'il n'a rien à gagner à adopter cette attitude, et que,
tout au contraire, elle ne peut que lui être préjudiciable.
— S'il y a lieu, les mentions relatives à la désignation des immeubles, qui sont exigées pour la
publication de l'assignation « au fichier immobilier 1400 ». L'article 28 du décret n 55-22 du 4 janvier
o

1955 impose en effet la publication, au service chargé de la publicité foncière, des demandes tendant
à obtenir la résolution, la révocation, l'annulation ou la rescision de certaines conventions ou
dispositions à cause de mort, principalement celles portant ou constatant une mutation ou une
constitution de droits réels immobiliers ou un bail d'une durée supérieure à douze années 1401. Ainsi,
l'acquéreur d'un immeuble qui agit en annulation de la vente doit, en principe, publier son assignation
au service du lieu de situation de l'immeuble. Pour ce faire, il doit insérer dans cet acte d'huissier
diverses informations permettant d'identifier l'immeuble 1402.
Toutes ces mentions sont exigées par l'article 56 du Code de procédure civile à peine de nullité.
Est-il utile de rappeler que ces mentions intéressent la forme de l'acte ? C'est dire qu'en application
de l'article 114 du même code, leur inobservation ne peut entraîner sa nullité qu'à charge pour le
défendeur d'établir le grief que lui cause l'irrégularité 1403.

461 Indication des pièces. – En plus des mentions qui viennent d'être citées, l'article 56 du
Code de procédure civile ajoute que l'assignation indique les « pièces sur lesquelles la demande est
fondée. Ces pièces sont énumérées sur un bordereau qui lui est annexé » 1404. Cette obligation n'est
pas sanctionnée par la nullité de l'acte 1405. La raison est toujours la même : à ce stade de la
procédure, il est très difficile au demandeur de déterminer les pièces qu'il devra produire. Leur
nombre dépend de l'attitude qu'adoptera le défendeur à l'égard des faits allégués par le demandeur. Il
est possible que le défendeur reconnaisse tous les faits mis dans le débat par son adversaire,
contestant seulement les conséquences juridiques que celui-ci en déduit. Le demandeur n'a alors
presque aucune pièce à produire. En revanche, si le défendeur conteste chacun de ces faits, le
demandeur doit produire tous les éléments de preuve nécessaires. On remarquera encore que le
demandeur n'est tenu que d'indiquer ces pièces, mais non de les joindre à l'assignation. Elles seront
communiquées à l'adversaire ultérieurement.

462 Diligences en vue d’un règlement amiable. – Le décret nº 2015-282 du 11 mars 2015 a
ajouté à l’article 56 du Code de procédure civile un alinéa qui dispose que « sauf justification d'un
motif légitime tenant à l'urgence ou à la matière considérée, en particulier lorsqu'elle intéresse l'ordre
public, l'assignation précise également les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution
amiable du litige » 1406. Ce texte illustre le souci des pouvoirs publics de favoriser le développement
des modes alternatifs de règlement des litiges tels que la conciliation, la médiation ou la procédure
participative et de voir se multiplier les transactions plutôt que les procès. L’idée des auteurs de la
réforme de mars 2015 est simple : inciter les parties à tenter de régler leur conflit à l’amiable et,
pour cela, obliger le demandeur à indiquer dans son assignation ce qui aura été fait en ce sens. À
première vue, la démarche du pouvoir réglementaire peut paraître dérisoire, voire puérile, car
l’étendue de l’obligation du demandeur est extrêmement limitée. Pour satisfaire aux exigences de ce
nouvel alinéa, il lui suffit sans doute d’indiquer qu’il a vainement téléphoné ou écrit à son adversaire
afin d’obtenir de lui une solution amiable du litige ou l’exécution volontaire de ses obligations.
Proposer oralement ou par un courrier de « rechercher un arrangement » ou une « solution
honorable », c’est déjà agir en vue d’une résolution amiable. Rien ne dit qu’il faille nécessairement
avoir envoyé un protocole d’accord détaillé au défendeur, en recommandé avec avis de réception, ni
lui avoir fait délivrer une sommation interpellative par un huissier de justice en vue de l’ouverture de
négociations. La mention exigée à l’article 56 du Code de procédure civile pourrait donc rapidement
devenir une formule de style. De plus, aucune sanction n’est prévue en cas de non-respect de ce point
du texte : la nullité de l’assignation n’est pas encourue et l’article 127 du même code se borne à
énoncer qu’en cas de non-respect de l’exigence posée à l’article 56, « le juge peut proposer aux
parties une mesure de conciliation ou de médiation ». La belle affaire ! Le juge pouvant déjà, de
manière générale, proposer aux parties de se concilier lors d’un procès 1407, on comprend que
l’article 127 n’apporte strictement rien en droit.
À la réflexion, on peut toutefois penser que l’approche adoptée par le législateur n’est pas si
dérisoire qu’elle y paraît et qu’elle est même bienvenue. Il est certain que l’on ne peut pas forcer à
s’entendre des adversaires qui ne le veulent pas. Des mesures plus autoritaires qui mettraient en
œuvre des procédures plus ou moins bureaucratiques n’auraient pour effet que de faire perdre du
temps et de l’argent aux parties et d’accroître leur exaspération. Au contraire, en demandant
simplement au demandeur d’indiquer les diligences accomplies en vue d’une solution amiable, on
l’amène à s’interroger sur la possibilité d’un arrangement avant d’engager la procédure judiciaire,
sans pour autant lui imposer des négociations formelles qui seraient souvent vouées à l’échec.
Certains entreront en contact avec leur adversaire pour justifier d’un minimum de diligences et il en
ressortira parfois quelque chose de positif. L’intérêt de l’article 127 du Code de procédure civile est
donc essentiellement d’ordre psychologique et il n’est pas dit que cette méthode douce soit inefficace
dans la promotion des modes alternatifs de règlement des conflits.

463 Indications à fournir par le défendeur. – On a vu que, pour l’essentiel, l'assignation avait
pour but d'informer le défendeur sur le procès intenté contre lui. L'obligation de porter tous les
renseignements nécessaires à la connaissance de l'adversaire pèse aussi sur le défendeur. En
particulier, le demandeur peut ne pas connaître l'identité complète du défendeur. C'est pour cette
raison que l'article 59 du Code de procédure civile impose au défendeur, avant toute défense, à peine
d'irrecevabilité, d'indiquer ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de
naissance, s'il s'agit d'une personne physique, sa forme, sa dénomination, son siège social et l'organe
qui la représente, s'il s'agit d'une personne morale. Ces informations que l'on oblige ainsi le
défendeur à fournir, doivent permettre au demandeur, s'il vient à triompher, de notifier valablement la
décision et d'en poursuivre efficacement l'exécution. Il est plus facile de retrouver une personne et de
saisir ses biens quand on connaît précisément son adresse, sa date de naissance, etc.

B. LA REQUÊTE CONJOINTE

464 Définition de la requête conjointe. – La requête conjointe est définie par l'article 57,
alinéa premier, du Code de procédure civile comme « l'acte commun par lequel les parties soumettent
au juge leurs prétentions respectives ». Cette définition fait ressortir les différences qui la distinguent
de l'assignation. D'abord, la loi n'impose pas que ce soit un acte d'huissier, la requête peut être
rédigée sous seing privé par les parties ou par leurs représentants. Ensuite et surtout, il s'agit d'un
acte commun aux deux parties, à la différence de l'assignation qui est un acte unilatéral. Le recours à
la requête conjointe suppose que les parties qui sont en litige parviennent à limiter leur conflit et plus
encore à le maîtriser. Il faut qu'elles parviennent ensemble à déterminer les points litigieux et qu'elles
souhaitent l'une et l'autre que le juge tranche leur différend sur ces points. On peut imaginer, par
exemple, que les parties reconnaissent l'une et l'autre avoir passé un contrat contenant certaines
stipulations et ayant donné lieu à certains actes d'exécution. Le différend ne porte que sur la
conformité de ces actes aux clauses du contrat, en raison d'une divergence sur l'interprétation qu'il
convient de donner à l'une de ses stipulations. L'existence d'un litige même limité montre que la
demande soumise au juge relève de la matière contentieuse. On sait que la requête conjointe est
également utilisée en matière gracieuse. Il convient donc de ne pas confondre les deux situations. Le
recours à la requête conjointe ne peut à elle seule fonder le caractère gracieux de l'instance. La
matière gracieuse se définit par l'objet de la demande qui est de soumettre, en dehors de tout litige, un
acte juridique au contrôle du juge parce que la loi l'impose 1408.
En réglementant la requête conjointe, le législateur s'est visiblement inspiré du compromis
d'arbitrage, qui est l'acte par lequel les parties s'accordent pour soumettre leur différend à un arbitre
et définissent sa mission 1409. La requête conjointe en constitue la transposition devant le juge d'État,
mais son importance pratique demeure très faible 1410. En effet, lorsque les parties s'entendent pour
saisir un juge dans un esprit d'arbitrage, elles ont recours à un véritable arbitre, c'est-à-dire à un
arbitre privé, qu'elles peuvent librement choisir et qui leur assure une discrétion qu'elles ne trouvent
pas en s'adressant aux organes de la justice étatique.

465 Énumération des mentions obligatoires. – Les mentions obligatoires, énumérées par
l'article 57 du Code de procédure civile, reprennent celles déjà vues pour l'assignation, sous réserve
de quelques adaptations à la situation particulière que suppose l'utilisation de la requête conjointe.
Ce sont :
— L'identification complète de chacune des parties, à savoir, ses nom, prénoms, profession,
domicile, nationalité, date et lieu de naissance pour une personne physique, sa forme, sa
dénomination, son siège social et l'organe qui la représente pour une personne morale.
— L'indication de la juridiction devant laquelle la demande est portée.
— S'il y a lieu, les mentions relatives à la désignation des immeubles, qui sont exigées pour la
publication au fichier immobilier.
— L'énoncé des prétentions respectives et des points sur lesquels les parties sont en désaccord,
ainsi que leurs moyens respectifs. Cette mention qu'exige l'article 57 concrétise l'idée que le
différend soumis au juge est un litige maîtrisé, puisque les parties sont à même de préciser dans l'acte
introductif d'instance leurs points de désaccord. Les parties vont indiquer leurs prétentions et les
moyens sur lesquels elles s'appuient. Dans l'exemple déjà indiqué, chacune d'elles exposera à son
tour les raisons qui la conduisent à retenir telle interprétation de la stipulation litigieuse et les
conséquences qu'elle en tire sur leurs obligations respectives. La requête conjointe vaut conclusions,
l'accord des parties sur la détermination de la matière litigieuse leur permettant beaucoup plus
facilement que dans un procès entamé par une assignation un exposé méthodique et complet de ses
éléments.
— La date de l'acte et la signature des parties.
466 Sanction de l'omission des mentions. – L'omission de ces mentions n'est pas sanctionnée
par une nullité de l'acte pour vice de forme mais par une fin de non-recevoir 1411. La différence de
sanction par rapport à celle qui frappe l'inobservation des mentions exigées pour l'assignation
s'explique par l'inadaptation de la nullité pour vice de forme à la présente situation. La requête
conjointe est un acte commun aux deux parties, dans lequel chacune d'elles a déjà développé ses
arguments de fond. Par ailleurs comment pourrait-on prétendre que l'on subit un grief du fait des
irrégularités affectant un acte que l'on a soi-même rédigé ? Par ailleurs, comme pour l'assignation,
l'article 57 du Code de procédure civile prévoit que les parties doivent indiquer les pièces sur
lesquelles la demande est fondée, mais cette obligation n'est pas sanctionnée.
La sanction que prononce l'article 57 pour les mentions essentielles de la requête conjointe donne
l'occasion de revenir sur la notion de fin de non-recevoir. Ce texte montre, de la façon la plus nette
qui soit, qu'il n'existe pas de fin de non-recevoir par nature, que l'on pourrait détecter à partir de ses
seuls éléments constitutifs. La fin de non-recevoir n'est qu'une sanction particulièrement énergique
que le législateur attache à l'inobservation de certaines règles procédurales, parce qu'il le juge bon.
Les mentions relatives à l'identification des parties ne sauraient être de nature différente selon
qu'elles figurent dans une assignation ou dans une requête conjointe. Elles sont pourtant sanctionnées
différemment, parce que les rédacteurs du Code de procédure civile ont estimé que la nullité pour
vice de forme était inadaptée à l'inobservation de ces règles dans une requête conjointe.

467 Énumération des mentions facultatives. – L'article 57-1 du Code de procédure civile
offre aux parties la faculté d'aménager le procès pour le rendre plus proche encore de celui qui peut
se dérouler devant un arbitre privé : en effet, elles peuvent, si elles ne l'ont pas fait dans un acte
antérieur, marquer dans la requête conjointe leur volonté de lier le juge par les qualifications et les
points de droit auxquels elles entendent limiter le débat ou, à l'opposé, manifester la volonté de lui
confier la mission de statuer comme amiable compositeur. Cette faculté ne peut s'exercer que dans les
conditions prévues par l'article 12 du même code 1412, auquel renvoie expressément l'article 57-1.

§ 2. LA SAISINE DU TRIBUNAL

468 Plan. – Une fois réalisé, l'acte introductif d'instance doit être officiellement remis à la
juridiction, pour que celle-ci puisse en connaître et statuer sur les prétentions qu'il contient. C'est
l'objet de la saisine (A). À cette occasion, on relèvera que le secrétariat du tribunal tient divers
registres qui assurent le suivi du procès (B).

A. LA SAISINE ELLE-MÊME

469 Importance de la saisine. – L'assignation et la requête conjointe sont effectuées en dehors


du tribunal. Pour le saisir, les parties doivent procéder à la formalité très simple du placement. Elle
consiste à déposer au greffe une copie de l'acte introductif d'instance, le dépôt pouvant provenir aussi
bien du demandeur que du défendeur, même lorsqu'il s'agit d'une assignation. Les deux autres
modalités d'introduction de l'instance, que sont la présentation volontaire des parties et la déclaration
au greffe, ne demandent pas une formalité spécifique pour la saisine du tribunal, puisque c'est le
même acte qui introduit l'instance et saisit le tribunal 1413.
La saisine a été très longtemps considérée comme une simple formalité administrative sans
importance. Le Code de procédure civile a sensiblement modifié la situation. On peut dire
aujourd'hui que la saisine marque le début de l'instance à l'égard du juge. C'est pourquoi, à défaut de
saisine, le tribunal ne peut statuer sur les prétentions des parties. La saisine a aussi pour effet de
suspendre la prescription qu'a interrompue la demande contenue dans l'acte introductif d'instance. La
prescription ne court pas pendant tout le temps que dure le procès mais, pour que le procès
commence véritablement, il faut que le tribunal soit saisi. Inversement, si l'affaire n'est pas placée, un
nouveau délai de prescription commence en principe à courir à compter de la demande. On verra
cependant que, devant le tribunal de grande instance, le placement de l'affaire doit être réalisé dans
un délai de quatre mois, à peine de caducité de l'assignation 1414. Autant dire que si le placement au
greffe du tribunal de grande instance n'a pas lieu dans ce délai de quatre mois, l'assignation n'aura,
rétroactivement, même pas interrompu le cours de la prescription 1415. Un raisonnement similaire doit
être tenu en cas de caducité de l'assignation devant le tribunal d'instance ou le tribunal de commerce,
pour défaut de remise d'une copie de celle-ci au greffe, au moins huit jours avant la date de
l'audience 1416.

B. LE SUIVI DU PROCÈS PAR LE SECRÉTARIAT

470 Présentation. – À partir du moment où le tribunal est saisi, son secrétariat suit le procès
grâce au répertoire général, au dossier de l'affaire et au registre d'audience, que régissent les
articles 726 à 729 du Code de procédure civile.

471 Inscription des affaires au répertoire général. – Le répertoire général sert à enregistrer
toutes les affaires portées devant le tribunal. Elles y sont inscrites au fur et à mesure que le tribunal
en est saisi. Le secrétaire note la date de la saisine, la nature du procès et attribue à l'affaire un
numéro d'ordre comparable à celui qui est utilisé pour les lois et les décrets. Ce numéro est rappelé
sur tous les actes de procédure, il permet de les rattacher à l'affaire en question. Par la suite, d'autres
mentions sont apposées sur le répertoire général : le secrétaire note la chambre du tribunal à laquelle
l'affaire est distribuée, ainsi que la date et la nature des décisions dont elle fait l'objet. Le répertoire
général était appelé autrefois le registre du rôle. Les praticiens parlent encore fréquemment du rôle
du tribunal et aussi de l'enrôlement des affaires, pour désigner la saisine. L'article 729-1 du Code de
procédure civile, prenant en compte les progrès de l'informatique, autorise la tenue du répertoire sur
support électronique.

472 Contenu du dossier de l'affaire. – Le dossier de l'affaire est une simple chemise qui
regroupe les documents importants de chaque affaire. Sur la chemise sont inscrites les indications qui
figurent au répertoire général, auxquelles il convient d'ajouter le nom des magistrats qui sont chargés
de l'affaire ainsi que celui des conseils et des représentants des parties. Des copies des documents
essentiels de l'affaire y sont insérées après avoir été visées par le juge ou par le greffier. Elles y sont
conservées à la disposition du juge. Sont ainsi versés au dossier l'assignation, la constitution
d'avocat, les conclusions, les rapports d'expert, les ordonnances du juge de la mise en état et les
divers jugements qui peuvent être rendus. Enfin, le dossier sert à relater les actes mineurs du juge.
L'acte est porté oralement à la connaissance des parties et le juge en note l'accomplissement par une
simple mention apposée sur la chemise. C'est de cette façon que sont relatées la majorité des
décisions ordonnant une mesure d'instruction, ou encore le renvoi de l'affaire à un juge chargé de
suivre l'instruction 1417. Le dossier suit l'affaire tout au long de la procédure. Si une voie de recours
est exercée contre le jugement rendu par le tribunal qui a statué au premier degré, le secrétariat de ce
tribunal transmet le dossier à la juridiction saisie de la voie de recours. Le dossier va ainsi, en
s'alourdissant, de juridiction en juridiction.
Comme pour le répertoire général, l'article 729-1 du Code de procédure civile permet la
constitution du dossier sur support électronique. On peut penser que cela ne sera possible que lorsque
tous les actes qui doivent y être versés, tels que les assignations, conclusions des parties ou procès-
verbaux seront eux-mêmes établis sous cette forme 1418. En 2012, on en était encore loin 1419.

473 Relation des audiences dans le registre. – Dans chaque chambre du tribunal, il existe un
registre d'audience qui est tenu par le secrétaire. On l'appelait autrefois le plumitif. Il permet d'abord
d'identifier toutes les affaires qui viennent à l'audience. Il mentionne pour chacune d'elles la date de
l'audience, le nom des juges et du secrétaire, la nature de l'affaire, le nom des parties, l'indication de
celles qui se défendent en personne ou le nom des conseils et des représentants des parties à
l'audience. Le registre d'audience contient aussi des indications relatives au déroulement de
l'audience. Il indique si celle-ci s'est tenue publiquement ou non, il relate les incidents qui ont pu se
produire ainsi que les décisions auxquelles ils ont pu donner lieu, il mentionne les jugements qui ont
été prononcés. À la fin de chaque audience, il est signé par le président de la chambre et le
secrétaire. L'article 729-1 autorise la tenue du registre sur support électronique, ce qui suppose que
ces personnes soient dotées d'une signature électronique.

§ 3. LA COMMUNICATION AU MINISTÈRE PUBLIC

474 Plan. – La communication au ministère public intéresse les affaires dans lesquelles celui-
ci est partie jointe et non partie principale, c'est-à-dire les affaires dans lesquelles il n'est pas une
véritable partie qui adresserait de véritables demandes au juge. Il n'est alors appelé, en tant que
« partie » jointe, qu'à donner un avis autorisé et objectif, qui s'ajoute aux positions légitimement
partisanes des plaideurs. Cette matière qui est régie par les articles 424 à 429 du Code de procédure
civile appelle des développements successifs sur les diverses sortes de communication (A), puis sur
les modalités de l'avis que donne le ministère public (B).

A. LES DIVERSES SORTES DE COMMUNICATION

475 Diversité des communications. – La communication peut être légale, facultative ou


judiciaire. La communication légale correspond aux cas dans lesquels la loi dispose que l'affaire doit
être communiquée au ministère public, à peine de nullité du jugement 1420. L'article 425 du Code de
procédure civile énumère deux séries de litiges où la communication est obligatoire : d'une part les
affaires relatives à la filiation, à l'organisation de la tutelle des mineurs, à l'ouverture ou à la
modification des mesures judiciaires de protection juridique des majeurs ; d'autre part, les
procédures de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaires, les causes relatives à la
responsabilité pécuniaire des dirigeants sociaux et les procédures de faillites personnelles ou
relatives à certaines sanctions (liées aux procédures collectives). Il résulte du dernier alinéa de
l'article 425 que cette liste n'est pas limitative, puisqu'il énonce que la communication doit encore
avoir lieu lorsque la loi dispose que le ministère public doit faire connaître son avis 1421.
Ponctuellement, d'autres textes prévoient également la communication du dossier au ministère public.
On peut citer, à titre d'exemple, l'article 303 du Code de procédure civile relatif aux procédures
d'inscription de faux contre les actes authentiques.
La communication facultative, prévue par l'article 426 du Code de procédure civile a lieu à
l'initiative du ministère public, qui peut toujours obtenir communication d'une affaire qui l'intéresse et
dans laquelle il souhaite pouvoir faire connaître son opinion au tribunal. Les motifs pour lesquels le
ministère public obtient la communication du dossier sont très divers, ils peuvent être juridiques ou
ne pas l'être.
La communication judiciaire, prévue par l'article 427 du Code de procédure civile constitue
comme le pendant de la communication facultative. Le juge communique un dossier au ministère
public parce qu'il souhaite obtenir son avis sur cette affaire.
Quelle qu'en soit la cause, la communication a lieu à la diligence du juge 1422. Le Code de
procédure civile n'est guère précis sur le moment où elle doit être effectuée. L'article 428 énonce
seulement qu'elle doit intervenir « en temps voulu pour ne pas retarder le jugement », l'article 429
ajoutant que le ministère public est avisé de la date de l'audience 1423. Il semble souhaitable que le
ministère public puisse suivre le développement de l'affaire et donc qu'il ait connaissance du dossier
dès le début de l'instruction.

B. L'AVIS DONNÉ PAR LE MINISTÈRE PUBLIC

476 Conclusions du ministère public. – Le ministère public à qui une affaire est communiquée
peut faire connaître son avis oralement ou par écrit. Dans les deux cas, on parle de conclusions. En
principe, le choix lui appartient 1424. Par exception, la loi lui impose parfois une forme donnée pour
ses conclusions. Par exemple, en matière de mesure judiciaire d'aide à la gestion du budget familial,
l'article 1200-7 du Code de procédure civile lui enjoint de donner un avis écrit 1425. Parfois, à
l'inverse, elle l'oblige à assister à l'audience 1426. D'un point de vue pratique, l'avis du ministère
public revêt une importance très inégale. Parfois, il est purement formel, se réduisant à une signature
apposée sur le dossier ou au prononcé à l'audience d'une formule sans portée 1427. En revanche, dans
une affaire de principe, il peut s'agir d'une analyse extrêmement fouillée des données de fait et de
droit du litige, qui pourra être ensuite publiée dans les revues juridiques. Pour les parties, l'avis du
ministère public peut aussi être décisif, en apportant de l'eau au moulin de l'une et en prenant position
contre les prétentions de l'autre. C'est pourquoi ses conclusions écrites, lorsqu'elles existent, doivent
être mises à la disposition des parties. Cependant, la Cour de cassation estime que les prescriptions
en ce sens de l'article 431, alinéa 2, du Code de procédure civile sont respectées si cette mise à
disposition a lieu simplement à l'audience 1428. Certes, la Cour ajoute que le jugement doit constater
que les parties ont eu communication des conclusions du ministère public et des éventuelles pièces
jointes et qu'elles ont eu la possibilité d'y répondre 1429, ce qu'autorise normalement la technique des
notes en délibéré. On peut tout de même regretter que la jurisprudence n'aille pas jusqu'à exiger que
ces documents soient communiqués suffisamment tôt pour que les parties puissent en prendre
connaissance avant l'ouverture des débats. Comme l'écrit M. Perrot, « une chose est de répondre par
une note en délibéré, autre chose est de combattre oralement à l'audience un avis défavorable du
ministère public 1430 ».

§ 4. LES DÉBATS ORAUX


477 La place de la plaidoirie. – Les débats oraux ne revêtent plus la même importance
qu'autrefois. La plaidoirie a été très longtemps l'acte majeur de l'avocat. À défaut d'instruction
préalable, tout ou presque tout se jouait à l'audience. Aujourd'hui, il faut distinguer selon le type de
procédure. Lorsque la procédure est orale, les débats oraux conservent une importance certaine,
même s'ils ont été préparés par des conclusions écrites. En effet, les parties ne sont pas liées par ces
écrits, elles peuvent encore à l'audience présenter de nouvelles demandes ou soulever de nouveaux
moyens. Si, en outre, le tribunal n'est pas composé de magistrats professionnels, la parole de l'avocat
est sans doute plus à même de causer une impression sensible dans l'esprit des juges. Lorsque la
procédure est écrite, les débats oraux se trouvent ramenés à une moindre importance. L'affaire a été
préalablement instruite et les parties sont tenues par leurs écritures. La plaidoirie ne permet donc pas
de renouveler les données du litige et l'essentiel est constitué par les conclusions écrites qu'ont
rédigées les représentants des parties 1431.
Cette évolution ne doit pas être regrettée. Parce qu'elle permet une étude plus précise et plus
juridique du procès, la procédure écrite est toujours et par principe préférable à la procédure orale.
En matière civile, la procédure orale ne peut être tenue que pour un mal nécessaire, commandé par le
souci de permettre aux parties de se défendre elles-mêmes. Est-ce à dire que la plaidoirie est appelée
à disparaître ? Il est de fait qu'elle n'est que très peu pratiquée devant la Cour de cassation : la
technicité et la précision du contentieux de la cassation exigent des mémoires écrits. Par ailleurs,
devant les juridictions du fond, les audiences entraînent une perte de temps considérable pour les
magistrats et pour les avocats, aggravée pour ces derniers par l'organisation gérontocratique des
barreaux 1432. Il serait pourtant excessif de supprimer tout exposé oral des affaires. La plaidoirie
permet de débrouiller et d'expliquer les points essentiels d'un litige complexe 1433 et ce n'est donc pas
forcément un luxe inutile, même quand les parties ont déposé des conclusions écrites. Il faut savoir
que, bien souvent, à l'exception du juge de la mise en état, du juge rapporteur ou du président de la
formation, les magistrats présents découvrent l'affaire à l'audience, leur charge de travail leur
permettant rarement de se plonger à l'avance dans les écritures des parties. Les plaidoiries ont alors
pour fonction de les préparer à la lecture du dossier. L'avocat va s'efforcer de synthétiser l'affaire et
d'attirer l'attention du tribunal sur ce qui lui apparaît décisif pour la défense des intérêts de son client.
Quand, de surcroît, le client est présent dans la salle, celui-ci pourrait ne pas comprendre que son
avocat ne plaide pas 1434.
Cela étant, devant les juges du fond, y compris dans des procédures orales comme celle du
tribunal d'instance, il arrive que des avocats décident de ne pas plaider. Ils se bornent alors à
remettre leur dossier au juge, au début de l'audience, lors de l'appel des causes 1435. Ceci leur permet,
ainsi qu'au tribunal, d'économiser un temps précieux qu'ils pourront consacrer à l'étude d'autres
dossiers. Cette pratique a été entérinée, sous une forme un peu différente, pour le tribunal de grande
instance, par le décret n 2005-1678 du 28 décembre 2005. En vertu de l'article 779 du Code de
o

procédure civile, le président ou le juge de la mise en état, s'il a reçu délégation à cet effet, peut
décider, à la demande des avocats, qu'il n'y aura pas de plaidoirie. Dans ce cas, il autorise le dépôt
des dossiers au greffe, à une date qu'il fixe. Cette règle conduit à un résultat un peu différent de la
pratique du dépôt à l'audience, car la décision est prise avant même l'audience des débats, le dépôt se
fait au greffe et seul le tribunal de grande instance est concerné. Mais elle illustre une certaine
désacralisation de la plaidoirie, dont il n'y a sans doute pas lieu de se plaindre 1436.
L'énoncé des règles régissant les débats oraux (A) précédera l'étude de leur sanction (B).

A. L'ÉNONCÉ DES RÈGLES RÉGISSANT LES DÉBATS ORAUX


478 Division. – L'essentiel des règles régissant les débats oraux se rapporte à la publicité des
débats (1), ainsi qu'aux plaidoiries et aux conclusions qui sont prononcées à l'audience (2).

1. La publicité des débats

479 Principe de la publicité des débats. – L'article 433 du Code de procédure civile,
reprenant ainsi l'article 22 du même code, pose en principe que les débats sont publics. La solution
est traditionnelle et il est à peine besoin de la justifier : la justice doit normalement se rendre en
public et la solution inverse aurait pour effet de susciter le soupçon. Le principe, consacré par divers
textes internationaux 1437, n'appelle donc pas d'autres développements. Chacun est libre de passer une
après-midi à l'audience du tribunal ou de la cour.
Il reste à étudier les exceptions, c'est-à-dire les cas où les débats se déroulent hors la présence du
public, en chambre du conseil 1438. Les exceptions à la publicité des débats résultent d'une loi au sens
formel. Le Conseil d'État a justement estimé que la publicité des débats constituait un principe
général du droit et qu'il n'appartenait qu'au législateur « d'en étendre ou d'en restreindre les
limites 1439 ». Sur un plan pratique, cette décision n'a eu aucune incidence. L'article 11-1 de la loi
n 72-626 du 5 juillet 1972, dans la rédaction que lui a donnée la loi n 75-596 du 9 juillet 1975, a
o o

repris les dispositions antérieures et, pour des raisons de commodité, le texte de la loi a été recopié
dans l'article 435 du Code de procédure civile. La lecture de ces textes conduit à distinguer les
affaires qui doivent être débattues en chambre du conseil de celles qui peuvent l'être.

480 Affaires devant être débattues en chambre du conseil. – Aux termes de l'alinéa premier
de l'article 11-1 de la loi, outre les demandes relevant de la matière gracieuse 1440, doivent être
débattues en chambre du conseil les affaires relatives à l'état et à la capacité des personnes
déterminées par décret. Le législateur ne les a donc pas déterminées lui-même, mais a confié ce soin
au pouvoir réglementaire qui a largement utilisé l'habilitation qui lui était conférée. Pour la grande
majorité de ces affaires, un texte réglementaire prévoit effectivement qu'elles seront débattues en
chambre du conseil : par exemple, l'article 1149 du Code de procédure civile pour les demandes
relatives à la filiation et aux subsides, l'article 1208 pour celles relatives à la délégation et au retrait
total ou partiel de l'autorité parentale, ou encore l'article 248 du Code civil (qui est un texte
législatif) pour les demandes en divorce et en séparation de corps. Il reste cependant qu'il faut une
disposition particulière pour qu'une affaire d'état ou de capacité des personnes doive être débattue
hors la présence du public.

481 Affaires pouvant être débattues en chambre du conseil. – L'article 11-1, alinéa 3, de la
loi, que recopie l'article 435 du Code de procédure civile, ajoute que le juge peut encore décider que
les débats auront lieu ou éventuellement se poursuivront en chambre du conseil dans trois cas :
— si la publicité des débats doit porter atteinte à l'intimité de la vie privée. Pour un grand nombre
d'affaires, comme le divorce ou la filiation, cette disposition est inutile : elles sont déjà couvertes par
l'alinéa 1 de l'article 11-1 de la loi et, à ce titre, échappent automatiquement à la publicité des
er

débats. En revanche, ce premier cas de l'alinéa 3 permet éventuellement de soustraire à une curiosité
malsaine des affaires de presse mettant en jeu les droits de la personnalité ou encore des procès
successoraux dans lesquels est discutée la moralité d'un testament ;
— si toutes les parties le demandent. Il peut paraître curieux, au premier abord, qu'un principe
général du droit soit ainsi mis à la disposition des parties. La volonté du législateur a été de
permettre à des plaideurs légitimement soucieux de discrétion de pouvoir porter leurs différends
devant les tribunaux d'État au lieu de les soumettre à un arbitre privé : un procès peut mettre en jeu
des secrets d'affaires, liés par exemple à la stratégie commerciale des deux parties, qu'aucune d'elles
ne souhaite voir portée à la connaissance du public. Comme les autres dispositions relevant de la
même inspiration, cette possibilité paraît quelque peu illusoire, ne serait-ce que parce que les parties
ne disposent pas d'un droit à la chambre du conseil. La décision appartient au juge ;
— s'il survient des désordres de nature à troubler la sérénité de la justice. En temps ordinaire, la
présence du public constitue une garantie de bonne justice. Mais, il peut arriver qu'elle devienne une
menace, lorsque le public essaie d'influer sur le sort du procès. Il est légitime de manifester son
opinion dans la rue, mais les banderoles et les slogans n'ont pas leur place dans le tribunal. En cas de
besoin, la chambre du conseil peut devenir un refuge pour une justice plus sereine.
À ce propos, il convient d'ajouter que les articles 438 et 439 du Code de procédure civile
confient au président de la chambre la police de l'audience. Il peut adresser des injonctions à ceux
qui perturberaient son déroulement et, le cas échéant, ordonner leur expulsion.

2. Les plaidoiries et les conclusions orales

482 Fixation de la date l'audience. – La date de l'audience est fixée par le président de la
chambre ou du tribunal, puis portée à la connaissance des parties, selon les modalités propres à
chaque tribunal 1441. L'heure en est également fixée « dans la mesure où le déroulement de l'audience
le permet » ; en pratique, le juge se contente d'indiquer l'heure du début de l'audience. En cas de
besoin, les débats peuvent se poursuivre au cours d'une audience ultérieure. L'ouverture des débats
marque un moment déterminant pour ce qui est de la composition du tribunal. En effet, l'article 432,
alinéa 2, du Code de procédure civile dispose qu'à compter de l'ouverture des débats oraux, la
composition du tribunal ne doit plus varier. Ce sont les juges devant lesquels l'affaire a été débattue
qui doivent en délibérer, puis statuer sur elle 1442. En cas de changement dans la composition du
tribunal, pour quelque cause que ce soit, les débats doivent être repris.

483 Déroulement des plaidoiries. – Les plaidoiries forment la partie essentielle des débats
oraux. Elles sont prononcées après que le juge chargé du rapport a procédé à la lecture de celui-
ci 1443. Le demandeur s'exprime en premier, puis le défendeur 1444. En général, ce sont les avocats des
parties qui parlent pour elles. Cependant, l'article 441 du Code de procédure civile prévoit la faculté
pour les parties de s'exprimer elles-mêmes. Même si en pratique elle est peu utilisée, il est bon que
le justiciable dispose ainsi d'une possibilité d'accès direct à la justice. Ce droit ne disparaît pas
devant le tribunal de grande instance et la cour d'appel : les avocats y disposent du monopole de la
plaidoirie, mais uniquement à l'encontre des autres professionnels du droit. Les parties peuvent donc
présenter elles-mêmes des observations à l'appui de leurs prétentions, ce qui ne va pas sans risques.
C'est pourquoi le président peut leur retirer la parole « si la passion ou l'inexpérience les empêche de
discuter leur cause avec la décence convenable ou la clarté nécessaire 1445 ». Les pouvoirs du
président ne concernent pas seulement les parties, mais aussi les avocats. L'article 440 du Code de
procédure civile dit avec élégance qu'il peut leur retirer la parole « lorsque la juridiction s'estime
éclairée ». Est-il besoin d'indiquer que le président ne doit user de ce pouvoir qu'avec la plus
extrême circonspection ? Mais il peut arriver que ce soit le seul moyen de mettre fin à un bavardage
qui deviendrait interminable.
Les plaidoiries consistent le plus souvent en des monologues successifs qui sont prononcés, sans
interruption du juge ou de l'adversaire, par les conseils des parties qui les ont soigneusement
préparés. En disposant que les juges « peuvent inviter les parties à fournir les explications de droit
ou de fait qu'ils estiment nécessaire ou à préciser ce qui paraît obscur », l'article 442 du Code de
procédure civile montre que le législateur a imaginé la possibilité de recourir à une autre forme de
débats. Les juges y reprendraient, en présence des avocats, le dossier préalablement étudié, en leur
posant des questions précises sur tels ou tels points qui leur paraissent appeler des explications. De
leur côté, les avocats ne procéderaient pas à l'exposé complet du litige, ils attireraient seulement
l'attention des juges sur quelques points sensibles de leur dossier. Cette forme plus souple de débats
oraux ne semble pour l'instant que peu pratiquée. La raison première en est sans doute qu'elle modifie
trop profondément les habitudes des divers partenaires de la justice. À cela il faut ajouter que les
magistrats sont souvent débordés, à tel point qu'en général ils découvrent le contenu du dossier à
l'audience, ce qui justifie que les plaidoiries soient assez détaillées. La forme des débats découlant
de l'article 442 mériterait pourtant d'être généralisée, à la suite d'une concertation entre tous les
intéressés au niveau d'un tribunal ou peut-être d'une cour d'appel.

484 Conclusions orales du ministère public. – Les conclusions du ministère public supposent
que celui-ci soit seulement partie jointe. Lorsqu'il est partie principale, il prend la parole à son tour
comme demandeur ou défendeur. L'article 443 du Code de procédure civile dispose que « le
ministère public, partie jointe, a le dernier la parole », ce texte ajoutant que, « s'il estime ne pas
pouvoir prendre la parole sur-le-champ, il peut demander que son audition soit reportée à une
prochaine audience ».
Le choix du moment où le ministère public prononce ses conclusions n'est pas heureux, au moins
dans certains cas. Lorsque les conclusions sont de pure forme ou qu'elles reprennent l'argumentation
de l'une des parties, il importe peu que son représentant parle en premier ou en dernier. En revanche,
la règle de l'article 443 est très gênante lorsque le ministère public s'écarte des moyens développés
par les parties et, examinant le litige sous un angle nouveau, propose un raisonnement juridique
différent. Les parties ne peuvent reprendre la parole après lui. Il n'est pourtant pas envisageable
qu'elles ne puissent pas discuter les moyens qu'il a pu développer. Les rédacteurs du Code de
procédure civile ont trouvé une solution, qui est un peu bancale, consistant à permettre aux parties, à
titre exceptionnel, de déposer une note en délibéré pour répondre aux arguments du parquet 1446. En
réalité, il n'existe aucune raison solide de donner la parole en dernier au ministère public ; tout au
contraire ce choix perturbe inutilement les parties. La meilleure solution consisterait sans doute, dans
les procédures écrites qui sont celles où le dossier lui est le plus fréquemment communiqué, à
décider que le parquet doit faire connaître à l'avance ses moyens aux parties. À tout le moins serait-il
préférable qu'il prenne la parole avant les parties.

B. LA SANCTION DES RÈGLES RÉGISSANT LES DÉBATS ORAUX

485 Nullités édictées par les textes. – La sanction des règles qui viennent d'être étudiées est
régie par les articles 437 et 446 du Code de procédure civile. Ce dernier texte énumère d'abord les
règles dont l'inobservation est sanctionnée par la nullité du jugement. Il s'agit, d'une part, des
articles 432, alinéa 2, et 444, alinéa 2, qui imposent aux juges de reprendre les débats si la
composition du tribunal vient à changer au cours des débats ou du délibéré, et, d'autre part, des
articles 433 à 435 qui indiquent quand les débats doivent se dérouler en audience publique ou en
chambre du conseil.
486 Régime de la nullité. – Le régime de la nullité présente une forte originalité. D'abord, le
prononcé de la nullité n'est pas subordonné à l'établissement d'un grief, car il ne s'agit pas d'actes
adressés par l'une des parties à l'autre, mais d'obligations que la loi impose au juge dans le but
d'assurer un bon déroulement du procès. Leur sanction peut donc être indépendante de tout grief, dont
la preuve serait d'ailleurs très délicate dans la grande majorité des cas. Cependant, ce que le
législateur paraît donner d'une main, il s'empresse de le reprendre de l'autre.
En effet, l'article 446, alinéa 2, dispose en deuxième lieu qu'aucune nullité « ne pourra être
ultérieurement soulevée pour inobservation de ces dispositions si elle n'a pas été invoquée avant la
clôture des débats 1447. » Cette disposition, dont l'esprit est critiquable, tend à éviter qu'un plaideur,
qui a perdu en dernier ressort 1448, ne soit tenté de rechercher systématiquement, à tête reposée, une
irrégularité procédurale susceptible de fonder un moyen de cassation. À ce moment-là, il est trop
tard. Le plaideur devait invoquer le moyen au cours même des débats 1449, c'est-à-dire à un moment
où, selon toute vraisemblance, son attention se portait davantage sur le fond du procès.
À supposer même que le plaideur ait pensé à invoquer l'irrégularité au moment où les débats se
déroulent, rien n'empêche le juge de régulariser la situation. Lorsque l'irrégularité consiste en un
changement de la composition du tribunal, il suffit de reprendre les débats devant les nouveaux juges
pour éviter l'annulation de la décision. Lorsque c'est le déroulement public ou non public des débats
qui fait l'objet de l'incident, l'article 437 permet une régularisation encore plus simple. Ce texte
dispose que le président se prononce sur-le-champ sur les mérites de l'incident et, surtout, il ajoute
que, « si l'audience est poursuivie sous sa forme régulière, aucune nullité fondée sur son déroulement
antérieur ne pourra être ultérieurement prononcée ». Autrement dit, il n'est même pas nécessaire de
reprendre la partie des débats qui se sont déroulés de façon irrégulière.
Le résultat concret de cette règle, voulu par les rédacteurs du texte, est qu'on trouve très peu de
décisions cassées en raison de la violation des règles qui viennent d'être énoncées. Les cassations
sont d'autant plus rares que les articles 437 et 446 disposent expressément que la nullité doit être
proposée par les parties et qu'elle ne peut pas être relevée d'office par le juge. Pour qu'une décision
puisse être cassée, il faut imaginer qu'une partie pense à soulever l'irrégularité en temps utile et que
le président refuse de reprendre ou de continuer les débats régulièrement, parce qu'il estime à tort
qu'il n'existe aucune irrégularité 1450. Il est permis de penser qu'une telle réglementation est
hypocrite 1451 et qu'il serait préférable de poser ouvertement que ces règles ne sont pas sanctionnées
par la nullité du jugement : le résultat serait à peu près le même et le Code de procédure civile ferait
l'économie de quelques articles.

487 Autres cas de nullité. – Il convient d'ajouter, pour terminer sur ce point, que la liste des
formalités sanctionnées par la nullité, que donne l'article 446 du Code de procédure civile, n'est pas
limitative. La Cour de cassation frappe de la même sanction l'inobservation d'autres règles, par
exemple celle de l'article 443, selon laquelle le ministère public doit prendre la parole le dernier 1452.
Il en va de même des règles concernant les débats oraux qui découlent du principe de la contradiction
entre les parties 1453. Leur violation entraîne la nullité du jugement, sans grief et sans qu'il faille se
soumettre aux dispositions restrictives de l'article 446, alinéa 2.
La clôture des débats marque la fin de l'activité procédurale des parties à l'intérieur d'une
instance. Désormais, l'affaire est en état d'être jugée et cette mission incombe au juge seul.

SECTION II
LE JUGEMENT

488 Sens du mot jugement. – Le jugement constitue le moment essentiel de l'instance dont il
est à la fois le but et le dénouement : il en est le but parce que l'activité procédurale des parties, au
moins celle du demandeur, est destinée à l'obtenir ; et le dénouement parce que le jugement met fin à
l'instance : il en est la cause normale d'extinction.
L'emploi même du mot jugement doit se faire avec quelques précautions. Dans le jugement, c'est
une lapalissade, le juge décide ; il décide de retenir l'existence de certains faits dont il déduit
l'applicabilité de telle règle de droit, et il en tire telle conséquence. Ce faisant, il émet une
manifestation de volonté à laquelle la loi attache des effets de droit. Le jugement est donc un acte
juridique, au sens de negotium, il est la manifestation de volonté par laquelle le juge tranche tel ou
tel point litigieux qui lui est soumis. Compte tenu de son importance pratique, il est évident que ce
negotium est soumis par la loi à des conditions de forme particulières. Le jugement est donc aussi le
titre ou l'instrumentum qui contient la décision prise par le juge. Le mot jugement recèle donc la
même ambiguïté que le mot contrat ou le mot acte. Cette situation ne va pas sans inconvénients. Dans
le langage commun, le mot désigne le titre plutôt que la décision : le jugement, c'est le papier signé
par le juge au nom de la République française. Il faut néanmoins garder présent à l'esprit que, dans
les textes du Code de procédure civile, tantôt la règle vise l'instrumentum, tantôt elle vise le
negotium. Il convient encore de préciser que le même instrumentum peut contenir plusieurs
décisions : le juge rend autant de jugements (au sens de negotia) qu'il existe de demandes différentes
qui lui sont soumises.

489 Terminologie. – En tant que negotium, le mot jugement peut encore être pris en divers
sens. Dans un sens large, le mot désigne toutes les décisions prises par un organe juridictionnel,
quelle que soit cette décision. À l'inverse, dans un sens étroit, le jugement ne comprend que les
décisions prises par un tribunal d'État du premier degré. Le jugement peut alors être alors opposé à
trois autres sortes de décisions : les arrêts qui sont pris par les juridictions supérieures, les
ordonnances qui émanent d'un juge statuant en son nom personnel, et les sentences qui sont prises par
un juge arbitral.
C'est une acception intermédiaire qu'ont retenue les rédacteurs du Code de procédure civile. Le
mot jugement désigne les décisions rendues par les juridictions non répressives de l'ordre judiciaire
(jugements, arrêts ou ordonnances) à l'exception des seules mesures d'administration judiciaire,
qu'exclut l'article 499 du Code de procédure civile. En revanche aucun texte ne distingue entre les
jugements contentieux ou gracieux. Sous réserve de quelques aménagements 1454, les règles qui seront
énoncées dans ce développement s'appliquent donc aux deux sortes de décision, cette solution étant
au demeurant celle qu'appelle leur commune nature juridictionnelle. Les dispositions concernant le
jugement figurent dans les titres XIV et XV du livre premier, soit les articles 430 à 526. Il s'agit de
dispositions applicables à toutes les juridictions. À quelques détails près, les mêmes règles jouent
pour un jugement de tribunal de grande instance, pour une ordonnance de président du tribunal
paritaire des baux ruraux ou pour un arrêt de cour d'appel 1455.
Seront successivement étudiés la confection du jugement (sous-section 1), puis le jugement rendu
(sous-section 2).
Sous-section 1
La confection du jugement

490 Plan. – Étudier la confection du jugement, c'est se demander comment est « fabriqué » un
jugement, dont il vient d'être dit que c'était le travail spécifique du juge, une fois que les parties ont
exposé toutes leurs prétentions et tous leurs arguments. Après l'énoncé des règles régissant la
confection du jugement (§ 1), sera indiquée la sanction de ces règles (§ 2).

§ 1. L'ÉNONCÉ DES RÈGLES RÉGISSANT LA CONFECTION DU JUGEMENT

491 Différentes étapes de la confection. – La confection du jugement peut être décomposée en


trois moments : le délibéré (A), la rédaction (B) et enfin le prononcé (C).

A. LE DÉLIBÉRÉ

492 Division. – Le délibéré a, comme son nom l'indique, pour objet de permettre aux juges de
décider de la solution à laquelle ils vont s'arrêter (1). Les rédacteurs du Code de procédure civile ont
voulu que ce temps de réflexion ne soit pas troublé par des initiatives des parties. Cependant, ils
n'ont pas pu interdire absolument les notes en délibéré (2).

1. La prise de décision

493 Modalités du délibéré. – La réflexion qui va permettre aux juges d'arrêter leur décision est
régie par les articles 447 à 450 du Code de procédure civile. L'article 447 détermine les personnes
qui peuvent seules participer au délibéré : il s'agit du ou des juges devant lesquels l'affaire a été
débattue. Cette règle explique qu'en cas de modification dans la composition du tribunal, les débats
doivent être recommencés 1456. Elle connaît une exception lorsque, devant le tribunal de grande
instance ou devant le tribunal de commerce 1457, les débats se déroulent devant un seul juge, à charge
pour lui d'en rendre compte au tribunal dans son délibéré.
Le délibéré peut se dérouler selon trois modalités différentes, très inégalement utilisées. Le ou les
juges, devant lesquels l'affaire vient d'être débattue, peuvent d'abord délibérer sur le siège : dans ce
cas, ils rendent immédiatement leur décision sans même s'être retirés. En pratique, le délibéré sur le
siège ne s'emploie guère en matière civile, si ce n'est toutefois par le juge des référés. Les juges
peuvent aussi délibérer en chambre du conseil. Les juges se retirent alors quelques moments en
chambre du conseil, suspendant l'audience pendant le temps qui est nécessaire pour qu'ils prennent
leur décision. Le plus souvent, les juges adoptent une troisième modalité qui consiste à renvoyer le
prononcé du jugement à une autre audience pour un « plus ample délibéré ». La loi laisse le soin au
juge de fixer la durée du délibéré 1458 et, le cas échéant, de la reporter s'il a été trop optimiste 1459.
L'article 450 du Code de procédure civile dispose seulement que le président doit indiquer aux
parties la date à laquelle le jugement sera rendu 1460. Bien que très simple, la règle appelle quelques
précisions. Il faut d'abord souligner qu'elle n'intéresse que la troisième modalité de délibéré. S'il est
évident qu'elle ne peut concerner la première modalité, il n'en va pas de même pour la deuxième. Les
conseils des parties, voyant que les magistrats ne délibèrent pas sur le siège, peuvent penser que les
juges ont choisi de renvoyer le prononcé de la décision à une prochaine audience et que le président
a omis d'en indiquer la date. En réalité, il se peut aussi qu'à la fin de l'audience les juges se retirent
en chambre du conseil puis reviennent rendre des jugements relatifs à des litiges débattus le jour
même. Compte tenu de la rédaction de l'article 450, il est certain que le président n'est pas tenu
d'indiquer aux parties quand il rendra le jugement 1461. Néanmoins, cette solution est malcommode
pour les avocats 1462, et on peut penser que le président fera bien en leur indiquant son intention de
recourir à cette modalité assez rare de délibéré. L'article 450 du Code de procédure civile constitue
généralement pour les parties le seul moyen de connaître la date à laquelle est rendu le jugement
tranchant leur litige. Ce texte est particulièrement important pour elles chaque fois que le délai pour
exercer une voie de recours contre le jugement commence à courir à compter de son prononcé. Cela
suppose qu'elles en aient connaissance 1463. La Cour de cassation décide donc que, si cette formalité
n'est pas sanctionnée par la nullité du jugement, son inobservation fait que le délai ne commence à
courir que du jour où les parties ont eu connaissance du jugement, c'est-à-dire en pratique du jour où
le jugement est notifié 1464. Le non-respect, par les juges, de la prescription de l'article 450 n'est donc
guère préjudiciable aux parties, mais il nuit aux objectifs d'accélération de la procédure que poursuit
le législateur lorsqu'il décide de faire courir le délai d'exercice de la voie de recours à compter du
prononcé de la décision 1465.

494 Décision à la majorité. – L'article 449 du Code de procédure civile dispose que « la
décision est rendue à la majorité des voix ». Jusque dans les années 1970, il existait des règles
détaillées sur la façon dont devaient être recueillies les opinions des juges participant au délibéré. Il
n'en va plus de même aujourd'hui. Cette question est abandonnée à la pratique de chaque tribunal.
Pour qu'une majorité puisse se dégager plus facilement, l'article L. 121-2 du Code de l'organisation
judiciaire prévoit simplement que, sauf disposition particulière, les juges statuent en nombre impair.
Le conseil de prud'hommes échappe à la règle de l'imparité 1466, ce qui suscite des risques importants
de partage des voix. Le législateur résout cette difficulté en décidant qu'en cas de partage le tribunal
siégera de nouveau, en formation impaire, complété par un juge départiteur qui est un juge du tribunal
d'instance 1467.
Enfin, il résulte de l'article 448 du Code de procédure civile que le délibéré est secret. Seuls
donc y assistent les juges qui doivent statuer 1468. Même le greffier ne peut assister au délibéré 1469. Le
secret du délibéré entraîne aussi cette conséquence qu'un juge ne peut faire connaître ce qui a pu se
dire au cours du délibéré. En particulier, un membre d'une juridiction collégiale ne peut faire
connaître son opinion si elle ne correspond pas à celle qui a été finalement retenue par la
majorité 1470.

2. Les notes en délibéré

495 Principe de l'interdiction des notes en délibéré. – Les notes déposées par les parties en
cours de délibéré étaient largement admises avant le Code de procédure civile. Elles constituaient
une mauvaise solution. Normalement, tout aurait dû être dit à l'issue des débats oraux. Ces notes
retardaient sans raison l'issue du procès. Parfois même, elles donnaient à une partie l'occasion de
susciter un coup de théâtre en soulevant un moyen gardé secret jusqu'au dernier moment. Ces abus se
trouvent aujourd'hui combattus par l'article 445 du Code de procédure civile qui dispose qu'« après
la clôture des débats, les parties ne peuvent déposer aucune note à l'appui de leurs observations ». Le
juge doit donc refuser de la prendre en compte.
Cette règle n'est cependant pas absolue. L'article 445 énonce deux hypothèses dans lesquelles les
parties peuvent valablement adresser au tribunal des notes en délibéré. La première, qui a déjà été
signalée 1471, permet aux parties de répondre aux arguments développés par le ministère public dans
ses conclusions. En second lieu, le président peut, même après la clôture des débats, inviter les
parties à fournir, dans une note en délibéré, les explications de fait ou de droit qu'il estime
nécessaires. Cette possibilité convient particulièrement lorsque, au cours du délibéré, le tribunal
décide de soulever d'office un moyen nouveau. La note en délibéré permet au tribunal de respecter le
principe de la contradiction à l'égard du juge. Le tribunal peut aussi, aux termes de l'article 444 du
code, décider de rouvrir les débats. La réouverture des débats permet aux parties de s'expliquer plus
longuement ; en revanche, elle retarde davantage l'issue du procès. Bien que les textes soient muets
sur ce point, le choix de l'une ou l'autre de ces deux possibilités dépend de l'importance du moyen
que le tribunal entend soulever 1472. Quand le président retient la solution de la note en délibéré, il
doit veiller à ce que les parties respectent entre elles le principe de la contradiction, ce qui implique
qu'elles se communiquent leur note et qu'elles puissent répondre aux arguments qui y sont
contenus 1473.
En dehors même de ces hypothèses, l'article 444 du Code de procédure civile dispose, de façon
générale, que le président peut ordonner la réouverture des débats. Ce pouvoir peut inciter une partie
à tenter de tourner l'interdiction posée par l'article 445. La partie soumet au juge une note en délibéré,
en espérant que le juge acceptera d'en tenir compte, ce qu'il ne peut faire qu'en rouvrant les débats ou
en demandant aux parties de s'expliquer, par une note, sur le point qui fait précisément l'objet de celle
qui a déjà été déposée. C'est là un jeu risqué. Le président peut ne pas prendre la note en compte,
sans avoir besoin de s'en expliquer, puisque son dépôt est en principe interdit 1474.
Enfin, il a été jugé qu'au nom d'un principe de « loyauté des débats », le juge ne pouvait pas
« écarter (...) les notes et pièces produites en cours de délibéré », lorsqu'elles avaient pour but de
l'informer sur des éléments récemment découverts par l'intéressé et que l'autre partie avait omis de
révéler 1475. Bien sûr, dans un tel cas, le juge doit certainement rouvrir les débats voire, dans les
procédures écrites, révoquer l'ordonnance de clôture de l'instruction.

B. LA RÉDACTION DU JUGEMENT

496 Présentation. – En raison de son importance, le jugement est soumis à des règles très
strictes pour ce qui est de sa rédaction : c'est l'instrumentum, tel qu'il est alors rédigé, que les parties
invoqueront par la suite au soutien de leurs droits. L'usage révèle à sa façon l'importance de la
rédaction du jugement : même dans le langage juridique, le mot jugement désigne plus ordinairement
l'instrumentum que le negotium, plus le papier que la décision qui y est contenue 1476.
Le texte original du jugement est appelé la minute, du mot latin minuta qui signifie petit.
Autrefois, l'original était rédigé en petits caractères pour être plus commodément conservé dans les
registres de la juridiction, alors que la première copie destinée aux parties, qui devait pouvoir être
lue plus facilement, était écrite en plus gros caractères, d'où son nom de grosse. Aujourd'hui, si les
textes ont abandonné le terme disgracieux de grosse 1477, ils parlent encore de la minute, alors
pourtant que les jugements sont dactylographiés et que les caractères utilisés pour l'original sont de
même taille que ceux utilisés pour les copies destinées aux parties.
Les énonciations que contient le jugement peuvent être classées en deux catégories. D'une part,
figurent un certain nombre de mentions que l'on peut qualifier de procédurales : ce sont des mentions
qui se rapportent au titre lui-même ou à son élaboration et qui sont destinées à assurer sa régularité au
regard des règles de procédure (1). D'autre part, le jugement contient des énonciations qui se
rapportent à l'objet de l'acte du juge, c'est-à-dire au fond de l'affaire (2) : le titre énonce la décision
que prend le juge sur les prétentions que lui ont soumises les parties.

1. Les énonciations procédurales du jugement

497 Les énonciations formelles. – Parmi les énonciations procédurales du jugement, certaines
constituent des exigences formelles au sens strict du terme. Pour ainsi dire, la loi les exige pour elles-
mêmes. Elles doivent figurer dans le jugement, parce que le législateur le veut, même s'il ne
sanctionne pas toujours leur omission par la nullité de la décision 1478. Les énonciations purement
formelles qu'exige le Code de procédure civile sont énumérées par les articles 454 et 456. Le
jugement indique d'abord qu'il est rendu au nom du peuple français. Il contient ensuite des indications
destinées à identifier le litige : la juridiction dont il émane ; le nom des juges qui en ont délibéré ; sa
date ; le nom du représentant du ministère public s'il a assisté aux débats ; le nom du « secrétaire »
(le greffier) ; les nom, prénoms ou dénomination des parties ainsi que leur domicile ou siège social ;
le cas échéant, le nom des avocats ou de toute personne ayant représenté ou assisté les parties. Enfin,
le jugement doit être signé par le président et le greffier. Si le président est empêché, mention de cet
empêchement doit en être faite sur la minute, qui est alors signée par un autre juge ayant délibéré de
l'affaire 1479.
Modifié en 2012, l’article 456 du Code de procédure civile précise désormais que le jugement
peut être établi sur support électronique aussi bien que sur support papier. Ceci suppose la mise en
place d’un système de signature électronique sécurisé et la publication à venir d’arrêtés du ministre
de la Justice 1480.

498 Les énonciations relatives à la procédure suivie. – Le jugement ne comporte pas que des
énonciations formelles voulues par la loi. On y trouve également des mentions se rapportant à la
procédure qui s'est achevée par son prononcé. Elles servent à établir que la procédure s'est déroulée
régulièrement, c'est-à-dire que les règles procédurales de fond qui devaient être respectées l'ont bien
été. De manière générale, ces énonciations sont nées de la pratique des tribunaux. L'exemple le plus
classique en la matière est celui de l'indication de la communication du dossier au ministère public
dans les cas où cette communication est obligatoire. Ce qui est exigé par des textes, dans certains cas,
c'est la communication elle-même. Mais pour établir que cette règle de fond de la procédure a été
respectée, le meilleur moyen consiste à en faire mention dans le jugement et c'est ce que font
habituellement les juges.
D'autres exemples de ce genre de mentions peuvent encore être cités. L'article 454 du Code de
procédure civile pose la règle de forme selon laquelle le jugement doit mentionner le nom des juges
qui ont délibéré de l'affaire, tandis que l'article 447 pose la règle de fond en vertu de laquelle ce sont
les juges qui ont assisté aux débats qui délibèrent de l'affaire. Pour établir que cette règle de fond a
été observée et que les juges n'ont pas changé entre l'audience et le délibéré, le plus simple est
d'indiquer, après avoir satisfait à la prescription de l'article 454, que ce sont ces mêmes juges qui ont
assisté aux débats. Le jugement peut aussi indiquer le nom du juge qui l'a prononcé, ce qui permet de
s'assurer du respect de l'article 452 du Code de procédure civile. Dans un autre ordre d'idée, pour
établir que le juge qui a soulevé d'office un moyen a satisfait aux dispositions de l'article 16 du Code
de procédure civile, il suffit d'indiquer que les parties ont été invitées à présenter leurs observations
sur ce moyen.
2. Les énonciations du jugement touchant au fond de l'affaire

499 Trois sortes d'énonciations. – De l'article 455, alinéa 1 , du Code de procédure civile, il
er

ressort que le jugement doit, en principe, exposer succinctement les prétentions respectives des
parties et leurs moyens et qu'il doit être motivé. L'alinéa 2 ajoute que la décision est énoncée sous
forme de dispositif. Le jugement doit donc contenir trois sortes d'énonciations qu'il convient
d'examiner successivement.
a) Les prétentions respectives des parties et leurs moyens

500 Énonciations relatives aux prétentions et aux moyens des parties. – L'obligation pour le
juge d'énoncer les prétentions respectives des parties et leurs moyens fait qu'à la seule lecture du
jugement, on peut connaître les points essentiels du litige. Il a déjà été indiqué que les prétentions
étaient constituées par l'objet des demandes et des défenses présentées par les parties 1481, et les
moyens par les raisonnements de fait et de droit invoqués au soutien des prétentions. D'un point de
vue pratique, cet exposé n'offre donc qu'un intérêt assez limité.
C'est sans doute pour cette raison que le décret du 28 décembre 1998, qui a modifié le Code de
procédure civile sur un certain nombre de points, a inséré une nouvelle phrase dans l'alinéa 1 de
er

l'article 455 : désormais, cet exposé des prétentions et moyens « peut revêtir la forme d'un visa des
conclusions des parties avec l'indication de leur date ». Autrement dit, le juge peut se dispenser
d'effectuer l'exposé que la loi attend de lui, en renvoyant son lecteur aux conclusions des parties. Le
tiers intéressé y trouvera alors toutes informations utiles quant à l'objet de leurs demandes et aux
raisonnements de fait et de droit sur lesquels elles se fondaient. Évidemment, la compréhension de la
décision de justice n'en sera pas facilitée pour le public, lequel n'a pas forcément accès aux
conclusions des parties. Mais, à la décharge des auteurs de la réforme de 1998, il faut reconnaître
qu'en général la lecture des motifs d'un jugement ou d'un arrêt, pourvu qu'ils soient suffisamment
développés, permet à elle seule de comprendre la décision. La possibilité d'échapper à l'obligation
d'exposer les moyens et prétentions des parties libère ainsi le magistrat d'un travail fastidieux et
coûteux en temps, sans qu'il en découle une atteinte sensible aux garanties des justiciables.
On ne saurait, pour autant, inciter les juges à recourir à cette facilité, car l'exposé des moyens et
prétentions des parties présente tout de même un intérêt pour eux. Il peut leur éviter deux vices
susceptibles d'affecter leur décision : l'infra ou l'ultra petita d'une part, qui consiste pour un juge à
omettre de statuer sur une demande ou à l'inverse à accorder ce qui ne lui avait pas été demandé 1482,
et le défaut de réponse à conclusions d'autre part, consistant à omettre d'examiner les mérites d'un
moyen présenté par une partie 1483. En pratique, il est fréquent que les juges cumulent les possibilités
offertes par l'article 455, en exposant succinctement les prétentions et moyens des parties tout en
visant leurs conclusions. Mais s'ils n'exposent pas tous les moyens et prétentions des parties, ils
doivent prendre soin d'indiquer correctement la date des dernières conclusions déposées, car la Cour
de cassation, faisant une application stricte de l'article 954, alinéa 3 1484, du Code de procédure
civile, censure impitoyablement les décisions qui, lorsqu’elles n'exposent pas tous les moyens et
prétentions des parties, visent des conclusions antérieures 1485.
Lorsqu'il y est procédé par le juge, l'exposé des prétentions et des moyens des parties n'est soumis
à aucune formule sacramentelle (on remarquera d'ailleurs que l'article 455 n'exige qu'un exposé
succinct). En pratique, le magistrat s'acquitte de son obligation dans la première partie de sa décision
intitulée le plus souvent « faits et prétentions des parties », les « faits » relatés dans cette première
partie étant les faits indiscutés, ceux sur lesquels les parties s'accordent. Ensuite seulement
commence la partie du jugement dans laquelle le juge va donner son opinion, c'est-à-dire motiver la
décision qu'il retiendra finalement.
b) Les motifs du jugement

501 La valeur du principe de la motivation. – La motivation du jugement constitue une


garantie essentielle pour les justiciables 1486. C'est l'un des droits de la défense et, à ce titre, il est
permis d'y voir un « droit fondamental à caractère constitutionnel », cette qualification ayant été
attribuée globalement aux droits de la défense par le Conseil constitutionnel 1487. De plus, la Cour
européenne des droits de l'homme rattache la motivation des décisions de justice à l'exigence d'un
procès équitable posée par l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de
l'homme 1488. À travers cette jurisprudence, l'obligation de motiver est élevée à la dignité de « droit
de l'homme ». On comprend cette consécration quand on se penche sur les diverses raisons d'être du
principe de la motivation.

502 L'utilité de la motivation. – D'abord, l'obligation de motiver a la vertu de dissuader le


juge de statuer de façon arbitraire ou partiale. Ensuite, elle l'oblige à élaborer un raisonnement
rigoureux pour fonder sa décision. De ce fait, elle est à même d'éviter ou au moins de limiter les
soupçons du justiciable quant au caractère non arbitraire de la décision ou à l'impartialité du juge. De
plus, elle permet aux parties d'apprécier les chances de succès d'un éventuel recours.
Secondairement, la motivation facilite le contrôle des juridictions supérieures et la création d'une
jurisprudence. Il convient cependant de remarquer qu'en droit français, la motivation des jugements
est relativement récente 1489. Dans notre Ancien droit, les décisions des juges n'étaient généralement
pas motivées, ce qui contribuait pour une bonne part à en rendre la lecture difficile : l'étrangeté du
style utilisé pour le seul exposé de la procédure et des prétentions, suivi du dispositif lui-même
rédigé en termes sibyllins, ne peut que dérouter les juristes d'aujourd'hui 1490. L'obligation générale de
motiver les jugements résulte de la loi des 16 et 24 août 1790, laquelle a été complétée et reprise
ultérieurement par d'autres textes, notamment par l'article 455 du Code de procédure civile.
Toutefois, même assortie d'une sanction telle que la cassation, la simple obligation de fournir des
motifs à l'appui du dispositif des décisions de justice n'aurait pas suffi à garantir l'utilité de la
motivation. Encore fallait-il exiger une motivation « suffisante » et ne pas se contenter de motifs
superficiels ou de pure forme. Dans le silence des textes, la Cour de cassation a donc développé, dès
le début du XIX siècle, un contrôle du caractère suffisant des motifs. Concrètement, à la cassation
e

pour défaut de motifs, prévue par la loi, mais assez peu fréquente en pratique, elle a ajouté la
cassation pour insuffisance de motifs (ou manque de base légale), création purement prétorienne 1491.

503 La généralité du principe de motivation. – En principe, tous les jugements doivent être
motivés, quel que soit le degré de la juridiction qui statue et, de même, il importe peu qu'il s'agisse
d'une juridiction de droit commun ou d'une juridiction d'exception. L'obligation de motiver ne connaît
que quelques rares exceptions. On peut citer, à titre d'exemples, le jugement prononçant l'adoption 1492
et celui prononçant le divorce pour faute, si les conjoints le demandent 1493. À côté de ces exceptions
légales, on trouve quelques exceptions d'origine prétorienne, dont le bien-fondé est extrêmement
discutable : c'est ainsi que la Cour de cassation dispense le juge de motiver les ordonnances portant
injonction de payer 1494. Par ailleurs, chaque fois qu'elle reconnaît un pouvoir discrétionnaire aux
juges du fond, elle les dispense par là même de toute motivation, et l'on ne peut que constater, avec
étonnement et regret, que le nombre de ces cas ne cesse d'augmenter, au détriment de cette garantie
essentielle pour les droits des justiciables qu'est la motivation 1495. Les hauts magistrats ont-ils
conscience que c'est une conquête essentielle de la Révolution qui se trouve ainsi grignotée par
négligence ou par facilité ?

504 Motivation en fait et en droit. – La motivation figure dans la deuxième partie du


jugement, généralement intitulée « discussion ». Les expressions utilisées dans la pratique ne doivent
pas induire en erreur. La « discussion », même si elle vient après la partie consacrée aux « faits », ne
porte pas que sur la motivation juridique de la décision. On a déjà dit que les faits énoncés dans la
première partie de la décision étaient ceux qui n'étaient pas litigieux. Il faut insister maintenant sur
l'importance de la motivation en fait. Le juge ne dit pas seulement le droit : il dit aussi et même
d'abord le fait. La Faculté donne peut-être trop facilement l'impression, dans ses exercices, que les
faits sont constants et qu'il suffit de les constater. Dans la réalité, la matérialité et la compréhension
(non juridique) des faits sont souvent discutées avec acharnement par les parties, par exemple dans
les affaires de construction ou de divorce : la femme a-t-elle trompé son mari parce qu'il la battait ou
le mari a-t-il battu sa femme parce qu'elle le trompait ? Il appartient au juge de dire quel est, selon
lui, le fait qui s'est réellement produit, compte tenu des éléments de preuve dont il dispose. Ce sont
ces faits qui seront revêtus de l'autorité de chose jugée et sur lesquels raisonnera le juge de cassation.
Il est même fréquent qu'une fois les faits décidés par le juge du fond, le reste du procès ne suscite
plus de difficultés. Aussi est-il permis de dire qu'à certains égards, la motivation en fait est plus
importante que la motivation en droit. Cette dernière peut d'ailleurs être suppléée par la Cour de
cassation 1496, mais rien ne peut sauver une décision qui n'énonce pas les faits essentiels à la solution
du litige 1497.
Cela étant, on a pu défendre l'opinion selon laquelle l'obligation de motiver ne portait pas
seulement sur les faits, mais aussi, dans une mesure limitée, sur le droit 1498. À l'appui de cette
opinion, on peut relever qu'historiquement l'exigence de motivation a porté d'abord sur les motifs de
droit et ensuite, seulement, sur ceux de fait. Ainsi, en 1790, motiver, c'était préciser la règle dont on
faisait application. Les textes actuels ne distinguant pas entre les deux types de motivation, il n'y a
sans doute pas lieu de réduire la motivation aux questions de fait. Ubi lex non distinguit... De
surcroît, la motivation a pour fonction de faire comprendre la décision du juge au justiciable, ce qui
suppose généralement un raisonnement en fait et en droit, car les seuls motifs de fait ne permettent pas
toujours de savoir quelle règle les juges du fond ont entendu appliquer et donc quel raisonnement ils
ont tenu. On peut alors craindre que les juges, confrontés à une question de droit trop épineuse, aient
opté pour la fuite et omis de statuer en droit. C'est précisément dans ce genre de situations que l'on
rencontre parfois des arrêts dans lesquels la haute Juridiction sanctionne, par la cassation, ce qui
semble bien constituer des cas d'insuffisance de motifs de droit 1499. Cela se produit, heureusement, de
manière tout à fait exceptionnelle, car il est généralement possible, à travers les motifs de fait et
comme par « transparence », d'identifier la règle que les juges ont appliquée.

505 La motivation par référence et l'adoption de motifs. – Il faut signaler que le souci de
gagner du temps pousse parfois les magistrats à motiver leur arrêt ou jugement par référence à une
précédente décision. En principe, une telle pratique n'est pas valable, du moins lorsque la décision à
laquelle il est fait référence a été rendue dans une instance distincte 1500. En effet, lorsqu'il motive,
« le juge doit se déterminer d'après les circonstances particulières du procès et non par voie de
référence à des causes déjà jugées 1501 ». Toutefois, la Cour de cassation semble faire preuve de plus
de tolérance lorsqu'il est fait référence aux motifs d'une décision rendue précédemment, au cours de
la même instance 1502. Pareillement, il est traditionnellement admis qu'une cour d'appel procède par
adoption des motifs du jugement entrepris, dès lors qu'ils ne sont pas contraires aux siens 1503.
L'article 955 du Code de procédure civile va même plus loin, puisqu'il énonce qu'en cas de
confirmation, la cour d'appel est « réputée avoir adopté les motifs » du jugement qui seraient non
contraires aux siens. Elle n'a même plus, alors, à préciser qu'elle adopte les motifs des premiers
juges. C'est implicite 1504.
Si l'on peut comprendre l'utilité de l'adoption des motifs, pour des juges surchargés de travail, on
peut tout de même regretter le manque de lisibilité de l'arrêt, qui est ainsi « motivé ». Car, en réalité,
il ne s'agit pas, à proprement parler, d'une forme de motivation. Il s'agit bien plus d'un substitut à une
authentique motivation. Pour comprendre les raisonnements qui ont conduit au dispositif de la
décision, il est en effet nécessaire de se reporter à un autre jugement. La décision n'est plus
entièrement compréhensible par elle-même.

506 La motivation par reproduction des conclusions d'une partie. – Il arrive fréquemment
que les juges soient convaincus de la pertinence des moyens développés par une partie dans ses
conclusions. Les magistrats sont alors tentés de reprendre à leur compte ces moyens et d'en faire les
motifs de leur décision en les recopiant purement et simplement. Cette pratique n'est pas rare et, à la
décharge des juges, il faut reconnaître qu'exprimer différemment ce qu'un plaideur a parfaitement
énoncé constitue un exercice de style chronophage et quelque peu hypocrite. Cependant, il est
dangereux de procéder ainsi. En effet, la Cour de cassation estime qu'en se bornant, au titre de la
motivation de leur décision, « à reproduire sur tous les points en litige les conclusions » d'une partie,
les juges du fond statuent « par une apparence de motivation pouvant faire peser un doute légitime sur
l'impartialité de la juridiction ». La cassation est donc encourue pour violation de l'article 6-1 de la
Convention européenne des droits de l'homme 1505. S'il n'est pas interdit de reprendre certains moyens
d'un plaideur, il convient donc que les juges mettent un peu d'eux-mêmes dans les motifs de leur
décision et paient ainsi leur tribut à l'exigence d'impartialité objective.

507 Motifs préétablis et motifs allégés. – Un pas supplémentaire vers l'abandon d'une
véritable motivation est franchi avec la technique des motifs préétablis. Là encore dans le souci de
gagner du temps, certaines juridictions ont, en effet, adopté des formules de jugements dont les motifs
étaient partiellement prérédigés, ce qu'a admis la Cour de cassation 1506. Il y a sans doute lieu de le
regretter, même si cette pratique est restée cantonnée à des domaines limités. Mais sans doute faut-il
craindre davantage la tentation récurrente de certains magistrats et du pouvoir réglementaire de
recourir à un allègement de la motivation, dans l'espoir d'accélérer le cours de la justice sans avoir à
en augmenter les moyens 1507. Ainsi, en 1982, a-t-on proposé d'alléger sensiblement les motifs des
jugements des tribunaux d'instance rendus par défaut, ainsi que ceux des jugements réputés
contradictoires des tribunaux de grande instance 1508. De même, en 1997, a-t-il été envisagé d'atténuer
les exigences légales relatives à la motivation en réponse aux conclusions des parties 1509. La
Chancellerie n'a finalement pas suivi ces recommandations. On ne peut que s'en réjouir car, quelle
que soit l'ampleur de l'allégement imaginé, il ne saurait aller dans le sens d'une meilleure garantie des
droits des justiciables. On ne transige pas impunément avec les principes fondamentaux.
c) Le dispositif du jugement
508 Dispositif et motif décisoire. – Le dispositif du jugement contient la décision proprement
dite. En énonçant dans l'article 455 que « le jugement énonce la décision sous forme de dispositif »,
les rédacteurs du Code de procédure civile ont voulu combattre la pratique antérieure des motifs
décisoires. L'hypothèse est la suivante : les mérites d'une demande sont discutés dans les motifs du
jugement et, à la fin de la discussion, le juge indique encore dans un motif quelle est, compte tenu de
ce qui a été dit, la solution qu'il convient de retenir. Par la suite, le juge omet de reprendre, dans le
dispositif, la décision qu'il a énoncée dans les motifs. Quelle valeur doit-on reconnaître à cette partie
de décision égarée dans les motifs ? Sous l'empire de l'ancien Code de procédure civile, la
jurisprudence décidait de façon constante que la décision pouvait être contenue aussi bien dans un
motif que dans le dispositif, d'où le nom de motif décisoire donné à cette partie de la décision 1510.
Désormais, il n'en va plus ainsi, les textes du code actuel dénient toute valeur aux motifs décisoires.
Que ce soit pour la qualification du jugement 1511 ou pour l'autorité de chose jugée 1512, les
articles 544 et 480 du Code de procédure civile ne visent que les jugements qui « tranchent dans leur
dispositif » tel ou tel point du litige.
La solution imposée par les nouveaux textes ne peut qu'être approuvée. Le jugement a pour
destinataire le justiciable et ce dernier doit pouvoir trouver facilement, dans le papier qui lui est
remis, les éléments de la décision qui l'intéressent. Le seul moyen d'y parvenir est de rassembler tous
les chefs de la décision en un seul endroit auquel le plaideur devra prêter toute son attention.
Inversement, il est mauvais que le justiciable soit dans la situation d'avoir à rechercher si une partie
de la décision ne s'est pas perdue au détour d'un motif. Certes, d'un point de vue purement et
abstraitement intellectuel, la solution retenue par le Code de procédure civile n'est pas tout à fait
satisfaisante, puisqu'elle conduit à ne pas tenir compte d'une partie de la décision, correspondant
pourtant à la volonté réelle du juge. Mais elle est commandée par la sécurité qui ne peut être assurée,
on le constate une fois de plus, que par une solution formaliste. L'existence d'un motif décisoire
n'entraîne pas la nullité du jugement. La seule sanction est que le motif décisoire ne vaut pas décision.
Il faut considérer qu'aucune décision n'a été prise sur les points qui ne sont pas tranchés dans le
dispositif 1513.

C. LE PRONONCÉ DU JUGEMENT

509 Importance du prononcé. – Le prononcé du jugement présente une importance pratique


certaine. On peut dire qu'il constitue la naissance officielle du jugement qui était jusque-là comme en
gestation. Cette naissance se manifeste de trois façons. D'abord, aux termes de l'article 453 du Code
de procédure civile, c'est le prononcé du jugement qui lui confère sa date et, pour certaines voies de
recours, comme le contredit de compétence, le délai commence à courir à compter du prononcé du
jugement 1514. En deuxième lieu, certaines nullités du jugement doivent être soulevées au moment
même du prononcé du jugement 1515. Enfin, le seul prononcé d'un jugement définitif lui confère
l'autorité de la chose jugée en même temps qu'il dessaisit le juge 1516.

510 Prononcé public ou non public. – La réglementation en matière de prononcé du jugement


porte d'abord sur son caractère public ou non. L'article 11-2 de la loi n 72-626 du 5 juillet 1972,
o

repris par l'article 451 du Code de procédure civile, opère une distinction entre les jugements
contentieux et les jugements gracieux. Pour les premiers, le principe est qu'ils sont prononcés en
audience publique, alors que les seconds le sont en chambre du conseil. La solution retenue par ce
texte montre qu'il ne faut pas établir de parallèle entre le déroulement des débats et le prononcé du
jugement 1517. En matière contentieuse, dans la grande majorité des affaires donnant lieu à des débats
en chambre du conseil, le prononcé du jugement est public. À titre d'exemple, l'article 1149 du Code
de procédure civile dispose que « les actions relatives à la filiation et aux subsides sont instruites et
débattues en chambre du conseil », mais il indique aussi que « le jugement est prononcé en audience
publique ». Pareillement, si l'article 248 du Code civil prévoit que les débats ne sont pas publics en
matière de divorce, celui-ci est tout de même publié par mention en marge de l'acte de mariage et des
actes de naissance des parties 1518, après avoir été prononcé publiquement en vertu de l'article 1074,
alinéa 2, du Code de procédure civile. À l'inverse, la plupart des autres décisions en matière
familiale sont non seulement instruites et jugées mais également rendues en chambre du conseil 1519.

511 Personnes participant au prononcé. – Avant l'actuel Code de procédure civile, la règle
était que le jugement devait être prononcé en présence de tous les juges qui en avaient délibéré. La
règle, qui ne s'expliquait guère que par une idée déplacée de méfiance entre les juges, était
inutilement contraignante en ce qu'elle obligeait des magistrats qui ne devaient pas assister aux débats
à venir à l'audience uniquement pour assister au prononcé des jugements. La règle posée aujourd'hui
par l'article 452 du Code de procédure civile est beaucoup plus simple : « le jugement prononcé en
audience est rendu par l'un des juges qui en ont délibéré, même en l'absence des autres ». Il suffit
donc, pour éviter tout dérangement inutile, que la formation qui doit assister aux débats le jour où les
jugements sont rendus comprenne l'un des juges qui en ont délibéré. L'article 452 précise qu'il n'est
pas davantage nécessaire que le ministère public soit présent au prononcé, même si l'affaire lui a été
communiquée. A fortiori, en va-t-il de même des parties. Il leur est loisible de venir, mais leur
absence, même si elle provient de l'inobservation des dispositions de l'article 450 du Code de
procédure civile, ne peut entraîner la nullité du jugement 1520. L'objet du prononcé lui-même a été
simplifié, puisque l'article 452 du Code dispose qu'il peut se limiter au dispositif. Même ainsi réduit
à l'essentiel, il semble que le prononcé soit assez largement malmené par les juges qui se contentent
parfois d'énoncer qu'ils rendent tel ou tel jugement sans en indiquer le contenu. De plus, depuis un
décret du 20 août 2004, l'alinéa 2 de l'article 450 autorise le président, au terme des débats, à aviser
les parties « que le jugement sera prononcé par sa mise à disposition au greffe (...), à la date qu'il
indique ». C'est dire qu'il n'y aura alors, de fait, ni publicité du prononcé, ni même prononcé 1521 !

§ 2. LA SANCTION DES RÈGLES RÉGISSANT LA CONFECTION DU JUGEMENT

512 Présentation. – La sanction des règles régissant la confection du jugement confronte le


législateur à la difficulté, déjà rencontrée à propos des actes de procédure, d'avoir à prendre en
compte deux considérations contradictoires. D'un côté, il est certain que le jugement est la pièce
maîtresse du procès. Son importance, qui conduit à doter sa confection d'une réglementation
minutieuse pour conférer le maximum de garanties aux justiciables, incite aussi à sanctionner
strictement les irrégularités qui pourraient être commises. Mais, d'un autre côté, on peut craindre
qu'un plaideur ne mette à profit des sanctions trop sévères pour mener ce qu'on peut appeler avec
M. Perrot des combats d'arrière-garde. Pour les actes de procédure, le législateur a tenté de concilier
ces impératifs en subordonnant le prononcé de la nullité pour vice de forme à la preuve du grief
suscité par l'irrégularité. Cette solution n'est pas reprise pour le jugement, parce qu'il n'est pas,
comme l'acte de procédure, fait par ou, au moins, pour les parties. Mais, pour éviter qu'un nombre
trop important de jugements soient annulés, le législateur a eu recours à la même technique consistant
à soumettre le prononcé de la sanction à un régime très étroit (B), qui contraste avec le nombre
relativement important de causes de nullités (A).

A. LES CAUSES DE NULLITÉ

513 Énumération des causes de nullité. – Les deux alinéas de l'article 458 du Code de
procédure civile énumèrent les textes dont les dispositions sont exigées à peine de nullité du
jugement. Ce sont : l'article 447, qui dispose qu'il appartient aux juges devant lesquels l'affaire a été
débattue d'en délibérer et que ces juges doivent être en nombre au moins égal à celui que prescrivent
les règles relatives à l'organisation judiciaire ; les articles 451 et 452, qui régissent le prononcé du
jugement ; l'article 454, qui énumère les mentions formelles que doit contenir le jugement, mais
uniquement pour ce qui est du nom des juges qui en ont délibéré ; l'article 455, alinéa 1 , qui oblige
er

les juges à exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens et à motiver
le jugement ; l'article 456, qui régit la signature du jugement par le président et le greffier.
À la lecture de l'article 458 du Code de procédure civile, on se rend compte que la liste qu'il
fournit n'est pas homogène. Certaines causes de nullité du jugement sont des vices de forme qui
entachent l'instrumentum de cet acte. C'est le cas de l'article 456 lorsqu'il dispose que le jugement
doit être signé par le président et le greffier et qu'en cas d'empêchement du président, mention en est
faite sur l'acte. La règle régit le jugement lui-même, en tant qu'instrumentum. À l'opposé, le prononcé
du jugement (public ou non et par un juge ayant participé au délibéré), prévu par les articles 451
et 452, ne touche pas au titre matériel qu'il constitue. C'est un élément de la procédure qui se rapporte
au jugement, mais qui, à strictement parler, n'en fait pas partie. La violation des règles posées par ces
deux textes s'analyse en une irrégularité de fond de la procédure. Les autres éléments de la liste
peuvent eux aussi être classés dans l'une ou l'autre catégorie. La règle de l'article 447, sur la
composition du tribunal pendant les débats et le délibéré, est extérieure au titre. C'est une règle de
fond de la procédure. En revanche, les articles 454 et 455 imposent la présence de certaines
énonciations dans l'instrumentum. Ils posent des règles de forme.
Lorsque l'article 458 du Code de procédure civile vise la violation d'une règle de forme en la
sanctionnant par la nullité du jugement, on doit ou l'on devrait logiquement considérer que
l'énonciation exigée est une mention ad validitatem 1522. En effet, si le législateur a assorti certaines
de ses exigences de la sanction de la nullité, c'est qu'il a estimé que les mentions en cause étaient
toujours et par principe nécessaires pour assurer la validité du jugement, comme il le fait pour les
actes notariés ou pour les actes d'huissier. Dans le cas contraire, il ne prévoit pas la nullité ou même
il l'exclut. C'est ce que fait l'article 458 à propos de mentions telles que le nom du greffier ou celui
des avocats. Elles sont exigées, mais pas à peine de nullité. Il ne s'agit donc pas de conditions de
validité du jugement 1523. Certaines mentions ont également une fonction probatoire, en ce sens
qu'elles permettent de vérifier qu'une règle procédurale de fond a été respectée 1524. Si le jugement est
entaché de nullité, ce n'est donc pas en raison de la méconnaissance de ces formalités ad
probationem, mais parce que la règle procédurale de fond a été méconnue.

514 Caractère limitatif de la règle ? – La liste de l'article 458 du Code de procédure civile
est-elle limitative ? Pour ce qui est des règles qui régissent directement l'instrumentum, on peut
penser qu'elle l'est. Si le législateur a indiqué que certaines mentions devaient figurer dans le
jugement à peine de nullité, il est raisonnable d'en déduire que la cassation n'est pas encourue en cas
d'omission des autres mentions. Par principe, on ne doit pas étendre le domaine des nullités de
jugements pour vice de forme au-delà de ce que décide la loi. Tout au plus faut-il réserver le cas d'un
jugement qui présenterait une anomalie importante, si rare ou si curieuse que les rédacteurs du Code
de procédure civile auraient omis de l'indiquer ou d'en prévoir la sanction.
En revanche, la question ne peut pas être posée dans les mêmes termes lorsqu'il s'agit des règles
procédurales de fond visées par l'article 458. Ce texte ne fait qu'énumérer les éléments de la
procédure les plus proches du jugement, dont l'inobservation entraîne la nullité de celui-ci. Il ne
signifie pas que les éléments plus lointains de la procédure demeurent sans influence sur la validité
du jugement. Pour ces éléments, l'article 458 n'apporte aucune réponse et la jurisprudence a eu à
trancher au cas par cas. C'est ainsi, par exemple, qu'elle a décidé qu'un jugement est nul lorsque le
dossier n'a pas été communiqué au ministère public alors que l'on se trouve dans un cas de
communication légale 1525. De façon générale, il convient de se demander, à propos de chaque
exigence procédurale de fond, si elle est suffisamment importante pour que son inobservation doive
être sanctionnée par la nullité du jugement : la liste de l'article 458 ne permet que d'identifier celles
qui se rapportent à la période de confection du jugement.

B. LE RÉGIME DE LA NULLITÉ

515 Demande en nullité et voie de recours. – Avant d'étudier les divers procédés qui tendent
à restreindre le nombre de jugements annulés, il convient d'indiquer l'existence de la règle posée par
l'article 460 du Code de procédure civile, qui sera étudiée plus longuement par la suite 1526, selon
laquelle « la nullité d'un jugement ne peut être demandée que par les voies de recours prévues par la
loi ». À la différence des autres actes juridiques et notamment des contrats, le jugement ne peut pas
faire l'objet d'une demande principale en nullité, qui donnerait lieu à un nouveau procès distinct et
indépendant de celui au cours duquel il a été rendu. Concrètement, il en résulte d'abord que la
demande en nullité se trouve enfermée dans le délai très bref de la voie de recours elle-même, en
général un mois pour l'appel, deux mois pour le pourvoi en cassation. La règle comporte encore cette
conséquence que le prononcé de la nullité présente un intérêt très différent selon que la voie de
recours entraîne la dévolution complète du litige ou qu'elle ne permet au juge supérieur que de statuer
en droit. C'est ainsi que dans la première hypothèse, aux termes de l'article 562 du Code de
procédure civile, l'appel en vue d'obtenir la nullité ne produit pas plus d'effet qu'un appel général 1527.
En revanche, en cas de pourvoi, la Cour de cassation ne peut qu'annuler la décision attaquée et
renvoyer l'examen de l'affaire devant un autre juge du fond.
Cette indication étant donnée, le régime de la nullité du jugement présente deux traits originaux
qui seront abordés successivement. D'une part, la possibilité de se prévaloir de certaines causes de
nullité se trouve limitée dans le temps par le Code de procédure civile. D'autre part, il existe des
règles destinées à permettre de sauver une décision dont la régularité est discutée.

516 Le moment pour se prévaloir de l'irrégularité. – Le procédé consistant à limiter le


moment pour se prévaloir de l'irrégularité (que l'on a déjà rencontré à propos de la sanction des
débats oraux 1528) est de nouveau mis en œuvre par l'article 458, alinéa 2, du Code de procédure
civile. Ce texte dispose en effet : « Aucune nullité ne pourra être ultérieurement soulevée ou relevée
d'office pour inobservation des formes prescrites aux articles 451 et 452 si elle n'a pas été invoquée
au moment du prononcé du jugement par simples observations dont il est fait mention au registre
d'audience ». Les articles 451 et 452, on l'a vu, régissent le caractère public ou non public du
prononcé du jugement et déterminent le juge qui peut prononcer le jugement.
Le but recherché est de supprimer en pratique la nullité du jugement pour une raison touchant à
son prononcé. Au moment du prononcé du jugement, les conseils des parties pensent davantage au
contenu du jugement qu'à la façon dont la formalité est accomplie. Le fait est que les quelques arrêts
de la Cour de cassation que l'on rencontre sur ce sujet sont presque tous des arrêts qui déclarent
irrecevable le moyen tiré de la violation des articles 451 et 452, faute qu'on se soit prévalu de la
nullité en temps utile 1529. Le procédé est condamnable parce qu'il est hypocrite. Il serait plus simple,
et surtout plus convenable, que le législateur décide ouvertement que les règles touchant au prononcé
du jugement ne sont pas importantes au point que leur violation doive entraîner la nullité du jugement.
Les techniques permettant de sauver le jugement sont, elles, d'une meilleure facture.

517 Techniques permettant de sauver le jugement. – L'utilisation de techniques permettant


de sauver le jugement peut être raisonnablement envisagée pour certains vices. Il en va ainsi de
l'omission ou de l'inexactitude d'une mention destinée à établir qu'une règle de fond de la procédure a
bien été observée. La mention n'étant pas exigée pour elle-même, ad validitatem, ce n'est pas sa
méconnaissance qui appelle une sanction, mais bien plutôt la transgression de la règle procédurale de
fond qu'elle semble révéler 1530. La mention ad probationem peut donc être suppléée. Pour cela, deux
techniques sont utilisées.
La première est prévue par l'article 459 du Code de procédure civile qui dispose que « l'omission
ou l'inexactitude d'une mention destinée à établir la régularité du jugement ne peut entraîner la nullité
de celui-ci s'il est établi par les pièces de la procédure, par le registre d'audience ou par tout autre
moyen que les prescriptions légales ont été, en fait, observées ». L'article 459 permet donc de
prouver par tout moyen le respect des règles procédurales de fond. L'exemple jurisprudentiel le plus
net est celui de la communication du dossier au ministère public. En application de la règle de
l'article 459, la Cour de cassation a refusé de prononcer la nullité d'un jugement qui ne comportait
aucune indication sur ce point, dès lors qu'il apparaissait qu'un exemplaire des conclusions des
parties était destiné au ministère public, ce qui montrait en effet que l'affaire lui avait été
communiquée 1531, contrairement aux apparences.
La Cour de cassation a ajouté une seconde technique à celle que prévoit l'article 459 du Code de
procédure civile. Lorsque la régularité de la procédure apparaît comme étant de très loin la solution
la plus vraisemblable, elle décide qu'il doit être présumé que la procédure s'est régulièrement
déroulée. Il appartient alors à celui qui soutient que la procédure s'est déroulée irrégulièrement de
l'établir, ce qui est presque toujours impossible en pratique. Utilisées dans des limites raisonnables,
les présomptions de régularité évitent l'annulation de décisions, qui n'aurait d'autre utilité que de
retarder la condamnation de plaideurs qui disposent probablement de peu d'arguments au fond du
droit. C'est ainsi que la Cour de cassation présume que, lorsque l'arrêt indique que ce sont les mêmes
magistrats qui composaient la cour lors des débats, du délibéré et du prononcé, la décision a été
prononcée par l'un d'eux, même si l'arrêt ne le mentionne pas expressément 1532.
En revanche, ces techniques devraient être considérées comme inutilisables pour les énonciations
purement formelles que la loi impose pour la validité du jugement et qui, par définition, sont exigées
pour elles-mêmes. Autrement dit, la méconnaissance d'une formalité ad validitatem devrait conduire
irrémédiablement à la nullité du jugement. C'est bien ainsi que raisonne la jurisprudence, à propos de
la signature de la décision : il n'est pas possible de réparer le vice entachant un jugement signé par un
magistrat qui n'a pas participé au délibéré 1533. Mais, la Cour de cassation ne s'en tient pas toujours à
cette position logique. Ainsi, en ce qui concerne le défaut d'indication du nom des juges qui ont
participé au délibéré, une chambre mixte a adhéré à la position de certaines chambres qui avaient
jugé que l'absence d'indication du nom des magistrats ne justifiait pas la cassation, dès lors qu'ils
étaient identifiés par les pièces de la procédure, le registre d'audience ou tout autre moyen 1534. Une
telle solution nous paraît contestable car, à travers une application extensive de l'article 459 du Code
de procédure civile, elle vide de sa substance une exigence réglementaire liée à la validité même de
l'instrumentum du jugement. La technique des présomptions permet, elle aussi, à la Cour de cassation
de sauver parfois des décisions dont la régularité purement formelle n'est pas établie 1535. Ainsi a-t-il
été présumé que si le jugement avait été signé par un autre juge que le président, c'était parce que ce
dernier avait été empêché 1536. La solution est certes vraisemblable, mais elle viole l'article 456 qui
dispose qu'en cas d'empêchement, « mention en est faite sur la minute », ce qui montre qu'il s'agit
d'une exigence purement formelle imposée par le législateur pour la validité même de
l'instrumentum.

Sous-section 2
Le jugement rendu

518 Présentation et renvoi. – Le jugement rendu produit des « effets » au sens large. Certains
d'entre eux ont déjà été étudiés. Ce sont ceux que l'on doit rattacher au jugement en tant qu'il est un
acte juridictionnel. Plus précisément, il s'agit des effets du jugement au sens strict, à savoir
l'effet substantiel et les effets procéduraux, et de deux attributs du jugement : l'autorité de la chose
jugée et le dessaisissement du juge 1537. Il reste à étudier maintenant un autre attribut important du
jugement : la force exécutoire, qui est tout autant liée à l'instrumentum qu'au negotium particulier que
constitue l'acte juridictionnel. D'un côté, la force exécutoire se présente comme le complément de
l'effet substantiel du jugement 1538. À quoi sert-il que le juge dise que je suis créancier de Paul pour
une somme de dix mille euros et que Paul doit me payer cette somme si rien ne peut être mis en
œuvre pour que j'obtienne effectivement le paiement qui m'est dû ? Mais la force exécutoire doit
aussi être rattachée au titre. C'est l'acte public, rendu par le juge d'État, qui est mis à exécution.
Plus précisément, on regroupe sous le nom de force exécutoire toutes les conditions prévues par
la loi pour que le jugement puisse être mis à exécution 1539. C'est elle qui permet d'avoir recours aux
voies d'exécution ou à la force publique. Complétant ainsi l'effet substantiel du jugement, la force
exécutoire n'est pas réservée aux seuls jugements définitifs. Même les jugements provisoires peuvent
en bénéficier. Les ordonnances de référé deviendraient inutiles si elles ne pouvaient pas être mises à
exécution. De nouveau, à quoi sert-il que le juge des référés ordonne l'expulsion de l'occupant d'un
local si, concrètement, rien ne peut être fait pour que le local se trouve libéré ?

519 Conditions de l'exécution forcée. – Lorsqu'une partie veut mettre un jugement à exécution,
elle doit présenter une expédition de ce jugement, qui soit revêtue de la formule exécutoire 1540. Le
texte actuel de la formule exécutoire résulte d'un décret du 12 juin 1947 (modifié par le décret n 58-
o

1289 du 22 décembre 1958) : « En conséquence (de ce qui précède, c'est-à-dire du jugement), la


République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit
jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux
de grande instance d'y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter
main-forte lorsqu'ils en seront légalement requis » 1541. Aux termes de l'article 465 du Code de
procédure civile, la formule exécutoire est apposée par le secrétaire de la juridiction sur la première
expédition du jugement qui est délivrée à chacune des parties 1542 (c'est cette première expédition que
l'on dénommait autrefois la grosse par opposition à la minute) 1543.
Mais cette condition immédiate ne suffit pas. Un jugement ne peut pas ainsi être mis à exécution,
sur simple présentation d'une expédition revêtue de la formule exécutoire, si d'autres conditions n'ont
pas été préalablement remplies. Ce sont ces conditions qu'il convient d'étudier. De la combinaison
des articles 501 et 503 du Code de procédure civile, il résulte qu'en principe (§ 1), l'exécution du
jugement est subordonnée à deux conditions : il faut que le jugement ait été notifié et qu'il soit passé
en force de chose jugée 1544. Il est certain que ce principe ne favorise pas une exécution immédiate
des jugements. C'est ce qui explique que le législateur ait prévu quelques dérogations à ce principe
dont la plus importante est l'exécution provisoire (§ 2).

520 Mauvaise volonté de l'Administration. – Par ailleurs, l'exécution du jugement peut être
paralysée par la mauvaise volonté des pouvoirs publics qui refusent le concours de la force publique
aux particuliers. Il peut paraître extraordinaire que des organes de l'État méprisent ainsi des
décisions émanant d'autres organes de ce même État. Pour être choquante et totalement condamnable,
la situation est moins surprenante lorsqu'on la relie à cette stupéfiante aberration du droit français que
constitue le principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires. Il est dans la
logique ubuesque de ce principe que les autorités administratives soient soustraites à l'application
directe des normes de droit dès lors qu'elles émanent des tribunaux de l'ordre judiciaire. En dehors
des cas où elle le fait par « bonne volonté », l'Administration n'exécute les jugements judiciaires que
sous la menace d'une condamnation qui pourra être demandée aux seuls juges qu'elle reconnaît
vraiment, ceux du second ordre de juridictions 1545.

§ 1. LE PRINCIPE

521 Plan. – Chacune des deux conditions à laquelle est, en principe 1546, subordonnée
l'exécution d'un jugement sera examinée successivement : la notification du jugement (A) et le
jugement passé en force de chose jugée (B).

A. LA NOTIFICATION DU JUGEMENT

522 Présentation. – La notification du jugement revêt une importance pratique considérable


pour ce qui est de son exécution. Elle constitue aussi le point de départ du délai dans lequel est
enfermé l'exercice de la majorité des voies de recours. Cette importance explique que la notification
du jugement soit encore plus strictement réglementée que celle des autres actes de procédure et qu'en
cas de violation de ces règles, l'acte puisse être assez facilement annulé à titre de sanction.

523 Énoncé des règles. – L'article 675 du Code de procédure civile pose qu'en principe, les
jugements contentieux 1547 sont notifiés par voie de signification, c'est-à-dire au moyen d'un acte
d'huissier. Mais ce principe connaît d'assez nombreuses exceptions en matière contentieuse. C'est
ainsi que les jugements rendus par les conseils de prud'hommes 1548 et par les tribunaux paritaires des
baux ruraux 1549 sont notifiés au moyen d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception
adressée aux parties par le greffe de la juridiction. La notification consiste en la remise d'une simple
expédition du jugement 1550. L'article 680 du Code de procédure civile énonce qu'en même temps qu'il
donne connaissance à la partie du jugement qui a été rendu, l'acte de notification lui indique si la
décision est susceptible d'appel, d'opposition ou de recours en cassation 1551. Si c'est le cas, il
mentionne le délai et les modalités d'exercice du recours 1552. L'acte informe aussi le destinataire
qu'en cas de recours abusif ou dilatoire, il s'expose à être condamné à une amende civile et à verser
une indemnité à son adversaire.
Le jugement est notifié aux parties 1553. En cas de pluralité de parties, il doit l'être à chacune
d'elles 1554. Le jugement est notifié aux parties elles-mêmes, à personne, ou à défaut à leur domicile.
Mais, une notification au domicile élu chez l'avocat ne suffit pas 1555. Et si l'article 682 du Code de
procédure civile prévoit le contraire lorsque la notification est faite au domicile élu en France par
une partie qui demeure à l'étranger, la jurisprudence actuelle paraît vider ce texte d'une bonne partie
de son contenu, par l'interprétation extrêmement discutable qu'elle en fait 1556.
Lorsque la représentation est obligatoire, l'article 678 du Code de procédure civile dispose que le
jugement doit être préalablement notifié au représentant de chacune d'elles, dans la forme des
notifications entre avocats, et que mention de l'accomplissement de cette formalité doit être portée
dans l'acte de notification destiné à la partie. Cette exigence réglementaire repose sur la raison d'être
de la représentation obligatoire : si la loi impose un représentant au plaideur, c'est parce qu'elle
estime qu'il n'a pas les connaissances suffisantes pour défendre tout seul ses intérêts en justice. On
peut craindre, dès lors, qu'il ne soit pas non plus apte à apprécier par lui-même l'opportunité
d'exercer ou non une voie de recours. Porter préalablement le jugement à la connaissance de son
avocat mettra celui-ci en mesure de conseiller utilement son client.
La règle de la notification préalable du jugement au représentant de l'adversaire, en cas de
représentation obligatoire, ne cesse de s'appliquer qu'en cas de décès ou de cessation des fonctions
de ce représentant. Enfin, la notification au représentant ne constitue qu'une formalité préalable à la
véritable notification du jugement, qui est la notification à partie et qui seule fait partir le délai de la
voie de recours.

524 Sanction des règles. – L'article 693 du Code de procédure civile dispose que les règles
qui viennent d'être indiquées doivent être observées à peine de nullité 1557 et, pour le régime de cette
nullité, l'article 694 renvoie logiquement aux dispositions applicables aux actes de procédure ;
s'agissant de règles de forme, le prononcé de la nullité se trouve soumis par l'article 114 du Code à
l'établissement d'un grief. En apparence, la sanction des règles relatives à la notification du jugement
ne présente donc guère d'originalité. Trois remarques peuvent cependant être faites.
La première porte sur la façon dont le grief doit être apprécié. Il a été indiqué qu'il ne devait pas
l'être in abstracto, par rapport à un plaideur moyen, mais in concreto, par rapport au plaideur
effectivement concerné par l'acte irrégulier 1558. Étant donné qu'en pratique l'irrégularité affectant la
notification du jugement consiste presque toujours en une indication inexacte du recours qui peut être
exercé, les deux sortes d'appréciation se rejoignent. Par exemple, à la suite d'une erreur commise par
l'huissier chargé de notifier un jugement, l'acte de signification indique que la décision est susceptible
d'appel, alors qu'elle ne l'est pas. Le destinataire de l'acte, se fiant aux indications fournies par
l'huissier, fait appel et, bien sûr, la cour d'appel déclare son recours irrecevable. Le temps que la
cour statue, le délai pour former un pourvoi en cassation est écoulé 1559. Pour que son pourvoi ne soit
pas déclaré irrecevable comme tardif, le demandeur à la cassation doit demander à la Cour de
cassation d'annuler la notification. Que l'on raisonne in abstracto ou in concreto, le résultat est le
même : un plaideur moyen se fie aux indications de l'acte de notification et, en l'espèce, le plaideur
s'y est effectivement fié. La preuve du grief se trouve établie par le seul fait que le plaideur a formé
la voie de recours que lui indiquait l'acte 1560. L'acte doit être annulé. Si le jugement était susceptible
d'appel, il peut arriver que l'acte de notification indique un délai inexact. C'est alors aux juges
d'appel qu'il convient de demander d'annuler cette notification, afin de rendre l'appel recevable. Cela
étant, on peut concevoir qu'une cour d'appel ne reconnaisse pas l'existence d'un grief qui serait
évident pour tout le monde sauf pour elle. La Cour de cassation est alors dans l'impossibilité de
corriger cette appréciation, car en vertu de sa propre jurisprudence, elle relève du pouvoir souverain
des juges du fond 1561. C'est sans doute ce qui explique une évolution de sa jurisprudence, qui nous
amène à notre deuxième remarque.
En effet, la lecture d'arrêts rendus à partir des années 1990 donne à penser que la Cour de
cassation a trouvé un moyen assez simple d'écarter la nécessité d'un grief en cas de non-respect des
exigences de l'article 680 du Code de procédure civile. Ce moyen consiste, pour la Cour, à
considérer que la notification irrégulière d'un jugement ne fait pas courir le délai de recours 1562.
Prise comme une conséquence de la nullité de la notification, cette absence de déclenchement du
délai de recours ne présenterait aucun caractère d'originalité. Mais il semble bien qu'il s'agisse
désormais d'une sanction indépendante du constat de toute nullité. En quelque sorte, en l'absence de
grief, la notification est valable, mais impuissante à faire courir le délai dont dispose son destinataire
pour exercer une voie de recours. Cette autonomisation de la suspension du délai de recours par
rapport à la nullité de la notification se manifeste de deux manières : tout d'abord, divers arrêts
rendus depuis le milieu des années 1990 ne font plus référence, dans leur motivation, aux concepts de
nullité et d'annulation ; ils se bornent à déclarer, parfois même dans des attendus de principe, que
telle ou telle lacune au regard de l'article 680 du Code de procédure civile ne fait pas courir le délai
de la voie de recours 1563. On constate, ensuite, que certaines de ces décisions de la Cour de cassation
retiennent une solution identique, alors même que l'absence de preuve voire l'inexistence d'un grief
serait retenue 1564. Ce double constat amène à penser que la nullité pour vice de forme n'est plus la
seule sanction d'une violation de l'article 680. Il existe désormais une seconde voie, qui permet à la
Cour de contourner l'obstacle que représente, pour elle, le caractère souverain de l'appréciation du
grief par les juges du fond.
Enfin, il a déjà été indiqué 1565 que les règles posées par l'article 114 du Code de procédure civile
sont écartées par la Cour de cassation lorsque l'irrégularité ne consiste pas en une malfaçon affectant
un acte de procédure mais en une omission d'acte : l'absence d'acte entraîne une sanction
indépendante de tout grief. C'est précisément en matière de notification du jugement que la Cour de
cassation a inauguré sa jurisprudence, en décidant que l'omission de la notification préalable du
jugement au représentant entraîne automatiquement la nullité de la notification à la partie 1566.

B. LA DÉCISION PASSÉE EN FORCE DE CHOSE JUGÉE

525 Notion. – Il résulte de l'article 500 du Code de procédure civile qu'est passé en force de
chose jugée le jugement qui n'est susceptible d'aucun recours suspensif ou qui, ayant été susceptible
d'un tel recours, a cessé de l'être à l'expiration du délai pour exercer ce recours. On doit donc
distinguer deux sortes de décisions. Il se peut d'abord que le jugement soit, en lui-même,
insusceptible de faire l'objet d'un recours suspensif : ainsi en va-t-il d'un arrêt d'appel ou d'un
jugement rendu en premier et dernier ressort, qui n'ont pas été rendus par défaut. Il se peut aussi que
le jugement ait été originairement susceptible d'un tel recours, comme le jugement rendu en premier
ressort seulement ou encore le jugement rendu par défaut. Mais, un mois après la notification du
jugement, le délai est arrivé à expiration, et le jugement ne peut plus faire l'objet d'un appel ou d'une
opposition.
Il importe de distinguer ces deux sortes de jugement, car ils ne passent pas en force de chose
jugée au même moment. Le jugement qui est, en lui-même, insusceptible d'une voie de recours
suspensive passe en force de chose jugée dès qu'il existe, c'est-à-dire dès son prononcé. Le jugement
susceptible d'un recours suspensif ne passe en force de chose jugée qu'à l'expiration du délai pour
former la voie de recours. Cette différence se répercute à son tour sur le moment où le jugement peut
être mis à exécution. Pour le premier, les deux conditions posées par les 501 et 503 du Code de
procédure civile se trouvent remplies dès qu'il a été notifié. Pour le second, la notification ne suffit
pas pour qu'il puisse être mis à exécution. À ce moment-là, il reste susceptible d'un recours
suspensif ; le plaideur doit attendre l'expiration du délai que la notification du jugement fait courir.

526 Difficultés de preuve. – Le droit pour une partie de faire exécuter un jugement peut
susciter quelques difficultés de preuve que s'attachent à résoudre les articles 504 à 506 du Code de
procédure civile. La preuve de son caractère exécutoire peut d'abord résulter du jugement lui-même
lorsqu'il est, dès son prononcé, insusceptible d'un recours suspensif ou qu'il bénéficie de l'exécution
provisoire. Cette preuve peut encore résulter de ce que l'autre partie a acquiescé au jugement 1567.
La preuve est plus difficile à apporter dans la quatrième et dernière hypothèse, qui est aussi la
plus banale pour les jugements rendus au premier degré, celle du jugement susceptible d'un recours
suspensif d'exécution, qui ne bénéficie pas de l'exécution provisoire et qui ne fait pas l'objet d'un
acquiescement. Ce jugement ne passe en force de chose jugée qu'à l'expiration du délai pour former
le recours suspensif. La preuve de son caractère exécutoire résulte de la combinaison de deux
documents : le premier est l'acte de notification du jugement, et le second un certificat attestant
l'absence d'exercice d'un recours suspensif à la date où il est émis, qui correspond à l'expiration du
délai de la voie de recours. Ce certificat, que la pratique appelle le certificat de non-appel 1568, est
établi par le secrétaire de la juridiction devant laquelle le recours est formé. Le plus souvent, il s'agit
du greffier de la cour d'appel. Si on laisse de côté quelques circonstances exceptionnelles 1569, le
certificat de non-appel prouve effectivement le caractère exécutoire des jugements qui font l'objet
d'une signification et contre lesquels la voie de recours résulte d'une déclaration faite au greffe par la
partie ou par un mandataire : on connaît alors exactement la date de l'événement qui fait courir le
délai et on peut savoir aussi si le recours a été formé avant l'expiration du délai. La preuve est plus
délicate lorsque la notification est effectuée au moyen d'une lettre recommandée avec demande d'avis
de réception. Le délai pour exercer la voie de recours ne commence pas à courir à compter de la date
de l'envoi de la lettre, mais à compter de celle de sa réception. En outre, dans ces situations, le
recours peut généralement être formé par une lettre adressée au secrétariat de la juridiction, et la date
qu'il faut retenir pour la recevabilité du recours n'est pas celle de la réception de la lettre, mais celle
de l'envoi 1570. Le fait qu'un mois après l'envoi de la lettre de notification, le greffe n'ait pas
connaissance d'un recours ne prouve rien. Il faut attendre encore le temps que prend la transmission
du courrier, et il peut être difficile de le déterminer avec précision.
Par ailleurs, les rédacteurs du Code de procédure civile ont conservé le certificat de non-appel
établi sous sa responsabilité par l'avocat de la partie 1571. Ce certificat peut être utilisé lorsque le
jugement doit être exécuté à l'égard d'une administration en raison d'une inscription effectuée ou à
effectuer sur un registre tenu par celle-ci : l'article 506 du Code de procédure civile cite les
mainlevées, les radiations de sûretés, les mentions, les transcriptions ou les publications qui doivent
être faites en vertu d'un jugement.
§ 2. L'EXÉCUTION PROVISOIRE

527 Présentation. – L'exécution provisoire, encore appelée exécution par provision, a pour
effet de permettre l'exécution d'un jugement susceptible d'un recours suspensif d'exécution 1572, en le
rendant exécutoire bien qu'il ne soit pas passé en force de chose jugée 1573 : le jugement pourra être
exécuté « nonobstant appel ». L'exécution provisoire présente ainsi l'avantage de dissuader le
plaideur qui a perdu en première instance de former appel aux seules fins de retarder l'exécution
d'une condamnation inévitable. L'exercice dilatoire d'une voie de recours présente un caractère
foncièrement malsain, surtout lorsque la situation du demandeur est telle qu'il ne peut attendre. Que
l'on pense par exemple au créancier d'aliments. D'un autre côté, l'exécution provisoire peut entraîner
l'exécution d'un jugement manifestement infondé et conduire ainsi à une situation en fait irréversible :
l'argent de la condamnation a été dépensé et le bénéficiaire de l'exécution provisoire est devenu
insolvable ; ou encore l'argent a été exporté de France et il est illusoire de chercher à le récupérer.

528 Banalisation de l'exécution provisoire. – Naguère, l'exécution provisoire était tenue pour
tout à fait exceptionnelle. En raison du double degré de juridiction, la loi considérait qu'une
condamnation n'était vraiment solide que lorsqu'elle avait été prononcée à l'issue de l'examen de
l'affaire par deux juridictions successives : autrement dit, c'est au double degré de juridiction qu'était
lié l'effet suspensif de l'appel. L'exécution provisoire était considérée comme un remède contre
l'exercice de l'appel à des fins dilatoires. Lorsque la solution du litige ne faisait aucun doute et que le
défendeur ne s'obstinait que pour gagner du temps, le demandeur pouvait solliciter du juge l'exécution
provisoire. Inversement, le demandeur ne devait pas pouvoir s'emparer sans risques d'un jugement
hasardeux pour le faire mettre à exécution.
Le principe du double degré de juridiction n'ayant jamais été répudié, on doit considérer,
aujourd'hui encore, que l'exécution provisoire demeure juridiquement une exception. Il est cependant
permis de se demander si la réalité quotidienne suit fidèlement les principes. Statistiquement, le
nombre de jugements qui bénéficient de l'exécution provisoire de plein droit n'a cessé d'augmenter.
Par ailleurs, on constate que, lorsqu'elle n'est pas de droit, l'exécution provisoire est très souvent
ordonnée : certaines juridictions d'exception en arrivent à ne plus imaginer qu'un de leurs jugements
ne soit pas assorti de l'exécution provisoire 1574. On parle même périodiquement de réformer le Code
de procédure civile pour faire de l'exécution immédiate le principe 1575.
À vrai dire, ce n'est pas tant le nombre de jugements assortis de l'exécution provisoire qui peut
susciter la réprobation que le régime dont elle se trouve aujourd'hui dotée. On peut en effet discuter
indéfiniment du poids respectif des avantages et des inconvénients de l'effet suspensif de l'appel dans
tel ou tel cas, et il n'existe probablement pas d'argument décisif qui permette de déterminer
précisément les jugements qui doivent être assortis de l'exécution provisoire ou immédiate (ce qui
peut expliquer leur nombre considérable). En revanche, il est certain que l'exécution provisoire
présente un certain nombre de dangers que l'on ne peut ignorer, ni faire semblant d'ignorer. Plus
précisément, l'exécution immédiate du jugement de première instance peut conduire à ce que son
infirmation soit dépourvue de tout effet, parce qu'aucune restitution n'est plus possible. Il est
insupportable que la décision d'un tribunal chargé d'assurer la justice puisse être la cause immédiate
et exclusive d'une injustice. Sans doute ne peut-on éviter absolument toute erreur judiciaire et les
conséquences parfois dramatiques qu'elle est susceptible d'entraîner, même en matière civile. Au
moins doit-on avoir conscience du risque que crée l'exécution provisoire et prendre les mesures
élémentaires qui permettent de le circonscrire au maximum, ce que ne fait pas suffisamment le Code
de procédure civile.

529 Plan. – La réglementation de l'exécution provisoire n'est pas meilleure sur le plan
technique 1576 qu'elle ne l'est sur le plan de la politique législative. Les articles 514 à 526 du Code de
procédure civile, qui la régissent, en forment certainement l'une des parties les moins heureuses. Dès
la première rédaction, ils ont souffert d'un manque de conception ferme de l'ensemble de la matière.
Les nombreuses modifications partielles dont ils ont fait l'objet n'ont fait qu'aggraver la situation 1577.
Aujourd'hui, l'exécution provisoire se trouve régie par des textes confus et invertébrés 1578.
La réglementation de l'exécution provisoire intéresse d'abord la décision de première instance
(A) : quelles décisions peuvent en bénéficier et quelles en sont les modalités ? Mais on ne peut
s'arrêter là. Si l'exécution provisoire n'interdit pas l'exercice de l'appel, elle le prive de son
effet suspensif normal. C'est ce qui explique qu'à côté du recours sur le fond 1579, il y ait place pour
une « petite voie de recours » portant sur la seule question de l'exécution provisoire (B). Enfin, si
l'exécution provisoire n'est pas arrêtée, il faut envisager l'effet de l'infirmation du jugement doté de
l'exécution provisoire (C).

A. LA DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE

530 Division. – Il convient d'abord d'étudier le domaine de l'exécution provisoire (1) avant
d'aborder ses modalités (2), puis ses garanties (3).

1. Le domaine de l'exécution provisoire

531 Principe du caractère facultatif de l'exécution provisoire. – En raison du double degré


de juridiction, le principe est toujours que les décisions susceptibles d'appel rendues par les juges du
premier degré ne bénéficient pas de plein droit de l'exécution provisoire. L'exécution provisoire est
facultative, c'est-à-dire qu'elle n'a lieu que si elle est ordonnée par le juge (ou l'arbitre 1580).
L'article 515, alinéa premier, du Code de procédure civile dispose qu'elle peut être ordonnée
« chaque fois que le juge l'estime nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire ». La formule
est très souple et laisse une très grande liberté aux juges 1581. La liberté du juge est d'autant plus
grande qu'il peut ordonner d'office l'exécution provisoire du jugement. Il convient seulement de
préciser qu'aux termes de l'article 516 du même code, l'exécution provisoire ne peut être ordonnée
que par la décision qu'elle est destinée à rendre exécutoire. Elle ne saurait l'être par le même juge
dans une décision ultérieure ou par un autre juge, comme le juge des référés. Cette règle ne connaît
d'exception que si une voie de recours est exercée contre le jugement 1582.
Le principe est donc que l'exécution provisoire est facultative. Mais il existe des exceptions dans
les deux sens. Dans quelques cas assez rares, la loi interdit au juge d'ordonner l'exécution provisoire
du jugement 1583. Par exemple, le jugement prononçant le divorce ne peut être assorti de l'exécution
provisoire, non plus que le chef du jugement fixant la prestation compensatoire 1584.

532 Cas d'exécution provisoire prévus par l'article 514 du Code de procédure civile. – Plus
nombreuses et plus importantes sont les exceptions en sens inverse, par lesquelles le législateur
décide qu'une décision bénéficiera de plein droit de l'exécution provisoire 1585. L'article 514,
alinéa 2, du Code de procédure civile en énumère trois sortes. La première décision citée est
l'ordonnance de référé. Les mesures qu'elle contient justifient la solution retenue : pour que les
mesures destinées à permettre d'attendre une décision au fond 1586 soient efficaces, il faut qu'elles
soient exécutées sans retard ; d'un autre côté, les mesures qui anticipent sur la décision du juge du
fond ne se heurtant à aucune contestation sérieuse, il est raisonnable de prévoir qu'elles soient
exécutées le plus rapidement possible.
À côté des ordonnances de référé, l'article 514 du Code de procédure civile vise également les
décisions qui ordonnent une mesure provisoire pour le cours de l'instance ou une mesure
conservatoire. La raison est la même que pour les mesures d'attente que peut prendre le juge des
référés. Il s'agit de mesures dont la portée est limitée dans le temps, mais dont l'efficacité suppose
une application immédiate. Entrent dans cette catégorie la nomination d'un séquestre ou d'un
administrateur provisoire, l'attribution de la « garde » des enfants pendant l'instance de divorce, ou
encore la fixation d'un loyer provisionnel pour la durée du procès 1587. Qu'en est-il des mesures
d'instruction ? La question ne présente pas d'intérêt pour la décision ordonnant une mesure
d'instruction autre que l'expertise, puisqu'elle n'est susceptible d'aucun recours immédiat. Il n'en va
pas de même pour la décision ordonnant une expertise, qui peut faire l'objet d'un appel immédiat sur
autorisation du premier président. La réponse est qu'à proprement parler, la mesure d'instruction ne
constitue ni une mesure conservatoire ni une mesure provisoire pour le cours de l'instance. La
décision qui l'ordonne ne bénéficie donc pas de l'exécution provisoire de plein droit 1588.
Enfin, l'article 514 du Code de procédure civile cite les ordonnances du juge de la mise en état
qui accordent une provision au créancier 1589.

533 Les condamnations au paiement d'une provision. – La Cour de cassation va plus loin en
considérant que « les condamnations au paiement d'une provision prononcées par les juges du fond
sont exécutoires de droit à titre provisoire » 1590. La solution se justifie au regard de la raison d'être
de ce type de condamnation. Ce que recherche le juge, c'est le versement anticipé d'une somme dont il
a la certitude qu'elle est due par une partie à son adversaire. La provision est un acompte. Si les
magistrats décident d'en ordonner le versement, c'est parce qu'ils ne souhaitent pas que l'on attende
l'issue du procès pour effectuer ce paiement. Certes, cette situation n'est pas visée à l'article 514,
alinéa 2, du Code de procédure civile, mais l'énumération qui figure dans ce texte se veut non
exhaustive, ainsi que le révèle l'utilisation de l'adverbe « notamment ». La jurisprudence doit donc
pouvoir isoler des cas d'exécution provisoire de droit non visés par le texte, mais induits par la
logique des institutions. Et il en va justement ainsi à propos des condamnations au paiement d'une
provision, car il serait illogique que la décision du tribunal lui-même ait une efficacité moins
immédiate que celle du juge de la mise en état, dont l'article 514 prévoit expressément qu'elle est
exécutoire par provision.
Cette solution jurisprudentielle a enfin une vertu simplificatrice. Une condamnation au paiement
d'une provision est exécutoire de droit, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon qu'elle émane des
juges du fond ou, au contraire, du juge des référés ou de celui de la mise en état.

534 Autres cas d'exécution provisoire. – Outre l'article 514 du Code de procédure civile, il
existe de nombreux textes accordant le bénéfice de l'exécution provisoire de droit à des décisions de
justice. C'est ainsi que les articles R. 1454-16 et R. 1454-28 du Code du travail prévoient la même
solution pour d'autres blocs de décisions, celles que prend le bureau de conciliation du conseil de
prud'hommes 1591 et certaines décisions du bureau de jugement 1592. Dans le même sens,
l'article R. 661-1 du Code de commerce pose que les décisions rendues en matière de procédures
collectives bénéficient, à quelques exceptions près, de l'exécution provisoire de plein droit.
L'article R. 121-21 du Code des procédures civiles d’exécution retient la même solution de principe
pour les décisions rendues dans son domaine 1593. D'autres textes ont un caractère plus ponctuel : il
arrive fréquemment que le législateur attache cet effet à un jugement déterminé pour des raisons
d'opportunité pouvant tenir à la relative modicité des sommes en jeu ou à la situation du bénéficiaire
de la condamnation 1594. Leur énumération relève des encyclopédies ; on se contentera de signaler ici
qu'ils sont nombreux.

535 L'exécution provisoire de droit... facultative ! – Il arrive que des demandes au principal
empruntent la procédure du référé : elles sont jugées « comme en matière de référé » ou « en la forme
des référés » 1595. Jusqu'en 2011, la jurisprudence décidait que ces décisions ne bénéficiaient pas de
l'exécution provisoire de plein droit 1596, parce qu'elles n'ordonnaient pas des mesures comme les
véritables ordonnances de référé 1597. Un décret du 1 septembre 2011 a changé la donne en
er

introduisant dans le Code de procédure civile un article 492-1 qui, dans son 3 , énonce que
o

« l'ordonnance » 1598 rendue en la forme des référés « est exécutoire à titre provisoire, à moins que le
juge en décide autrement ». L'idée d'instaurer un nouveau cas d'exécution provisoire était
certainement contestable en soi 1599. Mais au lieu de s'en tenir à cette idée, le pouvoir réglementaire a
institué une nouvelle catégorie d'exécution provisoire : celle qui découle de la loi, mais que le juge
peut écarter 1600. À côté de l'exécution provisoire de droit (imposée par la loi) et de celle qui est
facultative (imposée par le juge), existe désormais l'exécution provisoire de droit facultative...
Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?

2. Les modalités de l'exécution provisoire

536 Utilité de l'aménagement de l'exécution provisoire. – Lorsqu'elle ne fait l'objet d'aucun


aménagement, l'exécution provisoire n'offre qu'un choix restreint au législateur ou au juge : celui du
tout ou rien. Ne pas assortir le jugement de l'exécution provisoire, c'est encourager le perdant à
interjeter appel dans une intention dilatoire et priver le vainqueur du bénéfice de la condamnation
prononcée à son profit. À l'inverse, l'en assortir, c'est risquer qu'en cas d'infirmation du jugement en
appel, le bénéficiaire de la réformation du jugement ne puisse obtenir la restitution des sommes qu'il
a dû verser. Les deux aménagements prévus par les articles 517 à 522 du Code de procédure civile
tendent précisément à surmonter ce dilemme. On ne peut que regretter qu'ils ne soient pas davantage
utilisés par le juge. Si l'exécution provisoire de droit était généralisée, le législateur devrait aussi
prévoir l'obligation pour le juge d'assortir sa décision d'aménagements qui confèrent des garanties
sérieuses à chacune des parties au litige.

537 Constitution d'une garantie par le créancier. – La première mesure, régie par les
articles 517 à 520 du Code de procédure civile, a pour objet d'éviter qu'en cas d'infirmation du
jugement, la restitution soit impossible. La mesure consiste à subordonner l'exécution provisoire à la
constitution d'une garantie pour répondre « de toutes restitutions et réparations » 1601. Dans ce cas, le
jugement ne devient exécutoire qu'à partir du moment où la garantie est fournie 1602. Le régime de la
garantie est organisé de façon très souple. La garantie peut être réelle (un gage ou une hypothèque) ou
personnelle (un cautionnement). Sa nature, son étendue et ses modalités sont précisées par le juge.
Elle peut encore consister en une somme d'argent, qui est déposée à la Caisse des dépôts et
consignations ou, à la demande d'une partie, entre les mains d'un tiers commis à cet effet. Dans le
même souci de souplesse, l'article 520 du Code de procédure civile ajoute que, « si la valeur de la
garantie ne peut être immédiatement appréciée, le juge invite les parties à se présenter devant lui à la
date qu'il fixe, avec leurs justifications 1603 ».
Quel est le domaine de ce premier aménagement ? Il est certain qu'il peut jouer lorsque l'exécution
provisoire est facultative. En va-t-il de même lorsqu'elle est de droit ? Pour ce qui est de
l'ordonnance de référé, l'article 489 du Code de procédure civile le prévoit expressément. Pour les
autres jugements, il semble qu'il faille répondre de façon négative 1604. Le pouvoir reconnu au juge
d'ordonner la constitution d'une garantie ferait que l'exécution provisoire ne serait plus vraiment de
droit, puisque le juge pourrait ainsi la subordonner à une condition 1605.

538 Consignation de la condamnation par le débiteur. – La seconde mesure, régie par


l'article 521 du Code de procédure civile, consiste à obliger la partie condamnée en première
instance à se dessaisir immédiatement de la somme qu'elle a été condamnée à payer, pour enlever tout
intérêt à l'exercice d'un recours formé dans une intention dilatoire. Mais, pour éviter aussi toute
difficulté en cas d'infirmation du jugement, la somme n'est pas remise à l'autre partie. Le juge a la
possibilité d'ordonner, à la demande de la partie condamnée, la consignation d'une somme suffisante
« pour garantir, en principal, intérêts et frais, le montant de la condamnation 1606 ». Il s’agit là d’un
pouvoir discrétionnaire, selon la Cour de cassation 1607. L'inconvénient de cet aménagement est de ne
procurer aucun avantage au bénéficiaire du jugement : concrètement, il ne touche rien. C'est ce qui
explique que le législateur l'écarte lorsque la condamnation porte sur des aliments, des rentes
indemnitaires ou des provisions. Le second alinéa de l'article 521 prévoit une variante de cet
aménagement en cas de condamnation au versement d'un capital en réparation d'un dommage
corporel : le juge peut aussi ordonner que le capital sera confié à un séquestre à charge d'en verser
périodiquement à la victime la part que le juge détermine.
De nouveau, il est certain que ce second aménagement peut jouer lorsque l'exécution provisoire
est facultative. Mais qu'en est-il lorsqu'elle est de droit ? On peut envisager une réponse différente de
celle apportée pour le premier aménagement. En effet, l'aménagement prévu par l'article 521 du Code
de procédure civile ne consiste pas à subordonner l'exécution provisoire à une condition, il ne
constitue qu'une modalité de l'exécution provisoire : en consignant l'argent, la partie condamnée
exécute la décision, même si le paiement ne se fait pas entre les mains du créancier 1608.
Pour terminer sur ces aménagements, il faut indiquer que l'article 522 du Code de procédure
civile dispose que le juge qui a ordonné l'exécution provisoire peut, à tout moment, autoriser la
substitution à la garantie primitive d'une garantie équivalente 1609.

3. Les garanties du respect de l'exécution provisoire

539 La radiation du rôle. – La première garantie du respect de l'exécution provisoire réside


dans les procédures civiles d'exécution qui s'offrent au bénéficiaire de la décision qui en est assortie.
Si, par exemple, la partie condamnée au versement d'une somme d'argent ne s'exécute pas
spontanément, son adversaire peut s'adresser à un huissier de justice et, sur le fondement du jugement
exécutoire, faire pratiquer une saisie d'un bien du débiteur. Une astreinte, si le juge en a prononcé
une, constitue également un moyen de pression généralement efficace, sur la partie condamnée. Enfin,
le décret n 2005-1678 du 28 décembre 2005, s'inspirant de l'article 1009-1 du Code de procédure
o

civile relatif à la cassation 1610, a instauré une nouvelle garantie 1611 du respect de l'exécution
provisoire au stade de l'appel. Désormais, l'article 526 du Code de procédure civile prévoit qu'en
cas d'appel, l'intimé peut demander que soit ordonnée « la radiation du rôle de l'affaire lorsque
l'appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d'appel ou avoir procédé à la consignation
autorisée dans les conditions prévues à l'article 521 1612 ». La mission de décider ou non de cette
radiation 1613 incombe au premier président de la cour d'appel ou au conseiller de la mise en état si
celui-ci est déjà saisi. Cette mesure, qui suppose qu'il a été formé appel d'une décision assortie de
l'exécution provisoire (de droit ou facultative), ne peut pas être prise d'office. Il faut que l'intimé l'ait
sollicitée. Quand on connaît les possibles conséquences financières d'une exécution, en cas
d'infirmation du jugement 1614, on comprend qu'il appartienne au seul intimé de forcer ainsi l'appelant
à s'exécuter. Précisons également que le premier président semble bien avoir un pouvoir
d'appréciation de l'opportunité de la radiation du rôle. Il « peut » décider de la prononcer, énonce le
texte. De toute façon, la radiation étant qualifiée de mesure d'administration judiciaire par
l'article 383 du Code de procédure civile, elle est insusceptible de recours, en vertu de l'article 537.
Si l'on s'en tenait là, on pourrait craindre que cette règle ne prive, de fait, de toute possibilité
d'appel ceux des plaideurs qui n'ont pas les moyens d'exécuter rapidement la décision. Mais, le
pouvoir réglementaire a heureusement prévu un garde-fou, afin de prévenir ce que la règle pourrait
avoir d'excessivement rigoureux. En effet, l'article 526 prévoit que le juge ne peut prononcer la
radiation du rôle, ni quand « l'exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement
excessives », ni quand « l'appelant est dans l'impossibilité d'exécuter la décision ». De la sorte, le
plaideur nécessiteux ou pour qui l'exécution serait trop lourde de conséquences ne pourra se voir
reprocher son inexécution par le premier président. Le non-respect du caractère exécutoire du
jugement ne devrait contrarier la poursuite de la procédure d'appel que lorsqu'il ne repose que sur la
mauvaise volonté de l'appelant. Du moins, on l'espère 1615. Dans le cas contraire, les débiteurs
devraient pouvoir compter sur la Cour européenne des droits de l'homme pour censurer toute atteinte
disproportionnée à leur droit d'accéder à un tribunal 1616.
Lorsqu'elle a été prononcée, la radiation du rôle est insusceptible de recours, mais elle n'est pas
pour autant irrémédiable. En son alinéa 2, l'article 526 du Code de procédure civile dispose qu'en
dehors du cas où la péremption 1617 est acquise, le premier président ou le conseiller de la mise en
état autorise la réinscription de l'affaire au rôle de la cour, s'il est justifié que la décision attaquée a,
finalement, été exécutée. La règle de l'article 526 a donc bien une fonction incitative. On peut
également revenir indirectement sur la radiation en obtenant du premier président l'arrêt de
l'exécution provisoire 1618 : dès lors que le jugement n'est plus exécutoire, la radiation perd sa raison
d'être et se trouve, de ce fait, caduque.

B. LES RECOURS EN MATIÈRE D'EXÉCUTION PROVISOIRE

540 Nécessité d'un appel préalable. – Les recours en matière d'exécution provisoire sont régis
par les articles 523 à 525-2 du Code de procédure civile. Ces textes posent, comme première règle,
que le droit de former un recours sur l'exécution provisoire est subordonné à la condition qu'un appel
soit préalablement formé. Cette solution est commandée par le bon sens. Si un appel n'est pas formé,
le jugement va passer en force de chose jugée un mois après sa notification et il pourra alors être
exécuté, indépendamment de l'exécution provisoire, par le jeu des règles ordinaires énoncées par les
articles 501 et 503 du même code. Il est normal que le législateur exige du plaideur condamné qu'il
se préoccupe de l'essentiel, en demandant la réformation du jugement, avant de demander une
décision sur l'exécution provisoire.
Dans la grande majorité des cas, l'appelant demande l'arrêt ou au moins l'aménagement de
l'exécution provisoire (1). Il arrive cependant que la situation soit inversée et que l'intimé demande
que l'exécution provisoire soit ordonnée (2).

1. L'arrêt ou l'aménagement de l'exécution provisoire

541 L'arrêt de l'exécution provisoire facultative. – La demande d'arrêt de l'exécution


provisoire doit être présentée au premier président de la cour d’appel, lequel statue en référé par une
décision qui, depuis 2014, n’est plus susceptible de pourvoi 1619. Lorsque le jugement qui bénéficie
de l'exécution provisoire n'est pas susceptible d'appel mais seulement d'opposition, l'article 524 du
Code de procédure civile dispose que la demande doit être présentée au juge qui a rendu la décision.
Les pouvoirs du juge varient en fonction des conditions dans lesquelles la décision rendue au premier
degré s'est trouvée dotée de l'exécution provisoire.
En premier lieu, le premier président peut et même doit arrêter l'exécution provisoire dans les
rares cas où elle est interdite par la loi 1620. Lorsque l'exécution provisoire est facultative,
l'article 524 du Code de procédure civile dispose que le premier président peut l'arrêter « si elle
risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives ». Le texte prescrit donc à ce magistrat
de tenir compte des effets que peut entraîner l'exécution immédiate du jugement. Mais, s’il peut
décider de n'arrêter que partiellement une exécution provisoire 1621, il ne peut tenir compte que des
facultés de la partie condamnée ou des facultés de remboursement de la partie adverse 1622. Par
exemple, il peut prendre en compte les difficultés financières de l'entreprise condamnée, mais il ne
peut se fonder sur la qualité du jugement rendu au premier degré 1623.
La solution retenue par l'article 524 du Code de procédure civile est incohérente. D'abord, la
logique commande que le juge saisi du recours apprécie la décision qui lui est soumise à partir des
mêmes critères que le juge du premier degré. Il faudrait donc reconnaître au premier président de la
cour d'appel le pouvoir d'apprécier si l'exécution provisoire est nécessaire et compatible avec la
nature de l'affaire. Pourquoi change-t-on les « règles du jeu » d'une instance à l'autre ? En second
lieu, le simple bon sens conduit à prendre en considération les chances de réformation ou de
confirmation de la décision frappée d'appel. Si la décision rendue par le premier juge est à l'abri de
toute critique et doit sans aucun doute être confirmée par la cour, il n'existe aucune raison qui puisse
justifier l'arrêt de l'exécution provisoire, quelles qu'en puissent être les conséquences : une bonne
décision doit être exécutée le plus tôt possible ; d'ailleurs arrêter l'exécution en raison de ses
conséquences, c'est reculer pour mieux sauter. Inversement, si la décision est mauvaise, il est
aberrant de la laisser s'exécuter au motif qu'elle ne devrait pas entraîner de conséquences
manifestement excessives, et il arrive en pratique que le premier président profite, sans le dire, de
son pouvoir souverain d'appréciation pour examiner si le jugement rendu par les juges du premier
degré est bien fondé. Il faut souhaiter que les textes s'alignent sur le bon sens et la réalité 1624.

542 Effets de l'arrêt de l'exécution provisoire. – Lorsque le premier président de la cour


d'appel arrête l'exécution provisoire d'une décision de justice frappée d'appel, il est évident que les
actes que l'on pouvait accomplir sur le fondement de la première décision, ne peuvent plus l'être, tant
que l'appel n'a pas abouti 1625. Mais qu'en est-il des actes déjà accomplis ? On pourrait être tenté
d'analyser la décision du premier président comme celle que rendrait une cour d'appel infirmant un
jugement de première instance : la décision du premier président anéantirait rétroactivement celle du
premier juge sur la question de l'exécution provisoire, si bien que les actes accomplis sur la base de
celle-ci seraient remis en cause, le prétendu débiteur pouvant alors exiger la restitution de ce qu'il
aurait versé ou livré à son adversaire. Ce n'est pas ainsi que raisonne la jurisprudence. L'ordonnance
du premier président arrêtant l'exécution provisoire d'un jugement ne peut remettre en cause les effets
des actes d'exécution accomplis ou les paiements effectués avant sa décision 1626. Sur un plan
pratique, cette solution est certainement opportune, car elle évite de multiplier les paiements et les
remboursements que les parties pourraient exiger l'une de l'autre aux divers stades de la procédure.
Sur un plan théorique, si cette solution peut sans doute se discuter, il nous semble qu'elle mérite tout
de même d'être approuvée. En effet, la décision du premier président ne remet en cause que le
caractère exécutoire de l'obligation proclamée par les premiers juges. Elle ne détruit pas pour autant
cette obligation. En d'autres termes, la normativité du premier jugement, en ce qu'il avait posé une
obligation, n'est pas remise en question : elle ne le sera, le cas échéant, que par la cour d'appel, si
elle infirme le jugement. La situation du solvens est, mutatis mutandis, comparable à celle d'une
partie à un acte qui exécuterait son obligation avant que celle-ci ne soit échue : il ne peut en exiger
répétition.

543 L'aménagement de l'exécution provisoire facultative. – Au lieu d'arrêter l'exécution


provisoire, le premier président peut décider de l'aménager selon l'une des modalités prévues par les
articles 517 à 521 du Code de procédure civile 1627 ou de modifier l'aménagement prévu par le
premier juge 1628. La Cour de cassation a décidé que son pouvoir n'était pas subordonné à la condition
que l'exécution provisoire risquait d'entraîner des conséquences manifestement excessives 1629. Elle a
même décidé qu'en l'absence de directives posées par la loi, le premier président disposait d'un
pouvoir discrétionnaire 1630.

544 L'arrêt de l'exécution provisoire de droit. – Pendant longtemps, le Code de procédure


civile n'a prévu la possibilité d'arrêter l'exécution provisoire que lorsqu'elle était facultative. En
conséquence, la jurisprudence de la Cour de cassation s'opposait fermement au sursis à exécution
lorsque l'exécution provisoire était de droit 1631, celle-ci ne pouvant faire l'objet que de mesures
d'aménagement. À l'appui de cette solution, on pouvait songer à dire que si la loi avait prévu que telle
ou telle décision devait bénéficier automatiquement de l'exécution provisoire, il n'appartenait pas à
un juge de décider le contraire. Cette vision des choses était cependant trop schématique. Ce n'est pas
parce que la loi dispense les magistrats de première instance de prononcer l'exécution provisoire,
qu'elle interdit pour autant au premier président de la juridiction supérieure de s'opposer à cette
exécution. Ce n'est pas parce qu'il apparaissait rationnel au législateur de faire en sorte que tel ou tel
type de décision fût, de manière générale, exécutée malgré un éventuel recours, qu'il était sain de
n'admettre aucune limite à cette exécution. Au contraire, il était déraisonnable d'interdire aux
premiers présidents d'arrêter l'exécution provisoire de décisions totalement infondées. La loi les
plaçait dans une situation révoltante pour l'esprit et, ne pouvant rester indifférents à l'injustice que
créait l'exécution d'une décision aberrante, certains n'hésitaient pas à violer ouvertement la règle, en
arrêtant l'exécution provisoire, alors même qu'elle était de droit. La Cour de cassation les censurait
inévitablement, mais la durée de l'instance en cassation 1632 laissait à la cour d'appel le temps de
réformer la décision des premiers juges 1633. Cette révolte contre la loi n'était pas satisfaisante, même
si elle était humainement compréhensible.
Conscient de la nécessité de faire évoluer les choses, le pouvoir réglementaire a ajouté un alinéa
à l'article 524 du Code de procédure civile, en août 2004. Désormais, « le premier président peut
arrêter l'exécution provisoire de droit en cas de violation manifeste du principe du contradictoire ou
de l'article 12 et lorsque l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives ».
Les possibilités d'arrêt de l'exécution provisoire restent donc plus limitées, lorsqu'elle est de droit,
que dans le cas où elle a été décidée par un juge. Non seulement, il est nécessaire que l'exécution soit
de nature à emporter des conséquences manifestement excessives, mais il faut, de surcroît, que le
premier juge ait transgressé tout aussi manifestement la règle de l'article 16 ou celle de l'article 12 du
Code de procédure civile. En s'en tenant à la violation de deux des plus importantes règles du droit
judiciaire privé et en exigeant que cette violation soit manifeste, les auteurs de la réforme de 2004
n'ont certainement voulu qu'entrouvrir la porte à ceux qui réclamaient le pouvoir d'arrêter l'exécution
provisoire de droit. Le premier président ne peut surseoir à l'exécution du jugement entrepris que
lorsque le premier juge a violé le principe contradictoire ou méconnu son éventuelle obligation de
relever d'office un moyen de pur droit ou de requalifier les faits et actes litigieux 1634. Cependant, pris
à la lettre, l'article 12 pouvait conduire à un tout autre résultat. En effet, en cas de violation
caractérisée d'une quelconque règle de droit par le premier juge, on peut dire qu'il n'a pas tranché
« le litige conformément aux règles de droit (...) applicables ». Un premier président pourrait-il,
alors, arrêter l'exécution provisoire, pour peu qu'il y ait lieu de craindre des conséquences
manifestement excessives ? Si tel était le cas, la référence à l'article 12 deviendrait une formule de
style et permettrait de contourner les dernières défenses du législateur 1635. La Cour de cassation ne
l'a pas permis. Selon elle, « l'erreur commise par un juge dans l'application ou l'interprétation d'une
règle de droit » ne constitue pas « une violation manifeste de l'article 12 », au sens de
l'article 524 1636. Pour la haute Juridiction, la porte ne doit rester qu'entrouverte.
Si la réforme de l'article 524 du Code de procédure civile a constitué une amélioration, on peut
quand même regretter que l'on ne soit pas allé plus loin et que l'on n'ait pas clairement autorisé le
premier président à arrêter l'exécution provisoire dans tous les cas où la première décision est
manifestement mal fondée. Il est également regrettable que l'on n'ait pas homogénéisé le droit
applicable en la matière. En effet, encore aujourd'hui, le droit positif admet expressément des
hypothèses particulières dans lesquelles le premier président de la cour d'appel peut arrêter une
exécution provisoire de droit en dehors des conditions de l’article 524.

545 Quelques cas particuliers d'arrêt de l'exécution provisoire de droit. – Un premier cas
particulier peut être signalé en matière fiscale. Dans certains domaines où les tribunaux de grande
instance sont compétents, comme en matière de contentieux des droits d'enregistrement, le livre des
procédures fiscales prévoit que le jugement est « exécutoire de droit à titre provisoire », mais, qu'en
cas d'appel, l'exécution provisoire peut être arrêtée, « si elle risque d'entraîner des conséquences
manifestement excessives » 1637. Cette condition est, on le voit, reprise de l'article 524 du Code de
procédure civile, mais elle ne suppose pas de violation des articles 12 ou 16 dudit code.
Un deuxième cas se rencontre en matière de redressement et de liquidation judiciaires. En vertu
de l'article R. 661-1 du Code de commerce, les décisions rendues en matière de procédures
collectives bénéficient, pour la plupart, de l'exécution provisoire de plein droit. Or, leur exécution
provisoire peut être, aux termes de ce même article R. 661-1, arrêtée par le premier président de la
cour d'appel statuant en référé : il lui suffit de constater que sont invoqués, à l'appui de l'appel, des
moyens paraissant sérieux. Les conditions posées par l'article R. 661-1 du Code de commerce ne sont
donc nullement calquées sur celles de l'article 524 du Code de procédure civile : point n'est besoin,
par exemple, que la décision de première instance soit de nature à entraîner des conséquences
manifestement excessives.
Enfin 1638, les procédures civiles d'exécution sont encore plus propices à la suspension de
l'exécution provisoire de droit des décisions de justice. En effet, les décisions du juge de l'exécution
sont exécutoires par provision 1639, mais, l’article R. 121-22 du Code des procédures civiles
d’exécution prévoit qu'en cas d'appel, le premier président de la cour, statuant en référé, peut en
arrêter l'exécution 1640. Aux termes de cet article, il faut et il suffit, pour cela, qu'il « existe des
moyens sérieux d'annulation ou de réformation de la décision déférée à la cour ». La portée de ces
règles est considérable puisque sont, en principe, concernées toutes les décisions du juge de
l'exécution. Par exception, il est cependant fait retour, en matière d'astreinte, à la jurisprudence
générale qui, jusqu'au décret du 20 août 2004, refusait l'arrêt des exécutions provisoires de droit 1641.
En ce domaine, la Cour de cassation considère que l'article R. 121-22 (naguère article 31 du décret
du 31 juillet 1992) est inapplicable 1642. Cette solution repose sur la spécificité des décisions qui
liquident ou ordonnent une astreinte : celles-ci sont exécutoires de plein droit par provision 1643
et sont rendues tantôt par un juge de l'exécution, tantôt par la juridiction qui a rendu le jugement
assorti de l'astreinte 1644. Dans cette seconde situation, où la décision exécutoire de plein droit
n'émane pas d'un juge de l'exécution, l'exécution provisoire ne pouvait pas, naguère, être arrêtée par
le premier président de la cour d'appel : ni l'article 31 du décret du 31 juillet 1992 1645, ni
l'article 524 du Code de procédure civile ne le permettaient, eu égard à leurs conditions d'application
respectives. En n'appliquant pas non plus l'article 31 du décret aux décisions du juge de l'exécution
rendues en matière d'astreinte, la Cour de cassation évitait d'instaurer une dualité de régimes selon
que la décision liquidant ou prononçant l'astreinte émanait d'un juge ou d'un autre.
Logiquement, l'exécution provisoire des décisions rendues en matière d'astreinte devrait
désormais pouvoir être arrêtée sur le fondement et sous les conditions de l'actuel article 524 du Code
in fine 1646, y compris lorsqu'elles émanent d'un juge de l'exécution. Cependant, ce n'est pas ce qu’a
décidé la Cour de cassation dans cette seconde hypothèse. En effet, tout en refusant d'appliquer ce qui
était alors l'article 31 du décret du 31 juillet 1992 en matière d'astreinte, la Cour a jugé que
l'article 524 du Code de procédure civile n'était pas non plus applicable aux demandes de sursis à
exécution des décisions rendues par le juge de l'exécution 1647.
Faut-il approuver cette solution jurisprudentielle propre à l'astreinte ? Nous ne le pensons pas et
ce pour deux raisons. Tout d'abord, si la solution retenue a naguère permis d'unifier le régime des
décisions rendues en matière d'astreinte, elle conduit corrélativement à briser l'unité de régime des
décisions du juge de l'exécution voulue par l'article R. 121-22 du Code des procédures civiles
d’exécution. C'est un avantage pour un inconvénient. Et puis, surtout, les articles L. 131-1 et suivants
de ce code 1648 relatifs à l'astreinte ne comportent aucune disposition contraire à l'article R. 121-22
précité. Plus largement, aucun de ses articles ne dispose qu'il faille déroger à la règle selon laquelle
le premier président peut ordonner le sursis à exécution des décisions du juge de l'exécution. Quelle
que soit la manière dont on aborde le problème, on semble donc bien être en présence d'une
jurisprudence contra legem.
L’application de l’article R. 121-22 du Code des procédures civiles d’exécution est également
écartée par la Cour de cassation, en présence d’une décision de mainlevée d'une sûreté judiciaire,
autorisée sur requête, puis rétractée par le juge de l'exécution 1649. La solution vaut certainement, au-
delà des sûretés judiciaires, pour l’ensemble des mesures conservatoires. En effet, elle repose très
certainement sur la dualité de compétence du juge de l’exécution et du président du tribunal de
commerce, en matière de mesures conservatoires 1650. Il s’agirait, là encore, d’éviter deux régimes
distincts selon le juge saisi. Notre analyse critique de la jurisprudence de 1994 relative aux astreintes
est donc transposable à cette jurisprudence plus récente.

546 L'aménagement de l'exécution provisoire de droit. – Si le premier président ne peut pas


toujours arrêter l'exécution provisoire lorsqu'elle est de droit, l'article 524 du Code de procédure
civile lui permet de prendre les mesures prévues par les articles 521, alinéa 2, et 522 du même code.
Selon la Cour de cassation, il s'agit d'un pouvoir discrétionnaire 1651. Le premier président peut donc,
en cas de condamnation au versement d'un capital en réparation d'un dommage corporel, ordonner
que ce capital soit confié à un séquestre à charge d'en verser périodiquement à la victime la part qu'il
détermine. Il peut aussi substituer une garantie équivalente à celle qui avait été primitivement
ordonnée.
Cette réglementation manque elle aussi de cohérence. Pourquoi le premier président peut-il
ordonner l'aménagement prévu par le second alinéa de l'article 521, mais non celui prévu par le
premier alinéa, alors qu'ils relèvent l'un comme l'autre de la même inspiration ? Est-il logique que le
premier président puisse modifier une garantie ordonnée par le premier juge, mais ne puisse pas en
ordonner une lui-même ? Si le juge des référés a subordonné l'exécution provisoire de son
ordonnance à la constitution d'un gage, le premier président peut le remplacer par un cautionnement ;
mais, si le juge des référés n'a rien dit, le premier président a les mains liées.

2. L'octroi de l'exécution provisoire

547 Modalités de l'octroi en appel. – Le recours spécifique à l'exécution provisoire concerne


aussi trois hypothèses dans lesquelles celle-ci n'a pas été ordonnée : l'article 525 du Code de
procédure civile vise le cas où le juge du premier degré l'a refusée alors qu'elle avait été sollicitée.
Le juge peut aussi avoir omis de statuer ou il peut se faire que l'exécution provisoire n'ait pas été
sollicitée et que le juge ne l'ait pas ordonnée d'office 1652, ces hypothèses étant visées par
l'article 525-1 du même code.
La demande tendant à obtenir l'exécution provisoire relève tantôt de la compétence du premier
président 1653 tantôt de celle du conseiller de la mise en état. Au début de l'instance d'appel, c'est le
premier président qui est compétent. En revanche, dès qu'il est saisi, le conseiller de la mise en état
dispose d'une compétence exclusive 1654. Selon que la demande relève de l'article 525 ou de
l'article 525-1 du Code de procédure civile, elle n'est pas entièrement soumise aux mêmes
conditions. Lorsque le juge du premier degré a refusé l'exécution provisoire, l'article 525 exige qu'il
y ait urgence, pour qu'elle soit octroyée en appel. Au contraire, l'article 525-1 ne pose pas cette
condition, lorsque l'exécution provisoire n'a pas été demandée au premier juge, ni quand il a omis de
la prononcer. Mais il faut, dans tous les cas, que le magistrat l'estime nécessaire et compatible avec
la nature de l'affaire, même si les textes n'en font pas mention.

C. L'INFIRMATION DU JUGEMENT DOTÉ DE L'EXÉCUTION PROVISOIRE

548 Infirmation du jugement exécuté. – L'exécution provisoire n'interdisant pas de faire


appel à la partie qui a perdu en première instance, la cour d'appel est conduite à statuer sur le litige
qui a fait l'objet du jugement doté de l'exécution provisoire. Si la cour confirme le jugement, aucune
difficulté n'apparaît. Il n'en va pas de même lorsqu'elle infirme le jugement, alors que celui-ci a été
exécuté. Bien sûr, l'arrêt d'appel oblige la partie qui avait gagné à restituer ce qu'elle a pu percevoir
de son adversaire 1655. Mais doit-elle réparer le dommage causé par l'exécution de la décision
désormais anéantie ? Traditionnellement, il était admis que l'exécution du jugement se faisait « aux
risques et périls » du bénéficiaire 1656. Cette expression signifiait que le bénéficiaire de l'exécution
provisoire engageait sa responsabilité pour tous les dommages que l'exécution avait pu causer à son
adversaire. L'évolution de la loi et de la jurisprudence a conduit à un système plus complexe, qui ne
brille pas par sa cohérence. À côté d'un régime général, qui est double, existe un régime particulier
propre aux restitutions de sommes d'argent.

549 Le double régime général. – La dualité du régime général applicable repose sur celle des
textes. D'une part, l'article L. 111-10, alinéa 2, du Code des procédures civiles d'exécution énonce, à
propos de l'exécution provisoire, qu'elle « est poursuivie 1657 aux risques du créancier ». D'autre part,
l'article L. 111-11 du même code dispose que l'exécution d'une décision frappée d'un pourvoi « ne
peut donner lieu qu'à restitution » et « ne peut en aucun cas être imputée à faute ». À partir de ces
deux règles 1658, la jurisprudence semble avoir posé une distinction entre deux types d'exécution
provisoire au sens large. Lorsqu'une décision fait l'objet d'un recours normalement suspensif
d'exécution (par exemple un appel), son exécution provisoire, autorisée par le juge ou par la loi elle-
même 1659, se voit appliquer l'article L. 111-10 : l'exécution sera faite aux risques du créancier. C'est
une responsabilité objective 1660. En revanche, quand une décision n'est susceptible que d'un recours
non suspensif (ex : tierce opposition ou recours en révision 1661), son exécution, que les auteurs
qualifient volontiers « d'immédiate » ou « à titre définitif » 1662, ne suffit pas pour engager la
responsabilité de celui qui en a bénéficié : seule la preuve d'une faute pourra conduire, dans les
termes de l'article 1382 du Code civil, à sa condamnation à réparer les conséquences dommageables
de cette exécution 1663. En pratique, on n'imagine guère que l'hypothèse d'un abus de droit.
La distribution de ces deux régimes dépend donc de la nature des voies de recours ouvertes contre
la décision susceptible d'exécution, ce qui n'est pas très cohérent. Il nous paraîtrait plus logique de
retenir la responsabilité objective, lorsque l'exécution provisoire a été sollicitée par le bénéficiaire
du jugement et, à l'inverse, d'appliquer la responsabilité pour faute lorsque c'est la loi elle-même qui
autorise l'exécution provisoire (ou immédiate). En effet, on devrait pouvoir reprocher plus facilement
à une partie les conséquences de ce qu'elle a demandé, que les suites d'une exécution que la loi lui
accordait d'office. Une réforme en ce sens serait la bienvenue.

550 Le régime particulier des restitutions de sommes d'argent. – La Cour de cassation


décide aujourd'hui que les restitutions de sommes d'argent sont soumises aux dispositions de
l'article 1153 du Code civil. Le vainqueur en première instance n'est tenu que de restituer les sommes
reçues et il ne doit les intérêts moratoires qu'à partir du moment où elles lui sont réclamées, c'est-à-
dire, en pratique, à compter de la notification de l'arrêt d'appel 1664. Selon la Cour de cassation,
l'explication de cette solution réside dans le fait que dans les obligations au paiement d'une somme
d'argent, le préjudice « découlant de la seule exécution d'une décision exécutoire à titre provisoire,
ultérieurement anéantie, s'analyse comme un retard dans l'exécution et ne peut être réparé que par des
intérêts au taux légal dus à compter de la notification valant mise en demeure » 1665.
Sur le plan de l'équité, le résultat n'est pas satisfaisant. La responsabilité de plein droit qui pesait
sur le bénéficiaire de l'exécution provisoire était sans doute trop sévère, mais on est passé d'un excès
à l'autre : il n'est pas juste que la partie qui a fait exécuter puisse conserver les intérêts échus de la
condamnation jusqu'à la notification de l'arrêt d'appel et que l'exécution d'une décision de justice
infondée devienne ainsi une source d'enrichissement. Il n'est pas certain que la solution soit
davantage fondée sur le plan juridique. Quand une cour d'appel infirme un jugement, elle l'annule, et
l'annulation produit en principe un effet rétroactif, qui oblige, dans toute la mesure du possible, à
remettre les parties dans l'état où elles se trouvaient avant l'acte annulé, que celui-ci soit un contrat
ou un jugement.
551 Infirmation du jugement non exécuté. – Lorsque le jugement assorti de l'exécution
provisoire n'a pas été exécuté, il ne peut plus l'être après son infirmation par la cour d'appel. Mais la
question s'est posée de savoir si le bénéficiaire du jugement pouvait reprocher à son adversaire de
s'être soustrait à l'ordre exécutoire que lui avait adressé le juge de première instance et lui en
demander réparation. La réponse ne saurait faire de doute : l'anéantissement par la cour d'appel de la
décision rendue par le juge du premier degré fait obstacle à toute demande d'indemnisation 1666.
Si cette solution peut se recommander d'un bon sens évident, il reste qu'elle ne s'accorde pas avec
celle que retient la Cour de cassation en cas d'infirmation d'une décision exécutée qui ordonnait le
versement d'une somme d'argent. Pourquoi en effet la partie qui a fait exécuter la décision conserve-t-
elle le bénéfice des intérêts perçus, alors que la partie qui ne l'a pas fait, pour quelque raison que ce
soit, ne tire aucun avantage de la décision qui a été rendue à son profit et qui aurait dû être exécutée ?
L'incohérence est au surplus immorale ou au moins contraire à l'esprit civique, puisque le plaideur
qui a perdu en première instance a intérêt 1667 à se soustraire à l'ordre du juge s'il ne veut pas perdre
les intérêts de la somme à laquelle il a été condamné. En un mot, cette seconde situation fait ressortir
les vices dirimants qui affectent la solution retenue par la Cour de cassation dans la première
hypothèse.

552 Appendice : l'exécution sur minute. – Avec l'exécution sur minute, le Code de procédure
civile connaît une dérogation encore plus importante aux règles de principe posées par les
articles 501 et 503. L'exécution provisoire permet l'exécution d'une décision qui n'est pas encore
passée en force de chose jugée, l'exécution sur minute permet l'exécution d'une décision qui n'est pas
passée en force de chose jugée et qui n'a même pas été notifiée à celui contre lequel on veut la faire
mettre à exécution. L'exécution sur minute permet un gain de temps appréciable : le juge remet
directement au plaideur la minute de sa décision dès qu'il l'a rédigée, dispensant ainsi la partie d'en
demander une copie au greffe. Cette célérité s'impose dans certaines situations. C'est ainsi qu'en
matière funéraire, l'arrêt d'appel qui tranche une contestation sur les conditions de funérailles est
exécutoire sur minute 1668. Les corps ayant une fâcheuse tendance à se dégrader, il est souhaitable de
procéder assez rapidement aux obsèques. Dans d'autres situations, la dispense de notification
préalable permet au plaideur de bénéficier d'un effet de surprise : lorsque la procédure s'est déroulée
de façon non contradictoire, l'adversaire apprend l'existence de la décision au moment même où elle
est mise à exécution 1669.
Aux termes de l'article 495 du Code de procédure civile, l'ordonnance sur requête bénéficie de
plein droit de l'exécution sur minute. La solution est commandée par le fait que, dans la très grande
majorité des cas, son efficacité est liée à l'obtention d'un effet de surprise 1670. L'ordonnance de référé
ne bénéficie de plein droit que de l'exécution provisoire. Elle ne bénéficie de l'exécution sur minute
qu'en cas de nécessité, sur décision spéciale du juge qui la rend, dit l'article 489 du Code de
procédure civile 1671.

SECTION III
LES FRAIS ET DÉPENS

553 Évolution. – Venant après la loi des 16 et 24 août 1790, l'article premier de la loi n 77- o

1468 du 30 décembre 1977 pose le principe de la gratuité de la justice, ou plus exactement le


principe de « la gratuité des actes de justice ». L'objet de la loi est d'abord fiscal : le législateur a
abrogé les redevances, droits d'enregistrement et de timbre qui pesaient sur les parties, ne laissant
subsister que quelques exceptions 1672. Par la suite, il a renoué avec ses vieux démons en instaurant de
nouveau des taxes 1673, dont certaines ont été vivement contestées. On signalera ainsi la contribution
pour l'aide juridique qui a été rapidement supprimée 1674 et le droit affecté au fonds d'indemnisation
de la profession d'avoué 1675. Mais, sous ces notables réserves et à l'exception des indemnités dues
aux greffiers des tribunaux de commerce 1676, le législateur a rendu gratuit le fonctionnement même du
service public de la justice. Ceci se traduit, par exemple, par le fait que les plaideurs ne doivent rien
payer pour les frais de transport des magistrats que le procès a pu occasionner, ni pour les frais
postaux exposés pour les actes de procédure 1677. Il reste cependant que le procès fait intervenir des
particuliers, professionnels ou non de la justice, dont la rémunération ou l'indemnisation pèsent sur
les parties. Certaines de ces dépenses entrent dans les dépens régis par les articles 695 à 718 du
Code de procédure civile.

554 Le contenu des dépens. – On peut définir les dépens comme étant « les frais
juridiquement indispensables à la poursuite du procès et dont le montant fait l'objet d'une tarification,
soit par voie réglementaire (...), soit par décision judiciaire 1678 ». L'article 695 du Code de
procédure civile dispose que les dépens afférents aux instances, actes et procédures d'exécution
comprennent 1679 :
— Les droits, taxes, redevances ou émoluments perçus par les secrétariats des juridictions ou
l'administration des impôts à l'exception des droits, taxes et pénalités éventuellement dus sur les actes
et titres produits à l'appui des prétentions des parties. Il a déjà été indiqué que ces droits ont été
presque tous supprimés.
— Les frais de traduction des actes lorsque celle-ci est rendue nécessaire par la loi ou par un
engagement international. Il est fréquent, en effet, qu'un texte exige, dans le cadre de telle ou telle
procédure à caractère international, une traduction des actes accomplis ou produits dans le cadre du
procès 1680.
— Les indemnités des témoins, qui comprennent l'indemnité dite de comparution et, le cas
échéant, les indemnités de voyage et de séjour.
— La rémunération des techniciens. En principe, le technicien est rémunéré, au moins de façon
partielle, avant la fin de l'instance grâce aux provisions que la partie désignée par le juge a dû
déposer, et sur lesquelles l'expert a été autorisé à prélever les sommes indiquées par le juge 1681. Si
ce n'est pas la partie ayant déposé les provisions qui est condamnée aux dépens, son adversaire doit
lui rembourser les sommes avancées, puisqu'elles font partie des dépens : c'est donc lui qui en
supportera la charge définitive.
— Les débours tarifés, c'est-à-dire les frais exposés pour le procès par les huissiers et les
avocats, et dont le montant est déterminé par des textes réglementaires. Par exemple, pour les
avocats, l'article 65 du décret n 60-323 du 2 avril 1960 cite notamment les copies ou extraits de
o

pièces à signifier, les frais de voyage, les frais de papeterie, d'impression et de correspondance et les
frais de publicité en matière de ventes judiciaires 1682.
— Les émoluments des officiers publics ou ministériels, pour l'essentiel ceux des huissiers de
justice, fixés par le décret n 96-1080 du 12 décembre 1996.
o

— La rémunération des avocats dans la mesure où elle est réglementée, y compris les droits de
plaidoirie 1683. L'article 695 du Code de procédure civile conduit ainsi à distinguer deux parties dans
la rémunération de l'avocat : d'un côté les honoraires, et de l'autre les émoluments tarifés, qui
correspondent à la représentation obligatoire (ce qu'on appelle encore la postulation) qu'assurent les
avocats devant les tribunaux de grande instance. Seuls ces derniers entrent dans les dépens 1684, les
honoraires n'en faisant pas partie. Comme les débours tarifés, ils sont réglementés par le décret n 60-
o

323 du 2 avril 1960.


— Les frais occasionnés par la notification d'un acte à l'étranger.
— Les frais d'interprétariat et de traduction rendus nécessaires par des mesures d'instruction
effectuées à l'étranger à la demande d'un juge dans le cadre du règlement européen du 28 mai 2001
relatif à la coopération judiciaire pour l'obtention des preuves en matière civile et commerciale. En
clair, faire exécuter des mesures d'instruction coûte de l'argent et c'est donc une des parties qui devra
assumer ce coût et non pas l'État.
— Les enquêtes sociales ordonnées « en application des articles 1072, 1171 et 1221 » du Code
de procédure civile. Le premier texte vise les procédures en matière familiale : le juge peut y
ordonner une enquête sociale, notamment sur la situation de la famille en cause. Le deuxième texte
s'applique dans les procédures d'adoption et le dernier concerne l'instruction, par le juge des tutelles,
d'une demande tendant à la mise en place d'une mesure de protection juridique d'une personne
vulnérable.
— La rémunération de la personne désignée par le juge pour entendre le mineur, en application de
l'article 388-1 du Code civil, c'est-à-dire lorsqu'il est auditionné dans le cadre d'une procédure le
concernant 1685.

555 La charge des dépens. – L'article 696 du Code de procédure civile fait peser en principe
la charge des dépens du procès sur le perdant. Lorsque le procès comporte plusieurs instances, ce
sont les dépens afférents à toutes les instances qui sont à la charge du perdant. Par exemple, à
supposer qu'une demande soit rejetée en première instance, mais soit admise en appel, le défendeur
originaire supporte les dépens des deux instances, alors pourtant que le tribunal lui avait donné
raison 1686. La règle énoncée par l'article 696 n'est pas absolue. Le juge peut mettre la totalité ou une
fraction des dépens à la charge d'une autre partie, mais pour cela il doit motiver sa décision, alors
qu'il n'est pas tenu de le faire lorsqu'il applique la règle de principe. Le juge peut ainsi tenir compte
de l'attitude de la partie gagnante ou encore de l'intérêt que présentait l'instance pour chacune des
parties. Il est à remarquer enfin que des textes spéciaux peuvent attribuer différemment la charge des
dépens. Par exemple, l'article 1127 du Code de procédure civile dispose que l'époux qui doit
supporter les dépens d'une procédure de divorce pour altération définitive du lien conjugal est, sauf
si le juge en décide autrement, celui qui a pris l'initiative de cette procédure.
Si les dépens incombent en principe aux parties ou à l'une d'elles, il arrive exceptionnellement
que le juge les mette à la charge d'un auxiliaire de justice, tel qu'un avocat ou un mandataire à la
liquidation des entreprises 1687. En effet, l'article 698 du Code de procédure civile prévoit cette
possibilité lorsque l'auxiliaire a engagé une instance ou accompli un acte de procédure ou d'exécution
injustifiés. Cette règle concerne également les dépens afférents aux instances, actes et procédures
d'exécution nuls par l'effet de sa faute. La jurisprudence considère que cette sanction peut être
prononcée d'office par le juge, même en l'absence de toute demande des parties en ce sens 1688 et il ne
serait même pas nécessaire de mettre en cause l'auxiliaire à titre personnel 1689.
L'article 698 a pour finalité de dissuader les avocats, huissiers et autres auxiliaires de justice
d'inciter leur client à se lancer dans des procédures sans espoir, dans un but dilatoire ou par pur
esprit de chicane. La légalité de ce texte, pourtant affirmée par le Conseil d'État 1690, est discutée, tout
autant que son opportunité. L'article 698 repose sur une logique ambiguë qui combine l'idée d'une
réparation (éventuellement d'office) du dommage subi par le client, alors que celui-ci pourrait tout à
fait agir en dommages et intérêts contre son mandataire, et l'idée d'une sanction de comportements
contraires au bon fonctionnement de la justice. Mais surtout, il instaure une fâcheuse contrariété
d'intérêts entre l'auxiliaire de justice et son client 1691.

556 La « distraction » de certains dépens. – Le recouvrement des dépens fait l'objet de deux
règles supplémentaires, lorsque les parties sont représentées. D'abord, aux termes de l'article 699 du
Code de procédure civile, « les avocats peuvent, dans les matières où leur ministère est
obligatoire 1692, demander que la condamnation aux dépens soit assortie à leur profit du droit de
recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils ont fait l'avance sans en
avoir reçu provision. » L'avocat peut donc prélever sur les sommes adressées par le perdant à son
client les dépens dont il a fait l'avance. Ce droit de prélèvement est appelé traditionnellement « droit
de distraction ».
Cependant, l'article 699, alinéa 2, du Code de procédure civile énonce que la partie contre
laquelle le recouvrement est poursuivi peut déduire de sa dette, par compensation légale, le montant
de sa créance de dépens (s'il en a une). Cette règle est bienvenue, car il serait fâcheux qu'un plaideur
soit conduit à payer, finalement, plus que ce qu'il doit une fois pris en compte ce qui lui est dû par son
adversaire au titre des dépens.
Il faut, enfin, signaler que la charge des dépens qui pèse sur une partie ne fait pas perdre à
l'avocat de l'autre partie la qualité de mandataire de son client. Il peut donc toujours demander à son
client le paiement de ce qui lui est dû au titre des dépens 1693. En quelque sorte, la décision qui
autorise ce professionnel à recouvrer directement certains dépens auprès de l'adversaire condamné
n'opère pas novation par changement de débiteur. La solution est heureuse pour l'avocat, car il arrive
que la partie condamnée aux dépens soit insolvable. Le mandataire ad litem pourra alors se faire
payer par son client de ce que ce dernier lui doit, ce qui est la moindre des choses.

557 La procédure de recouvrement des dépens. – La vérification et le recouvrement des


dépens font l'objet d'une procédure simplifiée 1694 que régissent les articles 704 à 718 du Code de
procédure civile 1695. De façon très originale l'article 704 dispose qu'en cas de difficultés, les parties
peuvent demander, sans forme, au secrétaire de la juridiction de vérifier le montant des dépens. Le
secrétaire le vérifie et procède, le cas échéant, aux « redressements » (aux corrections) nécessaires.
Ensuite, il remet ou adresse par lettre simple à l'intéressé un certificat de vérification 1696. S'il accepte
le compte dressé par le secrétaire, l'intéressé le notifie à l'adversaire qui dispose d'un délai d'un
mois pour le contester 1697. En l'absence de contestation, le poursuivant peut demander au secrétaire
de le mentionner sur le certificat de vérification et cette mention vaut titre exécutoire 1698.
Celui qui entend contester le compte arrêté par le secrétaire (il peut s'agir aussi bien de celui à
qui le compte a été notifié que de celui qui a saisi le secrétaire 1699) peut présenter une demande
d'ordonnance de taxe. La demande doit être motivée et être accompagnée du certificat de
vérification 1700. L'ordonnance qui, contrairement au certificat de vérification 1701, a un caractère
juridictionnel 1702, est rendue par le président de la juridiction (ou par son délégué) qui statue au vu
du compte vérifié et de tous autres documents utiles après avoir recueilli les observations du
défendeur à la contestation. Il appartient au juge de procéder, même d'office, à tous les redressements
nécessaires 1703. Cette ordonnance de taxe peut à son tour faire l'objet d'un recours. Lorsque la
demande est supérieure au taux du ressort, ce recours est un appel qui est porté devant le premier
président. Le délai est d'un mois à compter de la notification de l'ordonnance. Le recours est formé
par la remise ou l'envoi au greffe de la cour d'appel d'une note exposant les motifs du recours 1704. Les
parties sont convoquées quinze jours au moins à l'avance par le greffier de la cour. Le premier
président entend contradictoirement les parties avant de statuer dans les mêmes conditions que le juge
du premier degré 1705.
La même procédure doit être utilisée par l'auxiliaire de justice qui veut obtenir un titre exécutoire
pour recouvrer les dépens, ainsi que pour les demandes ou contestations relatives aux frais,
émoluments et débours qui ne sont pas compris dans les dépens mentionnés à l'article 695 du Code,
de procédure civile formées par ou contre les auxiliaires de justice et les officiers publics ou
ministériels.

558 Les frais non compris dans les dépens. – Les dépens ne comprennent pas toutes les
dépenses qu'occasionne le procès. En particulier, les honoraires de l'avocat (à ne pas confondre avec
ses émoluments tarifés) n'y sont pas compris, non plus que le temps, les soucis et l'argent dépensés
par les parties pour s'occuper du procès. Pendant longtemps, tous ces frais ont mérité leur qualificatif
de « frais irrépétibles » 1706 : la partie qui les avait engagés les assumait à titre définitif, sauf à établir
une faute suffisamment grave de son adversaire pour justifier sa condamnation à les lui rembourser.
La situation n'était pas satisfaisante, car on ne choisit pas toujours d'être partie à un procès et parce
qu'il est certain que, même dans les cas où la représentation n'est pas obligatoire, il est souvent
nécessaire de recourir aux services d'un avocat, en raison de la complexité du droit positif. C'est
pourquoi l'article 700 du Code de procédure civile a instauré une possibilité d'obtenir la répétition
des frais non compris dans les dépens. Jusqu'en 1991, ce texte disposait que « lorsqu'il paraît
inéquitable de laisser à la charge d'une partie les sommes exposées par elle et non comprises dans
les dépens, le juge peut condamner l'autre partie à lui payer le montant qu'il détermine ».
Aujourd’hui, il énonce que « le juge condamne la partie tenue aux dépens 1707 ou qui perd son procès
à payer » à l'autre partie « la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans
les dépens » 1708. Le juge « tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie
condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a
pas lieu » à cette condamnation.
Comme avant 1991, la somme à laquelle le juge peut condamner une partie sur le fondement de
l'article 700 doit être distinguée à la fois des dommages-intérêts pour procédure abusive et des
dépens. Elle se distingue des premiers en ce qu'elle n'est pas subordonnée à l'existence d'une faute
imputable à l'adversaire. D'autre part, à la différence des dépens, elle ne traduit pas une charge
chiffrée du litige que le juge doit faire peser en principe sur le perdant. Il s'agit d'une institution qui
repose entièrement sur l'équité et que la loi abandonne à la discrétion du juge.
De là provient son régime extrêmement souple. S'il l'estime équitable, le juge peut accorder une
somme qu'il détermine dans son jugement 1709 à la partie qui la demande (et la demande aujourd'hui
est formée de façon quasi systématique), même si ses prétentions ne sont que partiellement fondées et
il n'est pas tenu de motiver sa décision 1710.
La différence essentielle qui sépare l'ancien article 700 du texte actuel réside dans la précision
qu'en principe, les frais non compris dans les dépens suivent ces derniers. C'est le perdant qui,
normalement, doit assumer les dépens et les frais qui ne s'y trouvent pas inclus. Pour qu'une partie
soit condamnée sur le fondement de l'article 700, il faut qu'elle ait, au moins en partie, perdu son
procès. On ne doit pas pouvoir condamner le gagnant à rembourser à son adversaire ses frais non
compris dans les dépens, à moins que de manière exceptionnelle et par une décision motivée, le juge
ne l'ait condamné aux dépens comme le permet l'article 696 du Code de procédure civile. Cela étant,
le principe selon lequel seule la partie qui supporte tout ou partie des dépens peut être condamnée à
payer à l'autre des sommes exposées par celle-ci et non comprise dans les dépens est conforme à ce
que décidait la jurisprudence antérieurement à la réforme. Et, comme avant 1991, l'équité permet de
remettre en cause cet alignement de principe des frais dits « irrépétibles » sur les dépens.

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CHAPITRE II
LES AUTRES PROCÉDURES

559 Des procédures simples. – Positivement, il n'existe guère d'éléments communs entre les
dispositions applicables aux autres procédures qui font l'objet de ce chapitre : son titre le montre
suffisamment. Elles se rejoignent surtout par le fait de ne pas être des procédures contentieuses au
principal ou d’être spéciales et de s'en distinguer sur tel ou tel point. Si l'on veut cependant chercher
quelques ressemblances entre elles, on remarquera que la procédure gracieuse (section I) et les
procédures provisoires (section II) sont plus simples que la procédure contentieuse au principal : la
procédure gracieuse parce qu'en l'absence de conflit, le législateur n'a pas à veiller au respect de la
loyauté du procès, et les procédures provisoires parce que précisément elles concernent le
provisoire, ce qui implique qu'on aille vite et que les jugements y aient moins de poids. Leur relative
simplicité et le petit nombre de dispositions particulières à chaque juridiction justifient encore que,
dans ces développements, il soit également fait mention des règles spécifiques à tel ou tel tribunal,
par exemple de celles qui sont spécifiques au référé prud'homal ou à l'instance gracieuse devant le
tribunal de grande instance. La procédure d’injonction de payer (section III) est, quant à elle, très
spéciale, notamment parce que si elle relève bien du contentieux du principal, elle n’est pas
applicable à tous les litiges. On ajoutera que sa simplicité et la recherche de rapidité qui a animé ses
concepteurs en font un outil extrêmement apprécié de la pratique.

SECTION I
LA PROCÉDURE GRACIEUSE

560 Des textes épars. – Les règles applicables aux instances relevant de la matière
gracieuse 1711 empruntent pour une large part aux dispositions régissant la procédure contentieuse au
principal. Ainsi en va-t-il notamment pour tout ce qui intéresse le fonctionnement interne du tribunal :
les registres, la chambre du conseil, le ministère public ou le délibéré restent les mêmes.
Les dispositions spécifiques à la procédure gracieuse, qui seules nous intéressent, ne sont pas
regroupées dans un chapitre qui leur serait réservé. Tout au contraire, elles se trouvent dispersées à
travers le Code de procédure civile : ici, les articles 25 à 29 ; là, les articles 60 et 61 ou encore 675
et 679, pour s'en tenir aux principales dispositions communes à toutes les juridictions, auxquelles il
faut ajouter quelques textes épars ainsi que des dispositions particulières à une juridiction, comme
les articles 797 à 800 pour ce qui est du tribunal de grande instance.
En suivant un ordre chronologique, on étudiera d'abord l'introduction de l'instance (A), puis le
déroulement de la procédure jusqu'au jugement (B) et enfin le jugement lui-même (C).

A. L'INTRODUCTION DE L'INSTANCE

561 Modes de saisine du juge. – En l'absence d'adversaire, l'instance ne peut pas être
introduite par une assignation. Elle ne peut l'être que par une requête, ainsi que le prévoit l'article 60
du Code de procédure civile 1712. L'article 60 ne donnant aucune précision sur le contenu de cette
requête, il convient certainement de se référer, en les transposant en tant que de besoin 1713, aux
dispositions de l'article 57 du même code, relatives à la requête conjointe en matière contentieuse.
De son côté, l'article 797 dispose que, devant le tribunal de grande instance, « la demande est
formée par un avocat, ou par un officier public ou ministériel dans les cas où ce dernier y est habilité
par les dispositions en vigueur ». Le texte actuel de l'article 797 résulte du décret n 76-714 du
o

29 juillet 1976. Dans la rédaction initiale du Code de procédure civile, il énonçait que la requête
pouvait être présentée par tout mandataire, ce qui n'avait pas manqué de susciter quelques réactions
très défavorables des avocats. Le décret de 1976 a retenu une solution de compromis : il reconnaît le
rôle normal des avocats en la matière, mais laisse ouverte la possibilité d'intervention d'autres
professionnels du droit, comme les notaires ou les huissiers. Cependant cette intervention fait l'objet
d'une restriction : elle suppose l'existence d'une disposition législative ou réglementaire spéciale. Il
ne semble pas qu'il en existe à l'heure actuelle, si bien que, pour reprendre l'expression de M. R.
Martin, ce texte constitue un « ensemble vide ».
L'article 61 du Code de procédure civile indique enfin que, pour que la juridiction soit saisie, la
requête doit être déposée au greffe de la juridiction.

B. LE DÉROULEMENT DE L'INSTANCE

562 Spécificités de l'instance gracieuse. – Comme pour l'introduction de l'instance, les


modifications qui affectent le déroulement de l'instance sont liées à l'absence de litige et donc de
contradicteur. Dans l'instruction de l'affaire, elles se traduisent essentiellement par un sensible
accroissement des pouvoirs du juge.
D'abord, en matière gracieuse, on ne retrouve pas l'interdiction faite au juge de fonder sa décision
sur des faits qui ne sont pas dans le débat 1714. L'article 26 du Code de procédure civile dispose au
contraire que « le juge peut fonder sa décision sur tous les faits relatifs au cas qui lui est soumis, y
compris ceux qui n'auraient pas été allégués 1715 ». En d'autres termes, il peut introduire directement
dans le débat des faits sur lesquels il aurait une connaissance personnelle. De manière moins
originale, l'article 27 du Code de procédure civile ajoute que le juge procède, même d'office, à toutes
les investigations utiles. Il peut ainsi ordonner toutes les mesures d'instruction qu'il estime
opportunes ; il peut aussi, aux termes de ce même article, « entendre sans formalités les personnes qui
peuvent l'éclairer ainsi que celles dont les intérêts risquent d'être affectés par sa décision ». Il pourra,
par exemple, entendre les grands-parents biologiques d'un enfant, dans le cadre de la procédure
d'adoption engagée par le nouveau mari de sa mère après le décès de son père.
À l'égard des tiers à l'instance, les pouvoirs du juge ne s'arrêtent pas là. Alors qu'en matière
contentieuse, il peut seulement inviter les parties à mettre en cause des tiers, l'article 332, alinéa 2,
du Code de procédure civile dispose qu'en matière gracieuse, il peut « ordonner la mise en cause des
personnes dont les droits ou les charges risquent d'être affectés par la décision à prendre ». Par
exemple, avant de prononcer l'envoi en possession d'un légataire universel, en application de
l'article 1008 du Code civil, il est fréquent que le président du tribunal de grande instance ordonne la
mise en cause des héritiers ab intestat que le testament déshérite 1716. Les droits des tiers ne sont
cependant pas subordonnés à une initiative du juge. À défaut de texte interdisant aux tiers, en matière
gracieuse, de former une demande en intervention volontaire, il faut l'admettre en principe, comme en
matière contentieuse 1717. Cette possibilité d'intervention volontaire donne tout son sens à la
disposition de l'article 29 du Code de procédure civile, aux termes duquel « un tiers peut être
autorisé par le juge à consulter le dossier de l'affaire et à s'en faire délivrer copie, s'il justifie d'un
intérêt légitime ». En consultant le dossier, le tiers peut apprendre si la demande gracieuse est
susceptible d'affecter ses droits et, à partir de là, il pourra décider, en connaissance de cause,
d'intervenir ou non. En d'autres termes, l'article 29 institue une sorte de pré-intervention du tiers.
Il résulte de l'article 798 du Code de procédure civile que, devant le tribunal de grande instance,
le ministère public doit avoir communication des affaires gracieuses. De même, l'article 799 du
même code dispose que, devant ce tribunal, l'instruction de l'affaire est confiée par le président de la
chambre à un juge rapporteur, qui dispose des mêmes pouvoirs que le tribunal : c'est donc lui qui
exerce les pouvoirs qui viennent d'être indiqués.

563 Les débats. – Une fois la demande instruite, l'affaire est normalement appelée à l'audience
pour les débats oraux. Cependant l'article 28 du Code de procédure civile dispose que le juge peut se
prononcer sans débat. Il s'agit là d'une pure faculté, laissée à son appréciation. La directive générale
à suivre paraît être la suivante : chaque fois que le bien-fondé de la demande n'est pas discutable, des
débats oraux peuvent apparaître inutiles. En revanche, dès que le juge a des doutes sur son bien-
fondé, une discussion avec les parties s'impose avant qu'il ne statue. Lorsque des débats oraux ont
lieu, l'article 434 du Code de procédure civile dispose que « la demande est examinée en chambre du
conseil ». Cette solution traditionnelle se justifie par deux raisons : d'une part, en l'absence de litige,
l'affaire ne suscite pas le soupçon et la publicité des débats ne s'impose plus ; d'autre part, les
demandes gracieuses intéressent le plus souvent la vie privée du ou des requérants. Enfin, devant le
tribunal de grande instance, en matière gracieuse, le ministère public, s'il y a des débats, est tenu d'y
assister ou de faire connaître son avis 1718.

C. LE JUGEMENT

564 Spécificités du jugement gracieux. – À la différence de ce qu'il prévoit pour la matière


contentieuse, l'article 451 du Code de procédure civile dispose qu'en principe, les jugements
gracieux sont prononcés hors la présence du public. Il existe cependant quelques exceptions à ce
principe, par exemple en matière d'adoption 1719.
En plus des mentions communes à tous les jugements, l'article 454 du Code de procédure civile
énonce que le jugement gracieux doit aussi indiquer le nom des personnes auxquelles il doit être
notifié et qu'il appartient au tribunal de déterminer. Ce sont, dit l'article 679 du même code, les tiers
« dont les intérêts risquent d'être affectés par la décision ».
Une fois, le jugement rendu, il est notifié aux parties et aux tiers qu'indique le jugement. Il doit
aussi l'être au ministère public lorsqu'un recours lui est ouvert contre le jugement 1720. La notification
n'est pas effectuée au moyen d'un acte d'huissier : il résulte de l'article 675 du Code de procédure
civile qu'en matière gracieuse, « les jugements sont notifiés par le secrétaire de la juridiction, par
lettre recommandée avec demande d'avis de réception ».
SECTION II
LES PROCÉDURES PROVISOIRES

565 Division. – Les deux sortes de contentieux provisoires 1721 que sont le référé et
l'ordonnance sur requête sont l'une comme l'autre dotées d'une procédure spécifique. Il convient de
les examiner successivement (§ 1 et 2).

§ 1. LA PROCÉDURE DE RÉFÉRÉ

566 Présentation. – La réglementation de la procédure de référé est commandée par les deux
traits qui dominent tout le contentieux du référé : d'une part, l'impératif de rapidité et, d'autre part,
pour les mesures importantes, la quasi-évidence que traduit l'absence de contestation sérieuse. À un
tel contentieux convient une procédure extrêmement simple. C'est en effet cette impression qui se
dégage de la lecture des articles 484 à 492 du Code de procédure civile (ainsi que des
articles R. 1455-5 à R. 1455-11 du Code du travail pour le référé prud'homal).
En suivant de nouveau un ordre chronologique, on étudiera d'abord l'introduction de l'instance
(A), puis le déroulement de la procédure jusqu'à l'ordonnance (B) et enfin la décision elle-même (C).

A. L'INTRODUCTION DE L'INSTANCE

567 Les modes d'introduction de l'instance. – L'article 485 du Code de procédure civile
dispose que l'instance est normalement introduite par une assignation. En plus des mentions
communes à toutes les juridictions, elle indique le jour et l'heure de l'audience à laquelle l'affaire
sera examinée : à l'instar des assignations devant les juridictions d'exception, c'est une assignation à
jour fixe 1722. Pour ce qui est du référé prud'homal, l'article R. 1455-9 du Code du travail offre au
demandeur (qui est presque toujours le salarié) un choix entre deux modalités : il peut soit assigner
son adversaire comme il vient d'être dit, soit utiliser les actes introductifs prévus pour l'instance au
principal, en pratique la déclaration au greffe du conseil de prud'hommes. La première modalité
présente l'avantage d'être plus rapide, la seconde celui d'être moins coûteuse.
En dehors du cas où l'instance est introduite par une déclaration, l'acte introductif ne saisit pas le
juge. Le placement de l'affaire se réalise par le dépôt au greffe d'une copie de l'assignation, au plus
tard la veille de l'audience 1723.

B. LE DÉROULEMENT DE L'INSTANCE

568 Représentation non obligatoire. – La simplicité qui commande la procédure de référé et


la rapidité qui la caractérise expliquent que, même devant le président du tribunal de grande instance,
les parties ne soient pas tenues de constituer avocat. À dire vrai, aucun texte ne pose cette dérogation
au principe de la représentation obligatoire devant le tribunal de grande instance, mais les auteurs
comme les praticiens la tiennent généralement pour certaine 1724. Selon une opinion, elle se déduirait
de ce que l'article 751 du Code de procédure civile, qui impose la représentation devant ce tribunal,
se trouve dans un sous-titre distinct de celui qui régit les pouvoirs de son président en matière de
référés 1725. Peut-être faut-il y voir plus simplement une règle coutumière. Toujours est-il que les
parties peuvent comparaître en personne à l'audience, même si, dans l'écrasante majorité des cas,
elles ont sagement recours aux services d'un avocat 1726. Éventuellement, lorsque l'affaire présente
d'importants éléments de fait, il peut être opportun que le plaideur accompagne son avocat, en se
munissant du maximum de documents.

569 Absence de délai de comparution. – Si l'assignation doit indiquer le jour et l'heure de


l'audience de référé, on chercherait en vain dans les textes l'indication d'un délai de comparution. Le
délai de droit commun, qui est de quinze jours, ne convient certes pas, mais on aurait pu penser qu'il
serait remplacé par un autre délai plus court, de cinq ou de sept jours, par exemple. Le législateur a
renoncé à en fixer un, estimant qu'un délai rigide se révélerait trop souvent inopportun. L'article 486
du Code de procédure civile dispose seulement qu'il faut qu'il se soit « écoulé un temps suffisant
entre l'assignation et l'audience pour que la partie assignée ait pu préparer sa défense ».
Concrètement, la durée du délai varie donc en fonction de la fixation des audiences. Devant chaque
juridiction, il se tient au moins une audience de référé par semaine 1727. À supposer que l'audience se
tienne le mardi matin, la situation du défendeur n'est pas du tout la même selon qu'il a été assigné le
mercredi ou le lundi précédant l'audience. Il appartient au juge de s'assurer que le défendeur a
disposé d'un temps suffisant, surtout s'il ne comparaît pas. Pour cela, le juge doit en premier lieu
examiner comment l'assignation a été délivrée au défendeur. Si l'acte a été signifié à domicile par
dépôt en l'étude de l'huissier 1728, le vendredi, pour l'audience du mardi suivant, il est à peu près
certain que le défendeur n'aura pas connaissance du contenu de l'acte avant le jour de l'audience. En
second lieu, le juge doit prendre en compte l'importance de la demande. Il est légitime de prévoir un
délai plus long lorsque le maître de l'ouvrage demande une provision de cinquante mille euros que
lorsque la victime d'un accident d'automobile demande la nomination d'un expert 1729.

570 Le référé dit « d'heure à heure ». – Dans certaines circonstances, un délai de cinq à six
jours peut être encore trop long. L'article 485, alinéa 2, du Code de procédure civile dispose que, si
« le cas requiert célérité », le juge des référés peut autoriser le demandeur à assigner à heure
indiquée 1730. L'autorisation est demandée sur requête et, si le juge l'accorde, son ordonnance sera
notifiée au défendeur en même temps que l'assignation. Dans un souci d'efficacité, l'article 485
permet de citer à comparaître même les jours fériés ou chômés. Le juge des référés peut ainsi statuer
dans l'après-midi sur une demande qui a fait l'objet le matin même d'une requête, pourvu que, même
dans cette hypothèse, compte tenu des circonstances, le juge puisse estimer que le défendeur a
disposé d'un temps suffisant 1731. En matière prud'homale, cependant, le demandeur ne peut utiliser
cette procédure 1732.

571 Les débats et le délibéré. – En référé, l'affaire est débattue sans instruction préalable et la
procédure est orale : c'est en principe à l'audience que les parties développent leurs prétentions et
leurs moyens respectifs. Cependant, chaque fois qu'elles en ont le temps, on constate que les parties
échangent des conclusions, même sommaires 1733. De même encore, c'est à l'audience que les parties
se communiquent leurs pièces s'il y a lieu 1734.
Assez souvent, le juge ne renvoie pas le prononcé de sa décision à une audience ultérieure. Il rend
sa décision après un bref délibéré sur le siège ou en chambre du conseil. On ne saurait trop souligner
l'expérience et la prudence que suppose l'exercice des fonctions de juge des référés.

C. LA DÉCISION DE RÉFÉRÉ
572 Régime général. – L'ordonnance de référé obéit pour l'essentiel aux dispositions
communes à tous les jugements. Il convient seulement de rappeler qu'elle n'est pas dotée de l'autorité
de la chose jugée au principal 1735, mais qu'en revanche, elle bénéficie de plein droit de l'exécution
provisoire 1736. Elle peut faire l'objet des voies de recours que sont l'appel, si la demande est
supérieure au taux du ressort, et le pourvoi en cassation, dans le cas contraire 1737.

573 Le renvoi à la formation collégiale en état de référé. – Le contenu de la décision


présente davantage d'originalité. Le Code de procédure civile permet en effet au juge des référés de
renvoyer l'affaire devant une autre formation de la juridiction à laquelle il appartient. Il faut
soigneusement distinguer les diverses hypothèses énoncées par les textes, car elles correspondent à
des types de renvoi différents. En premier lieu, l'article 487 du Code de procédure civile dispose que
« le juge des référés a la faculté de renvoyer l'affaire en état de référé devant la formation collégiale
de la juridiction à une audience dont il fixe la date ». Le point essentiel de cette disposition,
applicable devant toutes les juridictions à l'exception du conseil de prud'hommes 1738, est que le
renvoi ne modifie pas la nature de l'instance, qui demeure une instance de référé. Le tribunal rendra
un jugement de référé dont le régime est en tous points identique à l'ordonnance que peut rendre le
juge unique normalement appelé à statuer.

574 Le renvoi au fond devant le conseil de prud'hommes. – Les autres renvois se signalent
par une transformation de l'instance soumise au juge des référés : l'instance en référé laisse place à
une instance au principal. L'article R. 1455-8 du Code du travail dispose que la formation de référé
du conseil de prud'hommes peut renvoyer une affaire devant le bureau de jugement « s'il lui apparaît
que la demande formée devant elle excède ses pouvoirs et lorsque cette demande présente une
particulière urgence ». En pratique, la demande excède les pouvoirs de la formation de référé parce
qu'elle porte sur une mesure anticipant la décision au principal et qu'elle se heurte à une contestation
sérieuse. L'article R. 1455-8 subordonne expressément le renvoi à l'accord de toutes les parties. Si
cette condition est remplie, la formation de référé procède elle-même à une tentative de conciliation
en audience non publique 1739, puis renvoie directement l'affaire devant le bureau de jugement. La
notification aux parties de l'ordonnance de référé mentionne la date de l'audience et, ajoute le texte,
elle vaut citation en justice. L'intérêt de ce renvoi est d'accélérer le déroulement de l'instance au
principal : il dispense le demandeur de procéder à une nouvelle citation de son adversaire et évite
toute perte de temps liée à la tenue d'une tentative de conciliation distincte.

575 La technique de la « passerelle ». – C'est une solution comparable qu'organise, devant le


tribunal de grande instance, l'article 811 du Code de procédure civile 1740. Lorsque le président
constate qu'il ne peut statuer sur la demande qui lui est présentée en référé 1741, il peut, à la demande
d'une des parties (en pratique le demandeur) et si l'urgence le justifie, renvoyer l'affaire à une
audience dont il fixe la date pour qu'il soit statué au fond. Le procédé est simple et rapide, puisque le
demandeur n'a, dès lors, pas à faire délivrer une assignation à jour fixe à son adversaire : En vertu de
l'article 811 précité, « l'ordonnance emporte saisine du tribunal ». Et c'est le juge des référés lui-
même qui, en fixant la date de l'audience au fond, veillera « à ce que le défendeur dispose d'un temps
suffisant pour préparer sa défense ». Si l'urgence justifie que le demandeur bénéficie d'un tel
« raccourci » vers une instance au fond, sans avoir à emprunter la procédure normale 1742
d'autorisation d'assigner à jour fixe, les droits de la défense ne sont donc pas pour autant sacrifiés.
Il convient de préciser que le système de la passerelle existe également devant la cour
d'appel 1743. Le décret n 2004-836 du 20 août 2004 l'a étendu au tribunal d'instance, avant que le
o

décret n 2005-1678 du 28 décembre 2005 ne l'étende au tribunal de commerce et au tribunal


o

paritaire des baux ruraux 1744.

§ 2. LA PROCÉDURE SUR REQUÊTE

576 La présentation de la requête. – Comme en matière de référé, le caractère provisoire de


l'ordonnance sur requête et l'urgence qui s'y attache supposent une procédure extrêmement simple.
L'absence de débat contradictoire avant que la décision ne soit rendue ne peut qu'accentuer ce
trait 1745. L'article 494 du Code de procédure civile dispose que la requête est présentée en double
exemplaire 1746 et qu'elle doit être motivée et doit comporter l'indication précise des pièces
invoquées 1747. En cas d'urgence, la requête peut être présentée au domicile du juge. Cette disposition
s'applique devant toutes les juridictions, avec cette précision que, pour le président du tribunal de
commerce, l'article 876 du Code de procédure ajoute qu'elle peut aussi être présentée au lieu où il
exerce son activité professionnelle.
À la différence de ce qui a lieu pour le référé, l'article 813 du Code de procédure civile indique
limitativement les personnes qui peuvent présenter une requête au président du tribunal de grande
instance : elle peut l'être par un avocat 1748 ou par « un officier public ou ministériel dans les cas où
ce dernier y est habilité par les dispositions en vigueur ». L'article 813 reprend la disposition de
l'article 797 du même code relatif à la matière gracieuse et, comme celui-ci, il constitue un
« ensemble vide » 1749.

577 La décision rendue sur requête. – Aux termes de l'article 495 du Code de procédure
civile, l'ordonnance que rend le juge sur la requête doit être motivée. Cette précision n'a plus qu'un
intérêt historique : elle rappelle qu'il n'en allait pas ainsi sous l'empire de l'ancien Code de
procédure civile. Mais aujourd'hui, l'article 495 ne fait que reprendre la règle de principe posée par
l'article 455 du Code actuel, avant d'ajouter, pour une plus grande efficacité, que l'ordonnance sur
requête est exécutoire au seul vu de la minute. Concrètement, le juge remet au requérant la minute de
l'ordonnance, un double de la minute étant conservé au greffe de la juridiction 1750.
On rappellera enfin que l'ordonnance sur requête peut faire l'objet de voies de recours qui varient
selon que le juge a ou non donné satisfaction au demandeur. S'il a rejeté la requête, les voies de
recours sont celles du droit commun : le requérant peut interjeter appel ou se pourvoir en cassation,
selon que le juge a statué en premier ressort seulement ou en dernier ressort 1751. En revanche, si le
juge a donné satisfaction au requérant, l'autre partie doit demander au magistrat, en la forme des
référés, de rétracter sa décision 1752. C'est dans cette perspective que l'article 495, alinéa 3, du Code
de procédure civile exige qu'une copie de la requête et de l'ordonnance soit laissée à la personne à
qui l'on oppose cette décision. L'ordonnance étant exécutoire sur minute, il n'y a pas à la notifier
préalablement à l'adversaire 1753, mais il faut quand même lui en laisser une copie, une fois qu'elle a
été mise en œuvre. Il s'agit de lui permettre de prendre connaissance de tous les éléments sur lesquels
s'est fondé le demandeur 1754 et d'apprécier pleinement l'opportunité et les chances de succès d'un
éventuel recours en rétractation.

SECTION III
LA PROCÉDURE DE L’INJONCTION DE PAYER

578 Injonctions de payer et de faire. – La procédure de l'injonction de payer qui est


aujourd'hui régie par les articles 1405 et suivants du Code de procédure civile, a été instituée en
1937, en vue de permettre un recouvrement rapide et peu coûteux des petites créances commerciales.
Le succès qu'elle a rencontré a conduit le législateur à en élargir progressivement le domaine aux
créances civiles, puis aux créances des organismes de sécurité sociale résultant « d'une prise en
charge injustifiée ou d'un indu de prestation » 1755. Dans les relations transfrontalières au sein de
l'Union européenne, existe également une procédure d'injonction de payer européenne (IPE), mais
cette procédure (qui est facultative, le demandeur pouvant emprunter une procédure nationale)
suppose que l'une des parties réside habituellement dans un État membre autre que celui du juge saisi.
Elle n'est pas utilisable en droit français interne 1756. Nous nous en tiendrons à l'examen de la
procédure d'injonction de payer classique applicable devant le tribunal d'instance, la juridiction de
proximité 1757, le tribunal de commerce ou le tribunal de grande instance.
Schématiquement, la procédure de l'injonction de payer se caractérise par l'existence éventuelle
de deux instances. La première, qui fait toute l'originalité de la procédure, est une instance non
contradictoire ; elle tend à l'obtention d'une ordonnance portant injonction de payer, qui sera notifiée
au débiteur. Si ce dernier veut contester sa condamnation, il doit former opposition contre
l'ordonnance. De l'opposition, naît une seconde instance qui, sous réserve de quelques distinctions
mineures, est une instance de droit commun.
À côté de l'injonction de payer, les articles 1425-1 à 1425-9 du Code de procédure civile
instituent la procédure de l'injonction de faire, qui n'a guère que le nom de commun avec l'injonction
de payer. À première vue, il est vrai, les deux procédures d'injonction semblent très proches l'une de
l'autre : le demandeur sollicite aussi du juge, de façon non contradictoire, une ordonnance portant
injonction de faire. En réalité, il existe entre elles une différence fondamentale : l'ordonnance que le
juge rend à la suite de la requête n'est pas un jugement au sens du Code de procédure civile ; par
exemple, elle ne peut contenir une astreinte et elle n'a pas vocation à devenir un titre exécutoire. Ce
n'est qu'un avertissement que le juge adresse au débiteur de l'obligation de faire, alors que la
véritable ordonnance que rend le juge dans la procédure de l'injonction de payer devient un jugement
exécutoire si une opposition ne conduit pas à sa remise en cause. La seule sanction de l'inexécution
de cette fausse ordonnance (d'injonction de faire) est qu'à défaut d'exécution de l'obligation de faire,
le juge examinera l'affaire pour de bon après avoir entendu les parties, pour rendre alors un véritable
jugement. C'est dire que la procédure d'injonction de faire ne présente à peu près aucun intérêt, car
elle n'apporte rien par rapport au référé obligation de faire de l'article 809, alinéa 2, du Code de
procédure civile 1758. Ces articles constituent une sorte de « gadget » réglementaire, dont on aurait pu
faire l'économie. À notre sens, il est plus simple et plus efficace de demander tout de suite au juge de
statuer, en référé ou au principal, selon les cas. Il semble d'ailleurs que cette procédure soit très peu
utilisée. Aussi la suite de ce développement ne sera-t-elle consacrée qu'à la procédure de l'injonction
de payer.

579 Différence avec le référé. – Le caractère dérogatoire de la procédure d'injonction de


payer par rapport à la procédure ordinaire au principal peut inciter à rapprocher l'injonction de payer
du référé. Dans l'un et l'autre cas, ne demande-t-on pas au juge de rendre une ordonnance à l'issue
d'une instance sommaire et rapide ? Il faut complètement rejeter ce rapprochement. Le référé se
caractérise, on l'a vu 1759, par le contenu de la demande qui est soumise au juge ; le demandeur
sollicite une ou plusieurs mesures provisoires. Or, dans la demande formée selon la procédure de
l'injonction de payer, le créancier demande au juge de dire le droit, en reconnaissant sa créance,
avant d'en ordonner le paiement. Le demandeur sollicite du juge une décision au principal dotée de
l'autorité de la chose jugée 1760 et, en général, de tous les attributs et de tous les effets d'un jugement
ordinaire. En d'autres termes, la procédure de l'injonction de payer n'est rien d'autre qu'une procédure
simplifiée permettant à un créancier de soumettre au juge une demande en paiement, qui est une
demande contentieuse au principal 1761.
La procédure de l'injonction de payer tient à des considérations de pure opportunité. Ce qui la
justifie, c'est qu'elle intéresse essentiellement des créances dont l'existence et le montant ne sont pas
sérieusement discutables. Pour ces créances, le demandeur est autorisé par la loi à solliciter la
condamnation de son débiteur sans l'avoir appelé devant le juge, par dérogation au principe posé par
l'article 14 du Code de procédure civile. Il en résulte une réduction du coût de la procédure, qui
répond non seulement à l'intérêt du créancier, mais aussi à celui bien compris du débiteur, car c'est
sur ce dernier que pèse la charge définitive des frais liés au recouvrement de la créance. De la part
du créancier, le recours à la procédure de l'injonction de payer constitue une sorte de pari, à savoir
que le défendeur ne fera pas opposition et qu'une seule instance aura lieu.

580 Domaine de l'injonction de payer. – Le domaine de la procédure de l'injonction de payer


a été considérablement élargi depuis 1937. Il reste qu'aujourd'hui encore, elle ne peut pas être
utilisée pour le recouvrement de toutes les créances. En premier lieu, l'article 1405 du Code de
procédure civile dispose que le recouvrement d'une créance peut être demandé selon cette procédure
lorsque « la créance a une cause contractuelle ou résulte d'une obligation de caractère statutaire
et s'élève à un montant déterminé ; en matière contractuelle, la détermination est faite en vertu des
stipulations du contrat, y compris, le cas échéant, la clause pénale ». De façon négative, ce texte
exclut en principe 1762 le recouvrement des créances d'origine extra-contractuelle. Et même en matière
contractuelle, la procédure de l'injonction de payer est exclue lorsque le montant de la créance n'est
pas déterminé par les stipulations du contrat, ce qui est le cas des dommages-intérêts 1763 dont le
montant ne serait pas fixé par une clause pénale 1764. En revanche, dès lors que le montant de la
créance est déterminé, le créancier peut avoir recours à la procédure de l'injonction de payer, même
si la somme en jeu est considérable 1765. Depuis le décret n 81-500 du 12 mai 1981, la procédure
o

peut également être utilisée pour le recouvrement des créances de caractère statutaire ; sont
comprises sous ce nom toutes les créances dues à titre de cotisation ou de contribution aux
organismes de sécurité sociale ou de retraite 1766, qui font d'ailleurs de cette procédure un usage
quotidien. Il suffit que ces créances soient d'un montant monétaire déterminé, ce qui est presque
toujours le cas 1767.
En second lieu, l'article 1405 du Code de procédure civile dispose que le recouvrement d'une
créance peut encore être demandé suivant la procédure de l'injonction de payer lorsque l'engagement
résulte du tirage, de l'acceptation ou de l'aval d'une lettre de change, de la souscription ou de l'aval
d'un billet à ordre 1768, ou encore de l'acceptation de la cession de créances conformément à la loi
Dailly du 2 janvier 1981 1769. L'intérêt de cette disposition est que le bénéficiaire d'une lettre de
change acceptée est dispensé de joindre à sa requête les documents relatifs au contrat qui a justifié
l'émission de la lettre de change. Il lui suffit de produire la lettre de change impayée 1770.
Peut-être convient-il d'indiquer que ces règles ne constituent pas à proprement parler des règles
de compétence, puisqu'elles n'ont pas pour objet de répartir les litiges entre les diverses juridictions
qui existent 1771. Elles déterminent les cas dans lesquels une voie procédurale est ouverte au plaideur
qui souhaiterait l'emprunter : ce sont donc des règles de recevabilité de la demande, dont la violation
est sanctionnée par une fin de non-recevoir 1772 d'ordre public 1773.
Le domaine de l'injonction de payer étant ainsi précisé, il convient d'étudier successivement
l'instance non contradictoire (§ 1), puis l'instance contradictoire (§ 2).

§ 1. L’INSTANCE NON CONTRADICTOIRE

581 Règles particulières de compétence. – Les règles de compétence en la matière sont issues
d’une réforme intervenue en 2011 et 2012, qui est entrée en vigueur le 1 janvier 2013 et a étendu la
er

compétence en matière d'injonction de payer au président du tribunal de grande instance 1774.


L'article 1406 du Code de procédure civile dispose que, selon le cas, la demande est portée devant le
tribunal d'instance, la juridiction de proximité 1775, le président du tribunal de commerce ou celui du
tribunal de grande instance 1776 « dans la limite de la compétence d'attribution de ces juridictions ».
La répartition de compétence s'effectue donc de la façon suivante : lorsqu'une demande formée selon
la procédure de droit commun relèverait de la compétence du tribunal de commerce, c'est devant le
président de ce tribunal qu'elle doit être formée selon la procédure de l'injonction de payer ; lorsque
tel n’est pas le cas, la requête en injonction de payer doit être présentée à la juridiction de proximité,
au tribunal d’instance ou au président du tribunal de grande instance, en fonction du montant de la
demande. Par exemple, une demande tendant au remboursement d'un prêt consenti à un particulier
relève de la juridiction de proximité si son montant n’excède pas 4 000 euros, du tribunal d’instance
entre 4 000 et 10 000 euros et du président du tribunal de grande instance 1777 au-delà de 10 000
euros.
L'article 1406 édicte aussi une règle particulière de compétence territoriale ; le juge compétent est
celui du lieu où demeure le débiteur ou l'un des débiteurs poursuivis 1778.
Le texte précise que ces règles de compétence sont d'ordre public et que toute clause contraire est
réputée non écrite. C'est dire que, même entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de
commerçant, l'article 1406 fait échec à une clause attributive de compétence. Il exclut aussi le jeu des
règles de compétence complémentaires posées par l'article 46 du Code de procédure civile 1779. Il est
à remarquer que les règles de compétence d'attribution et de compétence territoriale en matière
d'injonction de payer constituent un des rares cas où le juge est tenu de soulever d'office son
incompétence 1780.

582 Présentation de la demande. – La demande en paiement est soumise au juge par le dépôt
d'une requête. La mise à l'écart du principe de la contradiction qui caractérise cette première instance
interdit le recours à l'assignation. Pour une procédure non contradictoire, la requête est le mode
normal d'introduction de l'instance 1781. L'article 1407 du Code de procédure civile précise que la
requête est remise ou adressée au greffe par le créancier lui-même ou par tout mandataire 1782. Cette
précision était de nature à poser problème devant le tribunal de grande instance, à compter de
janvier 2013 1783, puisque la représentation par avocat est normalement obligatoire devant cette
juridiction. C'est pourquoi, l'article 4 III de la loi n 2011-1862 du 13 décembre 2011 a instauré une
o

dérogation à ce caractère obligatoire, en réaffirmant que la requête en injonction de payer pouvait


être présentée par le requérant ou par tout mandataire de ce dernier. La procédure d'injonction de
payer peut donc être engagée sans avocat, même devant le tribunal de grande instance. En revanche, il
est évident que le recours à l'avocat s'imposera de nouveau, lors de la phase contradictoire de la
procédure devant cette juridiction.
Outre les mentions prescrites par l'article 58 du Code de procédure civile (noms, prénoms,
domiciles des parties, etc. 1784), la requête contient « l'indication précise du montant de la somme
réclamée avec le décompte des différents éléments de la créance ainsi que le fondement de celle-ci ».
À cet acte sont joints les documents justificatifs, qui demeurent au greffe pendant la procédure 1785.
L’article 1408 du Code de procédure civile précise que, dans la requête, le demandeur peut
également indiquer le tribunal qu'il estime être compétent et auquel il demande que l'affaire soit
renvoyée en cas d'opposition du débiteur. La raison de cette règle est que l'instance à laquelle
l'opposition donne naissance est une instance de droit commun. Or, jusqu’en 2013, le président du
tribunal de grande instance n’étant pas compétent en matière d’injonction de payer, une instance non
contradictoire devant le tribunal d’instance pouvait déboucher (sur opposition) sur une instance
contradictoire de droit commun devant le tribunal de grande instance. Les règles ordinaires de
compétence reprenaient alors leur empire, et le créancier pouvait à l'avance solliciter leur
application. L’article 1408 du Code de procédure civile a perdu l’essentiel de son maigre intérêt, le
1 janvier 2013. En effet, le tribunal de grande instance étant désormais compétent en matière
er

d'injonction de payer, on n’a plus à s’adresser au tribunal d'instance lorsque le litige porte sur une
valeur supérieure à 10 000 euros et il n'y a donc plus lieu de changer de juridiction, quand on passe
de l'instance non contradictoire à l'instance contradictoire. Si l’on n’a pas abrogé l'article 1408, c’est
peut-être eu égard à l’éventualité d’une clause attributive de juridiction dont le demandeur entendrait
invoquer le bénéfice au-delà de la phase non contradictoire de la procédure d’injonction de payer. En
effet, les règles de compétence que l’article 1406 rend d’ordre public sont celles qui désignent la
juridiction devant statuer sur la requête initiale. L’instance contradictoire relevant du droit commun,
une clause attributive de juridiction doit produire son effet si elle répond aux conditions de validité
posées par la loi ou la jurisprudence 1786.
On précisera, pour finir, que la formation de la demande par le dépôt de la requête devrait
interrompre la prescription. Cependant, par une interprétation passéiste de l'ancien article 2244 du
Code civil (qui visait la citation et non la demande), la Cour de cassation a décidé que le dépôt de la
requête n'interrompait pas la prescription, parce qu'à la différence de la citation, la requête n'est pas
adressée au débiteur, et elle a attaché l'effet interruptif au premier acte adressé au débiteur, c'est-à-
dire à la signification de l'ordonnance 1787. Cette solution est doublement critiquable. Elle l'est
d'abord sur un plan juridique, car elle attribue à l'instrumentum l'effet que la loi attribue au negotium
ou plus exactement elle ajoute une condition inutile tenant au mode d'introduction de la demande 1788.
Inversement, elle attribue un effet interruptif à un acte (la signification de l'ordonnance) qui n'est ni
une citation 1789 ni une demande. Elle n'est pas moins critiquable sur un plan pratique. La prescription
sanctionne l'inaction du créancier. Par conséquent, son interruption ne doit dépendre que des
diligences de celui-ci. Dans l'injonction de payer, le créancier accomplit les diligences qui lui
incombent en déposant la requête. Il est injuste que la prescription continue à courir contre lui jusqu'à
ce qu'il lui soit possible de notifier l'ordonnance, alors qu'il n'a aucune prise sur le juge pour
l'obliger à rendre son ordonnance dans un délai raisonnable 1790. L'ancien article 2244 du Code civil
ayant été remplacé, en 2008, par un article 2241 qui vise une « demande en justice » et non plus une
« citation », on peut espérer que la Cour de cassation revienne sur cette regrettable jurisprudence.

583 Décision du juge. – Une fois vérifiée sa compétence, le juge examine les documents
produits pour statuer sur le bien-fondé de la demande 1791. Au vu de ces documents, il peut rendre
trois sortes de décisions. Le juge peut d'abord estimer que la demande est entièrement fondée.
L'ordonnance qu'il rend alors enjoint au débiteur de payer la somme demandée et elle lui est notifiée.
En deuxième lieu, le juge peut rejeter entièrement la demande présentée par le créancier. Aux termes
de l'article 1409 du Code de procédure civile, sa décision est sans recours. Il ne reste plus au
créancier qu'à emprunter les voies procédurales de droit commun.
Reste la troisième hypothèse, dans laquelle le demandeur n'obtient du juge qu'une partie de ce
qu'il a demandé. La première idée qui vient à l'esprit est de profiter de ce qui a été accordé et, pour
le reste, de former une autre demande selon les procédures ordinaires. Cependant l'article 1409,
alinéa 3, du Code de procédure civile oblige le demandeur à effectuer un choix global. S'il choisit de
se prévaloir de la décision en la notifiant au débiteur, il renonce au reste de ses prétentions. S'il
entend les reprendre, il doit renoncer au bénéfice de l'ordonnance et utiliser pour toutes ses
prétentions les procédures de droit commun. Pour y renoncer, il suffit au créancier de ne pas la
notifier au débiteur ; en effet, aux termes de l'article 1411 du même code, l'ordonnance portant
injonction de payer est non avenue si elle n'a pas été signifiée dans les six mois de sa date 1792. La
solution retenue par l'article 1409 est commandée par la valeur qu'est susceptible d'acquérir
l'ordonnance portant injonction de payer. Si le créancier la notifie et si, de son côté, le débiteur n'y
fait pas opposition, elle produit tous les effets d'un jugement contradictoire au principal 1793 ; c'est
dire qu'elle devient un jugement doté de l'autorité de la chose jugée, aussi bien en ce qu'elle donne
satisfaction au créancier qu'en ce qu'elle le déboute. Cette autorité s'oppose à ce que le demandeur
puisse renouveler la même demande 1794.
L'article 455 du Code de procédure civile, qui s'applique à tous les jugements, sauf disposition
contraire qui n'existe pas en l'espèce, impose que l'ordonnance portant injonction de payer soit
motivée. La valeur qu'elle est susceptible d'acquérir milite dans le même sens. La Cour de cassation
statue pourtant en sens inverse. Elle consacre la solution qui était admise sous l'ancien Code, mais
que celui de 1975 a justement renversée. La Cour craint sans doute d'avoir à prononcer un trop grand
nombre de cassations et elle s'aligne sur la pratique des juges du fond, ce qui est un exemple
regrettable de coutume jurisprudentielle contra legem 1795.

584 Signification de l'ordonnance. – Jusqu'à présent, le débiteur n'a pas pu se défendre et,
pour supprimer la condamnation portée contre lui par l'ordonnance, il doit impérativement former
opposition, en principe, dans le mois de sa signification 1796. C'est ce qui explique que la signification
de cette ordonnance soit réglementée de façon encore plus méticuleuse que celle des autres
jugements. L'article 1413 du Code de procédure civile dispose qu'outre les mentions communes à
tous les actes d'huissier, la signification contient, à peine de nullité de l'acte, sommation d'avoir « soit
à payer au créancier le montant de la somme fixée par l'ordonnance ainsi que les intérêts et frais de
greffe dont le montant est précisé ; soit, si le débiteur a à faire valoir des moyens de défense, à
former opposition, celle-ci ayant pour effet de saisir le tribunal de la demande initiale du créancier et
de l'ensemble du litige ». Sous la même sanction, l'acte indique le délai dans lequel l'opposition doit
être formée, le tribunal devant lequel elle doit être portée et les formes selon lesquelles elle doit être
faite ; il avertit le débiteur qu'il peut prendre connaissance au greffe des documents produits par le
créancier et qu'à défaut d'opposition dans le délai indiqué, il ne pourra plus exercer aucun recours et
pourra être contraint par toutes voies de droit de payer les sommes réclamées 1797. L'article 1414 du
Code de procédure civile ajoute que, « si la signification est faite à la personne du débiteur et à
moins qu'elle ne soit effectuée par voie électronique, l'huissier de justice doit porter verbalement à la
connaissance du débiteur les indications » qui viennent d'être mentionnées. Le texte précise que
« l'accomplissement de cette formalité est mentionné dans l'acte de signification ».

585 Effet de l'ordonnance en l'absence d'opposition. – À la suite de cette signification, le


débiteur peut former opposition, ce qui donne naissance à l'instance contradictoire. S'il ne le fait pas,
le créancier peut demander l'apposition de la formule exécutoire sur l'ordonnance. La demande est
enfermée dans un double délai. L'article 1422 du Code de procédure civile pose qu'elle ne peut pas
être présentée avant l'expiration du délai qui est laissé au débiteur pour former opposition 1798. À
l'expiration de ce premier délai, un second délai d'un mois commence à courir, dans lequel la
demande doit être présentée au greffe, soit par déclaration soit par lettre simple 1799. À défaut,
l'ordonnance est non avenue, selon l'article 1423 1800. En pratique, cependant, cette règle a une portée
limitée, car il a été jugé que le greffier apposant la formule exécutoire n'était pas tenu d'indiquer la
date à laquelle la demande avait été formée 1801. La bienveillance ou l'étourderie d'un greffier peut
donc conduire à l'apposition de la formule sur une ordonnance caduque, sans que le débiteur puisse
établir cette irrégularité, faute d'une mention de la date de présentation de l'ordonnance au greffe.
Une fois la formule exécutoire apposée par le greffier 1802, l'ordonnance produit tous les effets d'un
jugement contradictoire au principal, en vertu de l'article 1422 du Code de procédure civile. Et, en
principe, elle n'est plus susceptible de recours 1803.

§ 2. L’INSTANCE CONTRADICTOIRE

586 Opposition du débiteur. – L'instance contradictoire naît de l'opposition formée par le


débiteur contre l'ordonnance portant injonction de payer. En dépit du mot utilisé par le Code de
procédure civile, il ne s'agit pas d'une opposition ordinaire, telle que celle qui est formée contre les
jugements par défaut 1804. L'opposition ordinaire est formée contre un jugement qui avait vocation à
être rendu de façon contradictoire ; certes le défendeur n'a pas comparu, mais il a été cité à
comparaître. Au contraire, dans la procédure de l'injonction de payer, le défendeur n'est pas cité par
le demandeur. C'est pourquoi d'ailleurs, à la différence de l'opposition formée contre un jugement par
défaut 1805, elle n'a pas à contenir les moyens du débiteur 1806. L'opposition prévue par les
articles 1415 et suivants du Code de procédure civile doit plutôt être rapprochée de la demande en
rétractation qui peut être formée contre les ordonnances sur requête 1807. L'une et l'autre sont des voies
de recours qui remettent en cause une décision contentieuse rendue sans que le principe de la
contradiction ait été respecté.
De l'article 1415 du Code de procédure civile, il ressort que l'opposition est portée devant le
tribunal d'instance ou la juridiction de proximité 1808 qui a rendu l'ordonnance ou devant le tribunal de
commerce ou de grande instance dont le président a rendu l'ordonnance 1809. Cette voie de recours est
formée par le débiteur lui-même ou par tout mandataire, soit par déclaration au greffe, soit par lettre
recommandée 1810.
Il a déjà été indiqué que le délai pour former opposition est en principe d'un mois à compter de la
notification de l'ordonnance portant injonction de payer. Mais l'expiration de ce délai n'est
irrémédiable que lorsque la notification a été faite à personne. Dans le cas inverse, l'article 1416 du
Code de procédure civile dispose que « l'opposition est recevable jusqu'à l'expiration du délai d'un
mois suivant le premier acte signifié à personne 1811 ou, à défaut, suivant la première mesure
d'exécution ayant pour effet de rendre indisponibles en tout ou en partie les biens du débiteur »,
laquelle résultera, par exemple, d'un procès-verbal de saisie-vente des meubles du débiteur ou de la
saisie-attribution de son compte bancaire. Toutefois, en dépit de la clarté de ce texte, la Cour de
cassation décide que « le délai accordé au débiteur pour former opposition (...) court nécessairement,
lorsque l'ordonnance portant injonction de payer ne lui a pas été signifiée à personne, à compter du
jour où la mesure d'exécution a été portée à sa connaissance ». Ainsi, en cas de saisie-attribution, il
« court à compter de la dénonciation de la saisie au débiteur » 1812. Cette affirmation qui, par sa
généralité, pourrait concerner tous les types de saisies et pas seulement la saisie-attribution, est
critiquable 1813 au regard de l'article 1416 qui vise expressément une mesure d'exécution et non pas la
connaissance qu'en aurait le débiteur. Il faut au moins espérer que la Cour se contente d'une
connaissance officielle, découlant d'une notification (même à domicile) de l'acte d'exécution et
qu'elle n'exige pas une connaissance réelle, car alors il pourrait arriver que le délai d'opposition ne
commence jamais à courir !
Quoi qu'il en soit, la disposition de l'article 1416 s'explique par le fait que l'on n'a pas l'absolue
certitude que le débiteur a eu connaissance de l'ordonnance d'injonction de payer rendue contre lui,
lorsqu'elle lui a été signifiée à domicile. Mais il faut comprendre que ce texte peut conduire à une
remise en cause très tardive de l'ordonnance. Ainsi, il peut arriver que le délai d'opposition ne
commence à courir qu'avec la saisie d'un des biens du débiteur, aucun acte antérieur ne lui ayant été
notifié à personne 1814. Cela étant, l'exercice d'une voie de recours contre un jugement ou un arrêt
alors qu'une procédure d'exécution a déjà été engagée sur le fondement de cette décision n'a rien
d'exceptionnel : il n'est qu'à songer au cas de l'appel interjeté contre un jugement exécutoire par
provision ou au pourvoi en cassation formé contre un arrêt de cour d'appel.

587 Instance de droit commun. – L'opposition donne naissance à une instance contradictoire
qui, à quelques détails procéduraux près, est une instance de droit commun. Il peut être opportun
d'indiquer quelques conséquences qui en découlent. D'abord, les règles ordinaires de compétence
reprennent leur empire. Après avoir formé opposition, le débiteur peut demander le renvoi de
l'affaire devant une autre juridiction, sur le fondement d’une clause attributive de compétence, pourvu
qu’elle soit valable. On rappellera d'ailleurs que le demandeur peut lui aussi, dans sa requête,
indiquer le tribunal devant lequel il demande, pour la même raison, que l'affaire soit renvoyée en cas
d'opposition de son adversaire 1815.
Ensuite, les demandes incidentes sont recevables, selon les règles du droit commun 1816. En
troisième lieu, il faut souligner que l'opposition ne modifie pas la charge de la preuve. La
circonstance que le débiteur forme une voie de recours contre une décision qui l'a condamné ne fait
pas peser sur lui une sorte de « présomption de culpabilité ». Le risque de la preuve continue
d'incomber au prétendu créancier, comme si rien n'avait été jugé 1817. Il faut indiquer enfin qu'aux
termes mêmes de l'article 1420 du Code de procédure civile, « le jugement du tribunal se substitue à
l'ordonnance portant injonction de payer », ce jugement pouvant faire l'objet des mêmes voies de
recours qu'un autre jugement au principal 1818.
Les seules particularités procédurales de l'instance contradictoire sont énoncées par les
articles 1418 et 1419 du Code de procédure civile. Le premier énonce que devant le tribunal
d’instance, la juridiction de proximité et le tribunal de commerce, le greffier convoque les parties à
l'audience par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. La convocation est adressée à
toutes les parties, même à celles qui n'ont pas formé opposition. Elle contient, en substance, les
indications exigées par l'article 665-1 lors de la notification des actes introductifs d'instance par le
greffe 1819. Devant le tribunal de grande instance, les choses se déroulent différemment, car la
procédure y est écrite. Plus précisément, l’article 1418 énonce que « l’affaire est instruite et jugée
selon la procédure contentieuse applicable devant cette juridiction ». Il ajoute que le greffe adresse
au créancier, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, une copie de la déclaration
d'opposition 1820. À partir de là, on retrouve logiquement le délai de comparution tel qu’on le connaît
classiquement devant le tribunal de grande instance 1821 : le créancier a quinze jours pour constituer
avocat. Une fois que son avocat est constitué, il doit en informer le débiteur par lettre recommandée
avec demande d'avis de réception, en lui indiquant qu'il doit à son tour constituer avocat dans un
délai de quinze jours.
L’article 1419 du Code de procédure civile est important. Il dispose en effet que, devant le
tribunal d'instance, la juridiction de proximité et le tribunal de commerce, la juridiction constate
l'extinction de l'instance si aucune des parties ne comparaît 1822. Devant le tribunal de grande instance,
le président ne constate l'extinction de l'instance que si le créancier ne comparaît pas, c’est-à-dire
s’il ne constitue pas avocat dans le délai de comparution de quinze jours qui lui est ouvert. S’il
comparaît et que le défendeur (opposant) ne le fait pas, l’affaire sera naturellement jugée sur les seuls
éléments qu’il présente. Une éventuelle extinction de l’instance a une conséquence radicale : elle
emporte anéantissement de l’ordonnance d’injonction de payer, laquelle est « non avenue ».

BIBLIOGRAPHIE

G. BOLARD, « La liberté du plaideur dans la procédure gracieuse », D. 1976, chr. p. 53.


P. ESTOUP, La pratique des procédures rapides, Paris, 1990.
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R. MARTIN, « Précisions sur l'appel des ordonnances contentieuses », JCP 1976.I. n 2809.
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J.-B. RACINE, « La technique de la passerelle en droit judiciaire privé », Mélanges P. Julien,
éd. Edilaix, 2003, p. 354.
J.-J. TAISNE, « La réforme de la procédure d'injonction de payer », D. 1981, chr. p. 319.
TITRE 2
LES DISPOSITIONS PARTICULIÈRES À CHAQUE
JURIDICTION

588 Présentation. – Après l'étude des dispositions communes, vient maintenant celle des
dispositions particulières à chaque juridiction, qui ne portera que sur la procédure contentieuse. Il a
déjà été fait mention des quelques dispositions intéressant la procédure gracieuse propres à telle ou
telle juridiction. La rareté de ces dispositions est liée à la nature de la matière gracieuse. Par
définition, cette dernière présente un caractère ponctuel. C'est ce qui explique que, si l'on trouve dans
le Code de procédure civile des règles particulières qui s'y rapportent, pour l'essentiel ce sont des
règles particulières à telle ou telle demande gracieuse, comme le divorce par consentement mutuel ou
l'adoption, qu'il ne saurait être question d'étudier dans le cadre nécessairement limité d'un précis de
droit judiciaire privé.
La procédure propre à chaque juridiction est régie par les articles 750 à 1037 qui constituent le
livre deux du Code de procédure civile. Un titre de ce livre est consacré à chacune d'elles : dans
l'ordre, au tribunal de grande instance, au tribunal d'instance, au tribunal de commerce, au conseil de
prud'hommes 1823, au tribunal paritaire des baux ruraux, à la cour d'appel et enfin à la Cour de
cassation. Les procédures applicables devant la cour d'appel et devant la Cour de cassation 1824
seront examinées ultérieurement parce qu'elles sont liées aux voies de recours qui sont formées
devant elles. Des cinq autres procédures particulières, il faut faire ressortir celle qui intéresse le
tribunal de grande instance (chapitre I), non seulement en raison de l'importance quantitative et
qualitative des affaires qui lui sont soumises, mais plus encore en raison de la valeur de modèle qui
peut lui être reconnue. Elle constitue la procédure type des juridictions de l'ordre judiciaire. C'est par
rapport à elle que s'ordonnent et se comprennent les dispositions particulières aux juridictions
d'exception (chapitre II).
CHAPITRE I
LES DISPOSITIONS PARTICULIÈRES AU TRIBUNAL DE
GRANDE INSTANCE

589 Procédure ordinaire et procédures particulières. – Les affaires qui sont portées devant le
tribunal de grande instance suivent en principe la procédure que décrivent les articles 750 à 787 du
Code de procédure civile, que l'on peut qualifier de procédure ordinaire (section I), mais il existe
aussi quelques procédures particulières dont il faut dire quelques mots (section II).

SECTION I
LA PROCÉDURE ORDINAIRE

590 Présentation. – Deux caractéristiques signalent la procédure ordinaire applicable devant


le tribunal de grande instance. D'une part, c'est une procédure écrite avec tous les avantages de
précision qui y sont liés. Sa technicité impose le recours à des professionnels du droit pour la
représentation des parties. Devant le tribunal de grande instance, les parties comparaissent en
constituant avocat 1825. D'autre part, la procédure comprend normalement une phase d'instruction
judiciaire, qui a pour objet de mettre l'affaire en état d'être jugée. L'instruction de l'affaire forme le
noyau central de cette procédure. Aussi est-il normal que lui soient consacrés les développements les
plus importants (sous-section 2), qu'encadreront les explications plus brèves consacrées au début de
l'instance (sous-section 1) et aux débats oraux (sous-section 3).

Sous-section 1
Le début de l'instance

591 Plan. – Le début de l'instance se décompose en deux temps : d'abord l'introduction de


l'instance (§ 1), que suivent la distribution et la fixation de l'affaire (§ 2).

§ 1. L'INTRODUCTION DE L'INSTANCE

592 Assignation et constitution d'avocat. – L'instance est normalement introduite par une
assignation, mais celle-ci n'est pas la seule modalité que peuvent utiliser les plaideurs pour
introduire l'instance. Ils peuvent aussi avoir recours à la requête conjointe, dont le contenu général a
déjà été indiqué 1826 : devant le tribunal de grande instance, elle doit en outre comporter la
constitution d'avocat de chacune des parties et être signée par ces avocats 1827, à peine
d'irrecevabilité.
Pour ce qui est de l'assignation, l'article 752 du Code de procédure civile dispose qu'outre les
mentions communes à toutes les assignations, elle doit contenir la constitution d'avocat du demandeur,
à peine de nullité 1828. Aux termes de l'article 751, alinéa 2, du même code, la constitution d'avocat
emporte élection de domicile 1829. L'assignation doit encore indiquer, à peine de nullité, le délai dans
lequel le défendeur est tenu de constituer avocat. Le délai est fixé par l'article 755 du Code de
procédure civile à quinze jours ; il est augmenté d'un mois ou de deux mois en raison des
distances 1830. Faut-il rappeler que ce délai, comme les autres délais de comparution, est un délai
d'attente 1831, instituant une trêve au profit du demandeur ? Il en résulte que le défendeur peut
valablement constituer avocat après son expiration. La seule sanction est que la trêve a pris fin et que
la procédure peut avoir progressé en son absence 1832.
La constitution d'avocat par le défendeur est un acte d'avocat à avocat. L'avocat du défendeur
indique à l'avocat du demandeur qu'il se constitue pour son client et que désormais il le représentera.
L'acte comporte d'autres mentions destinées à informer complètement le demandeur sur l'identité du
défendeur : pour une personne physique, il indique ses nom, prénoms, profession, domicile,
nationalité, date et lieu de naissance, pour une personne morale, sa forme, sa dénomination, son siège
social et l'organe qui le représente légalement 1833. L'article 756 du Code de procédure civile dispose
qu'une copie en est déposée au greffe, elle est versée au dossier. En principe, c'est l'avocat du
défendeur qui effectue ce dépôt 1834.

593 Placement de l'affaire. – La délivrance de l'assignation au défendeur ne saisit pas le


tribunal de grande instance. Aux termes de l'article 757 du Code de procédure civile, la saisine
s'effectue par la remise d'une copie de l'assignation au greffe : elle réalise le placement de l'affaire.
La remise de la copie incombe normalement au demandeur, mais peut être faite par le défendeur. Le
placement entraîne les effets déjà indiqués dans les dispositions communes à toutes les
juridictions 1835 : le greffier inscrit l'affaire au répertoire général et ouvre un dossier.
Le seul point sur lequel la réglementation de la saisine du tribunal de grande instance présente une
originalité est celui du délai dans lequel il doit être accompli. Il s'agit là d'une innovation voulue par
les rédacteurs du Code de procédure civile pour combattre la pratique dite des « assignations à toutes
fins ». Comme son nom l'indique, l'assignation à toutes fins poursuivait plusieurs objets : elle
interrompait la prescription, faisait courir les intérêts moratoires, elle tendait aussi à intimider
l'adversaire et ce n'est que subsidiairement, si l'on peut dire, qu'elle introduisait une instance destinée
à obtenir un jugement 1836. Désormais, l'article 757 du Code de procédure civile dispose que le
placement doit intervenir dans les quatre mois qui suivent la délivrance de l'acte introductif
d'instance, à peine de caducité de l'assignation et sauf conclusion d’une convention de procédure
participative 1837. Ce texte ajoute que la caducité de l'assignation est constatée d'office par
ordonnance du président ou du juge saisi de l'affaire, c'est-à-dire du juge de la mise en état. La liste
de l'article 757 n'est pas limitative. Si la tardiveté de la saisine a échappé à ces juges, elle peut (et
même elle doit) être prononcée par le tribunal lui-même dans sa formation collégiale 1838 ou même
par la cour d'appel 1839. La caducité de l'assignation entraîne l'extinction de l'instance. La citation est
réputée non avenue, c'est-à-dire qu'elle est réputée n'avoir jamais existé et n'avoir jamais produit
d'effet.

§ 2. LA DISTRIBUTION ET LA FIXATION DE L'AFFAIRE

594 Phase administrative de la procédure. – La remise d'une copie de l'assignation au greffe


du tribunal de grande instance est suivie d'une phase purement administrative de la procédure. Après
avoir inscrit l'affaire au répertoire général et ouvert un dossier dans lequel il verse la copie de
l'assignation, puis de la constitution d'avocat, le secrétaire transmet ce dossier au président pour la
distribution et la fixation de l'affaire 1840. La distribution, c'est l'attribution de l'affaire à une chambre
du tribunal, lorsqu'il en comporte plusieurs. Ensuite a lieu la fixation par le président (du tribunal ou
de la chambre selon les cas) du jour et de l'heure de l'audience à laquelle l'affaire sera appelée pour
la première fois 1841. La distribution et la fixation constituent des mesures d'administration judiciaire,
qui font l'objet d'une simple mention au dossier.
Le secrétaire-greffier informe les représentants des parties au moyen d'un simple bulletin qui
mentionne les indications concernant la distribution et la fixation de l'affaire, ainsi que le numéro
d'inscription de l'affaire sur le répertoire général. Le bulletin est déposé dans le casier de l'avocat
constitué. Cette simple formalité permet de saisir concrètement les dangers d'un défaut de
comparution pour le défendeur. En effet, au jour indiqué, l'affaire est appelée à l'audience devant le
président de la chambre, pour que celui-ci puisse conférer avec les avocats des parties de l'état de
l'affaire 1842 : on donne à cette première réunion le nom de conférence du président. Le président doit
choisir un circuit pour l'instruction 1843 et, si le défendeur n'a pas comparu, son choix va très
probablement consister à renvoyer l'affaire à l'audience, laquelle peut se tenir le jour même 1844. Une
fois l'affaire renvoyée à l'audience, le défendeur n'est plus recevable à présenter de défense 1845. Or,
de tout cela, qui se déroule devant le tribunal, le défendeur n'est pas informé, faute d'avoir constitué
avocat 1846.
La conférence du président va permettre à ce magistrat de déterminer la voie qui convient pour
l'instruction de l'affaire, dont elle marque ainsi le commencement.

Sous-section 2
L'instruction de l'affaire

595 Élaboration juridique du procès. – L'instruction de l'affaire marque un moment


déterminant de la procédure : c'est pendant cette partie de l'instance que se réalise l'élaboration
juridique du procès, que se trouvent fixés les éléments de la matière litigieuse, sur lesquels portera le
jugement. Devant le tribunal de grande instance, elle atteint un développement qui justifie que, dans
un premier temps, ses lignes directrices soient indiquées (§ 1). Ensuite, sera plus spécialement
étudiée l'instruction devant le juge de la mise en état, parce qu'elle est la modalité la plus fréquente
(§ 2). Quelle que soit la voie suivie, la procédure applicable devant le tribunal de grande instance
comporte une ordonnance de clôture qui, comme son nom l'indique suffisamment, marque
l'achèvement de l'instruction (§ 3).
§ 1. LES LIGNES DIRECTRICES DE L'INSTRUCTION

596 Division. – Les lignes directrices de l'instruction tiennent en deux propositions : l'existence
d'une instruction écrite (A) et la diversité des modalités de l'instruction (B).

A. L'EXISTENCE D'UNE INSTRUCTION ÉCRITE

597 Supériorité de la procédure écrite. – L'existence d'une instruction écrite, qu'imposent les
textes du Code de procédure civile, se justifie par la supériorité de la procédure écrite sur la
procédure orale. Le législateur a décidé de privilégier celle-là au détriment de celle-ci. L'instruction
repose sur ces deux éléments de base que sont l'échange de conclusions et la communication des
pièces.

1. L'échange de conclusions

598 Généralités sur les conclusions. – Les conclusions sont des actes d'avocat à avocat, dont
le Code de procédure civile avait initialement limité le formalisme, l'article 815 exigeant seulement
qu'elles soient signées par l'avocat 1847. En général, les conclusions, comme l'assignation, sont
rédigées sur le modèle des jugements. Elles contiennent d'abord une série de motifs, dans lesquels se
trouvent exposés les moyens qu'invoque la partie. Ensuite vient le dispositif qui énonce les
prétentions 1848 ; il est le plus souvent introduit par la formule : « Par ces motifs... ». Les conclusions
sont rédigées en au moins trois exemplaires : l'un d'eux est notifié à l'adversaire 1849, un autre est
déposé au greffe et le troisième est conservé par l'avocat, après avoir été visé par le greffe pour
établir le dépôt de l'exemplaire précédent 1850. Dans les procès complexes, le nombre d'exemplaires
augmente en proportion du nombre de parties 1851. Dans une procédure écrite, les conclusions revêtent
une importance primordiale : les parties sont liées par ce qu'écrit pour elles leur représentant et le
juge doit statuer sur toutes les demandes écrites et répondre à tous les moyens développés par écrit,
dès lors qu'ils ne sont pas inopérants 1852. Inversement, ce qui n'est pas écrit ne compte pas. Devant le
tribunal de grande instance, le juge n'a pas à tenir compte des moyens et des prétentions qui ne sont
développés qu'oralement dans les plaidoiries 1853.

599 Les conclusions qualificatives. – Cela étant, la réforme issue du décret du 28 décembre
1998 a renforcé les exigences auxquelles doivent répondre les conclusions quant à leur contenu.
Désormais, l'article 753, alinéa 1 , du Code de procédure civile dispose que les conclusions doivent
er

formuler expressément les prétentions des parties ainsi que les moyens en fait et en droit sur lesquels
chacune de ces prétentions est fondée. Pour comprendre cette exigence réglementaire, il convient de
préciser qu'antérieurement à la réforme de 1998, il était déjà d'usage que les avocats développent,
dans leurs conclusions, des raisonnements juridiques à l'appui des prétentions de leur client. L'avocat
est un juriste de métier et si un justiciable sollicite ses services, c'est dans l'espoir de profiter de sa
connaissance du droit. S'il ne s'agissait que de développer des moyens de fait, c'est-à-dire des
raisonnements dépourvus d'éléments juridiques, la représentation par avocat, obligatoire devant le
tribunal de grande instance, n'aurait pas de raison d'être. Cependant, en dépit de ces considérations
déontologiques, il arrivait que des avocats s'abstiennent, dans leurs écritures, de qualifier
juridiquement les faits de l'espèce 1854 ou de préciser le fondement de leur prétention 1855. Ils se
bornaient alors à exposer leurs prétentions et leurs moyens de fait. C'est contre cette tendance qu'ont
voulu agir les auteurs de la réforme de décembre 1998. Le nouvel article 753 invite les parties, en la
personne de leur avocat, à participer activement à l'instance, et à ne pas laisser les magistrats
démêler seuls l'écheveau des problèmes juridiques qu'elles leur soumettent. Les conclusions d'une
partie doivent donc formuler expressément ses prétentions et ses moyens de fait, ce qui allait déjà de
soi avant la réforme de 1998, mais elles doivent également énoncer ses moyens de droit, ce qui ne va
pas de soi dans une procédure civile où l'office du juge consiste traditionnellement à apporter le droit
à des parties qui sont censées apporter les faits 1856.
Cependant, la sanction de cette nouvelle obligation qu'ont les parties d'exposer leurs moyens de
droit, dans les conclusions adressées au tribunal de grande instance, n'est pas précisée par les textes.
À notre sens, l'irrégularité consistant à ne pas formuler les moyens de droit sur lesquelles reposent
les prétentions constitue un vice de forme. Plus précisément, il s'agit de la violation d'une formalité
substantielle régie par les articles 114 et suivants du Code de procédure civile 1857. En conséquence,
cette transgression de l'article 753, alinéa 1 , serait une cause de nullité des conclusions, à condition
er

que la partie adverse établisse un grief 1858. Les conclusions ne pourraient donc être annulées lorsque
le fondement juridique des prétentions apparaît « en filigrane » avec suffisamment de précision pour
que l'adversaire soit en mesure d'y répondre : il n'y a alors pas de grief. Une telle conception limite
la portée de la réforme de 1998, mais elle est sans doute conforme à l'esprit du Code de procédure
civile dans lequel le caractère accusatoire de la procédure est très atténué.

600 Les conclusions récapitulatives. – Le nouvel article 753 du Code de procédure civile a
également pour but de faciliter l'examen des conclusions par les magistrats 1859. Trop d'avocats
avaient naguère pour pratique de multiplier les conclusions additionnelles sans prendre soin de
récapituler, dans leurs dernières écritures, les prétentions et moyens qui étaient les leurs. Les juges,
tenus de répondre aux moyens des parties et de statuer sur toutes leurs demandes, devaient donc se
plonger dans tous les jeux de conclusions successifs et déterminer quels moyens et prétentions
n'avaient pas été abandonnés par leur auteur. Désormais, l'article 753 énonce que les parties doivent
reprendre dans leurs dernières conclusions les prétentions et moyens présentés ou invoqués dans
leurs conclusions antérieures. Et la Cour de cassation a précisé qu'il ne suffisait pas de procéder,
dans les dernières écritures, à un renvoi ou à une référence à des écritures précédentes, ces pratiques
étant dépourvues de portée même s'il s'agit d'un renvoi exprès et précis 1860. Il faut donc véritablement
exposer les moyens et prétentions que l'on entend conserver. À l'heure de l'informatique, les avocats
devraient y parvenir assez facilement en recourant à la technique du « copier-coller » 1861.
Reste à préciser ce qu'il faut entendre par « dernières » conclusions. Sur ce point, la Cour de
cassation considère très sagement que l'adjectif « dernières » ne doit pas être pris au pied de la lettre.
Sont concernées par les exigences de l'article 753 (ou de l'article 954) du Code de procédure civile
uniquement les dernières conclusions en date qui « déterminent l'objet du litige ou (...) soulèvent un
incident de nature à mettre fin à l'instance ». Tel n'est donc pas le cas, par exemple, de conclusions
déposées simplement pour dénoncer le caractère tardif de conclusions adverses 1862, pour répondre à
une exception de nullité d'un acte soulevée par l'adversaire 1863, pour obtenir un sursis à statuer 1864 ou
une mesure d'instruction 1865, ou pour répondre à des questions posées aux parties par le juge 1866. Ces
écritures ont beau être les dernières en date, il est évident, eu égard à la spécificité de leur objet, que
leur silence sur le fond du dossier ne doit pas être pris pour une renonciation aux prétentions et
moyens développés antérieurement.
Quant à la sanction du caractère récapitulatif des dernières conclusions, l'article 753 est très
clair : les prétentions et moyens antérieurs non repris dans les dernières conclusions sont réputés
abandonnés. Ils sont donc frappés de caducité. La rigueur de cette règle devrait inciter les magistrats
de la mise en état à prévenir les parties de ce que les prochaines conclusions seront les dernières et
de ce que la clôture de l'instruction est proche, car il n'est pas souhaitable qu'elles soient à la merci
d'une ordonnance de clôture inopinée. Cependant, les avocats peuvent, et c'est généralement ce qu'ils
font, se mettre à l'abri d'une mauvaise surprise en rédigeant chacun de leurs jeux de conclusions
comme s'il s'agissait du dernier 1867. Là encore, les facilités que nous offre l'informatique permettent
de reprendre les moyens et prétentions antérieurs dans chacune des conclusions nouvelles.

2. La communication des pièces

601 La technique des bordereaux. – Il a déjà été indiqué ce qu'étaient les pièces, ainsi que la
distinction qu'il fallait opérer entre leur communication et leur production. Seule cette dernière
intéresse directement la preuve. En revanche, la communication se rattache au principe de la
contradiction 1868. Pour des raisons de commodité et de preuve, la communication s'effectue
traditionnellement sous un bordereau, qui énonce toutes les pièces communiquées. Deux exemplaires
de ce bordereau sont adressés à l'avocat destinataire des pièces, lequel en restitue un à son confrère
expéditeur après l'avoir signé 1869. Et aux termes de l'article 815, alinéa 2, du Code de procédure
civile, « la communication des pièces produites est valablement attestée par la signature de l'avocat
destinataire apposée sur le bordereau établi par l'avocat qui procède à la communication ». Un
troisième exemplaire (non accompagné des pièces) est remis au greffe, afin que le juge de la mise en
état puisse s'assurer de ce qui a été communiqué.
Il est cependant à noter que depuis le décret du 28 décembre 1998, l'article 753, alinéa 1 , du
er

Code de procédure civile, s'inspirant de cette pratique suivie devant les tribunaux de grande instance
et les cours d'appel, dispose qu'est annexé aux conclusions des parties un bordereau énumérant les
pièces qui justifient les prétentions figurant dans lesdites conclusions. De plus, l'article 56 du même
code énonce qu'à l'assignation, qui vaut conclusions, est annexé un bordereau énumérant les pièces
sur lesquelles est fondée la demande. À notre sens, les bordereaux en question ne sont pas de même
nature que ceux précédemment évoqués. En effet, ils ont pour fonction d'informer l'adversaire et le
juge des éléments de preuve sur lesquels repose une prétention. Il ne s'agit plus d'établir la réalité
d'une communication. Ainsi, l'assignation sera complétée par une liste de pièces, mais ne sera pas
accompagnée pour autant desdites pièces. Celles-ci ne seront communiquées qu'ultérieurement avec
un nouveau bordereau. Pareillement, une fois une pièce communiquée, les conclusions ultérieures
devront être accompagnées d'un bordereau qui la visera parmi d'autres, mais il ne sera pas
nécessaire, fort heureusement, de la communiquer à nouveau. Reste que le bordereau annexé à des
conclusions par application de l'article 753 peut avoir une nature mixte. Il en va ainsi lorsqu'une
nouvelle pièce est visée, auquel cas il faut la communiquer avec les conclusions. Le bordereau a
alors pour fonction de récapituler les pièces déjà communiquées et sur lesquelles se fondent les
conclusions et d'accompagner la communication des nouveaux éléments de preuve.
Dans un grand nombre d'affaires, l'instruction se limite à l'échange de conclusions et à la
communication des pièces. Leur nombre et leur importance peuvent varier considérablement selon la
complexité de l'affaire. Éventuellement, il peut être nécessaire de recourir à des mesures
d'instruction.

B. LA DIVERSITÉ DES MODALITÉS DE L'INSTRUCTION


602 Droit antérieur. – La réglementation actuelle de l'instruction devant le tribunal de grande
instance se fonde en bonne part sur l'expérience acquise dans le passé. Dans le Code de procédure de
1806, l'instruction était confiée aux parties. Il en est résulté de graves abus : souvent, l'instruction se
déroulait très lentement et se révélait incomplète. À partir de 1935, se sont succédé des réformes, qui
ont permis de dégager deux orientations. La première a déjà été indiquée : c'est le renforcement des
pouvoirs du juge. On a pu s'apercevoir en effet que la première réforme, résultant du décret-loi du
30 octobre 1935, n'avait pas donné les résultats escomptés parce que le juge chargé de suivre la
procédure ne disposait pas des pouvoirs nécessaires, si bien que l'instruction continuait à n'avancer
qu'au gré des parties. La seconde orientation, qui nous intéresse présentement, a consisté à diversifier
les « circuits » de l'instruction. C'est la leçon que l'on a tirée de la réforme résultant du décret n 65-
o

872 du 13 octobre 1965 ayant institué des juridictions pilotes. On a constaté que la procédure de la
mise en état constituait un mécanisme inutilement lourd et lent pour certaines affaires. De cette
expérience sont issues les solutions retenues par le décret n 71-740 du 9 septembre 1971. Les
o

rédacteurs du Code de procédure civile ont prévu plusieurs circuits. Le circuit long, considéré
comme le circuit normal, comporte une phase d'instruction spécifique qui se déroule sous la direction
du juge de la mise en état. Mais il existe aussi deux circuits courts qui comprennent une instruction
plus sommaire. Le choix du circuit est effectué par le président du tribunal ou de la chambre, lors de
la conférence du président, après avoir conféré de l'état de l'affaire avec les avocats constitués.
Le circuit long sera étudié dans le développement suivant. Les deux circuits courts n'appellent que
quelques brèves explications qui peuvent être données immédiatement.

603 Renvoi immédiat à l'audience. – Le circuit le plus court consiste en un renvoi immédiat à
l'audience. Après avoir conféré avec les avocats de l'état de l'affaire, le président rend
immédiatement l'ordonnance de clôture 1870. L'instruction est d'ores et déjà terminée. On pourrait
même se demander si elle n'est pas terminée avant d'avoir commencé. Il n'en est rien. La réalité est
que l'instruction a eu lieu auparavant. Une telle situation peut se rencontrer dans trois circonstances.
En premier lieu, l'article 760 du Code de procédure civile vise les affaires très simples. Les avocats
des parties ont pu mettre à profit le temps qui s'écoule entre l'assignation et la conférence du
président pour échanger leurs conclusions et communiquer leurs pièces, l'assignation pouvant
d'ailleurs être suffisamment complète pour tenir lieu de toutes conclusions du demandeur. Dans le
même esprit, l'article 760 vise en deuxième lieu les affaires « dans lesquelles le défendeur ne
comparaît pas si elles sont en état d'être jugées sur le fond ». Pour qu'une affaire fasse l'objet d'un
renvoi immédiat, il faut de nouveau que le demandeur ait développé toutes ses prétentions et ses
moyens et qu'il ait produit ses pièces. Il faut aussi que le président n'estime pas nécessaire la
réassignation du défendeur, selon les règles applicables à la procédure par défaut 1871. Enfin, le
renvoi à l'audience peut être immédiatement ordonné par le président lorsque l'instance a été
introduite par une requête conjointe. Le recours à ce type d'acte introductif suppose en effet que les
parties maîtrisent le litige qui les oppose et il est fort possible qu'avec leurs avocats, elles aient
achevé son instruction au moment où se tient la conférence du président.
En même temps qu'il rend l'ordonnance de clôture, le président fixe la date de l'audience des
plaidoiries. L'article 760 du Code de procédure civile dispose que l'audience peut être tenue le jour
même. L'encombrement des audiences ne le permet guère 1872.

604 Renvoi à une seconde conférence. – Le second circuit court, prévu par l'article 761 du
Code de procédure civile, intéresse les affaires qui ne sont pas encore en état d'être plaidées, mais
qui ne justifient pas pour autant le recours au circuit long. Il faut, dit ce texte, qu'un ultime échange de
conclusions ou qu'une ultime communication de pièces suffise à les mettre en état. Le circuit court se
justifie également lorsque les conclusions des parties ne sont pas encore « en conformité avec les
dispositions de l'article 753 1873 » : le renvoi à une prochaine conférence du président permet aux
plaideurs de corriger leurs écritures, tout en évitant d'avoir à emprunter le circuit long.
Le président fixe la date de la conférence à laquelle il renvoie l'affaire, le renvoi étant constaté
par une simple mention au dossier. Il impartit également des délais à chacun des avocats pour la
notification de ses conclusions et la communication de ses pièces.
Lors de la seconde conférence, le président va de nouveau discuter de l'état de l'affaire avec les
avocats. Si à ce moment-là elle est en état d'être jugée, il rend l'ordonnance de clôture et renvoie
l'affaire à l'audience. Mais que doit-il faire s'il apparaît que l'affaire n'est pas en état ? Il faut
distinguer deux situations. L'affaire peut ne pas être en état en raison de la négligence ou de la
mauvaise volonté de l'une des parties. À la demande de l'avocat de l'autre partie, le président peut
rendre l'ordonnance de clôture et renvoyer à l'audience. On remarquera que, dans ce cas,
l'ordonnance de clôture vient sanctionner l'attitude de l'une des parties 1874. L'affaire peut aussi ne pas
être en état indépendamment de toute faute imputable à l'une des parties. La réalité est que l'affaire se
révèle plus complexe qu'on ne l'avait pensé lors de la première conférence. Le président a commis
une erreur d'appréciation en optant pour le circuit court. Il ne saurait renvoyer l'affaire à une
troisième conférence : elle relève du circuit long.

§ 2. L'INSTRUCTION DEVANT LE JUGE DE LA MISE EN ÉTAT

605 Présentation. – La décision d'adopter le circuit long pour l'instruction d'une affaire peut
être prise à deux moments. Le plus souvent, elle est prise par le président dès la première
conférence : l'instruction devant le juge de la mise en état constituant la modalité normale devant le
tribunal de grande instance, elle est retenue chaque fois que l'on ne peut envisager d'avoir recours à
l'un des circuits courts. Il vient d'être indiqué que le choix du circuit long pouvait encore être effectué
lors de la seconde conférence du président. Dans l'un et l'autre cas, la décision fait l'objet d'une
simple mention au dossier.
À partir de ce moment, le juge de la mise en état se trouve saisi de l'affaire, il en prend en charge
l'instruction. L'essentiel de ses fonctions consiste évidemment à faire en sorte que l'affaire soit mise
en état d'être plaidée et jugée. Mais avant d'examiner quels pouvoirs lui sont reconnus, il faut d'abord
indiquer qu'à défaut d'une phase procédurale spécifiquement destinée à concilier les parties, c'est au
juge de la mise en état que l'article 768 du Code de procédure civile confie la mission de tenter et le
cas échéant de constater la conciliation des parties 1875. Pour y parvenir, le juge peut les entendre 1876.
L'audition des parties a lieu contradictoirement, à moins bien sûr que l'une des parties ne défère pas à
la convocation du juge.
Cela étant, les attributions conférées au juge en vue de la mise en état de l'affaire sont de deux
sortes : d'une part des pouvoirs de contrôle qui donnent lieu à des mesures d'administration judiciaire
(A), d'autre part des pouvoirs à caractère juridictionnel (B).

A. LES POUVOIRS DE CONTRÔLE

606 Division. – Les pouvoirs de contrôle du juge de la mise en état sont tantôt des pouvoirs de
régulation du procès (1), tantôt des pouvoirs d'orientation du procès (2).

1. La régulation du procès

607 Concertation et autorité. – Aux termes de l'article 763, alinéa 2, du Code de procédure
civile, le juge de la mise en état a « mission de veiller au déroulement loyal de la procédure,
spécialement à la ponctualité de l'échange des conclusions et de la communication des pièces ». Cette
mission, il l'exerce au moyen de conférences avec les avocats des parties. Ces rencontres sont aussi
peu formalistes que possible. C'est ainsi que l'article 826 du Code de procédure civile prévoit que,
toutes les fois qu'ils sont présents à une conférence du juge de la mise en état, les avocats sont
convoqués verbalement à la prochaine conférence, avec un simple émargement au dossier. Il ne leur
est adressé de bulletin par le greffier qu'en cas d'absence ou lorsque le juge leur adresse une
injonction. Le souci manifeste des rédacteurs du Code a été que s'instaurent une concertation et une
collaboration entre le juge et les auxiliaires de justice afin que le litige soit tranché aussi rapidement
qu'il est possible. L'article 764 du Code de procédure civile dispose que, pour y parvenir, le juge
peut impartir des délais qu'il fixe au fur et à mesure, en ayant égard à la nature, à l'urgence et à la
complexité de l'affaire. Les délais étant judiciaires, le juge peut les proroger selon ce que commande
la situation.
Depuis le décret n 2005-1678 du 28 décembre 2005, l'article 764 autorise également le juge et
o

les avocats à recourir à ce que l'on désigne habituellement sous l'expression de « contrat de
procédure » 1877 : Si les avocats en sont d'accord, le juge peut fixer un calendrier de la mise en état
qui comportera le nombre prévisible et la date des échanges de conclusions, celle de la clôture de
l'instruction, celle des débats et, enfin, la date du prononcé de la décision. Dans ce schéma, les délais
ne sont plus fixés au fur et à mesure que la procédure avance ; ils le sont ab initio, ce qui constitue
pour les avocats à la fois une incitation à tenir leurs échéances et un confort dans la gestion du
dossier. En effet, si chacun sait qu'il doit avoir accompli tel ou tel acte pour telle date, il sait
également qu'il est à l'abri d'un délai (forcément trop court...) que le juge lui imposerait inopinément
en cours de procédure. Si elle repose sur un légitime souci de renforcer la collaboration entre les
acteurs du procès, il faut espérer que la possibilité de recourir au « contrat de procédure » sera
utilisée avec prudence par les magistrats 1878. En effet, tous les dossiers ne se prêtent pas à un
calendrier prédéterminé. Celui-ci suppose que l'on ait une idée à peu près précise, dès le début de
l'instruction, des difficultés de fait comme de droit que comporte l'affaire et que l'on soit en mesure
d'évaluer le travail qu'elle réclamera. Le caractère nécessairement approximatif de cette évaluation
serait sans gravité si le juge pouvait, ensuite, librement accorder des prorogations de délais, en
fonction de l'évolution de la situation. Mais tel n'est pas le cas, puisque l'article 764, alinéa 5, du
Code de procédure civile dispose qu'elles ne peuvent être accordées « qu'en cas de cause grave et
dûment justifiée ». Pour que des avocats acceptent d'être liés par un calendrier, il faudra donc
certainement que leur juge de la mise en état fasse preuve de souplesse et leur inspire confiance.
Entre les mains d'un magistrat intransigeant et qui aurait une conception étroite de ce qu'est une
« cause grave », le « contrat de procédure » pourrait devenir un piège redoutable pour les
avocats 1879.
Qu'il y ait ou non un « contrat de procédure », la concertation suppose que toutes les parties
acceptent de jouer le jeu. À défaut, pour éviter la paralysie de la machine judiciaire, le juge est
conduit à exercer ses pouvoirs de façon autoritaire ; il peut, dit l'article 763, alinéa 3, du Code de
procédure civile adresser des injonctions aux avocats, par exemple il peut leur enjoindre de conclure
dans un délai fixé. Comment sont sanctionnées les injonctions ? Le plus souvent, l'inobservation des
injonctions est le fait d'une seule des parties, alors que l'autre (en pratique, le demandeur) s'acquitte
des charges qui lui incombent. L'article 780 du même code dispose alors que le juge de la mise en
état peut, soit d'office, soit à la demande d'une autre partie, ordonner la clôture à l'égard de la partie
qui ne s'est pas exécutée dans le délai qui lui était imparti 1880. Cette clôture partielle 1881 empêche le
plaideur ainsi sanctionné de déposer des conclusions ou de nouvelles conclusions s'il en a déjà
déposées. Pour lui, l'instruction est terminée, tandis que ses adversaires peuvent continuer à
développer leur défense par écrit. Cependant, l'inégalité ainsi créée entre les parties doit rester
limitée. Si les adversaires se bornent à répondre aux moyens et arguments de l'intéressé, celui-ci ne
peut plus, effectivement, poursuivre l'échange. En revanche, les auteurs de la réforme du 28 décembre
2005 ont prévu qu'en cas de demandes ou de moyens nouveaux présentés par une autre partie
postérieurement à l'ordonnance de clôture partielle, le juge rétracte cette ordonnance pour permettre à
la partie à l'égard de qui l'instruction est clôturée de répliquer. C'est une obligation pour le magistrat
et non une faculté. Il doit rétracter l'ordonnance, même d'office, lorsque les conditions sont remplies
et, plus largement, « en cas de cause grave et dûment justifiée ». On peut tout de même craindre que
certains juges fassent preuve d'une sévérité excessive dans l'appréciation de la nouveauté des moyens
développés par les parties non sanctionnées ou qu'ils soient tentés de qualifier de simple argument un
véritable moyen 1882. Mal maîtrisée dans ses conséquences, la technique de la clôture partielle
pourrait se révéler désastreuse pour les droits de la défense, car l'inaction temporaire d'un plaideur
pourrait parfois conduire à ce qu'il soit livré, pieds et poings liés, aux coups de son adversaire, par
un juge de la mise en état pressé d'en finir et désireux de faire un exemple.
Plus rarement, il peut arriver que l'inaction soit le fait des deux parties qui mettent le procès en
sommeil pour parvenir à une transaction. Dans cette seconde hypothèse, le juge de la mise en état ne
peut pas clore l'instruction. La seule sanction dont il dispose est la radiation de l'affaire. En vertu de
l'article 781 du Code de procédure civile, le juge statue, après avis donné aux avocats, dans une
ordonnance motivée qui n'est susceptible d'aucun recours 1883.

2. L'orientation du procès

608 Développement juridique du procès. – En régulant le cours du procès, le juge de la mise


en état s'acquitte d'une mission qui ressemble à celle d'un surveillant général. L'orientation du procès
se rapporte à un aspect plus intellectuel de ses fonctions : le juge de la mise en état y supervise le
développement juridique de l'instance, à deux niveaux distincts. Pour ce qui est du procès, pris dans
sa globalité, le juge de la mise en état procède aux jonctions et disjonctions d'instance 1884. Aux
termes de l'article 768-1 du Code de procédure civile, il peut « inviter les parties à mettre en cause
tous les intéressés dont la présence lui paraît nécessaire à la solution du litige ». La disposition de
l'article 768-1 est particulièrement heureuse : c'est au moment de l'instruction du procès qu'une telle
invitation doit être donnée. Si elle ne pouvait l'être que par le tribunal au moment des débats oraux,
elle retarderait l'issue du procès 1885.
Le juge de la mise en état peut aussi s'attacher à l'examen détaillé des prétentions émises par les
parties. À ce titre, l'article 765 du Code de procédure civile dispose que « le juge de la mise en état
peut inviter les avocats à répondre aux moyens sur lesquels ils n'auraient pas conclu, à fournir les
explications de fait et de droit nécessaires à la solution du litige et, le cas échéant, à mettre leurs
écritures en conformité avec les dispositions de l'article 753 1886 ». Ce texte reprend, pour les
appliquer devant le tribunal de grande instance, les principes directeurs du procès 1887.
609 Nature des actes du juge. – Qu'il s'agisse de pouvoirs de régulation ou d'orientation du
procès, les actes du juge de la mise en état n'exercent pas d'influence directe sur l'issue du procès.
Même lorsqu'il invite les parties à faire telle ou telle chose, il exerce plus des fonctions
d'administrateur ou de superviseur du procès que de juge à proprement parler. C'est pourquoi tous les
actes qui viennent d'être indiqués constituent des mesures d'administration judiciaire, qui, en
application de l'article 773 du Code de procédure civile, sont constatés par une simple mention au
dossier, exception faite cependant de la radiation qui donne lieu à une ordonnance motivée, mais
reste néanmoins, réglementairement, une mesure d'administration judiciaire, insusceptible de tout
recours 1888.

B. LES POUVOIRS JURIDICTIONNELS

610 Division. – Les attributions qui vont être maintenant abordées méritent le qualificatif de
juridictionnelles en ce que le juge de la mise en état va exercer des fonctions qui sont véritablement
celles d'un juge : désormais, dans la limite des attributions qui lui sont reconnues (1), il statue, il
décide, il tranche une difficulté. La nature de ces décisions justifie que leur régime ne soit plus celui
des simples mesures d'administration judiciaire (2).

1. L'énoncé des attributions juridictionnelles

611 Diversité des attributions juridictionnelles. – Les attributions juridictionnelles du juge de


la mise en état sont de deux sortes. La grande majorité des décisions qu'il prend portent sur des
mesures provisoires ou avant dire droit, dont la portée est limitée au temps que durera le procès : une
mesure d'instruction ou une provision, par exemple. Ces mesures n'empiètent pas sur les pouvoirs du
tribunal, en ce sens que le juge de la mise en état ne statue sur aucun des éléments litigieux qui sont
soumis au tribunal. Exceptionnellement, la loi lui reconnaît compétence pour trancher une partie du
litige. Le juge de la mise en état empiète alors sur les attributions du tribunal.

612 Décisions ordonnant des mesures. – Au premier rang des mesures que peut ordonner le
juge de la mise en état, viennent toutes les mesures relatives à la preuve des faits litigieux.
L'article 770 du Code de procédure civile dispose ainsi qu'il exerce « tous les pouvoirs nécessaires à
la communication, à l'obtention et à la production des pièces 1889 ». De même, l'article 771-5 lui
o

permet d'ordonner, même d'office, toute mesure d'instruction.


Les autres alinéas de l'article 771 du Code de procédure civile énumèrent les autres mesures que
peut prendre le juge de la mise en état. Il peut ordonner le versement d'une provision ad litem, c'est-
à-dire d'une somme d'argent qui est simplement destinée à faire face aux frais du procès 1890 ; il peut
plus généralement accorder une provision au créancier lorsque l'existence de l'obligation n'est pas
sérieusement contestable. Le juge peut enfin ordonner toutes autres mesures provisoires, même
conservatoires, à l'exception des saisies conservatoires et des hypothèques et nantissements
provisoires : par exemple, il peut nommer un séquestre ou un administrateur judiciaire provisoire.

613 Ressemblances avec le référé. – Ces mesures évoquent le contentieux du référé. Les
mesures d'instruction correspondent au référé de l'article 145 du Code de procédure civile, les
provisions au référé de l'article 809, alinéa 2, et les autres mesures provisoires et conservatoires aux
référés des articles 808 et 809, alinéa premier. Cette ressemblance se trouve confirmée par la
disposition de l'article 771-4 , aux termes de laquelle le juge de la mise en état peut « modifier ou
o

compléter, en cas de survenance d'un fait nouveau, les mesures qui auraient déjà été ordonnées ». Ce
texte rappelle l'article 488, alinéa 2, du Code de procédure civile, qui dispose que l'ordonnance de
référé « ne peut être modifiée ou rapportée en référé qu'en cas de circonstances nouvelles ». Ces
textes instaurent donc une sorte de concurrence entre le juge de la mise en état et le juge des référés,
que l'article 771 résout au profit du premier : pour ordonner toutes ces mesures, le juge de la mise en
état est « seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal », ces derniers mots visant
le président du tribunal ou parfois le juge de l'exécution. La compétence exclusive du juge de la mise
en état commence à compter de sa désignation et porte sur les demandes présentées postérieurement à
celle-ci. Il demeure compétent jusqu'à son dessaisissement, qui n'a pas lieu au moment où il rend
l'ordonnance de clôture, mais seulement au moment où s'ouvrent les débats oraux 1891.
La désignation du juge de la mise en état n'enlève pas toute compétence aux autres juges. Leur
compétence ne disparaît que dans les limites de la sienne. Pour le reste, elle demeure. En particulier,
parmi les mesures conservatoires, l'article 771 du Code de procédure civile exclut les saisies
conservatoires et les hypothèques et nantissements provisoires. La raison en est que ces mesures
supposent normalement une autorisation du juge qui est demandée sur requête 1892. Or le juge de la
mise en état n'a aucune compétence pour rendre des ordonnances sur requête 1893. Les autorisations
nécessaires doivent donc être demandées en principe au juge de l'exécution 1894. De même, c'est le
président du tribunal de grande instance qui doit être saisi d'une demande de nomination d'un
administrateur ad hoc chargé de représenter une société précédemment liquidée 1895. En dehors même
des ordonnances sur requête, c'est encore au président du tribunal de grande instance que doivent
s'adresser les plaideurs pour obtenir en référé les mesures que ne vise pas l'article 771, comme une
mesure d'expulsion ou toute obligation de faire qui n'a pas un caractère conservatoire. En effet, il
semble difficile d'admettre que les « mesures provisoires, même conservatoires », énoncées par
l'article 771, recouvrent toutes les mesures d'anticipation que peut ordonner le juge des référés en
l'absence de contestation sérieuse, pour faire cesser un trouble manifestement illicite ou au titre de
l'article 809, alinéa 2 du Code de procédure civile, en dehors de l'octroi d'une provision.

614 Décisions tranchant une partie du litige. – Les décisions qui viennent d'être étudiées ne
contenaient que des mesures, de même type que celles qu'ordonne le juge des référés. En les
ordonnant, le juge de la mise en état ne dit pas le droit 1896. Il n'en va plus de même avec les décisions
qui vont être maintenant abordées. Le juge de la mise en état reçoit compétence pour trancher une
partie de la matière litigieuse. Ce faisant, il dit le droit et la décision qu'il rend répond à la définition
du jugement définitif 1897.
L'article 771-1 du Code de procédure civile lui donne compétence pour statuer sur les exceptions
o

de procédure et les demandes de renvoi fondées sur l'article 47 du même code 1898. Toutes les
exceptions sont concernées et notamment les exceptions d'incompétence 1899. Les exceptions de nullité
d’un acte de procédure doivent également relever de la compétence du juge de la mise en état, du
moins lorsque l’acte incriminé constitue un élément de la procédure en cours. Ce sera le cas, par
exemple, de l’acte introductif de l’instance devant le tribunal saisi. En revanche, la connaissance de
la nullité éventuelle d’un rapport d’expertise antérieur à cette saisine 1900 doit relever de la
compétence du tribunal lui-même, car à l’égard de cette instance, le rapport d’expertise n’est pas un
acte de la procédure, mais une pièce antérieure à celle-ci, au même titre qu’un contrat ou un acte
juridique quelconque que produirait une partie 1901.
Contrairement aux exceptions de procédure, les fins de non-recevoir ne sont pas visées à
l’article 771 du Code de procédure civile 1902. Si le juge de la mise en état peut statuer sur une
exception de nullité (notamment), il ne peut se prononcer sur une fin de non-recevoir tirée, par
exemple, du défaut d'intérêt ou de la prescription 1903. L'article 769 du Code de procédure civile
dispose également que « le juge de la mise en état constate l'extinction de l'instance », tandis que
l'article 771-1 lui reconnaît compétence pour statuer « sur les incidents mettant fin à l'instance ». Il
o

statue donc sur les causes d'extinction de l'instance énoncées par les articles 384 et 385 du Code de
procédure civile, comme la péremption de l'instance ou la caducité de l'assignation. Dans la suite
logique des articles 769 et 771-1 , l'article 772 ajoute que le juge de la mise en état peut statuer sur
o

les dépens et sur les frais non compris dans les dépens 1904.
En statuant sur l'un de ces points, le juge de la mise en état empiète sur la compétence du tribunal.
En quelque sorte, il vient le décharger d'une partie du procès qui lui est soumis. Et, si on laisse de
côté le point mineur des exceptions dilatoires, on constate que le juge de la mise en état reçoit
compétence pour trancher des éléments importants du procès, puisqu'ils sont susceptibles d'y mettre
fin.

615 L'importance des « conclusions d'incident ». – Le rôle du juge de la mise en état est
encore renforcé par la conjonction de plusieurs règles, en matière d'exception de procédure et
d'incident mettant fin à l'instance. Tout d'abord, on verra que les décisions qu'il rend dans ces
domaines sont, par exception, dotées de l'autorité de la chose jugée au principal 1905. De plus, on
retrouve ici la règle de l'article 771, alinéa 1 du Code de procédure civile, selon laquelle ce
er

magistrat est seul compétent, jusqu'à son dessaisissement, « à l'exclusion de toute autre formation du
tribunal » 1906. Mais surtout, l'article 771-1 ajoute que les parties ne sont plus recevables à soulever
o

ces exceptions et incidents ultérieurement à son dessaisissement, à moins qu'ils ne surviennent ou


soient révélés postérieurement 1907. Ceci veut dire, par exemple, qu'une partie ne peut plus soulever
une exception tirée de la nullité de l'assignation, devant la formation de jugement 1908. En substance,
lorsqu'il a été désigné, le juge de la mise en état est seul compétent pour statuer sur une exception de
procédure ou un incident mettant fin à l'instance, mais personne ne prend sa place, une fois qu'il est
dessaisi. En pratique, il faut donc penser à déposer des « conclusions d'incident », c'est-à-dire des
conclusions qui s'adressent spécialement au magistrat de la mise en état pour soulever un moyen de
procédure relevant de sa compétence. Si l'on se borne à présenter ce moyen dans les « conclusions au
fond », que l'on dépose avant la clôture de l'instruction, mais à l'intention du tribunal, les juges
considéreront que le magistrat de la mise en état n'a pas été saisi de l'exception ou de l'incident 1909.
C'est alors le tribunal qui en sera saisi, à l'ouverture des débats (à l'audience), car les conclusions au
fond déposées avant l'ordonnance de clôture sont recevables. Mais comme l'ouverture des débats
coïncide avec le dessaisissement du juge de la mise en état 1910, le moyen tiré de l'exception ou de
l'incident sera irrecevable par application de l'article 771-1 . Le piège du formalisme de la pratique
o

judiciaire se sera refermé sur l'avocat.

2. Le régime des décisions juridictionnelles

616 Nature des décisions. – L'importance des décisions que prend le juge de la mise en état
dans le cadre de ses attributions juridictionnelles interdit de les qualifier de simples mesures
d'administration judiciaire, comme on a pu le faire pour les mesures de régulation et d'orientation du
procès. Ce sont de vrais jugements au sens du Code de procédure civile 1911, dont il faut examiner la
forme, les effets, ainsi que les recours dont ils peuvent faire l'objet.
617 Forme de la décision. – L'article 773 du Code de procédure civile pose en principe que le
juge de la mise en état statue par une ordonnance motivée. L'article 774 indique la façon dont elle est
rendue. La décision est prise à la suite d'un débat contradictoire : le juge convoque les avocats à son
audience, pour qu'ils puissent être entendus. En cas d'urgence, un avocat peut demander au juge de
fixer le jour et l'heure de l'audience à laquelle il invitera l'autre avocat à se présenter, par acte
d'avocat à avocat, pour qu'il puisse être statué sur la demande. L'ordonnance est prise à l'audience :
le juge de la mise en état statue publiquement.
Par exception, l'article 773 du Code de procédure civile réserve le jeu des règles particulières
aux mesures d'instruction. Pour ces mesures, l'article 151 du même code opère une distinction entre
l'expertise et toutes les autres mesures d'instruction 1912. L'importance de l'expertise (c'est la mesure
d'instruction la plus lourde et la plus coûteuse) justifie que le juge doive rendre une ordonnance
motivée. Pour ordonner les autres mesures d'instruction, une simple mention au dossier suffit 1913.

618 Juge de la mise en état et autorité de chose jugée. – L'article 775 du Code de procédure
civile pose en principe que « les ordonnances du juge de la mise en état n'ont pas, au principal,
l'autorité de la chose jugée ». Il est en effet normal que, lorsqu'elle ne contient qu'une mesure
provisoire, la décision du juge de la mise en état ne bénéficie pas de l'autorité de la chose jugée au
principal. Son ordonnance est alors du même type que celle que rend un juge des référés. Elle
constitue une décision provisoire par sa nature 1914.
En revanche, depuis le décret n 2005-1678 du 28 décembre 2005, l'article 775 du Code de
o

procédure civile pose qu'ont autorité de chose jugée au principal les ordonnances du juge de la mise
en état qui statuent sur les exceptions de procédure et celles qui statuent sur les incidents mettant fin à
l'instance. Cette réforme doit être approuvée, car la solution jurisprudentielle contraire qui prévalait
antérieurement 1915 était illogique. D'abord, il était illogique que deux juges successifs du même degré
soient conduits à examiner la même question dans des termes strictement identiques, ce qui était le
cas lorsque le juge de la mise en état tranchait une partie du litige. Concrètement, il n'était pas
cohérent de lui demander de se prononcer, par exemple, sur une exception d'incompétence, si le
défendeur pouvait soulever à nouveau cette exception devant le tribunal. La compétence du juge de la
mise en état ne présente d'intérêt que si ce magistrat décharge le tribunal, c'est-à-dire statue à sa
place et dans les mêmes conditions, ce qui implique que son ordonnance bénéficie de l'autorité de la
chose jugée comme un jugement du tribunal. En second lieu, la solution retenue par la Cour de
cassation conduisait à un résultat incohérent en ce que la décision du juge de la mise en état ne se
trouvait pas dotée des mêmes effets selon qu'elle statuait dans un sens ou dans l'autre. Si le juge de la
mise en état décidait que le tribunal était compétent, l'instance se poursuivait et le tribunal pouvait de
nouveau statuer sur la question. Mais, s'il se prononçait en faveur de l'incompétence, l'instance
prenait fin immédiatement, si bien que le tribunal n'avait pas et ne pouvait pas avoir l'occasion de
statuer sur la question. En définitive, dès lors que l'on accorde compétence au juge de la mise en état
pour trancher une partie du litige (et pas seulement pour prendre des mesures provisoires) 1916, la
logique commande de reconnaître l'autorité de chose jugée, au principal comme au provisoire, aux
ordonnances par lesquelles il met en œuvre cette compétence.
Hélas, la Cour de cassation a refusé de se plier à la volonté du pouvoir réglementaire. En effet,
depuis la réforme de 2005, elle juge que l'ordonnance du conseiller de la mise en état statuant sur une
exception de procédure n'a, au principal, l'autorité de la chose jugée que si elle met fin à
l'instance 1917. Une telle lecture de l'article 775 du Code de procédure civile, texte applicable devant
la cour d'appel comme devant le tribunal de grande instance 1918, est contraire à son esprit comme à sa
lettre 1919. De plus, en appel, elle dénote par rapport à la solution inverse qui est retenue lorsque le
conseiller de la mise en état, écartant une fin de non-recevoir, déclare l’appel recevable 1920.

619 Voies de recours : principe. – Étant des décisions juridictionnelles, les ordonnances du
juge de la mise en état peuvent faire l'objet de voies de recours, mais, dans le but d'accélérer le
déroulement de la procédure, le législateur en a aménagé l'exercice. En premier lieu, aux termes de
l'article 776 du Code de procédure civile, elles ne sont pas susceptibles d'opposition. Ensuite
et surtout, ce texte pose qu'elles ne peuvent pas être immédiatement frappées d'appel ou de pourvoi
en cassation. Selon une technique qui sera étudiée par la suite 1921, le législateur opère une
concentration de l'exercice des voies de recours : la voie de recours ne pourra être formée contre
l'ordonnance que lorsque le jugement au fond aura été rendu. Cette technique présente le mérite
d'empêcher les appels dilatoires, qui ralentissent l'instance, mais elle enlève aussi beaucoup d'intérêt
pratique à l'exercice de la voie de recours : quelle peut être l'utilité de faire appel d'une mesure
provisoire lorsque le tribunal a tranché le litige sur le fond 1922 ? C'est ce qui explique que quelques
exceptions aient été apportées à la règle de principe.

620 Voies de recours : exceptions. – La première exception prévue à l'article 776 du Code de
procédure civile intéresse deux sortes de décisions dont l'appel est soumis à un régime particulier
quel que soit le juge qui les rend : ce sont les ordonnances qui ordonnent une expertise et celles qui
prononcent un sursis à statuer. Les articles 272 (pour l'expertise) et 380 (pour le sursis à statuer) du
même code disposent que la décision du juge peut être frappée d'appel indépendamment du jugement
sur le fond sur autorisation du premier président de la cour d'appel, s'il est justifié d'un motif grave et
légitime 1923.
Les autres exceptions énoncées par l'article 776 du Code de procédure civile permettent aux
parties d'interjeter appel sans autorisation. Sont ainsi susceptibles d'un appel immédiat les
ordonnances qui ont pour effet de mettre fin à l'instance ou qui constatent son extinction. Cette
exception est commandée par le bon sens le plus évident. L'instance ayant pris fin, retarder l'appel de
l'ordonnance jusqu'au jugement sur le fond reviendrait à le retarder jusqu'au Jugement dernier. Sont
également susceptibles d'un appel immédiat les décisions du juge de la mise en état qui statuent sur
une exception de procédure 1924 ou sur un « incident mettant fin à l'instance », tel que la péremption ou
le désistement d'action 1925. Cette disposition est appréciable dans les affaires où l'instruction dure
très longtemps, car elle évite que la procédure ne se poursuive durablement dans une mauvaise
direction 1926. Peuvent également faire l'objet d'un appel immédiat les ordonnances ayant trait aux
mesures provisoires, mais uniquement en matière de divorce ou de séparation de corps 1927. Leur
importance pratique, surtout lorsqu'elles portent sur la fixation de la résidence des enfants mineurs
chez l'un des parents, justifie l'exception apportée à la règle de principe. C'est la même raison qui
explique la dernière exception, relative aux ordonnances ayant trait aux provisions qui peuvent être
accordées au créancier lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable.
Le délai pour former appel est de quinze jours et commence à courir à partir de la signification de
l'ordonnance. En principe, l'appel est doté d'un effet suspensif. Cependant l'article 514 du Code de
procédure civile dispose que certaines ordonnances du juge de la mise en état bénéficient de
l'exécution provisoire de plein droit : celles qui accordent une provision au créancier et celles qui
ordonnent des mesures provisoires pour le cours de l'instance 1928. La disposition de l'article 514
reprend très largement la distinction qui a été opérée entre les ordonnances contenant des mesures et
celles qui tranchent une partie du litige 1929. Les premières, étant semblables aux décisions que rend le
juge des référés, bénéficient logiquement de l'exécution provisoire de plein droit, alors qu'il n'existe
pas de raison d'en doter les secondes qui relèvent du contentieux au principal 1930.

§ 3. L'ORDONNANCE DE CLÔTURE

621 Présentation. – L'ordonnance de clôture marque la fin de l'instruction : sauf exception, elle
est rendue lorsque l'affaire est en état d'être plaidée et jugée. L'ordonnance de clôture constitue une
innovation du Code de 1975. Sa création apparaît comme une réaction à des abus antérieurs,
consistant à déposer des conclusions juste avant l'audience ou même le jour de l'audience ; le juge
était obligé de renvoyer l'affaire à une audience ultérieure pour permettre à l'adversaire d'en prendre
connaissance et d'y répondre.
L'étude de l'ordonnance de clôture peut être menée en trois points consacrés à son prononcé (A), à
ses effets (B) et enfin à sa révocation (C).

A. LE PRONONCÉ DE L'ORDONNANCE

622 Moment et forme de l'ordonnance. – En principe, l'ordonnance de clôture est rendue par
le juge de la mise en état. Mais il convient peut-être de rappeler que, lorsqu'une affaire emprunte l'un
des deux circuits courts, l'ordonnance est rendue par le président lui-même, lors de la première ou de
la seconde conférence 1931. Ainsi, dans tous les cas, la procédure ordinaire devant le tribunal de
grande instance comprend une ordonnance de clôture. Puisqu'elle marque la fin de l'instruction,
l'ordonnance de clôture doit normalement intervenir après que les parties ont produit toutes leurs
pièces et fait valoir tous les moyens qu'elles souhaitaient développer au soutien de leurs prétentions
respectives. Cependant elle peut aussi être rendue par le juge de la mise en état ou par le président à
titre de sanction si l'une des parties n'a pas satisfait aux obligations pesant sur elle dans les délais
impartis par le juge 1932.
Le régime de l'ordonnance de clôture présente quelques singularités. En la forme, énonce
l'article 782 du Code de procédure civile, il s'agit d'une ordonnance, mais elle n'est pas motivée et,
en outre, elle n'est susceptible d'aucun recours, au moins direct 1933. Une copie de l'ordonnance est
adressée aux avocats 1934.

B. LES EFFETS DE L'ORDONNANCE

623 Renvoi à l'audience. – L'ordonnance de clôture entraîne le renvoi de l'affaire à l'audience.


Aux termes de l'article 779 du Code de procédure civile, la date de l'audience est fixée par le
président ou par le juge de la mise en état s'il en a reçu délégation du président. La loi ne fixe aucun
délai entre la date de l'ordonnance de clôture et celle de l'audience. L'article 779 indique seulement
que « la date de la clôture doit être aussi proche que possible de celle fixée pour les plaidoiries ». Le
plus souvent les juridictions adoptent des délais inférieurs à quinze jours, qui répondent aux souhaits
du législateur. En revanche, il est anormal qu'il s'écoule plusieurs mois, voire plus d'un an entre les
deux 1935.

624 Irrecevabilité des pièces et conclusions. – C'est l'effet attaché à l'ordonnance de clôture
par l'article 783 du Code de procédure civile qui en fait toute la raison d'être. Aux termes de ce texte,
« après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux
débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office ». En réaction contre les abus antérieurs, le
législateur a voulu établir une séparation radicale entre l'instruction de l'affaire et les débats oraux,
avec quelques exceptions cependant.
Le principe est donc que les conclusions déposées et les pièces produites après l'ordonnance de
clôture sont irrecevables par le seul fait qu'elles sont tardives, indépendamment de toute idée de faute
du plaideur tardif ou d'atteinte au principe de la contradiction. Dans tous les cas, le juge a l'obligation
de les déclarer irrecevables. Dans un premier temps, on a cependant constaté que la Cour de
cassation avait admis quelques assouplissements à la règle. Ainsi, en 1978 encore 1936, une partie
ayant produit une pièce au cours des débats oraux, la cour d'appel avait renvoyé l'affaire à une
prochaine audience pour permettre aux parties de conclure et la Cour de cassation l'en avait
approuvé. Cette solution était critiquable. Certes, si un plaideur n'a pas pu produire plus tôt une pièce
déterminante pour l'issue du procès, il n'est pas souhaitable que le juge statue sans en tenir compte.
Mais, pour éviter cela, le Code de procédure civile impose au juge de révoquer préalablement
l'ordonnance de clôture. Aujourd'hui, la Cour de cassation applique dans toute sa rigueur la fin de
non-recevoir d'ordre public de l'article 783 du Code et elle annule systématiquement les décisions
qui s'écartent de ses dispositions 1937.
Il faut encore préciser ce que sont des conclusions ou des pièces tardives. La tardiveté s'apprécie
par rapport à l'instant même où l'ordonnance de clôture a été rendue. Des conclusions déposées le
même jour que l'ordonnance de clôture, mais postérieurement à l'ordonnance, sont donc
irrecevables 1938.

625 Pièces et conclusions de dernière heure. – Si les conclusions déposées et les pièces
produites après l'ordonnance de clôture sont irrecevables, a contrario elles sont recevables si elles
l'ont été avant l'ordonnance. Mais faut-il les admettre dans tous les cas ? Doit-on permettre à un
plaideur d'adresser à son adversaire des conclusions d'une trentaine de pages accompagnées d'une
centaine de pièces la veille de l'ordonnance de clôture ? À cette question la Cour de cassation
apporte une réponse nuancée. D'un côté, tant que l'ordonnance n'a pas été rendue, les parties ont le
droit de conclure et produire des pièces. Par conséquent, la seule circonstance que les conclusions ou
les pièces aient été déposées quelques jours avant l'ordonnance de clôture ou même le jour de
l'ordonnance ne permet pas au juge de les déclarer irrecevables de façon systématique 1939. Mais, d'un
autre côté, la Cour de cassation entend faire respecter le principe de la contradiction entre les parties
et sanctionner un comportement déloyal.
Au regard du principe de la contradiction, ce n'est pas tant le dépôt de conclusions que leur
communication à l'autre partie, à une date très proche de l'ordonnance de clôture, qui pose
problème. L'important est que l'adversaire ait eu ou non connaissance de leur contenu en temps utile.
Mais dans la mesure où dépôt et communication vont de pair, un dépôt in extremis s'accompagne
généralement d'une communication tout aussi tardive. La sanction du comportement déloyal d'un
plaideur s'impose quand le juge lui a imparti un délai pour conclure qui n'a pas été respecté, alors
que ce plaideur avait eu connaissance de la date à laquelle serait rendue l'ordonnance de clôture 1940.
Si ces conditions se trouvent remplies, le dépôt des conclusions ou des pièces postérieurement à la
date fixée par le juge et peu de temps avant l'ordonnance de clôture ne peut s'expliquer que par la
volonté de porter atteinte au principe de la contradiction. Leur mise à l'écart constitue la sanction
appropriée d'une manœuvre déloyale 1941, que le juge doit prononcer, le cas échéant, d'office 1942. En
dehors de ce cas particulier où une injonction avait été adressée à une partie, la Cour de cassation a,
pendant quelques années, soumis le rejet des conclusions ou des pièces à la condition que le juge
« caractérise les circonstances particulières » qui auraient empêché l'autre partie de répondre 1943. La
solution retenue présentait l'avantage de la souplesse : elle obligeait le juge à prendre en compte
l'importance des pièces et conclusions, avant de décider de les rejeter. Par un arrêt rendu en chambre
mixte, la Cour de cassation a allégé sensiblement ses exigences de motivation. Désormais, sous
réserve de rares arrêts « dissidents » 1944, les juges du fond n'ont plus besoin de caractériser ces
fameuses « circonstances particulières », ce qui est éminemment regrettable eu égard à la gravité de
leur décision 1945. Mais, sur le fond, les critères permettant de dire qu'un dépôt est tardif ou non ne
s'en trouvent pas changés. Sauf à ce que l'on sombre dans l'arbitraire, la tardiveté suppose
nécessairement une atteinte au principe de la contradiction, laquelle dépend du contenu de ce qui est
déposé et du temps séparant le dépôt de la clôture. Aujourd'hui comme hier, on ne doit donc pas
rejeter des écritures déposées le jour même de l'ordonnance de clôture, dès lors que, ne faisant pas
état de moyens ni de prétentions nouveaux, elles n'appellent pas de réponse de l'adversaire 1946. À
l'inverse, on peut concevoir que, dans une affaire particulièrement complexe de droit de la
construction mettant en cause un grand nombre de parties, des conclusions déposées quinze jours
avant la date de clôture soient jugées tardives 1947.
Si nécessaire qu'elle soit, la possibilité 1948 qu'a le juge d'écarter des débats un élément produit
bien avant l'ordonnance de clôture est un facteur d'incertitude pour le déposant. En effet, lorsque ses
documents sont volumineux ou complexes, le risque qu'ils soient rejetés par le juge augmente au fur et
à mesure que le moment fatidique de la clôture se rapproche, sans qu'existe une méthode qui
permettrait de connaître à l'avance la date ultime à laquelle il sera encore temps, de fait, d'effectuer
le dépôt.
Lorsqu'il écarte des débats des pièces ou des conclusions déposées trop tardivement selon lui, le
juge n'est pas tenu de provoquer un débat contradictoire sur ce point 1949. Un plaideur de bonne foi
peut donc découvrir, le jour du prononcé du jugement, que certaines de ses pièces ont été rejetées,
sans pouvoir s'expliquer sur les conditions dans lesquelles il les a déposées. Cette solution repose
sans doute sur le souci de la Cour de cassation de ne pas donner une occasion supplémentaire à une
partie animée d'intentions dilatoires de retarder encore l'issue du procès. Il est tout de même
regrettable qu'à une possible transgression du principe de la contradiction par un plaideur réponde
une probable violation de ses droits de la défense par le juge.

626 Exceptions. – L'article 783 du Code de procédure civile n'énonce que quatre exceptions,
dont trois sont d'une portée limitée, au principe de l'irrecevabilité des conclusions déposées et des
pièces introduites dans le débat après l'ordonnance de clôture. D'abord, sont évidemment recevables
les conclusions tendant à la révocation de l'ordonnance de clôture 1950. En deuxième lieu, sont
recevables les conclusions qui tendent à la reprise de l'instance en l'état où celle-ci se trouvait au
moment de son interruption 1951. Il faut supposer qu'après l'ordonnance de clôture se produise une
cause d'interruption de l'instance : par exemple l'une des parties atteint l'âge de la majorité. Une
reprise d'instance doit être effectuée pour mettre fin à l'interruption. Les conclusions qui réalisent
cette formalité sont recevables, mais leur objet est limité à la reprise d'instance : elles ne permettent
pas au plaideur de présenter de nouvelles demandes ou de nouveaux moyens. Sont encore recevables
les conclusions « relatives aux loyers, arrérages, intérêts et autres accessoires échus et aux débours
faits jusqu'à l'ouverture des débats, si leur décompte ne peut faire l'objet d'aucune contestation
sérieuse ». Ce que permet cette exception se limite donc à une simple mise à jour des conclusions
antérieures, pour tenir compte du temps qui s'écoule entre l'ordonnance de clôture et l'ouverture des
débats oraux 1952.
La quatrième exception est d'une plus grande portée. L'article 783 du Code de procédure civile
déclare également recevables les demandes en intervention volontaire. La raison de cette exception
est que le tiers qui forme la demande en intervention volontaire ne pouvait savoir quand serait rendue
l'ordonnance de clôture. On ne saurait lui reprocher le caractère tardif de sa demande 1953. Quelles
conséquences entraîne cette intervention volontaire ? L'article 784, alinéa 2, ne répond pas à cette
question de façon très claire. Aux termes de ce texte, « si une demande en intervention volontaire est
formée après la clôture de l'instruction, l'ordonnance de clôture n'est révoquée que si le tribunal ne
peut immédiatement statuer sur le tout ». Le Code de procédure civile prévoit donc que le juge puisse
statuer sans révoquer l'ordonnance de clôture. En pratique, cette solution ne peut guère être envisagée
que si le tiers forme une intervention accessoire, par laquelle il se borne à appuyer les prétentions
d'une partie originaire au procès 1954. En revanche, si le tiers forme une intervention principale, c'est-
à-dire soumet au juge une prétention qui lui est propre contre une partie originaire, le juge ne peut pas
statuer sans que celle-ci ait pu présenter sa défense. Néanmoins, l'application combinée des
articles 783 et 784 fait que la partie originaire, qui entend répondre à l'intervenant volontaire, doit
d'abord demander au juge la révocation de l'ordonnance de clôture 1955.
On peut ajouter un cinquième cas non prévu par l’article 783 du Code de procédure civile. Il va
de soi que sont recevables les conclusions ayant pour objet de dénoncer le dépôt d’écritures, par
l’adversaire, après l’ordonnance de clôture. La solution a été admise dans une hypothèse où il ne
s’agissait de dénoncer qu’une communication in extremis 1956. Elle vaut, a fortiori, lorsque le dépôt
des écritures litigieuses a eu lieu après la clôture de l’instruction.

C. LA RÉVOCATION DE L'ORDONNANCE

627 Causes de révocation. – Les effets particulièrement énergiques que la loi attache à
l'ordonnance de clôture rendent nécessaire l'existence d'un moyen permettant d'en écarter la rigueur
lorsque les circonstances le commandent, lorsque, par exemple, une partie n'a pu, pour des raisons
indépendantes de sa volonté, produire en temps voulu tous ses moyens ou toutes ses pièces. C'est ce
qui explique que, dans quelques situations, le législateur permette au juge de prononcer la
révocation 1957 de l'ordonnance de clôture.
Des deux causes de révocation que prévoit l'article 784 du Code de procédure civile, l'une a déjà
été indiquée : c'est la présentation d'une demande en intervention volontaire. À côté de cette cause
particulière, l'article 784 énonce que l'ordonnance de clôture peut aussi être révoquée « s'il se révèle
une cause grave depuis qu'elle a été rendue ». Concrètement, la cause grave consiste en un événement
qui s'est produit ou n'a pu être connu des parties qu'après que l'ordonnance a été rendue et qui est
susceptible de modifier l'issue du procès. Le plaideur doit convaincre le juge qu'il ne saurait rendre
sa décision sans prendre en compte cet élément décisif. L'exemple classique est celui de la pièce que,
malgré tous ses efforts, le plaideur n'a pas pu obtenir plus tôt 1958. La seule directive que donne le
Code de procédure civile est que la révocation doit demeurer exceptionnelle : il faut qu'il s'agisse
d'une cause grave. Pour le montrer, l'article 784 précise que « la constitution d'avocat
postérieurement à la clôture ne constitue pas, en soi, une cause de révocation ». La solution est
bienvenue en ce qu'elle dissuade le défendeur de se livrer à une manœuvre dilatoire consistant à
attendre le plus tard possible pour constituer avocat et gagner ainsi un délai supplémentaire. Le
défendeur ne peut donc pas se contenter de dire qu'il vient de constituer avocat. Cela étant, il peut
demander la révocation de l'ordonnance de clôture en faisant valoir que tel événement l'a empêché de
constituer avocat jusqu'à présent, par exemple que, demeurant à l'étranger, il vient seulement de
recevoir l'assignation. Mais on remarquera que, dans cette hypothèse, le défaut de constitution
d'avocat n'est pas la cause de révocation, il ne fait que manifester l'existence d'une cause de
révocation.
À ces deux causes de révocation qu'énonce le Code de procédure civile, il convient d'en ajouter
une troisième : le juge doit aussi révoquer l'ordonnance de clôture lorsque l'une des parties a été
indûment privée de la possibilité de présenter ses prétentions ou de faire valoir ses moyens. Par
exemple, il a été indiqué qu'avant de rendre cette ordonnance à titre de sanction contre un plaideur
négligent, le juge de la mise en état doit lui enjoindre de conclure dans un délai déterminé. S'il ne l'a
pas fait, l'ordonnance de clôture doit être rapportée 1959. Il en va de même lorsqu'un plaideur n'a pas
eu le temps de répondre à des pièces ou à des conclusions déposées très peu de temps avant
l'ordonnance de clôture. Cela étant, on peut certainement voir dans la violation du principe de la
contradiction une cause grave au sens de l'article 784 du Code de procédure civile.

628 Décision de révocation. – L'article 784, alinéa 3, du Code de procédure civile dispose
que l'ordonnance de clôture peut être révoquée à la demande des parties ou même d'office par le juge.
Selon le moment où la révocation est demandée, le juge qui statue n'est pas le même. Si la demande
est présentée avant l'ouverture des débats oraux, c'est le juge de la mise en état qui est compétent,
puisqu'il est encore saisi 1960. Une fois ouverts les débats oraux, la demande doit être soumise au
tribunal lui-même. Avant de statuer, le juge doit inviter les avocats à en débattre contradictoirement.
Il rend une décision motivée. S'il refuse de révoquer l'ordonnance, l'instance continue avec les débats
oraux. S'il révoque l'ordonnance, l'affaire est renvoyée devant le juge de la mise en état. Le plus
souvent, l'ordonnance de clôture est rapportée pour permettre à un plaideur de s'expliquer sur une
question précise. Cependant, du fait que l'affaire est renvoyée devant le juge de la mise en état, les
parties ne sont pas limitées à cette question et peuvent de nouveau conclure librement sur tous les
points qu'elles souhaitent aborder ; elles peuvent ainsi présenter des demandes nouvelles 1961.
La jurisprudence de la Cour de cassation conduit à distinguer la simple réouverture des débats,
ordonnée sur le fondement de l'article 444 du Code de procédure civile, de la révocation de
l'ordonnance de clôture. La première ne permet pas aux parties de conclure librement, parce qu'elle
n'a pour fonction que de les autoriser à répondre à une question précise. De plus, en principe, la
réouverture des débats ne vaut pas révocation de l'ordonnance de clôture 1962.
En application des règles générales, la décision que rend le juge de la mise en état ou le tribunal
est insusceptible d'un recours immédiat 1963. En revanche, elle peut faire l'objet d'un recours en même
temps que le jugement sur le fond. En accordant au plaideur le droit de former un recours contre
l'ordonnance qui statue sur la demande de révocation, le législateur lui permet indirectement
d'exercer un recours contre l'ordonnance de clôture elle-même. En effet, chaque fois que le juge de la
mise en état a rendu prématurément l'ordonnance de clôture, le plaideur doit demander au juge de la
rabattre. Si le juge refuse de le faire, le plaideur pourra former un recours contre la seconde décision,
mais en réalité ce recours repose tout entier sur l'irrégularité de la première 1964.

Sous-section 3
Les débats oraux
629 Division. – Les débats oraux devant le tribunal de grande instance obéissent pour
l'essentiel aux dispositions communes à toutes les juridictions. Il suffira d'indiquer brièvement les
quelques points sur lesquels ils s'en distinguent, qui intéressent la tenue de l'audience (§ 1) et la
confection d'un rapport (§ 2).

§ 1. LA TENUE DE L'AUDIENCE

630 Audience collégiale ou à juge unique. – L'audience se déroule normalement devant la


formation collégiale du tribunal de grande instance. Cependant l'article 786 du Code de procédure
civile dispose que l'audience peut se tenir en présence d'un seul juge 1965 : le juge de la mise en état,
ou le juge rapporteur lorsque le président a chargé un autre juge de présenter un rapport. L'audience à
juge unique constitue une innovation heureuse en ce qu'elle évite aux magistrats une perte de temps
importante. Pour en faciliter l'usage, l'article 786 précise que l'accord des avocats n'est pas
nécessaire 1966, il suffit qu'ils ne s'y opposent pas, ce qui n'est pas tout à fait la même chose 1967.
Partant sans doute de l'idée selon laquelle qui peut le plus peut le moins, la Cour de cassation admet
que l'audience peut être tenue par deux juges plutôt que par un seul, ces deux magistrats devant, bien
sûr, rendre compte des débats au troisième juge qui participera avec eux au délibéré 1968.
Le fait que l'audience soit tenue par un seul juge ne signifie pas que ce magistrat décide seul.
L'article 786 du Code de procédure civile précise en effet qu'après avoir entendu les plaidoiries, le
juge « en rend compte au tribunal dans son délibéré », si bien que le délibéré et la décision
demeurent collégiaux, au moins en théorie 1969.

§ 2. LE RAPPORT

631 Exigence d'un rapport oral. – L'article 785 du Code de procédure civile dispose que le
juge de la mise en état fait un rapport oral sur l'affaire 1970. Ayant suivi l'instruction du procès, c'est
logiquement à lui que la loi attribue cette mission. Mais, exceptionnellement, le président peut en
charger un autre magistrat ou s'en charger lui-même. Afin de l'aider dans sa tâche, l'article 779 du
même code permet au juge de la mise en état 1971 de demander aux avocats de déposer au greffe leur
dossier, à la date qu'il détermine, s'il estime que c'est nécessaire à l'établissement de son rapport.
L'intérêt de ce dépôt réside dans le fait que si les parties déposent leurs écritures (leurs conclusions)
au greffe, elles ne déposent généralement pas les pièces sur lesquelles elles se fondent 1972. Le
dossier déposé à la demande du juge de la mise en état est, au contraire, plus complet, car il doit
comporter à la fois les pièces et les écritures de l'intéressé.
Le rapport « expose l'objet de la demande et les moyens des parties, il précise les questions de
fait et de droit soulevées par le litige et fait mention des éléments propres à éclairer le débat ». Mais,
en aucun cas, le rapport ne doit pas faire connaître l'avis de son auteur, afin d'éviter d'influencer les
autres magistrats et de donner l'impression de rompre avec l'exigence d'impartialité qui s'impose à
tout juge 1973.

SECTION II
LES PROCÉDURES PARTICULIÈRES
632 Plan. – Il ne saurait être question, dans un précis de droit judiciaire privé, d'aborder toutes
les procédures particulières à telle ou telle matière, qui existent devant le tribunal de grande instance,
comme la procédure de divorce ou les procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire des
personnes morales non commerçantes, pour ne citer que les plus originales. Seules seront étudiées les
procédures qui sont en principe applicables à tout litige quel qu'il soit et qui dérogent aux règles qui
viennent d'être énoncées : d'une part, la procédure à jour fixe (§ 1) et, d'autre part, la procédure à
juge unique (§ 2).

§ 1. LA PROCÉDURE À JOUR FIXE

633 Présentation. – La procédure ordinaire qui est suivie devant le tribunal de grande instance
ne permet pas de juger les affaires dans un délai très bref. Même devant les tribunaux bien organisés,
il est difficile de « sortir » les jugements en moins de cinq ou six mois, ce qui peut être trop long pour
certaines affaires. Le demandeur qui souhaite une décision dans les meilleurs délais songe en premier
lieu à saisir le juge des référés, mais cette voie n'est plus utilisable lorsqu'il existe une contestation
sérieuse, car celle-ci fait obstacle à la très grande majorité des mesures d'anticipation. Par ailleurs,
même en l'absence de contestation sérieuse, le demandeur peut souhaiter obtenir une décision au
principal, pour qu'elle bénéficie pleinement de l'autorité de la chose jugée. L'existence d'une
procédure rapide devant le tribunal de grande instance ne fait donc pas double emploi avec le référé.
Elle ne fait pas non plus double emploi avec la procédure de la passerelle, celle-ci se rencontrant
uniquement lorsque le juge des référés a été saisi 1974.
Pour obtenir l'accélération de la procédure devant le tribunal de grande instance, les articles 788
à 792 du Code de procédure civile prévoient la possibilité de passer très rapidement de l'acte
introductif d'instance à l'audience des plaidoiries. En contrepartie, le défendeur dispose de moins de
temps pour faire valoir ses moyens. Le recours à la procédure à jour fixe n'est donc pas sans danger
pour lui. Par ailleurs, si la procédure à jour fixe était généralisée, l'effet souhaité serait perdu, du fait
de l'encombrement des tribunaux de grande instance. Ces deux raisons expliquent que le législateur
ait restreint l'usage de la procédure à jour fixe 1975 en obligeant le plaideur qui souhaite l'utiliser à en
demander l'autorisation (A). Une fois l'autorisation obtenue, l'instance elle-même se déroule de façon
très simple (B).

A. L'AUTORISATION D'ASSIGNER À JOUR FIXE

634 Requête au président. – L'article 788 du Code de procédure civile dispose que
l'autorisation d'assigner à jour fixe doit être demandée sur requête au président du tribunal de grande
instance. La requête présentée par l'avocat du demandeur indique les motifs de l'urgence et elle
contient les conclusions du demandeur, qui doivent être plus complètes que celles que l'on trouve
dans une assignation ordinaire. Si le demandeur souhaite que la procédure soit très rapide, il faut
qu'il évite autant que possible d'avoir à déposer de nouvelles conclusions 1976. En outre, ses
conclusions doivent viser les pièces sur lesquelles est fondée la demande. À la requête, sont jointes
une copie de cette requête et une copie des pièces visées dans les conclusions, qui seront l'une
comme les autres conservées par le président pour être versées au dossier, lorsqu'il sera ouvert par
le secrétaire au moment de la saisine du tribunal.
Si le président estime la demande fondée, il rend l'ordonnance d'autorisation sur la requête. De
manière très contestable, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation voit dans cette
autorisation une mesure d'administration judiciaire et en déduit qu'elle est insusceptible de tout
recours 1977. Quoi qu'il en soit, l'ordonnance contient, outre l'autorisation, l'indication du jour et de
l'heure de l'audience à laquelle l'affaire sera appelée et, s'il y a lieu, l'indication de la chambre à
laquelle l'affaire est distribuée. L'ordonnance va permettre au demandeur d'assigner son adversaire à
jour fixe et ainsi d'introduire l'instance.

B. LE DÉROULEMENT DE L'INSTANCE

635 Contenu de l'assignation. – C'est une instance au schéma très simplifié qui s'ouvre
maintenant. Outre les mentions habituelles, l'assignation qui est délivrée à l'adversaire l'informe
d'avoir à constituer avocat avant la date de l'audience qui est mentionnée elle aussi dans l'assignation.
Elle lui indique qu'il peut prendre connaissance au greffe des pièces produites par le demandeur (qui
sont celles visées dans l'assignation). Elle le somme de communiquer les pièces qu'il compte utiliser
avant l'audience. Enfin, à l'assignation est jointe une copie de la requête, dit l'article 789 du Code de
procédure civile. En réalité, ce qui compte, ce n'est pas la requête, mais l'ordonnance du président
qui figure au pied de la requête. Les règles régissant l'assignation sont sanctionnées par la nullité. Les
irrégularités qui peuvent se produire affectant la forme de l'acte, leur régime est celui qu'énoncent les
articles 114 et suivants du Code de procédure civile. Il appartient donc à celui qui en demande la
nullité d'établir le grief que lui a causé l'irrégularité 1978. La saisine de la juridiction est opérée par le
dépôt d'une copie de l'assignation au secrétariat du tribunal, qui, selon l'article 791, doit avoir lieu
« avant la date fixée pour l'audience faute de quoi l'assignation sera caduque 1979 ».
On ne saurait trop insister sur l'importance que revêtent dans la procédure à jour fixe toutes les
règles intéressant les conclusions et les pièces. Si le demandeur veut que ses demandes soient
examinées par le juge à bref délai, il lui appartient de tout faire pour mettre son adversaire à même
de préparer sa défense pour le jour de l'audience.

636 Absence de phase d'instruction. – La procédure ne comporte en principe aucune phase


spécifique d'instruction 1980. L'affaire est directement appelée à l'audience. Les rédacteurs du Code de
procédure civile ont réglementé cette audience de façon très souple, pour sauvegarder les droits du
défendeur et en même temps déjouer les manœuvres dilatoires qu'il pourrait tenter.
À cet effet, l'article 792 dispose en premier lieu que « le jour de l'audience, le président s'assure
qu'il s'est écoulé un temps suffisant depuis l'assignation pour que la partie assignée ait pu préparer sa
défense ». Ce texte reprend en substance la disposition de l'article 486, qui régit la procédure de
référé. À défaut, comme dans l'instance de référé, le président renvoie l'affaire à une prochaine
audience. Si le président estime qu'un temps suffisant s'est écoulé, l'affaire est en principe « plaidée
sur le champ en l'état où elle se trouve ». Le défendeur doit avoir constitué avocat et déposé ses
conclusions avant l'audience. Cependant, le fait de ne pas avoir déposé de conclusions ne suffit pas à
entraîner le renvoi de l'affaire à une autre audience. Les conclusions écrites sont remplacées par de
simples conclusions orales : le législateur abandonne ainsi la procédure écrite au profit de la
procédure orale pour accélérer le déroulement de l'instance. Mais il se peut que le défendeur n'ait
même pas constitué avocat. Dans ce cas, selon les dispositions applicables à la procédure par défaut,
le président peut ordonner la réassignation du défendeur s'il n'a pas été cité à personne 1981. Dans le
cas inverse, l'affaire est plaidée immédiatement.
Ces dispositions pourraient se révéler inopportunes si elles s'imposaient de façon absolue au
président. Il n'en est rien : l'article 792 lui permet de les adapter aux données du litige. Il peut faire
suivre à l'affaire le circuit mi-court prévu par l'article 761 du Code de procédure civile. Si l'affaire
se révèle véritablement complexe, le président peut même renvoyer l'affaire devant le juge de la mise
en état pour une instruction complète. On revient alors à la procédure ordinaire.

§ 2. LA PROCÉDURE À JUGE UNIQUE

637 Présentation. – La collégialité du tribunal de grande instance correspond à une tradition


du droit judiciaire privé français qui repose sur de solides fondements 1982, mais qui présente
l'inconvénient de ralentir le cours de la justice. À travers les articles L. 212-2, R. 212-8 et R. 212-9
du Code de l'organisation judiciaire et les articles 801 à 805 du Code de procédure civile, le
législateur a recherché une solution de compromis, reposant sur un recours facultatif et limité au juge
unique (A). Lorsque cette solution a été retenue, le déroulement de l'instance se trouve légèrement
modifié (B).

A. LE RECOURS AU JUGE UNIQUE

638 Énoncé des cas. – La règle de principe est que le recours au juge unique est facultatif. Aux
termes de l'article 801 du Code de procédure civile, la décision appartient au président du tribunal
ou au président de la chambre à laquelle l'affaire a été distribuée. La décision peut être prise jusqu'à
la fixation de la date de l'audience, mais il est inopportun de le faire aussi tardivement. Pour plus de
clarté entre les divers partenaires du procès, il est souhaitable que le président choisisse cette voie
dès la première conférence. La décision du président fait l'objet d'une simple mention au dossier et
les avocats en sont informés par un simple avis 1983.
Par exception, quelques textes dérogent, dans les deux sens, au principe qui vient d'être énoncé.
D'un côté, l'article L. 212-2 du Code de l'organisation judiciaire dispose que la procédure à juge
unique n'est pas applicable en matière disciplinaire ou en matière d'état des personnes, sous réserve
des dispositions particulières aux matières relevant de la compétence du juge aux affaires
familiales 1984. En sens inverse, il résulte de l'article R. 212-8 du Code de l'organisation judiciaire
que la procédure à juge unique s'applique à tous les litiges auxquels peuvent donner lieu les accidents
de la circulation terrestre. En vertu du même texte, le tribunal connaît également à juge unique des
ventes de biens appartenant à des mineurs et de tout ce qui a trait aux demandes en reconnaissance et
en exequatur des jugements étrangers, des actes publics étrangers et des sentences arbitrales
françaises comme étrangères.

B. LE DÉROULEMENT DE L'INSTANCE

639 Renvoi possible à la formation collégiale. – À la différence de la procédure à jour fixe, la


procédure à juge unique devant le tribunal de grande instance ne se traduit pas par une altération
sensible des règles applicables à la procédure ordinaire. Elle entraîne seulement une concentration
des pouvoirs entre les mains d'un seul juge. Celui-ci exerce non seulement les pouvoirs dévolus au
juge de la mise en état, mais encore ceux dévolus au tribunal lui-même. Il entend seul les plaidoiries,
mais n'en rend pas compte au tribunal dans son délibéré : il reste seul pour trancher le litige. C'est
pourquoi la procédure à juge unique ne doit pas être confondue avec la procédure ordinaire dans
laquelle l'audience des débats se déroulerait devant un seul juge 1985.
Pour respecter le caractère facultatif de la procédure à juge unique, l'article L. 212-2 du Code de
l'organisation judiciaire permet aux parties de demander que l'affaire soit portée devant le tribunal de
grande instance statuant en formation collégiale. C'est pour chacune d'elles un droit discrétionnaire
qu'elle exerce par une demande non motivée 1986. L'article 804 du Code de procédure civile impose
seulement aux parties de former la demande de renvoi dans un délai de quinze jours à compter de
l'avis donné aux avocats à peine de forclusion 1987. Par ailleurs, le renvoi peut être encore décidé à
tout moment par le président ou son délégué. Lorsque le recours à la procédure à juge unique est de
droit, les parties ne peuvent pas demander le renvoi de l'affaire devant la formation collégiale ; seul
le juge peut le décider. Dans tous les cas, à supposer que le renvoi ait lieu pendant que l'instruction
de l'affaire est en cours devant le juge unique, le président peut décider que celle-ci est poursuivie
soit par le juge unique soit par le juge de la mise en état 1988.

BIBLIOGRAPHIE

A. BLAISSE, « Le problème des pièces et conclusions tardives », JCP 1988.I. n 3317.o

N. CAYROL, « Procédure devant le tribunal de grande instance », Rép. Dalloz pr. civ. 2015.
F. COLLARD-DUTILLEUL, « La révocation de l'ordonnance de clôture », Rev. jur. Ouest 1978, n 2, p. 1.
o

J. M. DENIEUL, Petit traité de l'écrit judiciaire, Dalloz Service, 12 éd., 2014.


e

A. DORSNER-DOLIVET, « Les incertitudes de la mise en état dans la jurisprudence », Gaz. Pal. 1986,
doct. p. 23.
Cl. GIVERDON, La procédure devant les tribunaux de grande instance, Paris, 1973.
L. MINIATO, « L'évolution du rôle du juge de la mise en état », Spécialisation des juges, dir.
C. Ginestet, IFR Actes de colloques n 14, Presses Universitaires de Toulouse I Capitole, 2012,
o

p. 35.
R. PERROT, « Le juge unique en droit français », RID comp. 1977, p. 659.
CHAPITRE II
LES DISPOSITIONS PARTICULIÈRES AUX TRIBUNAUX
D'EXCEPTION

640 Oralité de la procédure. – Les dispositions particulières aux procédures applicables


devant les juridictions d'exception, que régissent les titres II à V du livre II du Code de procédure
civile, comportent une règle qui leur est commune et qui les oppose à la procédure suivie devant le
tribunal de grande instance : l'oralité de la procédure 1989. Celle-ci repose sur la volonté du
législateur de permettre aux parties d'accéder au juge par une procédure à la fois simple et peu
onéreuse, c'est-à-dire qui ne nécessite pas les services d'un technicien du droit. L'oralité de la
procédure devient alors une nécessité. Il n'est pas envisageable que des parties qui se défendent
elles-mêmes (ou avec l'aide d'un non professionnel du droit, un délégué syndical par exemple) soient
tenues de rédiger des conclusions écrites. Cette disposition repose sur l'idée que les procès portés
devant les juridictions d'exception sont des affaires peu importantes et simples et que l'avocat serait
presque un « luxe » pour de tels litiges. Cette idée ne correspond plus à la réalité, car ces
juridictions, notamment le tribunal de commerce et le conseil de prud'hommes, ont à statuer sur des
litiges dont l'enjeu est parfois considérable 1990 et dont la solution peut nécessiter l'application de
règles de droit complexes. C'est ce qui explique que, dans l'écrasante majorité des cas, les parties
décident sagement d'utiliser les services d'un avocat.

641 Incertitudes liées à la procédure orale. – Le choix d'une procédure orale ne présente pas
que des avantages. Il faut répéter que la procédure écrite permet une étude plus précise et plus
juridique des éléments du procès et que, par principe, elle est toujours préférable à la procédure
orale. En matière civile, la procédure orale ne peut être tenue que pour un mal peut-être nécessaire,
lorsqu'on veut permettre aux parties de se défendre elles-mêmes.
La procédure orale suscite aussi de graves incertitudes dans la détermination des prétentions et
des moyens présentés par les parties 1991. Afin d'y remédier, le Code de procédure civile atténue le
principe selon lequel « les parties présentent oralement à l'audience leurs prétentions et les moyens à
leur soutien ». Il les autorise en effet à les formuler par écrit, auquel cas la date de leurs prétentions
et moyens régulièrement présentés par écrit sera celle de leur communication entre parties 1992. De
plus, les prétentions orales des parties « ou la référence qu'elles font aux prétentions qu'elles auraient
formulées par écrit, sont notées au dossier ou consignées dans un procès-verbal » 1993, de même que
leurs observations (orales) 1994. Si elles peuvent s'en tenir à une stricte oralité, les parties ont donc
intérêt à rédiger ou à faire rédiger des conclusions écrites, pour plus de sécurité. En pratique, la
rédaction de ces conclusions suppose que le plaideur ait recours aux services d'un avocat. À défaut,
le sort du procès dépend de la vigilance du greffier et du juge à noter les prétentions et les moyens
qui ne font l'objet que d'un exposé oral. De surcroît, la difficulté d'établir le contenu des prétentions
et des moyens présentés oralement conduit la Cour de cassation à faire peser sur chacune des parties
la charge de prouver qu'elle les a effectivement soumis au juge 1995. Ceci renforce l'intérêt de
conclusions écrites.

642 La formalisation des procédures orales. – Par nature, les procédures orales sont moins
formalistes que les procédures écrites, mais nous venons de voir qu'en contrepartie, elles étaient
moins sécurisantes. C'est pourquoi, en 2010, le pouvoir réglementaire les a aménagées en y
développant quelque peu la place de l'écrit et en généralisant certaines dispositions 1996. Désormais,
l'article 446-2 du Code de procédure civile instaure un succédané de mise en état. Il énonce que le
juge peut organiser les échanges entre les parties lorsque les débats sont renvoyés à une audience
ultérieure 1997. Il peut ainsi, mais avec l'accord des parties, fixer les délais et les conditions de
communication de leurs prétentions, moyens et pièces, c'est-à-dire mettre en place une sorte de
calendrier de procédure. Pareillement, lorsque les parties formulent leurs prétentions et moyens par
écrit, le juge peut, là encore avec leur accord, prévoir qu'elles seront réputées avoir abandonné les
prétentions et moyens non repris dans leurs dernières écritures. On le voit, ce sont des techniques
applicables aux procédures écrites (calendrier de procédure et conclusions récapitulatives) qui sont
transposées dans les procédures orales, mais essentiellement avec l'accord des parties. De plus, cette
transposition n'enlève pas toute souplesse aux procédures orales. Ainsi, l'article 446-2 ajoute que le
juge peut écarter des débats les prétentions, moyens et pièces communiqués après la date fixée pour
les échanges, si le retard de la partie n'est pas justifié par un motif légitime et si, de surcroît, il porte
atteinte aux droits de la défense. La règle est moins rigide que celle que l'on retrouve dans les
procédures écrites où une communication tardive (effectuée après clôture de l'instruction) est
irrecevable indépendamment de toute atteinte aux droits de la défense et quelle qu'en soit la
raison 1998. Pareillement, toujours en cas de non-respect du calendrier de procédure, le juge peut
revenir à une stricte oralité en rappelant l'affaire à l'audience, pour la juger ou la radier.

643 Nécessité de comparaître. – La faculté qu'ont les parties de formuler oralement ou de


consigner par écrit leurs prétentions et leurs moyens ne les dispense pas de comparaître ; elles
doivent normalement se présenter à l'audience, soit en personne, soit par un représentant lorsque la
représentation est permise 1999. Il en résulte d'abord qu'en principe, un plaideur (en particulier le
défendeur) ne peut pas se contenter d'envoyer une lettre ou un dossier au juge pour lui exposer les
moyens de défense qui peuvent être opposés aux demandes formées contre lui ; cette lettre ou ce
dossier est normalement irrecevable 2000. De même, lorsque les parties sont tenues de comparaître en
personne, ce qui est le cas devant le conseil de prud'hommes, les conclusions déposées à l'audience
par un avocat, en l'absence de son client, sont irrecevables pour cette même raison que le client n'a
pas comparu et que seule peut présenter des prétentions et des moyens la partie qui comparaît 2001.
La jurisprudence actuelle entend assez sévèrement les textes relatifs à la place de l’écrit dans les
procédures orales. Pour elle, à moins d’y être autorisée par le juge, une partie ne peut se contenter de
se présenter à l’appel des causes 2002 et de déposer son dossier, avant de s’en aller. Pour être
considérée comme comparante, cette partie doit donc être présente lors des débats qui seront
consacrés à son affaire. Et elle devra y « soutenir oralement » ses conclusions écrites 2003.
L’expression est ambiguë. Devra-t-elle reprendre oralement l’intégralité de ses prétentions et moyens
ou pourra-t-elle se contenter de s’y « référer », comme l’énonce l’article 446-1 du Code de
procédure civile ? À notre sens, un simple renvoi général à ses conclusions devrait suffire, sauf au
juge à demander des explications orales plus détaillées. Mais une chose paraît entendue : la partie
(ou son représentant lorsque la représentation est possible) doit être présente à l’audience des débats
et s’y exprimer oralement, pour rendre recevables ses pièces et ses écritures.
Cela étant, le principe de la comparution à l’audience, dans les procédures orales, a été
sensiblement atténué par les textes, notamment lors de la réforme de 2010. En effet, la loi 2004 permet
fréquemment au juge d'autoriser les parties « à formuler leurs prétentions et moyens par écrit sans se
présenter à l'audience » 2005. Et même dans ce cas, le juge peut toujours revenir sur cette décision et
« ordonner que les parties se présentent devant lui ». De plus, il arrive plus rarement qu’un texte
autorise directement les parties à ne pas se présenter à une audience. Celle qui usera de cette
possibilité se bornera à « exposer ses moyens par lettre adressée au tribunal, à condition de justifier
que l'adversaire en a eu connaissance avant l'audience par lettre recommandée avec demande d'avis
de réception » 2006.
Il convient maintenant d'étudier successivement les procédures applicables devant le tribunal
d'instance et la juridiction de proximité 2007 (section I), le tribunal de commerce (section II), le
conseil de prud'hommes (section III) et le tribunal paritaire des baux ruraux (section IV).

SECTION I
LE TRIBUNAL D'INSTANCE ET LA JURIDICTION DE PROXIMITÉ

644 Traits caractéristiques. – Devant le tribunal d'instance et la juridiction de proximité (tant


que celle-ci existe encore) 2008, s'applique en principe la procédure ordinaire que décrivent les
articles 827 à 847-3 du Code de procédure civile. Cette communauté de régime a été voulue par le
législateur lorsqu'il a instauré le juge de proximité, par une loi du 9 septembre 2002. Pour telle ou
telle matière, cette procédure est modifiée ou complétée par des dispositions spéciales, qui ne
sauraient trouver leur place dans un manuel de droit judiciaire privé. Deux traits dominent la
procédure ordinaire devant le tribunal d'instance et la juridiction de proximité 2009 ; la simplicité et le
souci de régler les litiges par la conciliation. Au premier de ces traits peut être rattachée la
possibilité pour les parties de se faire assister ou représenter non seulement par un avocat, mais aussi
par un non professionnel : aux termes de l'article 828 du Code de procédure civile, elles peuvent se
faire assister ou représenter par leur conjoint, leur concubin ou la personne avec laquelle elles ont
conclu un pacte civil de solidarité, leurs parents ou alliés en ligne directe, leurs parents ou alliés en
ligne collatérale jusqu'au troisième degré inclus, ainsi que par les personnes exclusivement attachées
à leur service personnel ou à leur entreprise 2010. Par ailleurs, si la conciliation fait partie de la
mission générale de tout juge 2011, devant les juridictions d'instance et de proximité 2012 elle revêt une
importance spéciale, qui se traduit par l'existence d'une phase qui lui est spécifiquement consacrée (§
1). Ce n'est qu'en cas d'échec de la tentative de conciliation que la procédure se poursuit (§ 2).

§ 1. LA TENTATIVE DE CONCILIATION

645 Division. – La conciliation présente un caractère d'autant plus opportun que le litige est
simple. En s'expliquant devant le juge, les parties peuvent deviner quelle solution le juge retiendra
s'il doit statuer ; cela ne peut manquer de les inciter à l'adopter avant tout jugement. De même, si le
litige provient avant tout de l'incompréhension ou de l'absence de dialogue entre les adversaires, une
discussion en présence du juge peut mettre fin au conflit. Mais, d'un autre côté, une tentative de
conciliation « en règle » constitue une perte de temps évidente chaque fois que les parties ont dépassé
le point au-delà duquel tout espoir de rapprochement a cessé. C'est pour cette raison que le
législateur a aménagé de façon très souple le déroulement de la tentative de conciliation. Tantôt elle
prend place avant l'instance contentieuse proprement dite (A), tantôt elle s'y intègre (B).

A. LA TENTATIVE PRÉALABLE DE CONCILIATION

646 Les deux voies ouvertes au juge. – Lorsqu'elle se déroule préalablement à l'instance
contentieuse, la tentative de conciliation est très simple. L'article 830 du Code de procédure civile
dispose que la demande est formée par une déclaration faite, remise ou adressée au greffe. Le
demandeur indique les nom, prénoms, profession et adresse des parties, ainsi que l'objet de sa
prétention 2013. Le juge a alors le choix de procéder lui-même à la tentative de conciliation ou de
confier cette mission à un conciliateur de justice 2014. Si le juge opte pour la délégation à un
conciliateur, le greffier en avise le défendeur par tous moyens. Quel que soit l'organe qui se chargera
finalement de la tentative de conciliation, l'article 830 du Code de procédure civile précise que la
prescription et les délais pour agir sont interrompus par l'enregistrement de la déclaration du
demandeur au greffe. En faisant produire à cette demande les effets d'une demande en justice, la loi
encourage clairement le recours à la conciliation.

647 La tentative confiée à un conciliateur. – Si le juge décide de désigner un conciliateur 2015,


celui-ci va procéder à la tentative de conciliation en suivant les règles posées par le Code de
procédure civile 2016. Les conciliateurs de justice relèvent du décret n 78-381 du 20 mars 1978. Leur
o

désignation permet au juge de se consacrer à d'autres tâches. Leur mission, qui est gratuite, est d'une
durée initiale qui ne peut excéder deux mois, sauf à être renouvelée à leur demande 2017. À
l'expiration de sa mission, le conciliateur informe le juge du résultat obtenu 2018. En cas d'échec total
ou même partiel, le demandeur peut saisir le tribunal aux fins de jugement 2019. Bien sûr, la même
règle s'applique lorsque le juge décide de mettre fin d'office à la conciliation, parce que son bon
déroulement lui paraît compromis ou lorsqu'il le fait à la demande d'une partie ou du conciliateur 2020.
À l'inverse, en cas de réussite de la conciliation, les parties peuvent demander au juge, par
l'intermédiaire du conciliateur, l'homologation du constat d'accord établi par ce dernier 2021. Selon
l'article 131 du Code de procédure civile, cette homologation « relève de la matière gracieuse » 2022.

648 La tentative menée par le juge. – Quand le juge décide de procéder lui-même à la
tentative de conciliation, le greffier avise le demandeur des lieu, jour et heure de la tentative de
conciliation par tout moyen 2023. Il convoque aussi le défendeur par lettre simple. En plus des lieu,
jour et heure auxquels sera tentée la conciliation, la convocation mentionne les nom, prénoms,
profession et adresse du demandeur, ainsi que l'objet de la demande. L'article 834 du Code de
procédure civile dispose que l'avis donné au demandeur et la convocation adressée au défendeur
indiquent que chaque partie peut se faire assister par toute personne habilitée à représenter les parties
devant le tribunal d'instance 2024. Mais, le texte les autorisant seulement à se faire assister, il est
certain que les parties ne peuvent pas se faire représenter à la tentative de conciliation. Elles doivent
venir en personne, seule ou en compagnie de celui ou celle qu'elles auront choisi pour les assister.
Cependant, si l'une d'elles ne vient pas, aucune sanction ne sera prise contre elle : simplement, la
tentative ne pourra pas avoir lieu.
Quand elle a lieu, la tentative de conciliation est donc tenue par le juge en présence des deux
parties et, le cas échéant, de ceux qui les assistent. Elle peut avoir lieu dans le cabinet du juge. En cas
de réussite totale ou partielle, le juge applique les règles générales de la conciliation 2025 : la teneur
de l'accord est constatée dans un procès-verbal signé par le juge et les parties 2026 ; des extraits du
procès-verbal peuvent être délivrés aux parties ; ils valent titre exécutoire 2027. En cas d'échec total
ou partiel de la conciliation, le litige qui demeure donne lieu à une instance contentieuse. Si les
parties y consentent, le magistrat peut juger l'affaire immédiatement, selon les règles de la
présentation volontaire 2028. À défaut (ce qui est le cas le plus fréquent), le demandeur n'a plus qu'à
saisir la juridiction de sa prétention. Dans cette perspective et pour éviter que le souci de
conciliation qui anime le demandeur ne vienne à lui nuire, l'article 830 du Code de procédure civile
dispose que la demande aux fins de tentative préalable de conciliation interrompt la prescription et
les délais pour agir. La demande aux fins de jugement est formée selon les modalités prévues à
l'article 829 du Code de procédure civile 2029 : assignation, requête conjointe, présentation volontaire
des parties ou déclaration au greffe lorsque le montant de la demande n'excède pas 4 000 euros.
Cependant, même dans le cas contraire, l'article 836 autorise encore une déclaration au greffe,
lorsque la demande est formée dans le mois suivant la réunion ou l'audience à l'issue de laquelle a été
constaté l'échec de la conciliation. Ceci permet au demandeur d'éviter les frais d'une assignation. La
tentative de conciliation est clairement encouragée par cet argument économique.

B. LA TENTATIVE DE CONCILIATION INTÉGRÉE DANS L'INSTANCE CONTENTIEUSE

649 Assignation à toutes fins. – Lorsque les chances de parvenir à une conciliation sont
faibles, le demandeur peut choisir de ne pas isoler la tentative de conciliation de l'instance
contentieuse. Pour l'essentiel, ce schéma est celui de l'assignation à toutes fins. Il résulte de
l'article 837 du Code de procédure civile qui dispose qu'outre les mentions communes à toutes les
assignations, l'assignation à toutes fins doit contenir diverses mentions supplémentaires, telles que
« les lieu, jour et heure de l'audience à laquelle la conciliation sera tentée (...), et le cas échéant,
l'affaire jugée ». Comme les autres assignations à comparaître devant une juridiction d'exception,
l'assignation devant le tribunal d'instance est une assignation à jour fixe. Aux termes de l'article 838,
elle doit être « délivrée quinze jours au moins avant la date de l'audience 2030 », à moins que le juge
réduise ce délai de comparution, en cas d'urgence et à la requête du demandeur 2031. En vertu de
l'article 837, l'assignation à toutes fins indique également, lorsque le demandeur réside à l'étranger,
« les nom, prénoms et adresse de la personne chez qui il élit domicile en France » 2032. À noter que si
le demandeur est représenté par un avocat, l'élection de domicile chez celui-ci doit être mentionnée
expressément. La règle posée à l'article 751 du Code de procédure civile selon laquelle la
constitution d'avocat emporte élection de domicile est applicable devant le tribunal de grande
instance, mais ne le serait pas devant le tribunal d'instance 2033. Enfin, l'assignation à toutes fins doit
préciser « les conditions dans lesquelles le défendeur peut se faire assister ou représenter 2034 » et, si
le demandeur est représenté, elle doit indiquer le nom de son représentant. Elle est accompagnée des
pièces énumérées dans le bordereau annexé.
La saisine de la juridiction s'opère par la remise au greffe d'une copie de l'assignation, à la
diligence de l'une ou de l'autre partie. La remise doit avoir lieu au plus tard huit jours avant la date de
l'audience, sous peine de caducité de l'assignation constatée d'office par ordonnance du juge ou, à
défaut, à la requête d'une partie 2035. La durée de ce délai peut être réduite dans les mêmes conditions
que celle du délai de comparution 2036. La tentative de conciliation se déroule à l'audience indiquée
dans l'assignation. L'article 845 du Code de procédure civile dispose qu'en principe, c'est le juge qui
s'efforce de concilier les parties. Mais il peut également, à tout moment de la procédure, les inviter à
rencontrer un conciliateur de justice aux lieu, jour et heure qu'il fixe. Une audience est alors prévue à
laquelle le juge constatera la conciliation ou tranchera le litige.

650 Autres actes introductifs d'instance. – Le Code de procédure civile permet au


demandeur d'utiliser trois autres modalités pour introduire l'instance dans laquelle est intégrée la
tentative de conciliation. En premier lieu, les parties peuvent exposer leurs prétentions dans une
requête conjointe, qu'elles déposent au greffe du tribunal pour opérer sa saisine. En deuxième lieu,
les parties peuvent introduire l'instance et saisir la juridiction en se présentant volontairement devant
le juge. Un procès-verbal, signé par elles, constate leur présentation ; il contient les mentions prévues
pour la requête conjointe et notamment les prétentions respectives des parties 2037. Ces deux
modalités sont très peu usitées, car elles supposent un minimum d'entente entre des personnes qui
sont, par hypothèse, en conflit.
La troisième modalité présente plus d'intérêt pratique. Aux termes de l'article 843 du Code de
procédure civile, « lorsque le montant de la demande n'excède pas 4 000 euros, la juridiction peut
être saisie par une déclaration faite, remise ou adressée au greffe, où elle est enregistrée. Outre les
mentions prescrites par l'article 58 2038, la déclaration doit contenir, à peine de nullité, un exposé
sommaire des motifs de la demande ». De plus, le demandeur doit joindre à sa déclaration les pièces
qu'il souhaite invoquer, en autant de copies que de personnes dont la convocation est demandée. La
raison d'être de l'article 843 est claire : il s'agit d'éviter les frais d'un acte d'huissier au demandeur,
dans les « petits » litiges. Concrètement, la déclaration au greffe est possible lorsque le montant de la
demande est inférieur ou égal à 4 000 euros, que l'appel soit ou non envisageable 2039. En revanche,
cette modalité ne peut pas être utilisée pour les demandes indéterminées 2040.
À la suite de la déclaration, le greffier convoque le défendeur à l'audience par lettre
recommandée avec demande d'avis de réception et il avise le demandeur par tous moyens des lieu,
jour et heure de l'audience 2041. Ainsi, quand la déclaration a été faite verbalement par le demandeur,
celui-ci peut être convoqué verbalement par le greffier contre émargement, ce qui permet de limiter
les frais de correspondance. La convocation adressée au défendeur vaut citation 2042. Elle doit
comporter les informations exigées par l'article 665-1 du Code de procédure civile 2043. Une copie de
la déclaration et des pièces jointes y est annexée.

§ 2. LES SUITES DU DÉFAUT DE CONCILIATION

651 Déroulement de l'instance. – Selon la modalité utilisée pour la tentative de conciliation,


le début de la phase de jugement ne commence pas de la même façon. Lorsque le juge a été saisi
d'une demande de tentative préalable de conciliation et qu'il a procédé lui-même à cette tentative, la
phase de jugement peut commencer dès que la tentative est terminée, à condition que les parties y
consentent 2044. À défaut, ou si un conciliateur avait été chargé de la tentative préalable de
conciliation, le demandeur doit saisir la juridiction 2045. S'il procède par assignation, celle-ci
comprend les mêmes mentions que l'assignation à toutes fins, si ce n'est qu'elle n'indique pas qu'une
conciliation sera tentée lors de l'audience 2046. Dans les autres cas, et notamment lorsque la tentative
de conciliation fait suite à une assignation à toutes fins, la phase de jugement commence sans autre
formalité dès que la tentative de conciliation a échoué.
Si l'affaire est en état d'être jugée, les débats ont lieu immédiatement 2047. Le plus souvent, ils sont
renvoyés à une audience ultérieure. Les parties présentes sont avisées verbalement par le greffier de
la date de cette audience. Les parties qui ne sont pas présentes sont avisées par tous moyens 2048. En
général, les affaires soumises au tribunal d'instance ou à la juridiction de proximité 2049 n'appellent
pas une instruction complexe. Mais, en cas de besoin, le juge peut ordonner une mesure d'instruction.

SECTION II
LE TRIBUNAL DE COMMERCE

652 Traits caractéristiques. – Comme les autres procédures applicables devant les
juridictions d'exception, la procédure applicable devant le tribunal de commerce est orale 2050. Mais
elle s'en distingue d'abord en ce qu'elle ne comporte pas de phase spécifique consacrée à la
conciliation des parties, même si la conciliation est toujours possible, notamment sous l'égide d'un
conciliateur de justice qui serait désigné par le tribunal ou le juge chargé d’instruire l’affaire 2051.
Ensuite, les parties ont la faculté de se faire assister ou représenter par toute personne de leur
choix 2052, pourvu qu'elle n'agisse pas à titre habituel et rémunéré 2053. Le contenu de la procédure
devant le tribunal de commerce se présente comme un mélange de la procédure applicable devant le
tribunal de grande instance et de celle applicable devant le tribunal d'instance.
Cette procédure s'applique non seulement devant le tribunal de commerce, mais aussi devant le
tribunal de grande instance, lorsque celui-ci statue en matière commerciale, ce qui peut se produire
quand un tribunal de commerce ne peut se constituer ou statuer 2054. Par ailleurs, il existe des
procédures spécifiques à telle ou telle matière, dont l'une des plus importantes est celle qui régit le
redressement et la liquidation judiciaires des entreprises. Leur étude excède le volume d'un manuel
de droit judiciaire privé. Si l'on se limite à la procédure ordinaire, que régissent les articles 854
à 869 du Code de procédure civile, trois développements d'inégale importance doivent être
consacrés au début de l'instance (§ 1), à l'instruction de l'affaire (§ 2) et aux débats oraux (§ 3).

§ 1. LE DÉBUT DE L'INSTANCE

653 Actes introductifs d'instance. – En principe, l'instance est introduite par une assignation
qui contient les mêmes mentions que l'assignation à toutes fins devant le tribunal d'instance 2055, si ce
n'est qu'elle ne fait pas mention d'une tentative de conciliation. De même, l'assignation doit être
délivrée quinze jours au moins avant la date de l'audience à laquelle l'affaire sera appelée ; une copie
de l'acte doit être déposée au greffe 2056 au plus tard huit jours avant la date de l'audience, à peine de
caducité ; en cas d'urgence, les délais de comparution et de remise de l'acte peuvent être réduits par
autorisation du président du tribunal 2057.
L'instance devant le tribunal de commerce peut aussi être introduite par une requête conjointe ou
par la présentation volontaire des parties. De nouveau, les règles sont les mêmes que devant le
tribunal d'instance 2058.
§ 2. L'INSTRUCTION DE L'AFFAIRE

654 Circuits courts et circuit long. – Alors que l'introduction de l'instance est largement
inspirée des dispositions applicables devant le tribunal d'instance, l'instruction de l'affaire
s'apparente (mais n'est pas identique) à celle qui a cours devant le tribunal de grande instance. À
l'audience indiquée dans l'assignation, l'affaire est appelée devant la formation de jugement, qui doit
choisir la modalité qui sera retenue pour l'instruction de l'affaire. Si l'affaire est en état d'être jugée,
les débats peuvent avoir lieu immédiatement. À défaut, la formation de jugement renvoie l'affaire à
une prochaine audience ou confie à l'un de ses membres le soin de l'instruire 2059. Il lui faut donc
choisir l'un ou l'autre des deux circuits courts, ou le circuit long, comme devant le tribunal de grande
instance. Les deux procédures ne se distinguent que sur deux points ; d'une part, devant le tribunal de
commerce, le choix n'appartient pas au président, mais à la formation de jugement ; d'autre part, le
choix de l'un des circuits courts ne conduit pas le président ni le juge chargé d’instruire l’affaire à
rendre une ordonnance de clôture. La procédure devant le tribunal de commerce n'en comporte
pas 2060.
L'instruction devant le juge chargé d’instruire l’affaire rappelle elle aussi l'instruction devant le
juge de la mise en état. Comme le juge de la mise en état, le juge chargé d’instruire l’affaire peut
entendre les parties et constater leur conciliation même partielle 2061. De même, il dispose de
pouvoirs de contrôle de l'instruction et de pouvoirs juridictionnels.

655 Les pouvoirs de contrôle du juge chargé d’instruire l’affaire. – Dans sa mission de
contrôle de l'instruction, le juge chargé d’instruire l’affaire dispose de pouvoirs très proches de ceux
du juge de la mise en état. L'article 864 du Code de procédure civile dispose qu'il procède aux
jonctions et disjonctions d'instance. Comme dans les autres procédures orales, il peut, avec l'accord
des plaideurs, mettre en place un calendrier de procédure 2062. Il peut aussi inviter les parties « à
fournir les explications de fait et de droit qu'il estime nécessaires à la solution du litige et les mettre
en demeure de produire dans le délai qu'il détermine tous les documents ou justifications propres à
l'éclairer 2063 ». En revanche, il ne doit pas pouvoir « statuer en tirant toute conséquence de
l'abstention de la partie ou de son refus », seule la formation de jugement pouvant statuer au fond.
Pareillement, si les parties ne satisfont pas aux injonctions que le juge chargé d’instruire l’affaire leur
adresse, dans les délais fixés, la sanction n'est pas la même que devant le tribunal de grande
instance 2064. Ce juge n'a pas le pouvoir de radier l'affaire que les parties négligent de faire
avancer 2065 ; il ne peut pas davantage rendre une ordonnance de clôture ; il a déjà été dit que la
procédure devant le tribunal de commerce n'en comporte pas. La seule sanction à sa disposition
consiste à renvoyer l'affaire devant la formation de jugement qui tirera toute conséquence de
l'abstention ou du refus de la partie fautive 2066.
Toutes ces décisions ne constituant que des mesures d'administration judiciaire, l'article 866 du
Code de procédure civile dispose qu'elles font l'objet d'une simple mention au dossier apposée par le
juge chargé d’instruire l’affaire. Avis en est donné aux parties.

656 Les pouvoirs juridictionnels du juge chargé d’instruire l’affaire. – Les pouvoirs
juridictionnels du juge chargé d’instruire l’affaire sont moins étendus que ceux du juge de la mise en
état. La liste fournie par l'article 865 du Code de procédure civile est bien plus courte 2067 ; « le juge
chargé d’instruire l’affaire, dit ce texte, peut ordonner, même d'office, toute mesure d'instruction. Il
tranche les difficultés relatives à la communication des pièces. Il constate l'extinction de l'instance.
En ce cas, il statue, s'il y a lieu, sur les dépens et les demandes formées en application de
l'article 700 ». On constate ainsi que le juge chargé d’instruire l’affaire ne peut pas ordonner à un
tiers de produire une pièce, allouer une provision pour le procès, accorder une provision au
créancier lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ou ordonner d'autres
mesures provisoires ou conservatoires. Il ne peut pas davantage statuer sur les exceptions de
procédure. Toutes ces décisions ne peuvent être prises que par le tribunal.
Par ailleurs, même dans les limites de sa compétence, le juge chargé d’instruire l’affaire ne
dispose pas d'une compétence exclusive ; il peut laisser à la formation collégiale du tribunal le soin
de trancher une difficulté sur laquelle il pourrait statuer. Les pouvoirs plus restreints qui lui sont
reconnus font aussi que le président du tribunal peut être plus largement saisi en référé. Même en
cours d'instance, le demandeur peut lui demander une provision 2068 si l'obligation n'est pas
sérieusement contestable ou lui demander de prononcer une mesure provisoire commandée par
l'urgence. En revanche, la saisine du juge du fond rend incompétent le président du tribunal statuant
en référé pour ordonner une mesure d'instruction se rapportant au litige en cours 2069.
Le régime des décisions prises par le juge chargé d’instruire l’affaire dans le cadre de ses
pouvoirs juridictionnels est calqué sur celui des décisions prises par le juge de la mise en état. Pour
ces décisions, le juge chargé d’instruire l’affaire rend une ordonnance motivée, sauf pour les mesures
d'instruction autres que l'expertise 2070. L'article 867 du Code de procédure civile dispose de même
que les ordonnances du juge chargé d’instruire l’affaire n'ont pas, au principal, l'autorité de la chose
jugée. Elles ne sont pas non plus, en principe, susceptibles d'un recours indépendamment du jugement
sur le fond. Par exception cependant, l'ordonnance qui prescrit une expertise est susceptible d'un
appel immédiat, selon les règles qui lui sont propres, c'est-à-dire sur autorisation du premier
président 2071. L'article 868 dispose aussi que les ordonnances qui constatent l'extinction de l'instance
peuvent faire l'objet d'un appel immédiat, sans autorisation du premier président 2072. Le délai pour
interjeter appel est alors de quinze jours, à compter de leur prononcé et non de leur notification.

657 La fin de l'instruction. – Ainsi que cela a déjà été indiqué, la fin de l'instruction devant le
tribunal de commerce n'est pas marquée par l'ordonnance de clôture. Le juge chargé d’instruire
l’affaire se contente de renvoyer l'affaire devant le tribunal, dès que l'état de l'instruction le
permet 2073, sa décision étant constatée par une simple mention au dossier. L'absence d'ordonnance de
clôture fait que des conclusions peuvent encore être déposées et des pièces produites jusqu'à
l'audience des débats oraux 2074, sauf à ce qu'elles soient écartées des débats dans les conditions de
l'article 446-2, alinéa 4 du Code de procédure civile, en présence d'un calendrier de procédure 2075.

§ 3. LES DÉBATS ORAUX

658 Audience collégiale ou à juge unique. – Les débats oraux devant le tribunal de commerce
sont régis par les dispositions communes à toutes les juridictions. De même, on retrouve les
dispositions générales applicables aux procédures orales, telles que l'article 446-1 du Code de
procédure civile qui permet au tribunal, quand un texte spécial l'autorise, à dispenser une partie de se
présenter à l'audience, ses prétentions et moyens étant alors formulés par écrit 2076. Une particularité
résulte cependant de l'article 871 du Code de procédure civile qui dispose que « le juge chargé
d’instruire l’affaire peut (...), si les parties ne s'y opposent pas, tenir seul l'audience pour entendre les
plaidoiries. Il en rend compte au tribunal dans son délibéré ». Cette disposition est substantiellement
identique à celle de l'article 786 du même code, applicable devant le tribunal de grande instance 2077.
Il convient seulement d'indiquer que l'antériorité appartient au tribunal de commerce. C'est de la
pratique commerciale que se sont inspirés les rédacteurs du Code de procédure civile. Ce
déroulement particulier de l'audience est toujours d'un usage très courant devant les tribunaux de
commerce. Il est souvent désigné par l'expression « délibéré des parties » ou encore « délibéré d'un
juge ». Bien que répandues, ces expressions doivent être condamnées parce que l'article 871 ne porte
pas sur le délibéré, mais uniquement sur le déroulement de l'audience. Le juge chargé d’instruire
l’affaire ne décide pas seul. La décision est prise collégialement.
Une seconde particularité résulte de l’article 870 du Code de procédure civile. Manifestement
inspiré de l’article 785 applicable au tribunal de grande instance 2078, ce texte énonce qu’à « la
demande du président de la formation, le juge chargé d'instruire l'affaire fait un rapport oral de
l'affaire à l'audience avant les plaidoiries. Ce rapport peut également être fait par le président de la
formation ou un autre juge de la formation qu'il désigne ». Ce rapport « expose l'objet de la demande
et les moyens des parties, précise les questions de fait et de droit soulevées par le litige et fait
mention des éléments propres à éclairer le débat, sans faire connaître l'avis du juge qui en est
l'auteur ».

SECTION III
LE CONSEIL DE PRUD'HOMMES

659 Traits caractéristiques. – À la lecture des articles R. 1452-6 et suivants du Code du


travail, apparaissent deux traits spécifiques de la procédure prud'homale, qui sont d'ailleurs liés entre
eux. D'abord, en disposant que « les parties comparaissent en personne », l'article R. 1453-1 du Code
du travail interdit en principe la représentation devant le conseil de prud'hommes. Cependant
l'interdiction n'est pas absolue et cède en cas de motif légitime, qu'il appartient au conseil de
prud'hommes d'apprécier 2079. Lorsque la partie est une personne morale, l'obligation de comparaître
en personne signifie que le représentant légal de la société doit se présenter lui-même devant le juge
et c'est en la personne de ce représentant que s'apprécie le motif légitime qui permet à la société de
se faire représenter par un mandataire ad litem 2080. En pratique, le conseil de prud'hommes tient
compte des occupations professionnelles du représentant de la société, de sorte que l'existence d'un
motif légitime est assez largement admise.
Si les parties ne peuvent pas en principe se faire représenter, il leur est permis de se faire assister
par l'une des personnes mentionnées par l'article R. 1453-2 du Code du travail. Ce sont : les salariés
ou les employeurs appartenant à la même branche d'activité, les délégués permanents ou non
permanents des organisations d'employeurs et de salariés, le conjoint, le partenaire lié par un PACS
ou même le simple concubin. Bien sûr, on peut également recourir aux services d'un avocat.
L'employeur peut également se faire assister par un membre de l'entreprise ou de l'établissement. En
cas de motif légitime de ne pas comparaître en personne, les parties peuvent se faire représenter par
l'une de ces personnes. Si le représentant n'est pas un avocat, il doit justifier d'un pouvoir spécial 2081.
Enfin, en dépit des termes de la loi, qui autorisent sous certaines conditions un conseiller prud'homme
à assister ou représenter une partie (en cas de motif légitime) 2082, la Cour de cassation s'y oppose
fermement 2083. On ne peut que l'en approuver : l'assistance ou la représentation d'une partie par une
personne connue des juges comme étant un de leurs collègues membre de la même juridiction
constitue une atteinte intolérable au droit qu'ont les parties d'être jugées par un tribunal impartial au
sens de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.
Le second trait qui caractérise la procédure prud'homale est le souci de régler par la conciliation
les différends pouvant opposer l'employeur à l'un de ses salariés. Le Code du travail fait de la
conciliation la première mission du conseil de prud'hommes 2084. C'est ce qui explique que toute une
phase de la procédure lui soit consacrée, juste après l'introduction de l'instance (§ 1). En principe,
cette phase est obligatoire 2085. Elle se déroule devant le bureau de conciliation (§ 2), et ce n'est qu'en
cas d'échec que la demande est soumise à la formation de jugement du conseil de prud'hommes (§ 3).

§ 1. L'INTRODUCTION DE LA DEMANDE

660 Plan. – L'introduction de la demande suppose la réalisation de l'un des actes prévus par la
loi (A). La demande prud'homale se distingue également par la règle dite de l'unicité de l'instance, ou
de la concentration des demandes, que pose l'article R. 1452-6 du Code du travail (B).

A. L'ACTE INTRODUCTIF D'INSTANCE

661 Déclaration au greffe ou présentation volontaire. – En matière prud'homale, le


demandeur ne peut pas utiliser les deux modalités ordinaires d'introduction de l'instance que sont
l'assignation et la requête conjointe. L'article R. 1452-1 du Code du travail ne prévoit que le recours
à deux autres modalités ; la demande formée au greffe et la présentation volontaire des parties devant
le bureau de conciliation. La présentation volontaire des parties n'est soumise à aucune forme
particulière. Il est seulement dressé un procès-verbal destiné à constater la saisine du tribunal.
En vertu de l'article R. 1452-2 du Code du travail, la demande peut être formée verbalement au
greffe ou lui être adressée par lettre recommandée. La déclaration doit indiquer les informations
requises par l'article 58 du Code de procédure civile (nom et adresse des parties, etc.) 2086 ainsi que
les différents chefs de la demande 2087. Le greffe délivre ou envoie immédiatement au demandeur un
récépissé, qui lui indique les règles applicables en matière d'assistance et de représentation des
parties, ainsi que les règles relatives au bureau de conciliation. En outre, il avise le demandeur, soit
verbalement lors de la présentation de la demande, soit par lettre simple, des lieu, jour et heure de la
séance du bureau de conciliation à laquelle l'affaire sera appelée et l'invite à se munir de toutes les
pièces utiles 2088.
Au défendeur le greffe adresse une lettre recommandée avec demande d'avis de réception 2089,
pour le convoquer devant le bureau de conciliation. La convocation, énonce l'article R. 1452-4 du
Code du travail, indique les nom, profession et domicile du demandeur, les lieu, jour et heure de la
séance du bureau de conciliation à laquelle l'affaire sera appelée ainsi que les chefs de la
demande 2090.

B. L'UNICITÉ DE L'INSTANCE PRUD'HOMALE

662 Principe. – L'article R. 1452-6 du Code du travail dispose que « toutes les demandes liées
au contrat de travail entre les mêmes parties font, qu'elles émanent du demandeur ou du défendeur,
l'objet d'une seule instance 2091. Cette règle n'est pas applicable lorsque le fondement des prétentions
est né ou révélé postérieurement à la saisine du conseil de prud'hommes ». Ce texte repose sur l'idée
qu'en matière prud'homale, le demandeur est presque toujours un salarié qui vient d'être licencié par
son employeur. Le licenciement est susceptible de donner naissance à plusieurs créances contre
l'employeur et, pour chacune d'elles, le salarié doit former une demande. Le législateur veut éviter
que celui-ci ne présente ses demandes dans des instances différentes, multipliant ainsi comme à
plaisir les procès contre son ancien employeur. Il reste que ce texte pose une règle dérogatoire qui
joue presque toujours au détriment du salarié 2092 et dont on peut douter qu'elle soit nécessaire 2093.
Quoi qu'il en soit, la disposition est de droit positif. Elle signifie que le demandeur, mais aussi le
défendeur, doivent soumettre au juge toutes les demandes dérivant du contrat de travail au cours du
procès 2094 qui est créé, à peine d'irrecevabilité 2095. Par exemple, une fois qu'il a été irrévocablement
statué sur une demande tendant à l'obtention d'une indemnité pour licenciement abusif, le salarié ne
peut plus solliciter une indemnité compensatrice de préavis ou de congé payés. Réciproquement,
l'employeur ne peut pas réclamer, dans le cadre d'un procès ultérieur, des dommages-intérêts en
réparation d'un préjudice que lui aurait causé le salarié dans l'exécution de son travail.

663 Correctif et exceptions au principe. – La règle de l'unicité de l'instance fait cependant


l'objet d'un correctif et d'exceptions. Le correctif résulte de l'article R. 1452-7, alinéa 1 , du Code du
er

travail qui dispose que « les demandes nouvelles dérivant du même contrat de travail sont recevables
même en appel. L'absence de tentative de conciliation ne peut être opposée » 2096. Ce texte déroge
donc au principe de l'interdiction des demandes nouvelles en appel 2097. Il a aussi pour résultat de
soustraire au bureau de conciliation la connaissance des demandes formées après sa réunion.
Une première exception à la règle de l'unicité de l'instance est posée par l'article R. 1452-6 lui-
même, qui dispose qu'elle ne joue pas lorsque le fondement des prétentions n'est né ou ne s'est révélé
que « postérieurement à la saisine du conseil de prud'hommes ». Cette exception est commandée par
la nécessité la plus évidente. Par exemple, un salarié demande en justice une prime à laquelle il
aurait droit en vertu d'une convention collective. Quelques années plus tard, un nouveau litige éclate,
à propos, cette fois-ci, de frais de déplacement que l'employeur refuse de lui rembourser. Il est
certain que le salarié a la possibilité de former sa nouvelle demande sans que la règle de la
concentration des demandes puisse lui être opposée. Le contraire serait aberrant. L'objectif du
législateur, à travers le principe de l'unicité de l'instance, est d'amener les parties à concentrer en un
même procès tous leurs différends du moment ; il ne s'agit nullement de leur interdire, à l'avenir, de
faire trancher leurs futurs litiges par la juridiction prud'homale.
Si l'idée générale de l'article R. 1452-6 se comprend aisément, sa rédaction peut cependant prêter
à confusion. On pourrait croire, à lire ce texte, que les parties peuvent créer un nouveau procès dès
lors qu'elles n'ont pas pu formuler la nouvelle prétention avant « la saisine du conseil de
prud'hommes ». En réalité, tel n'est pas ce qu'a voulu dire le législateur. En effet, les demandes étant
recevables en tout état de cause devant les juges du fond, les parties peuvent soumettre au juge un
litige qui est apparu lors du procès en cours. La date importante pour déterminer les demandes qui
tombent sous le coup du principe de l'unicité de l'instance n'est donc pas la date de la saisine des
premiers juges, mais celle de la mise en délibéré précédant la fin du premier procès. Les plaideurs
ne peuvent soumettre au juge, dans le cadre d'un nouveau procès, que les demandes qu'elles n'ont pas
pu formuler dans le cadre du procès qui existait déjà. Par exemple, si une première affaire est
pendante devant la cour d'appel, il faut, pour qu'une nouvelle prétention puisse être soumise à un
conseil de prud'hommes, que le fondement de cette prétention ne soit né ou ne se soit révélé qu'après
la clôture des débats.
Une deuxième exception est posée par la jurisprudence. Bien que l'article R. 1452-6 du Code du
travail soit muet sur ce point, la Cour de cassation décide fort justement que la règle de l'unicité de
l'instance ne joue qu'à propos des instances au principal. On ne saurait soulever l'irrecevabilité d'une
demande présentée au juge du principal au motif qu'elle a déjà été soumise à la formation de référé
du conseil de prud'hommes ou inversement 2098.
Enfin, par un important arrêt du 16 novembre 2010, la Cour de cassation a sévèrement réduit le
champ d'application du principe d'unicité de l'instance prud'homale : cette règle ne serait applicable
« que lorsque l'instance précédente s'est achevée par un jugement sur le fond » 2099. Si la première
instance s'est achevée sur l'annulation d'un acte de procédure, une fin de non-recevoir ou une
péremption d’instance 2100, les parties peuvent donc saisir à nouveau le juge sans que l'on puisse leur
opposer la règle de l'article R. 1452-6. Cette solution est bienvenue, car l'application très large qui
était faite du principe d'unicité de l'instance conduisait à des situations choquantes, lorsque le
premier procès se terminait sans que le juge eût statué au fond 2101. Reste à préciser l'ampleur de ce
revirement et, notamment, s'il faut aller jusqu'à écarter la règle de l'unicité lorsque l'instance s'éteint
prématurément en raison d'un désistement d'instance ou de la caducité de la citation 2102. La Cour de
cassation a répondu affirmativement en cas de désistement 2103. N'étant pas favorable à la règle de
l'unicité de l'instance, nous pensons qu'une lecture large de l'arrêt de 2010 est effectivement
souhaitable.

§ 2. LE BUREAU DE CONCILIATION

664 La tentative de conciliation. – Le rôle premier du bureau de conciliation est évidemment


de tenter de concilier les parties 2104. L'audience dont la date a été indiquée aux deux parties se
déroule hors de la présence du public 2105. En cas de réussite totale ou partielle, il est dressé un
procès-verbal, qui mentionne la teneur de l'accord intervenu. S'il y a lieu, ce procès-verbal précise
« que l'accord a fait l'objet en tout ou partie d'une exécution immédiate devant le bureau de
conciliation 2106 ». Pour le reste, il est régi par les dispositions énoncées par les articles 127
et suivants du Code de procédure civile pour la conciliation des parties 2107. Inversement, en cas
d'échec total ou partiel, le greffier note au dossier, ou sur le procès-verbal, les prétentions qui restent
contestées, ainsi que les déclarations que les parties font sur ces prétentions 2108.
En dehors de la tentative de conciliation proprement dite, le déroulement de l'instance devant le
bureau de conciliation appelle de plus longues explications sur le défaut de comparution de l'une des
parties (A) et sur les mesures provisoires que peut ordonner le bureau de conciliation (B).

A. LE DÉFAUT DE COMPARUTION DE L'UNE DES PARTIES

665 Le défaut de comparution du demandeur. – L'article R. 1454-12 du Code du travail


envisage le défaut de comparution du demandeur. Les dispositions de cet article complètent les règles
de l'unicité de l'instance. Le demandeur ne peut pas créer plusieurs instances, lorsque toutes ses
demandes peuvent être réunies ; il ne faut pas non plus qu'à l'intérieur de l'instance unique, il puisse
« jouer » à faire convoquer son adversaire à plusieurs reprises devant le bureau de conciliation sans
comparaître lui-même. Si le demandeur justifie en temps utile d'un motif légitime de ne pas
comparaître, la tentative de conciliation est simplement renvoyée à une séance ultérieure du bureau.
Dans le cas inverse, le bureau de conciliation prononce la caducité de l'acte introductif et de la
citation du défendeur. Une autre solution s'offre au demandeur qui justifie d'un motif légitime
d'absence : il peut se faire représenter « par un mandataire muni d'un écrit l'autorisant à concilier en
son nom et pour son compte » 2109. En cas de prononcé de la caducité, la demande pourra être
réitérée, mais elle ne pourra l'être qu'une seule fois. Si le demandeur ne comparaît pas sur sa seconde
demande, toute demande ultérieure est irrecevable 2110. L'article R. 1454-12 tempère un peu cette
rigueur en permettant au demandeur de saisir sans forme le bureau de conciliation, pour lui demander
de constater que son défaut de comparution sur sa seconde demande résulte d'un cas fortuit. Mais il
appartiendra bien sûr au demandeur de prouver que son empêchement a été causé par un événement
présentant les caractères de la force majeure.

666 Le défaut de comparution du défendeur. – L'article R. 1454-13 du Code du travail, qui


réglemente le défaut de comparution du défendeur, prend en compte la diversité des situations qui
peuvent l'avoir entraîné. Si le bureau de conciliation constate que le défendeur n'a pas été joint sans
qu'il y ait faute de sa part, il décide qu'il sera à nouveau convoqué à une prochaine séance. La
convocation s'effectue soit au moyen d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception que
lui adresse le greffe, soit au moyen d'un acte d'huissier qui lui est délivré à la diligence du
demandeur. L'article R. 1454-13 ajoute que « cet acte intervient, à peine de caducité de la demande
constatée par le bureau de conciliation, dans les six mois de la décision de ce bureau » 2111. En
deuxième lieu, le défendeur peut avoir été joint et avoir justifié en temps utile d'un motif légitime de
ne pas comparaître au jour fixé pour la tentative de conciliation. S'il n'est pas alors représenté par un
mandataire muni d'un écrit l'autorisant à concilier en son nom et pour son compte 2112, il sera
convoqué à une prochaine séance du bureau de conciliation par lettre simple. Dans les autres cas de
non-comparution, l'affaire est renvoyée à la formation de jugement, sans qu'une tentative de
conciliation ait pu avoir lieu. Cependant, le défaut de comparution du défendeur n'empêche pas le
bureau de conciliation de prendre des mesures provisoires.

B. LES MESURES PROVISOIRES ORDONNÉES PAR LE BUREAU DE CONCILIATION

667 Particularisme des mesures. – Les mesures provisoires ordonnées par le bureau de
conciliation n'ont lieu d'être prises qu'en cas d'échec ou d'impossibilité de la tentative de
conciliation. En les ordonnant, le bureau de conciliation change de fonction et tient désormais un rôle
de juge contentieux, à mi-chemin du juge des référés et du juge de la mise en état. C'est ce qui
explique que, pour prendre ces mesures, il siège publiquement 2113.
Non seulement le bureau de conciliation peut prendre ces mesures en l'absence du défendeur, mais
encore l'article R. 1454-14 du Code du travail dispose qu'il peut statuer en dépit de toute exception
de procédure. La règle signifie que le bureau n'est pas tenu d'examiner l'exception qui a été soulevée
devant lui et donc que sa présentation ne l'empêche pas de statuer. On pourrait dire qu'à la limite, un
salarié peut s'adresser à n'importe quel conseil de prud'hommes de France pour obtenir des mesures
provisoires. La règle présente le mérite de rendre vaines toutes les manœuvres dilatoires auxquelles
pourrait être tenté de se livrer le défendeur, alors que les mesures sollicitées peuvent présenter un
caractère d'urgence manifeste 2114.

668 Contenu des mesures. – Quelles sont les mesures que peut prendre le bureau de
conciliation ? Aux termes de l'article R. 1454-14 du Code du travail, il peut ordonner :
La délivrance, le cas échéant sous peine d'astreinte, de certificats de travail, de bulletins de paie
et de toute pièce que l'employeur est tenu légalement de délivrer.
— Lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le versement de
provisions sur les salaires et accessoires du salaire, sur les commissions, sur les indemnités de
congés payés, de préavis et de licenciement, même lorsque le contrat de travail est rompu en raison
d'un accident de travail et de l'inaptitude du salarié à reprendre son travail 2115. Les provisions
peuvent aussi porter sur les indemnités dues en fin de contrat de travail à durée déterminée 2116 et sur
les indemnités de fin de mission dans le cadre d'un contrat de travail temporaire 2117.
L'article R. 1454-15 du Code du travail ajoute que le montant total des provisions allouées, qui doit
être chiffré par le bureau de conciliation, ne peut excéder six mois de salaire calculés sur la moyenne
des trois derniers mois de salaire.
— Toutes mesures d'instruction, même d'office ; toutes mesures nécessaires à la conservation des
preuves ou des objets litigieux.

669 Régime des mesures. – Les mesures que prend le bureau de conciliation étant de même
type que celles que peut prendre un juge des référés, l'article R. 1454-16 du Code du travail dispose
qu'elles sont provisoires et « n'ont pas autorité de chose jugée au principal ». Pour qu'elles
bénéficient d'une efficacité immédiate, ce texte ajoute qu'elles sont « exécutoires par provision le cas
échéant au vu de la minute ». Leur régime n'est cependant pas identique à celui des ordonnances de
référé. En effet, elles ne sont pas susceptibles d'opposition et, de surcroît, elles ne peuvent être
frappées d'appel ou de pourvoi en cassation qu'en même temps que le jugement sur le fond, sous
réserve des règles particulières à l'expertise.
La règle de l'article R. 1454-16 du Code du travail crée un danger certain pour le défendeur. Un
bureau de conciliation peut être tenté de rendre une décision juridiquement injustifiable, qui sera
modifiée par la suite, mais que son bénéficiaire peut mettre à exécution immédiatement ; or les
restitutions ordonnées par le juge du principal peuvent se heurter à l'insolvabilité du demandeur. C'est
pourquoi certains défendeurs ont formé un appel immédiat contre ces décisions. La Cour de cassation
a approuvé les cours d'appel d'avoir déclaré ces appels recevables quand la décision du bureau de
conciliation était entachée d'un excès de pouvoir, par exemple quand elle ordonnait le versement
d'une somme qui dépassait le montant total permis par ce qui est actuellement l'article R. 1454-15 du
Code du travail 2118. Cette solution ne constitue qu'un palliatif insuffisant. La seule solution
satisfaisante consisterait à aligner le régime de ces décisions sur celui des ordonnances du juge de la
mise en état 2119. S'il en allait ainsi, le bureau de conciliation pourrait encore ordonner, comme il le
fait aujourd'hui, le versement de provisions, mais, en même temps, le défendeur pourrait former un
appel immédiat contre les décisions accordant une provision à son adversaire 2120. Il disposerait ainsi
d'un recours efficace contre une décision téméraire 2121.

§ 3. LE BUREAU DE JUGEMENT

670 Division. – Sous réserve des mesures provisoires que prend le bureau de conciliation, c'est
devant le bureau de jugement que se déroule la phase contentieuse de l'instance prud'homale. Pour
l'essentiel, son déroulement est soumis aux dispositions communes à toutes les juridictions.
L'instruction de l'affaire (A) et le jugement (B) présentent cependant une certaine originalité.

A. L'INSTRUCTION DE L'AFFAIRE
671 Le choix du circuit. – On retrouve devant le conseil de prud'hommes la même diversité de
circuits que devant le tribunal de grande instance ou devant le tribunal de commerce. Cependant, le
choix du circuit n'appartient pas au président de la juridiction, mais normalement au bureau de
conciliation. L'article R. 1454-17 du Code du travail dispose en effet que le bureau de conciliation
renvoie les parties devant le bureau de jugement, chaque fois qu'il ne lui apparaît pas nécessaire de
désigner un ou deux conseillers rapporteurs ou d'ordonner une mesure d'instruction pour mettre
l'affaire en état d'être jugée. Si les deux parties sont présentes et si l'organisation des audiences le
permet, les parties peuvent être renvoyées, avec leur accord, à une audience du bureau de jugement
qui se tient immédiatement.
Le plus souvent, l'affaire est renvoyée à une audience ultérieure. Les parties présentes sont
convoquées par la remise d'un simple bulletin contre émargement au dossier. Les parties qui ne sont
pas présentes sont convoquées devant le bureau de jugement par une lettre recommandée avec
demande d'avis de réception 2122. Comme dans le circuit mi-court qui existe devant le tribunal de
grande instance, le bureau de conciliation peut fixer aux parties un délai pour se communiquer les
pièces ou les notes qu'elles comptent produire à l'appui de leurs prétentions 2123.

672 Le ou les conseillers rapporteurs. – L'article R. 1454-1 du Code du travail dispose que le
bureau de conciliation peut encore décider de nommer un ou deux conseillers rapporteurs, « en vue
de réunir sur cette affaire les éléments d'information nécessaires au conseil de prud'hommes pour
statuer ». Sa décision est une simple mesure d'administration judiciaire, qui n'est pas susceptible de
recours. Lorsque, pour respecter la parité qui anime toute la réglementation du conseil de
prud'hommes, le bureau de conciliation nomme deux conseillers rapporteurs, l'un doit être employeur
et l'autre salarié et ils procèdent ensemble à leur mission 2124. Le bureau de conciliation n'est pas le
seul à pouvoir prendre une telle décision. Si l'affaire a été renvoyée à l'audience et que le bureau de
jugement estime que l'affaire n'est pas en état d'être plaidée et jugée, il peut également nommer un ou
deux conseillers rapporteurs. Dans tous les cas, la décision leur fixe un délai pour l'exécution de leur
mission.
Les pouvoirs du conseiller rapporteur sont définis par les articles R. 1454-3 et suivants du Code
du travail ; ils sont copiés sur ceux du juge chargé d’instruire l’affaire devant le tribunal de
commerce 2125, sous deux réserves. D'une part, le conseiller rapporteur ne peut pas constater
l'extinction de l'instance, ni par conséquent statuer sur les dépens. D'autre part, la Cour de cassation
décide, de façon très critiquable, qu'en application de l'article R. 1454-3 du Code du travail, le
conseil de prud'hommes peut confier au conseiller rapporteur une « mission d'information », qui lui
permet d'entendre toute personne de son choix sans avoir à respecter les règles de l'enquête 2126.

B. LE JUGEMENT

673 Difficultés liées à la parité. – La composition paritaire du conseil de prud'hommes rend la


prise de décision plus difficile que dans les autres juridictions, qui sont composées d'un juge unique
ou d'un nombre impair de juges. L'article R. 1454-23 du Code du travail dispose en effet que « les
décisions du bureau de jugement sont prises à la majorité absolue des voix ». Il résulte d'abord de ce
texte qu'aucune décision ne peut être prise en cas de partage des voix, mais le texte va un peu plus
loin en exigeant une majorité absolue des voix ; aucun jugement ne peut être rendu, en dépit de
l'existence d'une majorité relative, lorsque deux conseillers s'accordent sur une solution à donner au
litige, alors que chacun des deux autres soutient sa propre solution. Autrement dit, l'accord purement
négatif entre les deux autres conseillers suffit à bloquer la prise de décision, et il est procédé
« comme en cas de partage des voix ».
L'affaire est alors renvoyée à une audience ultérieure du bureau de jugement, présidée par le juge
départiteur 2127, qui doit être tenue dans le mois du renvoi 2128. La composition de la formation
appelée à assister aux nouveaux débats puis à juger est soigneusement réglementée. Aux termes de
l'article R. 1454-30 du Code du travail, « lorsqu'un conseiller prud'homme ne peut siéger à l'audience
de départage, il pourvoit lui-même à son remplacement par un conseiller prud'homme de la même
assemblée et appartenant, selon le cas, à sa section, (ou) à sa chambre 2129 (...). Lorsqu'il ne pourvoit
pas lui-même à son remplacement, le président ou le vice-président relevant de sa section ou de sa
chambre et de son assemblée pourvoit à ce remplacement dans les mêmes conditions 2130 (...). Les
remplacements ne peuvent avoir lieu que dans la limite d'un conseiller prud'homme de chaque
assemblée ».
Si, lors de l'audience de départage, la formation est réunie au complet, compte tenu
éventuellement des remplacements effectués, les conseillers prud'hommes et le juge départiteur
entendent les plaidoiries et statuent sur le litige 2131. Dans le cas inverse 2132, tous ceux qui sont
présents entendent les plaidoiries, mais la décision est prise par le juge départiteur seul, après que
les conseillers prud'hommes présents lui ont seulement donné leur avis 2133.

674 Régime. – À la différence des décisions du bureau de conciliation, les jugements du


bureau de jugement sont soumis aux règles de droit commun pour les voies de recours 2134. On notera
seulement que l'article R. 1454-28 du Code du travail dispose que les jugements qui ordonnent la
remise de certificats de travail, de bulletins de paie ou de toute pièce que l'employeur est tenu de
délivrer bénéficient de plein droit de l'exécution provisoire 2135. En bénéficient également les
jugements qui ordonnent le paiement de sommes au titre des rémunérations et indemnités pour
lesquelles le bureau de conciliation peut accorder une provision 2136. L'exécution provisoire de plein
droit ne joue que dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois
derniers mois de salaire, cette moyenne devant être mentionnée dans le jugement.

SECTION IV
LE TRIBUNAL PARITAIRE DES BAUX RURAUX

675 Renvoi aux dispositions relatives au tribunal d'instance. – Les articles 880 et suivants
du Code de procédure civile qui régissent la procédure applicable devant le tribunal paritaire des
baux ruraux ne la décrivent pas de façon complète, puisque l'article 882 dispose que « la procédure
applicable devant le tribunal paritaire des baux ruraux est celle qui est suivie devant le tribunal
d'instance sous réserve des dispositions ci-dessous 2137 ». Par conséquent, il n'y a lieu d'indiquer que
les dispositions qui lui sont véritablement spécifiques ; elles intéressent le début de l'instance (§ 1) et
la tentative de conciliation (§ 2).

§ 1. LE DÉBUT DE L'INSTANCE

676 Saisine du tribunal. – Aux termes de l'article 885 du Code de procédure civile, « la
demande est formée et le tribunal saisi par déclaration faite, remise ou adressée au greffe du tribunal
ou par acte d'huissier de justice adressé à ce greffe », la seconde modalité étant seule utilisable
lorsque la demande est soumise à « publication au fichier immobilier » 2138. Il ne faut pas confondre
cet acte d'huissier avec une assignation ; l'acte n'est pas adressé à l'adversaire, mais au tribunal. La
Cour de cassation n'admet d'ailleurs pas que le demandeur procède par voie d'assignation de son
adversaire et elle considère que la demande est alors irrecevable 2139. Toujours selon l'article 885,
lorsqu'elle est formée par déclaration au greffe, la demande comporte les mentions prescrites à
l'article 58 du Code de procédure civile (noms et prénoms des parties, etc.) et, dans tous les cas,
l'acte doit indiquer, même sommairement, les motifs de la demande.

677 Assistance et représentation. – L'article 883 du Code de procédure civile dispose que
« les parties ont la faculté de se faire assister ou représenter 2140. Toutefois, lors de la tentative
préalable de conciliation, elles sont tenues de comparaître en personne, sauf à se faire représenter en
cas de motif légitime ». Le principe est donc que l'on peut toujours se faire assister dans la procédure
devant le tribunal paritaire, mais que la représentation n'est admise qu'après la phase de conciliation.
Il est vrai que la conciliation elle-même est difficile à opérer si les parties ne sont pas physiquement
présentes. Les personnes qui peuvent assister et, le cas échéant, représenter les parties sont
énumérées par l'article 884 du Code de procédure civile. Ce sont les avocats, les huissiers de justice,
les membres de la famille des parties, leur concubin ou la personne avec laquelle elles ont conclu un
pacte civil de solidarité, les membres ou les salariés d'une organisation professionnelle agricole.

§ 2. LA TENTATIVE DE CONCILIATION

678 Préliminaire de conciliation. – Dès que le greffe est saisi d'une demande, il convoque le
défendeur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, quinze jours au moins avant la
date fixée par le président du tribunal. Le demandeur est avisé par tous moyens des lieu, jour et heure
de l'audience 2141. Dans cette convocation doivent figurer les mentions que contiennent l'avis adressé
au demandeur et la convocation adressée au défendeur devant le tribunal d'instance 2142. En vertu de
l'article 887 du Code de procédure civile, la tentative de conciliation se déroule devant le tribunal, à
moins que celui-ci ait délégué cette mission à un conciliateur de justice. Une particularité résulte du
texte : le défaut de comparution de l'un des plaideurs, qui fait obstacle à la tentative, est constaté dans
un procès-verbal.

679 Suites de la tentative infructueuse de conciliation. – Si aucune conciliation n'a pu être


trouvée entre les parties, ou en cas de non-comparution de l'une d'elles, la procédure est la même que
celle qui est suivie devant le tribunal d'instance, sous cette réserve que le demandeur n'a pas à saisir
le juge : l'affaire est renvoyée par le tribunal pour être jugée. L'article 888 du Code de procédure
civile dispose que, si les parties sont présentes, la date de l'audience à laquelle l'affaire sera jugée
leur est indiquée verbalement par le président. Les parties non présentes sont convoquées par le
secrétaire par lettre recommandée avec demande d'avis de réception (une copie de la convocation
leur étant adressée par lettre simple). Le contenu de cette seconde convocation est identique à celui
de la convocation aux fins de conciliation, si ce n'est qu'elle leur indique que faute de comparaître,
les parties s'exposent à ce qu'un jugement soit rendu contre elles sur les seuls éléments fournis par
leur adversaire 2143.
BIBLIOGRAPHIE

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conciliation », Mélanges Champaud, Dalloz, 1997, p. 123.
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I. PÉTEL-TEYSSIÉ, « L'unicité de l'instance prud'homale », Les notions fondamentales du droit du
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M. RAYROUX, « La caducité prud'homale », Gaz. Pal. 1987, doct. p. 21.
A. SUPIOT, Droit du travail, sous la direction de G. H. Camerlynck, Les juridictions du travail,
Paris, 1987.
J. VILLEBRUN, Traité théorique et pratique de la juridiction prud'homale, Paris, 1987.
TROISIÈME PARTIE
LES VOIES DE RECOURS

680 Présentation. – Les voies de recours se présentent, à première approche, comme un


remède contre les erreurs possibles que peut commettre tout juge, même le plus savant et le plus
consciencieux. Il n'est pas utile d'insister sur l'importance pratique des voies de recours, tant elle est
évidente 2144. Pour s'en tenir à cette seule indication, le nombre de cassations prononcées chaque
année à l'encontre de décisions rendues le plus souvent par des magistrats expérimentés montre la
nécessité de permettre aux plaideurs d'opérer une remise en cause des décisions rendues 2145. Les
voies de recours offrent également un intérêt intellectuel qui ne le cède en rien à leur intérêt pratique.
Plus que les autres matières de droit judiciaire privé, les voies de recours font appel à des
mécanismes juridiques très abstraits et très élaborés. La raison en est que leur matière s'éloigne
encore davantage du droit substantiel : un élément nouveau est apparu, qui vient partiellement faire
écran entre le juge et la question de fond, c'est la décision rendue contre laquelle est exercé le
recours. Les voies de recours s'articulent autour de cette décision déjà rendue. C'est un point sur
lequel on reviendra à plusieurs reprises, mais qui doit être indiqué dès maintenant en raison de son
importance, et il faut le garder constamment présent à l'esprit.
Les dispositions relatives aux voies de recours ne se trouvent pas réunies en un seul bloc à
l'intérieur du Code de procédure civile. Dans le titre XVI du livre premier (articles 527 à 639), se
trouvent celles qui régissent l'action sur voie de recours, c'est-à-dire les voies de recours en elles-
mêmes, tandis que les dispositions relatives à la procédure de chaque voie de recours font l'objet
d'un titre particulier dans le livre deuxième : le titre VI pour la cour d'appel (articles 899 à 972), et
les titres VII et VIII pour la Cour de cassation (articles 973 à 1037).

681 Plan. – Malgré l'invitation du Code de procédure civile à distinguer, par exemple, la voie
de recours de l'appel de la procédure de l'appel, on mènera de front l'étude de la voie de recours et
de sa procédure, pour de pures raisons de commodité pédagogique. Mais avant d'aborder les
différentes catégories de voies de recours (titres un et deux), il apparaît nécessaire de consacrer un
développement à quelques notions générales sur les voies de recours (chapitre I).
CHAPITRE I
NOTIONS GÉNÉRALES
SUR LES VOIES DE RECOURS

682 Voie de recours et action. – Ainsi que l'énoncent G. Cornu et J. Foyer, le pouvoir
d'exercer une voie de recours « n'est qu'une espèce d'action 2146 ». La voie de recours vient ainsi
prendre place dans la théorie de l'action à côté des demandes et des défenses. À ce titre, elle apporte
sa pierre à la notion d'action, qui a déjà été longuement exposée 2147, en ce sens qu'elle ne répond pas
à la définition doctrinale que donne de l'action l'article 30 du Code de procédure civile. D'une part,
en effet, plus encore que le droit de défendre, le droit de recourir ne peut être envisagé
indépendamment d'un procès antérieur qui a concrètement commencé et a déjà donné lieu à un
jugement. D'autre part, aucune consistance juridique ne peut être reconnue à un pouvoir abstrait et
virtuel d'agir en recours : la seule règle de droit qui existe réellement est celle qui comprend dans
son présupposé les conditions auxquelles est subordonnée l'ouverture de la voie de recours et dans
son effet juridique la recevabilité de la voie de recours ainsi formée. Le droit d'agir en recours ne
peut être distingué des actes processuels que sont les voies de recours elles-mêmes, comme l'action
du demandeur est indissociable de la demande.
En quoi consiste plus précisément l'action sur voie de recours ? Une théorie générale des voies de
recours reste à élaborer, que l'on ne peut mener en quelques pages dans un manuel de droit judiciaire
privé aux dimensions restreintes 2148. Pour autant, on ne saurait se désintéresser de la question, et on
essaiera de dégager quelques pistes de réflexion sur cette matière difficile (section I).
Sur un plan beaucoup plus concret, le Code de procédure civile contient des dispositions
communes aux différentes voies de recours, qui portent essentiellement sur le point de départ du délai
pour exercer la voie de recours et sur la modification de la situation des parties entre deux instances.
Elles seront étudiées dans un second temps (section II).

SECTION I
L'ACTION SUR VOIE DE RECOURS

683 Démarche suivie. – À défaut de base solide et indiscutée sur laquelle on puisse appuyer un
raisonnement assuré, la méthode la moins aventureuse consiste sans doute à partir des données
premières de la matière des voies de recours. Dans cette idée, on essaiera de dégager les uns après
les autres les problèmes que soulève l'action sur voie de recours et de rechercher les solutions
envisageables, en les confrontant à celles qui sont effectivement retenues par le droit positif. On peut
en effet penser que, dans leurs grandes lignes au moins, les solutions du droit positif donnent une
réponse appropriée aux interrogations que soulève l'action sur voie de recours.
Ces données premières sur les voies de recours touchent à leur principe même (§ 1). Ce n'est que
dans un second temps qu'il convient de s'interroger sur leur organisation (§ 2).

§ 1. LE PRINCIPE DE L'ACTION SUR VOIE DE RECOURS

684 Plan. – Lorsqu'on aborde le principe de l'action sur voie de recours, il semble que les deux
questions principales que l'on doive se poser portent, d'une part, sur son existence (A) et, d'autre part,
sur son objet (B).

A. L'EXISTENCE DE L'ACTION

685 Possibilité de remettre en cause le jugement. – La question de l'existence de l'action sur


voie de recours se pose de deux façons opposées. La première consiste à refuser aux justiciables le
droit de remettre en cause le jugement qui a été rendu. Cette solution radicale restreint les droits des
justiciables de façon telle qu'il n'est guère envisageable de la retenir, si ce n'est de façon
exceptionnelle. On peut ainsi supprimer tout recours contre les décisions de faible importance. C'est
la solution que retient le Code de procédure civile pour les mesures d'administration judiciaire,
parce que ces décisions ne portent que sur l'organisation administrative du procès et n'exercent pas en
principe d'influence sur son issue. La même raison explique que la loi interdise encore tout recours
contre un certain nombre de décisions à caractère juridictionnel, mais de portée limitée. Ainsi, aucun
recours n'est ouvert, lorsque le juge rejette une requête en injonction de payer 2149. À la différence des
mesures d'administration judiciaires, cette décision affecte les droits du créancier, mais le législateur
estime que sa portée restreinte justifie la fermeture des voies de recours : le demandeur peut, en effet,
se rabattre sur la procédure ordinaire et tenter d'obtenir ainsi, par la voie normale, ce qu'on lui a
refusé dans la procédure spéciale d'injonction de payer. L'absence de recours contre la décision
rejetant sa requête ne lui ôte donc pas tout espoir d'obtenir satisfaction.
À côté de sa suppression, on peut encore envisager que le droit d'agir sur voie de recours soit
subordonné à une autorisation, soit du juge qui a statué, soit du juge devant lequel le recours doit être
porté. Ce système ne se rencontre que de façon très exceptionnelle en droit judiciaire privé français :
on peut citer comme exemple l'autorisation de former appel immédiat d'un jugement ordonnant une
expertise 2150. L'article 272 du Code de procédure civile pose qu'un appel ne peut être formé que sur
autorisation du premier président de la cour d'appel « s'il est justifié d'un motif grave et légitime ».
Dans certains pays étrangers, le mécanisme est davantage répandu, par exemple en droit anglo-
américain. D'un point de vue technique, rien ne s'oppose à son adoption. Mais il est permis de penser
qu'il repose sur un modèle judiciaire qui est étranger à nos traditions et à nos mœurs, et dont on peut
discuter le bien-fondé. L'introduction de ce système est parfois évoquée à propos du pourvoi en
cassation. On peut souhaiter que l'on continue de rejeter cette « fausse bonne » idée, qui n'aurait
d'autre effet que de diminuer les droits des justiciables et, par là même, la confiance due à la justice.

686 Voies de nullité n'ont lieu contre les jugements. – Le droit de remettre en cause un
jugement n'implique pas de façon absolument nécessaire l'existence de voies de recours. Le jugement
étant un acte juridique, on pourrait concevoir que la loi pose qu'il peut être attaqué dans le cadre
d'une action en nullité, au même titre que n'importe quel autre acte juridique. Une telle solution se
heurte cependant à des obstacles techniques dirimants. En premier lieu, le jugement constitue une
réponse à la demande soumise au juge par un plaideur. La simple annulation du jugement fait
disparaître les vices qui pouvaient l'affecter, mais elle laisse subsister le vide que comblait le
jugement. En d'autres termes, dans la très grande majorité des cas, la remise en cause du jugement
appelle son remplacement par une autre décision, et tel n'est pas l'objet d'une action en nullité, au
sens strict du terme : il faudrait donc admettre l'introduction d'une action en réfaction du premier
jugement. En second lieu, même une action en réfaction ne constituerait pas une réponse appropriée.
En effet, il faut, en la matière, concilier le souci de la protection des parties contre l'erreur du juge et
la nécessité d'assurer la stabilité des situations juridiques. L'existence de voies de recours en nombre
limité permet cette conciliation, alors que l'action en nullité ou en réfaction ne le permet guère.
L'action en réfaction du jugement attaqué conduirait au prononcé d'un autre jugement, et il n'existe
aucune raison pour que le second jugement ne puisse à son tour être attaqué par une autre action en
réfaction, et ainsi de suite. La crainte d'actions sans fin n'a rien de chimérique. L'importance des
enjeux et l'acharnement des plaideurs les poussent à chercher sans cesse de nouvelles possibilités.
Qui ne voit, par exemple, que la possibilité de porter un recours devant la Cour européenne des
droits de l'homme a créé, d'une certaine façon, une nouvelle voie de recours contre les arrêts rendus
par les plus hautes juridictions nationales 2151 ?
On constate donc que l'institution de voies de recours en nombre limité constitue le meilleur
compromis possible entre les deux impératifs de justice et de sécurité. C'est la solution que retient en
principe le droit judiciaire privé français et qu'énonce de façon négative l'adage : « voies de nullité
n'ont lieu contre les jugements. » La règle est aujourd'hui formulée de façon positive et plus précise
par l'article 460 du Code de procédure civile, aux termes duquel « la nullité d'un jugement ne peut
être demandée que par les voies de recours prévues par la loi. » Par conséquent, quels que soient les
vices qui peuvent l'affecter, un jugement qui n'a pas fait l'objet d'une voie de recours dans le délai
imparti par la loi devient irrévocable, et il n'existe aucune autorité en France qui puisse le détruire.
La Cour de cassation a même admis qu'était irrecevable l'action paulienne formée à l'encontre d'un
jugement 2152. Cette opinion doit être approuvée car si l'inopposabilité paulienne n'est pas une nullité,
elle s'en rapproche dans ses effets pratiques et paraît donc tout aussi inadaptée à ces actes
particuliers que sont les jugements.

687 Rares exceptions au principe. – La règle ne s'applique qu'aux vrais jugements ;


inversement, elle ne joue pas pour les actes du juge que l'on qualifie parfois improprement de
jugements et qui ne sont en réalité que des procès-verbaux, comme le jugement d'adjudication, sur
saisie immobilière, en l'absence d'incident 2153. Ce n'est là qu'une exception apparente.
Une véritable exception se rencontre lorsque le législateur 2154 décide de renforcer la sanction
attachée à la violation de certaines règles, en posant que le jugement rendu est non avenu, c'est-à-dire
nul ou caduc de plein droit 2155. La décision du juge se trouve alors de plein droit rayée de
l'ordonnancement juridique, indépendamment de l'exercice de toute voie de recours. Une telle
sanction n'est pas concevable lorsque le vice qui atteint le jugement porte sur le fond du droit, faute
de critères suffisamment précis ; elle ne l'est que lorsque le vice porte sur un élément procédural du
procès, dont la violation se constate en général plus aisément. Par exemple, l'article 478 du Code de
procédure civile 2156 pose que « le jugement rendu par défaut ou le jugement réputé contradictoire au
seul motif qu'il est susceptible d'appel est non avenu s'il n'a pas été notifié dans les six mois de sa
date » 2157. On peut penser, à première vue, que la nullité ou la caducité de plein droit du jugement
simplifie les choses et qu'elle devrait être davantage utilisée par le législateur. En réalité, la
simplification est plus apparente que réelle. En effet, l'instrumentum du jugement non avenu demeure
et, au premier abord, rien ne le distingue d'un jugement régulier, de sorte que, si le plaideur n'a pas à
former une voie de recours pour faire procéder à l'anéantissement du jugement, il peut avoir besoin
de le faire constater. Ce constat pourra être effectué à titre incident, dans le cadre d'un litige ultérieur,
par exemple par un juge de l'exécution qui serait saisi d'une contestation à l'occasion d'une saisie
opérée sur la base de ce titre. Un plaideur peut également souhaiter faire constater, à titre préventif et
principal, la caducité du jugement. Emprunter une voie de recours telle que l'opposition, l'appel ou le
pourvoi en cassation est à déconseiller, dans le cas de la caducité envisagée à l'article 478, car la
Cour de cassation y voit actuellement (et de manière discutable) une renonciation à se prévaloir de ce
texte 2158. En revanche, elle admet que l’on saisisse le juge de l'exécution pour faire constater le
caractère non avenu de la décision, alors même qu'aucune procédure d'exécution ne serait encore
engagée 2159.
Il faut, enfin, évoquer le cas des jugements gracieux. La décision rendue en matière gracieuse
constituant un vrai jugement, il est normal que sa nullité ne puisse résulter que de l'exercice d'une
voie de recours. Cependant, le jugement gracieux se trouve placé dans une situation particulière
parce qu'il a pour objet de contrôler un acte juridique émanant de particuliers. On peut se demander
s'il convient de s'attacher davantage au jugement qu'à l'acte ou, à l'inverse, de s'attacher davantage à
l'acte qu'au jugement. À cette question, il faut répondre, en principe, que c'est le jugement qui
l'emporte sur l'acte : en quelque sorte, le contrôle opéré par le juge enveloppe l'acte d'un manteau
juridictionnel 2160, de sorte que l'ensemble ne peut plus être remis en cause que par l'exercice d'une
voie de recours 2161. On trouve cependant quelques hésitations en législation comme en jurisprudence,
qui tiennent sans doute à ce que, dans certains cas, le législateur restreint à l'excès l'ouverture des
voies de recours : la possibilité d'agir en nullité contre l'acte qui fait l'objet du contrôle juridictionnel
permet de tourner la restriction 2162.

B. L'OBJET DE L'ACTION

688 Action contre le jugement et remise en cause du fond. – Supposons qu'une voie de
recours soit ouverte au plaideur. Que peut demander au juge celui qui exerce la voie de recours ?
Pour répondre à cette question, un rapprochement avec la demande « ordinaire », celle qui est
soumise au juge du premier degré, s'impose à l'esprit. Dans la demande soumise au juge du premier
degré, la prétention du demandeur porte sur l'effet juridique d'une règle de droit substantiel. En va-t-il
de même ici ? Si l'on s'en tient au langage de la pratique, on doit répondre non. On demande la
réformation du jugement frappé d'appel, ou la cassation de l'arrêt contre lequel on s'est pourvu. La
voie de recours se « réfère » 2163 au jugement qui a été rendu. D'une certaine façon, elle constitue un
procès fait au jugement. Le langage de la pratique traduit bien la réalité juridique de l'action sur voie
de recours. La raison de cette référence tient à l'effet du jugement (au sens propre du terme), lorsque
le juge donne satisfaction même partielle au demandeur, ou à son absence d'effet, lorsque le juge
déboute le demandeur.
Lorsque le juge donne satisfaction même partielle au demandeur, il modifie la situation
substantielle des parties. Avant le jugement, le droit du demandeur pouvait être incertain, ou contesté,
dans son existence ou dans ses modalités, parce qu'il dépendait de la réalisation d'une règle, qui est
par nature hypothétique. Très souvent aussi, ce droit était imprécis : par exemple, à quel montant
s'élevait le droit à réparation de la victime ? Le jugement met fin à toutes ces faiblesses. Il proclame
le droit du demandeur, du fait même il le rend inconditionnel et, le plus souvent, il l'aménage de façon
concrète 2164 ; désormais, le demandeur et le défendeur ne tiennent plus leur droit de la règle, mais de
la norme concrète qu'est le jugement. Si une partie n'est pas satisfaite par le jugement et veut qu'il soit
procédé à une nouvelle confrontation de la situation litigieuse à la règle de droit, il faut d'abord
qu'elle remette en cause le jugement, puisque désormais c'est ce jugement qui fixe son droit 2165. Pour
ainsi dire, elle n'a plus d'accès immédiat à la règle.
Lorsque le juge déboute le demandeur, que ce soit pour un motif procédural ou pour un motif
tenant au fond, la situation est différente. À strictement parler, le jugement de débouté n'a pas
d'effet substantiel, ce qui signifie qu'il n'entraîne aucune modification de la situation substantielle des
parties 2166. Pourquoi alors faut-il exercer une voie de recours ? Ne suffirait-il pas d'entamer un
nouveau procès devant le juge du premier degré ? On pourrait agir ainsi si la loi n'attribuait pas
l'autorité de la chose jugée aux jugements de débouté, précisément dans le but d'interdire le
renouvellement des procès. Autrement dit, la voie de recours formée contre un jugement de débouté
ne tend pas à écarter la solution substantielle donnée par le juge, mais à écarter l'obstacle procédural
dressé par la loi au renouvellement du procès. Si la situation et le raisonnement sont différents, le
résultat est le même : la partie qui veut qu'il soit procédé à une nouvelle confrontation de la situation
litigieuse à la règle de droit doit d'abord remettre en cause le jugement.
Quel que soit le contenu de la décision prise par le juge, la voie de recours se présente donc
comme une action intentée contre le jugement. Mais on ne peut s'arrêter là. L'action contre le jugement
s'inscrit dans un procès qui porte sur des intérêts privés, et c'est parce qu'il n'est pas satisfait de la
réponse donnée par le juge à la demande de droit substantiel que le plaideur forme une voie de
recours. Les voies de recours ne peuvent donc pas être séparées du fond de l'affaire. La solution
inverse reviendrait à les transformer en des recours de pure légalité et, en principe, de tels recours
n'ont pas leur place dans un contentieux de droit privé. On arrive ainsi à la double conclusion que,
par nature, toute voie de recours tend, de façon immédiate, à la remise en cause de la décision rendue
et, de façon médiate, à la remise en cause de la solution de l'affaire sur le fond. Il faut d'autant plus
garder ces deux éléments présents à l'esprit que, selon l'étendue de la dévolution opérée par la voie
de recours, l'un apparaît davantage au premier plan et peut faire oublier l'autre.

689 Importance variable des deux éléments. – Lorsque la voie de recours emporte une très
large dévolution de l'affaire, comme le fait l'appel, le second élément devient le plus important : il
s'agit de faire rejuger l'affaire sur le fond. Du coup, on peut avoir l'impression qu'un nouveau procès
commence. Mais c'est une erreur. On peut seulement dire que, dans le but de permettre une très large
remise en cause du jugement rendu au premier degré, le Code de procédure civile estompe le premier
élément, mais il ne l'efface pas complètement. C'est ainsi notamment qu'en son article 954, il oblige
l'appelant à formuler expressément ses prétentions et les moyens sur lesquels chacune d'elles est
fondée. À défaut, la cour d'appel est tenue de confirmer le jugement attaqué, même s'il est évident que
la solution donnée par le premier juge est infondée, voire absurde. La cour n'a pas le pouvoir d'aller
« piocher » dans le dossier pour sauver l'appelant maladroit, comme peut le faire le juge du premier
degré en faveur du demandeur 2167. Par ailleurs, si un incident entraîne l'extinction prématurée de
l'instance d'appel, le jugement rendu au premier degré demeure intact, faute d'avoir été attaqué de
façon efficace, et alors il fixe les droits des parties de façon irrévocable 2168.
Lorsque la voie de recours n'entraîne qu'une dévolution limitée de l'affaire, comme le fait le
pourvoi en cassation, l'attention est attirée sur le premier élément, la remise en cause de la décision
attaquée. Mais, de nouveau, ce serait une erreur d'oublier l'autre élément. Il faut le répéter : le
pourvoi en cassation n'est pas un pur recours en légalité, c'est une voie de recours ouverte aux parties
en fonction du contenu du jugement attaqué 2169.

690 Conséquences. – De ces deux éléments indissociables dépend l'essentiel des règles qui
régissent la recevabilité des voies de recours. En principe d'abord, les voies de recours ne sont
ouvertes qu'à ceux dont les droits sont désormais régis par le jugement. Les droits des autres
personnes sont toujours déterminés de façon directe par la règle de droit, de sorte qu'en cas de litige,
il leur appartient d'entamer un procès pour soumettre au juge une prétention de droit substantiel 2170.
L'ouverture de la voie de recours est encore subordonnée à une seconde condition. Un plaideur ne
peut exercer une voie de recours que si la solution donnée par le juge ne lui donne pas satisfaction.
Dans le cas inverse, il ne peut remettre en cause le jugement, quels que soient le nombre et la gravité
des vices qui peuvent l'affecter 2171.

691 Annulation et remplacement du jugement. – Lorsqu'un plaideur exerce une voie de


recours, il confronte le contenu de la décision rendue à la prétention qu'il a soutenue et il demande
qu'une autre solution soit donnée au litige par le juge saisi de la voie de recours. En d'autres termes,
il sollicite le remplacement de la décision attaquée par une autre décision qui lui soit plus favorable.
Mais ce remplacement n'est possible que si, de façon préalable, le juge saisi du recours prononce
l'annulation du premier jugement, car il n'est pas possible de remplacer une décision d'une autre
façon 2172. Contrairement à ce que les expressions actuellement utilisées par les juridictions donnent à
penser, l'annulation n'est pas spécifique à la cassation : c'est une donnée commune à toutes les voies
de recours 2173.
Une fois obtenue l'annulation du jugement, le plaideur souhaite normalement le remplacement de
la décision attaquée. Cependant, d'un point de vue purement rationnel, il existe une autre alternative
qui s'offre au législateur de façon préalable : celle du maintien ou à l'inverse de la destruction pure
et simple de la décision attaquée 2174. On peut imaginer que la voie de recours n'ait que ce seul objet.
Le choix d'instituer une voie de recours qui n'ait pour objet que de détruire le jugement rendu, sans le
remplacer d'une façon ou d'une autre, ressemble à la solution que retient le juge lorsqu'il déclare une
demande irrecevable. Au lieu de se prononcer sur le bien-fondé de la demande qui lui est soumise, le
juge refuse de statuer sur le fond du droit. De même, en se bornant à détruire la première décision, le
juge de la voie de recours refuse de choisir entre deux décisions au contenu opposé. Le
rapprochement ne reste pas dépourvu d'enseignement. Le rejet sans examen au fond d'une prétention
ne constitue pas la solution normale du litige. En principe, le juge doit statuer sur le bien-fondé ou le
mal fondé de la demande. Pour ce qui est des voies de recours, cette idée implique que, si le contenu
de la première décision est critiquable, une autre décision vienne remplacer la première et apporte au
litige une solution satisfaisante. La première alternative entre le remplacement et la destruction pure
et simple de la décision critiquable doit donc en principe être résolue au profit de sa première
branche.

692 Droit positif. – L'observation du droit positif montre que c'est aussi le choix qu'effectue le
législateur. De plus en plus rares sont les cas où la voie de recours débouche sur une simple
destruction de la décision attaquée.
L'une des manifestations les plus significatives de ce choix est la disparition presque totale de
l'appel-nullité. Il est vrai que l'article 542 du Code de procédure civile énonce que « l'appel tend à
faire réformer ou annuler par la cour d'appel un jugement rendu par une juridiction du premier
degré ». Cette énonciation générale donne à penser que, dans certains cas, la cour d'appel pourrait se
borner à annuler un jugement, sans le remplacer par un autre (alors que la réformation consiste en une
annulation suivie d'un remplacement). Cependant elle se trouve contredite par la règle précise
qu'énonce l'article 562, alinéa 2, du même code, aux termes duquel « la dévolution s'opère pour le
tout lorsque l'appel (...) tend à l'annulation du jugement ». De ce texte, que la Cour de cassation
applique dans toute sa rigueur, il résulte que l'annulation n'est plus l'objet principal de la voie de
recours. Il implique en effet que l'appelant ne saurait se contenter de faire valoir devant les juges du
second degré un vice qui affecterait la décision rendue en première instance. La dévolution du litige
s'opérant pour le tout, l'appel-nullité produit désormais les mêmes effets qu'un appel général 2175 et il
ne mérite plus vraiment son nom 2176.
On ne saurait certes contester que, le plus souvent, la censure qu'opère la Cour de cassation
entraîne l'annulation de la décision attaquée, sans que soit apportée par la Cour une solution au fond
du litige 2177. Pour autant, le pourvoi en cassation ne tend pas à la simple destruction de la décision
attaquée. Le législateur veut que la décision annulée soit remplacée par une autre décision. C'est
pourquoi l'annulation du jugement est suivie de la désignation d'une autre juridiction dont ce sera
précisément le rôle. Ainsi, l'inspiration reste fondamentalement la même. En revanche, la mise en
œuvre du remplacement s'opère selon un schéma différent. Le remplacement se réalise en deux temps,
puisque la juridiction devant laquelle est exercée la voie de recours n'y procède pas elle-même. Elle
en charge un autre juge. De là découlent évidemment des conséquences pratiques qui seront étudiées
par la suite. Pour terminer sur ce point, il faut encore noter que la décomposition en deux temps de
l'opération de remplacement de la décision déjà rendue n'est pas recherchée pour elle-même (et
pourquoi la rechercherait-on ?). Elle n'est que la conséquence du rôle particulier confié à la Cour de
cassation.

693 Exceptions au principe du remplacement. – Ce n'est que de façon exceptionnelle que


l'exercice de la voie de recours ne conduit pas au remplacement de la décision attaquée : pour
l'essentiel, la solution n'est retenue que pour sanctionner le recours injustifié à une procédure
dérogatoire. On peut prendre comme exemple la procédure de l'injonction de payer. La particularité
de cette procédure est qu'elle permet au demandeur d'obtenir, de façon non contradictoire, une
ordonnance portant injonction de payer, à laquelle le défendeur ne peut s'opposer qu'en formant a
posteriori un recours contre l'ordonnance. Certes, une procédure non contradictoire est plus simple et
moins coûteuse (y compris pour le défendeur), mais, d'un autre côté, il est anormal qu'une
condamnation soit prononcée à l'encontre d'une personne sans qu'elle ait pu faire valoir ses moyens
de défense. Aussi le législateur restreint-il l'usage de cette procédure au recouvrement des créances
d'un montant monétaire déterminé 2178, qui sont rarement contestables. Si un créancier utilise la
procédure de l'injonction de payer pour recouvrer une créance d'une autre sorte, le défendeur peut
former opposition à l'ordonnance et obtenir son annulation pure et simple, au seul motif que son
adversaire n'avait pas le droit d'utiliser cette procédure dérogatoire 2179. La décision annulée n'est pas
remplacée et il appartient au créancier d'intenter un nouveau procès.
Le caractère anormal de la procédure d'injonction de payer conduit encore le législateur à poser
que l'exercice du recours suffit à lui seul à remettre en cause l'ordonnance. Il en résulte que, si un
incident entraîne l'extinction prématurée de l'instance qui naît de l'opposition, l'ordonnance attaquée
est rendue non avenue 2180, bien qu'aucun juge n'ait statué sur les mérites du recours 2181.
§ 2. L'ORGANISATION DE L'ACTION SUR VOIE DE RECOURS

694 Présentation. – Des développements qui précèdent se dégagent quelques idées simples qui
forment autant de propositions pour l'organisation des voies de recours : la première est qu'il faut des
voies de recours permettant en principe le remplacement de la décision critiquée par une autre
décision. Il est également souhaitable que les voies de recours soient en nombre limité, pour éviter
l'exercice de voies de recours interminables. On voit ainsi s'esquisser l'idée d'un « circuit » du
procès, aux termes duquel ce dernier doit s'arrêter, quelle que soit la qualité de la décision rendue.
Sur ce sujet de l'organisation des voies de recours, chacun sait qu'il existe des éléments traditionnels
de classification, qu'il est normal d'aborder dans un premier temps (A), et l'on se demandera s'ils
donnent une image exacte et rationnelle de l'organisation des voies de recours, telle qu'on peut la
concevoir et telle que la fixe le droit positif. Si ce n'est pas le cas, on suggérera d'autres
classifications qui prennent en compte de façon plus rigoureuse les données rationnelles et positives
de la matière (B).

A. LES CLASSIFICATIONS TRADITIONNELLES

695 Division. – On oppose d'une part les voies de réformation aux voies de rétractation (1) et
d'autre part les voies de recours ordinaires aux voies de recours extraordinaires (2).

1. Les voies de réformation et de rétractation

696 Exposé et critique. – La classification entre voies de réformation et voies de rétractation


repose essentiellement sur les différences qui séparent l'appel de l'opposition. Si le plaideur
demande au même juge de réexaminer l'ensemble de l'affaire, il forme une voie de rétractation. Si
c'est à un autre juge qu'il demande d'examiner à nouveau l'ensemble de l'affaire, il forme une voie de
réformation. Cette classification présente un vice dirimant pour une classification, celui d'être
incomplète. En particulier, le pourvoi en cassation ne peut être qualifié ni de voie de rétractation
(c'est évident), ni de voie de réformation : la Cour de cassation ne va pas procéder à un examen
complet de l'affaire et substituer sa décision à celle qui est critiquée.
Il reste cependant que la distinction de l'appel et de l'opposition n'est pas factice : à certains
égards, les deux voies de recours se ressemblent. Elles répondent l'une et l'autre à la même source
d'inspiration, qui est de permettre à un plaideur de faire à nouveau examiner l'affaire dans tous ses
éléments, et ce qui les distingue d'abord, c'est le juge devant lequel elle est formée. La classification
repose donc en partie sur un élément qui doit être retenu, celui de la détermination du juge qui sera
saisi de la voie de recours. Son vice est d'intégrer plusieurs éléments distincts, qui la rendent
impropre à s'appliquer à toutes les voies de recours.

2. Les voies de recours ordinaires et extraordinaires

697 Effet suspensif. – C'est la classification qui a été retenue par les rédacteurs du Code de
procédure civile. Aux termes de l'article 527, « les voies ordinaires de recours sont l'appel et
l'opposition, les voies extraordinaires la tierce opposition, le recours en révision et le pourvoi en
cassation ». La distinction de ces deux sortes de voies de recours repose sur deux éléments.
Le premier, qu'énonce l'article 539 du Code de procédure civile, est que « le délai par une voie
de recours ordinaire suspend l'exécution du jugement. Le recours exercé dans le délai est également
suspensif. » Ce premier élément est totalement dénué de valeur juridique. L'effet suspensif de la voie
de recours est inapte à déterminer le caractère ordinaire de la voie de recours. Tout au plus peut-on y
voir une conséquence de ce caractère. Si une voie de recours est tenue pour ordinaire, on peut
estimer opportun de la doter d'un effet suspensif. Mais ce n'est là qu'un attribut contingent de ces
voies de recours, qui est d'ailleurs remis en cause par le droit positif : dans des cas de plus en plus
nombreux, l'appel n'est pas suspensif, alors qu'inversement, dans certains cas plus rares il est vrai, le
pourvoi en cassation est suspensif 2182. Quoi qu'il en soit de ces exceptions, il est certain que, par
principe, on ne peut faire reposer une classification rationnelle sur un élément du régime. Une
différence de régime ne peut fonder qu'une classification fonctionnelle, c'est-à-dire une classification
qui n'explique rien et qui n'a pour objet que de décrire la différence de régime 2183.

698 Ouverture des voies de recours. – Le second élément est que les voies extraordinaires de
recours seraient moins largement ouvertes que les voies ordinaires, ce qu'exprime l'article 580 du
Code de procédure civile en disposant que « les voies extraordinaires de recours ne sont ouvertes
que dans les cas spécifiés par la loi », par opposition aux voies ordinaires, dont il est rationnel de
déduire a contrario qu'elles sont ouvertes sauf dans les cas spécifiés par la loi. Ce critère pourrait
être déterminant. En réalité, il faut le rejeter parce qu'il ne résiste pas à l'examen : on constate en effet
que certaines voies de recours placées par le Code dans l'une des catégories répondent à la définition
de l'autre, et vice versa.
En premier lieu, l'opposition ne répond pas à la définition a contrario que donne l'article 580 des
voies ordinaires. On verra 2184 que le législateur a restreint considérablement les cas dans lesquels un
jugement reçoit la qualification de jugement par défaut, la raison en étant que seuls les jugements qui
reçoivent cette qualification peuvent faire l'objet d'une opposition. Lorsqu'elle est rendue contre un
défendeur unique, il résulte de l'article 473 du Code de procédure civile que la décision n'est un
jugement par défaut que si trois conditions sont cumulativement réunies : le défendeur n'a pas été cité
à personne, le défendeur n'a pas comparu et enfin le jugement est rendu en dernier ressort. On ne peut
donc pas dire que c'est une voie de recours qui serait ouverte sauf dans les cas spécifiés par la loi.
Tout au contraire, l'opposition répond à la définition que l'article 580 du Code de procédure civile
donne des voies extraordinaires.
En second lieu, si la définition donnée par l'article 580 du Code de procédure civile pour les
voies extraordinaires convient à l'opposition, elle ne convient pas au pourvoi en cassation 2185. Il
suffit pour s'en convaincre de rapprocher les textes qui indiquent les jugements qui peuvent faire
l'objet d'un appel ou d'un pourvoi en cassation. On constate la similitude de rédaction presque totale
qui existe entre eux. À l'article 544, alinéa 1, du Code de procédure civile qui dispose que « les
jugements qui tranchent dans leur dispositif une partie du principal et ordonnent une mesure
d'instruction ou une mesure provisoire peuvent être immédiatement frappés d'appel comme les
jugements qui tranchent tout le principal », répond l'article 606 aux termes duquel « les jugements en
dernier ressort qui tranchent dans leur dispositif une partie du principal et ordonnent une mesure
d'instruction ou une mesure provisoire peuvent être frappés de pourvoi en cassation comme les
jugements qui tranchent en dernier ressort tout le principal ». Le même rapprochement peut être
effectué entre les articles 544, alinéa 2, et 607 2186, ainsi qu'entre les articles 545 et 608 2187. Si on
laisse de côté des différences de rédaction dénuées de portée, il apparaît que la seule différence
importante entre les deux voies de recours porte sur le point de savoir si le jugement a été rendu ou
n'a pas été rendu en dernier ressort : l'article 543 du Code de procédure civile fait de l'appel la voie
de recours normale contre les jugements rendus en premier ressort et, en dépit des termes restrictifs
employés (« le pourvoi en cassation n'est ouvert qu'à l'encontre de jugements rendus en dernier
ressort »), l'article 605 fait également du pourvoi en cassation la voie de recours normale contre les
jugements rendus en dernier ressort. On peut même ajouter que, s'il arrive assez fréquemment que le
législateur ferme la voie de l'appel pour des raisons diverses, il hésite davantage à priver le plaideur
du pourvoi en cassation : il est tout à fait exceptionnel qu'un jugement sur le fond rendu en dernier
ressort soit insusceptible de pourvoi 2188.
Quoi qu'il en soit de ce dernier point, la lecture des textes mêmes du Code de procédure civile
montre qu'il existe une grande similitude entre l'appel et le pourvoi en cassation, le second
apparaissant comme la suite logique du premier 2189. C'est un élément de discussion qu'on ne doit pas
perdre de vue au moment d'essayer de classer les voies de recours.

B. LES CLASSIFICATIONS PROPOSÉES

699 Démarche suivie. – En dépit de son intérêt, la classification traditionnelle distinguant les
voies de réformation et les voies de rétractation pèche en ce qu'elle combine plusieurs éléments de
classement, ce qui la rend impropre à rendre compte de toutes les voies de recours. C'est de ce défaut
qu'il faut se garder. Pour cela, il faut partir des données premières des voies de recours, c'est-à-dire
essayer de se mettre à la place d'un législateur qui essaierait de bâtir ex nihilo un ensemble rationnel
de voies de recours. On le fera avec prudence, car il y a quelque chose de chimérique à vouloir
adopter le point de vue de Sirius : il est impossible de s'abstraire complètement du milieu juridique
où l'on se trouve. Mais, à la réflexion, cette limite n'est pas dirimante : encore une fois, on peut
penser que l'expérience empirique qui guide le législateur a conduit à une construction qui, dans ses
très grandes lignes au moins, répond aux besoins de la matière. C'est en suivant cette démarche à la
fois dogmatique et pragmatique qu'on s'efforcera de dégager dans un premier temps les éléments de
réponse (1), avant de tenter de les ordonner entre elles (2).

1. Les éléments de réponse

700 Ensemble hiérarchisé. – La réflexion menée sur le principe même des voies de recours a
fait ressortir une double exigence : celle de l'existence, mais aussi d'un nombre limité de voies de
recours.
Quel est le meilleur moyen pour limiter le nombre de voies de recours ? Une expérience
quasiment universelle répond à cette question par la mise sur pied d'un ensemble hiérarchique de
juridictions. Le procès est entamé devant la juridiction qui se trouve en bas de la hiérarchie, dont les
divers degrés sont franchis au fur et à mesure de l'exercice des voies de recours. Le nombre de
recours successifs se trouve nécessairement limité au nombre d'échelons que connaît la hiérarchie
des juridictions. Les juridictions supérieures étant normalement instituées en plus petit nombre, cela
permet d'y placer des magistrats plus anciens et plus expérimentés. On peut donc penser que, dans
l'ensemble, leurs décisions sont mieux rendues que celles qui émanent des juridictions inférieures, ce
qui leur confère une plus grande légitimité. Enfin, cette hiérarchie permet de soumettre le nouvel
examen de l'affaire à un juge différent de celui dont la décision est attaquée. À l'inverse, l'absence de
hiérarchie conduit à des résultats moins satisfaisants. On peut certes penser à soumettre l'affaire à un
autre juge de même niveau. Cette solution n'est pas inenvisageable, mais elle se heurte à deux
objections : d'abord, les deux juges qui seront appelés à statuer sur l'affaire étant de même niveau, il
n'existe aucun argument rationnel qui permette d'attribuer à la seconde décision une valeur supérieure
à celle de la première ; par ailleurs, il est difficile de limiter le nombre d'examens par d'autres juges
du même niveau.
À quel nombre convient-il de fixer le nombre de degrés hiérarchiques ? On ne peut répondre à
cette question à partir d'un raisonnement déductif. À première vue, on peut être tenté de retenir un
nombre élevé de recours, parce qu'il protège le justiciable contre les risques d'erreur judiciaire.
Cependant l'erreur du juge n'est pas la solution la plus fréquente, de sorte que la multiplication des
voies de recours favorise les manœuvres dilatoires des mauvais plaideurs et affaiblit l'autorité des
décisions de justice, en ce qu'elle retarde à l'excès l'issue du procès. Le droit judiciaire français
retient depuis la fin de l'Ancien Régime un standard, assez largement répandu, de trois niveaux
hiérarchiques de juridictions, qui paraît raisonnable 2190.

701 Sommet de la hiérarchie. – L'édification d'un système hiérarchisé suscite une difficulté,
quand on arrive à son sommet. Faut-il y placer une seule juridiction ? Un tel choix n'est pas sans
inconvénients. Sur un plan politique d'abord, le risque existe que la juridiction suprême cherche à
utiliser sa position privilégiée pour élargir son pouvoir. Sur un plan fonctionnel, le risque principal
est celui de l'engorgement. Ces inconvénients peuvent inciter à établir plusieurs juridictions au
sommet de la hiérarchie. Mais alors surgit le risque inévitable de contrariété de jurisprudence et s'y
ajoute l'inconvénient du moindre prestige lié à son partage entre plusieurs juridictions, de sorte
qu'apparaît comme un « besoin » de recours supplémentaire, qui conduit à la création d'un niveau
hiérarchique supplémentaire. Aussi constate-t-on, de façon quasiment universelle, l'existence de
cours suprêmes établies au sommet des diverses hiérarchies juridictionnelles.
Si on choisit de n'établir qu'une seule juridiction au sommet de la hiérarchie, il faut rechercher le
moyen d'éviter un engorgement qui prendrait une ampleur telle qu'il conduirait à sa paralysie. Pour
cela, plusieurs moyens alternatifs ou cumulatifs sont à envisager. On peut songer en premier lieu à
opérer une sélection entre les affaires, selon divers critères financiers (l'enjeu de l'affaire, ou le coût
du recours) ou juridiques (la sélection opérée par le juge dont la sentence est attaquée ou par une
formation réduite de la cour suprême). Un autre moyen, que l'on peut combiner avec les précédents,
consiste à limiter les questions susceptibles d'être soumises à la juridiction suprême. Il consiste
notamment à ne doter la voie de recours que d'une dévolution 2191 limitée aux questions de droit 2192.
Ce moyen est sans doute le meilleur pour assurer aux justiciables un accès égal au juge et la
protection de leurs droits. En contrepartie, il présente l'inconvénient de compliquer le circuit du
procès. En effet, si la cour estime qu'il a été fait une mauvaise application des règles de droit aux
faits de l'espèce, la dévolution limitée dont elle est dotée l'empêche le plus souvent de donner au
litige une solution définitive et elle doit renvoyer l'affaire devant une autre juridiction.

702 Ensemble normalement suffisant. – Faut-il prévoir d'autres schémas de voies de recours
que celui-ci ? A priori, l'institution d'un ensemble hiérarchisé, à deux, trois ou quatre étages, suffit à
conférer aux justiciables les garanties qu'ils peuvent attendre de la justice, et il n'existe pas de raison
d'organiser d'autres circuits de voies de recours, si ce n'est peut-être pour des motifs de commodité
ou de tradition. Par exemple, s'il existe plusieurs juridictions du premier degré et que certaines
d'entre elles soient spécialisées dans les petites affaires, on peut envisager que la première voie de
recours contre leurs décisions soit portée devant une autre juridiction du premier degré, pour des
raisons de proximité et d'économie 2193. On peut aussi imaginer que, dans certains cas, on supprime
certains échelons intermédiaires, soit que le procès soit porté directement devant un juge du
deuxième ou du troisième niveau, soit que l'on passe directement du premier au troisième ou
quatrième échelon.
Doit-on aller au-delà de ces simples aménagements ? La cohérence impose une réponse négative,
sauf à vérifier qu'une organisation hiérarchique rigide ne risque pas dans certains cas d'être
inadaptée. Si c'est le cas, il est raisonnable de prévoir une voie de recours particulière, qui prenne en
compte la spécificité de la situation. L'exemple le plus net est celui du recours en révision, tel qu'il
existe aujourd'hui en droit judiciaire privé français : le recours en révision se présente comme une
dérogation à l'irrévocabilité des décisions de justice, exceptionnellement ouverte en raison des
circonstances frauduleuses dans lesquelles le jugement a été obtenu 2194. De même, le plus souvent,
les décisions rendues entre deux parties n'affectent pas les droits des tiers. Il n'existe donc aucune
raison pour que ces tiers forment une voie de recours contre une décision dont l'existence leur est
indifférente. La tierce opposition est alors dépourvue d'objet. Elle n'a été instituée qu'en vue des cas
exceptionnels où la décision affecte les droits des tiers 2195.
Ainsi constate-t-on que toutes les voies de recours ne se placent pas sur le même plan. C'est à
partir de cette idée que l'on essaiera de les ordonner entre elles.

2. L'ordonnancement proposé 2196

703 Voies de recours normales et voies de recours particulières. – De ce qui précède, se


dégage l'idée qu'il existe deux sortes de voies de recours. Celles pour lesquelles est institué le circuit
hiérarchique méritent la qualification de voies de recours normales, pour deux raisons. D'une part, ce
sont elles qu'une partie doit a priori envisager pour critiquer le jugement rendu. D'autre part, elles
sont aussi normalement (c'est le cas de le dire) suffisantes pour garantir les parties contre les erreurs
qu'un juge peut commettre. À l'inverse, les autres voies de recours peuvent être qualifiées de
particulières, non seulement parce qu'elles ne sont pas celles auxquelles on pense a priori à l'issue
d'une instance, mais encore parce qu'elles sont normalement inutiles, en ce sens qu'elles ne servent
qu'à remédier à des situations particulières qui sont autant d'anomalies. Reprenons chacun de ces
points.

704 Caractères des voies de recours normales. – À l'issue d'une instance, si l'on envisage de
former une voie de recours, quelle est celle à laquelle on pense a priori ? À cette question, la
réponse n'est pas douteuse. En droit judiciaire privé français, à l'encontre d'un jugement rendu en
premier ressort, c'est l'appel qui apparaît comme la voie de recours qui doit être exercée, c'est elle
que le législateur a instituée comme voie de recours de principe. La même chose peut être dite du
pourvoi en cassation à l'encontre d'un jugement rendu en dernier ressort.
Il faut aussi insister sur le caractère suffisant de l'ensemble constitué par ces deux voies de
recours. Pour la très grande majorité des procès, c'est-à-dire pour tous les procès qui répondent au
schéma normal, leur jeu successif donne à chaque plaideur le droit à un réexamen complet de l'affaire
par une juridiction supérieure et à un réexamen des éléments de droit de l'affaire par la juridiction
chargée d'assurer l'unité d'application du droit, ce qui correspond au « standard français » de garantie
d'une bonne justice. Par exception, pour les procès de faible importance, le standard est réduit à un
réexamen des éléments de droit de l'affaire 2197. Dans tous les cas on n'a pas besoin des trois autres
voies de recours énoncées par l'article 527 du Code de procédure civile, et de fait le législateur ne
les ouvre pas.
705 Classement du pourvoi en cassation. – On ne s'attardera pas, tant il est évident, sur le
classement de l'appel dans la catégorie des voies de recours normales. C'est celui du pourvoi en
cassation qui suscite des réticences. Pour une bonne part, ces réticences sont davantage fondées sur
des considérations psychologiques que juridiques. On sait bien que, d'un point de vue statistique, le
pourvoi en cassation s'est banalisé, et on l'accepte, mais l'idée demeure que, pour le principe au
moins, on devrait conserver au pourvoi en cassation un caractère exceptionnel. En quelque sorte, il
faudrait que le discours du droit refuse de s'incliner devant la réalité 2198. Cette idée a quelque chose
de malsain et, au risque d'enfoncer une porte ouverte, il convient d'affirmer que le pourvoi en
cassation n'est pas une voie de doctrine 2199, mais avant tout une voie de recours, destinée à garantir
les droits des justiciables contre les erreurs de droit commises par les juges qui statuent en dernier
ressort 2200. Vouloir que le pourvoi en cassation soit exceptionnel revient à vouloir que le droit à une
bonne application de la loi devienne lui aussi exceptionnel. Comment peut-on souhaiter une telle
régression ? Tout au contraire, il faut redire que le pourvoi en cassation est, à l'égard des jugements
rendus en dernier ressort, une voie de recours tout aussi normale que l'appel 2201.
Peu importe encore que le pourvoi en cassation n'entraîne qu'une dévolution limitée de l'affaire et
qu'à ce titre, il ne permette aux parties de soumettre à la Cour de cassation que les questions de droit,
de sorte qu'il ne présente pas la plénitude de l'appel. La question n'est pas là, elle est de savoir quels
sont les traits essentiels qui permettent d'ordonner les voies de recours, quitte à ce que des
distinctions soient à nouveau faites à l'intérieur des catégories et notamment que, dans la catégorie à
laquelle l'appel appartient, on reconnaisse que l'autre voie de recours a moins de plénitude que lui.
Mais, pour opérer leur classification, il est légitime d'insister sur les traits communs qui unissent
l'appel et le pourvoi, et ces traits font ressortir que le pourvoi en cassation se place dans la suite de
l'appel et qu'il le complète. De l'un à l'autre, le législateur opère une réduction de la dévolution en
estimant que deux examens successifs des faits sont suffisants. Il veut qu'à la Cour de cassation soit
soumis un litige épuré à ses seuls éléments de droit, pour qu'elle ne soit pas asphyxiée par un nombre
excessif de pourvois et qu'elle puisse exercer sa mission d'unification du droit 2202.

706 Caractères des voies de recours particulières. – Les trois autres voies de recours que
sont le recours en révision, l'opposition et la tierce opposition peuvent être qualifiées de
particulières, non seulement parce qu'elles ne sont pas celles auxquelles on pense a priori à l'issue
d'une instance, mais encore parce qu'elles sont normalement inutiles, en ce sens qu'elles ne servent
qu'à remédier à des situations particulières, qui constituent autant d'anomalies. Elles ne sont ouvertes
que lorsque les voies de recours normales sont inadaptées.
La meilleure illustration de ces caractères est fournie par le recours en révision. Ce n'est
certainement pas à lui qu'une partie pense a priori pour remettre en cause le jugement rendu et, par
bonheur, il est normalement inutile. De façon positive, le recours en révision est institué en raison de
circonstances très particulières, énoncées par l'article 595 du Code de procédure civile,
circonstances pour lesquelles les voies de recours normales sont le plus souvent inadaptées : l'appel
peut être inadapté en raison du bref délai dans lequel est enfermé son exercice. Le pourvoi l'est aussi
pour cette raison, mais il l'est plus encore en raison de l'absence de dévolution en fait. En revanche,
le recours en révision implique nécessairement un réexamen de l'affaire en fait et en droit. C'est ce
qui explique que le recours en révision soit ouvert en même temps que le pourvoi en cassation. À
l'inverse, tant que l'appel reste ouvert, le recours en révision est fermé parce qu'il est inutile, l'appel
permettant de remédier au vice dont le jugement est affecté 2203.
Il en va de même pour la tierce opposition. Le plus souvent, les décisions rendues entre deux
parties n'affectent pas les droits des tiers. Il n'existe donc aucune raison pour ces tiers puissent former
une voie de recours contre une décision dont l'existence leur est indifférente. La tierce opposition est
alors dépourvue d'objet. Elle n'est instituée qu'en vue des cas exceptionnels dans lesquels la décision
affecte les droits des tiers. Dans une telle situation, l'appel est en principe inadapté, puisqu'il n'est
ouvert qu'aux personnes qui ont été parties dans l'instance précédente 2204. Le pourvoi l'est aussi pour
cette raison, mais il l'est plus encore en raison de l'absence de dévolution en fait.
La même chose peut encore être dite de l'opposition. Le défendeur est cité devant le juge ; aussi le
défaut de comparution constitue-t-il une anomalie, en raison de laquelle, dans certains cas,
l'opposition est ouverte. Mais plus encore il faut insister sur l'alternative que pose le Code de
procédure civile entre l'appel et l'opposition. L'ouverture de l'appel entraîne la fermeture de
l'opposition et vice versa. Une fois de plus, on constate que c'est l'inadaptation des voies de recours
normales (résultant ici de la fermeture de l'appel) qui justifie l'ouverture d'une voie de recours
particulière 2205.

707 Particularités des voies de recours particulières. – L'originalité des situations qui
justifient l'ouverture des voies de recours particulières exerce aussi une influence sur leurs effets.
Elle l'exerce d'abord sur l'étendue de la dévolution qu'elles opèrent. Dans les trois cas, pour que le
remède soit efficace, la dévolution s'opère en fait et en droit. De même, son étendue dépend de la
situation à laquelle la voie de recours est destinée à remédier, en sorte qu'elle varie d'une voie de
recours à l'autre. Au recours en révision est attachée la dévolution la plus étroite. Ce recours n'étant
ouvert que pour remédier à l'erreur du juge causée par l'une des causes énoncées par l'article 595 du
Code de procédure civile, la dévolution ne s'opère que dans la limite de cette cause : ainsi que
l'énonce l'article 602 du même code, « si la révision n'est justifiée que contre un chef du jugement (et
le jugement n'est jamais que le miroir « corrigé » de la demande 2206), ce chef est seul révisé à moins
que les autres n'en dépendent ». La même limite joue pour la tierce opposition. Il n'y a que pour
l'opposition qu'elle n'a pas l'occasion de jouer, parce que l'anomalie tient au défaut du défendeur :
c'est donc tout le procès qui s'est déroulé dans des circonstances anormales, ce qui fait que la
dévolution porte sur l'ensemble du litige.
Même lorsque l'importance de l'anomalie justifie une dévolution étendue à l'ensemble du litige, la
dévolution opérée par la voie de recours particulière présente une différence par rapport à celle
qu'opère la voie de recours normale. La voie de recours normale est ouverte à chacune des parties
dans la mesure de sa succombance. De là vient que sur un appel principal peut se greffer un appel
incident et que, de la même façon (une fois encore 2207), sur un pourvoi principal peut se greffer un
pourvoi incident. En revanche la voie de recours particulière n'est instituée que pour remédier à une
situation particulière ; c'est dire qu'elle n'est ouverte qu'à celui qui se trouve placé dans la situation
visée. Il n'existe donc pas de recours en révision incident ni de tierce opposition incidente. Malgré
l'importance de la dévolution qu'elle opère, l'opposition ne donne pas lieu non plus à une opposition
incidente, et la raison est toujours la même : ainsi que l'énonce l'article 571 du Code de procédure
civile, « elle n'est ouverte qu'au défaillant » ; elle ne l'est pas à l'autre partie, à qui les voies de
recours normales suffisent à conférer les droits que la loi accorde à tout justiciable. Après un ou deux
examens en fait et en droit, selon les cas, il lui reste la possibilité de se pourvoir en cassation. À
l'inverse, il n'existe aucune raison pour que la défaillance d'une partie donne à l'autre partie le droit à
un examen en fait et en droit supplémentaire 2208.
En revanche, en raison de leur nature de voies de recours normales, l'appel et le pourvoi en
cassation peuvent sans difficultés être exercés après une voie de recours particulière. Ils sont adaptés
à la remise en cause de toute décision, quel qu'ait été le litige soumis au juge, de sorte que c'est à ces
deux voies de recours que l'on songe a priori, à l'issue de l'instance née de l'exercice d'une voie de
recours particulière. Si un recours en révision est formé contre un jugement rendu en premier ressort,
c'est à l'appel que l'on pense pour attaquer le jugement et c'est au pourvoi en cassation que l'on pense
pour attaquer l'arrêt rendu sur l'appel. Éventuellement, sur l'appel principal, pourra se greffer un
appel incident et ainsi de suite. Si l'on peut s'exprimer ainsi, la voie de recours particulière aura été
nécessaire pour remettre le train sur les rails ; une fois que c'est fait, les voies de recours normales
reprennent la situation en main. Inversement, il faut des circonstances quasiment romanesques pour
qu'une tierce opposition suive un recours en révision : il est rare que les trains déraillent deux fois de
suite 2209.

708 Indications complémentaires. – Deux indications complémentaires peuvent encore être


apportées. Il existe un lien très fort entre le caractère normal et le caractère hiérarchique de l'appel et
du pourvoi en cassation. On peut se demander quel est le plus important des deux. Il semble plus
rationnel de retenir en premier le caractère normal des voies de recours, parce qu'il repose sur un
élément plus fondamental que l'autre et qu'en outre le caractère hiérarchique du recours apparaît
plutôt comme une conséquence que comme une cause du caractère normal du recours. Il faut en effet
que le nouvel examen de l'affaire soit effectué par un juge différent de celui qui a déjà statué 2210 et,
comme on l'a vu, il est rationnel que ce juge soit plus élevé dans la hiérarchie et plus expérimenté,
alors que le fait qu'une voie de recours soit portée devant un juge hiérarchiquement supérieur
n'implique pas, en soi, qu'elle soit une voie de recours normale.
Le rôle premier ainsi reconnu au caractère normal ou particulier de la voie de recours se trouve
conforté par la considération que cette classification peut absorber et « digérer » non seulement les
cinq « grandes » voies de recours qu'énumère le titre XVI du livre premier du Code de procédure
civile, qui ont été citées jusqu'à présent, mais encore les autres voies de recours qui ont déjà été
rencontrées ou qui le seront dans la suite. L'exemple le plus net est celui du contredit. La réalité est
que le contredit n'est rien d'autre qu'un appel doté d'une procédure simplifiée et limité aux questions
de compétence. En dehors des règles purement procédurales, la seule véritable différence entre les
deux voies de recours est que le contredit n'est subordonné à aucune condition tenant au montant de la
demande 2211. Inversement, on peut, sans hésitation, classer le recours en ultra petita parmi les voies
de recours particulières. Il répond à la définition qui en a été donnée : il s'agit d'une voie de recours
édictée pour une situation particulière et d'un objet limité à cette situation.

SECTION II
LES DISPOSITIONS COMMUNES AUX VOIES DE RECOURS

709 Qualification inexacte du jugement. – Les dispositions communes aux voies de recours
sont énoncées par les articles 528 à 537 du Code de procédure civile. La plupart d'entre elles
intéressent le délai pour exercer une voie de recours et portent sur le point de départ de ce délai (§ 1)
et sur les modifications que la situation des parties peut subir pendant ce délai (§ 2), mais deux de
ces dispositions ont un autre objet et doivent être indiquées préalablement.
D'abord, il faut rappeler 2212 la disposition de l'article 537 du Code de procédure civile aux
termes duquel « les mesures d'administration judiciaire ne sont sujettes à aucun recours ».
L'autre disposition est l'article 536 du Code de procédure civile 2213 qui dispose que « la
qualification inexacte d'un jugement par les juges qui l'ont rendu est sans effet sur le droit d'exercer
un recours ». Le sens de cette disposition est que l'énonciation que peut faire le juge sur la
qualification de son jugement ne constitue pas une partie de la décision, elle lui demeure
extérieure 2214. Elle n'a d'autre valeur que celle d'une simple opinion 2215. Lorsque le juge de première
instance a énoncé, à tort, qu'il statuait en dernier ressort, l'appel n'est pas pour autant fermé.
Inversement, s'il a estimé qu'il statuait en premier ressort seulement, alors qu'en réalité, il jugeait en
dernier ressort, son jugement ne devient pas susceptible d'appel 2216. Dans le second exemple, si un
plaideur se fie à l'indication du jugement et interjette appel, la cour saisie déclarera l'appel
irrecevable 2217 au motif que le jugement n'est susceptible que d'un pourvoi en cassation. Afin d'éviter
que l'intéressé ne soit alors forclos en raison de l'écoulement du délai du pourvoi, la jurisprudence
avait imaginé une solution ingénieuse. La notification du jugement devant indiquer de quelle voie de
recours celui-ci était susceptible, une fausse indication dans l'acte de notification, consécutive à
l'erreur commise par le juge, permettait, soit de faire annuler la notification 2218, soit de faire juger
qu'à défaut de notification régulière du jugement, le délai de recours n'avait pas couru. Dans un cas
comme dans l'autre, la voie de recours qui, en réalité, aurait dû être exercée, pouvait donc encore
l'être 2219. Le décret n 2004-836 du 20 août 2004 a posé une solution plus directe, dans l'alinéa 2 de
o

l'article 536 du Code de procédure civile. Désormais, lorsqu'un recours est déclaré irrecevable « en
raison 2220 » d'une qualification inexacte du jugement par les juges qui l'ont rendu, « la décision
d'irrecevabilité est notifiée par le greffe à toutes les parties à l'instance du jugement » et « cette
notification fait courir à nouveau le délai prévu pour l'exercice du recours approprié ». Le résultat est
le même, mais on n'a pas plus besoin de se fonder sur la nullité ou l'irrégularité de la notification du
jugement pour expliquer la renaissance du délai de recours.

§ 1. LE POINT DE DÉPART DU DÉLAI

710 Présentation. – L'article 528 du Code de procédure civile pose en principe que « le délai
à l'expiration duquel un recours ne peut plus être exercé court à compter de la notification du
jugement, à moins que ce délai n'ait commencé à courir, en vertu de la loi, dès la date du jugement ».
Ainsi, en vertu de l'article 82 du Code de procédure civile, le délai du contredit de compétence court
de la date du prononcé de la décision 2221. En dépit de la lettre de l'article 528, il arrive aussi qu'une
exception résulte non de la loi, mais du fait que la décision n'a pas vocation, par nature, à être
notifiée. Ainsi, l'appel d'une ordonnance rejetant une requête est enfermé dans un délai de quinze
jours, par l'article 496 du Code de procédure civile, mais aucun texte n'en fixe le point de
départ. C'est donc la Cour de cassation qui a décidé que ce délai courait du jour du prononcé de
l'ordonnance ou de celui où le demandeur en avait eu connaissance 2222.
Cela étant, sous réserve des quelques exceptions que connaît le droit judiciaire privé, c'est
normalement la notification du jugement qui constitue l'événement faisant courir le délai d'une voie de
recours. Le Code de procédure civile en précise soigneusement les effets (A), de même qu'il
envisage ce qui se passe, à l'inverse, en l'absence de notification (B).

A. LES EFFETS DE LA NOTIFICATION DU JUGEMENT

711 Distinctions selon le nombre de parties. – La lecture des textes du Code de procédure
civile conduit à opérer une distinction selon que la première instance oppose deux plaideurs
seulement ou que le jugement condamne plusieurs parties ou inversement leur profite.
Lorsque le procès n'oppose que deux plaideurs isolés, le principe posé par l'article 528 du Code
de procédure civile n'appelle que deux brèves remarques. D'abord, l'alinéa 2 de cet article renverse
une règle traditionnelle qu'exprimait l'adage « Nul ne se forclôt soi-même » : avant le Code de
procédure civile, la notification opérée par une partie ne faisait courir les délais des voies de recours
qu'à l'encontre de l'autre partie. Aujourd'hui, le texte dispose que « le délai court même à l'encontre
de celui qui notifie 2223 ». Pour ce qui est de la partie à qui est faite la notification, l'article 530 ajoute
que « le délai ne court contre une personne en tutelle que du jour où le jugement est notifié tant à son
représentant légal qu'au subrogé tuteur, s'il y a lieu, encore que celui-ci n'ait pas été mis en cause » et
que « le délai ne court contre le majeur en curatelle que du jour de la notification faite au curateur ».
Lorsque le procès oppose plus de deux plaideurs, il faut à nouveau distinguer. S'il n'existe entre
les parties aucune solidarité ou indivisibilité, chacune d'elles est indépendante des autres, et les
règles applicables sont celles qui ont été indiquées en cas de procès opposant une partie à une
autre 2224. C'est ce qui explique qu'en pratique, il est fréquent que les différentes parties victorieuses
notifient le jugement, chacune de leur côté, à la partie perdante. Chaque notification fait alors courir
le délai de la voie de recours dans les relations entre son auteur et son destinataire 2225.
Lorsque les parties sont unies par un lien de solidarité ou d'indivisibilité, la question est de savoir
quelle indépendance existe entre les litisconsorts. À cette question, l'article 529 du Code de
procédure civile apporte une réponse différente selon que le jugement nuit ou bénéficie aux
litisconsorts. « En cas de condamnation solidaire ou indivisible de plusieurs parties, la signification
faite à l'une d'elles ne fait courir le délai qu'à son égard », ce qui oblige leur adversaire à notifier le
jugement à chacune d'elles pour pouvoir rendre le jugement irrévocable. En revanche, « dans le cas
où un jugement profite solidairement ou indivisiblement à plusieurs parties, chacune peut se prévaloir
de la notification faite par l'une d'elles 2226 » et, faut-il ajouter, de la notification faite à l'une
d'elles 2227. Il faut ajouter, pour terminer, que ces règles ne régissent que l'effet de la notification du
jugement, mais elles ne s'appliquent pas à l'exercice de la voie de recours elle-même 2228.

712 L'effet de notifications successives. – S'il est acquis que le délai pour exercer une voie
de recours part, normalement, de la notification de la décision qu'il s'agit d'attaquer, la question se
pose de savoir quelle notification on prend en compte, lorsque le jugement a été notifié plusieurs fois.
Il arrive, en effet, dans certaines procédures, que la décision soit notifiée aux parties par le greffe de
la juridiction qui a rendu la décision et qu'elle le soit à nouveau, par un acte d'huissier délivré à l'un
des plaideurs, à l'initiative de son adversaire. L'inverse est également possible, la notification par le
greffe faisant alors suite à la signification et on voit même des cas dans lesquels un plaideur fait
signifier deux fois le jugement ou l'arrêt par acte d'huissier, généralement parce qu'il a un doute sur la
régularité de la première notification. Dans ces diverses hypothèses, à quelle date commence à courir
le délai du recours ? La question est difficile, car on peut, d'un côté, penser qu'en procédant à une
seconde notification, une partie entend renoncer au bénéfice du premier point de départ du délai et le
reporter à la date de la seconde notification ; mais, d'un autre côté, cette volonté n'est sans doute pas
systématique et, bien évidemment, rien ne permet de croire qu'elle existe lorsque c'est le greffe qui
procède à la seconde notification. Dans le doute, il nous semble judicieux de ne prendre en compte
que la première notification, dès lors qu'elle est valable. Dans les relations intracommunautaires,
c'est ce à quoi conduit l'interprétation qu'a faite la Cour de Justice des Communautés européennes
(l'actuelle CJUE) de ce qui était alors le règlement n 1348/2000 du 29 mai 2000 relatif à la
o
notification en matière civile et commerciale 2229.
En droit interne, la Cour de cassation a jugé, pendant un temps, que la seconde notification faisait
en principe courir un nouveau délai, si elle était effectuée dans celui ouvert par la première
notification 2230. Cependant, même intervenue dans le premier délai, la seconde notification ne
pouvait en ouvrir un nouveau au profit de celui qui y procédait 2231 : une partie ne devait pas pouvoir
allonger pour elle-même les délais fixés par la loi, en additionnant les notifications. Quand une
seconde notification faisait courir un nouveau délai, ce n'était qu'au profit de la personne à qui elle
était adressée. Finalement, durant les années 2000, la Cour de cassation a modifié sa jurisprudence.
Désormais, la seconde notification n'ouvre plus de nouveau délai au profit de qui que ce soit, dès lors
que la première était régulière 2232. Cette solution a le mérite de la simplicité.

B. L'ABSENCE DE NOTIFICATION DU JUGEMENT

713 Délai de deux ans. – Si le délai commence en principe à courir à compter de la


notification du jugement, il faut logiquement en déduire a contrario qu'en l'absence de notification, il
ne commence pas à courir, quand bien même les parties auraient eu connaissance du jugement par un
autre moyen 2233. Et, dès lors qu'il n'a pas commencé à courir, on pourrait croire que ce délai
n'arrivera jamais à expiration, ce qui permettrait de former la voie de recours un an, cinq ans ou
même vingt ans après la date du jugement attaqué. Telle était autrefois la solution qu'imposaient les
textes et que consacrait la jurisprudence 2234.
Cette solution traditionnelle se trouve aujourd'hui presque totalement renversée par l'article 528-1
inséré dans le Code de procédure civile par le décret n 89-511 du 20 juillet 1989. Aux termes de ce
o

texte, « si le jugement 2235 n'a pas été notifié dans le délai de deux ans de son prononcé 2236, la partie
qui a comparu n'est plus recevable à exercer un recours à titre principal après l'expiration dudit
délai ». En d'autres termes, la loi enferme l'exercice des voies de recours dans deux délais qui se
combinent : un délai bref, qui court à compter de la notification du jugement, et un délai plus long,
mais qui commence à courir dès le prononcé du jugement 2237. Ce texte appelle quelques précisions
sur quatre points. Pour ce qui est des parties, d'abord, le texte n'intéresse pas les plaideurs qui n'ont
pas comparu, quelle qu'en soit la raison. En deuxième lieu, certaines voies de recours doivent être
exclues du domaine d'application de l'article 528-1 : d'une part, les voies de recours dont le délai
commence à courir à compter de leur prononcé, comme le contredit, et, d'autre part, les voies de
recours qui comportent un délai qui est susceptible de n'arriver que tardivement à expiration, comme
le recours en révision 2238. En pratique, ce texte s'applique à l'appel et au pourvoi en cassation 2239.
Une troisième précision concerne l'alinéa 2 de l'article 528-1, qui énonce que la règle nouvelle n'est
applicable « qu'aux jugements qui tranchent tout le principal et à ceux qui, statuant sur une exception
de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident, mettent fin à l'instance ». Ce texte est mal
rédigé. En réalité, en parlant de ces jugements, il vise le dernier jugement de toute instance 2240
et signifie qu'à l'expiration du délai de deux ans 2241 qui commence à courir à compter du prononcé de
ce dernier jugement, aucun recours principal ne peut plus être exercé 2242. Enfin, dernière précision, la
nullité de la signification du jugement n'a pas pour effet de faire courir le délai de deux ans, comme si
le jugement n'avait jamais été notifié. Le bon sens rejoint la ratio legis pour commander cette
solution qu'a consacrée la Cour de cassation 2243. Il a même été jugé qu'une lettre recommandée de
notification adressée par le greffe de la juridiction constituait la notification prévue par l'article 528-
1, peu important que cette lettre ait été retournée à son expéditeur en raison d'une irrégularité
formelle 2244. Ces solutions se justifient : l'article 528-1 du Code de procédure civile est destiné à
éviter l'exercice d'une voie de recours tardive, non à sanctionner le plaideur à qui on ne peut imputer
aucun retard 2245.
Le délai pour exercer la voie de recours va commencer à courir en tenant compte de toutes les
règles qui viennent d'être énoncées. S'agissant d'un délai de procédure, il devrait s'écouler sans
interruption ni suspension. Quelques atténuations sont cependant prévues pour tenir compte de
certaines modifications dans la situation des parties.

§ 2. LA MODIFICATION DE LA SITUATION DES PARTIES

714 Division. – Les modifications peuvent se produire en la personne de celui à qui est notifié
le jugement (A) ou en la personne de celui qui notifie le jugement (B).

A. LA PARTIE À QUI LE JUGEMENT EST NOTIFIÉ

715 Aménagement des règles en faveur de cette partie. – Il a déjà été indiqué à quelles
conditions la notification d'un jugement à un incapable faisait courir le délai de la voie de
recours 2246. L'hypothèse qu'envisagent les articles 531 et 532 du Code de procédure civile est
différente 2247 : le changement dans la situation de la personne se produit après la notification qui lui a
été valablement faite du jugement et avant que cette personne n'ait encore formé son recours. Le
changement dans la situation survient au pire moment : il faut, dans le bref délai qui est en train de
courir, décider d'exercer ou de ne pas exercer un recours. Or le changement intervenu dans la
situation de la partie fait que l'examen du procès doit être repris, puisque c'est une autre personne qui
désormais doit prendre la décision. L'article 531 du Code de procédure civile envisage la
modification de la capacité d'une partie. Par exemple, un mineur accède à la majorité, c'est à lui
maintenant de décider d'interjeter appel ou de se pourvoir en cassation. Ou encore, un majeur est
placé en tutelle, c'est désormais son tuteur qui doit décider d'exercer une voie de recours.
L'article 532 envisage le cas encore plus démonstratif où la partie décède pendant que court le délai
pour exercer la voie de recours.
Pour permettre à celui qui doit maintenant le faire (la partie devenue majeure, l'héritier etc.) de
pouvoir décider en pleine connaissance de cause, ces textes disposent d'abord que l'événement qui
entraîne la modification dans la situation de la partie interrompt de plein droit le délai, de façon à ce
qu'il dispose d'un nouveau délai plein. En outre, ce nouveau délai ne commence à courir qu'à compter
d'une nouvelle notification adressée à celui qui doit prendre la décision, par exemple à l'ancien
mineur. En cas de décès, ces règles font l'objet d'un léger aménagement. D'abord, pour ce qui est de
la notification, l'adversaire du défunt peut ne pas savoir qui sont ses héritiers ni où ils demeurent.
L'article 532 lui permet de procéder à la seconde notification au domicile du défunt « aux héritiers et
représentants, collectivement et sans désignation de noms et qualités ». Ensuite, si la seconde
notification a lieu avant l'expiration « des délais pour faire inventaire et délibérer » (aujourd'hui le
délai d'option de l'article 771 du Code civil) 2248, ce n'est qu'à compter de cette expiration que
commence à courir le nouveau délai pour exercer la voie de recours.

B. LA PARTIE QUI NOTIFIE LE JUGEMENT


716 Aménagement des règles en faveur de l'autre partie. – Le Code de procédure civile
considère que, si un plaideur notifie le jugement, c'est qu'il entend faire courir le délai contre l'autre
partie pour rendre le jugement irrévocable, donc qu'il n'a pas l'intention d'exercer lui-même un
recours contre ce jugement 2249. S'il avait eu cette intention, il aurait directement exercé le recours
sans faire préalablement notifier le jugement. La question est alors de savoir comment lui sera notifié
le recours qu'exerce l'autre partie. Les articles 533 et 535 du Code de procédure civile contiennent
deux dispositions destinées à faciliter cette notification, dont l'importance pratique est déterminante
chaque fois que c'est par un acte notifié à l'adversaire que le recours est formé 2250. D'abord, aux
termes de l'article 535 du Code de procédure civile, « la partie à laquelle est notifié un recours est
réputée, pour cette notification, demeurer à l'adresse qu'elle a indiquée dans la notification du
jugement ». D'autre part, l'article 533 du même code dispose que « si la partie qui a notifié le
jugement est décédée, le recours peut être notifié au domicile du défunt, à ses héritiers et
représentants, collectivement et sans désignation de noms et qualités ». Cette dérogation à la règle
selon laquelle « Nul en France ne plaide par procureur 2251 » est strictement limitée à l'acte initial de
l'instance de recours. Par la suite, ajoute l'alinéa 2 de cet article, un jugement « ne peut être requis
contre les héritiers et représentants que si chacun a été cité à comparaître ».
Ces dispositions communes ayant été indiquées, il est possible d'aborder l'étude des principales
voies de recours en distinguant d'une part les voies de recours normales (titre 1) et les voies de
recours particulières (titre 2).
TITRE 1
LES VOIES DE RECOURS NORMALES

717 Appel et pourvoi en cassation. – On a déjà indiqué les raisons pour lesquelles, en dépit
du classement opéré par le Code de procédure civile, il convenait de regrouper l'appel et le pourvoi
en cassation sous la qualification de voies de recours normales. Elles présentent en effet ce trait
commun d'être la voie de recours a priori ouverte contre un jugement qui vient d'être rendu : l'appel
contre un jugement rendu en premier ressort, le pourvoi en cassation contre un jugement rendu en
dernier ressort. Elles présentent ce second trait commun d'être des voies de recours hiérarchiques.
Enfin, le pourvoi en cassation se présente comme la suite logique de l'appel. Leur qualification
identique ne reste pas sans conséquences pratiques, notamment pour ce qui est des conditions
d'ouverture des deux voies de recours. En revanche, les deux voies de recours se distinguent
nettement pour ce qui est de leurs effets, en raison de la dévolution restreinte qui marque le pourvoi
en cassation. Pour cette raison, il est plus simple de séparer leur étude et d'aborder dans un premier
temps l'appel (sous-titre 1) ; le pourvoi en cassation sera étudié dans un second temps (sous-titre 2).
Les règles communes seront étudiées avec l'appel, et il y sera renvoyé lors de l'étude du pourvoi en
cassation.
SOUS-TITRE 1
L'APPEL

718 Double degré de juridiction et voie de recours. – L'appel constitue la première et, d'un
point de vue pratique, la plus importante des voies de recours. Ainsi qu'on l'a justement écrit 2252,
l'appel est « la voie de recours ordinaire (...) au sens ordinaire du mot ». Ce caractère tient à ce que
l'appel permet d'assurer le double degré de juridiction : en principe, tout plaideur a droit à ce que son
procès fasse l'objet d'un second examen complet, devant des juges supérieurs à ceux qui ont statué
dans un premier temps. Il en résulte que l'appel est très largement ouvert et qu'il opère une très large
dévolution. Aussi le plaideur peut-il avoir l'impression que le procès recommence devant la cour
d'appel, comme si rien ne s'était passé devant le juge du premier degré, ou plutôt comme si l'acte
d'appel avait effacé la première instance. Ce serait oublier que, par définition, l'appel est une voie de
recours, par laquelle le plaideur attaque le jugement rendu en première instance : comme toute voie
de recours, il s'ordonne à partir du jugement qui en fait l'objet.
Il n'est pas toujours aisé de concilier ces deux aspects, parce qu'ils n'orientent pas l'appel dans la
même direction. Le double degré de juridiction permet au plaideur de soumettre au juge d'appel
l'intégralité du litige soumis au premier juge, alors que la voie de recours incite à une décantation du
procès. De même, le double degré de juridiction tend à minimiser l'importance du jugement rendu,
alors pourtant que la voie de recours est un remède contre l'erreur dont le juge du premier degré a pu
entacher sa décision, et que l'erreur du juge ne constitue pas le cas général. Pour comprendre les
règles qui régissent l'appel, il faut constamment garder présentes à l'esprit ces deux « forces » qui
s'opposent souvent et auxquelles le législateur doit accorder la part qui leur revient. Ce n'est pas
seulement la voie de recours qui se trouve ainsi modelée (chapitre I). La voie de recours de l'appel
donne naissance à une instance, dont la procédure présente elle aussi, pour la même raison, une
certaine originalité (chapitre II).
CHAPITRE I
LA VOIE DE RECOURS DE L'APPEL

719 Plan. – Parce qu'elle est la première et la plus importante des voies de recours, l'appel est
celle qui est la plus largement ouverte (section I) et qui entraîne les effets les plus importants
(section II).

SECTION I
L'OUVERTURE DE L'APPEL

720 Principe de l'ouverture de l'appel. – Ce sont normalement les parties qui peuvent
interjeter appel. Un tiers au procès qui s'est déroulé en première instance ne peut pas, en principe, le
faire 2253. S'il peut former une voie de recours, c'est la tierce opposition 2254. Pour les parties à la
première instance, en revanche, l'appel a un caractère général que manifeste l'article 543 du Code de
procédure civile : « la voie de l'appel est ouverte en toutes matières, même gracieuses, contre les
jugements de première instance s'il n'en est autrement disposé ». Ainsi que cela a déjà été indiqué, le
Code de procédure civile utilise le mot jugement dans des sens différents ; en particulier, le même
instrumentum peut contenir plusieurs décisions, ce qui signifie que le juge rend autant de jugements
(au sens de negotium) qu'il existe de demandes différentes qui lui ont été soumises. C'est dans ce
sens de décision sur un chef de demande qu'il faut comprendre le mot jugement : l'ouverture de
l'appel se détermine en principe demande par demande.
Puisqu'il est normalement possible d'interjeter appel des jugements rendus par un juge du premier
degré, ce sont les exceptions qui restent seules à étudier. Elles sont de deux sortes : tantôt, le
législateur dispose que le jugement est insusceptible de tout appel, par dérogation au principe du
double degré de juridiction (§ 1) ; tantôt, en cas de pluralité de jugements rendus au cours d'une même
instance, il rend certains d'entre eux insusceptibles d'un appel immédiat, opérant une concentration de
l'appel sur les jugements les plus importants (§ 2). Ces exceptions connaissent elles-mêmes une
exception, lorsque le juge entache sa décision d'un excès de pouvoir : l'appel est de nouveau ouvert
en dépit des restrictions posées par le législateur. À la suite d'un auteur, on peut dire qu'il est
« restauré 2255 » (§ 3).

§ 1. LA SUPPRESSION DE L'APPEL

721 Division. – Les dérogations définitives à l'application du principe du double degré de


juridiction intéressent d'abord les petites affaires, la discrimination s'opérant selon le montant de la
demande (A). En dehors de ce bloc, il existe encore de nombreuses exceptions ponctuelles que l'on
ne peut guère systématiser (B).

A. LES EXCEPTIONS LIÉES AU MONTANT DE LA DEMANDE

722 Taux du ressort. – C'est une considération purement pratique qui explique l'exclusion de
l'appel pour les petites affaires : l'instance d'appel occasionnerait des frais supérieurs à l'enjeu du
litige. La somme au-delà de laquelle une affaire cesse d'être une petite affaire, en raison du montant
de sa demande, est appelée le taux du ressort. Par une curieuse aberration, le taux du ressort des
juridictions judiciaires non répressives n'est pas déterminé par un texte unique. Pour le tribunal de
grande instance, il s'agit de l'article R. 211-3 du Code de l'organisation judiciaire ; pour le tribunal
d'instance et la juridiction de proximité 2256, des articles R. 221-4, R. 231-3 et R. 231-4 du Code de
l'organisation judiciaire ; pour le tribunal paritaire des baux ruraux, de l'article R. 491-1 du Code
rural et de la pêche maritime ; pour le conseil de prud'hommes, de l'article D. 1462-3 du Code du
travail. Pour le tribunal de commerce, le taux du ressort, qui avait malencontreusement disparu à
l'occasion de l'instauration d'un nouveau Code de commerce, en l'an 2000, est actuellement fixé par
l'article R. 721-6 du Code de commerce.
Concrètement, la différence de textes n'entraîne plus aujourd'hui aucune conséquence pratique,
parce que tous retiennent la même somme de 4 000 euros. Mais il faut savoir que jusqu'au début des
années 2000, ce n'était pas le cas. Et pour le conseil de prud'hommes, le montant du taux du ressort
était même fixé annuellement par décret de façon indépendante par rapport aux autres juridictions 2257.
Profitons de cette belle unité ; elle pourrait ne pas durer éternellement, compte tenu de la propension
des pouvoirs publics à modifier le droit par petites touches sans se soucier de sa cohérence générale.

723 Textes déterminant le montant de la demande. – La détermination du montant de la


demande est régie par les articles 34 à 41 du Code de procédure civile et, pour les juridictions
prud'homales, par les articles R. 1462-1 et R. 1462-2 du Code du travail. À la première lecture, les
articles 34 à 41 du Code de procédure civile forment un ensemble qui paraît touffu. Il est possible de
les rendre plus clairs à condition de les ordonner. Pour cela, une distinction doit être opérée selon
que toutes les demandes émanent exclusivement du ou des demandeurs initiaux 2258 (1) ou que
certaines demandes émanent d'autres parties (2).
Il est aussi à noter que les règles des articles 34 à 41 du Code de procédure civile ne régissent
pas seulement la recevabilité de l'appel, mais également la répartition de compétence entre le
tribunal de grande instance et le tribunal d'instance en matière personnelle et mobilière 2259.

1. Les demandes n'émanent que du ou des demandeurs initiaux

724 Plan. – De nouveau une distinction doit être opérée, selon qu'il existe un seul demandeur et
un seul défendeur (a) ou qu'il existe plusieurs demandeurs ou plusieurs défendeurs (b).
a) Il existe un seul demandeur et un seul défendeur

725 Distinctions opérées par les textes. – Aucune difficulté ne se présente lorsque le
demandeur forme une seule demande d'un montant déterminé. La seule précision qu'il faut apporter
tient à la détermination du moment auquel il convient d'apprécier le montant de la demande 2260. Deux
changements peuvent en effet se produire en cours d'instance. Il se peut d'abord que le demandeur
modifie volontairement le montant de ses prétentions. Dans ce premier cas, la Cour de cassation
décide logiquement qu'il faut tenir compte des dernières conclusions du demandeur 2261. En revanche,
pour ce qui est des intérêts moratoires, le montant de la demande est déterminé au jour où elle est
formée. Autrement dit, on ne tient pas compte des intérêts qui peuvent courir à compter de la
demande 2262. De même ne sont pas pris en compte les frais et dépens et les sommes qui peuvent être
sollicitées au titre de l'article 700 du Code de procédure civile 2263.
Mais il arrive fréquemment que le demandeur forme plusieurs demandes, qui peuvent être toutes
contenues dans l'acte introductif d'instance, formant autant de demandes initiales, ou qui peuvent, à
l'opposé, être présentées ultérieurement, formant alors des demandes incidentes. Pour calculer le
montant de ces demandes, trois méthodes peuvent être envisagées. On peut d'abord prendre en compte
chaque demande isolément. Il en résulte que, sur l'une des demandes, le jugement sera susceptible
d'appel alors que, sur telle autre, il ne le sera pas 2264. En deuxième lieu, les demandes peuvent être
additionnées entre elles, ce qui fait que le jugement sera susceptible d'appel, quel que soit le montant
de chacune d'elles, si leur total dépasse le taux du ressort. Enfin, les demandes peuvent être jointes
entre elles sans être additionnées, ce qui signifie que toutes les demandes feront l'objet d'un jugement
susceptible d'appel dès lors que l'une d'elles excède le taux du ressort 2265. Cette dernière modalité
était, jusqu'en 2006, celle retenue en matière prud'homale par ce qui était alors l'article R. 517-4 du
Code du travail. Ceci conduisait à un résultat malencontreux : compte tenu de la modicité générale
des chefs de demande en la matière, un grand nombre de jugements étaient rendus en dernier ressort,
ce qui contribuait à une banalisation du pourvoi en cassation et à un engorgement de la chambre
sociale de la Cour de cassation. Le décret n 2005-1678 du 28 décembre 2005 a opportunément
o

modifié cette règle, si bien qu'aujourd'hui l'article R. 1462-1 du Code du travail retient la méthode
consistant à additionner les diverses prétentions d'une partie pour déterminer si le taux d'appel est, ou
non, dépassé.
C'est précisément cette méthode de l'addition que retient l'article 35, alinéa 2, du Code de
procédure civile. Ce texte dispose que, si toutes les demandes sont fondées sur les mêmes faits (par
exemple, divers dommages résultant d'une seule et même faute) ou sont connexes 2266, les demandes
doivent être additionnées entre elles. À l'opposé, si ces demandes ne sont ni fondées sur les mêmes
faits, ni connexes, l'alinéa 1 de l'article 35 dispose que chaque demande doit être traitée
er

isolément 2267.

726 Demande indéterminée. – La demande peut aussi être indéterminée. Il en est ainsi d'abord
lorsque, par sa nature, elle n'est pas susceptible de correspondre à une somme d'un montant monétaire
déterminé : que vaut un divorce ou une filiation ? Il en va de même lorsqu'une demande tend à
l'annulation ou la résolution d'un acte juridique. Certes, l'objet de cet acte peut avoir une valeur
parfaitement déterminée : l'acte peut être, par exemple, une vente dont le prix est connu. Mais, en soi,
l'annulation ou la résolution de ce contrat n'a pas de valeur monétaire. Et si, comme c'est
fréquemment le cas, à cette demande s'en ajoute une autre tendant au remboursement du prix payé ou à
la restitution de la chose vendue, il faut bien voir que l'on est en présence d'une autre demande,
connexe mais distincte de la première. On doit donc considérer que la demande d'annulation ou de
résolution du contrat est, en elle-même, indéterminée 2268. Allant jusqu’au bout de cette logique, la
Cour de cassation considère aussi généralement que toute demande tendant à la condamnation du
défendeur à l'exécution d'une obligation de faire constitue en elle-même une demande
indéterminée 2269. Une demande est encore indéterminée lorsque le demandeur ne dispose pas des
éléments nécessaires pour chiffrer sa prétention : par exemple, le demandeur sollicite la réparation
de son préjudice, dont l'importance ne pourra être évaluée qu'après une expertise. En pratique, il est
facile de faire qu'une demande soit indéterminée. Il suffit de ne pas la chiffrer, en prétendant que l'on
ne dispose pas, en l'état, de tous les éléments nécessaires à son évaluation 2270.
Lorsqu'une demande est indéterminée, elle est tenue par principe pour supérieure au taux du
ressort et, en matière de compétence, pour supérieure au taux de compétence 2271. Le jugement rendu
sur une demande indéterminée est donc susceptible d'appel, ainsi que le prévoit l'article 40 du Code
de procédure civile 2272. Cette disposition s'applique pour toutes les questions d'évaluation de la
demande. Par conséquent, chaque fois qu'il sera fait mention d'une demande supérieure au taux du
ressort, il faut entendre aussi bien une demande déterminée dont le montant dépasse effectivement le
taux du ressort qu'une demande indéterminée. On constate ainsi qu'en raison de l'assimilation des
demandes indéterminées aux demandes d'un montant supérieur au taux du ressort, il existe deux
procédés pour rendre le jugement susceptible d'appel. On peut ne pas chiffrer la demande, on peut
aussi l'évaluer à un montant excessif : rien n'interdit de demander 20 000 euros de dommages-intérêts
pour une égratignure au doigt. Il n'est pas certain que la somme sera obtenue, mais on se réserve ainsi
la possibilité de bénéficier du double degré de juridiction.
b) Il existe plusieurs demandeurs ou plusieurs défendeurs

727 Exigence d'un titre commun. – L'article 36 du Code de procédure civile régit l'hypothèse
dans laquelle toutes les demandes émanent du ou des demandeurs initiaux 2273 et sont formées contre
un ou plusieurs défendeurs 2274. Aux termes de ce texte, « lorsque des prétentions sont émises, dans
une même instance et en vertu d'un titre commun (...), la compétence et le taux du ressort sont
déterminés pour l'ensemble des prétentions, par la plus élevée d'entre elles ». En d'autres termes,
l'article 36 commande de suivre la troisième modalité : les demandes sont jointes sans être
additionnées. La Cour de cassation retient une interprétation littérale du « titre commun ».
Positivement, le seul cas dans lequel elle ait accepté de faire jouer la disposition de l'article 36 est
celui d'une action en nullité de l'hypothèque qui garantissait, en vertu d'un acte unique, le paiement de
divers prêts, dont certains seulement étaient d'un montant dépassant le taux du ressort 2275.
Inversement, elle décide qu'il n'existe pas de titre commun lorsque plusieurs victimes agissant
ensemble contre l'auteur ou les auteurs communs de leurs préjudices 2276. C'est dire que ce texte ne
trouve à s'appliquer que dans de très rares hypothèses.
Si les demandes ne reposent pas sur un titre commun, on en revient à la règle de principe, et le
sort de chacune des demandes initiales est apprécié de façon distincte 2277 : pour l'une, l'appel sera
ouvert alors qu'il ne le sera pas pour l'autre.

2. Les demandes n'émanent pas toutes du ou des demandeurs originaires

728 Distinctions. – Aux demandes formées par le ou les demandeurs originaires, s'ajoutent une
ou plusieurs demandes formées par d'autres parties : une demande reconventionnelle, une demande
formée par un intervenant volontaire ou encore une demande formée par le défendeur contre un
intervenant forcé. Il résulte d'abord des articles 38 et 39 du Code de procédure civile que la demande
reconventionnelle en dommages-intérêts qui est exclusivement fondée sur la demande initiale
n'exerce aucune influence sur la recevabilité de l'appel et sur la compétence. Ce texte vise la
demande reconventionnelle en dommages-intérêts pour procédure abusive. La solution inverse
permettrait trop facilement au défendeur de jouer sur le taux du ressort ou de compétence 2278. Pour
les autres demandes, il faut distinguer entre le taux du ressort et le taux de compétence.
Pour ce qui est de la recevabilité de l'appel, d'abord, l'article 39 du Code de procédure civile
retient la troisième modalité. Les demandes sont jointes sans être additionnées, si bien que le
jugement sera susceptible d'appel dès lors que l'une des demandes est supérieure au taux du ressort.
Le pouvoir d'attraction qu'exerce la plus forte demande sur les moins fortes est facile à expliquer. Les
demandes incidentes ne sont recevables que si elles sont connexes ; le lien qui les unit justifie
qu'elles soient passibles des mêmes voies de recours.
Pour ce qui est de la compétence, les règles sont légèrement différentes. Le principe est toujours
que les demandes sont jointes sans être additionnées. Par conséquent, si aucune des demandes
n'excède le taux de compétence, le tribunal d'instance peut toutes les examiner 2279. En revanche, si
l'une d'elles dépasse le taux de la compétence, l'article 38 du Code de procédure civile dispose que
le tribunal doit choisir entre deux solutions : il peut dissocier la demande qui échappe à sa
compétence et ne statuer que sur la ou les demandes qui entrent dans sa compétence, ou bien il peut se
déclarer incompétent pour le tout et renvoyer les parties devant le tribunal de grande instance qui est
compétent pour connaître de la demande qui excède sa compétence.

B. LES AUTRES EXCEPTIONS

729 Caractère ponctuel des autres exceptions. – Les autres exceptions au double degré de
juridiction ne se prêtent pas à une systématisation 2280. Il s'agit de dispositions ponctuelles qui
répondent à des considérations d'opportunité. Par exemple, le législateur peut souhaiter abréger la
durée des procédures. C'est sans doute la raison qui explique que le tribunal d'instance statue en
dernier ressort sur les demandes afférentes au contentieux électoral qui relève de sa compétence 2281.
Le législateur peut aussi, par une disposition spéciale, déroger aux règles sur les demandes
indéterminées lorsque la demande est en fait de faible importance : c'est ainsi que le conseil de
prud'hommes statue en dernier ressort sur les demandes qui tendent à la remise de certificats de
travail, de bulletins de paie ou de toute pièce que l'employeur est tenu de délivrer 2282.

§ 2. LA CONCENTRATION DE L'APPEL

730 Données du problème. – L'instance peut se dénouer par un seul jugement dans lequel le
juge va « vider » la totalité de la matière litigieuse, en statuant sur tous les incidents et sur le
principal. Mais, inversement, le juge peut décider de procéder par étapes, ce qui le conduit à rendre
plusieurs jugements au cours de l'instance. Par exemple, dans les affaires d'accident, il arrive très
fréquemment que, dans un premier jugement, le tribunal statue sur la responsabilité du défendeur et
nomme un expert pour l'éclairer sur l'importance du préjudice subi par la victime, le montant de la
condamnation n'étant fixé que par un second jugement. Dans une affaire plus complexe, on peut
imaginer qu'un tribunal rende cinq ou six jugements, certains d'entre eux pouvant ne trancher qu'un
incident de procédure.
Peut-on interjeter appel contre ces jugements ? La question doit être précisée. Il ne s'agit pas tant
de savoir si un appel peut être formé que de savoir quand il peut l'être. En effet, si la demande est
d'un montant supérieur au taux du ressort ou si elle constitue une demande indéterminée, toutes les
décisions rendues à propos de cette demande doivent en principe pouvoir être frappées d'appel.
Reste à déterminer à quel moment la voie de recours pourra être exercée. Deux solutions peuvent être
envisagées. On peut décider que chacun des jugements sera susceptible d'un appel immédiat. À
l'appui de cette solution, on fera valoir qu'elle évite de laisser une instance se poursuivre, sur le
fondement de décisions antérieures infondées. À quoi sert-il de nommer un expert chargé d'examiner
la victime d'un accident si le défendeur n'est pas responsable du préjudice subi par la victime ? On
peut aussi envisager une seconde solution selon laquelle ce n'est qu'à la fin de l'instance que l'appel
pourra être interjeté pour toutes les décisions antérieures. La concentration des recours présente
l'avantage d'éviter de hacher le procès par l'exercice de voies de recours dont on peut penser qu'elles
seraient parfois exercées dans une intention purement dilatoire.

731 Solution de principe. – Les rédacteurs du Code de procédure civile ont adopté une
solution de compromis. L'article 544 détermine les jugements qui « peuvent être immédiatement
frappés d'appel » : ce sont les jugements qui tranchent au moins une partie du principal (A), ainsi que
ceux qui, statuant sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident,
mettent fin à l'instance (B). Ensuite, l'article 545 dispose que « les autres jugements ne peuvent être
frappés d'appel indépendamment des jugements sur le fond que dans les cas spécifiés par la loi ».
Le texte de ces articles appelle quelques remarques. En premier lieu, en disant que certains
jugements « peuvent » faire l'objet d'un appel immédiat, l'article 544 suscite une ambiguïté. Le texte
rappelle que le choix d'interjeter ou de ne pas interjeter appel appartient à la partie qui est libre de
l'exercer dans un sens ou dans l'autre, mais il ne signifie nullement que la partie qui entend exercer la
voie de recours ait le choix entre interjeter immédiatement appel du jugement qui vient d'être rendu et
ne le faire qu'à la fin de l'instance en même temps que du jugement qui en marque le terme. L'intéressé
n'a pas d'option : la voie de recours ne peut être formée qu'au moment indiqué par la loi 2283.
Les autres remarques portent sur l'article 545 du Code de procédure civile. D'abord, ce texte
réserve les cas spécifiés par la loi. C'est ainsi, par exemple qu'il a déjà été indiqué que certaines
ordonnances du juge de la mise en état peuvent faire l'objet d'un appel immédiat, bien qu'elles ne
répondent pas aux conditions posées par l'article 544 2284.
Par ailleurs, l'article 545, en ce qu'il se réfère au jugement « sur le fond » ne doit pas être pris au
pied de la lettre : il signifie simplement que le jugement qui ne tranche pas une partie du principal ni
ne met fin à l'instance ne peut faire l'objet d'un appel qu'en même temps que le premier jugement
ultérieur susceptible d'appel immédiat 2285. Bien sûr, cette seconde décision est généralement un
jugement sur le fond, mais il peut s'agir également d'un jugement mettant fin à l'instance sans statuer
au fond 2286.
De plus, si l'auteur de l'appel contre la décision avant dire droit est généralement celui qui attaque
la décision rendue « sur le fond », ce n'est pas toujours le cas. La Cour de cassation a ainsi jugé
qu'une partie à une instance était recevable à former un appel dirigé exclusivement contre un jugement
avant dire droit, dès lors qu'une autre partie avait fait appel du jugement rendu sur le fond dans la
même instance 2287. Ce que recherche la loi, c'est une concentration des appels. Son objectif est atteint
lorsque les deux appels sont jugés ensemble.
Enfin, une dernière précision s'impose quant à l'exigence de concomitance formulée par
l'article 545 du Code de procédure civile. L'appel du jugement insusceptible d'un recours autonome
doit être formé en même temps que l'appel de la décision ultérieure, avec lequel il se trouve
concentré. Mais la question se pose de savoir avec quel degré de rigueur il faut entendre cette
exigence. Il a été proposé, naguère, par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation que les
deux appels soient formés dans un même acte, ce qui était la solution la plus simple, mais la plus
rigoureuse 2288. La troisième chambre civile, à propos d'une règle similaire relative au pourvoi en
cassation 2289, faisait preuve de plus de souplesse en acceptant que le pourvoi contre la première
décision soit formé dans un acte différent, pourvu qu'il le soit le même jour que le pourvoi contre la
seconde décision 2290. Finalement, la deuxième chambre civile a abandonné une sévérité dont on
comprenait mal les raisons, pour se rallier à la position de la troisième chambre 2291.

A. LES JUGEMENTS TRANCHANT UNE PARTIE DU PRINCIPAL

732 Notion de principal. – Les jugements qui tranchent au moins une partie du principal sont
susceptibles d'un appel immédiat parce qu'ils sont considérés comme les plus importants. En parlant
de principal, l'article 544 du Code de procédure civile renvoie à l'article 4 : un jugement qui tranche
une partie du principal est un jugement qui statue sur les mérites d'une prétention du demandeur ou
d'une défense au fond opposée à cette prétention par son adversaire. Du fait qu'il statue presque
toujours sur le fond du droit, on parle aussi de jugement sur le fond. Cette assimilation peut cependant
se révéler inexacte, notamment à propos des mesures d'instruction ordonnées en référé. En effet, une
mesure d'instruction peut être ordonnée par le juge des référés à propos d'une demande dont l'objet
est différent (par exemple, le demandeur sollicite une provision). Dans ce premier cas, l'ordonnance
qui ordonne la mesure d'instruction ne tranche aucune partie du principal et n'est pas susceptible d'un
appel immédiat 2292. En revanche, lorsqu'en application de l'article 145 du Code de procédure civile,
la mesure d'instruction constitue l'objet unique de sa demande, la décision qui l'ordonne doit être
considérée comme ayant statué sur le principal, ce qui la rend susceptible d'un appel immédiat 2293.

733 Jugements mixtes. – Parmi les jugements qui statuent sur une partie du principal, on
distingue plus spécialement les jugements mixtes qui ne tranchent pas seulement une partie du
principal, mais qui ordonnent aussi une mesure d'instruction ou une mesure provisoire, ce qui les rend
partiellement avant dire droit 2294. Pour l'appel, ils présentent cette particularité de pouvoir faire
l'objet d'un appel immédiat non seulement sur la partie du principal qu'ils tranchent (sur ce point, il
ne s'agit que de la solution normale), mais encore sur la mesure d'instruction ou sur la mesure
provisoire.
La notion de jugement mixte appelle deux précisions. D'une part, comme en matière d'autorité de
la chose jugée, l'article 544 ne prend en compte que ce qui est tranché dans le dispositif, condamnant
ainsi la pratique des motifs décisoires 2295. Lorsque le dispositif ne contient qu'une mesure
d'instruction, le jugement ne constitue pas un jugement mixte, quelles que soient les raisons touchant
au fond de l'affaire, et énoncées dans les motifs, pour lesquelles le juge a ordonné la mesure. La Cour
de cassation a de nouveau choisi un critère purement formel, qui seul garantit la sécurité des
justiciables 2296 et, même s'il est certain que l'on ne peut comprendre la mesure d'instruction que par
référence aux motifs, elle décide que le jugement est purement avant dire droit et, par voie de
conséquence, que l'appel immédiat formé contre lui doit être déclaré irrecevable en application de
l'article 125 du Code de procédure civile 2297. Si l'on peut trouver justifiée cette jurisprudence, il faut
cependant noter certains excès dans son application. Ainsi, il ne nous semble pas raisonnable de
considérer que ne tranche pas une partie du principal le jugement qui, parallèlement à une mesure
d'instruction, ordonne dans son dispositif le versement d'une provision (au sens d'avance) à valoir sur
des dommages et intérêts 2298. En effet, cette décision reconnaît le principe d'une responsabilité en
ordonnant le paiement de la provision. Elle tranche donc bien une partie du principal et constitue un
jugement mixte.
D'autre part, un jugement qui statue sur une partie du principal et ordonne une mesure d'instruction
n'est pas toujours un jugement mixte. Il ne l'est que, si les deux chefs se rapportent à la même
demande. Dans le cas inverse, on doit considérer que, pour l'exercice des voies de recours, il existe
deux jugements, l'un qui tranche tout ou partie du principal se rapportant à la première demande et
l'autre qui est purement avant dire droit sur la seconde demande 2299.

B. LES JUGEMENTS QUI METTENT FIN À L'INSTANCE

734 Nécessité d'un appel immédiat. – Sous réserve de la détermination des limites de
l'instance 2300, la seconde sorte de jugement susceptible d'un appel immédiat ne suscite guère de
difficultés. Le jugement entraîne ou constate l'extinction de l'instance en raison d'un incident qui y met
prématurément fin. Par exemple, le juge déclare la demande irrecevable ou prononce la nullité de
l'acte introductif d'instance. L'extinction de l'instance peut également résulter d'incidents survenus au
cours de celle-ci : le défaut de placement de l'assignation entraîne sa caducité, ou encore le juge
constate à la demande d'une partie la péremption de l'instance 2301. Dans toutes ces situations, la
possibilité accordée aux parties de pouvoir interjeter immédiatement appel résulte d'une nécessité
évidente : l'extinction prématurée de l'instance fait que le juge n'aura jamais à statuer sur le fond de
l'affaire. Ne pas permettre un appel immédiat reviendrait en réalité à interdire tout appel de ces
jugements.
Le jeu de cette règle fait que, selon la décision prise, un jugement qui statue sur une fin de non-
recevoir opposée à une demande est ou non susceptible d'appel immédiat 2302. S'il rejette la fin de
non-recevoir, l'instance se poursuit et un recours formé immédiatement est irrecevable alors que, si le
jugement l'accueille, il est susceptible d'un appel immédiat 2303.

§ 3. L'APPEL RESTAURÉ

735 Les recours restaurés. – De façon générale, la Cour de cassation veille scrupuleusement
au respect des dispositions qui limitent le droit de former appel. Cependant, elle déroge parfois aux
règles qui viennent d'être énoncées tant pour l'interdiction de tout appel que pour l'interdiction d'un
appel immédiat et, plus largement, pour l'exercice d'une voie de recours quelle qu'elle soit. Les
dérogations qu'elle admet reposent sur l'existence d'un excès de pouvoir, vice d'une telle gravité qu'il
apparaît nécessaire que les parties soient autorisées, en dépit de textes restrictifs, à exercer une voie
de recours normalement fermée, différée ou réservée à certaines personnes 2304. Cette jurisprudence
s'applique le plus souvent à propos de l'appel, mais on la rencontre aussi en matière de pourvoi en
cassation 2305 et il est possible de l'appliquer à d'autres voies de recours telles que l'opposition, la
tierce opposition ou le recours (appel ou recours en annulation) formé contre une sentence
arbitrale 2306.
Pour désigner les recours ouverts par dérogation jurisprudentielle, à l'encontre de décisions
entachées d'un excès de pouvoir, on peut parler de « recours restaurés » 2307. L'expression est
particulièrement bien choisie, car elle manifeste clairement que la Cour de cassation admet le
rétablissement d'une voie de recours, dans une situation où la loi a décidé qu'elle serait fermée. De
plus, cette expression est préférable à d'autres formules couramment utilisées en doctrine, qui
présentent l'inconvénient soit de prêter à confusion 2308, soit de ne pas faire ressortir la spécificité de
ce type de recours 2309.
Quelle que soit la voie de recours concernée, il faut avoir présent à l'esprit qu'un recours restauré
a toujours un caractère subsidiaire 2310. En d'autres termes, la restauration ne se conçoit que si, par
ailleurs, n'existe pas une autre voie ouverte à la personne qui entend l'exercer, au moment où elle
entend le faire. Par exemple, il va de soi que l'existence d'un excès de pouvoir entachant un jugement
rendu en premier et dernier ressort, n'entraîne pas restauration de l'appel, si la loi laisse au plaideur
mécontent la possibilité de former un pourvoi en cassation, ce qui est généralement le cas. De même,
lorsqu'une mesure est prise par ordonnance sur requête, il n'est pas possible d'interjeter appel de
cette décision, quand bien même elle serait entachée d'un excès de pouvoir 2311, car il existe déjà une
voie de recours prévue à l'article 496, alinéa 2, du Code de procédure civile et qui, elle, n'est pas
fermée par la loi 2312. Ce caractère subsidiaire des recours restaurés limite sensiblement les
possibilités de restauration de l'appel, puisque la fermeture de l'appel s'accompagne généralement de
l'ouverture du pourvoi en cassation. Mais divers cas d'appel restauré se rencontrent en droit des
procédures collectives où il n'est pas rare qu'une décision échappe à toute voie de recours de la part
de telle ou telle personne. On trouve aussi des arrêts admettant la restauration d'un appel, en droit
judiciaire privé commun, dans les hypothèses où l'appel est simplement retardé par la loi 2313. La
partie qui le souhaite peut ainsi, en dépit de la règle de l'article 545 du Code de procédure civile,
former un appel immédiat contre le jugement qui n'a ni tranché tout ou partie du principal, ni mis fin à
l'instance, si cette décision est affectée d'un excès de pouvoir 2314. De manière plus contestable sur le
plan théorique, il a aussi été jugé que c'était le déféré qui était ouvert en cas d'excès de pouvoir
commis par un conseiller de la mise en état et non le pourvoi en cassation 2315.
Dans les développements qui suivent, nous traiterons de l'appel restauré et plus précisément de
son ouverture (A) et de son régime (B). Mais chacun comprendra que, mutatis mutandis, ce qui vaut
pour l'appel vaut pour les autres recours restaurés et notamment pour le pourvoi en cassation.

A. LES CONDITIONS DE LA RESTAURATION DE L'APPEL

736 Une jurisprudence restrictive. – Pendant longtemps, la Cour de cassation a admis la


restauration de l'appel ou d'autres voies de recours que la loi avait fermées, temporairement ou de
manière permanente, à un plaideur, lorsqu'un vice grave entachait la décision du juge. Le concept de
vice grave recouvrait deux notions retenues par la Cour : tantôt, elle faisait état d'un « excès de
pouvoir », tantôt elle retenait la violation d'un « principe essentiel (ou fondamental) de procédure ».
La lecture des arrêts de la Cour de cassation, permettait de dire que les principes essentiels de
procédure étaient, apparemment, ceux dont le bénéfice constituait, pour les parties, un droit
fondamental. Ainsi, le principe de la contradiction entrait dans cette catégorie 2316 ; sa violation par le
juge permettait donc de restaurer un appel, ou plus largement une voie de recours, que la loi avait
fermée. Il en allait de même de l'obligation de motiver les décisions de justice 2317. Cependant, la
jurisprudence s'est clairement orientée, en 2005, vers une position très restrictive, puisqu'elle décide
désormais qu'il n'est dérogé « à toute (...) règle interdisant ou différant un recours, qu'en cas d'excès
de pouvoir 2318 », tout en précisant que la violation du principe de la contradiction ne constitue pas un
excès de pouvoir 2319, pas plus que la méconnaissance de l'objet du litige 2320, de l'obligation de
motiver les décisions de justice 2321, des règles relatives à la composition des juridictions 2322, de
l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ou du principe de
loyauté des débats 2323. Il n'est pas certain qu'il faille se réjouir de cette jurisprudence qui réduit les
possibilités de restauration des voies de recours aux seuls cas d'excès de pouvoir. Il n'est pas non
plus certain que la position adoptée par la Cour de cassation soit facile à tenir 2324.
737 La notion d'excès de pouvoir. – La notion d'excès de pouvoir n'est pas définie par la Cour
de cassation 2325. Et le moins que l'on puisse dire est qu'elle en fait un usage des plus empiriques, ce
qui ne facilite guère la systématisation. Cependant, si la Cour tend à traiter l'excès de pouvoir comme
une notion fonctionnelle, ce n'en est probablement pas une par nature. Une analyse rigoureuse de son
contenu permet de la définir avec une relative précision, même si cet exercice présente un intérêt plus
théorique que pratique. En effet, aucune analyse théorique ne permet de rendre compte parfaitement
d'une jurisprudence qui repose plus sur une approche intuitive de la notion que sur son appréhension
globale et abstraite. Malgré tout, la doctrine s'est efforcée d'élaborer une théorie de l'excès de
pouvoir et elle a fourni divers travaux de qualité en ce sens 2326.
L'analyse qui nous paraît la plus convaincante, même si elle est loin de pouvoir justifier toutes les
décisions de la Cour de cassation, est celle qu'a proposée M. Cagnoli 2327. Pour cet auteur, il y a
excès de pouvoir du juge lorsque celui-ci adopte un comportement ou prend une décision qu'aucun
juge ne pourrait adopter ou prendre dans une situation similaire. On pense, bien sûr, en premier lieu,
à un empiétement du juge sur les prérogatives du législateur ou de l'administration 2328. Par exemple,
commettrait un excès de pouvoir, le tribunal qui rendrait un arrêt de règlement, transgressant ainsi le
principe de séparation des pouvoirs. Commet également un excès de pouvoir le juge qui refuse de
statuer, car aucun juge n'a le pouvoir d'adopter un tel comportement constitutif d'un déni de
justice 2329. Ce type de comportement dépasse les pouvoirs d'un juge, quel qu'il soit. Mais la notion
d'excès de pouvoir va plus loin et concerne toutes les hypothèses dans lesquelles une juridiction rend
une décision qu'aucun autre juge n'aurait pu prendre dans une situation comparable. Ainsi, aucun juge
statuant en référé n'a le pouvoir d'accorder une provision en présence d'une contestation sérieuse.
Commet donc un excès de pouvoir le juge des référés qui prend une telle décision. Contrairement aux
apparences, il ne s'agit pas d'un problème de compétence, car les conflits de compétence opposent
des juges qui se trouvent dans des situations similaires les unes aux autres. Ainsi, lorsque le juge des
référés du tribunal de commerce rend, en référé, une décision en matière prud'homale, celle-ci est
entachée d'incompétence et non d'excès de pouvoir, car un autre juge avait le pouvoir de prendre cette
décision en référé : la juridiction des référés prud'homale.
Si l'excès de pouvoir se distingue de l'incompétence, il se détache également de la simple
violation de la loi. Il y a violation de la loi lorsque la décision n'est pas conforme à la règle de droit,
eu égard aux faits de la cause. Pour qu'il n'y ait pas violation de la loi, il faudrait que les faits soient
autres et coïncident avec les conditions de la règle dont l'effet correspond à ce qui a été décidé. En
revanche, si aucune règle ne permet ce que le juge a décidé, il n'y a pas simplement violation de la
loi : il y a excès de pouvoir, car, là encore, aucun juge n'aurait pu statuer en ce sens, fût-ce en
présence de faits différents. En somme, « pour distinguer la violation simple de la loi de l'excès de
pouvoir, on peut sans doute se poser la question suivante : un juge peut-il prononcer telle décision ?
Si l'on répond par l'affirmative, en précisant que certaines conditions doivent être réunies, seule une
violation de la loi pourra être caractérisée. Si l'on répond par la négative, en indiquant qu'en aucun
cas, un juge, quel qu'il soit, ne pourrait prendre une telle mesure, on caractérisera un excès de
pouvoir éventuel du juge 2330 ».
Reste que l'examen des arrêts de la Cour de cassation permet de constater que cette conception
rationnelle de l'excès de pouvoir n'est pas la sienne. Si l'excès de pouvoir n'est pas en soi, une notion
fonctionnelle, c'est pourtant l'usage qu'en fait la Cour : elle manie ce concept avec pragmatisme pour
restaurer des recours, lorsqu'il lui apparaît qu'une violation particulièrement grave de la loi a été
commise par les juges du fond 2331, y compris, parfois, dans des cas où il est objectivement difficile
de parler d'excès de pouvoir 2332. Au même titre que celle d'urgence, la notion d'excès de pouvoir
relève d'une appréciation qui est portée au cas par cas 2333.

B. LE RÉGIME DE L'APPEL RESTAURÉ

738 Application des règles normales. – En cas d'excès de pouvoir, l'originalité de la situation
tient à ce que la voie de recours est ouverte de façon dérogatoire et exceptionnelle. En revanche, les
données de la situation n'imposent pas que la voie de recours ainsi exercée présente, dans son
fonctionnement et dans ses effets, un visage différent de celui qu'elle présente en temps ordinaire : les
délais et les effets doivent être les mêmes, ainsi d'ailleurs que le déroulement de l'instance ou la
décision rendue par le juge supérieur. L'application des règles du droit commun soulève cependant
trois difficultés.
D'abord, il arrive que la procédure de la voie de recours soit soumise dans certaines matières à
des règles particulières, par exemple, que l'appel soit enfermé dans un délai plus bref. Ce sont ces
règles qu'il convient aussi d'appliquer à l'appel restauré, puisque, pour la matière considérée, ce sont
ces règles qui sont les règles ordinaires. Ainsi, dans les procédures collectives, l'appel doit être
formé dans le délai de dix jours 2334, même lorsqu'il est fondé sur un excès de pouvoir commis par le
juge du premier degré 2335.
La seconde difficulté est plus délicate, en ce qu'elle tient à la détermination même de la voie de
recours qu'il convient de restaurer pour faire sanctionner l'excès de pouvoir. L'excès de pouvoir peut
être commis par un juge du premier degré comme par un juge du second degré. L'application du droit
commun conduit à décider qu'en principe, le jugement rendu au premier degré donne lieu à un appel
et l'arrêt d'appel à un pourvoi en cassation. À suivre ce raisonnement, l'ordonnance d'un président de
tribunal de grande instance prorogeant un délai d'arbitrage, qui n'est normalement susceptible ni
d'appel, ni de pourvoi en cassation 2336, pourra être attaquée par la voie de l'appel, en cas d'excès de
pouvoir 2337. Cependant, la solution s'inverse, lorsque, dans une matière donnée, le législateur
supprime l'appel contre les jugements rendus au premier degré. L'exemple classique en la matière est
celui du jugement qui, dans l'ancienne procédure de saisie immobilière, statuait sur une demande de
remise de l'adjudication. L'article 703 de l'ancien Code de procédure civile 2338 disposait que le juge
pouvait fixer un nouveau jour pour l'adjudication, qui ne pouvait « être éloigné de plus de quatre
mois » de celui initialement retenu. En raison du caractère très limité de cette remise, le texte ajoutait
que le jugement n'était susceptible d'aucun recours. Mais, si le juge excédait la durée fixée à
l'article 703, ou plus largement s'il commettait un excès de pouvoir, la Cour de cassation décidait
qu'un pourvoi pouvait être formé 2339. Il s'agissait d'un pourvoi en cassation parce que les jugements
rendus en matière d'incident de saisie immobilière étaient, sauf cas particuliers prévus par la loi,
insusceptibles d'appel 2340.
Enfin, une troisième difficulté tient aux effets de l'appel restauré. Cet appel est-il doté de l'effet
dévolutif 2341 habituellement attaché à un appel ordinaire ? À cette question, la Cour de cassation
répond généralement par l'affirmative 2342. Sa position est, à notre avis, justifiée. L'appel restauré se
distingue par son ouverture, qui présente un caractère exceptionnel. Mais il n'existe pas de raison
majeure qui commanderait qu'il se distingue également par son contenu. C'est un appel au sens le plus
strict du terme, qui doit donc produire un effet dévolutif et conduire la cour d'appel à statuer au
principal, sans se borner à prononcer l'annulation du jugement entaché d'un excès de pouvoir. Certes,
on peut penser que si l'annulation de la décision entreprise repose sur l'excès de pouvoir qui
l'entache, la restauration de la voie de recours devrait être limitée au strict nécessaire, afin de ne pas
porter une atteinte excessive à la volonté exprimée par le législateur de fermer l'appel. Mais, d'un
autre côté, on relèvera que le législateur lui-même est nettement défavorable, par principe, à l'appel-
nullité entendu comme celui qui tendrait à la seule annulation d'un jugement (en dehors de l'appel
restauré). En effet, si le Code de procédure reconnaît la possibilité de demander en appel l'annulation
d'une décision de justice, plutôt que sa réformation, il dispose clairement que cet appel emporte
dévolution pour le tout, comme un appel ordinaire 2343. Reconnaître un effet dévolutif à un appel
restauré semble donc une solution conforme à l'esprit du Code de procédure civile 2344, ce qui
confirme que l'expression « appel-nullité » est mal choisie lorsqu'il s'agit de désigner un appel
restauré.

SECTION II
LES EFFETS DE L'APPEL

739 Effet suspensif. – La voie de recours de l'appel est dotée de deux effets : l'effet suspensif
et l'effet dévolutif. L'appel et l'opposition se voient reconnaître l'effet suspensif en tant que voies de
recours ordinaires. L'article 539 du Code de procédure civile dispose que cet effet est attaché non
seulement à la voie de recours elle-même, mais aussi au délai du recours. On considère souvent que
l'effet suspensif n'appelle guère d'explications, en dehors des exceptions qui lui sont apportées et qui
ont déjà été examinées au moment de l'étude du jugement 2345.

740 Effet dévolutif. – Le second effet de l'appel est l'effet dévolutif, qui constitue l'élément
essentiel de l'appel, voie de recours normale contre les décisions rendues par les juges du premier
degré. L'effet dévolutif présente deux aspects qui commandent l'ensemble de la matière. L'aspect
positif de l'effet dévolutif est sans doute le plus connu. C'est lui qui met en œuvre le principe du
double degré de juridiction. Les plaideurs peuvent demander à une juridiction hiérarchiquement
supérieure d'examiner une seconde fois le litige soumis aux juges du premier degré, dans sa totalité,
c'est-à-dire en fait et en droit 2346. L'aspect négatif de l'effet dévolutif limite l'examen mené par la cour
d'appel au litige tel qu'il a été soumis aux juges du premier degré. Ce second aspect s'explique par le
fait que l'appel est une voie de recours. L'appel tend à faire réformer un jugement rendu au premier
degré, dont il est soutenu qu'il a été mal rendu 2347, ce qui suppose en principe que la question ait été
soumise au juge du premier degré.
Aujourd'hui, cependant, l'appel n'est plus abordé seulement comme une voie de recours. On le
considère aussi comme une voie d'achèvement 2348. L'idée qui anime cette nouvelle conception de
l'appel est que le litige n'est pas figé par les positions initiales des parties. En cours d'instance au
premier degré, elles peuvent former des demandes incidentes. Pourquoi ne permettrait-on pas la
même évolution au cours de l'instance d'appel ? Si l'instance du premier degré n'a pas permis au
litige d'atteindre son plein développement, les parties pourraient le faire évoluer au cours de
l'instance de second degré et parvenir ainsi à son achèvement. Cette nouvelle conception de l'appel
présente l'avantage d'éviter de figer complètement le litige d'une façon qui serait inopportune dans
certains cas : doit-on empêcher un plaideur de soulever devant la cour un moyen de défense auquel il
n'avait pas encore songé ? De même, doit-on interdire à un plaideur de soumettre à la cour une
demande accessoire à sa demande principale, qu'il a omise de soumettre au juge du premier degré, et
ainsi l'obliger à entamer un nouveau procès ? En sens inverse, cette nouvelle conception aboutit à
déroger au principe du double degré de juridiction. La soumission à la cour d'appel de prétentions
nouvelles supprime le premier degré de juridiction.
Le Code de procédure civile a maintenu le principe que l'appel est une voie de recours. Le litige
soumis à la cour ne doit pas être différent de celui qui a été soumis au juge du premier degré. Mais le
principe a fait l'objet d'assouplissements assez importants : une certaine évolution du litige a été
admise. Les rédacteurs du Code de procédure civile ont recherché le point d'équilibre où les
avantages respectifs de chacune des deux conceptions l'emportent sur leurs inconvénients. Ainsi, si
l'appel demeure principalement une voie de recours (sous-section 1), il est aussi, dans une moindre
part, une voie d'achèvement (sous-section 2).

Sous-section 1
L'appel, voie de recours

741 Dévolution et évocation. – L'effet dévolutif au sens strict du terme signifie que sont
dévolues aux juges du second degré les demandes qui ont déjà fait l'objet d'une décision des juges du
premier degré (§ 1). Dans certaines circonstances, cependant, la cour d'appel peut attirer à elle
l'ensemble du litige soumis aux juges du premier degré, avant même qu'ils l'aient entièrement
examiné. On ne doit plus alors parler de la dévolution du litige, mais de l'évocation de l'affaire (§ 2).

§ 1. LA DÉVOLUTION DU LITIGE

742 Plan. – Pour examiner la question de la dévolution du litige opérée par l'appel, le plus
expédient est sans doute d'examiner dans un premier temps la dévolution opérée par l'appel principal
(A), ce qui permettra d'étudier les principales règles qui régissent la matière, avant d'aborder, dans
un second temps, les éléments de complication supplémentaires qu'apportent les appels incidents (B).

A. L'APPEL PRINCIPAL

743 Qualité et intérêt. – L'article 546 du Code de procédure civile pose en principe qu'en
matière contentieuse 2349, « le droit d'appel appartient à toute partie qui y a intérêt ». Ce texte énonce
deux règles distinctes. La première réserve en principe le droit d'appel à ceux qui ont été parties, au
sens propre du terme, en première instance. Ces personnes ont seules qualité pour interjeter appel ou
pour être intimées devant la cour 2350. Cette première règle signifie que la qualité ne s'apprécie pas de
la même façon en appel qu'en première instance. Il a déjà été indiqué qu'en première instance, la
qualité n'est que le reflet du droit substantiel : ont qualité pour agir ceux que la loi désigne comme
destinataires de la règle substantielle invoquée par le demandeur 2351. Il n'en va pas de même en
appel, parce que l'appel est une voie de recours contre ce qui a été décidé par le juge du premier
degré. La qualité pour agir en appel ne s'apprécie donc pas directement par rapport au droit
substantiel ; elle ne peut s'apprécier que par rapport au jugement attaqué. Il s'opère ainsi une
dissociation des deux qualités. Celui dont la prétention de droit substantiel a été déclarée irrecevable
en première instance a néanmoins qualité pour interjeter appel, quitte à ce que la cour décide à son
tour qu'il est irrecevable au fond du droit 2352.
La seconde condition posée par l'article 546 du Code de procédure civile pour agir en appel est
d'avoir intérêt. Comme la qualité, l'intérêt pour agir en appel s'apprécie par rapport au jugement qui a
été rendu en première instance 2353. Pour pouvoir interjeter appel, il faut ne pas avoir obtenu
satisfaction de la décision rendue par les premiers juges, ce que l'on exprime par la formule qu'en
appel, la succombance est la mesure de l'intérêt. C'est pourquoi une partie ne peut interjeter appel si
elle a obtenu satisfaction complète sur les prétentions soumises au juge du premier degré 2354. Seul le
ministère public partie principale doit pouvoir échapper à cette règle 2355. En revanche, une partie
peut interjeter appel si le juge n'a fait droit qu'à ses prétentions subsidiaires : le succès obtenu pour
ses prétentions subsidiaires suppose en effet que le juge ait rejeté les prétentions qu'elle lui avait
soumises en premier rang 2356.

744 Division. – Dans le schéma le plus simple, l'appel est interjeté par la partie qui a
entièrement perdu en première instance et qui va demander à la cour d'infirmer le jugement entrepris
en lui accordant le bénéfice des prétentions soumises au juge du premier degré. Dans ce cas, elle
forme un appel général. Cependant le plaideur qui forme appel peut vouloir limiter son appel.
L'étendue de la dévolution opérée par l'appel est donc le point principal, qui doit être examiné en
premier (1). Il faut aussi signaler quelques particularités quant aux parties à l'instance d'appel en cas
de solidarité ou d'indivisibilité (2).

1. L'étendue de la dévolution

745 Appel général et appel limité. – Il appartient en principe à l'appelant de déterminer


l'importance de l'appel qu'il entend former. Il peut reprendre ses prétentions de première instance en
totalité ou de façon seulement partielle. Par exemple, l'auteur d'un accident a soutenu devant les juges
du premier degré qu'il ne pouvait être tenu pour responsable du préjudice subi par le demandeur en
réparation. On peut imaginer qu'en appel, il renonce à contester le principe de son obligation et qu'il
limite sa critique du jugement entrepris à l'évaluation du dommage, qu'il estime excessive. De même,
un demandeur, qui a été entièrement débouté, peut ne reprendre en appel que celles de ses prétentions
qu'à la réflexion il estime fondées, abandonnant les autres. S'il avait formé ses demandes contre
plusieurs défendeurs, il peut aussi ne les reprendre que contre certains d'entre eux. Dans tous les cas,
l'étendue de l'appel détermine l'étendue de la dévolution, ainsi que l'énonce l'article 562, alinéa
premier, du Code de procédure civile : « l'appel ne défère à la cour que la connaissance des chefs de
jugement qu'il critique expressément ou implicitement (...) 2357 ». C'est la même règle qu'exprime
l'adage latin : tantum devolutum quantum appellatum. En l'absence d'indication dans l'acte d'appel,
à quoi s'étend la dévolution ? L'article 562 répond à cette question en posant que « la dévolution
s'opère pour le tout lorsque l'appel n'est pas limité à certains chefs ». Cela étant, il faut savoir que
l'effet dévolutif ne fait pas tout. La dévolution commande les limites de la saisine de la cour. Mais
dans le cadre de cette saisine, la cour ne peut infirmer ou réformer la décision entreprise qu'en
fonction des prétentions que lui présentent les parties. Si l'un des chefs du jugement n'est pas critiqué
dans des conclusions en appel 2358, la cour ne peut réformer sur ce point, car si elle le faisait, elle
violerait le principe dispositif en excédant les limites du litige qui sont fixées, devant elles, par les
parties. Cependant, elle doit quand même statuer sur ce chef, dès lors qu'il entre dans le cadre de sa
saisine. C'est dire, finalement, qu'elle doit confirmer le jugement sur ce point 2359. En d'autres termes,
il ne suffit pas de former un appel général ou, au contraire, de limiter l'appel à certains chefs du
dispositif du jugement attaqué, pour obtenir la réformation sur ces chefs. Il faut aussi soutenir cet
appel, c'est-à-dire critiquer, durant l'instance d'appel, ces chefs de décision et proposer des
prétentions contraires.
Il appartient à l'appelant qui entend limiter son appel de préciser quels sont les chefs du jugement
sur lesquels porte la voie de recours exercée. L'article 562 du Code de procédure civile pose
cependant quelques restrictions au pouvoir de l'appelant de limiter l'étendue de la dévolution. Les
deux premières relèvent du simple bon sens. D'abord, la dévolution s'étend non seulement aux chefs
de jugement critiqués par l'acte d'appel, mais encore à ceux qui en dépendent : par exemple, si
l'appelant ne critique que le chef du jugement qui l'a déclaré responsable de l'accident, la cour
d'appel ne peut réformer ce chef et laisser subsister la condamnation à verser une somme d'argent à la
victime. De même, si l'objet du litige est indivisible, la dévolution s'étend nécessairement à tous les
chefs du jugement unis entre eux par le lien d'indivisibilité.

746 Appel-nullité. – La troisième restriction posée par l'article 562, alinéa 2, du Code de
procédure civile est beaucoup plus importante, puisqu'elle intéresse l'appel-nullité. Jusqu'à présent,
nous avons raisonné sur l'hypothèse la plus fréquente, où l'appelant critique le contenu du jugement
rendu. Mais l'appelant peut aussi soutenir que le jugement a été élaboré ou confectionné de façon
irrégulière et que, pour ce motif, il doit être annulé. Pour obtenir ce résultat, le plaideur doit interjeter
appel en application de la règle posée par l'article 460 du Code de procédure civile, selon laquelle
« la nullité d'un jugement ne peut être demandée que par les voies de recours prévues par la loi ».
Quel est l'effet d'un tel appel ? À cette question, deux réponses totalement différentes peuvent être
apportées selon la façon dont on conçoit alors l'objet de la voie de recours. On peut d'abord poser en
principe que la voie de recours n'a pour objet que l'annulation de la décision attaquée. Quel que soit
alors le nom dont on le revêt, le recours n'est plus un véritable appel, puisqu'il n'est pas doté de
l'effet dévolutif : si la cour d'appel décide que le jugement a été irrégulièrement élaboré ou
confectionné, elle se borne à l'annuler sans examiner l'affaire au fond. L'inconvénient que présente un
tel recours réside dans l'allongement du procès qui en résulte, puisqu’à la suite de l'arrêt d'annulation,
une nouvelle instance devra être engagée par le demandeur devant le premier juge. À l'opposé, on
peut décider que la nullité du jugement n'empêche pas la dévolution de s'opérer : saisie du recours
formé contre le jugement irrégulier, la cour d'appel l'annule certes, mais elle conserve la
connaissance du litige et statue sur le fond de l'affaire. Ce recours peut être vraiment qualifié d'appel,
puisqu'en dépit de la nullité qui affecte le jugement rendu, la dévolution s'opère. Cette seconde
solution présente le mérite d'accélérer le déroulement du procès, mais, en contrepartie, elle peut
priver un plaideur du premier degré de juridiction chaque fois que l'irrégularité qui affecte
l'élaboration du jugement rendu au premier degré s'est traduite par sa non-comparution. De ces deux
solutions possibles, c'est la seconde qu'ont choisie les rédacteurs du Code de procédure civile :
l'article 562, alinéa 2, dudit Code dispose en effet que « la dévolution s'opère pour le tout lorsque
l'appel (...) tend à l'annulation du jugement ». La cour d'appel qui annule le jugement doit donc statuer
sur le fond, dans le respect du principe de la contradiction 2360. Elle doit cependant s'abstenir
d'énoncer qu'elle « confirme » ou « infirme » le jugement car, faisant d'un rigorisme surprenant, la
Cour de cassation décide que l'on ne peut confirmer ou infirmer un jugement déjà annulé 2361.
La solution retenue par l'article 562 du Code de procédure civile enlève toute spécificité à
l'appel-nullité, puisque la seule invocation d'une nullité affectant le jugement se trouve privée d'effet.
À supposer que l'appelant se contente de soutenir devant la cour que le jugement se trouve affecté
d'une cause de nullité, sans lui soumettre de moyen tendant à l'infirmation, la cour d'appel ne peut que
confirmer le jugement irrégulier : la dévolution s'opère, de la même façon qu'en cas d'appel non
limité, si bien que la cour doit statuer au fond et, faute d'être saisie de quelque moyen que ce soit, la
cour ne peut que confirmer le jugement entrepris. De cette situation, la Cour de cassation a tiré la
conséquence logique, bien que surprenante au premier abord, qu'est irrecevable en cassation, faute
d'intérêt 2362, ou à tout le moins inopérant 2363, le moyen tiré de ce qu'une cour d'appel n'a pas annulé
un jugement rendu au premier degré, dont il était prétendu qu'il était irrégulier. Que le jugement ait été
ou non irrégulier, la cour d'appel devait statuer sur le fond en raison de l'effet dévolutif. Dès lors, il
importe peu qu'elle n'ait pas annulé le jugement. Ce n'est plus qu'une formalité dépourvue de sanction.
En réalité, sauf dans un cas qui va être indiqué, l'appel-nullité n'existe plus. L'effet dévolutif l'a
ramené à l'appel de droit commun, c'est-à-dire à l'appel-réformation 2364.

747 Exception à l'effet dévolutif. – Par dérogation à la règle de l'article 562 du Code de
procédure civile, dans une situation étroitement délimitée, la Cour de cassation écarte l'effet dévolutif
attaché à l'appel-nullité et elle décide que la cour d'appel ne fait qu'annuler le jugement sans renvoyer
l'affaire 2365. Pour cela, il faut que soient remplies deux conditions : d'abord, il faut que l'acte
introductif d'instance soit irrégulier ou même fasse totalement défaut ; ensuite, devant la cour d'appel,
l'appelant ne doit solliciter que la nullité du jugement et inversement s'abstenir de conclure au fond à
titre principal.
La première condition repose sans doute sur le fait que la disparition rétroactive de l'acte
introductif d'instance conduit à une situation dans laquelle le premier juge est censé n'avoir jamais été
saisi. Partant de là, le second ne doit pas bénéficier d'un effet dévolutif qui supposerait qu'il y ait eu
une première instance. En quelque sorte et comme dans ces histoires de science-fiction où un homme
remonte le temps, tue son aïeul et se condamne ainsi à ne pas naître, la cour d'appel se prive de la
possibilité de statuer sur le fond de l'affaire, dès lors qu'elle efface ab initio l'acte qui est à l'origine
de toute la procédure et de sa propre saisine.
La seconde condition repose sur l'idée selon laquelle si l'appelant conclut au fond à titre principal
devant la cour, ses conclusions valent renonciation à se prévaloir de la nullité du jugement entrepris.
En demandant lui-même aux juges d'appel de se prononcer au fond, il renonce au bénéfice d'un
premier degré de juridiction. Pendant quelques années, la Cour de cassation a retenu, de manière
extrêmement contestable, la même solution lorsque l'appelant n'avait conclu au fond qu'à titre
subsidiaire 2366. L'appel-nullité avait alors un effet dévolutif et la cour saisie statuait sur le fond du
litige. Une telle jurisprudence était choquante car, par définition, les conclusions subsidiaires ne
valent que si les conclusions principales ont été rejetées. Il était, dès lors, illogique de s'attacher aux
conclusions subsidiaires au fond, pour refuser de prendre en compte des conclusions principales qui
ne tendaient qu'à l'annulation du jugement. La deuxième chambre civile de la Cour de cassation est
cependant revenue sur cette jurisprudence malheureuse en l'an 2000 2367. Désormais, elle juge que des
conclusions d'appel simplement subsidiaires sur le fond ne privent pas l'auteur d'un appel-nullité du
premier degré de juridiction. Si la juridiction du second degré retient la nullité du jugement de
première instance, elle ne doit donc plus statuer sur le fond, les conclusions subsidiaires n'ayant plus
lieu d'être prises en compte 2368.
Pendant quelques années, la jurisprudence a posé une troisième condition pour écarter l'effet
dévolutif de l'appel-nullité : il fallait que l'irrégularité de l'acte introductif ou son absence ait
empêché le défendeur de comparaître devant les juges du premier degré. À l'inverse, lorsque le
défendeur n'avait pas été privé du double degré de juridiction, on ne voyait pas la nécessité de
retourner devant les premiers juges. Cette condition est désormais clairement abandonnée 2369.
748 Aggravation du sort de l'appelant. – Quelle que soit l'étendue de la dévolution, il reste
dans tous les cas que l'appel est une voie de recours exercée par un plaideur dans son intérêt. Il en
résulte que, si la cour estime l'appel infondé, elle ne peut que confirmer le jugement entrepris.
Inversement, elle ne saurait infirmer le jugement dans un sens défavorable à l'appelant ou, selon
l'expression consacrée, aggraver le sort de l'appelant 2370. Supposons ainsi qu'un plaideur demande
une somme de dix mille euros et n'obtienne que six mille euros en première instance ; il fait appel et
reprend la demande présentée au juge du premier degré. Même si, pour la cour d'appel, il est d'une
évidence totale que ce plaideur n'aurait jamais dû obtenir un centime, elle ne peut que confirmer le
jugement en ce qu'il a accordé six mille euros au demandeur. Seul un appel incident formé par
l'intimé peut étendre la dévolution au détriment de l'appelant : dans l'exemple qui vient d'être pris,
supposons que l'intimé demande à la cour de réduire la somme à trois mille euros, la cour peut
désormais, selon ce que lui paraît commander la règle de droit substantielle, accorder une somme
allant de trois à dix mille euros. Et, pour que la cour d'appel puisse décider que le demandeur
originaire n'a droit à rien, il faut qu’elle soit saisie d'un appel incident en ce sens. On remarquera
ainsi qu'à la différence de ce qui a lieu en première instance, la cour d'appel n'a pas la possibilité,
dans tous les cas, d'examiner d'office le bien-fondé de la demande de droit substantiel. Il faut sans
cesse garder présent à l'esprit qu'elle est saisie d'une voie de recours. Aussi ne peut-elle examiner
d'office que le bien-fondé de cette voie de recours et, dans cette mesure seulement (donc de façon
indirecte), le bien-fondé de la demande de droit substantiel.

2. Les règles particulières en cas de solidarité ou d'indivisibilité

749 Dérogations à l'indépendance des litisconsorts. – L'appel apporte quelques dérogations


au principe de l'indépendance des litisconsorts posé par l'article 324 du Code de procédure
civile 2371. En cas de solidarité 2372 à l'égard de plusieurs parties, d'abord, l'article 552 du même code
dispose que l'appel formé par l'une conserve le droit d'appel des autres. Il suffit que l'une des parties
ait interjeté appel dans le délai d'un mois pour que les autres parties puissent se joindre à l'instance
d'appel, même très tardivement. Réciproquement, l'appel dirigé contre l'une des parties entre
lesquelles existe la solidarité réserve à l'appelant la faculté d'appeler les autres à l'instance. De
nouveau, il suffit que l'appel ait été formé dans le délai contre l'une d'elles pour que les autres
puissent être intimées ultérieurement. Le Code de procédure civile réserve, selon les cas, le droit des
autres parties de faire appel ou le droit de l'appelant d'intimer les autres parties, mais, si rien n'est
fait, ces personnes demeurent étrangères à l'instance d'appel et seul leur est applicable le jugement
rendu au premier degré. Pour éviter cette situation qui peut conduire à des résultats peu cohérents,
l'article 552, alinéa 3, du Code ajoute que « la cour peut ordonner d'office la mise en cause de tous
les cointéressés 2373 ».
En cas d'indivisibilité 2374, les règles qui viennent d'être énoncées s'appliquent aussi, mais leur
application se trouve comme renforcée par les dispositions de l'article 553 du Code de procédure
civile. D'une part, l'appel formé contre l'une des parties entre lesquelles existe l'indivisibilité sera
irrecevable si, en cours d'instance, les autres ne sont pas intimées 2375. D'autre part, si l'appel est
formé par l'une des parties entre lesquelles existe l'indivisibilité, l'appel produit effet à l'égard des
autres, même si elles ne se joignent pas à l'instance d'appel, si bien que c'est l'arrêt de la cour qui
leur sera appliqué.

B. LES APPELS INCIDENTS


750 Division. – On a vu que l'appel principal n'attribue à la cour d'appel la matière litigieuse
soumise à l'examen du premier juge que dans la limite de la succombance de l'appelant. Les appels
incidents ont pour objet de permettre aux intimés d'étendre la dévolution aux divers points sur
lesquels ils ont eux-mêmes succombé. Dans l'exemple qui a été pris, c'est en formant un appel
incident que l'intimé peut solliciter de la cour qu'elle réduise ou même supprime la somme d'argent à
laquelle il a été condamné en première instance. Seront successivement abordés la notion (1) et le
régime des appels incidents (2).

1. La notion d'appel incident

751 Appel incident et demande incidente. – De ce que l'appel incident a pour objet de
permettre à un intimé d'étendre la dévolution aux points sur lesquels il a lui-même succombé, il
résulte d'abord (la remarque est évidente, mais peu importe) que l'intimé ne peut se porter appelant
incident s'il a totalement triomphé en première instance : dans ce cas, il se bornera en appel à
demander la confirmation du jugement entrepris 2376. En second lieu, il faut se garder de confondre
l'appel incident avec la demande incidente formée en appel. L'appel incident étend la matière
litigieuse dévolue à la cour, mais dans la limite de ce qui a été soumis aux juges du premier degré.
L'exemple utilisé jusqu'à présent le montre clairement : en première instance, le demandeur a
demandé une somme de dix mille euros au versement de laquelle le défendeur s'est opposé. C'est ce
même litige que l'appel principal et l'appel incident soumettent à la cour ; ils ne lui soumettent aucune
demande nouvelle. À l'opposé, en appel comme au premier degré, la demande incidente a pour objet
de soumettre au juge une demande nouvelle donc à étendre la matière litigieuse. À ce titre, elle
entraîne une évolution du litige, qui est étrangère à la notion de voie de recours : les demandes
incidentes en appel se rattachent à l'appel comme voie d'achèvement. La confusion ne doit pas être
évitée seulement pour des raisons de compréhension, mais aussi pour des raisons très pratiques.
Alors que les appels incidents sont très largement admis par le Code de procédure civile, les
demandes incidentes se heurtent au principe de l'interdiction des demandes nouvelles en appel,
auquel il n'est apporté que des dérogations limitées ; et l'on ne peut, sous couvert d'un appel incident,
soumettre à la cour des demandes qui n'auraient pas été soumises aux premiers juges 2377.

752 Variété des appels incidents. – L'appel incident peut présenter des visages différents selon
les éléments du litige et la solution que lui a donnée le juge du premier degré. Dans le schéma
procédural le plus simple qui oppose un demandeur à un défendeur, l'appel incident suppose un
succès partiel de l'une des parties qui fait appel pour obtenir une satisfaction plus complète. À son
tour, l'autre partie forme un appel incident en sens inverse. Lorsque le procès oppose plus de deux
parties, l'appel incident peut présenter d'autres figures un peu plus complexes, l'appel d'intimé à
intimé et l'appel provoqué, que permettent désormais les articles 548 et 549 du Code de procédure
civile.
L'intérêt d'un appel incident formé par un intimé contre un autre intimé est lié au changement de
position procédurale des parties, qui peut se produire de l'instance au premier degré à l'instance
d'appel. Par exemple, des salariés forment une demande en paiement d'indemnités de licenciement
contre leur ancien et leur nouvel employeur. Le juge du premier degré met l'ancien employeur hors de
cause et condamne le nouvel employeur, qui fait appel et intime à la fois les salariés et l'ancien
employeur. Les salariés, qui peuvent craindre que la cour d'appel mette hors de cause le nouvel
employeur, ont intérêt à intimer à leur tour l'ancien employeur (qui est lui aussi intimé) en reprenant
contre lui leurs prétentions originaires 2378.
L'appel provoqué, prévu par l'article 549 du Code de procédure civile, consiste à rendre partie en
appel une personne qui a été partie en première instance, mais qui n'a pas encore été intimée : cette
personne qui n’était pas encore partie en appel peut être celle contre laquelle l’appel provoqué est
formé, mais aussi, dans une certaine mesure, l’auteur de celui-ci 2379. Dans tous les cas, on parle
d'appel provoqué parce que cet appel incident est provoqué par l'appel principal. Autrement dit, cet
appel incident n'aurait pas de raison d'être en l'absence d'appel principal. Imaginons qu'un maître de
l'ouvrage intente une action contre l'entrepreneur et que celui-ci forme une demande en garantie
contre le fabricant du matériau. Le maître de l'ouvrage est débouté ; il fait appel et reprend sa
prétention contre l'entrepreneur. Celui-ci, à son tour, peut former un appel incident contre le fabricant
du matériau pour reprendre contre lui sa demande en garantie. Provoqué par l’appel principal du
maître de l’ouvrage, l’appel de l’entrepreneur est formé contre une partie qui n’était pas encore
intimée, à savoir le fabricant. En l'absence d'un appel formé contre lui, l'entrepreneur n'aurait aucun
intérêt à faire appel contre le fabricant.

753 Le lien entre appel principal et appel incident. – Dans tous les exemples qui viennent
d'être indiqués, il existe un lien entre l'appel principal et l'appel incident. Cette situation n'a rien de
fortuit. Il est de la nature de l'appel incident d'être lié à l'appel principal. Inversement, un appel
principal ne permet pas à une autre partie à l'instance du premier degré de former un appel incident si
l'appel principal est insusceptible de modifier ses droits. Dans un procès complexe où, en première
instance, ont été formées de nombreuses demandes entre de nombreuses parties, l'appel principal
formé par l'une des parties ne rend pas recevable un appel incident portant sur une toute autre partie
du litige. Par exemple, un maître de l'ouvrage demande que deux entrepreneurs soient condamnés à
réparer des désordres. L'un d'eux demande à son assureur de le garantir. L'appel principal formé par
l'assureur, contestant devoir sa garantie au premier entrepreneur, ne permet pas au second
entrepreneur de former un appel incident pour contester son obligation de réparer le désordre 2380.
Pour demander l'infirmation du jugement, le second entrepreneur devait former un appel principal. La
même situation peut se rencontrer dans des litiges beaucoup plus simples. Il suffit d'imaginer que
deux ou trois personnes demandent réparation de leur dommage à un même défendeur et soient
déboutées de leurs demandes. En l'absence d'indivisibilité, l'appel formé par l'un des demandeurs ne
permet pas aux autres de se joindre à son appel au moyen d'un appel incident. La raison est toujours
la même : quelle que soit la solution donnée par la cour d'appel, les droits des deux autres
demandeurs ne sont pas susceptibles d'être modifiés par l'arrêt d'appel. On constate ainsi que l'appel
principal et l'appel incident sont exclusifs l'un de l'autre, chacun d'eux ayant un domaine qui lui est
propre, et qu'un même jugement peut donner lieu à plusieurs appels principaux 2381. En pratique,
cependant, la distinction n'est pas toujours bien respectée.

2. Le régime de l'appel incident

754 Souplesse du régime. – Il importe d'autant plus de distinguer les domaines respectifs de
l'appel incident et de l'appel principal, que leur formation ne répond pas aux mêmes règles. Ainsi,
l'article 551 du Code de procédure civile énonce que l'appel incident « est formé de la même manière
que le sont les demandes incidentes », c'est-à-dire par de simples conclusions 2382. Et aux termes de
l'article 550, « l'appel incident ou l'appel provoqué peut être formé en tout état de cause, alors même
que celui qui l'interjetterait serait forclos pour agir à titre principal ». En principe, un appel incident
peut donc être formé à tout moment de l'instance d'appel ou, pour être exact, tant que des conclusions
peuvent encore être déposées. Cependant, cette règle a été substantiellement modifiée par le décret
n 2009-1524 du 9 décembre 2009. Désormais, l'article 550 du Code de procédure civile énonce que
o

la règle s'applique « sous réserve des articles 909 et 910 ». À travers cette précision d'apparence
anodine, on veut dire que dans la procédure ordinaire avec représentation obligatoire, l'appel
incident doit être formé dans les deux mois de la notification des conclusions adverses (et non plus en
tout état de cause) 2383. La restriction ne concerne pas les procédures sans représentation obligatoire,
mais elle est très importante, les procédures avec représentation obligatoire étant les plus fréquentes.
Si le régime de l'appel incident n'est pas celui de l'appel principal, il existe cependant un lien
entre eux. L'appel incident est greffé sur l'appel principal, ce qui le rend en partie dépendant de celui-
ci : il résulte en effet de l'article 550 du Code de procédure civile que, si l'appel principal est
déclaré irrecevable, l'appel incident le devient à son tour s'il a été formé hors délai, ce qui est
presque toujours le cas 2384. En revanche, si l'appel incident a été formé dans le délai, il est
recevable, mais vaut alors comme appel principal 2385. Et peu importe le fait qu'il ait été formé en la
forme d'un appel incident. De même, le désistement de l'appel principal n'exerce aucune influence sur
le sort de l'appel incident, pourvu que l'appel incident ait été formé avant le désistement 2386.
Toutefois, il a été jugé que la caducité d’un appel principal rendait irrecevable un appel incident,
même interjeté dans le délai pour agir à titre principal 2387. S’il est vrai que l’article 550 ne vise que
l’irrecevabilité de l’appel (et non sa caducité), la solution semble excessivement sévère en ce qu’elle
s’attache à la forme de l’appel incident, en lui déniant la valeur d’un appel principal.

§ 2. L'ÉVOCATION DE L'AFFAIRE

755 Notion. – L'évocation est le fait, pour la cour d'appel, d'attraire à elle l'ensemble d'un
litige tel qu'il a été soumis aux premiers juges et de lui donner une solution complète, alors que le
litige n'a été que partiellement tranché en première instance. Il apparaît ainsi que l'évocation doit être
soigneusement distinguée de la dévolution qui transmet à la cour d'appel la connaissance de ce qui a
été tranché par le premier juge. L'évocation va au-delà : la cour d'appel s'empare de l'ensemble du
litige, bien qu'elle n'en ait pas été saisie par la partie qui a formé la voie de recours. L'étude des cas
d'ouverture (A) énumérés par le Code de procédure civile permettra d'affiner la distinction des deux
notions. Ensuite sera étudié son régime (B).

A. LES CAS D'OUVERTURE DE L'ÉVOCATION

756 Jugement ordonnant une mesure d'instruction. – L'article 568 du Code de procédure
civile énonce deux cas d'ouverture de l'évocation. Il en existe encore un troisième, prévu par
l'article 89 du même code, lié au règlement de l'incident de compétence, avec lequel il est préférable
de l'examiner 2388.
En premier lieu, la cour d'appel peut évoquer l'affaire lorsqu'elle est « saisie d'un jugement qui a
ordonné une mesure d'instruction ». Au premier abord, cette disposition peut surprendre. Le jugement
qui ordonne une mesure d'instruction est un jugement avant dire droit, qui n'est pas susceptible
d'appel immédiat ; l'appel n'étant pas recevable, la cour ne saurait évoquer. Et, en effet, la cour
d'appel ne peut évoquer l'affaire que lorsque, par exception, le jugement qui ordonne la mesure
d'instruction est susceptible d'appel immédiat. C'est le cas lorsque le juge du premier degré a rendu
un jugement mixte, au sens de l'article 544 du Code de procédure civile 2389, et aussi lorsqu'en dehors
de toute disposition portant sur le principal, la mesure d'instruction ordonnée est une expertise, qui
peut faire l'objet d'un appel immédiat avec l'autorisation du premier président de la cour d'appel 2390.
Ce premier cas d'ouverture illustre, de la façon la plus claire et la plus simple qui soit, la notion
d'évocation et permet de la distinguer de la dévolution. Le juge du premier degré qui, dans le
dispositif de son jugement, décide que le défendeur est responsable du dommage subi par le
demandeur et nomme un expert pour l'éclairer sur l'importance du préjudice n'a pas encore examiné
la question du montant de la réparation à accorder au demandeur, il l'a mise de côté jusqu'au moment
où il disposera des indications de l'expert. L'appel qui est alors formé par le défendeur ne peut pas
porter sur cette question, il ne porte que sur le principe de responsabilité et sur la mesure
d'instruction. Si la cour d'appel évoque l'affaire, elle attire à elle une partie du litige qui ne lui a pas
été dévolue par l'appel 2391. La Cour de cassation étend par analogie la faculté d'évocation aux
jugements prononçant un sursis à statuer, dès lors qu'ils ont fait l'objet d'un appel immédiat,
conformément à l'article 380 du Code de procédure civile, sur autorisation du premier président de la
cour 2392. Il faut aussi noter qu'elle retient une acception excessivement large de la notion de « mesure
d'instruction », pour l'application de l'article 568 du Code de procédure civile. Ainsi, pour autoriser
l'évocation, elle a qualifié de mesure d'instruction la demande du juge tendant à la production d'un
document ou d'une information par une partie 2393.

757 Jugement mettant fin à l'instance. – L'article 568 du Code de procédure civile permet
aussi à la cour d'appel d'évoquer l'affaire lorsqu'elle est saisie « d'un jugement qui, statuant sur une
exception de procédure, a mis fin à l'instance ». On peut citer, à titre d'exemples, le jugement qui
prononce l'annulation de l'assignation ou celui qui déclare l'instance périmée. En cas d'appel, la cour,
réformant la décision sur l'exception de procédure, peut statuer sur l'ensemble du litige. De nouveau,
on ne saurait parler de dévolution, puisque le juge du premier degré ne s'est pas prononcé sur les
demandes qui lui ont été soumises : il n'a statué que sur l'incident de procédure.
Dans ce deuxième cas d'ouverture, il est plus difficile de tracer la frontière qui sépare la
dévolution de l'évocation. On pourrait être tenté de rattacher à l'évocation tous les jugements qui n'ont
pas statué sur le bien-fondé de la demande soumise au premier juge. En réalité, la frontière ne passe
pas exactement à cet endroit. Ce qui compte, c'est que le juge ait statué sur la demande, ce qu'il fait
non seulement lorsqu'il examine le bien-fondé de la demande, mais encore lorsqu'il la déclare
irrecevable, par exemple, parce que le demandeur n'aurait pas qualité ou parce que la prescription
serait acquise. Dans ces hypothèses, si la cour d'appel est saisie, c'est l'effet dévolutif qui joue, avec
cette conséquence qu'elle est tenue de statuer sur la demande sans pouvoir se limiter à la seule
question qui a suscité l'appel. La différence tient au point de savoir si la décision de première
instance porte ou non sur la demande. Lorsque le juge statue sur une exception de nullité de l'acte de
procédure qui contient la demande, cette demande n'est pas examinée. En annulant l'acte introductif
d'instance, le juge rend une décision qui ne porte pas du tout sur la demande. Si la cour d'appel
infirme cette décision et statue sur le fond, il y aura évocation. À l'opposé, lorsque le juge déclare la
demande irrecevable, il l'examine, au moins pour ce qui est de sa recevabilité. Si la cour d'appel
infirme cette décision et statue sur le fond, il y aura dévolution. Si l'on compare la demande à un
objet, on peut dire que, dans le cas où il déclare l'acte de procédure nul, le juge ne rejette pas la
demande elle-même, mais le panier dans lequel elle avait été placée, alors que, dans le cas où il
déclare la demande mal fondée ou irrecevable, il la sort de l'acte de procédure qui la contient, il la
regarde et c'est cet examen même limité qui le conduit à la rejeter.
758 Frontières de l'évocation et de la dévolution. – Si l'on rapproche les deux cas d'ouverture
qui viennent d'être étudiés et qu'énonce l'article 568 du Code de procédure civile, on constate que des
situations très proches l'une de l'autre relèvent tantôt de la dévolution et tantôt de l'évocation.
Supposons que deux tribunaux soient saisis de deux demandes comparables l'une à l'autre et qui, pour
pouvoir être réglées, appellent en pratique une mesure d'instruction. Le premier tribunal décide que,
dans son principe, la demande qui lui est soumise est fondée et il ordonne la mesure d'instruction
nécessaire à la mise en œuvre de sa décision de principe. Sur l'appel du défendeur, la cour d'appel ne
pourra examiner l'ensemble du litige qu'en évoquant. Le second tribunal, quant à lui, décide que la
demande est infondée. Évidemment, il n'ordonne pas de mesure d'instruction. Le demandeur fait
appel. La cour doit statuer sur l'ensemble du litige en raison, cette fois-ci, de l'effet dévolutif de
l'appel ; elle ne saurait se contenter de statuer sur le bien-fondé de principe de la demande et, pour le
reste, renvoyer l'affaire devant les juges du premier degré 2394.
Pourquoi cette opposition ? À première vue, les deux cas semblent identiques : le juge n'a statué
que sur le mérite de principe de la prétention du demandeur. La différence entre les situations ne tient
pas à ce que le juge a tranché, mais à ce qu'il n'a pas tranché. La décision du premier tribunal laisse
incertaine et non jugée une partie du litige, que le juge a mise de côté en attendant les indications de
l'expert. La décision du second tribunal ne laisse plus rien à juger. Le juge ne se demande pas s'il
accordera cinquante ou cent euros au demandeur. Pour lui, le litige est réglé : la demande doit être
totalement rejetée, le demandeur n'ayant droit à rien 2395.

B. LE RÉGIME DE L'ÉVOCATION

759 Application des règles de l'appel. – Lorsque la cour d'appel est saisie d'un litige qui entre
dans l'un des deux cas d'ouverture qui viennent d'être indiqués, elle peut évoquer comme elle le
souhaite 2396. C'est pour elle une pure faculté qu'un plaideur ne peut lui reprocher de ne pas avoir
exercée. Inversement, dans les cas prévus par l'article 568 du Code de procédure civile, l'évocation
n'est soumise à aucune condition particulière : il suffit que la cour estime « de bonne justice de
donner à l'affaire une solution définitive » (c'est-à-dire, en pratique, qu'un attendu-type reproduisant
cette formule ait été programmé une fois pour toutes). Il n'est pas nécessaire qu'au moment où la cour
évoque, l'affaire soit en état d'être jugée. La preuve en est que l'article 568 ajoute que la cour peut
ordonner, le cas échéant, une mesure d'instruction 2397.
L'évocation étend la matière litigieuse dont va connaître la cour d'appel. Désormais, tout le litige
se trouve porté devant elle, c'est-à-dire l'ensemble des prétentions émises par les parties en première
instance, qu'elles aient été ou non tranchées par le premier juge. Celles qui ne l'ont pas été ne seront
donc examinées qu'une seule fois, par les magistrats qui siègent à la cour d'appel. L'évocation
constitue une dérogation au principe du double degré de juridiction. Cette attribution à la cour de
l'ensemble du litige soulève une difficulté. Au cours de l'instance du premier degré, le litige peut
évoluer librement : les parties peuvent soumettre au juge les demandes incidentes qu'elles souhaitent,
sous la seule condition de l'existence d'un lien de connexité. En principe, il n'en va pas de même en
cause d'appel. L'évocation privant les plaideurs d'une partie de l'instance au premier degré, on
pourrait penser qu'en contrepartie, ils peuvent encore faire évoluer librement le litige. Ce n'est
pourtant pas cette solution qu'a retenue le Code de procédure civile, l'article 568, alinéa 2, ne réserve
que l'application des articles 554, 555 et 563 à 567, qui fixent les limites de l'évolution dont tout
litige peut faire l'objet en instance d'appel. L'évocation n'est donc pas sans danger, en ce qu'elle fige
prématurément le litige. À vrai dire, on constate en pratique que les cours d'appel ont la sagesse de
ne faire qu'un usage très modéré de leur pouvoir d'évoquer, le tenant à juste titre pour une faculté qui
doit demeurer exceptionnelle.
Du fait que le juge d'appel examine une partie du litige que n'a pas tranchée le juge du premier
degré, on pourrait dire qu'il se produit une évolution du litige d'une instance à l'autre. Cette évolution
est plus apparente que réelle, puisque les prétentions des parties ne se trouvent pas modifiées.
L'évocation ne modifie pas la nature de l'appel qui demeure une voie de recours. Une véritable
évolution du litige ne se rencontre que lorsque l'appel devient une voie d'achèvement.

Sous-section 2
L'appel, voie d'achèvement

760 Données du problème. – Si on appliquait les principes dans toute leur rigueur, la
conception de l'appel comme voie de recours devrait conduire à refuser toute évolution du litige
d'une instance à l'autre : les parties devraient soumettre au juge du premier degré toutes leurs
demandes et aussi toutes leurs défenses ; inversement, en appel, elles ne seraient autorisées à faire
valoir que des arguments tendant à faire apparaître un mal jugé commis par le juge du premier degré.
Des faits nouveaux, découverts ou même survenus depuis le jugement, ne pourraient pas être pris en
compte par la cour d'appel, laquelle devrait s'en tenir aux seuls faits soumis au tribunal. Une telle
rigueur serait manifestement excessive, en particulier à l'égard du défendeur qui n'a pas choisi le
moment du procès et qui peut ainsi être pris au dépourvu. Une évolution illimitée du litige ne serait
pas davantage opportune, en ce qu'elle dévaluerait totalement l'instance devant les juges du premier
degré et enlèverait à l'instance d'appel sa spécificité.
Il faut essayer de trouver un juste milieu. Il apparaît alors normal d'admettre plus facilement
l'évolution du litige lorsque cette évolution ne porte pas sur ses éléments essentiels et inversement de
l'admettre de façon plus restrictive lorsqu'elle porte sur les éléments essentiels du litige. Dans tout
procès, l'élément essentiel du litige est constitué par les demandes. C'est la demande initiale qui crée
l'instance et opère une première détermination de la matière litigieuse, que modifient et élargissent
les demandes incidentes. Le principe est donc que les demandes nouvelles ne sont pas recevables en
appel, le principe comportant des exceptions qui seront détaillées par la suite. À l'opposé, les
défenses n'ont de sens et ne s'ordonnent que par rapport aux demandes. Il a même été montré que les
défenses au fond demeurent sur le terrain choisi par le demandeur 2398. C'est cette distinction que font
apparaître les articles 554, 555 et 563 à 567, qui régissent la matière (même si la rédaction de ces
textes ne présente pas la clarté qui caractérise habituellement le Code de procédure civile).

761 Principes retenus par le Code de procédure civile. – Les modifications ne portant pas sur
les demandes sont régies par les articles 563, 564 et 565 du Code de procédure civile. Ces textes
permettent aux deux parties d'alléguer de nouveaux faits, de « produire de nouvelles pièces » ou de
« proposer de nouvelles preuves ». Corrélativement, la cour d'appel doit apprécier les faits tels
qu'ils se présentent au moment où elle statue et non pas tels qu'ils se présentaient lorsque les premiers
juges se sont prononcés 2399. Pareillement, elle n'est pas tenue de raisonner sur les seules règles ou
qualifications juridiques articulées en première instance et, au contraire, elle peut en principe relever
d'office un moyen de droit nouveau 2400. Corrélativement, les deux parties peuvent invoquer de
nouveaux moyens de droit, c'est-à-dire modifier le fondement juridique de leurs prétentions. Ce
changement de fondement des prétentions ne soulève aucune difficulté lorsqu'il est le fait du
défendeur : les défenses nouvelles sont recevables en appel comme en première instance, que ce
soient des défenses au fond ou des défenses procédurales 2401. La raison en est que leur objet ne varie
pas : par définition, elles « tendent à faire écarter les prétentions adverses ».
Pour ce qui est du demandeur, la production de nouveaux éléments de preuve et l'allégation de
nouveaux faits ne modifient pas, par eux-mêmes, les données essentielles du litige. Il n'en va pas
forcément de même de l'invocation d'un nouveau fondement juridique. À strictement parler,
l'invocation d'un nouveau fondement signifie que le demandeur demande l'application d'une nouvelle
règle de droit au soutien de sa prétention. Par là même, ne forme-t-il pas une nouvelle demande ou au
moins une demande partiellement nouvelle ? À vrai dire, il n'est pas toujours facile de distinguer la
demande nouvelle de la présentation d'un moyen nouveau au soutien de la même demande. C'est
pourquoi le Code de procédure civile permet assez libéralement que des retouches ou des
remaniements soient apportés aux demandes (§ 1), alors qu'il n'admet que plus difficilement les
demandes entièrement nouvelles (§ 2).

§ 1. LE REMANIEMENT DES DEMANDES

762 Plan. – Les articles 565 et 566 du Code de procédure civile régissent deux hypothèses
distinctes de remaniement qui seront abordées successivement (A et B).

A. LE REMANIEMENT PRÉVU PAR L'ARTICLE 565

763 Changement de fondement juridique. – Aux termes de l'article 565 du Code de


procédure civile, « les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que
celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent ». Ce texte a soulevé
d'importantes difficultés d'interprétation, dont on peut penser qu'elles sont principalement dues au fait
que s'y trouvent réunies deux dispositions distinctes.
En premier lieu, l'article 565 vise le simple changement de fondement juridique de la demande.
Le changement de fondement juridique signifie qu'une nouvelle règle de droit est invoquée par le
demandeur, mais n'implique pas nécessairement qu'une demande nouvelle soit formée. La demande se
caractérise par son objet qui correspond à l'effet juridique de la règle de droit. Par conséquent,
chaque fois qu'il existe des règles de droit alternatives, c'est-à-dire des règles de droit dotées du
même effet juridique lié à des présupposés différents, le demandeur peut en invoquer une en première
instance et une autre en appel ; ce faisant, il ne présente pas une demande nouvelle. Par exemple,
lorsqu'un demandeur sollicite, en première instance, la condamnation de son adversaire à des
dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, il peut, en appel, invoquer
l'article 1384, alinéa 1 , du même code, pour réclamer réparation de son préjudice. Si la règle
er

invoquée n'est plus la même, et si les faits allégués sont différents de ceux articulés en première
instance, la demande ne varie pas : le demandeur prétend toujours avoir droit à l'indemnisation du
dommage qu'il a subi.

764 Effets juridiques proches. – Cela étant, il existe assez peu de règles qui soient
véritablement alternatives. On trouve beaucoup plus fréquemment des règles dotées d'effets
juridiques proches, mais néanmoins distincts. D'un point de vue concret, elles présentent
suffisamment de ressemblances pour qu'il soit très largement indifférent au demandeur d'obtenir
satisfaction sur le fondement de l'une ou de l'autre. Cependant, leur similitude, pour réelle qu'elle
soit, ne permet pas de dire, dans l'absolu, que le passage de l'une à l'autre constitue un simple
changement de fondement juridique. Et si le Code de procédure civile permet incontestablement le
passage de l'une à l'autre, en disposant que « les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles
tendent aux mêmes fins », il faut bien reconnaître que l'expression utilisée est malheureuse : en
passant d'une règle à l'autre, le demandeur soumet à la cour d'appel une prétention qui, dans la rigueur
des principes, constitue une prétention nouvelle, quoi qu'en dise le texte.
Il est presque impossible de définir de façon précise et rigoureuse la notion de prétentions tendant
aux mêmes fins, ce qui explique que les premiers arrêts de la Cour de cassation aient parfois donné
des solutions manquant d'homogénéité. Par exemple, la première chambre civile de la Cour de
cassation a décidé en 1976 qu'un demandeur était recevable à demander en appel l'annulation d'un
contrat dont il avait demandé la rescision en première instance 2402, alors qu'en 1977 et en 1979, la
troisième chambre civile a statué en sens inverse 2403. Cependant, depuis lors, la Cour de cassation a
adopté une ligne directrice plus cohérente, que l'on peut illustrer avec un arrêt de la première
chambre civile du 3 octobre 1984 2404. En l'espèce, après avoir demandé au juge du premier degré de
prononcer son retrait d'une coopérative, le demandeur sollicitait de la cour la résolution de son
adhésion. La Cour de cassation a admis la recevabilité de cette demande nouvelle au motif que les
deux demandes tendaient aux mêmes fins, à savoir la cessation des rapports contractuels entre les
parties, même si les conséquences n'en étaient pas « strictement identiques ». Ainsi, selon la Cour de
cassation, il suffit que les deux demandes conduisent au même résultat pour l'essentiel, ce qui revient
à dire que l'effet juridique principal de chacune des deux règles doit être concrètement équivalent (à
défaut d'être identique), compte tenu des données de l'espèce. L'idée d'équivalence explique aussi
que la Cour ait admis qu'une partie demande en appel la réparation par équivalent de l'inexécution
d'une obligation financière, après avoir demandé son exécution en première instance 2405. Si l'on
adhère à cette vision des choses, il faut adopter la solution donnée en 1976 par la première chambre
civile pour ce qui est de la demande en nullité et de la demande en rescision. D'ailleurs, on peut
constater la même évolution dans un domaine proche : dans un premier temps, la Cour de cassation a
jugé que l'action en contrefaçon et l'action en concurrence déloyale ne tendaient pas aux mêmes
fins 2406, avant d'admettre la solution inverse, qui semble en effet préférable dans la mesure où, le
plus souvent, les deux actions permettent au demandeur d'obtenir un résultat concret identique : le
retrait du produit litigieux 2407.
On peut cependant se demander si la Cour de cassation ne va pas trop loin, dans certaines de ses
décisions. On peut ainsi s'étonner, à divers titres, d'un arrêt dans lequel elle déclare que « l'exception
d'inexécution et l'action en résolution d'une convention constituent, sous deux formes différentes,
l'exercice du même droit et tendent aux mêmes fins » 2408. L'affirmation selon laquelle il y a, dans ces
deux situations, exercice d'un même droit est déjà excessive, car le droit de refuser temporairement
d'exécuter une obligation jusqu'à ce que l'adversaire ait exécuté la sienne, n'est pas du tout le droit
d'obtenir la destruction rétroactive d'un contrat. Mais l'idée selon laquelle la défense au fond
reposant sur une exception d'inexécution, d'une part, et la demande en résolution du contrat, d'autre
part, tendraient aux mêmes fins, a elle aussi de quoi surprendre 2409. Tout aussi discutable est l'opinion
courante en jurisprudence, selon laquelle « l'action en résolution et l'action en exécution d'une
convention constituent sous deux formes différentes l'exercice du même droit et tendent aux mêmes
fins » 2410. Elle illustre cependant la conception large que se faite actuellement la Cour de cassation,
des « prétentions tendant aux mêmes fins ».
B. LE REMANIEMENT PRÉVU PAR L'ARTICLE 566

765 Accessoire, conséquence ou complément. – L'article 566 du Code de procédure civile


dispose que « les parties peuvent aussi expliciter les prétentions qui étaient virtuellement comprises
dans les demandes (...) soumises au premier juge et ajouter à celles-ci toutes les demandes qui en
sont l'accessoire, la conséquence ou le complément ». L'objet de ce texte est double. Il permet
d'abord au plaideur de corriger ou de préciser une formulation incorrecte de ses prétentions. On peut
penser en particulier à un demandeur qui comparaît en personne devant une juridiction d'exception,
sans se faire assister. Il arrive souvent qu'il énonce sa prétention en pur fait et de façon très vague : il
demande ainsi que son adversaire soit condamné à lui remettre tel objet, sans indiquer qu'il sollicite
d'abord la résolution du contrat. En explicitant devant la cour la demande mal formulée en première
instance, il ne lui soumet pas une demande véritablement nouvelle, il se borne à mieux présenter la
même demande 2411.
En second lieu, l'article 566 du Code de procédure civile permet, devant la cour, d'ajouter à la
demande principale soumise au premier juge les demandes secondaires qui lui sont liées. Le
demandeur 2412 peut ainsi solliciter de la cour la condamnation de son adversaire au paiement des
intérêts échus depuis le jugement rendu en première instance 2413. A aussi un caractère
complémentaire la demande d'indemnisation de préjudices commerciaux présentée en appel par un
demandeur qui, en première instance, se bornait à demander réparation des dégâts matériels causés à
son bâtiment lors de l'accident litigieux 2414. Il a également été jugé que la demande d'indemnité
d'occupation était l'accessoire de la demande tendant à la résiliation d'un bail commercial et à
l'expulsion du preneur 2415. Pareillement, dans une instance en divorce, le demandeur peut demander
des dommages-intérêts ou même une prestation compensatoire 2416 qu'il n'aurait pas encore
sollicitée 2417. À travers ces derniers exemples, on constate que la Cour de cassation entend très
largement les notions d'accessoire, de conséquence et de complément des prétentions présentées au
premier juge.

§ 2. LES DEMANDES ENTIÈREMENT NOUVELLES

766 Matière prud'homale. – La recevabilité de demandes entièrement nouvelles ne peut être


envisagée que de façon exceptionnelle. À défaut, l'appel cesserait d'être une voie de recours. Les
articles 554, 555, 564 et 567 comprennent cependant d'importantes exceptions au principe de
l'interdiction des demandes nouvelles en appel.
Avant d'étudier ces dispositions qui sont communes à toutes les juridictions, il faut d'abord
signaler l'exception générale prévue par l'article R. 1452-7 du Code du travail 2418. Aux termes de ce
texte, « les demandes nouvelles dérivant du même contrat de travail sont recevables même en
appel ». Cette dérogation est liée à la règle de l'unicité de l'instance prud'homale 2419. Le demandeur
(en pratique le salarié) ne pouvant former une nouvelle demande initiale pour faire valoir des droits
liés au contrat de travail litigieux, la loi lui accorde en contrepartie la possibilité de la présenter
encore en appel pour la première fois 2420. La dérogation n'est pas considérable car, la plupart du
temps, les demandes additionnelles seraient recevables en tant que compléments ou accessoires des
demandes déjà soumises au juge du premier degré 2421 et les demandes reconventionnelles sont
toujours recevables en appel 2422, pourvu qu'elles aient un lien suffisant avec une prétention
originaire. Quant aux demandes en intervention forcée, la jurisprudence les soumet au régime
ordinaire du Code de procédure civile et leur refuse à juste titre le régime dérogatoire de
l'article R. 1452-7 du Code du travail 2423.
En dehors du contentieux prud'homal, la recevabilité d'une demande nouvelle est le plus souvent
liée à l'évolution du litige (A), mais il existe encore quelques autres exceptions à l'interdiction des
demandes nouvelles (B).

A. LES DEMANDES RECEVABLES EN RAISON DE L'ÉVOLUTION DU LITIGE

767 Condition de recevabilité. – La recevabilité des demandes nouvelles en appel en raison


de l'évolution du litige est énoncée en termes légèrement différents par les articles 555 et 564 du
Code de procédure civile. Aux termes du premier, les personnes qui n'ont pas été parties en première
instance « peuvent être appelées devant la cour, même aux fins de condamnation, quand l'évolution du
litige implique leur mise en cause ». Aux termes du second, « les parties ne peuvent soumettre à la
cour de nouvelles prétentions 2424 si ce n'est pour (...) faire juger les questions nées de l'intervention
d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ». Quelle que soit la formulation utilisée,
la règle posée est la même : c'est la survenance ou la révélation d'une situation jusque-là inconnue qui
constitue l'évolution du litige. D'ailleurs, l'Assemblée plénière de la Cour de cassation, usant d'une
terminologie empruntée à l'article 564 du Code de procédure civile, a jugé que l'évolution du litige
au sens de l'article 555 n'était « caractérisée que par la révélation d'une circonstance de fait ou de
droit, née du jugement ou postérieure à celui-ci, modifiant les données juridiques du litige » 2425.
Malgré tout, on trouve des arrêts, principalement de la troisième chambre civile, qui opèrent une
distinction entre l'article 555 et l'article 564 du Code de procédure civile, en énonçant que « la notion
d'évolution du litige est étrangère à la recevabilité des demandes nouvelles formées en appel contre
une personne qui était partie au procès devant le tribunal » 2426. Rien ne justifie ces arrêts 2427 ; tout au
plus peut-on les expliquer par un souci excessif et en tout cas mal venu de respect du vocabulaire
utilisé par le Code. Il n'existe pourtant aucune raison de donner de la substance à la différence de
vocabulaire que l'on trouve entre l'article 555 et l'article 564 du Code de procédure civile. Pourquoi
compliquer les choses en retenant deux notions distinctes, alors que les motifs qui peuvent conduire à
admettre les demandes nouvelles sont exactement les mêmes dans les deux cas ?

768 Notion d'évolution du litige. – L'évolution du litige ne doit pas être confondue avec la
prise de conscience d'une erreur commise en première instance, que révèle le jugement au premier
degré. Par exemple, des désordres apparaissent dans un immeuble. Le maître de l'ouvrage assigne
l'entrepreneur et l'architecte. Un expert est nommé, dont le rapport fait apparaître que les désordres
sont dus à la mauvaise qualité des matériaux utilisés. Les défendeurs prennent connaissance du
rapport sans réagir et ils sont condamnés en première instance. Ils interjettent appel et c'est alors
seulement qu'ils forment une demande en intervention forcée contre le fabricant du matériau. La
demande en intervention forcée est justement déclarée irrecevable 2428. Quel est le fait qui s'est
produit ou s'est révélé ? Il faut par principe exclure le jugement 2429. Par lui-même, le jugement ne
peut faire évoluer le litige, il ne fait que révéler et sanctionner une évolution qui lui est
nécessairement antérieure ; il appartenait aux parties d'en tirer les conséquences. Dans l'exemple
choisi, les défendeurs auraient dû penser, à la lecture du rapport d'expertise, que la mauvaise qualité
des matériaux, sans être de nature à les exonérer de leur responsabilité à l'égard du maître de
l'ouvrage, leur ouvrait un recours contre le fabricant des matériaux.
Positivement, l'évolution du litige résulte d'un fait relatif au procès ou d'une norme nouvelle
rétroactive 2430, qui en modifie les données. Ce peut être un événement nouveau qui survient après le
jugement du premier degré. Par exemple, la Cour de cassation a admis la recevabilité en appel d'une
demande en intervention forcée contre l'assureur de responsabilité, en raison de l'ouverture d'une
procédure collective à l'encontre de l'assuré 2431. L'ouverture de la procédure collective modifie
profondément le droit du créancier d'obtenir le paiement de ce qui lui est dû par le débiteur en état de
cessation de paiement. Elle modifie ainsi les données du litige. Comme l'énonce l'article 564 du
Code de procédure civile, l'évolution du litige peut aussi tenir à l'intervention volontaire d'un tiers.
Par ailleurs, l'évolution peut être constituée par un fait qui s'est produit avant le jugement, mais qui
n'a été connu des parties qu'après le jugement du premier degré. Par exemple, à supposer que la cour
d'appel nomme un expert et que son expertise fasse apparaître des éléments restés jusque-là inconnus
des parties, ces éléments nouveaux, parce qu'ils touchent aux faits litigieux, constituent une évolution
du litige permettant une demande en intervention forcée 2432. De la même façon, l'évolution du litige
peut tenir à l'allégation par le défendeur de faits inconnus du demandeur 2433. Chaque fois que s'est
produite une évolution du litige, le demandeur peut soumettre à la cour une demande nouvelle,
consistant le plus souvent en une demande en intervention forcée, qui peut être formée aussi bien aux
fins de jugement commun 2434 qu'aux fins de condamnation 2435.

B. LES AUTRES DEMANDES RECEVABLES

769 Demande reconventionnelle. – Pour deux sortes de demandes incidentes, le Code de


procédure civile pose des règles différentes de celles qui viennent d'être indiquées. En premier lieu,
l'article 567 dispose que « les demandes reconventionnelles sont également recevables en appel ». Il
résulte de ce texte que les demandes reconventionnelles sont recevables en appel indépendamment de
toute évolution du litige. La règle s'applique non seulement aux demandes reconventionnelles
hybrides qui sont à la fois des demandes et des défenses 2436, mais encore à celles qui sont de pures
demandes. La Cour de cassation ne distingue pas entre elles 2437. La seule condition posée à leur
recevabilité est qu'elles soient connexes aux demandes déjà présentées au juge, comme le prévoit
l'article 70 du Code de procédure civile 2438.

770 Demande en intervention volontaire. – L'autre demande incidente soumise à un régime


particulier est la demande en intervention volontaire. L'article 554 dispose en effet que « peuvent
intervenir en cause d'appel dès lors qu'elles y ont intérêt les personnes qui n'ont été ni parties, ni
représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité ». À la première lecture, ce
texte semble admettre les demandes en intervention volontaire aussi libéralement que le fait
l'article 567 pour les demandes reconventionnelles. Cependant, son interprétation a longtemps divisé
la Cour de cassation. Pour la deuxième chambre civile et la chambre commerciale, un tiers ne
pouvait intervenir librement en instance d'appel que s'il ne demandait pas « des condamnations
personnelles n'ayant pas subi l'épreuve du premier degré de juridiction » 2439. Par exemple, si la
victime d'un accident demandait réparation de son préjudice, une autre victime de l'accident ne
pouvait pas intervenir en appel pour demander la réparation de son propre préjudice. Cette solution
reposait implicitement sur l'idée selon laquelle le lien entre deux demandes n'est pas suffisant (au
moins au stade de l'appel), lorsqu'elles ne tendent pas à la réparation du même préjudice 2440. À
l'inverse, la troisième chambre civile jugeait que l'intervention volontaire en cause d'appel était
subordonnée à la seule existence d'un intérêt pour celui qui la formait et d'un lien suffisant avec les
prétentions originaires, cet intérêt et ce lien étant appréciés souverainement par les juges du fond 2441.
Finalement, c'est une solution proche qu'a retenue un arrêt rendu en chambre mixte, le 9 novembre
2007 2442 : désormais, à l'instar de l'intérêt à agir de l'intervenant volontaire, le lien suffisant qui doit
exister entre sa demande et les prétentions originaires relève de l'appréciation souveraine des juges
du fond. Peu importe donc que sa demande tende à la réparation d'un préjudice propre. Dès lors que
la Cour de cassation refuse de contrôler le caractère suffisant du lien qui peut unir cette demande aux
prétentions initiales, les cours d'appel peuvent librement juger que ledit lien est suffisant ou qu'il ne
l'est pas.
Cette nouvelle jurisprudence, qui a le mérite de la simplicité, restitue toute sa portée à
l'article 554 du Code de procédure civile. À s'en tenir à la position de la deuxième chambre civile,
on ne pouvait guère admettre que des interventions volontaires accessoires dans lesquelles
l'intervenant ne formait pas de prétention qui lui soit propre, se contentant de soutenir les prétentions
d'une partie originaire à l'instance 2443. Pour obtenir la condamnation personnelle de son adversaire,
l'intervenant volontaire devait s'inscrire dans le cadre de la règle ordinaire posée par les articles 555
et 564 du Code de procédure civile et justifier d'une évolution du litige 2444, ce qui ne se rencontrait
que très rarement 2445.

771 Sanction des demandes nouvelles. – L'interdiction des demandes nouvelles en appel, en
dehors des exceptions qui viennent d'être indiquées, est sanctionnée par une fin de non-recevoir qui,
jusqu'en 2010, ne pouvait pas être soulevée d'office par la cour d'appel, la Cour de cassation
décidant qu’elle n'était pas d'ordre public 2446. Cependant, le décret n 2009-1524 du 9 décembre
o

2009 a renversé cette solution à compter du 1 janvier 2011. Dorénavant, l'article 564 du Code de
er

procédure précise que l'interdiction des prétentions nouvelles en appel est posée « à peine
d'irrecevabilité relevée d'office ». La formulation du nouveau texte pouvait donner à penser que ce
n'était pas une simple faculté, mais bien une obligation, qu'avait désormais le juge de relever d'office
la nouveauté d'une demande, lorsque les éléments présents dans le dossier la révélait. Cette fin de
non-recevoir serait devenue d'ordre public par la volonté du pouvoir réglementaire. Toutefois, la
majorité des auteurs penchait en faveur d'une simple faculté 2447 et la Cour de cassation leur a donné
raison. Selon elle, l'actuel article 564 du Code de procédure civile « ne confère au juge que la simple
faculté de relever d'office la fin de non-recevoir tirée de la nouveauté d'une demande en appel »,
laquelle n'est toujours pas d'ordre public 2448.

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J. VINCENT, « Les dimensions nouvelles de l'appel en matière civile », D. 1973, chr. p. 179.
CHAPITRE II
LA PROCÉDURE DE L'APPEL

772 Généralités. – La procédure de l'appel 2449, régie par les articles 899 à 972 du Code de
procédure civile, reprend, pour une large part, les dispositions applicables aux instances qui se
déroulent au premier degré, soit que les solutions énoncées sont identiques, soit même que le Code de
procédure civile renvoie expressément aux textes régissant la procédure au premier degré, en
particulier celle applicable au tribunal de grande instance 2450. Elle ne présente d'originalité que sur
certains points en raison de ce que l'instance porte sur une voie de recours. C'est ce qui explique que
l'on ne trouvera pas un exposé complet de la procédure d'appel : seules seront indiquées les
différences qui en marquent l'originalité, les autres règles faisant l'objet d'un simple renvoi.
La ressemblance la plus importante se rencontre en matière gracieuse. L'article 953 dispose en
effet que « l'appel est instruit et jugé selon les règles applicables en matière gracieuse devant le
tribunal de grande instance ». La seule particularité qui mérite d'être signalée intéresse l'introduction
de l'instance. L'appel est formé par une déclaration faite ou adressée par pli recommandé, au
secrétariat de la juridiction qui a rendu la décision, par un avocat 2451. À la suite de cette déclaration,
le juge du premier degré peut décider de modifier ou de rétracter sa décision, par dérogation au
principe du dessaisissement du juge 2452. Si le juge n'utilise pas cette possibilité, le secrétaire du
tribunal transmet au greffe de la cour d'appel le dossier de l'affaire avec la déclaration et une copie
de la décision.
Pour ce qui est de la matière contentieuse, la lecture du Code de procédure civile fait apparaître
une différence comparable à celle déjà rencontrée en première instance, entre la procédure
applicable devant le tribunal de grande instance et celles applicables devant les juridictions
d'exception. De la première, doit être rapprochée la procédure avec représentation obligatoire
(section I), qui a été réformée par un décret du 9 décembre 2009 2453 et que régissent les articles 900
à 930 du Code de procédure civile. Des secondes doit être rapprochée la procédure sans
représentation obligatoire (section II), que régissent les articles 931 à 949.

SECTION I
LA PROCÉDURE AVEC REPRÉSENTATION OBLIGATOIRE

773 Feu l'avoué. – Comme son nom l'indique suffisamment, la procédure avec représentation
obligatoire se caractérise par l'obligation qu'ont les parties de se faire représenter en justice par un
praticien professionnel. Jusqu'au 31 décembre 2011, il s'agissait de l'avoué 2454. À la différence des
avocats qui, devant le tribunal de grande instance, représentent et assistent les parties, les avoués ne
faisaient que les représenter ; en particulier, ils ne plaidaient pas devant la cour car seuls les avocats
pouvaient le faire 2455. En appel, il fallait donc soigneusement distinguer la représentation et
l'assistance.
Le 1 janvier 2012, la fonction d'avoué a disparu 2456. Désormais, ce sont les avocats qui
er

représentent (et assistent) les plaideurs devant la cour d'appel. Des règles de postulation sont posées
par l'article 5 modifié de la loi n 71-1130 du 31 décembre 1971 : les avocats ne peuvent représenter
o

leurs clients que devant la cour d'appel dont dépend le tribunal de grande instance dans le ressort
duquel ils ont établi leur résidence professionnelle. Par exemple, un avocat inscrit au barreau
de Lisieux peut, comme ses confrères du barreau de Caen, postuler devant la cour d'appel de Caen.
Cette prérogative n'est pas réservée aux praticiens du barreau de Caen ; elle bénéficie à tous les
avocats de Basse-Normandie. Mais si son client a besoin d'être représenté devant la cour d'appel
de Bordeaux, notre avocat lexovien devra recourir aux services d'un confrère du ressort de cette cour.
Il ne pourra lui-même qu'assister son client devant la juridiction bordelaise, notamment en plaidant.
Le client sera donc représenté dans la procédure par un avocat et assisté à l'audience par un autre. On
retrouve ici la distinction des fonctions de représentation et d'assistance bien connue devant les
tribunaux de grande instance 2457.
La procédure d'appel avec représentation obligatoire est particulière à bien des égards, mais on y
retrouve un certain nombre de règles applicables devant le tribunal de grande instance. C'est ainsi
que l'article 907 du Code de procédure civile renvoie expressément aux dispositions particulières à
ce tribunal pour l'instruction de l'affaire. On retrouve même, sous quelques nuances qui seront
indiquées, la distinction entre la procédure ordinaire (§ 1) et la procédure à jour fixe (§ 2).

774 Domaine de la représentation obligatoire en appel. – Avant d'aborder ces


développements, il convient encore d'indiquer que, si, pour ce qui est du contenu des règles, on peut
rapprocher la procédure avec représentation obligatoire de la procédure applicable devant le
tribunal de grande instance, on doit se garder d'un tel rapprochement pour ce qui est de leur domaine
d'application : la procédure avec représentation obligatoire dispose d'un domaine beaucoup plus
large. Elle s'applique non seulement aux appels formés contre les jugements rendus par un tribunal de
grande instance, mais encore, de façon générale, aux appels formés contre les jugements rendus par
toute juridiction, sauf disposition contraire. C'est ainsi qu'elle régit en principe les instances d'appel
à la suite de jugements rendus par un tribunal de commerce ou par un tribunal d'instance 2458. De
même, en l'absence de texte contraire, la procédure avec représentation obligatoire s'applique aussi
aux appels formés contre les ordonnances de référé.

§ 1. LA PROCÉDURE ORDINAIRE

775 Plan. – Les traits originaux de la procédure ordinaire marquent successivement le début de
l'instance (A), l'instruction de l'affaire (B) et la décision rendue par la cour d'appel (C).

A. LE DÉBUT DE L'INSTANCE

776 Délais d'appel. – À proprement parler, il n'existe pas de disposition spécifique régissant le
délai pour former appel : il s'agit de dispositions communes aux deux voies de recours ordinaires que
sont l'appel et l'opposition. L'article 538 du Code de procédure civile pose, en principe, que le délai
de recours est d'un mois en matière contentieuse 2459 et de quinze jours en matière gracieuse.
Bien entendu, la règle comporte des exceptions. C'est ainsi que des textes particuliers, dont il
convient d'indiquer les principaux, fixent à quinze jours le délai pour former appel en matière
contentieuse : l'article 490 du Code de procédure civile pour les ordonnances de référé 2460,
l'article 496 pour les ordonnances rejetant une demande présentée sur requête 2461, l'article 776 pour
les ordonnances du juge de la mise en état et l'article 868 pour celles du juge chargé d’instruire
l’affaire du tribunal de commerce 2462. On signalera enfin qu'en matière de procédures collectives,
l'article R. 661-3 du Code de commerce fixe en principe à dix jours le délai ouvert pour former
appel.

777 La déclaration d'appel. – Jusqu'au Code de procédure civile de 1975, l'acte introductif
d'instance consistait en une assignation que l'appelant délivrait aux parties qu'il entendait intimer.
Puis, les rédacteurs du Code l'ont remplacée par une déclaration, adoptant ainsi la solution qui était
en vigueur en Alsace-Moselle. La déclaration était effectuée par l'avoué 2463 de l'appelant au greffe de
la cour d'appel en autant d'exemplaires qu'il existait d'intimés plus deux 2464 : l'un de ces deux
exemplaires était destiné à être versé au dossier, et l'autre était immédiatement restitué à l'avoué.
Depuis septembre 2011 2465, les déclarations d'appel sont remises à la cour d'appel par voie
électronique, à peine d'irrecevabilité relevée d'office 2466. Fort heureusement, l'article 930-1 du Code
de procédure civile précise que si un acte ne peut être transmis électroniquement, « pour une cause
étrangère 2467 à celui qui l'accomplit », il sera établi sur support papier et remis au greffe. En quelque
sorte, la technique traditionnelle vient au secours des plaideurs en cas de défaillance de
l'informatique. En principe, la déclaration d'appel est faite par voie télématique, mais en cas
d'impossibilité, elle est remise au greffe sur support papier. Dans un cas comme dans l'autre,
l'article 901 du Code de procédure civile relatif au contenu de la déclaration est applicable.
L'article 901, qui renvoie à l'article 58 du Code de procédure civile, prévoit que la déclaration
d'appel comprend d'abord l'identification complète de l'appelant : s'il s'agit d'une personne physique,
ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance et, s'il s'agit d'une
personne morale, sa forme, sa dénomination, son siège social et l'organe qui la représente
légalement 2468. Elle indique ensuite les noms et domicile de l'intimé, s'il s'agit d'une personne
physique, ou sa dénomination et son siège social, s'il s'agit d'une personne morale 2469. La déclaration
comprend encore la constitution d'avocat de l'appelant, l'indication de la décision attaquée et de la
cour devant laquelle l'appel est porté. Le cas échéant 2470, elle mentionne aussi les chefs du jugement
auquel l'appel est limité. La déclaration est signée par l'avocat qui représente l'appelant devant la
cour et elle est accompagnée d'une copie de la décision.
Les mentions obligatoires de la déclaration sont exigées par l'article 901 du Code de procédure
civile à peine de nullité 2471. S'agissant d'énonciations formelles, les règles applicables sont celles
qui régissent les nullités pour vice de forme 2472. La déclaration d'appel ne peut donc être annulée que
si l'omission ou l'inexactitude d'une mention cause un grief à l'adversaire qui l'invoque. Ce sera le
cas, par exemple, si elle empêche l'intimé d'identifier le procès qui va rebondir en appel, faute
d'indiquer la décision attaquée. Il en va de même lorsque l'inexactitude de l'adresse donnée par
l'appelant rend difficile l'exécution de l'arrêt à intervenir ou du jugement déjà rendu quand il
bénéficie de l'exécution provisoire 2473. Cela étant, il appartient aux juges du fond d'apprécier
souverainement l'existence d'un grief pour l'intimé 2474.
778 L'information des intimés. – Pour que la cour d'appel puisse prendre connaissance de
l'ensemble de l'affaire, le dossier de première instance est demandé par le greffier et il est joint à
celui qui est ouvert devant la cour 2475. Mais comme il faut aussi que les intimés puissent se défendre,
le greffier adresse un exemplaire de la déclaration d'appel à chacun d'eux, au moyen d'une lettre
simple, avec l'indication de l'obligation de constituer avocat 2476. À partir de là, plusieurs scénarios
sont possibles. Il se peut que la lettre soit retournée au greffier par les services postaux ; il en avise
alors l'avocat de l'appelant, à charge pour celui-ci de signifier sa déclaration d'appel à l'intimé qui ne
l'a pas reçue. Il se peut également que l'intimé n'ait pas constitué avocat dans le délai d'un mois
suivant l'envoi de la lettre simple ; le greffier doit alors adresser à l'avocat de l'appelant un avis
d'avoir à procéder par voie de signification, comme si sa lettre lui avait été retournée par la poste.
Dans un cas comme dans l'autre, il subsiste en effet un doute sur le point de savoir si l'intimé a eu
réellement connaissance de l'acte d'appel 2477, ce qui justifie le recours à l'acte d'huissier qui présente
plus de garanties. Quoi qu'il en soit, l'appelant avisé par le greffier de l'absence de constitution
d'avocat de son adversaire ou du retour de sa lettre au greffe, a un mois 2478 pour effectuer la
signification de sa déclaration d'appel, à peine de caducité de celle-ci. Jusqu'à la réforme de l'appel
intervenue en 2009 2479, le Code n'indiquait pas le délai à l'expiration duquel l'appelant devait
procéder à la signification de sa déclaration d'appel, ni celui dans lequel il devait y procéder. Ce qui
comptait, c'était que l'assignation soit effectuée suffisamment tôt pour que l'intimé puisse encore
organiser sa défense. Avec ces deux délais d'un mois chacun, le droit a gagné en sécurité ce qu'il a
perdu en souplesse.
Dans son contenu, l'acte de signification indique à l'intimé, à peine de nullité, que faute pour lui de
constituer avocat dans un délai de quinze jours à compter de la signification, il s'expose à ce qu'un
arrêt soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire. Il s'agit simplement de lui
rappeler l'existence d'un délai de comparution 2480. L'acte de signification ajoute que, faute de
conclure dans le délai mentionné à l'article 909, l'intimé s'expose à ce que ses écritures soient
déclarées d'office irrecevables. On verra, en effet, que l'intimé dispose d'un délai de deux mois pour
conclure, à compter de la notification des conclusions de l'appelant 2481.

779 La constitution d'avocat par l'intimé. – La constitution d'avocat par l'intimé est notifiée
aux autres parties par notification entre avocats 2482. Comme la constitution d'avocat en première
instance, elle contient une identification complète de l'intimé : pour une personne physique, ses nom,
prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance et, pour une personne morale, sa
forme, sa dénomination, son siège social et l'organe qui la représente légalement 2483. La copie de
l'acte de constitution est ensuite remise au greffe de la cour 2484. C'est l'avocat de l'intimé qui effectue
ce dépôt 2485. Depuis septembre 2011, il doit en principe procéder par voie électronique 2486.

780 L'effet de la déclaration d'appel : la saisine de la cour. – Jusqu'à l'entrée en vigueur du


décret du 20 août 2004, la déclaration d'appel, acte introductif d'instance, ne suffisait pas à saisir la
cour. Il fallait, pour cela, qu'une des parties demandât l'inscription de l'affaire au rôle 2487. Ce n'est
plus le cas aujourd'hui, l'article 901 du Code de procédure civile énonçant que la déclaration d'appel
« vaut demande d'inscription au rôle ». C'est donc désormais le même acte qui introduit l'instance
et saisit la juridiction du second degré (dès lors qu'il est remis au greffe). On peut se féliciter d'une
telle simplification, car le contenu de la procédure antérieure était source de lourdeur, sans véritable
nécessité 2488.
781 La requête conjointe. – Il convient, pour terminer ce développement sur le début de
l'instance d'appel, de signaler que l'instance d'appel peut aussi être introduite par une requête
conjointe, dont l'article 926 du Code de procédure civile précise qu'elle n'est recevable que si elle
est présentée par toutes les parties à la première instance. Outre les mentions exigées par l'article 57
du même code pour la requête conjointe en première instance, la requête doit contenir une copie
certifiée conforme du jugement frappé d'appel, la constitution des avocats des parties, ainsi que, le
cas échéant, l'indication des chefs du jugement auquel l'appel est limité. La requête est signée par les
avocats constitués. Comme en première instance, l'article 927 du Code de procédure civile dispose
que toutes les mentions de la requête sont exigées à peine d'irrecevabilité de l'acte et non de nullité.
En vertu de l'article 928, la requête doit être remise au greffe dans le délai d'appel, et cette remise
réalise la saisine de la cour 2489.

B. L'INSTRUCTION DE L'AFFAIRE

782 Circuits courts et circuit long. – C'est principalement à propos de l'instruction de l'affaire
qu'on peut rapprocher la procédure applicable devant le tribunal de grande instance de la procédure
avec représentation obligatoire devant la cour d'appel. Après la saisine de la cour, le greffier
transmet le dossier au premier président de la cour d'appel qui désigne la chambre à laquelle l'affaire
est distribuée. Dans un second temps, le président de la chambre va déterminer le circuit qui sera
utilisé. Comme en première instance, il peut décider d'avoir recours à l'un des deux circuits courts,
conformément aux dispositions des articles 760 à 762 du Code de procédure civile. L'article 905 du
même code l'exprime en énonçant que, dans certains cas, le président « fixe à bref délai l'audience à
laquelle » l'affaire sera appelée. Il en va d'abord ainsi lorsque l'affaire semble présenter un caractère
d'urgence ou être en état d'être jugée. La référence à la situation dans laquelle l'affaire est en état
d'être jugée n'a rien d'étonnant, puisque c'est sous la même condition que les circuits courts peuvent
être empruntés devant le tribunal de grande instance 2490. La référence à l'urgence appelle, quant à
elle, une brève explication, car elle est étrangère aux circuits courts en première instance. En cas
d'urgence, la procédure qui s'offre traditionnellement à un plaideur, devant le tribunal de grande
instance, est la procédure à jour fixe 2491. Ce type de procédure existe aussi devant la cour d'appel,
mais une simple urgence ne suffit pas : il faut que les droits de la partie soient « en péril » 2492. Eu
égard à cette condition particulière, qui est plus difficile à remplir qu'une simple condition d'urgence,
la procédure à jour fixe devant la cour d'appel apparaît comme une voie très étroite. Au demeurant,
nous verrons qu'elle est très rigoureuse pour celui qui demande à en bénéficier. Afin de faciliter un
traitement rapide des situations présentant un caractère d'urgence, le législateur a donc prévu de les
soumettre aux circuits courts en appel. En prévoyant une solution intermédiaire entre la relative
lenteur de la procédure ordinaire (avec instruction par le conseiller de la mise en état) et l'extrême
rigueur de la procédure à jour fixe, il offre une alternative à cette dernière. Le choix d'un circuit court
s'impose également lorsque l'appel a été formé par requête conjointe 2493, ainsi qu'en cas d'appel
d'une ordonnance de référé 2494 ou d'une ordonnance du juge de la mise en état 2495.
Les circuits courts, dont il vient d'être question, supposent remplies certaines conditions
(alternatives) : requête conjointe, urgence, affaire en état d'être jugée ou, encore, appel d'une
ordonnance de référé. Mais, lorsqu'une de ces conditions est remplie, le recours à cette procédure
simplifiée n'est pas inéluctable : d'une part, rien n'interdit à une partie de solliciter le bénéfice d'une
procédure à jour fixe 2496 ; et d'autre part, si au jour de l'audience fixée à bref délai, il apparaît que
l'affaire n'est pas en état d'être jugée, le président de la chambre renvoie l'affaire au conseiller de la
mise en état. On en revient alors au circuit normal, c'est-à-dire au circuit long.
En raison du renvoi qu'opère l'article 907 du Code de procédure civile aux dispositions
applicables devant le tribunal de grande instance, l'exposé de toutes les règles régissant l'instruction
de l'affaire devant le conseiller de la mise en état constituerait une répétition inutile. Il suffit de
procéder à une adaptation pour tenir compte des acteurs de l'instance d'appel : ainsi, le conseiller de
la mise en état remplace le juge de la mise en état. Le renvoi aux règles applicables devant le tribunal
de grande instance n'est cependant pas total. La procédure d'appel conserve une originalité certaine,
qui se manifeste pour ce qui est des conclusions des parties (1) et des mesures prises en cours
d'instance (2).

1. Les conclusions des parties

783 La possibilité de limiter la dévolution. – Les conclusions des parties en instance d'appel
présentent trois particularités qui tiennent toutes les trois au fait qu'elles sont prises au cours d'une
instance de voie de recours. En premier lieu, les conclusions contribuent, avec l'acte d'appel, à
déterminer l'étendue de la dévolution. La dévolution peut d'abord être limitée par l'acte d'appel lui-
même : il va énoncer les chefs auxquels se limite la critique du jugement 2497. Cette première
limitation est définitive en ce sens que des conclusions ultérieures ne peuvent étendre la dévolution à
des chefs du jugement autres que ceux visés par l'acte d'appel 2498. En revanche, il résulte de
l'article 954, alinéa 1 , du Code de procédure civile que les conclusions ultérieures peuvent
er

restreindre l'étendue de la dévolution : celle-ci se trouve limitée aux chefs du jugement qu'elles
critiquent 2499. À cela s'ajoute que les prétentions non reprises dans ses dernières conclusions sont
réputées abandonnées par leur auteur, en vertu de l'article 954.

784 Le contenu des conclusions d'appel. – Le texte actuel de l'article 954 du Code de
procédure civile dispose que les conclusions d'appel doivent formuler expressément les moyens de
fait et de droit sur lesquels chacune des prétentions est fondée et indiquer, pour chaque prétention, les
pièces invoquées 2500. De plus, un bordereau récapitulatif desdites pièces est annexé aux conclusions.
Sur les raisons d'être de ces dispositions, il convient de se reporter aux développements que nous
avons consacrés aux conclusions qualificatives 2501 et récapitulatives et à la technique des
bordereaux 2502, lors de l'étude de la procédure devant le tribunal de grande instance. Sur ces points,
l'article 954 du Code de procédure civile reprend, pour l'essentiel, la règle de l'article 753.
L'article 954 soumet cependant les parties à l'instance d'appel à des obligations particulières,
pour ce qui est de leurs moyens. S'agissant de l'appelant 2503 d'abord, ce texte dispose que « la partie
qui conclut à l'infirmation du jugement doit expressément énoncer les moyens qu'elle invoque sans
pouvoir procéder par voie de référence à ses conclusions de première instance ». Un jugement a déjà
été rendu, qui a statué en considération des moyens soumis au juge du premier degré. La simple
reprise des conclusions de première instance aboutirait à méconnaître que le jugement rendu apporte
presque toujours quelque chose au litige, ne serait-ce que sur certains points, même limités, de fait et
de droit que les parties vont cesser de discuter. L'article 954 oblige les conseils des parties à tenir
compte de l'existence du jugement déjà rendu et à reprendre l'examen de l'affaire en fonction de ce
jugement. En application de cette règle, la Cour de cassation décide que, si les conclusions d'appel
ne contiennent aucun moyen critiquant un chef du jugement, la cour ne peut, pour ce chef, que rejeter
l'appel 2504 et confirmer le jugement sans avoir à en examiner le bien-fondé : il lui suffit, pour motiver
sa décision, de constater que les conclusions de l'appelant ne contiennent aucun moyen 2505. Et si
l'appelant n'a déposé aucunes conclusions, son appel doit être entièrement rejeté.
L'article 954 du Code de procédure civile est moins exigeant pour l'intimé. En effet, aux termes du
dernier alinéa de ce texte, « la partie qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation
du jugement est réputée s'en approprier les motifs ». Il existe déjà une décision qui, pour une raison
déterminée, a donné satisfaction à l'intimé et cette raison suffit, a priori, à justifier la position de ce
plaideur : l'intimé peut s'appuyer sur le jugement contre lequel a été formée la voie de recours. A
contrario, s'il entend s'appuyer sur des moyens qui n'ont pas été repris par les juges du premier
degré, il doit les formuler expressément. Pour ces moyens, il ne peut se contenter de se référer à ses
conclusions de première instance 2506. Et s'il énonce de nouveaux moyens, la lettre de l'article 954 du
Code de procédure civile conduit à dire que le plaideur qui demande la confirmation du jugement
n'est pas réputé s'approprier les motifs des premiers juges 2507.
On notera enfin que l'article 954, alinéa 3, du Code de procédure civile, dispose que les parties
doivent reprendre dans leurs dernières écritures les moyens précédemment invoqués, à défaut de quoi
elles sont réputées les avoir abandonnés. Ce texte aboutit, le cas échéant, à faire jouer deux fois de
suite le mécanisme de l'article 954 : il faut reprendre dans les conclusions récapitulatives les moyens
énoncés dans les précédentes conclusions d'appel, dans lesquelles ont déjà dû être repris les moyens
énoncés dans les conclusions de première instance !

785 La forme des conclusions en appel. – Sur la forme des conclusions, l'alinéa 2 de
l'article 954 du Code de procédure civile, issu du décret n 2009-1524 du 9 décembre 2009, dispose
o

que « les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif » et que « la cour ne statue que sur les
prétentions énoncées au dispositif ». L'objectif des pouvoirs publics a manifestement été de faciliter
le travail des juges. En tenant pour inexistantes les prétentions qui seraient énoncées dans les seuls
moyens des parties, ils limitent sensiblement le risque d'omission de statuer. Mais, en contrepartie,
les plaideurs n'ont pas droit à l'erreur : leurs prétentions doivent être récapitulées dans une partie des
conclusions conçue à cet effet.

786 La communication simultanée des pièces et conclusions. – Une différence entre les
procédures en vigueur devant le tribunal de grande instance et la cour d’appel résulte de l’article 906
du Code de procédure civile. Celui-ci dispose que les conclusions sont notifiées et les pièces
communiquées simultanément par l’avocat de chacune des parties. Devant la cour d’appel, quand on
adresse des conclusions à son adversaire, on ne doit donc pas remettre à plus tard la communication
des pièces sur lesquelles elles se fondent. Reste que le Code n’assortit pas cette exigence de la
moindre sanction. Interrogée sur ce point, la Cour de cassation a d’abord rendu un avis selon lequel
les pièces invoquées au soutien des prétentions devaient être écartées si elles n’étaient pas
communiquées simultanément à la notification des conclusions 2508. Par la suite, elle est revenue sur
cette solution et a considéré que les pièces en question n’avaient pas à être écartées des débats,
pourvu qu’elles soient communiquées à l’adversaire en temps utile 2509. Ce revirement doit être
approuvé. En effet, la sanction initialement retenue n’avait guère de sens, dès lors que rien ne
semblait interdire la notification de nouvelles conclusions accompagnées des pièces précédemment
omises 2510.

787 Les délais de dépôt et de communication des conclusions. – Le décret n 2009-1524 du


o

9 décembre 2009 a substantiellement modifié les règles qui s'appliquaient jusqu'alors au dépôt des
conclusions 2511. Dans le dessein d'accélérer l'instance d'appel, l'article 908 du Code de procédure
civile dispose que l'appelant doit conclure dans les trois mois de la déclaration d'appel 2512. La
sanction du dépassement de ce délai est bien plus radicale que la radiation déjà sévère que prévoyait
l'article 915 (ancien) du Code de procédure civile avant la réforme de 2009. Désormais, en vertu de
l'article 908, c'est la caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office 2513, qui est encourue. C'est
dire qu'en général, cette voie de recours est définitivement fermée à l'appelant qui a omis de déposer
des conclusions dans le délai de trois mois, du moins lorsque le jugement a été notifié, car la
déclaration d'appel ne peut plus être réitérée une fois écoulé le délai d'appel 2514.
Le délai de l'article 908 du Code de procédure civile a soulevé une difficulté d'interprétation (tout
comme l'ancien article 915 qui l'a précédé) : faut-il comprendre que « des conclusions » doivent
avoir été déposées dans ce délai ou, au contraire, que la partie doit avoir entièrement conclu, c'est-à-
dire exposé l'ensemble de ses moyens de réformation ? Certains magistrats désireux d'accélérer et de
simplifier la procédure prônaient la seconde interprétation du texte 2515. Mais, comme l’a justement
décidé la Cour de cassation 2516, c'est la première réponse qui s'impose, comme sous l'empire de
l'ancien article 915 : l'appelant doit déposer, dans le délai de trois mois, des conclusions présentant
au moins un moyen de réformation 2517, mais il ne lui est pas interdit de les compléter ultérieurement
(et même au-delà de ce délai, jusqu’à la clôture de l’instruction), par des écritures additionnelles qui
énonceraient des moyens supplémentaires au soutien de ses prétentions. Il ne faut donc pas
rapprocher la disposition de l'article 908 de l'article 978 qui régit la procédure du pourvoi en
cassation, dans laquelle le demandeur à la cassation a quatre mois pour déposer un mémoire
contenant ses moyens de droit 2518. Au-delà de ce délai, le demandeur ne peut plus soumettre à la
haute Juridiction de nouveau moyen de cassation. Cette règle se comprend aisément dans la
procédure de cassation où les parties vont s'opposer mutuellement des moyens de droit. Au contraire,
en appel, l'intimé peut alléguer de nouveaux faits, produire de nouveaux moyens de preuve et
développer, à partir de ces éléments nouveaux, des moyens mélangés de fait et de droit auxquels
l'appelant ne peut évidemment pas répliquer d'avance et auxquels il faut cependant lui permettre de
répondre, sauf à transgresser son droit à un procès équitable. Il est donc logique que l'appelant ne soit
tenu dans ce délai que de déposer des conclusions qu'il complétera éventuellement plus tard, de façon
à faire valoir tous ses moyens comme l'exige l'article 954 du Code de procédure civile. En pratique,
il doit donc pouvoir se borner, par exemple, à recycler le contenu de ses conclusions de première
instance, pour satisfaire aux prescriptions de l'article 908 2519.
L'article 909 du Code de procédure civile instaure également un délai à l'égard de l'intimé, pour
conclure 2520 et former, le cas échéant, appel incident. Cette fois-ci, le délai est de deux mois et court
à partir de la notification des conclusions de l'appelant à l'intimé 2521. Un délai comparable de deux
mois est également ouvert, par l'article 910, à l'intimé sur appel incident ou provoqué, à compter de
la notification de cet appel 2522. Enfin, c'est un délai de trois mois qui est ouvert à l'intervenant
forcé 2523 en appel, à compter de la notification de la demande d'intervention formée à son encontre.
Si ce dernier délai est un peu plus long, c'est parce que l'intervenant forcé, étant initialement un tiers
au procès, est censé avoir besoin de plus de temps pour préparer sa défense que les personnes qui
étaient déjà parties en première instance. Ces délais de deux ou trois mois ouverts aux intimés et à
l'intervenant forcé sont sanctionnés par l'irrecevabilité de leurs conclusions et, le cas échéant, de leur
appel incident (pour les intimés). Et selon la Cour de cassation, cette irrecevabilité rejaillit sur les
pièces communiquées et produites par l’intimé au soutien desdites conclusions, ce qui paraît bien
sévère 2524.
L'article 911 du Code de procédure civile prévoit également que les conclusions des différentes
parties doivent être notifiées à l'avocat de leurs adversaires dans le délai de leur remise au greffe de
la cour. La règle reprend logiquement le principe de la contradiction : comme devant le tribunal de
grande instance, il ne suffit pas de déposer des écritures au greffe, il faut aussi les porter à la
connaissance des autres parties. Et si un adversaire n'a pas constitué avocat, on dispose d'un mois
supplémentaire 2525 pour lui signifier les conclusions 2526, étant précisé que si, entre-temps, il constitue
avocat avant que les conclusions lui soient signifiées, c'est à son avocat que la notification doit être
adressée. Complétant ce texte, la Cour de cassation a décidé qu’une signification des conclusions de
l’appelant à l’intimé dans le délai de trois mois le dispensait de les notifier à l’avocat de ce dernier
ultérieurement constitué 2527. De plus, elle a jugé que le délai supplémentaire d’un mois était
également ouvert à l’appelant ayant remis ses conclusions au greffe avant la constitution d’avocat de
l’intimé, ce délai supplémentaire lui permettant de les notifier à cet avocat 2528. En résumé, l’appelant
qui remet des conclusions au greffe avant que son adversaire ait constitué avocat peut se borner à les
signifier à la partie adverse dans les délais prévus aux textes, tant qu’elle n’a pas constitué avocat.
Une fois qu’elle a constitué avocat, des conclusions qui ne lui auraient pas encore été signifiées
devront être notifiées à cet avocat, mais l’appelant profitera, pour cela, du délai supplémentaire d’un
mois (au-delà du délai initial de trois mois). Ces solutions ont le mérite de la simplicité et sont
bienvenues, tant les conséquences d’une méconnaissance des textes peuvent être graves. En effet,
l'article 911 dispose que l’obligation de notifier les conclusions dans un certain délai est, elle aussi,
sanctionnée par la caducité de la déclaration d'appel, concernant l'appelant et par l'irrecevabilité des
conclusions non communiquées ou communiquées tardivement 2529, concernant les autres parties.
Les délais des articles 908 à 911 du Code de procédure civile, dont il vient d'être question, sont
extrêmement rigoureux pour les parties et constituent, disons-le, un véritable carcan, au moins dans le
cas ordinaire où c’est un circuit long qui a été emprunté. En revanche, la Cour de cassation a estimé
qu’ils ne s’appliquaient pas au circuit court 2530. Sous réserve de cette notable exception, la rapidité
de traitement des dossiers semble justifier la plus extrême rigidité, aux yeux du ministère de la
Justice. La situation des praticiens de l'appel est d'autant plus délicate que le conseiller de la mise en
état peut, même d'office, « en raison de la nature de l'affaire », leur impartir des délais encore plus
courts que ceux fixés par le Code, en vertu de l'article 911-1. Cependant, l'instauration
d'allongements réglementaires de ces délais, à raison de la distance, vient réduire la rigueur des
règles issues du décret du 9 décembre 2009. L'article 911-2 du Code de procédure civile rallonge en
effet de deux mois les délais des articles 908 à 910, au profit des parties qui demeurent à l'étranger.
L'allongement n'est que d'un mois, au profit des parties demeurant en Nouvelle-Calédonie, dans un
département d'outre-mer ou dans une collectivité d'outre-mer 2531, lorsque la demande est portée
devant une cour d'appel métropolitaine. Il est également d'un mois, quand la demande est portée
devant une juridiction siégeant dans un département d'outre-mer ou une collectivité d'outre-mer (autre
que la Polynésie française 2532), pour les parties qui n'y demeurent pas. Une seconde atténuation de la
rigueur des règles issues du décret du 9 décembre 2009 provient de l'article 38-1 que ce décret a
introduit dans le décret n 91-1266 du 19 décembre 1991 relatif à l'aide juridique. En substance,
o

l'actuel article 38-1 prévoit que le point de départ du délai imparti pour signifier la déclaration
d'appel mentionné à l'article 902 du Code de procédure civile et les délais pour conclure des
articles 908 à 910 du même code sont retardés, en cas de demande d'aide juridictionnelle, à la
réalisation de certains événements liés à l'accueil finalement réservé à cette demande 2533.

2. Les mesures prises en cours d'instance


788 Division. – Les mesures prises en cours d'instance le sont d'abord par les ordonnances du
conseiller de la mise en état (a), auxquelles il faut ajouter celles que peut prendre le premier
président, là encore par ordonnances (b).
a) Les ordonnances du conseiller de la mise en état

789 Les pouvoirs du conseiller de la mise en état. – Nous avons vu que les parties se
voyaient imposer des délais pour déposer des conclusions et se les communiquer mutuellement 2534.
Une fois ces délais expirés, le conseiller de la mise en état doit examiner l'affaire sous quinze jours.
Il fixe alors la date de clôture de l'instruction et celle des plaidoiries, sauf à prévoir de nouveaux
échanges de conclusions, selon un calendrier sur lequel il a recueilli l'avis des avocats. Les parties
doivent, de leur côté, déposer leur dossier qui comprend notamment la copie des pièces visées dans
leurs conclusions, quinze jours avant la date de l'audience des plaidoiries 2535.
Au-delà de ces pouvoirs de fixation de l'agenda du procès, le conseiller de la mise en état peut, en
cours d'instance, prendre des décisions relatives à l'exécution provisoire de la décision rendue en
première instance, qui ont déjà été étudiées par ailleurs 2536. Il a également des pouvoirs qui se
rapportent à ses fonctions propres de mise en état de l'affaire et font de lui l'équivalent, en appel, du
juge de la mise en état. À ce titre, en raison du renvoi que l'article 907 du Code de procédure civile
opère aux dispositions des articles 763 à 787, le conseiller de la mise en état exerce les mêmes
pouvoirs de contrôle de l'instruction qui lui permettent de réguler et d'orienter le procès. Il dispose
aussi en principe des mêmes pouvoirs juridictionnels que le juge de la mise en état 2537. Cependant, le
renvoi de l'article 907 trouve ses limites dans le fait que les situations respectives des magistrats
d'appel et de première instance ne sont pas exactement identiques. Ainsi, la Cour de cassation estime
que les attributions du conseiller de la mise en état ne concernent que les exceptions de procédure et
les incidents relatifs à l'instance d'appel 2538. Il n'est donc pas compétent pour statuer, par exemple,
sur la nullité de l'acte introductif de la première instance. La solution se justifie, dès lors que la
procédure de première instance étant terminée, « c'est l'objet même de l'appel qui est en cause, et non
point une simple exception de procédure au sens strict 2539 ».
Inversement, le conseiller de la mise en état a parfois le pouvoir d'accomplir ce qu'un juge de la
mise en état ne pourrait pas faire. Ainsi, l'article 914 dispose que ce conseiller est compétent pour
déclarer l'appel irrecevable 2540 et trancher à cette occasion toute question ayant trait à sa
recevabilité 2541. Il est vrai que la question de la recevabilité d'un appel ne peut pas se poser devant
une juridiction de première instance. Le texte précise que ce magistrat est seul compétent pour cela
(une fois désigné et tant qu'il n'est pas dessaisi) et qu'il l'est également pour prononcer la caducité de
l'appel ou l'irrecevabilité de conclusions en application des articles 909 et 910 2542. Dans un souci de
concentration des moyens, l'article 914 ajoute encore que les parties ne sont plus recevables à
invoquer la caducité ou l'irrecevabilité après le dessaisissement du conseiller de la mise en état, sauf
si la cause de la caducité ou de l'irrecevabilité est survenue ou a été révélée après ce
dessaisissement. C'est dire qu'en principe, en droit actuel, l'irrecevabilité de l'appel ou de
conclusions et la caducité de l'appel ne peuvent pas être soulevées en tout état de cause, devant la
cour d'appel. Elles doivent l'être devant le conseiller de la mise en état. Reste qu’en pratique, une
partie ne perd rien à signaler, dans sa plaidoirie, l’existence d’une cause d’irrecevabilité de l’appel.
En effet, ce signalement pourra inciter la cour à relever d’office une fin de non-recevoir, lorsqu’elle
en a la faculté ou l’obligation 2543. Paradoxalement, le juge peut parfois relever une fin de non-
recevoir que les parties ne peuvent plus soulever officiellement 2544.
De son côté, l'article 915 du Code de procédure civile énonce que le conseiller de la mise en état
a seul compétence, à partir du moment où il est saisi 2545, pour suspendre l'exécution des jugements
improprement qualifiés en dernier ressort 2546 ou exercer les pouvoirs qui lui sont conférés en matière
d'exécution provisoire 2547. De manière presque anecdotique, on peut également signaler que
l'article 913 du Code de procédure civile, inspiré de l'article 765, lui permet d'enjoindre aux parties
de mettre leurs conclusions en conformité avec le contenu de l'article 954, c'est-à-dire, pour
l'essentiel, de dissocier les moyens et le dispositif de leurs écritures.
Quant à la question de l'autorité de chose jugée des ordonnances du conseiller de la mise en état,
elle est réglée, par renvoi, par l'article 775 du Code de procédure civile 2548. C'est dire que ces
décisions n'ont pas autorité de chose jugée au principal, à l'exception de celles statuant sur les
exceptions de procédure et sur les incidents mettant fin à l'instance 2549. Mais la liste des exceptions
ne s'arrête pas là, car l'article 914 ajoute que les ordonnances du conseiller de la mise en état statuant
sur l'irrecevabilité de l'appel ou de conclusions (en application des articles 909 et 910) ou sur la
caducité de l'appel ont également autorité de la chose jugée au principal 2550. Du fait de cette autorité
de chose jugée, les ordonnances qui en sont dotées ne peuvent pas être remises en question devant la
formation collégiale de la cour saisie du fond du dossier. Pour les remettre en cause, il convient de
former un recours : le déféré.

790 Le « déféré » des ordonnances du conseiller de la mise en état. – Les règles en matière
de recours contre les ordonnances rendues par le conseiller de la mise en état s'inspirent de celles
vues en première instance, mais ne peuvent pas leur être en tout point identiques 2551. Comme en
première instance, le principe posé par l'article 916 du Code de procédure civile est que les
ordonnances du conseiller de la mise en état ne sont susceptibles d'aucun recours indépendamment de
l'arrêt sur le fond. Mais les exceptions ne sont pas tout à fait les mêmes. De nouveau, sont
susceptibles d'un recours immédiat les ordonnances qui ont pour effet de mettre fin à l'instance ou de
constater son extinction (pour des raisons relevant du bon sens le plus évident 2552) et celles ayant
trait à des mesures provisoires en matière de divorce ou de séparation de corps. Il en va de même
des ordonnances statuant sur une exception de procédure ou sur un incident mettant fin à l'instance. À
notre avis, par « incident mettant fin à l'instance », le texte désigne les incidents visés aux
articles 384 et 385 du Code de procédure civile, tels que le désistement d'instance. Cependant, les
décisions qui ordonnent un sursis à statuer ou une expertise et celles qui ordonnent le versement d'une
provision au créancier ne peuvent pas être attaquées, ce qui constitue une différence notable avec le
régime réservé aux ordonnances d'un juge de la mise en état par l'article 776 du Code de procédure.
Jusqu'à l'entrée en vigueur du décret n 2009-1524 du 9 décembre 2009, en 2011, l'ordonnance du
o

conseiller de la mise en état rejetant une fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel ne
pouvait pas faire l'objet d'un recours immédiat (un déféré), car cet incident n'est pas visé aux
articles 384 et 385 du Code de procédure civile et n'a pas mis fin à l'instance 2553. Les choses ont
évolué avec le nouvel article 916 du Code de procédure, puisque ce texte prévoit désormais que
l'ordonnance du conseiller de la mise en état statuant sur la fin de non-recevoir tirée de
l'irrecevabilité ou de la caducité de l'appel peut être déférée à la cour d'appel. Il en va de même de
celle qui prononce l'irrecevabilité de conclusions pour dépassement des délais des articles 909
et 910 2554.
Le recours ainsi ouvert contre certaines décisions du conseiller de la mise en état est très
particulier. Il ne peut plus s'agir d'un appel au sens précis du terme, puisque la décision attaquée
n'émane pas d'une juridiction de première instance. Les articles 914 ancien et 916 nouveau du Code
de procédure civile ne lui donnent aucun nom. Ils disposent seulement que les ordonnances « peuvent
être déférées par simple requête à la cour », ce qui a conduit la pratique à donner à ce recours le nom
de déféré. Le délai est de quinze jours à compter de la date de l'ordonnance et non de sa
notification 2555. La règle est appliquée avec rigueur par la Cour de cassation, qui considère que ce
délai court, même si les parties n'ont pas été avisées par le conseiller de la mise en état, de la date à
laquelle il devait rendre sa décision 2556. Une autre particularité de ce recours réside dans le fait que
la cour d'appel va devoir se prononcer sur le sort d'une décision rendue par un des siens. Le
conseiller en cause pourra-t-il faire partie de la formation qui statuera sur ce recours ? Le principe
d'impartialité posé par l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme s'y
oppose 2557. Enfin, l'arrêt rendu par la cour d'appel sur déféré d'une ordonnance du conseiller de la
mise en état est ou non susceptible de pourvoi en cassation selon les règles ordinaires de recevabilité
du pourvoi en cassation 2558.
Jusqu’où va la particularité du déféré des ordonnances du conseiller de la mise en état ? Il semble
qu’elle aille très loin, puisque la Cour de cassation a estimé qu’une partie ayant déféré une
ordonnance en critiquant l'un des chefs du dispositif, son adversaire pouvait étendre la critique à
d'autres chefs de cette décision, sans même avoir lui-même formé un déféré 2559. Certes, ce recours
n’est pas l’appel, mais la solution est tout de même surprenante et lui confère une portée démesurée.
b) Les ordonnances du premier président

791 Le référé du premier président. – Durant l'instance d'appel, le premier président de la


cour d'appel peut rendre des ordonnances de référé. Comme le conseiller de la mise en état, il
dispose d'importants pouvoirs en matière d'exécution provisoire, qui ont déjà été étudiés 2560. Par
ailleurs, l'article 956 du Code de procédure civile dispose que « dans tous les cas d'urgence, le
premier président peut ordonner en référé, en cas d'appel, toutes les mesures qui ne se heurtent à
aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend ». Bien que ce texte reprenne en
substance les dispositions de l'article 808 du même code, on se saurait transposer purement
et simplement en appel le référé qui se déroule devant le président d'un tribunal du premier degré.
Les pouvoirs du premier président se trouvent d'abord doublement limités dans le temps : ses
pouvoirs supposent qu'un acte d'appel ait été formé 2561 et ils prennent fin lorsque la mesure sollicitée
peut être prise par le conseiller de la mise en état et que celui-ci a été nommé 2562.
Là n'est pas l'essentiel. La difficulté majeure du référé du premier président tient au fait qu'au
moment où il est sollicité de prendre une mesure, un jugement au principal a déjà été rendu au
premier degré : de nouveau, c'est par rapport à ce jugement que doivent s'ordonner les pouvoirs du
juge qui statue dans un second temps. Cette situation conduit à envisager par priorité des mesures qui
consistent en une mise en œuvre ou en un complément de la décision du premier degré, par exemple,
la désignation d'un expert pour surveiller la réalisation de travaux ordonnés, avec exécution
provisoire, par le juge du premier degré, ou l'octroi d'une provision alors que le tribunal du premier
degré a reconnu la responsabilité de principe de l'auteur du dommage 2563.
Ses pouvoirs s'étendent-ils au-delà ? De façon générale, on ne saurait envisager que le premier
président contredise la décision rendue au premier degré. Ainsi, à supposer, en modifiant l'exemple
qui vient d'être pris, que le tribunal ait décidé que le défendeur n'était pas responsable du dommage
subi par le demandeur, un premier président ne peut pas, au vu des seuls éléments soumis au juge du
premier degré, ordonner le versement d'une provision. En revanche, on peut admettre que, si le
demandeur produit des éléments de fait nouveaux et si ces éléments rendent non sérieusement
contestable son droit à réparation, le premier président puisse ordonner le versement d'une
provision 2564. On peut encore imaginer que le premier président ordonne une mesure relative à une
demande nouvelle mais qui serait recevable.
Dans tous les cas, la rédaction de l'article 956 conduit à subordonner la prise de la mesure à la
condition de l'urgence 2565. Elle oblige aussi à distinguer entre les mesures qui anticipent sur l'arrêt à
intervenir et celles qui constituent seulement des mesures d'attente 2566. Pour que le premier président
puisse ordonner les premières, il faut que la demande ne se heurte pas à une contestation sérieuse,
alors que les secondes peuvent être ordonnées quelles que soient les circonstances.

792 Les ordonnances sur requête rendues par le premier président. – Par ailleurs,
l'article 958 du Code de procédure civile prévoit que le premier président peut aussi rendre des
ordonnances sur requête. Ratione temporis, sa compétence pour statuer sur requête présente deux
différences par rapport à celle qu'il possède pour statuer en référé. D'une part, il ne peut statuer
qu'« au cours de l'instance », c'est-à-dire à partir du moment où la cour d'appel est saisie 2567. D'autre
part, sa compétence ne cesse pas avec la désignation du conseiller de la mise en état, celui-ci ne
pouvant statuer sur requête 2568. Pour le reste, ce qui vient d'être dit à propos des ordonnances de
référé s'applique de la même façon aux ordonnances sur requête. La mesure sollicitée doit donc se
rapporter à l'instance en cours 2569. Mais, bien sûr, pour que le demandeur puisse recourir à
l'ordonnance sur requête, il faut également que les circonstances exigent que cette mesure ne soit pas
prise contradictoirement.

C. LA DÉCISION RENDUE PAR LA COUR D'APPEL

793 L'adoption de motifs. – Les débats oraux et la confection de l'arrêt d'appel ne sont soumis
à aucune disposition particulière par rapport à un jugement du tribunal de grande instance. Ainsi,
après l'audience, durant laquelle il appartient aux avocats de plaider, les magistrats délibèrent et
rendent un arrêt motivé, conformément aux exigences générales de l'article 455 du Code de procédure
civile. Une règle particulière, liée à l'existence d'un premier jugement contre lequel il a été interjeté
appel, doit cependant être signalée : l'article 955 du Code de procédure civile énonce que la cour,
lorsqu'elle confirme le jugement, est réputée avoir adopté ceux des motifs de cette décision qui ne
sont pas contraires aux siens. Toutes proportions gardées, cette disposition est comparable à celle de
l'article 954 qui prévoit qu'une partie est réputée s'approprier les motifs du jugement entrepris,
lorsqu'elle en demande la confirmation, sans énoncer de nouveaux moyens 2570. Le jugement rendu par
les premiers juges est soumis à l'appréciation des magistrats d'appel qui peuvent en approuver ou en
désapprouver le dispositif comme les motifs. S'ils confirment le dispositif, il y a lieu,
rationnellement, de considérer que leur silence sur la motivation de ce jugement constitue une
approbation, du moins si leurs propres motifs ne donnent pas à penser le contraire. En pratique, cette
solution présente l'avantage de dispenser le conseiller chargé de la rédaction de l'arrêt, de recopier
les motifs figurant dans la première décision. C'est un gain de temps. Cela étant, il est très fréquent
que l'arrêt d'appel énonce expressément que la cour adopte les motifs non contraires des premiers
juges, ce qui clarifie encore plus les choses et permet l'adoption de motifs dans des hypothèses de
réformation partielle non prévues par le texte.

794 L'exécution de l'arrêt d'appel : un texte fossile. – L'article 570, alinéa 1 , du Code de
er

procédure civile pose en principe que « l'exécution de l'arrêt d'appel appartient à la juridiction qui a
statué en premier ressort ou, si cette dernière ne peut connaître de l'exécution de ses décisions, au
tribunal de grande instance ». Il ajoute que la cour d'appel peut également « décider dans son arrêt
d'en retenir l'exécution à moins que celle-ci ne soit attribuée par la loi à une autre juridiction ». La
question abordée par ce texte est celle des éventuelles difficultés d'exécution de l'arrêt. En bref,
l'article 570 prévoit que la compétence pour statuer sur ces difficultés appartient au juge du premier
degré, sauf exceptions. En réalité, ce texte n'a plus lieu d'être, depuis le 1 janvier 1993, date d'entrée
er

en vigueur des dispositions qui confient au juge de l'exécution compétence exclusive pour statuer sur
les difficultés relatives aux titres exécutoires et sur les contestations s'élevant à l'occasion de
l'exécution forcée 2571. Il semble que le législateur ait tout simplement oublié de supprimer
l'article 570 du Code de procédure civile. Y a-t-il abrogation tacite de cet article ? Certains auteurs
le pensent 2572. À tout le moins, il est vidé de sa substance, puisque désormais seul le juge de
l'exécution peut statuer sur les difficultés d'exécution. Vivant ou mort, c'est, de toute façon, un texte
fossile.

§ 2. LA PROCÉDURE À JOUR FIXE

795 Présentation. – La procédure à jour fixe devant la cour d'appel, régie par les articles 917
à 925 du Code de procédure civile, correspond à la procédure à jour fixe devant le tribunal de
grande instance qui a déjà été étudiée. Sur quelques points, elle présente quelques traits d'originalité
qui doivent être signalés, et qui portent sur le recours à cette procédure (A) ainsi que sur son
déroulement (B).

A. LE RECOURS À LA PROCÉDURE

796 L'exigence d'un péril. – Comme en première instance, la procédure à jour fixe est tenue
pour exceptionnelle. Elle est même tenue pour encore plus exceptionnelle puisque l'article 917 du
Code de procédure civile en réserve l'usage aux seuls cas où « les droits d'une partie sont en péril ».
On a pu parler à ce sujet d'une urgence renforcée 2573. Il appartient à la partie qui souhaite bénéficier
de la procédure à jour fixe de l'établir. C'est à cette condition qu'elle pourra obtenir du juge
l'autorisation à laquelle son recours est subordonné. L'autorisation peut être sollicitée, à titre
principal, avant que l'instance ne soit introduite. Mais elle peut encore être sollicitée en cours
d'instance, conduisant à modifier la procédure d'une instance déjà commencée.

797 L'introduction d'une instance d'appel à jour fixe. – Cette première modalité suit un
schéma procédural très proche de celui qui existe en première instance. L'avocat de l'appelant
présente la demande dans une requête qui, aux termes de l'article 918 du Code de procédure civile,
doit exposer la nature du péril qui justifie le recours à cette procédure. Elle contient les conclusions
sur le fond et vise les pièces justificatives. À la requête est jointe une expédition de la décision que
l'on veut frapper d'appel ou une copie certifiée conforme par l'avocat. Enfin une copie de la requête
et des pièces doit être remise au premier président. Ces copies seront versées au dossier de la cour.
À la lecture de ce qui précède, on perçoit toute la rigueur de la procédure à jour fixe : le dossier de
l'appelant doit être pratiquement complet au moment où il adresse sa requête au premier président. La
Cour de cassation a ainsi jugé que les « productions, (...) prétentions et moyens » ultérieurs étaient
irrecevables, sauf s'ils constituaient une réponse aux conclusions des intimés 2574.
Le premier président statue par ordonnance sur la requête et, s'il accorde l'autorisation 2575
sollicitée, il désigne dans l'ordonnance la chambre à laquelle l'affaire est distribuée et fixe le jour
auquel l'affaire sera appelée par priorité. Lorsque l'autorisation est donnée, l'avocat peut effectuer la
déclaration d'appel au greffe de la cour 2576, la seule différence avec la procédure ordinaire étant que
les exemplaires de la déclaration destinés aux intimés ne sont pas conservés par le greffier, mais sont
restitués à l'avocat de l'appelant 2577. La raison de cette différence est que l'acte d'appel n'est pas
notifié aux intimés par lettre simple envoyée par le greffier ; il est signifié par l'appelant. Il y a donc
une véritable assignation au stade de l'appel, ce qui n'est pas le cas dans la procédure ordinaire.
L'acte d'huissier indique le jour fixé pour l'appel de l'affaire. Il contient d'autres mentions destinées à
informer l'intimé de ses droits : il indique ainsi « que, faute de constituer avocat avant la date de
l'audience, l'intimé sera réputé s'en tenir à ses moyens de première instance » et « qu'il peut prendre
connaissance au greffe de la copie des pièces visées dans la requête ». Par ailleurs, l'acte contient
une sommation de communiquer à l'appelant, avant la date de l'audience, les nouvelles pièces dont
l'intimé entend faire état. Enfin, à l'assignation sont joints un exemplaire de la déclaration d'appel et
une copie de la requête qui contient à la fois les conclusions de l'appelant et l'ordonnance du premier
président.

798 La modification d'une instance déjà commencée. – La modification d'une instance


d'appel déjà commencée selon les règles de la procédure ordinaire peut d'abord être opérée juste
après la déclaration d'appel, à un moment où l'instance n'est pas encore organisée. Aux termes de
l'article 919 du Code de procédure civile, la requête peut être présentée au premier président par
l'appelant au plus tard dans les huit jours de la déclaration d'appel. Si l'autorisation est accordée,
l'appelant procédera à l'assignation des intimés, avec cette seule différence qu'à l'assignation ne sera
pas joint un exemplaire de la déclaration d'appel, mais une copie de celle-ci 2578. La possibilité de
recourir à la procédure à jour fixe appartient également à l'intimé ayant constitué avocat. Il peut, lui
aussi, présenter une requête au premier président dans les deux mois qui suivent la déclaration
d'appel 2579.
L'alinéa 2 de l'article 917 élargit encore les possibilités d'utilisation de la procédure à jour fixe.
Elles peuvent « être mises en œuvre par le premier président de la cour d'appel ou par le conseiller
de la mise en état à l'occasion de l'exercice des pouvoirs qui leur sont conférés en matière de référé
ou d'exécution provisoire ». Ce texte permet de grouper des démarches normalement distinctes.
Ainsi, à supposer qu'un tribunal assortisse sa condamnation de l'exécution provisoire, l'appelant,
soucieux d'éviter d'avoir à exécuter un jugement qu'il estime mal fondé, peut interjeter appel selon les
modalités de droit commun et assigner immédiatement son adversaire en référé devant le premier
président aux fins de suspension de l'exécution provisoire et de procédure à jour fixe. S'il accède à
cette demande, le président fixe l'affaire pour être plaidée à bref délai. Cette procédure est donc
particulièrement simple et rapide. On peut encore imaginer qu'un plaideur n'ait pas pensé à demander
l'exécution provisoire du jugement à intervenir au premier degré, persuadé que son adversaire n'en
interjetterait pas appel. Si sa prévision ne se réalise pas, il lui est possible, même devant le
conseiller de la mise en état, de solliciter le bénéfice de l'exécution provisoire et, subsidiairement,
de la procédure à jour fixe.
L'article 917, alinéa 2, du Code de procédure civile confère à la procédure à jour fixe une
souplesse appréciable 2580. La partie qui sollicite le bénéfice de cette procédure doit-elle, dès lors, se
plier aux exigences de l'article 918, à savoir conclure sur le fond dans sa « requête » 2581 devant le
premier président et viser les pièces justificatives à l'appui de ses prétentions et moyens ? Une
réponse négative a logiquement été apportée par la Cour de cassation 2582. L'article 918 n'est donc
applicable que dans la procédure de l'article 917, alinéa 1 , c'est-à-dire dans la procédure à jour fixe
er

ordinaire.

B. LE DÉROULEMENT DE LA PROCÉDURE

799 Particularités. – Dans le souci de permettre à la procédure de se dérouler rapidement, le


législateur l'a considérablement simplifiée. Il appartient d'abord à la partie qui a obtenu le bénéfice
de la procédure à jour fixe de saisir la cour par la remise d'une copie de l'assignation au greffe avant
la date fixée pour l'audience, faute de quoi la déclaration d'appel sera déclarée caduque 2583. La
caducité est prononcée d'office par le président de la chambre à laquelle l'affaire est distribuée 2584, à
défaut elle doit l'être par la formation collégiale de la cour.
Par ailleurs, l'intimé doit constituer avocat avant la date fixée pour l'audience. S'il ne le fait pas, il
est réputé s'en tenir à ses moyens de première instance 2585. Cependant le jeu de cette règle se trouve
tempéré par une autre règle empruntée à la procédure de référé. Le jour de l'audience, le président de
la chambre doit s'assurer qu'il s'est écoulé un temps suffisant depuis l'assignation pour que la partie
assignée (qui peut être aussi bien l'intimé que l'appelant) ait pu préparer sa défense, c'est-à-dire
concrètement pour qu'elle ait eu le temps de conclure. Si tel est bien le cas, les débats ont lieu sur le
champ ou à la plus prochaine audience, en l'état où l'affaire se trouve 2586. Dans le cas inverse, le
président renvoie à une audience ultérieure ou même ordonne la réassignation de l'adversaire 2587.
La dernière particularité de la procédure à jour fixe porte sur la qualification de la décision
rendue par la cour. L'article 923, alinéa 3, du Code de procédure civile dispose que, si l'intimé n'a
pas constitué avocat, la cour statue par arrêt réputé contradictoire. Si cette qualification est conforme
aux dispositions de l'article 473 du même code chaque fois que l'intimé a pu être cité à personne, il
n'en va pas de même lorsqu'il n'a pas été cité à personne. Le jugement devrait alors normalement être
qualifié de jugement par défaut 2588.

SECTION II
LA PROCÉDURE SANS REPRÉSENTATION OBLIGATOIRE

800 Traits caractéristiques. – La procédure sans représentation obligatoire s'applique d'abord


à l'appel des jugements rendus par un conseil de prud'hommes 2589 ou par un tribunal paritaire des
baux ruraux 2590. Elle s'applique encore à d'autres instances d'appel en raison de textes particuliers :
par exemple, les articles 1163 et 1164 du Code de procédure civile prévoient qu'elle s'applique à
l'appel des jugements statuant sur une demande en déclaration d'abandon ou en restitution d'enfant 2591.
La procédure sans représentation obligatoire se caractérise par deux traits qui sont liés l'un à
l'autre. En premier lieu, l'article 931 du Code de procédure civile dispose que les parties se
défendent elles-mêmes et qu'elles « ont la faculté de se faire assister ou représenter selon les règles
applicables devant la juridiction dont émane le jugement ». Ce texte soulève une difficulté
d'interprétation. Comment doit-on comprendre le renvoi ainsi opéré aux règles applicables au
premier degré ? Le renvoi est-il limité à la seule liste des personnes susceptibles d'assister ou de
représenter les parties ou s'étend-il aussi aux règles qui limitent le droit des parties de se faire
représenter en justice ? On sait qu'en principe, devant le conseil de prud'hommes, les parties doivent
comparaître en personne et ne peuvent se faire représenter qu'en cas de motif légitime 2592. C'est la
seconde interprétation qu'a retenue la Cour de cassation 2593. On doit donc admettre qu'en appel,
comme en première instance, les parties à un procès prud'homal ne peuvent se faire représenter qu'en
cas de motif légitime. L'article 931 du Code de procédure civile ajoute que, s'il n'est pas avocat, le
représentant des parties doit justifier d'un pouvoir spécial.
Le second trait caractéristique est énoncé par l'article 946 du Code de procédure civile, aux
termes duquel la procédure est orale. Cette solution est rendue nécessaire par la possibilité donnée
aux parties de se défendre elles-mêmes et elle présente les mêmes imperfections techniques en appel
qu'au premier degré 2594.
Bien que le Code de procédure civile ne les distingue pas aussi clairement qu'en cas de
représentation obligatoire, il existe une procédure ordinaire (§ 1) et une procédure à jour fixe (§ 2)
qui doivent être étudiées successivement.

§ 1. LA PROCÉDURE ORDINAIRE

801 Division. – Les règles sur la décision rendue par la cour d'appel étant les mêmes que la
procédure se déroule avec ou sans représentation obligatoire, il n'y a lieu de développer que le début
de l'instance (A) et l'instruction de l'affaire (B).

A. LE DÉBUT DE L'INSTANCE

802 L'acte introductif d'instance. – Jusqu'à l'entrée en vigueur du décret n 2004-836 du


o

20 août 2004, la procédure sans représentation obligatoire se distinguait de l'autre type de procédure
par le fait que l'acte introductif d'instance consistait en une déclaration au secrétariat de la juridiction
qui avait rendu le jugement. Cette solution, destinée à faciliter l'usage des voies de recours par les
parties qui comparaissaient en personne était toutefois susceptible de se retourner contre elles. Si,
par erreur, la déclaration était effectuée au greffe de la cour d'appel, la Cour de cassation décidait
que cela équivalait à une absence d'acte qui rendait nul l'acte d'appel indépendamment de tout
grief 2595. Cependant, depuis la réforme, la déclaration d'appel est, comme dans les procédures avec
représentation obligatoire, effectuée au greffe de la cour d'appel et non plus à celui de la juridiction
de première instance 2596. En vertu de l'article 932 du Code de procédure civile, cette déclaration
peut être faite sur place 2597 ou adressée, par pli recommandé 2598, par la partie ou par tout
mandataire 2599, qui doit avoir reçu un mandat spécial s'il n'est pas avocat 2600. Quand l'appelant a pris
un avocat pour mandataire, la déclaration d'appel peut également être adressée au greffe par la voie
électronique 2601. Lorsqu'elle est adressée par voie postale, la date qui compte pour le délai d'appel
est celle de l'expédition, c'est-à-dire celle qui figure sur le cachet du bureau d'émission 2602 et non
celle à laquelle le greffe de la juridiction reçoit le pli.
L'article 933 énonce que la déclaration comporte les mentions prescrites par l'article 58 2603. Elle
désigne aussi le jugement dont il est fait appel et mentionne, le cas échéant, le nom et l'adresse du
représentant de l'appelant devant la cour. Bien qu'aucun texte ne prévoie de sanction, il est
raisonnable de décider que ces mentions constituent des formalités substantielles et que leur omission
ou leur inexactitude entraîne la nullité de l'acte, à condition qu'elle ait causé un grief à l'adversaire,
dans les mêmes conditions qu'une déclaration d'appel dans la procédure avec représentation
obligatoire 2604. La déclaration est accompagnée d'une copie de la décision dont il est fait appel.
Lorsqu'il reçoit la déclaration, le secrétaire enregistre l'appel à sa date et il délivre ou adresse, par
lettre simple, récépissé de la déclaration 2605.

803 La saisine de la cour. – Comme dans la procédure avec représentation obligatoire, la


saisine de la cour d'appel s'opère sans que les parties aient à effectuer d'acte de procédure autre que
la déclaration d'appel. Et c'est le secrétaire de la juridiction qui avise, par tous moyens, la partie
adverse de l'appel et l'informe qu'elle sera ultérieurement convoquée devant la cour 2606. Il ne
convoquera les parties que lorsque l'audience des débats aura été fixée.

B. L'INSTRUCTION DE L'AFFAIRE

804 Adaptation à l'oralité de la procédure. – L'instruction de l'affaire devant la cour suit des
règles générales qui adaptent la spécificité de l'instance d'appel à l'oralité de la procédure.
L'article 954 du Code de procédure civile figure dans les dispositions communes à toutes les
procédures d'appel. À ce titre, il s'applique donc aussi bien à la procédure sans représentation
obligatoire, du moins lorsque cette application a encore un sens. Ainsi, comme dans la procédure
avec représentation obligatoire, l'appelant doit expressément énoncer les moyens qu'il invoque sans
pouvoir procéder par voie de référence à ses conclusions de première instance 2607. Cependant, le
caractère oral de la procédure modifie le fonctionnement de cette disposition. Tout d'abord,
l'article 954 ne se rapporte plus seulement à des conclusions écrites, mais encore à des moyens qui
ont pu être exposés oralement. Il suffit qu'ils aient été notés au dossier ou consignés dans un procès-
verbal. Et quand bien même des conclusions seraient déposées par une partie, celles-ci ne peuvent
suppléer son éventuel défaut de comparution 2608 : la procédure étant orale, les écritures des parties
ne constituent pas l'élément essentiel. Ce qui compte, c'est leur présence à l'audience ou celle de leur
représentant (quand la représentation est admise). Ensuite, les alinéas de l'article 954 du Code de
procédure civile qui imposent l'établissement des conclusions récapitulatives ne sont pas applicables
dans une procédure orale 2609 où, par définition, les parties peuvent s'abstenir de déposer des
conclusions écrites. Si l'une d'elles décide malgré tout d'exposer certains de ses moyens dans des
conclusions, ce qui est permis, elle peut donc se borner à les reprendre oralement à l'audience sans
avoir à en récapituler le contenu dans ses éventuelles dernières conclusions.
L'affaire est appelée à une première audience à laquelle l’intimé est convoqué par le greffier de la
cour, au moins quinze jours à l'avance, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.
L’appelant est avisé par tous moyens des lieu, jour et heure de l'audience 2610. Si l'affaire est en état,
elle peut être jugée dès la première audience. À défaut, elle sera renvoyée à une autre audience, le
greffier avisant par tous moyens les parties qui ne l'auraient pas été verbalement 2611. Ce mécanisme
de renvoi de l'affaire d'une audience à l'autre jusqu'à ce qu'elle soit en état d'être jugée n'est pas
satisfaisant. Il conduit à désorganiser les audiences auxquelles sont appelées des affaires très
nombreuses, qui ne sont pas retenues ; en réalité, elles sont renvoyées systématiquement 2612, ce qui
retarde le jugement. Il paraît plus opportun de confier l'instruction à un conseiller chargé d'instruire
l'affaire.

805 Le conseiller chargé d'instruire l'affaire. – Un conseiller chargé d'instruire l'affaire, dont
l'institution ne peut manquer de rappeler le conseiller de la mise en état de la procédure avec
représentation obligatoire, peut être désigné à divers moments. Sa mission peut lui être confiée lors
d'une audience à laquelle l'affaire est appelée, mais, si dès le premier examen du dossier de première
instance il apparaît au président de la chambre que l'affaire mérite une instruction approfondie, ce
magistrat peut la confier à un conseiller avant même la première audience prévue pour les débats 2613.
Ses pouvoirs, qui sont énoncés par les articles 939 à 944 du Code de procédure civile,
ressemblent fort à ceux du juge ou du conseiller de la mise en état 2614. Tout d'abord, on retrouve
devant la cour d'appel les règles générales applicables aux procédures orales. Le conseiller chargé
d'instruire l'affaire peut ainsi organiser les échanges entre les parties dans les conditions et sous les
sanctions prévues à l'article 446-2 du Code de procédure civile 2615. Avec leur accord, il peut
notamment fixer les délais dans lesquels devront intervenir les communications de pièces ou
d'écritures. À l'instar d'un conseiller de la mise en état, il peut également concilier les parties et, pour
ce faire, il peut les entendre 2616. Il dispose aussi de pouvoirs de contrôle de l'instruction : il procède
aux jonctions et disjonctions d'affaires et invite les parties à fournir les explications qu'il estime
nécessaires à la solution du litige 2617. Il lui appartient même de dispenser une partie de se présenter à
une audience et de substituer ainsi une communication écrite aux échanges qui devraient se faire
oralement 2618. Le conseiller chargé d'instruire l'affaire s'est vu encore confier d'importants pouvoirs
juridictionnels. Pour ce qui est de la preuve, il tranche les difficultés relatives à la communication
des pièces, il peut ordonner, à peine d'astreinte, la production des documents détenus par une
partie 2619, ou par un tiers s'il n'existe pas d'empêchement légitime 2620. Il peut ordonner d'office toute
mesure d'instruction. Les articles 941 et 944 du Code de procédure civile lui reconnaissent même
compétence pour constater l'extinction de l'instance et pour accorder une provision au créancier
lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ainsi que pour ordonner toute
autre mesure provisoire. Par rapport au conseiller de la mise en état, les différences sont relativement
peu importantes 2621. Il ne peut pas statuer sur les exceptions de procédure 2622, il n'est pas compétent
pour déclarer l'appel irrecevable 2623 et il ne dispose d'aucun pouvoir en matière d'exécution
provisoire ou d'exécution des jugements improprement qualifiés en dernier ressort 2624.
La même ressemblance se constate encore pour ce qui est du régime des décisions du conseiller
chargé d'instruire l'affaire. Aux termes de l'article 945 du Code de procédure civile, ses décisions
« n'ont pas, au principal, l'autorité de la chose jugée. Elles ne sont susceptibles d'aucun recours
indépendamment de l'arrêt sur le fond. Toutefois, elles peuvent être déférées par simple requête à la
cour dans les quinze jours de leur date lorsqu'elles constatent l'extinction de l'instance ». Et aux
termes de l'article 945-1, il « peut, si les parties 2625 ne s'y opposent pas, tenir seul l'audience pour
entendre les plaidoiries », à charge pour lui d'en rendre compte à la cour dans son délibéré.

§ 2. LA PROCÉDURE À JOUR FIXE

806 Un schéma simplifié. – La procédure sans représentation à jour fixe, prévue par
l'article 948 du Code de procédure civile, correspond au même schéma que dans la procédure avec
représentation, mais simplifié et assoupli. Lorsque les droits d'une partie sont en péril, elle peut
demander au premier président 2626 de retenir l'affaire par priorité, à une prochaine audience. La
demande peut être présentée dès que l'appel est formé, elle peut encore l'être même si une date
d'audience jugée trop lointaine a déjà été fixée. S'il est fait droit à la demande, le requérant est
aussitôt avisé par tous moyens de la date fixée. Pour l'information de la partie adverse, le premier
président doit choisir entre deux modalités : il peut décider qu'elle sera convoquée par un acte
d'huissier, à l'initiative du requérant ; sinon, le greffier la convoque par une lettre recommandée avec
demande d'avis de réception. Il appartient à chacune des parties de préparer ses arguments pour
l'audience à laquelle l'affaire sera retenue, étant précisé que, le jour de l'audience, la cour doit
s'assurer « qu'il s'est écoulé un temps suffisant entre la convocation et l'audience pour que la partie
concernée ait pu préparer sa défense ».

BIBLIOGRAPHIE

C. BRENNER et N. FRICERO (dir.), La nouvelle procédure d'appel, Lamy, Axe Droit, 2010.
L. CADIET et D. LORIFERNE (dir.), La réforme de la procédure d'appel, actes des « Rencontres de
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J.-L. GALLET, La procédure civile devant la cour d'appel, LexisNexis, 3 éd., 2014.
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P. HÉBRAUD, « La rédaction des conclusions spécialement en cause d'appel », Gaz. Pal. 1975, doct.
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J. PELLERIN, « Réflexions sur l’essor du déféré », Gaz. Pal. 2014, nº 211-212, p. 36.
K. SALHI, « Les spécificités de l'appel en matière prud'homale », Procès du travail, travail du
procès, dir. M. Keller, LGDJ, 2008.
J. VILLACÈQUE, « Le nouveau procès civil devant la cour d'appel : la technique et les hommes,
paradoxes d'une réforme », D. 2010, p. 663.
SOUS-TITRE 2
LE POURVOI EN CASSATION

807 Présentation. – Venant le plus souvent après l'appel, le pourvoi en cassation constitue
l'ultime recours des parties, puisqu'en l'exerçant, le plaideur gravit le dernier échelon de la hiérarchie
juridictionnelle. Ce caractère de recours ultime, le pourvoi en cassation le tient de l'histoire. Déjà,
sous l'Ancien Droit, un recours pouvait être formé devant le Conseil des parties, dans lequel le roi
exerçait son pouvoir de justice retenue : le plaideur remontait ainsi jusqu'à la source de toute justice,
au-delà de laquelle il n'existait plus rien.
Ici comme ailleurs, le temps a fait son œuvre. Le pourvoi en cassation ne ressemble plus guère au
recours devant le Conseil des parties. Cependant le pourvoi en cassation a conservé de son passé une
originalité certaine. On peut même penser qu'à force d'avoir fixé son attention sur les traits qui le
distinguent, on a fini par en exagérer l'originalité. Autrement dit, s'il est certain que le pourvoi en
cassation n'est pas un nouvel appel, les éléments de continuité qui existent entre les deux voies de
recours se trouvent trop souvent occultés en dépit de leur importance. C'est à la tradition véhiculée
par le discours de la doctrine dominante que, pour l'essentiel, il faut attribuer ce résultat.
Inversement, si l'on s'en tient aux dispositions du Code de procédure civile qui lui sont
consacrées 2627, ainsi qu'aux arrêts de la Cour de cassation elle-même, le pourvoi en cassation
présente une figure plus nuancée 2628.
Selon le plan déjà utilisé pour l'appel, le pourvoi en cassation sera d'abord étudié en tant qu'il est
une voie de recours (chapitre I) et sa procédure abordée dans un second temps (chapitre II). Mais on
constate aussi que la place particulière de la Cour de cassation a conduit le législateur à organiser
des pourvois et des saisines particuliers, qui s'inspirent plus ou moins étroitement du modèle des
pourvois en cassation classiques. Pour plus de clarté, ils feront l'objet d'une étude distincte
(chapitre III).
CHAPITRE I
LA VOIE DE RECOURS DU POURVOI EN CASSATION

808 Plan. – La première idée qui vient à l'esprit consiste à reprendre le plan déjà utilisé pour
l'appel et à étudier successivement l'ouverture et les effets du pourvoi en cassation. Cependant, si la
simple lecture des textes du Code de procédure civile montre la similitude des règles régissant
l'appel et le pourvoi en cassation pour ce qui est de l'ouverture de la voie de recours (section II), les
effets du pourvoi en cassation (section III) se distinguent nettement de ceux de l'appel. Cette
différence fait ressortir l'originalité du pourvoi en cassation, dont on peut penser qu'elle est exagérée
par la tradition. Aussi n'est-il sans doute pas inutile d'essayer, dans un premier temps, de prendre la
mesure de cette originalité, en étudiant la nature du pourvoi en cassation (section I). Ce sera
l'occasion d'aborder à nouveau la théorie des voies de recours.

SECTION I
LA NATURE DU POURVOI EN CASSATION

809 Jugement de l'arrêt ou de l'affaire ? – Le goût de la formule joint à un souci de


pédagogie fait communément dire que la Cour de cassation n'est pas juge de l'affaire, mais juge de
l'arrêt. À notre sens, cette affirmation est juridiquement fausse : la Cour de cassation n'est pas juge de
l'arrêt, elle est juge de l'affaire ou, plus simplement encore, elle est juge. L'idée que la Cour de
cassation serait juge de l'arrêt et non de l'affaire résulte de la conjugaison de deux facteurs auxquels
on donne une importance excessive.
Le premier est que le pourvoi en cassation ne cesse de se référer à la décision attaquée. En
réalité, on a déjà vu que ce trait n'était pas propre au pourvoi en cassation. Toute voie de recours
s'ordonne (et ne peut s'ordonner) que par rapport à la décision antérieure, contre laquelle elle est
exercée. La même constatation peut être faite pour l'appel. Ainsi, l'interdiction de principe des
demandes nouvelles en appel 2629 fait que la cour examine les mêmes demandes que le juge du
premier degré et qu'elle doit se demander si celui-ci leur a apporté une solution adéquate. De façon
plus sensible encore, l'obligation imposée à l'appelant par le Code de procédure civile 2630 d'énoncer
expressément les moyens sur lesquels il se fonde pour critiquer le jugement fait que, d'une certaine
façon, la cour d'appel est le juge du premier jugement : en l'absence de moyens tendant à
l'infirmation, elle est tenue de confirmer le jugement entrepris, quelque opinion qu'elle puisse avoir
sur son bien-fondé 2631. Sur ce point, le pourvoi en cassation ne s'oppose donc pas aux autres voies de
recours, même s'il est vrai que ce trait y est plus marqué : la différence est de degré, mais elle n'est
pas de nature.
Le second facteur est que, comme chacun sait, la Cour de cassation n'est pas en principe juge des
faits du procès, mais seulement du droit, et c'est pourquoi, dans la grande majorité des cas, lorsque la
Cour de cassation estime que l'affaire a été mal jugée, elle annule la décision qui lui a été déférée et
renvoie l'affaire devant un autre juge. Aussi peut-on avoir l'impression que la Cour de cassation se
contente de donner une « mauvaise note » à la décision et de décider que le « devoir » doit être
recommencé 2632. Cette impression suffit-elle à trancher le débat ?

810 Examen de l'affaire pour sauver le jugement. – Si la Cour de cassation n'était


véritablement juge que de l'arrêt, le sort des décisions qui lui sont déférées dépendrait uniquement de
leur qualité intrinsèque. Si l'on poursuit la comparaison, aucun enseignant ne met de bonne note à un
devoir dans lequel l'élève arrive à la solution exacte à la suite d'un raisonnement qui est faux. C'est
pourtant ce que fait la Cour de cassation. Les défauts qui peuvent affecter une décision ne sont pas
sanctionnés toutes les fois qu'ils demeurent sans influence sur la solution donnée au litige. Les
exemples ne manquent pas. Ainsi, lorsque les juges du fond ont omis de répondre à un moyen de pur
droit présenté par la partie finalement déboutée ou condamnée 2633, la Cour de cassation accepte
pratiquement toujours 2634 de suppléer à l'arrêt attaqué, en donnant elle-même la réponse qui convient,
dès lors que les motifs de fait du jugement lui permettent de s'assurer que le contenu du dispositif est
correct eu égard aux faits de l'espèce. La suppléance de réponse à conclusions n'est qu'une forme de
suppléance de motifs, celle-ci se définissant comme la technique par laquelle la Cour se charge de
compléter une motivation en droit insuffisante ou inexistante. La substitution de motifs, à laquelle la
Cour de cassation a conféré une ampleur considérable 2635, est une autre technique qui lui permet de
sauver les décisions des juges du fond. Elle consiste à indiquer le motif de droit qui permet de
justifier le dispositif du jugement, lorsque la motivation juridique présente dans ce jugement est
erronée. En quelque sorte, par une suppléance de motifs, la Cour de cassation complète une
motivation insuffisante ; par une substitution de motifs, elle corrige une motivation erronée.

811 Examen de l'affaire pour trancher le litige. – À cela ne se limitent pas les immixtions de
la Cour de cassation dans l'affaire qui lui est soumise. Même lorsqu'elle estime que la décision ne
peut pas être maintenue, elle ne renvoie pas systématiquement l'affaire devant un autre juge, elle peut
aussi casser sans renvoi. L'article L. 411-3 du Code de l'organisation judiciaire permet à la Cour de
le faire non seulement lorsque la cassation n'implique pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond, mais
encore lorsque les faits, tels qu'ils ont été souverainement constatés et appréciés par les juges du
fond, lui permettent d'appliquer la règle de droit appropriée. Dans ce dernier cas, le litige au fond se
trouve réglé par la Cour de cassation elle-même et le dispositif de ses arrêts contient les mêmes
énonciations que celles que l'on trouve dans les décisions des juges du fond. Par exemple, la Cour
« casse et annule en son entier l'arrêt rendu le 24 octobre 1984 par la Cour d'appel de Douai ; dit n'y
avoir lieu à renvoi devant une autre cour d'appel ; et, (...) dit que la société X est tenue de rembourser
aux époux Y la somme de 20 000 francs qu'elle a perçue, avec intérêts au taux légal à compter de la
date de délivrance de l'assignation devant le tribunal de grande instance (...) » 2636.
Au-delà des formules rituelles (en particulier l'expression « casse et annule »), il n'existe aucune
différence réelle entre ce type de dispositif et ceux que l'on trouve dans les arrêts rendus par les
cours d'appel 2637. Dans les uns comme dans les autres, le juge apporte une solution au litige et sa
décision se substitue à celle rendue par le juge inférieur. La preuve en est que, comme une décision
de juges du fond, l'arrêt de la Cour de cassation statue sur les dépens afférents à toutes les instances
qui ont marqué le procès et qu'il emporte exécution forcée 2638. Dans toutes ces hypothèses, il est
indiscutable que la Cour de cassation est juge de l'affaire et non seulement de l'arrêt 2639 et on ne peut
guère envisager qu'elle soit tantôt juge de l'affaire et tantôt juge de l'arrêt. Il faut donc rechercher une
autre explication pour rendre compte des cas dans lesquels la Cour ne donne pas elle-même une
solution à l'affaire, donnant ainsi l'impression qu'elle n'est que juge de l'arrêt.

812 Dévolution restreinte. – L'explication ne peut être trouvée que dans l'étendue de la
dévolution qu'opère le pourvoi en cassation. Sur ce point encore, il existe une formule traditionnelle
selon laquelle, à la différence de l'appel, le pourvoi en cassation n'aurait pas d'effet dévolutif. Pour
répandue qu'elle soit, cette formule n'en est pas moins fausse. Le pourvoi en cassation a
nécessairement un effet dévolutif 2640. La preuve en est, une fois encore, donnée par les exemples qui
viennent d'être indiqués. Comment la Cour de cassation pourrait-elle effectuer une substitution de
motifs ou, mieux encore, apporter une solution à l'affaire s'il ne s'opérait pas de dévolution ? Ce qui
est vrai, c'est qu'il ne s'opère pas la même dévolution devant la Cour de cassation que devant une
cour d'appel ; elle est moins complète. L'appel entraîne la dévolution de l'affaire en fait et en droit
alors que le pourvoi n'entraîne en principe la dévolution de l'affaire qu'en droit 2641. Mais, il faut
insister sur ce point, la possibilité pour la Cour de cassation de connaître de l'affaire en droit
démontre l'existence d'une certaine dévolution de l'affaire.
C'est dans l'étendue différente de la dévolution, d'une voie de recours à l'autre, que se trouve
l'explication de la spécificité des décisions rendues par la Cour de cassation. Chaque fois que la
Cour de cassation ne trouve pas dans la décision qui lui est déférée les éléments de fait nécessaires
pour maintenir le dispositif ou pour lui en substituer un autre, elle se trouve empêchée de donner une
solution au litige et, par voie de conséquence, elle est obligée de renvoyer l'affaire devant un autre
juge qui pourra examiner les éléments de fait nécessaires. En d'autres termes, le renvoi après
cassation ne signifie pas que la Cour de cassation n'est pas juge de l'affaire ; il manifeste seulement
qu'elle ne dispose pas en l'espèce des éléments pour régler elle-même le litige 2642.

SECTION II
L'OUVERTURE DU POURVOI EN CASSATION

813 Généralités. – Comme l'appel, le pourvoi est ouvert aux parties à l'instance qui a conduit à
la décision attaquée 2643 et de nouveau l'intérêt est lié à la succombance 2644. Par ailleurs, la
présentation générale des voies de recours a déjà conduit à remarquer les ressemblances qui existent
dans la rédaction des règles qui déterminent les jugements susceptibles de faire l'objet d'un appel ou
d'un pourvoi en cassation : les articles 606, 607 et 608 du Code de procédure civile ouvrent le
pourvoi contre les jugements rendus en dernier ressort dans les mêmes conditions que les articles 544
et 545 ouvrent l'appel contre les jugements rendus en premier ressort seulement : sont visées les
décisions qui statuent sur tout ou partie du principal, ainsi que les décisions qui, statuant sur une
exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident, mettent fin à l'instance. Un
renvoi de principe peut donc être opéré à ce qui a déjà été dit à propos de l'appel 2645, sauf à rappeler
qu'il est plus rare que le législateur prive les justiciables du droit de se pourvoir en cassation que de
celui de faire appel.
Cependant la spécificité du pourvoi en cassation fait obstacle à un renvoi total. D’abord,
l’article 607-1 du Code de procédure civile énonce que l’arrêt par lequel la cour d’appel se
prononce sur la compétence (même sans statuer sur le fond du litige) peut faire l’objet d’un pourvoi.
Ensuite, au-delà de ce point particulier, la très large dévolution opérée par l'appel en fait la voie de
recours normale pour tous les jugements rendus au premier degré 2646 : c'est elle qui doit ou qui peut
être exercée pour tous les vices affectant la décision rendue en premier ressort seulement. À
l'opposé, l'impossibilité pour la Cour de cassation d'examiner les faits du litige 2647 conduit à fermer
le pourvoi en cassation chaque fois que peut être envisagée une voie de recours comportant une
dévolution en fait (§ 1). Et quand le pourvoi en cassation est possible, il reste à déterminer à quel
moment il peut être formé (§ 2).

§ 1. LES JUGEMENTS SUSCEPTIBLES D'UNE AUTRE VOIE DE RECOURS

814 La règle générale. – Lorsqu'un jugement est affecté d'un vice pour lequel le législateur a
ouvert une autre voie de recours, le pourvoi en cassation est généralement irrecevable. Sous l'empire
de l'ancien Code de procédure civile, il existait quelques situations dans lesquelles les parties
pouvaient former soit un pourvoi en cassation soit une autre voie de recours 2648. Il en résultait de
graves complications. Aujourd'hui, l'ouverture d'une voie de recours ou, plus largement, d'une voie
de droit 2649 particulière rend en principe irrecevable le pourvoi en cassation. La solution est d'abord
justifiée par l'impossibilité pour la Cour de cassation de connaître des éléments de fait du litige,
impossibilité qui fait du pourvoi en cassation, dans la très grande majorité des cas, une voie de
recours inadaptée à la constatation du vice affectant la décision. Par exemple, le recours en révision
a pour objet principal de permettre la remise en cause d'une décision obtenue par fraude. Comment la
Cour pourrait-elle statuer sur l'existence d'une fraude sans examiner les faits de la cause ? La même
raison vaut pour les actions en erreur ou omission purement matérielle. En revanche, on pourrait
envisager que la Cour de cassation examine les ultra ou les infra petita. L'irrecevabilité du pourvoi
en cassation est cependant justifiée dans ce cas par le second inconvénient qu'il présente : la
recevabilité du pourvoi entraînerait en effet le renvoi de l'affaire devant une autre juridiction, la Cour
de cassation ne pouvant pas le plus souvent apporter elle-même une solution au litige. À l'opposé, les
voies de droit particulières opèrent, dans la limite de leur objet, une dévolution du litige en fait et en
droit qui permet au juge saisi de statuer sur le vice allégué et de donner une solution au litige. Par
exemple, dans le recours en révision 2650, le juge examine et tranche le fond du litige, comme
n'importe quel autre juge du fond. De la même façon, en cas de recours en ultra petita ou d'action en
infra petita, la décision rectificative donne une solution complète au litige. Il serait donc illogique
d'ouvrir une voie de recours qui est insusceptible de régler le litige immédiatement, alors qu'il existe
une autre voie qui est susceptible d'y parvenir. La Cour de cassation veille scrupuleusement au
respect de cette règle, en particulier en cas d'ultra ou d'infra petita 2651.
La portée de la règle doit être précisée. Le pourvoi en cassation n'est fermé à la partie qu'en
raison de la possibilité pour elle d'exercer une voie de droit particulière permettant de régler le litige
immédiatement. Le pourvoi demeure ouvert contre les autres chefs de la décision. Par exemple, une
partie forme deux demandes ; le juge, jugeant en dernier ressort, omet de statuer sur l'une et rejette
l'autre. Pour sa première demande, la partie doit former une requête en infra petita et pour la seconde
un pourvoi en cassation 2652.

815 La règle particulière à l'opposition. – Pour ce qui est de l'opposition, la règle que nous
venons d'aborder, selon laquelle le pourvoi en cassation est irrecevable lorsque le législateur a
ouvert une autre voie de recours, reçoit un aménagement. Si cette règle s'appliquait à l'opposition, le
plaideur contre lequel a été rendu un jugement par défaut serait tenu, dans un premier temps, d'exercer
cette voie de recours, et ce n'est que dans un second temps qu'il pourrait se pourvoir en cassation
contre la décision rejetant son opposition. Par comparaison, il est incontestable qu'un plaideur ne
saurait se pourvoir directement en cassation contre un jugement qui est susceptible d'appel. Il doit
impérativement faire appel, faute de quoi le jugement rendu en premier ressort devient irrévocable.
Mais telle n'est pas la solution retenue pour les jugements par défaut. L'article 613 du Code de
procédure civile énonce en effet qu’à « l'égard des décisions par défaut, le pourvoi ne peut être formé
par la partie défaillante qu'à compter du jour où son opposition n'est plus recevable ». Ce texte,
modifié en 2014 2653, consacre une solution traditionnelle qui était pour le moins contestable en
droit 2654. Elle ne l’est plus, le contenu de l’article 613 étant dorénavant explicite. Le plaideur à qui
est notifié un jugement rendu par défaut peut choisir de laisser s'écouler le délai d'opposition et de se
pourvoir ensuite directement en cassation. En pratique, il est peu probable qu'il fasse ce choix, car la
voie de la cassation est plus longue et plus onéreuse que celle de l'opposition et elle ne permet pas de
remettre en cause les questions de fait. Tout au plus cette possibilité pourrait-elle profiter à une partie
condamnée par défaut et qui laisserait malencontreusement passer le délai de l'opposition. Jusqu’à la
réforme de 2014, les autres parties auxquelles seul le pourvoi était ouvert devaient, avant de
s'engager dans cette voie, attendre que les parties défaillantes aient épuisé leur droit de former
opposition. Il s’agissait d'éviter qu'une même décision ne fasse l'objet de deux recours distincts, en
même temps 2655. Tel n’est plus le cas aujourd’hui : seule la partie susceptible de former opposition
est visée à l’article 613. Les autres plaideurs peuvent (et doivent) se pourvoir en cassation sans
attendre l’écoulement du délai d’opposition.

§ 2. LA CONCENTRATION DU POURVOI EN CASSATION

816 Exposé du problème. – Lorsque le pourvoi en cassation est ouvert à une partie, la question
se pose de savoir à quel moment cette voie de recours peut être exercée. Les articles 606 à 608 du
Code de procédure civile posent, à l'instar des articles 544 et 545 relatifs à l'appel, un principe de
concentration du recours : sauf exceptions 2656, une décision qui ne tranche pas une partie du
principal, ni ne met fin à l'instance en se prononçant sur un incident, ne peut pas faire l'objet d'un
pourvoi indépendamment du jugement ou de l'arrêt ultérieur qui tranchera le principal ou mettra fin à
l'instance. Concrètement, le pourvoi contre la première décision devra être formé « dans le délai de
remise au greffe du mémoire afférent au pourvoi dirigé contre le jugement sur le fond » 2657. Dans la
procédure avec représentation obligatoire, eu égard au contenu de l’article 978 du Code de
procédure civile, l’auteur du pourvoi a donc quatre mois à compter de la déclaration de son pourvoi
contre le jugement sur le fond, pour former son pourvoi additionnel. Et en vertu de l’article 978, le
mémoire devra comporter la mention « pourvoi additionnel », à peine d’irrecevabilité.
La difficulté essentielle suscitée par cette règle concerne ce qu'il faut entendre par « la fin de
l'instance ». La réponse à cette question dépend de l'idée que l'on se fait de l'instance elle-
même. Schématiquement, deux conceptions s'opposent : une conception étroite et une autre, plus
large, de l'instance. La première consiste à voir dans l'instance la période qui commence avec la
saisine de la juridiction et qui prend fin lorsque la juridiction a épuisé sa saisine en statuant sur le
litige qui lui a été soumis. La seconde conception consiste à voir dans l'instance une période plus
étendue qui va jusqu'au terme du procès.

817 L'élaboration laborieuse de la jurisprudence. – La troisième chambre civile de la Cour


de cassation s'est très tôt prononcée en faveur d'une conception étroite 2658. Ainsi, a-t-elle décidé, par
exemple, que saisie seulement d'une demande de provision et d'une demande d'exécution de travaux,
une cour d'appel avait épuisé sa saisine en tranchant ces questions et que, dès lors, l'instance
introduite devant elle avait pris fin, même si le litige sur le fond demeurait pendant devant le tribunal.
Dans cette affaire, le pourvoi en cassation immédiat contre la décision d'appel était donc
recevable 2659. À l'inverse, les autres chambres ont d'abord adopté une conception large de
l'instance 2660. La deuxième chambre civile de la Cour de cassation a, ainsi, jugé irrecevable le
pourvoi immédiat formé contre un arrêt qui, au cours d'une procédure en divorce se bornait à
condamner le mari à verser (à titre provisoire) une pension alimentaire à son épouse et à lui donner
acte de son engagement de verser une somme mensuelle pour chacune de ses filles majeures
poursuivant leurs études 2661. Pour la haute Juridiction, la décision prononçant ces mesures
provisoires ne mettait pas fin à l'instance, celle-ci étant manifestement entendue comme le procès en
divorce.
Sur cette question de la concentration du pourvoi en cassation, deux arrêts ont été rendus par la
Cour de cassation en Assemblée plénière. On pouvait espérer de ces deux décisions qu'elles
fixeraient clairement une politique générale, mais tel n'a pas été le cas. La première, rendue en 1990,
a décidé que l'ordonnance d'un premier président de cour d'appel statuant sur une demande d'arrêt de
l'exécution provisoire mettait « fin à l'instance autonome introduite devant ce magistrat et (pouvait)
être frappée d'un pourvoi en cassation indépendamment de la décision sur le fond 2662 ». La position
retenue rappelait la conception étroite de l'instance, même si le recours au concept d'instance
autonome pouvait constituer une troisième voie 2663 dispensant la Cour de choisir entre les
conceptions étroite et large. Cependant, la seconde décision d'Assemblée plénière, datant de 1997, a
jugé irrecevable le pourvoi en cassation formé contre un arrêt de cour d'appel qui se bornait à
confirmer une ordonnance du juge de la mise en état ayant accordé des provisions à une partie 2664.
Selon l'Assemblée plénière, cette décision n'avait pas mis fin à l'instance engagée devant le tribunal.
Cela étant, la jurisprudence semble actuellement s'orienter vers une application étendue de la
solution de 1990 et du critère de « l'instance autonome » 2665, même si la deuxième chambre civile a
parfois des velléités de retour à sa conception large de l'instance 2666.

818 Prise de position. – À notre avis, il faut approuver la position traditionnelle de la


troisième chambre civile, car elle respecte à la fois la lettre et l'esprit des textes. Dans le Code de
procédure civile, l'instance désigne effectivement la période qui commence avec la saisine de la
juridiction et qui prend fin lorsque la juridiction a épuisé sa saisine en statuant sur le litige qui lui a
été soumis. On peut parler, si l'on veut, « d'instance autonome », car cela revient à peu près au
même. Mais il faut rejeter clairement la conception large de l'instance. En effet, si la notion globale
d'instance, synonyme de procès, peut certes être envisagée de lege ferenda 2667, elle ne peut trouver
aucun appui dans les textes du Code de procédure civile, de lege lata. La preuve en est que cette
conception large conduit à une double incohérence. D'abord, elle oblige à traiter différemment deux
décisions identiques selon qu'elles émanent d'un juge du premier ou du second degré. Par exemple, il
est admis sans discussion que le jugement du premier degré qui déclare une demande irrecevable met
fin à l'instance et peut être immédiatement frappé d'appel 2668. En revanche, si une cour déclare
irrecevable l'appel formé contre un jugement dont l'appelant soutenait qu'il pouvait être frappé d'un
appel immédiat, il faudrait décider que cet arrêt ne met pas fin à l'instance devant la cour d'appel et
qu'il ne peut pas faire l'objet d'un pourvoi immédiat 2669. En outre, lorsque le juge du second degré
commet une violation de la loi que la Cour de cassation ne veut pas laisser subsister, il lui faut dire
qu'un excès de pouvoir a été commis 2670. Ce faisant, la Cour modifie la notion d'excès de pouvoir,
telle qu'elle la comprend ordinairement : en principe, l'excès de pouvoir désigne un vice exceptionnel
du jugement, sortant des prévisions raisonnables du législateur 2671 ; ici, il s'agit d'une « banale »
violation de la loi. Pour éviter de telles incohérences, il faut admettre que, lorsque la loi permet à un
plaideur de faire appel d'un jugement, il en résulte par le fait même qu'un pourvoi en cassation peut
être immédiatement formé contre l'arrêt qui sera rendu sur l'appel.
Sur un plan pratique, l'irrecevabilité du pourvoi ne donne pas des résultats plus heureux. Pour ce
qui est des provisions que peut accorder le juge de la mise en état, la solution retenue en 1997 par
l'Assemblée plénière de la Cour de cassation 2672 rompt l'unité de régime qui devrait exister entre la
décision de ce magistrat et celle du juge des référés. En effet, l'arrêt rendu sur l'appel d'une
ordonnance de référé est susceptible d'un pourvoi en cassation immédiat. Pourquoi l'arrêt rendu sur
l'appel d'une ordonnance du juge de la mise en état en serait-il insusceptible ? Certes, on peut
toujours nous opposer, justement sur le terrain pratique, qu'autoriser largement les pourvois
immédiats, à travers une conception étroite de l'instance, conduirait à un encombrement du greffe de
la Cour de cassation. C'est exact, mais alors la solution passe par une réforme des textes, pas par
l'interprétation illogique, voire aberrante 2673, que l'on peut en faire.

SECTION III
LES EFFETS DU POURVOI EN CASSATION

819 Division. – Comme nous l'avons vu précédemment 2674, c'est l'étendue strictement limitée de
la dévolution qui fait la spécificité du pourvoi en cassation. C'est donc elle qui, pour l'essentiel,
façonne les effets de la voie de recours : elle détermine le contenu du pourvoi (§ 1), l'étendue du
contrôle exercé par la Cour de cassation (§ 2) et le contenu de la décision qu'elle rend (§ 3).

§ 1. LE CONTENU DU POURVOI

820 L'irrecevabilité des demandes nouvelles en cassation. – À la différence de l'appel qui


est devenu partiellement une voie d'achèvement 2675, le pourvoi en cassation demeure une pure voie
de recours ; les parties ne peuvent pas soumettre de demandes nouvelles à la Cour de cassation 2676.
D'ailleurs, comment le pourraient-elles en l'absence de dévolution en fait ? En application de ce
principe, l'article 327 du Code de procédure civile dispose que les demandes en intervention forcée
ou en intervention volontaire principale sont irrecevables 2677. En revanche, ce texte autorise
l'intervention volontaire accessoire, parce que, précisément, l'intervenant ne forme pas de demande,
se contentant d'appuyer les prétentions d'une partie. Cette faculté d'intervenir aux côtés d'une partie
intéresse principalement les groupements qui peuvent défendre des « intérêts collectifs » 2678.
Si l'interdiction des demandes nouvelles fait obstacle à la présentation de demandes en
intervention principale, elle n'empêche pas celle de pourvois incidents, puisque de tels pourvois
n'élargissent pas la matière litigieuse qui a fait l'objet du litige devant les juges du fond. L'article 614
du Code de procédure civile les soumet aux mêmes règles que les appels incidents, auxquels il suffit
de renvoyer. Bien sûr, des moyens nouveaux, s'ils sont de pur droit, peuvent également être présentés
durant la procédure devant la Cour de cassation.

821 L'irrecevabilité des moyens nouveaux mêlés de fait et de droit. – La dévolution en droit
du litige permet au demandeur en cassation de soumettre à la Cour de cassation des moyens
nouveaux, dès lors qu'ils sont effectivement de pur droit, ainsi que le prévoit l'article 619 du Code de
procédure civile. Et en vertu de l'article 620, alinéa 2, la Cour peut même casser la décision
attaquée, en relevant d'office un tel moyen. En revanche, les moyens nouveaux « mêlés » ou
« mélangés » de fait et de droit sont irrecevables devant la haute Juridiction, laquelle refuse avec
constance de les examiner. Le moyen de pur droit est, devant la Cour de cassation, celui qui repose
uniquement sur des faits constatés dans la décision attaquée. Le moyen mêlé de fait et de droit est
celui qui consiste en partie en un moyen de fait, c'est-à-dire en un raisonnement tendant à faire
reconnaître l'existence ou l'inexistence d'un fait par le juge à qui on l'adresse. La Cour de cassation
peut examiner les premiers, mais non les seconds, parce que le pourvoi opère une dévolution du
litige limitée aux questions de droit. Autrement dit, si la Cour de cassation se refuse à examiner un
moyen du pourvoi, lorsqu'il est mélangé de fait et de droit, c'est parce que cet examen l'obligerait à se
prononcer sur l'existence de faits, ce qui n'entre pas dans sa mission.
Certains plaideurs ont cru pouvoir se plaindre de l'irrecevabilité, devant la Cour de cassation, des
moyens nouveaux mêlés de fait et de droit et ont dénoncé, auprès de la Cour européenne des droits de
l'homme, une prétendue violation de leur droit à un procès équitable. Mais si la Cour européenne a
accepté de sanctionner la France en cas d'erreur manifeste commise par la Cour de cassation dans
son appréciation du caractère nouveau d'un moyen 2679, elle n'a vu aucune atteinte au droit à un procès
équitable dans l'irrecevabilité de principe de moyens qui seraient réellement nouveaux et mêlés de
fait et de droit 2680. C'est heureux, car une condamnation du principe de l'article 619 du Code de
procédure civile par la Cour européenne impliquerait, à terme, la transformation de la Cour de
cassation en un troisième degré de juridiction pur et simple.
On rappellera enfin que la disposition de l'article 619 entretient un rapport direct avec
l'obligation ou la faculté qu'ont les juges du fond de relever d'office les moyens de pur droit. En un
mot, lorsque les juges du fond sont tenus, sur le fondement de l'article 12 du Code de procédure
civile, d'appliquer de leur propre initiative une règle de droit qu'aucune des parties ne leur a
proposée, l'article 619 pose la sanction de cette obligation. Inversement, l'irrecevabilité des moyens
mêlés de fait et de droit en cassation, a pour conséquence nécessaire que les juges du fond ne sont
pas tenus de relever d'office des moyens de cette nature 2681.

822 L'irrecevabilité des moyens du demandeur contraires à ses précédentes écritures. – La


Cour de cassation a posé, en l'absence de texte, une jurisprudence désormais traditionnelle selon
laquelle le demandeur en cassation ne peut pas lui présenter un moyen qui serait contraire aux
écritures qu'il a soumises aux juges du fond 2682, quand bien même ce moyen serait de pur droit et
d'ordre public 2683. Un tel moyen est irrecevable. Plusieurs explications ont pu être avancées en
doctrine, pour justifier cette solution. Celle-ci se rattacherait, notamment, à l'irrecevabilité des
moyens nouveaux mêlés de fait et de droit évoquée ci-dessus. Cependant, il est notoire que les
moyens déclarés irrecevables comme contraires à de précédentes écritures de leur auteur sont
généralement de pur droit, ce qui invalide cette explication. On a pu également rapprocher cette
irrecevabilité de l'interdiction de se contredire au détriment d'autrui 2684 et il est probable que l'une et
l'autre procèdent du même esprit, même si techniquement l'une n'est pas l'expression de l'autre. Mais
l'explication se trouve sans doute dans le souci de la Cour de cassation d'imposer un minimum de
cohérence et d'honnêteté intellectuelle aux plaideurs qui s'adressent à elle. Lorsque l'on a défendu un
point de vue devant des juges, il est choquant de changer brusquement son fusil d'épaule et de dire le
contraire de ce que l'on avançait devant ceux dont on attaque la décision. Sur le fond, on ne peut
qu'approuver une telle jurisprudence 2685.

823 Notion d'ouverture à cassation. – L'idée classique selon laquelle la Cour de cassation est
juge de la décision attaquée et non juge du litige conduit à rechercher la liste des griefs qui peuvent
lui être adressés 2686, que l'on appelle les cas d'ouverture à cassation. L'article 978 du Code de
procédure civile impose d'ailleurs à l'auteur d'un moyen de cassation, d'y préciser le cas d'ouverture
qu'il invoque, sous peine d'irrecevabilité du moyen. La loi, et plus encore la Cour de cassation elle-
même, ont ainsi dégagé la violation de la loi, le manque de base légale, le défaut de réponse à
conclusions, ainsi que quelques autres cas moins importants. À notre sens, l'existence et la définition
de ces cas d'ouverture sont essentiellement liées à l'histoire. Ce n'est que de façon progressive et
empirique que la Cour de cassation a dégagé les lignes du contrôle qu'elle entendait exercer sur les
décisions des juges du fond, et les praticiens ont élaboré quelques notions assez larges pour décrire
les éléments essentiels de ce contrôle. À l'examen, il apparaît que ces cas d'ouverture possèdent plus
de vertu pédagogique que de mérite scientifique. On constate ainsi que les auteurs ne s'accordent ni
sur leur liste, qui varie légèrement d'un ouvrage à l'autre 2687, ni sur leur analyse 2688.
Ce caractère approximatif de l'utilisation qui est faite des ouvertures à cassation, tant en doctrine
que dans la pratique, n'a rien de surprenant, car les différentes ouvertures ne sont pas imperméables
les unes aux autres. Ainsi, la violation de la loi, entendue dans un sens strict, correspond
ordinairement à la situation dans laquelle le dispositif de la décision attaquée est inadéquat, eu égard
aux faits de l'espèce et à la règle de droit qui leur est applicable. Par exemple, il y a violation de la
loi lorsque les juges du fond condamnent une partie à verser des dommages et intérêts à son
adversaire, alors que des faits, tels qu'ils les ont eux-mêmes relevés, il résulte que les conditions de
la responsabilité de l'intéressé n'étaient pas réunies. On dit alors qu'il y a violation de la loi par
fausse application d'une règle de droit. Pareillement, il y a violation de la loi, mais cette fois-ci par
refus d'application d'une norme juridique, lorsque les magistrats du fond n'ont pas appliqué une
norme qui était applicable, compte tenu des faits constatés. Prise dans ce sens, la violation de la loi
se distingue clairement du défaut de motif, lequel consiste à ne pas motiver un jugement ou un arrêt,
sur tel ou tel chef de décision. Mais, en réalité, dans un sens large, le défaut de motif n'est qu'une
forme particulière de violation de la loi 2689 : en ne motivant pas leur décision, les juges du fond ont,
en effet, violé l'article 455 du Code de procédure civile qui dispose que « le jugement doit être
motivé ». Le caractère perméable des ouvertures à cassation apparaît également lorsque l'on compare
le défaut de motif et le manque de base légale (ou défaut de base légale 2690). En théorie, le défaut de
motif est une absence de motivation, alors que le défaut de base légale consiste en une insuffisance de
motivation. Mais, en pratique, certaines motivations sont tellement indigentes qu'elles confinent à
l'inexistence. C'est le cas lorsque les juges du fond ont prétendu justifier un des chefs de leur décision
par des motifs de pure forme ou des explications complètement creuses. La Cour de cassation et les
avocats aux conseils ont tendance à parler, dans ce genre d'hypothèse, de défaut de motif, plutôt que
d'insuffisance. Mais cette tendance n'est pas systématique et l'on voit bien que la frontière qui sépare
ces deux ouvertures à cassation, in concreto, n'est pas toujours très nette. À cela on peut ajouter que
le manque de base légale et le défaut de motif se confondent très fréquemment avec le défaut de
réponse à conclusions : en répondant insuffisamment à un moyen développé par la partie condamnée
ou déboutée, ou en n'y répondant pas du tout, les juges du fond entachent leur décision d'un défaut de
réponse à conclusions, qui s'analyse de toute évidence en un défaut de base légale ou un défaut de
motif... Il est inutile de poursuivre plus avant la démonstration, tant il est évident que les ouvertures à
cassation se recoupent mutuellement et que les classifications que l'on peut en proposer sont
passablement artificielles.
Si le pourvoi en cassation ne peut être décrit avec exactitude à partir de la liste des cas
d'ouverture à cassation, leur existence possède cependant le mérite de mettre en valeur la corrélation
qui existe entre le contenu du pourvoi en cassation et l'office des juges du fond. Si une décision peut
être cassée pour violation de la loi, pour manque de base légale ou pour défaut de réponse à
conclusions, il faut nécessairement admettre que les juges du fond ont l'obligation d'appliquer la loi,
de donner une base légale à leur décision et de répondre aux conclusions. Le pourvoi en cassation
renvoie donc aux règles qui ont été précédemment étudiées quant à l'office du juge et au déroulement
de la procédure.
Reste que l'existence d'ouvertures à cassation ne suffit pas à rendre compte de la spécificité du
pourvoi en cassation. C'est à partir de la dévolution qu'il faut examiner cette voie de recours, puisque
c'est la dévolution qui en détermine les traits essentiels. Si l'on suit cette approche 2691, on dira que le
contenu du pourvoi en cassation s'ordonne autour de la règle énoncée par l'article 604 du Code de
procédure civile, selon laquelle « le pourvoi en cassation tend à faire censurer par la Cour de
cassation la non-conformité du jugement qu'il attaque aux règles de droit ». Ainsi, en principe, seuls
les éléments de droit du litige sont dévolus à la Cour de cassation et font l'objet de son examen. Ceci
nous amène à l'étendue du contrôle exercé par la Cour.

§ 2. L'ÉTENDUE DU CONTRÔLE EXERCÉ PAR LA COUR

824 Subdivision. – On dit généralement que la Cour de cassation est juge du droit, en ce sens
qu'elle exerce, normalement, un contrôle direct sur les questions de droit posées par l'affaire (A).
Cependant, la Cour ne peut pas examiner l'affaire en droit indépendamment des faits qui ont conduit à
son application. Si l'on peut s'exprimer ainsi, le droit ne s'applique pas dans les nuages 2692. Elle
exerce donc nécessairement un contrôle, principalement indirect, sur les questions de fait suscitées
par le litige (B).

A. LE CONTRÔLE DES QUESTIONS DE DROIT

825 Principe et exceptions. – En principe, la Cour de cassation veille à ce que les juges du
fond fassent une application exacte des normes de droit aux faits du litige (1). Par exception,
cependant, il arrive que la Cour de cassation ne contrôle pas l'application de certaines normes ou
parties de norme (2).

1. Le principe

826 Le contrôle direct des questions de droit. – Le contrôle qu'exerce la Cour de cassation
sur l'application des règles de droit par les juges du fond répond à l'objet même du pourvoi en
cassation, tel que le définit l'article 604 du Code de procédure civile. Le pourvoi en cassation ne
portant que sur les éléments de droit retenus par les juges du fond, la Cour de cassation est conduite à
dire quelle est la règle de droit applicable à l'espèce et à déterminer son contenu. On parle alors de
son contrôle normatif. Cette expression désigne aussi le contrôle qu'elle exerce sur les qualifications
juridiques, lorsqu'elle se prononce sur le point de savoir si les juges du fond ont correctement
qualifié, en droit, les faits qu'ils ont constatés. L'intensité du contrôle des qualifications varie selon la
politique de la Cour dans le domaine concerné. Ainsi, elle détermine parfois le sens qui doit être
retenu, en droit, pour telle ou telle notion juridique, c'est-à-dire qu'elle la définit 2693. Elle peut
également contrôler une notion sans en donner véritablement de définition. Dans ce cas, la Cour de
cassation se borne à casser la décision lorsque les juges du fond ont appliqué aux faits une
qualification qui lui paraît incorrecte ou, à l'inverse, elle rejette le pourvoi en approuvant la
qualification retenue 2694. Il est certain que la politique consistant à définir les notions qu'elle contrôle
est celle qui contribue le mieux à l'information des juristes et à la sécurité juridique, mais les arrêts
dans lesquels elle contrôle une qualification sans en définir le contenu présentent quand même un
intérêt en ce sens que leur lecture permet généralement de se faire une idée, même si elle est parfois
un peu vague, de ce que recouvre la notion ainsi contrôlée 2695.
L'instauration par le pourvoi d'un débat en pur droit donne à la Cour de cassation l'occasion
d'exercer dans les meilleures conditions possibles 2696 sa mission de régulation et de création du
droit. À défaut d'autorité susceptible d'exercer sur elle un pouvoir hiérarchique direct 2697, la Cour de
cassation peut, dans l'exercice de cette mission, interpréter librement les textes de droit écrit ou
même créer de nouvelles règles de droit qu'elle rattache (parfois artificiellement) à des textes de
droit écrit ou à un principe général 2698. Le pouvoir créateur de la Cour ne se trouve contenu que par
une sorte d'auto-limitation que les magistrats s'imposent sagement à eux-mêmes par respect des
prévisions du législateur et des justiciables 2699.

827 Prise en compte des lois rétroactives. – Le contrôle exercé par la Cour de cassation sur
l'application que les juges du fond ont faite des règles de droit soulève une difficulté particulière
lorsque le législateur édicte une disposition rétroactive en indiquant, éventuellement 2700, qu'elle est
applicable aux instances pendantes devant la Cour de cassation 2701. Le pourvoi en cassation présente
alors l'originalité de demander à la Cour de censurer une décision qui était juridiquement fondée au
moment où elle a été rendue. L'ouverture à cassation en cause est la « perte de fondement
juridique 2702 » : on ne reproche rien aux magistrats du fond, qui ont bien fait leur travail ; on se borne
à remettre en question leur décision au motif que, depuis, qu'elle a été rendue, la règle sur laquelle
elle est fondée a disparu rétroactivement. Ceci arrive également à la suite de « l’abrogation » d’une
disposition législative prononcée par le Conseil constitutionnel saisi d’une question prioritaire de
constitutionnalité. L’effet « utile » fréquemment reconnu à ce type de décision s’analyse en une
rétroactivité de l’abrogation, laquelle devrait donc plutôt être qualifiée d’annulation 2703.
Cette situation peut apparaître comme une anomalie, si l'on part de l'idée classique selon laquelle
le rôle de la Cour de cassation consiste à juger la décision qui lui est déférée : il est aberrant de
reprocher son contenu à la décision, alors qu'à l'époque où elle a été rendue, elle ne pouvait en avoir
d'autre. Cependant, les choses s'ordonnent plus logiquement, si l'on considère que la Cour de
cassation est juge de l'affaire plus que de l'arrêt 2704. En effet, la cassation n'est plus alors la sanction
d'une décision mal rendue, mais une technique permettant la mise en œuvre des règles de droit
applicables à l'espèce. Dès lors que la règle de droit nouvelle est rétroactive, les faits litigieux sont
censés avoir été soumis à cette règle à une époque où elle n'existait même pas encore. Tout comme
une cour d'appel qui serait saisie d'un moyen de réformation tiré d'une règle rétroactive apparue
après le jugement de première instance, la Cour de cassation peut être conduite à faire application de
cette règle nouvelle apparue depuis le prononcé de la décision attaquée. Tout comme la cour d'appel,
elle est juge de l'affaire, bien que la dévolution du litige soit, en ce qui la concerne, limitée au droit.
Il est donc normal qu'elle prenne en compte la loi nouvelle rétroactive, pour casser le jugement ou
l'arrêt déféré, si cette loi est applicable aux faits de la cause. À cet égard, d'ailleurs, peu importe que
le législateur ait précisé que la loi serait applicable aux affaires pendantes devant la Cour de
cassation. Si elle s'applique aux faits de l'espèce, elle doit logiquement et par principe s'appliquer
dans le cadre de l'instance de cassation relative à ces faits. Si le législateur souhaite qu'il n'en soit
pas ainsi, il lui appartient de l'indiquer par une disposition transitoire limitant la portée de la
rétroactivité qu'il instaure.
Bien sûr, on ne peut se détacher du sentiment qu'il y a quelque chose d'absurde dans cette
situation, mais si absurdité il y a, il faut la rechercher dans le mécanisme même de la rétroactivité
d'une loi, plus que dans la technique de l'annulation pour perte de fondement juridique. On peut aussi
trouver choquante la solution de droit substantiel à laquelle on parvient, puisque la loi nouvelle fait
gagner le plaideur qui, contre toute raison, a formé un pourvoi contre un arrêt d'appel bien fondé, tout
en faisant perdre le plaideur raisonnable qui n'a pas formé de pourvoi. Mais sur le plan procédural,
tout ceci est normal : d'une part, la Cour de cassation applique au litige qui lui est soumis le droit qui
lui est (de manière aberrante) applicable ; d'autre part, si elle n'applique pas la même règle aux
décisions qui ne lui ont pas été déférées, c'est justement parce qu'elle n'a pas été saisie et que lesdites
décisions, bien que désormais contraires à la loi, sont devenues irrévocables.

828 Le contrôle exceptionnellement indirect des questions de droit. – La Cour de cassation


ayant le pouvoir de se prononcer sur le contenu d'une règle de droit et sur le sens des notions
juridiques qui figurent dans l'énoncé de cette norme, ne devrait pas exercer sur ces questions
juridiques de contrôle autre que direct. L'examen de sa jurisprudence révèle pourtant qu'il lui arrive,
de façon tout à fait exceptionnelle, de délaisser son contrôle normal du droit, au profit d'un contrôle
des motifs de la décision attaquée. Concrètement, il arrive que la Cour prononce la cassation d'un
jugement ou d'un arrêt au motif que les juges du fond ont insuffisamment motivé leur décision sur une
pure question de droit 2705. Les exemples que l'on peut citer en ce sens sont très rares, mais
probants 2706. Tantôt, il est reproché aux juges du fond de n'avoir pas indiqué « le fondement
juridique » de leur décision, c'est-à-dire de n'avoir pas indiqué la règle qu'ils entendaient
appliquer 2707. Tantôt, la Cour leur reproche de n'avoir pas précisé le contenu de la règle dont ils ont
déclaré faire application 2708. Dans un cas comme dans l'autre, il est manifeste que la haute Juridiction
est en mesure d'exercer son contrôle normatif, puisque la décision attaquée comporte toutes les
informations utiles quant aux faits. La Cour pourrait donc, selon les cas, soit prononcer une cassation
pour violation de la loi 2709, soit rejeter le pourvoi en suppléant les motifs de droit qui font défaut 2710.
En cassant pour insuffisance de motifs de droit, elle reproche aux juges du fond de ne pas avoir fourni
d'explications juridiques qu'elle est, par hypothèse, capable de trouver elle-même !
Si surprenante qu'elle puisse paraître, cette pratique (fort limitée) des cassations pour insuffisance
de motifs de droit s'explique assez bien. D'une part, l'obligation qu'ont les juges du fond de motiver
leurs jugements ne porte pas que sur les questions de fait, mais également, dans une certaine mesure,
sur les questions de droit 2711. Il est n'est donc pas absurde qu'une cassation puisse intervenir lorsque
cette obligation de motiver en droit n'a pas été respectée. D'autre part, la suppléance de motifs n'est
pas obligatoire pour la Cour de cassation 2712. Il lui est donc permis de prononcer une cassation,
plutôt que de rejeter le pourvoi comme elle le pourrait. Cette cassation a un caractère purement
disciplinaire. La haute Juridiction se fait alors véritablement juge de l'arrêt, conformément à la vision
classique que l'on retient généralement de la cassation 2713.
L'examen des quelques arrêts dans lesquels il apparaît que la Cour de cassation censure une
décision pour insuffisance de motifs de droit permet de comprendre ce qui pousse la Cour à statuer
ainsi, et à ne pas faire usage de sa faculté de rejeter le pourvoi par suppléance de motifs. En amont de
leur obligation de motiver leur décision en fait et en droit, les juges du fond ont d'abord pour
obligation essentielle de statuer en droit. Ils ne doivent pas juger à l'aveuglette, ni en fonction de leur
seul sens de l'équité. Or, il arrive, même si c'est heureusement très rare, que des magistrats,
embarrassés par une question de droit difficile, omettent d'aller jusqu'au bout de la recherche
juridique qui leur incombe. Ils statuent alors en équité, quand ce n'est pas « au petit bonheur la
chance ». Ils s'efforcent ensuite de masquer ce comportement indigne d'un magistrat, sous une
motivation juridique plus ou moins vague ou elliptique, dans laquelle, évidemment, ils ne se
prononcent pas sur la question de droit qui les perturbe. C'est dans des cas où il est probable que les
juges du fond ont ainsi fui leurs responsabilités, que la Cour de cassation choisit de censurer une
décision plutôt que de rejeter le pourvoi. À travers ce type de cassation, la haute Juridiction
manifeste, si l'on ose dire, une réaction d'humeur, face à des juges qui semblent avoir négligé leur
obligation de statuer en droit. Au lieu de les absoudre en rejetant le pourvoi, elle punit les magistrats
du fond en cassant leur décision, ce qui n'est jamais très bon pour leur carrière. Ce n'est donc,
finalement, pas tant l'insuffisance des explications juridiques qui est sanctionnée, que le probable
manquement grave à une obligation professionnelle.
Cependant, répétons-le, ce type de cassation se rencontre de manière tout à fait exceptionnelle,
parce que la politique générale de la Cour de cassation est de « sauver » la décision attaquée,
lorsque c'est possible, et aussi parce que dans leur grande majorité les magistrats accomplissent leur
travail avec une compétence et un sérieux dignes de respect.

2. Les exceptions

829 Le refus de contrôler certaines normes et qualifications juridiques. – En dépit de sa


vocation générale à connaître de tous les éléments juridiques d'une affaire, la Cour de cassation ne
contrôle pas l'application que les juges du fond ont pu faire de certains éléments de droit. Ces
exceptions sont de deux sortes. La Cour de cassation refuse d'abord de contrôler l'application de
certains types de normes juridiques (a). En outre, il arrive que la Cour de cassation ne contrôle pas
l'application d'un élément d'une norme dont les autres éléments sont contrôlés (b).
a) Les types de normes non contrôlées

830 Loi étrangère, coutume et contrat. – La Cour de cassation ne contrôle pas l'application
de trois types de normes : la loi étrangère 2714, les coutumes locales ou professionnelles 2715 et les
contrats 2716. Le refus de la Cour de cassation de contrôler leur application soulève quelques
interrogations. On peut en premier lieu s'interroger sur leur nature et être tenté de déduire de
l'absence de contrôle exercé par la Cour de cassation qu'il ne s'agit pas de normes de droit. La
déduction est inexacte. Il est loisible à la Cour de cassation de décider de ne pas contrôler certaines
normes, mais la nature de ces normes ne peut pas dépendre de l'attitude de la Cour à leur égard. Elle
doit être examinée en elle-même, indépendamment des solutions données par la haute Juridiction. À
vrai dire, la nature normative de la loi étrangère n'est pas vraiment discutée 2717. De même, il est
certain que l'usage coutumier est porteur de droit : il figure d'ailleurs en bonne place dans tous les
cours d'introduction générale au droit que dispensent nos Facultés, au chapitre consacré aux sources
du droit. L'hésitation n'existe guère que pour les contrats. Contre leur nature normative, on fait
principalement valoir leur origine privée : ne sauraient être tenues pour des normes de droit des
stipulations issues de la volonté des particuliers n'agissant pas au nom ou par délégation de l'autorité
publique. Cette objection n'est pas déterminante. Elle établit seulement que le contrat n'est pas une
norme en tous points identique aux autres, mais ne permet pas de lui refuser une nature normative. À
notre sens, cette nature résulte de cela seul que les parties au contrat sont juridiquement tenues de se
soumettre à ses stipulations 2718.
C'est ce qui explique que, si la Cour de cassation ne contrôle pas la façon dont les juges du fond
appliquent ces normes, elle censure le refus de les appliquer lorsque les conditions sont remplies. En
d'autres termes, la Cour de cassation est juge de l'applicabilité de ces normes. Lorsqu'une partie
établit l'existence d'un contrat qui la lie à son adversaire, la Cour de cassation décide que le juge a
l'obligation de l'appliquer 2719. L'absence de contrôle par la Cour de cassation est donc limitée au
contenu et à l'interprétation du contrat. La même solution s'applique en matière d'usage et de loi
étrangère. Ainsi, la Cour de cassation contrôle l'application par les juges du fond de la règle de
conflit, dont le jeu conduit à la désignation de la loi étrangère pour régir la situation litigieuse.

831 Raisons de l'absence de contrôle de certaines normes. – Ce n'est donc pas dans la nature
de ces normes qu'il faut rechercher les motifs qui conduisent la Cour de cassation à ne pas contrôler
leur application par les juges du fond. À proprement parler, ces motifs ne sont pas juridiques, ils
relèvent de l'opportunité. La Cour de cassation estime, non sans quelques raisons d'ailleurs, que le
contrôle de ces normes serait en général de peu d'utilité, compte tenu de leur portée individuelle ou
limitée. Un contrat ne régit ordinairement qu'une seule affaire. De même, les usages locaux ou
professionnels ne sont le plus souvent dotés que d'une portée limitée et, dans l'écrasante majorité des
cas, le juge français applique la loi française et non une loi étrangère. On peut ajouter, pour ce qui est
de la loi étrangère, que ce n'est pas le rôle de la Cour de cassation de dire le droit d'États étrangers.
Enfin, et surtout, les magistrats de la Cour de cassation se heurteraient à des difficultés d'information,
s'ils s'avisaient de contrôler les lois étrangères ou les coutumes locales ou professionnelles : on ne
trouve guère de renseignements, dans les rayons de nos bibliothèques, sur le droit des contrats
indonésien ou sur les usages en vigueur dans le milieu des éleveurs d'agneaux de prés-salés de la
baie du Mont Saint-Michel...
Il reste que la solution retenue par la Cour de cassation conduit à des résultats qui ne sont pas
toujours satisfaisants. Les justiciables comprennent mal pourquoi le même contrat-type, par exemple
le même contrat d'assurance, n'a pas le même sens selon qu'il est jugé à Caen ou à Rennes 2720. Il en
va de même pour certains droits étrangers qui sont assez couramment appliqués en France, comme le
droit algérien ou le droit allemand.
Quoi qu'il en soit, la solution est certaine en droit positif et, concrètement, l'absence de contrôle
juridique sur le contenu et l'interprétation de ces normes se traduit par leur assimilation aux éléments
de fait du litige, sur lesquels la Cour de cassation n'exerce qu'un contrôle limité, le plus souvent
indirect 2721.
b) Les éléments de norme non contrôlés

832 Refus de contrôler certaines qualifications juridiques. – À l'intérieur même des normes
dont la Cour de cassation contrôle en principe l'application, comme les lois et les décrets
réglementaires français, il arrive qu'une qualification soit abandonnée à l'appréciation souveraine des
juges du fond 2722. Les exemples d'une telle situation ne manquent pas. On peut citer, à titre d'exemple,
le caractère réel et sérieux du prix de vente 2723. Pareillement, la Cour de cassation n'exerce
traditionnellement aucun contrôle direct sur la notion de faits « constituant une violation grave ou
renouvelée des devoirs et obligations du mariage et rendant intolérable le maintien de la vie
commune 2724 ». Des exemples se rencontrent également en droit judiciaire privé, comme
« l'urgence » en matière de référé 2725, ou les « conséquences manifestement excessives » qui
justifient l'arrêt de l'exécution provisoire d'un jugement 2726. Comme pour les normes qui ont été
étudiées dans le développement précédent, l'absence de contrôle par la Cour de cassation ne signifie
pas que ces notions ne sont pas des notions de droit. Même s'il est vrai que les règles qui les
contiennent se réfèrent davantage à des notions qui relèvent de la réalité économique ou familiale
qu'à des concepts empruntés à la technique juridique, il reste, et c'est le point essentiel, que ces
notions font partie du présupposé de la règle de droit et qu'à ce titre, elles sont nécessairement du
droit, que la Cour de cassation devrait en principe contrôler.

833 Appréciation du refus de contrôler une notion juridique. – De ce qui précède, il résulte
que le refus par la Cour de cassation de contrôler l'application d'un élément de la règle de droit
constitue toujours et par principe une anomalie. Il n'existe aucun motif juridique qui puisse justifier
que la Cour de cassation ne contrôle pas ce que sont les faits qui « constituent une violation grave ou
renouvelée des devoirs et obligations du mariage et rendent intolérable le maintien de la vie
commune ». Ces faits constituent une variété particulière de faute. Or, en matière délictuelle, la faute
est une notion qui est contrôlée par la Cour. Pourquoi n'en va-t-il pas de même ici ? On remarquera
d'ailleurs qu'il n'existe pas de véritable critère qui permette de distinguer les éléments de la règle qui
sont contrôlés de ceux qui ne le sont pas ; il n'existe que quelques indications générales autour
desquelles on peut regrouper les principaux cas d'absence de contrôle 2727. Les auteurs qui les
mentionnent reconnaissent eux-mêmes que ces lignes directrices ne sont pas infaillibles et que, pour
chacune d'elles, on peut trouver des exemples de notions qui sont néanmoins contrôlées. La réalité est
que la Cour de cassation contrôle quand elle le veut et ne contrôle pas quand elle ne le veut pas, pour
des motifs de pure opportunité, dont le moindre n'est probablement pas le souci de limiter le nombre
de pourvois 2728.
Il est probablement inévitable que la Cour de cassation abandonne certains éléments de la règle
de droit à la souveraine appréciation des juges du fond. Au moins convient-il d'affirmer sans aucune
ambiguïté que, par principe, cet abandon est toujours un mal, peut-être nécessaire 2729. On ne saurait
approuver les propositions qui sont parfois émises, tendant à étendre encore les cas d'absence de
contrôle. Tout nouvel abandon constitue nécessairement une régression du droit et une incitation à
l'arbitraire 2730.

834 La tentation du contrôle formel des qualifications non contrôlées. – Sur cette politique
d'abandon d'une qualification juridique au pouvoir souverain des juges du fond, est parfois venue se
greffer une politique de contrôle formel de la motivation, que l'on ne saurait approuver. Ainsi, au
contrôle direct qu'elle se refusait à exercer sur la qualification des faits susceptibles de justifier un
divorce pour faute, la Cour de cassation a longtemps substitué un contrôle purement formel,
consistant à exiger des juges du fond qu'ils écrivent dans leur décision que les faits retenus
correspondaient à une violation grave des devoirs et obligations du mariage et qu'ils rendaient
intolérable le maintien de la vie commune 2731. Un tel contrôle était, comme l'obligation imposée aux
juges du fond, purement formel, ce qui revient à dire, en bon français, qu'il ne servait pas à grand-
chose, la Cour de cassation ayant décidé qu'elle n'avait aucune opinion sur les causes du divorce
pour faute. Tout au plus peut-on penser que c'était, pour la Cour, un moyen de s'assurer que le juge du
fond avait exercé son pouvoir souverain et n'avait pas négligé la qualification juridique abandonnée à
sa seule appréciation 2732. Cette justification du contrôle formel supposait toutefois que la formule
attendue des magistrats du fond n'ait pas été insérée automatiquement dans les jugements comme une
clause de style.
C'est sans doute pour cette raison que la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a
effectué un revirement de jurisprudence sur la motivation du jugement de divorce pour faute, en
novembre 2000. En effet, elle a approuvé des juges du fond d'avoir simplement retenu, après avoir
relevé certains faits reprochés à une épouse, que ces faits constituaient des causes de divorce au sens
de l'article 242 du Code civil, « ce dont il résultait que la double condition exigée par ce texte était
constatée » 2733. En somme, plutôt que de recourir à la formule sacramentelle naguère exigée
(« violation grave... rendant intolérable... »), les juges peuvent désormais se contenter de qualifier les
faits qu'ils ont relevés, de « causes de divorce au sens de l'article 242 » du Code civil. Depuis lors,
la première chambre a précisé que, désormais, les juges du fond pouvaient se contenter d'indiquer
une violation grave et répétée des devoirs et obligations du mariage, sans se référer à son caractère
intolérable ni à l'article 242 du Code civil. Ils peuvent aussi se borner à se référer à l'article 242 2734.
Cela étant, la manière dont sont rédigés les arrêts qu'elle a rendus le 11 janvier 2005 conduit à se
demander si elle n'aurait pas substitué un contrôle direct des caractères de la faute cause de divorce à
l'absence de contrôle qui prévalait naguère 2735.

B. LE CONTRÔLE DES QUESTIONS DE FAIT

835 Nécessité d'un contrôle des motifs de fait. – Pour que la Cour de cassation puisse se
livrer à un examen de l'affaire en pur droit, il faut qu'elle trouve dans la décision des juges du fond
tous les éléments de fait qui lui sont nécessaires. Ce n'est pas toujours le cas, tant s'en faut. La Cour
de cassation est alors contrainte de se tourner vers les faits de l'espèce. En principe, elle ne se tourne
pas vers les faits pour les juger elle-même directement, elle ne le fait que pour examiner si les juges
du fond ont statué en fait de façon suffisante, compte tenu, le cas échéant, des moyens présentés par
les parties 2736. Peut-être convient-il d'insister, à ce propos, sur l'importance des faits dans le procès.
Avant de dire le droit, les juges du fond disent le fait et tout le développement qui suit montrera que,
si la Cour de cassation peut suppléer ou remplacer une motivation de droit déficiente ou erronée, elle
ne peut que casser les décisions qui n'ont pas constaté les faits de nature à les fonder.
Le contrôle des faits par la Cour de cassation s'opère donc, pour l'essentiel, sous la forme d'un
contrôle de la motivation du jugement attaqué. Il s'agit d'un contrôle indirect des questions de fait (1).
La Cour ne se prononce pas sur l'existence des faits, mais sur le caractère suffisant ou non des motifs
de la décision. Cependant, dans quelques cas particuliers, la Cour se livre à un contrôle direct des
faits de la cause (2), par dérogation au principe selon lequel elle est juge du droit et non du fait.

1. Le contrôle indirect des questions de fait : le contrôle des motifs de fait

836 L'étendue de l'obligation de motiver en fait. – Lorsque l'on se demande ce que doit
comprendre la motivation de fait du jugement, la première idée qui vient à l'esprit est que le juge doit
énoncer tous les faits correspondant au présupposé de la règle qu'il applique. En réalité, il ne peut en
aller ainsi que lorsque la règle de droit est dotée d'un présupposé comprenant peu d'éléments. Mais
dès lors que les éléments du présupposé deviennent nombreux, une pareille exigence allongerait les
décisions dans des proportions considérables, et cet allongement serait le plus souvent dépourvu
d'utilité. Pour reprendre un exemple donné par Motulsky 2737, le juge ne pourrait ordonner l'exécution
d'un contrat sans avoir énoncé tous les faits dont résulte sa force obligatoire, c'est-à-dire tous les faits
correspondant aux conditions de validité du contrat posées par la loi : capacité des parties, absence
de dol, absence d'erreur sur la substance, licéité de la cause, etc. Le simple bon sens commande
d'alléger l'obligation pesant sur le juge.
Dans quelle mesure son obligation est-elle allégée ? L'office du juge étant lié aux obligations
processuelles des parties, il existe une étroite corrélation entre l'obligation pour le juge de motiver sa
décision et les obligations qui pèsent sur les parties. Si le juge qui fait droit à une prétention n'est pas
tenu d'énoncer tous les éléments du présupposé de la règle de droit qu'il applique, c'est parce que
l'auteur de cette prétention n'est, lui-même, pas tenu de les alléguer et de les prouver 2738. De façon
plus précise et plus exacte, l'obligation pour le juge de motiver sa décision se trouve liée au jeu des
risques processuels (risque de l'allégation et risque de la preuve) pesant sur les parties. La théorie
des critères d'une motivation suffisante est trop complexe et trop théorique pour que l'on puisse
l'exposer de manière satisfaisante dans un manuel de droit judiciaire privé 2739. Disons simplement
que le juge du fond doit, pour motiver correctement sa décision, constater dans ses motifs, des faits
correspondant aux conditions de la règle qu'il applique, ainsi que les éléments de preuve sur lesquels
il se fonde, le tout sous réserve d'un certain nombre de dispenses de motivation.

837 Le contrôle du caractère suffisant des motifs. – Si le juge du fond est censé motiver son
jugement, c'est afin de permettre aux parties de comprendre pourquoi elles ont obtenu ou non
satisfaction, mais c'est aussi et peut-être plus encore pour permettre à la Cour de cassation d'exercer
son contrôle direct sur la bonne application du droit. Le pourvoi en cassation n'entraînant pas une
dévolution des questions de fait, la Cour n'est pas habilitée à se prononcer sur les questions de fait
qui opposent les parties et quand bien même elle voudrait le faire, elle n'a pas de pouvoir d'enquête,
contrairement aux juges du fond. Pour vérifier que le tribunal ou la cour d'appel a appliqué la bonne
règle aux faits de l'espèce et que cette règle a été correctement appliquée, elle ne dispose que des
informations sur les faits fournies par les magistrats du fond dans les motifs de leur décision. Si ces
informations sont insuffisantes, elle ne peut que prononcer la cassation. Pour s'en tenir à l'exemple le
plus simple qui soit, un juge ne saurait condamner le défendeur à réparer le préjudice qu'aurait subi
le demandeur, sur le fondement des articles 1382 et 1383 du Code civil, sans énoncer les faits
correspondant aux trois conditions posées par ces textes pour la mise en jeu de la responsabilité
d'une personne : une faute, un préjudice et un lien de causalité entre la faute et le préjudice. En effet,
si le jugement fait état d'un préjudice (par exemple une perte financière), mais que, dans le même
temps, il ne fait pas apparaître le comportement reproché au défendeur, la Cour de cassation est
incapable de dire si une faute a bien été commise par celui-ci. L'intéressé a peut-être eu un
comportement fautif à l'origine du dommage subi par le demandeur, auquel cas les juges du fond ont
eu raison de le condamner sur le fondement de l'article 1382 du Code civil. Mais il est également
possible qu'il n'ait pas eu le moindre comportement fautif au sens de ce texte, auquel cas, les juges du
fond ont violé l'article 1382 en condamnant ce plaideur. La Cour de cassation ne peut pas se faire une
opinion sur ce point, faute d'informations suffisantes dans les motifs de la décision attaquée. La haute
Juridiction n'est donc pas en mesure d'exercer son contrôle normatif. Il ne lui reste qu'une chose à
faire : casser la décision, ce qu'elle fera généralement pour défaut de motif ou défaut de base légale.
On voit donc bien que le contrôle des motifs par la Cour de cassation présente un caractère
indirect : la Cour ne dit pas que le défendeur a ou n'a pas fait telle ou telle chose ; elle se borne à
constater qu'en motivant trop sommairement leur décision, les juges du fond l'empêchent de faire son
travail et de contrôler la bonne application de la loi. Peu importe d'ailleurs la source de cette
insuffisance de motifs. Celle-ci peut découler d'une simple omission, comme elle peut tenir à une
erreur de droit du juge. Ainsi, lorsque le juge n'a pas énoncé certains faits, c'est parfois (et même
souvent) parce qu'il a estimé ne pas avoir à le faire : autrement dit, le juge a pensé que la règle de
droit ne comprenait pas dans son présupposé l'élément correspondant aux faits qu'il lui est reproché
de ne pas avoir relevés. Par exemple, il peut arriver qu'un juge croie qu'en plus des intérêts
moratoires que la loi accorde de plein droit au créancier d'une somme d'argent impayée, à compter de
la mise en demeure, ce créancier a droit à des dommages-intérêts compensatoires à la seule condition
qu'il justifie de l'existence d'un préjudice spécial. En réalité, aux termes mêmes de l'article 1153 du
Code civil, il faut que soit remplie une seconde condition, tenant à la mauvaise foi du débiteur. Faute
de s'être rappelé l'existence de cette seconde condition, le juge n'aura relevé aucun fait constitutif de
mauvaise foi, si bien que sa décision ne sera pas suffisamment motivée sur ce point 2740. Il n'y a donc
pas à proprement parler de violation de la loi dans le dispositif de la décision attaquée. En tout cas,
on n'en est pas sûr. La seule chose qui soit certaine, c'est que la Cour de cassation n'est pas en mesure
d'exercer son contrôle normatif, en raison d'un doute sur les faits, qui découle d'une imperfection des
motifs de fait du jugement.
En revanche, il est évident que l'on ne saurait reprocher au juge l'insuffisance de sa motivation
lorsqu'il est totalement dispensé de motiver sa décision en raison du pouvoir discrétionnaire qui lui
est reconnu. La Cour de cassation n'a, en effet, pas de contrôle à exercer. On peut citer à titre
d'exemples de ce pouvoir discrétionnaire l'attribution d'une somme au titre de l'article 700 du Code
de procédure civile 2741 ou encore le sursis à statuer facultatif régi par l'article 378 du même code 2742.
La décision du juge du fond échappe alors à tout contrôle de la Cour de cassation 2743.

838 Le contrôle de la motivation en réponse aux conclusions d'une partie. – Lorsque le juge
du fond déboute une partie ou la condamne, il a l'obligation, selon la jurisprudence de la Cour de
cassation, de répondre aux moyens que ce plaideur a développés à l'encontre de la solution
finalement retenue. Autrement dit, pour condamner une partie sur le fondement de l'article 1382 du
Code civil (par exemple), il ne suffit pas de relever dans les motifs du jugement des faits
correspondant aux conditions d'application de ce texte ; il faut également répondre aux moyens de
défense que ce plaideur avait soumis à la juridiction. Ainsi, lorsque, dans cet exemple, le défendeur a
exposé dans ses conclusions, qu'il avait été confronté à des faits constitutifs d'un cas de force
majeure, le juge doit répondre à ce moyen de défense. On sait, en effet, que la force majeure est une
cause d'exonération de la responsabilité délictuelle. Schématiquement, pour justifier sa décision, le
juge peut constater que les faits prétendus n'existent pas (ou qu'ils ne sont pas prouvés) ou, encore,
qu'ils ne sont pas susceptibles d'être qualifiés de cas de force majeure, la Cour de cassation pouvant
d'ailleurs exercer son contrôle du droit sur ce second point 2744. Mais il ne peut pas traiter ce moyen
de défense par le mépris. Pareillement, les juges du fond doivent répondre aux moyens de la partie
qu'ils déboutent de sa demande.
Cela étant, l'obligation de motiver la décision en réponse aux moyens de la partie « perdante »
doit rester dans des limites raisonnables. Il ne s'agit de répondre à tout et à n'importe quoi. La Cour
de cassation apporte ainsi deux utiles précisions. Tout d'abord, les juges du fond ne sont tenus de
répondre qu'aux moyens opérants, c'est-à-dire aux moyens qui reposent sur des faits qui, à les
supposer établis, seraient de nature à faire échec à la solution retenue par les juges. Tel est le cas du
moyen invoquant un prétendu cas de force majeure, lorsque les juges font application de
l'article 1382 du Code civil pour condamner le défendeur. Mais à l'inverse, ils ne sont pas tenus de
répondre aux moyens inopérants. Ainsi, est inopérant le moyen par lequel le défendeur à une action
en responsabilité civile prétend avoir été sous l'empire d'un trouble mental au moment où il a blessé
son adversaire. En effet, quand bien même les faits allégués correspondraient à la réalité, le trouble
mental n'est pas, en droit actuel, une cause d'exonération de la responsabilité civile 2745. Bref, peu
importe, dans ce contexte, que l'intéressé ait été ou non dément au moment des faits. Le juge n'a donc
pas à répondre à ce moyen. En répondant, il ne justifierait plus sa décision, il perdrait son temps 2746.
La seconde précision apportée par la Cour de cassation porte sur l'absence d'obligation des juges
du fond de répondre aux simples arguments. La jurisprudence ne fournit pas de définition du simple
argument. Cette notion se définit donc essentiellement par opposition au concept de moyen 2747. Est un
argument, une allégation ou un raisonnement non constitutifs d'un moyen. Le moyen étant un
raisonnement destiné à la démonstration du bien-fondé d'une prétention, l'argument sera, par exemple,
un raisonnement qui ne serait pas rattaché à la prétention de son auteur par un lien logique. Ainsi, les
explications par lesquelles un plaideur s'efforce de susciter la sympathie ou la pitié des juges, sans
qu'il prétende en déduire quoi que ce soit quant à la solution du litige, entrent dans la catégorie des
arguments. En pratique, il faut cependant reconnaître que la Cour de cassation manie les concepts de
moyen et d'argument de manière très empirique 2748.
Sous réserve qu'il ne présente qu'un moyen inopérant ou un simple argument, on constate donc que
le plaideur « perdant » alourdit l'obligation qu'ont les juges du fond de motiver leur décision. Ils
doivent non seulement justifier ce qu'ils ont décidé, mais aussi, dans la mesure des moyens dont ils
sont saisis, justifier leur refus de décider autre chose. S'ils ne le font pas, leur décision encourt une
cassation pour défaut de réponse à conclusions ou encore pour défaut de motif ou manque de base
légale, l'absence de réponse ou l'insuffisance de la réponse apportée à un moyen étant manifestement
un vice de motivation.
Cependant, si l'obligation de motiver dépend en partie des moyens développés par les parties,
elle n'en dépend pas entièrement. La motivation des jugements est exigée par principe et
indépendamment des moyens des plaideurs. Ainsi, pourvu qu'il statue dans les limites des demandes
présentées par les parties et qu'il ne s'appuie que sur les faits qui sont dans le débat, le juge peut
prendre l'initiative d'appliquer d'office la règle de droit qu'il estime être réellement applicable. Il
peut ainsi accorder le bénéfice d'une demande si elle lui paraît justifiée par une autre règle de droit
que celle invoquée par le demandeur. Inversement, il peut rejeter la demande même si le défendeur ne
lui a opposé aucune défense sérieuse ou même n'a pas comparu. Le fait que la règle de droit soit
appliquée d'office aux faits du débat ne dispense pas le juge de motiver sa décision et d'énoncer les
faits correspondant à la demande ou à la défense qu'il prend l'initiative de mettre en œuvre. La
motivation doit être exactement la même que si le moyen lui avait été présenté par une partie 2749.

839 Du contrôle quantitatif au contrôle qualitatif. – Le contrôle de la motivation des


décisions de justice n'est pas purement quantitatif, il est aussi qualitatif. En d'autres termes, pour que
des motifs soient suffisants, il ne suffit pas qu'ils portent sur tous les points où l'on attend une
explication de la part des juges. Il faut aussi que ces explications soient cohérentes et satisfaisantes
dans leur contenu. De longues pages d'un discours creux, elliptique ou contradictoire n'ont jamais fait
une motivation suffisante. Dans les hypothèses, qui vont être abordées maintenant, l'aspect qualitatif
du contrôle apparaît évident.

840 Les motifs d'ordre général. – En premier lieu, il arrive parfois que les juges du fond se
bornent à fournir des motifs qui, par leur généralité, ne justifient pas la solution retenue en l'espèce et
ne mettent pas la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle normatif. Les motifs sont d'ordre
général lorsque les juges du fond ont donné, « sans appréciation des circonstances spéciales, une
généralité complète et absolue à une proposition qui n'est vraie que dans certains cas » 2750. Un
exemple simple peut être tiré d'une affaire dans laquelle un homme né en Algérie en 1945 et réintégré
dans la nationalité française en 1976 sous le prénom de Daniel, avait présenté une requête pour être
autorisé à reprendre son prénom d'origine (Mohammed) en exposant, notamment, qu'il avait fondé une
famille avec une femme de confession musulmane comme lui, que ses cinq enfants portaient tous des
prénoms arabes et que le prénom Daniel l'isolait des siens. Pour rejeter sa demande, une cour d'appel
se borna à énoncer que « l'intérêt légitime du requérant (...) (résidait) en sa qualité de français, dans
une volonté d'intégration dans la communauté française, plutôt que d'éloignement de cette
communauté ». La Cour de cassation y a vu, à juste titre, un motif d'ordre général. Pour justifier leur
décision, les juges d'appel auraient dû « rechercher si, eu égard aux circonstances, l'état de fait
invoqué n'était pas de nature à constituer pour l'intéressé un intérêt légitime à la reprise de son
prénom d'origine » 2751. En effet, s'il est sans doute exact que l'intérêt d'un citoyen français d'origine
étrangère est de s'intégrer dans la société française, il n'est pas certain que cette intégration doive
toujours se faire au détriment des liens de l'intéressé avec son milieu social et familial. Tout étant
affaire de circonstances, des motifs d'ordre général ne suffisaient pas à justifier la décision de la cour
d'appel.
Aux motifs d'ordre général, on rattache parfois également les motifs de pure forme 2752, tel que :
« la demande est régulière, recevable et bien fondée ». On pourrait gloser sur la différence pouvant
séparer le motif creux ou inconsistant du motif général. Sur le fond, il est exact qu'ils se rejoignent en
ce qu'ils ne justifient pas vraiment la décision des juges du fond. Il s'agit d'affirmations péremptoires
par lesquels les magistrats se dispensent, en réalité, de justifier ce qu'ils ont décidé. Leur décision
encourt la cassation.

841 Les motifs dubitatifs ou hypothétiques. – L'excès de scrupule est tout aussi condamnable
que la négligence ou l'excès d'assurance, et la Cour de cassation censure aussi les jugements qui
reposent sur des motifs hypothétiques ou dubitatifs. Le motif est dubitatif lorsqu'il révèle un doute du
juge sur la réalité du fait qu'il retient 2753. La plupart du temps, le caractère dubitatif résulte de
l'utilisation du conditionnel ou d'expressions telles que « il semble » ou « il paraît » 2754. Le motif est
hypothétique lorsque le juge se fonde sur un fait dont il suppose l'existence, comme s'il s'agissait d'un
postulat ou d'une simple hypothèse parmi d'autres possibles. Les expressions les plus révélatrices du
caractère hypothétique d'une motivation sont « il est probable », « il est vraisemblable », « on peut
supposer » ou « il est permis de penser » 2755. On ajoutera encore que la frontière n'est pas toujours
nette entre le motif dubitatif et le motif hypothétique. En effet, en admettant l'existence d'un fait tout en
exprimant des doutes sur ce point, le juge adopte une motivation à la fois dubitative et hypothétique :
il laisse transparaître un doute et retient une simple hypothèse.

842 Les motifs contradictoires. – La contradiction de motifs est un motif de cassation que la
haute Juridiction rattache généralement au défaut de motif 2756. La cause en serait qu'en se contredisant
mutuellement, les motifs s'annuleraient. Peu importe qu'il y ait lieu ou non de procéder à un tel
rattachement : on sait que les ouvertures à cassation sont largement artificielles. Ce qu'il est important
de retenir, c'est que la contradiction de motifs se caractérise par une insuffisance qualitative de la
motivation. Pendant longtemps, la Cour de cassation a censuré toutes sortes de décisions dans
lesquelles les juges du fond s'étaient contredits. La contradiction pouvait exister à l'intérieur des
motifs, ou entre les motifs et le dispositif ; elle pouvait porter indifféremment sur des constatations de
fait ou sur des énonciations de droit 2757. Aujourd'hui 2758, la Cour de cassation refuse de censurer les
contradictions autres que celles qui opposent entre elles des constatations de fait. La raison en est que
toutes les autres contradictions supposent nécessairement une erreur dans l'application de la loi par
les juges du fond, et la Cour de cassation exige du demandeur en cassation qu'il la dénonce 2759. En
revanche, la contradiction entre les motifs de fait montre que les juges n'ont pas effectué de façon
satisfaisante le travail de constatation des faits qui leur incombe. La Cour de cassation ne peut
raisonner en droit qu'à partir d'éléments de fait énoncés de façon intelligible et cohérente. Si les
énonciations du jugement sont inintelligibles ou incohérentes, la Cour n'est pas en mesure d'exercer
son contrôle de la bonne application du droit. Elle ne peut que censurer la décision attaquée 2760.

2. Le contrôle direct des questions de fait

843 L'examen des faits de la procédure. – Le contrôle de la motivation, que nous venons
d'étudier, constitue un contrôle indirect des questions de fait par la Cour de cassation. Il est
absolument indispensable au bon exercice de sa mission de régulation du droit, ce qui explique que le
contrôle du caractère suffisant des motifs ait été développé par la Cour elle-même, en dehors de toute
prévision du législateur, dès le début du XIX siècle 2761. Mais la Cour va parfois plus loin dans son
e

contrôle des faits, en appréciant directement certaines questions de fait.


C'est le cas, tout d'abord des faits qui se sont produits durant le déroulement de la procédure
devant les juges du fond. Pour que la Cour de cassation puisse examiner la régularité de la procédure,
dont dépend la régularité de la décision 2762 qui en est la conclusion, il lui faut examiner et juger les
faits de la procédure. Entrent ainsi dans son contrôle les diverses règles relatives à la confection du
jugement que l'article 458 du Code de procédure civile prescrit à peine de nullité 2763. Par exemple,
pour sanctionner l'éventuelle violation de l'article 447 du Code de procédure civile, qui prescrit que
seuls participent au délibéré les juges qui ont assisté aux débats, il est certain que la Cour doit
s'interroger sur une pure question de fait : les juges qui se trouvaient dans la salle d'audience sont-ils
les mêmes que l'on a retrouvés dans la salle des délibérés ? Il faut y ajouter toutes les règles dont la
Cour de cassation sanctionne l'inobservation par la nullité de la décision, comme, par exemple, les
règles relatives à la communication du dossier au ministère public, à l'ordonnance de clôture, au
respect du principe de la contradiction entre les parties ou à l'égard du juge, etc. 2764. Quand on dit
que la Cour de cassation n'est pas juge des faits, il faut donc préciser que c'est sous réserve des faits
de la procédure.
La portée de l'examen des faits procéduraux ne doit cependant pas être surestimée. Il faut en effet
le combiner avec d'autres règles qui en restreignent l'importance. D'abord, les parties ont l'obligation,
chaque fois que cela est possible, de soumettre aux juges du fond les irrégularités procédurales qui se
produisent devant eux. Par exemple, une partie serait irrecevable à demander la nullité d'un arrêt
d'appel en soulevant pour la première fois devant la Cour de cassation une irrégularité affectant l'acte
d'appel, elle aurait dû le faire devant la cour d'appel. De même, il faut tenir compte des dispositions
des articles 446, alinéa 2, et 458, alinéa 2, du Code de procédure civile, relatives aux irrégularités
affectant les débats oraux et la confection du jugement, qui imposent aux parties de les soulever à un
moment déterminé 2765. Dans toutes ces hypothèses, la Cour de cassation n'exerce son contrôle qu'en
second rang, après un premier examen mené par le juge dont la décision est attaquée.

844 Le contrôle de l'évidence. – Le contrôle direct des faits par la haute Juridiction, ne peut
se limiter aux faits de la procédure. La Cour de cassation doit, en effet, logiquement, pouvoir se
prononcer sur les questions de fait touchant au fond du litige, dès lors qu'ils relèvent de l'évidence.
Certaines Cours suprêmes étrangères ont consacré un tel contrôle de l'évidence. Ainsi, la Cour
fédérale allemande a recours, pour apprécier des questions de fait, aux maximes d'expérience et aux
faits notoires 2766. Il s'agit de l'ensemble des propositions et des connaissances qui permettent à une
personne adulte, saine d'esprit et normalement cultivée, de vérifier la véracité d'une affirmation de
fait. La Cour de cassation française n'a pas consacré ces notions, pas plus qu'elle n'a reconnu pouvoir
s'ériger en juge de l'évidence. Mais il est incontestable qu'elle le peut. Comment pourrait-on admettre
le maintien d'un jugement qui énoncerait des faits manifestement contraires à la réalité et au bon
sens ? En pratique, la Cour opère un tel contrôle, mais elle le fait pudiquement sous le couvert de son
traditionnel contrôle des motifs. Au lieu d'écrire que l'appréciation d'une question de fait qui a été
(souverainement...) opérée par les juges du fond est de toute évidence erronée, il lui suffit de casser
pour contradiction ou insuffisance de motifs 2767.

845 Le contrôle de la dénaturation des écrits. – Si la Cour de cassation n'a encore jamais
proclamé son pouvoir général de contrôle de l'évidence, elle a cependant fait un pas important en ce
sens, au XIX siècle, avec la consécration du contrôle de la dénaturation des écrits 2768. Celui-ci lui
e

permet de casser une décision lorsque les juges du fond ont dénaturé un écrit qui leur était soumis
dans le cadre du litige. Bien sûr, ne sont pas concernés les écrits qui sont l'expression d'une norme
dont la Cour de cassation contrôle le sens. Par exemple, une partie n'alléguera pas la dénaturation du
Journal officiel ou du texte d'une convention collective, elle en dénoncera la violation. En revanche,
la partie peut invoquer la dénaturation d'un rapport d'expertise, d'un procès-verbal, d'un contrat écrit,
de conclusions 2769 ou d'un quelconque document écrit, dès lors que ce document a fondé la décision
des juges 2770. Dénaturer un écrit, c’est lui donner une interprétation manifestement inexacte. S’il
s’agissait d’affirmer à tort dans le jugement que l’auteur d’un document a écrit telle ou telle chose, on
serait en présence d’une fausse déclaration du juge, laquelle relèverait alors non pas d’une cassation,
mais d’une procédure d’inscription de faux, les jugements et arrêts ayant valeur d’actes
authentiques 2771. Il est cependant parfois délicat de distinguer l’interprétation dénaturant le texte de
l’affirmation inexacte quant à son contenu. En pratique, on s’en tient à la dénaturation chaque fois que
l’on peut voir dans les motifs de la décision une erreur manifeste de compréhension de l’écrit par le
juge.
La doctrine expose généralement que la cassation pour dénaturation suppose que le document ait
un sens clair et précis, et qu'il n'appelle donc aucune interprétation. À l'opposé, l'existence d'une
obscurité ou d'une ambiguïté dans le document appelle une interprétation, et la Cour de cassation
déclare couramment que l'interprétation exclut par sa nécessité toute dénaturation 2772 et qu'elle relève
de la souveraine appréciation des juges du fond. En réalité, ce type d'affirmation manifeste, là encore,
la pudeur excessive dont font preuve les hauts magistrats en matière de contrôle des faits. L'étude des
arrêts de la Cour de cassation révèle en effet, que les cassations pour dénaturation ne concernent pas
que des hypothèses dans lesquelles était en cause un écrit clair. Ce qui compte, ce n'est pas que l'écrit
ait été clair, mais qu'il apparaisse clairement qu'on lui a fait dire autre chose que ce qu'il pouvait
raisonnablement signifier 2773. Il serait intolérable que la Cour de cassation laisse subsister un arrêt
dans lequel les juges du fond auraient profité de ce qu'un document n'était pas clair, pour lui faire dire
n'importe quoi et pour en proposer une interprétation aberrante. Le rôle de la Cour de cassation, en
présence d'un écrit susceptible de deux interprétations divergentes, ne consiste pas à l'interpréter,
mais il consiste au moins à s'opposer à une troisième interprétation qui serait contraire à l'évidence.
Il paraît difficile de ne pas reconnaître qu'en exerçant son contrôle de la dénaturation, la Cour de
cassation juge en fait : elle lit le document et en détermine elle-même le sens, s'il est clair 2774 ; et s'il
est ambigu, la Cour, pour prononcer la cassation, détermine au moins qu'il ne peut pas avoir le sens
que lui ont donné les juges du fond. Ce faisant, elle semble sortir de la mission que lui assignent les
textes qui l'ont instituée, et que répète l'article 604 du Code de procédure civile. Cependant, pour
apprécier la conformité du contrôle de la dénaturation avec la mission de la Cour de cassation, il ne
faut pas l'examiner de façon isolée, comme on peut le faire pour le contrôle de la bonne application
du droit. Le contrôle de l'application du droit constitue l'objet même du pourvoi en cassation, il est un
but en soi qu'il n'est pas nécessaire de justifier. À l'opposé, le contrôle de la dénaturation n'est qu'un
moyen qu'utilise la Cour de cassation pour mieux remplir par ailleurs sa mission ; il relève lui aussi
d'une inspiration disciplinaire, car il serait trop facile pour les juges du fond de se soustraire à tout
contrôle de droit de la Cour de cassation, s'il leur était possible de modifier à leur guise les
documents qui leur sont soumis 2775.

§ 3. LE CONTENU DE LA DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION

846 Les types de contenus possibles. – La dévolution incomplète de l'affaire qui caractérise
le pourvoi en cassation explique la spécificité des décisions de la Cour de cassation. Pour l'essentiel,
les arrêts rendus par la Cour sont de deux sortes : soit des arrêts de rejet (A), soit des arrêts de
cassation (B).
Plus précisément, les arrêts de rejet et les arrêts de cassation sont les deux sortes d'arrêts qui
mettent fin à l'instance de cassation. En cours d'instance, comme les autres juridictions, la Cour de
cassation peut être conduite à rendre des décisions provisoires. Les plus importantes 2776 sont
certainement les décisions de sursis à statuer qu'elle prononce en application de l'article 267 du
Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (Traité de Rome du 25 mars 1957), qui l'oblige à
surseoir 2777, pour renvoyer à la Cour de justice de l'Union européenne les questions d'interprétation
des actes pris par les institutions de l'Union.

A. LES ARRÊTS DE REJET

847 Le rejet après examen des motifs. – En rejetant le pourvoi, la Cour de cassation décide
de maintenir le dispositif de la décision attaquée. La Cour de cassation peut d'abord rejeter le
pourvoi après avoir examiné le mérite des moyens qu'il contient. Le plus souvent, le pourvoi est
rejeté parce que la Cour de cassation constate que les juges, dont la décision est attaquée, ont fait une
exacte application des règles de droit. Ils ont, en effet, appliqué correctement une norme qui était
effectivement applicable aux faits de la cause tels que les magistrats du fond les ont constatés. Les
termes par lesquels la Cour de cassation marque son approbation de la solution en droit retenue par
les juges du fond sont divers et d'un maniement parfois délicat pour qui n'est pas initié à son
vocabulaire. Des formules telles que « la cour d'appel a décidé à bon droit » ou « la cour d'appel en
a justement déduit », marquent une approbation expresse. En revanche, un doute existe sur le sens de
la formule « les juges du fond ont pu estimer ». Il est certain qu'elle indique, elle aussi, un contrôle
direct par la Cour de cassation et manifeste son approbation de la solution retenue 2778. Mais, pour
certains magistrats de la Cour de cassation, elle révélerait un « contrôle léger » qui laisserait une
certaine marge d'appréciation aux juges du fond 2779. L'expression « ont justifié (ou légalement
justifié) leur décision » aurait le même sens 2780. En réalité, il nous semble que la notion de « contrôle
léger » n'a guère de sens : la Cour de cassation contrôle ou ne contrôle pas une question et,
corrélativement, l'appréciation des juges du fond est soit contrôlée, soit souveraine. Mais on voit mal
comment il pourrait y avoir une situation intermédiaire entre ces deux hypothèses. Tout au plus peut-
on admettre que les deux dernières expressions envisagées seraient plus neutres, en ce sens qu'elles
n'insisteraient pas, contrairement aux premières, sur l'approbation de la solution par la Cour de
cassation.

848 Motifs surabondants, substitution et suppléance de motifs. – À l'intérieur de cette


première catégorie d'arrêts de rejet, une distinction doit être opérée. Il peut arriver que la Cour de
cassation approuve la solution des juges du fond sous réserve d'un motif critiquable, mais inutile. Le
motif est alors qualifié par la Cour de surabondant. L'arrêt de rejet énonce alors que tel autre motif
justifie légalement la décision, « abstraction faite du motif critiqué par le pourvoi, qui peut être tenu
pour surabondant ». C'est la dévolution en droit du litige qui explique que la Cour de cassation puisse
ainsi retrancher un motif erroné. Ce pouvoir lui est reconnu par l'article 620 du Code de procédure
civile.
L'article 620 du Code de procédure civile permet également à la haute Juridiction de procéder à
une substitution de motifs, lorsqu'elle n'approuve pas le raisonnement juridique des juges du fond,
tout en approuvant la solution retenue dans le dispositif de leur décision. La dévolution en droit
qu'entraîne le pourvoi lui permet, par cette substitution de motifs, de remplacer un motif de droit
erroné par un autre motif de droit. De même, par la suppléance de motifs, la Cour peut donner à une
décision la motivation juridique qui lui fait défaut et qui justifie la décision des juges du fond 2781.
Dès lors que la substitution ou la suppléance demeurent sur le plan du droit, les pouvoirs de la Cour
de cassation se déploient sans limite 2782. C'est ainsi que, si les circonstances s'y prêtent, la Cour de
cassation peut substituer une motivation tirée d'une règle de droit substantiel à une motivation
s'appuyant sur une règle de procédure 2783, ou encore procéder à une suppléance totale de motifs 2784.
Le pouvoir de substitution et de suppléance de la Cour de cassation n'est limité que par l'absence
de dévolution des faits du litige 2785. Il faut que la Cour trouve dans la décision attaquée les éléments
de fait dont elle a besoin pour fonder sa propre solution de droit. À défaut de les trouver, la Cour ne
peut que décider que, telle qu'elle est, la décision des juges du fond ne peut pas être maintenue. Une
fois encore, on constate que seuls les vices qui affectent la motivation de droit sont susceptibles
d'être réparés, mais non ceux qui affectent la motivation de fait. De même, les éléments de fait ne
pouvant être trouvés que dans la décision attaquée, aucune substitution ou suppléance ne saurait être
envisagée lorsque c'est l'instrumentum contenant la décision des juges du fond qui est affecté d'un
vice entraînant sa nullité : le support des faits se trouvant anéanti, aucun fait ne peut plus être tenu
pour établi et la cassation est inéluctable 2786 : rien ne peut sauver une décision qui n'est pas signée
conformément aux dispositions de l'article 456 du Code de procédure civile.

849 Le rejet sans examen des motifs. – La Cour de cassation peut aussi rejeter le pourvoi
sans en avoir examiné les mérites au fond. L'irrecevabilité peut affecter le pourvoi lui-même. Par
exemple, le pourvoi a été formé contre une décision qui n'était pas en dernier ressort. La voie de
recours n'était donc pas ouverte. Lorsqu'elle rend une telle décision, la Cour de cassation ne dit pas
qu'elle rejette le pourvoi, elle le déclare irrecevable. À vrai dire, peu importent les mots utilisés :
par définition 2787, l'irrecevabilité d'un recours n'est rien d'autre que son rejet pour une raison
particulière. Il faut également savoir que l'irrecevabilité peut ne pas affecter la voie de recours, mais
seulement le moyen de cassation invoqué par le demandeur à la cassation. Par exemple, le pourvoi
reproche à la cour d'appel, qui a statué sur le principal, de s'être livrée à une appréciation inexacte
des faits du litige. Le pourvoi est recevable, mais le moyen ne l'est pas 2788, puisque nous savons que
la Cour de cassation n'est pas, en principe, juge des questions de fait.
Le pourvoi est encore rejeté sans examen lorsque la Cour de cassation rend un arrêt de non-lieu à
statuer. Le rejet est motivé par un événement postérieur à la formation du pourvoi qui le prive d'objet.
Deux événements principaux entraînent cette sorte d'arrêt de rejet : d'une part, l'extinction du droit
substantiel en raison du décès de son titulaire 2789, d'autre part, l'annulation de la décision sous la
dépendance de laquelle se trouve la décision attaquée 2790.

850 Les effets de l'arrêt de rejet. – Les effets de l'arrêt de rejet n'appellent que quelques
indications. Le pourvoi en cassation n'ayant pas en principe d'effet suspensif, son exercice n'empêche
pas de mettre à exécution le jugement attaqué et son rejet ne fait que rendre irrévocable le jugement
rendu en dernier ressort. L'effet de l'arrêt de rejet se limite donc à lever l'incertitude qui pesait sur la
décision des juges du fond 2791. À supposer que, par prudence, la partie qui a gagné devant les juges
du fond n'ait pas fait exécuter leur jugement, c'est toujours ce jugement qu'elle doit faire exécuter et
non l'arrêt de rejet, qu'elle n'est même pas tenue de notifier 2792. Lorsque, par exception, le pourvoi en
cassation est doté d'un effet suspensif, l'exécution de la décision des juges du fond est alors
subordonnée au rejet du pourvoi et ne peut avoir lieu sans que l'arrêt de rejet ait été préalablement
notifié.
Enfin, l'article 621 du Code de procédure civile dispose que, « si le pourvoi en cassation est
rejeté, la partie qui l'a formé 2793 n'est plus recevable à en former un nouveau contre le même
jugement, hors le cas prévu à l'article 618 2794. Il en est de même lorsque la Cour de cassation
constate son dessaisissement 2795, déclare le pourvoi irrecevable ou prononce la déchéance ».
Cependant, pour la jurisprudence actuelle, il semble que le second pourvoi soit recevable s'il a été
formé avant que la Cour ait statué sur le premier 2796.

851 Une intangibilité limitée. – L'arrêt de rejet (comme d'ailleurs l'arrêt de cassation) est lui-
même en principe irrévocable. Il résulte expressément de l'article 622 du Code de procédure civile
qu'il ne peut pas faire l'objet d'une opposition. L'arrêt de rejet est également insusceptible de recours
en révision et de tierce opposition : il est pour ainsi dire de la nature d'une Cour de cassation que l'on
ne puisse pas attaquer ses décisions en soutenant qu'elle a mal jugé 2797. Plus largement, la Cour de
cassation a déjà déclaré à plusieurs reprises que ses arrêts n'étaient susceptibles d'aucune voie de
recours 2798. Cependant, par sa généralité, cette affirmation est un peu excessive, car l'intangibilité des
arrêts de la Cour de cassation n'est pas totale. D'abord, ils peuvent faire l'objet des demandes
prévues par les articles 461 à 464 du Code de procédure civile : il peut ainsi être demandé à la Cour
de corriger une erreur ou une omission purement matérielle 2799. Par ailleurs, la Cour de cassation
admet aujourd'hui qu'une partie sollicite un rabat d'arrêt lorsque cet arrêt repose sur une erreur
matérielle ou de pure procédure commise par la Cour elle-même ou par ses services 2800. C'est ainsi
qu'elle a rapporté un arrêt qui avait déclaré un plaideur déchu de son pourvoi au motif qu'il n'avait
pas déposé son mémoire ampliatif dans le délai légal, alors que le mémoire avait été réellement
déposé dans le délai, mais avait été mal classé par le greffe de la Cour 2801. Pareillement, a été
rabattu l'arrêt qui avait prononcé la cassation d'une décision de divorce alors que l'un des époux était
déjà décédé au moment du prononcé de cette cassation 2802. L'arrêt de la haute Juridiction n'avait, en
effet, plus lieu d'être, puisque le décès d'un époux intervenu avant que la décision prononçant le
divorce ne soit passée en force de chose jugée éteint l'action en divorce. La technique du rabat d'arrêt
a même été utilisée pour tirer les conséquences de ce qu'un renvoi préjudiciel à la Cour de Justice
des Communautés européennes (aujourd'hui CJUE) n'avait plus d'intérêt, celle-ci ayant rendu
plusieurs décisions dans lesquelles elle répondait à la question posée 2803.
Compte tenu du caractère quelque peu incertain des contours des notions d'erreur matérielle et
d'erreur de pure procédure, il est difficile de définir précisément le domaine exact du rabat d'arrêt et
l'on a pu relever que la Cour de cassation s'affranchissait parfois des limites qu'elle avait elle-même
posées 2804. En ce sens, on peut relever une utilisation peu orthodoxe de la technique du rabat d’arrêt,
à moins qu’il ne s’agisse d’un élargissement de son champ d’application, dans un cas où la haute
Juridiction a souhaité tardivement ne procéder à une évolution jurisprudentielle que pour l’avenir.
Concrètement, en 2012, la Cour a décidé que le délai d’un mois visé à l’article 978 du Code de
procédure civile ne s’appliquait pas lorsque le défendeur en cassation était le ministère public 2805.
Le demandeur n’ayant pas anticipé cette solution, la déchéance de son pourvoi a été constatée par la
Cour. Ultérieurement, craignant peut-être de s’attirer les foudres de la Cour européenne des droits de
l’homme, elle a rabattu sa décision au nom du droit à un procès équitable, afin de pouvoir examiner
le pourvoi en question 2806. Manifestement, aucune erreur matérielle ou de procédure n’avait été
commise par les hauts magistrats, ni par le greffe de la Cour. Ce n’est que pour écarter tardivement le
caractère rétroactif d’une solution jurisprudentielle qu’elle a procédé à ce rabat d’arrêt.
La demande en rabat d’arrêt est-elle en train de devenir une voie de rétractation générale contre
les décisions de la Cour de cassation, au-delà des seules hypothèses d’erreurs matérielles ou de pure
procédure ? Il est sans doute trop tôt pour l’affirmer, d’autant que l'utilisation de cette technique reste
encore aujourd'hui assez marginale 2807.

B. LES ARRÊTS DE CASSATION

852 Cassation avec ou sans renvoi. – La cassation d'un jugement rendu en premier ressort
signifie que la Cour de cassation ne peut pas maintenir son dispositif. À la différence de l'arrêt de
rejet qui ne fait que conforter le jugement rendu par les juges du fond, l'arrêt de cassation crée un
vide juridique qu'il faut combler, ce qui soulève une difficulté en raison de la dévolution incomplète
qu'opère le pourvoi en cassation. Le plus souvent, la Cour de cassation est obligée de renvoyer
l'affaire devant un autre juge : en termes de statistique, on peut certainement affirmer que le renvoi est
la suite ordinaire de la cassation 2808. En revanche, si on considère les règles régissant la cassation
sous un angle strictement logique, le renvoi après cassation ne possède plus aujourd'hui qu'une
vocation subsidiaire à s'appliquer. On veut dire par là qu'en l'état actuel des textes, la Cour de
cassation ne renvoie devant une autre juridiction que lorsqu'elle ne peut pas adopter l'autre solution
consistant à casser sans renvoi 2809.

853 La cassation sans renvoi. – La cassation sans renvoi est aujourd'hui 2810 régie par
l'article L. 411-3 du Code de l'organisation judiciaire, auquel renvoie l'article 627 du Code de
procédure civile. Aux termes de ce texte, « la Cour de cassation peut casser sans renvoi lorsque la
cassation n'implique pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond. Elle peut aussi, en cassant sans
renvoi, mettre fin au litige lorsque les faits, tels qu'ils ont été souverainement constatés et appréciés
par les juges du fond, lui permettent d'appliquer la règle de droit appropriée. En ces cas, elle se
prononce sur la charge des dépens afférents aux instances devant les juges du fond. L'arrêt emporte
exécution forcée (...) ».
L'article L. 411-3 du Code de l'organisation judiciaire prévoit d'abord que la Cour peut casser
sans renvoi chaque fois que la cassation ne laisse plus rien à juger. Le renvoi est alors totalement
inutile. Il en va ainsi lorsque le juge dont la décision est cassée n'aurait pas dû statuer, par exemple
parce que l'appel était irrecevable ou parce qu'un relevé de forclusion a été accordé à tort 2811. La
cassation est encore prononcée sans renvoi lorsque la Cour ne fait que retrancher du jugement attaqué
une disposition qui n'aurait pas dû s'y trouver, par exemple une disposition aggravant le sort de
l'appelant en l'absence d'appel incident 2812. Dans toutes ces hypothèses, c'est une règle de nature
procédurale qui commande la solution. Mais la Cour de cassation peut encore casser sans renvoi par
application des règles de droit substantiel, quand les juges du fond ont relevé tous les faits qui « lui
permettent d'appliquer la règle de droit appropriée ». La Cour peut ainsi ordonner le versement d'une
cotisation dont le montant n'est pas discuté, fixer le montant d'une somme due à une partie ou désigner
la juridiction qui connaîtra d'un litige impliquant un auxiliaire de justice, par application de
l'article 47 du Code de procédure civile 2813. Dans le développement consacré à la nature du pourvoi
en cassation, il a été fait mention d'un exemple de dispositif beaucoup plus complexe d'arrêt de
cassation auquel il suffit de renvoyer 2814. Cet exemple montre une fois encore que, dans les limites de
la dévolution opérée par le pourvoi, la Cour de cassation a tout pouvoir pour régler le litige qui
oppose les parties au procès 2815. Cela étant, il convient de relever qu'une cassation pour défaut de
motif ou insuffisance de motifs de fait ne doit pas pouvoir, en principe, s'effectuer sans renvoi car,
par hypothèse, le vice de motivation reproché aux juges du fond empêche la Cour de cassation de
déterminer si le dispositif de la décision censurée est en adéquation ou non avec les faits de l'espèce.
La haute Juridiction ne disposant pas de toutes les informations de fait qui lui permettraient
« d'appliquer la règle de droit appropriée », ne peut que renvoyer au fond pour qu'il soit, cette fois,
procédé correctement à une détermination des faits de la cause 2816.
Lorsqu'en cassant sans renvoi, la Cour de cassation met fin au litige, son arrêt présente tous les
traits d'une décision de juges du fond 2817. Pour lever les doutes qui pourraient subsister,
l'article L. 411-3 du Code de l'organisation judiciaire dispose que la cour statue sur la charge des
dépens et que son arrêt emporte exécution forcée. Cette dernière disposition est révélatrice de la
réalité : en définitive, c'est bien l'arrêt de la Cour de cassation qui sera exécuté, comme peut l'être un
arrêt d'appel.

854 La cassation avec renvoi. – Le plus souvent, la Cour de cassation ne trouve pas dans la
décision attaquée les éléments de fait nécessaires pour donner elle-même une solution définitive au
litige. Elle est alors obligée de renvoyer l'affaire devant une juridiction du fond, en principe devant
une autre juridiction de même nature que celle dont la décision a été cassée, éventuellement devant la
même juridiction autrement composée 2818. Il faut alors déterminer l'étendue de la matière litigieuse
dont sera saisi le juge de renvoi, ce qui revient à préciser l'étendue de la cassation intervenue. Cette
délimitation peut soulever d'importantes difficultés, dont la solution suppose que l'on combine
plusieurs règles entre elles. Le plus simple est sans doute d'indiquer dans un premier temps quelle est
l'étendue normale de la cassation (1) avant de voir comment elle peut se trouver élargie (2).
1. L'étendue normale de la cassation

855 Cassation totale ou partielle. – L'article 623 du Code de procédure civile énonce que la
cassation peut être totale ou partielle et qu'elle est partielle « lorsqu'elle n'atteint que certains chefs »
du jugement. Deviennent donc irrévocables les chefs qui échappent à la cassation, soit parce que le
pourvoi ne portait pas sur eux, soit parce que le pourvoi a été rejeté en ce qui les concerne. Par chef
du jugement, au sens de l'article 623, il faut entendre tout élément du dispositif qui fait jouer ou refuse
de faire jouer l'effet juridique d'une règle de droit au profit d'une partie 2819. En quelque sorte, le chef
du jugement est au juge ce que la prétention est à la partie. Sera donc partielle la cassation
intervenue, en raison d'une contradiction dans les calculs sur l'indemnité accordée pour réparer les
préjudices sujets au recours des caisses de sécurité sociale, dès lors que le chef de la décision
accordant une indemnité en réparation des préjudices de caractère personnel n’a pas été attaqué 2820.
Présentées ainsi, les choses peuvent paraître simples. En pratique, il n'est cependant pas toujours
aisé de déterminer la portée exacte des arrêts de cassation, car leur rédaction manque parfois de
clarté sur ce point. On ne peut donc qu'apprécier celles de ses décisions dans lesquelles la haute
Juridiction prend soin de préciser que la cassation est totale, en déclarant qu'elle annule un jugement
« en son entier » ou « en toutes ses dispositions », ou qu’elle est partielle en usant d’une formule telle
que « casse et annule, mais uniquement en ce (que le jugement) dit que... ». À l'inverse, on regrettera
l'ambiguïté de la formule par laquelle la Cour, prononçant une cassation, déclare « n'y avoir lieu de
statuer sur un moyen » ou sur une branche. En bon français, cette expression devrait vouloir dire que,
sur le chef attaqué par le moyen en question, la Cour refuse de se prononcer, donc de casser. Ce n'est
pourtant pas le sens que les hauts magistrats attribuent à cette formule 2821. Dans leur esprit, elle
signifie, tout au contraire, que « les dispositions critiquées par ce moyen (ou par cette branche) se
trouvent annulées par voie de conséquence de l'annulation prononcée par ailleurs » 2822. Il est sans
doute bon de le rappeler, afin d'éviter que les juges de renvoi ne méconnaissent l'étendue de leur
mission, ce qui aurait pour conséquences possibles un nouveau pourvoi et une nouvelle cassation.

856 Effets de la cassation d'un chef du jugement. – L'étendue normale de la cassation est
liée à la dévolution qu'opère le pourvoi. La partie qui se pourvoit en cassation soumet à la censure de
la Cour tous les chefs ou certains des chefs de la décision, sur lesquels elle a succombé. Pour obtenir
la cassation d'un chef du jugement, le demandeur à la cassation présente une ou plusieurs critiques
portant sur le raisonnement suivi par le juge du fond, c'est-à-dire sur l'application de la règle dont le
chef du jugement a fait jouer l'effet juridique : par exemple, le demandeur à la cassation soutient que
les faits ne correspondent pas à tel élément du présupposé de la règle de droit ou encore que le juge a
donné de l'effet juridique une interprétation inexacte. Le moyen soulevé est donc à la base de la
cassation, mais l'objet de la cassation, c'est bien le chef de la décision et c'est sur lui que l'éventuel
juge de renvoi devra statuer à nouveau. Devra-t-il alors reprendre l'examen de tous les moyens qu’on
lui présentera ou seulement de la règle, voire de la partie de règle, dont la mauvaise application aura
été constatée par la Cour de cassation ? C'est dans l'article 625 du Code de procédure civile que doit
être cherchée la réponse à cette question. Aux termes de ce texte, « sur les points qu'elle atteint, la
cassation replace les parties dans l'état où elles se trouvaient avant le jugement cassé ». La solution
est donc que, sur le chef qui a fait l'objet de la cassation, il ne reste rien de la décision attaquée, de
sorte que le juge de renvoi ne doit pas seulement reprendre l'examen du point qui a justifié la
cassation ; il doit reprendre l'examen complet de tout ce qui a conduit au chef de la décision qui a été
cassé, en fait et en droit. C'est ainsi que le juge de renvoi peut porter sur les faits une appréciation
différente de celle portée par le précédent juge du fond ou encore, à partir des faits appréciés ou non
de la même façon, tenir un raisonnement juridique différent pour fonder sa décision. Par exemple, il
peut décider que les circonstances d'un accident sont indéterminées et en tirer toutes les
conséquences quant à la solution du litige, alors que le précédent juge du fond avait estimé que
l'accident était partiellement dû à un comportement fautif de la victime ; et peu importe que la
cassation n'ait été fondée que sur la mauvaise application de la règle qui tirait les conséquences de la
faute commise 2823. En somme, la jurisprudence décide que le juge de renvoi doit examiner
l’ensemble des moyens (y compris les moyens nouveaux) que lui présente une partie à l’appui de la
prétention sur laquelle portait le chef de décision cassée 2824. À cet égard, le fait que la Cour de
cassation ait rejeté certains moyens de cassation n’interdit pas au juge de renvoi de retenir des
moyens qui seraient contraires à la position affichée par elle. Le rejet préalable de moyens de
cassation (relativement au chef de décision finalement censuré) « n’a pour objet que d’éclairer la
juridiction de renvoi sur la doctrine de la Cour de cassation 2825 ».

857 L'incidence des moyens de cassation. – Dans sa rédaction issue du décret nº 2014-1338
du 6 novembre 2014, l’article 624 du Code de procédure civile dispose que « la portée de la
cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce ». Dans sa rédaction antérieure,
cet article pouvait sembler contradictoire avec les explications qui précèdent. Il énonçait en effet que
« la censure (...) [était] limitée à la portée du moyen qui (...) [constituait] la base de la cassation ».
Comment attendre du juge de renvoi un examen de tous les moyens d’une partie, si la cassation était
limitée à la portée de celui qu’avait retenu la haute Juridiction ? N’était-ce pas remettre en cause la
chose irrévocablement jugée par le précédent juge du fond, qui n’avait pas été censurée par la Cour
de cassation ? En réalité, la contradiction n’était qu’apparente. L’article 624 ne posait qu’une règle
d’interprétation de l’arrêt de cassation qui avait vocation à s’appliquer lorsque celui-ci ne précisait
pas clairement l’étendue de la censure. Le juge de renvoi devait alors examiner le moyen de
cassation retenu pour déterminer le chef de décision atteint et identifier a contrario tous ceux sur
lesquels il ne pouvait pas revenir. Mais, une fois cette question réglée, il devait examiner tous les
moyens que lui présentaient les parties relativement au chef de décision cassé.
Si ce retour sur l’ancienne rédaction de l’article 624 s’impose, c’est parce qu’en dépit de la
réforme de 2014, cette règle d’interprétation a sans doute encore vocation à s’appliquer. En effet, il
arrivera forcément, comme par le passé, que le dispositif d’un arrêt de cassation manque de clarté
quant à sa portée. Il faudra bien, alors, déterminer l’étendue de la censure et c’est logiquement en
recherchant le moyen ayant fondé la cassation que l’on y parviendra. La rédaction actuelle de
l’article 624 est plus simple et moins déroutante que la précédente, mais elle n’empêchera pas qu’il
faille parfois interroger les moyens ayant conduit à la cassation.

2. L'élargissement de la cassation

858 L'incidence de la rédaction de l'arrêt de cassation. – L’actuel article 624 du Code de


procédure civile exige de la Cour de cassation qu’elle indique, dans le dispositif de son arrêt, la
portée de la cassation qu’elle prononce. Cependant, il arrive que la Cour aille trop loin et indique
casser une décision « en toutes ses dispositions », alors même qu'un seul de ses chefs a été attaqué
par l'auteur du pourvoi. Faut-il alors considérer que le juge de renvoi n'a pas à se prononcer sur ce
qui n'avait pas été attaqué devant la haute Juridiction ? Ou faut-il, au contraire, faire prévaloir la
volonté déclarée de la haute Juridiction et reconnaître ainsi au juge de renvoi le pouvoir et le devoir
de connaître de l'entier litige ? La première solution nous paraît la seule admissible car, soit les mots
de la Cour ont dépassé sa pensée lorsqu'elle a déclaré casser la décision en toutes ses dispositions,
soit elle a excédé ses pouvoirs en allant au-delà de ce que prévoient les textes. Toutefois, la position
actuelle de la Cour de cassation est en faveur de la seconde solution : si la censure d'une décision est
prononcée « dans toutes ses dispositions », la juridiction de renvoi est investie « de la connaissance
de l'entier litige dans tous ses éléments de fait et de droit » 2826. En somme, peu importe que sur
certains points la décision attaquée n'ait pas été critiquée par l'auteur du pourvoi ; la Cour s'autorise à
remettre en cause la chose jugée sans que personne ne le lui ait demandé ! On peut se réjouir de la
simplicité de cette jurisprudence, mais on ne peut s'empêcher de penser qu'elle illustre la regrettable
propension qu'a actuellement la Cour de cassation à faire prévaloir sa volonté sur celle du législateur
ou du pouvoir réglementaire. De plus, elle introduit une dangereuse insécurité juridique pour le
plaideur qui limite délibérément son pourvoi et qui, malgré cela, risque de voir remis en cause ce
qu'il souhaitait voir conserver de la décision attaquée. Il aura tout de même la possibilité de faire
corriger ce qui n’est qu’un ultra petita, en demandant à la haute Juridiction de prononcer le rabat de
son arrêt 2827.

859 L'annulation d'autres chefs de décision par voie de conséquence. – L'étendue normale
de la cassation peut se trouver élargie par l'imbrication entre elles des diverses dispositions de la
décision attaquée. L'imbrication peut se réaliser de deux façons distinctes. En premier lieu, la
cassation atteint les autres chefs de la décision attaquée qui se trouvent sous la dépendance du chef
annulé. Alors que l'annulation d'une décision quant à l'obligation de l'assureur de garantir l'assuré
laisse subsister le chef du jugement qui reconnaît le droit de la victime d'obtenir une certaine somme
de l'assuré, l'annulation du chef reconnaissant à la victime le droit d'obtenir une certaine somme de
l'assuré entraîne nécessairement l'annulation du chef condamnant l'assureur à garantir l'assuré. De
même, si l'arrêt est cassé sur la recevabilité de l'appel, il ne subsiste rien de sa décision sur le fond.
De façon générale, la cassation s'étend à tous les chefs de la décision qui consacrent l'effet juridique
de règles dont le présupposé repose totalement ou partiellement sur la partie de la décision qui a été
cassée 2828.
En second lieu, l'étendue de la cassation ne saurait méconnaître les exigences de l'indivisibilité.
Entre les parties à l'instance, la cassation s'étend aux autres chefs de l'arrêt qui sont indivisibles de
celui qui est cassé 2829. L'élargissement peut encore se manifester quant aux personnes touchées par
l'arrêt de cassation. Reprenant la solution énoncée par l'article 553 du Code de procédure civile pour
l'appel, l'article 615 du même code dispose en effet qu'« en cas d'indivisibilité à l'égard de plusieurs
parties le pourvoi de l'une produit effet à l'égard des autres même si celles-ci ne sont pas jointes à
l'instance de cassation 2830 ». Cependant, à la différence de ce qui a lieu pour l'appel, où l'extension
ne joue que pour l'indivisibilité proprement dite, la Cour de cassation applique la même règle au cas
où plusieurs parties n'ont été condamnées que solidairement 2831 ou même in solidum 2832.

860 L'annulation d'une autre décision par voie de conséquence et la perte de fondement
juridique. – L'élargissement des effets de la cassation n'est pas limité à la décision dont un des chefs
a été cassé. L'article 625, alinéa 2, du Code de procédure civile dispose en effet que la cassation
« entraîne, sans qu'il y ait lieu à une nouvelle décision, l'annulation par voie de conséquence de toute
décision qui est la suite, l'application ou l'exécution du jugement cassé ou qui s'y rattache par un lien
de dépendance nécessaire ». Ce texte applique, dans une hypothèse différente, les mêmes règles que
celles qui viennent d'être énoncées : si la cassation d'un arrêt sur le chef tranchant le principe de la
responsabilité s'étend au chef qui détermine le montant de la réparation, ou le point de départ des
intérêts, la même solution doit être logiquement retenue, alors même que les chefs de décision
figurent dans deux jugements différents, au sens formel du terme. La circonstance que le juge ait statué
dans des décisions distinctes ou que les prétentions liées entre elles aient été soumises distinctement
au juge ne doit pas modifier les effets de la cassation. La cassation s'étend donc à tous les chefs
d'autres décisions, qui consacrent l'effet juridique de règles dont le présupposé repose totalement ou
partiellement sur la partie de la décision qui a été cassée 2833. Le lien de dépendance peut tenir au
fond du droit ; éventuellement, il peut tenir à la procédure 2834. Dans tous les cas, l'annulation de la
seconde décision est automatique. Elle ne suppose donc pas que l'une des parties forme un pourvoi en
cassation 2835. Et quand un pourvoi est néanmoins formé, la Cour de cassation décide généralement
qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce pourvoi 2836. En effet, il n'y a pas lieu d'annuler ce qui n'existe
déjà plus.
Quoi qu'il en soit, on peut dire de ce mécanisme de l'annulation par voie de conséquence qu'il
n'est qu'une illustration d'un mécanisme plus général de disparition d'un jugement ou d'un arrêt par
perte de fondement juridique 2837. Cette perte de fondement juridique est différente de celle qui est
liée à la rétroactivité d'une norme nouvelle 2838, dans la mesure où les effets de cette dernière ne sont
pas automatiques et supposent qu'une voie de recours ait été formée. Mais l'une et l'autre se rattachent
à une même théorie d'ensemble 2839. D'ailleurs, contrairement à ce que l'on croit parfois, la perte de
fondement juridique n'est pas seulement une ouverture à cassation. La jurisprudence, en l'absence de
texte spécifique le prévoyant, admet que l'infirmation ou la rétractation d'un jugement emporte
disparition de plein droit, c'est-à-dire automatiquement, des jugements et actes d'exécution qui
reposent sur le jugement désormais infirmé ou rétracté 2840. On ne parle plus « d'annulation » par voie
de conséquence, mais, de manière sûrement plus exacte, de caducité rétroactive. Cependant, le
mécanisme est fondamentalement le même. De manière beaucoup plus contestable, la Cour de
cassation a même jugé que l'annulation d'une marque pouvait entraîner de plein droit, par perte de
fondement juridique, l'anéantissement d'une décision interdisant sous astreinte à une société de
contrefaire cette marque et l'anéantissement de la décision liquidant cette astreinte 2841. Les effets de
ce type de perte de fondement juridique ont cependant été limités dans le temps, par un important
arrêt d'Assemblée plénière rendu en 2012, en ce sens que l'on ne pourrait revenir sur l'exécution
antérieure de la décision de justice 2842.

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CHAPITRE II
LA PROCÉDURE DU POURVOI EN CASSATION

861 Une procédure originale. – La procédure du pourvoi en cassation, régie par les
articles 973 à 1037 du Code de procédure civile, présente une originalité marquée par rapport à
celles qui sont suivies au premier et au second degrés. La raison essentielle en est la dévolution
limitée qu'opère le pourvoi en cassation : plus encore que les autres voies de recours, il s'ordonne
autour de la décision attaquée. Son objet permet de simplifier le déroulement de l'instance, ne serait-
ce qu'en éliminant tous les éléments de procédure liés à l'allégation de faits nouveaux et, a fortiori, à
la présentation de demandes nouvelles. L'instance de cassation perd en envergure par rapport aux
instances devant les juges du fond : dans la grande majorité des cas, elle se limite pour les parties au
dépôt d'un mémoire ampliatif ou en défense, qui ne porte que sur un point déterminé de la décision
attaquée. En contrepartie, l'instance en cassation exige une très grande qualité juridique : la
discussion qu'elle instaure devant la plus haute juridiction française est presque toujours purement
juridique 2843. Elle est aussi la dernière chance du plaideur : le rejet du pourvoi ne peut plus être
rattrapé par la suite, il met irrévocablement fin au procès. C'est ce qui explique l'importance de
l'écrit, qui seul permet une précision suffisante. L'écrit joue un rôle prépondérant tant dans la
présentation du pourvoi (section I) que dans son jugement (section II).

SECTION I
LA PRÉSENTATION DU POURVOI

862 Procédure avec ou sans représentation obligatoire. – La lecture des textes qui régissent
la présentation du pourvoi fait apparaître une distinction, comparable à celle déjà rencontrée devant
la cour d'appel, entre la procédure avec représentation obligatoire (§ 1), régie par les articles 974
à 982 du Code de procédure civile et celle sans représentation obligatoire (§ 2), régie par les
articles 983 à 995. Comme son nom l'indique suffisamment, la procédure avec représentation
obligatoire se caractérise par l'obligation qu'ont en principe les parties de se faire représenter en
justice par un praticien professionnel, l'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, appelé
aussi l'avocat aux conseils 2844.
L'expression même de procédure avec représentation obligatoire peut susciter une ambiguïté.
Cette appellation ne signifie pas seulement que les parties doivent être représentées par un avocat aux
conseils, elle désigne une procédure globale applicable à l'instance de cassation, la représentation
par un avocat aux conseils n'étant que l'un de ses éléments parmi d'autres. La procédure comporte
d'autres règles qui lui sont spécifiques, se rapportant par exemple à la formation du pourvoi ou au
dépôt des mémoires. Certains textes dispensent du ministère d'avocat aux conseils les personnes
habilitées à représenter l'État, comme le ministre chargé de la sécurité sociale (ou son représentant),
dans les litiges auxquels donne lieu l'application des législations de sécurité sociale 2845. Ces textes
ne posent qu'une dispense personnelle, ils n'énoncent pas un critère d'application de l'une ou l'autre
procédure. Par exemple, en matière de sécurité sociale, c'est la procédure avec représentation
obligatoire qui s'applique 2846, même si le ministre chargé de la sécurité sociale n'est pas lui-même
représenté par un avocat aux conseils 2847.
Quelques précisions doivent encore être apportées. D'abord, comme en appel, la procédure avec
représentation constitue la voie procédurale normale : reprenant la même solution que l'article 899,
l'article 973 du Code de procédure civile dispose que « les parties sont tenues, sauf disposition
contraire, de constituer un avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation ». On peut même noter
que les exceptions au principe sont encore moins nombreuses devant la Cour de cassation que devant
la cour d'appel et qu'elles se sont encore raréfiées sous l'effet du décret n 2004-836 du 20 août 2004.
o

Désormais, même les pourvois formés en matière de droit du travail 2848, d'assistance éducative et
d'autorité parentale 2849, d'expropriation 2850 ou de surendettement 2851 relèvent de la procédure avec
représentation. La place laissée aux procédures sans représentation obligatoire se réduit donc
désormais à quelques cas extrêmement pointus, c'est-à-dire à presque rien. On peut citer, à titre
d'exemple, le pourvoi formé contre la décision du premier président d'une cour d'appel refusant
d'autoriser la prise à partie d'un magistrat élu 2852. On citera encore les pourvois en matière
électorale 2853, encore que ceux-ci répondent à des règles particulières qui ne sont pas exactement
celles des articles 983 à 995 du Code de procédure civile 2854.
Enfin, on remarquera que devant la Cour de cassation, si l'avocat aux conseils a compétence à la
fois pour représenter et assister son client, on constate qu'en pratique, dans la majorité des affaires, il
ne plaide pas et se borne à déposer un mémoire.

§ 1. LA PROCÉDURE AVEC REPRÉSENTATION OBLIGATOIRE

863 Division. – Pour ce qui est des parties, on peut diviser la procédure avec représentation
obligatoire en deux phases : l'introduction de l'instance (A), puis l'instruction du pourvoi (B).

A. L'INTRODUCTION DE L'INSTANCE

864 Suppression de l’obligation de signifier la décision attaquée. – En 1999, a été instaurée,


à l'article 611-1 du Code de procédure civile, une règle en vertu de laquelle le pourvoi était
irrecevable si la décision attaquée n'avait pas été préalablement signifiée, sous réserve des cas dans
lesquels la notification aux parties incombait au greffe de la juridiction qui l'avait rendue. Sous
couvert de permettre à la Cour de cassation de s'assurer de la recevabilité du pourvoi 2855, il nous
semble que le but de ce texte était, en réalité, de dissuader les plaideurs de former un pourvoi en
cassation, en les obligeant à engager les frais d'une signification pour le cas où ils auraient envisagé
d'emprunter cette voie de recours, sans que leur adversaire leur ait déjà signifié le jugement ou
l'arrêt. Il s'agissait d'un bel exemple de mesure réglementaire d'inspiration comptable destinée à
désencombrer le greffe de la Cour de cassation sans grever les fonds publics. L'utilité et l'opportunité
de cette mesure ayant été contestées par la doctrine 2856 comme par les praticiens, le législateur a
modifié l'article 611-1, en 2008. Il a fini par l’abroger à l’article 7 du décret nº 2014-1338 du
6 novembre 2014. Voici une bonne chose de faite !

865 Délais pour agir. – Pour qu'un plaideur forme un pourvoi en cassation, il n'est plus
nécessaire que la décision attaquée ait été préalablement notifiée par une partie à l'autre. Mais, bien
souvent, c'est après avoir reçu notification de la décision qui lui est défavorable, qu'un plaideur
décide de former un pourvoi. Dans ce cas, il résulte des articles 528 et 612 du Code de procédure
civile que le pourvoi en cassation doit être formé dans un délai de deux mois à compter de cette
notification 2857. Par exception, cependant, lorsqu'un jugement est une décision par défaut, au sens
étroit que lui donne le Code 2858, la partie défaillante ne peut se pourvoir en cassation qu'à compter du
moment où le délai pour faire opposition est lui-même arrivé à expiration 2859.
Par ailleurs, à la différence de ce qui existe en appel 2860, le défendeur au pourvoi n'est pas
recevable à former un pourvoi principal indépendant. L'article 621, alinéa 3, du Code de procédure
civile dispose que, s'il entend à son tour attaquer le jugement, il doit former un pourvoi incident dans
un délai de deux mois à compter de la notification du mémoire du demandeur 2861.

866 La déclaration au greffe de la Cour de cassation. – L'acte introductif de l'instance


consiste en une déclaration au greffe de la Cour de cassation faite par l'avocat aux conseils de la
partie 2862. L'article 975 du Code de procédure civile énonce qu'elle doit contenir les nom, prénoms et
domicile du demandeur et du défendeur personnes physiques ou leurs forme, dénomination et siège
social, si ce sont des personnes morales. Pour les autorités administratives ou judiciaires, il s’agit de
l'indication de leur dénomination et du lieu où elles sont établies. La déclaration doit également
contenir la constitution de l'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation du demandeur,
l'indication de la décision attaquée et, le cas échéant, les chefs de la décision auxquels le pourvoi
serait limité 2863. Le non-respect de ces exigences peut entraîner la nullité de la déclaration 2864. La
déclaration est signée par l'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Depuis 2009, la
déclaration est faite, en principe, par voie électronique. Elle est alors revêtue de la signature
électronique de l'avocat aux conseils.
La déclaration est remise au greffe en autant d'exemplaires qu'il y a de défendeurs, plus deux 2865.
Évidemment, la communication électronique qui est désormais généralisée 2866 dispense les praticiens
de cette obligation : ils transmettent la déclaration au greffe en un seul exemplaire et c'est le greffe
qui éditera les exemplaires dont il a besoin. Le secrétaire-greffier adresse à chacun des défendeurs,
par lettre simple, un exemplaire de la déclaration, en lui indiquant que, s'il entend défendre au
pourvoi, il doit constituer un avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Si l'exemplaire de la
déclaration lui est renvoyé par l'administration des postes, le secrétaire-greffier en avise l'avocat aux
conseils du demandeur, qui devra procéder par voie de signification 2867.

B. L'INSTRUCTION DU POURVOI PAR LES PARTIES

867 Mémoires. – L'instruction du pourvoi par les parties est faite au moyen d'écrits qui portent
le nom de mémoires et non de conclusions. Leur rédaction fait l'objet de règles très précises. Pour
plus de clarté, on examinera successivement les mémoires qui se rapportent au pourvoi principal (1)
et ceux qui se rapportent au pourvoi incident (2).

1. Les mémoires sur le pourvoi principal


868 Contenu du mémoire ampliatif. – De même que la déclaration d'appel, la déclaration de
pourvoi ne contient aucune indication sur les moyens qu'entend soumettre aux juges le demandeur à la
cassation 2868. C'est dans le mémoire rédigé au nom du demandeur (traditionnellement appelé
mémoire ampliatif) que se trouve défini le contenu du pourvoi. L'article 978 du Code de procédure
civile dispose que le mémoire contient les moyens de droit invoqués contre la décision attaquée. Ce
texte ajoute qu'« à peine d'être déclaré d'office irrecevable un moyen ou un élément de moyen ne doit
mettre en œuvre qu'un seul cas d'ouverture. Chaque moyen ou chaque élément de moyen doit préciser,
sous la même sanction : le cas d'ouverture invoqué ; la partie critiquée de la décision ; ce en quoi
celle-ci encourt le reproche allégué ». La première préoccupation du législateur a été que le ou les
moyens soient à la fois clairs et précis. Pour cela, il faut que le demandeur dise, en les distinguant les
uns des autres, quels sont les chefs du jugement contre lesquels est exercé le pourvoi. Pour chaque
chef attaqué, le demandeur doit de nouveau indiquer, en les distinguant, les reproches qui peuvent
concrètement lui être adressés. Le plaideur est ainsi conduit à rédiger un moyen de cassation par chef
de décision qu'il attaque et à décomposer ce moyen en autant de branches que de reproches adressés
au chef attaqué 2869.
L'obligation pesant sur le demandeur d'indiquer le cas d'ouverture à cassation qu'il invoque
soulève une difficulté tenant à ce que le Code de procédure civile n'en contient pas la liste. Cette liste
figurait dans le premier projet, mais les rédacteurs du Code de procédure civile y ont renoncé. Il faut
reconnaître qu'en pratique, cette règle est appliquée de façon très souple par les avocats aux conseils
et par la Cour de cassation : on invoque le manque de base légale ou le défaut de réponse à
conclusions (ou l'un et l'autre) chaque fois que l'on ne peut pas invoquer une violation pure et simple
de la loi ou un autre cas précis d'ouverture à cassation, comme la dénaturation d'un acte 2870.

869 Dépôt du mémoire ampliatif. – L'article 978 du Code de procédure civile pose en
principe que le mémoire ampliatif doit être remis au greffe de la Cour de cassation, à peine de
déchéance constatée par ordonnance du premier président ou de son délégué. Bien sûr, il peut aussi et
c'est désormais presque toujours le cas, être adressé au greffe par voie électronique 2871. En pratique,
l'avocat scanne son mémoire et ses annexes et il les transmet au greffe, par intranet, en fichiers
PDF. Le mémoire ampliatif doit aussi être notifié aux avocats des autres parties dans un délai de
quatre mois à compter du pourvoi, là aussi à peine de déchéance de celui-ci. Lorsque le défendeur n'a
pas constitué avocat, le mémoire lui est signifié, sous la même sanction, dans le mois suivant
l'expiration du délai de quatre mois, à moins qu'entre-temps, le défendeur constitue avocat, auquel
cas il est procédé par voie de notification à son avocat 2872. Ce délai supplémentaire d’un mois ne
vaut que si le défendeur est tenu de constituer avocat aux conseils. Inversement, le délai reste de
quatre mois, si le défendeur est dispensé de se faire représenter, ce qui est le cas, par exemple, du
ministère public partie principale 2873. Le délai de quatre mois peut être abrégé ou allongé : d'un côté,
aux termes de l'article 1009 du Code de procédure civile, « le premier président ou son délégué, à la
demande d'une des parties ou d'office, peut réduire les délais prévus pour le dépôt des mémoires et
des pièces » ; d'un autre côté, il résulte de l'article 1023 que le délai pour déposer et notifier le
mémoire ampliatif et les pièces se trouve allongé d'un mois si le demandeur demeure dans un
département d'outre-mer ou dans une collectivité d'outre-mer 2874 et de deux mois s'il demeure à
l'étranger 2875.
Au mémoire ampliatif sont joints divers documents. D'abord, l'article 979 du Code de procédure
civile dispose que le demandeur à la cassation doit déposer 2876 au greffe, dans le délai du dépôt du
mémoire, « une copie de la décision attaquée » et « une copie de la décision confirmée ou infirmée
par la décision attaquée ». Aux termes de l'article 979-1, « le demandeur doit également joindre les
pièces invoquées à l'appui du pourvoi » 2877. Leur importance varie selon le contenu du pourvoi.
Lorsque le demandeur soumet à la Cour de cassation un problème de pur droit substantiel qui a été
clairement relaté dans l'arrêt attaqué, aucune pièce n'est indispensable. En revanche, lorsque le
demandeur lui soumet une question qui suppose l'examen d'un élément du dossier, il doit le produire.
Ainsi en va-t-il quand le pourvoi est fondé sur la dénaturation d'un document 2878. L'article 979-1 du
Code de procédure civile impose enfin au demandeur en cassation de produire « une copie des
dernières conclusions que les parties au pourvoi ont déposées devant la juridiction dont émane la
décision attaquée ». Ceci permettra à la Cour de mieux apprécier les termes du litige ayant opposé
les parties devant les juges du fond et, notamment, d'identifier un éventuel défaut de réponse à
conclusions 2879.
Tant que le délai de quatre mois n'est pas arrivé à expiration, le demandeur peut déposer un ou
plusieurs autres mémoires ampliatifs, dans lesquels il soumet à la Cour de cassation de nouveaux
moyens de cassation. En revanche, une fois le délai expiré, le demandeur ne peut plus soulever de
nouveaux moyens 2880 ; il ne peut plus produire que des observations complémentaires, au soutien des
moyens qu'il a présentés dans le délai 2881.

870 Le mémoire en défense. – Le mémoire en défense n'est pas soumis au même formalisme
que le mémoire ampliatif. L'article 978 du Code de procédure civile lui est inapplicable. Le plus
souvent, il est rédigé librement, sans comporter de moyen de défense qui serait le pendant du moyen
de cassation. Il faut seulement qu'il soit signé par l'avocat du défendeur. Aux termes de l'article 982
du Code de procédure civile, l'avocat du défendeur dispose d'un délai de deux mois, à compter de la
signification du mémoire du demandeur, pour le remettre (ou le transmettre électroniquement) au
greffe de la Cour de cassation et le notifier à l'avocat du demandeur dans la forme des notifications
entre avocats, sous réserve d'un allongement en raison des distances ou d'une réduction par le
premier président ou son délégué 2882. Le délai pour déposer et notifier le mémoire est de nouveau
sanctionné par l'irrecevabilité du mémoire. Mais, d'un point de vue pratique, l'irrecevabilité du
mémoire en défense n'entraîne le plus souvent aucune conséquence. Chaque fois qu'il ne fait que
discuter les moyens du demandeur au pourvoi, les arguments qu'il contient peuvent être soulevés
d'office par la Cour de cassation et, même irrecevable, le mémoire suffit à les lui suggérer.
L'irrecevabilité du mémoire n'exerce d'influence sur le sort du pourvoi que quand le défendeur
oppose à son adversaire une défense au soutien de laquelle il doit produire des pièces, ou encore une
fin de non-recevoir que la Cour ne peut pas soulever d'office, ce qui est assez rare 2883.

2. Les mémoires sur les pourvois incidents

871 Régime. – Aux termes de l'article 1010 du Code de procédure civile, les pourvois
incidents doivent être formés sous forme de mémoires, dont le contenu est soumis aux mêmes
dispositions que celui qui contient le pourvoi principal : le demandeur au pourvoi incident doit ainsi
formuler un ou plusieurs moyens de cassation selon les règles énoncées par l'article 978. Il dispose
d'un délai de deux mois 2884, à compter de la signification du mémoire du demandeur principal, pour
déposer (ou transmettre électroniquement) son mémoire au greffe de la Cour de cassation et le
notifier aux avocats des autres parties au pourvoi incident dans la forme des notifications entre
avocats, sous réserve d'un allongement en raison des distances ou d'une réduction par le premier
président 2885. Le délai étant le même que celui applicable au mémoire en défense, le plus souvent,
c'est le même mémoire qui contient à la fois la défense au pourvoi principal et le pourvoi
incident 2886. Dans le cas où le pourvoi incident (en particulier le pourvoi provoqué) est formé contre
une partie qui n'a pas constitué avocat, le mémoire doit lui être signifié au plus tard dans le mois qui
suit l'expiration du délai de deux mois pour déposer le mémoire, à moins qu'entre-temps, le défendeur
constitue avocat, auquel cas il est procédé par voie de notification à son avocat.
À la suite de la notification du mémoire contenant le pourvoi incident, le ou les défendeurs à ce
pourvoi disposent d'un délai d'un mois pour déposer un mémoire en défense au greffe et pour le
notifier au demandeur incident 2887.

§ 2. LA PROCÉDURE SANS REPRÉSENTATION OBLIGATOIRE

872 Division. – Comme cela a déjà été fait pour la procédure avec représentation obligatoire,
on peut diviser la procédure sans représentation obligatoire en deux phases : d'abord l'introduction
de l'instance (A), puis l'instruction du pourvoi (B).

A. L'INTRODUCTION DE L'INSTANCE

873 Délais pour agir. – On retrouve, dans les procédures sans représentation obligatoire, un
certain nombre de dispositions abordées lors de l'étude de la procédure avec représentation
obligatoire 2888. Notamment, les articles 612 et 613 du Code de procédure civile concernent le
pourvoi en cassation en général. On rappellera donc simplement que le délai pour former le pourvoi
est, sauf disposition contraire, de deux mois à compter de la notification du jugement ; de plus, à
l'égard des décisions par défaut, le pourvoi ne peut être formé par la partie défaillante qu'à compter
du jour où son opposition n'est plus recevable.

874 La déclaration du pourvoi et ses suites. – Aux termes de l'article 984 du Code de
procédure civile, en sa rédaction issue du décret n 99-131 du 26 février 1999, « le pourvoi en
o

cassation est formé par déclaration écrite que la partie ou tout mandataire muni d'un pouvoir spécial
remet ou adresse par lettre recommandée avec demande d'avis de réception au greffe de la Cour de
cassation ». Deux particularités sont à noter : la déclaration est faite auprès du greffe de la Cour de
cassation, et non plus au greffe de la juridiction qui a statué comme c'était le cas avant l'entrée en
vigueur du décret du 26 février 1999. En second lieu, la déclaration peut être effectuée par tout
mandataire et non pas seulement par un avocat aux conseils. La Cour de cassation examine
attentivement la condition tenant à l'existence d'un pouvoir spécial lorsque la déclaration émane d'un
mandataire du plaideur et rejette de façon systématique les pourvois qui ont été irrégulièrement
formés. Ainsi, l'article 984 du Code de procédure civile ne posant aucune dispense particulière au
profit des avocats, ni avant, ni depuis la réforme de 1999, la Cour exige d'eux qu'ils justifient d'un
pouvoir spécial 2889. De même, lorsque des mandats successifs ont été donnés, le plaideur doit
justifier d'une chaîne continue de mandats spéciaux depuis l'organe investi du pouvoir de
représentation de la personne morale jusqu'à celui qui a effectué la déclaration 2890. Enfin, si la
déclaration émane d'un mandataire qui n'est pas avocat aux conseils, il ne pourra pas utiliser la voie
électronique 2891 pour l'adresser au greffe, car celle-ci n'est ouverte qu'aux avocats à la Cour de
cassation 2892.
L'article 985 du Code de procédure civile dispose que la déclaration doit contenir les nom,
prénoms et domicile du demandeur et du défendeur personnes physiques ou leurs dénomination
et siège social, si ce sont des personnes morales. Pour les autorités administratives ou judiciaires, il
s’agit de l'indication de leur dénomination et du lieu où elles sont établies. Le demandeur personne
morale devra aussi indiquer sa forme sociale. La déclaration de pourvoi, qui est signée, désigne
également la décision attaquée 2893. Le plus souvent, comme dans la procédure avec représentation
obligatoire, la déclaration elle-même ne contient aucune critique contre la décision attaquée ; les
critiques seront énoncées dans un mémoire ultérieur. Cependant l'article 989 du même code prévoit la
possibilité qu'elle contienne un énoncé, « même sommaire », des moyens du demandeur, ce qui
dispense alors le demandeur de produire le mémoire ultérieur 2894.
Le greffier de la Cour de cassation enregistre le pourvoi, en mentionnant la date à laquelle il est
formé. Il délivre un récépissé de la déclaration au demandeur ou le lui adresse par lettre
recommandée avec demande d'avis de réception 2895. Il adresse au défendeur une copie de la
déclaration par lettre recommandée avec demande d'avis de réception 2896. Puis, il demande
simultanément communication du dossier au greffe de la juridiction qui a rendu la décision
attaquée 2897, lequel devra lui transmettre le dossier sans délai et accompagné d'une copie de la
décision attaquée et de ses actes de notification, ainsi que d'une copie de la décision de première
instance. De plus, il convient de transmettre au greffe de la Cour de cassation les conclusions de
première instance et d'appel, s'il en a été pris 2898.

875 La possibilité limitée de recourir aux règles de la procédure avec représentation


obligatoire. – Même lorsque le litige relève de la procédure sans représentation obligatoire,
l'article 995 du Code de procédure civile dispose que le pourvoi peut être formé au moyen d'une
déclaration effectuée au greffe de la Cour de cassation par un avocat aux conseils, selon les règles de
la procédure avec représentation obligatoire. Outre qu'elle permet d'éviter l'irrecevabilité du pourvoi
en cas d'hésitation sur la procédure applicable, cette disposition supprime les difficultés liées à
l'exigence d'un pouvoir spécial : en effet, les avocats aux conseils en sont dispensés 2899. De plus, elle
ouvre la possibilité de procéder à la déclaration par la voie électronique 2900. Cependant la portée de
ce texte est limitée à la formation du pourvoi : la déclaration effectuée par un avocat aux conseils
n'entraîne pas l'application des autres règles de la procédure avec représentation obligatoire, en
particulier pour ce qui est du délai imparti au demandeur au pourvoi pour déposer et notifier le
mémoire contenant ses moyens de cassation 2901.

B. L'INSTRUCTION DU POURVOI PAR LES PARTIES

876 Le mémoire du demandeur en cassation. – Aux termes de l'article 989 du Code de


procédure civile, « lorsque la déclaration du pourvoi ne contient pas l'énoncé, même sommaire, des
moyens de cassation (...), le demandeur doit (...) faire parvenir au greffe de la Cour de cassation (...)
un mémoire contenant cet énoncé, et, le cas échéant, les pièces invoquées à l'appui du pourvoi ». À la
différence de ce qui a lieu dans la procédure avec représentation obligatoire, ce mémoire n'est pas
soumis aux exigences formelles de l'article 978 2902. La raison en est qu'il peut être établi par la partie
elle-même ou par le mandataire 2903 qui a formé le pourvoi, lesquels ne sont pas forcément des
juristes rompus aux techniques de rédaction d'un mémoire en cassation. L'article 994 du Code de
procédure civile précise qu'en plus de l'original, il est produit par le demandeur autant de copies de
son mémoire qu'il y a de défendeurs. Elles sont certifiées conformes par le signataire du mémoire. Le
délai pour déposer le mémoire est de trois mois à compter de la remise du récépissé de la
déclaration de pourvoi au demandeur ou de sa réception par ce dernier. Le cas échéant, le délai est
augmenté en raison des distances ou réduit par le premier président 2904. Son respect est sanctionné
par la déchéance du pourvoi constatée par ordonnance du premier président de la Cour de cassation
ou de son délégué 2905.
Le mémoire du demandeur est notifié au défendeur par le greffier de la Cour de cassation par
lettre recommandée avec demande d'avis de réception 2906. Par exception, lorsque le défendeur a
constitué avocat aux conseils, la notification du mémoire est faite à cet avocat 2907.

877 Le mémoire du défendeur en cassation. – L'article 991 du Code de procédure civile


énonce que le défendeur au pourvoi dispose d'un délai de deux mois, à compter de la notification du
mémoire du demandeur 2908, pour remettre ou pour adresser par lettre recommandée un mémoire en
réponse au greffe de la Cour de cassation 2909. Le cas échéant, ce délai est allongé en raison des
distances ou réduit par le premier président 2910. Le défendeur doit lui aussi produire autant de copies
de son mémoire qu'il y a de demandeurs, les copies devant être certifiées conformes par le signataire
du mémoire 2911. Le greffier de la Cour de cassation notifie le mémoire à chacun des demandeurs par
lettre simple 2912.
Si le défendeur souhaite former un pourvoi incident, il doit, dans le même délai de deux mois,
déposer un mémoire qui est soumis pour le reste aux mêmes règles que le mémoire du demandeur
principal au pourvoi 2913. Le défendeur au pourvoi incident dispose à son tour d'un délai d'un mois
pour déposer un mémoire selon les règles indiquées pour le mémoire du défendeur au pourvoi
principal 2914.

SECTION II
LE JUGEMENT DU POURVOI

878 Plan. – Sous réserve de l'activité du greffe de la Cour de cassation, la procédure du


pourvoi a été jusqu'à présent le fait des parties. Désormais, elle est pour l'essentiel l'affaire des
magistrats de la Cour de cassation, jusqu'à ce que la décision soit prise (§ 1). En cas de cassation,
l'affaire connaît des suites procédurales qu'il faut également étudier (§ 2).

§ 1. LA PRISE DE DÉCISION

879 Division. – La procédure qui conduit à l'arrêt de la Cour de cassation est d'abord marquée
par le rôle que les textes reconnaissent au premier président (A). L'affaire peut alors être instruite par
les magistrats de la Cour (B), avant que ne s'effectue la confection du jugement (C).

A. LE RÔLE DU PREMIER PRÉSIDENT

880 La distribution de l'affaire. – Comme tout chef de juridiction, le premier président de la


Cour de cassation a pour mission de donner la première impulsion nécessaire au jugement des
affaires. Il a déjà été indiqué qu'à ce titre il appartient au premier président ou à son délégué de
prononcer par ordonnance la déchéance des pourvois au soutien desquels aucun mémoire n'a été
déposé en temps utile 2915. De même, le premier président ou son délégué peut réduire les délais
prévus pour le dépôt des mémoires et des pièces 2916.
C'est en principe le premier président qui désigne la formation de la Cour de cassation qui
statuera sur le pourvoi. Le plus souvent, il distribue l'affaire à l'une des chambres en fonction de leurs
attributions respectives 2917. Le premier président peut aussi décider que l'affaire sera jugée par la
Cour siégeant dans une formation particulière. Aux termes de l'article L. 431-5 du Code de
l'organisation judiciaire, « le renvoi devant une chambre mixte peut être ordonné lorsqu'une affaire
pose une question relevant normalement des attributions de plusieurs chambres ou si la question a
reçu ou est susceptible de recevoir devant les chambres des solutions divergentes ». De même, en
vertu de l'article L. 431-6, « le renvoi devant l'Assemblée plénière peut être ordonné lorsque l'affaire
pose une question de principe, notamment s'il existe des solutions divergentes soit entre des juges du
fond, soit entre les juges du fond et la Cour de cassation ; il doit l'être lorsque, après cassation d'un
premier arrêt ou jugement, la décision rendue par la juridiction de renvoi est attaquée par les mêmes
moyens 2918 ». Le renvoi est décidé par ordonnance non motivée du premier président. Le renvoi est
de droit lorsque le procureur général le requiert avant l'ouverture des débats 2919.

881 La radiation d'une affaire. – Un décret du 20 juillet 1989 a singulièrement accru les
pouvoirs du premier président sur le sort des pourvois. Aux termes de l'actuel article 1009-1 du
Code de procédure civile, en dehors évidemment des cas où le pourvoi est suspensif d'exécution 2920,
« le premier président ou son délégué décide, à la demande du défendeur, et après avoir recueilli
l'avis du procureur général et les observations des parties, la radiation d'une affaire lorsque le
demandeur ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée de pourvoi, à moins qu'il ne lui
apparaisse que l'exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou
que le demandeur est dans l'impossibilité d'exécuter la décision 2921 ».
Motivée par le double souci de favoriser l'exécution des jugements et, accessoirement, de
désencombrer le greffe de la Cour de cassation 2922, cette mesure n'est pas automatique. Tout d'abord,
elle doit être demandée par le défendeur au pourvoi, lequel doit faire diligence, puisque
l'article 1009-1, alinéa 2, lui impose de le faire avant l'expiration du délai dans lequel il est censé
déposer son mémoire en défense au greffe de la Cour de cassation. Le plaideur qui néglige de faire
sanctionner le non-respect de la décision ou qui s'en soucie tardivement ne mérite plus la protection
de la loi. C'est ce qui explique que le premier président ne puisse ordonner d'office la radiation et
que la demande de radiation soit enfermée dans un délai relativement bref 2923. L'absence de caractère
automatique de la radiation résulte, ensuite, de ce que le premier président ne doit pas la prononcer
lorsque l'exécution de la décision de justice entraînerait des conséquences manifestement excessives.
Imaginons, par exemple, que le jugement ait ordonné la destruction irrémédiable d'un bien : on
conçoit alors que le demandeur au pourvoi rechigne à s'exécuter avant de savoir si son pourvoi
aboutira. Son abstention, parce qu'elle est ainsi justifiée, ne doit pas contrarier l'exercice de son
pourvoi en cassation 2924. On peut également comprendre l'inexécution du jugement ou de l'arrêt
d'appel lorsque le demandeur au pourvoi, condamné au versement d'une lourde somme d'argent, se
trouve dans une situation familiale et pécuniaire dramatique. C'est encore plus vrai, bien sûr, lorsqu'il
est carrément dans l'impossibilité d'exécuter la décision en raison, par exemple, de son insolvabilité.
Son indigence ne doit pas priver un individu du droit d'exercer une voie de recours.

882 Les effets de la radiation. – Les effets de la radiation d'une affaire pendante devant la
haute Juridiction sont conformes à l'objectif des rédacteurs des articles 1009-1 et suivants du Code
de procédure civile, qui est de favoriser l'exécution de la décision attaquée, en exerçant une pression
sur le demandeur en cassation et sur lui seul. Ainsi, la radiation interdit l’examen des pourvois
principaux et incidents, mais ne suspend pas le délai dans lequel le demandeur doit déposer son
mémoire ampliatif. C'est dire qu'assez rapidement, son mémoire deviendra irrecevable et qu'il sera
déchu de son pourvoi 2925, s'il n'exécute pas la décision contre laquelle il s'est pourvu en cassation. Et
quand bien même son mémoire aurait été déposé avant que la radiation ne soit ordonnée, l'inexécution
de la décision attaquée le priverait, à plus long terme, du bénéfice de son pourvoi car, en vertu de
l'article 1009-2 du Code de procédure civile, la notification de la décision de radiation fait courir le
délai de péremption de l'instance (deux ans) et cette péremption pourra être constatée même
d'office 2926 par le premier président ou son délégué.
Divers événements peuvent interrompre le délai de péremption et, parmi eux, « un acte
manifestant sans équivoque la volonté d'exécuter ». Mais si une telle manifestation de volonté suffit
pour interrompre le délai de péremption, il faut une exécution effective, pour que le premier président
autorise la réinscription de l'affaire au rôle de la Cour de cassation 2927. Selon la jurisprudence
actuelle, il peut s'agir d'une exécution simplement partielle, mais elle doit alors révéler, de la part du
demandeur en cassation, une « volonté non équivoque de déférer à la décision des juges du
fond » 2928. La réinscription est encore admise en cas d'exécution partielle « significative effectuée
dans l'extrême limite des facultés contributives du débiteur » 2929. En somme, pour obtenir la
réinscription, le débiteur doit justifier avoir fait tout son possible pour exécuter la décision attaquée.
Bien entendu, s'il se trouve dans l'impossibilité d'exécuter, après que la radiation ait été prononcée,
mais avant que la péremption soit acquise, il doit également pouvoir obtenir la réinscription de
l'affaire au rôle de la Cour, car la radiation n'a plus de raison d'être 2930.

883 Appréciation générale de l'article 1009-1. – Le texte de l'article 1009-1 du Code de


procédure civile est curieux à plus d'un égard. On peut d'abord penser que ce texte mélange un peu
tout. Il est certain qu'il n'est pas satisfaisant de constater que, trop souvent, celui qui a perdu en appel
n'exécute pas la décision qui le condamne, comme si le pourvoi en cassation avait un effet suspensif.
Il reste qu'il existe deux questions auxquelles ce texte ne donne qu'une réponse mal pensée. En
premier lieu, si celui qui a gagné en appel n'obtient pas concrètement satisfaction, la question à se
poser est celle de l'efficacité des voies d'exécution. On ne peut qu'être surpris de constater que l'on
n'ait pas trouvé de meilleur remède à un problème qui tient en partie à la mauvaise volonté des
organes de contrainte qu'un État de droit doit mettre à la disposition des justiciables. Le premier
président de la Cour de cassation n'est pas le juge de l'exécution. En second lieu, il ne faut pas
s'étonner que celui qui a perdu en appel ne s'exécute pas volontiers. S'il le fait, obtiendra-t-il toujours
en cas d'annulation de l'arrêt attaqué la restitution de ce qu'il aura versé indûment ? Il pourra arriver
que dix-huit mois après que le premier président l'aura obligé à exécuter la décision, le demandeur
apprenne qu'en réalité il n'avait pas à exécuter, alors qu'il ne sera plus possible d'y remédier. Il est
vrai que ce risque se trouve réduit par le fait que le premier président doit apprécier si l'exécution
n'est pas de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives, mais c'est loin d'être une
garantie suffisante, car nul n'est à l'abri d'un adversaire insolvable ou malhonnête auprès de qui il
sera impossible de récupérer ce qu'on lui aura versé.
On peut aussi s'interroger sur la conformité de l'article 1009-1 du Code de procédure civile aux
grands principes qui gouvernent la justice. Dans sa rédaction antérieure au décret n 2005-1678 du
o

28 décembre 2005, l'article 1009-1 posait un sérieux problème au regard du droit fondamental à
l'accès au juge 2931, car, pris à la lettre, il pouvait conduire à priver de son droit au recours, la partie
qui était trop pauvre pour exécuter la décision attaquée 2932. La Cour européenne avait d'ailleurs
condamné la France à plusieurs reprises, au motif que le retrait d'affaires du rôle de la Cour de
cassation 2933 aurait constitué une mesure disproportionnée au regard des buts visés par le droit
français (notamment la protection du créancier) et que l'accès effectif des intéressés à la haute
Juridiction s'en serait trouvé entravé 2934, dans des affaires où les demandeurs en cassation étaient
quasiment dans l'impossibilité d'exécuter la décision. Le droit actuel échappe largement à ce
reproche, puisqu'il écarte désormais la radiation de l'affaire, lorsque le demandeur « est dans
l'impossibilité d'exécuter la décision », ce qui préserve le droit des justiciables les plus pauvres
d'exercer un pourvoi en cassation. Sous réserve d'une mauvaise appréciation de la situation par le
président de la Cour de cassation, le droit à l'accès au juge est donc préservé, mais c'est alors le
principe d'égalité des citoyens devant le service public de la justice qui est en cause. Le pauvre est
dispensé d'exécuter, parce qu'il est pauvre, tandis que le riche (ou plus modestement le moins
pauvre...) doit exécuter la décision qu'il attaque, quand bien même son pourvoi serait totalement
fondé et la décision attaquée vouée à la cassation. Là encore, il nous semble qu'il y a une
discrimination, sans doute moins grave que celle qui consisterait à fermer la voie de la cassation aux
justiciables les plus déshérités. Mais c'est tout de même une discrimination tout à fait fâcheuse. Ne
serait-il pas préférable de supprimer les articles 1009-1 et suivants du Code de procédure civile et
de traiter tous les justiciables sur un pied d'égalité, quelle que soit leur situation de fortune ?

B. L'INSTRUCTION DU POURVOI PAR LA COUR

884 Déroulement de l'instruction. – Sous réserve du règlement des incidents assez rares
auxquels peut donner lieu l'instance de cassation 2935, c'est à une instruction purement juridique que
donne lieu le pourvoi. L'importance du pourvoi pour les droits des parties (c'est l'ultime voie de
recours) justifie qu'elle soit organisée de façon systématique. À cet effet, l'article 1019 du Code de
procédure civile dispose que la Cour de cassation statue après avis du ministère public : toutes les
affaires lui sont donc communiquées. La chambre saisie du pourvoi peut, de surcroît, solliciter l'avis
d'une autre chambre sur un point de droit relevant de la compétence de celle-ci. Cette saisine pour
avis interne à la Cour de cassation permet d'éviter la réunion d'une chambre mixte 2936. En outre,
chaque affaire est examinée par un rapporteur désigné par le président de la formation qui est appelée
à statuer. Lorsque l'affaire a été attribuée à la formation restreinte d'une chambre, le rapport peut
n'être qu'oral, en vertu de l'article 1013 du Code de procédure civile. Dans les autres cas, il est écrit.
L'étude de l'affaire peut conduire l'avocat général ou le conseiller à proposer un moyen de
cassation ou une substitution de motifs qu'il appartient à la Cour de cassation comme à tout juge de
relever d'office en application du principe général posé par l'article 12 du Code de procédure civile.
Pour respecter le principe de la contradiction, le président ou le conseiller rapporteur doit en avertir
les parties et les inviter à présenter leurs observations dans le délai qu'il fixe 2937.

C. LA CONFECTION DU JUGEMENT

885 Formation « ordinaire » et formation « restreinte ». – Sous réserve des cas dans
lesquels l'affaire est attribuée à une chambre mixte ou à l'Assemblée plénière de la Cour de
cassation, il appartient normalement à l'une des cinq chambres civiles (lato sensu) de statuer sur le
pourvoi. À l'audience de la chambre, au moins cinq conseillers ayant voix délibérative doivent être
présents 2938. Cependant, il est fréquent que l'affaire n'aille pas jusqu'à cette formation que l'on
qualifie habituellement « d'ordinaire 2939 ». En effet, depuis la loi n 79-9 du 3 janvier 1979, le
o

pourvoi peut être traité par une formation restreinte de la chambre à laquelle il a été attribué. Celle-ci
n'est composée que de trois magistrats. Initialement, cette formation, conçue comme un instrument de
filtrage des pourvois, n'était saisie qu'à l'initiative du premier président ou du président de chambre.
Son rôle se bornait à écarter le pourvoi s'il était irrecevable ou manifestement mal fondé. Depuis
lors, et dès 1981, les textes du Code de l'organisation judiciaire furent modifiés 2940 au point de
bouleverser la nature des formations restreintes et de leur conférer un rôle considérable. Assez
rapidement, celles-ci se virent, en effet, attribuer la fonction de juger les affaires dont la solution
paraissait s'imposer. Il ne s'agissait donc plus simplement d'opérer un filtrage. Puis, la loi n 97-395
o

du 23 avril 1997 décida que, désormais, les affaires soumises à une chambre civile seraient
examinées par une formation de trois magistrats, sans que le premier président ni le président de
chambre aient besoin d'en décider ainsi. L'examen par une formation restreinte devenait le principe et
le renvoi à la formation « ordinaire » l'exception 2941.
À partir d’une loi du 25 juin 2001, le système a considérablement évolué. Depuis lors, la
formation restreinte « statue lorsque la solution du pourvoi s'impose » et, « dans le cas contraire, elle
renvoie l'examen du pourvoi à l'audience de la chambre » 2942, c'est-à-dire à la formation
« ordinaire ». De plus, entre 2001 et 2014, la formation restreinte déclarait « non admis les pourvois
irrecevables ou non fondés sur un moyen sérieux de cassation » 2943. Ce dispositif nous paraissait
malvenu, en raison de l’atteinte au principe fondamental de la motivation des décisions de justice
qu’il impliquait 2944, quand bien même le risque de voir la France condamnée par la Cour européenne
des droits de l'homme était écarté 2945. Pour l’essentiel, si motivation il y avait, c’était en dehors de la
décision elle-même 2946 et pour un bénéfice bien faible, puisque la « déclaration de non-admission »
recouvrait deux situations sur lesquelles la formation restreinte pouvait déjà se prononcer avant
2001 : l'irrecevabilité et l'absence de moyen sérieux. Simplement, au lieu de déclarer le pourvoi
irrecevable, dans le premier cas, ou de le rejeter, dans le second, on le déclarait « non-admis ».
Curieuse amélioration...
Le décret nº 2014-1338 du 6 novembre 2014 a mis fin à cette bizarrerie intellectuelle. Désormais,
l’article 1014 du Code de procédure civile ne comporte plus aucune référence au malheureux concept
de « non-admission ». Il énonce que la formation restreinte peut décider « qu'il n'y a pas lieu de
statuer par une décision spécialement motivée lorsque le pourvoi est irrecevable ou lorsqu'il n'est
manifestement pas de nature à entraîner la cassation ». Cela ne signifie pas que l’on ne statue pas,
mais que l’on est dans un cas où la Cour estime qu’une motivation du rejet ou du prononcé de
l’irrecevabilité du pourvoi ne s’impose pas. Le texte permet aussi à la Cour de cassation de ne pas
motiver le rejet ou l’irrecevabilité d’un simple moyen et il ouvre cette possibilté à toutes les
formations (ordinaires comme restreintes), consacrant ainsi une pratique qui présentait
antérieurement le grave défaut de n’être permise par aucun texte et par laquelle la Cour s’autorisait à
refuser de motiver le rejet de « moyens dont aucun ne serait de nature à permettre l'admission du
pourvoi » 2947. La procédure issue de la réforme du 6 novembre 2014 est de meilleure qualité que
celle qui l’a précédée. On peut tout de même craindre qu'emportés par leur légitime souci d'accélérer
le traitement des dossiers, les magistrats de la Cour de cassation n'en arrivent parfois à user de cette
dispense de motivation dans des cas où une motivation serait utile. Avant la réforme, on pouvait
craindre qu’ils soient tentés de qualifier de « non sérieux » des moyens tout à fait sérieux, mais dont
ils pensaient qu'ils étaient mal fondés 2948. Les données fondamentales du problème n’ont pas changé.
On ne peut se réjouir d’un allégement de l’obligation de motiver les décisions de justice, laquelle est
un des grands acquis de la révolution française.

886 Le renvoi à la formation « ordinaire ». – Tous les pourvois ne sont pas jugés en formation
restreinte. D'une part, ceux dont la solution ne s'impose pas doivent être renvoyés par la formation
restreinte à « l'audience de la chambre », c'est-à-dire à la formation composée d'au moins cinq
magistrats. D'autre part, en vertu de l'article L. 431-1, alinéa 3, du Code de l'organisation judiciaire
le premier président, le président de la chambre concernée ou leurs délégués peuvent, même d'office,
décider le renvoi à l'audience de la chambre. Leur décision n'est alors pas motivée.

887 Le déroulement de la procédure. – La confection des arrêts de la Cour de cassation 2949


obéit pour l'essentiel aux dispositions communes à toutes les juridictions. L'affaire est appelée à
l'audience à la date fixée par le président 2950. Les débats sont en principe publics, sous réserve des
exceptions prévues par la loi n 72-626 du 5 juillet 1972 2951. Le rapport préparé par le conseiller y
o

est présenté oralement. Ensuite, les avocats sont entendus s'ils le demandent, ce qu'ils ne font guère
que pour les affaires les plus importantes. Les parties peuvent aussi être entendues après y avoir été
autorisées par le président 2952. Le ministère public parle en dernier. Une fois que les débats oraux
sont clos, la décision est mise en délibéré. La rédaction des arrêts de la Cour de cassation est
soumise aux règles du droit commun. La dévolution limitée qu'opère le pourvoi a conduit la Cour à
adopter un style extrêmement concis, qui ne fait cependant l'objet d'aucune disposition particulière en
dehors de l'article 1020 du Code de procédure civile qui dispose que l'arrêt vise la règle de droit sur
laquelle la cassation est fondée. Les arrêts de la Cour de cassation sont prononcés publiquement,
notamment par mise à disposition au greffe 2953.
Les seules particularités dans la confection de la décision ont trait aux renvois qui peuvent être
effectués d'une formation à une autre, après la distribution opérée par le premier président ou par le
président. Les articles L. 131-2 et L. 131-3 du même code disposent ainsi que l'affaire est renvoyée à
une chambre mixte en cas de partage égal des voix dans une chambre de la Cour ou lorsque la
chambre le décide par arrêt non motivé.

§ 2. LES SUITES DE LA DÉCISION

888 Arrêt de rejet ou de cassation. – Selon son contenu, l'arrêt de la Cour de cassation
n'appelle pas les mêmes suites. L'arrêt de rejet n'appelle en général aucune suite procédurale. Il n'est
même pas nécessaire de le notifier 2954, sauf dans les cas exceptionnels où le pourvoi en cassation
suspend l'exécution de l'arrêt d'appel. Il a déjà été indiqué que, lorsque la Cour de cassation casse
sans renvoi, sa décision est en tous points identique à celle d'un juge du fond. Il faut donc qu'elle soit
notifiée. Lorsque la procédure applicable est celle avec représentation obligatoire, la notification est
soumise aux règles de droit commun énoncées par les articles 678 et 675 du Code de procédure
civile. La partie qui bénéficie de la cassation doit préalablement notifier l'arrêt, par acte d'avocat à
avocat, à l'avocat aux conseils de son adversaire. Ensuite, elle notifie l'arrêt à son adversaire par
voie de signification. Lorsque la procédure applicable est celle sans représentation obligatoire,
l'article 1022-1 du Code de procédure civile dispose que les décisions de cassation sans renvoi sont
portées par lettre simple à la connaissance des parties 2955.
La cassation avec renvoi appelle de plus longs développements. Il faut en premier lieu que la
décision soit notifiée. Lorsque la procédure applicable est celle avec représentation obligatoire, la
notification est soumise aux règles de droit commun énoncées par les articles 678 et 675 du Code de
procédure civile. Lorsque la procédure applicable est celle sans représentation obligatoire,
l'article 1022-1 dispose que l'arrêt est notifié par le greffe de la Cour de cassation par lettre
recommandée avec demande d'avis de réception 2956. Par ailleurs, si la décision annulée avait été
exécutée, la disparition du titre qui justifiait l'exécution permet au bénéficiaire de la cassation
d'obtenir la restitution des condamnations portées contre lui 2957. Cependant, l'article L. 111-11 du
Code des procédures civiles d'exécution 2958 dispose que l'exécution de la décision attaquée ne peut
en aucun cas être imputée à faute. Sauf à prouver la faute (en pratique, un abus de droit) de celui qui
avait obtenu l'exécution, on ne peut donc lui réclamer que des « restitutions » 2959, à l'exclusion de
« dommages et intérêts ». Concrètement, quand l'exécution a consisté en un versement de somme
d'argent au vainqueur d'un jour, celui-ci doit la restituer à son adversaire 2960. Les autres hypothèses
de restitutions sont plus délicates, car elles se rapprochent de la pure indemnisation d'un préjudice.
Sur ce point, la Cour de cassation s'est montrée particulièrement compréhensive, depuis le début des
années 2000. Ainsi, a-t-elle admis que le plaideur ayant engagé des frais pour exécuter la décision
pouvait exiger d'en être remboursé 2961. Elle a également admis une « restitution par équivalent » du
manque à gagner d'une société qui avait été contrainte pendant plusieurs années de cesser certaines
activités 2962. Il s'agissait, en réalité, d'une pure indemnisation du dommage subi, ce qui revenait à
contourner la règle aujourd'hui énoncée à l'article L. 111-11. En 2011, la Cour a franchi une étape
supplémentaire dans sa relecture de cette règle, en élargissant la notion même de restitution et en
décidant que « l'indemnisation de la privation de jouissance consécutive à l'exécution d'un arrêt
ultérieurement cassé » constituait une restitution 2963.
La cassation avec renvoi a aussi pour effet d'entraîner la reprise de l'instance ayant donné lieu à la
décision cassée. Comment s'effectue-t-elle (A) ? Comment l'affaire est-elle examinée par le juge de
renvoi (B) ?

A. LA REPRISE DE L'INSTANCE DEVANT LE JUGE DE RENVOI

889 Désignation du juge de renvoi. – La première question est de savoir devant quel juge
l'instance va reprendre. L'article L. 431-4 du Code de l'organisation judiciaire dispose que l'affaire
est renvoyée devant une autre juridiction de même nature que celle dont émane l'arrêt ou le jugement
cassé ou devant la même juridiction composée d'autres magistrats. Le plus souvent, la Cour de
cassation choisit la première solution. Il existe ainsi une sorte de circuit entre les cours d'appel. Par
exemple, habituellement, la cour d'appel de Caen est juge de renvoi par rapport à celle de Rouen et la
cour d'appel de Rennes est juge de renvoi par rapport à celle de Caen. Elle n'adopte guère la seconde
solution que pour des raisons de proximité géographique ou de spécialisation.

890 Déclaration de saisine. – Le juge de renvoi ayant été ainsi désigné, il reste à le saisir.
L'article 1032 du Code de procédure civile dispose que la saisine est effectuée par une déclaration
au secrétariat de la juridiction, et l'article 1033 ajoute qu'elle contient les mentions exigées pour
l'acte introductif d'instance devant cette juridiction 2964. Il semble, de manière générale, que la
sanction de cette exigence soit une nullité pour vice de forme qui n'est donc prononcée que si
l'adversaire peut justifier d'un grief 2965.
Une copie de l'arrêt de cassation est annexée à la déclaration de saisine. Le secrétaire de la
juridiction de renvoi adresse, par lettre simple, à chacune des parties à l'instance de cassation copie
de la déclaration avec, s'il y a lieu, l'indication de l'obligation de constituer avocat. En cas de non-
comparution, les parties défaillantes sont citées de la même manière que le sont les défendeurs
devant la juridiction dont émane la décision cassée 2966.

891 Délai de saisine et délai de péremption. – La saisine de la juridiction de renvoi est


enfermée dans un double délai. Le premier résulte de l'article 1034 du Code de procédure civile, qui
dispose que la déclaration doit, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, être faite avant l'expiration
d'un délai de quatre mois à compter de la notification de l'arrêt de cassation faite à la partie et que ce
délai court même à l'encontre de celui qui notifie 2967. La déclaration de saisine de la juridiction de
renvoi n'étant pas visée aux articles 643 et suivants du Code de procédure civile, le délai de quatre
mois n'est pas susceptible d'allongement, quand bien même une partie demeurerait outre-mer ou à
l'étranger 2968.
Le second délai résulte des règles de droit commun. L'arrêt de cassation annule le jugement
attaqué, mais non la procédure antérieure, si bien que l'instance qui avait commencé devant le juge
dont la décision a été cassée reprend devant le juge de renvoi 2969. L'instance reprend à l'instant même
de l'arrêt de cassation qui a annulé le jugement qui devait y mettre fin. À défaut de diligences des
parties dans les deux ans du prononcé de l'arrêt de cassation, l'instance reprise se trouve donc
périmée 2970. L'expiration de l'un ou l'autre de ces délais ne produit pas le même effet selon que la
décision cassée est un arrêt d'appel ou un jugement rendu en premier et dernier ressort. Dans le
premier cas, le jugement sur l'appel duquel avait été rendu l'arrêt cassé passe en force de chose
jugée, en application des articles 1034 et 390 du Code de procédure civile 2971. Dans le second,
aucun jugement au fond ne demeure, et une nouvelle demande peut être formée devant le juge du
premier degré 2972, sous la seule réserve que le droit du demandeur n'ait pas été éteint par la
prescription.

B. L'EXAMEN DE L'AFFAIRE PAR LE JUGE DE RENVOI

892 Reprise de l'instance au stade de l'instruction. – Puisque c'est l'instance ayant donné lieu
à la décision cassée qui reprend, les actes accomplis au cours de cette instance demeurent valables et
produisent leurs effets. C'est ainsi que l'instruction de l'affaire est reprise en l'état de la procédure
non atteinte par la cassation 2973. La juridiction de renvoi n'a pas à révoquer l'ordonnance de clôture
rendue par la juridiction dont la décision a été cassée, cette ordonnance ayant cessé de produire ses
effets, du fait de la cassation 2974. Les parties peuvent donc alléguer des faits nouveaux, produire des
preuves nouvelles ou invoquer des moyens nouveaux au soutien de leurs prétentions 2975. Mais elles
peuvent aussi s'en tenir aux moyens et prétentions qu'elles avaient soumis à la juridiction dont la
décision a été censurée et, en vertu de l'article 634 du Code de procédure civile, c'est ce qu'elles sont
réputées faire lorsqu'elles ne formulent pas de nouveau moyen ou de nouvelle prétention 2976. Cette
présomption légale vaut également, nous dit le texte, si une partie ne comparaît pas. Et, dans ce cas,
elle aura tout de même le statut de partie comparante, parce qu'elle a conclu dans l'instance qui a
précédé la cassation et que c'est cette même instance qui se poursuit devant la juridiction de renvoi.
Cette partie ne pourra donc pas former opposition, quand bien même elle n'aurait pas été citée à
personne après la cassation 2977 ! La solution est très sévère, mais cohérente sur le plan théorique.
De façon générale, l'instance qui reprend est soumise aux mêmes règles qu'avant la cassation. Par
conséquent, pour ce qui est des demandes nouvelles, y compris des demandes en intervention 2978, il
faut distinguer selon que la décision cassée émanait d'un juge du premier degré ou d'une cour
d'appel : dans le premier cas, les demandes nouvelles sont recevables dès lors qu'existe un lien de
connexité ; dans le second, elles sont en principes irrecevables 2979.

893 L'étendue de la mission du juge de renvoi. – Lorsque la décision cassée est un arrêt
d'appel, le premier président de la cour d'appel de renvoi décide que l'affaire sera jugée en audience
solennelle, si sa nature ou sa complexité le justifie. Ce type d'audience se tient devant au moins cinq
magistrats appartenant à deux chambres différentes, sous la présidence du premier président 2980.
Dans la limite de l'étendue de la cassation 2981, la juridiction de renvoi examine l'affaire en fait et en
droit 2982, de sorte qu'elle peut porter sur les faits une appréciation différente de celle retenue par la
décision cassée. Et, bien qu'en réalité ce soit assez rare, elle peut aussi ne pas adopter la solution
juridique énoncée par la Cour de cassation, à moins cependant que l'arrêt n'ait été rendu par
l'Assemblée plénière 2983.

BIBLIOGRAPHIE

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J. et L. BORÉ, La cassation en matière civile, Dalloz Action, 4 éd., 2009-2010.
e

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Litec, 2003, p. 263.
J. VOULET, « L'étendue de la cassation en matière civile », JCP 1977.I. n 2877.
o
CHAPITRE III
LES POURVOIS PARTICULIERS

894 Division. – Le pourvoi en cassation se définit d'abord par son objet, qui est de soumettre à
la Cour de cassation, dans la limite de la dévolution opérée, une affaire dont il est prétendu qu'elle a
été mal jugée par les juridictions inférieures. À partir de là, on est tenté d'appeler pourvoi en
cassation tout recours qui est porté devant la Cour de cassation, même s'il ne répond pas tout à fait à
cette définition. Tel est le cas du recours en inconciliabilité de jugements (Section I) et, pour partie,
des pourvois du procureur général (Section II).

SECTION I
LE RECOURS EN INCONCILIABILITÉ DE JUGEMENTS

895 Présentation des textes. – Les articles 617 et 618 du Code de procédure civile
réglementent deux sortes de « contrariété 2984 » de jugements. Aux termes du premier, « la contrariété
de jugements peut être invoquée lorsque la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée a
en vain été invoquée devant les juges du fond. En ce cas, le pourvoi en cassation est dirigé contre le
jugement second en date ; lorsque la contrariété est constatée, elle se résout au profit du premier ».
Aux termes du second, « la contrariété de jugements peut aussi, par dérogation aux dispositions de
l'article 605, être invoquée lorsque deux décisions, même non rendues en dernier ressort, sont
inconciliables et qu'aucune d'elles n'est susceptible d'un recours ordinaire ; le pourvoi en cassation
est alors recevable, même si l'une des décisions avait déjà été frappée d'un pourvoi en cassation et
que celui-ci avait été rejeté. En ce cas, le pourvoi peut être formé même après l'expiration du délai
prévu à l'article 612. Il doit être dirigé contre les deux décisions ; lorsque la contrariété est constatée,
la Cour de cassation annule l'une des décisions ou, s'il y a lieu, les deux. »
Le rapprochement opéré par le Code de procédure civile est malheureux, en ce qu'il tend à
masquer l'originalité du recours institué par l'article 618. En dépit des mots utilisés par les textes, en
effet, il n'y a à peu près rien de commun entre eux. L'article 617 ne fait qu'énoncer un cas particulier
de pourvoi en cassation que l'on peut qualifier d'ordinaire : le juge est tenu de respecter l'autorité de
la chose jugée qui appartient à un jugement rendu avant qu'il ne statue. S'il ne le fait pas, sa décision
doit être cassée à la demande de la partie qui forme un pourvoi en cassation 2985. En tous points, y
compris pour ce qui est de son régime, ce pourvoi en cassation est soumis aux règles qui ont été
examinées antérieurement.
À l'opposé, la simple lecture de l'article 618 montre que le recours qu'il institue se distingue
nettement du pourvoi en cassation ordinaire, ne serait-ce que par le fait qu'il est formé contre deux
décisions. Si ce recours est réglementé en même temps que le pourvoi en cassation, c'est parce qu'il
lui emprunte, sinon la totalité, du moins la majorité de ses règles de procédure. Mais, pour ce qui est
de son objet, ce recours manifeste une originalité qui interdit de le qualifier véritablement de pourvoi
en cassation.

896 L'objet du recours en inconciliabilité de jugements. – Le terme de contrariété qu'utilise


l'article 618 du Code de procédure civile ne décrit que de façon imprécise la spécificité du recours
qu'il institue. Il nous semble plus exact de parler d'un recours dont l'objet est de mettre fin à
l'inconciliabilité pouvant exister entre deux décisions. L'existence du recours est commandée par la
nécessité de mettre fin au blocage de l'ordonnancement juridique que provoquent les deux décisions
inconciliables. Quelques exemples permettent d'illustrer cette situation. On ne peut laisser subsister
deux jugements dont l'un prononce le divorce des époux aux torts de la femme et l'autre la séparation
de corps aux torts du mari 2986. Un commerçant ne peut pas être mis en même temps en redressement
judiciaire par un jugement et en liquidation judiciaire par un autre jugement 2987. La Cour de cassation
a également décidé qu'un jugement ne pouvait pas décider que des entreprises formaient une unité
économique et sociale et valider la nomination d'un délégué syndical commun alors qu'un autre
jugement annulait cette nomination 2988.
Les quelques exemples qui viennent d'être indiqués montrent que le recours en inconciliabilité
n'est pas fondé directement sur la violation de la loi, ni même sur la violation de l'autorité de la chose
jugée. Dans chacun d'eux, en effet, on peut imaginer que les deux juges aient correctement appliqué la
loi : leurs décisions peuvent être justifiées au regard des faits qui leur ont été soumis, tels qu'ils les
ont retenus. Par exemple, si la femme n'a pas comparu sur la citation de son mari, le tribunal n'a eu à
statuer que sur les fautes peut-être réelles de la femme, alléguées par le mari, et la même chose a pu
se produire sur la citation de la femme. De son côté, le troisième exemple montre bien que le recours
est étranger à l'autorité de la chose jugée. En effet, dans cette affaire, les jugements inconciliables
opposaient un syndicat à des entreprises différentes, dont il était soutenu qu'elles appartenaient à la
même unité économique et sociale. Il n'existait donc pas l'identité de parties nécessaire à l'autorité de
la chose jugée.
Autrement dit, le recours n'est pas fait, en soi, pour supprimer une incohérence juridique, mais,
selon l'expression de M. Boré, pour mettre fin à une « situation inextricable 2989 ». La preuve en est
que, s'il existe une incohérence juridique qui ne se traduit pas par des effets concrètement
inconciliables, cette incohérence ne donne pas ouverture au recours de l'article 618. Par exemple, il
est incohérent que, dans les mêmes circonstances, un premier juge dise que certaines victimes d'un
vol doivent être indemnisées, alors qu'un second juge dit le contraire pour d'autres victimes. Mais
aucun blocage de l'ordonnancement juridique n'en résulte : la Cour de cassation décide donc que le
recours n'est pas ouvert 2990.
De façon plus précise, il faut dire que c'est essentiellement à l'effet substantiel du jugement que se
rattache le recours prévu par l'article 618 du Code de procédure civile. De manière générale, peu
importent les motifs, c'est-à-dire les faits et les raisonnements juridiques retenus par les juges. Ce qui
compte, c'est avant tout le contenu de leurs décisions : les deux normes 2991 qu'ils ont posées sont
concrètement inconciliables, l'inconciliabilité tenant le plus souvent au caractère indivisible de la
situation soumise aux deux juges. S'il y a inconciliabilité, c'est parce que les deux jugements ne
peuvent s'appliquer simultanément. Cela étant, on peut sans doute admettre que soit sanctionnée une
contradiction entre les motifs d'un jugement et ceux de l'autre, lorsque ces motifs sont le soutien
nécessaire de leurs dispositifs respectifs 2992.
Il en résulte qu'à la différence du véritable pourvoi en cassation, régi par l'article 604 du Code de
procédure civile, le recours en inconciliabilité ne tend pas à faire censurer par la Cour de cassation
la non-conformité des jugements qu'il attaque aux règles de droit. Par ailleurs, ce recours suppose
aussi un examen des conséquences concrètes qu'entraîne l'application simultanée des deux décisions.
Il conduit donc la Cour de cassation à examiner l'affaire aussi bien en fait qu'en droit pour détecter si
les deux décisions sont véritablement inconciliables.

897 Le régime du recours en inconciliabilité de jugements. – Le recours en inconciliabilité


étant soumis à la majorité des règles applicables au pourvoi en cassation, il suffit d'indiquer celles
sur lesquelles il s'en distingue. Le point le plus original est qu'à peine d'irrecevabilité 2993, le recours
doit être formé contre les deux décisions. Ces décisions peuvent émaner aussi bien de la même
juridiction que de deux juridictions différentes 2994. Il est même possible que soient en cause une
juridiction répressive et une juridiction civile. Dans cette hypothèse, l'applicabilité de l'article 618
du Code de procédure civile est très douteuse, car ce texte réglementaire n'a pas vocation à
s'appliquer en matière pénale 2995. Mais la Cour de cassation fonde alors l'annulation pour contrariété
de décisions sur l'article 4 du Code civil, texte législatif, et retient que le maintien des deux décisions
équivaudrait à un déni de justice 2996.
En pratique, les parties intéressées ne s'aperçoivent pas toujours immédiatement de
l'inconciliabilité existant entre les deux décisions. C'est pourquoi l'exercice du recours est réglementé
de façon très souple. Le recours peut être exercé après l'expiration du délai de deux mois posé par
l'article 612 du Code de procédure civile 2997. N'impliquant pas une violation de la loi, il peut même
être formé alors qu'un recours en cassation a déjà été présenté et rejeté par la Cour de cassation
contre l'une des décisions 2998. De même, le recours peut être exercé contre des décisions qui n'ont
pas été rendues en dernier ressort. La seule condition posée par l'article 618 est qu'aucune des
décisions ne soit plus susceptible d'un recours ordinaire. Lorsque c'est le cas, le recours ordinaire,
qui est presque toujours l'appel, doit d'abord être exercé 2999, et ce n'est que si l'arrêt d'appel laisse
subsister l'inconciliabilité que les parties pourront saisir la Cour de cassation.
L'article 618 du Code de procédure civile donne à la Cour de cassation un large pouvoir
d'appréciation pour mettre fin à la situation de blocage qui lui est soumise : elle peut annuler l'une
des décisions ou, s'il y a lieu, les deux. C'est la première solution que retiendra la Cour chaque fois
qu'il lui apparaît qu'une seule des décisions est critiquable 3000. En revanche, lorsque l'inconciliabilité
tient pour l'essentiel à l'appréciation différente des faits, à laquelle se sont livrés les juges du fond, la
Cour annulera les deux décisions et, pour éviter que l'inconciliabilité ne puisse apparaître de
nouveau, elle désignera un seul juge de renvoi pour l'ensemble de l'affaire 3001.

SECTION II
LES POURVOIS DU PROCUREUR GÉNÉRAL

898 Pourvois particuliers. – Il ne sera pas question dans ce développement des pourvois que
le ministère public peut former contre un jugement auquel il a été partie ou, comme on dit, partie
principale. Ils sont soumis aux règles qui ont été précédemment indiquées. En dehors de ces
hypothèses, les articles 17 et 18 de la loi n 67-523 du 3 juillet 1967, complétés par les articles 639-
o
1 et suivants du Code de procédure civile, permettent au procureur général de la Cour de
cassation 3002 de former deux pourvois en cassation qui se distinguent assez sensiblement du droit
commun : le pourvoi dans l'intérêt de la loi et le pourvoi pour excès de pouvoir. Leur rareté 3003
justifie qu'ils ne soient exposés que de façon sommaire.

899 Le pourvoi dans l'intérêt de la loi. – Aux termes de l'article 17 de la loi du 3 juillet 1967,
« si le procureur général près la Cour de cassation apprend qu'il a été rendu, en matière civile, une
décision contraire aux lois, aux règlements ou aux formes de procéder, contre laquelle cependant
aucune des parties n'a réclamé dans le délai fixé, ou qui a été exécutée, il en saisit la Cour de
cassation après l'expiration du délai ou après l'exécution. Si une cassation intervient, les parties ne
peuvent s'en prévaloir pour éluder les dispositions de la décision cassée ». Ce texte fait bien
ressortir les deux traits caractéristiques de ce pourvoi : d'abord, son caractère subsidiaire par
rapport à celui des parties ; ensuite et surtout l'absence d'effet concret de la cassation 3004 qu'il est
susceptible d'entraîner. On peut dire qu'il s'agit d'une voie de recours exercée à titre déclaratoire. Le
procureur général près la Cour de cassation demande à cette juridiction de dire que la décision
rendue est entachée d’une violation de la loi dans son dispositif ou même dans ses motifs 3005, mais
l'effet juridique attaché à la voie de recours ne se produira pas : la décision attaquée demeurera à
l’égard des parties comme si aucun recours n'avait été exercé, ce que confirme l’article 639-2 du
Code de procédure civile. Si cassation il y a, elle est purement platonique.
Ainsi que l'énonce l'article 17, le pourvoi ne peut être formé que contre une décision devenue
irrévocable, peu important qu'elle ait été rendue en premier ou en dernier ressort. Si cette condition
est remplie, l'exercice du pourvoi est enfermé dans un délai de cinq ans à compter du prononcé de la
décision. Le pourvoi est introduit par une requête motivée du procureur général. L'instance est
soumise aux règles ordinaires 3006. Les parties au jugement attaqué peuvent formuler des observations
écrites, mais elles ne sont pas tenues de constituer avocat aux Conseils 3007. Le seul effet de la
cassation qui intervient alors est que l'arrêt de la Cour de cassation est transcrit au greffe de la
juridiction qui a rendu le jugement attaqué. Cette transcription sert à instruire les juges du fond de
l'erreur qu'ils ont commise. Comme son nom l'indique, le pourvoi dans l'intérêt de la loi n'a qu'un
intérêt doctrinal.

900 Le pourvoi pour excès de pouvoir. – Le pourvoi pour excès de pouvoir qu'exerce le
procureur général près la Cour de cassation ne doit pas être confondu avec le pourvoi en cassation
(ou l'appel) pour excès de pouvoir que peuvent exercer les parties 3008, même si leur inspiration est
très proche. Dans les deux cas, un recours est ouvert de façon dérogatoire parce que les juges
inférieurs ont fait un acte qui sort des prévisions raisonnables du législateur. Le pourvoi du procureur
général peut être qualifié de soupape de sécurité pour censurer une énormité que, pour une raison ou
une autre, les parties n'auraient pas attaquée elles-mêmes.
Son caractère exceptionnel se manifeste déjà par les règles qui régissent son introduction.
L'article 18 de la loi du 3 juillet 1967 dispose en effet que le procureur général ne peut introduire ce
pourvoi que si le garde des Sceaux, ministre de la Justice, le lui prescrit par une dépêche, qui
contient les moyens que doit contenir le pourvoi. Le procureur général met en cause les parties au
jugement attaqué et leur fixe des délais pour produire leurs mémoires ampliatifs et en défense 3009.
Les parties ne sont pas tenues de constituer avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation.
Le déroulement de l'instance de cassation est soumis aux règles ordinaires. On retrouve ici
certaines règles applicables au pourvoi dans l’intérêt de la loi. Ainsi, le pourvoi est enfermé dans un
délai de cinq ans à compter de l’établissement de l’acte attaqué 3010. Pareillement, la cassation pour
excès de pouvoir, sur pourvoi du procureur général, peut porter occasionnellement sur les seuls
motifs de la décision attaquée. Il en va ainsi lorsque son dispositif n'étant pas, en lui-même
critiquable, le jugement ou l'arrêt comporte des motifs dans lesquels les juges du fond excèdent leurs
pouvoirs, par exemple en critiquant la politique gouvernementale, celle de l'administration ou le
contenu même de la loi 3011. En revanche, le pourvoi pour excès de pouvoir se distingue nettement du
pourvoi dans l’intérêt de la loi en ce qu'aux termes mêmes de l'article 18 de la loi du 3 juillet 1967,
« l'annulation vaut à l'égard de tous ». La raison en est que l'acte du juge porte atteinte à un principe
d'ordre public, comme la séparation des pouvoirs, ou encore qu'il est insusceptible de se rattacher à
ses fonctions de juge, si bien que l'on peut dire qu'il affecte les droits mêmes de l'État et ne mérite
pas l’appellation de jugement. C’est d’ailleurs pour cela que les textes le qualifient d’acte ou d’acte
judiciaire. L'annulation de cet « acte » qui intervient à la demande de l'État ne permet pas de
maintenir ses effets, même entre les parties.

BIBLIOGRAPHIE

J. et L. BORÉ, La cassation en matière civile, Dalloz Action, 4 éd., 2009-2010.


e

M. CONTAMINE-RAYNAUD, « L'inconciliabilité de jugements : de l'autorité judiciaire à la raison


judiciaire », Mélanges P. Raynaud, Paris, 1981, p. 113.
P. JULIEN, « Remarques sur la contrariété de décisions de justice », Mélanges P. Hébraud, Toulouse,
1981, p. 493.
Ph. THÉRY, « Les conflits de choses jugées », in L’autorité de la chose jugée (dir. L. CADIET et
D. LORIFERNE), IRJS Éditions, 2012, p. 75.
TITRE 2
LES VOIES DE RECOURS PARTICULIÈRES

901 Introduction. – Après les deux voies de recours normales, que sont l'appel et le pourvoi
en cassation, il reste à étudier maintenant les voies de recours particulières ou, plus exactement, les
trois plus importantes d'entre elles : l'opposition (chapitre I), la tierce opposition (chapitre II) et le
recours en révision (chapitre III). D'autres voies de recours particulières ont déjà été examinées
précédemment, comme le recours en ultra petita 3012, ou le « déféré » devant la cour d'appel des
ordonnances du conseiller de la mise en état 3013. Même si elles sont plus importantes que les autres,
les trois voies de recours particulières qui vont être étudiées n'appellent pas des développements
aussi longs que l'appel et le pourvoi en cassation. D'une part, en effet, les effets de ces voies de
recours (et spécialement la dévolution qu'elles opèrent) sont directement conditionnés par leur objet
particulier. D'autre part, elles ne sont pas dotées d'une procédure complète qui leur soit propre. Si
une personne forme tierce opposition à un jugement de tribunal de grande instance, l'instance est
soumise, pour l'essentiel, à la procédure applicable devant le tribunal de grande instance. De même,
si un intimé fait opposition à un arrêt rendu contre lui par défaut, l'instance est soumise à la procédure
applicable devant la cour d'appel.
CHAPITRE I
L'OPPOSITION

902 Présentation. – L'opposition est définie par l'article 571 du Code de procédure civile,
comme une voie de recours qui « tend à faire rétracter un jugement rendu par défaut ». Il faut
immédiatement préciser que le jugement rendu par défaut, que vise l'article 571, est le jugement que
la loi qualifie de jugement par défaut et non le jugement rendu alors que le défendeur a fait défaut au
sens ordinaire du terme. L'étude de l'incident lié au défaut de l'une des parties montrera 3014 en effet
que la plupart des jugements rendus sur le défaut du défendeur sont qualifiés par la loi de jugements
réputés contradictoires et ne peuvent pas faire l'objet d'une opposition. Toute la réglementation du
défaut tend à restreindre autant qu'il est possible l'ouverture de l'opposition : d'un point de vue
quantitatif, au moins, il n'existe aucune commune mesure entre l'appel et l'opposition si rarement
utilisée 3015.
Suivant le plan déjà adopté pour les voies de recours normales, l'étude de l'opposition sera menée
en deux temps inégaux : le premier consacré à la voie de recours (section I), le second à la procédure
de l'opposition (section II).

SECTION I
LA VOIE DE RECOURS DE L'OPPOSITION

903 Plan. – Deux questions doivent être successivement posées. Quels sont les jugements qui
ouvrent la voie de recours de l'opposition (§ 1) ? Quels sont les effets de l'opposition (§ 2) ?

§ 1. L'OUVERTURE DE L'OPPOSITION

904 Solution de principe. – Les articles 476 et 571 du Code de procédure civile disposent que
l'opposition est ouverte contre les jugements par défaut et qu'elle n'est ouverte qu'au défaillant. Ces
textes permettent de nouveau de constater à quel point le classement dans la même catégorie de
l'appel et de l'opposition manque de solidité. Il a déjà été montré que l'opposition ne répond pas à la
définition des voies de recours ordinaires, mais à celle des voies de recours extraordinaires : alors
qu'un appel peut en principe être formé contre toutes les décisions rendues au premier degré,
l'opposition se présente comme un remède exceptionnel prévu pour une situation anormale, à laquelle
les voies de recours normales conviennent mal. Une preuve supplémentaire est apportée par le fait
que le jugement par défaut, contre lequel l'opposition est ouverte, peut avoir été rendu aussi bien au
premier qu'au second degré, ce qui n'a pas de sens pour l'appel.

905 Exceptions. – Des textes particuliers viennent déroger au principe que l'opposition est
ouverte contre les jugements par défaut. L'opposition est d'abord exclue contre certains jugements
mineurs dans le but d'accélérer le déroulement des procès. À ce titre, on peut citer les articles 150
et 170 du Code de procédure civile, pour les décisions qui ordonnent ou modifient une mesure
d'instruction ou qui sont relatives à l'exécution d'une mesure d'instruction, l'article 776 pour les
ordonnances du juge de la mise en état et l'article 87 pour les arrêts statuant sur contredit. Jusqu'au
décret n 86-585 du 14 mars 1986, l'article 490 du Code de procédure civile disposait également que
o

les ordonnances de référé étaient insusceptibles d'opposition. Le législateur a justement estimé que
l'importance pratique des décisions que peut rendre le juge des référés, jointe à la brièveté du délai
de comparution, qui ne permet pas toujours au défendeur de comparaître lorsqu'il n'a pas été cité à
personne, rendait cette exclusion inopportune 3016.
Il existe encore deux autres exclusions qui doivent être indiquées. En premier lieu, l'article 622 du
Code de procédure civile dispose que les arrêts rendus par la Cour de cassation ne sont pas
susceptibles d'opposition. La règle n'est pas spécifique à l'opposition : elle vaut de façon générale
pour toutes les voies de recours, à quelques exceptions près 3017. En second lieu, l'article 578 du
même code dispose que « celui qui se laisserait juger une seconde fois par défaut n'est plus admis à
former une nouvelle opposition ». Cette règle traditionnelle 3018 présentait davantage d'intérêt lorsque
l'opposition était très largement ouverte, en empêchant le défendeur d'accumuler les manœuvres
dilatoires. Mais aujourd'hui, la règle ne semble plus avoir d'utilité parce que le jugement qui est
rendu contre un demandeur défaillant est toujours qualifié de contradictoire. Or, en faisant opposition,
le défendeur originaire devient demandeur à l'opposition 3019, si bien que le jugement rendu sur son
défaut sera un jugement contradictoire, ce qui suffit à lui fermer la porte d'une seconde
opposition 3020.

§ 2. LES EFFETS DE L'OPPOSITION

906 Étendue de la dévolution. – En la qualifiant de voie de recours ordinaire, le Code de


procédure civile confère à l'opposition le même effet suspensif qu'à l'appel 3021, avec aussi les mêmes
limites tenant à l'exécution provisoire 3022, dont peut être assorti le jugement rendu par défaut.
Il résulte de l'article 572 du Code de procédure civile que l'opposition opère une dévolution très
complète du litige puisqu'elle permet au défaillant de remettre en question « les points jugés par
défaut pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit ». Ce texte rappelle celui de l'article 561 du
même code, aux termes duquel « l'appel remet la chose jugée en question devant la juridiction d'appel
pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit ». L'appel et l'opposition produisent donc des effets
très semblables, mais qui ne sont pas tout à fait identiques, parce que ces deux voies de recours ne
remplissent pas les mêmes fonctions. L'appel met en œuvre le principe du double degré de
juridiction, il est formé à l'issue d'une instance au premier degré, qui a priori s'est déroulée
normalement. Il n'en va pas de même lorsqu'une opposition est formée : par définition, l'instance s'est
déroulée en l'absence du défendeur qui n'a pas pu faire valoir ses moyens. C'est ce qui explique que
l'opposition n'est ouverte qu'au défaillant, ainsi que l'énonce l'article 571 du Code de procédure
civile et qu'il n'existe pas d'opposition incidente, comparable à l'appel incident ou au pourvoi
incident. Le défendeur à l'opposition ne peut demander au juge saisi de l'opposition de modifier la
solution retenue dans le premier jugement, à moins, bien sûr, que la question tranchée ne soit
indissociable des points qui sont soumis au juge par l'opposant 3023. Cela ne signifie pas que celui qui
a comparu ne puisse former aucun recours contre la décision qui l'a débouté. Il lui reste la possibilité
d'utiliser une voie de recours normale, qui, en l'espèce, ne peut être que le pourvoi en cassation 3024.
Par ailleurs, il faut indiquer qu'au regard des règles de droit substantiel, la position de l'opposant est
très favorable : il se trouve remis dans la position qu'il aurait occupée dans l'instance où il a fait
défaut : celle du défendeur en première instance 3025, ou celle de l'intimé en appel 3026.

907 Évolution du litige. – L'instance d'opposition permet-elle une évolution du litige ? La


réponse à cette question découle de l'effet de l'opposition qui vient d'être indiqué : l'opposant se
trouve remis dans la position qu'il aurait occupée dans l'instance où il a fait défaut. C'est dire que
l'opposition fait naître une instance 3027 qui, sous réserve de quelques exceptions limitées, reprend les
règles de l'instance qui s'est déroulée en l'absence de l'opposant. La recevabilité des prétentions
respectives des parties s'apprécie, en fonction de la demande primitive, suivant les règles
ordinaires 3028. Si l'opposition est formée contre un jugement rendu au premier degré, chacune des
parties peut former les demandes incidentes qu'elle souhaite, pourvu qu'elles soient connexes à la
demande tranchée par le jugement par défaut, ainsi que le prévoient les articles 70 et 325 du Code de
procédure civile. Si l'opposition est formée contre un arrêt d'appel, le litige peut évoluer dans la
même mesure que dans une instance d'appel ordinaire.
La possibilité d'une évolution du litige ne contredit pas ce qui vient d'être indiqué sur la
dévolution opérée par l'opposition. Il ne faut pas confondre demande incidente et opposition
incidente (qui n'existe pas). Ce qui est interdit au demandeur originaire, c'est de reprendre les
prétentions dont il a été débouté par la décision rendue par défaut, mais non de soumettre au juge des
prétentions qu'il n'a pas encore eu à examiner. Pareillement, pourvu qu'il ne reprenne pas les
prétentions dont il a été débouté, le demandeur (ou l'appelant) peut développer des moyens nouveaux
à l'appui de ses prétentions, nouvelles ou non, ou à l'encontre de celles de l'opposant. La Cour de
cassation a d'ailleurs eu l'occasion de préciser que seule la recevabilité des prétentions respectives
s'appréciait en fonction de la demande primitive : pour le reste, le juge apprécie les moyens et
prétentions respectifs « en fonction des conclusions prises par les parties sur l'opposition » 3029. Le
demandeur n'a donc pas intérêt à rester inactif, face à l'opposant, au motif qu'il aurait exposé tout ce
qu'il avait à dire dans ses conclusions initiales.

908 Jugement rendu sur l'opposition. – Le fait que l'opposant soit replacé dans la position
qu'il aurait occupée dans l'instance où il a fait défaut n'implique pas pour autant que l'acte
d'opposition suffise à entraîner immédiatement l'anéantissement du jugement rendu par défaut. Le
jugement frappé d'opposition subsiste jusqu'à ce que le juge ait à nouveau statué 3030. Il se trouve dans
la même situation que d'autres jugements contre lesquels sont formées des voies de recours 3031. La
preuve en est que, si l'instance d'opposition vient à se périmer, le jugement frappé d'opposition passe
en force de chose jugée 3032, ce qui serait impossible s'il avait été anéanti par l'acte d'opposition.
Lorsque, à l'issue de l'instance d'opposition, le juge rend une décision différente de celle qu'il
avait rendue précédemment, il est évident que seule demeure la seconde décision. Qu'en est-il en cas
de rejet de l'opposition ? On affirme souvent que, dans ce cas, la première décision demeure
également, avec cette conséquence, par exemple, que le pourvoi en cassation devrait être formé
contre les deux décisions. Cette opinion nous paraît contestable. En effet, à l'instar de l'appel,
l'opposition a un effet dévolutif complet : comme une juridiction d'appel, le juge saisi sur opposition
va statuer à nouveau en fait et en droit. Comme un arrêt d'appel confirmatif, sa décision qui rejette
l'opposition tranche le litige au fond et se substitue à la décision initiale. Peu importe que son contenu
soit identique 3033. En revanche, il est raisonnable d'appliquer l'article 1153-1 du Code civil, par
analogie avec la situation dans laquelle un arrêt d'appel confirme purement et simplement une
décision de première instance : si le juge rejette l'opposition, la condamnation contenue dans le
jugement frappé d'opposition doit porter de plein droit intérêt au taux légal à compter du prononcé de
celui-ci.

SECTION II
LA PROCÉDURE DE L'OPPOSITION

909 Délai de l'opposition. – Les effets attachés à l'opposition justifient qu'il n'existe pas une
véritable procédure de l'opposition. L'instance que fait naître l'opposition 3034 est soumise aux mêmes
règles que celle qui a conduit au jugement par défaut, comme l'énoncent les articles 573 et 576 du
Code de procédure civile. Les seules règles spécifiques à l'instance d'opposition portent sur
l'introduction du recours.
L'article 538 du Code de procédure civile, applicable à l'opposition comme à l'appel, fixe à un
mois à compter de la notification du jugement le délai pour faire opposition et il a déjà été indiqué
qu'il constitue l'un des très rares délais, à l'expiration duquel une partie puisse être relevée de
forclusion par le juge 3035.

910 Forme de l'opposition. – Il résulte de l'article 573 du Code de procédure civile qu'en
principe 3036, l'opposition doit être faite « dans les formes prévues pour la demande en justice devant
la juridiction qui a rendu la décision ». Si l'opposition est dirigée contre un jugement rendu par un
tribunal de commerce, la partie défaillante doit donc assigner son adversaire et déposer une copie de
l'assignation au moins huit jours avant la date prévue pour l'audience 3037.
Au lieu d'utiliser cette modalité, la partie défaillante peut faire opposition en la forme des
notifications entre avocats devant les juridictions où la représentation est obligatoire, pourvu que
l'adversaire soit encore représenté 3038. L'opposition ne se rencontrant pratiquement jamais devant le
tribunal de grande instance, cette disposition n'intéresse guère que la cour d'appel. L'article 575 du
Code de procédure civile ajoute que, lorsque l'opposition est formée de cette façon, « elle doit, à
peine d'irrecevabilité, être déclarée au secrétariat de la juridiction qui a rendu la décision par
l'avocat constitué par le défaillant, dans le mois de la date où elle a été formée 3039 ».
Lorsque l'opposition est formée contre un arrêt d'appel rendu dans une matière régie par la
procédure sans représentation obligatoire, la partie défaillante ne peut pas faire opposition selon la
modalité normale qui consisterait ici en une déclaration au greffe de la juridiction du premier
degré 3040. En effet, dans cette situation, l'article 573 du Code de procédure civile dispose que
l'opposition est formée « par une déclaration que la partie ou tout mandataire fait ou adresse, par pli
recommandé, au greffe de la cour qui a statué ».

911 Motivation de l'opposition. – Enfin, l'article 574 du Code de procédure civile dispose que
l'opposition doit contenir les moyens du défaillant. Ce texte marque que l'opposition constitue une
voie de recours dérogatoire et que c'est par une sorte de faveur que le législateur l'ouvre à la partie
défaillante. Elle n'est pas mise à sa disposition de façon discrétionnaire. En pratique, l'obligation
n'est pas très lourde pour la partie défaillante. Selon que l'opposition est formée contre un jugement
rendu au premier degré ou contre un arrêt d'appel, il lui suffirait soit de développer quelques
explications sur le mal fondé des prétentions du demandeur originaire ou sur l'insuffisance des
preuves produites, soit de reprendre la motivation du jugement contre lequel un appel avait été
interjeté 3041. La Cour de cassation est allée encore plus loin en dispensant le défaillant d'aborder le
fond. Elle décide en effet qu'il peut se contenter de faire valoir qu'il n'a pas été mis à même de se
défendre 3042. L'article 574 n'indique pas quelle sanction est encourue par la partie défaillante si elle
ne satisfait pas à cette obligation. Il paraît logique de décider que le législateur fait de cette
obligation une condition de la voie de recours elle-même et non pas une simple mention obligatoire
de l'instrumentum. Elle doit donc être sanctionnée par une fin de non-recevoir 3043.

BIBLIOGRAPHIE

J. BARRÈRE, « La rétractation du juge civil », Mélanges P. Hébraud, Toulouse, 1981, p. 1.


Y. DESDEVISES, Carence des parties : Jugements par défaut. Jugements réputés contradictoires.
Opposition, Litec, 2003.
CHAPITRE II
LA TIERCE OPPOSITION

912 Présentation générale. – Dans la très grande majorité des cas, le jugement n'intéresse que
les parties et n'affecte pas les droits des tiers de quelque façon que ce soit. En général, il m'importe
peu que le juge dise que Paul est ou n'est pas débiteur de Pierre ou encore qu'il attribue la propriété
d'un terrain voisin du mien à l'un plutôt qu'à l'autre. Le jugement n'intéressant que les parties, c'est à
elles seules que sont normalement ouvertes les voies de recours par lesquelles il peut être attaqué.
De manière exceptionnelle, cependant, il peut arriver qu'un jugement soit susceptible d'affecter les
droits des tiers et c'est en prévision de telles situations qu'est instituée la tierce opposition, que
régissent aujourd'hui les articles 582 à 592 du Code de procédure civile.
Le rôle exact que joue la tierce opposition et son utilité même donnent lieu à d'importantes
discussions. C'est donc en tant que voie de recours que la tierce opposition doit être attentivement
étudiée (section I). En revanche, comme les autres voies de recours particulières, la tierce opposition
n'est pas dotée d'une procédure complète qui lui soit propre : elle est soumise pour l'essentiel aux
règles applicables à l'instance ayant donné lieu au jugement contre lequel elle est formée. Il suffira
donc d'indiquer les particularités qui la distinguent (section II).

SECTION I
LA VOIE DE RECOURS DE LA TIERCE OPPOSITION

913 Utilité de la tierce opposition. – On a soutenu 3044 que la tierce opposition ne répondait
pas à un véritable besoin, en raison de l'effet relatif de la chose jugée : ce qui a été jugé entre deux
personnes ne liant pas les tiers, il suffirait à ces derniers de se prévaloir de la règle de l'article 1351
du Code civil pour écarter le jugement que l'on prétend utiliser contre eux. Le droit positif pourrait
donc éventuellement faire l'économie de cette voie de recours. Une telle opinion est cependant
excessive, car la tierce opposition n'est pas toujours liée de façon indissoluble à l'autorité de la
chose jugée. D'un cas à l'autre, l'auteur du recours ne poursuit pas forcément le même but et l'autorité
de chose jugée ne se trouve pas toujours au cœur des débats. Quelques exemples permettront de le
montrer.
En revenant de son travail, un salarié est victime d'un accident. Le salarié agit contre la caisse de
sécurité sociale et fait juger que son accident doit être qualifié d'accident de trajet. En conséquence,
le juge dit que la caisse doit une certaine somme à ce salarié. En soi, le dispositif de la décision
n'affecte pas la situation de l'employeur et, inversement, si la caisse se fonde sur ce jugement pour lui
demander des cotisations supplémentaires, l'employeur peut lui opposer le caractère relatif de
l'autorité de la chose jugée. Dans une telle hypothèse, où seule est en jeu l'autorité de la chose jugée,
la tierce opposition ne présente guère d'intérêt, même si elle est concevable. Mais supposons, en
second lieu, qu'au terme d'un procès opposant deux personnes sur la propriété d'un terrain, le juge
accueille l'action en revendication du demandeur. Dans cette situation, il est possible qu'un tiers qui
se prétendrait lui aussi propriétaire du terrain décide de former tierce opposition contre le jugement.
Cette voie de recours lui permettra de faire ce qu'il aurait pu faire s'il avait été intervenant à
l'instance qui lui est restée étrangère : tenter de faire reconnaître sa qualité de propriétaire. Ce qui est
à remarquer dans ce second exemple, c'est que la tierce opposition ne portera pas principalement sur
la chose jugée (par exemple, la valeur des titres produits par chacune des parties au procès
originaire), mais sera dirigée contre le dispositif du jugement, à savoir le droit exclusif et opposable
à tous sur le terrain litigieux que le juge a reconnu à l'une des parties. Autrement dit, c'est l'efficacité
substantielle 3045 du jugement qui est en cause et que le tiers opposant remet en question. Dans d'autres
situations, ce sont les effets légalement attachés au dispositif d'une décision qu'il s'agira de faire
écarter. Ainsi, en droit du surendettement, l'article L. 332-6-1 du Code de la consommation permet,
sous certaines conditions, au juge qui ouvre une procédure de rétablissement personnel avec
liquidation judiciaire de clôturer cette procédure pour insuffisance d'actif dans le même jugement. Or,
sauf exceptions, la clôture entraîne « l'effacement » des dettes non professionnelles du débiteur 3046.
Pour éviter la disparition de leur créance, les créanciers non convoqués à l'audience qui a débouché
sur le jugement d'ouverture et de clôture peuvent cependant former tierce opposition dans les deux
mois suivant la publicité de ce jugement. Ce recours ouvert par l'article L. 332-6-1 remet en cause la
clôture de la procédure de rétablissement personnel et, par suite, l'effet légal de celle-ci (l'extinction
d'une dette) 3047.
Dans les deux derniers exemples, l'autorité de chose jugée n'est pas le problème essentiel, car la
tierce opposition a un objet qui va au-delà de la simple constatation du mal fondé du jugement : elle
tend au retrait total ou partiel du dispositif de la décision. Ainsi voit-on apparaître deux sortes de
tierce opposition, que l'on étudiera successivement (§ 1 et 2), en commençant par celle dont l'objet
est le plus fondamental.

§ 1. LA TIERCE OPPOSITION QUI TEND AU RETRAIT DU DISPOSITIF DE LA


DÉCISION ATTAQUÉE

914 Présentation. – L'exemple qui vient d'être utilisé n'a permis que d'esquisser trop
sommairement les traits spécifiques de la tierce opposition, lorsqu'elle tend au retrait du dispositif de
la décision attaquée. Il convient d'en donner maintenant une présentation plus complète, avant de
pouvoir aborder son régime.
Pour comprendre cette première sorte de tierce opposition, il faut partir de son objet, qui est le
retrait du dispositif de la décision attaquée. Or le dispositif contient la réponse qu'a donnée le
premier juge à la prétention formée par le demandeur originaire. Il faut donc remonter encore d'un
étage : sous réserve de quelques rares exceptions 3048, la prétention d'un demandeur porte sur l'effet
juridique d'une règle de droit substantiel. Ainsi, en demandant le retrait du dispositif de la décision
qu'il attaque, le tiers émet lui aussi une prétention portant sur le même effet juridique. Dans l'exemple
utilisé, il demande que le juge dise que les règles sur le droit de propriété doivent jouer à son profit
et qu'il lui reconnaisse la propriété du terrain litigieux. La prétention formée par le tiers est une
prétention « ordinaire », en tous points semblable à celles que peuvent former les parties à l'instance
originaire. C'est encore contre le dispositif du jugement qu'est formée la tierce opposition aux
jugements rendus en matière d'état et de capacité des personnes. Le tiers n'entend pas seulement
contester la réalité et la qualification des faits sur lesquels le juge a fondé sa décision, il veut surtout
que le résultat lui-même soit remis en cause. Il veut par exemple que le bénéficiaire du jugement ne
puisse plus porter le même nom que le sien 3049 ou encore que l'adoption de son petit-fils soit
rétractée 3050.
Même dans ce cas, écrit-on parfois, la tierce opposition ne serait pas nécessaire : si l'on reprend
l'exemple du terrain, il me suffirait d'agir contre celui que le juge a déclaré propriétaire, disons
contre Paul. Une telle solution est certes envisageable, mais elle n'est pas de nature à me donner
pleine satisfaction. Si le juge fait droit à ma demande formée uniquement contre Paul, le jugement
n'est pas doté de l'autorité de la chose jugée à l'égard de Pierre, si bien que rien n'interdit à ce dernier
de former à son tour, contre moi, une demande en revendication. Si le juge fait droit à la demande
de Pierre (on ne peut exclure cette possibilité), le terrain va entrer dans une sorte de ronde sans fin,
en raison des deux autres jugements qui ont déjà été rendus et qui subsistent. En revanche, la tierce
opposition permet de régler définitivement la difficulté. Formée contre le jugement rendu entre Paul
et Pierre, elle conduit à une décision qui s'imposera aux trois intéressés, quel qu'en soit le
contenu 3051.
Paradoxalement, c'est le fait que la prétention du tiers soit ordinaire qui fait, pour partie, la rareté
de cette première forme de tierce opposition. En effet, dans la grande majorité des cas, l'opposabilité
de l'effet juridique de la règle de droit est indifférente aux tiers : que m'importe que le terrain
appartienne à Paul ou à Pierre, puisque, de toute façon, je dois m'abstenir d'y pénétrer. Ce n'est que si
je prétends être le véritable propriétaire du terrain que le dispositif de ce jugement m'intéresse
directement et qu'il me faut alors former tierce opposition contre lui. Par ailleurs, comme on le verra,
le mécanisme de la représentation au procès contribue aussi à limiter la recevabilité de la tierce
opposition 3052

915 Division. – À partir de cette présentation, on peut aborder l'étude du régime de la tierce
opposition. Comme pour les autres voies de recours, on distinguera son ouverture (A) et ses effets
(B).

A. L'OUVERTURE DE LA TIERCE OPPOSITION

916 Condition spécifique et conditions générales. – Aux termes de l'article 583 du Code de
procédure civile, « est recevable à former tierce opposition toute personne qui y a intérêt, à la
condition qu'elle n'ait été ni partie ni représentée au jugement qu'elle attaque ». De ce texte, il résulte
que l'ouverture de la tierce opposition est soumise à une condition qui lui est spécifique, celle d'être
tiers au jugement rendu. La notion de tiers soulève des difficultés qui justifient qu'un développement
lui soit consacré (1). Par ailleurs, l'opposant doit satisfaire à la condition générale d'avoir intérêt
pour agir. Quel est le sens exact de cette exigence en matière de tierce opposition et qu'en est-il de la
qualité pour agir (2) ?

1. La notion de tiers

917 Ni partie ni représentée. – Quand est-on tiers au jugement rendu 3053 ? À cette question,
l'article 583 du Code de procédure civile répond par deux indications négatives : il faut que la
personne n'ait été ni partie ni représentée. L'exemple du terrain dont la propriété est contestée par
trois personnes illustre de façon très claire la première condition négative posée par l'article 583. Il
convient seulement de préciser que la notion de partie doit être prise dans son sens précis : une
personne peut donc former tierce opposition à un jugement auquel elle a été partie en une autre
qualité 3054.
Cette condition donne naissance à une figure particulière de la tierce opposition, en ce qu'elle
permet à une personne de critiquer une décision rendue en son absence, alors qu'elle aurait dû être
appelée à l'instance. Deux exemples permettent d'illustrer ce cas de figure. L'article 1751 du Code
civil dispose que le bail du local dépourvu de caractère professionnel ou commercial et qui sert à
l'habitation des deux époux est, dans tous les cas, « réputé appartenir à l'un et à l'autre des époux »,
sans que les époux se représentent mutuellement. Si le bailleur souhaite mettre fin au bail, il doit donc
en demander la résiliation contre les deux époux. Il arrive néanmoins qu'il ne forme sa demande que
contre l'un d'eux, par exemple, parce qu'il ignore le mariage de son locataire initial. Si le bailleur
obtient du juge la résiliation du bail, la décision produit son effet, mais uniquement à l'égard de
l'époux défendeur, ce qui en fait une décision bancale. La tierce opposition formée par l'autre époux
permet de donner au litige une solution définitive : le jugement, quel qu'en soit le contenu, règle la
question dans les rapports entre le bailleur et ses deux locataires 3055. Il peut encore arriver, en
second lieu, qu'une personne vienne à décéder en cours d'instance et que l'instance soit
interrompue 3056. Pour reprendre l'instance, son adversaire doit citer ses héritiers. S'il ne cite que
certains héritiers, de nouveau apparaît une situation bancale, puisque le jugement n'a pas effet à
l'égard des autres. De nouveau, la tierce opposition que peuvent former les héritiers restés en dehors
de l'instance permet de donner au litige une solution définitive 3057.

918 Représentation civile et représentation au procès. – Même si on n'a pas été


personnellement présent au procès, on n'est pas tiers si on y a été représenté. La règle joue sans
difficultés pour les personnes représentées au sens ordinaire du droit civil, parce qu'elles sont les
véritables parties au jugement rendu. En dehors de la représentation stricto sensu, la tierce
opposition est fermée à l'époux ou à l'épouse dans la limite des pouvoirs reconnus à son conjoint sur
les biens communs. Chacun des époux ayant, en sa qualité d'administrateur de la communauté, le
pouvoir d'exercer ou de défendre seul aux actions concernant ce type de bien, les décisions rendues à
l'encontre de l'un sont opposables à l'autre, lequel ne peut les remettre en cause, en prétendant y être
tiers 3058. De la même façon, la tierce opposition est fermée aux ayants cause universels 3059, car ils
poursuivent la personne du défunt. Pour la Cour de cassation, elle est également fermée aux ayants
cause particuliers 3060, dans les procédures relatives au bien transmis, du moins tant que la
transmission du bien n'a pas eu lieu 3061. En quelque sorte, celui qui acquiert un bien ne peut former
tierce opposition contre le jugement rendu à l'encontre de son auteur à une époque où ce dernier était
encore propriétaire. Ses intérêts sont censés avoir été défendus en justice par le cédant, de manière
anticipée.
La tierce opposition est encore fermée dans d'autres situations. On peut imaginer ainsi qu'une
personne ne prétende pas être le propriétaire du terrain que se disputaient Pierre et Paul, mais qu'elle
soit le créancier de Pierre. Le jugement qui attribue le terrain à Paul lui est évidemment
préjudiciable : Paul pourra le lui opposer et l'empêcher ainsi de saisir ce bien pour obtenir le
paiement de sa créance sur Pierre. Cependant il ne peut pas former tierce opposition au jugement
rendu entre Pierre et Paul, parce qu'en principe, le créancier chirographaire est représenté au procès
par son débiteur : le dispositif du jugement peut être invoqué contre lui et il est lié par ce qui a été
jugé contre son débiteur. De façon générale, la tierce opposition est fermée à tous ceux dont la
jurisprudence décide qu'ils sont représentés au procès par une autre personne 3062. Il en va ainsi
notamment des codébiteurs et, jusqu’à un revirement de jurisprudence intervenu en 2015 3063, ce
régime s’appliquait aussi aux cautions solidaires 3064. De même encore, le sous-locataire est
représenté par le locataire au procès qui oppose ce dernier au propriétaire 3065. La détermination des
cas de représentation au procès relève plus de la casuistique que de critères vraiment opérationnels.
La seule ligne directrice fournie par la Cour de cassation est que « la communauté d'intérêt ne saurait
suffire à caractériser cette représentation 3066 ».
La jurisprudence relative à la représentation est critiquable 3067 en raison de l'extension qui lui a
été donnée. On peut tenir pour normal que le créancier chirographaire soit représenté par son
débiteur. En revanche, la représentation était particulièrement choquante lorsqu'elle jouait à
l'encontre de la caution solidaire, parce qu'elle légitimait et encourageait une attitude procédurale
frauduleuse. En effet, alors même qu'il n'avait l'intention de demander le paiement qu'à la caution, le
créancier pouvait se contenter d'agir contre le débiteur principal, en espérant que ce dernier ne se
défendrait pas, ce qui arrivait presque toujours lorsqu'il était en faillite 3068. Il y avait quelque chose
d'immoral à permettre au créancier de ne pas s'adresser au véritable défendeur, mais seulement à
celui qu'il faut bien appeler un faux défendeur, et à interdire en même temps au véritable défendeur le
droit de former tierce opposition. Au-delà du cas particulier de la caution, sur lequel la jurisprudence
est revenue en 2015, la théorie de la représentation conduit fréquemment à des situations choquantes,
à tel point que la Cour de cassation en a déjà écarté l'application, à plusieurs reprises, au nom de
principes du droit européen tels que le droit à un procès équitable 3069 ou le droit d'accès au juge 3070.
Quoi qu'il en soit, en l'état actuel du droit positif, ce n'est qu'en cas de fraude du représentant vrai
ou du « représentant » au procès 3071 ou lorsque le prétendu représenté invoque des moyens qui lui
sont propres, que la représentation cesse de produire effet et que la tierce opposition est de nouveau
ouverte au représenté 3072.

919 Ouverture contre tout jugement. – Les situations dans lesquelles un tiers est affecté par
le dispositif du jugement sont suffisamment rares pour que le législateur ne restreigne pas davantage
la tierce opposition. C'est pourquoi l'article 585 du Code de procédure civile pose que « tout
jugement est susceptible de tierce opposition si la loi n'en dispose autrement ». En d'autres termes, la
tierce opposition peut être formée contre toute sorte de jugement 3073, qu'il soit contentieux ou
gracieux, qu'il soit définitif ou provisoire 3074. La seule condition est qu'il soit susceptible d'un
recours indépendant, ce qui n'est pas le cas des jugements avant dire droit.
Il résulte cependant de la combinaison des articles 546 et 583 du Code de procédure civile que le
jugement gracieux, rendu en premier ressort seulement, ne peut être attaqué qu'au moyen d'un appel
par les tiers auxquels il a été notifié. La raison de cette disposition est facile à comprendre. Le
législateur a supprimé un degré de juridiction, pour accélérer le déroulement du procès 3075.

920 Restrictions particulières à la tierce opposition. – Ce n'est que de façon très


exceptionnelle que le législateur restreint le droit de former tierce opposition. Pour cela, il peut
interdire ouvertement la tierce opposition de façon totale ou partielle : c'est ainsi qu'aux termes de
l'article 353-2 du Code civil, « la tierce opposition à l'encontre du jugement d'adoption n'est
recevable qu'en cas de dol ou de fraude imputable aux adoptants » 3076. Dans tous les autres cas, elle
est fermée.
Le législateur peut encore obtenir le même résultat en conférant aux énonciations du jugement
« l'autorité absolue » de la chose jugée 3077, celle-ci interdisant à toute personne de contester les faits
retenus dans le jugement et les conséquences de droit qui en ont été tirées. Il en résulte de façon
nécessaire, bien qu'indirecte, une impossibilité de remettre en cause le dispositif de la décision. Il est
certes exact qu'au sens strict, le dispositif de la décision n'est pas couvert par l'autorité de la chose
jugée, mais en pratique le résultat est le même : modifier le dispositif de la décision méconnaîtrait le
lien de dépendance nécessaire que le juge a établi entre ses constatations figurant dans les motifs et la
décision qu'il a prise dans le dispositif. Or ce lien est couvert par l'autorité de la chose jugée.
Contrairement à ce que prônent certains auteurs 3078, il nous semble que la fermeture de la tierce
opposition est la traduction naturelle et logique de « l'autorité absolue » de la chose jugée.

2. La qualité et l'intérêt

921 Qualité pour agir. – Il est curieux de constater que l'article 583 du Code de procédure
civile ne fait pas mention de la qualité. Cette omission s'explique sans doute par la conception,
retenue par les rédacteurs du Code de procédure civile, des deux conditions de l'action : sauf
exception, l'intérêt est la condition à la fois nécessaire et suffisante pour pouvoir agir. Il convient
néanmoins d'examiner la recevabilité de la tierce opposition au regard des deux conditions.
Pour ce qui est de la qualité ce sont les actions attitrées qui suscitent l'hésitation. Peut-on admettre
une tierce opposition formée par une personne autre que celles à qui la loi réserve le droit d'agir ? En
principe, la réponse à cette question ne peut être que négative et c'est bien dans ce sens qu'est
orientée la jurisprudence de la Cour de cassation : « la tierce opposition n'est pas ouverte lorsque la
décision qu'elle prétend critiquer a été rendue à la suite d'une action dont la loi réserve l'exercice à
certaines personnes qu'elle désigne 3079 ». Ainsi, on ne saurait admettre qu'un particulier puisse faire
tierce opposition à un jugement de divorce 3080, ni même qu'il puisse, par cette voie, obtenir
l'annulation d'un contrat auquel il n'est pas partie, dès lors qu'il n'est pas la personne pour la
protection de laquelle la nullité relative de cet acte a été édictée 3081. Pareillement, il a été jugé qu'un
époux, même marié en communauté universelle, n'avait pas qualité pour demander le partage des
biens successoraux indivis échus à son conjoint et qu'il ne pouvait donc pas non plus former tierce
opposition au jugement ayant statué sur ce partage 3082. On trouve cependant quelques arrêts qui
déclarent recevable une tierce opposition formée par une personne dépourvue de qualité pour agir. La
Cour de cassation a ainsi décidé à plusieurs reprises que « le fait de ne pas avoir qualité pour saisir
le juge des enfants d'une procédure d'assistance éducative n'implique pas l'impossibilité, pour les
personnes qui y ont intérêt, d'intervenir dans la procédure et, si elles n'y ont pas été parties, de faire
tierce opposition aux décisions leur faisant grief 3083 ». Cette solution est critiquable, en ce qu'elle
altère la cohérence du droit judiciaire privé. La personne qui fait tierce opposition émet une
prétention pour son compte, elle agit au sens de l'article 30 du Code de procédure civile. Admettre la
tierce opposition d'une personne dépourvue de qualité dans une action attitrée, c'est méconnaître
l'irrecevabilité, édictée par l'article 32 du même code, de « toute prétention émise par ou contre une
personne dépourvue du droit d'agir ».

922 Lien entre la qualité et le droit substantiel. – Si, de lege lata, on ne peut que critiquer la
position adoptée par la Cour de cassation dans ces arrêts, leur existence manifeste l'existence de
difficultés qui appelleraient sans doute des modifications du droit positif. Pour aller à l'essentiel, on
peut dire que le droit français pratique la politique du tout ou rien : ou je suis dans le cercle des
personnes à qui la loi confère qualité, et la loi me permet de faire valoir la règle de droit ; ou je suis
placé en dehors de ce cercle, et la loi me réduit à l'état de spectateur passif. En permettant à une
personne dépourvue de qualité de faire tierce opposition, la Cour de cassation la fait entrer de façon
détournée dans le cercle dont la loi l'avait exclue. La motivation du juge est facile à comprendre. Il
lui semble qu'il n'est pas juste de réduire indistinctement toutes les autres personnes au silence total.
Ce n'est sans doute pas le fait du hasard que, dans les trois décisions citées, la tierce opposition
avait été formée par des grands-parents à propos de mesures prises à l'initiative des parents, ou
même d'une administration, sans qu'ils aient pu se faire entendre. La tierce opposition, au même titre
que l'intervention, est utilisée comme le moyen de leur conférer une sorte de qualité partielle, et on
constate, une fois de plus, que derrière l'écran de la qualité, se profile une question de droit
substantiel : la véritable question est de savoir si les grands-parents ne disposent d'aucune
prérogative à l'égard de leurs petits-enfants, tant que les parents sont vivants. La position de la Cour
de cassation a donc le mérite de faire ressortir l'incohérence du droit positif qui leur reconnaît ces
prérogatives et, en même temps, ne leur donne pas les moyens de les faire valoir 3084.

923 Intérêt pour agir. – La notion d'intérêt pour agir est liée à l'objet de cette première figure
de la tierce opposition. Puisque la voie de recours tend au retrait du dispositif, il faut que le
dispositif du jugement porte atteinte aux prérogatives de la personne qui entend former tierce
opposition 3085. En reprenant la terminologie usuelle, on dira que cette circonstance suffit à lui
conférer intérêt pour agir. Inversement, si le dispositif du jugement ne porte pas atteinte à l'un de ses
droits, sa tierce opposition est irrecevable pour défaut d'intérêt 3086.

B. LES EFFETS DE LA TIERCE OPPOSITION

924 Absence d'effet suspensif. – En raison de sa qualification de voie de recours


extraordinaire, la tierce opposition n'est pas normalement dotée d'un effet suspensif. Cependant les
articles 589 et 590 du Code de procédure civile contiennent d'importantes dérogations à cette règle
de principe. En premier lieu, l'article 589, reprenant la disposition de l'article 110 du même code 3087,
dispose que le juge devant lequel est produit le jugement frappé de tierce opposition « peut, suivant
les circonstances, passer outre ou surseoir ». En second lieu, et surtout, l'article 590 confère au juge
saisi de la tierce opposition le pouvoir de suspendre l'exécution du jugement attaqué. Chaque fois
qu'il l'estime opportun, le juge peut donc conférer un effet suspensif à cette voie de recours.

925 Étendue de la dévolution. – La dévolution opérée par la tierce opposition est commandée
par sa nature de voie de recours ouverte par la loi au bénéfice d'un tiers. D'abord, la dévolution
s'opère en fait et en droit : pour obtenir du juge qu'il revienne sur sa décision, le tiers a besoin, dans
l'écrasante majorité des cas, de verser aux débats des faits que les parties originaires n'avaient pas
allégués. En second lieu, seule la partie du litige qui intéresse le tiers se trouve dévolue au juge saisi
de la voie de recours. Les autres chefs de la décision ne sont pas remis en cause par la tierce
opposition. Ainsi que l'énonce l'article 591 du Code de procédure civile, « la décision qui fait droit à
la tierce opposition ne rétracte ou ne réforme le jugement attaqué que sur les chefs préjudiciables au
tiers opposant ».
Le fait que la tierce opposition soit ouverte au seul profit du tiers se manifeste de façon encore
plus nette dans les effets attachés à la décision rendue sur les chefs du premier jugement qui sont
remis en cause par la tierce opposition. L'article 591 ajoute en effet que « le jugement primitif
conserve ses effets entre les parties, même sur les chefs annulés ». Par exemple, à supposer qu'une
caution puisse former tierce opposition au jugement rendu à la demande du créancier 3088 et que le
juge rétracte son premier jugement au motif que la prétendue obligation du débiteur principal n'a
jamais existé, le jugement rendu sur la tierce opposition ne profite qu'à la caution : ce n'est qu'à son
égard qu'il est jugé que la créance n'existe pas. En revanche, le créancier et le débiteur restent soumis
au premier jugement, si bien que le créancier peut encore le faire exécuter contre le débiteur
principal. On peut encore imaginer le cas dans lequel l'acquéreur d'un ensemble immobilier a obtenu
un jugement autorisant l'expulsion du précédent propriétaire et de « tout occupant de son chef ». Un
locataire qui disposerait, sur une partie de cet immeuble, d'un bail antérieur passé en la forme
authentique, pourrait former tierce opposition contre ce jugement en dépit de la théorie de la
« représentation », car il aurait un moyen propre à faire valoir 3089, fondé sur l'opposabilité de son
bail au nouveau propriétaire 3090. En cas de succès de la tierce opposition, le dispositif du jugement
d'expulsion ne serait alors retiré qu'à l'égard de ce locataire. L'expulsion du vendeur et de ses
proches ou des autres locataires pourrait avoir lieu.
L'article 591 du Code de procédure civile écarte cependant l'effet relatif de la tierce opposition
en cas d'indivisibilité entre les droits du tiers opposant et des parties originaires, et une telle situation
se rencontre fréquemment dans la tierce opposition tendant au retrait du dispositif de la décision
attaquée. En effet, l'objet de cette voie de recours implique souvent que le jugement finalement obtenu
produise effet à l'égard de toutes les parties, y compris dans les rapports entre les parties à l'instance
initiale. Ainsi, le retrait du dispositif du premier jugement ne peut pas être limité au seul profit du
tiers lorsque le jugement statue sur une question de propriété : par la force des choses, une fois que le
juge a dit que le terrain litigieux appartient au tiers opposant, il ne peut plus rien rester du premier
jugement entre les parties originaires 3091. Il en va de même en matière d'état des personnes : la
titularité d'un nom de famille, par exemple, ne peut pas valoir que dans les rapports entre certaines
parties, elle vaut nécessairement à l'égard de tous. C'est encore la même solution qui doit être retenue
lorsque la personne qui aurait dû être partie au litige forme une tierce opposition qui met fin à la
situation bancale qui résultait de son absence au procès : si le juge rétracte sa première décision sur
le bail dont bénéficient deux époux, on ne saurait envisager qu'il ne continue que pour l'un d'eux ou
que le loyer reste dû par l'un, mais non par l'autre 3092.
L'indivisibilité correspond certainement à la majorité des cas de tierce opposition. En pratique, la
divisibilité des droits du tiers opposant et des parties originaires n'est concevable que dans des
situations très particulières telles que celles précédemment évoquées à propos d'une caution ou d'un
locataire.

§ 2. LA TIERCE OPPOSITION QUI TEND À LA DÉCLARATION DE MAL FONDÉ


DE LA DÉCISION ATTAQUÉE

926 Présentation. – La tierce opposition qui tend à une simple déclaration de mal fondé
correspond à des situations différentes de celles qui ont été abordées jusqu'à présent. Elles sont aussi
beaucoup plus rares en pratique. Dans ces situations, l'effet juridique de la règle substantielle, que
consacre le dispositif du jugement, n'affecte pas en lui-même le tiers. Si l'on reprend un exemple déjà
utilisé, la créance que le jugement reconnaît au salarié accidenté contre la caisse de sécurité sociale
est en soi indifférente à l'employeur, mais ce dernier peut tout de même former tierce opposition 3093.
L'employeur n'est ni l'assureur ni la caution de la caisse et, sur un plan procédural, l'employeur n'est
pas représenté au procès par celle-ci 3094. Pour dire les choses simplement, la condamnation de la
caisse n'engage en rien l'employeur, elle ne lui coûte pas un sou. Si la caisse de sécurité sociale ou le
salarié entendent obtenir une condamnation de l'employeur, il faut qu'ils se prévalent d'un droit
différent de celui qui a fait l'objet du premier jugement. Mais, si le droit est effectivement différent, il
repose, en totalité ou au moins en partie, sur les mêmes faits, appréciés au regard de la même
qualification juridique : dans l'exemple choisi, le point commun est la qualification d'accident de
trajet qui peut être donnée à l'accident dont le salarié a été la victime.
Cet exemple fait ressortir l'objet de la tierce opposition qui va être formée par l'employeur. Ce
dernier entend qu'il soit jugé à l'égard de la caisse et de son salarié que c'est à tort qu'il a été décidé
que l'accident était un accident de trajet, pour que, par la suite, ils ne puissent plus former contre lui
une demande qui reposerait sur cette condition. En termes de structure de la règle de droit,
l'employeur forme une demande dont l'objet est un élément du présupposé d'une règle de droit 3095.
Par là se manifeste le caractère essentiellement déclaratoire de la tierce opposition qui est maintenant
examinée. Plus précisément, on peut rattacher cette tierce opposition à la variété des actions
déclaratoires préventives. Le tiers craint qu'une personne prétende être titulaire d'un droit contre lui ;
il prend les devants en faisant juger que l'une des conditions du droit susceptible d'être invoqué
n'existe pas.
En droit, cette forme de tierce opposition constitue une figure très spéciale sur l'existence de
laquelle il est permis de s'interroger. On chercherait en vain un texte consacrant expressément son
existence et le caractère déclaratoire de cette tierce opposition préventive pourrait faire douter de sa
recevabilité 3096. Pourtant, ce type de voie de recours peut se rencontrer (très exceptionnellement, on
s'en doute) en jurisprudence 3097.

927 Division. – La tierce opposition tendant à la déclaration de mal fondé de la décision


attaquée appelle, elle aussi, des développements qui seront plus succincts sur son ouverture (A), puis
sur ses effets (B).

A. L'OUVERTURE DE LA TIERCE OPPOSITION

928 Intérêt pour agir. – Ainsi que la précédente, cette seconde sorte de tierce opposition n'est
ouverte qu'à ceux qui n'ont pas été parties à l'instance ayant conduit au jugement attaqué. Faut-il
exclure de nouveau les personnes qui sont tenues pour représentées au procès ? La question n'a guère
de sens 3098. La représentation au procès qui joue à l'encontre du créancier chirographaire fait que non
seulement le jugement a autorité de chose jugée contre lui, mais qu'en plus il est lié par le dispositif
du jugement. Une tierce opposition à caractère purement déclaratoire ne présente pas d'intérêt pour
lui. Pour que ses droits soient protégés, il faudrait qu'il puisse utiliser la première sorte de tierce
opposition et il a déjà été indiqué qu'elle lui est fermée, sauf en cas de fraude.
Comme toutes les actions déclaratoires, la tierce opposition qui tend à la déclaration de mal fondé
du jugement attaqué soulève une difficulté tenant à l'intérêt 3099 pour agir, qui doit être résolue selon
les lignes directrices déjà indiquées 3100 : la recevabilité de la tierce opposition est liée à son utilité,
c'est-à-dire à la probabilité que l'une des parties à la première instance forme une demande contre le
tiers. Si la probabilité est importante, il est opportun de permettre au tiers de faire juger
immédiatement que cette action est vouée à l'échec. Inversement, si la probabilité est très faible, la
tierce opposition crée un contentieux artificiel, qui encombre inutilement le rôle des tribunaux 3101.
B. LES EFFETS DE LA TIERCE OPPOSITION

929 Effets limités. – Les effets de la tierce opposition sont limités comme le sont toujours ceux
d'une action déclaratoire. Le juge va statuer à nouveau sur un ou sur plusieurs éléments du présupposé
de la règle de droit sur laquelle il a fondé sa première décision. L'intérêt de la décision rendue sur la
tierce opposition est qu'elle aura autorité de la chose jugée pour ou contre le tiers opposant, à l'égard
des parties à la première instance 3102. Cet effet de la tierce opposition conduit à la rapprocher de
l'intervention forcée aux fins de jugement commun dont elle constitue une sorte de pendant.
L'intervention forcée aux fins de jugement commun permet aux parties originaires d'obliger un tiers à
discuter sur un élément du présupposé de la règle de droit qui est mise en jeu par leur litige, pour que
la décision ait autorité de chose jugée à son égard. Réciproquement, la tierce opposition déclaratoire
permet au tiers d'obliger les parties originaires à discuter sur un élément du présupposé de la règle de
droit qui a été mise en jeu par leur litige, pour que la décision ait autorité de chose jugée à leur
égard 3103.
Négativement, cette seconde sorte de tierce opposition n'exerce jamais d'influence sur le
dispositif de la décision attaquée, qui continue à régir les parties de la même façon. La raison en est
que l'indivisibilité est liée à l'impossibilité d'exécuter en même temps les dispositifs des deux
décisions. Ici, une telle impossibilité ne peut pas apparaître, puisque le dispositif de la seconde
décision n'appelle pas d'exécution.

SECTION II
LA PROCÉDURE DE LA TIERCE OPPOSITION

930 Distinction. – Le premier trait qui distingue la procédure de la tierce opposition est qu'elle
se présente sous deux modalités différentes : le Code de procédure civile distingue la tierce
opposition principale (§ 1) et la tierce opposition incidente (§ 2). L'étude de la voie de recours a
montré que, selon leur objet, on pouvait distinguer deux sortes de tierce opposition. Chacune des
deux sortes de procédure ne correspond pas strictement à l'une des deux sortes de voies de recours.
La tierce opposition formée à titre principal peut tendre aussi bien au retrait du dispositif qu'à une
simple déclaration de mal fondé de la décision attaquée. En revanche, on ne voit pas pourquoi une
partie formerait de façon incidente une tierce opposition tendant seulement à une déclaration de mal
jugé : il lui suffit d'opposer l'effet relatif de l'autorité de la chose jugée pour écarter le jugement
invoqué contre elle.

§ 1. LA TIERCE OPPOSITION PRINCIPALE

931 Introduction de l'instance. – La tierce opposition étant une voie de rétractation,


l'article 587 du Code de procédure civile dispose que la compétence pour connaître du recours
appartient au juge qui a rendu la décision attaquée.
L'article 586 du Code de procédure civile pose qu'en principe, la tierce opposition est ouverte
pendant trente ans à compter du jugement. Ce délai étonnamment long pour une voie de recours est lié
au fait que celle-ci est ouverte à des personnes qui peuvent légitimement ignorer l'existence d'un
procès auquel elles sont demeurées étrangères. Cependant, les parties ont la possibilité d'échapper à
la menace d'une tierce opposition très tardive, en notifiant le jugement à ceux qui seraient
susceptibles d'emprunter cette voie de recours. En effet, en matière contentieuse, comme en matière
gracieuse 3104, le tiers à qui le jugement a été notifié ne peut faire tierce opposition que dans les deux
mois qui suivent la notification, à condition que celle-ci « indique de manière très apparente le délai
dont il dispose ainsi que les modalités selon lesquelles le recours peut être exercé ». Par ailleurs,
l'article 586 réserve l'existence de textes particuliers prévoyant un délai plus court, même en
l'absence de notification. C'est ainsi que l'article 1298 du Code de procédure civile enferme dans un
délai d'un an à compter de l'accomplissement des formalités de publicité le droit de former une tierce
opposition contre les jugements de séparation judiciaire de biens.
Enfin, à défaut de texte général précisant la manière dont il convient de former tierce
opposition 3105, il y a lieu de considérer que l'instance est introduite par l'un des actes de procédure
utilisables pour la création d'une instance ordinaire devant la juridiction compétente. Ainsi, lorsque
le jugement attaqué a été rendu par un tribunal de grande instance, il convient de procéder par voie
d'assignation, tandis que la tierce opposition contre le jugement d'un conseil de prud'hommes sera
effectuée par une déclaration faite ou adressée par lettre recommandée au greffe de cette
juridiction 3106. De plus, il faut logiquement considérer que c'est l'acte introductif d'instance qui
interrompt le délai pour former tierce opposition et non pas, comme on le croit parfois, la saisine de
la juridiction 3107. En effet, les textes relatifs à la tierce opposition ne comportent pas de dispositions
qui dérogeraient au principe général selon lequel c'est l'acte introductif d'instance qui interrompt les
délais pour agir et non la saisine du juge 3108.

932 Déroulement de l'instance. – L'instance peut ne réunir, outre le tiers opposant, que
certaines des parties à l'instance originaire. Par exemple, lorsque la tierce opposition ne tend qu'à
une déclaration de mal jugé, le tiers pourrait ne citer que la partie dont il peut craindre qu'elle se
prévale du premier jugement contre lui. En pratique, il est d'usage de citer toutes les parties au
premier procès, mais il est à noter que ce n'est qu'en cas d'indivisibilité à l'égard de plusieurs parties
au jugement attaqué que l'article 584 du Code de procédure civile oblige le tiers à les appeler toutes
à l'instance, à peine d'irrecevabilité de sa tierce opposition.
L'instance se déroule selon les règles ordinaires de procédure applicables devant la juridiction
saisie du recours 3109. Sur ce point, il convient seulement de signaler que l'article 587 du Code de
procédure civile dispose que, « lorsque la tierce opposition est dirigée contre un jugement rendu en
matière gracieuse, elle est formée, instruite et jugée selon les règles de la procédure contentieuse ».
La solution est commandée par la transformation de l'affaire que crée la tierce opposition. On sait
que toute affaire gracieuse est susceptible de se transformer en affaire contentieuse 3110, dès lors
qu'elle donne lieu à un litige, et précisément la demande du tiers manifeste l'existence d'un tel litige.
Enfin, l'article 592 du Code de procédure civile dispose que le jugement rendu sur tierce
opposition est susceptible des mêmes recours que les décisions de la juridiction dont il émane.

§ 2. LA TIERCE OPPOSITION INCIDENTE

933 Exemple. – Comme son nom l'indique, la tierce opposition incidente est formée dans le
cadre d'une instance déjà existante, qui a un autre objet. Par exemple, un créancier agit contre la
caution en se prévalant du jugement qu'il a obtenu contre le débiteur principal. La caution aura intérêt
à former une tierce opposition incidente au jugement rendu contre le débiteur principal 3111. Par
rapport à la tierce opposition principale, elle présente quelques traits particuliers pour ce qui est de
la compétence et du délai dans lequel elle doit être exercée.

934 Compétence. – La difficulté tient à ce que l'instance au cours de laquelle la tierce


opposition est formée peut se dérouler devant une juridiction autre que celle qui a rendu le jugement
attaqué, alors que la tierce opposition est normalement une voie de rétractation. Cette juridiction
peut-elle néanmoins en connaître ? L'article 588 du Code de procédure civile conduit à distinguer
selon les situations. Lorsque l'instance est pendante devant une juridiction d'un degré supérieur au
tribunal qui a rendu la décision attaquée (c'est-à-dire, en pratique, lorsqu'une partie invoque devant la
cour d'appel une décision rendue au premier degré), cette juridiction est compétente pour statuer sur
la tierce opposition incidente. Lorsque l'instance est pendante devant une juridiction de degré égal au
tribunal qui a rendu la décision attaquée, cette juridiction n'est compétente que si aucune règle de
compétence d'ordre public n'y fait obstacle 3112. Dans ces deux premières hypothèses, la tierce
opposition vient s'ajouter au litige déjà pendant devant la juridiction, et c'est pourquoi l'article 588
dispose qu'elle doit être formée comme le sont les demandes incidentes : contre les parties qui
comparaissent, de la même manière que sont présentés les moyens de défense ; contre les autres
personnes, dans les formes prévues pour l'introduction de l'instance, sauf en appel, où elles sont
formées par voie d'assignation 3113.
Lorsque les deux juridictions sont de niveau égal, mais qu'une règle de compétence d'ordre public
interdit à la juridiction saisie de connaître de la tierce opposition ou, a fortiori, lorsque la juridiction
saisie est d'un degré inférieur à celle qui a rendu la décision attaquée, l'article 588 du Code de
procédure civile dispose que « la tierce opposition incidente est portée, par voie de demande
principale, devant la juridiction qui a rendu le jugement » attaqué. Par exemple, un tribunal de grande
instance ne peut pas connaître de la tierce opposition incidente formée contre un arrêt d'appel. La
tierce opposition doit alors être formée devant la cour d'appel qui a rendu la décision attaquée. La
tierce opposition n'étant pas une voie de recours suspensive, l'instance n'est pas suspendue de plein
droit devant le tribunal incompétent pour connaître de la tierce opposition, mais l'article 589 du Code
de procédure civile prévoit que, s'il l'estime opportun, le tribunal peut surseoir à statuer. Il est encore
à noter qu'en dépit du fait qu'elle soit formée devant la juridiction qui avait rendu la décision
attaquée, l'article 588 énonce expressément que la tierce opposition reste une tierce opposition
incidente, ce qui est important pour le délai dans lequel elle doit être formée.

935 Délai. – L'article 586 du Code de procédure civile dispose que la tierce opposition
incidente « peut être formée sans limitation de temps contre un jugement produit au cours d'une autre
instance ». Cette règle est manifestement inspirée de la maxime quae temporalia 3114, et elle repose
sur le même fondement. À la différence de la tierce opposition principale, la tierce opposition
incidente n'est donc pas enfermée dans le délai de trente ans, ni même dans les délais plus brefs
édictés par certains textes pour l'exercice de la tierce opposition principale 3115. En revanche, la
limitation à deux mois du délai pour former tierce opposition joue indistinctement contre tous ceux
qui ont reçu notification du jugement.

BIBLIOGRAPHIE
J. BARRÈRE, « La rétractation du juge civil », Mélanges P. Hébraud, Toulouse, 1981, p. 1.
L. BOYER, « Les effets des jugements à l'égard des tiers », RTD civ. 1951, p. 163.
S. HAZOUG, De la représentation du tiers en matière de tierce-opposition, thèse Strasbourg, 2014.
H. ROLAND, Chose jugée et tierce opposition, Lyon, 1958.
D. VEAUX et P. VEAUX-FOURNERIE, « Les surprises de la tierce opposition », Mélanges H. D. Cosnard,
Economica, 1990, p. 409.
CHAPITRE III
LE RECOURS EN RÉVISION

936 Recours en révision et requête civile. – Le recours en révision constitue l'une des
innovations les plus heureuses du Code de procédure civile élaboré dans les années 1970. Cette voie
de recours extraordinaire, que régissent les articles 593 à 603, a remplacé avantageusement la
requête civile 3116, qui avait elle-même succédé, en 1667, à la proposition d'erreur qu'avait connue le
Moyen Âge. La requête civile, dont la réforme était souhaitée depuis longtemps, présentait le grave
inconvénient de confondre dans le même recours des situations très différentes : qu'y avait-il de
commun entre le défaut de communication du dossier au ministère public, l'erreur judiciaire fondée
sur la fraude de l'adversaire et l'omission de statuer ? Par ailleurs, la détermination de la frontière
entre la requête civile et le pourvoi en cassation soulevait de très grandes difficultés pratiques. Pour
mettre fin à tous ces inconvénients, les rédacteurs du Code actuel n'ont conservé au recours en
révision que ce qui faisait le cœur et la spécificité de la requête civile : la réparation de l'erreur
judiciaire dans certains cas très précisément délimités.

937 Spécificité du recours en révision. – Cette originalité du recours en révision ne ressort


pas clairement de la définition qu'en donne l'article 593 du Code de procédure civile, aux termes
duquel « le recours en révision tend à faire rétracter un jugement passé en force de chose jugée pour
qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit ». Le fait qu'il s'agisse d'une voie de rétractation, la
condition que le jugement soit passé en force de chose jugée et l'effet dévolutif dont il est doté
montrent, de façon négative, les différences qui le séparent de l'appel, de l'opposition et du pourvoi
en cassation. Mais cela ne fait pas ressortir sa spécificité.
Positivement, le recours en révision se distingue des autres voies de recours sur deux points. Le
premier est qu'il peut être formé par une partie au litige alors qu'il n'est plus temps de former les
autres voies de recours. Il est ainsi sans intérêt que, deux ans après le jugement qui l'a condamné, un
plaideur soit à même de produire de nouveaux témoignages ou de nouveaux indices montrant que le
juge avait mal interprété le contrat litigieux : l'autorité de chose jugée qui s'attache aux constatations
du juge s'oppose à une remise en cause aussi tardive de la décision rendue quelle que soit l'évidence
de l'erreur commise par le juge. La solution est certes rigoureuse, mais elle est justifiée par la
nécessité de mettre un terme aux procès. Elle ne saurait cependant être admise sans aucune
atténuation, car parfois elle heurterait trop violemment l'équité. N'est-il pas légitime qu'un recours
soit ouvert lorsque la décision attaquée repose sur des éléments de fait qui non seulement sont
inexacts, mais encore dont l'inexactitude résulte d'un fait volontaire ? Le juge s'est trompé parce qu'on
a voulu le tromper. Ici apparaît la seconde originalité du recours en révision. Derrière ce recours, se
profile toujours l'ombre d'une déloyauté et même, le plus souvent, d'une fraude.
De ces traits particuliers découle l'essentiel des règles qui régissent la voie de recours (section I)
et la procédure (section II) du recours en révision.

SECTION I
LA VOIE DE RECOURS DE LA RÉVISION

938 Plan. – Les lignes qui précèdent ont déjà fait ressortir que l'originalité de la voie de
recours de la révision se manifeste principalement dans son ouverture (§ 1), alors que son effet est
plus classique (§ 2) : comme les autres voies de recours particulières, le recours en révision entraîne
une dévolution en fait et en droit qui est proportionnée à son objet particulier.

§ 1. L'OUVERTURE DU RECOURS EN RÉVISION

939 Division. – Par définition, l'ouverture du recours en révision constitue une exception aux
règles ordinaires des voies de recours. Aussi est-il normal que le législateur ne l'admette que dans un
nombre limité de cas (A) et que le recours en révision présente un caractère subsidiaire par rapport
aux autres voies de recours (B).

A. LES CAS D'OUVERTURE DU RECOURS EN RÉVISION

940 Ouverture fondée sur la fraude. – L'article 595 du Code de procédure civile dispose que
le recours en révision n'est ouvert que pour l'une des quatre causes qu'il énumère et qu'il convient
d'examiner successivement.
En premier lieu, il peut y avoir révision « s'il se révèle, après le jugement, que la décision a été
surprise par la fraude de la partie au profit de laquelle elle a été rendue ». Comme en droit civil, la
fraude visée par l'article 595 comprend un élément matériel et un élément moral : la fraude suppose
d'abord une manœuvre, ou au moins un agissement de nature à tromper le juge et l'adversaire, elle
suppose aussi l'intention de tromper. Ainsi, une simple violation du principe de la contradiction par
une partie qui a communiqué tardivement une pièce à son adversaire n'est pas une fraude au sens de
l'article 595 3117. Pareillement, en principe, « un simple mensonge ne suffit pas à caractériser la
fraude », « s'il n'est accompagné de manœuvres destinées à le corroborer » 3118. Cela étant, la
jurisprudence est parfois indécise, le recours en révision donnant lieu aux mêmes incertitudes que le
droit substantiel quant à la nature des actes qui peuvent être qualifiés de frauduleux. Ainsi, dans
certaines circonstances, le simple mensonge est parfois regardé comme frauduleux 3119, de même
qu’un silence délibérément conservé dans le but de cacher un fait important 3120. Quoi qu’il en soit, il
faut que la fraude ait joué un rôle déterminant dans la décision du juge et qu'elle ait été le fait de
l'autre partie 3121.
Le jugement peut encore être révisé « si, depuis le jugement, il a été recouvré des pièces
décisives qui avaient été retenues par le fait d'une autre partie ». Ce deuxième cas d'ouverture
apparaît comme un morceau détaché du précédent. La rétention d'une pièce décisive est un cas de
fraude particulier, puisqu'il faut que la partie ait su qu'elle avait entre les mains une pièce décisive et
qu'elle se soit néanmoins abstenue de la produire 3122. Inversement, le Code de procédure civile ne
fait pas de la rétention involontaire d'une pièce décisive une cause de révision du procès. De lege
lata, la solution est certaine 3123. De lege ferenda, on peut s'interroger sur son opportunité, au moins
lorsqu'elle joue au détriment du défendeur. En effet, sauf lorsqu'il est pressé par la prescription, le
demandeur choisit le moment du procès ; avant de le déclencher, il peut prendre le temps nécessaire
pour rassembler toutes les pièces dont il pense avoir besoin. Il n'en va pas de même du défendeur qui
est contraint d'agir au moment choisi par son adversaire : c'est dans une relative précipitation qu'il
doit rechercher et obtenir toutes les pièces utiles. Lui appliquer la même règle qu'au demandeur
revient en réalité à le traiter plus sévèrement 3124. Le seul fait que, sans faute de sa part, le défendeur
n'ait pas pu se procurer la pièce décisive plus tôt devrait suffire à lui ouvrir le recours en
révision 3125.

941 Ouverture fondée sur un faux. – Les deux autres causes d'ouverture ne supposent pas
nécessairement qu'une fraude ait été commise par l'une des parties. L'article 595 du Code de
procédure civile dispose que le recours en révision est ouvert « s'il a été jugé sur des pièces
reconnues ou judiciairement déclarées fausses depuis le jugement » ou « sur des attestations,
témoignages ou serments judiciairement déclarés faux depuis le jugement ». La fausseté de l'élément
probatoire suffit à ouvrir le recours en révision. Une partie peut ainsi demander la révision du
jugement qui s'est fondé sur un document dont son adversaire ne pouvait pas soupçonner qu'il
s'agissait d'un faux. On remarquera que le texte de l'article 595 vise les pièces reconnues ou
déclarées fausses 3126 ainsi que les témoignages déclarés faux. En effet, le recours en révision n'a pas
pour objet d'établir la fausseté de l'élément probatoire. La partie qui entend demander la révision
d'un jugement doit dans un premier temps former une demande qui aura cet objet, par exemple, pour
un acte sous seing privé, une demande en faux selon les dispositions de l'article 300 du Code de
procédure civile. Ce n'est que dans un second temps que sera formé le recours en révision 3127.

B. LE CARACTÈRE SUBSIDIAIRE DU RECOURS EN RÉVISION

942 Application du caractère subsidiaire. – Le caractère subsidiaire du recours en révision


signifie qu'il ne peut être intenté que si aucune autre voie adaptée à la situation ne peut plus être
formée 3128. Si, au moment où la partie peut faire valoir la fraude de son adversaire, l'instance est en
cours devant les juges du fond 3129 ou si le jugement est encore susceptible d'appel ou même
d'opposition 3130, le recours en révision n'est pas ouvert. Il faut donc que la partie n'ait eu
connaissance de la fraude ou que la fausseté de l'élément probatoire n'ait été déclarée qu'après
l'expiration du délai pour exercer l'une de ces voies. L'article 595 du Code de procédure civile
répète cette exigence pour chacune des causes d'ouverture : il faut qu'elle soit apparue « après le
jugement » ou « depuis le jugement » et il faut encore que cette révélation tardive de la cause
d'ouverture ne soit pas imputable à une faute du demandeur en révision 3131.
C'est ce même caractère subsidiaire qui est avancé par la Cour de cassation pour décider que les
ordonnances de référé ne peuvent pas faire l'objet d'un recours en révision 3132. Pour ces décisions, il
serait inutile, puisqu'aux termes de l'article 488 du Code de procédure civile, elles peuvent toujours
être modifiées ou rapportées, à la demande d'une partie, en cas de circonstances nouvelles. À la
réflexion et à l'encontre de ce que nous écrivions dans une précédente édition, il nous semble que
cette jurisprudence ne doit pas être approuvée. En effet, il n'est pas exact que la demande fondée sur
l'article 488 et le recours en révision aboutissent, en cas de succès, au même résultat. Dans le
premier cas, ce qui a été jugé n'est modifié que pour l'avenir, alors que dans le second, la décision
attaquée est détruite rétroactivement. La différence n'est pas purement théorique et peut se traduire de
manière très concrète dans les faits 3133. Quelle que soit la valeur de cette jurisprudence, on peut
penser qu'à l'opposé, le recours en révision est ouvert contre les jugements gracieux, comme à
l'encontre des jugements contentieux, car la survenance de circonstances nouvelles ne permet pas de
demander au juge de rapporter ce type de décision.
Le recours en révision est ouvert même si le jugement est encore susceptible d'un pourvoi en
cassation. Le caractère subsidiaire du recours en révision ne peut le rendre irrecevable, en raison de
l'inadaptation du pourvoi en cassation : la Cour de cassation n'étant pas juge des faits du litige, elle
ne pourrait pas, par exemple, apprécier l'existence et l'importance des faits constitutifs de fraude. De
la même façon, la circonstance qu'un jugement ait été susceptible d'appel et que l'appel n'ait pas été
formé ne suffit pas en soi à rendre irrecevable un recours en révision. On peut très bien imaginer
qu'au moment où le jugement a été rendu, le perdant n'ait pas pu soupçonner la fausseté d'une pièce ou
la fraude de son adversaire et qu'il ait estimé en l'état que son appel n'avait aucune chance de succès.

§ 2. LES EFFETS DU RECOURS EN RÉVISION

943 Étendue de la dévolution. – Comme les autres voies de recours particulières, le recours
en révision entraîne une dévolution du litige qui est commandée par son objet : en particulier, les
circonstances qui en justifient l'ouverture imposent que le juge examine de nouveau l'affaire en fait et
en droit, ainsi que l'indique l'article 593 du Code de procédure civile. En revanche, l'étendue de la
dévolution est limitée au seul chef de la décision sur lesquels la fraude ou le faux ont pu exercer une
influence déterminante, ce qui oblige à distinguer soigneusement le jugement en tant qu'instrumentum
et en tant que negotium. Le recours n'est formé que contre telle décision déterminée, contenue dans
l'instrumentum. Les autres chefs de la décision ne sont pas remis en cause, sauf s'ils se trouvent sous
la dépendance du chef révisé 3134 : il n'existe pas de recours en révision général, comme il existe un
appel général.
Lorsqu'il est saisi d'un recours en révision, le juge doit procéder à un double examen. Le premier
examen porte sur la recevabilité du recours, laquelle suppose l'existence d'une cause d'ouverture
ayant joué un rôle déterminant pour le chef attaqué. Si le juge décide que le recours est bien
recevable, le jugement est rétracté de plein droit et il faut statuer à nouveau sur le fond de
l'affaire 3135. La juridiction reprend alors l'examen du litige, compte tenu des données nouvelles qui
lui sont soumises. Il peut ainsi arriver qu'après examen d'autres pièces que celle sur laquelle il s'était
fondé, le juge maintienne la solution antérieure dans sa nouvelle décision. En quelque sorte, la
fraude, quelle qu'en soit la gravité, ne constitue pas en soi une cause de condamnation de la partie qui
y a eu recours. Ce n'est qu'une cause de rétractation de la première décision.

944 Absence d'effet suspensif. – Le recours en révision n'est pas doté d'un effet suspensif 3136,
sinon les juges seraient submergés de recours formés uniquement pour retarder l'exécution des
jugements. Aussi indiscutable qu'en soit le bien-fondé, cette règle peut se révéler malencontreuse
dans certains cas. Or le juge saisi de la demande en révision ne dispose pas lui-même du pouvoir de
suspendre l'exécution du jugement attaqué devant lui. Sur ce point, les articles 110 et 599 du Code de
procédure civile ne donnent de pouvoir qu'à un autre juge, celui devant lequel est invoqué le jugement
frappé d'un recours en révision : il peut, s'il l'estime opportun, surseoir à statuer 3137 jusqu'à ce que le
jugement sur le recours en révision ait été rendu 3138. C'est donc au juge saisi de l'exécution du
jugement que le plaideur doit s'adresser, pour lui demander de suspendre l'instance. En réalité, l'arrêt
de l'instance se répercute sur l'exécution du jugement et c'est là un moyen indirect de suspendre celle-
ci 3139.
Il faut encore indiquer que le recours en révision ne produit pas seulement effet à l'égard de la
partie qui a bénéficié de la fraude ou du faux ; il produit effet, de façon indivisible, à l'égard de toutes
les parties qu'affecte le chef de la décision qui fait l'objet du recours. L'article 597 du Code de
procédure civile en tire cette conséquence qu'elles doivent être toutes appelées à l'instance en
révision par l'auteur du recours, à peine d'irrecevabilité.

SECTION II
LA PROCÉDURE DU RECOURS EN RÉVISION

945 Présentation. – Comme les autres voies de recours particulières, le recours en révision ne
dispose pas d'une procédure qui lui soit vraiment propre. Pour l'essentiel, il suit les règles
procédurales applicables à l'instance ayant donné lieu au jugement attaqué. Par exemple, si le recours
en révision est formé contre un jugement rendu par un tribunal de grande instance, l'instance qui
s'ouvre avec le recours sera soumise aux règles applicables devant cette juridiction. Cependant, la
profonde originalité du recours en révision se traduit par un nombre assez important de particularités
procédurales, qui portent sur l'instance elle-même (§ 1) ainsi que sur les voies de recours dont le
jugement statuant sur le recours en révision peut faire lui-même l'objet (§ 2).

§ 1. L'INSTANCE EN RÉVISION

946 Introduction de l'instance. – L'introduction du recours en révision ne peut pas être


enfermée dans un bref délai qui commencerait à courir à partir du prononcé ou de la notification du
jugement, car il est impossible de déterminer quand la fraude sera découverte ou quand la fausseté de
la pièce pourra être établie. En revanche, compte tenu de la dérogation qu'il constitue par rapport aux
principes du droit judiciaire privé et de la perturbation qu'il est susceptible d'entraîner dans
l'ordonnancement juridique, il importe que le recours en révision soit formé rapidement à compter du
moment où la partie est en mesure de le faire. Le délai pour former le recours est fixé à deux mois
par l'article 596 du Code de procédure civile, il court « à compter du jour où la partie a eu
connaissance de la cause de révision qu'elle invoque », et la Cour de cassation renforce en quelque
sorte la sévérité de ce délai en décidant qu'il appartient au demandeur en révision d'établir qu'il
remplit les conditions pour exercer cette voie de recours 3140.
L'application de cette disposition soulève d'importantes difficultés parce que, selon les cas
d'ouverture du recours, la connaissance de la cause de révision ne recouvre pas la même réalité. Pour
les pièces retenues par l'adversaire la cause du recours n'est pas le recouvrement de la pièce, mais la
connaissance de sa rétention 3141. C'est donc à cette date que le délai commence à courir. Il en va de
même pour la fraude. Le délai commence à courir à compter du jour où la partie a eu connaissance de
la fraude et non du jour où la fraude a été reconnue, en raison, par exemple, de la condamnation
pénale de son auteur 3142 et il faut peut-être rappeler aussi que la charge de la preuve du moment où a
été connue la cause d'ouverture pèse sur le demandeur en révision 3143. À l'inverse, pour le faux, la
cause de révision est constituée par le jugement qui le déclare (ou de façon très exceptionnelle par la
reconnaissance qui en est faite par l'adversaire). La connaissance de la cause est donc celle du
jugement qui la constate 3144.
Le recours en révision étant une voie de rétractation, le tribunal compétent pour en connaître est
celui qui a rendu la décision attaquée. L'article 598 du Code de procédure civile dispose que le
recours en révision est formé par citation. La citation que vise ce texte doit s'entendre de l'acte de
procédure prévu pour introduire l'instance devant la juridiction compétente. Devant un tribunal de
grande instance, par exemple, le recours en révision est introduit par une assignation, alors que
devant une cour d’appel, il sera introduit par déclaration au greffe de la cour 3145. Toutefois,
l'article 598 du Code de procédure civile ajoute que la demande peut être formée « suivant les
formes prévues pour la présentation des moyens de défense », lorsqu'elle est dirigée contre un
jugement produit au cours d'une autre instance entre les mêmes parties devant la juridiction dont
émane le jugement. En d’autres termes, quand elle constitue une défense, la demande de révision peut
être formulée dans les conclusions de son auteur, pourvu que le juge saisi soit celui qui est
effectivement compétent pour procéder à une éventuelle révision de la décision invoquée (et
désormais contestée) devant lui. En revanche, s’il faut s’adresser à un autre juge (la décision
contestée n’émanant pas du juge actuellement saisi), il faudra citer en justice les parties au jugement
attaqué.

947 Déroulement de l'instance. – Le déroulement de l'instance en révision ne fait l'objet que


de trois dispositions particulières. D'abord, l'article 597 du Code de procédure civile pose que
l'auteur du recours doit appeler à l'instance toutes les parties au jugement attaqué, à peine
d'irrecevabilité. Ensuite, il résulte de l'article 600 du même code que le recours en révision est
communiqué au ministère public 3146. Si ce recours est introduit par citation, c’est l’auteur du recours
qui devra, à peine d’irrecevabilité, effectuer cette communication, en dénonçant sa citation au
parquet. Dans l’hypothèse particulière d’une introduction « suivant les formes prévues pour la
présentation des moyens de défense », c’est donc le juge qui se chargera de la communication au
ministère public.
Enfin, l'article 601 dispose que, « si le juge déclare le recours recevable, il statue par le même
jugement sur le fond du litige ». Cette disposition se sépare de la solution retenue sous l'empire de
l'ancien Code de procédure civile qui divisait la procédure de la requête civile en deux parties bien
distinctes : l'une consacrée à la question de l'existence d'une cause de révision, l'autre aux questions
de fond. Dans le but de simplifier la procédure, le Code actuel prévoit que le juge examine à la suite
les deux questions et statue sur elles par un même jugement 3147. Cependant, s'il estime que l'affaire
appelle un complément d'instruction, le juge peut adopter l'attitude inverse : il peut ainsi dans un
premier jugement constater l'existence d'une cause de révision et ordonner une mesure d'instruction
pour pouvoir statuer sur le fond du droit.

§ 2. LES VOIES DE RECOURS

948 Diversité des situations. – Le jugement statuant sur la demande en révision peut faire
l'objet des mêmes voies de recours que le jugement contre lequel le recours a été formé 3148. Si le
premier jugement a été rendu au premier degré, le second jugement est susceptible d'appel 3149 et,
dans un second temps, un pourvoi en cassation pourra être formé. Si le recours en révision a été
formé contre un arrêt d'appel, le second arrêt peut faire l'objet d'un pourvoi en cassation. On peut
aussi imaginer qu'il fasse l'objet d'une opposition, si le défendeur à la révision n'a pas comparu et n'a
pas été cité à personne. Sur tous ces points, le recours en révision obéit aux règles communes aux
voies de recours particulières.
En revanche, il s'en distingue sur deux autres points. La première particularité est énoncée par
l'article 603 du Code de procédure civile : « Une partie, énonce-t-il, n'est pas recevable à demander
la révision d'un jugement qu'elle a déjà attaqué par cette voie, si ce n'est pour une cause qui se serait
révélée postérieurement 3150 ». Plus critiquable est la seconde disposition posée par l'article 603,
alinéa 2. Aux termes de ce texte, « le jugement qui statue sur le recours en révision ne peut être
attaqué par cette voie ». Ainsi, à supposer que le demandeur à la révision utilise des moyens
frauduleux pour obtenir du juge la rétractation d'un jugement antérieur, l'autre partie se trouve privée
du droit de former à son tour un recours en révision. Le bien-fondé de cette solution n'apparaît pas
avec la force de l'évidence.

BIBLIOGRAPHIE

L. BOYER, « Réflexions sur la requête civile », RTD civ. 1956, p. 55.


S. DAUCHY, Les voies de recours extraordinaires : proposition d'erreur et requête civile de
l'ordonnance de Saint Louis à l'ordonnance de 1667, Paris, 1989.
R. PLASSARD, Des ouvertures communes à cassation et à requête civile, Toulouse, 1924.
QUATRIÈME PARTIE
LES INCIDENTS

949 Notion d'incident de procédure. – L'instance peut se dérouler sans aucune difficulté
procédurale de quelque sorte que ce soit. Mais souvent, il se produit quelques complications qui
alourdissent et qui compliquent son déroulement : on les désigne sous le nom général d'incidents.
Leur importance est extrêmement variable. Par exemple, un avocat omet de communiquer à son
confrère une pièce visée dans ses conclusions. Le juge lui enjoint de le faire. Il s'exécute, l'incident
est clos. D'autres incidents peuvent prendre une ampleur considérable. Bien mené, si l'on ose dire, un
incident de compétence peut retarder de quatre à cinq ans l'issue d'un procès. Parfois même,
l'incident commande l'issue du procès, comme l'incident de péremption qui survient au cours d'une
instance de voie de recours.
Si les incidents présentent une telle variété de figures et d'importance, c'est que leur notion ne se
prête pas à une définition précise. À partir de quand s'écarte-t-on suffisamment de la ligne droite pour
que l'on puisse parler d'incident ? C'est ce qui explique que certains incidents aient déjà été étudiés
dans les développements qui précèdent. Lorsqu'une partie prétend qu'un acte de procédure est entaché
d'une cause de nullité, elle soulève un incident. Cependant, pour des raisons d'opportunité évidentes,
l'étude de la nullité des actes de procédure a été menée en même temps que celle de leur formation.
Beaucoup d'autres incidents ont ainsi déjà été étudiés, parce qu'ils sont étroitement liés à un moment
de la procédure et qu'il a paru plus simple de les étudier à ce moment-là. Outre la nullité des actes de
procédure, on peut citer, à titre d'illustration, les incidents relatifs à l'ordonnance de clôture ou à
l'exécution provisoire.
Les incidents qui n'ont pas encore été abordés et qu'on ne saurait passer sous silence appellent des
développements qui justifient qu'une partie leur soit consacrée. Au premier rang, viennent les
incidents liés à la compétence (titre 1) et, à leur suite, les incidents relatifs à la preuve (titre 2). En
dehors de ces deux grands blocs, il est plus difficile d'opérer un classement. C'est pour cela qu'un
dernier développement sera consacré aux autres incidents (titre 3).
TITRE 1
LES INCIDENTS LIÉS À LA COMPÉTENCE

950 Plan. – Les incidents liés à la compétence sont d'une importance pratique considérable,
aussi bien par leur fréquence que par les conséquences qu'ils peuvent avoir, notamment en termes de
retard dans l'achèvement du procès. En soumettant un litige à un juge incompétent, c'est-à-dire à un
tribunal qui n'est pas celui que la loi désigne pour le trancher, une partie s'expose à devoir reprendre
la procédure à son début, après une bataille judiciaire stérile dans laquelle elle se sera épuisée
pendant plusieurs mois. De même, une situation de litispendance ou de connexité, s'il n'y est pas
remédié, peut conduire à des décisions inconciliables. S'il est important de savoir comment sont
tranchés les incidents de compétence (chapitre II) ou ceux liés à la litispendance ou à la connexité
(chapitre III), il est évidemment essentiel de connaître d'abord les principes qui régissent la
compétence (chapitre I).
CHAPITRE I
LA COMPÉTENCE

951 Notion de compétence. – La compétence peut être définie comme la désignation, parmi
toutes les juridictions, de celle à qui est donnée l'aptitude de connaître d'une demande, ou plus
rarement d'une défense. Cette définition tend à faire ressortir le point central de la notion de
compétence. Une personne s'interroge sur la juridiction à laquelle elle va soumettre une prétention.
La règle de compétence lui indique celle qui sera retenue à l'exclusion des autres. Par conséquent, la
notion de compétence comprend l'idée d'une répartition entre les diverses juridictions : si ce n'est pas
le tribunal A, ce sera le tribunal B, ou le tribunal C, ou encore un autre 3151.

952 Compétence et recevabilité. – Cette définition permet de distinguer la compétence


d'autres notions voisines. En premier lieu, il faut éviter de confondre la compétence avec la
recevabilité. La distinction peut être illustrée par le référé. Ce n'est que de façon impropre que l'on
peut dire que l'existence d'une contestation sérieuse rend incompétent le juge des référés, puisqu'il
n'existe pas d'autre juge qui puisse statuer sur la même demande, pour rendre la même sorte de
décision. Le plaideur ne peut plus saisir que le juge du principal, une porte s'est fermée devant
lui 3152. De même, on ne doit pas dire, à propos de l'interdiction de principe des demandes nouvelles
en appel, que la cour d'appel est incompétente pour en connaître. Si c'était le cas, il existerait une
autre juridiction du second degré qui serait désignée par la loi pour en connaître. L'interdiction des
demandes nouvelles est liée à la voie de recours. Sous quelques réserves qui ont été indiquées 3153, le
législateur estime que l'instance d'appel ne doit porter que sur les demandes qui ont déjà été soumises
au juge du premier degré. En revanche, c'est bien une règle de compétence territoriale que celle qui
répartit les affaires entre les cours d'appel, et selon laquelle est compétente la cour dans le ressort de
laquelle siège le juge du premier degré qui a rendu le jugement frappé d'appel. Le ressort de la cour
d'appel de Caen comprenant les départements du Calvados, de la Manche et de l'Orne, cette cour est
compétente à l'exclusion des autres pour connaître de tous les appels interjetés contre les jugements
rendus par un tribunal siégeant dans l'un des trois départements 3154.

953 Compétence et procédure : notion de juridiction fonctionnelle. – Il faut encore


distinguer la règle de compétence de la règle de procédure. Un tribunal peut siéger en diverses
formations. Par exemple, le tribunal de grande instance peut siéger en formation collégiale ou à juge
unique, en chambre du conseil ou publiquement. Il ne s'agit là que de règles de procédure et non de
compétence, parce que ces formations ne disposent pas d'un pouvoir juridictionnel propre. C'est
toujours le même tribunal qui statue. À l'opposé, lorsque la loi confère à un juge du tribunal un
pouvoir juridictionnel propre, ainsi au président du tribunal, au juge aux affaires familiales ou au juge
de l'exécution, c'est une règle de compétence qui opère la répartition des matières entre le juge et le
tribunal. Organiquement, ces juges font partie du tribunal de grande instance, mais, dans l'exercice de
leur fonction de juge, ils en sont indépendants. Ainsi est-on conduit à distinguer la juridiction
organique, qui est le tribunal au sens ordinaire du mot, avec ses murs et son personnel, et la
juridiction fonctionnelle, qui est le pouvoir de juger reconnu à ce tribunal ; mais ce pouvoir peut tout
aussi bien être reconnu à un membre de ce tribunal. La différence de nature entre les règles de
procédure et les règles de compétence se traduit concrètement dans la formulation des décisions
rendues. Lorsqu'une formation ne dispose pas d'un pouvoir juridictionnel propre, ses décisions sont
rendues au nom du tribunal. Lorsqu'un juge dispose d'un pouvoir juridictionnel propre, il statue en
son nom personnel 3155.
Ces distinctions sont importantes non seulement pour une meilleure compréhension des notions du
droit judiciaire privé, mais aussi pour les conséquences pratiques qu'elles entraînent. Le législateur a
édicté un régime très particulier qui ne s'applique qu'aux véritables incidents de compétence ;
inversement, il ne s'applique pas aux problèmes de recevabilité des demandes, que ce soit devant le
juge des référés ou en appel, ni à ceux liés à l'application des règles de procédure.

954 Compétence d'attribution et compétence territoriale. – À l'intérieur des règles de


compétence, il faut distinguer la compétence d'attribution et la compétence territoriale. Dans la
catégorie des règles de compétence d'attribution, on doit placer toutes les règles qui ont pour objet de
déterminer le tribunal pour une raison autre que celle qui est liée à son ressort territorial. La
compétence d'attribution était aussi appelée autrefois compétence absolue. Cette expression n'est plus
guère employée. On continue en revanche à parler de compétence matérielle ou ratione materiæ (par
opposition à la compétence territoriale, pour laquelle on parle aussi de compétence ratione loci). En
réalité, la matière du procès doit être comprise de façon très large. Il ne s'agit pas seulement de la
matière qui donne lieu au litige, comme un contrat de travail ou une succession. Il faut penser aussi au
montant de la demande, éventuellement à la qualité des parties au procès 3156. La règle de compétence
d'attribution opère la répartition des litiges entre des types de juridictions différentes. À l'intérieur de
chaque type déterminé de juridiction, une seconde répartition doit être opérée chaque fois qu'il existe
plusieurs tribunaux de ce type. Pour cela, le législateur détermine un territoire pour chaque
juridiction du type déterminé, que l'on appelle le ressort. Ensuite, il choisit un élément du litige, dont
la localisation à un endroit donné du territoire français permet de déterminer le tribunal
territorialement compétent.
Pour quelques contentieux très spécialisés 3157, il arrive même que le législateur opère une
sélection entre des tribunaux d'une même catégorie. Ainsi, l'article D. 211-6 du Code de
l'organisation judiciaire réserve la connaissance des litiges relatifs aux brevets d'invention au
tribunal de grande instance de Paris. De même, en vertu de l'article D. 211-10-2, huit tribunaux de
grande instance se partagent, en France métropolitaine, la compétence pour connaître des recours en
matière de contrats de la commande publique. Par exemple, le tribunal de Rennes a pour ressort celui
des cours d'appel d'Angers, Caen, Poitiers et Rennes. La démarche du législateur se décompose en
deux temps. Il pose d'abord une règle de compétence d'attribution en instituant une catégorie
particulière qu'il distingue des autres tribunaux de grande instance. Dans un second temps, il fixe le
ressort territorial de chacun de ces tribunaux de « très grande instance ». Ce genre de spécialisation,
qui peut affecter des juridictions de première instance comme des cours d'appel, tend à se
développer, notamment en matière de pratiques restrictives de concurrence 3158 ou de propriété
littéraire et artistique 3159. Elle permet une spécialisation des juges dans des domaines un peu
particuliers, mais accentue la complexité des règles de compétence et suscite des réserves 3160.

955 Complexité des règles de compétence. – Si les règles de compétence territoriale sont
indispensables, sauf à décider qu'il n'y aura qu'un seul tribunal pour toute la France, ce qui serait
contraire à tout bon sens, l'existence de règles de compétence d'attribution ne relève pas de la même
nécessité. On pourrait très bien concevoir qu'il n'existe en France qu'une seule sorte de juridictions
du premier degré. Le contentieux serait réparti en interne, entre différentes chambres, comme cela se
fait devant les cours d'appel ou la Cour de cassation. De la sorte, la nécessaire spécialisation des
juges serait préservée. Dans ces tribunaux uniques, des juges élus ou recrutés par la voie latérale
côtoieraient les magistrats de métier, si bien que la connaissance des milieux socioprofessionnels
qu'ont actuellement les juges consulaires ou les conseillers prud'hommes ne serait pas ignorée. La
justice serait tout aussi bien rendue qu'aujourd'hui.
Cependant, le rêve d'une telle unicité juridictionnelle en première instance 3161 n'est pas près de
devenir réalité. C'est dommage, car le jeu des règles de compétence d'attribution constitue, pour tous
les acteurs de la vie judiciaire, une formidable perte d'énergie que rien ne justifie, les raisons
invoquées pour expliquer la multiplication des juridictions relevant le plus souvent d'a priori
politiques sans valeur réelle. La pluralité des juridictions multiplie en effet les difficultés tenant à la
délimitation des frontières entre elles, d'autant que le législateur a tendance à retenir des compétences
étroites, voire « pointues », qui ne correspondent pas toujours à l'ampleur que prennent les procès.
On a vu aussi que, comme s'il ne suffisait pas déjà qu'il y ait plusieurs sortes de juridictions du
premier degré, le législateur confère des pouvoirs juridictionnels propres à certains magistrats d'un
tribunal. D'un point de vue fonctionnel, chacun de ces juges constitue une juridiction, ce qui augmente
d'autant les problèmes de frontière et, par voie de conséquence, les incidents.

956 Textes. – Les textes régissant la compétence font ressortir cette complexité. Dans le Code
de procédure civile, la compétence se trouve régie par les articles 33 à 52 et 75 à 107. Les
articles 33 à 52 contiennent principalement des dispositions sur le montant de la demande, qui
déterminent aussi la recevabilité de l'appel et qui ont été étudiées à ce titre 3162, ainsi que les
principales règles de compétence territoriale. Les articles 75 à 107 indiquent les règles de procédure
applicables au règlement de l'incident de compétence. Même si l'on ajoute à cette liste quelques
articles disséminés dans le Code, il est évident que l'on n'y trouve pas la majorité des règles de
compétence. La quasi-totalité des règles de compétence d'attribution et beaucoup de règles
secondaires de compétence territoriale doivent être cherchées dans le Code de l'organisation
judiciaire. À ces deux codes, il faut ajouter des dispositions éparpillées dans des textes de droit
substantiel, le législateur n'arrivant pas à se plier à la discipline qui consiste à insérer, par principe,
toute nouvelle règle de compétence dans le Code de l'organisation judiciaire. À titre d'illustration, il
existe des règles de compétence dans le Code des assurances, dans le Code de la consommation,
dans le Code de la propriété intellectuelle ou dans le Code de commerce.

957 Compétence d'ordre public et compétence exclusive. – Avant d'énoncer les règles de
compétence, il faut encore indiquer que le législateur n'attache pas la même importance à toutes les
règles de compétence qu'il pose. On verra un peu plus loin que, de façon générale, il ne leur accorde
qu'une valeur médiocre. Parfois, il manifeste la volonté d'en renforcer l'autorité. Pour ce faire, il
peut, dans un premier temps, les qualifier de règles d'ordre public. Ce caractère peut être énoncé
expressément, il peut aussi résulter de l'indication que toute clause contraire est réputée non écrite.
Un degré supplémentaire est franchi lorsque le législateur confère à la règle de compétence un
caractère exclusif 3163. Le plus souvent, les textes ne disent pas que le tribunal est exclusivement
compétent, ils indiquent seulement que ce tribunal est « seul compétent ». La portée pratique de ces
qualifications sera indiquée par la suite 3164.
La complexité des règles de compétence d'attribution et de compétence territoriale interdit, dans
un livre de taille réduite, de procéder à un énoncé exhaustif de ces règles 3165, dont on peut d'ailleurs
penser que leur étude relève plus de l'organisation judiciaire que du droit du procès 3166. Aussi se
limitera-t-on à indiquer les plus importantes, qui permettent de savoir quel tribunal doit être saisi de
telle ou telle demande (section I). Cependant une application trop stricte de ces règles conduirait
souvent à des résultats peu opportuns. C'est ce qui explique que le législateur leur apporte quelques
aménagements (section II).

SECTION I
L'ÉNONCÉ DES RÈGLES DE COMPÉTENCE

958 Plan. – On abordera d'abord les règles de compétence d'attribution (§ 1) et ensuite les
règles de compétence territoriale (§ 2).

§ 1. LES RÈGLES DE COMPÉTENCE D'ATTRIBUTION

959 Division. – Les principales juridictions civiles seront abordées successivement : le


tribunal de grande instance (A), le tribunal d'instance (B), la juridiction de proximité (C), le tribunal
de commerce (D) et le conseil de prud'hommes (E).

A. LE TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE

960 Juridiction de droit commun. – Le tribunal de grande instance se distingue des autres
juridictions qui seront étudiées par la suite en ce qu'il est le tribunal de droit commun. Cela signifie
qu'il est compétent pour connaître de tous les litiges que la loi n'attribue pas à une autre juridiction. À
défaut de texte particulier, un litige doit donc être porté devant lui. À l'inverse, les juridictions
d'exception ne peuvent connaître que des litiges que la loi leur attribue par une disposition
particulière. La compétence de droit commun du tribunal de grande instance résulte de
l'article L. 211-3 du Code de l'organisation judiciaire, aux termes duquel « le tribunal de grande
instance connaît de toutes les affaires civiles et commerciales pour lesquelles compétence n'est pas
attribuée, en raison de leur nature ou du montant de la demande, à une autre juridiction ».
Cette compétence de droit commun n'appelle guère d'explications. La référence au montant de la
demande vise le partage de compétence entre le tribunal de grande instance et le tribunal d'instance,
pour les affaires personnelles et mobilières. Le tribunal d'instance est compétent pour les demandes
dont le montant n'excède pas 10 000 euros et le tribunal de grande instance pour les demandes d'un
montant supérieur 3167. On remarquera encore que, dans le cadre de sa compétence de droit commun,
le tribunal de grande instance statue à charge d'appel quel que soit le montant de la demande 3168.
On dit parfois, pour désigner la compétence de droit commun du tribunal de grande instance, qu'il
dispose de la plénitude de juridiction. En soi, les mots utilisés n'ont pas grande importance. Mais
cette expression doit cependant être évitée, parce qu'elle est aussi utilisée à propos de la cour d'appel
dans un sens totalement différent 3169. Mieux vaut donc éviter toute confusion possible. Au demeurant,
on ne peut pas dire que le tribunal de grande instance bénéficie d'une plénitude de juridiction au sens
strict, même s'il est permis de le regretter 3170.

961 Compétences exclusives. – Outre cette compétence de droit commun, la loi attribue aussi
des compétences exclusives au tribunal de grande instance. En effet, aux termes de l'article L. 211-4
du Code de l'organisation judiciaire, « le tribunal de grande instance a compétence exclusive dans les
matières déterminées par les lois et règlements ». Ainsi, chaque fois qu'un texte énonce la
compétence de ce tribunal, il lui confère par le fait même une compétence exclusive. À vrai dire,
dans certains cas, le tribunal de grande instance dispose d'une compétence exclusive, même en
l'absence de disposition précise ; la tradition y supplée.
La compétence exclusive du tribunal de grande instance existe d'abord pour une bonne part de ce
qui touche à l'état et à la capacité des personnes : par exemple le mariage, l'adoption ou la filiation
(article R. 211-4, 1 , du Code de l'organisation judiciaire), ainsi que la nullité du mariage, bien
o

qu'aucun texte ne le prévoie 3171. Il en va de même en matière de successions 3172. Le tribunal de


grande instance est également seul compétent en matière de nationalité des personnes physiques
(article 29 du Code civil) 3173.
La loi attribue encore compétence exclusive au tribunal de grande instance en matière de droits
réels immobiliers. Cette compétence exclusive est énoncée par l'article R. 211-4, 5 , du Code de
o

l'organisation judiciaire, qui vise les « actions immobilières pétitoires et possessoires » 3174. La
compétence exclusive du tribunal de grande instance joue par exemple en matière d'indivision
immobilière, de copropriété, d'usufruit et de servitudes.
On citera, pour finir cette liste non exhaustive des compétences exclusives du tribunal de grande
instance, la matière de la propriété industrielle 3175, comme les brevets (article L. 615-17 du Code de
la propriété intellectuelle), les marques de fabrique (article L. 716-3 du même code) ou les
obtentions végétales (article L. 623-31 du même code), celle des procédures collectives pour les
débiteurs autres que les commerçants et artisans (article L. 621-2 du Code de commerce), ainsi que
certaines matières fiscales, notamment l'enregistrement (article L. 199 du Livre des procédures
fiscales).
Lorsque le tribunal de grande instance a compétence exclusive pour connaître d'un litige, il statue
en premier et dernier ressort si la demande est inférieure ou égale à 4 000 euros, et en premier
ressort seulement si la demande est supérieure à ce montant 3176.

962 Juridictions fonctionnelles. – Par ailleurs, à l'intérieur du tribunal de grande instance, la


loi confère un pouvoir juridictionnel propre à certains magistrats. Il faut citer en premier lieu le
président du tribunal, qui est le juge des référés et des requêtes pour les litiges qui, au principal,
doivent être portés devant le tribunal de grande instance. Le président est aussi compétent pour
statuer sur les litiges relatifs à la fixation des loyers commerciaux 3177. Pour les demandes qui, au
principal, relèvent de la compétence de son tribunal, c’est lui qui rend les ordonnances portant
injonction de payer 3178.
De son côté, le juge des enfants est compétent pour ordonner les mesures d'assistance éducative
(articles 375 et s. du Code civil). Dans un domaine proche, le juge aux affaires familiales a reçu une
large compétence en matière de divorce. Il lui appartient de prendre toutes les mesures provisoires
pour la durée de l'instance (articles 254 et s. du Code civil), ainsi que les mesures d'urgence, et il est,
le cas échéant, juge de la mise en état pendant l'instance en divorce (article 1073 du Code de
procédure civile). Après le divorce, le juge aux affaires familiales statue sur les modalités d'exercice
de l'autorité parentale sur les enfants mineurs et sur la contribution à leur entretien et à leur éducation
(article 373-2-8 du Code civil). Aujourd'hui, aux termes de l'article L. 213-3 du Code de
l'organisation judiciaire, il connaît de l'homologation judiciaire du changement de régime
matrimonial, des demandes relatives au fonctionnement des régimes matrimoniaux et des indivisions
entre personnes liées par un pacte civil de solidarité ou entre concubins, de la séparation de biens
judiciaire 3179, du divorce, de la séparation de corps et de leurs conséquences, de la liquidation et du
partage des intérêts patrimoniaux des époux, des personnes liées par un pacte civil de solidarité et
des concubins 3180. Le juge aux affaires familiales connaît aussi, notamment, des actions liées à la
fixation de l'obligation alimentaire, de la contribution aux charges du mariage ou du pacte civil de
solidarité et de la contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants, à l'exercice de l'autorité
parentale, à la révision de la prestation compensatoire ou de ses modalités de paiement. Ajoutons,
pour finir, que c'est lui qui se prononce en matière de changement de prénom et qu'il exerce les
fonctions de juge des tutelles des mineurs, étant ainsi compétent en matière d'émancipation,
d'administration légale et de tutelle des mineurs 3181. On notera cependant que dans ces diverses
hypothèses, le juge aux affaires familiales « peut renvoyer l'affaire en l'état à une audience
collégiale 3182 » du tribunal de grande instance.
On citera enfin le juge de l'exécution. Aux termes de l'article L. 213-6 du Code de l'organisation
judiciaire et sous réserve des compétences particulières qui peuvent lui être dévolues par le Code
des procédures civiles d'exécution, ce magistrat connaît des difficultés relatives aux titres exécutoires
et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond
du droit 3183 à moins qu'elles n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire. Dans
les mêmes conditions, il autorise les mesures conservatoires et connaît des contestations relatives à
leur mise en œuvre. Il connaît, sous la même réserve, des demandes en réparation fondées sur
l'exécution ou l'inexécution dommageables des mesures d'exécution forcée ou des mesures
conservatoires. En résumé, le juge de l'exécution est compétent en matière de voies d'exécution
mobilières et, depuis 2007, il connaît aussi de la procédure de saisie immobilière 3184. Enfin,
signalons qu'en vertu de l'article L. 131-3 du Code des procédures civiles d'exécution 3185, le juge de
l'exécution a compétence pour liquider les astreintes, définitives comme provisoires, prononcées par
un autre magistrat. Aux termes de ce texte, cette compétence ne lui échappe que si le juge qui a
ordonné l'astreinte reste saisi de l'affaire 3186 ou s'il s'en est expressément réservé le pouvoir. La
solution vaut même lorsque c'est un juge des référés qui a prononcé l'astreinte. On a pu en douter un
temps, en raison du maintien de l'article 491 du Code de procédure civile postérieurement à
l'instauration du juge de l'exécution par une loi de 1991. L'article 491 énonçant que le juge des
référés peut prononcer des astreintes et « les liquider, à titre provisoire », la question s'est posée de
savoir s'il dérogeait au principe de la compétence du juge de l'exécution ou si, au contraire, la
compétence du juge des référés, en ce domaine, était soumise aux conditions posées par ce qui allait
devenir l'article L. 131-3 du Code des procédures civiles d'exécution. C'est la seconde solution qui a
prévalu en jurisprudence : le juge des référés est certes compétent pour liquider l'astreinte qu'il a
antérieurement prononcée, mais à condition qu'il soit encore saisi de l'affaire ou qu'il s'en soit
expressément réservé le pouvoir 3187. En matière de liquidation d'astreinte, il y a donc le juge de
l'exécution et les autres juges ; et le juge des référés compte parmi les autres...
B. LE TRIBUNAL D'INSTANCE

963 Évolution. – Autrefois, le tribunal d'instance portait le beau nom de justice de paix.
Initialement, c'était une juridiction dotée d'une compétence étroitement limitée. Le juge de paix était
recruté parmi les notables du lieu, en fonction de ses vertus morales, puisqu'il devait être moins un
juge qu'un « père conciliant ses enfants ». À partir de la loi du 12 juillet 1905, ces justices de paix
ont vu leur compétence s'élargir et l'ordonnance n 58-1273 du 22 décembre 1958 a précipité
o

l'évolution. La nouvelle appellation qu'elle leur a conférée traduit les changements intervenus. Le
tribunal d'instance jouit aujourd'hui d'une très large compétence qui s'explique d'abord par le souci de
décharger le tribunal de grande instance qui statue en principe de façon collégiale, alors que le
tribunal d'instance statue à juge unique. Il s'agit donc de permettre à l'institution judiciaire d'absorber
un plus grand nombre d'affaires. Elle s'explique aussi par le souci de procurer aux justiciables un
recours devant un tribunal doté d'une procédure plus simple et, en général, plus rapide et moins
coûteuse. Parallèlement, l'élargissement de la compétence du tribunal d'instance s'est accompagné
d'une modification de sa composition : le juge d'instance est désormais un magistrat professionnel, un
juge du tribunal de grande instance délégué au tribunal d'instance.
Cette évolution a conduit certains auteurs à considérer que le tribunal d'instance était devenu une
juridiction de droit commun 3188. On peut penser que cette opinion est excessive. La qualification de
juridiction de droit commun n'est pas liée au nombre d'affaires traitées, ni même à l'importance des
attributions conférées par la loi ; elle dépend strictement de l'aptitude du tribunal à connaître de tous
les litiges que la loi n'attribue pas aux autres juridictions, et cette qualité n'appartient pas au tribunal
d'instance. Il ne saurait d'ailleurs exister, par principe, qu'une seule juridiction de droit commun. En
revanche, de lege ferenda, on peut penser qu'un rapprochement, voire une fusion, entre les tribunaux
de grande instance et les tribunaux d'instance serait le bienvenu.
On indiquera brièvement qu'à côté de ses compétences juridictionnelles, le tribunal d'instance
s'acquitte de missions extrêmement variées ; par exemple, il a pour mission de coter et parapher
divers documents et notamment les registres de l'état civil 3189.

964 Compétence générale et compétences spéciales. – Pour ce qui est des attributions
juridictionnelles du tribunal d'instance 3190, on peut distinguer sa compétence générale et ses
compétences spéciales 3191.
La compétence générale du tribunal d'instance est énoncée par l'article L. 221-4 du Code de
l'organisation judiciaire, aux termes duquel « sous réserve des dispositions législatives ou
réglementaires fixant la compétence particulière des autres juridictions », il « connaît, en matière
civile, de toutes actions personnelles ou mobilières jusqu'à la valeur de 10 000 euros. ». Au-delà de
cette somme, c'est le tribunal de grande instance qui devient compétent. Mais il faut préciser que la
compétence générale du tribunal d'instance ne concerne que les demandes dont le montant est
supérieur à 4 000 euros, compte tenu de la compétence reconnue à la juridiction de proximité 3192. Le
tribunal d'instance « connaît aussi des demandes indéterminées qui ont pour origine l'exécution d'une
obligation dont le montant n'excède pas 10 000 euros ».
Les compétences spéciales du tribunal d'instance sont extrêmement variées et souvent
« pointues ». À titre d'exemple, l'article R. 221-17 du Code de l'organisation judiciaire confie à ce
tribunal les contestations relatives aux indemnités auxquelles peuvent donner lieu l'élargissement ou
l'ouverture du nouveau lit des cours d'eau non domaniaux. Dans le cadre de ces compétences
spéciales, le taux de compétence générale ne s'applique pas au profit du tribunal de grande instance.
Ainsi, le tribunal d'instance connaît d'un certain nombre d'affaires rurales qu'énumère l'article R. 221-
14 du Code de l'organisation judiciaire, même lorsque la somme en jeu dépasse 10 000 euros. Depuis
septembre 2011, le juge du tribunal d'instance est aussi chargé des procédures de surendettement des
particuliers 3193. Il est également compétent pour connaître des demandes formées en matière de
procédure européenne de règlement des petits litiges 3194, à l'exception de celles relevant de la
compétence d'attribution du tribunal de commerce 3195. Signalons enfin que le tribunal d'instance est
compétent pour connaître de l'action en bornage, en vertu de l'article R. 221-12. Il ne s'agit là que de
quelques exemples. Cependant, on notera que dans la plupart de ses compétences spéciales, le
tribunal d'instance est concurrencé et supplanté par la juridiction de proximité 3196 lorsque la somme
en cause n'excède pas 4 000 euros 3197.

965 Injonctions de payer. – Le tribunal d'instance est une des juridictions compétentes en
matière d’injonction de payer, aux côtés du tribunal de grande instance, de la juridiction de
proximité 3198 et du tribunal de commerce 3199. En revanche, en matière de procédure européenne
d'injonction de payer 3200, c'est le tribunal d'instance qui est seul compétent, là encore sous réserve de
la compétence du président du tribunal de commerce en matière commerciale 3201.

966 Baux d'immeuble à usage d'habitation et expulsion. – Surtout, le tribunal d'instance est
le juge ordinaire des baux d'habitation 3202. C'est à lui que doivent être soumises les demandes en
paiement du loyer, en nullité ou en validation du congé, en résiliation du bail ou en réparation de la
chose louée. Il connaît également, à charge d'appel, des actions tendant à l'expulsion des personnes
qui occupent aux fins d'habitation des immeubles bâtis, sans droit ni titre 3203.
Toutefois, pour ce qui est des baux ruraux, la compétence appartient au tribunal paritaire des baux
ruraux 3204. De surcroît, la compétence du tribunal d'instance est aujourd'hui pareillement exclue en
matière de baux commerciaux 3205 et de baux professionnels 3206. Enfin, sur le contentieux particulier
des dépôts de garantie dans les baux relevant de la loi n 89-462 du 6 juillet 1989, le tribunal
o

d'instance n'est compétent qu'au-delà de 4 000 euros, la juridiction de proximité 3207 statuant lorsque
le montant du litige n'excède pas cette somme 3208.

967 Juridictions fonctionnelles. Sous le nom de juge des tutelles, la loi donne compétence au
juge d'instance en matière de tutelle, de curatelle, de sauvegarde de justice et de mesure
d'accompagnement judiciaire des majeurs 3209. Le juge des tutelles connaît aussi des actions relatives
à l'exercice du mandat de protection future, de la constatation de la présomption d'absence et des
demandes formées par un époux aux fins d'être autorisé à passer seul un acte pour lequel le
consentement de son conjoint serait nécessaire, ou aux fins d'être habilité à le représenter, dans les
cas où ce dernier est hors d'état de manifester sa volonté 3210. En matière d'émancipation,
d'administration légale et de tutelle des mineurs, c'est le juge aux affaires familiales qui exerce,
depuis le 1 janvier 2010, les fonctions de juge des tutelles des mineurs 3211.
er

De plus, à l'intérieur du tribunal d'instance, le juge d'instance s'est vu reconnaître des pouvoirs
juridictionnels propres. Il statue sur les demandes en référé ou sur requête qui, au principal, relèvent
de sa compétence. En revanche, le juge de proximité 3212 n'est habilité par les textes à statuer ni en
référé, ni sur requête. Les articles 848 et suivants du Code de procédure civile relatifs aux
ordonnances de référé et aux ordonnances sur requête ne font mention que du juge d'instance. Dans les
cas où le juge de proximité serait compétent au fond, on peut hésiter quant au magistrat habilité à
statuer en référé ou sur requête. On peut d'abord envisager qu'il s'agisse du président du tribunal de
grande instance, car l'article 810 du Code de procédure civile pose la compétence de ce magistrat
pour statuer en référé dans « toutes les matières où il n'existe pas de procédure particulière de
référé ». Cependant, dans les matières relevant normalement de la compétence de la juridiction de
proximité, il nous semble qu'un autre texte peut être invoqué. Il s'agit de l'article L. 221-6 du Code de
l'organisation judiciaire, qui énonce que le juge d'instance statuant sur requête ou en référé « connaît
des demandes visées à l'article L. 221-4 ». Ces demandes sont celles présentées dans le cadre d'une
action personnelle ou mobilière « jusqu'à la valeur de 10 000 euros ». À notre sens, peu importe
qu'elles échappent, au fond, à la compétence du tribunal d'instance lorsque leur objet n'excède pas
4 000 euros 3213, car ce que vise l'article L. 221-6, ce ne sont pas les cas dans lesquels le tribunal
d'instance est compétent au fond, mais bien les « demandes » visées à l'article L. 221-4. C'est donc le
juge d'instance, et non le président du tribunal de grande instance, qui nous paraît être compétent pour
statuer en référé ou sur requête, sur les demandes de l'article L. 221-4 qui relèveraient, au fond, de la
juridiction de proximité. Au demeurant, la solution inverse, fondée sur l'article 810 du Code de
procédure civile, conduirait à une situation peu cohérente dans laquelle le président du tribunal de
grande instance serait compétent pour statuer sur requête ou en référé jusqu'à 4 000 euros, puis
cesserait de l'être jusqu'à 10 000, pour le redevenir au-delà...

C. LA JURIDICTION DE PROXIMITÉ

968 Une juridiction qui a vécu (un peu plus que) ce que vivent les roses. – En accordant au
tribunal d'instance, juridiction à juge unique, une large compétence, le législateur s'est efforcé de
désengorger les tribunaux de grande instance et d'accélérer le cours de la justice à un moindre coût.
Cependant, le tribunal d'instance a été, à son tour, victime de son succès. Afin de soulager les juges
d'instance, le législateur a donc imaginé, en 2002, de créer une troisième juridiction civile : la
juridiction de proximité 3214. Il s'agit d'une juridiction à juge unique qui suit la procédure applicable
devant le tribunal d'instance 3215. Les juges de proximité ne sont pas des magistrats de métier ; payés à
la vacation, ils sont recrutés à temps partiel, pour sept ans non renouvelables, en fonction de leur
expérience ou de leur compétence dans le domaine juridique 3216. Les profils des candidats sont très
hétérogènes. Il peut s'agir, par exemple d'un notaire, d'un avocat ou d'un ancien magistrat, mais aussi
d'une personne titulaire d'une maîtrise en droit et qui, après de nombreuses années passées en qualité
d'homme ou de femme au foyer, déciderait d'embrasser cette activité. C'est dire que les qualités
techniques des uns et des autres sont extrêmement variables, ce qui explique en partie l'accueil très
mitigé qui a été réservé à ces magistrats d'un nouveau genre, par une majorité d'auteurs et de
praticiens. Il est vrai que la formation que doivent suivre les futurs juges de proximité est assez
limitée 3217, au regard des difficultés juridiques qu'ils peuvent rencontrer dans leurs fonctions et de
l'importance des litiges qu'ils peuvent être amenés à trancher.
Tout ceci explique sans doute que la loi n 2011-1862 du 13 décembre 2011 ait finalement décidé
o

de la suppression des juridictions de proximité à compter du 1 janvier 2013. L’échéance fatale a été
er

reportée à 2015, puis au 1 janvier 2017 3218 mais, sous réserve de nouveaux atermoiements du
er

législateur, le sort des juridictions de proximité semble scellé. Normalement, elles cesseront de
recevoir de nouveaux dossiers à compter du 1 janvier 2017, tout en continuant à traiter des dossiers
er

en cours jusqu'au 1 juillet 2017 3219, date à laquelle ces dossiers seront transférés aux tribunaux
er

d'instance territorialement compétents. Les juridictions de proximité auront cessé d'exister.


Cependant, la catégorie des juges de proximité subsistera, ces magistrats étant intégrés dans les
tribunaux de grande instance en tant qu'assesseurs 3220. En ces temps de vaches maigres, l'État
apprécie de pouvoir recourir aux services de supplétifs de la magistrature.

969 Compétence générale et compétences spéciales. – Comme du tribunal d'instance, on peut


dire de la juridiction de proximité, tant qu'elle existe, qu'elle est dotée d'une compétence générale. En
effet, en vertu des articles L. 231-3 et R. 231-3 du Code de l'organisation judiciaire, elle connaît en
dernier ressort « des actions personnelles ou mobilières jusqu'à la valeur de 4 000 euros » 3221.
Rappelons qu'au-delà de cette somme, et jusqu'à 10 000 euros, c'est le tribunal d'instance qui est
compétent, à charge d'appel, le tribunal de grande instance prenant la relève au-delà de 10 000 euros.
Les compétences spéciales de la juridiction de proximité sont un peu moins nombreuses que
celles du tribunal d'instance, mais elles sont toutes calquées sur celles-ci. En effet, elles résultent de
divers textes qui attribuent des compétences au tribunal d'instance « sous réserve de la compétence
de la juridiction de proximité » 3222. C'est dire que le juge de proximité est alors compétent, pour les
litiges dont l'objet est d'une valeur inférieure ou égale à 4 000 euros, dans la plupart des cas qui
relèvent (au-delà) d'une compétence spéciale du tribunal d'instance 3223. De la même manière, la
juridiction de proximité connaît en dernier ressort des actions relatives à un dépôt de garantie dans le
cadre de la loi du 6 juillet 1989 sur les baux d'habitation, jusqu'à la valeur de 4 000 euros, le tribunal
d'instance étant compétent au-delà 3224.
Cependant, le juge de proximité n'a pas le pouvoir de statuer en référé, ni de rendre des
ordonnances sur requête 3225, hormis bien sûr les ordonnances d'injonction de payer ou d'injonction de
faire 3226. À compter de la disparition des juridictions de proximité, en 2017, les juges de proximité
pourront encore statuer sur les requêtes en injonction de payer, au sein du tribunal d'instance ou de
grande instance, mais ils ne pourront pas statuer lors de la seconde phase de cette procédure, c'est-à-
dire sur opposition 3227.

970 Compétence subsidiaire du juge d'instance et renvois. – En principe, on devrait pouvoir


s'adresser partout en France à un juge de proximité 3228. Mais la pratique démontre que les candidats à
cette fonction ne sont pas légion. Et, quand une juridiction de proximité est mise en place, il peut
arriver que le magistrat soit empêché. C'est pourquoi la loi prévoit que le juge d'instance exerce « de
plein droit, en cette qualité, les fonctions de juge de proximité lorsque aucun juge de proximité n'a été
affecté au sein de la juridiction de proximité » 3229. De plus, « en cas d'absence ou d'empêchement du
juge de proximité ou lorsque le nombre de juges de proximité se révèle insuffisant, les fonctions de
ce juge sont exercées par un juge du tribunal d'instance, désigné à cet effet par ordonnance prise par
le président du tribunal de grande instance » 3230.
Le rôle subsidiaire du juge d'instance ne s'arrête pas là. En effet, sans doute conscient de ce que
les juges de proximité ne sont pas tous des juristes de haut niveau, le législateur leur a conféré la
possibilité ou l'obligation de renvoyer certaines questions délicates au tribunal d'instance. Ainsi,
lorsque le juge de proximité se heurte à une difficulté juridique sérieuse portant sur l'application
d'une règle de droit ou sur l'interprétation du contrat liant les parties, il peut, à la demande d'une
partie ou d'office, et après avoir respecté le principe contradictoire, renvoyer l'affaire au tribunal
d'instance qui statuera en tant que juridiction de proximité 3231. L'article 847-4 du Code de procédure
civile précise que cette décision de renvoi est une mesure d'administration judiciaire qui peut revêtir
la forme d'une simple mention au dossier. De surcroît, les questions de compétence étant souvent
assez ardues, c'est, cette fois, une obligation qui est faite, par l'article 847-5, au juge de proximité, de
renvoyer au juge d'instance, fût-ce par une simple mention au dossier, toutes les exceptions
d'incompétence qui seraient soulevées devant lui. Ces règles de renvoi de compétence révèlent
clairement que, même dans l'esprit du législateur, tous les juges n'ont pas le même niveau de
qualification et qu'à ses yeux le juge de proximité n'est qu'un ersatz de juge d'instance. Dans ces
conditions, on peut regretter qu'il soit amené à statuer sans appel sur bon nombre de litiges dont le
montant peut s'élever jusqu'à 4 000 euros.

D. LE TRIBUNAL DE COMMERCE

971 Compétence générale. – Aux termes de l'article L. 721-3, 3 , du Code de commerce, le


o

tribunal de commerce est d'abord compétent pour connaître de toutes les contestations « relatives aux
actes de commerce », qu'il s'agisse d'actes de commerce par nature ou par accessoire 3232, ou encore
d'actes de commerce par la forme. La compétence du tribunal de commerce joue aussi bien pour les
actes de commerce accomplis par un commerçant que par un non commerçant. Ainsi en va-t-il pour le
contentieux né d'une lettre de change signée par un non commerçant ou même d'un achat pour revendre
auquel se serait livré un non commerçant. Il faut seulement réserver, dans ce dernier exemple,
l'hypothèse où l'acte aurait été accompli pour les besoins de l'activité professionnelle, de nature
civile, de la personne qui a contracté. La théorie de l'accessoire peut jouer en effet en faveur du droit
civil : le dentiste qui achète de l'or pour fabriquer et vendre des prothèses fait un acte qui, bien que
commercial par sa nature, est qualifié d'acte civil et ne relève pas du tribunal de commerce. Par
exception, bien que la commercialité par accessoire s'étende aux obligations délictuelles et quasi
délictuelles, les tribunaux de commerce ne peuvent connaître des demandes tendant à la réparation
des dommages de toute nature causés par un véhicule terrestre, celles-ci relevant de la compétence du
tribunal de grande instance statuant à juge unique 3233. Enfin, pour ce qui est des actes mixtes, il
convient de distinguer selon la position des parties. La partie à l'égard de qui l'acte n'est pas
commercial ne peut être citée devant un tribunal de commerce. En revanche, si c'est cette partie qui
est demandeur, elle dispose d'une option entre le tribunal de commerce et les tribunaux civils pour
citer la partie à l'égard de qui l'acte est commercial.

972 Compétences spéciales. – À cette compétence générale s'ajoutent diverses compétences


spéciales. Deux d'entre elles doivent être citées ici. La première concerne les contestations
« relatives aux sociétés commerciales », qu'énonce l'article L. 721-3, 2 , du Code de commerce. La
o

société est le plus souvent une société commerciale par la forme, il peut s'agir aussi d'une société en
participation dont l'objet est commercial. Sous l'empire de l'article 631 de l'ancien Code de
commerce 3234, la Cour de cassation avait décidé qu'il fallait exclure de la compétence du tribunal de
commerce les litiges qui ne prenaient pas leur source dans le pacte social. En particulier, devaient
être exclus les litiges nés de la cession de parts sociales, à moins qu'elle ne fût constitutive d'une
cession de contrôle. Cependant, faisant prévaloir la lettre des textes plus récents sur leur esprit, la
Cour a élargi la compétence des tribunaux de commerce aux litiges nés d'une cession de parts de
société commerciale 3235. Pareillement, elle juge que le tribunal de commerce est compétent en
matière de faute se rattachant par un lien direct à la gestion d'une société commerciale 3236.
La seconde compétence spéciale intéresse les procédures collectives applicables aux entreprises.
Le tribunal de commerce est seul compétent lorsque le débiteur exerce une activité commerciale ou
artisanale 3237. Dans les autres cas, par exemple lorsque le débiteur est agriculteur ou exerce une
profession libérale, c'est le tribunal de grande instance qui est compétent. Ceci étant précisé, pendant
longtemps tous les tribunaux de commerce ou de grande instance n'ont pas été habilités à statuer en ce
domaine, car on estimait que la complexité du droit de la sauvegarde ou du redressement judiciaire
des entreprises justifiait une spécialisation renforcée. L'article L. 610-1 du Code de commerce, issu
de la loi n 2005-845 du 26 juillet 2005, prévoit donc qu'un décret détermine, dans chaque
o

département, le tribunal ou les tribunaux appelés à connaître de ces procédures, ainsi que le ressort
dans lequel ils exercent leurs attributions 3238. Cependant, avec l'entrée en vigueur de la nouvelle
carte judiciaire en 2009, pour les tribunaux de commerce et en 2011 pour les tribunaux de grande
instance, on a pu constater qu'en métropole tous les tribunaux de commerce ou de grande instance
avaient finalement compétence en matière de procédures collectives. L'article L. 610-1 est donc
actuellement vidé de sa substance.

973 Juridictions fonctionnelles. – À l'intérieur du tribunal, le président dispose de


compétences juridictionnelles propres. Il est juge des référés et des requêtes pour les demandes qui,
au principal, relèvent de la compétence du tribunal de commerce. En outre, dans les mêmes
conditions, il est compétent pour rendre les ordonnances portant injonction de payer (article 1406 du
Code de procédure civile). Dans les procédures collectives, le juge-commissaire se voit reconnaître,
lui aussi, des compétences importantes.

E. LE CONSEIL DE PRUD'HOMMES

974 Présentation. – Comme le tribunal de commerce, le conseil de prud'hommes constitue une


juridiction d'exception composée de juges élus. Depuis la loi n 79-44 du 18 janvier 1979, il existe
o

des conseils de prud'hommes sur l'ensemble du territoire national et, à l'intérieur de chacun d'eux, on
trouve autant de sections qu'il existe de catégories différentes de salariés. Chacune des cinq sections
composant le conseil de prud'hommes 3239 dispose d'une compétence propre et constitue donc, d'un
point de vue fonctionnel, une juridiction autonome 3240. Dans les matières qui relèvent de sa
compétence, le conseil de prud'hommes statue en premier et dernier ressort lorsque la demande
n'excède pas 4 000 euros 3241 et à charge d'appel au-delà : sa compétence n'est pas limitée par le
montant de la demande.
Le président du conseil de prud'hommes ne dispose pas de pouvoirs juridictionnels propres, le
législateur tenant à respecter, en tous points, le caractère paritaire de ce tribunal. C'est ce qui
explique que les demandes en référé soient portées devant une formation de référé comprenant un
conseiller employeur et un conseiller salarié.

975 Litiges individuels nés à l'occasion d'un contrat de travail. – Le conseil de prud'hommes
n'est compétent que pour connaître des litiges individuels nés à l'occasion d'un contrat de travail ou
d'apprentissage. Son incompétence pour connaître d'un litige collectif de travail n'est pas énoncée par
les articles L. 1411-1 et suivants du Code du travail, relatifs à sa compétence d'attribution. Elle
résulte d'une jurisprudence constante. La notion de litige individuel de travail appelle quelques
précisions. Il faut se garder d'assimiler litige individuel et contrat de travail d'une part, et litige
collectif et convention collective d'autre part. Il y a un litige individuel lorsqu'un salarié demande le
respect et la sanction d'un droit qui lui appartient individuellement. Peu importe donc que la
prétention du salarié soit fondée sur la loi, l'usage, son contrat de travail, ou la convention collective
et qu'à l'occasion d'un tel litige, le conseil de prud'hommes doive interpréter cette convention. De
même, peu importe que de nombreux salariés soumettent au conseil la même demande. Dès lors que
chacun d'eux fait valoir un droit qui lui appartient individuellement, les demandes donnent naissance
à autant de litiges individuels, qui sont de la compétence du conseil de prud'hommes.
La compétence du conseil de prud'hommes suppose qu'il existe un contrat de travail. Il faut donc
exclure les litiges relatifs aux contrats de mandat qui caractérisent certains agents commerciaux. En
revanche, relèvent des conseils de prud'hommes les personnels des services publics « lorsqu'ils sont
employés dans les conditions du droit privé » 3242. Pour toutes ces personnes, le conseil de
prud'hommes connaît des litiges nés à l'occasion du contrat de travail. Entrent dans cette catégorie les
litiges de nature contractuelle, ainsi les litiges relatifs à la validité du contrat, au contenu des
obligations des parties et à la rupture du contrat, y compris ceux qui sont relatifs aux obligations qui
peuvent peser sur le salarié après la rupture 3243. La compétence du conseil de prud'hommes s'étend
aussi aux obligations délictuelles ou quasi délictuelles. En revanche, sont à exclure les litiges relatifs
aux accidents du travail et, en général, ceux qui concernent la sécurité sociale. On remarquera aussi
que, si l'écrasante majorité des affaires prud'homales oppose un salarié à un employeur, le conseil de
prud'hommes peut connaître aussi des différends nés entre salariés à l'occasion d'un contrat de
travail 3244.
Dans toutes ces matières, aux termes de l'article L. 1411-4 du Code du travail, le conseil de
prud'hommes dispose d'une compétence exclusive 3245.

F. AUTRES JURIDICTIONS

976 Tribunal paritaire des baux ruraux, tribunal des affaires de sécurité sociale et autres. –
Comme accolés aux tribunaux d'instance, les tribunaux paritaires des baux ruraux connaissent, ainsi
que leur nom l'indique, du contentieux des baux ruraux. Indépendamment de toute appréciation sur la
qualité des décisions rendues, leur seule existence constitue l'exemple de ce qu'il ne faut pas faire. Il
est aberrant de créer une juridiction dotée d'une compétence aussi limitée, alors qu'il aurait été si
simple de confier ces affaires au tribunal d'instance, qui est le juge normal en matière de baux. On
remarquera d'ailleurs qu'en tant que président du tribunal paritaire des baux ruraux 3246, le juge
d'instance est le juge des référés et des requêtes qui, au principal, doivent être soumises à cette
juridiction 3247. De plus, le greffe du tribunal paritaire est celui du tribunal d'instance 3248. Enfin, le
tribunal d'instance a vocation à assumer les attributions du tribunal paritaire lorsque celui-ci ne peut
être constitué ou ne peut fonctionner 3249. Quoi qu'il en soit, la compétence du tribunal paritaire des
baux ruraux résulte de l'article L. 491-1 du Code rural et de la pêche maritime, qui dispose que le
tribunal connaît des contestations entre bailleurs et preneurs de baux ruraux, relatives à l'application
des titres I à VI et VIII du livre IV dudit Code, c'est-à-dire notamment des règles intéressant les
congés, le droit de reprise, le droit de préemption, le montant du loyer et l'indemnité due au preneur
sortant. Sa compétence a été élargie aux litiges relatifs à l'existence et à la validité du bail rural 3250.
Cette compétence est exclusive.
On citera encore le tribunal des affaires de sécurité sociale, organisé sur la base de l'échevinage
comme le tribunal paritaire des baux ruraux, sous cette différence que le magistrat qui le préside
appartient au tribunal de grande instance et non au tribunal d'instance. Aux termes de l'article L. 142-
2 du Code de la sécurité sociale, il connaît des litiges relevant du contentieux général de la sécurité
sociale, par opposition au contentieux technique, à caractère médical (essentiellement les litiges
relatifs aux invalidités et aux incapacités de travail), qui relève en première instance des tribunaux du
contentieux de l'incapacité et en appel de la cour nationale de l'incapacité et de la tarification de
l'assurance des accidents du travail (articles L. 143-2 et L. 143-3 du Code de la sécurité sociale).
Il existe encore bien d'autres juridictions 3251. Ainsi l'article L. 261-1 du Code de l'organisation
judiciaire dispose qu'il y a des prud'homies de pêche régies par un décret du 19 novembre 1859 sur
la police de la pêche côtière dans le cinquième arrondissement maritime. Tout cela est passionnant.

§ 2. LES RÈGLES DE COMPÉTENCE TERRITORIALE

977 Mécanisme de la compétence territoriale. – Une fois déterminé le type de juridictions


compétent pour connaître d'un litige en raison de la matière litigieuse, il faut encore déterminer la
juridiction qui, à l'intérieur du type donné, sera compétente pour en connaître. Il existe environ cent
soixante-quinze tribunaux de grande instance en France. Quel est celui d'entre eux qui devra être
saisi ? Tel est l'objet des règles de compétence territoriale. Leur mécanisme est simple. Chaque
tribunal est doté d'un ressort, c'est-à-dire d'un territoire sur lequel s'étend son pouvoir juridictionnel.
Le législateur choisit un élément de rattachement, appelé chef de compétence territoriale. Est
compétent le tribunal dans le ressort duquel se localise l'élément de rattachement choisi. Par
exemple, si l'élément de rattachement est le domicile du défendeur, est compétent le tribunal dans le
ressort duquel se trouve concrètement le domicile du défendeur dans le litige en question.
On considère généralement que les règles de compétence territoriale sont moins importantes que
les règles de compétence d'attribution. Il est permis de douter du bien-fondé de cette opinion, au
moins d'un point de vue pratique. Il est loin d'être indifférent de devoir agir ici ou là. Le fait de
plaider « à la maison » offre beaucoup plus de commodités. Par exemple, un plaideur caennais aux
ressources modestes ne pourra que difficilement suivre le procès qu'il aura confié à un avocat
toulousain 3252 et, s'il choisit, lorsque c'est possible, d'avoir recours à un avocat caennais, le procès
lui coûtera plus cher en raison des déplacements nécessaires.

978 Plan. – Dans le présent développement, toutes les règles de compétence territoriale ne
seront pas abordées : elles sont beaucoup trop nombreuses. C'est ainsi que l'article R. 221-49 du
Code de l'organisation judiciaire institue, entre autres, une règle de compétence particulière pour les
demandes relatives aux vices rédhibitoires et aux maladies contagieuses des animaux domestiques.
On négligera toutes ces règles excessivement pointues et dont l'importance est minime, pour s'en tenir
aux plus courantes.
De même qu'il existe une juridiction de droit commun, on trouve un chef de compétence de
principe, qui s'applique à défaut de disposition contraire. En principe, en application de l'article 42
du Code de procédure civile, est compétent le tribunal « du lieu où demeure le défendeur », ce
qu'exprime l'adage actor sequitur forum rei 3253. La règle peut s'appliquer seule ou combinée avec
une option de compétence (A). Mais parfois, elle se trouve écartée au profit d'une autre règle (B).

A. L'APPLICATION DE LA RÈGLE DE PRINCIPE

979 Fondement de la règle. – La règle actor sequitur forum rei repose sur l'idée que celui qui
prend l'initiative d'un procès doit plaider chez l'adversaire. Il ne peut imposer au défendeur de se
déplacer. Assez souvent, il faut le reconnaître, la règle favorise le mauvais payeur ou le cocontractant
indélicat, mais la solution inverse serait pire : en effet, elle présumerait que le défendeur est dans son
tort. À défaut d'être vraiment satisfaisante, la règle actor sequitur forum rei a le mérite d'être la seule
solution acceptable à titre de principe.
Le plus souvent, cette règle constitue le seul chef de compétence territoriale (1), si bien que le
demandeur ne dispose d'aucun choix. Parfois, le législateur lui confère une option. La règle de
principe est alors combinée avec un chef supplémentaire entre lesquels peut choisir le demandeur
(2). La combinaison de la règle avec un chef supplémentaire présente une singularité marquée
lorsqu'un magistrat ou un auxiliaire de justice est partie à un litige qui relève de la compétence d'une
juridiction dans le ressort de laquelle il exerce ses fonctions (3).

1. Le jeu de la règle seule

980 Modalités d'application selon le défendeur. – La règle actor sequitur forum rei joue de
façon légèrement différente selon que le demandeur est une personne physique ou une personne
morale. Aux termes de l'article 43 du Code de procédure civile, pour une personne physique, le lieu
où demeure la personne est le lieu « où celle-ci a son domicile », au sens du Code civil. À défaut de
domicile connu, et à défaut seulement, est compétent le tribunal de la résidence du défendeur 3254.
Pour les personnes morales, l'article 43 se réfère au lieu où elle est « établie ». Il s'agit en
principe du siège social réel, mais l'expression retenue montre que les rédacteurs du Code de
procédure civile ont entendu maintenir la jurisprudence traditionnelle, dite des gares principales, qui
permet au demandeur de citer une société devant le tribunal de l'une de ses succursales 3255. On sait
que la Cour de cassation subordonne son jeu à la réunion de deux conditions. Il faut d'abord que la
succursale soit un établissement de la société disposant d'une relative autonomie. En pratique, les
tribunaux exigent qu'elle soit dirigée par un agent de la société qui ait pouvoir de représenter la
société et de traiter en son nom avec les clients. Il faut aussi que la demande formée contre la société
se rapporte à l'activité de la succursale en question. Lorsque ces conditions se trouvent réalisées, le
demandeur dispose d'une option de compétence entre le tribunal du siège de la société et celui,
généralement plus proche, du lieu où se trouve la succursale 3256.

981 Aménagements. – L'article 42 du Code de procédure civile apporte deux aménagements à


la règle de principe. D'abord, il dispose qu'à défaut de domicile et de résidence connus du défendeur,
le demandeur peut saisir le tribunal de son propre domicile. Cette précision bienvenue vient combler
une lacune des textes antérieurs, en consacrant la solution préconisée par la doctrine et adoptée par la
jurisprudence 3257.
En second lieu, l'article 42 énonce que « s'il y a plusieurs défendeurs, le demandeur saisit, à son
choix, la juridiction du lieu où demeure l'un d'eux ». Ce texte n'est destiné qu'à éviter qu'un procès ne
se trouve morcelé entre plusieurs juridictions. Il n'a pas pour objet de favoriser le demandeur. C'est
pourquoi les tribunaux exigent qu'il existe un lien de connexité entre les demandes formées contre les
divers demandeurs. À défaut, chaque défendeur doit être cité devant le tribunal de son domicile 3258.
Il faut signaler enfin que cette règle ne permet d'assigner un défendeur que devant le tribunal du
domicile d'un autre défendeur. En revanche, elle ne permet pas de l'attraire devant un tribunal qui
serait compétent en raison d'un chef de compétence différent. Par exemple, le demandeur ne peut pas
citer Pierre devant le tribunal du lieu où Paul a livré la marchandise 3259.

2. La combinaison de la règle de principe avec d'autres chefs

982 Existence d'une option de compétence. – L'article 46 du Code de procédure civile


dispose que, dans un certain nombre de matières, le demandeur bénéficie d'une option. Il peut, à son
choix, assigner son adversaire devant le tribunal du lieu où demeure ce dernier ou devant un autre
tribunal désigné par un chef de compétence différent.

983 Contrats. – En matière contractuelle 3260, le demandeur peut saisir « la juridiction du lieu
de la livraison effective de la chose ou du lieu de l'exécution de la prestation de service ». Le critère
est donc celui du lieu où s'exécute la prestation caractéristique du contrat. L'article 46 s'applique
devant toutes les juridictions, civiles comme commerciales 3261.
L'application de ce texte soulève quelques difficultés. En cas de contrat de vente ou de fourniture,
d'abord, le lieu de la livraison « effective » suppose, si l'on s'en tient à la lettre de l'article 46, que la
livraison ait eu lieu. À défaut de livraison, le demandeur doit assigner son adversaire devant le
tribunal de son domicile. C'est cette solution qu'a logiquement retenue la chambre commerciale de la
Cour de cassation 3262. La deuxième chambre a cependant jugé, en sens contraire, que « le lieu de
livraison effective s'entend de celui où la livraison a été ou doit être effectuée » 3263. Si louable que
puisse être le souci de protéger la victime de l'inexécution d'un contrat, on ne saurait approuver le
contenu de cet arrêt qui est manifestement contraire au texte du Code de procédure civile.
Indépendamment, de cette première question, une seconde difficulté porte sur la détermination du lieu
de livraison. Lorsqu'il est stipulé que la marchandise sera transportée aux risques de l'acheteur, on
devrait admettre que la livraison a lieu au départ de la marchandise. En effet, dans ce cas, c'est à la
sortie de ses entrepôts que le vendeur a livré la chose, par la remise au transporteur, même si
l'acheteur ne l'a pas encore reçue. Il n'est pas certain que cette position logique soit accueillie par la
jurisprudence 3264.
En cas de prestation de services, deux difficultés apparaissent. La première tient à la notion de
prestation de service. La Cour de cassation en retient à juste titre une conception matérielle ; c'est
pourquoi elle décide que le versement d'une somme d'argent ne constitue ni la livraison d'une chose,
ni une prestation de service, au sens de l'article 46 du Code de procédure 3265. Par ailleurs, que faut-il
décider lorsque le contrat donne lieu à plusieurs prestations qui s'exécutent dans des endroits
différents ? L'esprit de l'article 46 devrait conduire à ne retenir que le lieu d'exécution de la
prestation principale du contrat, s'il en existe une. La Cour de cassation a cependant décidé que,
lorsqu'un contrat donne lieu à plusieurs prestations de service dans des lieux différents, le demandeur
peut saisir, à son choix, la juridiction du lieu où l'une d'elles a été effectuée 3266.
Enfin, désormais, la règle de l'article 46 est applicable même en cas de demande en nullité du
contrat. Dans une semblable hypothèse, la jurisprudence antérieure à l'actuel Code de procédure
civile écartait le jeu de l'option que posait alors l'article 420 de l'ancien Code. Mais la Cour de
cassation s'est clairement prononcée en faveur du maintien de l'option, en considérant que des juges
saisis d'une demande d'annulation d'un contrat de distribution et de franchise restaient saisis d'un
litige en matière contractuelle 3267. Cette solution doit certainement être approuvée car le lieu
d'exécution de la prestation (ou de livraison de la chose) fournit un élément objectif de localisation
du litige, quel que soit l'objet de la demande.

984 Délits. – En matière délictuelle, le demandeur peut saisir la juridiction « du lieu du fait
dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi ». L'article 46 offre donc au
demandeur le choix entre trois chefs de compétence, puisqu'il distingue le lieu où s'est produit le fait
dommageable du lieu où le dommage a été subi 3268. La compétence du tribunal du lieu où s'est
produit le fait dommageable se justifie aisément : c'est ce tribunal qui est le mieux placé pour
ordonner et faire exécuter les mesures d'instruction nécessaires et pour avoir la meilleure
connaissance possible de l'affaire. Le plus souvent, ce chef de compétence coïncide avec le lieu où le
dommage a été subi. C'est le cas notamment en matière d'accident de la circulation. Cependant, il
arrive parfois que les deux chefs soient distincts, parce que le dommage est créé à distance. Deux
exemples classiques de cette situation sont constitués par le déversement de produits dans une
rivière, qui cause une pollution dont les effets se font sentir en aval 3269, et par la diffusion d'un
article diffamatoire en un lieu donné, qui cause un préjudice au lieu, éventuellement différent, où
demeure la personne diffamée 3270.

985 Droit de la consommation. – La loi n 2009-526 du 12 mai 2009 a inséré un


o

article L. 141-5 dans le Code de la consommation. Ce texte énonce que « le consommateur peut saisir
à son choix, outre l'une des juridictions territorialement compétentes en vertu du Code de procédure
civile, la juridiction du lieu où il demeurait au moment de la conclusion du contrat ou de la
survenance du fait dommageable ». Ce texte est important en pratique, car son domaine d'application
est très vaste 3271, les litiges nés d'un contrat ou d'un fait dommageable opposant souvent un
consommateur à un professionnel. Dans ce type de situation, le consommateur peut donc, le cas
échéant, bénéficier d'un choix très large. Ainsi, mécontent de l'exécution du contrat qu'il a passé avec
une société, il pourra saisir, à sa guise, le juge du siège de cette société ou de la succursale à laquelle
il a eu recours 3272, celui du lieu d'exécution de la prestation de service ou de livraison de la chose
acquise ou, encore, celui du lieu où il demeurait lorsqu'il a contracté.

986 Matière mixte. – En matière mixte, le demandeur peut saisir « la juridiction du lieu où est
situé l'immeuble ». L'action mixte s'insère dans la classification traditionnelle des actions, fondée sur
le droit invoqué. On désigne ainsi une action dans laquelle sont invoqués à la fois un droit réel et un
droit personnel résultant d'une même opération juridique 3273. L'option conférée par l'article 46 du
Code de procédure civile, lorsque sont invoqués à la fois un droit réel immobilier et un droit
personnel, permet au demandeur de faire prévaloir le caractère personnel ou le caractère réel de sa
prétention.

987 Aliments. – En matière d'aliments ou de contribution aux charges du mariage, le


demandeur peut saisir la juridiction « du lieu où demeure le créancier » d'aliments. Cette option
repose sur l'idée de faveur accordée au créancier d'aliments tenu pour plus digne d'intérêt et plus
pauvre que le débiteur : il pourrait ne pas être à même de supporter les frais supplémentaires
qu'entraîne un procès se déroulant au loin. Le législateur ne veut pas que l'éloignement puisse
l'amener à renoncer à présenter sa demande. C'est pourquoi l'option n'existe que pour lui : elle lui
permet de saisir son propre juge (on parle alors du forum actoris, par opposition au forum rei). En
revanche, lorsque c'est le débiteur d'aliments qui est demandeur, aucun choix n'existe plus, le
domicile du défendeur se confondant avec celui du créancier. On notera que, si pour la compétence
d'attribution, l'action à fins de subsides de l'article 342 du Code civil est considérée comme une
action d'état, pour ce qui est de la compétence territoriale, elle est assimilée à une action alimentaire
et le demandeur bénéficie de l'option de l'article 46 du Code de procédure civile 3274.

3. Le magistrat ou l'auxiliaire de justice partie au procès

988 Présentation. – L'article 47 du Code de procédure civile pose que, « lorsqu'un magistrat
ou un auxiliaire de justice est partie à un litige qui relève de la compétence d'une juridiction dans le
ressort de laquelle celui-ci exerce ses fonctions, le demandeur peut saisir une juridiction située dans
un ressort limitrophe ». Dans un second alinéa, le texte ajoute que « le défendeur ou toutes les parties
en cause d'appel peuvent demander le renvoi devant une juridiction choisie dans les mêmes
conditions. À peine d'irrecevabilité, la demande est présentée dès que son auteur a connaissance de
la cause de renvoi. En cas de renvoi, il est procédé comme il est dit à l'article 97 ». La seule lecture
de ce texte en fait ressortir l'originalité par rapport aux autres règles de compétence qui viennent
d'être étudiées. L'article 47 n'a pas pour objet de désigner positivement une juridiction, mais de
permettre au demandeur, ou au défendeur, de ne pas être jugé devant le tribunal désigné par la règle
de compétence. La délicatesse rend en effet inopportun qu'un procès soit soumis à un tribunal dans
lequel l'une des parties exerce ou s'apprête à exercer 3275 des fonctions de juge ou d'auxiliaire de
justice 3276. La disposition de l'article 47 répond aussi à l'exigence d'un « tribunal indépendant et
impartial », au sens de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme
et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 3277. Pour les mêmes raisons, il serait opportun
d'étendre la règle aux anciens juges ou auxiliaires de justice, mais la lettre de l'article 47 ne le permet
pas 3278.
Ces fondements confèrent à l'article 47 un caractère hybride, à tel point que l'on parlera plus
volontiers de « privilège de compétence » que « d'option de compétence », pour qualifier le droit des
parties 3279. D'un point de vue technique, les ressemblances qui existent entre le « dépaysement » du
procès et les règles de compétence justifient que la réglementation soit en principe empruntée à
celles-ci, mais la finalité qui inspire cette disposition a conduit le législateur et la Cour de cassation
à écarter le jeu de ces règles, chaque fois que leur application pourrait y faire obstacle.

989 Domaine quant aux personnes. – Qui sont les magistrats et auxiliaires de justice visés par
l'article 47 du Code de procédure civile ? Pour ce qui est des magistrats, le jeu de ce texte n'est pas
lié au statut de la magistrature, mais aux fonctions de juge. C'est pourquoi il s'applique aux juges des
tribunaux de commerce et des conseils de prud'hommes 3280 tout autant qu'aux magistrats de métier.
Les auxiliaires de justice sont les avocats, ainsi que les huissiers de justice 3281, les administrateurs
judiciaires et les mandataires judiciaires 3282. Il importe peu que les magistrats ou les auxiliaires de
justice soient parties à titre personnel ou en tant que représentants d'une autre personne 3283. Mais, à
l'inverse, la règle ne joue pas lorsqu'ils participent à un procès dans l’exercice de leurs fonctions,
sinon un avocat ne pourrait jamais plaider dans le ressort de son barreau ni un mandataire judiciaire
représenter une entreprise dans le ressort du tribunal où il est installé 3284 !

990 Régime de la règle. – Le caractère hybride de la règle posée par l'article 47 du Code de
procédure civile se manifeste surtout dans le régime qui lui est reconnu. Le jeu de la règle est en
principe calqué sur celui de l'incident de compétence 3285, mais ce dernier est écarté chaque fois qu'il
se révélerait trop étroit 3286.
La première originalité réside en ce que le droit de faire jouer la disposition appartient aux deux
parties : au magistrat ou à l'auxiliaire de justice, mais aussi à son adversaire, quelle que soit
d'ailleurs la position procédurale de l'un et de l'autre. Le défendeur peut demander au juge le renvoi
de l'affaire devant une juridiction limitrophe, mais, de son côté, le demandeur peut lui aussi prendre
l'initiative de soumettre ses prétentions à une juridiction limitrophe 3287. De même, le droit de
demander le renvoi de l'affaire n'est pas subordonné à l'indication de la juridiction que la partie
estime compétente. Au demeurant, la Cour de cassation décide que si le juge saisi d'une demande de
renvoi est tenu d'accueillir cette demande dès lors que les conditions de l'article 47 sont remplies 3288,
la désignation de la juridiction limitrophe relève de son pouvoir discrétionnaire 3289.
L'article 47 du Code de procédure civile déroge encore aux règles qui régissent les exceptions de
procédure, en ce que la demande de renvoi peut être présentée en tout état de cause 3290, aussi bien
devant le juge du premier degré que devant la cour d'appel 3291 et même devant la cour d'appel de
renvoi après une cassation 3292. La Cour de cassation a même décidé que ce droit était insusceptible
d'abus, de sorte que le juge ne pouvait jamais refuser le renvoi, même lorsqu'il était absolument
évident que la demande de renvoi n'avait été formée que dans une intention dilatoire 3293. Cela étant,
depuis sa modification par le décret n 2012-66 du 20 janvier 2012, l'article 47 du Code de
o

procédure civile pose qu'à peine d'irrecevabilité, la demande de renvoi doit être présentée dès que sa
cause est connue de celui qui l'invoque. Il y a donc des limites à la tolérance dont on peut faire
preuve envers des comportements dilatoires. Un plaideur peut demander le renvoi à n'importe quel
stade de la procédure, à condition de ne pas tarder à le faire, une fois qu'il a connaissance de la cause
de renvoi.

B. L'EXCLUSION DE LA RÈGLE DE PRINCIPE

991 Division. – Le législateur écarte parfois le jeu de la règle actor sequitur forum rei. Tantôt,
il lui substitue un autre chef de compétence (1), si bien que le demandeur ne dispose plus d'une
option : il doit saisir le tribunal désigné par le législateur comme étant le mieux placé pour connaître
du litige. Tantôt, la règle de principe est écartée au profit de chefs de compétence complexes (2).

1. La substitution d'un autre chef de compétence

992 Immeubles. – Dans les procès relatifs aux immeubles, le législateur donne souvent
compétence au tribunal du lieu de situation. C'est une manifestation de ce que l'on appelle le pouvoir
d'attraction de l'immeuble. Ce pouvoir d'attraction se manifeste d'abord pour les actions réelles
immobilières. Celles-ci constituent l'une des catégories qu'établit la classification traditionnelle des
actions 3294. Concernant les actions réelles immobilières, l'article 44 du Code de procédure civile
dispose que la juridiction du lieu où est situé l'immeuble est seule compétente. Peu importe alors le
domicile du défendeur.
Le pouvoir d'attraction de l'immeuble se manifeste aussi à propos de deux autres sortes de
demandes. En matière de copropriété des immeubles bâtis, l'article 61-1 du décret n 67-223 du
o

17 mars 1967 dispose que tous les litiges sont de la compétence de la juridiction du lieu de la
situation de l'immeuble. C'est la même solution qu'énoncent les divers textes régissant la compétence
en matière de baux : l'article R. 221-48 du Code de l'organisation judiciaire pour les baux
d'habitation, l'article R. 145-23 du Code de commerce pour les baux commerciaux et l'article 880 du
Code de procédure civile pour les baux ruraux.

993 Successions. – En matière successorale, l'article 45 du Code de procédure civile donne


compétence à la juridiction dans le ressort de laquelle est ouverte la succession, c'est-à-dire au
tribunal du dernier domicile du défunt. Cette solution se justifie par le souci de concentrer devant le
même tribunal le contentieux extrêmement complexe auquel peut donner lieu le règlement d'une
succession et, parmi tous les tribunaux, c'est celui du dernier domicile qui est le mieux placé : dans
son ressort se trouvent probablement les titres du défunt, son testament et ses papiers. L'article 45
régit trois sortes d'actions : les demandes entre héritiers, qu'il s'agisse d'héritiers légaux (on dit : ab
intestat) ou testamentaires, les demandes formées par les créanciers du défunt contre les héritiers et
les demandes relatives à l'exécution des dispositions à cause de mort, par exemple la demande en
délivrance d'un legs. Pour toutes ces affaires, la compétence particulière édictée par l'article 45 du
Code de procédure civile ne joue que si la demande est formée au plus tard au moment du partage.
Les demandes formées postérieurement obéissent aux règles de droit commun.

994 Procédures collectives. – Le même souci de concentrer tout le contentieux en un même


endroit explique la compétence du tribunal dans le ressort duquel le débiteur a le siège de son
entreprise, que retient pour les procédures collectives l'article R. 600-1 du Code de commerce. La
compétence de cette juridiction dure jusqu'à la clôture de la procédure ou jusqu'à la fin du plan de
redressement.

2. L'édiction de chefs de compétence complexes

995 Divorce. – Il ne saurait être question d'examiner ici toutes les règles complexes de
compétence qu'a édictées le législateur. Deux d'entre elles seulement seront étudiées : celles
applicables en matière de divorce et en matière prud'homale.
L'article 1070 du Code de procédure civile édicte trois chefs de compétence hiérarchisés pour les
divorces autres que sur demande conjointe. Il cite en premier lieu le tribunal du lieu où se trouve la
résidence de la famille, ce premier chef de compétence ne pouvant être invoqué que si la cohabitation
n'a pas cessé. À défaut est compétent le tribunal du lieu où réside celui des époux avec lequel
habitent les enfants mineurs 3295. À défaut encore, est compétent le tribunal du lieu où réside l'époux
qui n'a pas pris l'initiative de la procédure. Cette périphrase alambiquée, pour désigner le tribunal du
défendeur, s'explique par la volonté du législateur de faire croire que, dans le divorce demandé par
l'un et accepté par l'autre, il n'y a ni demandeur, ni défendeur. Dans le divorce sur demande conjointe
(par consentement mutuel) 3296, les époux peuvent, à leur choix, saisir le tribunal de la résidence de
l'un ou de l'autre.
Dans le contentieux postérieur au prononcé du divorce, si le litige porte sur la contribution à
l'entretien et l'éducation des enfants ou sur la prestation compensatoire, le demandeur bénéficie d'une
option. Il peut saisir le tribunal du lieu où réside l'ancien époux créancier ou celui qui assume à titre
principal la charge des enfants, même majeurs.

996 Matière prud'homale. – En matière prud'homale, l'article R. 1412-1 du Code du travail


dispose que le conseil de prud'hommes territorialement compétent pour connaître d'un litige est celui
dans le ressort duquel est situé l'établissement où est accompli le travail. Lorsque le travail est
accompli « à domicile ou en dehors de toute entreprise ou établissement », ce sera celui dans le
ressort duquel est situé le domicile du salarié. Enfin, le texte ajoute que le salarié peut également
saisir le conseil de prud'hommes du lieu où l'engagement a été contracté ou celui du lieu où
l'employeur est établi. Pour plus de commodité, on peut distinguer deux hypothèses.
Lorsque l'employeur est le demandeur, la règle actor sequitur forum rei est presque totalement
écartée. Si le travail est effectué dans un établissement, la loi donne compétence au conseil de
prud'hommes du lieu où se trouve situé cet établissement : c'est là que se sont probablement produits
les faits litigieux, c'est là aussi que le juge peut le plus facilement connaître les usages et qu'il
applique le plus souvent la convention collective qui régit l'établissement 3297. Si le travail est
effectué en dehors de tout établissement, le tribunal compétent est celui du domicile du salarié, ce qui
revient à la règle de principe.
Lorsque le salarié est demandeur (et c'est de très loin l'hypothèse la plus fréquente), les chefs de
compétence qui viennent d'être indiqués s'appliquent de nouveau. Si donc le travail est effectué en
dehors de tout établissement, le salarié peut saisir le tribunal de son domicile. Dans le cas
inverse 3298, deux options supplémentaires peuvent éventuellement lui permettre de parvenir au même
résultat ou au moins de saisir un tribunal plus proche de chez lui que celui de l'établissement où est
effectué le travail. En effet, le salarié peut saisir, à son choix, le tribunal du lieu où l'engagement a été
signé ou le tribunal du lieu où l'employeur est établi. Ces options sont particulièrement utiles lorsque
le salarié a été engagé dans l'établissement du lieu où il demeure, puis a été affecté dans un
établissement situé beaucoup plus loin 3299.

SECTION II
L'AMÉNAGEMENT DES RÈGLES DE COMPÉTENCE

997 Dépassement des limites de compétence. – Lorsqu'un procès est complexe, les parties
peuvent soulever des questions qui relèvent de la compétence de juges différents. L'application pure
et simple des règles de compétence qui viennent d'être énoncées entraînerait un morcellement du
procès entre ces juges. Pour éviter cet inconvénient, le législateur tempère leur application en
permettant à un juge de connaître d'une question de droit qui n'entre pas dans sa compétence.
L'aménagement des règles de compétence se réalise de deux façons : tantôt la compétence du tribunal
va se trouver étendue, tantôt elle va se trouver prorogée. Fondamentalement, la question est toujours
la même : un juge peut-il connaître d'une question qui ne relève pas de sa compétence ? Mais, selon
qu'il s'agit d'une extension ou d'une prorogation de compétence, la question se trouve posée dans des
circonstances différentes.
Lorsqu'est en jeu une éventuelle extension de compétence, la demande initiale relève de la
compétence du juge saisi. Mais, ensuite, est présentée une défense ou une demande incidente qui
relève de la compétence d'un autre juge. Par exemple, le propriétaire s'oppose à une demande en
renouvellement d'un bail rural au motif que le preneur est étranger et que l'article L. 413-1 du Code
rural et de la pêche maritime réserve le bénéfice du statut du fermage aux exploitants français ou
ressortissants d'un État membre de l'Union européenne. La demande en renouvellement a été
normalement portée devant le tribunal paritaire des baux ruraux. Ce tribunal peut-il trancher aussi la
question de la nationalité du preneur, qui relève de la compétence exclusive du tribunal de grande
instance ? Ou encore, une personne est attraite devant un tribunal d'instance en paiement de loyers
(dans le cadre d'un bail échappant au statut des baux commerciaux). Cette personne prétendant qu'une
société s'était engagée à prendre en charge le paiement des loyers, dans le cadre de leurs relations
commerciales mutuelles, peut-elle former une demande en intervention forcée contre cette société
devant le tribunal d'instance, alors qu'une telle demande, formée à titre initial, relèverait de la
compétence du tribunal de commerce ?
Dans la prorogation de compétence, l'aménagement envisagé est beaucoup plus important, puisque
la question est de savoir si une demande initiale peut être soumise à un juge autre que celui que
désignent les règles de compétence. Par exemple, les parties à un acte mixte peuvent-elles convenir
de soumettre un éventuel litige au tribunal de commerce, ou au tribunal du lieu où demeure le
commerçant ?
998 Plan. – Le législateur envisage plus favorablement l'extension que la prorogation de
compétence : dans le premier cas de figure, en effet, la demande initiale a été portée devant la
juridiction compétente et l'extension de sa compétence n'a pour objet que d'éviter un morcellement du
procès, alors que, dans le second, c'est tout un procès que l'on cherche à faire passer d'un juge à un
autre. Cette différence de faveur justifie qu'ils soient abordés successivement (§ 1 et § 2).

§ 1. L'EXTENSION DE LA COMPÉTENCE

999 Division. – Les articles 49 à 51 du Code de procédure civile, qui régissent cette matière,
imposent une distinction entre les défenses et les demandes incidentes. Le lien qui unit une défense à
une demande est évidemment beaucoup plus fort que celui qui peut exister entre deux demandes. Il est
donc normal que le législateur envisage plus facilement une extension de la compétence à l'égard des
défenses (A) que des demandes incidentes (B).

A. L'EXTENSION DE LA COMPÉTENCE À L'ÉGARD DES DÉFENSES

1000 Présentation. – Le principe en matière d'extension de la compétence est posé par


l'article 49, alinéa 1 , du Code de procédure civile, aux termes duquel « toute juridiction saisie d'une
er

demande de sa compétence connaît, même s'ils exigent l'interprétation d'un contrat, de tous les
moyens de défense ». Cette règle traduit en termes plus précis le principe traditionnel selon lequel le
juge de l'action est juge de l'exception 3300. Mais ce principe (1) n'est pas absolu. La fin de
l'article 49, alinéa 1 , lui apporte une limite (2) : le juge saisi de la demande initiale connaît de tous
er

les moyens de défense « à l'exception de ceux qui soulèvent une question relevant de la compétence
exclusive d'une autre juridiction ».

1. Le principe

1001 Compétence du juge saisi de la demande. – La règle de principe est que le moyen de
défense subit l'attraction de la demande : la compétence de la juridiction saisie de la demande est
étendue à la connaissance des moyens de défense. La solution relève du simple bon sens lorsque la
défense est de nature procédurale, chaque juge étant « naturellement » juge de la régularité de
l'instance qui se déroule devant lui. L'article 50 du Code de procédure civile l'indique pour les
incidents d'instance, comme la péremption d'instance ou la caducité de la citation 3301. La règle vaut
pour toutes les défenses procédurales. Il appartient au juge saisi, et à lui seul, de dire s'il est
compétent, si l'acte de procédure qui lui est soumis est valable ou encore si la demande est
recevable 3302.
La solution est également opportune pour les défenses au fond qui relèvent du droit
substantiel 3303 : elle évite le morcellement du litige, ce qui diminue les frais pour les parties et
permet au juge d'appréhender l'ensemble du litige et donc de mieux le comprendre. En revanche, elle
présente l'inconvénient de soustraire l'examen de la question de droit au juge que désigne la règle de
compétence. C'est bien le signe que, de façon générale, le législateur n'accorde pas une grande
importance au respect de la règle de compétence et la sacrifie volontiers à l'unicité du procès.
L'article 49 du Code de procédure civile joue aussi bien pour la compétence d'attribution que pour la
compétence territoriale, sous cette réserve que les exceptions au principe sont plus nombreuses en
matière de compétence d'attribution qu'en matière de compétence territoriale. On remarquera enfin
que la règle joue de la même façon devant la juridiction de droit commun que devant les juridictions
d'exception.

2. La limite

1002 Création d'une question préjudicielle. – La compétence exclusive constitue la limite à


l'extension de la compétence. Alors le respect de la règle de compétence l'emporte, aux yeux du
législateur, sur l'unicité du procès, et la juridiction saisie de la demande ne peut pas, en principe 3304,
trancher la question de droit. Pour autant, il est inconcevable que la défense soit déclarée irrecevable
et se trouve ainsi écartée. Quelle que soit l'importance de la règle de compétence, son respect ne
saurait justifier qu'on empêche une partie de présenter une défense au fond. La seule solution
admissible consiste à faire examiner la défense par la juridiction compétente. En termes techniques,
on dit que cette question de droit constitue une question préjudicielle. Le tribunal saisi de la demande
va devoir surseoir à statuer 3305, jusqu'à ce que la juridiction compétente se soit prononcée. Ainsi se
trouve créé un second procès à l'intérieur du premier. Ce n'est qu'une fois terminé ce second procès
que le premier peut reprendre son cours, le premier juge étant tenu de suivre ce qu'a décidé le second
juge sur la question préjudicielle.
On distingue deux sortes de questions préjudicielles : les questions préjudicielles spéciales et les
questions préjudicielles générales. Les premières sont ainsi dénommées parce qu'elles ne jouent
qu'entre les juridictions non répressives de l'ordre judiciaire. À l'opposé, les secondes échappent à la
compétence de toutes ces juridictions.

1003 Questions préjudicielles spéciales. – Les questions préjudicielles spéciales manifestent


l'existence d'une compétence exclusive d'une juridiction non répressive de l'ordre judiciaire.
Inversement, l'existence d'une compétence d'ordre public (mais non exclusive) ne suffit pas à créer
une question préjudicielle. L'article 49 du Code de procédure civile ne distinguant pas entre la
compétence d'attribution et la compétence territoriale, il faut sans doute admettre que les deux sortes
de règles donnent lieu à question préjudicielle, même si, en pratique, il n'existe que très peu de règles
de compétence territoriale qui soient exclusives. Par ailleurs, en dépit de la compétence exclusive
qui appartient au tribunal de grande instance en matière immobilière pétitoire ou possessoire,
l'article R. 221-40 du Code de l'organisation judiciaire dispose que le tribunal d'instance peut
trancher une telle question.

1004 À rapprocher : la saisine pour avis de la Cour de cassation. – À la suite des questions
préjudicielles spéciales, il convient d'évoquer la possibilité, pour des juges du fond, de saisir pour
avis la Cour de cassation, d'une « question de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse et se
posant dans de nombreux litiges » 3306. Il ne s'agit pas, à proprement parler, d'une question
préjudicielle puisque le juge n'est pas tenu de se tourner ainsi vers la Haute Juridiction. Il peut tout à
fait tenter de résoudre par lui-même la difficulté juridique à laquelle il est confronté. Mais, sous cette
réserve, ce mécanisme, institué par la loi n 91-491 du 15 mai 1991, s'apparente à celui des questions
o

préjudicielles. En effet, la juridiction qui sollicite l'avis de la Cour de cassation sursoit à statuer sur
le fond de l'affaire jusqu'à ce que l'avis soit rendu ou jusqu'à expiration du délai de trois mois dans
lequel la Cour est censée répondre. Seules les mesures urgentes ou conservatoires nécessaires
peuvent être prises durant cette période.
L'avis, une fois rendu, ne lie pas le juge qui l'a sollicité, ce qui constitue, là encore une différence
avec une véritable question préjudicielle 3307. L'avis de la Cour de cassation n'est donc qu'une opinion
qui sera communiquée aux parties 3308 et alimentera ainsi le débat et la réflexion des juges du fond.

1005 Questions préjudicielles générales internes. – Si les questions préjudicielles générales


ont en commun de jouer devant toutes les juridictions non répressives de l'ordre judiciaire, chacune
d'elles présente une certaine originalité dans son fondement et son fonctionnement.
La question préjudicielle administrative présente le visage de l'exception préjudicielle pure 3309.
S'il est évident que les juridictions de l'ordre judiciaire peuvent interpréter les actes administratifs
réglementaires, le législateur et la jurisprudence réservent aux seules juridictions administratives
l'examen de la légalité de tout acte administratif et de l'interprétation d'un acte administratif
individuel 3310. Il s'agit là d'un principe, même si les exceptions que lui apportent la loi ou la
jurisprudence sont de plus en plus nombreuses 3311. Lorsque ce principe s'applique, le jeu de la
question préjudicielle se trouve subordonné, en vertu de l’article 49, alinéa 2, du Code de procédure
civile, à la réunion de deux conditions. Il faut d'une part que l'exception présente un caractère sérieux
et d'autre part qu'elle porte sur une question dont la solution est nécessaire au règlement du litige 3312.
Lorsque ces conditions sont réunies, le tribunal judiciaire doit transmettre la question à la juridiction
administrative compétente et surseoir à statuer jusqu'à ce que la question ait été tranchée par le juge
administratif 3313.
Depuis le 1 mars 2010, existe aussi, en droit français, une question préjudicielle constitutionnelle
er

appelée « question prioritaire de constitutionnalité » 3314, dont le régime a été intégré dans
l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, en ses
articles 23-1 et suivants 3315. De ces textes, il résulte que cette question préjudicielle peut être
soulevée devant n'importe quelle juridiction relevant de la Cour de cassation ou du Conseil d'État.
Pour ce qui concerne les juridictions judiciaires non répressives, une partie (et seulement une partie)
peut donc désormais soulever le caractère inconstitutionnel d'une disposition législative que l'on
prétend lui opposer. Elle peut le faire en tout état de cause, y compris en appel ou en cassation, mais
elle doit, dans tous les cas, déposer « un écrit distinct et motivé », pour cela. La juridiction devant
laquelle cette question est soulevée statue sans délai sur la transmission de la question à la Cour de
cassation 3316, par une décision motivée 3317. La transmission ne doit avoir lieu que si la question
soulevée est sérieuse, si la disposition législative en cause est applicable au litige ou à la procédure
et si, de surcroît, le Conseil constitutionnel ne s'est pas déjà prononcé sur sa constitutionnalité 3318.
Une fois saisie, il appartiendra à la Cour de cassation de décider, à son tour, s'il convient de
transmettre la question au Conseil constitutionnel. La question prioritaire est donc soumise à un
double filtrage opéré d'abord par la juridiction du fond, puis par la Cour suprême 3319. Lorsque la
question est transmise à la Cour de cassation, la juridiction du fond sursoit à statuer, sauf lorsqu'elle
est réglementairement tenue de statuer en urgence ou dans un délai déterminé ou qu'un sursis à statuer
risquerait d'entraîner des conséquences irrémédiables ou manifestement excessives 3320. Une dernière
originalité de la question prioritaire de constitutionnalité réside dans le fait qu'une disposition
déclarée inconstitutionnelle au terme de cette procédure est abrogée, en principe à compter de la
publication de la décision du Conseil constitutionnel. C'est ce qu'énonce l'article 62 de la
Constitution.
La question préjudicielle pénale résulte de l'article 4, alinéa 2, du Code de procédure pénale, aux
termes duquel la juridiction civile doit surseoir à statuer sur la demande en réparation du dommage
causé par une infraction, « tant qu'il n'a pas été prononcé définitivement sur l'action publique lorsque
celle-ci a été mise en mouvement ». C'est cette règle qu'exprime l'adage « le criminel tient le civil en
l'état ». À proprement parler, cette prétendue question préjudicielle n'en est pas vraiment une, et ce
pour deux raisons. Tout d'abord, aucune question n'est posée au juge pénal par le juge civil. Ce
dernier se borne à surseoir à statuer et, ni lui, ni les parties, ne saisissent le juge pénal qui, par
hypothèse, a déjà été saisi d'une action publique et qui ignore probablement l'existence du procès
engagé devant la juridiction civile. Ensuite, s'il est inexact de parler de « question préjudicielle
pénale », c'est aussi parce que cette règle ne repose pas sur l'incompétence du juge civil pour
connaître de la question de droit qui se pose à lui. En effet, en l'absence de poursuite pénale, le juge
civil pourrait tout à fait statuer sur la responsabilité civile découlant de faits constitutifs d'un
homicide par imprudence ou d'une escroquerie. Il n'est pas incompétent sur ce point. En réalité, cette
prétendue question préjudicielle s'analyse en une simple hypothèse de sursis à statuer obligatoire,
c'est-à-dire en un cas de suspension légale de l'instance civile : le juge civil ne peut se prononcer sur
la question de responsabilité civile relevant de sa compétence, tant que le juge répressif ne s'est pas
prononcé sur la question de droit pénal dont il est saisi.
Ceci étant précisé, il convient d'aborder la logique et le contenu de la règle de l'article 4,
alinéa 2, du Code de procédure pénale. Ce que veut éviter le législateur, c'est le risque d'une
contrariété de décisions entre le juge civil et le juge répressif 3321. Par conséquent, il n'y a lieu de
surseoir à statuer que s'il existe une identité au moins partielle des faits litigieux. Pour que cette
condition soit remplie, il faut et il suffit que la décision civile soit susceptible d'être influencée par la
décision pénale. Cela étant, tout risque de contrariété de décisions n'est pas écarté, car depuis la
modification de l'article 4 du Code de procédure pénale, en 2007, le principe selon lequel le criminel
tient le civil en l'état ne s'applique qu'en cas de demande de réparation civile. Il ne s'applique plus
aux « autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu'elles soient, même si
la décision à intervenir au pénal est susceptible d'exercer, directement ou indirectement, une
influence sur la solution du procès civil » 3322. Par exemple, saisi d'une demande d'annulation d'un
contrat pour dol (et non pas d'une demande de réparation du dommage causé par une infraction), le
juge civil n'est plus tenu de surseoir à statuer, en attendant que le juge pénal se soit prononcé sur
l'existence de faits constitutifs d'une éventuelle escroquerie. En pratique, le risque de contrariété de
décisions reste cependant limité, dès lors que la plupart des actions civiles liées à des faits relevant
du droit pénal sont des actions en réparation.

1006 Question préjudicielle générale communautaire. – La création de la Communauté


économique européenne, devenue l'Union européenne, a entraîné l'apparition d'une troisième question
préjudicielle générale 3323 : l'article 267 3324 du traité de Rome réserve à la Cour de justice de l'Union
européenne l'examen de l'interprétation du traité lui-même, ainsi que de l'interprétation et de la
validité des actes pris par les institutions de l'Union. Son originalité est que le renvoi n'est
obligatoire que lorsque le juge saisi est une juridiction dont les décisions ne sont pas susceptibles
d'un recours juridictionnel de droit interne, ce qui, en France, concerne la Cour de cassation et, dans
le second ordre de juridictions, le Conseil d'État. Le renvoi est, en revanche, facultatif pour les autres
juridictions, dont les décisions sont susceptibles d'un recours devant une juridiction supérieure 3325.
Dans tous les cas, le renvoi n'a lieu d'être que si la disposition applicable n'est pas claire et
précise 3326 et si la Cour de justice de l'Union européenne n'a pas déjà interprété le texte en question.

1007 À rapprocher : le renvoi au Tribunal des conflits. – Le renvoi institué à l’article 35 du


décret nº 2015-233 du 27 février 2015 rappelle par certains aspects la question préjudicielle
administrative. En effet, en vertu de ce texte, « lorsqu'une juridiction est saisie d'un litige qui présente
à juger, soit sur l'action introduite, soit sur une exception, une question de compétence soulevant une
difficulté sérieuse et mettant en jeu la séparation des ordres de juridiction, elle peut, par une décision
motivée qui n'est susceptible d'aucun recours, renvoyer au Tribunal des conflits le soin de décider sur
cette question de compétence ». Le texte ajoute que le juge transmet sa décision et les mémoires ou
conclusions des parties au Tribunal des conflits, l'instance étant alors suspendue jusqu'à la décision
de celui-ci. Par son objet, le renvoi fait penser à la question préjudicielle administrative. La
suspension de l’audience et le fait que la décision du Tribunal des conflits s’impose au juge 3327
plaident également en faveur de cette qualification. Pour autant, on n’est pas en présence d’une pure
question préjudicielle, dans la mesure où le renvoi est facultatif.

1008 Très grande rareté des questions préjudicielles. – On ne saurait terminer le


développement consacré aux questions préjudicielles sans noter leur extrême rareté. Cette
constatation relève de l'évidence pour ce qui est des questions préjudicielles générales. Il en va de
même pour les questions préjudicielles spéciales. Dans l'écrasante majorité des cas, à une demande
relevant de la compétence du conseil de prud'hommes, sont opposées des défenses également
prud'homales. Par exemple, à une demande fondée sur un licenciement abusif, l'employeur opposera
que le salarié a mal accompli son travail ou tout autre moyen tiré du droit du travail. Pour
qu'apparaisse une question préjudicielle, il faut non seulement que la défense au fond ne relève pas
du droit du travail, ce qui est déjà très peu probable, mais encore qu'il existe une compétence
exclusive.

B. L'EXTENSION DE LA COMPÉTENCE À L'ÉGARD DES DEMANDES INCIDENTES

1009 Présentation. – Avec la demande incidente, la probabilité augmente qu'apparaisse un


problème d'extension de la compétence. Par définition, la demande incidente modifie et élargit la
matière litigieuse soumise au juge, elle sort du cadre posé par la demande initiale. Il peut donc
arriver plus facilement qu'elle échappe à la compétence de la juridiction saisie de la compétence
initiale, d'autant que la présentation de demandes incidentes manifeste souvent l'existence d'un
contentieux complexe pouvant relever de la compétence de plusieurs juridictions 3328.
Or, il n'existe pas de motifs aussi puissants d'étendre la compétence des tribunaux à l'égard des
demandes incidentes qu'à l'égard des défenses. La défense est absolument liée à la demande et l'on ne
peut envisager que le respect d'une règle de compétence puisse empêcher une partie de se défendre.
L'extension de la compétence du juge saisi de la demande constitue donc la seule alternative à la
question préjudicielle, et l'on comprend que le législateur préfère en principe avoir recours à la
première solution. Un lien aussi puissant n'existe pas entre la demande initiale et la demande
incidente : la connexité rend opportune mais non nécessaire la soumission de l'ensemble de l'affaire
au même juge. Au demeurant, l'incompétence du juge oblige seulement le plaideur à former une
nouvelle instance dans laquelle sa prétention constituera la demande initiale.
L'extension de la compétence est déterminée par l'article 51 du Code de procédure civile et par
deux articles du Code de l'organisation judiciaire, dont la lecture conduit à distinguer selon que le
plaideur projette de soumettre une demande incidente au tribunal de grande instance, au tribunal
d'instance, à la juridiction de proximité 3329 ou, au contraire, à une juridiction d'exception autre que
ces deux dernières.
1010 Tribunaux d'instance et de grande instance et juge de proximité. – Aux termes de
l'article 51, alinéa 1 , du Code de procédure civile, « le tribunal de grande instance connaît de toutes
er

les demandes incidentes qui ne relèvent pas de la compétence exclusive d'une autre juridiction ».
C'est une importante extension qui se trouve réalisée en ce qui concerne ce tribunal, puisque les
rédacteurs ont retenu la même solution pour les demandes incidentes que pour les défenses. Pour
expliquer l'étendue de la compétence ainsi reconnue au tribunal de grande instance, il ne suffit pas de
dire qu'il est le tribunal de droit commun. De ce caractère ne résulte, à proprement parler, que son
aptitude à connaître de toutes les demandes qui ne relèvent pas de la compétence d'une juridiction
d'exception. Or ici, par hypothèse, la demande incidente relève de la compétence d'une autre
juridiction. La solution retenue par l'article 51 va au-delà de la compétence de principe du tribunal
de grande instance. Le législateur semble considérer que le tribunal de grande instance a une vocation
au moins subsidiaire à connaître de toute affaire contentieuse au premier degré, qui permet
d'envisager d'étendre largement sa compétence.
Depuis un décret du 23 juin 2003, la même règle s'applique au tribunal d'instance et à la
juridiction de proximité 3330. En vertu des articles R. 221-40, alinéa 1 et R. 231-5, alinéa 1 , du
er er

Code de l'organisation judiciaire, ces deux juridictions connaissent désormais, à l'instar du tribunal
de grande instance, de toutes les demandes incidentes et moyens de défense qui ne relèvent pas de la
compétence exclusive d'une autre juridiction. Le régime des trois juridictions civiles stricto sensu est
donc, sur ce point, désormais unifié, ce qui confirme que le tribunal d'instance et le juge de proximité,
bien qu'étant des juridictions d'exception, sont perçus par le législateur comme de simples avatars du
tribunal de grande instance.

1011 Autres juridictions d'exception. – Pour ce qui est des juridictions d'exception autres que
le tribunal d'instance et la juridiction de proximité 3331, l'article 51, alinéa 2, du Code de procédure
civile dispose que, « sauf disposition particulière », elles « ne connaissent que des demandes
incidentes qui entrent dans leur compétence d'attribution ». En principe, le législateur refuse donc
toute extension de la compétence de ces tribunaux. La solution retenue repose sur l'idée que leur
compétence doit être strictement limitée, malgré l'existence d'un lien de connexité. Il en irait
différemment en cas d'indivisibilité. L'indivisibilité rend non seulement opportune, mais encore
nécessaire la soumission de toutes les demandes au même juge 3332. À la différence de l'alinéa
premier, l'alinéa 2 de l'article 51 ne vise que la compétence d'attribution. Ainsi, sous réserve
d'éventuelles compétences exclusives, un tribunal de commerce peut connaître d'une demande
incidente relevant de la compétence territoriale d'un autre tribunal de commerce.

§ 2. LA PROROGATION DE COMPÉTENCE

1012 Prorogation légale et prorogation conventionnelle. – Un tribunal peut-il connaître d'une


demande initiale qui relève de la compétence d'une autre juridiction ? Le plus souvent cette question
est liée à l'existence d'une convention entre les parties : est-il permis aux parties, une fois le litige né,
ou même avant tout litige par une clause attributive de juridiction, de convenir de déroger aux règles
légales de compétence ? Cependant, en dehors de toute convention, il existe deux hypothèses de
prorogation légale de compétence. La première hypothèse de prorogation légale de compétence se
rencontre lorsqu'une juridiction renvoie la connaissance d'une affaire à un autre juge. On parle alors
plus spécialement de prorogation judiciaire. Par exemple, lorsque la Cour de cassation casse un arrêt
de la cour d'appel de Rouen, rendu sur appel d'un jugement du tribunal de grande instance de Dieppe,
et renvoie l'affaire devant la cour d'appel de Caen, elle proroge la compétence de cette cour, qui
serait normalement incompétente. La seconde hypothèse de prorogation légale de compétence
apparaît en cas de connexité entre deux demandes portées devant deux juridictions différentes. Cette
situation peut donner lieu au dessaisissement de l'un des tribunaux saisis au profit de l'autre dont la
compétence se trouve ainsi prorogée. Elle sera donc étudiée avec l'exception de connexité 3333.
Pour ce qui est de la prorogation conventionnelle 3334, il serait logique d'étudier en premier lieu
les conventions modifiant la compétence d'attribution. Mais, en raison de la rédaction des textes
intéressant cette matière, il apparaît plus simple de suivre l'ordre inverse et d'examiner la
prorogation conventionnelle de compétence territoriale (A) avant celle qui porte sur la compétence
d'attribution (B).

A. LA PROROGATION CONVENTIONNELLE DE COMPÉTENCE TERRITORIALE

1013 Présentation. – Les clauses attributives de compétence territoriale présentent en pratique


une très grande importance. Il n'est pas indifférent de devoir plaider devant « son » tribunal ou devant
un tribunal siégeant à des centaines de kilomètres de son domicile. En dehors de toute question de
partialité bien sûr, l'éloignement du tribunal rend plus difficile l'organisation du procès par le
plaideur. Ainsi, quel avocat prendra-t-on ? Même un professionnel ne connaît pas d'avocats dans
toute la France. Le plaideur aura donc tendance à prendre son avocat habituel, mais ses services
seront plus coûteux en raison des déplacements et de la perte de temps. Si le plaideur choisit de
prendre un avocat plus proche du tribunal, il est probable que le choix se fera « à l'aveuglette ».
En droit positif français, la prorogation conventionnelle de compétence territoriale est régie par
l'article 48 du Code de procédure civile, aux termes duquel « toute clause qui, directement ou
indirectement, déroge aux règles de compétence territoriale est réputée non écrite à moins qu'elle
n'ait été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant et qu'elle n'ait
été spécifiée de façon très apparente dans l'engagement de la partie à qui elle est opposée ». La
simple lecture de ce texte fait ressortir que le législateur français envisage avec méfiance ce genre de
clause. Ce n'est pas sans raisons. Si l'on envisage la clause de façon abstraite ou idéale, on peut
penser qu'elle ne présente que des avantages : certitude, souplesse et adaptation à chaque situation.
C'est, si l'on peut dire, le tribunal à la carte. En réalité, la très grande majorité des contrats sont des
contrats d'adhésion dont l'une des parties ne peut discuter les termes. La partie la plus puissante
impose sa volonté à l'autre. Le résultat concret est donc que le plus fort peut plaider là où il le
souhaite, c'est-à-dire devant le tribunal du lieu où il demeure, ce que ne souhaite pas favoriser le
législateur.
Sur ce point, le droit interne français s'oppose au droit de l’Union européenne, qui considère que
ces clauses constituent un mode normal de désignation du tribunal compétent. L'article 25 du
règlement communautaire n 1215/2012 du 12 décembre 2012 édicte une réglementation libérale de
o

ces clauses : à la différence du droit français interne, ce texte pose que la clause peut en principe être
stipulée entre toutes personnes et qu'elle n'est soumise qu'à des conditions de forme très souples 3335.
Seront abordés successivement les conditions (1), puis les effets (2) de la clause attributive de
compétence.

1. Les conditions de la clause


1014 Énoncé des conditions. – Pour être valable, la clause doit, bien sûr, répondre aux
conditions générales de validité de toute convention. Ainsi, elle doit respecter les règles de
compétence d'ordre public 3336, quitte à ce que le fond du litige concerne des règles d'ordre
public 3337. En revanche, sa validité n'est pas affectée par la nullité de la convention dans laquelle
elle figure, son autonomie ayant été reconnue par la Cour de cassation 3338. Outre ces conditions
générales, la clause attributive de compétence se trouve subordonnée à deux sortes de conditions qui
sont relatives aux parties à la clause et à la forme de celle-ci.

1015 Parties à la clause. – La formule utilisée par les rédacteurs du Code de procédure civile
est particulièrement restrictive. D'une part, il faut que les parties aient la qualité de commerçant. La
clause n'est pas licite si elle figure dans un contrat qui est un acte de commerce pour les deux parties
dès lors que l'une d'elles n'est pas un commerçant, par exemple si elle figure dans un cautionnement
commercial souscrit par un dirigeant de société 3339. D'autre part, il faut que le commerçant ait agi en
tant que tel. S'il a contracté en dehors de ses activités professionnelles, la clause sera réputée non
écrite. Et bien que ce soit évident, il faut indiquer que la clause est absolument interdite dans les
actes mixtes 3340. On peut même dire que l'article 48 du Code de procédure civile a d'abord été édicté
pour en prohiber l'usage dans cette sorte d'actes. Il participe donc, à sa façon, à la protection du
consommateur 3341. Enfin, la Cour de cassation a également eu à plusieurs reprises l'occasion de
rappeler que les clauses attributives de compétence incluses dans les statuts d'organismes divers et
variés n'échappent pas à l'article 48 Code de procédure civile, quand bien même ces statuts auraient
été homologués par arrêté ministériel 3342. Étant issu d'un décret, l'article 48 a une valeur supérieure à
celle d'un simple arrêté.

1016 Conditions de forme de la clause. – L'article 48 du Code de procédure civile pose deux
conditions de forme. En premier lieu, la clause doit être « spécifiée de façon très apparente ». Les
rédacteurs du Code de 1975 ont entendu combattre la pratique antérieure des clauses quasiment
clandestines. C'est ainsi que les juges du fond ont écarté une clause figurant au verso d'un bon de
commande contenant les conditions générales de vente, alors que la clause était rédigée en petits
caractères et par renvois d'un article à l'autre 3343 ou encore une clause figurant au verso d'un bon de
commande imprimé en caractères grisâtres et peu lisibles 3344. En d'autres termes, la clause ne doit
pas échapper à une personne normalement attentive. En second lieu, la clause doit figurer « dans
l'engagement de la partie à qui elle est opposée ». Concrètement, il faut donc que la clause se trouve
dans le bon de commande lui-même. Il ne suffit plus, comme autrefois, qu'elle figure dans les
conditions de vente qui sont adressées ultérieurement à l'acheteur et qui ne font pas l'objet d'une
acceptation expresse de celui-ci 3345. En raison de son formalisme, cette réglementation est mal
adaptée aux besoins du commerce 3346.

2. Les effets de la clause

1017 Effets de la clause licite. – Lorsqu'elle est licite, la clause produit deux effets.
Positivement, elle rend compétent le tribunal désigné, que l'on appelle le tribunal élu : le défendeur
ne pourra pas décliner sa compétence. Négativement, elle rend incompétent le tribunal qui aurait été
normalement compétent : si une demande est portée devant celui-ci, le défendeur pourra demander le
renvoi de l'affaire devant le tribunal élu. Il faut cependant préciser que, si la clause a été stipulée
dans l'intérêt exclusif de l'une des parties (et c'est une situation assez fréquente), cette partie peut
renoncer au bénéfice de la clause et assigner l'autre partie devant le tribunal désigné par les règles
ordinaires de compétence territoriale 3347. Par ailleurs, comme toute autre stipulation
conventionnelle 3348, la clause ne lie que les parties à l'acte et n'a pas d'effet à l'égard des tiers 3349. On
discute cependant de l'opposabilité de la clause attributive de compétence territoriale à certains tiers
(ayants droit d'une partie...) et de son éventuelle transmission avec les obligations issues du contrat
où elle figure 3350. Au moins en matière internationale, une telle transmission a été admise 3351.
Enfin, il convient de rappeler qu'en 1998, la Cour de cassation a décidé qu'une clause attributive
de compétence territoriale était inopposable à la partie qui saisit le juge des référés 3352. C'est,
évidemment, une limite à l'effet de ce type de clause.

1018 Effets de la clause illicite et prorogation « volontaire » de compétence. – Il va sans


dire qu'une clause illicite ne doit pas, normalement, produire d'effets. Mais encore faut-il que son
illicéité soit constatée et elle ne peut l'être qu'au moyen d'une exception d'incompétence soulevée en
temps utile 3353. À défaut, la clause produit les mêmes effets qu'une clause licite, surtout lorsque le
juge ne peut pas relever d'office son incompétence 3354.
Cette situation dans laquelle une clause illicite produit un plein effet conduit certains auteurs à
évoquer, à côté de la prorogation conventionnelle qui repose véritablement sur la volonté des parties,
une autre prorogation que l'on qualifie de volontaire. Il y aurait prorogation volontaire lorsqu'en
dehors d'une convention répondant aux exigences légales, l'affaire serait intentionnellement portée
par l'une des parties devant une juridiction incompétente, et l'on remarque que cette prorogation est
possible, dès lors que l'autre partie est d'accord ou, en tout cas, ne s'y oppose pas. Cette présentation
est incorrecte en ce qu'elle attribue à la volonté un rôle qu'elle ne remplit pas. D'une part, en effet, la
même situation peut se présenter indépendamment de toute volonté. Le demandeur peut soumettre sa
prétention à un tribunal incompétent parce qu'il le veut, mais il est tout aussi possible qu'il le fasse
parce qu'il a mal compris et appliqué les règles de compétence. De même, l'absence de réaction du
défendeur peut résulter de raisons diverses : elle peut tenir à son accord, mais aussi à son ignorance
ou à sa négligence. D'autre part, et c'est le point déterminant, la manœuvre du demandeur ne peut
réussir que parce que le juge ne peut relever d'office son incompétence. Ainsi, ce n'est pas tant la
volonté des parties qui permet d'obtenir le résultat que le défaut de pouvoir du juge. Lorsque la loi
attache un effet à la volonté, c'est celle-ci qui produit véritablement l'effet. Ainsi en va-t-il dans la
prorogation conventionnelle de compétence : quels que soient les pouvoirs du juge, la licéité de
l'accord des parties rend compétent le juge élu. Dans la prorogation dite volontaire, ce n'est que
l'absence de sanction qui oblige le juge incompétent à statuer.

B. LA PROROGATION CONVENTIONNELLE DE COMPÉTENCE D'ATTRIBUTION

1019 Un texte limité. – La prorogation conventionnelle de compétence d'attribution suscite des


incertitudes en raison de l'absence, dans le Code de procédure civile, d'un texte aussi clair que peut
l'être l'article 48 pour la compétence territoriale. Le seul texte qui se rapporte à cette prorogation est
en effet l'article 41, alinéa 1 , aux termes duquel « le litige né, les parties peuvent toujours convenir
er

que leur différend sera jugé par une juridiction bien que celle-ci soit incompétente en raison du
montant de la demande ». Ce texte ne prévoyant de prorogation qu'entre le tribunal de grande instance
et le tribunal d'instance (on parle d'une prorogation de quantitate ad quantitatem), que faut-il
décider dans les autres cas ?
1020 Droit antérieur. – Sous l'empire de l'ancien Code de procédure civile, la prorogation de
compétence d'attribution était assez largement admise. Elle l'était au profit du tribunal de grande
instance, au détriment de toutes les juridictions d'exception, sous la seule réserve de leurs
compétences exclusives. Au profit du tribunal d'instance, la prorogation de quantitate ad
quantitatem était admise, au détriment du tribunal de grande instance. Enfin, les parties pouvaient
convenir de proroger la compétence du tribunal de commerce pour les actes mixtes. En revanche, les
autres juridictions d'exception ne pouvaient profiter d'aucune prorogation de compétence.

1021 Droit positif actuel. – Ces solutions demeurent-elles applicables sous l'empire de
l'actuel Code de procédure civile ? À cette question, il faut certainement répondre par la négative. Il
va de soi que l'on saurait déroger conventionnellement à une règle de compétence d'ordre public.
C'est là une simple application de l'article 6 du Code civil, qui doit conduire à proscrire, par
exemple, les clauses qui dérogeraient à la compétence du conseil de prud'hommes ou à celle du
tribunal de commerce en matière de faillites, les clauses tendant à faire juger un litige par un tribunal
d'un autre ordre de juridiction que celui que la loi désigne 3355, ou celles qui tendraient à instaurer un
double degré de juridiction là où il n'y en a pas 3356. Mais au-delà des compétences d'ordre public, il
faut noter que le seul texte qui permette la prorogation de compétence d'attribution, à savoir
l'article 41 du Code de procédure civile, ne le fait que de façon très restrictive. L'accord ne peut
intervenir qu'une fois le litige né, ce qui exclut toute clause insérée dans un contrat et ce qui enlève à
cet accord l'essentiel de son intérêt pratique. La prorogation ne peut jouer que du tribunal d'instance
vers le tribunal de grande instance ou réciproquement. Encore faut-il que la compétence de l'un ou de
l'autre ne repose que sur le montant de la demande, ce qui n'est le cas que pour les affaires
personnelles et mobilières : l'article 41 du Code de procédure civile ne concerne pas une demande en
subsides ou une complainte. D'ailleurs, même si l'article 41 ne permettait pas la prorogation, le
demandeur pourrait, à sa guise, rendre compétent le tribunal de grande instance, en augmentant sa
demande ou en la rendant indéterminée 3357. Si la prorogation de quantitate ad quantitatem, qui est
pourtant la prorogation la plus facilement admissible, se trouve aussi étroitement réglementée, n'est-il
pas légitime d'en déduire que toutes les autres sont prohibées ?
Une seconde raison, tirée de l'article 48 du Code de procédure civile, milite en faveur du rejet
des clauses attributives de compétence d'attribution non visées à l'article 41. On sait que l'article 48
n'admet les clauses attributives de compétence territoriale que de façon extrêmement restrictive. Or il
est généralement admis que les règles de compétence territoriale sont moins importantes que les
règles de compétence d'attribution. Si donc les clauses portant sur la compétence territoriale ne sont
que si étroitement permises, a fortiori doit-il en aller de même pour celles qui portent sur la
compétence d'attribution. Aussi faudrait-il considérer qu'en dehors de l'article 41, aucune prorogation
de compétence ratione materiae n'est permise. Cette solution correspond manifestement à la volonté
des rédacteurs du Code de procédure civile, qui ont considéré avec défaveur les clauses attributives
de compétence. On ajoutera enfin qu'elle a le mérite de la simplicité : tout incite donc à l'adopter. À
tout le moins, ne doit-on admettre les prorogations conventionnelles de compétence d'attribution que
dans les limites de l'article 48, par analogie avec la prorogation de compétence territoriale. C'est en
ce sens que semble s'être orientée la Cour de cassation 3358.
Le jeu de toutes ces règles peut donner lieu à des incidents pour le règlement desquels le
législateur a adopté des dispositions originales qu'il convient maintenant d'étudier.
CHAPITRE II
LE RÈGLEMENT DE L'INCOMPÉTENCE

1022 Des objectifs antagoniques. – Les articles 75 à 99 du Code de procédure civile, qui
régissent le règlement de l'incompétence, laissent apparaître les deux considérations opposées entre
lesquelles les rédacteurs du Code ont essayé de tenir la balance égale. D'un côté, il est évident que
l'incident de compétence est susceptible de retarder sensiblement l'issue du litige. Cela conduit à
adopter une procédure expéditive pour le règlement de l'incident, d'autant que la complexité et, plus
encore, la technicité des règles de compétence en font un incident particulièrement procédurier,
propice aux manœuvres dilatoires. Mais d'un autre côté, il faut aussi que la violation des règles de
compétence soit sanctionnée, d'autant qu'il peut exister un lien entre la compétence et le fond du droit.
À supposer que deux personnes soient en litige à propos d'un contrat dont l'une prétend qu'il s'agit
d'un contrat de travail, alors que l'autre soutient que c'est un contrat d'entreprise, la qualification du
contrat se répercute sur la compétence. Dans un cas, la compétence appartient au conseil de
prud'hommes, dans l'autre, au tribunal de grande instance 3359. Or, c'est la question de compétence qui
sera posée au juge en premier lieu. Ainsi constate-t-on que, pour déterminer le juge qui tranchera le
litige au fond, il faut préalablement trancher une partie du fond du litige, ici la qualification du
contrat : la compétence dépend de la question de fond 3360. Un tel incident de compétence ne saurait
être traité sommairement, puisque le sort du procès en dépend.
Les rédacteurs du Code de procédure civile ont essayé de tenir une balance égale entre ces deux
considérations. On le constatera en étudiant la naissance et le jugement de l'incident, qui en
constituent le premier règlement (section I), puis l'aménagement particulier qui a été donné aux voies
de recours (section II).

SECTION I
LE PREMIER RÈGLEMENT DE L'INCIDENT

1023 Plan. – Seront abordés successivement la naissance de l'incident (§ 1), puis son jugement
(§ 2).

§ 1. LA NAISSANCE DE L'INCIDENT

1024 Division. – Le plus souvent, l'incident naît de l'initiative d'une partie qui soulève
l'incompétence du juge saisi au moyen d'une exception de procédure, à laquelle la pratique a donné le
nom de déclinatoire de compétence (A). Parfois, c'est le juge qui, de lui-même, se déclare
incompétent (B).

A. LE DÉCLINATOIRE DE COMPÉTENCE

1025 Régime des exceptions de procédure. – L'exception d'incompétence est soulevée par
l'adversaire de la partie qui soumet au juge une prétention qui relèverait de la compétence d'un autre
juge. Dans l'écrasante majorité des cas, c'est le défendeur : il soutient que le tribunal saisi par le
demandeur n'est pas compétent pour connaître de la demande 3361. Exceptionnellement, ce peut être le
demandeur qui soutient que le tribunal ne peut trancher le moyen de défense présenté par son
adversaire, parce qu'il forme une question préjudicielle.
Comme toute exception de procédure, le déclinatoire de compétence est soumis aux dispositions
de l'article 74 du Code de procédure civile. Il doit être présenté avant toute défense au fond ou fin de
non-recevoir. L'exception est donc presque toujours présentée devant les juges du premier degré.
Cependant, si le défendeur n'a pas comparu en première instance, il lui est possible d'interjeter appel
et de soulever alors l'incompétence du juge 3362. Par ailleurs, l'obligation de présenter simultanément
les exceptions de procédure interdit au défendeur de présenter successivement deux déclinatoires de
compétence quel qu'ait été le sort réservé au premier 3363.

1026 Contenu du déclinatoire de compétence. – Le contenu du déclinatoire de compétence est


strictement réglementé par l'article 75 du Code de procédure civile. Aux termes de ce texte, « s'il est
prétendu que la juridiction saisie est incompétente, la partie qui soulève cette exception doit, à peine
d'irrecevabilité, la motiver et faire connaître dans tous les cas devant quelle juridiction elle demande
que l'affaire soit portée ». Le demandeur à l'exception doit d'abord motiver le déclinatoire de
compétence. Il doit indiquer les raisons qui, en l'espèce, justifient concrètement l'incompétence de la
juridiction saisie, il ne peut se contenter de l'affirmer en termes généraux 3364, à peine d'irrecevabilité
du déclinatoire.
En second lieu, le demandeur à l'exception doit, sous la même sanction, indiquer la juridiction
qu'il estime compétente : il faut bien que le procès se déroule devant un juge ou devant un autre, et le
Code de procédure civile estime que le plaideur doit participer à la recherche du tribunal
compétent 3365. L'obligation d'indiquer la juridiction qu'il estime compétente pèse sur lui « dans tous
les cas » 3366. Les règles sur le jugement de l'incident auraient pu conduire à opérer une distinction.
On verra 3367 en effet que, si, le plus souvent, le tribunal qui se déclare incompétent doit désigner le
tribunal qu'il estime compétent et renvoyer l'affaire devant lui, parfois, il ne le fait pas, se bornant à
renvoyer les parties à « mieux se pourvoir ». La Cour de cassation décide que, même dans ce second
cas, le demandeur à l'exception doit indiquer quelle est la juridiction qu'il estime compétente 3368.
Cependant, la Cour de cassation se montre plus conciliante lorsque le tribunal prétendument
compétent se trouve situé à l'étranger. Dans ce cas, elle décide que l'auteur du déclinatoire de
compétence peut se contenter d'indiquer l'État dont relève cette juridiction, sans avoir à préciser sa
nature ni sa localisation exacte 3369.

B. L'INCOMPÉTENCE RELEVÉE D'OFFICE

1027 Interdiction, faculté ou obligation. – Le juge peut-il prendre l'initiative de se déclarer


incompétent ? En la matière, l'évolution s'est faite dans le sens d'une restriction continue de ses
pouvoirs, si bien qu'aujourd'hui, le plus souvent, le juge ne peut pas le faire et que la naissance de
l'incident de compétence dépend exclusivement de la présentation par une partie d'un déclinatoire
régulier de compétence. Il arrive donc qu'un juge sache qu'il n'est pas compétent et que néanmoins il
soit obligé de trancher le litige qui lui est soumis. Cette situation curieuse manifeste une fois encore
le peu d'importance que le législateur attache en général aux règles de compétence. Il les sacrifie
volontiers à un règlement plus rapide du litige.
Même lorsque le juge peut prendre l'initiative de se déclarer incompétent, il ne s'agit pour lui, la
plupart du temps, que d'une simple faculté et non d'une obligation 3370. Un plaideur ne saurait
davantage lui reprocher de l'avoir fait que de ne pas l'avoir fait 3371. On ne trouve que de rares textes
qui, par exception, imposent au juge de se déclarer d'office incompétent : l'article 1406 du Code de
procédure civile, relatif à la procédure très particulière de l'injonction de payer 3372, oblige le juge à
vérifier d'office tant sa compétence d'attribution que sa compétence territoriale. Pareillement, en
matière de nationalité des personnes physiques, l'article 1038 du même code dispose que toutes les
juridictions autres que le tribunal de grande instance doivent se déclarer d'office incompétentes. De
son côté, l'article R. 231-5, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire énonce que le juge de
proximité 3373, saisi d'un moyen de défense impliquant l'examen d'une question de nature immobilière
pétitoire ou possessoire, est tenu de relever son incompétence au profit du tribunal de grande
instance. Le dernier exemple que nous citerons 3374 est sans doute le plus important : lorsqu'une
demande relève de la compétence du juge de l'exécution, tout autre juge doit relever d'office son
incompétence, en vertu de l'article R. 121-1 du Code des procédures civiles d’exécution.
En dehors de ces situations exceptionnelles, quand le juge peut-il prendre l'initiative de se
déclarer incompétent 3375 ? Les articles 92 et 93 du Code de procédure civile conduisent à distinguer
selon que la règle de compétence porte sur la compétence d'attribution ou sur la compétence
territoriale.

1028 La compétence d'attribution. – Aux termes de l'article 92 du Code de procédure civile,


le juge peut d'abord se déclarer incompétent lorsque la règle de compétence est d'ordre public (et
donc, a fortiori, lorsqu'elle confère compétence exclusive à une autre juridiction). Il le peut encore
lorsque le défendeur ne comparaît pas. Le pouvoir reconnu au juge vient en quelque sorte compenser
l'impossibilité pour le défendeur de le faire lui-même. L'article 92 prend soin de préciser que
l'incompétence ne peut être relevée d'office « qu'en ces cas », pour montrer qu'il s'agit là d'une liste
limitative. Pour autant, des textes particuliers peuvent toujours prévoir d'autres possibilités pour un
juge de relever d'office son incompétence 3376.
En général, l'incompétence ne peut être relevée que par le juge du premier degré, elle ne peut pas
l'être par le juge du second degré, ni par la Cour de cassation. La raison en est que la cour d'appel est
la seule juridiction du second degré. Devant elle, il n'existe plus d'incompétence liée à une règle de
compétence d'attribution 3377. Cependant, la purge de l'incompétence n'a lieu qu'à l'intérieur des
juridictions non répressives de l'ordre judiciaire. L'incompétence subsiste lorsque l'affaire relève de
la compétence d'une juridiction répressive ou administrative, ou encore lorsqu'elle échappe à la
compétence des juridictions françaises. Dans ces cas-là, les cours d'appel et la Cour de cassation
peuvent se déclarer d'office incompétentes 3378, comme le prévoit l'article 92, alinéa 2, du Code de
procédure civile. Cette possibilité se traduit par un double paradoxe. Tout d'abord, dans la très
grande majorité des cas, une partie ne peut soulever l'incompétence du juge judiciaire non répressif
devant la cour d'appel ou la Cour de cassation, puisque l'exception d'incompétence, devant en
principe être soulevée avant tout défense au fond ou fin de non-recevoir, aurait dû être présentée dès
la première instance 3379. La juridiction d'appel ou de cassation peut donc relever d'office une
exception d'incompétence que les parties ne sont plus autorisées à lui soumettre 3380 ! Le second
paradoxe est encore plus surprenant : la Cour de cassation, lorsqu'elle fait usage de la faculté qui lui
est accordée de relever d'office l'incompétence des juridictions judiciaires françaises non
répressives, est conduite à prononcer la cassation (sans renvoi) de la décision attaquée, ce qui
revient, au moins en apparence, à sanctionner un juge du fond pour n'avoir pas relevé d'office son
incompétence, ce qu'il n'était pas obligé de faire ! On pourrait être tenté d'en déduire que cette
prétendue possibilité qu'avaient les juges du fond de se déclarer incompétents était, en réalité, une
obligation, en dépit des termes de la loi. Ce serait une erreur de raisonner ainsi, car la Cour de
cassation peut tout à fait ne pas prononcer la cassation, en s'abstenant, elle aussi, de relever
l'incompétence des juridictions judiciaires non répressives. Ce second paradoxe s'explique
différemment. Sous réserve des quelques cas où il présente un caractère obligatoire, le relevé
d'office de l'incompétence est, effectivement, une simple faculté pour les magistrats du fond. Mais,
ainsi que nous l'avons exposé précédemment, la Cour de cassation est, dans une certaine mesure, juge
de l'affaire qui a donné lieu au pourvoi 3381. En cassant la décision attaquée dans l'hypothèse qui nous
intéresse ici, la Cour ne fait qu'assurer l'effectivité de sa propre décision par laquelle elle juge
opportun que l'affaire soit soumise à une juridiction administrative, pénale ou étrangère. En
prononçant la cassation, elle ne sanctionne donc pas les juges du fond ; elle ne remet pas en cause
l'exercice de leur pourvoir d'appréciation de l'opportunité de relever ou non leur incompétence
d'office 3382. Bref, elle n'agit pas en qualité de juge de l'arrêt. Tout au contraire, c'est en tant que juge
de l'affaire qu'elle substitue sa propre appréciation à celle du tribunal ou de la cour d'appel. Elle se
comporte comme le ferait une cour d'appel à l'égard d'un jugement rendu en première instance.

1029 La compétence territoriale. – Lorsqu'il s'agit d'une règle de compétence territoriale,


l'article 93 du Code de procédure civile opère une distinction entre la matière gracieuse et la matière
contentieuse. En matière gracieuse, le juge peut toujours relever d'office son incompétence. En
matière contentieuse, il ne le peut que dans trois cas : lorsque le litige est relatif à l'état des
personnes, lorsque le défendeur ne comparaît pas et lorsque la loi attribue compétence exclusive à
une autre juridiction. Le fait que l'article 93 énonce trois cas alors que l'article 92 n'en énonce que
deux ne doit pas faire illusion. Les règles de compétence d'ordre public englobent toutes les règles de
compétence en matière d'état des personnes ainsi que les compétences exclusives 3383. Par
conséquent, les trois cas de l'article 93 sont plus étroits que les deux cas de l'article 92, puisque le
juge ne peut pas se déclarer incompétent lorsqu'en dehors de l'état des personnes, la règle de
compétence territoriale est « simplement » d'ordre public 3384. C'est bien le signe que la compétence
territoriale est considérée comme moins importante que la compétence d'attribution.

1030 Précisions sur l'incompétence en général. – Les dispositions qui viennent d'être
indiquées appellent deux remarques. D'abord, on dit volontiers que, lorsqu'il édicte une compétence
exclusive, le législateur réserve absolument la connaissance d'une question de droit à un tribunal
déterminé. L'affirmation doit être nuancée. En réalité, si le défendeur ne soulève pas l'incompétence
du tribunal saisi, le tribunal n'est pas davantage obligé de le faire. Il lui est donc loisible de statuer,
en dépit de la compétence exclusive d'une autre juridiction.
Il a été aussi indiqué que la présentation de l'exception d'incompétence était soumise à des règles
très strictes. Lorsque ces conditions ne sont plus remplies, le défendeur peut cependant avoir intérêt à
présenter une exception d'incompétence. Elle est certes irrecevable, mais elle attire son attention sur
le problème et, chaque fois que le juge peut relever d'office son incompétence, la présentation de
l'exception peut l'inciter à le faire 3385.

§ 2. LE JUGEMENT SUR LA COMPÉTENCE

1031 L'autorité de chose jugée du jugement sur la compétence. – Il est évident que, lorsque
naît un incident de compétence, le tribunal rend un jugement contenant soit une déclaration de
compétence, soit une déclaration d'incompétence.
Quelle que soit la solution retenue, il existe une disposition commune aux deux sortes de
jugements. Aux termes de l'article 95 du Code de procédure civile, « lorsque le juge, en se
prononçant sur la compétence, tranche la question de fond dont dépend cette compétence, sa décision
a autorité de chose jugée sur cette question de fond ». Dans l'exemple qui a déjà été utilisé, à
supposer que la demande ait été portée devant le conseil de prud'hommes et que celui-ci décide que
le contrat litigieux constitue un contrat d'entreprise et se déclare incompétent, le tribunal de grande
instance devra considérer que c'est effectivement un contrat d'entreprise, même s'il ne fait aucun
doute pour lui qu'il s'agit d'un contrat de travail 3386. En vertu de l'article 77 du Code de procédure
civile, cette question de fond devra être tranchée dans le dispositif de la décision rendue sur la
compétence. Si tel est le cas, l'autorité de chose jugée est certaine. En revanche, la majeure partie de
la jurisprudence rejette l'autorité de la chose jugée dans le cas où la question de fond n'est tranchée
que dans les motifs de la décision 3387.

1032 La déclaration de compétence. – Quand le juge s'estime apte à statuer au fond du litige
et veut donc rejeter l'exception d'incompétence, le Code de procédure civile lui permet de le faire
selon deux modalités différentes. Le juge peut d'abord dissocier la compétence du reste de l'affaire
et, dans un premier jugement, ne statuer que sur la compétence. Il peut aussi, s'il le souhaite, statuer
sur l'ensemble de l'affaire 3388 par un seul jugement.
Le choix de la première solution est certainement préférable chaque fois que l'incident de
compétence soulève une difficulté sérieuse et importante. L'article 77 du Code de procédure civile
dispose alors que, si la compétence est liée au fond, le juge doit statuer sur le fond et sur la
compétence par deux dispositions distinctes 3389. Par ailleurs, à compter du jugement, l'instance se
trouve suspendue jusqu'à l'expiration du délai pour former contredit et, si un contredit est formé dans
ce délai, jusqu'à ce que la cour d'appel ait rendu sa décision 3390. Ainsi l'incident de compétence se
trouve-t-il complètement réglé avant que le juge n'aborde le fond.
Le choix de la seconde solution est préférable lorsque la solution de l'incident ne fait aucun doute.
En statuant sur l'ensemble de l'affaire par un même jugement, le juge donne une solution plus rapide
au litige et décourage les manœuvres dilatoires. L'article 76 du Code de procédure civile impose
seulement au juge l'obligation de mettre préalablement les parties en demeure de conclure sur le fond
(si elles ne l'ont pas déjà fait) et celle de statuer sur la compétence et sur le fond par deux
dispositions distinctes.

1033 La déclaration d'incompétence. – Lorsque le juge estime qu'il n'est pas compétent, il ne
peut évidemment pas statuer sur le fond de l'affaire 3391. Cependant, le dispositif du jugement qu'il
rend ne se limite pas à la déclaration d'incompétence. Aux termes de l'article 96, alinéa 2, du Code
de procédure civile, « le juge qui se déclare incompétent désigne la juridiction qu'il estime
compétente. Cette désignation s'impose aux parties et au juge de renvoi ». Le juge désigné ne peut
discuter le renvoi opéré, même s'il est absolument persuadé de ne pas être compétent et il doit
examiner l'affaire au fond 3392. Pour ce qui est des parties, le texte signifie que, si elles ne font rien, le
jugement va s'imposer à elles comme au juge. Pour l'éviter, le seul moyen consiste à exercer une voie
de recours contre le jugement qui procède à la désignation 3393.
Par exception, l'article 96, alinéa 1 , du Code de procédure civile dispose que le juge ne désigne
er

pas de juridiction, à laquelle il renverrait l'affaire, chaque fois qu'il estime que la juridiction
compétente est un tribunal répressif, un tribunal administratif, un tribunal étranger ou un tribunal
arbitral 3394. Dans ces quatre hypothèses, il déclare simplement renvoyer les parties « à mieux se
pourvoir ».

1034 Les suites de la déclaration d'incompétence. – Quelles sont les suites de ce jugement ?
Lorsque, par exception, le tribunal ne désigne pas le juge qu'il estime être compétent et invite les
parties à mieux se pourvoir, l'instance prend fin. Le demandeur peut exercer une voie de recours 3395
contre le jugement d'incompétence. À défaut, ou en cas de rejet de son recours, il devra former une
nouvelle instance devant le juge compétent qu'il devra déterminer lui-même.
Lorsque le tribunal désigne le juge qu'il estime compétent, comme il doit le faire le plus souvent,
l'instance ne prend pas fin. Elle est suspendue pendant le délai pour former contredit. Si un contredit
est formé, l'instance reprendra selon les dispositions contenues dans l'arrêt rendu par la cour d'appel
sur cette voie de recours. Si, à l'expiration du délai pour former contredit, la voie de recours n'a pas
été exercée, le dossier de l'affaire est transmis au juge désigné, par le secrétariat du tribunal qui s'est
déclaré incompétent 3396. La transmission s'opère donc en dehors des parties. Le point essentiel est
que le jugement d'incompétence ne donne pas naissance à une nouvelle instance, c'est la même
instance qui se poursuit devant le second juge. Ainsi, il n'y a pas lieu pour le demandeur de délivrer
un nouvel acte introductif d'instance. Concrètement, l'instance se poursuit à l'initiative du second juge
qui y invite les parties par une lettre recommandée avec demande d'avis de réception du secrétariat
de la juridiction. Éventuellement, si la représentation est obligatoire, il leur indique d'avoir à
constituer avocat dans le délai d'un mois, sous peine de radiation de l'affaire 3397. Corrélativement, si
l'on passe d'une procédure orale à une procédure écrite, les parties devront déposer des conclusions
et, le cas échéant, y reprendre les prétentions qu'elles avaient présentées oralement devant la
première juridiction 3398.

SECTION II
LES VOIES DE RECOURS

1035 Appel et contredit. – Le jugement qui statue sur l'incident de compétence, et


éventuellement sur le reste de l'affaire, peut être attaqué par deux voies de recours différentes : le
contredit et l'appel. Alors que l'appel est la voie de recours normale contre les jugements du premier
degré, le contredit constitue la voie de recours spécifique à l'incident de compétence. Chacune de ces
voies de recours est soumise à des procédures différentes et donne lieu à des décisions différentes.
Surtout, chacune d'elles est ouverte dans des cas différents : le plaideur ne dispose pas de deux voies
de recours entre lesquelles il pourrait choisir librement.
En cas d'erreur, quelle est la sanction ? Que se passe-t-il lorsqu'un plaideur forme un contredit au
lieu d'interjeter appel ou réciproquement ? L'article 91 du Code de procédure civile régit l'une des
deux erreurs. Aux termes de ce texte, « lorsque la cour estime que la décision qui lui est déférée par
la voie du contredit devait l'être par celle de l'appel, elle n'en demeure pas moins saisie ». Dans ce
sens, l'erreur n'est donc pas sanctionnée 3399 : la cour d'appel va examiner le recours formé contre le
jugement rendu au premier degré. Il reste cependant que le contredit a été formé à tort et que c'est une
instance d'appel qui va se dérouler devant la cour. C'est pourquoi l'article 91 dispose que l'affaire est
« instruite et jugée selon les règles applicables à l'appel des décisions rendues par la juridiction dont
émane le jugement frappé de contredit ». Par exemple, les parties ne seront pas tenues de constituer
avocat si le jugement émane d'un conseil de prud'hommes, alors qu'elles y seront tenues si le
contredit a été formé contre un jugement rendu par un tribunal de grande instance ou un tribunal de
commerce. Si celui qui a formé à tort le contredit ne satisfait pas à cette obligation dans le délai d'un
mois à compter de l'avis qui lui a été adressé, l'appel est déclaré d'office irrecevable.
Aucun texte spécial ne régit l'hypothèse inverse, dans laquelle le plaideur interjette appel au lieu
de former contredit. Il convient alors de revenir aux principes généraux. Le plaideur a formé une voie
de recours qui n'était pas ouverte et l'article 125 du Code de procédure civile sanctionne par une fin
de non-recevoir d'ordre public l'absence d'ouverture d'une voie de recours : à la différence des
simples nullités pour vice de forme, la sanction est encourue indépendamment de tout grief et le juge
doit la prononcer d'office 3400. On constate ainsi que l'erreur dans un sens est sévèrement sanctionnée
alors qu'elle ne l'est pas dans l'autre. En cas de doute, il ne faut donc pas hésiter et former un
contredit, à condition cependant que ce soit encore possible : on verra en effet que le délai pour
former un contredit est beaucoup plus court que celui pour former appel. Il faut faire vite.
Il convient encore de signaler que le contredit et l'appel sont les seuls recours ouverts contre un
jugement rendu au premier degré. Il résulte des articles 78, 80 et 94 3401 du Code de procédure civile
que, pour ce qui est de la compétence, les parties ne peuvent pas se pourvoir en cassation contre un
jugement rendu au premier degré, même s'il a été rendu en dernier ressort. Cette règle, à l'application
de laquelle la Cour de cassation veille scrupuleusement 3402, ne soulève aucun problème particulier
lorsque la voie de recours qui doit être formée est le contredit ; il n'en va pas de même lorsque le
plaideur doit former appel.
De façon générale, il apparaîtra, à l'examen, que le contredit (§ 1) soulève moins de difficultés
que l'appel (§ 2).

§ 1. LE CONTREDIT

1036 Une procédure simplifiée. – L'institution du contredit 3403 comme voie de recours
spécifique de l'incident de compétence répond au souci de lui donner une solution rapide. En
principe, en effet, le contredit correspond au cas où seule la question de la compétence est soumise à
la cour d'appel ; aussi se trouve-t-il doté d'une procédure simple, sans être expéditive. On abordera
successivement le domaine (A) et la procédure du contredit (B), avant d'indiquer quelles décisions
peut rendre la cour d'appel (C).

A. LE DOMAINE DU CONTREDIT

1037 Principe. – Quand doit-on former un contredit ? La règle de principe est posée par
l'article 80 du Code de procédure civile, aux termes duquel, « lorsque le juge se prononce sur la
compétence sans statuer sur le fond du litige, sa décision ne peut être attaquée que par la voie du
contredit ». Ce texte vise deux situations, celle où le juge s'est déclaré incompétent et celle où, dans
un premier jugement, il s'est borné à se déclarer compétent. Le contredit est alors la seule voie de
recours ouverte, peu importe que l'incident résulte d'un déclinatoire de compétence ou d'une initiative
du juge, ou encore que le jugement soit rendu en premier ressort seulement ou en premier et dernier
ressort. L'article 80 précise que c'est toujours la voie du contredit qui doit être utilisée si, pour
statuer sur la compétence, le tribunal a dû trancher la question de fond dont dépendait la compétence ;
dans l'exemple déjà utilisé, si le conseil de prud'hommes se déclare incompétent après avoir qualifié
un acte de contrat d'entreprise, il faut former un contredit. On remarquera que, dans cette hypothèse,
le fond du droit sera examiné dans le cadre de la procédure simplifiée du contredit 3404.
Reste une dernière hypothèse, qu'énonce l'alinéa 2 de l'article 80. Si le juge se prononce sur la
compétence et ordonne, dans le même jugement, une mesure provisoire ou une mesure d'instruction
autre qu'une expertise, la décision ne peut être attaquée que par la voie du contredit. La raison en est
que les jugements ordonnant de telles mesures ne peuvent pas faire l'objet d'un appel immédiat. Si
l'on peut dire, la présence de ces mesures dans le jugement ne change rien, si bien que la voie de
recours reste le contredit, comme si elles n'existaient pas. Il n'en va pas de même lorsque la mesure
d'instruction est une expertise. En raison de son importance, l'expertise peut faire l'objet d'un appel
immédiat, sur autorisation du premier président. Il faut alors combiner les dispositions des
articles 80 et 272 du Code de procédure civile. Si le plaideur n'entend critiquer que le chef qui statue
sur la compétence, il doit sans aucun doute former un contredit. Inversement, s'il n'entend critiquer
que le chef qui ordonne l'expertise, il doit demander au premier président l'autorisation de faire
appel. Enfin, s'il entend critiquer les deux chefs du jugement, la meilleure façon de procéder est
certainement de former un contredit, sur la compétence, puis de demander au premier président
l'autorisation de faire appel. Cependant l'article 272, alinéa 4, dispose que « la cour peut être saisie
de la contestation sur la compétence alors même que les parties n'auraient pas formé contredit ». La
question de la compétence peut donc être soumise à la cour au moyen d'un appel, comme si le juge
avait statué au fond, mais le choix de cette façon de procéder présente le risque que le premier
président refuse l'autorisation nécessaire pour interjeter appel, alors que le délai pour former le
contredit est écoulé.

1038 Exceptions. – Par exceptions au principe posé par l'article 80 du Code de procédure
civile, les articles 98 et 99 énoncent quelques cas dans lesquels c'est un appel qui doit être formé,
bien que le juge n'ait statué que sur la compétence. L'article 98 dispose que la voie de l'appel est
seule ouverte contre les ordonnances de référé et contre les ordonnances du juge conciliateur en
matière de divorce ou de séparation de corps ; aux termes de l'article 99, il en va de même lorsqu'en
première instance, « l'incompétence est invoquée ou relevée d'office au motif que l'affaire relève de
la compétence d'une juridiction administrative » 3405. La même solution de principe est retenue
concernant les décisions du juge de l'exécution 3406 et celles du juge de la mise en état devant le
tribunal de grande instance 3407.

B. LA PROCÉDURE DU CONTREDIT

1039 L'introduction du recours. – L'exercice du contredit présente une originalité certaine par
rapport à l'appel. Alors que l'appel résulte le plus souvent d'une déclaration faite au secrétariat de la
cour par l'avocat de l'appelant, l'article 82 du Code de procédure civile dispose que le contredit est
formé par une déclaration remise au secrétariat de la juridiction qui a statué. En outre, l'acte de
contredit doit être motivé, à peine d'irrecevabilité 3408, comme le déclinatoire de compétence et, de
nouveau, la Cour de cassation exige que l'auteur du contredit explique concrètement les raisons pour
lesquelles, en l'espèce, la juridiction du premier degré se serait trompée 3409. Les deux voies de
recours se distinguent aussi pour ce qui est du délai. D'abord, la durée du délai n'est pas d'un mois
mais de quinze jours. Ensuite, le point de départ du délai n'est pas le même. Pour le contredit, le délai
commence à courir à compter du jour du prononcé du jugement 3410. Il est donc doublement plus court,
si l'on peut dire. Enfin, selon la Cour de cassation, la lettre de l’article 82 commande que ce recours
soit reçu par le greffe (et non pas seulement formé) avant l’expiration de ce délai 3411. Le régime ainsi
réservé à l’auteur d’un contredit est extrêmement sévère.

1040 La suite de la procédure. – La procédure de l'instance de contredit, régie par les


articles 83 à 85 du Code de procédure civile, est marquée par un souci de rapidité et de simplicité.
La saisine de la cour d'appel est opérée par le secrétariat de la juridiction qui a rendu la décision. Il
transmet à la cour le dossier de l'affaire dans lequel sont placés le contredit et une copie du jugement.
En même temps, le secrétariat informe les autres parties et leurs conseils de l'existence du contredit
qui a été formé, au moyen d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Il appartient
au premier président de fixer la date de l'audience qui doit avoir lieu « dans le plus bref délai ». Les
parties ne sont pas tenues de constituer avocat et elles ne déposent pas des conclusions, mais, tout au
plus, de simples observations qui sont alors versées au dossier. La Cour de cassation a d'ailleurs
limité les pouvoirs de la partie qui a formé le contredit : ses observations ne peuvent contenir des
moyens qui ne se trouveraient pas dans le contredit, elles peuvent seulement expliciter et développer
les moyens qui y figurent 3412. On l’aura compris, la procédure du contredit est orale, si bien que les
parties sont censées comparaître à l’audience 3413.

C. LA DÉCISION DE LA COUR D'APPEL

1041 L'option ouverte à la cour d'appel. – A priori, il semble que n'ayant été saisie que de la
question de compétence, la cour d'appel ne puisse que déclarer compétent ou incompétent le tribunal
du premier degré. En réalité, la cour n'est pas obligée de ne statuer que sur la compétence (1), elle
peut aussi évoquer l'ensemble de l'affaire (2).

1. Les décisions sur la compétence

1042 Déroulement de la procédure. – La cour d'appel peut d'abord estimer que le tribunal
initialement saisi est compétent. Selon les cas, elle déclare bien ou mal fondé le contredit qui a été
formé : bien fondé si le tribunal s'était déclaré incompétent, mal fondé s'il s'était déclaré compétent.
À la suite de l'arrêt, le secrétariat de la cour d'appel renvoie le dossier à la juridiction initialement
saisie, avec une copie de l'arrêt. L'instance qui était suspendue reprend à la diligence du juge.
La cour d'appel peut aussi estimer que le tribunal initialement saisi était incompétent. De nouveau,
selon les cas, elle déclare bien ou mal fondé le contredit qui a été formé : bien fondé si le tribunal
s'était déclaré compétent, mal fondé s'il s'était déclaré incompétent. La cour ne peut pas renvoyer
devant le tribunal initialement saisi, mais il lui appartient de désigner le tribunal qu'elle estime
compétent. Bien que l'article 86 du Code de procédure civile ne le dise pas expressément, la cour
d'appel est tenue de le faire 3414. Cependant la cour n'est pas liée par les indications des parties. Elle
peut éventuellement estimer que ce n'est ni la juridiction initialement saisie, ni celle proposée par le
demandeur à l'exception qui est vraiment compétente : dans ce cas, elle désigne une troisième
juridiction et lui renvoie l'affaire 3415. Enfin, l'obligation qui pèse sur la cour d'appel de désigner le
juge compétent connaît les mêmes exceptions que celles déjà rencontrées à propos du juge du premier
degré, qui concernent les cas où la cour estime que l'affaire relève de la compétence d'une juridiction
répressive, administrative, arbitrale ou étrangère 3416.
Les articles 87 et 97 du Code de procédure civile disposent que l'arrêt est aussitôt notifié aux
parties par une lettre recommandée avec demande d'avis de réception que leur adresse le secrétaire-
greffier de la cour. Le greffe de la cour adresse également le dossier de l'affaire, avec une copie de la
décision, à la juridiction désignée. À la réception du dossier, le secrétaire du tribunal désigné invite
les parties à reprendre l'instance, par une lettre recommandée avec demande d'avis de réception.
Éventuellement, si la cour a renvoyé l'affaire devant un tribunal de grande instance, il les invite
également à constituer avocat dans le délai d'un mois, à peine de radiation.
Quelle que soit la juridiction désignée, l'article 86 du Code de procédure civile dispose que la
décision de renvoi de la cour s'impose au juge désigné ainsi qu'aux parties. Pour ce qui est des
parties, la désignation ne s'impose à elles que sous réserve de l'exercice d'un pourvoi en cassation
contre la décision rendue par la cour d'appel.

1043 Ouverture du pourvoi en cassation. – L'article 87, alinéa 2, du Code de procédure


civile prévoit que le délai du pourvoi contre un arrêt rendu sur contredit court à compter de la
notification de la décision. La question s’est longtemps posée de savoir s'il fallait appliquer les
articles 607 et 608 du même code desquels il résulte qu'une décision qui, rendue en dernier ressort,
statue sur un incident, ne peut pas être frappée de pourvoi en cassation indépendamment du jugement
sur le fond, sauf si elle met fin à l'instance. En effet, l'article 87, en énonçant simplement que le délai
du pourvoi court à compter de la notification de l'arrêt de la cour d'appel, pouvait donner à penser
qu'il importait peu que cet arrêt mette ou non fin à l'instance. Une telle lecture du texte était
douteuse 3417, mais la question n’est plus d’actualité. En effet, depuis 2014, l’article 607-1 du Code
de procédure civile dispose que l’arrêt par lequel la cour d’appel se prononce sur la compétence
sans statuer sur le fond du litige peut être frappé de pourvoi en cassation. Le délai du pourvoi court
donc bien, quoi qu’il arrive, à compter de la notification de l’arrêt.

1044 Ouverture du pourvoi et matière internationale. – La solution désormais consacrée à


l’article 607-1 du Code de procédure civile rejoint celle que la jurisprudence retient, en matière
d'exception d'incompétence des juridictions françaises, depuis 2010 : le pourvoi formé contre l'arrêt
d'appel qui statue sur cette exception est « immédiatement recevable, même s'il n'est pas mis fin à
l'instance » 3418. Le raisonnement tenu par la Cour porte sur la nature prétendue de l'exception en
matière internationale. Dans ce domaine, la contestation de la compétence du juge français mettrait en
cause son pouvoir de juger, si bien que la recevabilité immédiate du pourvoi aurait pour fonction de
prévenir un éventuel excès de pouvoir du juge. Comme l'ont démontré les premiers commentateurs
des arrêts de 2010, ces explications théoriques ne sont pas pertinentes 3419. Cela étant, la solution
n'est pas totalement nouvelle, puisqu'il a déjà été jugé que le pourvoi en cassation était
immédiatement recevable à l'encontre d'un arrêt ayant statué sur une exception de litispendance
internationale 3420 et à l'encontre de celui qui s'était prononcé sur la compétence du juge français en
présence d'une clause compromissoire insérée dans un contrat international 3421.
2. L'évocation de l'affaire

1045 Conditions de l'évocation sur contredit. – L'évocation 3422 permet à la cour d'appel
d'attirer à elle l'ensemble de l'affaire pour statuer sur le fond alors qu'elle n'a été saisie que de la
question de compétence, qui seule a été tranchée en première instance.
L'évocation est soumise à trois conditions, qui en pratique se réduisent à deux. D'abord, aux
termes de l'article 89 du Code de procédure civile, il faut que la cour d'appel soit juridiction d'appel
relativement à la juridiction qu'elle estime compétente 3423. Dans le cas contraire, faute de pouvoir
juridictionnel à l'égard du tribunal estimé compétent, elle ne peut que lui renvoyer l'affaire 3424. En
deuxième lieu, il faut évidemment que l'affaire soit susceptible d'appel au fond. Enfin, l'article 89
exige que la cour d'appel « estime de bonne justice de donner à l'affaire une solution définitive », ce
qui permet à la cour d'appel de faire très exactement ce qu'elle veut. On notera en particulier qu'à la
différence de ce que prévoyait le décret du 20 juillet 1972, la cour d'appel peut évoquer une affaire
qui n'est pas en état d'être jugée, puisque l'article 89 énonce que la cour peut, le cas échéant, ordonner
une mesure d'instruction 3425.

1046 Transformation de l'instance. – Lorsque la cour d'appel évoque, l'ensemble de l'affaire


lui est désormais soumis. Il s'est donc opéré une transformation de l'instance et, au lieu des règles de
l'instance de contredit, ce sont désormais les règles de l'instance d'appel qui sont applicables. C'est
pourquoi l'article 90 du Code de procédure civile dispose que la cour invite les parties à constituer
avocat dans le délai qu'elle fixe si les règles applicables à l'appel des décisions rendues par la
juridiction dont émane le jugement frappé de contredit imposent cette constitution. La formule
abstraite peut sembler compliquée, mais la réalité qu'elle recouvre est très simple. La procédure
applicable en cas d'appel d'un jugement de conseil de prud'hommes est la procédure sans
représentation obligatoire. Il en va de même en cas d'évocation d'un jugement sur la compétence
rendu par un conseil de prud'hommes. En revanche, la procédure applicable en cas d'appel d'un
jugement de tribunal de commerce étant la procédure avec représentation obligatoire, les parties
doivent constituer avocat en cas d'évocation d'un jugement sur la compétence rendu par un tribunal de
commerce. À défaut, l'affaire sera radiée. On le voit, ce qui compte, c'est donc la nature de la
juridiction qui a rendu la décision entreprise et non pas celle du tribunal réellement compétent 3426.

§ 2. L'APPEL

1047 Le domaine de l'appel. – Le domaine de l'appel se déduit de celui qui a été indiqué
précédemment pour le contredit. Pour l'essentiel, la voie de recours de l'appel est ouverte contre les
jugements qui statuent à la fois sur la compétence et sur le fond, ce qui suppose bien entendu que le
juge se soit déclaré compétent pour connaître de la demande ou des demandes qui lui ont été
soumises 3427. Elle est également ouverte contre certains jugements énoncés par les articles 98 et 99
du Code de procédure civile, bien qu'ils n'aient statué que sur la compétence. Il s'agit, d'une part, des
ordonnances rendues par le juge des référés et par le juge conciliateur en matière de divorce et de
séparation de corps et, d'autre part, des jugements portant sur la compétence lorsque l'incompétence
est invoquée ou relevée d'office au motif que l'affaire relève de la compétence d'une juridiction
administrative 3428.
Le délai pour former appel et la procédure de l'instance d'appel répondent aux règles déjà
indiquées lors de l'étude des voies de recours. Il suffit d'y renvoyer 3429. L'appel ne présente
d'originalité, en matière d'incident de compétence, qu'en raison des cas dans lesquels il est ouvert et
de la décision que doit rendre la cour d'appel. Sur le premier point, en effet, aux termes de
l'article 78 du Code de procédure civile, l'appel est ouvert non seulement contre les jugements
susceptibles d'appel au fond, mais aussi contre les jugements rendus en premier et dernier ressort.
Cette anomalie ne demeure pas sans conséquence sur la décision que rend la cour, ce qui conduit à
étudier les deux hypothèses successivement, en commençant par l'hypothèse que l'on peut qualifier de
normale, celle dans laquelle le jugement est susceptible d'appel au fond (A et B).

A. L'APPEL CONTRE LE JUGEMENT SUSCEPTIBLE D'APPEL AU FOND

1048 La connaissance du litige par la cour d'appel. – Le juge du premier degré s'étant déclaré
compétent et ayant statué sur le fond dans le même jugement, l'appel soumet à la cour l'ensemble du
litige tranché par le juge du premier degré 3430. L'exception d'incompétence constituant une défense
procédurale, la cour doit trancher cet incident avant d'aborder le fond. La cour peut estimer soit que
le tribunal a eu raison de se déclarer compétent soit qu'il aurait dû se déclarer incompétent. Le
premier cas ne soulève aucune difficulté. Par l'effet dévolutif de l'appel, la cour examine l'ensemble
du litige qui a été soumis au juge du premier degré. La seconde branche de l'alternative est régie par
l'article 79 du Code de procédure civile.
L'article 79, alinéa premier, du Code de procédure civile dispose que, « lorsque la cour (d'appel)
infirme du chef de la compétence, elle statue néanmoins sur le fond du litige si la décision attaquée
est susceptible d'appel dans l'ensemble de ses dispositions et si la cour est juridiction d'appel
relativement à la juridiction qu'elle estime compétente ». La lecture de ce texte montre que son
application est subordonnée à la réunion de trois conditions. Les deux premières ont déjà été
indiquées : il faut que le jugement soit susceptible d'appel dans toutes ses dispositions et que la cour
d'appel infirme du chef de la compétence, c'est-à-dire estime que le juge du premier degré n'aurait
pas dû statuer. La troisième condition est que la cour d'appel soit juridiction d'appel relativement à la
juridiction qu'elle estime compétente. Par exemple, une demande indéterminée en matière personnelle
et mobilière est portée devant le tribunal d'instance de Caen au lieu de l'être devant le tribunal de
grande instance de cette ville. Néanmoins, le tribunal d'instance se déclare compétent et statue au
fond. Ou encore, la demande est portée devant le tribunal de grande instance de Cherbourg alors que
le défendeur demeure à Caen.
Lorsque ces conditions sont réunies, la cour d'appel conserve la connaissance de l'affaire et statue
sur le fond. La solution ne manque pas d'originalité. En effet, la cour constate en premier lieu que le
juge du premier degré était incompétent et donc qu'il n'aurait pas dû statuer sur la demande. La
première idée qui vient à l'esprit est d'appliquer la même solution qu'en cas de contredit : la cour
devrait désigner la juridiction du premier degré à laquelle elle renverrait l'affaire et ainsi le litige
donnerait lieu à un jugement au premier degré rendu par une juridiction compétente. C'est la solution
inverse qu'impose cependant l'article 79 du Code de procédure civile ; la cour va statuer sur le fond
exactement comme si le juge du premier degré avait été compétent. L'explication de cette solution
réside dans la plénitude de juridiction qui appartient à la cour d'appel, qui est juridiction d'appel à la
fois de la juridiction compétente et de la juridiction incompétente. Devant elle, l'incompétence
n'existe plus : la plénitude de juridiction purge l'incompétence qui a existé, la privant de sanction, et
elle permet à l'effet dévolutif de jouer. Lorsque les conditions en sont remplies, la plénitude de
juridiction joue de façon automatique, si bien que la cour d'appel est tenue de conserver la
connaissance de l'affaire : elle n'a pas le droit de renvoyer devant le juge du premier degré qu'elle
estime compétent 3431.
La solution se justifie également par des considérations pratiques. D'un point de vue purement
abstrait, il n'est certes pas très logique que la cour d'appel statue après un tribunal dont elle vient
d'affirmer qu'il n'aurait pas dû statuer. Mais, concrètement, la solution inverse ne serait pas heureuse.
Le renvoi devant le juge compétent du premier degré ferait que la même affaire aurait été
successivement examinée par trois juges du fond et il en résulterait un allongement important de la
procédure. Le législateur a estimé que le point important était que l'affaire ait été effectivement
examinée sur le fond par un juge du premier degré et, de fait, la plénitude de juridiction ne méconnaît
pas le double degré de juridiction 3432.

1049 Le renvoi à une autre cour d'appel. – Une solution comparable est édictée par l'alinéa 2
de l'article 79 du Code de procédure civile, lorsque la cour d'appel n'est pas juridiction d'appel
relativement à la juridiction qui eût été compétente en première instance, ce qui suppose qu'une règle
de compétence territoriale n'ait pas été respectée 3433. Une demande est portée devant le tribunal de
grande instance de Cherbourg qui se déclare compétent et statue au fond, alors que le défendeur
soutenait que l'affaire relève de la compétence du tribunal de grande instance de Dieppe. Dans une
telle situation, la cour d'appel de Caen, devant laquelle a été porté l'appel, ne peut conserver la
connaissance de l'affaire, si elle estime qu'en effet c'est le tribunal de Dieppe qui aurait dû être saisi.
La purge de l'incompétence ne peut jouer que si les deux juridictions siègent dans le ressort de la
même cour d'appel. Mais ici, l'incompétence demeure. Il faut donc que la cour d'appel de Caen
renvoie à une autre juridiction. L'article 79, alinéa 2, dispose qu'elle « renvoie l'affaire devant la
cour qui est juridiction d'appel relativement à la juridiction qui eût été compétente en première
instance ». Dans l'exemple donné, la cour d'appel de Caen ne doit pas renvoyer devant le tribunal de
grande instance de Dieppe, mais devant la cour d'appel de Rouen 3434.
Le résultat peut paraître curieux. L'appel formé contre un jugement rendu par le tribunal de grande
instance de Cherbourg sera examiné au fond par la cour d'appel de Rouen dont il ne relève pas. La
solution repose sur la même justification pratique : le renvoi devant le tribunal du premier degré
ferait que trois juridictions du fond examineraient successivement l'affaire. Encore une fois, ce qui
compte c'est que l'affaire ait été effectivement examinée sur le fond par un juge du premier degré.
Pour la première cour d'appel, le renvoi à la seconde cour d'appel constitue une obligation et non une
simple faculté : inversement, elle n'a pas le droit de renvoyer l'affaire devant un juge du premier
degré 3435. Par ailleurs, comme pour tous les autres renvois, la décision de la cour d'appel s'impose
au juge 3436 et aux parties, sauf le droit pour ces dernières de former un pourvoi en cassation 3437.

B. L'APPEL CONTRE LE JUGEMENT INSUSCEPTIBLE D'APPEL AU FOND

1050 Un appel limité à la question de compétence. – Lorsque le premier juge s'est déclaré
compétent et a statué sur le fond du litige dans un même jugement, le contredit est fermé, puisqu'en
vertu de l'article 80 du Code de procédure civile, cette voie de recours suppose que le tribunal n'ait
pas statué sur le fond de l'affaire 3438. Le plaideur qui souhaiterait contester la compétence du tribunal
doit alors, on l'a vu, se tourner vers la voie de l'appel. Il arrive cependant qu'une décision rendue au
premier degré soit insusceptible d'appel au fond, parce que la valeur de l'objet du litige n'excède pas
le taux du ressort. Dans cette situation, l'article 78 du Code de procédure civile dispose que l'appel
sera quand même possible du chef de la compétence. En d'autres termes, l'appel ne portera que sur la
question de la compétence et non pas sur ce qui aura été tranché sur le fond du litige par le premier
juge. Cette limitation de l'appel à la seule question de compétence dérègle le fonctionnement des
voies de recours de deux façons.

1051 Difficultés. – D'une part, l'impossibilité pour la cour d'appel de statuer sur le fond
conduit à former deux recours distincts contre la même décision. Sans doute objectera-t-on qu'il en va
de même chaque fois qu'une demande est susceptible d'appel alors qu'une autre ne l'est pas : c'est la
conséquence de la règle de principe selon laquelle l'ouverture des voies de recours s'apprécie
demande par demande. Mais, dans le cas présent, la situation est tout à fait différente : les deux
recours portent sur la même demande, l'appel critiquant le jugement sur la compétence et le pourvoi
le critiquant sur le fond. À partir de là, on peut imaginer que leur exercice débouche sur des solutions
incohérentes. Que doit-on faire si la Cour de cassation rejette le pourvoi en estimant que les juges du
premier degré ont fait une exacte application du droit pour ce qui est du fond de l'affaire, alors que la
cour d'appel estime, de façon tout à fait légitime, que ces mêmes juges du premier degré n'auraient
pas dû statuer parce qu'ils étaient incompétents 3439 ? Pour éviter cette aberration, on pourrait décider
que la formation d'un pourvoi en cassation sur le fond rend irrecevable l'appel, en raison d'une sorte
d'acquiescement sur la compétence 3440 et qu'en cas d'appel, le pourvoi en cassation sur le fond peut
encore être formé à l'issue de l'instance d'appel.
Le même dérèglement s'observe, d'autre part, pour ce qui est de la décision que doit prendre la
cour d'appel lorsqu'elle estime que le tribunal qui a statué au premier degré était incompétent. Si l'on
prenait le texte à la lettre, il conviendrait d'appliquer l'article 79, alinéa 2, du Code de procédure
civile, puisque ce dernier vise « les autres cas », c'est-à-dire les cas qui ne correspondent pas à
l'hypothèse régie par le premier alinéa. Mais c'est impossible. D'abord, à supposer que la cour saisie
de la question de la compétence ne soit pas juridiction d'appel relativement à la juridiction qu'elle
estime compétente, le renvoi de l'affaire devant une autre cour d'appel n'a pas de sens. Supposons,
par exemple, que le tribunal d'instance de Cherbourg statue en premier et dernier ressort sur une
demande inférieure au taux du ressort. La cour d'appel de Caen estime que la demande aurait dû être
soumise au tribunal d'instance de Dieppe. À quoi sert-il de renvoyer à la cour d'appel de Rouen
puisque celle-ci ne peut pas connaître du fond de l'affaire ? La situation est encore plus absurde
lorsque la cour est juridiction d'appel relativement à la juridiction qu'elle estime compétente. À
supposer que la cour d'appel de Caen estime que la compétence appartient au tribunal d'instance
de Lisieux, on n'imagine pas qu'elle puisse se renvoyer l'affaire à elle-même, pour ensuite ne pas
pouvoir l'examiner au fond.
Ce qui précède montre à l'évidence que l'on ne saurait appliquer l'article 79 du Code de
procédure civile à de telles hypothèses. La seule solution consiste à l'écarter complètement et, à
défaut d'autre possibilité, de décider que la cour d'appel doit renvoyer l'affaire devant le juge du
premier degré qu'elle estime compétent 3441.

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J. VINCENT, « Quelques réflexions sur la compétence exclusive des juridictions civiles », Mélanges
P. Hébraud, Toulouse, 1981, p. 917.
CHAPITRE III
LA CONNEXITÉ ET LA LITISPENDANCE

1052 Présentation. – La connexité et la litispendance présentent d'importantes ressemblances


qui justifient que le Code de procédure civile les réglemente de concert dans les articles 100 à 107.
L'une et l'autre supposent que deux demandes aient été portées devant deux juridictions différentes,
chacune d'elles étant compétente pour connaître de la demande dont elle est saisie. Ainsi apparaît une
première originalité qui leur est commune, par rapport à l'incident lié à l'incompétence : il va être
demandé à une juridiction compétente de se dessaisir. La raison de ce dessaisissement est qu'une
autre juridiction est déjà saisie d'une demande connexe ou identique, et c'est là la seconde originalité.
Dans l'incident de compétence, un seul tribunal se trouve actuellement et concrètement saisi et il lui
est demandé de se dessaisir au profit d'un tribunal qu'il a à désigner. En cas de connexité ou de
litispendance, le choix n'est pas entre le tribunal de grande instance de Caen et un tribunal X ou Y,
mais entre le tribunal de grande instance de Caen et celui de Lisieux, l'un et l'autre ayant d'ores et
déjà à connaître d'une demande.
Pour plus de clarté, il reste cependant préférable d'aborder successivement la connexité et la
litispendance (sections I et II).

SECTION I
LA CONNEXITÉ

1053 Plan. – La notion de connexité ayant déjà été exposée 3442, il reste à déterminer les
conditions auxquelles est subordonné le renvoi pour cause de connexité (§ 1). Ensuite il sera indiqué
comment s'opère le règlement de l'incident (§ 2).

§ 1. LES CONDITIONS DU RENVOI

1054 Division. – Le renvoi pour cause de connexité suppose que soient remplies deux
conditions. Il faut d'abord que les deux affaires soient pendantes devant deux juridictions (A). Il faut
encore que la demande de renvoi ne se heurte pas à des obstacles tenant à la compétence des
juridictions saisies (B).

A. LA SAISINE DE DEUX JURIDICTIONS


1055 Autres cas de figure. – Cette première condition relève de l'évidence. Il ne convient de
la signaler que pour rappeler les autres hypothèses dans lesquelles peuvent être formées des
demandes connexes. D'abord, les demandes connexes peuvent être formées de façon séparée devant
le même tribunal, à titre de demandes initiales. En soi, l'incident de connexité auquel peut donner lieu
cette situation n'intéresse pas la compétence et c'est ce qui explique que le Code de procédure civile
prévoie qu'il soit traité sommairement. Si les demandes connexes ont été distribuées à des formations
différentes du tribunal (pour l'essentiel à des chambres différentes), l'article 107 dispose que les
difficultés « sont réglées sans formalité par le président », soit à la demande des parties, soit d'office.
La décision du président constitue une simple mesure d'administration judiciaire. Si les demandes ont
été distribuées à la même formation, elles donnent lieu à une autre mesure d'administration judiciaire,
la jonction d'instance 3443. La décision est normalement prise par le magistrat chargé de suivre
l'instruction de l'affaire : devant le tribunal de grande instance, par le juge de la mise en état 3444 et,
devant le tribunal de commerce, par le juge chargé d’instruire l’affaire 3445. Il peut encore se faire
que, dans une instance donnée, une seconde demande soit présentée à titre de demande incidente. La
présentation de cette seconde demande peut donner lieu à un incident de compétence qui devra être
réglé selon les règles qui déterminent l'étendue de la compétence d'une juridiction 3446. Enfin, une
demande de renvoi pour cause de connexité peut être présentée lorsque deux demandes initiales ont
été soumises à deux juridictions différentes. Pour qu'un seul tribunal connaisse de l'ensemble du
litige, comme la connexité le rend souhaitable, il est demandé à l'un des juges de se dessaisir au
profit de l'autre. Mais, pour cela, il faut que les règles de compétence applicables aux deux demandes
le permettent.

B. LA COMPÉTENCE DES JURIDICTIONS

1056 La connexité pure et simple. – Sans reprendre l'étude de la notion de connexité, peut-
être faut-il rappeler ici que c'est à propos de l'exception de connexité que le Code de procédure
civile en donne la définition. Aux termes de l'article 101, deux affaires sont connexes lorsqu'il est
« de l'intérêt d'une bonne justice de les faire instruire et juger ensemble ». Et cette définition montre
que, s'il est opportun de soumettre deux demandes connexes à un seul juge, néanmoins la connexité ne
présente pas un caractère de nécessité qui impose la solution : on peut aussi envisager que les deux
juges demeurent saisis chacun de la demande qui lui a été soumise.
Si l'un des juges se dessaisit et renvoie à l'autre la connaissance de la demande dont il est saisi,
que se produit-il devant ce second juge ? Une autre demande vient s'ajouter à la demande dont il était
déjà saisi. À strictement parler, il ne s'agit pas là d'une hypothèse d'extension de la compétence,
aucune demande incidente n'ayant été effectivement formée. On doit parler d'une prorogation de
compétence, puisque c'est une demande initiale que l'on envisage de soumettre à un autre juge qu'à
celui que désignent les règles de compétence précédemment exposées. Mais, dans les faits, tout se
passe désormais comme si une demande incidente venait se greffer sur la demande initiale. Aussi est-
il logique que la Cour de cassation applique au renvoi pour cause de connexité les règles de
compétence énoncées par l'article 51 du Code de procédure civile pour l'étendue de la
compétence 3447. Au tribunal de grande instance (et désormais au tribunal d'instance ou à la juridiction
de proximité 3448) peuvent être renvoyées les demandes qui ne relèvent pas de la compétence
exclusive d'une autre juridiction, alors qu'en principe, seules peuvent être renvoyées à une juridiction
d'exception les demandes qui relèvent de sa compétence. Concrètement, il en résulte que, si l'une des
demandes connexes a été portée devant un tribunal de grande instance et l'autre devant un tribunal
d'exception, c'est à ce dernier qu'il faut demander de se dessaisir 3449. Cependant la connexité cède
devant la compétence exclusive d'une juridiction d'exception : dans ce cas, le litige ne pourra pas être
examiné de façon globale 3450.

1057 L'indivisibilité. – À la différence de la connexité « simple », l'indivisibilité ne relève pas


de l'opportunité, mais de la nécessité. À les supposer divergentes, les décisions rendues par les deux
juridictions sont insusceptibles d'exécution simultanée. L'indivisibilité se présente donc comme une
connexité renforcée. Pour autant, elle ne se confond pas avec la litispendance 3451. En effet, la
litispendance doit être rapprochée de l'autorité de chose jugée, elle suppose, outre l'identité totale ou
partielle de la matière litigieuse, l'identité de parties. L'indivisibilité, elle, tient à l'effet substantiel
du jugement et doit être rapprochée du pourvoi en cassation fondé sur l'inconciliabilité de
jugements 3452 ; elle suppose une identité totale ou partielle de l'objet de la demande et donc de
l'effet substantiel du jugement, qui soit susceptible de rendre inconciliables les décisions rendues.
Lorsqu'une telle situation se rencontre, la Cour de cassation décide que la nécessité de reconstituer
l'unité du litige doit l'emporter sur le respect de la compétence exclusive. Mais, en pratique, il est
très rare que des demandes véritablement indivisibles relèvent de la compétence de juridictions
différentes 3453.

§ 2. LE RÈGLEMENT DE L'INCIDENT

1058 Division. – La réglementation de l'incident de connexité s'inspire de celle de l'incident lié


à l'incompétence. La ressemblance est la plus forte lorsque l'exception de connexité n'est soulevée
que devant l'un des deux juges (A). L'incident présente davantage d'originalité lorsque l'exception est
soulevée devant les deux juges (B).

A. L'EXCEPTION SOULEVÉE DEVANT L'UN DES DEUX JUGES

1059 Quand soulever l'exception de connexité. – Le renvoi pour cause de connexité résulte
toujours de la présentation d'une exception par l'une des parties. L'article 101 du Code de procédure
civile ne prévoit pas la possibilité pour le juge de prendre l'initiative de se dessaisir. Selon
l'article 75 du même code, la demande de renvoi doit être motivée et, par la force des choses, elle
indique la juridiction au profit de laquelle le dessaisissement est sollicité. Par dérogation à la règle
de principe posée par l'article 74 du Code de procédure, l'article 103 dispose que l'incident de
connexité peut être soulevé en tout état de cause. Cette exception s'explique par l'imprécision qui
caractérise la notion de connexité. Il a déjà été indiqué que celle-ci ne se définit pas par des éléments
constitutifs, qui permettraient systématiquement de la déceler dès que les demandes sont formées. En
cela, elle s'oppose à l'incompétence : dès la présentation de la demande, le défendeur peut toujours,
par une analyse objective, déceler l'incompétence du juge. Du fait que la connexité se définit par les
difficultés d'exécution auxquelles elle est susceptible de conduire, il peut arriver qu'elle ne se
manifeste que progressivement, au fur et à mesure que le litige évolue, en raison, par exemple, de la
présentation de nouveaux moyens ou de demandes incidentes qui donnent au litige une figure
nouvelle.
C'est pour tenir compte de la difficulté, que l'on peut avoir à déceler rapidement la connexité qui
unit deux affaires, que le législateur déroge au principe posé par l'article 74 du Code de procédure
civile, ce n'est pas pour permettre des manœuvres dilatoires. L'exception de connexité doit être
présentée le plus tôt possible. Aussi peut-elle être écartée par le juge lorsqu'elle a été présentée
tardivement, dans une intention dilatoire 3454.

1060 Devant quel juge soulever l'exception de connexité. – À la différence de ce que


prévoit l'article 100 du Code de procédure civile pour l'exception de litispendance, l'article 101
n'impose pas aux plaideurs de soulever l'exception de connexité devant la juridiction saisie en
second. Il est possible en effet que la prorogation de compétence qu'entraîne la connexité ne permette
pas le dessaisissement du juge saisi en second, mais seulement celle du juge saisi en premier, par
exemple si la première demande a été soumise à un tribunal de commerce et la seconde à un tribunal
de grande instance. Même lorsque les deux juridictions sont susceptibles de bénéficier d'une
prorogation de compétence, la demande de renvoi peut être formée indifféremment devant l'une ou
l'autre (ce qui explique d'ailleurs qu'il puisse en être formé plusieurs 3455). Cependant, cette faculté de
choix n'existe que si les demandes sont pendantes devant deux juridictions du même degré. Dans le
cas inverse, l'article 102 du Code de procédure civile dispose que l'exception ne peut être soulevée
que devant la juridiction du premier degré. Il serait illogique qu'une cour d'appel se dessaisisse au
profit d'un tribunal.

1061 Caractère obligatoire du renvoi. – Le juge saisi d'une demande de renvoi pour cause de
connexité doit se livrer à un double examen : d'une part, existe-t-il un lien de connexité entre les deux
affaires ? D'autre part, l'autre juge peut-il connaître de la demande pour laquelle le renvoi est
demandé 3456 ? À supposer que les conditions soient remplies, la question se pose alors de savoir si
le dessaisissement constitue pour le juge une obligation ou une simple faculté. Le texte de
l'article 101 du Code de procédure civile manque de clarté. Ce texte énonce qu'il « peut être demandé
à l'une de ces juridictions de se dessaisir et de renvoyer en l'état la connaissance de l'affaire à une
autre juridiction ». Sur quoi portent les mots « il peut » ? On peut d'abord estimer qu'ils ne portent
que sur la demande de renvoi. Ils signifient que le renvoi suppose que l'une des parties prenne
l'initiative de soulever l'exception de connexité. Mais on peut aussi décider que ces mots portent sur
la réponse que fournira le juge. S'il lui est demandé de se dessaisir, le juge peut le faire, sans y être
tenu, ainsi que le décidait la jurisprudence avant le Code de procédure civile de 1975. C'est la
première interprétation qu'il convient de retenir : dès lors que le juge constate que les conditions sont
remplies, il a l'obligation de se dessaisir et de renvoyer l'affaire devant l'autre juge 3457. Il ne serait
pas cohérent que le magistrat constate qu'il est de bonne justice de faire instruire et juger ensemble
deux affaires et qu'il se refuse à en tirer les conséquences qui en découlent 3458. Cela étant, cette
obligation n'est pas très contraignante pour le juge. La Cour de cassation ne contrôlant pas l'existence
de la connexité sauf rares exceptions, chaque fois que le tribunal souhaite conserver la connaissance
de la demande qui lui a été soumise, il lui suffit de dire qu'il n'existe pas un lien suffisant entre les
demandes 3459.
Aux termes de l'article 105 du Code de procédure civile, la décision de renvoi s'impose à l'autre
juge, ainsi qu'aux parties, sous réserve pour ces dernières de la faculté d'exercer une voie de recours
contre le jugement. Les voies de recours qui leur sont ouvertes sont les mêmes que pour l'incident de
compétence, à savoir le contredit ou l'appel, selon les distinctions qui ont déjà été indiquées 3460.

B. L'EXCEPTION SOULEVÉE DEVANT LES DEUX JUGES


1062 Risques liés à des exceptions ou recours multiples. – Le souci du législateur de conférer
à l'incident le règlement souple qu'appelle la connexité peut conduire à des résultats curieux. On peut
imaginer en premier lieu que les deux juges soient saisis d'une demande de renvoi et y donnent suite
l'un et l'autre, le vide succédant ainsi au trop-plein. L'article 106 du Code de procédure civile régit
cette hypothèse en disposant que, « dans le cas où les deux juridictions se seraient dessaisies, la
décision intervenue la dernière en date est considérée comme non avenue ». C'est donc la juridiction
qui a statué en second sur la demande de renvoi qui connaîtra de l'ensemble de l'affaire.
D'autres difficultés peuvent encore se présenter : par exemple, chacun des deux juges estime que
les deux affaires ne sont pas connexes, ou bien encore l'un estime qu'elles ne sont pas connexes, alors
que l'autre, tout en reconnaissant l'existence d'un lien suffisant, décide qu'il ne peut se dessaisir,
compte tenu des règles sur la prorogation de compétence. En soi, les décisions des juges du premier
degré ne débouchent pas sur une situation incohérente. Le risque est que l'incohérence apparaisse
entre les juges du second degré, devant lesquels serait exercé un recours. Pour supprimer ce risque,
l'article 104, alinéa 2, du Code de procédure civile dispose qu'« en cas de recours multiples, la
décision appartient à la cour d'appel la première saisie ». Ainsi, quoi qu'il ait pu être décidé en
première instance, une seule cour d'appel statuera sur l'ensemble de l'incident.
À supposer que la cour d'appel, saisie sur contredit, estime que l'ensemble de l'affaire doit être
soumis à un seul juge, il lui reste à le désigner. Parfois, les règles relatives à la prorogation de
compétence ne lui laissent aucune liberté : la cour devra désigner le tribunal de grande instance au
détriment du tribunal de commerce. Mais comment choisir entre deux tribunaux de commerce ?
L'article 104 du Code de procédure civile dispose que la cour « attribue l'affaire à celle des
juridictions qui, selon les circonstances, paraît la mieux placée pour en connaître ». Le plus souvent,
cette juridiction sera celle qui est saisie de la partie la plus importante du litige 3461. Bien entendu, la
décision rendue par la cour d'appel s'impose au juge désigné ainsi qu'aux parties, sous réserve pour
ces dernières de la faculté de se pourvoir en cassation 3462.

SECTION II
LA LITISPENDANCE

1063 Plan. – Les difficultés soulevées par la litispendance ne sont pas en tous points identiques
à celles soulevées par la connexité. Il y a litispendance, dit l'article 100 du Code de procédure civile,
lorsque le même litige est pendant devant deux juridictions. En principe, l'identité du litige fait que le
renvoi pour cause de litispendance ne se heurte à aucun obstacle lié à la compétence des juridictions
saisies. En revanche, il faut définir ce qu'est le même litige qui crée une situation de litispendance
(§ 1). Dans un second temps, comme pour la connexité, il faudra indiquer comment s'opère le
règlement de l'incident (§ 2).

§ 1. LA DÉFINITION DE LA LITISPENDANCE

1064 Division. – Qu'est-ce que l'identité de litige visée par l'article 100 du Code de procédure
civile ? Il est certain qu'il y a litispendance lorsque l'identité est totale (A). Qu'en est-il lorsque
l'identité est seulement partielle (B) ?
A. L'IDENTITÉ TOTALE DE LITIGE

1065 Rapport entre litispendance et autorité de la chose jugée. – Pour l'essentiel,


l'exception de litispendance repose sur la même raison que celle qui fonde l'autorité de la chose
jugée : il n'est pas sain que les parties puissent recommencer le même procès. S'il faut que la même
demande ne puisse plus être soumise à nouveau à un tribunal alors qu'un jugement a déjà été rendu, il
faut de même qu'un plaideur ne puisse pas créer une sorte de course de vitesse entre deux juges, en
espérant que celui qui a été saisi en second statuera avant le premier. La litispendance se définit donc
dans les mêmes termes : il y a litispendance lorsque la demande formée en second aurait été déclarée
irrecevable, en raison de l'autorité de la chose jugée, si la demande formée en premier avait déjà fait
l'objet d'un jugement. En droit interne 3463, la litispendance ne se rencontre que très rarement, parce
que les plaideurs ne trouvent aucun intérêt pratique à introduire successivement la même demande
devant deux juges différents. La litispendance peut être accidentelle. Par exemple, deux personnes
entament un procès, puis viennent à décéder. Les héritiers, ignorant l'existence de ce premier procès,
en entament un second. Il peut aussi arriver que deux demandes soient formées en sens inverse : l'un
des plaideurs demande à un juge de prononcer la nullité d'une vente alors que son adversaire
demande à un autre juge de dire que la vente est régulière 3464. En dépit de la position procédurale
différente des parties, l'objet des deux demandes reste le même, à savoir l'aptitude du contrat à
produire ses effets. Cette situation correspond à l'effet négatif de l'autorité de la chose jugée 3465.
Peut-on encore parler de litispendance lorsque l'on sort de cet effet négatif ? Pour cela, il suffit de
modifier légèrement les données de l'exemple qui vient d'être utilisé et d'imaginer que l'une des
parties demande au juge d'ordonner l'exécution d'une prestation prévue par le contrat, alors que
l'autre sollicite la résolution du contrat et des dommages-intérêts. L'identité n'est plus que partielle.

B. L'IDENTITÉ PARTIELLE DE LITIGE

1066 Une conception restrictive de la litispendance. – Il est généralement admis en doctrine


et en jurisprudence que la litispendance n'existe qu'en cas d'identité complète de matière litigieuse. Il
faut que les deux demandes aient le même objet, c'est-à-dire qu'elles soumettent au juge la même
prétention 3466.
Il est cependant permis de s'interroger sur le bien-fondé de cette position. En premier lieu, elle ne
s'accorde pas pleinement avec le fondement qu'il convient d'attribuer à la litispendance. Si la
litispendance entretient des liens étroits avec l'autorité de la chose jugée, pourquoi ne pas la
reconnaître dans les cas où joue l'effet positif de l'autorité de chose jugée, qui correspond
précisément à l'identité partielle de la matière litigieuse 3467 ? Concrètement, en effet, la même raison
se rencontre : il n'est pas bon que deux juges puissent, entre les mêmes parties, statuer, chacun de son
côté, sur la réalité des mêmes faits ainsi que sur la correspondance de ces faits à l'égard de la même
règle de droit. La circonstance que les deux litiges ne portent pas que sur ces faits ne paraît pas
déterminante. En second lieu, cette position conduit à nier l'existence d'une situation de litispendance
dans les cas où cependant il existe deux demandes strictement identiques, ainsi que le montre un arrêt
de la deuxième chambre civile du 5 juillet 1978 3468. En l'espèce, une société est citée devant le
tribunal d'Angers en paiement de dommages-intérêts pour la fourniture d'un tissu qu'elle avait vendue.
Elle appelle en garantie son fournisseur et lui demande en outre des dommages-intérêts à titre
personnel. Or elle avait déjà formé précédemment, devant le tribunal de Lyon, une demande en
dommages-intérêts contre ce même fournisseur en raison de la mauvaise qualité des tissus fournis.
S'il est vrai que deux des trois demandes formées devant le tribunal d'Angers étaient différentes, pour
ce qui est de la troisième, il existait une identité totale de matière litigieuse, les faits invoqués et les
prétentions étant les mêmes. Néanmoins, la Cour de cassation a décidé qu'il n'y avait pas lieu à
renvoi pour litispendance.
Ne devrait-on pas retenir une conception moins restrictive de la litispendance ? On remarquera
que c'est en ce sens que s'est prononcée la Cour de justice des Communautés européennes (l'actuelle
CJUE) dans un arrêt du 8 décembre 1987 3469. Cette décision a été rendue dans les circonstances déjà
évoquées à titre d'exemple : l'une des parties demandait au juge d'ordonner l'exécution d'une
prestation prévue par le contrat, alors que l'autre sollicitait la résolution du contrat et des dommages-
intérêts. Cette décision se fonde sur l'identité partielle de la matière litigieuse : « il apparaît, dit la
Cour, que la demande d'exécution du contrat a pour but de rendre celui-ci efficace, et que la demande
d'annulation et de résolution a précisément pour but de lui ôter toute efficacité. La force obligatoire
du contrat se trouve ainsi au centre des deux litiges (...). Force est de constater que les deux litiges
ont le même objet, cette dernière notion ne pouvant être restreinte à l'identité formelle des deux
demandes ». En pratique, l'adoption de cette solution en droit interne français ne modifierait guère les
données du droit positif. En effet, dans la grande majorité des cas, lorsque le renvoi n'est pas ordonné
pour cause de litispendance, il l'est pour cause de connexité 3470 ou même d'indivisibilité 3471. Mais on
peut souhaiter que le renvoi soit revêtu de la bonne étiquette 3472.

§ 2. LE RÈGLEMENT DE L'INCIDENT

1067 La naissance de l'incident. – Le règlement de l'incident de litispendance obéit au même


schéma général que celui de l'incident de connexité, sous cette réserve qu'il présente moins de
souplesse en raison de ce que la litispendance fait l'objet d'une définition précise. Il suffit donc d'en
indiquer les particularités, qui intéressent d'abord sa naissance.
À la différence de l'exception de connexité, la demande de renvoi pour cause de litispendance
doit être proposée par le défendeur avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir
et simultanément avec les autres exceptions de procédure. Une situation de litispendance peut en effet
être immédiatement décelée en raison des éléments objectifs qui la caractérisent, de la même façon
que l'incompétence. Par ailleurs, à supposer que les données de fait révélant la situation de
litispendance aient été portées à sa connaissance, le juge peut la soulever d'office et prononcer son
dessaisissement 3473.
L'exception de litispendance se distingue encore de celle de connexité en ce qu'elle ne peut pas
être soulevée indifféremment devant l'une ou l'autre des juridictions saisies. L'article 100 du Code de
procédure civile dispose qu'elle ne peut être présentée qu'à « la juridiction saisie en second ». Que
faut-il entendre par le mot « saisie » ? La jurisprudence décidait, de façon traditionnelle, que ce mot
ne renvoyait pas à la saisine du tribunal au sens étroit et technique, c'est-à-dire au placement de
l'affaire. Le tribunal saisi en premier était celui devant lequel l'acte introductif d'instance avait été
formé en premier et inversement, peu importait la date à laquelle la copie de cet acte avait été
déposée au greffe du tribunal 3474. Cette solution n'était pas très heureuse d'un point de vue pratique,
en ce qu'elle pouvait conduire une juridiction qui s'occupait effectivement de l'affaire à se dessaisir
au profit d'une juridiction devant laquelle, concrètement, rien ne s'était encore passé, faute de saisine
au sens étroit du terme. C'est pourquoi la Cour de cassation a justement renversé sa jurisprudence et
décide aujourd'hui qu'il faut prendre en compte la date de la saisine au sens étroit 3475 : la saisine du
tribunal marque le début de l'instance à son égard.
La règle qui vient d'être exposée ne s'applique que si les deux juridictions actuellement saisies
sont du même degré. Dans le cas inverse, en application de l'article 102 du Code de procédure civile,
l'exception de litispendance ne peut être soulevée que devant la juridiction du degré inférieur, même
si elle a été saisie en premier. Il faut sans doute admettre aussi que l'article 102 apporte une
exception à la règle selon laquelle l'exception de litispendance doit être proposée in limine litis, à
défaut de quoi la règle devient impraticable 3476.

1068 Le jugement de l'incident. – Lorsque les conditions se trouvent remplies, le juge saisi
d'une demande de renvoi a l'obligation de se dessaisir, ainsi que le prévoit expressément l'article 100
du Code de procédure civile et sa décision s'impose à l'autre juge ainsi qu'aux parties, sauf pour ces
dernières à exercer une voie de recours, qui est tantôt un contredit tantôt un appel. Comme en matière
de connexité, l'article 104, alinéa 2, du Code dispose qu'« en cas de recours multiples, la décision
appartient à la cour d'appel la première saisie ». Il est simplement à noter qu'en cas de litispendance,
la formation de recours multiples constitue une anomalie, puisque la demande de renvoi ne peut être
demandée qu'au juge saisi en second. Pour cette même raison, il faut écarter la disposition qu'énonce
la fin de l'article 104. La cour d'appel ne doit pas désigner la juridiction qui lui paraît la mieux
placée. Il lui appartient de déterminer quel tribunal a été saisi en premier : c'est à lui que l'affaire
sera renvoyée.

BIBLIOGRAPHIE

H. GAUDEMET-TALLON, « La litispendance internationale dans la jurisprudence française », Mélanges


D. Holleaux, Paris, 1990, p. 121.
Cl. GIVERDON, « La procédure de règlement des exceptions d'incompétence, de litispendance et de
connexité d'après le décret n 72-684 du 20 juillet 1972 », D. 1973, chr. p. 155.
o

J. VIATTE, « À propos de la litispendance », Gaz. Pal. 1976.1, doct. p. 354.


TITRE 2
LES INCIDENTS RELATIFS À LA PREUVE

1069 Droit substantiel et droit procédural. – Dans ses principes, le droit de la preuve ne
relève pas du droit judiciaire privé, mais du droit substantiel. La preuve des actes et des faits
juridiques se trouve régie par le droit civil et le droit commercial et il n'en sera pas question dans les
présents développements. Cependant, le droit de la preuve se trouve à la charnière du droit
substantiel et du droit judiciaire. On peut en effet y distinguer les règles ad litem ordinendam des
règles ad litem decidendam. Les premières régissent l'activité processuelle des parties et du juge, et
les secondes l'activité extrajudiciaire des particuliers, le juge étant chargé d'en assurer la sanction.
Dans les règles ad litem decidendam, on doit placer l'existence et la force des présomptions,
l'admissibilité et la force probante des moyens de preuve. En revanche, c'est aux règles ad litem
ordinendam que l'on doit rattacher les dispositions relatives à l'audition des témoins ou au
déroulement de l'expertise. La distinction de ces deux sortes de règles comporte d'importantes
conséquences en droit international privé et pour ce qui est de l'application de la loi dans le temps.
C'est ainsi qu'en droit international privé, la force des présomptions relatives à la filiation est régie
par la loi personnelle de la mère de l'enfant 3477, alors que la façon dont doit se dérouler une analyse
hérédo-génétique relève de la lex fori, c'est-à-dire de la loi du juge saisi 3478. Il n'est pas toujours
facile de tracer la frontière séparant les deux catégories de règles. Par commodité, on s'en tiendra à
un critère purement textuel : l'étude ne portera que sur les dispositions énoncées par le Code de
procédure civile.
À l'époque de l'ancien Code de procédure civile, les dispositions relatives à l'administration
judiciaire de la preuve faisaient l'objet de nombreuses critiques. On leur reprochait notamment un
formalisme excessif, ainsi que l'existence de modalités différentes pour la même mesure d'instruction.
De l'avis unanime, il s'agissait de l'une des parties les plus vieillies du Code de 1806. C'est sans
doute cette unanimité en faveur d'une réforme qui explique que l'administration judiciaire de la
preuve ait fait l'objet de l'un des premiers décrets destinés à s'intégrer dans le « nouveau Code de
procédure civile », le décret n 73-1122 du 17 décembre 1973. Aujourd'hui, les règles relatives à la
o

preuve sont regroupées dans le titre VII du livre premier du Code de procédure, qui comprend les
articles 132 à 322. Elles font donc partie des dispositions communes à toutes les juridictions.
Ces règles intéressent principalement les pièces et documents (chapitre I) et les mesures
d'instruction (chapitre II).

1070 Serments décisoire et supplétoire. – Avant d'aborder chacun de ces sujets, il faut encore
indiquer que les articles 1357 à 1369 du Code civil et 317 à 322 du Code de procédure civile
régissent le serment judiciaire, dont la réglementation varie légèrement selon que le serment est
décisoire ou supplétoire.
Le serment décisoire ne peut être déféré que par une partie 3479, l'article 322 du Code de
procédure civile précisant que, si celle-ci est représentée, son représentant, même avocat, ne peut le
déférer sans justifier d'un pouvoir spécial 3480. L'article 317 du même code dispose qu'il appartient à
cette partie d'énoncer les faits sur lesquels elle le défère. Si l'on s'en tient à la lettre de l'article 317,
les pouvoirs du juge sont limités à l'examen de la recevabilité du serment et à la détermination des
faits pertinents sur lesquels il sera reçu. Cependant, la jurisprudence actuelle reconnaît au magistrat
un pouvoir plus large, en l'autorisant à refuser d'ordonner le serment s'il estime que cette mesure n'est
pas nécessaire, par exemple parce que les faits allégués ne sont pas établis 3481. Le juge doit alors
motiver sa décision sur ce point, mais il est clair qu'à travers cette jurisprudence, les tribunaux se
voient reconnaître le pouvoir d'apprécier l'opportunité du serment décisoire.
Lorsque le serment est supplétoire, le juge l'ordonne d'office et, bien sûr, il détermine les faits sur
lesquels il sera reçu 3482. Ce second type de serment a un caractère complémentaire pour le juge : ce
dernier ne peut le déférer que si la demande ou l'exception concernée n'est pas pleinement justifiée et
que, de surcroît, elle n'est pas non plus totalement dénuée de preuve (article 1367 du Code civil).
Bref, le serment supplétoire, dont il apprécie souverainement la force probante, n'a pour fonction que
de le conforter dans une conviction naissante.
Aux termes de l'article 319 du Code de procédure civile, « le jugement qui ordonne le serment
fixe les jour, heure et lieu où celui-ci sera reçu. Il formule la question soumise au serment et indique
que le faux serment expose son auteur à des sanctions pénales. Lorsque le serment est déféré par une
partie, le jugement précise en outre que la partie à laquelle le serment est déféré succombera dans sa
prétention si elle refuse de le prêter et s'abstient de le référer 3483. » Le serment est fait par la partie
en personne 3484 et à l'audience 3485, l'autre partie étant présente ou ayant été appelée. Enfin,
l'article 320 dispose que le jugement qui ordonne ou refuse d'ordonner un serment décisoire peut être
frappé de recours indépendamment de la décision sur le fond.
CHAPITRE I
LES PIÈCES ET DOCUMENTS

1071 Plan. – Les pièces et documents soulèvent essentiellement deux questions. Une partie peut
d'abord rencontrer des difficultés pour soumettre une pièce à l'examen du juge (section I). En second
lieu, l'écrit produit par une partie peut être contesté par l'autre. Par exemple, il peut arriver qu'un
plaideur refuse de reconnaître un acte dont son adversaire prétend qu'il l'a signé (section II).

SECTION I
LA CONNAISSANCE DES PIÈCES

1072 Preuve et principe de la contradiction. – Bien que le Code de procédure civile la


réglemente juste avant la production et l'obtention des pièces, on doit rappeler que la communication
des pièces ne relève pas du droit de la preuve, mais du principe de la contradiction 3486 : elle
contribue à la loyauté des débats, mais n'exerce aucune influence directe 3487 sur la décision qui sera
rendue, parce qu'il est en soi indifférent qu'une partie soit ou non convaincue par les éléments de
preuve utilisés par son adversaire.
Il n'en va pas de même pour la production forcée et l'obtention des pièces, qui permettent à une
partie de soumettre au juge un document qu'elle n'a pas en sa possession et qu'elle estime de nature à
emporter la conviction du tribunal. À bien y réfléchir, la production forcée et l'obtention d'une pièce
constituent des mesures d'instruction. Ainsi que cela a été montré 3488, il faut distinguer les mesures
d'instruction qui ont pour objet direct la recherche de l'une des preuves formalisées du droit civil,
comme l'enquête qui vise à l'obtention de témoignages ou la production forcée qui vise à obtenir un
écrit, des mesures qui sont seulement destinées à éclairer le juge sur les circonstances du litige et que
l'on pourrait appeler des mesures d'information du juge, l'expertise notamment. Cette classification
rationnelle n'est pas celle qui a été suivie par les rédacteurs du Code de procédure civile, mais elle
explique sans doute les rapprochements opérés par la jurisprudence entre la production des pièces et
les mesures d'instruction, au sens que leur donne le Code.
Les difficultés que les parties peuvent rencontrer pour soumettre une pièce à l'examen du juge
conduisent à étudier successivement la production forcée des pièces détenues par les parties (§ 1) et
l'obtention de celles qui sont détenues par les tiers (§ 2).

§ 1. LA PRODUCTION FORCÉE DES PIÈCES


1073 Principe traditionnel et principe nouveau. – En matière de production des pièces, il
existait un principe traditionnel qu'exprimait l'adage : Nemo contra se edere tenetur, ce qui signifie :
Nul n'est tenu de produire contre soi. Il en résultait concrètement que le juge ne pouvait pas ordonner
à une partie de verser une pièce qu'elle détenait et dont la production était contraire à ses intérêts. On
considérait que sa liberté aurait été atteinte par la production forcée de la pièce. Il est permis de
penser que cette solution reposait sur une conception discutable du libéralisme. En tout cas, elle
conduisait à de mauvais résultats chaque fois que le juge, faute de pouvoir prendre en compte la
pièce que la partie s'était abstenue de produire, rendait une décision que chacun des plaideurs (et
parfois le juge lui-même) savait mal fondée 3489.
Ce principe n'a plus cours aujourd'hui. Il a été renversé par la loi n 72-626 du 5 juillet 1972.
o

L'article 10 du Code civil, tel qu'il en résulte, dispose que « chacun est tenu d'apporter son concours
à la justice en vue de la manifestation de la vérité. Celui qui, sans motif légitime, se soustrait à cette
obligation lorsqu'il en a été légalement requis, peut être contraint d'y satisfaire, au besoin à peine
d'astreinte ou d'amende civile, sans préjudice de dommages et intérêts ». Tirant les conséquences de
ce texte pour la production forcée d'une pièce par une partie, le Code de procédure civile énonce le
pouvoir reconnu au juge dès les principes directeurs du procès. Aux termes de l'article 11 du Code de
procédure, « si une partie détient un élément de preuve, le juge peut, à la requête de l'autre partie, lui
enjoindre de le produire, au besoin à peine d'astreinte ».

1074 Régime. – La production d'une pièce ne peut pas être ordonnée d'office par le juge 3490.
Elle doit être demandée par la partie au procès 3491. Et si, en général, ce sont des copies que l'on
produit (et que l'on communique à l'adversaire), on peut toujours exiger la production d'un
original 3492. Cela étant, la demande peut porter sur toutes sortes de documents tels que contrats,
registres, documents administratifs, photographies ou autres, sous deux réserves. D'abord, la partie ne
peut demander la production d'un acte constatant un contrat que si elle a été tiers à ce contrat. Il faut
répéter que les règles de droit judiciaire privé demeurent subordonnées aux règles du droit civil et
qu'elles ne peuvent pas suppléer à la carence du cocontractant à qui la loi impose de préconstituer et
de conserver la preuve de la convention qu'il a conclue 3493. Ensuite, la demande doit indiquer de
façon précise les pièces dont la production est demandée. Une partie ne saurait obtenir du juge un
droit d'examen général de l'ensemble des papiers de son adversaire 3494.
La demande est présentée sans forme au juge. La Cour de cassation décide que le juge dispose
d'un pouvoir discrétionnaire d'appréciation sur l'opportunité d'ordonner la production 3495. La solution
est d'abord critiquable par le seul fait qu'elle rompt l'unité de régime entre toutes les mesures
d'instruction, sans qu'apparaissent nettement les raisons d'une telle discrimination. On ne peut
davantage approuver le résultat pratique auquel elle conduit, car, dans un nombre important de cas, le
juge à qui la mesure est demandée est à même d'apprécier, en droit, la pertinence de la pièce pour la
solution du litige. La production forcée appellerait donc plutôt un contrôle renforcé de la part de la
Cour de cassation.
S'il décide de l'ordonner, le juge fixe les modalités de la production (en original, en copie ou en
extraits). Il fixe également les modalités et les garanties de restitution. Sa décision peut être assortie
d'une astreinte 3496.

§ 2. L'OBTENTION DES PIÈCES


1075 Particularités de l'obtention. – L'obligation d'apporter son concours à la justice, posée
par l'article 10 du Code civil, ne pèse pas seulement sur les parties. C'est pourquoi l'obtention des
pièces détenues pour un tiers obéit pour l'essentiel aux mêmes règles que la production forcée 3497. Il
convient seulement de préciser que le tiers concerné par la décision peut être aussi bien une personne
publique qu'une personne privée 3498. Par ailleurs, le juge doit rejeter la demande qui lui est présentée
s'il existe un empêchement légitime, selon les termes de l'article 11 du Code de procédure civile,
notamment en raison d'une obligation de secret pesant sur le tiers 3499.
Lorsque le juge fait droit à la demande qui lui a été présentée, sa décision est exécutoire de droit
à titre provisoire et, s'il y a lieu, sur minute 3500. Par définition, le tiers n'est pas partie à l'instance ; il
n'a donc pas été entendu sur la mesure ordonnée et, par exemple, il n'a pu se prévaloir de l'existence
d'un empêchement légitime qui s'oppose à la mesure du juge. C'est pourquoi l'article 141 du Code de
procédure civile lui permet de demander sans forme au juge de rétracter ou de modifier sa décision,
pour rétablir a posteriori le principe de la contradiction 3501. En cas de rejet de sa demande, le tiers
peut encore interjeter appel de la seconde décision dans les quinze jours de son prononcé 3502.

SECTION II
LA CONTESTATION DES ÉCRITS

1076 Division. – La contestation des écrits est régie par les articles 285 à 316 du Code de
procédure civile. Les dispositions de ces textes conduisent à distinguer la contestation de l'acte sous
seing privé (§ 1) de celle de l'acte authentique (§ 2).

§ 1. L'ACTE SOUS SEING PRIVÉ

1077 Plan. – La contestation de l'acte sous seing privé est le plus souvent soulevée à titre
incident (A), c'est-à-dire qu'elle est soulevée dans le cadre d'un procès qui a un autre objet, et au
cours duquel la contestation va donner lieu à un incident. Il faut remarquer cependant que le
législateur a prévu qu'elle puisse aussi faire l'objet d'une demande à titre principal (B).

A. LA CONTESTATION À TITRE INCIDENT

1078 Vérification d'écriture et faux. – L'incident de contestation de l'acte sous seing privé
peut prendre deux figures différentes. Il consiste en une vérification d'écritures, lorsque la partie à
laquelle est opposé l'acte dénie l'écriture ou la signature que lui attribue son adversaire. Dans la très
grande majorité des cas, il s'agit de l'écriture ou de la signature de la partie elle-même, mais il arrive
aussi que l'écriture ou la signature litigieuses soient celles de son auteur, par exemple, celles d'un
parent de la partie ou encore celles de l'ancien propriétaire du terrain qui appartient aujourd'hui à la
partie 3503. L'incident consiste en un faux lorsque la partie à qui l'acte est opposé prétend que cet acte
a été soit contrefait soit altéré 3504. À vrai dire, lorsque le faux et la vérification d'écriture sont
soulevés à titre incident, les règles applicables sont les mêmes 3505. il n'y a d'intérêt à les distinguer
que lorsqu'ils font l'objet d'une demande principale 3506.
1079 Procédure d'examen de l'acte. – Le premier souci des rédacteurs du Code de procédure
civile a été que l'incident soit réglé aussi simplement et rapidement qu'il est possible, ne serait-ce
que pour dissuader l'une des parties de le créer à des fins exclusivement dilatoires. C'est pourquoi
l'examen de l'acte est de la compétence de la juridiction saisie du principal 3507 et que, par ailleurs, le
juge ne vérifie l'écrit contesté que s'il ne peut pas statuer sans en tenir compte, c’est-à-dire si
l’authenticité de l’écriture est déterminante pour la solution du litige 3508. Et dans le cas où l'écrit
contesté n'est relatif qu'à certaines demandes, le juge peut immédiatement statuer sur les autres 3509.
Lorsque l'écrit contesté ne peut être écarté, il appartient au juge de procéder d'office à son
examen 3510. Pour y procéder, le juge peut enjoindre aux parties de produire tous documents à
comparer à l'écrit contesté et leur faire composer, sous sa dictée, des échantillons d'écriture. Si ces
mesures ne suffisent pas pour que le juge puisse trancher immédiatement l'incident, il retient l'écrit à
vérifier et les pièces de comparaison ou ordonne leur dépôt au secrétariat de la juridiction 3511. Le
juge prescrit alors toutes les mesures d'instruction nécessaires. Il peut ainsi ordonner, même
d'office 3512, le dépôt au secrétariat, en original ou en reproduction, de documents détenus par les
parties et par les tiers 3513, ou ordonner la comparution personnelle des parties, éventuellement en
présence d'un consultant 3514 ; il peut entendre l'auteur prétendu de l'écrit contesté et ceux qui ont vu
écrire ou signer l'écrit contesté 3515. Le juge peut même nommer un technicien pour examiner l'acte
contesté 3516. Quelles que soient les mesures prises, le juge règle les difficultés d'exécution qu'elles
peuvent susciter 3517.
La décision du juge fait l'objet d'une simple mention au dossier, si l'incident a été réglé sans
difficultés 3518. Lorsque la contestation prend davantage d'ampleur, ainsi lorsqu'un technicien a dû
examiner une pièce arguée de faux, la décision fait l'objet d'un jugement ou d'une ordonnance 3519.

B. LA CONTESTATION À TITRE PRINCIPAL

1080 Une action déclaratoire. – La contestation à titre principal d'un écrit sous seing privé
constitue une action déclaratoire 3520. En effet, elle tend uniquement à faire constater que l'écrit ne
remplit pas les conditions pour pouvoir être utilisé à titre d'instrument de preuve contre le demandeur
à la contestation. Les textes du Code de procédure civile en prévoient la recevabilité de principe.
Qu'il s'agisse d'une demande en vérification d'écriture ou en faux, la compétence appartient au
tribunal de grande instance 3521.

1081 Demande en vérification d'écriture. – Une demande en vérification d'écriture est formée
à titre principal lorsqu'une personne qui détient une pièce craint que celle-ci soit ultérieurement
contestée. La personne va alors citer devant le tribunal celui à qui elle entend l'opposer pour lui
demander s'il reconnaît ou si, à l'opposé, il dénie ou méconnaît l'écriture de l'acte. Si le défendeur
comparaît et reconnaît l'écriture, le juge en donne acte au demandeur 3522. Inversement, si le défendeur
comparaît et dénie ou méconnaît l'écriture, le juge doit trancher la contestation ; il le fait en suivant
les dispositions applicables à la vérification d'écriture incidente, qui viennent d'être indiquées. Le
juge doit agir de même lorsque le défendeur ne comparaît pas sans avoir été cité à personne 3523. Il se
peut enfin que le défendeur cité à personne ne comparaisse pas. L'article 296 du Code de procédure
civile dispose alors que « le juge tient l'écrit pour reconnu ». Cette disposition constitue une
exception remarquable au principe général posé par l'article 472 du même code, selon lequel le
défaut du défendeur ne peut à lui seul justifier que la demande soit déclarée bien fondée 3524.
1082 Demande en faux. – La demande en faux ne suit pas tout à fait les mêmes règles que la
vérification d'écriture. Il faut d'abord remarquer que le demandeur n'est pas le même. Dans la
demande en vérification d'écriture, est demandeur celui qui compte utiliser le document écrit. Dans la
demande en faux, est demandeur celui contre lequel une autre personne risque de se prévaloir de
l'acte. En outre, le faux résulte nécessairement d'une manœuvre frauduleuse qui rend le procès plus
grave.
La première différence résulte de l'article 300 du Code de procédure civile, qui dispose que
« l'assignation indique les moyens de faux et fait sommation au défendeur de déclarer s'il entend ou
non faire usage de l'acte prétendu faux ou falsifié ». La seconde différence tient aux conséquences
attachées à l'attitude du défendeur. Si le défendeur comparaît et déclare ne pas vouloir se servir de
l'écrit, le juge en donne acte au demandeur. Dans tous les autres cas, le juge doit d'office vérifier
l'acte selon les règles qui viennent d'être indiquées à propos de l'incident de faux 3525. Par conséquent,
le défaut de comparution du défendeur cité à personne ne vaut pas reconnaissance du caractère
falsifié de l'acte.

§ 2. L'ACTE AUTHENTIQUE

1083 Présentation. – La contestation de l'acte authentique donne lieu à la procédure


particulière de l'inscription de faux, que régissent les articles 303 à 316 du Code de procédure civile.
Si l’incident de faux est soulevé dans le cadre d’une procédure en cassation, ce sont les articles 1028
à 1031 du Code de procédure civile qui s’appliquent 3526. Dans les lignes qui suivent, nous nous en
tiendrons à la contestation née ou portée devant une juridiction du fond.
En raison de la très grande force probante qui s'attache à ce type d'actes, la fausseté de l'acte
authentique revêt un sens différent, plus large que celui qui est retenu pour les actes sous seing privé.
Elle désigne non seulement une falsification matérielle, comme un grattage ou un ajout, mais aussi une
falsification intellectuelle, consistant pour l'officier public à introduire dans l'acte des mentions
fausses, par exemple une date inexacte. La procédure de l'inscription de faux est également
applicable en cas de contestation de l'écriture ou de la signature d'une partie sur un acte sous seing
privé contresigné par avocat 3527. Elle peut même viser une décision de justice, celle-ci ayant valeur
d’acte authentique.
Avant les réformes dont est issu l'actuel Code de procédure civile, la procédure de l'inscription
de faux était justement réputée pour sa longueur et sa complexité : elle donnait lieu à trois jugements
successifs devant le tribunal de grande instance. Le décret n 73-1122 du 17 décembre 1973 l'a
o

beaucoup simplifiée. Cependant, aujourd'hui encore, l'inscription de faux demeure dotée d'une
procédure particulière, marquée par une certaine solennité. Les rédacteurs du Code actuel ont voulu
attirer l'attention du demandeur en faux sur la gravité de l'accusation qu'il porte. Par ailleurs, la
procédure civile prend en compte le fait que la falsification d'un acte authentique constitue un crime
lorsqu'elle est commise par un officier public.
Seront successivement examinées la demande en faux (A), puis l'instance en faux (B).

A. LA DEMANDE EN FAUX

1084 Faux principal et faux incident. – Il résulte de l'article 286 du Code de procédure civile
que la demande d'inscription de faux relève en principe de la compétence exclusive du tribunal de
grande instance. Le tribunal de grande instance est donc compétent non seulement lorsqu'elle est
présentée à titre principal, mais aussi lorsqu'elle est présentée à titre incident devant une juridiction
d'exception. Elle y constitue une question préjudicielle qui oblige le tribunal d'exception à surseoir à
statuer. En revanche, lorsqu'il est soulevé devant une cour d'appel, l'incident d'inscription de faux n'y
donne pas lieu à question préjudicielle : c'est, très logiquement, la cour d'appel qui est compétente.
Selon les circonstances, la demande en faux est introduite de trois façons différentes.
En premier lieu, le faux peut être soulevé à titre incident au cours d'une instance pendante devant
un tribunal de grande instance ou une cour d'appel. Aux termes de l'article 306 du Code de procédure
civile, l'incident est formé par un acte remis au greffe par la partie ou par son mandataire muni d'un
pouvoir spécial 3528. C'est cet acte qui donne son nom à la procédure : la partie y déclare qu'elle
s'inscrit en faux contre tel acte authentique. L'acte d'inscription de faux est établi en double
exemplaire. À peine d'irrecevabilité, il doit « articuler avec précision les moyens que la partie
invoque pour établir le faux » 3529. Le faux peut encore être soulevé à titre incident au cours d'une
instance pendante devant une juridiction d'exception. Le tribunal doit alors surseoir à statuer.
L'article 313 du Code de procédure civile dispose que la suite de l'incident se déroule comme il
vient d'être indiqué, l'acte d'inscription de faux devant « être remis au greffe du tribunal de grande
instance dans le mois de la décision de sursis à statuer, faute de quoi il est passé outre à l'incident et
l'acte litigieux est réputé reconnu entre les parties ». Comme pour les actes sous seing privé, l'acte
authentique argué de faux ne donne lieu à un incident que si le juge ne peut pas statuer sur les
demandes formées à titre principal sans en tenir compte et, si l'acte n'intéresse que l'une des
demandes, le juge peut statuer sur les autres indépendamment de l'incident 3530.
Enfin, la demande peut être formée à titre principal. Dans ce cas, aux termes de l'article 314 du
Code de procédure civile, la procédure commence par la déclaration d'inscription de faux, selon les
modalités déjà indiquées. Ce n'est qu'ensuite que l'assignation est délivrée à l'adversaire, dans le
délai d'un mois à compter de la déclaration, à peine de caducité de l'inscription de faux. Une copie de
l'acte d'inscription de faux y est jointe. L'assignation elle-même contient une sommation, adressée au
défendeur, de déclarer s'il entend ou non faire usage de l'acte prétendu faux ou falsifié. Cette dernière
précision rappelle que la demande n'est pas formée contre l'officier public qui a rédigé l'acte, mais
contre celui qui est susceptible de s'en prévaloir contre le demandeur.

B. L'INSTANCE EN FAUX

1085 Particularités procédurales. – L'instance d'inscription de faux peut prendre fin sans qu'il
ait été statué sur la valeur de l'acte. Ainsi en va-t-il lorsque le demandeur renonce à sa demande ou
lorsque les deux parties transigent sur l'inscription de faux 3531. De même encore, aux termes de
l'article 315 du Code de procédure civile, quand la demande est formée à titre principal et que le
défendeur déclare ne pas vouloir se servir de l'acte argué de faux, le juge se borne à en donner acte
au demandeur 3532. En revanche, le juge doit examiner la pièce si le défendeur ne comparaît pas ou s'il
déclare vouloir s'en servir 3533.
En raison de sa gravité, l'inscription de faux est communiquée au ministère public 3534, pour lui
permettre, s'il l'estime opportun, de déclencher des poursuites pénales. D'ailleurs, même en cas de
renonciation ou de transaction sur l'inscription de faux, le ministère public peut requérir toutes les
mesures propres à réserver l'exercice de poursuites pénales 3535 ; il peut notamment requérir le dépôt
de l'acte litigieux. Si des poursuites pénales sont effectivement exercées, le juge civil saisi de la
demande principale et, le cas échéant, celui saisi de la question du faux doivent surseoir à statuer 3536.
Lorsque le juge civil doit examiner l'acte argué de faux, il procède de la même façon que pour les
actes sous seing privé 3537 ; il peut ordonner les mêmes mesures d'instruction. Le juge peut également
ordonner l'audition de celui qui a dressé l'acte litigieux 3538. L'article 309 du Code de procédure
civile précise que le juge n'est pas lié par les moyens que les parties ont pu présenter : l'obligation
qu'a le demandeur, dans l'acte d'inscription de faux, d'articuler avec précision les moyens qu'il
invoque pour établir le faux n'empêche pas le juge de relever d'office d'autres moyens 3539.
Lorsque le demandeur en faux succombe, il est condamné à une amende civile d'un maximum de
3 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui pourraient être réclamés 3540. Le jugement
présente davantage d'originalité lorsque l'acte est déclaré faux. L'article 310 du Code de procédure
civile dispose que ce jugement est mentionné en marge de l'acte reconnu faux. Le juge décide
également « si les minutes des actes authentiques seront rétablies dans le dépôt d'où elles avaient été
extraites ou (si elles) seront conservées au greffe » du tribunal ou de la cour : le texte laisse le juge
choisir la solution la plus appropriée selon les circonstances 3541. En vertu du même texte, quelle que
soit la solution retenue, le jugement ne peut être exécuté tant qu'il n'est pas passé en force de chose
jugée ou que la partie condamnée n'y a pas acquiescé. En d'autres termes, le jugement ne peut pas être
assorti de l'exécution provisoire.

BIBLIOGRAPHIE

J.-J. DAIGRE, La production forcée de pièces dans le procès civil, Paris, 1979.
J.-J. DAIGRE, « La doctrine et la réforme de la procédure civile à propos du pouvoir discrétionnaire
du juge en matière de production forcée de pièces », JCP 1981.I. n 3020.
o

J. DEVÈZE, Contribution à l'étude de la charge de la preuve en matière civile, thèse, Toulouse, 1980.
C. MARRAUD, « La production forcée des preuves en justice », JCP 1973.I. n 2572.
o

J. VIATTE, « Communication et production des pièces en justice », Gaz. Pal. 1973.1, doct. p. 406.
CHAPITRE II
LES MESURES D'INSTRUCTION

1086 Importance pratique. – L'importance pratique des mesures d'instruction ne saurait être
surestimée. Par exemple, elles se rencontrent dans presque tous les procès relatifs aux accidents de la
circulation ou aux désordres pouvant affecter les constructions. De façon générale, il n'existe pas de
contentieux qui ne puisse donner lieu à une mesure d'instruction : toute affaire, quelle qu'elle soit,
repose sur l'allégation de faits et la partie sur laquelle pèse le risque de la preuve peut rencontrer des
difficultés pour établir leur réalité et emporter la conviction du juge.
Les mesures d'instruction sont réglementées par les articles 143 à 284-1 du Code de procédure
civile 3542, dont il a déjà été dit qu'ils résultaient pour l'essentiel du décret n 73-1122 du 17 décembre
o

1973 3543. Figurant dans le livre premier du Code, ces dispositions sont applicables devant toutes les
juridictions. Suivant le plan adopté par ses rédacteurs, on abordera d'abord les règles communes à
toutes les mesures d'instruction (section I), puis les diverses mesures d'instruction (section II).

SECTION I
LES RÈGLES COMMUNES À TOUTES LES MESURES D'INSTRUCTION

1087 Domaine d'application. – La généralité des termes utilisés par les articles 143 à 178 du
Code de procédure civile donne à penser que leurs dispositions s'appliquent à toutes les mesures
d'instruction quelles qu'elles soient. Il n'en est rien. Par une interprétation restrictive des textes, que
l'on peut trouver très critiquable, la Cour de cassation a exclu quelques mesures d'instruction de leur
champ d'application.

1088 Enquête sociale. – C'est le cas d'abord de l'enquête sociale, prévue par l'article 373-2-
12 du Code civil, ainsi que par l'article 1072 du Code de procédure civile. Ces textes prévoient
qu'avant de statuer sur l'exercice de l'autorité parentale, le juge peut nommer un enquêteur, avec
mission de recueillir tous les renseignements utiles sur la situation de la famille et sur les conditions
dans lesquelles les enfants vivent et sont élevés. En un mot, la mission de l'enquêteur est celle d'un
expert en affaires familiales. Il serait donc logique de le soumettre aux règles qui s'imposent à
l'expert dans l'accomplissement de sa mission. La Cour de cassation a cependant adopté la solution
inverse : l'enquêteur social n'a pas à convoquer les parties pour les opérations se rapportant à son
enquête et peut donc entendre toute personne selon ce qu'il estime opportun, à l'insu des parties 3544 ;
il peut de même faire état des informations orales ou écrites qu'il a pu recueillir auprès de ces
personnes sans mentionner leur identité dans son rapport 3545. Les parties ne bénéficient que du droit,
expressément prévu par l'article 1072 du Code de procédure civile, d'avoir communication du
rapport et de pouvoir solliciter du juge un complément d'enquête ou une contre-enquête 3546.

1089 Mission d'information du conseiller rapporteur. – Plus critiquable encore est


l'interprétation qui a naguère été donnée par la Cour de cassation, de l'ancien article R. 516-23 du
Code du travail, devenu depuis l'article R. 1454-3 du même code. Le texte actuel, qui n'est nouveau
qu'en la forme, dispose qu’en matière prud’homale, le conseiller rapporteur peut, « pour la
manifestation de la vérité, auditionner toute personne et procéder ou faire procéder à toutes mesures
d'instruction ». La Cour en a déduit qu'à côté des mesures d'instruction soumises aux règles du Code
de procédure civile, le conseiller rapporteur pouvait aussi être chargé d'une mission
d'information 3547, qui lui permettait d'entendre les parties et les témoins sans avoir à respecter les
règles relatives à la comparution des parties et à l'enquête 3548. Il n'existe pourtant aucune raison qui
puisse justifier la mise à l'écart, devant le conseil de prud'hommes, des règles du Code de procédure
civile relatives aux mesures d'instruction et le texte ne l'imposait pas vraiment 3549. Cette solution
facilite sans doute la tâche des juges prud'homaux, mais il n'est pas certain que la justice y trouve son
compte et que l'opinion des justiciables sur les vertus des conseils de prud'hommes en soit améliorée,
ce qui ne serait pourtant pas inutile 3550.

1090 Amicus curiae. – On peut encore s'interroger sur l'application à l'amicus curiae 3551 des
règles relatives aux mesures d'instruction. À vrai dire, la question ne se pose pas dans les mêmes
termes. Il n'est pas douteux que l'enquête sociale et la mission d'information sont des mesures
d'instruction et que la mise à l'écart des règles du Code de procédure civile constitue une anomalie
injustifiable. Il n'en va pas de même pour l'amicus curiae auquel la Cour de cassation a déjà eu
recours 3552, à l'instar de ce que font parfois les juridictions étrangères. Ce n'est pas un expert au sens
du Code de procédure civile (ni même un témoin), car sa mission ne consiste pas à éclairer le juge
sur une question de fait propre à l'affaire qui est débattue.
Ainsi qu'on l'a dit 3553, l'amicus curiae est un expert (au sens courant du terme) dont la mission est
de fournir au juge des éléments de réflexion sur la solution de droit à donner au litige. Il ne se
rattache pas aux mécanismes ordinaires de solution des litiges, dans lesquels le juge connaît la règle
de droit applicable, et n'a besoin de se renseigner que sur les éléments de fait de l'espèce. Ici, c'est le
droit lui-même qui est inconnu et que le juge doit découvrir, avant de pouvoir l'appliquer aux faits de
la cause. Les lumières de « l'ami de la Cour » dans des domaines tels que la bioéthique, la médecine,
la philosophie ou la sociologie, vont aider le juge à poser sa jurisprudence. En d'autres termes, le
recours à l'amicus curiae fait ressortir le rôle créateur (ou à tout le moins révélateur) de droit qui est
celui de la jurisprudence dans le silence de la loi : le juge s'éclaire de l'avis d'un spécialiste, comme
le gouvernement demande un rapport à un expert (au sens large du terme) ou comme une commission
parlementaire entend une ou plusieurs personnalités qualifiées. Il est donc raisonnable de ne pas
soumettre l'amicus curiae aux règles qui régissent les mesures d'instruction. En revanche, il est
permis de penser que, dans notre société, un juge ne devrait pas s'arroger des pouvoirs qui
n'appartiennent qu'au législateur, tant au moins qu'il n'y est pas invité par celui-ci 3554. Et il peut
apparaître encore plus choquant que des personnes physiques ou morales non parties à l'instance
s'auto-désignent comme amici curiae, en prenant l'initiative d'adresser leurs observations à la
juridiction, sans emprunter la voie de l'intervention volontaire accessoire 3555. En tolérant ce genre de
comportement intéressé, on accepte que les magistrats soient soumis au lobbying, comme le sont les
politiques.

1091 Plan. – Cela étant, les dispositions communes aux mesures d'instruction portent sur la
décision ordonnant la mesure (§ 1), sur l'exécution de la mesure (§ 2) et sur la sanction des
irrégularités qui peuvent l'affecter (§ 3).

§ 1. LA DÉCISION ORDONNANT LA MESURE

1092 Division. – Deux points seront successivement abordés : d'abord les circonstances qui
justifient la décision (A), puis la décision elle-même (B).

A. LES CIRCONSTANCES JUSTIFIANT LA MESURE

1093 Trois conditions. – La mesure d'instruction est le plus souvent ordonnée à la demande
d'une partie, mais elle peut également l'être d'office 3556, et l'article 144 du Code de procédure civile
ajoute que la mesure peut être demandée et ordonnée en tout état de cause devant les juges du fond,
elle peut l'être aussi bien en appel qu'en première instance 3557. Cependant, les parties n'ont pas un
droit acquis à obtenir du juge qu'il ordonne une mesure d'instruction dans toutes les circonstances.
L'obtention de la mesure est soumise à trois conditions.
D'abord, le droit judiciaire privé étant subordonné au droit civil, une mesure d'instruction ne peut
être demandée que si la preuve susceptible d'être ainsi obtenue est légalement admissible 3558 : par
exemple, si le témoignage est irrecevable, il n'y a pas lieu d'ordonner une enquête.
Ensuite, il faut que l'offre de preuve soit pertinente : autrement dit, il faut que, si la mesure
d'instruction se révèle fructueuse, les faits qu'elle aura permis d'établir fondent la prétention de la
partie. Les juges du fond apprécient souverainement la pertinence de l'offre de preuve 3559, certains
arrêts parlant même de pouvoir discrétionnaire 3560. Il faut toutefois réserver les cas dans lesquels la
loi a édicté une preuve légale. L'exemple le plus significatif est celui de l'ancienne action en
recherche de paternité naturelle. La Cour de cassation sanctionnait systématiquement les juges du
fond qui refusaient d'accéder à une demande d'expertise médicale présentée par le père prétendu 3561.
En la matière, l'appréciation de la pertinence de la preuve échappait aux juges du fond. La solution
est aujourd'hui élargie par la jurisprudence à l'ensemble du domaine de la filiation, la Cour de
cassation estimant que l'expertise biologique est de droit en cette matière, sauf s'il existe un motif
légitime de ne pas y procéder 3562.
Enfin, l'article 146 du Code de procédure civile dispose qu'« en aucun cas une mesure
d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de
la preuve ». La règle ne signifie pas que la partie qui sollicite la mesure doit avoir apporté un début
de preuve. Elle signifie qu'il ne faut pas que l'on puisse lui reprocher de ne pas disposer de
davantage d'éléments de preuve. Il peut arriver en effet que tous les éléments susceptibles d'établir le
bien-fondé d'une prétention soient inaccessibles à une partie, si le juge n'ordonne pas une mesure
d'instruction. La Cour de cassation a ainsi censuré des juges du fond qui avaient rejeté une demande
d'expertise au motif que la partie qui sollicitait la mesure ne fournissait aucun document de nature à
justifier la réalité de son préjudice, alors que l'étendue du dommage ne pouvait être établie que par
des recherches de pièces dans la comptabilité de l'adversaire, auxquelles le demandeur ne pouvait
pas procéder lui-même 3563. Mais à l'inverse, le juge ne saurait voler au secours d'un plaideur
négligent qui ne s'est ménagé aucune preuve de ce qu'il avance, alors qu'il aurait pu le faire 3564.

1094 Carence de la partie et mesure d'instruction in futurum. – En général, les parties


sollicitent une mesure d'instruction dans le cours d'une instance qui a un autre objet. Cependant, il a
déjà été indiqué 3565 qu'aux termes de l'article 145 du Code de procédure civile, une demande en
référé 3566 peut être présentée dont le seul objet est d'obtenir du juge qu'il ordonne une mesure
d'instruction. La Cour de cassation décide alors que « les dispositions de l'article 146 du Code de
procédure civile relatives aux mesures d'instruction ordonnées au cours d'un procès ne s'appliquent
pas lorsque le juge est saisi d'une demande fondée sur l'article 145 du même code 3567 ». Peu importe
donc que la mesure demandée ait pour but de suppléer la carence d'une partie. Bien que les deux
arrêts qui ont fixé la jurisprudence aient été rendus par une chambre mixte de la Cour, cette formule
est malvenue en ce qu'elle ne traduit pas fidèlement les solutions du droit positif. De surcroît, elle a
pour résultat regrettable que, lorsque le juge des référés entend sanctionner la carence (au sens
propre) du demandeur, il doit « tricher » en disant que celui-ci ne dispose pas d'un motif légitime, ce
qui, eu égard à la lettre de l'article 145, lui permet de refuser la mesure d'instruction in futurum
sollicitée.

B. LA DÉCISION ELLE-MÊME

1095 Économie de moyens. – Dans le choix de la mesure d'instruction, l'article 147 du Code
de procédure civile recommande au juge de « limiter le choix de la mesure à ce qui est suffisant pour
la solution du litige, en s'attachant à retenir ce qui est le plus simple et le moins onéreux ». Par
exemple, le juge peut ordonner la production d'une attestation au lieu de l'enquête qui lui est
demandée 3568.
Pour ce qui est de la forme, l'article 151 du Code de procédure civile dispose que la décision
peut faire l'objet d'une simple mention au dossier ou au registre d'audience. Cette disposition ne
s'applique que si la mesure ne peut pas faire l'objet d'un recours indépendant. Elle est donc écartée
quand la mesure est sollicitée en référé, sur le fondement de l'article 145 du même code, ou quand
elle consiste en une expertise. La décision ainsi prise n'est pas notifiée aux parties, de même que
celle qui refuse de l'ordonner 3569. Aux termes mêmes de l'article 153 du Code de procédure civile,
« la décision qui ordonne une mesure d'instruction ne dessaisit pas le juge 3570 ». C'est pourquoi le
juge peut la modifier ; il peut ainsi décider de joindre toute autre mesure nécessaire à celles qui ont
déjà été ordonnées 3571. La Cour de cassation a même décidé que le juge peut supprimer la mesure
qu'il a ordonnée sans qu'elle ait été exécutée et statuer sur le fond, s'il estime disposer des éléments
d'information nécessaires 3572. La décision qui modifie ou refuse de modifier une mesure d'instruction
est soumise aux mêmes règles de forme que celle qui l'ordonne 3573.

1096 Voies de recours. – L'article 150 du Code de procédure civile dispose que la décision
qui ordonne ou modifie une mesure d'instruction n'est pas susceptible d'opposition et qu'elle ne peut
être frappée d'appel ou de pourvoi en cassation indépendamment du jugement sur le fond. En
principe, un appel immédiat ne peut donc être formé que contre la mesure d'instruction contenue dans
un jugement mixte 3574. La règle posée par l'article 150 comporte cependant deux exceptions. D'abord
ce texte réserve lui-même « les cas spécifiés par la loi ». Pour l'essentiel, il vise les règles
particulières à l'appel des décisions ordonnant une expertise 3575. Ensuite, la Cour de cassation écarte
justement l'application de l'article 150 lorsque le juge des référés, sur le fondement de l'article 145
du Code de procédure civile, est saisi d'une demande qui ne tend qu'au prononcé d'une mesure
d'instruction. Le jugement qui l'ordonne (ou refuse de l'ordonner) met fin à la saisine du juge et peut
donc faire l'objet d'un recours immédiat 3576.

§ 2. L'EXÉCUTION DE LA MESURE

1097 Division. – L'exécution de la mesure est régie par les articles 155 à 174 du Code de
procédure civile. Leur lecture conduit à étudier successivement le rôle du juge et des parties dans
l'exécution de la mesure (A), puis le règlement des difficultés que peut susciter cette exécution (B).

A. LE RÔLE DU JUGE ET DES PARTIES

1098 Rôle du juge. – Dans l'exécution de la mesure d'instruction, c'est le juge qui tient la place
la plus importante. Le juge peut y procéder lui-même 3577 ; à défaut, il en contrôle le déroulement. Par
exemple, le juge procède lui-même à la comparution personnelle des parties, mais ne fait que
contrôler l'exécution de l'expertise par un technicien. Lorsque la mesure d'instruction est ordonnée
par un juge unique, comme le juge de la mise en état ou le juge du tribunal d'instance, il lui appartient
donc d'exécuter lui-même la mesure ou d'en contrôler l'exécution 3578. Lorsqu'elle est ordonnée par un
tribunal siégeant en formation collégiale, l'exécution ou le contrôle de l'exécution de la mesure sont
confiés à celui des juges qui était chargé de l'instruction, à défaut à celui qui est désigné par le
tribunal, à défaut encore au président de cette formation 3579. Cela étant, la technicité de certains
dossiers et le nombre important d'affaires complexes dont peuvent avoir à connaître certains
tribunaux, a justifié l'instauration, par le décret du 28 décembre 1998, d'un article 155-1 au sein du
Code de procédure civile. Ce texte offre au président du tribunal la possibilité 3580 de désigner un
magistrat qui sera chargé, de manière générale, de contrôler le travail des techniciens chargés
d'effectuer des constatations, une consultation ou une expertise. Lorsque ce juge de l'expertise a été
nommé, il en résulte un élargissement des modalités de contrôle dont dispose le tribunal, qu'il
s'agisse, là encore, d'un juge unique ou d'une formation collégiale : dans chaque affaire, le tribunal
peut, en effet, décider, soit de confier la tâche de contrôle de l'exécution des mesures d'instruction au
juge de l'expertise 3581, soit de la confier au magistrat chargé de l'instruction, à un des membres de la
formation ou au président de celle-ci. On ne peut qu'apprécier la souplesse de ce dispositif.
Selon les circonstances, la mesure d'instruction s'exécute en différents lieux. Quand elle s'exécute
devant la juridiction, comme par exemple la comparution personnelle des parties, il y est procédé en
principe en audience publique ou en chambre du conseil, selon les règles applicables aux débats sur
le fond 3582. L'exécution de la mesure ou le contrôle de son exécution peuvent exiger du juge qu'il se
déplace 3583. L'article 156 du Code de procédure civile lui permet de le faire même hors de son
ressort. Cependant, si la mesure doit entraîner un déplacement trop long ou trop onéreux, le juge peut,
par une commission rogatoire, en charger une autre juridiction 3584. La commission rogatoire peut
même être adressée à une juridiction d'un État étranger, lorsqu'il s'agit de rechercher des preuves sur
le territoire de celui-ci. En principe, le greffe adresse une copie de la décision donnant commission
rogatoire, au ministère public, lequel la transmet au ministre de la Justice qui, à son tour, la fera
parvenir aux autorités étrangères concernées 3585. Cependant, la transmission peut être effectuée
directement par le greffe à l'autorité étrangère, si une convention internationale le prévoit. De plus, au
sein de l'Union européenne, un règlement communautaire du 28 mai 2001 instaure une transmission
directe, de juridiction à juridiction, des demandes portant sur l'accomplissement de mesures
d'instruction 3586. Il est d'ailleurs à noter que ce texte offre au juge requérant, sous certaines
conditions 3587, la possibilité de procéder lui-même à la mesure d'instruction dans l'autre État membre
de l'Union.
Enfin, pour accélérer l'exécution des mesures d'instruction, les articles 159 et 158 du Code de
procédure civile disposent que, chaque fois qu'il est possible, la mesure d'instruction qui a été
ordonnée est exécutée sur le champ et que, si plusieurs mesures ont été ordonnées, il est procédé à
leur exécution simultanément. Une fois la mesure ou les mesures d'instruction exécutées, l'instance se
poursuit à la diligence du juge 3588.

1099 Rôle des parties. – Le rôle des parties est plus limité. Il tient pour l'essentiel au respect
du principe de la contradiction à leur égard 3589. L'article 160 du Code de procédure civile dispose
ainsi que les parties et leurs conseils doivent être convoqués à l'exécution de la mesure par le
secrétaire de la juridiction ou, le cas échéant, par le technicien nommé par le juge 3590. Si elles sont
présentes lors de la fixation de la date d'exécution, les parties sont convoquées verbalement. À
défaut, elles peuvent l'être au moyen d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou
d'un bulletin remis à leur conseil. Toutefois les parties défaillantes sont avisées par lettre simple. Les
conseils des parties peuvent eux aussi être avisés verbalement de la date d'exécution de la mesure. À
défaut, ils le sont par un bulletin ou par une lettre simple. Sauf dans le cas où la mesure implique leur
audition personnelle, les parties sont libres d'assister ou de ne pas assister à l'exécution de la
mesure 3591. Elles peuvent s'y faire assister ou s'y faire représenter par leur mandataire ad litem 3592
et, aux termes de l'article 162 du Code de procédure civile, celui qui assiste ou représente la partie
« peut en suivre l'exécution, quel qu'en soit le lieu, formuler des observations et présenter les
demandes relatives à cette exécution même en l'absence de la partie » 3593.
Le principe de la contradiction commande encore que les procès-verbaux, les avis et les rapports
qui ont pu être établis à l'occasion de la mesure d'instruction soient adressés ou remis en copie à
chacune des parties, à l'initiative de celui qui a rédigé le document (le secrétaire ou un
technicien) 3594. Il ne suffit pas que les parties puissent discuter du contenu du rapport, une fois qu'il a
été rendu au juge. Il faut également qu'elles aient été en mesure de le faire en amont 3595. C'est ce qui
explique la pratique courante consistant, pour l'expert, à adresser un « pré-rapport » aux parties.
Leurs réactions peuvent l'amener, le cas échéant, à modifier quelque peu son texte avant de déposer
son rapport proprement dit. Enfin, si le juge a fait procéder à un enregistrement sonore, visuel ou
audiovisuel des opérations d'instruction auxquelles il a procédé, « chaque partie peut demander qu'il
lui en soit remis, à ses frais, un exemplaire, une copie ou une transcription », le document original
étant conservé au secrétariat 3596.

1100 Difficultés en cas d'intervention. – L'intervention volontaire ou forcée d'un tiers à


l'instance soulève une difficulté supplémentaire, lorsqu'une mesure d'instruction a déjà été exécutée.
Cette mesure peut-elle être opposée à l'intervenant ? Les arrêts rendus par la Cour de cassation
donnent le sentiment que la jurisprudence est incertaine. Tantôt, elle énonce que la mesure est
inopposable à cette partie et que le juge ne peut fonder sur elle sa décision, tantôt, elle permet au juge
de se fonder sur une mesure d'instruction exécutée avant l'intervention de la nouvelle partie 3597. On ne
peut, pour se prononcer sur cette question, se fonder sur l'existence d'une disposition qui admettrait
ou refuserait de façon générale de telles mesures d'instruction. La difficulté doit être abordée au
regard du seul principe de la contradiction. Deux règles complémentaires devraient guider la
jurisprudence.
En premier lieu, le principe de la contradiction commande qu'une personne soit rendue partie à
l'instance avant l'exécution d'une mesure d'instruction chaque fois qu'il est certain que la mesure sera
invoquée contre elle 3598. Inversement, on ne saurait admettre que la demande ne soit formée au départ
que contre certains adversaires ou, pire, contre un comparse, de façon à ce que la mesure soit
exécutée en l'absence de la personne contre laquelle elle sera réellement utilisée 3599. En revanche, si
c'est l'exécution de la mesure d'instruction qui révèle son rôle dans l'affaire, cette mesure ne doit pas
être écartée au seul motif qu'elle a été exécutée en l'absence de la personne 3600. En second lieu, à
supposer que la personne n'ait pu être appelée qu'après que la mesure a été exécutée, il ne suffit pas
que les résultats de la mesure lui soient communiqués, en particulier le rapport d'expertise.
L'article 169 du Code de procédure civile exige encore que l'intervenant soit « mis en mesure de
présenter ses observations sur les opérations auxquelles il a déjà été procédé 3601 ». Les deux règles
reposent sur le même fondement. Il faut dans toute la mesure du possible respecter le principe de la
contradiction, mais son respect ne doit pas paralyser la justice, il ne saurait conduire à écarter
systématiquement un élément de preuve qui a été obtenu de façon légitime.

B. LES DIFFICULTÉS D'EXÉCUTION

1101 Décision tranchant la difficulté. – L'article 167 du Code de procédure civile dispose que
les difficultés que peut susciter une mesure d'instruction sont tranchées par le juge qui est chargé d'y
procéder ou d'en contrôler l'exécution, saisi à la demande d'une partie, ou du technicien, ou même
statuant d'office, et il dispose sur ce point d'une compétence exclusive 3602. Si le juge est présent, la
difficulté est tranchée sur-le-champ. À défaut, le juge peut être saisi sans forme ; il fixe la date de
l'audience à laquelle il statuera sur l'incident. Les parties et, le cas échéant, le technicien sont
convoqués par le secrétaire 3603. La décision n'est pas davantage empreinte de formalisme : elle peut
revêtir la forme d'une simple mention. Ce n'est qu'en cas de nécessité qu'elle est contenue dans une
ordonnance ou dans un jugement 3604.
L'article 170 du Code de procédure civile dispose encore que les décisions relatives à l'exécution
d'une mesure d'instruction ne sont pas susceptibles d'opposition 3605 ; elles ne peuvent être frappées
d'appel ou de pourvoi en cassation qu'en même temps que le jugement sur le fond 3606.

§ 3. LA SANCTION DES IRRÉGULARITÉS AFFECTANT LA MESURE

1102 Régime de restriction. – La lecture des articles 175 à 178 du Code de procédure civile
montre que le législateur veut éviter le plus possible l'annulation d'une mesure d'instruction. La
solution retenue est d'autant plus justifiée que, concrètement, il peut être devenu impossible de
procéder de nouveau à son exécution. C'est ainsi que l'article 175 dispose que « la nullité des
décisions et actes d'exécution relatifs aux mesures d'instruction est soumise aux dispositions qui
régissent la nullité des actes de procédure 3607 ». Il en résulte, par exemple que les irrégularités de
forme n'entraînent la nullité de l'acte que si elles ont causé un grief à celui qui les invoque et qu'elles
doivent être soulevées avant toute défense au fond et fin de non-recevoir 3608. Dans le même esprit
l'article 177 ajoute que les opérations irrégulières « peuvent être régularisées ou recommencées,
même sur-le-champ, si le vice qui les entache peut être écarté ». De même encore, l'article 178,
reprenant une technique déjà utilisée pour les jugements 3609, dispose que « l'omission ou
l'inexactitude d'une mention destinée à établir la régularité d'une opération ne peut entraîner la nullité
de celle-ci s'il est établi, par tout moyen, que les prescriptions légales ont été, en fait, observées ».
Si, malgré toutes ces dispositions, la nullité est encourue, il résulte de l'article 176 que « la nullité ne
frappe que celles des opérations qu'affecte la nullité », les autres demeurant valables, sous réserve
cependant qu'elles ne soient pas sous la dépendance de l'opération annulée.
La règle de l'article 175 du Code de procédure civile conduit à un résultat incertain, lorsqu'un
technicien chargé d'une mesure d'instruction n'a pas respecté le principe de la contradiction.
Abstraction faite d’une longue parenthèse, entre 1999 et 2012 3610, la Cour de cassation analyse
classiquement la violation du principe contradictoire par l'expert en la violation d'une formalité
substantielle 3611. Cette analyse repose sur une lecture restrictive de l'article 117 du Code de
procédure civile 3612 et sur une volonté de limiter les annulations d'opérations d'expertise. Les experts
sont rarement des juristes et si l'on fait preuve d'une grande rigueur à leur égard, on les expose aux
manœuvres d'avocats retors qui, dans un but dilatoire, peuvent les pousser à la faute afin d'obtenir
l'annulation de leurs actes et retarder des procédures déjà trop longues. En appliquant à la
transgression du principe de la contradiction le régime des vices de forme plutôt que celui des
irrégularités de fond, la Cour rend plus difficiles les annulations d'expertises. Cependant, il est
surprenant de traiter comme un simple vice de forme la violation d'un des principes les plus
fondamentaux du droit judiciaire privé 3613.
De ces divers éléments ressort clairement le souci du législateur et de la jurisprudence de réduire
les risques de remise en cause des opérations d'expertise. On peut cependant se demander si la Cour
de cassation ne va pas, parfois, un peu trop loin dans cette direction. En effet, dans un arrêt rendu en
2000, elle a jugé que les juges du fond pouvaient puiser tous renseignements dans le rapport de
l'expert, bien qu'il ne valût pas comme rapport d'expertise judiciaire à l'égard d'une des parties, dès
lors que ce document avait été régulièrement versé aux débats et soumis à la discussion
contradictoire des plaideurs 3614. Depuis lors, il a été précisé que les éléments du rapport annulé ne
pouvaient être pris en compte que s'ils étaient corroborés par d'autres éléments du dossier 3615. Même
ainsi tempérée, cette solution doit être condamnée : elle revient à neutraliser, au moins en partie, les
conséquences d'une nullité 3616 du rapport d'expertise et, partant, à faire fi des sanctions que prévoit la
loi en cas d'irrégularité affectant une mesure d'instruction.

SECTION II
LES DIVERSES MESURES D'INSTRUCTION

1103 Plan. – En raison de leur plus grande complexité, il est plus commode de distinguer les
mesures d'instruction exécutées par un technicien (sous-section 2) des autres mesures d'instruction 3617
(sous-section 1).

Sous-section 1
Les mesures d'instruction
non exécutées par un technicien
1104 Division. – Selon l'ordre suivi par les rédacteurs du Code de procédure civile, les
vérifications personnelles du juge (§ 1), la comparution personnelle des parties (§ 2) et les
déclarations des tiers (§ 3) seront successivement abordées.

§ 1. LES VÉRIFICATIONS PERSONNELLES DU JUGE

1105 Vérification personnelle des faits. – Comme son nom l'indique suffisamment, cette
mesure d'instruction, régie par les articles 179 à 183 du Code de procédure civile, a pour objet de
donner au juge une connaissance personnelle des faits. Elle remplace l'ancienne descente sur les
lieux. Le législateur a considérablement élargi les possibilités offertes au juge. C'est ainsi qu'aux
termes mêmes de l'article 179, il peut y avoir recours « en toute matière » et procéder « aux
constatations, évaluations, appréciations ou reconstitutions qu'il estime nécessaires, en se transportant
si besoin est sur les lieux 3618 ». La mesure ne présente d'intérêt que si elle est effectuée par l'un des
juges faisant partie de la formation de jugement. C'est pourquoi l'article 180 dispose que, si le juge
qui a décidé la mesure ne peut y procéder lui-même, il doit désigner un autre magistrat qui en fasse
partie. Par exception, si un juge n'appartenant pas à cette formation exécute une autre mesure
d'instruction (si, par exemple, il exécute une enquête en vertu d'une commission rogatoire), il peut
néanmoins « procéder aux vérifications personnelles que rendrait opportunes l'exécution de cette
mesure 3619 ».
Si les circonstances le permettent 3620, le juge peut procéder immédiatement à la mesure qu'il
ordonne. À défaut, il fixe les lieu, jour et heure de la vérification ; les parties sont convoquées pour
qu'elles puissent assister à la mesure. Au cours des opérations de vérification, à l'audience ou en tout
autre lieu, le juge peut d'ailleurs entendre les parties, ainsi que toute autre personne dont l'audition lui
paraîtrait utile à la manifestation de la vérité. Il peut également se faire assister d'un technicien 3621.
L'article 182 du Code de procédure civile dispose que, quand l'exécution de la mesure est terminée,
il est dressé procès-verbal des constatations, évaluations, appréciations, reconstitutions ou
déclarations obtenues dans le cadre de la mesure. Par exception, la rédaction du procès-verbal peut
être suppléée par une mention, dans le jugement, de l'accomplissement et des résultats de la mesure, à
la double condition que le juge statue immédiatement après son exécution et que le jugement soit
rendu en dernier ressort.

§ 2. LA COMPARUTION PERSONNELLE DES PARTIES

1106 Conditions. – La comparution personnelle des parties, régie par les articles 184 à 198 du
Code de procédure civile, doit être distinguée de l'enquête. Cette dernière concerne les tiers 3622,
alors que la comparution personnelle ne vise que les parties au procès, le législateur ayant cependant
apporté quelques assouplissements à la notion de partie. Pour ce qui est des personnes physiques,
l'article 197 dispose que le juge peut faire comparaître les incapables, mais aussi leurs représentants
et ceux qui les assistent, bien que ces derniers ne soient pas véritablement parties au procès. Les
personnes morales comparaissent en la personne de leurs représentants qualifiés, qu'il s'agisse des
personnes morales de droit privé, ou des collectivités publiques et des établissements publics, mais
le juge peut aussi « faire comparaître tout membre ou agent d'une personne morale pour être interrogé
tant sur les faits qui lui sont personnels que sur ceux qu'il a connus en raison de sa qualité ». Aux
termes de l'article 184 du Code de procédure civile, la comparution personnelle peut avoir lieu en
toute matière. Peut-être faut-il rappeler à ce propos que les pouvoirs conférés au juge ne sauraient
avoir pour effet d'écarter le jeu des règles du droit civil : elles seules déterminent la portée des
déclarations qu'une personne peut faire dans le cadre de la comparution 3623.

1107 Déroulement. – L'article 185 du Code de procédure civile dispose que « la comparution
personnelle ne peut être ordonnée que par la formation de jugement ou par celui des membres de cette
formation qui est chargé de l'instruction de l'affaire », par exemple le juge de la mise en état. A
contrario, ce texte ne permet pas qu'une comparution personnelle soit ordonnée ou exécutée par un
juge simplement investi d'une commission rogatoire. Si les parties sont présentes, le juge peut
ordonner que la comparution aura lieu immédiatement 3624. À défaut, le juge fixe les lieu, jour et heure
où il procédera à la mesure d'instruction, et il peut toujours être décidé que la comparution aura lieu
en chambre du conseil 3625. Dans tous les cas, les conseils des parties doivent être appelés 3626.
Le Code de procédure civile laisse au juge le soin d'organiser la comparution personnelle des
parties, de la façon la plus souple qui soit, en tenant compte des circonstances. C'est ainsi que le juge
peut ordonner la comparution de toutes les parties ou de l'une d'elles seulement 3627 ; il peut interroger
les parties en présence d'un technicien ou les confronter avec des témoins 3628. Le juge détermine les
questions qui seront posées ; il peut aussi, s'il l'estime nécessaire, poser celles que les parties lui
soumettent après l'interrogatoire 3629. L'article 191 du Code de procédure civile dispose que les
parties répondent en personne aux questions qui leur sont posées, sans pouvoir lire aucune réponse
préparée, ou « projet ». Les défenseurs des parties assistent à la comparution, mais ne peuvent parler
à leur place 3630.
Seules les exigences du principe de la contradiction apportent quelques limites à la souplesse
voulue par le Code de procédure civile. L'article 189 pose qu'en principe, les parties sont interrogées
en présence l'une de l'autre. Toutefois, si les circonstances l'exigent, les interrogatoires peuvent être
menés hors la présence de l'autre partie. La mise à l'écart du principe de la contradiction doit être
aussi limitée qu'il est possible. C'est pourquoi, si l'une des parties le demande, le juge doit les
confronter. Il en va de même lorsque la comparution d'une seule des parties a été ordonnée. En
principe, son interrogatoire a lieu en présence de l'autre partie. Par exception, il peut se dérouler hors
sa présence, mais la partie absente doit avoir immédiatement connaissance des déclarations de la
partie entendue. En revanche, le principe de la contradiction ne fait pas obstacle à ce que l'une des
parties soit entendue en l'absence de l'autre, pourvu que celle-ci ait été appelée.
À l'issue de la comparution, un procès-verbal est dressé. Les déclarations des parties y sont
consignées, ainsi, le cas échéant, que leur absence ou leur refus de répondre aux questions. Les
parties interrogées le signent, après lecture, ou le certifient conforme à leurs déclarations ; mention en
est alors faite au procès-verbal. Le cas échéant, il y est indiqué que les parties refusent de le signer
ou de le certifier conforme. Dans tous les cas, le procès-verbal est daté et signé par le juge et, s'il y a
lieu, par le secrétaire 3631. Par exception, comme pour les constatations personnelles du juge, la
rédaction du procès-verbal peut être suppléée par une mention, dans le jugement, de
l'accomplissement et des résultats de la mesure, à la double condition que le juge statue
immédiatement après son exécution et que le jugement soit rendu en dernier ressort 3632.

1108 Effets. – La loi attache d'importantes conséquences à la comparution personnelle des


parties. D'abord, si une déclaration satisfait aux conditions posées par le Code civil, elle peut valoir
comme aveu judiciaire. Par ailleurs, dans les matières où la preuve est libre, l'article 198 du Code de
procédure civile permet au juge de « tirer toute conséquence de droit des déclarations des parties, de
l'absence ou du refus de répondre de l'une d'elles ». La disposition la plus surprenante est celle posée
par l'article 1347, alinéa 3, du Code civil, aux termes duquel le juge peut considérer « comme
équivalant à un commencement de preuve par écrit les déclarations faites par une partie lors de sa
comparution personnelle, son refus de répondre ou son absence à la comparution ». La comparution
personnelle diminue ainsi la rigidité des règles civiles de la preuve des actes juridiques.

§ 3. LES DÉCLARATIONS DES TIERS

1109 Attestation et enquête. – Les déclarations des tiers sont la mise en œuvre, sur le plan
procédural, de la preuve testimoniale. Les articles 199 à 231 du Code de procédure civile qui les
régissent se trouvent donc placés sous la dépendance du droit substantiel : ce sont les règles du droit
civil et du droit commercial qui déterminent l'admissibilité et la force probante de ces déclarations.
Concrètement, l'article 199 prévoit qu'elles peuvent être recueillies par écrit, au moyen d'attestations
(A), ou oralement, par voie d'enquête (B).

A. L'ATTESTATION

1110 Témoignage écrit. – Alors que les autres mesures d'instruction 3633 supposent une
décision du juge, la production d'attestations peut résulter aussi bien d'une initiative des parties que
du juge. La possibilité pour une partie de produire directement une attestation ne saurait la soustraire
au principe de la contradiction : elle doit préalablement la communiquer à son adversaire. De la
même façon, le juge doit communiquer aux parties les attestations qui lui sont directement
adressées 3634. Par ailleurs, l'article 203 du Code de procédure civile dispose que « le juge peut
toujours procéder par voie d'enquête à l'audition de l'auteur d'une attestation ». Cette disposition est
tout à fait opportune. L'audition d'un témoin permet au juge, mieux que la lecture d'un écrit,
d'apprécier la sincérité et l'exactitude de ses déclarations. De plus, le juge peut poser au témoin des
questions qui l'amènent à préciser ou à clarifier ses déclarations 3635.
Les attestations contiennent la relation des faits auxquels leur auteur a assisté ou qu'il a
personnellement constatés 3636. Aux termes de l'article 201 du Code de procédure civile, « les
attestations doivent être établies par des personnes qui remplissent les conditions requises pour être
entendues comme témoins 3637 ». La solution est de bon sens : la forme écrite du témoignage ne peut
entraîner la mise à l'écart des règles en la matière.

1111 Forme. – En la forme, l'attestation est soumise à des règles très rigoureuses par
l'article 202 du Code de procédure civile. Elle est écrite, datée et signée de la main de son auteur.
Celui-ci doit lui annexer, en original ou en photocopie, tout document officiel de son identité et
comportant sa signature 3638. L'attestation mentionne « les nom, prénoms, date et lieu de naissance,
demeure et profession de son auteur ainsi que, s'il y a lieu, son lien de parenté ou d'alliance avec les
parties, de subordination à leur égard, de collaboration ou de communauté d'intérêts avec elles ». Le
texte utilise à dessein des termes très larges : l'auteur de l'attestation doit indiquer toutes les
circonstances qui peuvent l'attacher à une partie et l'inciter à pencher de son côté. L'attestation
mentionne encore « qu'elle est établie en vue de sa production en justice et que son auteur a
connaissance qu'une fausse attestation de sa part l'expose à des sanctions pénales ». Le Code de
procédure civile veut que l'auteur de l'attestation soit solennellement averti de l'importance de sa
déclaration : c'est une chose de déclarer ce qu'on croit savoir dans une conversation ordinaire, c'en
est une autre que de porter en justice un témoignage susceptible de décider du sort d'un procès. La
formule de l'article 202 remplit pour les attestations la même fonction que le serment pour les
déclarations orales.

1112 Sanction des règles de forme. – La Cour de cassation a malheureusement rendu assez
vaines toutes les précautions prises par le législateur pour assurer, autant qu'il est possible, la valeur
des attestations. En effet, elle décide de façon constante que les dispositions de l'article 202 du Code
de procédure civile ne sont pas prescrites à peine de nullité 3639. Pour justifier sa position, la Cour
énonce que, dans tous les cas, le juge demeure libre d'apprécier la valeur probante d'une attestation.
Il importe donc peu qu'elle soit régulière ou non en la forme 3640. Cette position de la jurisprudence ne
peut être approuvée. Elle est inopportune, en ce qu'elle encourage les parties à produire des
attestations irrégulières, notamment des attestations sur l'importance desquelles le témoin n'a pas été
averti.
Sur le plan de la rectitude juridique, la solution n'est pas mieux fondée : elle méconnaît la
disposition de l'article 175 du Code de procédure civile, qui renvoie pour les mesures d'instruction
aux dispositions de l'article 114 du même code. Aux termes de ce texte, la nullité d'un acte peut être
prononcée, en l'absence de texte la prévoyant expressément, chaque fois que l'irrégularité porte sur
une formalité substantielle. On a du mal à penser que tel n'est pas le cas au moins de l'obligation
d'avertir le témoin de l'utilisation qui sera faite de ses déclarations et de l'importance qu'elles
revêtent. La difficulté est que, comme pour tous les autres vices de forme, le prononcé de la nullité
resterait subordonné à l'établissement du grief que l'irrégularité a causé à celui qui demande la nullité
de l'acte. Or, dans la majorité des cas, il serait difficile de dire quel pourrait bien être le grief concret
causé par l'omission de l'avertissement. La solution consisterait sans doute à étendre aux attestations
la jurisprudence qui, pour certains vices graves insusceptibles de causer grief, écarte cette
condition 3641.

B. L'ENQUÊTE

1113 Présentation. – En droit judiciaire privé, l'enquête a un sens beaucoup plus précis et
étroit que dans le langage commun. Elle ne désigne pas toute mesure destinée à découvrir la vérité,
comme on parle d'une enquête policière ou judiciaire, mais seulement la mesure d'instruction qui a
pour objet de recueillir la déposition orale des témoins. Sous l'empire de l'ancien Code de procédure
civile, l'enquête était soumise à une procédure lourde et complexe qui décourageait les juges d'y
avoir recours 3642. Le Code de procédure civile de 1975 l'a considérablement simplifiée. Elle
demeure cependant d'un emploi assez limité, en raison du temps qu'elle réclame, qui est peu
compatible avec les charges pesant sur les magistrats et les auxiliaires de justice. L'enquête peut se
dérouler selon deux modalités différentes (2), auxquelles sont applicables des dispositions
communes (1).

1. Les dispositions communes à toutes les enquêtes

1114 Organisation. – La déposition orale des témoins ayant lieu devant le juge, l'enquête
suppose une décision, qui peut être prise soit d'office, soit à la demande d'une partie. Sur ce point, il
convient de remarquer la disposition de l'article 204 du Code de procédure civile, aux termes duquel,
« lorsque l'enquête est ordonnée, la preuve contraire peut être rapportée par témoins sans nouvelle
décision ». Ce texte établit donc un droit à la contre-enquête. Son contenu doit être précisé : il
signifie que, sur les faits visés par l'enquête, l'autre partie peut, elle aussi, librement produire ses
témoins pour en contester la réalité. Mais il ne signifie pas qu'elle peut en produire librement pour
établir la réalité d'autres faits que ceux visés par l'enquête.
En principe chacun peut être entendu comme témoin. L'article 205 du Code de procédure civile ne
pose d'exception que pour les personnes qui sont frappées d'une incapacité de témoigner en justice. Il
en va ainsi des individus qui ont été pénalement frappés d'une interdiction des droits civiques, civils
et de famille 3643. Et l'on doit logiquement considérer que sont également incapables de témoigner les
personnes incapables au sens du droit civil 3644. Encore faut-il préciser que, si elles ne peuvent pas
témoigner au sens strict, elles peuvent être entendues par le juge, mais sans prestation de serment 3645.
Un mineur peut, ainsi, être entendu 3646, mais il n'aura pas la qualité de témoin. Seuls ne peuvent
jamais être entendus, à quelque titre que ce soit, les descendants (majeurs comme mineurs) des
époux, sur les griefs invoqués à l'appui d'une demande en divorce ou en séparation de corps 3647.
L'article 206 dispose que les personnes qui en sont requises sont tenues de témoigner. Cependant,
l'obligation est écartée à l'égard des parents ou alliés en ligne directe de l'une des parties ou de son
conjoint, même divorcé. De façon générale, la même règle joue pour toutes les personnes qui
justifient d'un motif légitime, par exemple pour celles qui sont tenues au secret professionnel. À titre
de sanction, les témoins défaillants peuvent être cités à leurs frais. De même, les témoins défaillants
et ceux qui, sans motif légitime, refusent de déposer ou de prêter serment peuvent être condamnés à
une amende civile d'un maximum de 3 000 euros 3648.

1115 Déroulement. – Aux termes de l'article 208 du Code de procédure civile, « le juge entend
les témoins en leur déposition séparément et dans l'ordre qu'il détermine ». Avant de déposer, les
témoins « déclarent leurs nom, prénoms, date et lieu de naissance, demeure et profession, ainsi que,
s'il y a lieu, leur lien de parenté ou d'alliance avec les parties, de subordination à leur égard, de
collaboration ou de communauté d'intérêts avec elles 3649 ». Ils prêtent serment de dire la vérité, après
que le juge leur a rappelé qu'ils encourent des peines d'amende et d'emprisonnement en cas de faux
témoignage 3650. C'est au juge qu'il appartient de déterminer les questions qu'il posera aux témoins sur
les faits de l'affaire. L'article 212 du Code de procédure civile dispose qu'ils répondent sans pouvoir
lire aucune réponse préparée, ou « projet ». S'il l'estime nécessaire, le juge leur pose aussi les
questions que les parties lui soumettent après l'interrogation du témoin 3651. Le Code réglemente le
déroulement de l'interrogation elle-même de la façon la plus souple qui soit. C'est ainsi que le juge
peut entendre ou interroger les témoins sur tous les faits dont la preuve est admise par la loi, alors
même que ces faits ne seraient pas indiqués dans la décision prescrivant l'enquête. Le juge a donc la
possibilité de les interroger sur tous les faits qui sont dans le débat 3652. Le cas échéant, il procède à
leur audition en présence d'un technicien. Ou encore, le juge peut, après une première interrogation,
entendre à nouveau les témoins, ou les confronter entre eux ou avec les parties 3653. De même,
l'article 218 du Code de procédure civile dispose que le juge qui procède à l'enquête « peut, d'office
ou à la demande des parties, convoquer ou entendre toute personne dont l'audition lui paraît utile à la
manifestation de la vérité ».
En principe, l'interrogation des témoins se déroule en présence des parties, ainsi que de leurs
défenseurs 3654. Mais « les parties ne doivent ni interrompre ni interpeller ni chercher à influencer les
témoins qui déposent, ni s'adresser directement à eux, à peine d'exclusion 3655 », et, si les
circonstances l'exigent, le juge peut même « inviter une partie à se retirer sous réserve du droit pour
celle-ci d'avoir immédiatement connaissance des déclarations des témoins entendus hors sa
présence 3656 ». C'est dire que les droits des parties sont limités à ce que commande le respect de la
contradiction.
À l'issue de l'enquête, un procès-verbal est dressé. Il y est fait mention de la présence ou de
l'absence des parties. Le procès-verbal relate les dépositions des témoins. Le juge peut y consigner
ses constatations relatives au comportement d'un témoin lors de son audition. Les observations des
parties y sont également consignées, ou lui sont annexées lorsqu'elles sont écrites. Y sont aussi
annexés les documents versés à l'enquête. Les personnes entendues signent le procès-verbal, après
lecture, ou le certifient conforme à leurs déclarations ; mention en est alors faite au procès-verbal. Le
cas échéant, il y est indiqué qu'un témoin refuse de le signer ou de le certifier conforme. Dans tous les
cas, le procès-verbal est daté et signé par le juge et, s'il y a lieu, par le secrétaire 3657. Par exception,
la rédaction du procès-verbal peut être suppléée par une mention, dans le jugement, du nom des
personnes entendues et du résultat de leurs dépositions, à la triple condition que l'enquête ait lieu au
cours des débats, que le juge statue immédiatement après son exécution et que le jugement soit rendu
en dernier ressort 3658.

2. Les règles particulières à chaque sorte d'enquête

1116 Enquête ordinaire. – Le Code de procédure civile a prévu que l'enquête puisse se
dérouler selon deux modalités : l'enquête ordinaire et l'enquête sur-le-champ, soumises à des règles
particulières, qui s'ajoutent aux dispositions communes déjà indiquées.
Comme son nom l'indique suffisamment, l'enquête ordinaire est la modalité normale de l'enquête.
Elle peut résulter aussi bien d'une initiative du juge que d'une partie. Dans ce dernier cas,
l'article 222 du Code de procédure civile dispose que la partie doit préciser les faits dont elle entend
rapporter la preuve, mais que c'est au juge qu'il appartient de déterminer les faits pertinents à
prouver. La désignation des témoins est minutieusement réglementée par les articles 223 et 224 du
Code. Si l'enquête est demandée par une partie, il lui incombe d'indiquer au juge les nom, prénoms et
demeure des personnes dont elle sollicite l'audition. La même charge incombe aux adversaires qui
demandent l'audition de témoins sur les faits dont la partie prétend rapporter la preuve. Si les parties
sont dans l'impossibilité d'indiquer d'emblée les personnes à entendre, le juge peut néanmoins les
autoriser soit à se présenter sans autres formalités à l'enquête avec les témoins qu'elles désirent faire
entendre, soit à faire connaître au secrétariat de la juridiction, dans le délai qu'il fixe, les nom,
prénoms et demeure des personnes dont elles sollicitent l'audition. Lorsque l'enquête est ordonnée
d'office, le juge ne peut que rarement désigner de lui-même les témoins à entendre ; il enjoint aux
parties de procéder comme il vient d'être dit.
La décision qui ordonne l'enquête détermine également le mode et le calendrier selon lesquels
elle se déroulera : elle précise si elle aura lieu devant la formation de jugement, ou devant un
membre de cette formation, et indique les jour, heure et lieu où il y sera procédé 3659. Les témoins sont
convoqués par le secrétaire de la juridiction huit jours au moins avant la date de l'enquête. Les
convocations mentionnent les nom et prénoms des parties et informent les témoins des sanctions qu'ils
encourent en raison d'une défaillance ou d'un refus de déposer. De leur côté, les parties sont avisées
de la date de l'enquête verbalement ou par lettre simple 3660.
1117 Enquête sur-le-champ. – L'institution de l'enquête sur-le-champ répond au souci du
législateur, qui a déjà été indiqué, de réglementer souplement les mesures d'instruction pour ne pas
entraver les initiatives du juge. C'est pourquoi l'article 231 du Code de procédure civile permet au
juge d'entendre immédiatement les personnes dont l'audition lui paraît utile à la manifestation de la
vérité dans deux hypothèses. D'une part, il peut avoir recours à cette forme d'enquête simplifiée en
tout lieu, à l'occasion de l'exécution d'une mesure d'instruction. D'autre part, il peut y avoir encore
recours à l'audience ou en son cabinet. Le recours à cette sorte d'enquête n'appelle aucune réserve
lorsqu'elle est jointe à une autre mesure d'instruction, car alors ce sont les circonstances qui
commandent. Il serait regrettable que le juge ne puisse pas entendre en tant que témoin une personne
qu'il rencontre à l'occasion de vérifications personnelles. Il n'en va pas de même dans la seconde
hypothèse. Les témoins ne se rencontrent pas par hasard à l'audience ou dans le cabinet du juge.
L'existence de l'enquête sur-le-champ incite les parties à venir à l'audience, accompagnées de
témoins qu'elles proposeront au juge d'entendre en dehors des garanties que procure l'enquête
ordinaire 3661. En particulier, l'adversaire, ne sachant pas qu'une enquête aura lieu, ne peut pas faire
venir d'autres témoins, dont les déclarations viendraient éventuellement contrebalancer celles des
personnes présentes à l'audience.

Sous-section 2
Les mesures d'instruction exécutées par un technicien

1118 Présentation. – Lorsque l'on pense aux mesures d'instruction exécutées par un technicien,
c'est l'expertise qui vient immédiatement à l'esprit. En effet, elle est la plus importante et la plus
utilisée de ces mesures. Elle en est aussi la plus onéreuse. C'est pourquoi le législateur lui a adjoint
d'autres mesures d'ampleur et de coût plus limités : les constatations et la consultation. Le Code de
procédure civile énonce des dispositions communes à ces trois mesures, qui seront étudiées en
premier lieu (§ 1). Dans un deuxième temps, sera abordé l'examen des règles relatives aux
constatations et à la consultation (§ 2). L'importance de l'expertise justifie que l'étude des
dispositions la régissant soit menée séparément (§ 3).

§ 1. LES DISPOSITIONS COMMUNES

1119 Plan. – Les dispositions communes aux trois mesures d'instruction exécutées par un
technicien intéressent, d'une part, la décision ordonnant la mesure (A) et, d'autre part, l'exécution de
la mesure (B).

A. LA DÉCISION ORDONNANT LA MESURE

1120 Droit commun et dispositions spécifiques. – La décision ordonnant une mesure


d'instruction exécutée par un technicien est d'abord soumise aux dispositions communes à toutes les
mesures d'instruction, qui ont déjà été indiquées 3662. C'est ainsi que le juge ne saurait ordonner une
expertise pour suppléer la carence d'une partie dans l'administration de la preuve. En revanche, la
spécificité de son objet appelle des dispositions particulières pour ce qui est de la désignation du
technicien (1) et de la mission qui peut lui être confiée (2).

1. La désignation du technicien

1121 Liberté du juge. – L'article 232 du Code de procédure civile pose en principe que le
juge peut désigner comme technicien « toute personne de son choix ». La liberté de choix reconnue au
juge s'explique par l'importance que revêt en la matière la considération de la personne 3663. Il peut
s'agir d'une personne physique aussi bien que d'une personne morale : la complexité de certaines
expertises impose le recours à d'importants cabinets, constitués sous forme de sociétés. Le
représentant légal de la personne morale soumet alors « à l'agrément du juge le nom de la ou des
personnes physiques qui assureront, au sein de celle-ci et en son nom l'exécution de la mesure 3664 ».
La liberté reconnue aux juges ne connaît que peu de limites. D'un côté, le juge ne peut désigner les
membres de certaines professions. Ainsi, ne peuvent-ils pas désigner un huissier, sauf à lui confier la
tâche d'accomplir des constatations purement matérielles 3665. D'un autre côté, quelques rares textes
réservent un type d'expertise ou de constatation à des professionnels déterminés 3666.
Il existe certes des listes d'experts judiciaires, qui sont établies à deux niveaux distincts 3667.
Chaque cour établit une liste d'experts près la cour d'appel. La demande est adressée par le candidat
au procureur de la République près le tribunal de grande instance dans le ressort duquel il exerce son
activité professionnelle. Après examen des candidatures, la liste est arrêtée chaque année par
l'assemblée générale de la cour d'appel. Par ailleurs, les experts inscrits depuis au moins cinq ans sur
une liste de cour d'appel peuvent demander à être inscrits sur la liste des experts agréés par la Cour
de cassation. Les demandes doivent être adressées au procureur général près la Cour de cassation.
Après examen, la liste est arrêtée chaque année par le bureau de la Cour de cassation. Ces listes font
l'objet d'une révision annuelle, susceptible d'entraîner des retraits, radiations ou réinscriptions 3668.
Quelle que soit l'utilité pratique indiscutable de ces listes, elles ne s'imposent pas au juge, qui peut
choisir le technicien en dehors d'elles, à condition de motiver sa décision sur ce point 3669.
Inversement, même d'un commun accord, les parties ne peuvent pas imposer au juge la désignation
d'un expert judiciaire 3670. Chacune d'elles peut seulement récuser l'expert nommé par le juge dans les
cas déterminés par la loi 3671. En revanche, l'expert désigné par le juge peut refuser la mission que le
juge lui a confiée, pourvu qu'il fasse connaître sa décision au juge sans délai 3672.

2. La mission du technicien

1122 Une question de fait requérant les lumières d'un technicien. – L'article 232 du Code de
procédure civile dispose que « le juge peut commettre toute personne de son choix pour l'éclairer (...)
sur une question de fait qui requiert les lumières du technicien ». De ce texte résultent deux règles
essentielles sur la mission que le juge peut confier au technicien. La première est que la mission du
technicien ne peut porter que sur le fait. Inversement, le juge ne saurait charger le technicien de
rechercher le droit applicable au litige 3673, quelle qu'en soit la complexité. Le juge est en effet tenu
de connaître le droit (« jura novit curia », dit l'adage 3674) et ne saurait se décharger de cette
obligation sur une autre personne. Par exemple, le juge ne peut confier à un technicien la mission de
rechercher qui est le propriétaire d'un terrain litigieux, ou encore si le demandeur est créancier du
défendeur. Certes, les faits que le juge demande au technicien d'examiner sont, en principe, ceux qui
déterminent le sort du procès, comme les circonstances de l'accident ou la comptabilité de l'une des
parties. Une fois ces faits élucidés, il est possible que l'application de la règle de droit ne soulève
plus aucune difficulté. La distinction doit néanmoins être faite 3675.
La seconde règle posée par l'article 232 du Code de procédure civile est que le juge ne doit
recourir aux services d'un technicien que si l'examen de la question de fait « requiert les lumières
d'un technicien ». Inversement, le juge n'a pas à se décharger sur une autre personne du soin
d'examiner l'ensemble de l'affaire en fait. Le juge ne dit pas seulement le droit, il dit aussi (et même
d'abord) le fait. Mais les connaissances techniques du juge sont forcément limitées : le juge n'est pas
un spécialiste du bâtiment ou de l'automobile, du corps humain ou des matériaux, des techniques du
froid ou de la conservation, et en général de toutes les sciences dont les données peuvent être
nécessaires pour trancher les litiges les plus variés qui lui sont soumis 3676. Chaque fois que
l'investigation ou la compréhension des faits appelle des connaissances qui dépassent celles de
l'honnête homme d'aujourd'hui, le juge serait réduit à juger « en aveugle » s'il ne pouvait faire appel
aux lumières d'un spécialiste. La mission donnée au technicien doit donc être précise et technique 3677.

1123 L'expert et la conciliation. – Par ailleurs, l'article 240 du Code de procédure civile
dispose que « le juge ne peut donner au technicien mission de concilier les parties ». En édictant ce
texte, le législateur a entendu réagir contre la pratique antérieure. La conciliation est une mission du
juge, et non celle d'un technicien, quels que puissent en être les mérites. La portée de l'article 240 ne
doit pas être exagérée. Rien n'interdit aux parties de se concilier lors de l'exécution de la mesure
d'instruction, ni même de demander au technicien de constater leur accord 3678.

1124 Le notaire technicien ? – Eu égard au contenu que peut avoir la mission d'un technicien,
on peut s'interroger sur le statut du notaire chargé de préparer l'état liquidatif d'une succession ou d'un
régime matrimonial dans le cadre d'un partage judiciaire. La Cour de cassation lui a expressément
reconnu la qualité de technicien, pour lui appliquer les causes de récusation de l'article 341 du Code
de procédure civile 3679. Depuis lors, l'article 1121 du Code de procédure civile a précisé que le
notaire chargé par le juge d'élaborer un projet de liquidation du régime matrimonial, à l'occasion d'un
divorce, se voyait appliquer un certain nombre d'articles relatifs à la désignation et à la mission des
techniciens en général et des experts en particulier. Cependant, même si l'essentiel du régime
applicable à ce notaire est celui que connaissent les techniciens, il est difficile de le qualifier
ainsi 3680 car son office va au-delà de la simple participation à une mesure d'instruction. En effet, le
notaire ne se borne pas à éclairer le tribunal sur des faits : il lui propose des modalités précises de
liquidation, lui « mâchant » ainsi le travail ; de plus, agissant en tant que juriste, il se livre à des
appréciations juridiques, ce que ne peut pas faire un technicien 3681. Enfin, il est possible, même si
c'est rare, que le notaire liquidateur soit désigné non par le juge, mais par les copartageants eux-
mêmes 3682, ce qui rend encore plus douteuse sa qualité de « technicien ».

B. L'EXÉCUTION DE LA MESURE

1125 L'accomplissement de la mesure d'instruction. – En acceptant la mission que le juge lui


a confiée, le technicien s'oblige à l'accomplir « avec conscience, objectivité et impartialité 3683 ». Il
s'oblige aussi à la remplir personnellement, sans pouvoir s'en décharger sur autrui 3684, et dans les
délais fixés par le juge 3685. Le juge peut, à la demande des parties ou d'office, remplacer le
technicien qui manquerait à ses devoirs 3686.
Les rédacteurs du Code de procédure civile ont réglementé avec beaucoup de souplesse le
déroulement de la mesure d'instruction. D'abord, la nomination du technicien n'entraîne aucune
exclusion du juge. Au contraire, la loi souhaite que s'instaure entre eux une pleine et confiante
collaboration. Dans cet esprit, l'article 241 du Code de procédure dispose que le juge chargé du
contrôle peut assister aux opérations du technicien et qu'il peut provoquer ses explications.
Réciproquement, le technicien peut à tout moment demander au juge de l'entendre. Il peut aussi lui
demander de régler toutes les difficultés auxquelles l'exécution de la mesure peut se heurter 3687. En
second lieu, pour exécuter sa mission, le technicien peut demander aux parties et même aux tiers de
lui communiquer tous les documents utiles ; en cas de difficulté, il peut demander au juge de
l'ordonner 3688.
De même, l'article 242 du Code de procédure civile dispose que « le technicien peut recueillir
des informations orales ou écrites de toutes personnes, sauf à ce que soient précisés leurs nom,
prénoms, demeure et profession ainsi que, s'il y a lieu, leur lien de parenté ou d'alliance avec les
parties, de subordination à leur égard, de collaboration ou de communauté d'intérêts avec elles ». La
similitude de ce texte avec ceux qui régissent les déclarations des tiers 3689 montre que le technicien
peut lui aussi entendre des témoins. Il ne faut pas en conclure que le juge peut charger un technicien
du soin de diligenter une enquête. Les deux mesures d'instruction restent toujours différentes.
L'enquête a directement pour objet de recueillir les déclarations de tiers sur des faits litigieux, qui ne
revêtent pas une technicité telle que le recours à un spécialiste soit justifié. À l'opposé, la mesure
d'instruction exécutée par le technicien n'a pas pour objet de recueillir les déclarations des tiers, mais
d'appréhender et de comprendre des faits appelant des connaissances particulières. Ce n'est qu'en
raison des circonstances qu'il y aura lieu d'entendre telle ou telle personne, par exemple, ceux qui ont
utilisé ou réparé la machine dont la qualité est discutée. En un mot, l'enquête se caractérise par le
moyen d'établir un fait, alors que la mesure d'instruction exécutée par un technicien se caractérise par
le caractère particulier du fait à établir. Il peut être souhaitable qu'en raison de l'importance des faits
dont il a connaissance, l'une des personnes soit entendue par le juge lui-même. L'article 242 permet
au technicien commis et aux parties de le demander au juge 3690.
L'exécution de la mesure d'instruction peut encore faire apparaître l'opportunité d'en modifier
l'objet. C'est pourquoi l'article 236 du Code de procédure civile dispose que le juge peut à tout
moment accroître ou restreindre la mission confiée au technicien. Il peut aussi confier une mission
complémentaire à un autre technicien 3691. L'initiative de modifier sa mission n'appartient cependant
pas qu'au juge. L'article 238 dispose que le technicien doit répondre aux questions que les parties ont
décidé, d'un commun accord et par écrit, de lui soumettre.

1126 Le rapport du technicien. – Une fois la mesure d'instruction réalisée, le technicien doit
faire connaître son avis. Les dispositions particulières à chacune de ces mesures prévoient que cet
avis peut être présenté oralement ou par écrit 3692. Le plus souvent, c'est cette dernière modalité qui
est retenue. Dans l'un et l'autre cas, le rapport du technicien doit être complet et précis 3693, il doit
contenir toutes les informations qui apportent un éclaircissement sur les questions à examiner, que ce
soient celles que le juge lui a indiquées dans sa décision ou celles que les parties lui ont soumises
d'un commun accord 3694. Si le juge ne trouve pas dans le rapport du technicien tout ce qu'il attend, il
peut l'inviter à compléter, préciser ou expliquer, soit par écrit, soit à l'audience, ses constatations ou
ses conclusions. L'article 246 du Code de procédure civile dispose encore que « le juge n'est pas lié
par les constatations ou les conclusions du technicien ». La raison en est que la mission que le juge
confie au technicien ne constitue pas et ne saurait constituer une délégation de ses pouvoirs de juger.
Le juge ne charge le technicien que de l'aider dans la connaissance et la compréhension de certains
faits ; même sur ces faits, c'est toujours au juge seul qu'appartient la mission de juger.
Cependant, depuis la loi n 2010-1609 du 22 décembre 2010, un tempérament est apporté à cette
o

règle. En effet, les constatations des huissiers de justice « font foi jusqu'à preuve contraire » 3695,
qu'ils aient été commis par un juge ou par des particuliers. La règle est remarquable en ce qu'elle
déborde du seul domaine des mesures d'instruction, puisqu'elle vaut aussi pour les constats établis
directement à la demande d'une partie, parallèlement ou préalablement à un procès. Quoi qu'il en soit,
les constatations relatées dans un constat d'huissier n'ont désormais plus valeur de simples
renseignements à l'égard du juge. Leur force probante s'impose à lui, sauf à ce qu'une preuve
contraire soit rapportée. En quelque sorte, les constats d'huissiers, s'ils n'ont pas acquis la valeur
probatoire d'un acte authentique, ont désormais la même force qu'une présomption légale simple 3696.

1127 La rémunération du technicien. – L'accomplissement de sa mission ouvre au technicien


un droit à rémunération, qui obéit à deux principes. Le premier est que le technicien ne peut pas
directement facturer ses prestations aux parties. C'est le juge qui fixe sa rémunération 3697 (la décision
du juge pouvant donner lieu à des contestations que réglementent les articles 724 et 725 du Code de
procédure civile). L'article 248 du Code de procédure civile dispose même qu'il « est interdit au
technicien de recevoir directement d'une partie, sous quelque forme que ce soit, une rémunération
même à titre de remboursement de débours, si ce n'est sur autorisation du juge ». Le second principe
est que la rémunération une fois fixée incombe exclusivement à la partie ou aux parties désignées par
le juge. Le technicien ne peut pas se retourner contre l'État pour lui demander de garantir le paiement
de sa rémunération. Même s'il est commis par le juge, le technicien n'est pas, à strictement parler, un
collaborateur du service public de la justice 3698. Il lui demeure extérieur, comme l'avocat. Dans le
cas de l'expertise, les textes du Code de procédure prévoient tout un mécanisme de provisions, qui
doit diminuer pour l'expert les risques de non-paiement 3699.

§ 2. LES CONSTATATIONS ET LA CONSULTATION

1128 Plan. – Les constatations régies par les articles 249 à 255 du Code de procédure civile
(A) et la consultation régie par les articles 256 à 262 (B) obéissent à des règles très proches, que
justifie la relative simplicité de la mission confiée au technicien.

A. LES CONSTATATIONS

1129 Notion. – Ce qui fait la spécificité des constatations, c'est le caractère extrêmement limité
de ce type de mesure d'instruction : comme leur nom l'indique, il ne s'agit que de faire un constat. Aux
termes mêmes de l'article 249 du Code de procédure civile, « le constatant ne doit porter aucun avis
sur les conséquences de fait ou de droit qui peuvent en résulter ». Ainsi, à la différence de la
consultation et de l'expertise, les constatations excluent toute explication de la part du technicien
commis. En quelque sorte, le constatant est chargé de voir à la place du juge 3700.
Cette mission peut être confiée à toute personne que le juge entend commettre, y compris
quelqu'un qui ne serait pas huissier. En pratique, les juges sont tout de même tentés de désigner un
huissier plutôt qu'un expert car, si les constatations ne supposent pas normalement de connaissances
scientifiques particulières, l'expérience de l'huissier, rompu à la technique du constat, le prédestine
naturellement à ce type de mission. L'huissier désigné pour effectuer des constatations sera-t-il alors
soumis aux règles qui encadrent sa profession, telles que la limitation territoriale de sa compétence ?
La réponse est négative, s'il n'a pas été désigné en sa qualité d'officier ministériel, mais comme
constatant au sens de l'article 249 du Code de procédure civile 3701. Ce n'est pas en tant qu'huissier
qu'il a été choisi, mais en tant que spécialiste du constat.

1130 Régime. – La décision de procéder à des constatations peut être prise par le juge à tout
moment, l'article 250 du Code de procédure civile précisant à ce propos que la mesure peut être
ordonnée dès la phase de conciliation et qu'elle peut l'être encore en cours de délibéré. Le juge
désigne le constatant et fixe le délai dans lequel il doit effectuer son rapport. Il désigne la ou les
parties qui seront tenues de verser par provision au constatant une avance sur sa rémunération,
avance dont il fixe le montant 3702. Le constatant est avisé de la décision par le secrétaire de la
juridiction. Les parties doivent être elles aussi avisées de la décision du juge, même lorsqu'elle est
prise en cours de délibéré 3703, pour que la mesure d'instruction puisse se dérouler selon les règles
applicables à toutes les mesures d'instruction. C'est dire qu'en principe, même un banal constat
d'huissier doit être effectué contradictoirement, les parties et leurs représentants étant appelés à
assister à l'opération 3704.
Les constatations font en principe l'objet d'un rapport écrit qui est remis au secrétariat de la
juridiction. Le constatant y joint les documents utiles à l'appui de ses constatations 3705. Lorsque la
mesure est ordonnée en cours de délibéré, le juge peut ordonner d'office la réouverture des débats ; il
est tenu de le faire si l'une des parties le demande 3706. Par exception, le juge peut décider que les
constatations seront présentées oralement. S'appliquent alors les dispositions déjà indiquées à propos
des vérifications personnelles du juge ou de la comparution : en principe il est dressé un procès-
verbal des constatations, toutefois la rédaction du procès-verbal peut être suppléée par une mention
dans le jugement si l'affaire est immédiatement jugée en dernier ressort 3707. Sur justification de
l'accomplissement de sa mission, le juge fixe la rémunération du constatant. Il peut lui délivrer un
titre exécutoire 3708.

B. LA CONSULTATION

1131 Une « mini-expertise ». – La consultation 3709 est une innovation de l'actuel Code de
procédure civile. Ses traits la rapprochent tantôt des constatations, tantôt de l'expertise. Comme les
constatations, elle se signale par sa simplicité ; elle suppose, dit l'article 256, qu'une question ne
requière pas d'investigations complexes. Mais, à la différence des constatations, elle comprend un
avis donné par le technicien et, à ce titre, elle se présente comme une « mini-expertise ». Aussi ne
peut-on pas tracer de frontière précise entre la consultation et l'expertise. La différence entre elles
n'est pas de nature, mais de degré. Un critère possible est suggéré par l'article 257 du Code de
procédure civile, qui pose qu'en principe, la consultation fait l'objet d'une présentation orale, alors
que l'expertise donne lieu normalement à un rapport écrit. Relèveraient donc de la consultation les
investigations suffisamment simples pour que l'on puisse envisager que le technicien présente
oralement les opérations qu'il a réalisées et l'avis qui en résulte. Encore ce critère doit-il être nuancé,
puisque l'article 257 dispose que le juge peut prescrire que l'avis soit consigné par écrit. Sans que
ces indications soient exhaustives, on peut penser plus spécialement aux deux cas suivants : d'abord,
le juge pourrait décider de joindre une consultation à une autre mesure d'instruction à laquelle il
procède lui-même, par exemple à des vérifications personnelles ; ensuite, le juge pourrait y avoir
recours si, en cours de délibéré, une vérification technique lui apparaît nécessaire avant de rendre sa
décision.
La décision ordonnant la mesure et le déroulement de la consultation sont soumis aux mêmes
règles que celles qui viennent d'être indiquées pour les constatations, sous cette différence qu'en
principe la consultation est présentée oralement.

§ 3. L'EXPERTISE

1132 Présentation : experts, expertise judiciaire et expertise privée. – Dans son sens
courant, l’expert est une personne dotée d’une grande compétence dans un domaine scientifique,
technique ou littéraire. C’est un spécialiste. On dira ainsi d’un cuisinier qu’il est expert en maniement
des épices ou d’un archéologue qu’il est expert en céramique gallo-romaine. En droit judiciaire
privé, le terme « expert » est plus étroit. Il est réservé aux personnes qui, dans le cadre ou dans la
perspective d’une instance judiciaire ou arbitrale, sont chargées de rechercher des éléments de fait
susceptibles de déterminer l’issue de cette instance. Pour notre matière, la personne que
l’article 1843-4 du Code civil qualifie « d’expert » n’en est donc pas un 3710. Certes, elle a
certainement une grande compétence dans son domaine, puisqu’elle est désignée par les parties ou le
juge pour déterminer la valeur de droits sociaux dont on prévoit la cession par un associé ou le rachat
par la société, lorsque cette valeur est contestée. Mais ce spécialiste n’ayant pas pour fonction de
renseigner un juge, est plutôt un tiers estimateur au service des parties, chargé de trancher le
désaccord qui les oppose, en dehors même de tout procès.
L'expertise constitue, quant à elle, l’ensemble des opérations d’investigation qu’un expert
accomplira dans le cadre ou dans la perspective d’une instance. Lorsqu’elle est ordonnée par un juge,
on peut parler d’expertise judiciaire. C’est la plus importante des mesures d'instruction. C'est elle
que le juge ordonne chaque fois que la solution du litige nécessite des investigations techniques
complexes : ainsi en va-t-il dans les procès en responsabilité, liés aux accidents de la circulation, au
transport de marchandises ou à la construction. L’expertise judiciaire ne doit pas être confondue avec
l’expertise commandée par une partie (ou même par toutes les parties d’un commun accord, ce qui est
plus rare) à une personne « experte » dans le domaine sur lequel porte le litige : médecin, architecte,
mécanicien, etc. On peut alors parler d’expertise privée, officieuse, amiable ou conventionnelle. La
différence avec l'expertise judiciaire n'est pas que conceptuelle. Dans l'accomplissement de sa
mission, le technicien commis par une partie n'est pas soumis aux règles qui seront étudiées dans ce
développement. Par exemple, il n'est pas soumis au contrôle du juge et le rapport qu'il rédigera sera
remis à son client, au lieu d'être déposé au secrétariat du tribunal. La partie commanditaire pourra le
produire, comme toute autre pièce de nature à emporter la conviction du juge. L'expert privé ne sera
pas non plus tenu de respecter la contradiction et si son rapport peut être soumis au juge, ce sera à la
condition d'être communiqué à l'adversaire, comme le serait un témoignage 3711. La jurisprudence
précise cependant que le juge ne pourra pas se fonder exclusivement sur cette expertise réalisée à la
demande de l'une des parties 3712. Cette solution conduit à faire des rapports d’expertise privée des
éléments de preuve inférieurs à de simples témoignages, mais elle est saine : sauf cas de subornation,
le témoin n’est pas payé par la partie à qui va profiter son témoignage ; au contraire, l’expert privé
étant rémunéré par son client, on peut craindre objectivement une certaine complaisance à son égard.
Dans les développements qui suivent, nous étudierons uniquement l’expertise judiciaire. En raison
de son ampleur, l'expertise allonge de façon sensible la durée des procès et en augmente le coût. C'est
ce qui explique que les rédacteurs du Code de procédure civile l'aient dotée de règles particulières,
qu'énoncent les articles 263 à 284-1, venant tantôt s'ajouter, tantôt se substituer aux dispositions déjà
étudiées. Ces règles portent non seulement sur la décision ordonnant la mesure (A) et son exécution
(B), mais aussi sur la rémunération de l'expert (C).

A. LA DÉCISION ORDONNANT L'EXPERTISE

1133 Contenu et régime. – La décision ordonnant l'expertise présente cette première


originalité qu'elle ne peut jamais revêtir la forme d'une simple mention au dossier 3713. Elle doit
toujours être contenue dans un jugement ou une ordonnance, selon le juge qui la rend. Aux termes de
l'article 265 du Code de procédure civile, la décision « expose les circonstances qui rendent
nécessaire l'expertise », l'article 263 précisant qu'elle n'a lieu d'être ordonnée que dans les cas où
des constatations ou une consultation ne pourraient suffire à éclairer le juge. Elle nomme l'expert, ou
éventuellement les experts retenus par le juge. Le plus souvent, le juge ne nomme qu'un seul expert,
mais, si une affaire est particulièrement complexe et délicate, il peut en nommer plusieurs. On
pourrait penser qu'en nommant un « collège d'experts », le juge ordonne autant d'expertises qu'il
nomme d'experts, chacun d'eux étant chargé d'une mission séparée. Ce n'est pas à cette situation que
se réfère l'article 265 du Code de procédure civile, comme le montrent les textes subséquents. Le
juge peut nommer plusieurs experts auxquels il confie en commun la même mission 3714. La décision
énonce ensuite les chefs de la mission de l'expert et lui impartit le délai dans lequel il devra donner
son avis. Dans le but de faciliter une collaboration étroite entre le juge et l'expert, l'article 266
dispose que la décision peut aussi fixer une date à laquelle l'expert et les parties se présenteront
devant le juge qui l'a rendue ou devant le juge chargé du contrôle pour que soient précisés la mission
et, s'il y a lieu, le calendrier des opérations.
Dès que la décision est rendue, le secrétaire en notifie une copie à l'expert par tout moyen et
l'expert doit faire connaître au juge « sans délai » son acceptation ou son refus et commencer les
opérations d'expertise 3715. Pour cela, l'article 268 du Code de procédure civile dispose que les
dossiers des parties ou les documents nécessaires à l'expertise sont provisoirement conservés au
secrétariat de la juridiction 3716 sous réserve de l'autorisation donnée par le juge aux parties qui les
ont remis d'en retirer certains éléments ou de s'en faire délivrer copie. L'expert peut les consulter
même avant d'accepter sa mission. Dès son acceptation 3717, l'expert peut retirer ou se faire adresser
par le secrétaire les dossiers ou les documents des parties. Lorsqu'en application de l'article 266 du
Code de procédure, la décision ordonnant l'expertise prévoit une première conférence devant le juge,
c'est lors de cette réunion que les documents utiles sont remis à l'expert.

1134 L'appel de la décision ordonnant l'expertise. – Le régime de la décision ordonnant


l'expertise présente lui aussi une originalité marquée par rapport aux autres décisions, pour ce qui est
des voies de recours. À l'inverse des décisions ordonnant une autre mesure d'instruction, qui ne
peuvent pas faire l'objet d'un recours indépendamment du jugement sur le fond 3718, celle qui ordonne
une expertise peut faire l'objet d'un appel indépendant. L'article 272 du Code de procédure civile
soumet cependant cette possibilité à la condition d'une autorisation préalable qui doit être demandée
au premier président de la cour d'appel. La partie qui veut faire appel saisit le premier président en
la forme des référés 3719. L'assignation doit être délivrée dans le mois du prononcé de la décision et
non de sa notification 3720. La demande doit être fondée sur un « motif grave et légitime » que le
premier président apprécie souverainement. Lorsque l'autorisation est accordée, la partie interjette
appel 3721 et l'affaire est appelée selon les règles applicables à la procédure à jour fixe 3722. Pour ce
faire, le premier président fixe, dans l'ordonnance accordant l'autorisation, le jour où l'affaire sera
examinée par la cour.
L'article 272 du Code de procédure civile ne s'applique pas à toutes les décisions ordonnant une
expertise. Il ne s'applique qu'aux jugements « ordinaires », si l'on peut dire, c'est-à-dire aux
jugements qui ne sont pas soumis à un autre régime. C'est ainsi que l'ordonnance de référé qui
ordonne une expertise sur le fondement de l'article 145 du même code peut faire l'objet d'un appel
immédiat, sans autorisation du premier président 3723. De même, le jugement mixte qui ordonne une
expertise peut être immédiatement frappé d'appel en toutes ses dispositions, en application de
l'article 544 3724. De même encore, le jugement qui statue sur la compétence et ordonne une mesure
d'instruction fait l'objet d'un régime particulier qui a déjà été indiqué 3725.
Il convient sans doute de rappeler enfin que le jugement qui ordonne une expertise ne bénéficie
pas de plein droit de l'exécution provisoire. Son exécution par les parties peut donner lieu à
l'application des dispositions sur l'acquiescement au jugement 3726.

B. L'EXÉCUTION DE L'EXPERTISE

1135 Prérogatives du juge et de l'expert. – Le déroulement de l'expertise est soumis aux


dispositions communes à toutes les mesures d'instruction, ainsi qu'aux dispositions communes aux
mesures d'instruction exécutées par un technicien 3727. C'est ainsi que l'article 274 du Code de
procédure civile dispose que le juge peut assister aux opérations d'expertise et qu'alors, il peut
consigner dans un procès-verbal ses constatations, les explications de l'expert ainsi que les
déclarations des parties et des tiers. L'expert doit convoquer les parties et leur permettre de discuter
l'exécution de la mesure : aux termes de l'article 276, « l'expert doit prendre en considération les
observations ou réclamations des parties, et, lorsqu'elles sont écrites, les joindre à son avis si les
parties le demandent ». Il doit aussi faire mention, dans son avis, de la suite qu'il leur aura donnée.
Cela étant, le droit qu'ont les plaideurs de faire valoir leurs opinions auprès de l'expert ne doit pas
donner lieu, de leur part, à des manœuvres dilatoires. C'est pourquoi, l'expert est autorisé à leur fixer
un délai pour formuler leurs observations ou réclamations et il peut refuser de prendre en compte
celles qui lui parviendraient au-delà de ce délai 3728. De plus, l'article 276 précise que si elles sont
écrites, les dernières observations ou réclamations d'une partie doivent « rappeler sommairement » le
contenu de celles qu'elle a présentées antérieurement, à défaut de quoi celles-ci sont réputées
abandonnées, ce qui dispense l'expert de les prendre en compte 3729.
Outre les documents déposés lors de la décision ou remis lors de la première conférence, les
parties doivent remettre sans délai à l'expert tous les documents que celui-ci estime nécessaires à
l'accomplissement de sa mission 3730. En cas de carence des parties, l'expert en informe le juge, qui
peut ordonner la production des documents, s'il y a lieu sous astreinte. Le juge peut aussi retenir une
autre solution, qui peut être à la fois plus simple et plus efficace, consistant à autoriser l'expert à
passer outre ou à déposer son rapport en l'état ; la juridiction de jugement peut également tirer toute
conséquence de droit du défaut de communication des documents à l'expert 3731 : on retrouve
logiquement les règles applicables en matière de production de pièces 3732. De façon générale,
l'expert peut toujours en cas de difficultés en faire rapport au juge et le juge peut, en se prononçant,
proroger le délai dans lequel l'expert doit donner son avis 3733. Il convient d'ajouter que, s'il le veut,
le ministère public peut assister aux opérations d'expertise et, à sa demande, ses observations sont
relatées dans l'avis de l'expert, ainsi que la suite que celui-ci leur aura donnée 3734.
Au cours des opérations d'expertise, il peut apparaître des difficultés de nature technique,
affectant la mission même de l'expert. Les textes du Code de procédure civile distinguent deux
situations. Il peut d'abord arriver que certaines investigations ne relèvent pas de la compétence
technique de l'expert lui-même. Par exemple, un expert peut avoir besoin de recourir à un laboratoire
pour certaines analyses 3735. L'article 278 lui permet alors, sans avoir besoin d'en référer au juge 3736,
de prendre l'initiative de recueillir l'avis d'un autre technicien, pourvu qu'il soit d'une spécialité
distincte de la sienne. La pratique le qualifie de « sapiteur » 3737. Cette condition est nécessaire pour
empêcher que l'expert ne se décharge de sa mission sur une autre personne 3738, ce qui entraînerait la
nullité de son rapport, indépendamment de tout grief causé à une partie 3739. En second lieu, le
déroulement des opérations peut faire apparaître l'opportunité d'étendre la mission confiée à l'expert.
L'expert ne saurait de sa propre initiative étendre sa mission, ni commettre un autre technicien 3740.
Seul le juge le peut, soit à la demande de l'expert, ou des parties, soit même d'office. Avant de statuer,
le juge doit appeler les parties, ainsi que l'expert 3741.

1136 Le rapport de l'expert. – Une fois que l'expert a achevé les opérations qui lui incombent,
il doit faire connaître son avis. En principe, il le consigne dans un rapport écrit, auquel la pratique
donne le plus souvent un contenu-type : après une brève introduction rappelant l'étendue exacte de la
mission confiée par le juge, l'expert relate les opérations d'expertise auxquelles il a procédé, puis il
conduit une discussion objective sur les faits qu'il a pu constater, ce qui le conduit à dégager des
conclusions et à formuler un avis sur les points qui font l'objet de sa mission. Même si le juge a
confié la même mission à plusieurs experts, il n'est rédigé qu'un seul rapport ; en cas de divergence,
chacun indique son opinion. Au rapport sont jointes diverses annexes : les documents qui complètent
le rapport (un plan des lieux, par exemple), les observations écrites des parties, ainsi que l'avis du ou
des techniciens d'une spécialité différente, que l'expert a pris l'initiative de recueillir (par exemple,
les résultats de l'analyse qu'il a fait faire) 3742. Dès le dépôt du rapport, l'instance se poursuit à la
diligence du juge.
Éventuellement, si le juge estime que l'avis n'exige pas de développements écrits, il peut autoriser
l'expert à l'exposer oralement à l'audience. Il en est dressé procès-verbal. Par exception, comme en
matière de constatations personnelles du juge, la rédaction du procès-verbal peut être suppléée par
une mention, dans le jugement, de l'accomplissement et des résultats de la mesure, à la double
condition que le juge statue immédiatement après son exécution et que le jugement soit rendu en
dernier ressort.
Quelle que soit la modalité retenue pour que l'expert fasse connaître son avis, il est de principe
que cet avis, comme celui de tout technicien, ne lie pas le juge 3743. En pratique cependant, il est très
fréquent que le juge « homologue » purement et simplement le rapport de l'expert. L'expression est
inexacte : au sens propre, le juge n'homologue que les actes des parties, en matière gracieuse 3744.
L'expression signifie seulement que le juge reprend à son compte, de façon globale, les constatations
et les analyses de fait que l'expert a menées 3745 ; il les incorpore à la motivation de son jugement.
Lorsque, par exception, le juge ne suit pas l'avis de l'expert, il n'est pas tenu de motiver spécialement
le rejet de cet avis. En revanche, il doit alors exprimer la motivation propre le conduisant à adopter
la solution qu'il retient, ce qui revient à peu près au même, surtout lorsque l'une des parties a repris
dans ses écrits le contenu de l'expertise, puisque le juge est tenu de répondre aux moyens développés
par les parties 3746. Le cas échéant, le juge peut adopter certaines conclusions de l'expert et en rejeter
d'autres 3747.
En pratique, l’influence exercée par les rapports d’expertise sur les magistrats est souvent
décisive. Un rapport bâclé ou comportant des erreurs peut donc influencer une juridiction dans le
mauvais sens et contribuer à la prolongation du procès, la partie victime de ces négligences étant
conduite à demander une contre-expertise ou à exercer une voie de recours contre le jugement.
L’expert, comme la plupart des professionnels, peut alors engager sa responsabilité civile envers les
parties qui subiraient un préjudice du fait de son mauvais travail. L’expert n’est pas un magistrat qui,
par ses fautes de service, engage la responsabilité de l’État. Il est personnellement responsable des
fautes commises dans l’exercice de ses fonctions, au même titre qu’un avocat ou un huissier de
justice 3748. Cela paraît normal, dès lors qu’il est rémunéré pour le travail accompli.

C. LA RÉMUNÉRATION DE L'EXPERT

1137 La consignation d'une provision. – L'importance des investigations et des travaux menés
par l'expert peut lui imposer d'y consacrer un temps considérable. Le législateur a le souci qu'il
puisse être rémunéré de son travail. Or le risque existe qu'au début de l'expertise, le juge n'ait pas
ordonné de consignation ou qu'il n'ait ordonné que la consignation d'une somme minime, si bien qu'à
la fin des opérations, une fois sa rémunération fixée par le juge, l'expert se heurte à l'insolvabilité de
la partie à laquelle incombe la charge de le rémunérer 3749. Le décret n 89-511 du 20 juillet 1989 a
o

sensiblement amélioré la situation de l'expert. Il pose qu'en principe, les travaux de l'expert et la
consignation des sommes nécessaires doivent aller de pair, pour qu'à tout instant, la rémunération de
l'expert soit assurée.
L'article 269 du Code de procédure civile dispose ainsi que le juge qui ordonne l'expertise ou le
juge chargé du contrôle fixe, lors de la nomination de l'expert ou dès qu'il est en mesure de le faire
(par exemple lors de la première conférence), le montant d'une provision à valoir sur la rémunération
de l'expert aussi proche que possible de sa rémunération définitive prévisible. Il désigne la ou les
parties qui devront consigner la provision au greffe de la juridiction dans le délai qu'il détermine ; si
plusieurs parties sont désignées, il indique dans quelle proportion chacune des parties devra
consigner. Il aménage, s'il y a lieu, les échéances dont la consignation peut être assortie 3750. Pour
assurer l'efficacité de cette disposition, l'article 267 du Code de procédure civile dispose que
l'expert ne doit commencer les opérations d'expertise que dès qu'il est averti par le greffier que les
parties ont consigné la provision mise à leur charge, ou le montant de la première échéance dont la
consignation a pu être assortie. La règle n'est cependant pas absolue. En cas de besoin, par exemple
en cas de risque de déperdition de la preuve, le juge peut enjoindre à l'expert d'entreprendre
immédiatement ses opérations. L'argent consigné par les parties n'est pas à la disposition de l'expert.
Il ne peut prélever d'acompte que sur autorisation du juge, lorsqu'il justifie de l'état d'avancement de
ses travaux et à condition que la complexité de l'affaire le requière 3751. Le défaut de consignation
n'est pas seulement sanctionné par un retard dans les opérations d'expertise. L'article 271 du Code de
procédure civile dispose encore qu'à défaut de consignation dans le délai et selon les modalités
impartis, la décision ordonnant l'expertise 3752 est caduque 3753 à moins que le juge, à la demande
d'une des parties se prévalant d'un motif légitime, ne décide une prorogation du délai ou un relevé de
caducité. Si la décision devient effectivement caduque, l'instance se poursuit, et le juge tirera toute
conséquence de l'abstention ou du refus de consigner 3754. Cette caducité n’est cependant pas
automatique. Il faut la demander et la Cour de cassation va jusqu’à considérer qu’une partie ne peut
plus s'en prévaloir après l'acquittement (hors délai) de la provision et le début des opérations
d'expertise 3755.
Le même souci d'adapter le montant des consignations au coût de l'expertise se manifeste encore
au cours des opérations. L'article 280, alinéa 2, du Code de procédure civile dispose qu'en cas
d'insuffisance manifeste de la provision allouée, l'expert en fait rapport au juge, lequel ordonne, s’il y
a lieu, la consignation d'une provision complémentaire à la charge de la partie qu'il détermine 3756.
Mais la sanction du défaut de consignation n'est pas la même. La décision ordonnant l'expertise ne
devient pas caduque : l'expert dépose son rapport en l'état, à moins encore que le juge ne proroge le
délai pour consigner. Grâce à ce système de consignation, l'expert doit pouvoir obtenir le paiement
de sa rémunération.
Celle-ci intervient à la fin des opérations d'expertise. En même temps que son rapport, l’expert
dépose sa demande de rémunération et en adresse un exemplaire aux parties. Celles-ci auront quinze
jours pour lui adresser, ainsi qu’au juge, d’éventuelles observations écrites à propos de cette
demande 3757. L'article 284 du Code de procédure civile dispose que, passé ce délai, le juge fixe la
rémunération de l'expert en fonction notamment des diligences accomplies, du respect des délais
impartis et de la qualité du travail fourni. C'est dire clairement que l'expert n'a pas un droit acquis sur
la totalité des sommes consignées : le montant de sa rémunération dépendra, finalement, de la qualité
de son travail, du sérieux dont il aura fait preuve et de la célérité avec laquelle il aura accompli sa
mission 3758. Bien sûr, lorsque le juge envisage de fixer la rémunération à un montant inférieur à ce
qui est demandé par l'expert, il doit préalablement inviter ce dernier à formuler ses observations.
Une fois déterminé le montant de la rémunération de l'expert, le juge l'autorise à se faire remettre,
jusqu'à due concurrence, les sommes consignées au greffe. Il ordonne, s'il y a lieu, le versement de
sommes complémentaires dues à l'expert en indiquant la ou les parties qui en ont la charge, ou la
restitution des sommes consignées en excédent. Le juge délivre à l'expert un titre exécutoire 3759.

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Petites Affiches, 2004, p. 293.
T. MOUSSA (dir.), Droit de l'expertise, Dalloz Action 2011/2012.
J. NORMAND, « Remarques sur l'expertise judiciaire au lendemain du nouveau Code de procédure
civile », Mélanges J. Vincent, Paris, 1981, p. 255.
TITRE 3
LES AUTRES INCIDENTS

1138 Classement. – Après les incidents liés à la compétence et ceux relatifs à la preuve, il
reste à aborder les autres principaux incidents que l'on peut regrouper en trois catégories. Les uns
sont relatifs à la juridiction saisie et aux magistrats censés intervenir : il s'agit de la récusation, de
l'abstention et du renvoi (chapitre I). D'autres portent sur les parties à l'instance (chapitre II) : quelle
complication résulte du fait que le défendeur ne comparaît pas ou que d'autres personnes deviennent
parties à l'instance ? Les incidents de la troisième catégorie sont ceux qui viennent compliquer le
déroulement de l'instance, ce qui explique qu'à la suite de la tradition, le Code de procédure civile
les appelle tout simplement incidents d'instance (chapitre III). D'un point de vue purement technique,
l'expression n'est pas très heureuse ; on peut dire d'une certaine façon que tous les incidents sont des
incidents d'instance, puisqu'ils affectent tous, pour une raison ou pour une autre, son déroulement : il
n'existe pas de différence de nature entre l'incident de péremption et l'incident de nullité d'un acte de
procédure. Par ailleurs, ces incidents n'ont pas entre eux de point commun qui leur soit vraiment
spécifique, en dehors de leur caractère particulièrement technique et procédurier, ce qui n'est pas très
significatif. On se conformera cependant à la tradition, en raison de sa commodité.
CHAPITRE I
LES INCIDENTS RELATIFS À LA JURIDICTION ET AUX
MAGISTRATS

1139 Plan. – La récusation et l'abstention concernent un magistrat en particulier. Elles


conduisent, l'une comme l'autre au remplacement de ce magistrat (section I). Le renvoi, en revanche,
vise la juridiction dans son ensemble. Il consiste en un changement de tribunal (section II).

SECTION I
LA RÉCUSATION ET L'ABSTENTION

1140 Division. – Il y a récusation lorsque l'une des parties demande qu'un magistrat soit écarté
de la juridiction saisie (§ 1). Il y a abstention lorsque c'est le magistrat lui-même qui demande son
remplacement (§ 2).

§ 1. LA RÉCUSATION

1141 Les cas de récusation. – Plusieurs textes visent la possibilité de récuser un juge. Certains
sont spécifiques au conseil de prud'hommes 3760 ou au tribunal paritaire des baux ruraux 3761. Mais au-
delà de ces textes particuliers, l'article L. 111-6 du Code de l'organisation judiciaire, auquel renvoie
l'article 341 du Code de procédure civile, détermine les cas de récusation communs à toutes les
juridictions civiles. Eu égard à leur domaine limité, nous écarterons les dispositions spécifiques à tel
ou tel tribunal 3762, pour nous en tenir aux seules dispositions communes.
L'article L. 111-6 du Code de l'organisation judiciaire fournit une liste de situations dans
lesquelles on peut craindre qu'un juge ne soit pas totalement impartial. Pour le détail de cette liste,
nous renvoyons le lecteur au texte de l'article. Disons simplement que tantôt le risque de partialité
découle de la relation intéressée qu'a le magistrat avec l'affaire ou avec une des parties : ainsi
lorsque le juge « ou son conjoint a un intérêt personnel à la contestation », ou lorsqu'il est
« créancier, débiteur, héritier présomptif ou donataire de l'une des parties ». Tantôt, le risque provient
des sentiments qu'il peut avoir envers une partie, par exemple, dans le cas où le magistrat ou son
conjoint « est parent ou allié de l'une des parties ou de son conjoint jusqu'au quatrième degré
inclusivement », lorsque lui ou son conjoint est ou a été en procès contre une partie ou son conjoint
ou encore lorsqu'il y a « amitié ou inimitié notoire entre le juge et l'une des parties ». Tantôt, enfin, la
partialité du juge pourrait découler d'un préjugé à l'égard de l'affaire. Cette situation est visée à
l'article L. 111-6, 5 , du Code de l'organisation judiciaire : il y a lieu à récusation si le juge « a
o

précédemment connu de l'affaire comme juge ou comme arbitre ou s'il a conseillé l'une des parties ».
Dans ce dernier cas, ce que l'on craint, c'est l'absence de neutralité intellectuelle du magistrat.
Connaissant déjà l'affaire, il risque fort d'aborder le dossier avec des présupposés et sans
l'objectivité que l'on peut espérer d'un regard neuf. On l'aura compris, la possibilité de récuser un
juge répond au souci du droit positif de garantir autant que possible l'impartialité et la neutralité des
magistrats 3763.

1142 Les personnes récusables. – Les premiers visés par les textes relatifs à la récusation
sont, bien entendu, les magistrats du siège, ceux qui sont appelés à trancher judiciairement les litiges.
Mais ils ne sont pas seuls à pouvoir ainsi être récusés. Les arbitres, qui font office de juges au sein
des juridictions arbitrales, peuvent l'être également, si une circonstance susceptible d'affecter leur
indépendance ou leur impartialité a été révélée ou est survenue depuis leur désignation 3764. Dans ce
cas, c'est la personne chargée d'organiser l'arbitrage ou, à défaut, le juge d'appui, qui est appelé à se
prononcer sur la demande de récusation 3765.
Enfin, d'autres personnes qui, pourtant, n'ont pas pour fonction de trancher les litiges, sont, elles
aussi, récusables. Il s'agit d'abord des techniciens chargés par un tribunal de l'éclairer par une
consultation, une expertise 3766 ou de simples constatations. Ceux-ci peuvent, en vertu de l'article 234
du Code de procédure civile, être récusés pour les mêmes causes que les juges. S'il s'agit d'une
personne morale, la récusation peut viser tant la personne morale elle-même que la ou les personnes
physiques agréées par le juge. La partie qui entend récuser le technicien doit le faire devant le juge
qui l'a commis ou devant le juge chargé du contrôle avant le début des opérations ou dès la révélation
de la cause de la récusation 3767. Aux termes de l'article L. 111-6 in fine du Code de l'organisation
judiciaire, les magistrats du ministère public agissant en qualité de partie jointe peuvent également
être récusés, si une des conditions prévues au texte est remplie. La raison d'être de cette extension
des cas de récusation à d'autres qu'aux juges eux-mêmes réside dans l'influence que peuvent exercer
sur le tribunal, aussi bien les experts que le ministère public. On attend d'eux qu'ils soient objectifs et
impartiaux. À cet égard, la limitation des possibilités de récusation au ministère public partie jointe
est révélatrice du rôle qu'il joue alors : il n'est pas une partie, mais un conseil pour le juge ; n'étant
l'adversaire de personne, il doit donc se garder de toute partialité. À l'inverse, lorsque le procureur
intervient comme partie principale, il est véritablement partie au litige (même s’il est une partie très
particulière qui agit dans l’intérêt de la société). On n'attend plus de lui qu'il soit impartial, bien au
contraire. Sa récusation n'aurait alors aucun sens : on ne récuse pas un adversaire...

1143 Le déroulement de la procédure de récusation. – La partie qui entend récuser un juge


doit le faire dès qu'elle a connaissance de la cause de récusation et au plus tard avant la clôture des
débats 3768. La récusation est, en effet, un acte grave qui met en cause la probité intellectuelle du
magistrat. Il ne doit pas se transformer en un instrument de basse tactique, en une arme conservée en
réserve par un plaideur pour le cas où le procès évoluerait dans un sens qui lui serait défavorable.
De plus, il est, de toute évidence, souhaitable de remédier rapidement au défaut d'impartialité que
l'on soupçonne, sans attendre que l'affaire soit en délibéré.
La demande de récusation est formée par un acte remis au greffe ou par une déclaration faite
auprès du greffier. En principe, c'est la partie elle-même qui remet cet acte ou effectue cette
déclaration (sauf devant la Cour de cassation), car la gravité de sa démarche justifie qu'elle se
déplace en personne. La Cour de cassation en déduit que l'on ne peut, à peine d'irrecevabilité, former
une demande de récusation (ou de renvoi pour cause de suspicion légitime), ni par lettre
recommandée, ni même par acte d'huissier 3769. Et si la loi admet que la demande soit formée par le
représentant de la partie, elle exige qu'il soit muni d'un pouvoir spécial 3770. La demande de
récusation doit également, à peine d'irrecevabilité, préciser les motifs de la récusation et être
accompagnée des pièces propres à la justifier 3771. Informé de la demande par le greffier, le juge en
cause doit immédiatement s'abstenir, c'est-à-dire qu'il doit cesser toute opération dans le dossier dont
il est saisi et ce jusqu'à ce que la procédure de récusation soit parvenue à son terme 3772. Mais, dans
le même temps, on attend de lui qu'il se prononce sur la demande de récusation qui le vise. À compter
de la transmission qui lui a été faite de la demande, il a en effet huit jours pour indiquer par écrit s'il
acquiesce à la récusation ou si, au contraire, il s'y oppose 3773. Dans ce dernier cas, il doit motiver
son opposition. En cas d'acquiescement, il est remplacé par un autre juge que désigne le président de
sa juridiction.
Lorsque le juge résiste à la demande de récusation ou, ce qui revient au même, s'il n'y répond pas,
cette demande fait l'objet d'une décision de justice. En principe, c'est la cour d'appel qui tranche la
question, y compris quand c'est un de ses conseillers qui est visé 3774. Par exception, si le magistrat
mis en cause est assesseur d'une juridiction échevinale, les choses vont moins loin, puisque la
demande est jugée par le président de cette juridiction, qui se prononce sans appel 3775. L'article 351
du Code de procédure civile dispose que la demande est examinée « sans qu'il soit nécessaire
d'appeler les parties ni le juge récusé ». Ceux-ci devront simplement recevoir du greffe une copie de
la décision. Cela étant, sensible au principe de la contradiction, la Cour de cassation décide, malgré
la lettre de l'article 351, que le requérant doit se voir communiquer les observations du magistrat
récusé et qu'il doit être informé de la date de l'audience 3776.
Si la décision rendue sur la demande de récusation fait droit à celle-ci, le juge récusé doit être
remplacé. Mais les actes qu'il aurait accomplis avant d'être informé de la demande qui le visait ne
seront pas remis en cause 3777. Inversement, si la demande de récusation est rejetée, le juge est
maintenu et l'auteur de la demande peut être condamné à une amende civile ou à des dommages et
intérêts au profit du magistrat injustement soupçonné de partialité 3778. Ces mesures de rétorsion sont,
évidemment, destinées à dissuader les plaideurs de procéder à des demandes de récusation
inconsidérées.
Enfin, la décision rendue en matière de récusation n’est susceptible d’une voie de recours que de
manière très limitée. Tout d’abord, l’appel est fermé par l’article 349 du Code de procédure civile,
en vertu duquel la décision émane, soit d’une cour d’appel, soit du président d’une juridiction
échevinale de première instance « qui se prononce sans appel ». Reste la possibilité d’un pourvoi en
cassation, que la jurisprudence encadre strictement. Tout d’abord, il va de soi que la personne
récusée, qu'il s'agisse d'un juge ou d'un technicien, ne peut pas se pourvoir en cassation, car elle n'est
pas partie à l'instance 3779 et n'est pas non plus condamnée. De plus, étant un organe de la procédure,
elle n'est pas un tiers à proprement parler et ne peut pas non plus, de ce fait, former tierce
opposition 3780. Mais la jurisprudence actuelle va encore plus loin : elle dénie également aux autres
parties à l’instance principale, la possibilité de former un recours contre la décision de récusation, au
motif que seul le requérant serait partie à la procédure de récusation. C’est là un postulat sans doute
discutable, mais dès lors qu’on l’admet, il en découle nécessairement que seul le requérant peut
former un pourvoi en cassation (contre la décision qui a rejeté sa demande de récusation). Les autres
parties au procès principal ne le peuvent pas 3781. Selon la Cour de cassation, elles ne peuvent pas
non plus former une intervention principale 3782. Le requérant serait la seule partie possible.
Logiquement, la tierce opposition devrait aussi être désormais fermée à qui que ce soit, car un tel
recours tendrait à rendre son auteur partie à une instance en récusation dans laquelle seul le requérant
pourrait se voir reconnaître la qualité de partie.

1144 Récusation et Convention européenne des droits de l'homme. – La possibilité de


récuser un magistrat dans un certain nombre de cas déterminés par la loi va dans le sens de
l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme qui dispose que
o

chacun « a droit à ce que sa cause soit entendue (...) par un tribunal indépendant et impartial (...) ».
Cela étant, on peut parfaitement concevoir des situations dans lesquelles un doute serait permis sur
l'impartialité d'un juge, alors même que ces situations ne figureraient pas à l'article L. 111-6 du Code
de l'organisation judiciaire 3783. La question s'est donc posée du caractère limitatif des cas prévus par
ce texte. Sur ce point, la Cour de cassation, visant l'article 6-1 précité, a répondu clairement, en
o

1998, que l'article 341 du Code de procédure civile (qui renvoie à l'article L. 111-6 du Code de
l'organisation judiciaire) n'épuisait pas nécessairement « l'exigence d'impartialité requise de toute
juridiction » 3784. En d'autres termes, pour la Cour de cassation, la liste de l'article L. 111-6 n'est pas
limitative, si bien qu'une partie peut demander la récusation d'un juge en se fondant directement sur
l'article 6-1 de la Convention européenne et en invoquant une situation non visée par les textes, mais
o

qui, selon elle, met en cause l'impartialité objective du magistrat. Une telle solution permet aux
plaideurs de s'affranchir du carcan de l'article L. 111-6 du Code de l'organisation judiciaire, en même
temps qu'elle met fin aux hésitations que l'on pouvait avoir sur l'applicabilité de ce texte général aux
juridictions soumises à un texte spécial (comme le conseil de prud'hommes). Mais cette
jurisprudence ne prive pas pour autant d'intérêt l'article L. 111-6. En effet, en présence d'un cas visé à
ce texte, le juge chargé de statuer sur la demande de récusation doit prononcer celle-ci, qu'il estime
ou non constitué un véritable risque de partialité. En revanche, dans les hypothèses de demandes de
récusation fondées directement sur l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme,
o

il lui appartient de déterminer souverainement 3785 si la situation dénoncée compromet suffisamment


l'impartialité du magistrat pour justifier son remplacement. En résumé, tandis que les causes de
récusation de l'article L. 111-6 ont un caractère « péremptoire », les autres sont « abandonnées à
l'appréciation du juge » 3786, ce qui rend plus aléatoire le succès de la partie qui les invoque.
Au demeurant, il ressort de la jurisprudence de la Cour de cassation, que dans les cas où une
partie a la possibilité d'invoquer l'article L. 111-6 du Code de l'organisation judiciaire, parce qu'elle
a connaissance en temps utile de circonstances de fait entrant dans le champ d'application de ce texte,
cette partie doit emprunter la voie de la récusation. Si elle n'invoque pas la cause de récusation dès
qu'elle en a connaissance (conformément à l'article 342 du Code de procédure civile), elle est
irrecevable à invoquer ultérieurement la violation de l'article 6-1 de la Convention européenne des
o

droits de l'homme 3787. Un arrêt rendu le 24 novembre 2000, en Assemblée plénière, par la Cour de
cassation apporte une précision sur ce point 3788. Selon cet arrêt, en s'abstenant de demander la
récusation avant la clôture des débats, la partie a renoncé sans équivoque à se prévaloir de son droit
fondamental à être jugé par un tribunal impartial. La précision est intéressante, mais à travers la
référence faite au moment de la clôture des débats, la Haute Juridiction introduit une incertitude
regrettable. Pris à la lettre et au terme d'un raisonnement a contrario, cet arrêt pourrait signifier que
l'article 6-1 peut être invoqué à l'appui d'une demande de récusation bien après que la partie ait eu
o

connaissance de circonstances justifiant celle-ci, pourvu que ce soit avant la mise en délibéré de
l'affaire. L'article 342 du Code de procédure civile, et, pourquoi pas, les textes subséquents relatifs à
la procédure de récusation seraient alors écartés au profit de la convention européenne des droits de
l'homme 3789. Il n'est pas certain que cette interprétation soit la bonne car, à l'inverse, on peut penser
que la référence, dans l'arrêt de l'Assemblée plénière, à la clôture des débats n'est qu'un rappel de la
date butoir après laquelle, selon l'article 342 lui-même, il n'est plus possible de demander une
récusation. La convention européenne n'aurait alors qu'un caractère subsidiaire par rapport au droit
interne de la récusation 3790 : les parties n'échapperaient à la lourdeur et aux rigueurs de la procédure
prévue aux articles 342 et suivants du Code de procédure civile qu'en présence de circonstances non
visées à l'article L. 111-6 du Code de l'organisation judiciaire, lorsqu'elles n'ont eu connaissance
d'une cause de récusation qu'après la clôture des débats 3791, ou, encore, lorsque la cause de
récusation se traduit par une irrégularité dans la composition de la juridiction, irrégularité qui est
elle-même susceptible de se voir appliquer un régime propre 3792. L'article 6-1 ne serait une sorte de
o

« joker » que pour celles des parties à qui l'on ne pourrait pas reprocher d'avoir négligé les
exigences des articles 342 et suivants du Code de procédure ou d'autres textes de droit interne. Il est,
enfin, permis de supposer que les heureux bénéficiaires de l'article 6-1 pourraient recourir à de
o

simples conclusions pour demander au président de la juridiction un changement dans la composition


de celle-ci. On ne pourrait plus parler de « récusation » à proprement parler.

§ 2. L'ABSTENTION

1145 Notion et procédure. – L'abstention ou « déport » consiste, pour un juge, à demander lui-
même à être écarté d'une affaire dont il est saisi. L'article 339 du Code de procédure civile envisage
deux cas d'abstention : lorsque le juge suppose en sa personne une cause de récusation ou lorsqu'il
estime en conscience devoir s'abstenir. La procédure consécutive à l'abstention d'un juge est
nettement plus simple que la procédure de récusation, ce qui se comprend très bien dès lors qu'elle ne
présente aucun caractère contentieux : en cas d'abstention, le juge est remplacé par un collègue
désigné par le président de sa juridiction. Et si c'est un juge d'instance (juge unique) qui se
« déporte », c'est le président du tribunal de grande instance qui lui désignera un remplaçant.

1146 Les personnes concernées. – Quant aux personnes susceptibles de s'abstenir, le Code de
procédure civile ne vise que les juges, mais il y a lieu, par analogie avec la récusation, de considérer
que les membres du ministère public peuvent également se déporter dans les deux cas envisagés par
l'article 339 précité. En ce qui concerne les arbitres et les techniciens chargés d'une mesure
d'instruction, la solution est un peu différente, puisqu'ils peuvent par principe refuser une mission,
contrairement à un magistrat. L'article 234, alinéa 3, du même code dispose donc que le technicien
qui s'estime récusable doit le déclarer au juge. Et l'article 1456 du Code de procédure civile prévoit
que l'arbitre doit révéler aux parties toute circonstance susceptible d'affecter son indépendance ou
son impartialité. Si une partie s'oppose à sa désignation ou à son maintien, la difficulté est tranchée
par la personne chargée d'organiser l'arbitrage ou, à défaut, par le juge d'appui 3793.

SECTION II
LE RENVOI
1147 Notion. – Aux termes de l'article L. 111-8 du Code de l'organisation judiciaire, le renvoi,
couramment appelé dépaysement, est un incident conduisant au dessaisissement d'une juridiction et au
transfert du dossier à une autre juridiction « de même nature et de même degré ». Cet article précise
que le renvoi « peut être ordonné pour cause de suspicion légitime, de sûreté publique, ou s'il existe
des causes de récusation contre plusieurs juges ».

§ 1. LE RENVOI POUR CAUSE DE SUSPICION LÉGITIME

1148 Les conditions. – On a vu que la récusation consistait à écarter de la procédure un juge


(principalement), en présence de circonstances de nature à mettre en doute son impartialité. Le renvoi
pour cause de suspicion légitime permet, quant à lui, de faire remplacer la juridiction elle-même,
lorsqu'elle présente, dans son ensemble, un risque de partialité. Il est exceptionnel que la totalité des
juges soit concernée par ce soupçon. Le plus souvent, seuls deux ou plusieurs parmi eux sont en
cause, mais c'est tout de même cette procédure qui prend le pas sur la procédure de récusation,
comme le prévoit l'article L. 111-8 du Code de l'organisation judiciaire. Il peut aussi arriver que seul
le chef de la juridiction réponde à une des conditions de la récusation. La jurisprudence y voit alors
également une cause de renvoi pour cause de suspicion légitime, en raison de l'influence que son
autorité hiérarchique lui confère sur les autres magistrats 3794. Sur le fond comme dans la forme les
deux incidents sont donc proches l'un de l'autre. C'est pourquoi, la demande de renvoi pour cause de
suspicion légitime est soumise « aux mêmes conditions de recevabilité et de forme que la demande de
récusation » 3795. Concrètement, si l'on s'en tient au texte, cela signifie, par exemple, que l'auteur de la
demande doit invoquer, à l'encontre de la juridiction, une des causes de récusation visées à
l'article L. 111-6 du Code de l'organisation judiciaire 3796, qu'il doit le faire dès qu'il en a
connaissance et au plus tard avant la clôture des débats, qu'il doit le faire par acte remis au greffe ou
par déclaration auprès du greffier, etc. 3797

1149 Le déroulement de la procédure de renvoi pour cause de suspicion légitime. – Une fois
informé de la demande de renvoi, le greffier en adresse communication au président de la juridiction
concernée 3798. C'est à lui et à lui seul, en tant qu'il incarne l'ensemble de la juridiction, qu'il revient
d'acquiescer à cette demande ou de s'y opposer. À ce stade de la procédure, le président est dans une
situation comparable à celle d'un juge contre lequel serait formée une demande de récusation. Et si
une partie a formé à la fois une demande de récusation et une demande de renvoi pour cause de
suspicion légitime, la jurisprudence considère que c'est cette seconde procédure qui s'applique seule
aux deux demandes, car elles sont indivisibles 3799.
S'il estime que le renvoi à une autre chambre de la même juridiction est justifié, le président en
désigne une pour remplacer celle qui est dessaisie. Si une telle mesure ne lui paraît pas suffire à
écarter le risque de partialité, il transmet le dossier au président de la juridiction immédiatement
supérieure et il appartient alors à celui-ci de désigner une juridiction de renvoi 3800. Lorsque le renvoi
est décidé, aucun recours n'est ouvert. Cette décision s'impose aux parties comme aux juges de
renvoi 3801.
Si le président de la juridiction visée par la demande de renvoi estime que celle-ci n'est pas
fondée, il s'y oppose en transmettant l'affaire au président de la juridiction immédiatement supérieure,
auquel il communique les motifs de son refus d'accéder à la demande de renvoi. En vertu de
l'article 359 du Code de procédure civile, cette juridiction immédiatement supérieure a alors un mois
pour statuer, en chambre du conseil 3802. Le texte ajoute qu'il n'est pas nécessaire d'appeler les parties,
mais, comme en matière de récusation, la jurisprudence de la Cour de cassation est plus respectueuse
du principe contradictoire, puisqu'elle décide que le requérant doit être informé de la date à laquelle
aura lieu l'audience 3803, tout en considérant qu'en l'absence de débat et de toute disposition en ce
sens, le ministère public n'a pas à communiquer ses conclusions ni à les mettre à la disposition des
parties 3804. Lorsque la juridiction juge que la demande de renvoi est justifiée, elle désigne soit une
chambre autre que celle initialement saisie, soit carrément une autre juridiction de même nature 3805.
Cette décision s'impose aux parties aussi bien qu'aux juges de renvoi. Elle n'est susceptible d'aucun
recours 3806. Et si, au contraire, la demande de renvoi est finalement rejetée, celui qui l'a formée peut,
comme en matière de récusation, être condamné à une amende civile ou à des dommages et
intérêts 3807.
Enfin, il est à noter que, durant la procédure de renvoi pour cause de suspicion légitime, l'instance
n'est pas en principe suspendue devant la juridiction dont le dessaisissement est demandé 3808.
Cependant, le président de la juridiction saisie de la demande de renvoi peut ordonner que celle qui
est soupçonnée de partialité devra surseoir à statuer jusqu'à la décision sur le renvoi 3809. S'il ne le
fait pas, il se peut que la juridiction contestée rende une décision au fond ou avant-dire droit avant
que la requête en suspicion légitime soit elle-même jugée. Dans ce cas, il est évident que si cette
requête est finalement accueillie, la décision rendue par la juridiction dessaisie devra être considérée
comme non avenue 3810.

1150 Renvoi pour cause de suspicion légitime et Convention européenne des droits de
l'homme. – Nous avons vu précédemment que le droit à un juge impartial consacré par l'article 6-
1 de la Convention européenne des droits de l'homme avait fait son apparition en jurisprudence, dans
o

le domaine naguère réservé des textes relatifs à la récusation 3811. Le même phénomène s'est
logiquement produit en matière de renvoi. Et là encore, la Cour de cassation a décidé que les juges
chargés de statuer sur le renvoi pour cause de suspicion légitime ne devaient pas se borner à
rechercher une solution à la seule lumière de l'article L. 111-6 du Code de l'organisation judiciaire
(auquel renvoie l'article 341 du Code de procédure civile) et qu'il leur fallait rechercher s'il existait
« une cause permettant objectivement de douter de l'impartialité » de la juridiction visée 3812. C'était
reconnaître clairement que la liste de l'article L. 111-6, applicable à la suspicion légitime comme à la
récusation, n'était pas limitative. Depuis lors, la Cour de cassation a confirmé que le renvoi pour
cause de suspicion légitime pouvait être ordonné, en cas de partialité de la juridiction, en dehors
même des cas visés à l'article L. 111-6 3813. Pour le reste, les incertitudes relevées à propos de
l'articulation de la convention européenne des droits de l'homme et des textes relatifs à la récusation
se retrouvent, concernant le renvoi pour cause de suspicion légitime.

§ 2. LE RENVOI POUR CAUSE DE SÛRETÉ PUBLIQUE

1151 Notion et régime. – Extrêmement rare en pratique, le renvoi pour cause de sûreté
publique est organisé par les articles 365 et 366 du Code de procédure civile. Ces textes ne
définissent pas ce qu'il faut entendre par « cause de sûreté publique », mais la doctrine s'accorde à y
voir des circonstances mettant en péril la sécurité des juges, le maintien de l'ordre public dans la
ville où ils siègent ou la sérénité de la justice 3814. On pense, par exemple, à une situation
insurrectionnelle, une guerre, une épidémie... La procédure n'a alors plus rien à voir avec celle que
l'on connaît en matière de renvoi pour cause de suspicion légitime. En effet, le renvoi pour cause de
sûreté publique est prononcé par la Cour de cassation, sur réquisition de son procureur général.
L'article 366 du Code de procédure civile précise que les articles 360 à 362 du même code sont
alors applicables, ce qui signifie, notamment, que l'affaire est renvoyée à une autre juridiction de
même nature que celle primitivement saisie, que cette décision s'impose aux parties et aux juges de
renvoi et qu'elle n'est pas susceptible de recours. Pareillement, il appartient au premier président de
la Cour de cassation d'ordonner ou non que la juridiction initialement saisie sursoie à statuer en
attendant la décision de la haute Juridiction. Quant aux autres dispositions du Code de procédure
civile relatives au renvoi pour cause de suspicion légitime, si elles ne sont pas applicables, c'est
parce que, reposant sur la mise en cause de l'impartialité du tribunal, elles sont totalement hors de
propos dans la procédure de renvoi pour cause de sûreté publique.

§ 3. LE RENVOI EN CAS DE DEMANDE DE RÉCUSATION CONTRE PLUSIEURS


JUGES

1152 Pluralité de juges, unicité de l'acte. – Lors de l'étude de la récusation, nous n'avons
envisagé que le cas dans lequel la demande de récusation est dirigée contre un seul juge. Cependant,
rien n'interdit à une partie de réclamer la récusation de plusieurs juges qui, pour des raisons
communes ou propres à chacun d'entre eux, seraient soupçonnés de partialité. L'article 355, alinéa 1 , er

du Code de procédure civile dispose alors que ces différentes demandes doivent être regroupées
dans un même acte, à moins, bien sûr, qu'une des causes de récusation ne se révèle qu'ultérieurement.

1153 Une procédure hybride. – Cela étant, la récusation de plusieurs juges au sein d'une même
juridiction pourrait susciter des difficultés d'organisation interne telles qu'il faudrait renvoyer le
dossier à une autre juridiction. Ceci est particulièrement vrai pour les petits tribunaux qui comportent
peu de magistrats. Afin de prévenir ce risque de carence en personnel, les textes prévoient qu'en cas
de demande de récusation formée contre plusieurs juges, il est procédé comme en matière de renvoi
pour cause de suspicion légitime 3815. Autrement dit, alors même qu'une partie exprime des griefs
contre certains juges mais non contre la juridiction prise dans sa globalité, la procédure de récusation
va céder automatiquement la place à une procédure de renvoi. Cependant, ce renvoi comporte un
caractère hybride qui rappelle en partie la procédure de récusation, puisqu'en vertu de l'article 364
du Code de procédure civile, les juges visés par l'acte de récusation seront invités à répondre à cette
demande (conformément à l'article 347), ce qui n'est pas le cas dans une procédure de renvoi pour
cause de suspicion légitime où seul le président fait connaître ses motifs de refus. Et ce n'est qu'après
qu'ils auront répondu ou qu'ils auront laissé s'écouler le délai de réponse que débutera la procédure
de renvoi.

1154 L'abstention de plusieurs juges empêchant la juridiction saisie de statuer. – Cette


situation, bien que distincte de celle que nous venons d'envisager, doit être évoquée à sa suite, en
raison de l'identité de leurs effets. Lorsque l'abstention de plusieurs juges empêche la juridiction
saisie de statuer, l'article 340 du Code de procédure civile dispose qu'il est procédé, là encore,
comme en matière de renvoi pour cause de suspicion légitime. Il est vrai que le déport de magistrats
est tout autant de nature à perturber le fonctionnement de la juridiction, que leur récusation.
Cependant, on notera que la substitution d'une procédure de renvoi à la procédure d'abstention n'est
pas automatique : elle suppose que la juridiction soit effectivement empêchée de statuer. C'est une
différence de taille avec le renvoi pour cause de demande de récusation contre plusieurs juges.
CHAPITRE II
LES INCIDENTS LIÉS AUX PARTIES

1155 Présentation. – Le procès ordinaire met aux prises un demandeur et un défendeur qui
exposent tous les deux leurs prétentions et leurs moyens. Ce schéma peut se trouver modifié de deux
façons opposées. D'un côté, il peut arriver que l'une des parties, presque toujours le défendeur, ne
comparaisse pas ou n'accomplisse pas les actes de procédure qui lui incombent. En termes
techniques, on dit que cette partie fait défaut (section I). Inversement, il se peut que les parties
originaires 3816 se trouvent rejointes dans l'instance par d'autres parties, soit qu'elles y aient été
attraites, soit qu'elles aient pris l'initiative de s'y joindre. Dans l'un et l'autre cas, on parle
d'intervention (section II) pour désigner l'acte par lequel une personne devient partie à l'instance à
laquelle elle était jusque-là étrangère.

SECTION I
LE DÉFAUT

1156 Problématique. – Il y a défaut lorsque l'une des parties ne comparaît pas ou n'accomplit
pas les actes de procédure qui lui incombent. On doit donc distinguer deux sortes de défaut : le défaut
faute de comparaître et le défaut faute d'accomplir les actes de procédure. Le premier défaut est plus
complet que le second : la partie ne se présente pas du tout devant le juge. Dans le second, la partie
se présente devant le juge et ce n'est que par la suite qu'elle cesse de participer au procès.
Quelle attitude doit-on adopter, en législation, à l'égard du défaut, et surtout à l'égard du défaut
faute de comparaître ? D'un côté, il est certain que le défaut d'une partie est susceptible de fausser les
éléments du débat et, par voie de conséquence, le jugement lui-même. En principe, le juge ne doit pas
seulement entendre l'une des versions de l'affaire et l'on peut trouver injuste qu'une personne soit
condamnée sans que le juge l'ait entendue. D'un autre côté, le défaut ne doit pas empêcher le procès
d'avoir lieu. Sinon, on arriverait à ce résultat choquant que le défendeur honnête qui comparaît
pourrait être condamné, alors que le défendeur malhonnête qui ne comparaît pas échapperait au
jugement. Il faut essayer de tenir la balance égale entre ces deux préoccupations.

1157 Évolution du droit positif. – Le Code de procédure civile de 1806 faisait sans doute la
part trop belle au défaillant. La réglementation du défaut reposait sur deux règles essentielles. La
première est que le défaut du défendeur ne peut constituer à lui seul une cause de condamnation. Il
s'agit là d'un principe traditionnel du droit judiciaire privé français. Il trouve son expression, en droit
positif actuel, dans l'article 472 du Code de procédure civile, aux termes duquel « le juge ne fait droit
à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée ». Contrairement à
ce qu'on pourrait penser, cette règle n'est pas admise de façon universelle. Le droit romain et à sa
suite le droit allemand font prévaloir, avec des nuances, la solution inverse : le défaut injustifié est
tenu pour un aveu de la partie défaillante 3817. La seconde règle était que tout défendeur qui avait été
condamné par défaut disposait contre le jugement du recours spécifique de l'opposition, grâce à
laquelle il pouvait obtenir qu'un nouvel examen de l'affaire ait lieu. En ouvrant l'opposition aussi
largement, le Code de procédure civile incitait le défendeur, dont la cause était mauvaise et la
conscience peu exigeante, à faire systématiquement défaut pour gagner du temps.
Si la première règle n'a jamais été remise en cause, comme en témoigne l'article 472 du Code de
procédure civile, toute l'évolution du droit judiciaire privé français, à partir de 1935, a consisté à
restreindre l'ouverture de l'opposition. Aujourd'hui, son ouverture est soumise à des conditions très
strictes. Elle est totalement exclue pour le défaut faute d'accomplir les actes de procédure. Elle
n'intéresse que le défaut faute de comparaître, qui est le seul défaut qui justifie dans certains cas que
le plaideur défaillant soit traité favorablement : le défaut ne lui est pas imputable s'il n'a pas su qu'un
procès avait été intenté contre lui.
Pour mettre en application ces idées, le Code de procédure civile, dans les articles 467 à 479,
distingue d'abord les deux sortes de défaut (§ 1) qu'il soumet à un régime très différent. Ensuite, il
joue sur la qualification du jugement qui met fin à l'instance marquée par le défaut de l'une des
parties. On constatera que, le plus souvent, une procédure par défaut ne débouche pas sur un jugement
par défaut, mais sur un jugement réputé contradictoire ou même sur un jugement contradictoire. Il
convient donc d'examiner dans un second temps le jugement rendu sur le défaut (§ 2).

§ 1. LES DEUX SORTES DE DÉFAUT

1158 Plan. – On étudiera d'abord le plus important des deux, le défaut faute de comparaître
(A). Le défaut faute d'accomplir les actes de procédure n'appelle, dans un second temps, que des
explications plus brèves (B).

A. LE DÉFAUT FAUTE DE COMPARAÎTRE

1159 Le défaut du demandeur. – Le défaut faute de comparaître est presque toujours le fait du
défendeur, soit qu'il ne reçoive pas l'assignation, soit que, l'ayant reçue, il décide de ne pas
comparaître ou encore néglige de le faire. Exceptionnellement, le défaut peut émaner du demandeur.
Ce défaut ne peut être envisagé que devant les juridictions d'exception où la représentation n'est pas
obligatoire. Devant le tribunal de grande instance, l'assignation comporte la constitution d'avocat qui
vaut comparution 3818. Mais, devant une juridiction d'exception, il peut se faire que le demandeur ne
comparaisse pas lors de la première audience à laquelle l'affaire est appelée, sans avoir
préalablement fait valoir un motif légitime de non-comparution. L'article 468 du Code de procédure
civile offre alors un choix à son adversaire : le défendeur peut demander au juge de prononcer la
caducité de la citation ou de statuer sur le fond 3819. Ce choix ne s'impose pas complètement au juge.
D'abord, dans tous les cas, le juge peut décider de renvoyer l'affaire à une audience ultérieure 3820.
Ensuite, le juge peut prononcer d'office la caducité de la citation, même si elle n'a pas été sollicitée
par le défendeur. L'inverse n'est pas vrai : le juge ne peut pas statuer sur le fond si le défendeur ne le
demande pas 3821. Le jugement prononçant la caducité de la citation 3822 met fin à l'instance sans que le
demandeur ait pu être entendu. C'est pourquoi l'article 468 du Code de procédure civile dispose que
« la déclaration de caducité peut être rapportée si le demandeur fait connaître au greffe dans un délai
de quinze jours le motif légitime qu'il n'aurait pas été en mesure d'invoquer en temps utile. Dans ce
cas, les parties sont convoquées à une audience ultérieure » 3823.
Le défaut du demandeur est très rare. Celui du ou des défendeurs est beaucoup plus fréquent.

1160 Le défaut du défendeur unique. – La première préoccupation du législateur étant d'éviter


le défaut du défendeur, l'article 471 du Code de procédure civile dispose que le défendeur qui ne
comparaît pas peut être à nouveau cité à comparaître. Cependant le défaut peut être dû à deux causes
bien différentes : l'ignorance ou le désintérêt 3824, et seule la première cause justifie la sollicitude du
législateur. Aussi l'article 471 réserve-t-il la réitération de la citation au cas où la citation n'a pas été
délivrée à personne et on remarquera que, même dans cette hypothèse, le législateur ne l'impose pas.
La délivrance d'une seconde citation peut résulter de l'initiative du demandeur qui souhaite que la
citation soit délivrée à personne et qu'ainsi le jugement ne soit pas qualifié de jugement par
défaut 3825. Le juge peut aussi l'ordonner d'office.
L'article 471, alinéa 2, du Code de procédure civile dispose qu'en principe, la citation est réitérée
selon les formes de la première citation : devant le tribunal de grande instance, la seconde citation
consiste donc en une nouvelle assignation. Cependant, lorsque la première citation a été effectuée par
le secrétaire de la juridiction, le juge peut décider que, pour plus de garantie, la seconde citation sera
faite par acte d'huissier. Par ailleurs, il existe des règles particulières pour le conseil de
prud'hommes et pour la cour d'appel 3826. Pour que le défendeur soit informé des conséquences de son
abstention, la seconde citation lui indique 3827 que, même s'il ne comparaît pas, le juge statuera
néanmoins sur le fond, elle lui indique aussi quelle sera la qualification du jugement rendu en son
absence 3828.
Le défaut du défendeur ne met pas obstacle à la poursuite de l'instance et le juge va statuer sur le
fond. Il faut rappeler ici la disposition de l'article 472, alinéa 2, du Code de procédure civile, selon
laquelle « le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et
bien fondée 3829 ». Par exemple, le juge ne peut pas donner satisfaction au demandeur au seul motif
que le défaut du défendeur « permet de penser qu'il n'a rien de sérieux à opposer à la demande et que
la créance est justifiée 3830 ». En fait, la solution est très probablement fondée : c'est ainsi que
s'explique l'écrasante majorité des défauts, mais la loi interdit au juge de fonder sa décision sur cet
argument purement statistique. D'ailleurs, on trouve quelques très rares exemples de demandeurs
déboutés en dépit du défaut de leur adversaire 3831.

1161 Le défaut en cas de pluralité de défendeurs. – La pluralité de défendeurs soulève une


difficulté supplémentaire liée au fait que certains peuvent être défaillants, tandis que les autres
comparaissent. Si les demandes ont le même objet, c'est-à-dire si elles reposent sur une matière
litigieuse totalement ou au moins partiellement identique 3832, l'article 474 du Code de procédure
civile impose une qualification unique pour le jugement. Selon les cas, il sera réputé contradictoire
ou, au contraire, qualifié de jugement par défaut 3833. En revanche, lorsque les demandes n'ont pas le
même objet, le jugement peut être rendu par défaut à l'égard d'un défendeur et contradictoire (ou
réputé contradictoire) à l'égard d'un autre. Ce doit être le cas, en particulier, dans les hypothèses
assez fréquentes d'appel en garantie par un défendeur initial. La demande formée par ce dernier
contre son garant n'a pas le même objet que celle formée à l'égard du débiteur par le demandeur en
responsabilité. Celle-ci tend à la réparation d'un dommage, celle-là à la couverture du responsable
par son garant. Si le garant est défaillant, le jugement pourra être rendu par défaut à son égard et
contradictoirement à l'égard du défendeur principal. Il en irait différemment dans les hypothèses où
c'est le demandeur initial qui agit conjointement contre le prétendu responsable de son dommage et
contre le garant de celui-ci, car alors les deux demandes auraient le même objet.
Jusqu'à la réforme du 28 décembre 2005, l'article 474 du Code de procédure civile ajoutait que,
si la décision à intervenir n'était pas susceptible d'appel, celles des parties défaillantes qui n'avaient
pas été citées à personne devaient être citées à nouveau 3834. Ce texte avait pour objectif de donner
aux parties défaillantes une chance supplémentaire d'avoir connaissance du procès. Toutefois, cette
nouvelle citation, qui pouvait être coûteuse lorsqu'il s'agissait d'une assignation, n'atteignait pas
forcément son but et elle était mal comprise par celles des parties qui, étant comparantes, voyaient
leur procès reporté. L'obligation du juge d'ordonner une nouvelle citation a donc été supprimée. Ce
n'est plus, désormais, qu'une simple faculté.
Qu'il y ait une ou deux citations successives d'un défendeur, l'article 475 du Code de procédure
civile énonce que « le juge ne peut statuer avant l'expiration du plus long délai de comparution, sur
première ou seconde citation » et qu'il « statue à l'égard de tous les défendeurs par un seul et même
jugement 3835 ».

B. LE DÉFAUT FAUTE D'ACCOMPLIR LES ACTES DE PROCÉDURE

1162 Sanctions. – Le défaut faute d'accomplir les actes de procédure 3836 n'appelle aucune
sollicitude particulière du législateur. Par définition, la partie défaillante a comparu. L'abstention
ultérieure qu'elle manifeste ne peut donc être liée à son ignorance du procès. Les articles 469 et 470
du Code de procédure civile se bornent à tirer les conséquences de cette abstention. Celle du
défendeur est à la fois la plus fréquente et la plus simple. L'instance se poursuit et le juge statue sur la
demande « au vu des éléments dont il dispose ». En cas d'abstention du demandeur, la même règle
s'applique sous cette réserve que le défendeur peut demander au juge de prononcer la caducité de la
citation. Par rapport au défaut faute de comparaître, le défaut faute d'accomplir les actes de
procédure du demandeur offre une différence sensible : le juge ne peut pas d'office prononcer la
caducité de la citation. Chaque fois qu'il le souhaite, le défendeur obtiendra un jugement sur le fond.
En revanche, l'article 469 du Code de procédure civile n'indique pas clairement si le juge est tenu de
prononcer la caducité lorsque le défendeur le lui demande. Il semble préférable d'admettre que le
juge est lié par la demande que lui adresse le défendeur, si bien qu'il ne peut passer outre et statuer
sur le fond 3837.
Lorsque les deux parties s'abstiennent de concert 3838 d'accomplir les actes de procédure,
l'article 470 du Code de procédure civile prévoit une sanction différente et plus limitée que la
caducité de la citation. Le juge ne peut que radier 3839 l'affaire « après un dernier avis adressé aux
parties elles-mêmes et à leurs mandataires si elles en ont un ».

§ 2. LE JUGEMENT RENDU SUR DÉFAUT

1163 Plan. – Dans le but de restreindre au maximum l'ouverture de la voie de recours


spécifique au défaut que constitue l'opposition, le législateur joue sur la qualification du jugement
rendu. C'est autour de cette qualification que s'ordonne toute la réglementation du défaut. Pour
chacune des situations de défaut, le législateur confère au jugement l'une des trois qualifications
suivantes : jugement contradictoire, jugement réputé contradictoire et jugement par défaut. Il importe
de connaître la qualification retenue (A), compte tenu du régime qui lui est attaché (B).

A. LA QUALIFICATION DU JUGEMENT

1164 Le jugement dit « contradictoire ». – Comme les mots l'indiquent suffisamment, la


qualification de jugement contradictoire s'attache normalement au jugement rendu à l'issue d'un débat
contradictoire. Et, en effet, dans la grande majorité des situations, la qualification répond à la réalité
des choses. Cependant, le Code de procédure civile utilise parfois la qualification de jugement
contradictoire à titre de sanction. Autrement dit, le législateur veut que certains jugements, qui en fait
n'ont pas été rendus après un débat contradictoire, soient traités comme s'ils l'avaient été. En
application des articles 467 et 469 du Code de procédure, entrent dans cette catégorie tous les
jugements rendus sur un défaut faute d'accomplir les actes de procédure : la comparution des parties
montre qu'elles ont eu connaissance du litige et suffit à entraîner cette qualification. La même
qualification est donnée par l'article 468 au jugement rendu à la suite d'un défaut faute de comparaître
du demandeur. Ce second cas est particulièrement révélateur de la volonté des rédacteurs du Code de
procédure civile, qui n'hésitent pas à nier la réalité concrète des choses pour sanctionner l'attitude
désinvolte du demandeur qui, après avoir pris l'initiative du procès, s'en désintéresse.

1165 Le jugement réputé contradictoire. – Pour limiter le domaine de l'opposition, le


législateur ne s'est pas contenté de qualifier certains jugements de façon artificielle. Il a également
créé une catégorie intermédiaire, celle des jugements réputés contradictoires, dans laquelle il a placé
la majorité des jugements concrètement rendus par défaut faute de comparaître.
Lorsque le défaut faute de comparaître est le fait d'un défendeur unique, le jugement est réputé
contradictoire dès lors que le défendeur a été cité à personne ou que le jugement est susceptible
d'appel. La qualification retenue par l'article 473 du Code de procédure civile pour la première
hypothèse ne surprend pas. La citation ayant été délivrée à la personne même du défendeur, celui-ci
n'a pas pu ignorer le procès intenté contre lui. Le Code estime qu'aucune sollicitude ne lui est due. On
remarquera cependant que cette qualification le met dans une position inconfortable si le jugement a
été rendu en dernier ressort, qu'il s'agisse d'un jugement au premier degré insusceptible d'appel ou
d'un arrêt d'appel. En effet, le défendeur ne peut plus former qu'un pourvoi en cassation, ce qui lui
interdit de faire valoir des éléments de fait nouveaux. La qualification de jugement réputé
contradictoire donnée au jugement susceptible d'appel surprend davantage. La citation n'ayant pas été
délivrée à personne, on ne peut pas affirmer que le défendeur en a eu effectivement connaissance,
mais le législateur estime, non sans raison il est vrai, que, dans l'écrasante majorité des cas, le
défendeur a eu connaissance de la citation même lorsqu'elle n'a pas été délivrée à personne et que la
possibilité d'interjeter appel constitue une garantie suffisante pour le plaideur, tout en décourageant
les manœuvres dilatoires 3840. C'est pourquoi le choix a été fait de fermer au défaillant la voie de
l'opposition, en refusant au jugement la qualification de jugement par défaut.

1166 Le jugement par défaut. – La catégorie des jugements par défaut est délimitée par
l'article 473 du Code de procédure civile. Pour qu'un jugement rendu contre un défendeur unique soit
un jugement par défaut, trois conditions doivent être réunies. Il faut que la décision soit rendue en
dernier ressort, que le défendeur n'ait pas été cité à personne et qu'il n'ait pas comparu. Ces exigences
sont assez draconiennes et tendent, il faut le rappeler, à limiter le domaine des jugements par défaut.
Cependant, cette volonté politique de restreindre la catégorie des jugements par défaut au profit
de celle des jugements contradictoires ou réputés contradictoires a connu une inflexion, avec le
décret n 2005-1678 du 28 décembre 2005. En effet, désormais, lorsque l'absence de comparution est
o

le fait d'un ou de plusieurs défendeurs 3841, l'article 474 du Code de procédure civile dispose que « le
jugement est rendu par défaut », si une au moins des parties défaillantes n'a pas été citée à personne et
qu'en même temps le jugement n'est pas susceptible d'appel. C'est dire que dans le cas où certains
défendeurs répondent aux conditions pour être jugés par défaut, tandis que les autres répondent aux
conditions d'un réputé contradictoire, c'est la qualification par défaut qui l'emporte. Cette solution
doit sûrement être approuvée, car la solution inverse était d'une excessive sévérité pour le plaideur
qui se voyait refuser la possibilité de faire opposition au seul motif que d'autres défendeurs avaient
été à coup sûr informés de l'action engagée contre eux 3842. Il ne pouvait emprunter que la voie du
pourvoi en cassation, plus coûteuse et plus étroite que celle de l'opposition. En inversant la solution
qui était jusqu'alors consacrée, les auteurs de la réforme de décembre 2005 ont rompu avec la
volonté antérieure du législateur d'aboutir à une unité de régime et de recours à l'égard de tous les
défendeurs.
La modification de l'article 474 pose cependant problème sur un point. Si le jugement est rendu
par défaut, l'opposition est-elle ouverte à toutes les parties défaillantes ou seulement à celles qui
n’ont pas été citées à personne ? Pour la Cour de cassation, l’opposition est fermée à la partie
défaillante qui avait été citée à personne 3843. Il est vrai que si elle était seule défaillante, le jugement
ne serait pas rendu par défaut. On la traite donc comme les parties comparantes qui ne peuvent faire
opposition, dès lors que l'article 571 du Code de procédure civile, non modifié en 2005, énonce que
l'opposition « n'est ouverte qu'au défaillant ». Les uns pourront donc faire opposition, tandis que les
autres pourront se tourner vers un pourvoi en cassation, alors même que les demandes dirigées contre
les uns et les autres avaient le même objet. Un risque de collision des deux voies de recours existe,
mais il est de toute façon consacré par l’actuel article 613 du Code de procédure civile 3844.

B. LE RÉGIME DU JUGEMENT

1167 Régime du jugement par défaut. – Le jugement contradictoire ne présente aucune


particularité : il est le jugement normal, soumis aux règles qui ont déjà été énoncées pour ce qui est
de sa rédaction, de sa notification et des recours dont il peut faire l'objet. Ce sont les deux autres
sortes de jugement dont il convient de signaler les traits distinctifs. Le plus original est le jugement
par défaut 3845, qui se distingue sur quatre points du jugement contradictoire. D'abord, aux termes de
l'article 571 du Code de procédure civile, le jugement par défaut est susceptible d'opposition, dont il
a déjà été dit qu'elle était la voie de recours spécifique de ce type de jugement. Les indications qui
précèdent permettent de vérifier qu'une partie ne peut pas faire opposition puis dans un second temps
interjeter appel : dans cet ordre, les deux voies de recours sont exclusives l'une de l'autre 3846.
En deuxième lieu, il résulte de l'article 478 du Code de procédure civile que le jugement par
défaut est réputé non avenu s'il n'est pas signifié dans les six mois de sa date 3847 et la jurisprudence
ajoute que cette caducité ne peut être invoquée que par la partie non comparante 3848 et à condition
que la décision lui fasse grief 3849. Le législateur n'entend donc pas permettre à une partie de se munir
d'un jugement qu'elle garderait caché jusqu'à ce qu'elle soit certaine que son adversaire ne dispose
plus des éléments de preuve suffisants 3850 et la jurisprudence n'entend pas non plus lui permettre
d'invoquer une caducité dont elle est responsable pour n'avoir pas notifié la décision à son
adversaire non comparant 3851. Enfin, de ce que la règle de l'article 478 a pour but de protéger les
parties à l'égard desquelles la décision a été rendue par défaut, la Cour de cassation déduit
logiquement qu'en cas de pluralité de défendeurs, la caducité ne peut pas être invoquée par les parties
qui ont comparu ou ont été assignées à personne. Il n'en va différemment que si le jugement est
indivisible entre des parties dont au moins une d'elles répond aux conditions du texte 3852 : en cas
d'indivisibilité, on ne peut concevoir que le jugement soit caduc entre X et Y, mais pas entre X et Z.
En troisième lieu, l'article 540 du même code dispose que le président de la juridiction qui a
rendu le jugement a la faculté de relever le défendeur de la forclusion résultant de l'expiration du
délai pour former opposition si le défendeur, sans qu'il y ait eu faute de sa part, n'a pas eu
connaissance du jugement en temps utile pour exercer son recours ou s'il s'est trouvé dans
l'impossibilité d'agir. Enfin, aux termes de l'article 479 du Code de procédure civile, le jugement par
défaut « rendu contre une partie demeurant à l'étranger doit constater expressément les diligences
faites en vue de donner connaissance de l'acte introductif d'instance au défendeur ».

1168 Régime du jugement réputé contradictoire. – Situé entre le jugement contradictoire et le


jugement par défaut, le jugement réputé contradictoire emprunte ses règles tantôt à l'un, tantôt à
l'autre. C'est au jugement contradictoire qu'il emprunte le trait le plus important : « le jugement réputé
contradictoire, dispose l'article 477 du Code de procédure civile, ne peut être frappé de recours que
par les voies ouvertes contre les jugements contradictoires ». À la différence du jugement par défaut,
il n'est donc pas susceptible d'opposition. C'était là l'objectif que poursuivait le législateur en créant
cette catégorie : le défaut faute de comparaître n'ouvre plus systématiquement la voie de recours de
l'opposition. Pour le reste, le jugement réputé contradictoire peut être aligné sur le jugement par
défaut : les dispositions des articles 540 3853 et 479 du Code de procédure lui sont applicables. Pour
ce qui est de la règle posée par l'article 478, obligeant le demandeur à notifier le jugement dans les
six mois de sa date, le Code opère une distinction selon la façon dont la citation a été délivrée au
défendeur. La règle ne s'applique que si le défendeur n'a pas été cité à personne. Dans le cas inverse,
le jugement réputé contradictoire est traité comme un jugement contradictoire.

SECTION II
L'INTERVENTION

1169 Interventions stricto et lato sensu. – L'intervention constitue l'une des trois sortes de
demande incidente. Son originalité, que fait ressortir la définition donnée par l'article 66 du Code de
procédure civile, est « de rendre un tiers partie au procès engagé entre les parties originaires 3854 ». Il
s'agit de l'intervention au sens strict. Dans un sens plus large, on utilise aussi le terme « intervention »
pour désigner l'introduction dans le procès d'une personne qui agira ès qualités, pour représenter ou
assister une partie déjà présente. Ainsi, le tuteur ou le curateur d'une personne frappée d'une
incapacité peut intervenir à l'instance de sa propre initiative ou être mis en cause par l'adversaire de
l'incapable 3855. On sera alors tenté de parler « d'intervention volontaire », dans le premier cas, ou
« d'intervention forcée » dans le second, mais au prix d'un risque de confusion, car il n'y a pas
intervention au sens de l'article 66 3856. En effet, aucune demande incidente n'est formée par ou contre
ce nouveau venu et celui-ci ne devient pas une nouvelle partie au procès, puisqu'il ne fait qu'agir ès
qualités en représentation ou aux fins d'assistance d'une partie préexistante. Pareillement, le jugement
ne produira d'effet ni pour lui, ni contre lui. À côté de l'intervention, demande incidente régie par le
Code de procédure civile et qui sera seule étudiée, existent donc des interventions au sens large (ou
au sens courant du terme), qui n'ont qu'un lointain rapport avec elle 3857.
L'article 66 du Code de procédure civile distingue deux sortes d'intervention stricto sensu, selon
que l'initiative en est prise par le tiers ou par une partie originaire. Avant d'étudier successivement
l'intervention volontaire (§ 1) et l'intervention forcée (§ 2), il faut indiquer quelques règles communes
à ces deux sortes d'intervention.

1170 Règles communes aux interventions forcée et volontaire. – La première, qu'énonce


l'article 325 du Code de procédure civile, n'est pas seulement commune aux deux sortes
d'intervention, elle l'est aussi aux autres demandes incidentes : « l'intervention n'est recevable que si
elle se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant ». Au premier degré 3858, l'intervention
est en principe recevable en tout état de cause 3859. Cependant une intervention formée alors que
l'instance entre les parties originaires est déjà très avancée est susceptible de retarder à l'excès le
jugement sur leurs demandes. L'article 326 dispose que, dans une telle situation, le juge peut procéder
à une disjonction d'instance et statuer sur la cause principale avant d'examiner la demande en
intervention.
Par ailleurs, l'article 333 du Code de procédure civile dispose que « le tiers mis en cause est tenu
de procéder devant la juridiction saisie de la demande originaire, sans qu'il puisse décliner la
compétence territoriale de cette juridiction, même en invoquant une clause attributive de
compétence 3860 ». La règle présente surtout de l'intérêt lorsque l'intervention est une intervention
forcée, ce qui explique qu'elle ne soit énoncée qu'à son propos, mais elle joue aussi en cas
d'intervention volontaire : une partie originaire ne saurait décliner la compétence du tribunal pour
connaître d'une demande en intervention volontaire formée contre elle. Le domaine de l'article 333
est limité à la compétence territoriale. Le tribunal originairement saisi n'est compétent, au regard des
règles de compétence d'attribution, que dans les limites fixées, notamment, par l'article 51 du Code
de procédure civile : le tribunal de grande instance, le tribunal d'instance et la juridiction de
proximité 3861, peuvent connaître de toute demande en intervention qui ne relève pas de la compétence
exclusive d'une autre juridiction, alors que les juridictions d'exception (autres) ne peuvent en
principe connaître que de celles qui entrent dans leur propre compétence 3862.

§ 1. L'INTERVENTION VOLONTAIRE

1171 Plan. – Les articles 328 à 330 du Code de procédure civile posent une distinction entre
deux sortes d'intervention volontaire 3863 : l'intervention principale (A) et l'intervention accessoire
(B).

A. L'INTERVENTION PRINCIPALE

1172 Notion et régime. – L'article 329 du Code de procédure civile définit l'intervention
principale comme celle qui « élève une prétention au profit de celui qui la forme ». Ainsi, une
victime d'un accident ayant déjà formé une action, à son tour, une autre victime demande réparation
de son propre préjudice en intervenant dans l'instance créée par la première victime. Dans cet
exemple, L'intervenant fait valoir un droit différent de celui du demandeur originaire 3864.
Exceptionnellement, l'intervenant peut faire valoir, à son profit, le même droit que le demandeur
originaire, ce qui le conduit à contredire la prétention de celui-ci : par exemple, un procès oppose
deux personnes sur la propriété d'un bien. Une troisième personne intervient et soutient que le bien
litigieux n'appartient ni au demandeur ni au défendeur, mais à lui 3865. Le demandeur en intervention
formant une prétention qui lui est propre, l'article 329, alinéa 2, du Code de procédure civile exige
qu'il ait un droit d'agir, c'est-à-dire qu'il ait qualité et intérêt : on ne voit pas en effet pourquoi une
personne serait admise à faire valoir une prétention par voie d'intervention volontaire alors qu'elle
serait irrecevable à le faire par voie de demande initiale.
Les effets qui découlent de l'intervention volontaire principale sont liés à l'idée que l'intervenant
soumet au juge une prétention qui lui est propre et qui est donc autonome par rapport à celle du
demandeur originaire. C'est pourquoi elle n'est pas affectée par le désistement, l'acquiescement ou la
transaction auxquels peut procéder le demandeur originaire. De même, pour ce qui est de sa
prétention, l'intervenant volontaire peut exercer toutes les voies de recours qui lui sont ouvertes de la
même façon que s'il avait formé une demande initiale. Peu importe que le demandeur originaire
s'abstienne d'en former une.

B. L'INTERVENTION ACCESSOIRE

1173 Notion et conditions. – L'article 330 du Code de procédure civile énonce que
« l'intervention est accessoire lorsqu'elle appuie les prétentions d'une partie ». Par opposition à
l'intervenant principal, celui qui forme une intervention accessoire ne soumet pas au juge une
prétention qui lui serait propre, il se contente de soutenir ou d'appuyer les prétentions d'une partie.
L'intervention accessoire est essentiellement le fait des personnes morales. Mais il arrive parfois
qu'elle soit le fait de personnes physiques.
L'article 330 du Code de procédure civile dispose que l'intervention accessoire « est recevable si
son auteur a intérêt, pour la conservation de ses droits, à soutenir » la partie dont elle appuie les
prétentions. Comment faut-il comprendre l'intérêt que vise cette disposition ? En principe, un
plaideur a intérêt à agir chaque fois qu'il sollicite du juge l'effet juridique d'une règle de droit
substantiel 3866. Or, par définition, celui qui forme une intervention accessoire ne le fait pas. Pour les
syndicats, les ordres et les associations, une telle attitude ne peut pas surprendre. Elle correspond à
la possibilité que leur reconnaît la loi ou la jurisprudence de faire valoir en justice des règles de
droit dont elles ne sont pas susceptibles d'être les destinataires, au nom d'un « intérêt collectif » dont
on a vu qu'il pouvait s'analyser tantôt en l'intérêt général, tantôt en la somme des intérêts individuels
de ses membres 3867. Au demeurant, leur intervention accessoire est dotée du caractère déclaratoire
qui caractérise fréquemment ce type d'actions 3868. L'intérêt que vise l'article 330 doit alors
s'apprécier selon les principes qui ont été indiqués à leur propos : l'action du groupement est
recevable chaque fois qu'au-delà de la situation personnelle des parties, le litige intéresse la
« cause » que défend le groupement 3869.
C'est surtout pour les personnes physiques qu'apparaissent les difficultés, parce qu'elles n'ont pas
qualité pour faire valoir les règles de droit dont elles ne sont pas susceptibles d'être les destinataires.
Comment pourraient-elles intervenir aux côtés de celui qui a qualité ? Pour que l'article 330 ait un
sens, il faut admettre que l'intervention accessoire est plus largement ouverte que la demande
ordinaire 3870 : il suffit que l'effet substantiel du jugement soit susceptible d'affecter les droits de celui
qui forme l'intervention accessoire 3871 ou encore que le litige porte sur des faits qui auraient été
réalisés par l'intervenant accessoire 3872.
1174 L'audition volontaire d'un tiers sans intervention accessoire. – Ce qui distingue
l'intervenant accessoire de l'intervenant principal, c'est le fait que le premier ne demande rien pour
lui-même. Il se borne à présenter des moyens en faveur d'une partie. À proprement parler, cet
intervenant n'est donc pas une vraie partie et sa situation rappelle, toutes proportions gardées, celle
du ministère public lorsqu'il est « partie jointe ». En effet, comme le parquet, l'intervenant accessoire
se borne à développer un argumentaire de fait et de droit à l'intention du juge. La comparaison
s'arrête là, car le parquet n'a pas un intérêt personnel à la solution du litige, si ce n'est son intérêt à
faire consacrer une saine interprétation de la loi, alors que l'article 330 du Code de procédure civile
subordonne la recevabilité de l'intervention accessoire à l'existence d'un intérêt de l'intervenant
« pour la conservation de ses droits ». Cela étant, s'il n'est pas une vraie partie, l'intervenant
accessoire n'est pas non plus un vrai tiers au procès puisque, précisément, il y intervient. Est-ce à
dire que toute personne qui se manifeste spontanément auprès du tribunal dans le souci d'influer sur la
solution d'un litige auquel elle n'est pas partie devrait se voir appliquer le régime de l'intervention
volontaire ? En principe, ce devrait être le cas, mais ce n'est pas toujours ce que décide la Cour de
cassation. Ainsi, a-t-elle jugé que la HALDE 3873 n'était pas un intervenant accessoire, mais un tiers,
lorsqu'elle demandait à être entendue dans un procès civil, conformément à la loi 3874. Le juge n'avait
donc pas à déclarer son intervention « recevable ». Cette solution était dictée par la loi qui énonçait
que l'audition de la HALDE était de droit lorsqu'elle la sollicitait. La même solution devrait être
retenue, de nos jours, concernant le Défenseur des droits 3875. En revanche, c'est de manière bien plus
contestable que la Cour de cassation a admis qu'un organisme professionnel se présente comme
amicus curiae, donc sans emprunter la voie de l'intervention accessoire, pour donner son point de
vue dans un dossier en cours, alors qu'aucun texte ne prévoyait de dérogation au régime de
l'intervention 3876.

1175 Régime. – La particularité de l'intervention accessoire se répercute sur son régime. On


vient de le dire, l'intervenant accessoire se trouve placé dans une position qui n'est ni celle d'un tiers
ni celle d'une partie au sens plein du terme. D'un côté, l'intervenant accessoire peut proposer des
moyens nouveaux 3877 au soutien des prétentions de la partie originaire 3878. Mais d'un autre côté,
l'intervenant accessoire subit le désistement, l'acquiescement ou la transaction auxquels procéderait
la partie originaire. De même, il ne peut pas prendre l'initiative de former une voie de recours
autonome. Il ne peut que s'associer à la voie de recours déjà formée par la partie originaire 3879. En
contrepartie, l'article 330 du Code de procédure civile l'autorise à se désister unilatéralement de son
intervention.

§ 2. L'INTERVENTION FORCÉE

1176 Plan. – L'intervention forcée, que l'on appelle encore la mise en cause ou l'appel en
cause 3880, est régie par les articles 331 à 338 du Code de procédure civile. Leur lecture fait
apparaître une distinction entre deux sortes d'intervention forcée : l'intervention aux fins de
condamnation (A), et l'intervention aux fins de jugement commun (B). L'existence de deux sortes
d'intervention forcée pourrait conduire à établir un parallèle avec les deux sortes d'intervention
volontaire. Il convient de dire immédiatement qu'un tel rapprochement serait infondé : si
l'intervention volontaire principale peut être rapprochée de l'intervention forcée aux fins de
condamnation, l'intervention forcée aux fins de jugement commun n'est pas du tout le pendant de
l'intervention volontaire accessoire 3881.

A. L'INTERVENTION AUX FINS DE CONDAMNATION

1177 Initiative et conditions. – Comme son nom l'indique suffisamment, l'appel aux fins de
condamnation tend à obtenir la condamnation du tiers contre lequel il est formé. À l'époque de
l'ancien Code de procédure civile, on s'était demandé si le juge pouvait ordonner la mise en cause
d'un tiers. Aujourd'hui, le doute n'existe plus. L'article 332 du Code actuel dispose qu'en matière
contentieuse, le juge peut seulement « inviter » les parties à mettre en cause les intéressés dont la
présence lui paraît nécessaire à la solution du litige 3882. Le mot utilisé doit être pris dans son sens
ordinaire : l'invitation n'est pas un ordre 3883. Aux termes de l'article 331 du même code, il faut que le
demandeur en intervention forcée soit « en droit d'agir (...) à titre principal » contre le tiers, c'est-à-
dire qu'il ait qualité et intérêt pour cela. La règle et la raison de la règle sont les mêmes que pour
l'intervention volontaire principale : pourquoi une personne serait-elle admise à faire valoir une
prétention par voie d'intervention forcée alors qu'elle serait irrecevable à le faire par voie de
demande initiale ? L'article 331 ajoute que « le tiers doit être appelé en temps utile pour faire valoir
sa défense ». Cette disposition présente un intérêt tout particulier lorsque le litige donne lieu à des
mesures d'instruction 3884.
La demande peut être formée par le demandeur originaire. Par exemple, la victime d'un accident
forme une demande en réparation contre celui qu'elle croit être l'auteur de son dommage. L'instruction
de l'affaire faisant naître des doutes sur la responsabilité du défendeur originaire, elle assigne en plus
une autre personne, dont la responsabilité pourrait être envisagée. La demande en intervention forcée
peut aussi émaner du défendeur originaire. Le plus souvent, elle consiste alors en un appel en garantie
formé par le défendeur qui prétend être titulaire d'un tel droit contre le tiers qu'il met en cause : par
exemple, la caution doit être garantie par le débiteur principal, l'acquéreur par le vendeur et l'assuré
par l'assureur. Le défendeur pourrait faire valoir sa créance de garantie dans une instance distincte,
mais il est plus rapide, plus simple 3885 et moins coûteux pour lui de le faire à titre incident.

1178 Catégories d'appel en garantie. – Le Code de procédure civile distingue deux sortes
d'appel en garantie. Aux termes de l'article 334, la garantie est simple lorsque « le demandeur en
garantie 3886 est lui-même poursuivi comme personnellement obligé », elle est formelle lorsqu'il est
seulement poursuivi « comme détenteur d'un bien ». Il résulte de ce texte que, contrairement à ce
qu'on pourrait penser a priori, la distinction entre les deux sortes de garantie n'est pas fondée sur les
relations entre le garant et le garanti, mais sur celles entre le demandeur originaire et le garanti.
Ainsi, à la suite d'un accident, la garantie due par l'assureur à l'auteur de l'accident est une garantie
simple, parce que l'auteur de l'accident (le défendeur originaire) est personnellement obligé à l'égard
de la victime (le demandeur originaire) : c'est lui qui est responsable au premier chef 3887. À
l'inverse, la garantie due par le vendeur à l'acheteur qui fait l'objet d'une action en revendication est
une garantie formelle : en effet, l'acheteur (le défendeur originaire) n'est tenu d'aucune obligation
positive 3888 à l'égard du revendiquant (le demandeur originaire). Inversement peu importe le lien de
droit qui peut exister entre l'acquéreur (le garanti) et le vendeur (le garant).

1179 L'appel en garantie simple. – Selon que la garantie est simple ou formelle, la situation
du demandeur en garantie est soumise à des règles différentes. Lorsque la garantie est simple,
l'article 335 du Code de procédure civile dispose que le demandeur en garantie demeure partie
principale. L'explication de cette règle est qu'en tant que défendeur originaire, il est personnellement
tenu envers le demandeur. Il ne saurait se soustraire à son obligation en formant un appel en garantie.
L'exemple du cautionnement est particulièrement démonstratif. À quoi servirait-il qu'un créancier
exige de son débiteur qu'il fournisse une caution si, par la suite, la caution peut se soustraire à la
demande en paiement formée contre elle en demandant la garantie du débiteur principal ?

1180 L'appel en garantie formelle. – Il n'en va pas de même lorsque la garantie est formelle
parce que le défendeur originaire ne doit rien personnellement. C'est pourquoi l'article 336 du Code
de procédure civile dispose que « le demandeur en garantie formelle peut toujours requérir, avec sa
mise hors de cause, que le garant lui soit substitué comme partie principale ». Par exemple, si l'acte
de vente vient d'être conclu, l'acheteur du terrain revendiqué peut n'avoir aucun argument propre à
faire valoir contre le demandeur, alors qu'à l'inverse, le vendeur connaît toutes les circonstances dans
lesquelles il a lui-même acquis et possédé le terrain. L'acheteur peut demander à se retirer du procès,
son vendeur lui étant substitué.
Quelques précisions doivent être apportées. En premier lieu, le demandeur en garantie peut
vouloir ne pas se retirer complètement ou, plus exactement, vouloir se retirer du procès pour y
revenir juste après. Une fois mis hors de cause, le défendeur originaire peut en effet former une
intervention volontaire accessoire pour soutenir son garant 3889. Dans cette situation, les positions
procédurales des parties sont désormais les suivantes : le garant est devenu défendeur principal et le
défendeur originaire intervenant accessoire. Ensuite, le demandeur originaire peut, pour la
conservation de ses propres droits, s'opposer au retrait du défendeur originaire. On peut imaginer,
dans l'exemple utilisé, que le demandeur veuille faire juger que l'acheteur savait que le terrain
n'appartenait pas au vendeur, qu'il était donc de mauvaise foi, ce qui n'est pas sans conséquence sur
l'obligation de restituer les fruits perçus. Enfin, l'article 337 du Code de procédure civile dispose
que, quelle que soit la situation procédurale du défendeur originaire, le jugement peut être mis à
exécution contre lui sous la seule condition qu'il lui ait été notifié. Les données de la situation
imposent cette solution : c'est dans les mains du garanti que se trouve le bien qui fait l'objet du litige
et c'est donc contre lui que le jugement doit être exécuté pour que le demandeur en obtienne la
restitution.

B. L'INTERVENTION AUX FINS DE JUGEMENT COMMUN

1181 Caractère déclaratoire. – L'intervention forcée aux fins de jugement commun se


distingue par son objet de l'intervention forcée aux fins de condamnation. Le demandeur à
l'intervention ne sollicite pas du juge qu'il prononce une condamnation contre le tiers. Il veut
seulement que la réalité et la qualification juridique des faits qui fondent la condamnation contre le
défendeur originaire soient également établies contre l'intervenant forcé, qu'ils aient donc contre lui
l'autorité de la chose jugée. L'intervention aux fins de jugement commun peut ainsi être analysée
comme une action déclaratoire que l'on ajoute à une demande initiale ordinaire : contre le défendeur
originaire, le demandeur sollicite l'effet juridique de la règle ; contre l'intervenant forcé, il sollicite
la constatation des éléments du présupposé de la règle invoquée contre le défendeur originaire 3890.
Un exemple permettra d'illustrer notre propos. Un bien a été légué à Primus, cette libéralité étant
assortie d'une charge au profit de Secundus. Quinze ans plus tard, le légataire estime que l'exécution
de la charge pesant sur lui est devenue « extrêmement difficile » et il assigne les héritiers du testateur
en révision des charges, sur le fondement de l'article 900-2 du Code civil 3891. Cependant, si l'action
de Primus aboutissait, Secundus pourrait avoir idée de former tierce opposition, pour obtenir le
rétablissement de la charge dont il était bénéficiaire 3892. Afin de se débarrasser de cette épée
de Damoclès, Primus peut prendre les devants en assignant Secundus aux fins de jugement commun
dès le début du procès engagé contre les héritiers du testateur, ou en formant un peu plus tard, contre
lui, une demande en intervention forcée aux fins de jugement commun. Dans un cas comme dans
l'autre, il ne s'agira pas d'obtenir une condamnation du bénéficiaire de la charge, mais simplement de
le rendre partie à l'instance. De la sorte, le jugement aura autorité de chose jugée à son égard et, ayant
été partie, il ne pourra pas former tierce opposition.
Le caractère déclaratoire de ce type d'intervention commande sa recevabilité. La présentation
d'une demande initiale normale, portant en tout ou en partie sur les mêmes faits, plaide en faveur de la
recevabilité de l'intervention, car elle fait disparaître l'aspect artificiel que l'on oppose en général à
la création d'une instance dont l'objet est purement déclaratoire. Cette première donnée ne peut
suffire. On ne saurait admettre que, sous prétexte qu'une demande initiale normale a été formée, l'une
des parties originaires puisse former une demande aux fins de jugement commun contre le reste de
l'humanité. Pour que sa demande soit recevable, il faut encore que le demandeur à l'intervention en
établisse l'utilité, et il a déjà été indiqué que l'utilité d'une action déclaratoire s'apprécie au regard de
la probabilité de faire jouer dans l'avenir l'effet juridique de la règle 3893. C'est cela que,
concrètement, doit montrer le demandeur à l'intervention 3894.
Hormis ce qui est lié à son caractère déclaratoire, l'intervention aux fins de jugement commun
obéit aux mêmes règles 3895 que l'intervention aux fins de condamnation. Il faut souligner en
particulier que le tiers devient pleinement partie au litige, avec toutes les conséquences qui en
résultent. C'est ainsi que le désistement, la transaction et l'acquiescement intervenus entre les parties
originaires ne l'affectent pas. Le jugement qui sera rendu aura pour lui ou contre lui l'autorité de la
chose jugée et l'intervenant pourra exercer toutes les voies de recours ouvertes contre ce jugement.
On constate ainsi que sa situation est très différente de celle de l'intervenant volontaire accessoire,
qui, lui, n'est pas pleinement partie au litige. La raison de cette différence tient à ce que l'intervenant
forcé est personnellement touché par une demande, qui est formée contre lui.

BIBLIOGRAPHIE

J. BARRÈRE, « La rétractation du juge civil », Mélanges P. Hébraud, Toulouse, 1981, p. 1.


Y. DESDEVISES, Carence des parties : Jugements par défaut. Jugements réputés contradictoires.
Opposition, Litec, 2003.
N. FRICERO, « L'impartialité de l'expert, un élément clef d'une expertise équitable », Mélanges
D. Tricot, Dalloz et Litec, 2011, p. 355.
J.-P. GRIDEL, « L'impartialité du juge dans la jurisprudence civile de la Cour de cassation »,
Mélanges Jean Buffet, éd. Petites Affiches, 2004, p. 241.
J. MIGUET, Immutabilité et évolution du litige, Paris, 1977.
J. NORMAND, « L'impartialité du juge en droit judiciaire privé français », L'impartialité du juge et de
l'arbitre. Étude de droit comparé, Bruylant, 2006, p. 63.
CHAPITRE III
LES INCIDENTS D'INSTANCE

1182 Plan. – Les incidents que régissent les articles 367 à 410, composant le titre XI du livre
premier du Code de procédure civile, peuvent être répartis en deux groupes. Les uns affectent la
poursuite de l'instance (section I). Ils ont en commun d'entraîner son arrêt temporaire : par exemple,
l'arrivée à l'âge de la majorité d'une partie qui était jusque-là représentée interrompt l'instance, qui ne
reprendra qu'avec un acte émanant du majeur lui-même. Les autres incidents produisent un effet plus
important encore, puisqu'ils entraînent l'extinction de l'instance (section II). On peut parler d'une
extinction prématurée : l'instance s'éteint avant le jugement, qui en constitue le terme normal.

SECTION I
LES INCIDENTS AFFECTANT LA POURSUITE DE L'INSTANCE

1183 Notions de suspension et d'interruption de l'instance. – Les incidents qui affectent le


déroulement de l'instance sont de deux sortes : l'interruption (§ 1) et la suspension (§ 2) de l'instance.
Les mots utilisés par le droit judiciaire privé ne doivent pas prêter à confusion. L'interruption et la
suspension sont des termes qui se trouvent déjà associés en matière de prescription. Le délai de la
prescription peut faire l'objet d'une interruption ou d'une suspension qui en affectent le déroulement.
Ce rapprochement est partiellement trompeur. La suspension de l'instance ressemble à la suspension
du délai : de même que la suspension de la prescription arrête la computation du délai, la suspension
de l'instance entraîne l'arrêt de l'instance jusqu'à ce que disparaisse la cause de la suspension. En
revanche, l'interruption de la prescription n'a rien de commun avec celle de l'instance. L'interruption
de la prescription anéantit rétroactivement la partie du délai qui s'était déjà écoulée, si bien qu'à la
suite de l'interruption, c'est un nouveau délai qui commence à courir. L'interruption de l'instance n'a
aucun effet rétroactif : elle n'affecte pas les actes antérieurs. L'instance se trouve seulement arrêtée.
L'interruption de l'instance produit donc le même effet que la suspension de l'instance. En quoi alors
se distinguent-elles ? La différence tient à ce que, si l'instance est arrêtée en raison d'une cause de
suspension, elle reprend sans formalité particulière dès que la cause de suspension disparaît, alors
que, si l'instance est arrêtée en raison d'une cause d'interruption, sa reprise est subordonnée à
l'accomplissement d'une formalité.

§ 1. L'INTERRUPTION DE L'INSTANCE
1184 Division. – Une fois qu'auront été indiquées les causes d'interruption de l'instance (A), il
faudra étudier la formalité de la reprise d'instance (B) qui en fait l'originalité par rapport à la
suspension de l'instance.

A. LES CAUSES D'INTERRUPTION

1185 Catégories. – Les articles 369 et 370 du Code de procédure civile distinguent deux sortes
de causes d'interruption de l'instance : certaines jouent de plein droit, alors que les autres ne jouent
que si elles font l'objet d'une notification. Aux unes comme aux autres s'applique la règle de
l'article 371 du même code, aux termes duquel « en aucun cas, l'instance n'est interrompue si
l'événement survient (pour les causes automatiques) ou est notifié (pour les causes soumises à
notification) après l'ouverture des débats 3896 ».

1186 Les causes d'interruption automatiques. – La première cause d'interruption automatique


qu'énonce l'article 369 du Code de procédure civile est la majorité d'une partie. Elle suscite une
difficulté pratique quand l'acte introductif d'instance n'indique pas la date de naissance du
demandeur : le juge et l'adversaire ne peuvent pas savoir qu'il s'est produit une cause d'interruption.
En pratique cependant, cette lacune n'affecte guère que l'acte introductif formé par déclaration au
greffe, que l'on rencontre devant le tribunal d'instance, le tribunal paritaire des baux ruraux ou le
conseil de prud'hommes 3897.
L'article 369 du Code de procédure civile cite ensuite la cessation des fonctions de l'avocat d'une
partie lorsque la représentation est obligatoire 3898. L'expression utilisée par l'article 369 est
volontairement très large : elle englobe toutes les situations qui paralysent l'activité procédurale de la
partie, ainsi le décès, la démission, l'interdiction ou la destitution de l'avocat. La révocation du
mandat et la renonciation au mandat de représentation ad litem font l'objet d'une réglementation
particulière pour qu'aucune discontinuité n'apparaisse dans la représentation des parties et que
l'instance ne soit pas interrompue 3899.
En troisième lieu, l'instance est interrompue par l'effet du jugement qui prononce l'ouverture d'une
procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, « dans les causes où il
emporte assistance ou dessaisissement du débiteur ». Pris à la lettre, l'article 369 du Code de
procédure civile signifie que l'instance n'est pas interrompue par l'ouverture de la procédure
collective si le débiteur en faillite ne fait pas l'objet d'une mesure d'assistance ou de représentation.
Mais, d'un autre côté, l'article L. 622-21 du Code de commerce dispose que l'ouverture de la
procédure interrompt certaines instances, notamment celles qui tendent à la condamnation du débiteur
au paiement d'une somme d'argent. Le domaine de l'interruption est donc plus large que ce que
donnerait à penser le contenu étroit de l'article 369 du Code de procédure civile 3900. On peut tout de
même regretter qu'à l'occasion de la réforme du droit des procédures collectives de 2005, le
législateur n'ait toiletté qu'en partie les articles du Code de commerce. En effet, l'article L. 622-22,
tout en disposant désormais que les instances en cours sont interrompues jusqu'à déclaration de sa
créance par le créancier poursuivant, énonce qu'elles sont ensuite reprises de plein droit. Cette
reprise prétendument automatique, qui s'accordait bien avec la suspension que prévoyait l'ancien
article L. 621-41 du Code de commerce, contredit la notion même d'interruption. En réalité, la lettre
de l'article L. 622-22 révèle qu'il n'y a pas d'automatisme de la reprise de l'instance. En effet, cette
reprise suppose que le demandeur déclare sa créance et mette en cause les mandataires de justices
désignés dans la procédure collective. Le second de ces actes a valeur d'acte de reprise d'instance.
1187 Les causes d'interruption soumises à notification. – La première cause d'interruption
soumise à notification citée par l'article 370 du Code de procédure civile est le décès d'une partie
dans le cas où « l'action est transmissible 3901 ». Le terme « décès » doit être pris au sens strict : la
disparition d'une personne morale en raison de sa fusion avec une autre entité n'est pas une cause
d'interruption de l'instance à laquelle elle était partie 3902. La deuxième cause est la cessation des
fonctions du représentant légal d'un incapable : par exemple, le décès du parent qui était
l'administrateur légal du mineur 3903. L'article 370 cite en troisième lieu le recouvrement ou la perte
par une partie de la capacité d'ester en justice, pour quelque cause que ce soit, à l'exception
cependant de l'arrivée d'une partie à l'âge de la majorité, dont on a vu qu'elle interrompt l'instance
indépendamment de toute notification. Par exemple, la mise sous tutelle d'un majeur entraîne une
interruption de l'instance à compter de sa notification.
Ces divers événements n'entraînent interruption de l'instance qu'à partir du moment où ils ont été
notifiés à l'adversaire.

B. LA REPRISE D'INSTANCE

1188 La formalité de reprise d'instance. – C'est la nécessité d'une formalité pour la poursuite
de l'instance qui fait l'originalité de l'interruption de l'instance par rapport à la suspension de
l'instance. La formalité de reprise d'instance 3904 peut d'abord être accomplie volontairement par la
partie au profit de laquelle l'interruption est instituée. Par exemple, la partie devenue majeure ou
redevenue capable déclare qu'elle reprend l'instance qui avait été jusque-là menée par son
administrateur légal ou par son tuteur. Aux termes de l'article 373 du Code de procédure civile,
l'instance est reprise « dans les formes prévues pour la présentation des moyens de défense ». Devant
le tribunal de grande instance, la formalité de la reprise d'instance s'effectue donc par des
conclusions notifiées d'avocat à avocat 3905. Lorsque la procédure est orale, elle peut même résulter
d'une simple déclaration à l'audience. À défaut de reprise volontaire, la formalité peut encore être
accomplie par l'adversaire. Pour celui-ci, la formalité consiste à citer l'autre partie à reprendre
l'instance selon les modalités prévues pour l'acte introductif d'instance 3906. Il peut même arriver
qu'une partie soit citée à reprendre l'instance non pas par son adversaire mais par son codéfendeur ou
son codemandeur, qui entend poursuivre le procès sans plus tarder 3907.
À compter de l'accomplissement de la formalité, l'instance reprend, dit l'article 374 du Code de
procédure civile, « en l'état où elle se trouvait au moment où elle a été interrompue ». Ce texte
rappelle qu'à la différence de l'interruption du délai de prescription, l'interruption de l'instance n'a
pas d'effet rétroactif. Ce n'est pas une nouvelle instance qui commence, c'est la même qui se poursuit.
Par exemple, lorsqu'une partie accède à la majorité et reprend l'instance, elle ne peut pas ignorer les
actes accomplis précédemment par son représentant. Elle est liée par tout ce qu'il a fait.
La formalité de la reprise d'instance ne peut être effectuée que par les parties. Le juge ne saurait y
procéder d'office. Cependant, l'interruption de l'instance ne dessaisit pas le juge. C'est pourquoi, aux
termes de l'article 376 du Code de procédure civile, il lui appartient d'« inviter les parties à lui faire
part de leurs initiatives en vue de reprendre l'instance » et de leur fixer des délais pour effectuer les
diligences nécessaires. À défaut d'accomplissement des diligences, le juge peut radier l'affaire 3908.
Dans le but de faciliter la reprise de l'instance, le juge peut aussi demander au ministère public de
recueillir les renseignements nécessaires : par exemple, il est tout à fait possible que les adversaires
d'une partie décédée ignorent qui sont ses héritiers et ne puissent donc pas les citer à reprendre
l'instance.
1189 Le défaut de reprise d'instance. – L'article 372 du Code de procédure civile sanctionne
de façon particulièrement énergique la poursuite de l'instance en l'absence de reprise d'instance ; il
dispose en effet que « les actes accomplis et les jugements même passés en force de chose jugée,
obtenus après l'interruption de l'instance, sont réputés non avenus ». Les actes et même les jugements
se trouvent donc anéantis sans qu'il y ait à exercer contre eux une voie de recours, par dérogation à la
règle posée par l'article 460 du même code 3909.
Cependant, cette nullité des actes et jugements postérieurs n'est qu'une nullité relative puisqu'elle
ne vise qu'à protéger les intérêts de la partie en faveur de laquelle est instituée l'interruption de
l'instance. L'article 372 du Code de procédure civile en tire la conséquence que cette partie peut
ratifier les actes et les jugements postérieurs. Par exemple, la partie devenue majeure peut ratifier
tacitement un jugement obtenu après sa majorité par son représentant légal en le faisant mettre à
exécution. Par ailleurs, seule cette partie peut se prévaloir du caractère non avenu des actes et
jugements. Son adversaire ne le peut pas.

§ 2. LA SUSPENSION DE L'INSTANCE

1190 Les causes de suspension de l'instance. – La réglementation de la suspension de


l'instance, contenue dans les articles 377 à 383 du Code de procédure civile, manque un peu de
clarté. Pour l'ordonner, il faut partir de l'article 377, aux termes duquel, « en dehors des cas où la loi
le prévoit, l'instance est suspendue par la décision qui sursoit à statuer, radie l'affaire ou ordonne son
retrait du rôle ». La lecture de ce texte fait apparaître quatre causes de suspension de l'instance : le
sursis à statuer, la radiation, le retrait du rôle et enfin les cas où la loi le prévoit. Il faut éviter de les
confondre entre eux. On ne risque guère de confondre la radiation et le retrait du rôle avec les deux
autres causes de suspension de l'instance, en raison de leurs traits caractéristiques qui les distinguent
nettement : la radiation sanctionne le défaut de diligence des parties 3910, le retrait du rôle est ordonné
à la demande de toutes les parties 3911 et le Code de procédure civile fait de l'une comme de l'autre
des mesures d'administration judiciaire.
Il est plus difficile de distinguer le sursis à statuer des cas légaux de suspension de l'instance. Il
faut cependant le faire non seulement parce qu'on doit éviter les confusions juridiques, mais aussi
parce que leur régime n'est pas le même. Les articles 378 à 380-1 du Code de procédure civile
régissent le sursis à statuer, mais non les cas légaux de suspension de l'instance, chacun d'eux étant
soumis à un régime particulier. Pour les distinguer, il faut examiner quels sont les pouvoirs reconnus
au juge. Ce qui caractérise le sursis à statuer, c'est son caractère facultatif. À l'opposé, lorsqu'il
constate l'existence d'un cas légal, le juge est tenu de suspendre l'instance. Cette distinction a déjà été
opérée à propos de l'exception dilatoire 3912. L'exception que la loi donne à l'héritier pour accepter ou
refuser la succession constitue un cas légal parce que le juge est tenu de suspendre l'instance. En
revanche, le juge n'est pas tenu de suspendre l'instance pour permettre à une partie d'appeler un
garant. Il lui appartient d'en apprécier l'opportunité. S'il accorde le délai, sa décision est un sursis à
statuer.
En dehors de l'exception dilatoire qui appartient à l'héritier, quels sont les cas légaux de
suspension de l'instance ? On peut citer la suspension de l'instance prévue par l'article 81 du Code de
procédure civile lorsque le juge se déclare compétent sans statuer sur le fond. L'hésitation est
permise pour les questions préjudicielles qui dérogent à la règle « le juge de l'action est le juge de
l'exception ». L'hésitation vient de ce que, dans une telle situation, le juge ne suspend pas toujours
l'instance. C'est ainsi que la Cour de cassation approuve les juges du fond de rejeter une demande de
suspension de l'instance lorsqu'ils estiment que la question préjudicielle administrative ne présente
pas un caractère sérieux ou qu'elle ne porte pas sur une question dont la solution est nécessaire au
règlement du litige 3913. Pour autant, la suspension de l'instance n'est pas abandonnée à la libre
appréciation du juge, car l'appréciation que le juge doit porter est une appréciation de droit et non
d'opportunité. Le juge doit examiner si la question préjudicielle est sérieuse et si sa solution est
nécessaire au règlement du litige. Chaque fois que c'est le cas, le juge a l'obligation de suspendre
l'instance pour le temps nécessaire à l'examen de la question préjudicielle 3914. La question
préjudicielle constitue un cas légal de suspension de l'instance, elle ne relève pas du sursis à statuer
et son régime est celui des incidents de compétence 3915.
Il reste maintenant à examiner le sursis à statuer (A) ainsi que la radiation et le retrait du rôle (B).

A. LE SURSIS À STATUER

1191 La décision de sursis à statuer. – La liberté dont le juge dispose pour accorder ou
refuser un sursis à statuer commande toute la réglementation que contiennent les articles 378 à 380-1
du Code de procédure civile, tant pour ce qui est de la décision elle-même que des recours dont elle
peut faire l'objet.
Si les articles 109 et 110 du Code de procédure civile énoncent, comme cas dans lesquels il peut
être demandé au juge de surseoir à statuer, l'appel en cause d'un garant et l'exercice d'un recours non
suspensif contre une décision qu'invoque l'une des parties, ce n'est qu'à titre d'illustration : le sursis à
statuer peut être sollicité pour les motifs les plus divers. L'un des plus classiques tient au temps
nécessaire pour obtenir une pièce que l'on entend verser aux débats, mais rien n'interdit à un plaideur
de demander un sursis à statuer pour toute autre raison. Les motifs sont si divers que la Cour de
cassation a reconnu aux juges du fond un pouvoir discrétionnaire 3916 pour accorder ou refuser un
sursis à statuer, ce qui les dispense de motiver leur décision 3917. Pour autant, la décision de sursis à
statuer ne peut pas être qualifiée de mesure d'administration judiciaire. La décision de sursis à statuer
peut faire l'objet d'une voie de recours, alors que, par définition, la mesure d'administration
judiciaire n'est sujette à aucun recours 3918.
La décision du juge suspend le cours de l'instance soit pour le temps fixé par le juge (par
exemple, le juge accorde un délai de deux mois pour appeler un tiers en garantie), soit jusqu'à la
survenance d'un événement déterminé par le juge dans sa décision (par exemple, le juge sursoit à
statuer jusqu'à ce que la Cour de cassation ait statué sur le pourvoi formé contre la décision invoquée
devant lui). Dans tous les cas, la décision doit indiquer ce qui mettra fin à la suspension de l'instance.
Inversement, le juge ne saurait suspendre l'instance sans autre indication. À l'expiration du délai, ou
lorsque se produit l'événement prévu par la décision de sursis à statuer, l'instance reprend son cours à
l'initiative des parties ou à la diligence du juge et, à la différence de ce qui a lieu en cas
d'interruption, sans qu'il soit nécessaire d'accomplir quelque formalité que ce soit. L'article 379 du
Code de procédure civile dispose que la suspension de l'instance ne dessaisit pas le juge et le juge
peut, à tout moment modifier sa décision. Il peut ainsi abréger le délai ou même révoquer le sursis
qu'il a prononcé. Il peut aussi, à l'expiration du délai, accorder un nouveau sursis 3919.

1192 Le recours contre la décision. – La décision qui prononce un sursis à statuer peut être
frappée d'appel indépendamment de la décision sur le fond, mais l'article 380 du Code de procédure
civile le soumet à des règles particulières. Comme pour la décision ordonnant une expertise 3920, la
partie qui veut interjeter appel doit obtenir l'autorisation du premier président de la cour d'appel. La
demande est présentée, en la forme des référés, dans le délai d'un mois à compter du prononcé 3921 de
la décision prononçant le sursis. La partie qui veut faire appel doit justifier d'un motif grave et
légitime. S'il décide d'autoriser la partie à interjeter appel, le premier président fixe, par une
décision insusceptible de pourvoi, le jour où l'affaire sera examinée par la cour : en effet, l'instance
d'appel se déroule selon les règles de la procédure à jour fixe 3923. Une fois l'autorisation obtenue,
l'intéressé doit encore faire appel, en déposant sa déclaration d'appel au greffe de la cour, dans le
mois suivant l'ordonnance d'autorisation 3924.
Lorsque la décision qui prononce le sursis à statuer est rendue en dernier ressort, il est
évidemment hors de question de demander au premier président de la cour d'appel l'autorisation de
former appel, puisque cette voie de recours est, de toute façon, fermée. Le seul recours dont est
susceptible la décision de sursis à statuer est le pourvoi en cassation, qui ne suppose alors aucune
autorisation de qui que ce soit, mais qui ne peut être exercé, dit l'article 380-1 du Code de procédure
civile, que « pour violation de la règle de droit ». Cette condition n'est pas originale, mais elle a le
mérite de dissuader les parties qui songeraient naïvement à contester, devant la haute Juridiction,
l'opportunité du sursis à statuer. En pratique, le pouvoir discrétionnaire reconnu aux juges du fond
rend ce recours à peu près sans objet 3925. Une difficulté subsiste cependant sur l'articulation des
articles 380-1 et 608 du Code de procédure civile. Nous savons 3926 que l'article 608 dispose que le
pourvoi en cassation ne peut être formé, indépendamment du jugement sur le fond, que dans les cas
spécifiés par la loi, lorsque la décision attaquée statue sur un incident de procédure sans mettre fin à
l'instance ni trancher une partie du principal. Or, c'est bien souvent le cas des décisions de sursis à
statuer : par hypothèse, une telle décision ne met pas fin à l'instance (elle la suspend) et il arrive
fréquemment que le juge la prenne avant même de trancher une partie du principal. L'article 608 est-il
alors applicable ? Nous ne le pensons pas. À notre avis, l'article 380-1 du Code de procédure civile
est un texte spécial dérogatoire au texte général de l'article 608. En d'autres termes, c'est un des « cas
spécifiés par la loi » auxquels se réfère cette disposition. Le pourvoi en cassation contre une décision
de sursis à statuer doit donc pouvoir être formé immédiatement, sans attendre le jugement sur le
fond 3927. La solution inverse, qui consisterait à subordonner la règle de l'article 380-1 à celle de
l'article 608, conduirait à ôter tout intérêt au premier de ces textes.

B. LA RADIATION ET LE RETRAIT DU RÔLE

1193 Présentation. – La radiation et le retrait du rôle, que régissent les articles 381 à 383 du
Code de procédure civile, sont des décisions par lesquelles le juge décide de retirer une affaire du
rang des affaires en cours. La radiation se présente essentiellement comme une sanction, aux effets
limités, de l'inertie des parties, tandis que le retrait du rôle est demandé par les parties elles-mêmes.
On abordera successivement les causes de radiation et de retrait du rôle (1), puis la décision qui les
prononce (2).

1. Les causes de radiation et de retrait du rôle

1194 Les causes de radiation. – Les divers textes qui prévoient la radiation d'une affaire ont
déjà été indiqués. Il suffit ici de les rappeler brièvement : les articles 470 et 781 du Code de
procédure civile 3928 (le second étant spécifique à l'instruction devant le juge de la mise en état)
prévoient que le juge peut radier l'affaire si les parties s'abstiennent d'accomplir les actes de la
procédure dans les délais impartis. La même sanction est prévue par l'article 90 du même Code 3929,
lorsque la cour d'appel, saisie d'un contredit, décide d'évoquer l'affaire, si aucune des parties ne
constitue avocat dans le délai imparti, et par l'article 97 3930, lorsque l'affaire est renvoyée devant une
juridiction devant laquelle la représentation est obligatoire, si aucune des parties ne constitue avocat
dans le mois de l'avis qui leur a été donné de le faire. On rappellera encore les dispositions des
articles 526 et 1009-1 qui instaurent la radiation comme sanction de l'inexécution d'un jugement
exécutoire frappé d'appel ou d'un arrêt déféré à la Cour de cassation 3931. Enfin, aux termes de
l'article 376 du Code de procédure civile 3932, lorsque l'instance est interrompue, le juge peut radier
l'affaire si aucune diligence en vue de la reprise de l'instance n'est effectuée.

1195 Les causes de retrait du rôle. – Dans toutes les situations qui viennent d'être indiquées,
la radiation sanctionne le défaut de diligences des parties. Cependant, l'article 382 du Code de
procédure civile reconnaît aussi aux parties le droit d'obtenir du juge que l'affaire soit retirée du rôle.
Si l'expression « retrait du rôle » est distincte du terme « radiation », c'est parce qu'il était
souhaitable de ne pas confondre deux opérations dont l'une constitue une sanction pour les parties,
alors que l'autre est prise à leur demande 3933. Mais sur le fond, le retrait du rôle et la radiation sont
assimilables par leurs effets, ce qui explique que nous les traitions ensemble.
La condition posée, par l'article 382 du Code de procédure civile, à une mesure de retrait du rôle
est que toutes les parties en fassent « la demande écrite et motivée ». On comprend bien l'exigence
d'un écrit : il s'agit pour le juge de s'assurer de la volonté des plaideurs. Mais on peut s'interroger sur
l'exigence d'une motivation de la demande de retrait. De manière générale, si des parties souhaitent
mettre en suspens leur affaire, c'est parce qu'elles envisagent de parvenir à une solution amiable du
litige 3934. En quoi une explication aussi banale peut-elle présenter un intérêt pour le juge ? On
pourrait, certes, imaginer que les magistrats ne se contentent pas d'une explication aussi sommaire et
qu'ils attendent une présentation détaillée des négociations en cours. Mais alors on pourrait craindre
que ce « déballage » ne constitue un obstacle au déroulement des futures négociations. De surcroît, le
retrait du rôle est l'affaire des parties bien plus que celle du juge. C'est sans doute pourquoi la
motivation exigée par l'article 382 a, selon la Cour de cassation, un caractère purement formel. En
effet, dès lors que la demande émane de toutes les parties et qu'elle est motivée, le juge n'a pas à en
apprécier le bien-fondé, sauf à commettre un excès de pouvoir 3935. Décidément, l'exigence d'une
motivation de la demande de retrait du rôle apparaît peu pertinente.

2. La décision de radiation ou de retrait du rôle

1196 Nature de la décision. – Le prononcé d'une décision de radiation est soumis à des règles
légèrement différentes selon les diverses causes de radiation. Tantôt, le juge doit adresser aux parties
un avertissement préalable ; tantôt, il n'y est pas tenu. Tantôt, la décision de radiation est motivée ;
tantôt, elle ne l'est pas. À vrai dire, ces différences ne revêtent qu'une importance mineure. Le point
essentiel est que, dans tous les cas, l'article 383 du Code de procédure civile dispose que les
décisions de radiation et de retrait du rôle sont des mesures d'administration judiciaire. Sur le fond,
cette qualification est parfois critiquable 3936, concernant la radiation, mais, étant posée par un texte,
elle ne peut être contestée. Comme le retrait du rôle, la radiation n'est donc sujette à aucun recours et
la Cour de cassation n'y voit pas une atteinte au droit à un procès équitable 3937. L'article 381 précise
qu'une décision de radiation est notifiée par lettre simple aux parties ainsi qu'à leurs représentants,
cette notification indiquant le défaut de diligence sanctionné.
1197 Effet de la décision. – La décision de radiation ou de retrait du rôle ne produit qu'un effet
limité. L'affaire est retirée du rang des affaires en cours, comme mise en sommeil par le juge, parce
que les parties n'accomplissent pas les diligences convenables ou parce qu'elles l'ont elles-mêmes
demandé. En revanche, l'instance demeure, même lorsque la mesure intervient à la demande des deux
parties 3938. Il en résulte que chacune des parties peut mettre fin à la suspension de l'instance dès
qu'elle le souhaite, sans formalité particulière, si ce n'est qu'en cas de radiation, elle doit justifier de
l'accomplissement des diligences dont l'absence avait justifié cette sanction. La fin de la suspension
n'est soumise qu'à une seule limite : les parties doivent y avoir procédé avant la péremption de
l'instance, qui est dotée d'un effet beaucoup plus important, puisqu'elle entraîne l'extinction de
l'instance 3939. Mais, sous cette limite, la radiation et le retrait du rôle constituent des mesures qui ne
présentent pas de danger pour les parties.

SECTION II
LES INCIDENTS METTANT FIN À L'INSTANCE

1198 Extinctions à titre principal et à titre accessoire. – Dans l'écrasante majorité des cas,
c'est le jugement qui met fin à l'instance, dont il est l'issue normale. Cependant certains incidents
entraînent, eux aussi, l'extinction de l'instance, extinction que l'on peut qualifier de prématurée. Ce
sont ces incidents que régissent les articles 384 à 410 du Code de procédure civile. Celui-ci pose une
première distinction entre deux sortes d'extinction de l'instance : l'extinction de l'instance à titre
accessoire et l'extinction de l'instance à titre principal. L'article 384 énonce que, dans un certain
nombre de cas, « l'instance s'éteint accessoirement à l'action ». L'extinction de l'instance n'est donc
que la conséquence de l'extinction d'autre chose ; l'article 384 parle de l'action, on reviendra sur ce
point. Pour l'instant, il suffit de comprendre pourquoi l'instance s'éteint : elle s'éteint parce que le
droit d'agir ou, a fortiori, le droit substantiel de l'une des parties vient à disparaître ; dès lors,
l'instance n'a plus de raison d'être (sous-section 1). À l'opposé, l'article 385 du Code de procédure
civile énonce d'autres hypothèses dans lesquelles l'instance s'éteint à titre principal (sous-section 2).
Cela signifie que l'instance s'éteint seule, pour une raison qui lui est spécifique. Le droit substantiel et
le droit d'agir existent encore, si bien qu'en principe, une nouvelle instance peut encore être créée.

Sous-section 1
L'extinction à titre accessoire

1199 Les causes d'extinction à titre accessoire. – L'article 384 du Code de procédure civile
énonce quatre causes d'extinction de l'instance à titre accessoire : la transaction, l'acquiescement, le
désistement d'action et le décès d'une partie lorsque l'action est intransmissible. Dans les quatre cas,
dit ce texte, l'instance s'éteint « accessoirement à l'action » et, pour le quatrième, il parle de nouveau
des « actions non transmissibles ». Si l'on suit les indications du Code, c'est donc le droit d'agir qui
s'éteint et entraîne par voie de conséquence l'extinction de l'instance. Il faut dans un premier temps
s'interroger sur les mérites de cette analyse (§ 1). Par ailleurs, trois de ces quatre causes reposent sur
un accord des parties auquel le juge peut être amené à donner force exécutoire (§ 2).
§ 1. L'ANALYSE DE LA CAUSE DE L'EXTINCTION

1200 Retour sur la notion d'action. – Les indications de l'article 384 du Code de procédure
civile reflètent la doctrine classique développée par H. Motulsky 3940, qui repose sur une conception
excessivement extensive de l'action, qui est envisagée comme une faculté virtuelle, distincte des
demandes et des défenses. Nous avons déjà expliqué pourquoi cette conception nous paraissait
inexacte, l'action n'étant, selon nous, qu'une façon commode de désigner les actes processuels que
sont les demandes et les défenses. Qu'en résulte-t-il pour la question qui nous intéresse
présentement ? À quoi peut-on rattacher l'extinction accessoire de l'instance ? Dira-t-on que l'instance
s'éteint accessoirement à la demande ou à la défense ? Un tel rattachement n'a guère de sens. En
revanche, l'étude des quatre cas conduit à les rattacher au droit substantiel. Au même titre que
l'obligation naturelle 3941 et la prescription 3942, ils manifestent l'hypertrophie de l'action à laquelle
aboutit la doctrine de Motulsky. De nouveau, une restitution au droit substantiel s'impose, ce qui
conduit à énoncer que, lorsque l'instance s'éteint à titre accessoire, son extinction est liée à celle du
droit substantiel.

1201 Extinction du droit substantiel. – La première cause citée par l'article 384 est on ne peut
plus probante sur ce point. La transaction, faut-il le rappeler, est un contrat civil 3943, par lequel les
parties terminent ou préviennent une contestation par des concessions réciproques, chacune d'elles
renonçant à une partie de ses droits substantiels. Tout cela n'intéresse pas l'action : c'est l'accord sur
les questions de droit substantiel qui rend l'instance sans objet et en entraîne l'extinction. La même
réflexion peut être menée à propos des actions intransmissibles. En réalité, ce n'est pas l'action, mais
le droit substantiel qui est intransmissible 3944 : le droit est tellement attaché à la personne de son
titulaire qu'il s'éteint à la mort de celle-ci. Le droit substantiel litigieux s'étant éteint en cours
d'instance, celle-ci n'a plus de raison d'être. Il en va de même des deux dernières causes d'extinction
à titre accessoire de l'instance, citées par l'article 384 du Code de procédure civile, que sont
l'acquiescement à la demande et le désistement d'action. Chacune d'elles se rapprochant d'une cause
d'extinction de l'instance à titre principal (l'acquiescement à la demande de l'acquiescement au
jugement et le désistement d'action du désistement d'instance), elles seront étudiées en même temps
que celles-ci et, de nouveau, il apparaîtra que ces deux causes d'extinction de l'instance à titre
accessoire intéressent le droit substantiel : une des parties ayant renoncé au droit substantiel litigieux,
l'instance s'éteint elle aussi, par voie de conséquence.
On dit que l'instance s'éteint à titre accessoire parce que, la question de droit substantiel étant
réglée, le juge n'a plus à statuer sur les prétentions relatives à ce droit substantiel : il n'a plus qu'à
rendre une décision de non-lieu à statuer, qui entraîne son dessaisissement 3945, ainsi que l'énonce
l'article 384 du Code de procédure civile.

§ 2. LA CONSTATATION DE L'ACCORD DES PARTIES

1202 Rôle du juge. – Lorsque l'instance s'éteint en raison du décès d'une partie, le rôle du juge
s'arrête là. En revanche, lorsqu'elle s'éteint en raison de l'accord des parties, l'article 384 du Code de
procédure civile ajoute qu'il appartient au juge « de donner force exécutoire à l'acte constatant
l'accord des parties, que celui-ci intervienne devant lui ou ait été conclu hors sa présence ». Ce
faisant, débordant du seul cas de la transaction, l'article 384 renvoie implicitement aux dispositions
des articles 127 à 131 qui régissent la conciliation intervenue en cours d'instance et à celles des
articles 131-1 et suivants relatifs à la médiation 3946. Une conciliation peut résulter d'un accord direct
des parties en cours d'instance 3947, mais aussi d'une initiative du juge, puisqu'aux termes de
l'article 21 du Code de procédure civile, « il entre dans la mission du juge de concilier les parties ».
Sauf disposition particulière, comme en matière prud'homale 3948 par exemple, la loi laisse au juge le
soin d'apprécier le lieu et le moment qu'il estime favorables 3949 pour tenter de concilier lui-même les
parties ou pour désigner un conciliateur 3950. Pareillement, le juge saisi d'un litige peut, après avoir
recueilli l'accord des parties, désigner un médiateur afin de les entendre, de confronter leurs points
de vue et de leur permettre de trouver une solution au conflit qui les oppose 3951.

1203 Obtention d'un titre exécutoire. – L'un des obstacles à la conciliation ou à la médiation
tient à la crainte que l'on peut avoir que l'adversaire ne les accepte que pour mettre fin à un procès
mal engagé et gagner du temps. Leurs réglementations respectives tendent à déjouer cette manœuvre
et par là même à vaincre cette crainte. Pour cela, l'article 130 du Code de procédure civile dispose, à
propos de la conciliation, que la teneur de l'accord, même partiel, est consignée « dans un procès-
verbal signé par les parties et le juge ou dans un constat signé par les parties et le conciliateur de
justice ». L'article 131 ajoute que « des extraits du procès-verbal dressé par le juge peuvent être
délivrés. Ils valent titre exécutoire ». Le procès-verbal de conciliation peut donc être mis à exécution
sans autre procédure, au même titre que le jugement (ou l'arrêt en cas d'appel) qu'aurait rendu le juge
si aucune conciliation n'était intervenue. Les choses se présentent différemment lorsque la
conciliation a été obtenue par un conciliateur, car celui-ci n'a pas le pouvoir, contrairement à un juge,
de produire directement un titre exécutoire. Le constat de conciliation qu'il a dressé devra donc être
homologué par le juge, à la demande des parties, pour valoir titre exécutoire. Selon l'article 131,
cette homologation relève de la matière gracieuse. Pareillement, en matière de médiation,
l'article 131-12 du Code de procédure civile énonce que « le juge homologue à la demande des
parties l'accord qu'elles lui soumettent ». Là encore, selon le texte, l'homologation relèverait de la
matière gracieuse 3952. Grâce à ces dispositions, la partie n'a plus à craindre d'avoir accepté en vain
la conciliation ou la médiation, ni de devoir quelque temps plus tard recommencer un procès.
Bien que cela nous entraîne en dehors de l'hypothèse où une instance judiciaire s'éteindrait à titre
accessoire, il convient d'indiquer qu'un titre exécutoire peut également être obtenu par une partie, à
l'issue d'un différend auquel il a été mis fin amiablement et en l'absence de toute instance
préexistante. On retrouve ici la médiation et la conciliation, modes alternatifs de règlement des
conflits auxquels on peut recourir aussi bien avant tout procès qu'à l'occasion d'un procès. Comptent
également au nombre des modes de résolution amiable des différends, la très classique
transaction 3953, ainsi que la procédure participative imaginée par le législateur en 2010 3954. Il s'agit
d'une convention par laquelle les parties à un différend, assistées de leur avocat, « s'engagent à
œuvrer conjointement et de bonne foi à la résolution amiable de leur différend » 3955. Ces quatre
institutions ont en commun un régime instauré par le décret n 2012-66 du 20 janvier 2012 : l'accord
o

auquel sont parvenues les parties à une médiation, une conciliation, une procédure participative ou
une transaction 3956 « peut être soumis, aux fins de le rendre exécutoire, à l'homologation du juge
compétent pour connaître du contentieux dans la matière considérée 3957 ».

Sous-section 2
L'extinction à titre principal

1204 Causes d'extinction à titre principal. – L'article 385 du Code de procédure civile
énonce trois causes d'extinction de l'instance à titre principal : la péremption d'instance (§ 1), le
désistement d'instance (§ 2) et la caducité de la citation (§ 3). À ces trois causes, il est traditionnel de
joindre l'acquiescement au jugement (§ 4). On remarquera à ce propos que, si l'article 385 ne
mentionne pas l'acquiescement au jugement parmi les causes d'extinction de l'instance,
l'acquiescement se trouve néanmoins réglementé dans le chapitre consacré à l'extinction de l'instance,
immédiatement après les trois causes qui viennent d'être citées. On se conformera à la tradition, après
avoir indiqué qu'à proprement parler, l'acquiescement au jugement ne constitue pas une cause
d'extinction de l'instance.

§ 1. LA PÉREMPTION D'INSTANCE

1205 Fondements de la péremption d'instance. – La péremption d'instance 3958 éteint


l'instance par l'effet de l'inactivité prolongée des parties. Cet effet que la loi attache à leur inactivité
peut être envisagé de deux façons distinctes. D'un côté, on peut dire que le défaut de diligences est le
signe que les parties ont abandonné leurs prétentions. La péremption vient alors traduire et
officialiser une renonciation tacite. D'un autre côté, la péremption peut aussi être conçue comme une
sanction, comme une sorte de super-radiation. Les rédacteurs du Code de procédure civile n'ont
complètement retenu ni l'une ni l'autre de ces conceptions. La lecture de ses articles 386 à 393 montre
que tantôt ils empruntent à l'une, tantôt à l'autre, surtout pour ce qui est des conditions auxquelles est
subordonnée la péremption d'instance (A). Pour ce qui est des effets (B), le choix de l'une ou de
l'autre conception importe moins.

A. LES CONDITIONS DE LA PÉREMPTION

1206 L'absence de diligences des parties pendant deux ans. – Aux termes de l'article 386 du
Code de procédure civile, « l'instance est périmée lorsque aucune des parties n'accomplit de
diligences pendant deux ans » et l'article 391 précise que, par dérogation à la règle contra non
valentem agere, « le délai de péremption court contre toutes personnes physiques ou morales, même
incapables, sauf leur recours contre les administrateurs et tuteurs ».
On remarquera en premier lieu que l'article 386 du Code de procédure civile ne fait pas peser sur
le seul demandeur la charge d'interrompre par ses diligences le délai de péremption. Il appartient
aussi au défendeur, s'il souhaite qu'une décision soit rendue, d'avoir une activité procédurale
suffisante. En faisant peser sur les deux parties la charge d'effectuer les diligences nécessaires, le
Code montre qu'il tient la péremption d'instance pour une sanction. Si la péremption ne faisait que
manifester un abandon des prétentions émises, il ne serait tenu compte que des diligences du
demandeur.
Puisque la péremption constitue une sanction, elle ne peut être encourue qu'en cas de manquement
des parties à leurs obligations. Inversement, le délai ne court pas contre les parties chaque fois que
l'initiative de faire avancer l'instance leur échappe 3959. Ainsi en raison du rôle prépondérant joué par
le conseiller rapporteur dans le déroulement de l'instance prud'homale, l'article R. 1452-8 du Code
du travail dispose que l'instance n'est périmée que si les parties s'abstiennent d'accomplir les
diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction 3960. De façon générale, la
Cour de cassation écarte la péremption chaque fois que « les parties (...) ne sont plus tenues à aucune
diligence 3961 ». Ce sera le cas lorsque l'affaire est en délibéré, car les parties n'ont plus qu'une chose
à faire : attendre que le jugement soit rendu. Dans d'autres hypothèses, la deuxième chambre civile de
la Cour de cassation fait preuve, depuis 2004, du même bon sens. Ainsi a-t-elle décidé que la fixation
de l'audience par le juge, à une date postérieure à celle d'expiration du délai de péremption, dispense
les parties d'accomplir des diligences 3962. Autrement dit, si les parties dont la cause est en état d'être
jugée et qui, par hypothèse n'ont plus rien à ajouter à la discussion, attendent sagement l'audience, la
péremption ne devra pas être retenue 3963. En principe, elles n'ont donc plus, comme par le passé, à
faire un acte pour la forme, par exemple demander la révocation de l'ordonnance de clôture ou faire
signifier de nouvelles conclusions à l'adversaire, à seule fin d'interrompre le délai 3964. Pareillement,
le délai de péremption ne court pas durant la période qui sépare le dessaisissement d'un juge
incompétent, de l'invitation des parties à poursuivre l'instance, que doit leur adresser le greffe de la
juridiction désignée, par application de l'article 97 du Code de procédure civile 3965.
Quant à leur contenu, les diligences consistent en des actes des parties se rapportant à
l'instance 3966, manifestant leur volonté d'en faire avancer le cours et « de nature à faire progresser
l'affaire 3967 », comme une réassignation ou des conclusions 3968. Peu importe, à cet égard que l'acte de
procédure soit entaché de nullité 3969. Il peut même s'agir d'autres actes, comme des lettres adressées
à un expert ou au juge 3970. Inversement, les actes extérieurs au procès n'interrompent pas le délai.
Ainsi en va-t-il, par exemple, du versement d'une pension alimentaire au cours d'une instance en
divorce 3971. Et pareillement, il n'y a pas non plus interruption de la péremption, si les actes
accomplis par une partie ne sont pas de nature à faire progresser l'affaire 3972. Pour être efficaces, les
diligences d'un plaideur doivent manifester une « impulsion processuelle » 3973. Mais peu importe
alors le plaideur qui les accomplit. L’article 386 du Code de procédure civile ne prévoyant la
péremption d’instance que si aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans,
l’activité processuelle d’une seule d’entre elles suffit à interrompre le délai de péremption pour
toutes 3974.
Il n'y a guère qu'en matière prud'homale et de sécurité sociale que la logique de la loi est un peu
différente. La péremption ne vient plus sanctionner le désintérêt des parties pour l'instance, mais leur
inexécution prolongée des diligences mises à leur charge par le juge. Ceci explique que, pour la Cour
de cassation, l'inexécution d'une seule de ces diligences pendant deux ans justifie la péremption de
l'instance, quand bien même d'autres diligences auraient été accomplies dans ce délai 3975. On voit
que dans ce contentieux particulier, il ne s'agit pas tant, pour les parties, de manifester une impulsion
processuelle, que d'obéir aux injonctions du tribunal.

1207 Les incidents affectant le délai de péremption. – Le délai de deux ans peut être affecté
par divers incidents. Aux termes de l'article 392 du Code de procédure civile, « l'interruption de
l'instance emporte celle du délai de péremption ». De la même façon, le sursis à statuer et les cas
légaux 3976 de suspension de l'instance interrompent le délai de péremption et un nouveau délai ne
commence à courir qu'à compter de l'expiration du temps fixé pour la suspension de l'instance ou de
la survenance de l'événement qui y met fin 3977. À l'opposé, la radiation et le retrait du rôle, autres
causes de suspension de l'instance, n'interrompent pas le délai de péremption et même ils le font
courir lorsqu'il était arrêté 3978. La partie qui souhaite éviter la péremption a donc tout intérêt à
accomplir des diligences interruptives, quand bien même l'affaire radiée ou retirée du rôle n'aurait
pas encore été rétablie 3979.
Ces diverses règles doivent être combinées dans la situation suivante : à la suite d'une interruption
de l'instance, le juge invite les parties à prendre des initiatives en vue de la reprise de l'instance,
mais les parties s'en abstiennent. Le juge décide alors de radier l'affaire. L'interruption de l'instance
avait interrompu le délai de péremption. À compter de la décision de radiation, un nouveau délai
commence à courir 3980.
La situation se complique un peu lorsqu'il y a plus de deux parties en cause. En effet, l'interruption
de l'instance étant édictée par la loi dans l'intérêt d'une partie, il est admis en jurisprudence qu'elle ne
produit effet qu'à l'égard de cette partie, l'instance se poursuivant entre les autres plaideurs 3981. Par
exemple si Primus agit en dommages et intérêts à l'encontre de Secundus et de Tertius et que Tertius
est placé en redressement judiciaire dans les conditions de l'article 369 du Code de procédure
civile 3982, l'instance est interrompue dans les relations entre Primus et Tertius, mais elle se poursuit
entre Primus et Secundus. Par voie de conséquence, le délai de péremption est interrompu à l'égard
de la personne que la loi a entendu protéger, mais pas à l'égard des autres. Ceci a pour résultat
paradoxal que la partie étrangère à l'interruption de l'instance pourra invoquer (ou se voir
opposer 3983) la péremption au bout de deux ans d'inactivité processuelle, alors que la partie
« protégée » ne le pourra pas. Dans notre exemple, si Primus commet l'erreur d'attendre le
rétablissement de l'affaire à l'égard de Tertius, sans accomplir de diligence à l'encontre de Secundus,
ce dernier pourra finalement invoquer la péremption et laisser les deux autres parties s'expliquer en
tête-à-tête, une fois l'instance reprise entre elles 3984.

1208 L'invocation de la péremption par une partie. – L'expiration du délai de péremption


n'entraîne pas de plein droit l'extinction de l'instance. Il faut encore qu'elle soit demandée par une
partie. L'article 388 du Code de procédure civile précise en effet que le juge ne peut pas la relever
d'office 3985. C'est par ce trait que la péremption cesse d'apparaître comme une pure sanction ; sinon,
il appartiendrait au juge de la prononcer d'office au même titre que la radiation, pour soulager le rôle
du tribunal d'une affaire que les parties mènent avec trop peu de diligence.
La péremption peut être demandée aussi bien par le demandeur que par le défendeur. La partie qui
souhaite s'en prévaloir peut procéder de deux façons différentes : elle peut prendre l'initiative de
demander au juge de constater la péremption 3986, mais elle peut aussi attendre que son adversaire
effectue une diligence, après l'expiration du délai, et lui opposer la péremption à titre d'exception 3987.
Dans l'un et l'autre cas, l'article 388 du Code de procédure civile exige que la péremption soit
proposée avant tout autre moyen, à peine d'irrecevabilité 3988. La péremption est ainsi traitée comme
une exception de procédure 3989. Ce même article ajoute que la péremption est de droit. Lorsque les
conditions sont remplies, le juge doit la prononcer à la demande de la partie, sans pouvoir en
apprécier l'opportunité, et indépendamment de tout grief.

B. LES EFFETS DE LA PÉREMPTION

1209 L'extinction de l'instance. – La péremption éteint l'instance. Il serait peut-être plus exact
de dire qu'elle efface l'instance, de telle sorte qu'il n'en reste rien : l'article 389 du Code de
procédure civile dispose en effet que les parties ne peuvent plus « opposer aucun des actes de la
procédure périmée ou s'en prévaloir ». En principe, les demandes se trouvent rétroactivement
anéanties ; elles n'ont pu ni faire courir les dommages-intérêts moratoires, ni interrompre la
prescription. La péremption peut-elle encore intervenir et tout effacer lorsque des jugements ont déjà
été rendus au cours de l'instance ? La Cour de cassation distingue selon la nature du jugement
intervenu et décide que la péremption n'efface pas les jugements qui ont tranché une partie du
principal 3990. Mais, si le jugement qui tranche une partie du principal demeure, on ne peut pas
envisager que la mesure d'instruction qui est sous la dépendance de ce jugement ne s'exécute pas elle
aussi, et que le juge ne tranche pas le reste de la matière litigieuse. Il en résulte cette conséquence
qu'à partir du moment où un jugement a été rendu sur le principal, l'instance échappe à la péremption
quelle que soit la négligence que puissent ensuite manifester les parties 3991.
La péremption, n'éteignant que l'instance, n'affecte pas le droit substantiel et une nouvelle
demande peut être formée. Cependant, cette possibilité disparaît dans deux cas. Le premier est lié au
jeu des règles de droit substantiel. La demande qui a introduit l'instance périmée étant effacée et
n'ayant donc pas interrompu la prescription, le droit peut se trouver atteint par la prescription 3992. En
second lieu, l'article 390 du Code de procédure civile dispose que « la péremption en cause d'appel
ou d'opposition confère au jugement la force de la chose jugée, même s'il n'a pas été notifié ». La
disparition de l'instance de voie de recours consolide le jugement rendu au premier degré, qui ne peut
plus faire l'objet de quelque recours que ce soit. Le jugement étant devenu irrévocable, il ne peut plus
être formé de nouvelle demande.

§ 2. LE DÉSISTEMENT D'INSTANCE

1210 Notion. – Le désistement d'instance, que régissent les articles 394 à 405 du Code de
procédure civile, ne doit pas être confondu avec le désistement d'action que vise l'article 384. Le
désistement d'action s'analyse comme une renonciation au droit substantiel 3993 : le demandeur
renonce au droit substantiel qu'il invoquait dans sa demande. Le désistement d'action est soumis aux
mêmes conditions que toute autre renonciation au droit substantiel : il faut qu'il s'agisse d'un droit
dont la personne puisse disposer et que cette personne ait la capacité d'exercice pour renoncer
valablement 3994.
À l'opposé, le désistement d'instance ne porte pas sur le droit substantiel : le demandeur ne fait
que retirer sa demande pour mettre fin à l'instance. Cependant, selon qu'il intervient au cours d'une
instance au premier degré (A) ou au cours d'une instance d'appel ou d'opposition (B), il ne produit
pas les mêmes effets : l'existence d'un jugement au premier degré modifie complètement les données
de la situation.

A. LE DÉSISTEMENT EN PREMIÈRE INSTANCE

1211 Conditions du désistement d'instance. – En première instance, le désistement est


possible « en toute matière 3995 ». Peu importe donc que la matière touche à l'ordre public. En
revanche, le demandeur ne peut pas, le plus souvent, se désister unilatéralement de sa demande : aux
termes de l'article 395 du Code de procédure civile, « le désistement n'est parfait que par
l'acceptation du défendeur 3996 » et jusqu'à cette acceptation, l'instance demeure 3997. La règle de
principe posée par l'article 395 comporte deux exceptions. D'abord, le demandeur peut se désister
unilatéralement aussi longtemps que le défendeur n'a pas présenté de défense au fond ou de fin de
non-recevoir 3998. Ensuite, même lorsque le désistement d'instance doit être accepté, le juge peut le
déclarer parfait si le refus du défendeur ne se fonde sur aucun motif légitime 3999 ; le défendeur ne
dispose donc pas d'un pouvoir discrétionnaire. En quoi peut consister le motif légitime ? Il peut s'agir
de la possibilité, qu'envisage le défendeur, de former une demande reconventionnelle. Il est encore
possible que le défendeur qui a déjà engagé des frais veuille que le procès soit tranché maintenant, de
façon définitive, au lieu d'être remis à une autre fois 4000.
Le désistement et l'acceptation du désistement peuvent être exprès ou tacites 4001. Le plus souvent,
en pratique, le désistement est proposé par le demandeur et, lorsque le défendeur l'accepte, les
parties demandent au juge de leur donner acte de leur accord 4002. Aussi utile que puisse être le
jugement de donné acte pour établir l'existence du désistement et de son acceptation, il reste que ce
n'est pas lui qui éteint l'instance : elle prend fin de façon instantanée par le seul accord de volonté des
parties.

1212 Effets du désistement d'instance. – Le désistement d'instance met fin à l'instance.


Comme pour la péremption, on devrait dire plus exactement qu'il l'efface. Tous les actes de l'instance
éteinte sont rétroactivement anéantis 4003. Le désistement en première instance ne fait pas disparaître
le droit substantiel et une nouvelle demande pourra être formée 4004. Mais, à la différence de la
péremption qui est fondée sur l'inactivité de toutes les parties, le désistement d'instance repose sur la
volonté des parties à l'acte. C'est ce qui explique qu'en cas de pluralité de parties, le désistement
intervenu entre certaines d'entre elles ne modifie pas la situation des autres : pour ces dernières, il est
res inter alios acta 4005. L'effet relatif des contrats s'applique au désistement comme aux autres
conventions.

B. LE DÉSISTEMENT DE L'APPEL OU DE L'OPPOSITION

1213 Conditions du désistement de l'appel ou de l'opposition. – Dans le cadre d’une voie de


recours, c’est son auteur qui peut procéder à un désistement et non plus forcément la partie qui était
initialement demanderesse. Ainsi, un intimé ne peut pas mettre fin unilatéralement à l’instance
d’appel en se désistant 4006 car, s’il le pouvait, il le ferait systématiquement, pour ne laisser subsister
que le jugement qui lui est favorable ! Du fait qu'il est plus lourd de conséquences que ne peut l'être
le désistement du demandeur en première instance, le désistement consenti par la partie qui fait appel
ou forme opposition 4007 est admis un peu moins largement. Comme l'acquiescement au jugement 4008,
il n'est admis, dit l'article 400 du Code de procédure civile, que « sauf dispositions contraires ».
Ceci étant précisé, le désistement de l'appel ou de l'opposition ne suppose l'acceptation de l'autre
partie que dans deux cas plus limités qu'en première instance. L'article 401 du Code de procédure
civile dispose d'abord que le désistement doit être accepté lorsqu'il contient des réserves, c'est-à-
dire qu'il n'est pas pur et simple. L'appelant ne consentant à retirer son appel que sous certaines
conditions, il est indispensable que l'autre partie donne son accord sur ces conditions 4009. Le
désistement doit encore être accepté lorsque l'autre partie a formé un appel incident ou une demande
incidente 4010. Il ne suffit plus, comme en première instance, que l'autre partie ait soulevé une défense
au fond ou une fin de non-recevoir. En vertu de l'article 405 du Code de procédure civile, le
désistement et son acceptation peuvent être exprès ou tacites, et le juge peut déclarer le désistement
parfait si le refus de l'adversaire n'est pas légitime. Quant à la forme du désistement, elle est
nécessairement écrite dans les procédures écrites 4011. Dans les procédures orales, il est certain que
le désistement peut être exprimé oralement à l'audience. Mais la place incertaine de l'écrit dans ce
type de procédure 4012 a longtemps suscité des divergences et des incertitudes en jurisprudence.
Heureusement, un arrêt rendu en chambre mixte en 2009 a arrêté une solution : « lorsque dans une
procédure orale une demande incidente a été formulée par un écrit déposé au greffe antérieurement au
désistement d'appel, l'égalité des armes et l'exigence d'un procès équitable imposent qu'il soit statué
sur la demande incidente soutenue à l'audience » 4013. En l'espèce, le désistement avait été opéré par
courrier adressé au greffe. De cet arrêt on peut retenir à la fois qu'un désistement par écrit est valable
dans une procédure orale, et qu'une demande incidente formée elle aussi par écrit, antérieurement au
désistement, rend applicable l'article 401 du Code de procédure civile : le désistement doit être
accepté.

1214 Effets du désistement de l'appel ou de l'opposition. – En vertu des articles 403 et 404
du Code de procédure civile, le désistement d'appel ou d'opposition emporte, en principe,
acquiescement au jugement. La règle est logique : celui qui renonce à contester la décision l'accepte
telle qu'elle est. Cette règle connaît cependant des limites tout aussi logiques. Tout d'abord,
l'article 403 énonce que le désistement d'appel est « non avenu si, postérieurement, une autre partie
interjette elle-même régulièrement appel ». En se désistant, l'appelant porte une appréciation globale
sur les chances d'amélioration de sa situation liées à l'appel principal, mais aussi sur les risques
d'aggravation qui pourraient résulter d'un appel incident. Ses prévisions se trouvent déjouées par la
formation d'un autre appel, ce qui explique que le Code de procédure civile lui permette de revenir
sur son désistement. Une seconde limite, jurisprudentielle, concerne le cas particulier dans lequel une
partie a formé à tort appel d'un jugement rendu en dernier ressort. Prenant conscience de son erreur,
l'intéressé forme un pourvoi en cassation et, pour éviter que la procédure devant la cour d'appel se
poursuive inutilement, il se désiste de son appel. Ce désistement ne doit pas être tenu pour un
acquiescement au jugement. Il n'implique pas renonciation à se pourvoir en cassation 4014. Cette
logique n’est cependant pas toujours suivie par la Cour de cassation. Un désistement sans réserve de
l’appel a ainsi pu être jugé comme faisant obstacle à un nouvel appel 4015. On conseillera donc à celui
qui se désiste de se couvrir systématiquement en émettant des réserves dans son acte de désistement,
lorsqu’il entend former à nouveau une voie de recours.
Enfin, la jurisprudence a envisagé le cas particulier dans lequel plusieurs parties ont formé
ensemble un appel principal, avant qu'un désistement soit opéré par une ou plusieurs d'entre elles. Il a
été très logiquement jugé que ce désistement laissait subsister l'appel principal formé par les autres
appelants qui, eux, ne s'étaient pas désistés 4016.

§ 3. LA CADUCITÉ DE LA CITATION

1215 Notion et régime. – La caducité de la citation 4017, que régissent les articles 406 et 407 du
Code de procédure civile, peut être définie comme la destruction rétroactive de l'acte introductif
d'instance en raison d'un événement qui lui est postérieur. Elle entraîne par voie de conséquence
l'extinction de l'instance qui repose sur elle. Par exemple, le défaut de placement, dans le délai
prescrit, de l'assignation devant le tribunal de grande instance entraîne sa caducité 4018. Pareillement,
une déclaration d'appel est frappée de caducité si l'appelant ne dépose pas des conclusions d'appel
dans les trois mois de cette déclaration 4019.
La caducité doit être relevée, au besoin d'office, par le juge. Il résulte indirectement de
l'article 407 du Code de procédure civile que le juge peut la prononcer à l'insu des parties 4020, ce qui
justifie qu'elles puissent demander au juge de rapporter sa décision en cas d'erreur. Cette dérogation
au principe de la contradiction ne repose sur aucune raison sérieuse et elle présente l'inconvénient
d'obliger les parties à emprunter le schéma procédural plus compliqué de l'article 17 du Code de
procédure 4021.

1216 Effets de la caducité de la citation. – La caducité de la citation ne laisse subsister aucun


des effets qui sont normalement attachés aux actes des parties : en particulier, la demande
introductive d'instance n'a pu ni faire courir les intérêts moratoires ni interrompre la prescription 4022.
En revanche, le droit substantiel subsiste et, pourvu qu'il n'ait pas été éteint par la prescription, le
demandeur peut former une nouvelle demande 4023.

§ 4. L'ACQUIESCEMENT AU JUGEMENT

1217 Notions distinctes. – L'acquiescement au jugement, que régit l'article 409 du Code de
procédure civile, ne doit pas être confondu avec l'acquiescement à la demande qui est régi par
l'article 408. Il faut faire la même distinction qu'entre le désistement d'instance et le désistement
d'action. L'acquiescement à la demande est défini par l'article 408 comme la « reconnaissance du
bien-fondé des prétentions de l'adversaire 4024 ». Cette définition montre que c'est le droit substantiel
qui fait l'objet de l'acquiescement à la demande : le défendeur déclare qu'il renonce à contester le
droit substantiel dont se prévaut son adversaire. Du fait même, l'instance n'a plus de raison d'être
et s'éteint de façon accessoire 4025. L'acquiescement à la demande est pour le défendeur ce qu'est le
désistement d'action pour le demandeur. Le Code de procédure civile le soumet logiquement aux
mêmes conditions : « il n'est admis, énonce l'article 408, que pour les droits dont la partie a la libre
disposition » et il faut aussi que la partie ait la capacité d'exercice de disposer du droit.
Par ailleurs, il est assez banal que, dans un procès, un défendeur déclare « s'en rapporter à
justice » sur les mérites des prétentions de son adversaire 4026. Contrairement à ce que l'on pourrait
penser au premier abord, le rapport à justice ne vaut pas reconnaissance du bien-fondé de la
demande, pas plus que le fait de déclarer former « les réserves d'usage » 4027. Loin de constituer un
acquiescement à la demande, le rapport à justice signifie, au contraire, que le défendeur élève une
contestation de principe, encore indéterminée, des prétentions de son adversaire. En quelque sorte, le
défendeur ne sait pas encore quel moyen il pourrait opposer à la prétention formée contre lui, mais
cela ne l'empêche pas de contester par principe, et il prie le tribunal de bien vouloir chercher avec
lui le moyen permettant de rejeter la demande 4028. Le rapport à justice ne doit pas non plus être
confondu avec l'acquiescement au jugement. D'abord, il est nécessairement antérieur à ce dernier.
Ensuite, on ne peut même pas y voir un acquiescement par avance à la future décision, puisque le fait,
pour une partie, de s'en rapporter à justice ne la prive pas du droit d'exercer ultérieurement une voie
de recours contre ce jugement ou cet arrêt. Certes, l'irrecevabilité de principe des moyens nouveaux
mêlés de fait et de droit devant la Cour de cassation limitera singulièrement les chances de succès
d'un éventuel pourvoi. Mais celui-ci ne sera pas irrecevable pour autant et il est même possible que
la cassation soit obtenue si le pourvoi se fonde sur des moyens de pur droit, ou sur des moyens nés de
la décision attaquée, tels qu'un vice de motivation ou un grief lié à la procédure suivie par les
magistrats du fond 4029. Cependant, la Cour de cassation semble actuellement considérer que si le
pourvoi est par principe recevable, le moyen critiquant un chef de la décision ayant donné lieu au
rapport à justice est nécessairement irrecevable, au moins pour ce qui est du moyen tiré d'une
violation de la loi 4030. Une telle approche qui revient en fait à fermer le pourvoi tout en le déclarant
ouvert, est pour le moins contestable.
1218 Un obstacle à la création d'une nouvelle instance. – À la différence de l'acquiescement
à la demande, l'acquiescement au jugement ne porte pas directement sur le droit substantiel. Pour
autant, il ne saurait être qualifié de cause d'extinction de l'instance à titre principal. Par définition,
l'acquiescement au jugement intervient une fois que le jugement est rendu, donc à un moment où
l'instance s'est déjà éteinte par sa cause normale. L'acquiescement au jugement (A) fait obstacle à la
création d'une autre instance. c'est ce qui le rapproche de la renonciation à l'appel dont il convient
également de dire quelques mots (B).

A. L'ACQUIESCEMENT AU JUGEMENT PROPREMENT DIT

1219 Domaine de l'acquiescement au jugement. – L'article 409 du Code de procédure civile


définit l'acquiescement au jugement comme la soumission aux chefs de celui-ci et il ajoute qu'il
emporte renonciation aux voies de recours. De cette définition, il ressort que l'acquiescement au
jugement est un acte moins grave que l'acquiescement à la demande ou le désistement d'action,
puisque le mérite des prétentions des parties a déjà subi l'examen d'un juge. D'un autre côté, c'est un
acte plus grave qu'un simple désistement en première instance, puisque la partie renonce au droit
d'exercer une voie de recours : l'acquiescement rend irrévocable le jugement intervenu 4031. Par ces
différents traits, l'acquiescement au jugement se rapproche du désistement d'appel et c'est ce qui
explique que l'article 409 du Code de procédure civile dispose de nouveau qu'il est toujours admis
sauf disposition contraire 4032. À notre connaissance, il n'existe qu'une limitation réglementaire à la
possibilité d'acquiescement : « Un majeur protégé ne peut acquiescer au jugement de divorce, ou se
désister de l'appel, qu'avec l'autorisation du juge des tutelles », énonce l'article 1122 du Code de
procédure civile.
Il peut paraître surprenant qu'un domaine aussi large soit reconnu à l'acquiescement au jugement.
La solution est commandée par le réalisme. Il serait trop facile de tourner une interdiction. Le
législateur ne pouvant pas obliger les parties ou leurs représentants à exercer une voie de recours, il
leur suffirait de ne pas l'exercer dans le bref délai posé par la loi pour obtenir le même résultat.

1220 Acquiescement volontaire et acquiescement légal. – Normalement, l'acquiescement au


jugement résulte de la volonté, c'est-à-dire d'un acte juridique unilatéral, dont l'article 410 du Code
de procédure civile dispose qu'il peut être exprès ou implicite. Cependant, à côté de l'acquiescement
volontaire, l'alinéa 2 de l'article 410 prévoit un acquiescement légal 4033, qui résulte de « l'exécution
sans réserve d'un jugement non exécutoire ». Il importe de distinguer soigneusement les deux sortes
d'acquiescement au jugement.
Lorsqu'une partie exécute sans réserve un jugement non exécutoire 4034, la Cour de cassation
décide traditionnellement que le juge n'a pas à rechercher quelle a pu être la volonté de la partie. Il
lui suffit de constater que sont remplies les conditions énoncées par l'alinéa 2 de l'article 410 du
Code de procédure civile 4035, ce qui justifie la dénomination d'acquiescement légal. Pendant
longtemps, ce mécanisme a été marqué par un automatisme rigoureux qu'illustraient les solutions
retenues en cas d'exécution sans réserve d'un jugement non exécutoire ordonnant une mesure
d'instruction 4036. En substance, lorsque le jugement n'ordonnait qu'une mesure d'instruction, son
exécution n'avait aucune incidence, cette décision étant purement avant dire droit. Mais il n'en allait
pas de même lorsque le jugement contenait aussi une disposition définitive, portant sur le fond du
droit ou même sur la recevabilité de la demande. Dans cette seconde situation, la participation à
l'expertise valait acquiescement au jugement définitif si le chef ordonnant la mesure d'instruction était
la conséquence du chef définitif 4037.
Tel n'est plus le cas en l'état actuel de la jurisprudence. Désormais, la Cour de cassation décide
qu'il n'y a pas acquiescement légal « en cas de seule participation à une mesure d'instruction
ordonnée par un jugement 4038 ». Pareillement, revenant sur sa position antérieure, la deuxième
chambre civile de la Cour de cassation juge désormais que l'exécution des condamnations aux dépens
ou aux sommes allouées en application de l'article 700 du Code de procédure civile ne vaut pas
acquiescement au jugement 4039. La Cour décide également qu'il n'y a pas acquiescement lorsque la
partie condamnée exécute le jugement sur la foi d'un acte de signification qui le présente à tort comme
exécutoire 4040. Il faut sans doute approuver cette évolution de la jurisprudence en ce qu'elle supprime
quelques chausse-trappes procédurales dans lesquelles des parties venaient trop souvent se jeter par
mégarde. Il n'en reste pas moins que l'on peut regretter les incertitudes qui en découlent : sur quels
critères peut-on dorénavant se fonder pour identifier les cas d'acquiescement légal ? La Cour de
cassation ne le précise pas et ce n'est qu'au cas par cas que l'on découvre que l'exécution de tel ou tel
chef de jugement entre ou non dans le champ de l'article 410, alinéa 2, du Code de procédure
civile 4041. On notera, pour finir, que cette évolution jurisprudentielle, en s'attachant à la volonté
réelle d'une partie, semble faire de la disposition de l'article 410, alinéa 2, Code de procédure civile,
une simple présomption susceptible de tomber devant la preuve contraire. Peut-on alors encore
parler d'acquiescement légal ?
En dehors du domaine de l'acquiescement dit légal, le juge ne peut admettre l'existence d'un
acquiescement au jugement sans relever l'existence d'une manifestation de volonté claire ou d'actes
incompatibles avec la volonté de former un recours et démontrant avec évidence l'intention de la
partie d'accepter la décision intervenue 4042. Inversement, la Cour de cassation n'accepte pas que les
juges du fond édictent d'autres cas d'acquiescement légal, qu'ils ajouteraient à celui de l'article 410,
alinéa 2, du Code de procédure civile. Par exemple, des conclusions d'appel tendant à la
confirmation du jugement ne valent pas, à elles seules, acquiescement au jugement, et l'intimé peut
encore former un appel incident 4043. De même, le fait non pas d'exécuter, mais d'accepter sans
réserve l'exécution du jugement par l'adversaire ne vaut pas acquiescement (légal) au jugement 4044.
Ces solutions doivent être approuvées. Il faut répéter que l'acquiescement repose normalement sur la
volonté de la partie. Dès lors, que l'on y voit une règle de fond ou une présomption simple,
l'acquiescement dit légal du second alinéa de l'article 410 doit être tenu pour une disposition
dérogatoire qu'il n'y a pas lieu d'étendre. En retenant cette solution, la Cour de cassation se conforme
à la volonté du législateur de limiter l'acquiescement légal à ce seul cas, comme le montre
l'article 681 du Code de procédure civile qui dispose que la notification du jugement, même sans
réserve, n'emporte pas acquiescement.

1221 Effets de l'acquiescement au jugement. – L'acquiescement au jugement emporte


renonciation aux voies de recours. Il en résulte que l'appel ou le pourvoi en cassation formé par la
partie qui a acquiescé est irrecevable : la partie a perdu le droit de former la voie de recours 4045. En
revanche, elle doit pouvoir former une demande en rectification d'erreur matérielle 4046, car cette
demande n'emporte pas contestation de la décision 4047. Quoi qu'il en soit, comme pour le désistement
d'appel, l'article 409 du Code de procédure civile réserve le cas où, postérieurement à un
acquiescement, une autre partie forme régulièrement un recours : l'acquiescement cesse de produire
effet. La Cour de cassation a toutefois précisé que cette exception au caractère irrévocable de
l'acquiescement supposait que le recours ait été formé par une partie ayant des intérêts opposés à
ceux de l'auteur de l'acquiescement 4048. Cette interprétation de l'article 409 se justifie parfaitement :
si la voie de recours est insusceptible de préjudicier aux intérêts de la partie qui a acquiescé au
jugement, on n'a plus à craindre que l'évolution ultérieure du procès remette en cause ses prévisions.
Pour elle, cette voie de recours formée par un autre plaideur est indifférente. En d'autres termes, la
raison d'être de l'exception à l'irrévocabilité de l'acquiescement ne se retrouve plus 4049.

B. LA RENONCIATION À L'APPEL

1222 Notion et régime. – À première vue, la renonciation à l'appel peut sembler faire double
emploi avec l'acquiescement au jugement. En réalité, elle s'en distingue par le moment où elle est
susceptible d'intervenir. Par définition, l'acquiescement au jugement ne peut intervenir qu'une fois le
jugement rendu. En revanche, les parties peuvent renoncer à l'appel avant même le jugement. Cette
différence montre que la renonciation à l'appel est un acte plus grave que l'acquiescement au
jugement : c'est une chose de renoncer à faire appel après avoir pris connaissance du jugement et
avoir pu mesurer les chances d'en obtenir l'infirmation, c'en est une autre d'y renoncer avant de savoir
ce que le juge décidera 4050.
C'est ce qui explique que le Code de procédure civile la soumette à des conditions plus strictes
que l'acquiescement au jugement. En premier lieu, l'article 556 du Code de procédure civile
n'autorise les parties 4051 à renoncer à l'appel que pour les droits dont elles ont la libre disposition.
En outre, ce texte n'exige pas seulement de la partie qui renonce la capacité de disposer, mais aussi la
capacité de compromettre 4052. La renonciation à l'appel est encore enfermée dans une limite
temporelle. Aux termes de l'article 557, elle « ne peut être antérieure à la naissance du litige ». Elle
ne peut donc faire l'objet d'une clause insérée dans un contrat comme une clause compromissoire. La
renonciation à l'appel ressemble davantage au compromis. Avec la requête conjointe 4053 et
l'aménagement des pouvoirs du juge 4054, elle constitue une nouvelle manifestation de l'arbitrage
judiciaire que les rédacteurs du Code de procédure civile s'efforcent de promouvoir.
La renonciation à l'appel ne ferme pas aux parties toutes les voies de recours. Son effet est plus
limité : elle fait du jugement rendu par le juge du premier degré une décision en dernier ressort, qui
reste susceptible d'un pourvoi en cassation.

BIBLIOGRAPHIE

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p. 917.
L. BOYER et H. ROLAND, « À propos du défaut de diligence », Mélanges J. Vincent, Paris, 1981, p. 9.
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chr. p. 241.
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B. PONS, Contrat de transaction. Solutions transactionnelles, Dalloz Action 2014.
F. G. SELL-MACREZ, « Vers la justice participative ? Pour une négociation "à l'ombre du droit" », D.
2010, p. 2450.
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p. 233.
J. VIATTE, « Péremption, caducité et radiation », Gaz. Pal. 1974.1, doct. p. 372.
INDEX

Abstention, 1145 s.
- de plusieurs juges, 1154
Abus du droit d'agir, 57
Acquiescement à la demande, 1199, 1201
Acquiescement au jugement, 1217 s.
Acte administratif du juge, 335 s.
Acte contresigné par avocat, 1083
Acte électronique, 170, 471 à 473
Acte d'huissier :
- rédaction, 166
- absence d'indication du représentant de la personne morale, 166
- notification, v. signification
- constat, 1126
Acte introductif d'instance
- notion, 34
- diversité, 458 s.
Acte non décisionnel, 313
Acte juridictionnel, 314 s.
- notion, 326 s.
Acte de procédure :
- et acte processuel, 60, 113, 163
- rédaction, 166
- capacité, 194 s.
- inexistence, 223
- omission, 225
- vices du consentement, 228
- v. notification
Action :
- notion, 40 s.
- classification traditionnelle, 44
- pouvoir virtuel, 45 s.
- approche structurale, 49 s.
- caractère facultatif, 53 s.
- caractère libre, 55 s.
- attitrée (ou réservée), 64, 921
- préventive (provocatoire, interrogatoire ou déclaratoire), 69 s., 422
- transmissibilité et intransmissibilité, 127
Action déclaratoire, 70 s.
- critère de recevabilité, 74
- groupements, 81
- tierce opposition préventive, 926
- demandes en faux ou en vérification d'écriture, 1080
- intervention aux fins de jugement commun, 1181
Action en défense des intérêts d'autrui, 89 s.
Action à fin de subsides, 148
Action de groupe, 100 s.
Action des groupements, 68, 76 s.
- action déclaratoire, 81
- qualité, 83
Action immobilière ou mobilière, 44
Action en interprétation de jugement, 382, 389 s.
Action négatoire de nationalité française, 73
Action oblique, 93
Action en opposabilité ou inopposabilité, 73
Actions patrimoniale et extrapatrimoniale, 194
Actions pétitoires, 444
Actions possessoires, 43, 71, 157, 426, 443 s.
- compétence, 961
Action en recherche de maternité ou de paternité, 195
Action en rectification d'erreur ou d'omission matérielle, 383 s., 389 s.
Action réelle ou personnelle, 44
Action en représentation conjointe, 198
Actions sociales (ut singuli et ut plures), 94
Action de substitution, 96
Actor sequitur forum rei, 978 s.
Adoption, 321, 346, 503, 920, 961
Adoption de motifs, 793
Allégation, 274 s.
- monopole des parties, 275, 278
- matière gracieuse, 562
Allongement des délais (à raison de la distance), 248 s., 787, 869, 871
Amiable composition, 291
Amicus curiae, 1090, 1174
Annulation par voie de conséquence, 859 s.
Appel, 718 s.
- décisions du conseil de famille, 338
- radiation du rôle, 539
- ouverture, 720
- effet suspensif, 739, 787
- effet dévolutif, 740, 742 s., 783
- portée, 745
- taux du ressort, 722
- appel immédiat, 730 s.
- appel restauré, 735 s.
- aggravation du sort de l'appelant, 748
- appel incident, 750 s.
- d'intimé à intimé, 752
- appel provoqué, 752
- évocation, 755 s.
- v. procédure de l'appel
Appel en cause, 1176 s.
Appel en garantie :
- garantie simple, 1178 s.
- garantie formelle, 1178, 1180
Appel sur la compétence, 1035, 1047 s.
- appel d'un jugement insusceptible d'appel au fond, 1050 s.
Appel-nullité, 746 s.
Appel voie d'achèvement, 740, 760 s.
Arbitrage :
- récusation de l'arbitre, 1142, 1146
- exécution provisoire et exequatur, 429
- v. clause compromissoire
Argument, 838
Arrêt d'appel :
- difficultés d'exécution, 794
Arrêt de la Cour de cassation :
- arrêts de rejet, 847 s., 888
- arrêts de cassation, 852 s., 888
- non-lieu à statuer, 849, 859
- voies de recours, 851
Assignation, 296, 458 s., 592
- caducité, 469, 593, 649
- bordereau visant les pièces, 601
Assignation à jour fixe, v. procédure à jour fixe
Assignation à toutes fins, 649
Assignation aux fins de jugement commun, 1181
Assistance, 203
Assistance éducative, 335
Association :
- v. action des groupements, 86 et s., 97 s.
- représentant, 197
Astreinte :
- exécution provisoire, 545
- compétence, 962
Attestation, 1110 s.
Attributs du jugement, 347
Audience :
- fixation de la date, 482
- déroulement, 483 s.
Autorité de la chose jugée, 289, 348, 350 s.
- autorité négative, 352 s.
- date d'acquisition de l'autorité, 365
- identité de cause, 354 s.
- identité d'objet, 358
- identité de parties, 361 s.
- autorité positive, 352, 446, 367 s., 378
- chose jugée implicitement, 360
- « représentation », 362
- jugements dotés de l'autorité de chose jugée, 371 s.
- jugement gracieux, 375
- chose jugée au pénal, 368, 378
- référé procédural, 412
- ordonnances du juge de la mise en état, 618
- ordonnances du conseiller de la mise en état, 789
- ordonnance d'injonction de payer, 579
- ordonnances du juge chargé d’instruire l’affaire du tribunal de commerce, 656
- bureau de conciliation du conseil de prud'hommes, 669
- jugement sur la compétence, 1031
Autorité absolue de la chose jugée, 368, 920
Aveu judiciaire, 1108
Avoué, 773
- indemnisation, 289, 553, 789

Baux immobiliers :
- compétence d'attribution, 966
- compétence territoriale, 992
Bordereau :
- de communication, récapitulatifs, 299, 601

Caducité, v. jugement réputé non avenu


Caducité de la citation, 1215 s.
Calendrier, v. contrat de procédure
Capacité, v. changement dans la capacité d'une partie
Capacité :
- de jouissance, 194
- d'exercice, 195
- défaut de, 220, 290
Carence d'une partie dans l'administration de la preuve, 1093 s.
Cassation :
- étendue, 855 s.
- sans renvoi, 811, 852 s.
- avec renvoi, 854, 889 s.
- v. juge de cassation
- v. pourvoi en cassation
- v. arrêt de la Cour de cassation
Certificat de non-appel, 526
Cesareo (jurisp.), 355 et s.
Cessation des fonctions de l'avocat, interruption d'instance, 1186
Cessation des fonctions du représentant légal d'un incapable :
- interruption d'instance, 1187
Chambre du conseil, 479 s., 563
Changement dans la capacité d'une partie :
- incidence sur le délai des voies de recours, 715 s.
- interruption d'instance, 1186, 1187
- décès et extinction de l'instance, 1199, 1201
Changements de nom et de prénom, 334
Changement de régime matrimonial, 321
Circuits courts et circuit long, 602 s., 654, 671
- en appel, 782
Citation en justice, 34, 469, 661
- forme, v. assignation
- v. notification en la forme ordinaire
Class action, v. action de groupe
Clause attributive de compétence, territoriale, 1013 s.
- autonomie, 1014
- transmission, 1017
- d'attribution, 1019 s.
- et référé, 403
- et ordonnance sur requête, 430
- et injonction de payer, 581
- intervention, 1170
Clause compromissoire :
- et référé, 423
- et ordonnance sur requête, 430
- Clause de conciliation préalable : v. conciliation
Code :
- Code de procédure civile (ancien), 11, 24
- « nouveau » Code de procédure civile, 13 s.
- Code de l'organisation judiciaire, 24
Collectivités territoriales :
- action exercée par un contribuable, 95
Commission rogatoire, 1098
Communication, 297
- preuve, 298 s.
- présomption, 300
- des pièces en appel, 784
- tardive, 624
- v. bordereau
Communication électronique, 189, 653, 866, 869 s., 874 s.
Communication au ministère public, 474 s., 562, 947, 1085
Comparution, v. délai de comparution
Comparution personnelle des parties, 1106 s.
Compensation judiciaire, 125
Compétence :
- notion, 951 s.
- compétences d'attribution et territoriale, 954
- d'ordre public, 957, 1014, 1021, 1028
- exclusive, 957, 961, 975, 1000, 1056
- v. prorogation de compétence
- v. exception d'incompétence
Compétence d'attribution :
- en matière de référé, 400, 401
- fausse compétence du juge des référés, 405
- en matière d'ordonnances sur requête, 430
- injonction de payer, 581
- défenses relevant de la compétence d'une autre juridiction, 1000 s.
- demande incidente, 1009 s.
- v. tribunal de grande instance
- v. tribunal d'instance
- v. juridiction de proximité
- v. tribunal de commerce
- v. conseil de prud'hommes
- v. juge de l'exécution
Compétence territoriale, 977 s.
- options de compétence, 982 s.
- en matière contractuelle, 983
- en matière délictuelle, 984
- en droit de la consommation, 985
- en matière mixte, 986
- en matière alimentaire, 987
- litige impliquant un magistrat ou un auxiliaire de justice, 614, 988 s.
- en matière immobilière, 992
- successions, 993
- procédures collectives, 994
- divorce, 995
- matière prud'homale, 996
- en matière de référé, 402
- en matière d'ordonnances sur requête, 431
- intervention, 1170
Computation (des délais), 233 s.
- délais en jours, 234 s.
- délais en mois ou en années, 242 s.
- délais en jours et en mois, 246
- dies a quo, 235, 245
- dies ad quem, 236 s., 243
- v. prorogation des délais
- v. allongement des délais
Concentration :
- des moyens, 355, 359
- des demandes, 359
Conciliation, 1202, 1203
- juge de la mise en état, 605
- tribunal d'instance, 645 s.
- conseil de prud'hommes, 659, 664 s.
- tribunal paritaire des baux ruraux, 678 s.
- clause de conciliation préalable, 148, 151 en note, 423
- assignation, 462
Conclusions, 35, 598
- interprétation, 272
- qualificatives, 599, 784
- récapitulatives, 600, 642, 784
- d'incident, 615
- bordereau visant les pièces, 601
- en appel, 783 s.
Concurrence déloyale, 43
Conférence du président, 594
Connexité, v. lien suffisant (demandes incidentes)
- v. exception de connexité
Conseil de famille, 338
Conseil de prud'hommes, 659 s.
- acte introductif d'instance, 661
- défaut de comparution, 665 s.
- instruction, 671 s.
- conseillers rapporteurs, 672
- audience de départage, 673
- compétence d'attribution, 974 s.
- compétence territoriale, 996
Conseiller de la mise en état, ordonnances, 789 s.
Conseiller chargé d'instruire l'affaire (cour d'appel), 805
Constat d’huissier : 1126
Constatations :
- notion et régime, 1129 s.
Constitution :
- d'avocat, 592, 777, 779
Consultation :
- notion et régime, 1131
Contentieux :
- obligatoire, 319
- élévation (du), 325
- du provisoire, 395 s.
Contestation sérieuse, 407
Contradiction (ou contradictoire), v. principe de la contradiction
Contradiction de motifs, 842
Contrariété de décisions, v. recours en inconciliabilité de jugements
Contrat judiciaire, 313, 324
Contrat de procédure, 454, 607, 643
Contredit, 1035 s.
- date, 187
- conditions d'ouverture, 1037 s.
- procédure, 1039 s.
- recours contre la décision rendue sur contredit, 1043
- évocation, 1045 s.
- connexité, 1061
- litispendance, 1068
Contribution pour l'aide juridique, 553
Contrôle des faits par la Cour de cassation, 836 s., 843 s.
Contrôle des motifs de fait (Cour de cassation), 836 s.
Contrôle normatif (notions contrôlées ou non contrôlées par la Cour de cassation), 55, 826, 829
s.
- formules révélatrices, 847
- lien de connexité, 124
- urgence, 406
- contestation sérieuse, 407
- cause grave de révocation de l'ordonnance de clôture
Convention européenne des droits de l'homme, 21, 292, 1144, 1150
Copropriété des immeubles bâtis, compétence territoriale, 992
Coutume, 830
Curatelle, 195
Curateur, intervention, 1169

D
Da mihi factum, tibi dabo jus, 281
Débats oraux, 477 s.
- sanction des irrégularités, 485 s.
- référé, 571
Débours tarifés, 554
Décès, v. changement dans la capacité d'une partie
Déclaration d'appel :
- modalités, 225, 777, 802
- date, 187
Déclaration au greffe, 458, 469, 650, 661
Déclinatoire de compétence, 1025 s.
Défaut, 1156 s.
- historique, 1157
Défaut faute de comparaître, 1159 s., 1164, 1165
Défaut faute d'accomplir les actes de procédure, 1162 s., 1164
Défaut de base légale, 823, 828, 837
Défaut de motif, 823, 837
Défaut de réponse à conclusions, 823, 838
- et infra petita, 386
Défenses, 131 s.
- compétence en matière de défenses, 1000 s.
Défense au fond, 135 s.
- régime, 142, 271
Défenses procédurales, 137 s., 144 s.
Défenseur des droits, 1174
Déféré des ordonnances du conseiller de la mise en état, 790
Délai de comparution, 231, 253, 296, 569
Délai d'option en matière successorale, 157, 161, 715, 1190
Délais de procédure, 229 s.
- légaux et judiciaires, 230
- de forclusion et d'attente, 231, 253 s.
- délais francs, 237
- délais à rebours, 241
- modification judiciaire, 252
- suspension, 258
- v. computation
- v. allongement
Délai pour faire inventaire et délibérer, v. délai d'option en matière successorale
Délais des voies de recours :
- point de départ, 710 s.
Délibéré :
- modalités, 493 s.
- secret, 494
- référé, 571
Demandes, 61 s.
- conditions, v. qualité et intérêt
- effets, 126 s.
- calcul du montant, 723 s.
Demande additionnelle, 119
Demandes incidentes, 115 s.
- recevabilité, 122 s.
- et appel incident, 751
- compétence, 1009 s.
Demande indéterminée, 726
Demande initiale, 114
- effet, 128
Demande en intervention, v. intervention
Demande nouvelle, en appel, 763 s., 767 s.
- en cassation, 820
Demande reconventionnelle, 117
- et défense au fond, 135 s.
- incertitudes, 136
- hybride, 118
- compensation judiciaire, 125
- recevabilité en appel, 769
Dématérialisation des procédures, v. communication électronique
Demolombe, 41 s.
Dénaturation des écrits, 845
Dépaysement, 1147
Dépens, v. frais et dépens
Désistement d'action, 1199, 1201
Désistement d'instance, 1210 s.
- désistement de l'appel ou de l'opposition, 1213 s.
Dessaisissement du juge, 379 s., 772
Dies a quo et dies ad quem, v. computation des délais
Diligences interruptives du délai de péremption, 1206
Distance, v. allongement des délais
Distribution et fixation de l'affaire, tribunal de grande instance, 594
Divorce :
- réconciliation des époux, 148
- exécution provisoire interdite, 531
- témoignages, 1114
Doctrine, 30, 346
Domicile élu, 174, 523, 592, 649
Dossier de l'affaire, 472
Dossier de l'avocat, 477, 631
Double degré de juridiction :
- exceptions, 723 s., 729, 759
Droit d'agir, v. action
- abus
Droit communautaire, 20
- notification en matière internationale, 192
- règles sur l'exécution, 350
- question préjudicielle communautaire, 1006
- clause attributive de compétence, 1013
Droit européen, 21
Droit judiciaire privé :
- notion, 1 s.
- caractères, 4 s.
- constitutionnalisation, 26 s.
- droit public ou droit privé, 7
- domaine réglementaire, 12
- sources, 19 s.
Droits de la défense, 292 et s.

Écritures, v. conclusions
Effets substantiels du jugement, 340 s., 348
Efficacité substantielle, v. effets substantiels du jugement
Efficacité procédurale du jugement, 345
Élection de domicile, v. domicile élu
Émoluments, 554
Enquête, 1113 s.
- ordinaire, 1116
- sur-le-champ, 1117
Enquête sociale, 1088
Enrôlement, 471
- v. placement
Envoi en possession, 442
Erreur ou omission matérielles, v. « recours » en rectification d'erreur matérielle
Évocation, 755 s.
- et dévolution, 758
Évolution du litige, 768
Exception de connexité, 156, 161, 1053 s.
- conditions tenant à la compétence, 1056 s.
- régime, 1058 s.
- renvoi, 1061
- voies de recours, 1061
- exceptions ou recours multiples, 1062
Exception dilatoire, 157, 161, 451
Exception d'incompétence, 155, 290, 1025 s.
- relevée d'office, 581, 1027 s.
- autorité, effet et suites du jugement sur la compétence, 1031 s.
- voies de recours, 1035 s.
- v. contredit
- v. appel sur la compétence
Exceptions de procédures, 153 s.
- régime, 159 s., 290
- juge de la mise en état, 614
Excès de pouvoir, 669, 736 s., 818
- pourvoi pour excès de pouvoir, 900
Exécution sur minute, 428, 436, 552, 572, 577
Exécution provisoire, 527 s.
- facultative, 531
- interdite, 531, 1085
- de droit, 532 s., 620, 669, 674
- aménagements, 536 s., 546
- radiation du rôle, 539
- arrêt de l'exécution provisoire facultative, 541 s.
- arrêt de l'exécution provisoire de droit, 544 s.
- modalités de l'octroi en appel, 547
- conséquences d'une infirmation, 548 s.
- décision en la forme des référés, 537
- exequatur, 430
Exequatur, 349 s., 638
- sentence arbitrale, 430
Expédition, 496
Expert, 1132 s.
- notion, 1132
- listes, 1121
Expertise, 1132 s.
- désignation de l’expert, 1121, 1133
- appel de la décision ordonnant l'expertise, 1134
- rémunération de l'expert, 1137
- exécution provisoire, 532
- expertise biologique, 1093
- expertise privée, amiable, officieuse ou conventionnelle, 1132
- récusation de l'expert, 1142
- contradiction, 1099, 1102
Explications (demandées) sur les faits, 276
Expulsion, 410
- et référés, 421
Extinction de l'instance :
- à titre accessoire, 1199 s.
- à titre principal, 1204 s.
Extra petita, 271, 385
Évocation, 755 s., 1045 s.

Fait constant (théorie du), 279


Fait dans le débat, v. allégation
Fait notoire, 844
Fait simplement allégué et fait spécialement invoqué, 276, 285
Faux :
- acte sous seing privé, 1078 s.
- acte authentique, v. inscription de faux
Filtrage des pourvois, v. non-admission
Fin de l'instance (notion), 816 s.
Fin de non-recevoir, 146 s.
- et exception de procédure, 147, 155
- et nullités, 227
- fausses fins de non-recevoir, 148, 289
- tirée de la forclusion, 254
- d'ordre public, 289, 308, 366, 580, 624, 713
- tirée des conditions du référé, 405
- mentions de la requête conjointe, 466
Force de chose jugée, 525 s.
- péremption en cause d'appel ou d'opposition, 1209
Force exécutoire, 349 s., 518
- conditions de l'exécution forcée, 519
Formalisme, 5
Formation restreinte, v. sélection des pourvois
Formule exécutoire, 519, 585
Frais et dépens, 56, 553 s., 614
- charge, 555
- distraction, 556
- ordonnance de taxes, 557
Frais non compris dans les dépens, 558

Groupements, v. action des groupements


H

HALDE, 1174

Immunités de juridiction, 147


Impartialité, 502, 505, 659, 790, 988, 1141 à 1150
Incident d'instance, 1182 s.
- notion, 1138
- incidents mettant fin à l'instance, 614, 620, 1198 s.
Incident de procédure :
- notion, 949
Incompétence, v. exception d'incompétence
Indivisibilité, 711, 749, 859, 925, 1011, 1057
Indivision, 195, 220
Infra (et ultra) petita, 271 s., 385 s.
- régime, 389 s.
Injonction de faire, 578
Injonction de payer, 578 s.
- compétence, 581, 960, 965, 1027
- requête, 582
- caducité de l'ordonnance, 583, 585, 587
- opposition, 586
- procédure européenne, 350, 578, 965
Inscription de faux, 73, 475, 1083 s.
Instance, 128
- suspension, 157
Instruction, 35
Insuffisance de motifs de droit, 828
Intention dilatoire, 151
Interdiction de se contredire au détriment d'autrui, 293
Intérêt, 62, 67 s.
- légitime et personnel, 68
- né et actuel, 69
- du défendeur, 131
- défaut d'intérêt, 289
- intérêt en appel, 743
Intérêt collectif, notion, 78 s.
- préjudice, 82
- recevabilité de l'action, 84 s.
Intérêt général, v. intérêt collectif
Intérêts individuels, v. intérêt collectif
Intérêts personnels d'autrui, 89 s., 96 s.
Interprétation, v. « recours » en interprétation
Interruption de l'instance :
- notion, 1183
- causes d'interruption, 1185 s.
- effets, 1189
- reprise d'instance, 1188 s.
- effet sur le délai de péremption, 1207
Intervention :
- notion, 120, 1169
- recevabilité, 1170
- forcée ou volontaire, 121
- et défense au fond, 136
- matière gracieuse, 562
- mesure d'instruction antérieure, 1100
Intervention forcée, 608
- aux fins de condamnation, 1177 s.
- aux fins de jugement commun, 1181
- en appel, 767
Intervention volontaire :
- principale, 1172
- accessoire, 1173 s.
- recevabilité en appel, 770
- intervention accessoire en cassation, 820
Irrégularité de fond, 161, 218 s., 290

Jonction et disjonction d'instances, 608, 1055, 1170


Jours fériés et chômés, 169
Juge de l'action, juge de l'exception, 1000 s.
Juge aux affaires familiales, 962
Juge de cassation :
- juge de l'affaire, 809 s., 827, 1028
Juge chargé de contrôler l’exécution des mesures d’instruction, 1098
Juge départiteur, 673
Juge des enfants, 962
Juge de l'exécution :
- compétence, 405, 962, 1027
- mesures conservatoires, 433
Juge « de l'expertise », 1098
Juge de la mise en état, 605 s.
- injonctions, 607
- mesures, 612
- compétence, 613 et s.
- dessaisissement, 613
- exceptions de procédure, 614 et s.
- et juge d'instruction, 454
- v. ordonnance du juge de la mise en état
- v. ordonnance de clôture
Juge des tutelles, 967
Juge unique :
- audience à juge unique, 630, 658, 805
- procédure à juge unique, 637
Jugement, 488 s.
- opposabilité, 363
- nullité, 485 s.
- causes de nullité, 513 s.
- régime de la nullité, 515 s.
- indication de la date lors de la mise en délibéré, 493
- rédaction, 496 s.
- signature, 497
- motifs, 501 s.
- dispositif, 508
- prononcé (modalités), 509 s., 564
- qualification inexacte du jugement, 709
- conséquences de l'infirmation, 548 s.
- v. notification
Jugement d'adjudication, 313
Jugement avant dire droit, 371
Jugement commun, 1181
Jugement constitutif, 343, 346
Jugement contentieux, 324
Jugement dit « contradictoire », 1164
Jugement convenu, v. jugement d'expédient
Jugement déclaratif, 343, 346
Jugement de débouté, 344
Jugement par défaut, 1166, 1167
Jugement définitif, 371, 441, 446
Jugement de donné acte, 324
Jugement étranger, 638
Jugement d'expédient, 324
Jugement gracieux, v. matière gracieuse
Jugement irrévocable, 371
Jugement mettant fin à l'instance, 734, 813
Jugement mixte, 733
Jugement au principal, 372
Jugement provisoire, 372, 441
Jugement réputé contradictoire, 256, 1165, 1168
Jugement réputé non avenu, 687, 1167 s., 1189
Jugement non exécutoire, exécution sans réserve, 1220
Jugement tranchant une partie du principal, 732 s., 813
Jura novit curia, 407
Juridiction de droit commun, 960, 963
Juridiction fonctionnelle, notion, 953
- illustrations, 962, 967, 973
Juridiction de proximité 644 s., 968 s.
- référé et requête, 967, 969
- demandes incidentes, 1010
- incompétence relevée d'office, 1027
- suppression, 968
Jurisprudence des gares principales, 980

L
Le criminel tient le civil en l'état, 1005
Lien suffisant (lien de connexité), demandes incidentes, 123 s.
- intervention, 1170
Lien juridique d'instance, 128 s.
Ligues de défense, 98
Liquidateur judiciaire,
- intervention, 1169
Litisconsorts :
- indépendance, 208 s.
- effets de la notification du jugement, 711
- appel, 749
Litispendance, 156, 290, 1063 s.
- identité partielle de litige, 1066
- régime de l'incident, 1067 s.
- voies de recours, 1068
Loi étrangère, 830
Loyauté (principe de), 292
- notes en délibéré, 495

Majorité d'une partie :


- interruption d'instance, 1186
Mandats ad litem et ad agendum v. représentation en justice
- preuve et présomption, 205
- renonciation et révocation, 207
Mandataire judiciaire, 92
Manque de base légale, v. défaut de base légale
Matière gracieuse, 256, 317 s., 329, 334
- procédure gracieuse, 560 s.
- autorité de la chose jugée, 375
- dessaisissement du juge, 379
- rétractation en cas d'appel, 380
- et ordonnance sur requête, 438 s.
- tierce opposition, 919
Maxime d'expérience, 844
Médiation, 1202, 1203
Mesure d'administration judiciaire, 314, 335, 594, 609, 634, 655, 672, 685, 1055, 1190, 1196
Mesure conservatoire, 532, 613
- et exécution provisoire, 545
Mesure d'instruction, 1086 s.
- mesures exclues du régime des mesures d'instruction, 1087 s.
- ordonnée d'office, 277
- voies de recours, 1096
- contrôle de l'exécution de la mesure, 1098
- commission rogatoire, 1098
- à l'étranger, 1098
- principe de la contradiction, 1099 s., 1102
- intervention ultérieure, 1100
- difficultés d'exécution, 1101
- nullité, 1102
Mesures d'instruction exécutées par un technicien, 1118 s.
- récusation du technicien, 1142, 1146
- v. constatations, consultation et expertise
Mesure d'instruction in futurum, 73, 422 s., 435, 1094, 1096
Mesure provisoire, 532
- bureau de conciliation du conseil de prud'hommes, 667 s.
Ministre de l'Économie, 91
Ministère public partie jointe, 268, 474, 484, 487, 1142, 1174
Ministère public partie principale, 268, 484, 743, 1142
Minute, 496
Mise en cause, 1176 s.
Mission d'information du conseiller rapporteur (conseil de prud'hommes), 1089
Motifs décisoires, 376, 508, 598, 733
Motifs dubitatifs ou hypothétiques, 841
Motifs d'ordre général, 840
Motifs soutien nécessaire du dispositif (motifs décisifs), 377 s.
Motifs surabondants, 848
Motivation des décisions de justice, 501 s.
- adoption de motifs, 505
- allégement, 506
- arrêts de la Cour de cassation, 885
- injonction de payer, 583
- obligation de motiver, 836
- ancienne procédure de non-admission des pourvois en cassation, 885
Moyen, 35
Moyen contraire à de précédentes écritures, 822
Moyen de droit (ou de pur droit), notion, 285
- relevé d'office, 284 s.
- en cassation, 821
Moyen dans la cause, v. moyen dans le débat
Moyen dans le débat, 309, 366
Moyen nouveau mêlé de fait et de droit, 821
Moyen opérant ou inopérant, 838

Non-admission des pourvois en cassation, v. sélection des pourvois


Non-cumul du possessoire et du pétitoire, 447 s.
Note en délibéré, 484, 495
Notification :
- acte de procédure, 167 s.
- en la forme ordinaire, 185 et s.
- en matière internationale, 190 s.
- v. signification
- v. notification du jugement
Notification en la forme ordinaire, 185 s.
- date, 187, 802
Notification du jugement, 225, 226, 522 s., 564
- irrégularité, 256, 524
- effets sur les délais des recours, 711 s.
- et caractère exécutoire, 519, 525
- notifications successives, 712
- notification préalable à l'avocat, 225, 523, 888
- absence de notification dans le délai de deux ans, 713
- matière gracieuse, 919, 931
Notification par acte du palais, 188
Notification par tous moyens, 184
Notification par voie électronique, 184, 189
Nul ne plaide par procureur, 199 s., 228
Nullité (des actes de procédure), 210 s.
- exception de nullité, 158, 161, 290
- v. vice de forme
- v. irrégularité de fond

Objet du litige, 271


- modification, 388
Obligation naturelle, 59
Office du juge, 280 s.
Offre de preuve, 1093
Omission d'acte, 225
Omission de statuer, v. infra petita
Opposition, 706 s., 902 s.
- décisions insusceptibles, 905
- étendue de la dévolution, 906
- demandes nouvelles, 907
- effets de l'opposition, 908
- délai et forme, 909 s.
- motivation de l'opposition, 911
- opposition et pourvoi en cassation, 815
Ordonnance de clôture, 607, 621 s.
- révocation, 628
Ordonnance du juge de la mise en état, 372, 615 s.
- provision, 532
- voies de recours, 619 s.
Ordonnance de référé, 372, 379, 532
- appel de l'ordonnance, 782
- premier président de la cour d'appel, 793
- recours en révision, 942
- juridiction de proximité, 967
Ordonnance sur requête, 301, 427 s.
- nature juridique, 438 s.
- recours, 412, 436, 588, 712
- rétractation ou modification, 436
- en matière prud'homale, 432
- et arbitrage, 430
- exécution sur minute, 552
- procédure, 576 s.
- premier président de la cour d'appel, 792
- juridiction de proximité, 967
Ordre professionnel, v. action des groupements, 85
Ordre public, 214, 225, 279, 289, 290, 291, 305, 307, 308
- v. compétence
Ouverture à cassation, 822
P

Pas de nullité sans grief, 215 s.


Péremption d'instance, 1205 s.
- effets, 1209
Perte de fondement juridique, 827, 859
Pertinence (de l'offre de preuve), 1093
Petits litiges :
- procédure européenne de règlement, 350
- compétence, 964
Pièces, 297
- v. communication
- v. production
Placement, 469
- tribunal de grande instance, 593
- tribunal d'instance, 649
- tribunal de commerce, 653
- caducité de la citation, 1215
Plaidoirie, 35, 477, 483
Plénitude de juridiction, 960, 1048
Plumitif, 473
Postulation, 203, 773
Pourvoi en cassation, 705, 807 s.
- absence d'effet suspensif, 697
- dévolution restreinte, 812
- conditions d'ouverture, 813 s.
- et opposition, 815
- pourvoi immédiat, 816 s., 1043 et s.
- v. arrêt de la Cour de cassation
- v. juge de cassation
- v. procédure du pourvoi en cassation
Pourvoi pour excès de pouvoir, 900
Pourvoi dans l'intérêt de la loi, 899
Pourvois du procureur général, 898 s.
Pouvoir, notion, 89
- v. représentation
Pouvoir (défaut de), 220
Prescription,
- régime procédural, 289
- extinctive, 148
- suspension, 422, 469
- interruption, 646, 582
Présentation volontaire des parties, 458, 469, 650, 653, 661
Prétention :
- fondement juridique non précisé, 309
- tendant aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, 763
- complément, accessoire ou conséquence de celles soumises au premier juge, 765
Principe de la contradiction, 292 s., 366, 434
- limites, 309, 625
- présomption de contradiction, 299, 300, 310
- débats oraux, 487
- notes en délibéré, 495
- mesures d'instruction, 1099 s.
Principes directeurs de l'instance, 260 s.
Principe dispositif, 270 s.
Procédure de l'appel, 772 s.
- appel en matière gracieuse, 772
- délais d'appel, 776
- déclaration d'appel, 777, 802
- saisine de la cour, 780 s., 803
- dépôt des conclusions dans les quatre mois, 787
- procédure sans représentation obligatoire, 800 s.
- v. procédure à jour fixe
Procédures accusatoire et inquisitoire, 261 s.
Procédures civiles d'exécution, 24
- et exécution provisoire, 534, 545
Procédures collectives, 335, 475, 534, 545
- interruption d'instance, 1186
Procédures écrites, 299
- et représentation obligatoire, 204
Procédure à jour fixe, 301, 633 s.
- oralité, 636
- en appel, 795 s., 806
Procédures orales, 300, 310, 636, 640 s.
Procédure participative, 1202, 1203
Procédure du pourvoi en cassation, 861 s.
- distribution de l'affaire, 880
- retrait du rôle, 881 s.
- formation restreinte, 885 s.
- procédure avec représentation obligatoire, 863 s.
- signification de la décision attaquée, 864
- délais, 865
- acte introductif d'instance, 866
- mémoires en cassation, 868 s.
- procédure sans représentation obligatoire, 872 s.
- v. renvoi après cassation
Procès-verbal de recherches infructueuses, 176
Production, 297, 631
- tardive, 624
- forcée, 1073 s.
- pièces détenues par un tiers, 1075
Prorogation de compétence :
- égale ou judiciaire, 1012
- conventionnelle, 1012 s.
- territoriale, 1013 s.
- d'attribution, 1019 s.
- prorogation dite « volontaire », 1018
- prorogation de quantite ad quantitatem, 1019
Prorogation des délais, 238 s.
Provision, notion, 419
- et exécution provisoire, 532, 533
- ad litem, 419, 612
Publicité des débats, 479, 480
- sanction, 486
Publicité foncière, 62, 460, 676

Qualification des faits et actes :


- limitation des débats par les parties, 291
Qualité, 62, 64 s.
- et pouvoir, 66, 89
- défaut de qualité, 289
- groupements, 83
- qualité du défendeur, 131
- régularisation, 150
- qualité en appel, 744
Qualité de tiers du juge, 332
Question préjudicielle, 1002 s.
- spéciale, 1003
- administrative, constitutionnelle ou pénale, 1005
- communautaire, 1006
- diplomatique, 1006

Rabat d'arrêt, 851


Radiation, 157, 539, 607, 787, 1194, 1196 s., 1207
Rapport à justice, 1217
Recours collectif, v. action de groupe
Recours en inconciliabilité de jugements, 895 s.
« Recours » en interprétation, 382, 389 s.
« Recours » en omission de statuer, v. infra petita
« Recours » en rectification d'erreur ou d'omission matérielle, 383 s., 389 s.
Recours restaurés, 735 s.
Recours en révision, 706 s., 936 s.
- ouverture, 940 s.
- caractère subsidiaire, 942
- effets, 943
- délai, 946
- introduction du recours, 946
- voies de recours, 948
Récusation, 1141 s.
- et convention européenne des droits de l'homme, 1144
- demande formée contre plusieurs juges, 1152 s.
Redressement et liquidation judiciaires, v. procédures collectives
Référé, 396 s.
- conditions, 405 s.
- circonstances nouvelles, 372
- mesures possibles, 408
- caractère provisoire, 411
- autonomie des référés, 413
- différents référés, 413 s.
- probatoire, 422 et s.
- procédure, 566 s.
- représentation, 568
- renvoi à la formation collégiale, 573
- passerelle, 574, 575
Référé du premier président, 791
Référé « d'heure à heure », 233, 570
Référé procédural, 412
Référé provision :
- clause d'arbitrage, 404
Registre d'audience, 473
Règlements communautaires, 20, 350
Régularisation :
- fin de non-recevoir, 150
- vice de forme, 217
- irrégularité de fond, 221
Relevé de forclusion, 256 s., 1167 s.
Relevé d'office des moyens de pur droit, obligation, faculté ou interdiction, 285 s., 1027
Renonciation à l'appel, 1222
Renvoi (incident) :
- notion, 1147
Renvoi après cassation :
- procédure, 889 s.
Renvoi de compétence :
- juge de proximité, 970
Renvoi pour cause de sûreté publique, 1151 s.
Renvoi pour cause de suspicion légitime, 1148 s.
Répertoire général, 471
Représentant des créanciers, 92
Représentation, 197, 202, 203, 773
Représentation conjointe, 198
Représentation en justice, 201 s.
- obligatoire, facultative ou interdite, 204, 568, 576, 774
- choix du représentant, 205
- pouvoirs du représentant, 206
- tribunal d'instance, 644
- conseil de prud'hommes, 659
- tribunal paritaire des baux ruraux, 677
- cour d'appel, 774
Requalification des faits et actes, 284
Requête, v. ordonnance sur requête
Requête civile, 936
Requête conjointe, 458, 464 s., 592, 603, 650, 653
- en appel, 783
Résiliation d'un contrat, 410
Rétractation :
- en cas d'appel en matière gracieuse, 772
Retrait du rôle, 1195, 1196 s., 1207
- retrait du rôle de la Cour de cassation, 881 s.

Saisine du juge, 469, 561


Saisine d'office, 268, 335
Saisine pour avis de la Cour de cassation, 1004
Saisine du tribunal, 468 s.
- en matière gracieuse, 561
- en référé, 567
Sapiteur, 1135
Sélection des pourvois, 885
Serment, 1070
Signification, 168 s.
- acte électronique, 170, 173, 189
- date, 183
- à personne, 170
- à domicile (ou naguère à mairie), 172 s.
- par procès-verbal, 176
- outre-mer, 177
- à personne morale, 178 s.
- à parquet, 181
- au majeur en curatelle, 195
Société :
- dissoute, 220
Société commerciale :
- représentant, 197
Solidarité, 711, 749, 859
Substitution, v. action de substitution
Substitution et suppléance de motifs, 810, 848
Succombance, 743, 813
Support électronique, v. acte électronique
Surendettement, 24, 148, 289, 862, 964
Sursis à statuer, 157, 1191
- recours, 1192
- évocation, 756
- effet sur le délai de péremption, 1207
Suspension de l'instance :
- notion, 1184
- causes de suspension, 1190
- et délai de péremption, 1207
Suspicion légitime, 1148 s.
Syndicat, v. action des groupements, 85, 96

T
Tantum devolutum quantum appellatum, 745
Taux de compétence :
- calcul du montant des demandes, 723 s.
Taux du ressort :
- calcul du montant des demandes, 723 s.
- matière prud'homale, 725
- tribunal d'instance, 964
- tribunal de grande instance, 961
- tribunal de commerce, 971
Technicien :
- désignation, 1121
- rapport, 1126
- rémunération, 1127
- récusation, 1142, 1146
- notaire, 1124
- v. mesures d'instruction exécutées par un technicien
Témoignage :
- incapacité de témoigner, 1114
- témoignage écrit, 1110 s.
- témoignage oral, v. enquête
Tierce opposition, 706 s., 912 s.
- tendant au retrait du dispositif de la décision, 914 s.
- tendant à la déclaration de mal fondé de la décision, 926 s.
- tierce opposition principale ou incidente, 931 s.
- notion de tiers, 917 s.
- notion de « représentation », 918
- matière gracieuse, 919
- décisions insusceptibles, 920
- qualité, 921, 928
- intérêt à agir, 923, 928
- effets, 924 s.
Titre exécutoire européen, 350
Transaction :
- cause d'extinction de l'instance, 1199, 1201, 1203
Tribunal, composition, 482, 486
Tribunal des affaires de sécurité sociale, 976
Tribunal de commerce, 652 s.
- actes introductifs d'instance, 653
- juge chargé d’instruire l’affaire, 654 s.
- compétence d'attribution, 971 s.
Tribunal de grande instance, 589 s.
- instruction, 595 s.
- rapport, 631
- statuant commercialement, 652
- compétence d'attribution, 960 s.
- demandes incidentes, 1010
Tribunal d'instance, 644 s.
- tentative préalable de conciliation, 646 et s.
- actes introductifs d'instance, 650
- compétence d'attribution, 963 s.
- demandes incidentes, 1010
- incompétence relevée d'office, 1028
Tribunal paritaire des baux ruraux, 675 s.
- acte introductif d'instance, 676
- défaut de comparution, 678
- compétence, 976
Trouble manifestement illicite, 426
Tutelle, 195, 335, 475, 476, 711
Tuteur, intervention, 1169

Unicité de l'instance prud'homale, 662 s., 766


Ultra petita, v. infra petita

Vérification d'écriture, 73, 1078 s.


Vérification juridictionnelle, 342, 354
Vérifications personnelles du juge, 1105
Vice de forme, 166, 213 s., 1102
Vice grave, 736
Violation de la loi, 823
Violation d'un principe essentiel de procédure, 736
Voies de nullité n'ont lieu contre les jugements, 686 s.
Voie électronique, v. communication électronique
Voies de recours, 680 s.
- éléments de théorie, 682 s.
- objet des voies de recours, 688 s.
- annulation et remplacement du jugement, 691
- classifications, 695 s.
- rétractation et réformation, 696
- voies de recours ordinaires et extraordinaires, 697 s.
- voies de recours normales et particulières, 703 s.
- concentration des voies de recours, 730 s., 735, 816 s., 1096
- v. délai des recours
TABLE DES MATIÈRES

Précisions préalables à la sixième édition

Préface (de la deuxième édition)

Introduction

SECTION I Présentation générale du droit judiciaire privé

SECTION II Les sources du droit judiciaire privé

§ 1 Le Code de procédure civile

A L'élaboration et l'évolution du Code de procédure civile de 1975

1 La situation antérieure

2 Le travail de réalisation

3 Les modifications postérieures

B Les qualités du Code de procédure civile de 1975

§ 2 Les autres sources du droit judiciaire privé

A Les droits communautaire et européen

B Les sources de droit interne

1 Le droit écrit

2 La jurisprudence

3 La doctrine

PREMIÈRE PARTIE LES NOTIONS ESSENTIELLES DU DROIT JUDICIAIRE PRIVÉ

TITRE 1 Les notions essentielles concernant l'action


SOUS-TITRE 1 La théorie générale de l'action

CHAPITRE I LA NOTION D'ACTION

SECTION I Les notions classiques de l'action

§ 1 L'action comme aspect du droit substantiel

§ 2 L'action comme pouvoir virtuel

SECTION II La notion proposée de l'action

§ 1 L'établissement de la notion

§ 2 Les conséquences de la notion

A La restitution aux demandes et aux défenses

B La restitution au droit substantiel

CHAPITRE II LES ACTES PROCESSUELS : LES DEMANDES ET LES DÉFENSES

SECTION I Les demandes

Sous-section 1 Les conditions de la demande

§ 1 Les demandes formées par des personnes susceptibles d'être les destinataires de la règle
de droit

A Les restrictions au droit d'agir (la qualité)

B L'objet de la demande (l'intérêt)

§ 2 Les demandes formées par des personnes insusceptibles d'être les destinataires de la
règle de droit

A L'action au nom d'un intérêt collectif

1 L'intérêt collectif

2 La recevabilité de l'action en défense d'un intérêt collectif

B L'action en défense des intérêts personnels d'autrui

1 La défense des intérêts d'autrui par une autorité ou un organe procédural

2 La défense des intérêts d'autrui par un particulier


3 La défense des intérêts personnels d'autrui par une organisation syndicale

4 La défense des intérêts individuels d'autrui par une association

C L’action de groupe

1 Les conditions de recevabilité de l’action de groupe

2 Le déroulement de la procédure d’action de groupe

3 Analyse et appréciation de l’action de groupe

Sous-section 2 La variété des demandes

§ 1 L'énoncé des diverses demandes

A La demande initiale

B Les demandes incidentes

1 L'énumération des demandes incidentes

2 La recevabilité des demandes incidentes

§ 2 Les effets des demandes

A Les effets communs à toutes les demandes

B L'effet spécifique à la demande initiale

SECTION II Les défenses

§ 1 La diversité des défenses

A La définition des diverses sortes de défenses

1 La définition des défenses au fond

2 La définition des défenses procédurales

B L'agencement des diverses sortes de défenses

1 L'agencement des défenses procédurales

2 L'agencement des défenses au fond

§ 2 Les défenses procédurales


A Les fins de non-recevoir

1 La notion de fin de non-recevoir

2 Le régime des fins de non-recevoir

B Les exceptions de procédure

1 L'énumération des exceptions de procédure

2 Le régime des exceptions de procédure

SOUS-TITRE 2 Les techniques procédurales de l'instance

CHAPITRE I LES ACTES DE PROCÉDURE

SECTION I L'énoncé des règles de formation

§ 1 L'énoncé des conditions de forme

A La signification

1 La signification directe par l'huissier

2 La signification au parquet

3 La sanction des règles applicables et la date de la signification

B Les autres notifications

1 La notification en la forme ordinaire

2 Les notifications entre avocats

C Éléments de droit international et de droit communautaire

§ 2 L'énoncé des conditions de fond

A La capacité et le pouvoir

1 La capacité

2 Le pouvoir

B La représentation en justice

1 Le mandat de représentation en justice


2 La représentation mutuelle des parties

SECTION II La sanction des règles de formation

§ 1 La sanction des conditions de forme

A La cause de nullité

B L'existence d'un grief

C L'absence de régularisation

§ 2 La sanction des conditions de fond

A Les irrégularités prévues par le Code de procédure civile

1 Les causes de nullité

2 L'absence de régularisation

B L'extension à d'autres irrégularités

1 L'extension refusée

2 Les extensions acceptées

CHAPITRE II LES DÉLAIS DE PROCÉDURE

SECTION I La computation des délais

§ 1 La computation des délais en jours

A Le dies a quo

B Le dies ad quem

1 Le caractère du délai

2 La prorogation de l'échéance

§ 2 La computation des délais en mois

A Les délais ne comportant que des mois

B Les délais combinant des jours et des mois

SECTION II La modification de la durée des délais


§ 1 Les modifications légales

A Le tribunal siégeant en France métropolitaine

B Le tribunal siégeant dans un département ou une collectivité d'outre-mer

§ 2 Les modifications judiciaires

SECTION III La sanction des délais

§ 1 La sanction de la forclusion

§ 2 Les remèdes à la forclusion

A Le relevé de forclusion

B La suspension du délai

TITRE 2 Les notions essentielles concernant le procès

SOUS-TITRE 1 Les principes directeurs du procès

CHAPITRE I LES RÔLES RESPECTIFS DES PARTIES ET DU JUGE

SECTION I Le rôle des parties

§ 1 L'existence de l'instance

A La création de l'instance

B L'extinction volontaire de l'instance

§ 2 La détermination des éléments de l'instance

A La détermination des demandes

B La détermination des faits du procès

1 L'allégation des faits

2 La preuve des faits

SECTION II Le rôle du juge

§ 1 Le principe

A Les pouvoirs du juge


B L'exercice obligatoire ou facultatif des pouvoirs

§ 2 Les restrictions au principe

A Le droit procédural

1 Les fins de non-recevoir

2 Les exceptions de procédure

B Le droit substantiel

CHAPITRE II LE PRINCIPE DE LA CONTRADICTION

SECTION I Le principe de la contradiction entre les parties

§ 1 Le principe

A L'information du défendeur

B L'instauration d'un débat contradictoire

§ 2 L'exception

SECTION II Le principe de la contradiction à l'égard du juge

§ 1 Les rédactions successives de l'article 16

§ 2 Le droit positif actuel

SOUS-TITRE 2 Le recours au juge

CHAPITRE I LA DIVERSITÉ DES ACTES DU JUGE

SECTION I La théorie de l'acte juridictionnel

§ 1 La notion de matière gracieuse

A La définition de la matière gracieuse

B Les limites de la matière gracieuse

1 La frontière des matières gracieuse et contentieuse

2 Le passage de la matière gracieuse à la matière contentieuse

§ 2 La notion d'acte juridictionnel


A Le critère tiré du contentieux

B Le critère tiré de ce que le juge est un tiers

1 L'unité fondamentale du contentieux et du gracieux

2 Le critère proposé de l'acte juridictionnel

C Les actes administratifs du juge

SECTION II Les effets et attributs de l'acte juridictionnel

Sous-section 1 Les effets de l'acte juridictionnel

§ 1 Le contenu des effets de l'acte juridictionnel

A Le contenu des effets substantiels du jugement

B Le contenu des effets procéduraux du jugement

§ 2 Le moment auquel se produisent les effets de l'acte juridictionnel

Sous-section 2 Les attributs de l'acte juridictionnel

§ 1 La distinction des effets et de certains attributs du jugement

§ 2 L'autorité de la chose jugée

A Le contenu de l'autorité de la chose jugée

1 L'autorité négative de chose jugée

2 L'autorité positive de chose jugée

B Le domaine de l'autorité de la chose jugée

1 Les jugements disposant de l'autorité de la chose jugée

2 La condition de forme tenant à la rédaction des jugements

§ 3 Le dessaisissement du juge

A Les cas d'aménagement

1 L'interprétation du jugement

2 L'erreur ou l'omission matérielle


3 L'ultra et l'infra petita

B Le régime des aménagements

CHAPITRE II LA DIVERSITÉ DES CONTENTIEUX

SECTION I Le contentieux du provisoire

Sous-section 1 L'ordonnance de référé

§ 1 Les dispositions communes aux référés

A La compétence en matière de référé

1 La compétence d'attribution

2 La compétence territoriale

3 L'incidence des clauses compromissoires et des clauses attributives de compétence

B La recevabilité de la demande

C Les mesures susceptibles d'être ordonnées

1 La notion de mesures

2 Le caractère provisoire des mesures

§ 2 La diversité des référés

A L'article 808

B L'article 809, alinéa 2

1 La provision

2 L'exécution de l'obligation

C L'article 145

D L'article 809, alinéa 1 er

Sous-section 2 L'ordonnance sur requête

§ 1 Le droit positif de l'ordonnance sur requête

A La compétence du juge
B La recevabilité de la requête

C L'efficacité de la décision

§ 2 La nature juridique de l'ordonnance sur requête

A La théorie évolutive de l'ordonnance sur requête

B La solution proposée

SECTION II Le contentieux du possessoire

§ 1 Le non-cumul à l'intérieur de l'instance possessoire

§ 2 Le non-cumul des actions

DEUXIÈME PARTIE LA PROCÉDURE DEVANT LES JURIDICTIONS DU PREMIER DEGRÉ

TITRE 1 Les dispositions communes à toutes les juridictions

CHAPITRE I LA PROCÉDURE CONTENTIEUSE AU PRINCIPAL

SECTION I La procédure antérieure au jugement

§ 1 L'acte introductif d'instance

A L'assignation

B La requête conjointe

§ 2 La saisine du tribunal

A La saisine elle-même

B Le suivi du procès par le secrétariat

§ 3 La communication au ministère public

A Les diverses sortes de communication

B L'avis donné par le ministère public

§ 4 Les débats oraux

A L'énoncé des règles régissant les débats oraux

1 La publicité des débats


2 Les plaidoiries et les conclusions orales

B La sanction des règles régissant les débats oraux

SECTION II Le jugement

Sous-section 1 La confection du jugement

§ 1 L'énoncé des règles régissant la confection du jugement

A Le délibéré

1 La prise de décision

2 Les notes en délibéré

B La rédaction du jugement

1 Les énonciations procédurales du jugement

2 Les énonciations du jugement touchant au fond de l'affaire

C Le prononcé du jugement

§ 2 La sanction des règles régissant la confection du jugement

A Les causes de nullité

B Le régime de la nullité

Sous-section 2 Le jugement rendu

§ 1 Le principe

A La notification du jugement

B La décision passée en force de chose jugée

§ 2 L'exécution provisoire

A La décision de première instance

1 Le domaine de l'exécution provisoire

2 Les modalités de l'exécution provisoire

3 Les garanties du respect de l'exécution provisoire


B Les recours en matière d'exécution provisoire

1 L'arrêt ou l'aménagement de l'exécution provisoire

2 L'octroi de l'exécution provisoire

C L'infirmation du jugement doté de l'exécution provisoire

SECTION III Les frais et dépens

CHAPITRE II LES AUTRES PROCÉDURES

SECTION I La procédure gracieuse

A L'introduction de l'instance

B Le déroulement de l'instance

C Le jugement

SECTION II Les procédures provisoires

§ 1 La procédure de référé

A L'Introduction de l'instance

B Le déroulement de l'instance

C La décision de référé

§ 2 La procédure sur requête

SECTION III La procédure de l’injonction de payer

§ 1 L’instance non contradictoire

§ 2 L’instance contradictoire

TITRE 2 Les dispositions particulières à chaque juridiction

CHAPITRE I LES DISPOSITIONS PARTICULIÈRES AU TRIBUNAL DE GRANDE


INSTANCE

SECTION I La procédure ordinaire

Sous-section 1 Le début de l'instance

§ 1 L'introduction de l'instance
§ 2 La distribution et la fixation de l'affaire

Sous-section 2 L'instruction de l'affaire

§ 1 Les lignes directrices de l'instruction

A L'existence d'une instruction écrite

1 L'échange de conclusions

2 La communication des pièces

B La diversité des modalités de l'instruction

§ 2 L'instruction devant le juge de la mise en état

A Les pouvoirs de contrôle

1 La régulation du procès

2 L'orientation du procès

B Les pouvoirs juridictionnels

1 L'énoncé des attributions juridictionnelles

2 Le régime des décisions juridictionnelles

§ 3 L'ordonnance de clôture

A Le prononcé de l'ordonnance

B Les effets de l'ordonnance

C La révocation de l'ordonnance

Sous-section 3 Les débats oraux

§ 1 La tenue de l'audience

§ 2 Le rapport

SECTION II Les procédures particulières

§ 1 La procédure à jour fixe

A L'autorisation d'assigner à jour fixe


B Le déroulement de l'instance

§ 2 La procédure à juge unique

A Le recours au juge unique

B Le déroulement de l'instance

CHAPITRE II LES DISPOSITIONS PARTICULIÈRES AUX TRIBUNAUX D'EXCEPTION

SECTION I Le tribunal d'instance et la juridiction de proximité

§ 1 La tentative de conciliation

A La tentative préalable de conciliation

B La tentative de conciliation intégrée dans l'instance contentieuse

§ 2 Les suites du défaut de conciliation

SECTION II Le tribunal de commerce

§ 1 Le début de l'instance

§ 2 L'instruction de l'affaire

§ 3 Les débats oraux

SECTION III Le conseil de prud'hommes

§ 1 L'introduction de la demande

A L'acte introductif d'instance

B L'unicité de l'instance prud'homale

§ 2 Le bureau de conciliation

A Le défaut de comparution de l'une des parties

B Les mesures provisoires ordonnées par le bureau de conciliation

§ 3 Le bureau de jugement

A L'instruction de l'affaire

B Le jugement
SECTION IV Le tribunal paritaire des baux ruraux

§ 1 Le début de l'instance

§ 2 La tentative de conciliation

TROISIÈME PARTIE LES VOIES DE RECOURS

CHAPITRE I NOTIONS GÉNÉRALES SUR LES VOIES DE RECOURS

SECTION I L'action sur voie de recours

§ 1 Le principe de l'action sur voie de recours

A L'existence de l'action

B L'objet de l'action

§ 2 L'organisation de l'action sur voie de recours

A Les classifications traditionnelles

1 Les voies de réformation et de rétractation

2 Les voies de recours ordinaires et extraordinaires

B Les classifications proposées

1 Les éléments de réponse

2 L'ordonnancement proposé

SECTION II Les dispositions communes aux voies de recours

§ 1 Le point de départ du délai

A Les effets de la notification du jugement

B L'absence de notification du jugement

§ 2 La modification de la situation des parties

A La partie à qui le jugement est notifié

B La partie qui notifie le jugement

TITRE 1 Les voies de recours normales


SOUS-TITRE 1 L'appel

CHAPITRE I LA VOIE DE RECOURS DE L'APPEL

SECTION I L'ouverture de l'appel

§ 1 La suppression de l'appel

A Les exceptions liées au montant de la demande

1 Les demandes n'émanent que du ou des demandeurs initiaux

2 Les demandes n'émanent pas toutes du ou des demandeurs originaires

B Les autres exceptions

§ 2 La concentration de l'appel

A Les jugements tranchant une partie du principal

B Les jugements qui mettent fin à l'instance

§ 3 L'appel restauré

A Les conditions de la restauration de l'appel

B Le régime de l'appel restauré

SECTION II Les effets de l'appel

Sous-section 1 L'appel, voie de recours

§ 1 La dévolution du litige

A L'appel principal

1 L'étendue de la dévolution

2 Les règles particulières en cas de solidarité ou d'indivisibilité

B Les appels incidents

1 La notion d'appel incident

2 Le régime de l'appel incident

§ 2 L'évocation de l'affaire
A Les cas d'ouverture de l'évocation

B Le régime de l'évocation

Sous-section 2 L'appel, voie d'achèvement

§ 1 Le remaniement des demandes

A Le remaniement prévu par l'article 565

B Le remaniement prévu par l'article 566

§ 2 Les demandes entièrement nouvelles

A Les demandes recevables en raison de l'évolution du litige

B Les autres demandes recevables

CHAPITRE II LA PROCÉDURE DE L'APPEL

SECTION I La procédure avec représentation obligatoire

§ 1 La procédure ordinaire

A Le début de l'instance

B L'instruction de l'affaire

1 Les conclusions des parties

2 Les mesures prises en cours d'instance

C La décision rendue par la cour d'appel

§ 2 La procédure à jour fixe

A Le recours à la procédure

B Le déroulement de la procédure

SECTION II La procédure sans représentation obligatoire

§ 1 La procédure ordinaire

A Le début de l'instance

B L'instruction de l'affaire
§ 2 La procédure à jour fixe

SOUS-TITRE 2 Le pourvoi en cassation

CHAPITRE I LA VOIE DE RECOURS DU POURVOI EN CASSATION

SECTION I La nature du pourvoi en cassation

SECTION II L'ouverture du pourvoi en cassation

§ 1 Les jugements susceptibles d'une autre voie de recours

§ 2 La concentration du pourvoi en cassation

SECTION III Les effets du pourvoi en cassation

§ 1 Le contenu du pourvoi

§ 2 L'étendue du contrôle exercé par la cour

A Le contrôle des questions de droit

1 Le principe

2 Les exceptions

B Le contrôle des questions de fait

1 Le contrôle indirect des questions de fait : le contrôle des motifs de fait

2 Le contrôle direct des questions de fait

§ 3 Le contenu de la décision de la Cour de cassation

A Les arrêts de rejet

B Les arrêts de cassation

1 L'étendue normale de la cassation

2 L'élargissement de la cassation

CHAPITRE II LA PROCÉDURE DU POURVOI EN CASSATION

SECTION I La présentation du pourvoi

§ 1 La procédure avec représentation obligatoire


A L'introduction de l'instance

B L'instruction du pourvoi par les parties

1 Les mémoires sur le pourvoi principal

2 Les mémoires sur les pourvois incidents

§ 2 La procédure sans représentation obligatoire

A L'introduction de l'instance

B L'instruction du pourvoi par les parties

SECTION II Le jugement du pourvoi

§ 1 La prise de décision

A Le rôle du premier président

B L'instruction du pourvoi par la cour

C La confection du jugement

§ 2 Les suites de la décision

A La reprise de l'instance devant le juge de renvoi

B L'examen de l'affaire par le juge de renvoi

CHAPITRE III LES POURVOIS PARTICULIERS

SECTION I Le recours en inconciliabilité de jugements

SECTION II Les pourvois du procureur général

TITRE 2 Les voies de recours particulières

CHAPITRE I L'OPPOSITION

SECTION I La voie de recours de l'opposition

§ 1 L'ouverture de l'opposition

§ 2 Les effets de l'opposition

SECTION II La procédure de l'opposition


CHAPITRE II LA TIERCE OPPOSITION

SECTION I La voie de recours de la tierce opposition

§ 1 La tierce opposition qui tend au retrait du dispositif de la décision attaquée

A L'ouverture de la tierce opposition

1 La notion de tiers

2 La qualité et l'intérêt

B Les effets de la tierce opposition

§ 2 La tierce opposition qui tend à la déclaration de mal fondé de la décision attaquée

A L'ouverture de la tierce opposition

B Les effets de la tierce opposition

SECTION II La procédure de la tierce opposition

§ 1 La tierce opposition principale

§ 2 La tierce opposition incidente

CHAPITRE III LE RECOURS EN RÉVISION

SECTION I La voie de recours de la révision

§ 1 L'ouverture du recours en révision

A Les cas d'ouverture du recours en révision

B Le caractère subsidiaire du recours en révision

§ 2 Les effets du recours en révision

SECTION II La procédure du recours en révision

§ 1 L'instance en révision

§ 2 Les voies de recours

QUATRIÈME PARTIE LES INCIDENTS

TITRE 1 Les incidents liés à la compétence


CHAPITRE I LA COMPÉTENCE

SECTION I L'énoncé des règles de compétence

§ 1 Les règles de compétence d'attribution

A Le tribunal de grande instance

B Le tribunal d'instance

C La juridiction de proximité

D Le tribunal de commerce

E Le conseil de prud'hommes

F Autres juridictions

§ 2 Les règles de compétence territoriale

A L'application de la règle de principe

1 Le jeu de la règle seule

2 La combinaison de la règle de principe avec d'autres chefs

3 Le magistrat ou l'auxiliaire de justice partie au procès

B L'exclusion de la règle de principe

1 La substitution d'un autre chef de compétence

2 L'édiction de chefs de compétence complexes

SECTION II L'aménagement des règles de compétence

§ 1 L'extension de la compétence

A L'extension de la compétence à l'égard des défenses

1 Le principe

2 La limite

B L'extension de la compétence à l'égard des demandes incidentes

§ 2 La prorogation de compétence
A La prorogation conventionnelle de compétence territoriale

1 Les conditions de la clause

2 Les effets de la clause

B La prorogation conventionnelle de compétence d'attribution

CHAPITRE II LE RÈGLEMENT DE L'INCOMPÉTENCE

SECTION I Le premier règlement de l'incident

§ 1 La naissance de l'incident

A Le déclinatoire de compétence

B L'incompétence relevée d'office

§ 2 Le jugement sur la compétence

SECTION II Les voies de recours

§ 1 Le contredit

A Le domaine du contredit

B La procédure du contredit

C La décision de la cour d'appel

1 Les décisions sur la compétence

2 L'évocation de l'affaire

§ 2 L'appel

A L'appel contre le jugement susceptible d'appel au fond

B L'appel contre le jugement insusceptible d'appel au fond

CHAPITRE III LA CONNEXITÉ ET LA LITISPENDANCE

SECTION I La connexité

§ 1 Les conditions du renvoi

A La saisine de deux juridictions


B La compétence des juridictions

§ 2 Le règlement de l'incident

A L'exception soulevée devant l'un des deux juges

B L'exception soulevée devant les deux juges

SECTION II La litispendance

§ 1 La définition de la litispendance

A L'identité totale de litige

B L'identité partielle de litige

§ 2 Le règlement de l'incident

TITRE 2 Les incidents relatifs à la preuve

CHAPITRE I LES PIÈCES ET DOCUMENTS

SECTION I La connaissance des pièces

§ 1 La production forcée des pièces

§ 2 L'obtention des pièces

SECTION II La contestation des écrits

§ 1 L'acte sous seing privé

A La contestation à titre incident

B La contestation à titre principal

§ 2 L'acte authentique

A La demande en faux

B L'instance en faux

CHAPITRE II LES MESURES D'INSTRUCTION

SECTION I Les règles communes à toutes les mesures d'instruction

§ 1 La décision ordonnant la mesure


A Les circonstances justifiant la mesure

B La décision elle-même

§ 2 L'exécution de la mesure

A Le rôle du juge et des parties

B Les difficultés d'exécution

§ 3 La sanction des irrégularités affectant la mesure

SECTION II Les diverses mesures d'instruction

Sous-section 1 Les mesures d'instruction non exécutées par un technicien

§ 1 Les vérifications personnelles du juge

§ 2 La comparution personnelle des parties

§ 3 Les déclarations des tiers

A L'attestation

B L'enquête

1 Les dispositions communes à toutes les enquêtes

2 Les règles particulières à chaque sorte d'enquête

Sous-section 2 Les mesures d'instruction exécutées par un technicien

§ 1 Les dispositions communes

A La décision ordonnant la mesure

1 La désignation du technicien

2 La mission du technicien

B L'exécution de la mesure

§ 2 Les constatations et la consultation

A Les constatations

B La consultation
§ 3 L'expertise

A La décision ordonnant l'expertise

B L'exécution de l'expertise

C La rémunération de l'expert

TITRE 3 Les autres incidents

CHAPITRE I LES INCIDENTS RELATIFS À LA JURIDICTION ET AUX MAGISTRATS

SECTION I La récusation et l'abstention

§ 1 La récusation

§ 2 L'abstention

SECTION II Le renvoi

§ 1 Le renvoi pour cause de suspicion légitime

§ 2 Le renvoi pour cause de sûreté publique

§ 3 Le renvoi en cas de demande de récusation contre plusieurs juges

CHAPITRE II LES INCIDENTS LIÉS AUX PARTIES

SECTION I Le défaut

§ 1 Les deux sortes de défaut

A Le défaut faute de comparaître

B Le défaut faute d'accomplir les actes de procédure

§ 2 Le jugement rendu sur défaut

A La qualification du jugement

B Le régime du jugement

SECTION II L'intervention

§ 1 L'intervention volontaire

A L'intervention principale
B L'intervention accessoire

§ 2 L'intervention forcée

A L'intervention aux fins de condamnation

B L'intervention aux fins de jugement commun

CHAPITRE III LES INCIDENTS D'INSTANCE

SECTION I Les incidents affectant la poursuite de l'instance

§ 1 L'interruption de l'instance

A Les causes d'interruption

B La reprise d'instance

§ 2 La suspension de l'instance

A Le sursis à statuer

B La radiation et le retrait du rôle

1 Les causes de radiation et de retrait du rôle

2 La décision de radiation ou de retrait du rôle

SECTION II Les incidents mettant fin à l'instance

Sous-section 1 L'extinction à titre accessoire

§ 1 L'analyse de la cause de l'extinction

§ 2 La constatation de l'accord des parties

Sous-section 2 L'extinction à titre principal

§ 1 La péremption d'instance

A Les conditions de la péremption

B Les effets de la péremption

§ 2 Le désistement d'instance

A Le désistement en première instance


B Le désistement de l'appel ou de l'opposition

§ 3 La caducité de la citation

§ 4 L'acquiescement au jugement

A L'acquiescement au jugement proprement dit

B La renonciation à l'appel

Index
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François Saint-Bonnet
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DROIT PRIVÉ
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ET DE LA CONSTRUCTION ■ (10e éd.).
et Rozen NOGUELLOU
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HISTOIRE DU DROIT PRIVÉ
Jean BART De la chute de l'Empire romain au XIXe siècle.
■ (2e éd.).
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Florence BELLIVIER DROIT DES PERSONNES
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DROIT DES CONTRATS SPÉCIAUX
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CIVILS ET COMMERCIAUX ■ (10e éd.).
Alain BÉNABENT DROIT DE LA FAMILLE ■ (3e éd.).
Thierry BONNEAU DROIT BANCAIRE ■ (11e éd.).
DROIT DES RÉGIMES
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MATRIMONIAUX ■ (9e éd.).
Nicolas CAYROL DROIT DE L’EXÉCUTION
DROIT CIVIL
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Introduction au droit ■ (13e éd.).
DROIT CIVIL
Gérard CORNU
Les biens ■ (13e éd.).
DROIT CIVIL
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Les personnes ■ (13e éd.).
DROIT CIVIL
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La famille ■ (9e éd.).
Gérard CORNU LINGUISTIQUE JURIDIQUE ■ (3e éd.).
DROIT COMMERCIAL
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et Édith BLARY-CLÉMENT ■ Fonds de commerce ■ Concurrence
■ Consommation ■ (10e éd.).
DROIT COMMERCIAL
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Instruments de paiement et de crédit.
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DROIT PRIVÉ ROMAIN ■ (3e éd.).
et Emmanuelle CHEVREAU
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DROIT CIVIL
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DROIT DES SOCIÉTÉS ■ (6e éd.).
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DROIT INTERNATIONAL ET EUROPÉEN
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DES SOCIÉTÉS ■ (3e éd.).
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INDUSTRIELLE ■ (2e éd.).
DROIT DES ENTREPRISES
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EN DIFFICULTÉ ■ (9e éd.).
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DROIT PUBLIC
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DROIT PARLEMENTAIRE ■ (5e éd.).
et Jean GICQUEL
Michel BORGETTO DROIT DE L'AIDE ET DE L'ACTION
et Robert LAFORE SOCIALES ■ (8e éd.).
DROIT INSTITUTIONNEL
Jean BOULOUIS
DE L'UNION EUROPÉENNE ■ (6e éd.).
HISTOIRE DE L'ADMINISTRATION FRANÇAISE
François BURDEAU e e e
XVIII -XX siècles ■ (2 éd.).

DROIT ADMINISTRATIF GÉNÉRAL


T. 1 (15e éd.) Service public ■ Police ■ Responsabilité ■ Actes ■ Organisation et
justice administratives ■ Séparation des autorités administratives et judiciaires
René CHAPUS
■ Conflits d'attribution.
T. 2 (15e éd.) Fonction publique ■ Domaine public
■ Travaux publics ■ Expropriation.
René CHAPUS DROIT DU CONTENTIEUX
ADMINISTRATIF ■ (13e éd.).
Jean COMBACAU DROIT INTERNATIONAL PUBLIC
et Serge SUR ■ (11e éd.).
Louis DUBOUIS DROIT MATÉRIEL
et Claude BLUMANN DE L'UNION EUROPÉENNE ■ (7e éd.).
Pierre-Laurent FRIER DROIT ADMINISTRATIF
et Jacques PETIT ■ (10e éd.).
Jean GAUDEMET
LES INSTITUTIONS DE L'ANTIQUITÉ ■ (8e éd.).
et Emmanuelle CHEVREAU
LES NAISSANCES DU DROIT
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■ (4e éd.).
SOCIOLOGIE HISTORIQUE
Jean GAUDEMET
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FINANCES PUBLIQUES
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T. 1 (7e éd.) Politique financière ■ Budget et Trésor.
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T. 2 (6e éd.) Fiscalité.
Jean GICQUEL DROIT CONSTITUTIONNEL
et Jean-Éric GICQUEL ET INSTITUTIONS POLITIQUES ■ (29e éd.).
Gilles J. GUGLIELMI,
Geneviève KOUBI DROIT DU SERVICE PUBLIC ■ (3e éd.).
et la collab. de Gilles DUMONT
Thierry LAMBERT PROCÉDURES FISCALES ■ (2e éd.).
HISTOIRE CONSTITUTIONNELLE
Marcel MORABITO DE LA FRANCE DE 1789 À NOS JOURS
■ (13e éd.).
Sophie NICINSKI DROIT PUBLIC DES AFFAIRES ■ (4e éd.).
Jacques ROBERT DROITS DE L'HOMME ET
et Jean DUFFAR LIBERTÉS FONDAMENTALES ■ (8e éd.).
DROIT
Raphaël ROMI
DE L'ENVIRONNEMENT ■ (8e éd.).
Raphaël ROMI,
DROIT INTERNATIONAL
Thomas DUBREUIL,
ET EUROPÉEN
Sandrine ROUSSEAUX,
DE L'ENVIRONNEMENT ■ (2e éd.).
Mary SANCY
DROIT DU CONTENTIEUX
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CONSTITUTIONNEL ■ (10e éd.).
François SAINT-BONNET HISTOIRE DES INSTITUTIONS
et Yves SASSIER AVANT 1789 ■ (5e éd.).
DROIT DU CONTENTIEUX
Carlos SANTULLI
INTERNATIONAL
Christophe SERAGLINI DROIT DE L’ARBITRAGE INTERNE
et Jérôme ORTSCHEIDT ET INTERNATIONAL
ADMINISTRATIONS COMPARÉES ■ (2e éd.).
Jacques ZILLER Les systèmes politico-administratifs de l'Europe
des Douze.
POLITIQUE
Francis BALLE MÉDIAS ET SOCIÉTÉS ■ (16e éd.).
Philippe BRAUD HISTOIRE DES IDÉES POLITIQUES
et François BURDEAU DEPUIS LA RÉVOLUTION ■ (2e éd.).
POLITIQUE COMPARÉE
Yves MÉNY
Les démocraties (Allemagne, États-Unis, France, Grande-Bretagne, Italie) ■
et Yves SUREL
(8e éd.).
Roger-Gérard SCHWARTZENBERG SOCIOLOGIE POLITIQUE ■ (5e éd.).
Serge SUR RELATIONS INTERNATIONALES ■ (6e éd.).

GESTION
INITIATION À LA GESTION
Jérôme CABY, Alain COURET
Connaissance de l'entreprise à partir de ses principaux documents obligatoires ■
et Gérard HIRIGOYEN
(3e éd.).
Les notes de bas de page

(1) Sur la sanction comme signe distinctif de la juridicité, v. Ph. JESTAZ, « La sanction ou l'inconnue du droit », D. 1986.197. On peut
cependant douter de l'opinion courante selon laquelle une norme n'a de caractère juridique que si elle est sanctionnée. Il existe, en effet,
des normes permissives c'est-à-dire autorisant un comportement sans pour autant l'ordonner. En réalité, ce qui confère à une norme sa
juridicité est son appartenance à un ordre juridique, lequel se définit, ainsi que l'écrit KELSEN, comme un ordre immanent de contrainte
socialement organisée (Théorie pure du droit, trad. Ch. EISENMANN, Dalloz, 1962, p. 46). C'est donc l'ordre juridique qui est, par
définition, globalement sanctionné et non pas forcément la norme juridique elle-même.

(2) Il existe une sorte de paradoxe en la matière. D'un côté, il est certain que la crainte de la sanction contribue au respect des
dispositions légales (la simple vue d'un véhicule de gendarmerie arrêté au bord de la route suffit à faire ralentir les automobilistes
imprudents). Mais, d'un autre côté, il faut bien reconnaître que la sanction demeure parfois d'une efficacité limitée. D'abord, il n'existe
aucun moyen civilisé pour faire payer un débiteur totalement démuni. Si l'on peut se permettre cette comparaison, aussi perfectionné soit-
il, un presse-citron ne peut rien tirer d'un fruit sec. Ensuite, la mise en œuvre de la sanction suppose établi l'agissement contraire à la loi
et il est d'une rare banalité de souligner le rôle souvent primordial que jouent dans les procès les règles de preuve et le nombre de droits
bafoués faute de preuve. Enfin, on ne saurait négliger les retards que peuvent susciter l'habileté et l'opiniâtreté d'un plaideur sans
scrupule, auxquelles s'ajoutent les lenteurs d'une machine judiciaire surchargée ; obtenir satisfaction au bout de huit ou dix ans de lutte
judiciaire, est-ce vraiment obtenir justice ?

(3) Sur les conséquences qui en résultent v. infra, no 6.(4) Du verbe latin procedere, qui signifie avancer.

(5) R. P ERROT , Institutions judiciaires, Montchrestien, Domat, 15e éd., 2012 ; F. KERNALEGUEN, Institutions judiciaires, LexisNexis,
5e éd., 2012.

(6) Par exemple dans ceux consacrés au droit civil de la famille ou au droit commercial des entreprises en difficulté.

(7) V. les suggestions de H. CROZE, Ch. MOREL et O. FRADIN, Procédure civile, Litec, 4e éd., 2008, no 11.(8) V. infra, no 1013.

(9) Autant le législateur se défie des clauses insérées dans le contrat visant à aménager le procès, dont il craint, avec quelques raisons,
qu'elles ne visent qu'à avantager la partie la plus puissante, autant il envisage avec faveur les accords que les parties peuvent conclure,
une fois le litige né, dont il pense qu'ils sont de nature à diminuer la charge conflictuelle qui les oppose.

(10) JHERING, L'esprit du droit romain, trad. Meulenaere, 3e éd., Paris, 1886-88, t. III, p. 158.

(11) Pour prendre une comparaison en droit de la vente, ce n'est pas pour rien que le législateur a substitué, en 2005, un délai de deux ans
au « bref délai » de l'article 1648 du Code civil. Tant que la loi ne « chiffrait » pas le délai dans lequel devait être formée l'action en
garantie des vices cachés, l'acquéreur d'un bien défectueux était à la merci de l'appréciation que faisait le juge de la brièveté de ce délai.
Selon la nature du bien vendu et la jurisprudence du tribunal saisi, sa demande pouvait ou non être accueillie. Un tel aléa ne se rencontre
plus, depuis que la durée du délai est fixée précisément par la loi.

(12) V. infra, no 165 et s.

(13) Dans l'Ancien Droit, l'ordonnance civile d'avril 1667 (ISAMBERT , Recueil général des anciennes lois françaises, tome XVIII, Paris,
1833) avait fixé à dix et vingt ans les délais pour faire appel.

(14) L'une des barrières les plus efficaces résulte de la règle « pas de nullité sans grief », posée par l'article 114 du Code de procédure
civile, sur laquelle, v. infra, no 215 et s.
(15) Comme le dit justement l'Écriture (Mt 5, 45), Dieu « fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les
justes et les injustes ».

(16) Pour une approche de la matière à laquelle nous souscrivons sans réserve, v. le bel article de M. H. CROZE, « Une autre idée de la
procédure », Mélanges A. Decocq, Litec, 2004, p. 129.

(17) Il arrive même que l'accumulation d'erreurs procédurales conduise à une situation quasiment inextricable, comparable à la situation
que l'on obtient parfois en voulant démêler maladroitement les nœuds d'une corde ; la question de fond, qui a motivé le procès, disparaît
alors des préoccupations des plaideurs qui se trouvent absorbées par l'ampleur qu'ont prise les difficultés de nature procédurale.

(18) Une autre question classique est celle de savoir si le droit judiciaire privé constitue ou non le droit commun judiciaire. On peut penser
que, lorsqu'elle est posée en ces termes, la question est mal formulée. À notre sens, le droit judiciaire s'articule autour de techniques de
base qui n'appartiennent ni au droit judiciaire privé ni au droit judiciaire administratif. Si on peut avoir l'illusion que le droit judiciaire privé
constitue une sorte de droit commun, c'est sans doute parce que le droit judiciaire administratif demeure encore très rudimentaire dans
l'élaboration et l'utilisation de ces concepts par rapport à son homologue privé.

(19) Sur laquelle, v. J. FOYER, Préface, Le nouveau Code de procédure civile, (1975-2005), J. Foyer et C. Puigelier (dir.), Economica,
2006, p. XIII et s.

(20) V. J.-L. HALPÉRIN, « Le Code de procédure civile de 1806 : un code de praticiens ? », De la commémoration d'un code à l'autre :
200 ans de procédure civile en France, Litec, 2006, p. 23.

(21) En particulier, Pigeau était l'auteur d'un ouvrage intitulé La procédure civile du Châtelet de Paris et de toutes les juridictions
ordinaires du royaume, 1787. C'est, avec Jousse, l'une de nos deux sources doctrinales principales au XVIIIe siècle.

(22) Pour dater le Code de procédure civile, on ne tient pas compte de la date d'entrée en vigueur, mais de celle de la promulgation et de
la publication ; on dit donc le Code de procédure civile de 1806.

(23) En dépit de son appellation, l'Ordonnance de 1667 ne traitait que de procédure civile, non de droit civil. On l'a appelée ordonnance
civile par opposition à l'ordonnance criminelle de 1670, qui régissait la procédure pénale.

(24) La question ne fut traitée que plus tard par le Règlement du 28 juin 1738 relatif à la procédure de cassation, que l'on doit au grand
Chancelier Daguesseau. En dépit de l'article 1041 du Code de procédure civile qui abrogeait « toutes lois, coutumes, usages et
règlements relatifs à la procédure civile », cette ordonnance est restée très longtemps en vigueur. Aujourd'hui même, quelques-unes de
ses dispositions restent encore de droit positif (v. l'article 1er du décret no 79-941 du 7 novembre 1979, qui excepte certaines de ses
dispositions de l'abrogation liée à l'entrée en vigueur des articles du Code de 1975 concernant la procédure de cassation). Il semble que
l'on ait choisi de ne pas couper ce lien avec le passé, en laissant survivre quelques dispositions dénuées de portée pratique ; ce maintien
revêt un certain caractère affectif (et, au demeurant, très sympathique).

(25) Ces lois de 1942 et 1944 ont été validées à la Libération.

(26) V. H. SOLUS et R. P ERROT , Droit judiciaire privé, t. 1, Paris, 1961, no 84.

(27) CE, 4 octobre 1974, JCP 1975.II.17967, note R. DRAGO, RTD civ. 1975, p. 355, note J. NORMAND.(28) V. infra, no 307.

(29) Le décès prématuré de Henri Motulsky fait que seuls les deux premiers décrets, celui de septembre 1971 et celui de juillet 1972,
portent directement la marque de l'éminent juriste.

(30) La plupart des dispositions issues des premiers décrets ont donc changé de numéro depuis l'entrée en vigueur du Code de 1975, ce
qui oblige à utiliser une table de concordance pour comprendre les arrêts rendus à leur sujet.

(31) C'est peu dire que l'accueil du nouveau Code par les avocats ne fut pas chaleureux. Il est bien certain que la mise en vigueur
progressive de textes incomplets a soulevé des problèmes transitoires aigus (outre la mise à jour pour ainsi dire permanente qu'ils
imposaient). Par ailleurs, il était d'une rare maladresse de faire entrer en vigueur au 1er janvier 1976 tout un ensemble de textes qui
n'avaient été publiés qu'au Journal officiel du 9 décembre 1975, d'autant que ce même numéro du Journal officiel contenait aussi le décret
no 75-1124 du 5 décembre 1975, portant réforme de la procédure du divorce et de la séparation de corps, applicable également à partir du
1er janvier 1976.

(32) Ce sont eux qui, à quelques rares exceptions près, font l'objet du présent manuel.
(33) Les dispositions relatives à la procédure applicable devant le conseil de prud'hommes ne se trouvent pas dans le Code de procédure
civile, mais dans le Code du travail. Le Code de procédure ne contient que l'article 879 qui opère un renvoi aux dispositions du Code du
travail.

(34) L'exemple du divorce montre que toutes les dispositions de ces livres trois et quatre ne constituent pas des innovations. Le décret
no 81-500 du 12 mai 1981 n'a fait que codifier les dispositions du décret no 75-1124 du 5 décembre 1975.

(35) V. G. WIEDERKEHR, « Le nouveau Code de procédure civile : la réforme permanente », Mélanges J. Béguin, Litec, 2005, p. 787.

(36) Plus largement, on peut relever que l'appartenance de la procédure civile au domaine réglementaire, qui a contribué pour une large
part au succès de la réforme entreprise par Jean Foyer, se retourne aujourd'hui contre elle en permettant régulièrement l'adoption sans
discussion de décrets qui modifient plus ou moins substantiellement le Code.

(37) Ce livre devait initialement recevoir des dispositions relatives aux voies d'exécution, mais il est resté vide et, en fin de compte, c'est
dans le Code des procédures civiles d'exécution (issu de l'ordonnance no 2011-1895 du 19 décembre 2011 ; v. infra, no 24) que les voies
d'exécution ont été, pour la plupart, regroupées.

(38) Le mot législatif ne doit évidemment pas être pris au sens étroit.

(39) Sur les qualités et défauts de ce code, v. L. CADIET , « Le Code », in Le nouveau Code de procédure civile : vingt ans après, La
Documentation française, 1998, p. 45 et s. Pour une critique radicale, v. R. MARTIN, À nouveau siècle nouveau procès civil, Ed. Edilex
Club, 2000. Partisan résolu d'un système accusatoire (op. cit. no 71 et s.), l'auteur considère que le Code de 1975 « a été un accident de
l'histoire » (op. cit. p. 3).

(40) V. B. BEIGNIER, « Le nouveau Code de procédure civile : un droit de professeurs ? », De la commémoration d'un code à l'autre :
200 ans de procédure civile en France, Litec, 2006, p. 35.

(41) Sur les principes directeurs du procès, v. infra, no 260 et s.(42) Guyane, Réunion, Martinique, Guadeloupe et, depuis 2011, Mayotte.

(43) En dépit de l'extension des règles du Code à ces derniers (v. J. FOYER, « Le nouveau Code et l'unification du droit de la procédure »,
Le nouveau Code de procédure civile, (1975-2005), J. Foyer et C. Puigelier (dir.), Economica, 2006, p. 17), ceux-ci connaissent
encore quelques règles locales : v. l'annexe du Code de procédure civile qui y est consacrée et les explications de Ph. HOONAKKER et D.
D’AMBRA, « Règles locales de procédure civile », Droit et pratique de la procédure civile, Dalloz Action, éd. 2014/2015, titre 72. Sur
l'évolution du droit local et son influence sur le Code de 1975, v. E. SANDER, « Du Code local de procédure civile au Code de procédure
civile », Mélanges G. Wiederkehr, Dalloz, 2009, p. 723.

(44) V. art. 1575 et s. CPC.

(45) Cette notion issue d'une révision constitutionnelle intervenue en 2003 englobe les anciens « territoires d'outre-mer » et certaines
collectivités d'un type particulier. Ainsi, en font partie la Polynésie française, Wallis et Futuna ou Saint-Pierre-et-Miquelon. La Nouvelle-
Calédonie constitue une entité à part qui bénéficie d'un statut très particulier. Sur ces questions, v. M.-L. RASSAT , J.-M. LEMOYNE
o
DE FORGES et P. LEMOYNE DE FORGES, Institutions administratives et juridictionnelles, Ellipses, 2005, n 84 et s.

(46) Sur les travaux de l'American Law Institute et d'Unidroit tendant à l'élaboration de principes et de règles de procédure civile
transnationale, v. F. FERRAND (dir.), La procédure civile mondiale modélisée, actes du colloque de Lyon du 12 juin 2003, EJT, 2004 ;
F. FERRAND, « La procédure civile internationale et la procédure civile transnationale : l'incidence de l'intégration économique régionale »,
Revue de droit uniforme 2003-1/2, p. 397.

(47) Les autres sources internationales sont moins prégnantes et principalement doctrinales. V. L. CADIET , « Les sources internationales
de la procédure civile française », Mélanges H. Gaudemet-Tallon, Dalloz, 2008, p. 209.

(48) Dans les lignes qui suivent, nous réservons l'adjectif « européen » aux normes issues de la convention européenne de sauvegarde
des droits de l'homme et des protocoles additionnels à ce texte ainsi qu'à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme.
S'agissant des normes relevant de l'Union européenne (ou naguère des « communautés européennes »), nous parlons de droit
communautaire. Ceci devrait permettre d'éviter toute confusion quant aux sources visées. Il est à noter, cependant, que certains auteurs
visent, à travers le terme « européen », à la fois le droit communautaire et le droit européen stricto sensu (ex : I. DELICOSTOPOULOS, Le
procès civil à l'épreuve du droit processuel européen, thèse, LGDJ, 2003).
(49) Il s'agit, notamment, de la Suisse et de la Norvège. Depuis lors, une nouvelle convention de Lugano, signée le 30 octobre 2007, a
autorisé l'extension à des pays extérieurs à l'AELE. V. C. NOURISSAT , Procédures 2008, no 43.

(50) Il s'agissait du règlement (dit « Bruxelles II ») du Conseil no 1347/2000 du 29 mai 2000.

(51) Règlement (dit « Bruxelles II bis ») du Conseil no 2201/2003 du 27 novembre 2003. Pour une présentation, v. A. BIGOT , « Le
nouveau règlement communautaire du 27 novembre 2003 en matière matrimoniale et de responsabilité parentale », Famille 2004, chr.,
no 8, p. 12 ; E. GALLANT , in Droit processuel civil de l’Union européenne, LexisNexis, 2011, p. 59 et s.

(52) C'était le règlement du Conseil no 1348/2000 du 29 mai 2000, qui a été abrogé et remplacé par le règlement no 1393/2007 du
13 novembre 2007. En date du 29 mai 2000, il faut signaler également le règlement no 1346/2000 du Conseil relatif aux procédures
d'insolvabilité.

(53) Règlement dit « Bruxelles I ». Sur ce texte, v. E. JEULAND et K. EL CHAZLI, in Droit processuel civil de l’Union européenne,
LexisNexis, 2011, p. 3 et s.

(54) C’est le règlement dit « Bruxelles I bis », sur lequel, v. G. CUNIBERTI, « La réforme du règlement Bruxelles I », Dr. et procéd. 2013,
p. 26.

(55) Règlement du Conseil no 1206/2001 du 28 mai 2001. D. LEBEAU et M.-L. NIBOYET , « Regards croisés du processualiste et de
l'internationaliste sur le règlement CE du 28 mai 2001 relatif à l'obtention des preuves civiles à l'étranger », Gaz. Pal. 19 20 février 2003,
p. 6. Sur ce texte, v. aussi D. LEBEAU, in Droit processuel civil de l’Union européenne, LexisNexis, 2011, p. 189.

(56) Règlement du Conseil no 4/2009 du 18 décembre 2008, sur lequel v. C. NOURISSAT , Procédures 2009, étude no 5 et Dr. et procéd.
2010, supplément au no 10, actes du VIIIe colloque droit et procédures, p. 39 ; E. GALLANT , in Droit processuel civil de l’Union
européenne, LexisNexis, 2011, p. 59 et s.

(57) Règlement du Parlement européen et du Conseil no 805/2004 du 21 avril 2004.

(58) Règlement (CE) no 1896/2006 du 12 décembre 2006.

(59) Règlement (CE) no 861/2007 du 11 juillet 2007. V. F. FERRAND, « La procédure européenne de règlement des petits litiges,
concurrente des procédures nationales ? », Dr. et procéd. 2010, supplément au no 10, p. 51. Sur ce texte, v. aussi M. NIOCHE, in Droit
processuel civil de l’Union européenne, LexisNexis, 2011, p. 277.

(60) JOCE no C 364 du 18 décembre 2000.

(61) V. F. FERRAND, « L’européanisation de la procédure civile sous l’influence de l’Union européenne », Gaz. Pal. 2014, nº 211-212, p. 6.
Pour un exposé détaillé de l'incidence du droit communautaire sur notre matière, v. S. GUINCHARD, C. CHAINAIS et F. FERRAND, Procédure
civile, Dalloz, Précis, 32e éd., 2014, no 21 et s.

(62) À ne pas confondre avec le Conseil de l'Union européenne qui est un organe communautaire. Le Conseil de l'Europe est distinct de
l'Union européenne. Il s'agit d'une organisation internationale constituée en 1949 pour promouvoir et sauvegarder les idéaux des pays
européens et qui comporte actuellement plus de quarante États.

(63) À ne pas confondre avec la Cour de Justice de l'Union européenne (CJUE) qui siège à Luxembourg et constitue un des organes de
l'Union européenne. La CEDH siège à Strasbourg.

(64) Pour un état de la question en 1999, v. S. GUINCHARD, « L'influence de la Convention européenne des droits de l'homme et de la
jurisprudence de la Cour européenne sur la procédure civile », LPA 12 avril 1999, no 72, p. 4 et s.

(65) Le premier article de la partie législative du Code de l’organisation judiciaire est l'article L. 111-1 et celui de la partie réglementaire
l'article R. 111-1.

(66) Sur ces règles, v. infra, no 951 et s.(67) Article 26 de la loi no 2007-1787 du 20 décembre 2007 relative à la simplification du droit.

(68) La Constitution de 1958, le préambule de celle de 1946 et la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

(69) Déc. DC no 76-70 du 2 décembre 1976, JORF du 7 décembre 1976, p. 7052.


(70) Déc. DC no 93-325 du 13 août 1993, JORF du 18 août 1993, p. 11722.

(71) Déc. L no 85-142 du 13 novembre 1985, JORF du 20 novembre 1985, p. 13457.

(72) Un article extrêmement incisif conteste même l'existence d'une telle « constitutionnalisation » : B. BEIGNIER, « Procédure civile et
droit constitutionnel », in La légitimité de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, Economica, 1999, p. 153. Pour une vision
critique, quoique plus modérée, v. Ph. THÉRY, « La question des sources », De la commémoration d'un code à l'autre : 200 ans de
procédure civile en France, Litec, 2006, spéc. p. 262.

(73) Ex. : S. GUINCHARD, C. CHAINAIS et F. FERRAND, op. cit. no 32 et s. ; S. GUINCHARD et alii, Droit processuel. Droits fondamentaux du
procès, Dalloz, Précis, 8e éd., 2015, no 166 et s. S. GUINCHARD, « Retour sur la constitutionnalisation de la procédure civile », Mélanges
Drai, Dalloz, 2000, p. 355. Pour une approche beaucoup plus prudente, v. N. MOLFESSIS, « La procédure civile et le droit constitutionnel »,
in Le nouveau Code de procédure civile : vingt ans après, 1998, p. 245 et s.

(74) Ex. : Cass. Ass. plén., 30 juin 1995, D. 1995, J, p. 513, note R. DRAGO : « La défense constitue pour toute personne un droit
fondamental à caractère constitutionnel ».

(75) Ex. : CE, 12 octobre 1979, D. 1979, p. 606, annulant l'alinéa 3 de l'article 12 et l'alinéa 1er de l'article 16 du « nouveau Code de
procédure civile ».

(76) Cependant, malgré cette abondance, nous avons pris le parti, lorsque la jurisprudence est bien fixée, de ne citer qu'un ou deux arrêts
à titre d'illustration. Nous préférons indiquer moins d'arrêts, et ne citer que ceux dont le contenu a fait l'objet d'une vérification
personnelle. Si, malgré tous les soins apportés, des erreurs de référence se sont glissées, nous serons sincèrement reconnaissant à ceux
qui nous les signaleront.

(77) À propos de l'évolution de la doctrine processualiste et de son influence sur l'évolution du droit positif, v. S. GUINCHARD, « La part de
la doctrine en procédure civile », Revue de droit d'Assas février 2011, p. 73.

(78) Henri Vizioz est né en 1886 et mort en 1948.(79) H. VIZIOZ, Études de procédure civile, Bordeaux, 1956.

(80) Henri Solus est né en 1892 et mort en 1981.

(81) H. SOLUS et R. P ERROT , Droit judiciaire privé, tome I, Sirey, 1961, tome 2, Sirey, 1973, tome 3, Sirey, 1991. Le tome 3 a été rédigé
par M. Perrot seul.

(82) Henri Motulsky est mort en 1971.

(83) H. MOTULSKY, Principes d'une réalisation méthodique du droit privé, Paris, 1948, rééd. Dalloz 2002 ; Droit processuel, texte
établi par M. M. Capel, Les cours du droit, 1973 ; Écrits, études et notes de procédure civile, Paris, 1973, rééd. Dalloz 2010.

(84) V. les actes du colloque qui s'est déroulé à Caen, en janvier 2012, sur le thème Qu'est devenue la pensée de Henri Motulsky ?,
Procédures mars 2012, p. 5 et s.

(85) Pierre Hébraud est né en 1905 et mort en 1983.

(86) On ne peut que regretter que les articles de Pierre Hébraud se trouvent dispersés dans un grand nombre de revues d'une
consultation difficile. Ce serait un travail à la fois de piété et de science que de les rassembler en un seul ouvrage, comme cela a été fait
pour les travaux de H. Vizioz et de H. Motulsky.

(87) Le choix des quelques noms qui viennent d'être indiqués recèle une large part d'arbitraire. On aurait sans doute dû y ajouter le nom
de René Morel (mais cet oubli est partiellement réparé par la suite). En outre, si le nom du professeur Pierre Raynaud (1910-1991) reste
d'abord attaché au droit civil, on ne doit pas oublier les travaux qu'il a consacrés au droit judiciaire privé, notamment ses chroniques à la
Revue trimestrielle de droit civil.

(88) V. la bibliographie sommaire à la fin de l'introduction.(89) R. MOREL, Traité élémentaire de procédure civile, 2e éd., Paris, 1949.

(90) Justices et la Revue générale des procédures ont cessé de paraître à la fin des années 1990.

(91) Sur le principe, qui est énoncé par l'article 1er du Code de procédure civile, et sur ses limites, v. infra, no 268.
(92) En droit judiciaire privé, le procès n'est pas introduit par une plainte. Ce mot appartient en propre à la procédure pénale.

(93) Sur les frais du procès, v. infra, no 553 et s.

(94) V. L. CADIET et E. JEULAND, Droit judiciaire privé, LexisNexis, 8e éd., 2013, no 524 et s.

(95) Pour faire ressortir cette différence, le Code de procédure civile dit que devant le tribunal de grande instance la procédure est écrite
alors qu'elle est orale devant les juridictions d'exception (v. infra, no 640). L'expression n'est pas très heureuse, parce qu'en pratique
toutes ces procédures, sauf les plus simples, comprennent aussi bien des éléments écrits que des éléments oraux.

(96) En réalité, il existe un troisième élément dans l'action, la voie de recours, qui vient s'ajouter aux éléments de base constitués par la
demande et la défense. Son étude, pour des raisons pédagogiques évidentes, sera effectuée par la suite (infra, no 680 et s.).

(97) DEMOLOMBE, Cours de Code Napoléon, Paris, 1855-1866, tome IX, no 338.(98) « Rendait un jugement ».

(99) « Le droit de poursuivre dans un jugement ce qui nous est dû ».

(100) Cette affirmation devrait sans doute être nuancée. En effet, ainsi que l'a justement observé le doyen Vizioz (H. VIZIOZ, Études de
procédure, Bordeaux, 1956, p. 24 et s.) la définition de Demolombe cohabite avec une autre définition empruntée aux auteurs de notre
Ancien Droit, considérant l'action comme le recours à la justice : l'action est considérée « tantôt comme un recours à la justice, en cas de
contestation ou de violation d'un droit ; tantôt comme un aspect du droit lui-même qu'il s'agit de faire reconnaître et protéger par le juge ».

(101) Il en résultait que, si le procès venait à s'éteindre après la litis contestatio, mais avant le jugement, le demandeur ne disposait plus
d'aucun droit.

(102) Cette solution traditionnelle du droit judiciaire privé français trouve son expression actuelle dans l'article 385 du Code de procédure
civile, qui dispose que « la constatation de l'extinction de l'instance (...) ne met pas obstacle à l'introduction d'une nouvelle instance (...) ».

(103) Sans doute arrive-t-il fréquemment que le juge n'accorde au demandeur qu'une satisfaction partielle. Cette situation ne contredit en
rien ce qui vient d'être indiqué au texte. Jusqu'à un certain point, le juge donne satisfaction au demandeur et, jusqu'à ce même point, il
donne tort au défendeur. Au-delà, il retient la solution inverse.

(104) On verra cependant (infra, no 148) que le législateur dérange parfois la logique en érigeant en conditions de recevabilité des
éléments relevant du bien-fondé de la prétention. Pour des raisons d'opportunité, il modifie les qualifications qui devraient être
rationnellement retenues.

(105) Cf. P. ROUBIER, « Le droit et l'action. Distinction entre l'action en contrefaçon et l'action en concurrence déloyale », RTD civ. 1952,
p. 161, spéc. p. 167.

(106) Ex. : Civ., 6 juillet 1925, DP 1926.1.25 (pour une action en nullité) ou Civ. 3e, 8 décembre 1993, Bull. civ. III, no 165.

(107) V. Civ. 2e, 23 octobre 1991, Bull. civ. II, no 270.(108) Sans compter les actions mixtes.

(109) V. toutefois, les exemples cités par G. COUCHEZ et X. LAGARDE, Procédure civile, 17e éd., Sirey Université, 2014, no 168.

(110) V. infra, no 961, 986 et 992.

(111) La doctrine du doyen Vizioz et celle de H. Motulsky ne sont pas identiques. On insistera davantage dans ce développement sur
celle de H. Motulsky en raison de son influence sur les textes du Code de procédure civile. Pour mieux séparer l'action du droit
substantiel, Vizioz donnait de l'action une image complètement abstraite. L'action, écrivait-il (Études de procédure, Bordeaux, 1956,
p. 147 et s.) est le pouvoir « impersonnel », « permanent » et « général » de saisir les tribunaux, ce qui le conduisait à poser en principe
que le droit d'agir est soumis, pour toutes les actions, aux mêmes conditions de recevabilité, ce qui est manifestement contraire au droit
positif. On verra ainsi que l'action en référé est soumise à des conditions particulières (infra, no 405), de même que l'action possessoire
(infra, no 443 et s.). La doctrine du doyen Vizioz, sans doute influencée par les auteurs publicistes, aboutissait presque à assimiler l'action
au principe du libre accès aux tribunaux.

(112) V. surtout H. MOTULSKY, « Le droit subjectif et l'action en justice », Archives de philosophie du droit 1964, 215 et s., repris in Écrits,
Études et notes de procédure civile, Paris, 1973, rééd. Dalloz 2010, p. 85 et s., ainsi que G. CORNU et J. FOYER, Procédure civile, PUF,
Thémis, 3e éd., 1996, nº 72 et s.
(113) Outre les distinctions qui sont citées au texte, H. Motulsky opérait encore une distinction entre l'action et l'accès aux tribunaux, qu'il
définissait comme une liberté publique grâce à laquelle chacun peut s'adresser aux tribunaux (v. H. MOTULSKY, « Le droit subjectif et
l'action en justice », préc.).

(114) Dans l'article précité (p. 95), l'action est définie par H. Motulsky comme « la faculté d'obtenir du juge une décision sur le fond de la
prétention à lui soumise », alors que, dans leur manuel, G. Cornu et J. Foyer la définissent (no 73) comme « le droit d'être entendu du juge
dans sa prétention, et d'obtenir de lui une décision sur le fond de cette prétention ».

(115) G. CORNU et J. FOYER, op. cit., no 72.(116) G. CORNU et J. FOYER, ibid.(117) G. CORNU et J. FOYER, ibid.

(118) G. WIEDERKEHR, « La notion d'action en justice selon l'article 30 du nouveau Code de procédure civile », Mélanges offerts à Pierre
Hébraud, Toulouse, 1981, p. 949.

(119) G. WIEDERKEHR, op. cit., p. 951.(120) G. WIEDERKEHR, op. cit., p. 955.(121) G. WIEDERKEHR, op. cit., p. 956.

(122) Sur la méthode structurale, v. H. MOTULSKY, Principes d'une réalisation méthodique du droit privé, Paris, 1948, rééd. Dalloz
2002, « Le droit subjectif et l'action en justice », Archives de philosophie du droit, Paris, 1964, p. 215 et s., P. MAYER, La distinction entre
règles et décisions et le droit international privé, Paris, 1973.

(123) Sur ces notions, v. infra, no 62 et s.

(124) Dans le même sens : R. MARTIN, « Un virus dans le système des défenses du nouveau Code de procédure civile : le droit d'action »,
RGP 1998, p. 419 : « On a cédé à la tentation de conceptualiser en droit subjectif ce qui n'est que la condition d'un acte, la demande en
justice ». Pour une critique de cette conception, v. G. WIEDERKEHR, « Une notion controversée : l'action en justice », Études Ph. Simler,
Dalloz et Litec, 2006, p. 903. Cet auteur adhère cependant à l'idée que l'action n'est pas un droit subjectif (spéc. p. 911).

(125) La théorie soutenue par H. Motulsky manifeste une tendance quasiment naturelle à réifier ou à personnaliser les conditions d'une
règle, au point d'en faire une réalité distincte et autonome. On est toujours tenté de dire : « si je peux faire ceci ou cela, c'est parce que
j'ai un droit antérieur, virtuel et autonome, qui me le permet », par exemple : « si je vote ce dimanche, c'est parce que j'ai, à titre
permanent et général, le droit de vote. ». Dans la rigueur des principes, une telle présentation est inexacte. Pour essayer d'exprimer plus
précisément la réalité, il faudrait dire que l'on a le droit de voter, plutôt que le droit de vote. Cette formulation veut montrer que ce qu'on
appelle le droit de vote n'a aucune signification réelle en dehors d'un scrutin concret. Quand on dit que les Français ont le droit de vote,
on veut dire que toutes les personnes qui remplissent certaines conditions générales (notamment de nationalité et d'âge) peuvent en
principe participer aux scrutins organisés en France. Mais ce n'est là qu'une façon commode de désigner ces conditions. Il ne faut pas en
faire un droit en soi. Il y a des scrutins, par exemple à l'université ou dans l'entreprise, auxquels peuvent participer des étrangers ou des
mineurs. Inversement, il en existe d'autres auxquels ne peuvent participer qu'un petit nombre d'électeurs : les « grands électeurs » pour le
Sénat, par exemple. On dira, dans une approche structurale de cette question, que la loi n'accorde aucun effet juridique à la seule réunion
de ces deux conditions que sont la nationalité française et l'âge de dix-huit ans. Ce ne sont que des éléments communs à la majorité des
règles qui régissent le droit de participer aux divers scrutins organisés en France

(126) V. supra, no 46.

(127) Contrairement à la lecture retenue par la jurisprudence, selon laquelle la clôture pour insuffisance d’actif n’éteint pas les créances
(ni les sûretés qui les garantissent). Ex : Com. 19 novembre 2013, nº 12-24652.

(128) De 1804 jusqu'à sa disparition en 2008, l'ancien article 2262 du Code civil fixait ainsi à trente ans le délai de prescription de droit
commun des « actions » en justice. On s'accordait pourtant à considérer que ce texte concernait les droits subjectifs en général et que sa
portée ne se limitait pas aux seules actions.

(129) Ex. : Com., 22 mai 2007, no 06-12196, affirmant que la renonciation par le créancier à son droit d'agir en paiement n'emporte pas
extinction de l'obligation du débiteur.

(130) JHERING, La lutte pour le droit, trad. Meulenaere, Paris, 1890, p. 25.(131) JHERING, op. cit., p. 54 et 55.

(132) C'est un aspect de cette idée qu'exprime si justement le dicton populaire selon lequel un mauvais arrangement vaut mieux qu'un bon
procès.

(133) V. infra, no 96.(134) Sur la distinction entre le fait et le droit non contrôlé par la Cour de cassation, v. infra, no 832.
(135) Sur toute cette matière et sur les nuances qu'il convient d'apporter aux indications très incomplètes fournies au texte, v. infra,
no 553 et s.

(136) Civ. 3e, 29 juin 1976, Bull. civ. III, no 290. En l'espèce, il fut établi que le demandeur n'avait formé contre une commune une action
en revendication d'un terrain que parce qu'il avait appris que celle-ci avait égaré le titre de propriété du terrain litigieux.

(137) Cass. Req. 3 août 1915, D. 1917.1.79.

(138) V. par exemple Com., 12 janvier 1976, D. 1977.141, note Y. CHARTIER. Il peut arriver, plus rarement, que l'abus tienne à une
obstination excessive. L'action pouvait au départ présenter quelque apparence de solidité, mais au fur et à mesure que le temps s'écoule,
cette apparence s'efface et l'action devient illégitime. V. Civ. 1re, 5 juillet 1965, JCP 1965.II.14402, 2e espèce, note R.L.

(139) Civ. 2e, 18 décembre 2003, Bull. civ. II, no 402.(140) Civ. 3e, 30 juin 1972, JCP 1972.II.17202.

(141) Ex. : Civ. 1re, 10 mars 1998, Bull. civ. I, no 100, obs, R. P ERROT , RTD civ. 1999, p. 199, obs. Y. DESDEVISES, RGP 1999, p. 655.

(142) Civ. 3e, 8 juin 1988, Bull. civ. III, no 102, Audijuris 1989-22, obs. J. HÉRON.

(143) Civ. 2e, 25 septembre 2014, nº 13-15597, RTD civ. 2014, p. 942, obs. Ph. THÉRY.

(144) De même, le plaideur condamné en première instance ne commet habituellement pas d'abus du droit d'agir en interjetant appel, dès
lors que la décision rendue par les premiers juges se trouve infirmée, ne serait-ce que de façon partielle, v. Civ. 2e, 7 mars 1984,
Bull. civ. II, no 46.

(145) Pour l'abus du droit d'exercer des voies de recours, il existe des textes particuliers (par exemple, l'article 559 du Code de procédure
civile, pour ce qui est de l'appel), mais leur contenu est substantiellement identique à celui de l'article 32-1.

(146) V. notamment, M. GOBERT , Essai sur le rôle de l'obligation naturelle, Paris, 1957 ; M. BANDRAC, La nature juridique de la
prescription extinctive, Paris, 1986.

(147) Une telle présentation conduit inévitablement à se demander si la notion d'obligation naturelle conserve encore quelque consistance,
mais c'est là une question qui ne relève pas de la compétence d'un procédurier.

(148) V., en particulier, H. KELSEN, « La théorie juridique de la convention », Archives de philosophie du droit et de sociologie
juridique, 1940, p. 33 et s.

(149) Sur cette erreur, v. infra, no 131.(150) V. infra, no 122 et s.

(151) V. en particulier G. CORNU et J. FOYER, Procédure civile, PUF, Thémis, 3e éd., 1996, no 77 et s.

(152) Autrefois, on disait qu'il existait trois conditions pour agir l'intérêt, la qualité et la capacité. Cette présentation est aujourd'hui
unanimement rejetée. L'intérêt et la qualité constituent des conditions d'existence de l'action, c'est-à-dire des conditions auxquelles la loi
subordonne le droit de présenter au juge l'acte processuel qu'est la demande. À l'opposé, la capacité ne porte que sur les conditions de
régularité de l'acte de procédure qui contient la demande. C'est dire que la capacité ne se place pas du tout sur le même plan que l'intérêt
et la qualité.

(153) Civ. 1re, 2 avril 2008, no 07-11254, Dr. et procéd. 2008, p. 277, obs. Ch. LEFORT , Famille 2008, no 1305, note F. SAUVAGE.

(154) Bien sûr, ceci ne remet nullement en cause la qualité des créanciers d'un indivisaire pour provoquer le partage, ce cas étant prévu
expressément par l'article 815-17 du Code civil.

(155) Art. L. 716-5 C. propr. intell.

(156) L'expression est due à G. CORNU et J. FOYER, Procédure civile, PUF, Thémis, 1re éd., 1958, p. 286.

(157) Comp. H. MOTULSKY, Principes d'une réalisation méthodique du droit privé, Paris, 1948, rééd. Dalloz 2002, no 39 « En présence
des glissements, complications et confusions qu'elle entraîne, il nous semblerait indiqué que l'on renonçât purement et simplement à cette
notion décevante de « qualité ». La conception structurale du droit subjectif, qui conduit à l'exégèse de la règle de droit, suffit, croyons-
nous, à faire découvrir dans le cas pratique la personne habilitée, par l'ordre juridique, à déclencher « l'effet juridique » de la règle mise en
jeu ».
(158) Sur la notion de défense procédurale, v. infra, no 137.

(159) G. BOLARD, « Qualité ou intérêt pour agir ? », Mélanges S. Guinchard, Dalloz, 2010, spéc. no 3, p. 598.

(160) Une autre preuve de ce que la qualité doit être rattachée, au moins intellectuellement, au droit substantiel (pour le régime, le
législateur fait bien sûr ce qu'il veut) et de ce que, selon l'expression de H. Motulsky (op. cit., no 42), elle n'a « rien d'autonome », c'est
qu'il arrive parfois que ce même problème soit traité en termes d'intérêt. À s'en tenir à l'exemple le plus classique, celui de l'intérêt
qu'avait la concubine dont le conjoint était décédé accidentellement à demander la réparation de son préjudice (sur cette question,
v. infra, no 68), on constate que, fondamentalement, la question est la même que celle que pose le divorce, sous cette seule différence, de
nature psychologique mais non juridique, que, dans le divorce, tous les parents autres que les époux se trouvent exclus, alors que, dans la
responsabilité délictuelle, la concubine était la seule à se trouver exclue parmi les personnes véritablement proches du défunt. On a traité
(à tort) en termes d'intérêt ce qui relève du droit substantiel et que la loi commande de traiter (artificiellement) en termes de qualité.

(161) Sur les fausses fins de non-recevoir, telles que les a décrites P. HÉBRAUD, v. infra, no 148.

(162) Sur l'efficacité de la fin de non-recevoir, v. infra, no 152.(163) Sur l'autorité de chose jugée, v. infra, no 351.

(164) V. infra, no 196 et s.(165) Cass. mixte, 27 février 1970, D. 1970. 201, note J. COMBALDIEU.(166) V. supra, no 65.

(167) V. infra, no 77 et s.(168) C'est-à-dire un héritier que la loi permet au défunt de déshériter entièrement par un testament.

(169) À rappr. : La demande d'annulation du testament du maréchal Pétain a été déclarée irrecevable, le juge ayant estimé qu'une telle
annulation ne pouvait déboucher sur aucun effet pratique. En effet, tous les biens de Pétain avaient été confisqués à la Libération, si bien
que le testament ne pouvait produire aucun effet patrimonial, et que son annulation ne pouvait en avoir davantage. De plus, ce testament
ne comportait aucune disposition extrapatrimoniale, relative par exemple aux funérailles. La question de sa validité était donc purement
platonique. V. Civ. 1re, 22 février 1977, Bull. civ. I, no 97.

(170) Ex. : Civ. 2e, 13 février 2003, no 01-03272 ; Civ. 3e, 8 décembre 2010, no 09-70636.

(171) On peut citer l'article 1844-12 du Code civil, qui dispose qu'« en cas de nullité d'une société ou d'actes ou délibérations postérieures
à sa constitution, fondée sur un vice du consentement ou l'incapacité d'un associé, et lorsque la régularisation peut intervenir, toute
personne, y ayant intérêt, peut mettre en demeure celui qui est susceptible de l'opérer, soit de régulariser, soit d'agir en nullité dans un
délai de six mois à peine de forclusion ».

(172) Bien entendu, la possession n'est pas un droit. C'est un fait juridique. Mais elle emporte des conséquences juridiques diverses (ex :
possibilité d'acquérir un droit réel par prescription...), au nombre desquelles figure l'obligation pesant sur les tiers de ne pas la troubler.

(173) Sur la notion de matière gracieuse, v. infra, no 317 et s.

(174) Cf. Soc., 4 août 1952, JCP 1953. II. 7439, note O. J., S. 1953. 1. 108, RTD civ. 1953, p. 370, obs. P. HÉBRAUD. En l'espèce, un
bailleur et un preneur à ferme avaient sollicité du juge qu'il donne son accord à un bail rural qui ne respectait pas les dispositions nouvelles
en la matière, mais dont il était soutenu (avec pas mal d'audace...) qu'il était conforme à l'esprit du texte nouveau et le tribunal avait dit
donner son plein accord au contrat de bail. Il est certain que le tribunal aurait dû rejeter la demande, mais il ne l'avait pas fait. La Cour de
cassation n'a pas su dire clairement ce qu'il fallait penser de la décision. Il est vrai qu'elle était difficile à classer, se situant à mi-chemin
du jugement déclaratoire et du jugement gracieux.

(175) Sur le référé et l'article 809, alinéa 1er, du Code de procédure civile, v. infra, no 424 et s.

(176) Art. 29-3 C. civ. : « Toute personne a le droit d'agir pour faire décider qu'elle a ou qu'elle n'a point la qualité de Français. Le
procureur de la République a le même droit à l'égard de toute personne. Il est défendeur nécessaire à toute action déclaratoire de
nationalité. Il doit être mis en cause toutes les fois qu'une question de nationalité est posée à titre incident devant un tribunal habile à en
connaître. »

(177) Art. 296 à 298 CPC pour la vérification d'écriture et art. 314 à 316 CPC pour l'inscription de faux. Sur ces actions, v. infra,
no 1076 et s.

(178) Sur ce référé, v. infra, no 422 et s.


(179) V. Civ. 22 janvier 1951, Weiller, Rev. crit. DIP 1951. 167, note Ph. FRANCESCAKIS, Civ. 1re, 10 février 1971, Clunet 1971. 582, obs.
Ph. K., Rev. crit. DIP 1972. 123, RTD civ. 1972, p. 433, obs. P. HÉBRAUD, Civ. 1re, 3 janvier 1980, Ganino, Rev. crit. DIP 1980. 597, note
D. HOLLEAUX, Clunet, 1980. 341, note A. HUET . Sur toutes ces questions, v. P. MAYER et V. HEUZÉ, Droit international privé, Domat,
11e éd., 2014, no 418 et s.

(180) Civ. 1re, 9 juin 2011, no 10-10348, D. 2011, p. 2311, note S. GRAYOT -DIRX, Dr. et procéd. 2011, p. 260, obs. Ch. LEFORT . Outre que le
jugement évitera toute action en paiement de la part du créancier, la proclamation de la prescription permettra de savoir que l'hypothèque
est éteinte, ce qui augmentera le crédit du demandeur.

(181) Civ. 3e, 8 février 2006, no 04-17512.

(182) Il est curieux de constater que cette définition est généralement attribuée au traité de Droit du travail de MM. Brun et Galland,
2e éd., Paris, 1978, t. II, no 808 ; mais, malgré une lecture attentive du texte, il nous a été impossible d'y trouver cette définition.

(183) V. B. GABORIAU, L'action collective en droit processuel français, thèse, Paris II, 1996, no 55.

(184) Sur la question de l'intérêt collectif de ces associations, v. Th. LE BARS, « Les associations, sujets du droit de l'environnement », Le
droit et l'environnement, Journées nationales de l'Association Henri Capitant (2006), tome XI, Dalloz, 2010, p. 117.

(185) Sur la notion d'intérêt général, v. D. TRUCHET , Les fonctions de l'intérêt général dans la jurisprudence du Conseil d'État, thèse,
LGDJ, 1977, p. 277 et s.

(186) M. BANDRAC, « Vérification de la qualité à agir », Droit et pratique de la procédure civile, Dalloz Action, 2014/2015, no 102.100.

(187) La formule est celle de l'article L. 421-1 du Code de la consommation (concernant les associations agréées de consommateurs).
Mais on la retrouve couramment, à l'identique ou légèrement modifiée, dans des textes relatifs à d'autres types d'associations. Ex. :
Art. L. 142-2 du Code de l'environnement, à propos des associations de protection de l'environnement agréées ; art. 2-21 du Code de
procédure pénale, à propos de la protection du patrimoine archéologique. À rappr. : les articles 2-1 et suivants CPP qui ne se réfèrent
cependant pas à la notion d'intérêt collectif.

(188) Expression utilisée par S. GUINCHARD, « L'action de groupe en procédure civile française », RIDC 1990, no 19, p. 606.

(189) Sur la recevabilité des actions en défense d'un intérêt collectif, cf. infra, no 84 et s.(190) Sur les ligues de défense, v. infra, no 98.

(191) Sur la notion d'action déclaratoire, v. supra, no 70.

(192) Cet exemple nous est inspiré par l'affaire ayant opposé l'association Greenpeace France à la COGEMA qui a donné lieu à plusieurs
décisions du tribunal de grande instance de Cherbourg et de la cour d'appel de Caen, en 2001. Sur cette affaire, v. A. BAUER, « La justice
interdit le déchargement de combustibles usés australiens à la Hague », Les Échos, 19 mars 2001, p. 24.

(193) Ce cas est prévu par l'art. L. 421-6 C. consom.(194) Sur l'intervention volontaire accessoire, v. infra, no 1173 et s.

(195) Ex. : pour l'indemnisation d'une atteinte « à l'intérêt collectif des consommateurs » : TGI Rennes, 24 octobre 2001, Contrats, conc.
consom. 2001, no 183, note G. RAYMOND.

(196) Ex. : TGI Nanterre, 15 octobre 2001, Contrats, conc. consom. 2001, no 182, note G. RAYMOND. En l'espèce, 10 000 francs
(1 524,49 €) de dommages et intérêts ont été accordés à une association de consommateurs eu égard aux frais par elle engagés pour
assurer sa mission d'information et de protection des consommateurs. À cela s'ajoute l'indemnisation des frais de l'article 700 CPC.

(197) Cass. crim., 25 septembre 2012, nº 10-82938, RTD civ. 2013, p. 119, obs. P. JOURDAIN.

(198) On a même reconnu le « préjudice moral indirect » d'associations de protection de la nature, dans des cas où des infractions au
droit de l'environnement avaient été relevées avant qu'il y soit mis fin et sans qu'aucune pollution n'en ait découlé (v. Civ. 3e, 9 juin 2010,
no 09-11738 ; 8 juin 2011, no 10-15500, D. 2011, p. 2635, note B. P ARANCE).

(199) J. CALAIS-AULOY et H. TEMPLE, Droit de la consommation, Dalloz, Précis, 8e éd., 2010, no 556. Dans le même sens : S. GALAND-
CARVAL, La responsabilité civile dans sa fonction de peine privée, thèse, LGDJ, 1995, no 186 et s. ; G. P AISANT , note sous Civ. 1re,
1er février 2005, JCP G 2005, II, 10057 ; Ph. STOFFEL-MUNCK, Chronique de responsabilité civile, JCP G 2009, I, 123, no 2. V. aussi
J. FRANCK, « Pour une véritable réparation du préjudice causé à l'intérêt collectif des consommateurs », Liber amicorum Jean Calais-
Auloy, Dalloz, 2004, p. 410, spéc. p. 414 et s.
(200) On ne peut pas non plus voir dans le groupement un représentant (au sens juridique du terme) d'une profession ou d'une catégorie
de personnes. Certes, on dit couramment que le syndicat agit en tant que représentant qualifié de la profession. Mais, ainsi que le doyen
Vizioz le notait, c'est là une analyse très approximative (v. H. VIZIOZ, Études de procédure, Bordeaux, 1956. p. 235 et s.). Si le syndicat
agissait vraiment au nom et pour le compte de la profession, il ne serait pas partie au procès : le jugement n'aurait pas autorité de chose
jugée pour ou contre lui et les condamnations qu'il obtient n'enrichiraient pas son patrimoine. Inversement, les effets du jugement se
produiraient en la personne de la profession. Or, précisément, la profession n'est pas une personne morale, pas plus que ne l'est une
catégorie de personne : le pseudo-représenté n'existe pas. Tout cela est donc incontestablement faux. Il faut éliminer toute idée de
représentation. Le syndicat et l'association agissent en leur nom et pour leur compte, lorsque sous couvert d'un « intérêt collectif », ils
entendent défendre une cause.

(201) Ch. réunies, 5 avril 1913, DP 1914.1.65, note NAST , S. 1920.1.49, note MESTRE.(202) Ex. : Soc., 21 janvier 1997, Bull. civ. V, no 30.

(203) En dehors des ordres professionnels (ex : ordre des médecins...), on peut relever l'existence d'organismes à caractère professionnel
et qui, eux aussi, sont habilités par la loi à agir (notamment) en défense des intérêts collectifs de telle ou telle catégorie. Ex. : les sociétés
(civiles) de perception et de répartition des droits d'auteurs et des droits voisins. V. art. L. 321-1 et L. 331-1 du Code de la propriété
intellectuelle. Pour une illustration, v. Civ. 1re, 6 mars 2001, JCP G 2002, II, 10014, note F. P OLLAUD-DULIAN.

(204) Ch. réunies, 15 juin 1923, Cardinal Luçon, DP 1924.1.153, S. 1924.1.49, note CHAVEGRIN.

(205) Le général Cambronne aurait probablement utilisé un autre mot, auquel on ne saurait avoir recours dans un ouvrage destiné à la
jeunesse.

(206) Art. L. 211-3 CASF : elles peuvent exercer devant toutes les juridictions, sans avoir à justifier d'un agrément ou d'une autorisation
préalable de l'autorité publique, l'action civile relativement aux faits de nature à nuire aux intérêts moraux et matériels des familles. À
rapprocher : l'article L. 452-1 du Code monétaire et financier relatif à l'action en défense des intérêts collectifs des investisseurs, par les
associations régulièrement déclarées ayant pour objet statutaire explicite la défense des investisseurs en titres financiers ou en produits
financiers.

(207) Art. L. 421-1 C. consom. : elles peuvent, « si elles ont été agréées à cette fin, exercer les droits reconnus à la partie civile
relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des consommateurs ». Elles peuvent aussi agir en
l'absence d'infraction pénale, mais alors uniquement par voie d'intervention dans un procès engagé par un consommateur demandant la
réparation de son préjudice (art. L. 421-7 C. consom.) (mais pas en se joignant au demandeur dans son acte introductif d'instance : Civ.
1re, 21 février 2006, Bull. civ. I, no 95), sous réserve du cas particulier de la demande de suppression d'une clause illicite ou abusive
(v. art. L. 421-6 C. consom. et Civ. 1re, 6 janvier 1994, Bull. civ. I, no 8). Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?

(208) Art. L. 480-1 C. urb. : certaines associations agréées de protection de l'environnement peuvent « exercer les droits reconnus à la
partie civile en ce qui concerne les faits constituant une infraction à l'alinéa 1er du présent article et portant un préjudice direct ou indirect
aux intérêts collectifs » qu'elles ont pour objet de défendre.

(209) Pour une critique de cette évolution : J. VOLFF, « La privatisation rampante de l'action publique », JCP G 2004, I, 146.

(210) Ex. : L'article L. 470-7 C. com. habilite les organisations professionnelles du droit de la concurrence à agir devant les juridictions
civiles ou commerciales pour les faits portant atteinte « à la loyauté de la concurrence ». Il est clair que la loyauté de la concurrence
relève pleinement de l'intérêt général. Pareillement, les personnes qui ont traditionnellement qualité pour dénoncer en justice des pratiques
restrictives de la concurrence sont, d'une part, les victimes de celles-ci, puisqu'elles sont destinataires des règles de droit concernées et,
d'autre part, le ministère public, défenseur de l'intérêt général. Cependant, l'article L. 442-6 III C. com. habilite également à agir, devant
les juridictions civiles ou commerciales, le ministre de l'Économie et le président de l'Autorité de la concurrence. La loi fait donc de ces
deux personnes des concurrents du ministère public.

(211) Ex. : Civ. 1re, 4 avril 1991, Bull. civ. I, no 123 ; 16 janvier 1985, ibid. no 25.

(212) Civ. 1re, 5 octobre 1999, Bull. civ. I, no 260, D. 2000, Cah. dr. aff., J, p. 110, note G. P AISANT .

(213) Sur le fondement de l'article 2 du Code de procédure pénale : Crim., 12 septembre 2006, no 05-86958.

(214) Civ. 2e, 27 mai 2004, Bull. civ. II, no 239. V. aussi : Civ. 3e, 1er juillet 2009, no 07-21954, JCP G 2009, 454, note N. DUPONT . Un arrêt
de Civ. 1re, 2 mai 2001 (Bull. civ. I, no 114) est parfois invoqué dans le même sens, mais il semble qu'il s'inscrive plutôt dans le cadre de la
jurisprudence des ligues de défense (sur laquelle, v. infra, no 98).
(215) Civ. 1re, 18 septembre 2008, no 06-22038, JCP G 2008, II, 10200, note N. DUPONT .

(216) Ce qui, après tout, ne serait pas totalement original en droit français, puisque le droit des contrats connaît une variété de mandat
sans représentation : le contrat de commission (v. art. L. 132-1 C. com.). Mais dès lors que le mandat conventionnel se définit comme
l'acte par lequel « une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom » (art. 1984 C. civ.),
le mandat sans représentation apparaît comme une bizarrerie juridique, pour ne pas dire une aberration. Sous cet aspect, le contrat de
commission est au droit des contrats, ce que le mouton à cinq pattes est à la biologie, même s'il est plus fréquent.

(217) Si l'on peut dire que l'intéressé a le pouvoir d'agir dans l'intérêt d'autrui, c'est à condition d'utiliser le mot « pouvoir » dans un sens
très large : dans le sens de « prérogative » ou « faculté ». Mais ce n'est pas un « pouvoir » au sens procédural du terme, faute de
représentation.

(218) V. supra, no 67 et s.

(219) Su ce texte, v. C. ROUGEAU-MAUGER, « Réflexion sur la nature juridique de l'action en justice du ministre de l'Économie en matière
de pratiques restrictives de concurrence », RTD com. 2010, p. 653.

(220) Si la rédaction de cet article ne laisse planer aucun doute sur la possibilité, pour le ministre et le ministère public, de solliciter
diverses mesures telles que la cessation des pratiques litigieuses, la question des dommages et intérêts n'apparaît que dans une phrase à
part : « la réparation des préjudices subis peut également être demandée ». Cette phrase n'énonce pas expressément que la réparation
peut être demandée par le ministère public ou le ministre de l'Économie, mais c'est ainsi qu'on la comprend habituellement.

(221) Concrètement, il a, par exemple, pour mission de poursuivre le recouvrement des sommes dues au débiteur.

(222) Agir « au nom et dans l'intérêt » de quelqu'un, c'est, littéralement, avoir un pouvoir de représentation.

(223) Com., 16 mars 1993, D. 1993, J, p. 583, note F. DERRIDA.(224) V. J. HÉRON, 2e éd., no 86.

(225) C'est bien de là que vient tout le problème : tant que les créanciers étaient regroupés dans une « masse » dotée de la personnalité
morale, prévoir que cette masse aurait un représentant avait un sens (et c'était même une nécessité). Dès lors que la masse a disparu à
l'occasion de la réforme du 25 janvier 1985, la représentation n'a plus de sens.

(226) Même si, eu égard à l'existence probable d'autres créanciers, le demandeur serait sans doute mieux inspiré de pratiquer une saisie-
attribution ou une saisie conservatoire de la créance de son débiteur. La première emporte attribution de la créance saisie au saisissant ;
la seconde emporte consignation de la somme et privilège du gagiste. Dans les deux cas, le saisissant échappe au concours de la plupart
des autres créanciers. Sur ces questions, v. A. LEBORGNE, Droit de l’exécution, Dalloz, Précis, 2e éd., 2014, no 1058 et s. et 2889.

(227) En ce sens : F. TERRÉ, Ph. SIMLER et Y. LEQUETTE, Droit civil. Les obligations, Dalloz, Précis, 11e éd., 2013, no 1141.

(228) Contra : A. BÉNABENT , Droit civil. Les obligations, LGDJ, Domat, 14e éd., 2014, no 853.

(229) Spécialement que sa propre créance soit en péril en raison de l'insolvabilité ou du risque d'insolvabilité du débiteur.

(230) G. COUCHEZ et X. LAGARDE, Procédure civile, 17e éd., Sirey Université, 2014, no 157.

(231) Pour une analyse un peu différente, v. S. GUINCHARD, C. CHAINAIS et F. FERRAND, op. cit., no 140.

(232) On parle d'action ut singuli, lorsque l'action est exercée par un associé ; il y a action ut plures, quand elle l'est par plusieurs.

(233) Pour une analyse radicalement différente, v. J.-C. P AGNUCCO, L’action sociale ut singuli et ut universi en droit des groupements,
thèse, LGDJ, 2006, nº 271 et s.

(234) V. S. GUINCHARD, C. CHAINAIS et F. FERRAND, op. cit., no 273.

(235) En ce sens : S. GUINCHARD, C. CHAINAIS et F. FERRAND, ibid. ; L. CADIET et E. JEULAND, op. cit., no 395 ; P. JULIEN et N. FRICERO,
Droit judiciaire privé, LGDJ, 5e éd., 2014, no 83.

(236) Ils se substituent à la société et non pas à ses dirigeants statutaires, auquel cas il y aurait représentation de la société par les
actionnaires demandeurs.
(237) Ce texte est complété par les articles R. 2132-1 et s. CGCT.(238) Art. L. 3133-1 et R. 3133-1 et s. CGCT.

(239) Art. L. 4143-1 et R. 4143-1 et s. CGCT.(240) Art. L. 5211-58 CGCT.

(241) En ce sens : S. GUINCHARD, C. CHAINAIS et F. FERRAND, op. cit., no 152 ; P. JULIEN et N. FRICERO, op. cit., no 85.

(242) V. supra, no 77 et s.

(243) Ex. : pour protéger un salarié embauché à durée déterminée (art. L. 1247-1 C. trav.) ou pour défendre les intérêts d'un salarié qui
serait victime d'une atteinte au principe d'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes (art. L. 1144-2), un travailleur étranger
dépourvu d'autorisation de travail (art. L. 8255-1), un travailleur victime de marchandage (art. L. 8233-1), un salarié d'une entreprise de
travail temporaire (art. L. 1251-59), un employé faisant l'objet d'un licenciement économique (art. L. 1235-8), un salarié ou un candidat à
un emploi ou à un stage victime d'une mesure discriminatoire illicite (art. L. 1134-2). Une habilitation similaire est accordée aux
organisations et groupements personnes morales dont les membres sont liés par un accord collectif de travail ou une convention
collective, quand le litige est relatif à l'application de cet accord ou de cette convention (art. L. 2262-9 C. trav.).

(244) V. aujourd'hui, art. L. 1247-1 C. trav.

(245) Soc., 1er février 2000, Bull. civ. V, no 53. V. aussi Soc., 12 février 2008, Bull. civ. V, no 36, qui en déduit logiquement que
l'opposition d'un salarié à ce qu'une organisation syndicale exerce cette action de substitution « ne saurait valoir renonciation de ce salarié
au droit d'intenter l'action personnelle dont il est titulaire ».

(246) Précisons que dans la première édition de ce manuel (J. HÉRON, Droit judiciaire privé, 1re éd., 1991, no 151), ce type de cas était
analysé en termes de pouvoir et donc de représentation. On a le droit de changer d'avis.

(247) V. supra, no 86.

(248) Civ. 23 juillet 1918, S. 1921, 1, p. 289, note E. CHAVEGRIN. Au passage, on notera que dans cette affaire, l'objet de l'association
concernée oscillait entre la défense des intérêts individuels de ses membres et la défense d'une « cause » sans doute perçue par les
intéressés comme étant d'intérêt général. Il s'agissait, en effet, d'une association de pères de famille dont le but était « d'assurer dans les
écoles primaires publiques le respect de la foi catholique et de la morale chrétienne ».

(249) Ou plus ou moins convergents, car il se peut que, ponctuellement, il apparaisse des contradictions d'intérêts entre les uns et les
autres...

(250) À rapprocher : Civ. 1re, 15 mai 1990, Bull. civ. I, no 102.

(251) Ex. : Civ. 3e, 17 juillet 1997, Bull. civ. III, no 165, JCP G 1998, II, 10204, note L. BORÉ.

(252) V. Com., 19 janvier 1999, Bull. civ. IV, no 16.(253) V. Civ. 3e, 17 juillet 1997 préc.

(254) Cf. H. CROZE, Ch. MOREL et O. FRADIN, Procédure civile, Litec, 4e éd., 2008, no 352 ; L. CADIET et E. JEULAND, Droit judiciaire
privé, LexisNexis, 8e éd., 2013, no 391.

(255) En ce sens : Civ. 25 novembre 1929, Gaz. Pal. 1930, 1, p. 29 ; Civ. 2e, 5 octobre 2006, Bull. civ. II, no 255.

(256) À rapprocher : S. GUINCHARD, C. CHAINAIS et F. FERRAND, Procédure civile, op. cit., no 164 et s. ; B. GABORIAU, L'action collective
en droit processuel français, thèse, Paris II, 1996, no 310 et s. qui qualifie l'action des ligues de défense d'action « par substitution
d'origine judiciaire ». Au passage, on peut s'interroger sur le sort des dommages et intérêts qui seront éventuellement versés à
l'association (ex : Civ. 25 novembre 1929 préc.). Logiquement, ils devraient être répartis par elle entre les adhérents pour le compte de
qui l'action a été exercée. À défaut, on ne voit pas en quoi on pourrait dire qu'elle a agi dans leur intérêt personnel.

(257) V. supra, no 86.


(258) Ex. : TGI Paris 23 octobre 1984 et CA Paris (en référé) 26 octobre 1984, Gaz. Pal. 1984, 2, p. 727 et s., RTD civ. 1985, p. 767,
obs. J. NORMAND. Dans cette affaire, des associations catholiques ont été jugées recevables à demander en référé le retrait des affiches
publicitaires du film Ave Maria, lesquelles représentaient une femme crucifiée dont la poitrine était dénudée. Au-delà de l'intérêt
personnel des adhérents de ces associations (ils pouvaient être choqués voire bouleversés par une telle image), les juges du premier et du
second degré semblent bien avoir autorisé ces groupements à agir, conformément à leurs statuts, pour la défense des « principes et
dogmes constituant la religion et la morale catholiques ». Comp. : TGI Paris (en référé) 21 février 2002, JCP G 2003, II, 10064, à propos
de l'affiche du film Amen.

(259) À cela s'ajoute l'utilisation quasi systématique de l'expression « intérêt collectif », qui ne fait qu'embrouiller les choses.

(260) V. supra, no 87.

(261) V. infra, no 198. La représentation conjointe sera étudiée avec les questions de pouvoirs, auxquelles elle se rattache.

(262) Il s'agit de celles visées aux articles L. 1132-1 et s. C. trav. On y trouve, par exemple, des mesures de discriminations à l'embauche
fondées sur le sexe, les mœurs ou, encore, l'apparence physique de l'intéressé. La liste des mesures discriminatoires visées par ces
articles étant assez longue, nous y renvoyons le lecteur.

(263) V. supra, no 96. Ce parallèle est encore plus évident quand on considère l'article L. 1134-2 du Code du travail qui, lui, est relatif à
l'action des « organisations syndicales représentatives ».

(264) Sur les recours collectifs et les class actions, v. les références citées à la fin du chapitre.

(265) Pour la plus récente : J. HÉRON et Th. LE BARS, 5e éd., 2012, nº 100 et s.

(266) V. l'étude de législation comparée no 206 du Sénat (mai 2010), sur le site internet du Sénat.

(267) V. not. L. MINIATO, « L’action de groupe “à la française” est née », RLDC 2014/115, p. 65 ; N. MOLFESSIS, « L’exorbitance de
l’action de groupe à la française », D. 2014, 947 ; O. SABARD, « L’action de groupe à la française », Dr. et procéd. 2014, p. 132 ;
S. AMRANI-MEKKI, « Action de groupe, mode d’emploi », Procédures 2014, étude nº 16. Ces textes ont été complétés par une circulaire
du 26 septembre 2014 (BO Min. justice nº 2014-10, 31 octobre 2014), sur laquelle, v. L. NICOLAS-VULLIERME, « Circulaire sur l’action de
groupe ou l’art de concilier les divergences d’intérêts », Contrats, conc. consom. 2015, étude nº 1.

(268) V. J. CALAIS-AULOY et H. TEMPLE, Droit de la consommation, Dalloz, Précis, 8e éd., 2010, no 561. Pour diverses réflexions sur
l'instauration d'une telle action, v. D. MAINGUY, « À propos de l'introduction de la class action en droit français », D. 2005, point de vue,
p. 1282 ; E. P UTMAN, « Scénario pour une class action à la française », Dr. et procéd. 2005, p. 321 ; S. GUINCHARD, « Une class action à
la française ? », D. 2005, chr., p. 2180 ; L. BORÉ, « Pour l'introduction d'une action de groupe dans le nouveau Code de procédure
civile », in Le nouveau Code de procédure civile, (1975-2005), Economica, 2006, p. 131 ; M. DOUCHY-OUDOT , « Où en est-on de
l'action de groupe... », Dr. et procéd. 2010, p. 41.

(269) Les nord-Américains semblent d’ailleurs revenir de leur class action. V. en particulier P. GLENN, « À propos de la maxime “nul ne
plaide par procureur” », RTD civ. 1988, p. 59.

(270) Théoriquement, il suffit de justifier de deux cas similaires pour être recevable à engager une action de groupe. Il est cependant
évident que le juge sera plus facilement convaincu de l’existence d’un groupe si le demandeur justifie d’un nombre plus significatif de
cas.

(271) On pense par exemple à la vente d’appareils défectueux d’un même modèle à des centaines ou des milliers de consommateurs.

(272) Titre consacré aux pratiques anticoncurrentielles.

(273) Ces deux articles (anc. art. 81 et 82 du traité de Rome du 25 mars 1957) portent sur les pratiques anticoncurrentielles.

(274) Il s’agit des associations de défense des consommateurs agréées par arrêté conjoint du ministre chargé de la consommation et du
garde des sceaux, après avis du ministère public, compte tenu de leur représentativité sur le plan national ou local (art. L. 411-1 et
R. 411-2 C. conso.).

(275) Sur les notions de qualité et d’action attitrée, v. supra, nº 64 s. et 921 s.(276) BO Min. justice nº 2014-10, 31 octobre 2014.

(277) La règle dite des « gares principales » (v. infra, nº 980) autorise ce scénario.(278) V. infra, nº 1053 et s.
(279) Les consommateurs concernés pourront alors choisir d’adhérer auprès de l’association qui aura obtenu la décision la plus
avantageuse.

(280) Sur la notion de contrariété de décisions, v. infra, nº 895 s.(281) Art. L. 211-15 COJ et R. 423-2 C. conso.

(282) Sur la règle dite de la « jurisprudence des gares principales », v. infra, nº 980.

(283) Art. 7 1º du règlement Bruxelles I bis nº 1215/2012 du 12 décembre 2012.

(284) Art. L. 420-7 et annexe 4-1 C. com. L’annexe 4-1 vise les TGI compétents pour connaître des procédures applicables aux
personnes qui ne sont ni commerçants ni artisans, l’annexe 4-2 visant des tribunaux de commerce (pour les commerçants et artisans).
Mais l’article R. 423-2 du Code de la consommation (texte réglementaire), qui désigne le tribunal du lieu où « demeure le défendeur »,
n’a pas pu déroger à la règle de l’article L. 420-7 du Code de commerce (texte législatif). Lorsque l’action de groupe est relative à
l’application des règles visées à l’article L. 420-7, il nous semble que l’on doit donc appliquer l’annexe 4-1 par analogie, même quand le
défendeur est une société commerciale. Et en aucun cas, le tribunal compétent ne pourra être un tribunal de commerce, l’article L. 211-
15 COJ qui rend compétents les tribunaux de grande instance étant un texte spécial et législatif.

(285) Art. R. 423-3 C. conso. De plus, une copie de l’arrêté d’agrément de l’association doit être jointe à l’assignation.

(286) Art. R 423-1 et R. 423-4 C. conso. La procédure de l’appel à bref délai est celle de l’article 905 CPC.

(287) Sur la médiation dans le cadre de l’action de groupe, v. art. L. 423-15 et L. 423-16 C. conso.

(288) Sur laquelle, v. H. CROZE, « Action de groupe de droit commun. Schéma procédural », Procédures 2014, étude nº 17.

(289) Ex : remplacement d’un matériel défectueux, octroi d’un bon d’achat...(290) Art. L. 423-8 C. conso.

(291) Art. L. 423-4 C. conso. On pense à des annonces à la radio, sur des chaînes de télévision ou dans des journaux... Ces mesures de
publicité sont à la charge du professionnel.

(292) Art. L. 423-5 C. conso.(293) Art. L. 423-7 C. conso.(294) Art. R. 423-7 C. conso.

(295) Art. R. 423-14 C. conso. Dans tous les cas, il faudra recourir à un moyen permettant d’accuser réception de l’adhésion au groupe.
On pense principalement à une lettre recommandée avec avis de réception.

(296) Art. L. 423-9 et R. 423-5 C. conso.(297) Art. R. 423-13, 2º, C. conso.(298) Art. R. 423-14 C. conso.

(299) Art. L. 423-5 C ; conso. Le texte précise, pour éviter toute confusion, que l’adhésion au groupe n’emporte, ni n’implique adhésion à
l’association elle-même. L’action de groupe ne doit pas être un moyen pour une association de recruter de force de nouveaux adhérents.

(300) Ces sommes doivent être déposées par l’association sur un compte de dépôt à la Caisse des dépôts et consignations et l’association
ne peut débiter le compte que pour verser au consommateur ce qui lui est dû (art. L. 423-6 C. conso.).

(301) V. les explications de N. MOLFESSIS, art. préc., nº 6 et s.

(302) Art. R. 423-20 C. conso. : « dans les formes prévues pour les demandes incidentes ».(303) Art. L. 423-12, al. 2, C. conso.

(304) Art. R. 423-20 C. conso.

(305) Curieusement, les textes subordonnent l’autorité de la chose jugée à l’égard du consommateur à son indemnisation (v. art. L. 423-
21 et R. 423-13, 5º, C. conso.). Cette présentation a quelque chose de juridiquement monstrueux (en ce sens, v. les explications
de N. MOLFESSIS, art. préc., nº 10). Mais on peut la comprendre dès lors que le membre du groupe peut, « à tout moment » mettre un
terme au mandat donné à l’association et renoncer ainsi à l’adhésion au groupe (art. R. 423-17 C. conso.). Tant qu’il n’est pas indemnisé,
il peut donc abandonner la qualité de partie et échapper ainsi à l’autorité de chose jugée des décisions rendues sur l’action de groupe. La
solution est très protectrice du consommateur, mais on aurait pu l’écarter concernant le second jugement (celui visé à l’article L. 423-12,
al. 2), compte tenu de ce qu’il tranche des litiges individualisés.

(306) Art. L. 423-22 C. conso.


(307) Les textes le permettent. Ainsi, en vertu de l’article R. 423-17 C. conso., le consommateur peut mettre un terme au mandat à tout
moment et la révocation du mandat emporte renonciation à l'adhésion au groupe. Pareillement, celui qui n'a pas été indemnisé par le
professionnel et qui n'a pas fourni les documents utiles au soutien de sa demande avant l'expiration du délai fixé par le juge pour le saisir
des demandes d'indemnisation auxquelles le professionnel n'a pas fait droit est réputé renoncer à son adhésion.

(308) C’est une simple application de l’article 1351 du Code civil.(309) Art. L. 423-23 C. conso.(310) Supra, nº 102.

(311) V. infra, nº 1181.(312) V. infra, nº 918.

(313) Certains auteurs voient dans ce mécanisme un rapprochement avec l’opt out que le législateur a rejeté par principe (E. JEULAND,
« Substitution ou représentation ? À propos du projet d’action de groupe », JCP G 2013, 927 ; N. MOLFESSIS, art. préc., nº 13). Cette
opinion nous paraît contestable (en ce sens : spéc. O. SABARD, « L’action de groupe à la française », Dr. et procéd. 2014, p. 136), car le
consommateur n’est pas passivement intégré dans le groupe. Pour bénéficier de l’indemnisation et se voir opposer l’autorité de chose
jugée de la décision, il lui faut accepter l’indemnité qui lui est proposée (v. art. R. 423-11 C. conso.). De plus, entre l’adhésion visée à
l’article L. 423-5 et l’acceptation visée à l’article L. 423-10, on voit mal la différence.

(314) Art. L. 423-10, al. 3, C. conso.(315) V. art. 105 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne.

(316) N. MOLFESSIS, art. préc., nº 14.(317) V. infra, nº 1005.(318) Sur cette notion, v. infra, nº 367.

(319) Art. L. 423-25 C. conso. : « Est réputée non écrite toute clause ayant pour objet ou effet d'interdire à un consommateur de
participer à une action de groupe ».

(320) Sur ce type d’action, v. supra, nº 89 s.(321) E. JEULAND, art. préc.(322) Sur ce type d’action, v. infra, nº 198.

(323) V. infra, no 458 et s.(324) V. supra, no 41.

(325) On verra, à propos du calcul du montant des demandes (infra, no 725), que l'article 35 du Code de procédure civile envisage
l'existence de demandes initiales juxtaposées.

(326) Sur cette condition tenant à la connexité avec la demande initiale, v. infra, no 122 et s.

(327) Du verbe latin incidere, qui signifie tomber dans ou tomber sur.(328) V. infra, no 135 s.

(329) Si le contrat n'avait fait l'objet d'aucune exécution, le moyen tiré de la nullité ne serait qu'une pure défense : il tendrait seulement à
faire déclarer que le contrat ne saurait obliger le défendeur puisqu'il ne bénéficie pas de la force obligatoire, faute de satisfaire aux
conditions posées par la loi. Un tel moyen n'a d'autre finalité que de faire rejeter la demande de l'adversaire.

(330) V. Cass. Ass. plén., 22 avril 2011, no 09-16008, D. 2011, p. 1870, note O. DESHAYES et Y.-M. LAITHIER, JCP G 2011, 715, note Y.-
M. SERINET , Dr. et procéd. 2011, p. 210, obs. E. P UTMAN, RTD civ. 2011, p. 795, obs. Ph. THÉRY.

(331) Ex : Civ. 2e, 19 mars 1969, Bull. civ. II, nº 83.

(332) Civ. 2e, 10 janvier 2013, nº 10-28735, Procédures 2013, nº 63, note R. P ERROT , JCP G 2013, 436, note G. GUERLIN, D. 2013, 877,
note P. P AILLER, Dr. et procéd. 2013, p. 89, obs. F. VINCKEL.

(333) On peut ainsi avoir des doutes sur la qualification retenue par l’arrêt précité du 10 janvier 2013 (nº 10-28735).

(334) V. Civ. 1re, 8 avril 1957, Bull. civ. I, no 177.

(335) Il existe même des demandes reconventionnelles qui non seulement n'exercent pas d'influence sur le sort de la demande initiale,
mais qui encore dépendent du rejet de la demande initiale. C'est le cas des demandes en dommages-intérêts formées par le défendeur
pour abus du droit d'agir du demandeur (cf. les articles 38 et 39 du Code de procédure civile qui visent la « demande reconventionnelle en
dommages-intérêts fondée exclusivement sur la demande initiale »).

(336) Ce qui justifie qu'elle soit énoncée dans le Code de procédure civile après la demande reconventionnelle.

(337) Pour ne pas confondre les deux sortes d'intervention, il faut se rappeler que c'est en la personne du tiers que s'apprécie le
caractère volontaire ou forcé de l'intervention le tiers est forcé d'intervenir à l'instance ou, à l'opposé, il intervient volontairement.
(338) V. infra, no 1169 et s.(339) Au sens qui a été étudié, supra, no 64 et s.

(340) Ex. : Selon la Cour de cassation, la demande additionnelle tendant à la résolution d'une vente d'immeuble et qui fait suite à une
demande initiale en annulation régulièrement publiée par application de l'article 28 4o du décret du 4 janvier 1955 doit, comme celle-ci,
être publiée au service chargé de la publicité foncière : Civ. 3e, 19 mars 1997, Bull. civ. III, no 67.

(341) Ajoutons que la Cour de cassation retient généralement qu'une demande reconventionnelle est irrecevable en cas d'irrecevabilité de
la demande initiale. La demande reconventionnelle n'aurait, en effet, « plus de support » (v. S. GUINCHARD, C. CHAINAIS et F. FERRAND,
Procédure civile, Dalloz, Précis, 32e éd., 2014, no 306). Ex. : Civ. 2e, 29 novembre 2001, Famille 2002, no 4, obs. H. LÉCUYER ; Civ. 1re,
19 avril 2005, no 02-19881, Procédures 2005, no 201, note R. P ERROT . Cette jurisprudence n'est, toutefois, pas unitaire. Ex. : Civ. 3e,
30 juin 1998, no 96-22067. Quant à la demande en intervention, son sort « n'est pas lié à celui de l'action principale lorsque l'intervenant
principal se prévaut d'un droit propre, distinct de celui invoqué par le demandeur principal » : Civ. 3e, 21 février 1990, Bull. civ. III, no 61 ;
v. aussi Com., 29 octobre 2002, Bull. civ. IV, no 154, Act. proc. coll. janvier 2003, no 1, obs. P. CAGNOLI ; Civ. 2e, 13 juillet 2006, no 05-
16579, Procédures 2006, no 204, note R. P ERROT .

(342) Sur l'exception de connexité, v. infra, no 1053 et s.

(343) Les exemples qui vont être donnés à titre d'illustration énoncent donc des solutions propres aux juges du fond qui ont rendu les
décisions attaquées ensuite par un pourvoi. Il a ainsi été jugé qu'une demande additionnelle en suppression d'une petite construction n'était
pas connexe à une demande initiale en suppression d'une plantation (Civ. 3e, 21 mai 1979, D. 1979, I.R.509) et inversement qu'une
demande additionnelle en revendication d'une petite parcelle était connexe à une demande initiale tendant à la reconnaissance d'une
servitude de tour d'échelle (Civ. 3e, 15 juin 1976, Bull. civ. III, no 267).

(344) Civ. 1re, 14 mars 1978, Bull. civ. I, no 105.(345) Sur cette question, v. infra, no 832 et s.

(346) V. Civ. 1re, 8 avril 1957, Bull. civ. I, no 177.(347) Com., 8 janvier 1985, Bull. civ. IV, no 16.

(348) Si la demande reconventionnelle en compensation est recevable, ce n’est donc pas, comme on l’écrit parfois, « même en l’absence
de lien suffisant » (Civ. 2e, 4 décembre 2014, nº 13-25931), mais parce qu’il existe forcément un lien suffisant.

(349) V. infra, no 271 et s.

(350) Sur ce thème, v. C. LESCA-D'ESPALUNGUE, La transmission héréditaire des actions en justice, thèse, PUF, 1992.

(351) Sur ce point, v. Civ. 1re, 28 mars 2012, no 10-30713. Toutefois, quand l'instance a été interrompue par la notification du décès à
l'adversaire, il faut accomplir une formalité de reprise pour qu'elle reprenne son cours (v. art. 370 et s. CPC et infra, no 1188).

(352) Civ. 2e, 31 mai 1978, Bull. civ. II, no 146.

(353) En faveur de la transmission « de l'action » en paiement d'une créance rendue (conventionnellement) intransmissible, aux héritiers
du demandeur décédé durant l'instance : Civ. 1re, 2 décembre 1992, no 90-21239, no 1499, RTD civ. 1994, p. 165, obs. R. P ERROT .

(354) V. supra, no 59.(355) À rappr. : L. CADIET et E. JEULAND, Droit judiciaire privé, LexisNexis, 8e éd., no 411.

(356) Sur le principe et les exceptions, v. art. 957, al. 2, C. civ. Un raisonnement similaire peut être tenu à propos de l'article 322 du Code
civil qui régit l'exercice des actions relatives à la filiation par les héritiers de celui qui avait qualité pour agir en contestation ou en
établissement d'une filiation.

(357) L. CADIET , J. NORMAND et S. AMRANI-MEKKI, Théorie générale du procès, PUF, 2010, p. 366.

(358) Sur cette opinion et sur les critiques qui peuvent lui être adressées, v. R. MOREL, Traité élémentaire de procédure civile, 2e éd.,
Paris, 1949. no 311.

(359) Art. 395 CPC.(360) Art. 385 CPC.(361) Sur la litis contestatio, v. supra, no 41.

(362) Sur l'effet substantiel du jugement, v. infra, no 341 et s.(363) Sur l'étude de ce texte, v. supra, no 62.

(364) Sur laquelle, v. Y.-M. SERINET , « La qualité du défendeur », RTD civ. 2003, p. 203.

(365) Sur la qualité, comme traduction en termes de droit processuel de la titularité du droit substantiel, v. supra, no 65.
(366) Sur l'existence de demandes reconventionnelles « hybrides », v. supra, no 118.

(367) Ce texte permet une décharge (totale ou partielle) de la caution lorsque le créancier a, par son fait, diminué les garanties dont la
caution aurait pu bénéficier, après paiement, à l'égard du débiteur principal.

(368) La Cour y a été vivement encouragée par notre collègue S. GUINCHARD (« Le droit a-t-il encore un avenir à la Cour de
cassation ? », Mélanges F. Terré, PUF, 1999, p. 761). V. Com., 26 octobre 1999, Bull. civ. IV, no 182 ; 26 avril 2000, Bull. civ. IV, no 80 ;
Civ. 1re, 4 octobre 2000, Bull. civ. I, no 233, Cass. Mixte, 21 février 2003, Bull. Mixte, no 3, JCP G 2003, II, 10103, note F. BOUCARD,
Procédures 2003, no 118, note H. CROZE.

(369) Ex. : Civ. 2e, 6 mai 1999, Bull. civ. II, no 82, JCP G 2000, II, no 10291, note N. AUCLAIR.(370) V. infra, no 140.

(371) Sur cet aspect de la règle du non-cumul des actions possessoires et des actions pétitoires, v. infra, no 452.

(372) Depuis la loi no 2005-47 du 26 janvier 2005, c'est lui qui est compétent en matière d'actions possessoires et non plus le tribunal
d'instance (v. art. R. 211-4, COJ).

(373) De même, celui qui prend l'initiative de soumettre une décision à la censure de la Cour de cassation est qualifié de demandeur à la
cassation, même s il est le défendeur pour ce qui est du fond du procès. Il soumet en effet une prétention qui consiste en l'annulation de
la décision critiquée en raison de l'existence d'un moyen de cassation.

(374) Pour les amateurs d'analyse structurale, signalons que la traduction en termes structuraux de ce qui vient d'être dit montre bien la
différence qui existe entre la défense au fond et la défense procédurale. Alors que le défendeur qui présente une défense au fond répond
non-b au défendeur, celui qui présente une défense procédurale dit b 1, en raison de l'existence de faits a 1, correspondant au
présupposé de la règle A1 i B1, différente par définition de la règle A i B invoquée par le demandeur. Il est curieux de retrouver
l'expression de cette approche structurale dans l'adage du droit romain « in excipiendo, reus fit actor ». Lorsque l'exception constitue
une défense procédurale, il est vrai que le défendeur devient demandeur. Mais l'on sait que l'exception recouvrait en droit romain toutes
sortes de défenses différentes et que l'adage était utilisé dans des situations également différentes. Il cesse alors d'être techniquement
exact. Par exemple, lorsqu'on dit que le demandeur à l'exception supporte le risque de la preuve (comme le prévoit dans un cas
particulier l'article 1315 du Code civil), ce n'est que par une approximation que l'on peut dire qu'il est demandeur. À proprement parler, en
effet, il ne demande pas le bénéfice d'une règle différente de celle invoquée par son adversaire. Il supporte seulement le risque de la
preuve de tel ou tel fait.

(375) V. infra, no 1002.

(376) L'article 564 du Code de procédure civile admet explicitement la recevabilité des défenses au fond en appel. En revanche, la
recevabilité des défenses devant la Cour de cassation est subordonnée aux règles particulières de l'instance de cassation (sur lesquelles,
v. infra, no 821).

(377) Sous réserve cependant de quelques cas exceptionnels, comme les demandes fondées sur l'article 145 du Code de procédure civile,
qui tendent à l'obtention d'une mesure d'instruction.

(378) Art. 757 CPC.(379) V. supra, no 46.

(380) Cette répartition des défenses entre les différents niveaux conduit d'ailleurs à une lacune. Il n'existe aucune qualification pour la
défense que l'on oppose à une exception de procédure ou à une fin de non-recevoir. Comment qualifier en effet l'acte processuel par
lequel le demandeur originaire soutient que l'exception de procédure, par exemple l'exception d'incompétence, soulevée par le défendeur
est infondée ? Pour nous, il s'agit incontestablement d'une défense au fond. Une telle qualification semble incompatible avec la définition
qu'en donne H. Motulsky.

(381) V. supra, no 48 et s.

(382) Il n'est peut-être pas très convenable d'écrire que la fin de non-recevoir s'apparente au « classement vertical » du dossier. C'est
pourtant l'expression qui décrit le plus fidèlement la réalité. Tout ce qui est déclaré irrecevable, une demande, une pièce, une voie de
recours, est écarté sans avoir été examiné. Le juge refuse d'en prendre connaissance.
(383) Ou même par la convention des parties. Pour la Cour de cassation, « les fins de non-recevoir ne sont pas limitativement
énumérées » par la loi et « la clause d'un contrat instituant une procédure de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge » est
valable. Elle est constitutive d'une fin de non-recevoir : Cass. Mixte, 14 février 2003, Bull. Mixte no 1, Procédures 2003, no 96, note
H. CROZE, RTD civ. 2003, p. 349, obs. R. P ERROT , LPA 2003, no 51, p. 13, note L. BERNHEIM. La solution vaut aussi pour la clause de
médiation : Civ. 1re, 8 avril 2009, no 08-10866, RTD civ. 2009, p. 774, obs. Ph. THÉRY.

(384) En termes d'analyse structurale, l'examen des éléments constitutifs d'une défense permet de dire s'il s'agit d'une défense au fond ou
d'une défense procédurale. Selon qu'elle consiste à dire non-b (parce qu'on peut opposer l'absence des faits a ou de la règle A i B) ou, à
l'opposé, à dire b1 (parce qu'en l'espèce il existe des faits a1 et une règle procédurale A1 i B1), on dira que l'on est en présence de l'une
ou de l'autre sorte de défense.

(385) C'est ce qu'avait déjà montré autrefois P. HÉBRAUD : v. ses observations à la RTD civ. 1953, p. 568.

(386) Pour une critique de la distinction des fins de non-recevoir et des exceptions de procédure, cf. R. MARTIN, « Un virus dans le
système des défenses du nouveau Code de procédure civile : le droit d'action », RGP 1998, p. 420.

(387) L'exception de procédure est en l'espèce une nullité pour vice de forme, sur laquelle v. infra, no 213 et s.

(388) Cette phrase ne signifie nullement que la solution retenue par le législateur ne repose pas sur des raisons solides. On verra (infra,
no 466) que le régime de la nullité ne serait pas adapté à la requête conjointe.

(389) En revanche, si l'acte litigieux est un acte de gestion et ne participe donc pas à l'exercice de la souveraineté de l'État étranger,
celui-ci ne bénéficie pas de l'immunité de juridiction. Pour une illustration : Soc., 31 mars 2009, no 07-45618, JCP G 2009, II, 10097, note
F. MELIN. Précisons que cette jurisprudence s'applique également aux organismes étrangers lorsqu'ils ne sont que l'émanation d'un État
étranger. Sur ce thème, v. P. MAYER et V. HEUZÉ, Droit international privé, Domat, 11e éd., 2014, no 331 et s. ; M.-L. NIBOYET et G.
e o
DE GEOUFFRE DE LA P RADELLE, Droit international privé, LGDJ, 4 éd., 2013, n 637 et s.

(390) Ex. : S. GUINCHARD, C. CHAINAIS et F. FERRAND, Procédure civile. Droit interne et droit de l'Union européenne, Dalloz, Précis,
32e éd., 2014, no 1472 ; E. JEULAND, Droit processuel général, Domat LGDJ, 3e éd., 2014, no 381.

(391) Au contraire, la contestation de la compétence internationale étant une exception de procédure régie par l’article 74 CPC, doit être
soulevée avant toute nouvelle défense au fond ou fin de non-recevoir (v. Civ. 1ère, 23 mai 2012, nº 10-26188, RTD civ. 2012, p. 566, obs.
Ph. THÉRY).

(392) V. infra, no 160, 1025, 1027 et s.

(393) Une situation très comparable à celle qui est décrite au texte se rencontre avec la notion d'ordre public, tel que l'énonce l'article 6
du Code civil. L'article 6 ne définit pas l'ordre public à partir de ses éléments constitutifs, mais à partir de son effet. Lorsqu'une règle est
d'ordre public, il en résulte cette conséquence que l'on ne peut y déroger par une convention particulière. Mais cela ne nous indique pas
ce qui fait qu'une règle est d'ordre public. Et on constate en effet que, le plus souvent, le législateur prend le soin de le marquer par une
formule du genre « toute clause contraire est réputée non écrite » ou encore « nonobstant toute convention contraire ». À défaut, les
tribunaux sont conduits à trancher la difficulté et ils le font au coup par coup, sans pouvoir se référer à une définition générale permettant
d'identifier la règle d'ordre public.

(394) Le vocabulaire n'est sans doute pas innocent. On peut dire que, d'une certaine façon, la fin de non-recevoir ferme la porte au nez
de celui à qui elle est opposée.

(395) Sur le contentieux du possessoire et sur la règle du non-cumul du possessoire et du pétitoire, v. infra, no 443 et s.

(396) V. infra, no 407.(397) V. infra, no 452.(398) V. infra, no 289.

(399) Le Code de la consommation n'utilise pas l'expression « fin de non-recevoir », mais il voit dans la mauvaise foi et quelques autres
conditions de fond telles que l'impossibilité manifeste de faire face à l'ensemble du passif non professionnel, des conditions de
« recevabilité » de la demande (ex : art. L. 331-3 C. consom.). Ceci revient au même : qui dit « irrecevabilité », dit « fin de non-
recevoir ».

(400) Pour la Cour de cassation, il résulte de l'article 342-4 C. civ. « que l'impossibilité de paternité établie par un examen des sangs ou
par toute autre méthode médicale certaine est une fin de non-recevoir à l'action à fins de subsides ». En ce sens : Civ. 1re, 19 novembre
1991, Bull. civ. I, no 317.
(401) Acte portant en lui-même la preuve d'un trouble mental ; acte fait à une époque où le défunt était sous sauvegarde de justice ;
introduction d'une demande d'ouverture d'une tutelle ou d'une curatelle avant le décès de l'intéressé ; mise en œuvre d'un mandat de
protection future avant son décès.

(402) Art. 244 C. civ. « La réconciliation des époux intervenue depuis les faits allégués empêche de les invoquer comme cause de
divorce. Le juge déclare alors la demande irrecevable (...) ».

(403) On retrouve une fois encore l'analyse qu'avait donnée P. HÉBRAUD (obs. à la RTD civ. 1953, p. 568, sur Paris, 4 avril 1952), lorsqu'il
décrivait la fin de non-recevoir comme « ce procédé remarquable (...) (qui) consiste à attribuer une nature procédurale particulière à l'un
des éléments du débat ».

(404) Sur cette question, v. H. MOTULSKY, note sous Civ. 2e, 6 juin 1952, Écrits, études et notes de procédure civile, Paris, 1973, rééd.
Dalloz 2010, p. 354.

(405) Même celle, d'origine privée, qui est tirée de l'existence d'une clause de conciliation préalable à la saisine du juge présente dans le
contrat qui lie les parties : Com., 22 février 2005, no 02-11519, Procédures 2005, no 120 et RTD civ. 2005, p. 450, notes critiques
R. P ERROT .

(406) Ex. : L'article 1115, alinéa 3, du Code de procédure civile énonce que l'irrecevabilité prévue par l'article 257-2 du Code civil (en
matière de divorce) doit être invoquée avant toute défense au fond. C'est là qu'on voit que certaines fins de non-recevoir ne se
rapprochent pas des exceptions de procédure que par leur nature, mais aussi par leur régime, ce qui relativise encore la dualité des
défenses procédurales.

(407) V. toutefois Civ. 2e, 13 novembre 2014, nº 13-15642, sur une conséquence de la jurisprudence Cesareo, dans le cas où une première
fin de non-recevoir a été rejetée par une décision irrévocable du magistrat de la mise en état : les fins de non-recevoir présentées
ultérieurement par la même partie se heurteraient à l’autorité de la chose jugée par ce magistrat (à moins de reposer sur des faits
ultérieurs) ! Après une telle décision irrévocable, les fins de non-recevoir ne pourraient donc plus être soulevées en tout état de cause par
la partie concernée, malgré la lettre de l’article 123 CPC.

(408) La formule est facile, mais irréaliste, car la régularisation ne peut pas s'effectuer jusqu'au « moment où le juge statue », à
proprement parler. En effet, l'affaire est alors en délibéré et il est trop tard pour introduire dans le débat un fait nouveau. En réalité, le
dernier moment où la régularisation peut être portée à la connaissance du juge est celui de la clôture des débats (dans les procédures
orales) ou de l'ordonnance de clôture de l'instruction (dans les procédures écrites). En ce sens : Civ. 2e, 3 juin 1998, Bull. civ. II, no 173,
RTD civ. 1998, p. 740, obs. R. P ERROT .

(409) Ex : la demande d’annulation d’une vente d’immeuble elle-même publiée. V. art. 30 5º D. nº 55-22 du 4 janvier 1955.

(410) Ex : Civ. 3e, 15 novembre 1989, nº 88-10441.

(411) Selon un arrêt assez discutable, la clause contractuelle prévoyant une tentative de règlement amiable, non assortie de conditions
particulières de mise en œuvre, ne constitue pas une procédure de conciliation obligatoire préalable à la saisine du juge, dont le non-
respect caractérise une fin de non-recevoir (Com., 29 avril 2014, nº 12-27004). Il faudrait donc que soit arrêtée par les parties une
« procédure » de conciliation. Mais à partir de quel degré de formalisation peut-on parler de « procédure » ? Ce type d’arrêt pose plus de
problèmes qu’il n’apporte de solutions.

(412) De manière contestable, la chambre sociale de la Cour de cassation a cependant jugé que tel n’était pas le cas en matière
prud’homale, au motif qu’en cette matière, il existe une procédure de conciliation préliminaire et obligatoire (Soc. 5 décembre 2012, nº 11-
20004, RTD civ. 2013, p. 171, obs. R. P ERROT , Procédures 2013, nº 106, note A. BUGADA). Cette analyse passe sur le fait que la
procédure dont les parties ont convenue peut être très différente de celle instaurée devant le conseil des prud’hommes.

(413) Cass. Mixte, 12 décembre 2014, nº 13-19684, JCP G 2015, 115, note N. Dissaux, D. 2015, 298, note Ch. BOILLOT , Dr. et procéd.
2015, p. 34, obs. D. CHOLET , RTD civ. 2015, p. 187, obs. Ph. THÉRY. Cet arrêt renverse la solution contraire qui avait été admise en 2010
(Civ. 2e, 16 décembre 2010, nº 09-71575) et qui nous paraissait bien meilleure.
(414) La Cour de cassation a longtemps eu tendance à cantonner ce principe à la forclusion au sens strict, c'est-à-dire à l'expiration d'un
délai de procédure, par opposition à celle des délais de prescription et des délais préfix du droit substantiel. Ainsi, une demande formée
par un assureur contre l'auteur d'un dommage, avant l'expiration d'une prescription ou d'un délai préfix, interrompait valablement ce délai,
même si cet assureur n'avait acquis qualité pour agir qu'après son écoulement. Dans ces espèces, l'assureur n'avait été subrogé dans les
droits de l'assuré (titulaire initial du droit d'agir en responsabilité), en l'indemnisant, qu'après l'expiration du délai pour agir (ex : Civ. 1re,
18 juin 1985, Bull. civ. I, no 187 ; Com., 5 juillet 1988, Bull. civ. IV, no 233 ; Civ. 3e, 29 mars 2000, Bull. civ. III, no 67). Cependant, des
arrêts plus récents appliquent l'article 126, alinéa 2, en présence d'un délai de prescription : Com., 24 septembre 2003, Bull. civ. IV,
no 143 ; Civ. 2e, 16 octobre 2008, no 07-19273.

(415) Ex. : Civ. 2e, 27 février 2003, Bull. civ. II, no 44.

(416) C'est une telle confusion que censure la Cour de cassation dans un arrêt du 4 février 1987, Bull. civ. III, no 17. Les juges du fond
avaient écarté, en application de l'article 74 du Code de procédure civile qui régit la présentation des exceptions de procédure (sur ce
texte, v. infra, no 160), une « exception » de nullité d'un acte juridique de droit civil : cette exception était en réalité une défense au fond.

(417) V. supra, no 147. Cette absence de différence de nature fait que l'on hésite parfois entre ces deux qualifications. Ainsi, le
défendeur qui, devant une juridiction judiciaire, invoque l'existence d'une clause compromissoire et prétend que le litige relève d'une
juridiction arbitrale, soulève-t-il une fin de non-recevoir ou une exception de procédure ? Pour la Cour de cassation, il s'agit d'une
exception (ex : Civ. 2e, 22 novembre 2001, Bull. civ. II, no 168, Dr. et procéd. 2002, p. 108, obs. M. DOUCHY) et même d'une exception
d'incompétence (Civ. 1re, 3 février 2010, no 09-13618, Rev. arb. 2010, p. 495, note crit. P. CALLÉ), ce qui, à notre avis est exact puisque
c'est la compétence du juge qui est en cause. En revanche, la clause qui impose une tentative de conciliation préalable à la saisine du juge
constitue une fin de non-recevoir (Cass. Mixte, 14 février 2003, Bull. Mixte no 1). La compétence du juge n'est pas en cause. Les deux
clauses sont tout de même très proches l'une de l'autre.

(418) V. infra, no 1024 et s.

(419) Ex : art. D. 442-3 C. com., en matière de pratiques restrictives de concurrence (v. aussi art. L. 442-6 C. com.). Au passage,
l’article D. 442-3 énonce expressément que la cour de Paris est « compétente » (mais ce n’est pas un argument décisif, les textes étant
parfois mal rédigés).

(420) Ex : Com., 31 mars 2015, nº 14-10016.

(421) Une fin de non-recevoir d’ordre public doit être relevée d’office par le juge (art. 125 CPC). En revanche, il est rare que le juge soit
tenu de relever d’office son incompétence, même d’ordre public (v. infra, nº 1027).

(422) V. infra, no 1052 et s.(423) V. infra, no 1190 et s.

(424) Jusqu'au 1er janvier 2007, l'article 795 du Code civil accordait un délai de trois mois et quarante jours à l'héritier, pour faire
inventaire et délibérer. Désormais, il s'agit d'un délai d'option de quatre mois (art. 771 C. civ.).

(425) On remarquera qu'en dehors de la véritable exception dilatoire qui appartient à l'héritier l'article 108 vise également les bénéfices
de division et de discussion qui appartiennent à la caution. À proprement parler, il ne s'agit pas d'exceptions dilatoires. Le bénéfice de
division vise à diminuer l'obligation qui pèse sur la caution. Le bénéfice de discussion décharge la caution de toute obligation aussi
longtemps que le créancier n'a pas discuté les biens du débiteur principal. Il s'agit donc de règles qui relèvent du droit civil, que l'on doit
qualifier de défenses au fond, puisqu'elles tendent au rejet partiel ou limité de la prétention, comme non justifiée. Il est vrai que ces règles
vont probablement entraîner la suspension de l'instance, mais ce ne sera que par voie de conséquence.

(426) V. infra, no 210 et s.


(427) La règle de l'antériorité rend-elle irrecevable une exception de procédure présentée dans les mêmes conclusions qu'une défense
d'une autre nature, mais après celle-ci ? C'est la solution rigoureuse (voire rigoriste) retenue par la majorité des chambres de la Cour de
cassation : Civ. 2e, 8 juillet 2004, Bull. civ. II, no 377, Procédures 2004, no 199, note R. P ERROT , D. 2004, J, p. 2610, note B. BEIGNIER, JCP
G 2004, II, 10176, note H. CROZE ; Com., 13 décembre 1994, Bull. civ. IV, no 378 ; Civ. 3e, 8 mars 1977, Bull. civ. III, no 110. Seule la
première chambre civile s'est montrée moins sévère : Civ. 1re, 18 novembre 1986, Bull. civ. I, no 269, Gaz. Pal. 1987. somm. 336, obs.
S. GUINCHARD et T. MOUSSA ; 27 janvier 1993, Bull. civ. I, no 40. Précisons que dans les procédures orales, l'ordre dans lequel sont
invoquées les défenses s'apprécie en fonction des déclarations faites à l'audience et non en fonction du contenu d'éventuelles conclusions
écrites ; une exception doit alors, en principe, être soulevée à l'audience, avant toute défense d'une autre nature et il n'est pas gênant que
celui qui la présente ait antérieurement développé dans ses écritures des défenses au fond, pourvu qu'il ne se soit pas encore référé
oralement à celles-ci : v. notamment Civ. 2e, 16 octobre 2003, Bull. civ. II, no 311, Procédures 2003, no 248, note R. P ERROT , RTD civ.
2004, p. 138, obs. R. P ERROT , D. 2004, J, p. 454, note S. MARY.

(428) Civ. 2e, 29 octobre 1986, Bull. civ. II, no 154, D. 1987, somm. 229, obs. P. JULIEN.(429) Sur ce délai, v. supra, no 157.

(430) Il est évident que, si, avant l'expiration du délai, le défendeur soulève une défense au fond ou une fin de non-recevoir, il n'est plus
recevable à présenter postérieurement une autre exception de procédure. De même, la Cour de cassation a déclaré irrecevable une
exception dilatoire présentée après une défense plus importante (v. Civ. 3e, 10 juin 1981, Bull. civ. III, no 110, préc.).

(431) Sur la notion de connexité, v. supra, no 124.

(432) La sanction d'une présentation tardive et dilatoire de l'exception de connexité est plus énergique que celle de la présentation d'une
fin de non-recevoir. Pour celle-ci, le juge peut seulement accorder des dommages-intérêts, sans pouvoir écarter le moyen de défense.
Pour celle-là, la sanction est directe.

(433) Sur le régime des fins de non-recevoir, v. supra, no 149.

(434) Pour un exemple de ce genre de difficulté, v. infra, no 228 à propos de la règle « nul en France ne plaide par procureur ».

(435) Sur ce point précis, v. supra, no 60. Adde, sur l'acte de procédure comme acte juridique, G. CORNU, note sous Civ. 2e, 20 mai 1976,
D. 1977.125 ; J. HÉRON, « Réflexions sur l'acte juridique et le contrat à partir du droit judiciaire privé », Droits 1988-7, p. 85 et s.

(436) La forme des actes d'huissier est réglementée de manière extrêmement détaillée. V., ainsi, l'arrêté du 29 juin 2010 fixant les
normes de présentation des actes d'huissier de justice (JORF du 30 juin 2010, p. 11717) qui va jusqu'à déterminer le grammage du papier
et la taille des caractères utilisés.

(437) Art. 1er du décret du 2 thermidor, an II.

(438) Art. 2 mod. de l'ordonnance no 45-2592 du 2 novembre 1945. Antérieurement à la loi no 2010-1609 du 22 décembre 2010, les actes
de l'huissier devaient en principe être rédigés en deux exemplaires originaux, l'un qui était conservé par lui, l'autre qui était remis au
requérant (et non au destinataire, comme on aurait pu le penser au premier abord). La disparition de cette spécificité propre aux actes
d'huissier ne change rien en pratique, si ce n'est que le requérant se voit désormais remettre une copie et non un « second original ».

(439) Lorsque l'acte a plusieurs destinataires, l'huissier doit délivrer une copie à chacun d'eux. Et ce principe de la signification séparée à
chaque destinataire s'applique même lorsque l'acte est signifié selon les modalités de l'article 659 CPC, c'est-à-dire lorsque l'huissier
dresse un procès-verbal de recherches infructueuses. Ex. : Civ. 2e, 8 novembre 2001, Dr. et procéd. 2002, p. 106, obs. B. MENUT .

(440) Com., 1er juillet 1964, Bull. civ. III, no 345. La règle doit cependant être nuancée. Il existe en effet certaines mentions dont la Cour
de cassation, par interprétation de l'article 663 du Code de procédure civile, décide qu'elles ne doivent figurer, à peine de nullité, que sur
les originaux et non sur la copie remise au destinataire, notamment celles qui relatent les diligences de l'huissier pour notifier l'acte à
personne ou à domicile. V. infra, no 172 en note.

(441) Civ. 2e, 14 janvier 1987, Bull. civ. II, no 4, RTD civ. 1987, p. 399, obs. R. P ERROT ; Civ. 3e, 12 juillet 1995, Bull. civ. III, no 176.
Précisons que ces arrêts n'étaient pas relatifs à l'article 648 du Code de procédure civile, mais à l'article 901 qui fixait le contenu de la
déclaration d'appel. Cependant, ces deux articles exigeant qu'il soit fait mention de l'organe qui représentait la personne morale, la
regrettable solution retenue pour les déclarations d'appel devait logiquement s'appliquer aussi aux actes d'huissier.

(442) En ce sens, R. P ERROT , obs. préc. Adde, sur le cas d'une association ayant assigné sans indiquer le nom de son représentant dans
l'assignation, Civ. 2e, 22 mai 1995, Justices 1996-3, p. 367, obs. J. HÉRON, et sur les inconvénients qui résultent de cette jurisprudence
J. HÉRON, obs. préc.
(443) Ex : Civ. 2e, 31 janvier 2013, nº 12-10041.

(444) Civ. 2e, 17 juin 1998, Bull. civ. II, no 192 ; Civ. 2e, 12 juillet 2001 (2 arrêts), Bull. civ. II, no 138 et 139 ; Cass. Mixte 22 février 2002
(2 arrêts), Bull. mixte, no 1, Procédures 2002, no 69, note R. P ERROT , no 73, note H. CROZE, Dr. et procéd. 2002, p. 230, obs. N. FRICERO,
D. 2002, J, p. 2083, note J. B. RACINE. V. aussi Com., 3 juin 1998, Bull. civ. IV, no 174, qui était allée jusqu'à voir un vice de fond (sic !)
dans le défaut d'indication de l'organe social de la société appelante dans l'acte d'appel.

(445) Selon un arrêt, « l'indication de la forme » de la société (S.A., SARL...) permet « à elle seule de déterminer l'organe habilité à la
représenter » : Civ. 1re, 30 septembre 2008, no 06-20298, RTD civ. 2008, p. 720, obs. R. P ERROT . Il suffirait donc d'indiquer ou de laisser
deviner la qualité du représentant (président, gérant, etc.) pour satisfaire aux exigences de l'article 648 CPC.

(446) Dans le cas fréquent où l'acte est délivré par une société civile professionnelle d'huissiers de justice, le défaut d'indication du nom
de l'huissier qui instrumente constitue un vice de forme et non pas une irrégularité de fond : Civ. 2e, 7 novembre 2002, Bull. civ. II, no 245,
Dr. et procéd. 2003, p. 115, obs. Ph. HOONAKKER ; 27 mai 2004, ibid. no 249.

(447) Sur la sanction du défaut de signature de l'acte, v. infra, no 223.

(448) Sur la nullité des actes de procédure, pour vice de forme, v. infra, no 214.

(449) Cette règle est particulièrement importante en cas de notification de l'acte à la dernière adresse connue ou de notification de l'acte
au parquet (sur lesquelles, v. infra, no 176 et no 181).

(450) V. art. 653 CPC.

(451) La notification de l'acte introductif d'instance (v. infra, no 459) et celle du jugement (v. infra, no 523) sont le plus souvent faites par
voie de signification.

(452) L'expression ne doit pas être prise au pied de la lettre. En pratique, les actes sont notifiés par les clercs de l'huissier, mais sous sa
responsabilité.

(453) Jusqu'au décret no 86-585 du 14 mars 1986, les actes destinés aux personnes sans domicile connu étaient aussi signifiés à parquet
pour que le parquet essaie de les retrouver et de leur notifier les actes par l'intermédiaire des services de la gendarmerie et de la police.
Aujourd'hui (v. infra, no 176), les actes destinés à ces personnes font l'objet d'une signification à leur dernière adresse connue. Les
services de la gendarmerie et de la police se trouvent ainsi déchargés d'une tâche, alors qu'ils ne manquent certes pas d'occupations par
ailleurs. D'un autre côté, il faut reconnaître que le nouveau mode de signification n'offre guère de garanties au défendeur. On s'en
consolera facilement lorsque le destinataire de l'acte fuit son adversaire et la justice, ce qui est sans doute le cas le plus fréquent. Mais
est-ce toujours le cas ?

(454) Art. L. 3133-1 C. trav.(455) V. art. 1317, al. 2, C. civ.

(456) Art. 27 (anc.) et 29-6 (anc.) D. no 56-222 du 29 février 1956, dans leur rédaction issue du décret no 2005-972 du 10 août 2005.

(457) V. J. HUET , « L'acte authentique électronique, petit mode d'emploi (décrets no 2005-972 et 973 du 10 août 2005) », D. 2005, doct.,
p. 2903 et s.

(458) D. no 2012-366 du 15 mars 2012 ; arr. 28 août 2012, JORF du 31 août 2012. G. MECARELLI et S. P OISSON, « La signification par voie
électronique : entre défi technologique et théorie du procès », D. 2012, 2533.

(459) Art. 28 (mod.) D. no 56-222 du 29 février 1956. Ce consentement doit être adressé à la Chambre nationale des huissiers de justice,
laquelle est chargée de tenir une liste des personnes ayant ainsi consenti à recevoir des significations par voie électronique : v. art. 73-2
D. 29 février 1956. Sur la forme de la déclaration, v. arr. 22 mai 2012, JORF du 1er juin 2012.

(460) Art. 662-1, al. 2 CPC.(461) Art. 28 préc. D. no 56-222 du 29 février 1956.

(462) Éventuellement, il peut même se faire que le destinataire de l'acte travaille en un lieu qui se trouve en dehors du ressort territorial
dans lequel l'huissier a compétence pour instrumenter.

(463) La question s'est ainsi posée de savoir si, lorsque le destinataire de l'acte est absent, l'huissier a l'obligation de se présenter une
seconde fois à son domicile pour tenter de signifier à personne. La Cour de cassation a justement décidé qu'il n'était pas tenu de le faire.
V. Civ. 2e, 28 mars 1984, Bull. civ. II, no 56, RTD civ. 1984, p. 558, obs. R. P ERROT ; 26 février 1997, Bull. civ. II, no 63.
(464) Art. 655, al. 2 CPC. La jurisprudence était déjà en ce sens avant que ce texte ne pose une telle obligation. Ex. : Civ. 2e, 9 février
1983, Bull. civ. II, no 37 ; Civ. 2e, 30 juin 1993, Bull. civ. II, no 238, JCP 1994.II.22274, note E. DU RUSQUEC.

(465) Ex. : Civ. 3e, 21 février 2001, Bull. civ. III, no 18. En l'espèce, l'acte à signifier avait été remis au domicile, « à une personne
présente, avec indication de son nom, de son prénom et de sa qualité, ce dont il résulte que l'acte n'avait pu être remis au destinataire lui-
même et que ce dernier habitait bien à l'adresse indiquée ».

(466) Ex. : Civ. 2e, 18 décembre 1996, Bull. civ. II, no 303. La solution peut paraître sévère pour les huissiers, surtout dans les grandes
villes. Elle nous semble pourtant justifiée. La notification par acte d'huissier (bien qu'elle soit sensiblement plus coûteuse) est préférée à la
notification par voie postale en raison des garanties supérieures qu'elle offre. Si elle cesse de les offrir, il n'existe plus de raison d'y avoir
recours.

(467) Civ. 2e, 10 novembre 2005, Bull. civ. II, no 287, Procédures 2006, no 5, note R. P ERROT .

(468) Sur les diligences que l'huissier doit effectuer pour trouver le domicile du destinataire, v., par exemple, Civ. 3e, 12 mai 1993,
Bull. civ. III, no 69.

(469) L'huissier n'est pas tenu de vérifier l'exactitude des déclarations de la personne qui reçoit l'acte. V. Civ. 2e, 6 octobre 1971,
Bull. civ. II, no 264.

(470) Il faut bien sûr réserver l'hypothèse de la fraude. Une épouse ayant fait assigner son mari en divorce, l'huissier se rend au domicile
du mari et remet l'acte à la seule personne présente, qui était l'épouse. L'acte a été annulé : V. Civ. 2e, 19 décembre 1973, Bull. civ. II,
no 337, RTD civ. 1974, p. 454, obs. R. P ERROT .

(471) L'acte peut être valablement remis à un enfant mineur dès lors que celui-ci a un discernement suffisant pour comprendre qu'il ne
doit pas conserver l'acte, mais le remettre à son destinataire. V. Civ. 2e, 21 juin 1995, Bull. civ. II, no 197, Justices 1996-3, p. 371, obs.
J. HÉRON.

(472) Art. 663 CPC.

(473) V. M. H. RENAUT , « Les diligences de l'huissier de justice en matière de signification », Dr. et procéd. 2001, p. 216.

(474) Au motif que l'acte d'huissier fait foi jusqu'à inscription de faux de ce qu'il relate, La jurisprudence se contente d'une formule vague
telle que celle déclarant que la lettre a été envoyée « dans les délais légaux prévus à l'article 658 CPC » : v. not. Cass. Mixte, 6 octobre
2006, no 04-17070, Procédures 2007, no 58, note R. P ERROT .

(475) Art. 663 CPC. En revanche, faisant une application stricte de ce texte, la jurisprudence n'exige pas que les diligences accomplies
par l'huissier figurent sur la copie de l'acte de signification. Ex. : Civ. 2e, 18 octobre 2007, no 07-11421, Dr. et procéd. 2008, p. 88, obs.
O. SALATI.

(476) V. supra, no 170.

(477) L'huissier devra alors mentionner sur l'original de l'acte les date et heure auxquelles le destinataire en aura pris connaissance
(art. 663, al. 1er CPC). L'huissier devrait être informé grâce à un système d'accusé-réception électronique.

(478) Sur les conditions précises de la qualification de jugement par défaut, v. art. 473 CPC et infra, no 1166.

(479) Art. 478 CPC, et infra, no 1167 et s.

(480) Traditionnellement, l'élection de domicile emportait attribution de compétence au tribunal du lieu du domicile élu. Cette règle se
trouve aujourd'hui abrogée, en dehors des limites étroites que permet l'article 48 du Code de procédure civile. En effet, si l'actuel
article 111 du Code civil dispose que l'élection de domicile emporte compétence du juge de ce domicile, c'est « sous réserve des
dispositions de l'article 48 du Code de procédure civile », lequel prohibe les clauses attributives de compétence territoriale sauf entre
commerçants.

(481) Art. R. 322-8 CPCE.

(482) En ce sens : H. CROZE, Ch. MOREL et O. FRADIN, Procédure civile, Litec, Objectif droit, 4e éd., 2008, no 518.

(483) Sous réserve des règles particulières à la notification des jugements, sur lesquelles, v. art. 677 et 682 CPC et, infra, no 522 et s.
(484) Il est possible que le destinataire ne se trouve jamais à son domicile aux heures d'ouverture de l'étude et qu'il lui soit plus facile de
retirer l'acte chez un autre huissier qui serait installé plus près de son lieu de travail. C'est sans doute cette ratio legis qui explique que,
selon le texte, l'huissier « peut » transmettre la copie à un confrère (à notre avis, par courrier simple, quitte à s'assurer par téléphone,
qu'elle est bien arrivée à destination). L'huissier doit certainement obtempérer lorsque la demande est justifiée, mais il doit pouvoir refuser
de transmettre le document à un confrère, si la demande lui apparaît abusive (on pense au cas où les deux études en cause seraient
situées à quelques rues l'une de l'autre...).

(485) Contrairement à ce qu'on pourrait penser, la fuite des défendeurs est loin d'être une hypothèse d'école, en particulier celle des
débiteurs.

(486) V. D. D'AMBRA, « L'application de l'article 659 du nouveau Code de procédure civile et le procès équitable », Dr. et procéd. 2004,
p. 16.

(487) V., à titre d'illustration de l'attitude de la Cour de cassation en la matière, Civ. 2e, 9 mars 1994, Bull. civ. II, no 88 ; Civ. 2e,
15 novembre 1995, Bull. civ. II, no 282, Procédures 1996, no 32, obs. R. P ERROT ; Civ. 2e, 5 juillet 2000, Dr. et procéd. 2001, p. 33, obs.
Y. DESDEVISES. La Cour de cassation contrôle la qualification des circonstances dont il résulte que l'huissier de justice n'a pu connaître le
domicile, la résidence ou le lieu de travail de ce destinataire, et elle se montre, à juste titre, très exigeante sur les diligences que l'huissier
doit effectuer. Notamment, l'huissier qui connaît l'adresse de proches parents du destinataire doit s'adresser à eux pour essayer d'obtenir
la nouvelle adresse de celui-ci.

(488) Sur les conséquences qui en résultent quant à la date de l'acte, v. infra, no 183.(489) Art. 663 CPC.

(490) Expression empruntée à Y. DESDEVISES, obs. préc., Dr. et procéd. 2001, p. 34.

(491) Cette autorité devra informer l'huissier des diligences faites et lui transmettre, le cas échéant, tout procès-verbal ou récépissé
constatant la remise de l'acte (art. 661 CPC).

(492) V. art. 647-1 CPC, sur la date de la notification.

(493) L'article 690 du Code de procédure civile ne dit pas que la notification doit être faite au siège social de la société, mais au lieu de
son établissement. Ce mot signifie qu'il faut transposer la jurisprudence dite des gares principales à la matière de la notification des actes
(sur cette jurisprudence, v. infra, no 980).

(494) Ex. : Civ. 2e, 4 janvier 1974, Bull. civ. II, no 1 ; Com., 12 novembre 2008, no 08-12544. Il faut seulement que la personne à qui l'acte
est remis soit effectivement au service de la société. V. Civ. 2e, 17 novembre 1976, Bull. civ. II, no 305.

(495) La Cour de cassation n'exige même pas de l'huissier qu'il explique à la personne qu'il rencontre ce que c'est que d'être habilité à
recevoir les actes. « À ce compte-là, écrit justement M. P ERROT (obs. à la RTD civ. 1988, p. 178), toute personne au service d'une
société tend à devenir une personne habilitée, pour peu que la question lui soit habilement posée ». En pratique, les actes qui sont destinés
aux personnes morales sont presque toujours notifiés à personne, sauf lorsque l'huissier notifie pendant une période de fermeture de
l'entreprise (sur cette situation, v. au texte).

(496) Ex. : Civ. 2e, 30 avril 2009, no 07-15582.

(497) Civ. 2e, 12 mai 1975, Bull. civ. II, no 144, RTD civ. 1976, p. 175, obs. R. P ERROT ; Com. 20 novembre 2012, nº 11-17653, Bulletin
Joly Sociétés 2013, p. 140, note Th. LE BARS. Dans ces deux affaires, la société avait son siège à l'étranger, mais la règle s'applique de
la même façon lorsque la personne morale a son siège en France.

(498) Civ. 2e, 21 février 1990, Bull. civ. II, no 40, RTD civ. 1990, p. 555, obs. R. P ERROT . À rapprocher : Civ. 2e, 21 juin 1995, Bull. civ. II,
no 192.

(499) Civ. 2e, 19 février 2015, nº 13-28140.


(500) La question s'est posée en particulier lorsque la société est dirigée par un liquidateur, dont les bureaux ne se trouvent pas au siège
de la société. Le liquidateur est certainement le représentant légal de la société, si bien que les actes destinés à la société sont
valablement signifiés à sa personne, alors qu'ils ne le sont pas à la personne des anciens dirigeants (Civ. 2e, 3 avril 1979, Bull. civ. II,
no 116. V. cependant, en faveur d'une signification à l'ancien gérant qui resterait une « personne habilitée » à la recevoir : Com., 30 juin
2004, Bull. civ. IV, no 136, Dr. et procéd. 2004, p. 329, obs. E. P UTMAN). Mais le siège social de la société ne s'en trouve pas modifié.
Par conséquent, l'huissier ne signifie pas valablement l'acte en le remettant à un salarié du liquidateur qui se trouve dans les bureaux de
celui-ci (Civ. 2e, 28 février 1996, Bull. civ. II, no 48). Il apparaît une difficulté particulière lorsque l'acte est destiné à une société liquidée,
qui n'a plus de personnalité morale : la signification ne doit pas être faite au lieu où se trouvait le siège de la société, ni à son liquidateur
dont les pouvoirs ont pris fin. À vrai dire, dans ce cas, la question n'est pas tant de savoir où notifier que de savoir à qui notifier l'acte. Le
demandeur doit d'abord demander au président du tribunal de grande instance de nommer un mandataire ad hoc et c'est à lui que l'acte
sera notifié (Com., 11 juillet 1988, Bull. civ. IV, no 248).

(501) V. supra, no 172 et s.

(502) Une personne par hypothèse non habilitée à recevoir les actes, car si elle l'était, la signification serait faite à personne (art. 654
CPC).

(503) La Cour de cassation décide qu'il ne suffit pas que l'huissier demande quelques renseignements aux voisins. Le siège social d'une
société étant mentionné au registre du commerce et des sociétés, c'est par sa consultation que l'huissier doit vérifier que la personne
morale a encore son adresse à l'endroit où il a tenté de signifier. V. Soc., 27 septembre 1989, Bull. civ. V, no 551.

(504) Serait donc nulle une signification à domicile par dépôt de la copie de l'acte en l'étude de l'huissier, lorsque la personne morale
destinataire n'a pas d'établissement connu au lieu indiqué comme étant son siège social par le registre du commerce et des sociétés. En
ce sens (mais, à l'époque, concernant une signification à mairie) : Civ. 2e, 16 mars 2000, Bull. civ. II, no 48. En l'espèce, l'emplacement du
siège social officiel d'une société consistait en « un terrain vague, sans local aménagé ni boîte aux lettres ». Inversement, est nul le
procès-verbal de recherches infructueuses lorsqu'il apparaît que l'huissier connaissait l'identité et l'adresse du représentant d'une société
désormais dépourvue d'établissement : il devait tenter de signifier l'acte à ce représentant avant de se résoudre à dresser un procès-
verbal : Civ. 2e, 14 octobre 2004, Bull. civ. II, no 460.

(505) Lettre recommandée avec avis de réception, lettre simple...

(506) Il a déjà été indiqué que, jusqu'au décret no 86-585 du 14 mars 1986, les actes destinés aux personnes sans domicile ni résidence
connus étaient eux aussi signifiés au parquet pour que la police ou la gendarmerie essaient de retrouver le destinataire. Et jusqu'au décret
no 2005-1678 du 28 décembre 2005, l'acte devait également être signifié au parquet lorsque le destinataire demeurait dans une
« collectivité d'outre-mer » (anciennement un « territoire » d'outre-mer).

(507) Cependant, les articles 683 et 684 du Code de procédure civile réservent l'application des règlements communautaires et des traités
internationaux auxquels la France est partie, lorsque ceux-ci autorisent l'huissier à transmettre directement l'acte à son destinataire ou à
une autorité compétente de l'État de destination. Sur ces règles spéciales, v. infra, no 190 et s.

(508) Art. 685 CPC.

(509) L'envoi au destinataire d'une lettre recommandée ne compense que de façon très partielle les imperfections de ce type de
notification et en particulier sa lenteur (sur la date de l'acte, v. infra, no 187). Sur les conséquences qu'en tire la loi, v. art. 688 CPC et
infra, no 190.

(510) V. Civ. 2e, 12 mai 1975, Bull. civ. II, no 144, RTD civ. 1976, p. 175, obs. R. P ERROT , à propos de la signification d'un acte destiné à
une société dont le siège se trouvait à l'étranger. L'acte fut notifié à la personne de son représentant légal qui se trouvait en France.

(511) Sur cette question, v. infra, no 213 et s.(512) V. supra, no 175.(513) Sur la signification par voie électronique, v. supra, no 171.

(514) Art. 660 CPC. V. supra, no 177.(515) Art. 684 CPC.


(516) Art. 647-1 CPC. Jusqu'en 2006, la jurisprudence considérait que cette date valait à l'égard du destinataire comme du requérant. La
solution était très défavorable au destinataire, compte tenu de la lenteur de la transmission des actes par la voie diplomatique (ex : Civ. 2e,
21 janvier 1998, Bull. civ. II, no 21) et elle était source d'incohérence et de difficulté (ex : Com., 11 février 2004, Bull. civ. IV, no 24 ;
Soc., 21 septembre 2005, RTD civ. 2005, p. 826, obs. R. P ERROT ), en comparaison des solutions retenues par le règlement no 1348/2000
du 29 mai 2000 (art. 9) relatif à la notification des actes judiciaires et extrajudiciaires en matières civile et commerciale (v. désormais
art. 9 règl. no 1393/2007 du 13 novembre 2007). L'article 647-1 du Code de procédure civile retient dorénavant la date de « réception par
le parquet », mais « à l'égard de celui qui y procède ». À l'égard du destinataire, il faudrait donc retenir la date de réception. Hélas, dans
un obiter dictum, la Cour de cassation a réaffirmé son attachement à la solution traditionnelle contraire : Com., 6 octobre 2009, no 08-
16732.

(517) V. art. 684 CPC.(518) Ex : art. 844, 886, 937, 948 CPC.(519) V. not. art. 847, 861, 936, 947 CPC.

(520) Un régime dérogatoire est prévu lorsque c’est précisément la technique du courrier électronique que le greffe utilise dans le cadre
de l’article 692-1 : la date de la convocation est alors, à l’égard du destinataire, celle du premier jour ouvré suivant l’envoi et elle est
réputée faite à personne si un avis électronique de réception est émis dans cet intervalle de temps (v. art. 748-9 CPC).

(521) Sur l’incidence de cette qualification sur celle d’un éventuel jugement ultérieur et sur les conditions d’ouverture de l’opposition,
v. infra, nº 904 et 1166. Les régimes (de principe et dérogatoire) applicables à ces convocations sont encore différents de celui retenu
par l’article 662-1 CPC relatif à la signification électronique (v. supra, nº 173).

(522) Art. 748-8 CPC.(523) Comme on oppose les habits ordinaires aux habits du dimanche.

(524) V. not. Civ. 2e, 14 février 2008, no 06-19894.

(525) L'article 670-2 du Code de procédure civile ajoute que « si l'acte est destiné à une personne qui demeure en Polynésie française,
dans les îles Wallis-et-Futuna, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises, et à moins que la notification
ait pu être faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, le secrétaire de la juridiction expédie l'acte à l'autorité
compétente aux fins de sa remise à l'intéressé selon les modalités applicables dans la collectivité où il demeure ».

(526) Art. 667, al. 2 CPC.(527) Sur la procédure prud'homale, v. infra, no 659 et s.

(528) Avant la réforme de décembre 2005, si l'avis de réception n'était pas signé du destinataire, mais, par exemple, de son conjoint
(même muni d'une procuration), il fallait refaire la notification, par acte d'huissier (Ex. : Civ. 2e, 27 mai 1988, Bull. civ. II, no 125, RTD
civ. 1988, p. 873, obs. R. P ERROT ). La nouvelle règle permet de faire une économie de temps et d'argent, dans une situation où il est
pratiquement certain que le courrier est bien parvenu à son destinataire.

(529) Ex. : Soc., 31 mars 2003, Bull. civ. V, no 123, Procédures 2003, no 164, note R. P ERROT .

(530) Le droit est parfois plus sévère avec le destinataire. Ainsi, en droit du surendettement, en cas de retour au secrétariat de la
juridiction d'une convocation ou d'une demande d'observations adressée à une partie par lettre recommandée avec avis de réception, si
ce dernier n'a pas été signé par son destinataire ou par une personne munie d'un pouvoir à cet effet, la date de notification est celle de
présentation de la lettre et la notification est réputée faite à domicile ou à résidence (art. R. 331-9-2 C. consom.). À rappr. : art. R. 331-
8-3 et R. 331-9-4 C. consom. Cette solution est retenue aussi à l’égard du créancier dans les procédures de saisie des rémunérations
(v. art. R. 3252-6 C. trav.) et d’injonction de payer (v. art. 1418 CPC).

(531) Civ. 2e, 22 janvier 1997, Bull. civ. II, no 18. À rapprocher : Civ. 3e, 2 février 1994, Bull. civ. III, no 16, D. 1994.250, note
T. BONNEAU.

(532) V. ainsi Soc., 8 janvier 1981, Bull. civ. V, no 21.

(533) Lors de la remise effective et non pas lors de la présentation du courrier au domicile du destinataire : Civ. 2e, 10 mars 2005,
Bull. civ. II, no 64, Dr. et procéd. 2005, p. 226, obs. E. P UTMAN, Procédures 2005, no 121, note R. P ERROT . À noter que si la lettre n'est,
finalement, pas remise à son destinataire, la notification est considérée comme n'ayant pas eu lieu, ce qui peut avoir de graves
conséquences pour l'expéditeur lorsqu'il a envoyé son pli peu de temps avant que son action ne soit prescrite. Faute de notification, la
prescription n'a pas été interrompue et, si elle est désormais acquise, il n'est plus temps de réitérer la notification par acte d'huissier. Il ne
faut donc jamais attendre le dernier moment pour procéder à une notification en la forme ordinaire. Pour une illustration, v. Civ. 2e, 9 juin
2005, Bull. civ. II, no 149, RTD civ. 2005, p. 632, obs. R. P ERROT .
(534) Civ. 2e, 5 octobre 1983 (2 arrêts), Bull. civ. II, no 157 et 158, D. 1984, I.R. 239, obs. P. JULIEN, RTD civ. 1984, p. 568, obs.
R. P ERROT , JCP 1986, II, 20560, note A. JOLY. Ces arrêts ont mis fin à une jurisprudence antérieure critiquable de la Chambre sociale de
la Cour de cassation. Sur la date de l’appel, v. infra, nº 802.

(535) Ex : art. 64 du décret nº 67-223 du 17 mars 1967 (en matière de copropriété des immeubles bâtis).

(536) Civ. 2e, 6 décembre 2012, nº 11-24743, Dr. et procéd. 2013, p. 57, obs. M. DOUCHY-OUDOT .(537) Art. 647-1 CPC. V. supra, no 183.

(538) On recourt donc tantôt à la notification « en la forme ordinaire », tantôt à la signification. Toutefois, un auteur fait état d'un usage
très discutable en droit, en vertu duquel serait considérée comme faite à personne la signification délivrée en l'étude ou le cabinet d'un
auxiliaire de justice, entre les mains d'un de ses collaborateurs : Th. LAMARCHE, « Pour une simplification des actes de procédure entre
auxiliaires de justice », JCP G 2011, 225.

(539) On remarquera que cette signification constitue une exception à la règle selon laquelle l'huissier conserve un original des actes qu'il
signifie.

(540) Civ. 2e, 29 avril 2004, Bull. civ. II, no 199, Procédures 2004, no 125, note R. P ERROT .

(541) Civ. 2e, 16 octobre 2014, nº 13-17999, Procédures 2015, nº 1, note H. CROZE.

(542) V. not. : arrêté du 7 avril 2009 relatif à la communication par voie électronique devant les tribunaux de grande instance ; arrêté du
5 mai 2010 relatif à la communication par voie électronique dans la procédure sans représentation obligatoire devant les cours d'appel ;
arrêté du 30 mars 2011 (mod.) relatif à la communication par voie électronique dans les procédures avec représentation obligatoire
devant les cours d'appel ; arrêté du 21 juin 2013 portant communication par voie électronique entre les avocats et entre les avocats et la
juridiction dans les procédures devant les tribunaux de commerce.

(543) V. D. no 2009-1524 du 9 décembre 2009 relatif à la procédure d'appel avec représentation obligatoire en matière civile, art. 5 ;
D. nº 2010-434 du 29 avril 2010, D. nº 2014-1633 du 26 décembre 2014.

(544) Pour être exact, on devrait dire que l’on est dispensé de la doubler d’une notification par la voie traditionnelle, car la voie
électronique n’est jamais qu’une forme particulière que peut prendre la notification par acte du palais.

(545) V. art. 748-1 et 748-2 CPC. Modifiés en 2009, ces textes réservent cependant la possibilité que des dispositions spéciales imposent
la communication électronique (pour une première illustration, v. art. 930-1 CPC).

(546) Art. 748-2, al. 2, CPC, issu d’un décret du 11 mars 2015. Avant l’instauration de cet alinéa, la Cour de cassation était déjà d’avis
que le consentement d’un avocat découlait nécessairement de son adhésion au RPVA : Cass. avis, 9 septembre 2013, nº 13-70005. Sur
cet avis, v. C. BLÉRY, « La Cour de cassation valide le consentement exprès tacite ! », JCP G 2013, act. 979 ; CA Bordeaux, 5 mars
2012, no 11/04968, JCP G 2012, no 406, note H. CROZE.

(547) Sur la signification par voie électronique, v. supra, no 170.

(548) Comme on a pu justement l’écrire, la notification électronique n’est pas « une troisième voie » pour notifier les actes du palais
(C. BLÉRY et J.-P. TEBOUL, « La communication par voie électronique, de la procédure civile avant tout ! », JCP G 2012, 1189, spéc.
p. 2023).

(549) Cette situation était quelque peu inquiétante, la Slovaquie ayant été condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme, pour
violation du droit d'accès au juge, pour n'avoir pas été en mesure d'enrôler les demandes qu'une société avait adressées à des greffes sur
CDROM, alors que le dépôt de demandes par voie électronique était prévu par le droit slovaque (CEDH, 16 juin 2009, no 54252/07,
Procédures 2009, no 358, note N. FRICERO). Il est vrai qu'en l'espèce, la situation était particulière : La demanderesse agissait contre plus
de 70 000 défendeurs et, formulées sur papier, ses demandes auraient représenté plus de 40 millions de pages. En pratique, il lui était
donc quasiment impossible de procéder par la voie traditionnelle.

(550) Art. 930-1 CPC et art. 15, al. 3, D. no 2009-1524 du 9 décembre 2009.

(551) Arrêté du 17 juin 2008 portant application anticipée pour la procédure devant la Cour de cassation des dispositions relatives à la
communication par voie électronique, JORF du 26 juin 2008.

(552) V. supra, no 181.(553) Art. 687-1 CPC.(554) Sur ces mesures, v. supra, no 176.
(555) Ex. : La Roumanie, le Surinam ou le Maroc pour la première ; l'Argentine ou l'Égypte pour la seconde. On en trouvera le texte sur
le site internet de la conférence de La Haye de droit international privé.

(556) Ce règlement (no 1393/2007) a abrogé et remplacé un précédent règlement (no 1348/2000) du 29 mai 2000 dont le contenu était
inspiré de la convention de La Haye du 15 novembre 1965. Le règlement de 2007 reprend l'essentiel des dispositions de celui de 2000 en
les améliorant sur divers points, sur lesquels, v. C. NOURISSAT , « Le règlement (CE) no 1393/2007 du 13 novembre 2007... »,
Procédures 2008, Focus no 3 ; J.-F. SAMPIERI-MARCEAU, « Les significations d'actes judiciaires et extrajudiciaires dans l'Union
européenne », D. 2009, p. 1434. Sur ce texte, v. aussi J.-P. RELMY, in Droit processuel civil de l’Union européenne, LexisNexis, 2011,
p. 217.

(557) Y compris le Danemark, contrairement à ce que donne à croire l'article 1er du règlement. En effet, ce pays a accepté d'adhérer au
règlement de 2007 : v. accord publié au JOCE no L 331 du 10 décembre 2008.

(558) On peut les consulter sur le site internet de la Commission européenne.

(559) V. toutefois TGI Nanterre, 7 février 2006 (D. 2006, p. 1009, note J.-F. SAMPIERI-MARCEAU), qui a invalidé une notification par
télécopie à l’entité centrale italienne, au motif que l’Italie exigeait une notification par voie postale.

(560) V. supra, no 45, en note.(561) Civ. 2e, 13 janvier 1993, Bull. civ. II, no 15, D. 1993, somm. 181, obs. P. JULIEN.

(562) V. infra, no 1187. Parfois le décès d'une partie en cours de procès éteint l'instance, accessoirement au droit substantiel qui lui-
même est tellement attaché à la personne qu'il disparaît en même temps que celle-ci. Sur ce point, v. infra, no 1201.

(563) Inversement, un organisme dénué de personnalité juridique ne peut agir en justice. Ex. : Com., 26 octobre 1993, Bull. civ. IV,
no 352, D. 1994.237, note N. DECOOPMAN.

(564) Ceci a également des conséquences en présence d'une indivision : l'indivision n'étant pas une personne morale, ce sont ses
membres qui agissent en leur nom propre. Si l'action relative à un bien indivis est patrimoniale, elle peut être exercée par des indivisaires
titulaires des deux tiers des droits indivis. Si l'action est patrimoniale, il faudra en principe qu'ils agissent tous ensemble (art. 815-3
C. civ.). Pour une illustration, v. Civ. 3e, 29 juin 2011, no 09-70894.

(565) Une action extrapatrimoniale se définit comme tendant à faire valoir des droits extrapatrimoniaux (v. not. art. 408 C. civ.).
Inversement, est patrimoniale l'action tendant à faire valoir des droits patrimoniaux. Bien entendu, il arrive qu'une action soit à la fois
patrimoniale et extrapatrimoniale. Ainsi, l'action en diffamation tend à l'obtention de dommages et intérêts, mais aussi à la protection de
l'honneur du demandeur. C'est l'occasion de préciser qu'à notre avis, une action peut être partiellement extrapatrimoniale du point de vue
d'une partie et purement patrimoniale du point de vue de l'autre. Par exemple, dans un procès en diffamation, l'honneur du défendeur
n'est pas plus en cause que dans n'importe quelle hypothèse de responsabilité pour faute. À son égard, l'action est donc purement
patrimoniale (contra : Civ. 1re, 23 février 2011, no 10-11968).

(566) V. art. 408, 475 et 504 C. civ. et annexe 1 (VI) du décret no 2008-1484 du 22 décembre 2008 relatif aux actes de gestion du
patrimoine des personnes placées en curatelle ou en tutelle.

(567) Civ. 1re, 6 novembre 2013, nº 12-23766, JCP G 2014, 14, note N. P ETERKA, D. 2014, 467, note G. RAOUL-CORMEIL.

(568) Art. 468, al. 3, C. civ.(569) Art. 465 C. civ.(570) Annexe 1 (VI) du décret no 2008-1484 du 22 décembre 2008.

(571) Après avoir analysé le défaut de signification au curateur comme un vice de forme au sens de l'article 114 CPC (Civ. 1re, 8 juillet
2009, no 07-19465, Procédures 2009, no 322, note M. DOUCHY-OUDOT ), la Cour de cassation y a vu plus justement une irrégularité de
fond : Civ. 1re, 23 février 2011, no 09-13867, D. 2011, 1265, note R. LOIR.

(572) Civ. 1re, 11 juillet 2006, no 05-10945, JCP G 2007, 10020, note S. BOUZOL.

(573) Com., 13 février 2007, no 05-19182, RTD civ. 2007, p. 384, obs. R. P ERROT .
(574) Mais, pour ce qui est de la société anonyme, l'article L. 225-51-1 du Code de commerce prévoit la possibilité pour le conseil
d'administration de nommer un directeur général. L'article L. 225-56 dispose que ce directeur général est investi des pouvoirs les plus
étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société. Sous l'empire de la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales, la
question s'était posée de savoir s'il disposait du pouvoir de représenter la société en justice. L'Assemblée plénière avait jugé que le
directeur général d'une société anonyme tirait des dispositions de la loi de 1966 le pouvoir d'ester en justice au même titre que le président
du conseil d'administration (Ass. plén. 18 novembre 1994, Bull. civ. no 6, D. 1995. 101, concl. M. JÉOL, note D. COHEN. Adde Com., 9 mai
1995, Bull. civ. IV, no 138.).

(575) En revanche, les tiers peuvent s'en prévaloir s'ils le souhaitent. V. Civ. 2e, 23 octobre 1985, Bull. civ. II, no 159, RTD civ. 1986,
p. 180, obs. R. P ERROT .

(576) Par exemple, en cas de liquidation, qu'elle soit judiciaire ou volontaire, la société n'est plus valablement représentée par ses organes
ordinaires, mais par son liquidateur (Civ. 2e, 3 avril 1979, Bull. civ. II, no 116). De même, un acte n'est pas valable s'il a été accompli au
nom d'un dirigeant qui a démissionné (Com., 15 mai 1990, Bull. civ. IV, no 148) ou encore au nom d'un liquidateur dont les fonctions ont
pris fin (Civ. 2e, 20 mars 1985, Bull. civ. II, no 71).

(577) Pour les associations, c'est presque une clause de style, dans les statuts, que de conférer au président un tel pouvoir. Cependant, la
loi ne l'impose pas et il peut arriver que les statuts prévoient une autre solution ou même n'en prévoient aucune (ex : Civ. 1re, 19 novembre
2002, JCP G 2003, II, 10059, note L. BORÉ).

(578) V., à titre d'illustration, Civ. 2e, 10 janvier 1973, Bull. civ. II, no 9. Dans cette espèce, une demande avait été formée contre une
association prise en la personne de son président. Or les statuts prévoyaient, de façon fort incommode, que l'association n'était
représentée que par son conseil d'administration.

(579) V. aussi art. R. 422-1 et s. C. consom.

(580) Cf. les explications de M. J. CALAIS-AULOY et H. TEMPLE, Droit de la consommation, Dalloz, Précis, 8e éd., 2010, no 560.

(581) V. également les articles L. 452-2 et suivants du Code monétaire et financier à propos de l'action en représentation conjointe
d'investisseurs par une association de défense des investisseurs en valeurs mobilières ou en produits financiers.

(582) Texte issu de la loi « SRU » du 13 décembre 2000. Depuis 2000, cette possibilité a fait l'objet de diverses extensions énoncées à
l'article 24-1 de la loi du 6 juillet 1989.

(583) Une difficulté vient sans doute de ce que « le mandat ne peut être sollicité par voie d'appel public télévisé ou radiophonique, ni par
voie d'affichage, de tract ou de lettre personnalisée » (art. L. 422-1, al. 2, C. conso. ; art. L. 452-2, al. 2, C. mon. fin.). Il doit donc l’être
par voie de presse, à une époque où les journaux manquent de lecteurs. Parfois même, il ne peut pas être sollicité du tout (v. art. L. 142-
3, al. 2, C. envir.).

(584) V. supra, no 77 et s.(585) V. supra, no 98.(586) V. supra, no 100 et s.

(587) Ce qui n'est pas le cas de l'action en défense d'un « intérêt collectif » au sens de « grande cause ».

(588) Ce qui la distingue de l'action exercée par une « ligue de défense » dans l'intérêt individuel de ses membres.

(589) Ex. : pour ce qui n'est, en réalité, qu'un problème de qualité : Civ. 2e, 29 novembre 2001, Bull. civ. II, no 175. Plus largement, sur
ces arrêts, v. F. CABALLERO, « Plaidons par procureur ! De l'archaïsme procédural à l'action de groupe », RTD civ. 1985, p. 247, qui en
donne une assez longue liste. Mais, en réalité, cette liste est factice : une bonne part des arrêts publiés qu'il cite ne se rapporte pas du tout
à la règle « nul en France ne plaide par procureur ». Tantôt la règle n'y apparaît pas, tantôt elle est citée par le pourvoi pêle-mêle avec le
défaut de qualité et le défaut de pouvoir, et la Cour de cassation n'en dit mot dans sa réponse. Rares sont les arrêts dans lesquels la Cour
se fonde sur la règle traditionnelle et ils répondent presque tous à la définition classique, et seule exacte, de la règle.

(590) Il peut certes arriver que le représentant d'une personne physique ou d'une personne morale n'indique pas qu'il agit pour autrui.
Mais, dans ce cas, son action doit être rejetée pour défaut de qualité. En effet, on doit décider que, faute d'indiquer qu'il agit ès qualités, le
représentant agit pour son propre compte et, ce faisant, qu'il forme une demande pour un droit qui ne lui appartient pas. Il est donc inutile
de faire appel à la règle traditionnelle (v. en ce sens Civ. 3e, 12 mai 1976, Bull. civ. III, no 203 ; contra, cependant, Civ. 3e, 15 octobre
1974, Bull. civ. III, no 359 ; Civ. 2e, 10 juillet 1991, Bull. civ. II, no 221). La règle ne trouverait à s'appliquer que dans l'hypothèse fort peu
vraisemblable où la personne reconnaîtrait agir pour autrui, mais refuserait de dévoiler le nom du représenté.
(591) Paris, 15 octobre 1962, Gaz. Pal. 1963.1.60.(592) Sur la sanction de la règle, v. infra, no 228.

(593) Civ. 1re, 10 février 1987, Bull. civ. I, no 49, à propos d'une saisie-contrefaçon. Il est vrai que, pour écarter l'application de la règle
selon laquelle « nul en France ne plaide par procureur », on fait appel à l'idée d'apport de leurs droits par les adhérents à la société
(v. P. Y. GAUTIER, Propriété littéraire et artistique, PUF, 7e éd., 2010, no 736). À notre avis, cependant, l'idée d'apport n'explique rien,
tant ces prétendus apports diffèrent des véritables apports que connaît le droit des sociétés. On peut utiliser les mots que l'on veut ; la
réalité (même juridique) ne s'en trouve pas modifiée pour autant. Les sociétés d'auteur ne disposent que d'un pouvoir de gestion et de
représentation, qui demeure plus proche du mandat que du véritable apport.

(594) Lorsqu'il est lui-même en procès, un avocat se fait représenter par l'un de ses confrères. Bien entendu, cela ne signifie pas que seul
un avocat ou un professionnel du procès en général peut recevoir un mandat de représentation en justice. Un commerçant peut, devant le
tribunal de commerce où la représentation est libre, conférer un tel mandat à son fils, à son frère ou à son conjoint ou, plus largement à
toute personne de son choix (art. 853 CPC).

(595) En latin, « pour le procès ».

(596) Les litiges relatifs aux baux d'habitation relèvent de la compétence du tribunal d'instance devant lequel la représentation n'est pas
obligatoire. À supposer que le gérant d'immeubles décide, compte tenu de son expérience, d'accomplir lui-même les actes de procédure,
en résulte-t-il que son mandat devient, pour partie, un mandat ad litem ? La question appelle, semble-t-il, une réponse négative en ce que
le mandat n'a pas pour objet principal l'accomplissement d'actes de procédure.

(597) En latin, « pour agir ».(598) Civ. 1re, 14 janvier 1981, Bull. civ. I, no 13, RTD civ. 1981, p. 446, obs. R. P ERROT .

(599) Civ. 1re, 3 février 1993, Bull. civ. I, no 57.(600) Cf. R. P ERROT , obs. préc.

(601) Les restrictions que contient l'article 413 visent d'abord les cas où la loi impose une distinction des deux qualités. En pratique, il
s'agissait principalement, jusqu'en 2011, de l'instance d'appel dans laquelle la représentation des parties était assurée par un avoué, alors
que l'assistance l'était par un avocat. De nos jours, reste le cas du tribunal de grande instance devant lequel les parties peuvent choisir de
se faire assister par un avocat extérieur au barreau du tribunal, la représentation étant soumise à la règle de la territorialité de la
postulation. Devant la cour d’appel, une règle similaire s’applique désormais, la territorialité de la postulation profitant aux avocats du
ressort de la cour en question (v. R. P ERROT , Institutions judiciaires, Montchrestien, Domat, 15e éd., 2012, no 434).

(602) Ex. : Dans la procédure européenne de règlement des petits litiges, la procédure est écrite, mais la représentation non obligatoire
(art. 5 et 10 règl. CE no 861/2007 du 11 juillet 2007). De même, le contentieux administratif admet plus volontiers que le droit judiciaire
privé la représentation facultative dans des procédures écrites (ex : en matière de recours pour excès de pouvoir dans le contentieux de
la fonction publique). Ceci s'explique par le caractère traditionnellement inquisitoire des procédures administratives.

(603) Art. 751 CPC.(604) Art. 899 CPC.(605) Art. 973 CPC.(606) Art. 853 CPC.(607) Art. 827 CPC.(608) Art. R. 1453-1 C. trav.

(609) Art. 883 CPC tel qu'issu du décret no 2010-1165 du 1er octobre 2010.(610) Art. 853 CPC.(611) V. infra, no 640 et s.

(612) Sur ce monopole, v. R. P ERROT , Institutions judiciaires, Montchrestien, Domat, 15e éd., 2012, no 431 et 464.

(613) V., par exemple, l'article 828 du Code de procédure civile pour le tribunal d'instance : « Les parties peuvent se faire assister ou
représenter par... ».

(614) Lorsque des avocats, personnes physiques, exercent leur profession sous forme de société civile professionnelle, la société a elle-
même la qualité d'avocat et c'est elle qui représente le plaideur quel que soit le nombre de ses associés. Chacun d'eux peut donc agir
pour le compte de celle-ci et accomplir indistinctement pour le plaideur tous les actes de procédure. Il n'en va pas de même lorsque des
avocats se regroupent en association. L'association n'est pas avocat. Le plaideur est donc représenté par tel avocat de l'association et les
actes de procédure ne peuvent être accomplis indifféremment par un autre avocat. Pour une illustration de cette règle dans une
hypothèse particulière, v. Soc., 16 décembre 1987, Bull. civ. V, no 729, Audijuris 1988-13, obs. J. HÉRON.

(615) La règle est malcommode pour les sociétés importantes, lorsque celles-ci veulent se faire représenter par l'un de leurs salariés. Il
faut en effet que le salarié justifie d'un pouvoir spécial émanant directement d'un représentant légal de la société ou d'une chaîne
complète de mandats successifs, qui soient eux aussi des mandats écrits spéciaux.
(616) À la différence de l'article 417 du Code de procédure civile, dont on verra (infra au texte) qu'il constitue une règle de pouvoir
externe, l'article 416, alinéa 2, pose une véritable présomption simple, c'est-à-dire susceptible de preuve contraire (Com., 19 octobre 1993,
Bull. civ. IV, no 339, RTD civ. 1994, p. 160, obs. R. P ERROT ). En plus de cette règle générale, il existe des dispositions particulières pour
l'exercice des voies de recours.

(617) Le Code de procédure civile pose inexactement cette règle en termes de présomption. L'article 417 dit que le représentant est
réputé avoir reçu tel ou tel pouvoir, mais en réalité c'est une règle de fond puisque aucune preuve contraire ne peut être apportée à
l'égard du juge et de la partie adverse. Ou alors il faut parler d'une présomption irréfragable, ce qui, en pratique, revient au même.

(618) Sur ceux de ces actes relevant du droit judiciaire privé, v. infra, no 1210 et s.

(619) Le texte de l'article 417 règle uniquement la question du pouvoir externe du représentant. Il est totalement muet sur les relations
internes. On pourrait penser que ce texte s'applique entre les parties au mandat à titre de présomption simple, la solution paraissant
commandée, d'un point de vue pratique, par l'absence de tout écrit destiné à établir l'étendue des pouvoirs conférés au représentant. La
Cour de cassation a cependant statué en sens inverse : selon elle, si un avocat n'est pas tenu de produire un pouvoir spécial pour
acquiescer à la demande adverse en application de l'article 417 du Code de procédure civile, il doit, « dans ses rapports avec son client,
être en mesure de justifier que le mandat reçu lui donnait effectivement cette possibilité » (Civ. 1re, 9 mai 1996, Bull. civ. I, no 191).

(620) V., par exemple, Civ. 2e, 27 février 1980, Bull. civ. II, no 43, RTD civ. 1980, p. 815, obs. R. P ERROT , D. 1980, I.R. 464, obs.
P. JULIEN. La solution énoncée par l'article 417 a supprimé la possibilité pour la partie de désavouer l'acte accompli par son mandataire ad
litem, lorsque cet acte excédait le pouvoir résultant du mandat. C'était une source d'incertitudes et de complications préjudiciables à
l'adversaire. V. toutefois, en faveur d'une restauration de cette possibilité, S. VANUXEM, « L'étrange disparition du désaveu d'« avocat à la
Cour » devant les juridictions judiciaires », RTD civ. 2011, p. 677.

(621) Art. 306 CPC.(622) Art. 322 CPC.(623) Art. 343 CPC.

(624) Par exemple, l'avocat doit justifier d'un pouvoir spécial pour effectuer une déclaration de cessation des paiements au nom de son
client accessible à une procédure collective (Com., 19 juillet 1988, Bull. civ. IV, no 252) ou pour aliéner un immeuble de celui-ci (Civ. 1re,
12 mai 1993, Bull. civ. I, no 162).

(625) Pour une illustration, v. Civ. 1re, 4 octobre 2000, Bull. civ. I, no 232.

(626) Lorsque la représentation est obligatoire, le décès et la cessation des fonctions entraînent l'interruption de l'instance (v. infra,
no 1185 et s.). En revanche, il semble que, par dérogation à la règle (supplétive il est vrai) de l'article 2003 du Code civil, le décès du
mandant n'entraîne pas la cessation du mandat ad litem.

(627) Sur ces exceptions, v. infra, no 749.

(628) Sur ce thème et bien au-delà, v. C. CHAINAIS, « Les sanctions en procédure civile. À la recherche d’un clavier bien tempéré », in
Les sanctions en droit contemporain, vol. 1, (dir. C. CHAINAIS et D. FENOUILLET ), éd. Dalloz, 2012, p. 357.

(629) Civ. 2e, 3 mars 1955, JCP 1955.II.8654, RTD civ. 1955, p. 367, obs. P. RAYNAUD. Sur tous ces points, v. H. SOLUS et R. P ERROT ,
Droit judiciaire privé, t. 1, Paris, 1961, no 403 et s.

(630) Tous les aspects de la nullité ne seront pas abordés au cours de ce développement. Certains l'ont déjà été ou le seront
postérieurement. C'est ainsi que la recevabilité de l'exception de procédure a été étudiée avec les exceptions de procédure (v. supra,
no 160). Le pouvoir du juge de soulever d'office une exception de nullité sera traité avec les principes directeurs du procès (v. infra,
no 290). Enfin il suffit de quelques mots pour indiquer quels sont les effets de la nullité d'un acte de procédure. Le droit judiciaire privé
s'aligne sur le droit civil. L'acte nul est rétroactivement détruit et sa destruction entraîne celle de tous les actes postérieurs qui se trouvent
sous sa dépendance.

(631) V. cependant Com., 18 février 1992, Bull. civ. IV, no 79.

(632) V., infra, no 1112. La solution n'est pas à l'abri de la critique. Le formalisme de l'attestation n'est certainement pas gratuit et l'on
peut penser, non sans quelque raison, que les formalités exigées par l'article 202 du Code de procédure civile ont un caractère substantiel.
Reste que la difficulté de sanctionner l'inobservation de l'article 202 tient également à l'exigence d'un grief. Sur une solution possible de
ce problème irritant, v. infra, no 225.

(633) Civ. 2e, 3 avril 2003, Bull. civ. II, no 94.(634) Ex. : Civ. 2e, 3 mai 1990, Bull. civ. II, no 87 ; 23 octobre 1996, ibid. no 239.
(635) Ex. : Civ. 1re, 6 janvier 2004, no 01-15668, Procédures 2004, no 70, note R. P ERROT .

(636) Civ. 2e, 21 février 1990, Bull. civ. II, no 38 ; 23 février 1994, ibid. no 70. Certains arrêts donnent cependant à penser que la Cour de
cassation se permet parfois de contrôler directement la qualification de grief. Ex. : Civ. 2e, 20 octobre 2011, no 10-24109, Dr. et procéd.
2012, p. 71, obs. S. P OISSON.

(637) Com., 12 octobre 1976, Bull. civ. IV, no 252.(638) Civ. 2e, 7 juin 1974, Bull. civ. II, no 189.

(639) Lorsque la juridiction est saisie par la remise de la copie d'une assignation au greffe, il faut certainement comprendre l'alinéa 2 de
l'article 2241 C. civ., comme renvoyant à l'assignation elle-même, celle-ci exprimant la demande visée à l'alinéa 1er. En ce sens,
v. N. FRICERO, « Ô temps suspends ton vol... Procédure judiciaire ou amiable et prescription extinctive », Mélanges G. Wiederkehr,
Dalloz, 2009, spéc. p. 329.

(640) À notre sens, la règle de l'article 2241 du Code civil doit s'appliquer aux délais de procédure (dans lesquels doit être formée une
demande en justice), aussi bien qu'aux autres délais de forclusion, la loi n'opérant aucune distinction (V. cependant, contra : TGI
Bordeaux, 28 décembre 2010, D. 2011, p. 728, note crit. E. AGOSTINI).

(641) Ex. : Civ. 2e, 26 mars 1997, Bull. civ. II, no 96 (société en participation) ; Civ. 3e, 25 avril 2001, Bull. civ. III, no 50 (indivision
successorale).

(642) Civ. 2e, 13 janvier 1993, Bull. civ. II, no 15, D. 1993, somm. 181, obs. P. JULIEN. On a aussi pu parler de défaut de pouvoir du
représentant, le mandat ayant expiré au décès du mandant : Civ. 1re, 28 octobre 2009, no 08-18053.

(643) Civ. 2e, 23 octobre 1996, Bull. civ. II, no 238. Cette solution vaut pour une assignation adressée à un défunt. Cependant, pour
d'autres actes, non adressés à l'intéressé, la jurisprudence semble plus souple. Ainsi, a été jugée valable une déclaration de pourvoi en
cassation, « dès lors qu'il n'est pas établi que le demandeur avait connaissance » du décès de son adversaire. Le pourvoi est alors
« réputé dirigé contre sa succession » (ses héritiers) : Civ. 2e, 10 mars 2004, Bull. civ. II, no 106, Procédures 2004, no 124, note
R. P ERROT .

(644) Art. 1844-8, al. 3, C. civ.

(645) Ce qui vaut pour un demandeur en première instance vaut aussi pour le plaideur qui interjette appel contre une société qui a été
dissoute et liquidée depuis le début du procès. L'appel de son adversaire est recevable, mais comme la société intimée n'a plus de
représentant, l'appelant devra régulariser son appel, à peine de nullité, en obtenant la désignation d'un mandataire ad hoc par le juge,
avant que celui-ci ne statue (v. art. 121 CPC). Pour une illustration, v. Com., 2 novembre 2011, no 10-25130, Gaz. Pal. 2012, no spéc. 62-
63, p. 40, note H. HERMAN.

(646) Ex. : Com., 4 décembre 1978, Bull. civ. IV, no 291. Cependant, un arrêt a retenu l'irrecevabilité du pourvoi en cassation formé au
nom d'un syndicat de copropriété par son syndic dont le mandat était nul (Civ. 3e, 16 mars 2011, no 10-14005). Cette solution nous paraît
incorrecte. En l'absence de mandat valable, on aurait dû retenir la nullité de la déclaration de pourvoi, sur le fondement de l'article 117
CPC.

(647) Ex. : Civ. 3e, 9 avril 2008, no 07-13236, JCP G 2008, II, 10146, note J.-M. ROUX.

(648) La frontière entre le vice de fond et le vice de forme peut être parfois délicate à tracer. En particulier, que doit-on décider lorsque
l'acte fait mention du nom d'une personne qui n'est pas le représentant légal d'une personne morale ? L'adversaire prétendra évidemment
qu'il s'agit d'un vice de fond, alors que la personne morale soutiendra qu'il ne s'agit que d'un vice de forme, c'est-à-dire d'une simple
erreur matérielle dans l'indication. L'une et l'autre interprétations de la réalité sont possibles. Cependant, il est normal a priori de se fier
aux indications de l'acte, si bien qu'il ne faudra retenir une simple erreur matérielle que si celle-ci est établie. V., sur ce point, Civ. 2e,
13 octobre 1976, Bull. civ. II, no 274. Le juge devra tout de même s'interroger sur ce point : Civ. 2e, 7 novembre 2002, Procédures 2003,
no 34, note R. P ERROT .

(649) Ex. : Civ. 3e, 19 juin 2002, Bull. civ. III, no 146, à propos d'un acte fait par un indivisaire.

(650) Civ. 2e, 9 janvier 1991, Bull. civ. II, no 13. En revanche, a été qualifiée de simple irrégularité de forme l'absence d'indication, dans
une assignation, du nom de l'avocat du demandeur, dans un cas où l'acte ne visait que le nom de sa société : Civ. 2e, 1er février 2006,
no 05-17742, JCP G 2006, II, 10071, note R. MARTIN, Dr. et procéd. 2006, p. 267, obs. M. DOUCHY-OUDOT . À rappr. : Civ. 2e, 30 avril
2009, no 08-16236, Procédures 2009, no 181, note R. P ERROT . La solution ne va pas de soi.
(651) Soc., 15 décembre 1983, Bull. civ. V, no 627, RTD civ. 1984, p. 366, obs. R. P ERROT .

(652) Civ. 3e, 15 décembre 2004, Bull. civ. III, no 238 : « L'irrégularité d'une procédure en déclaration de créance engagée par une
association syndicale libre dépourvue de personnalité juridique avant la publication de son acte constitutif est une irrégularité de fond qui
ne peut être couverte ».

(653) L'acte a bien été fait par une personne physique qui prétendait représenter le groupement. Mais, dans la théorie de la
représentation, c'est le représenté et non le représentant qui est censé être l'auteur de l'acte. S'il était dépourvu de personnalité juridique,
il n'avait aucune existence légale, si bien qu'on ne peut lui imputer d'acte, même irrégulier. Un être qui n'existe pas ne peut pas agir,
même par l'intermédiaire d'autrui.

(654) Ex : à propos d’actes accomplis au nom d’une société prétendument représentée par son gérant décédé depuis trois ans : Civ. 2e,
21 mars 2013, nº 12-17107.

(655) Civ. 2e, 3 juin 1998, Bull. civ. II, no 173.

(656) V., par exemple, Com., 8 juin 1999, Bull. civ. IV, no 122. Et pour la prise en compte du délai de prescription (et non plus de
forclusion) d'une action en justice : Civ. 3e, 16 janvier 1985, Bull. civ. III, no 13.

(657) Quant à la justification de ce que la régularisation a eu lieu, elle peut être postérieure à l’expiration du délai du recours et peut
intervenir jusqu'au « jour où le juge statue », pourvu que l’acte conférant pouvoir à l’auteur du recours (ex : la délibération d’une
assemblée générale ou d’un conseil d’administration) soit antérieur à cette expiration. Ex : Civ. 2e, 21 mars 2013, nº 12-13381.

(658) L'expression « vice de procédure » couvre aussi bien les irrégularités de fond que les vices de forme (v. N. FRICERO, « Ô temps
suspends ton vol... Procédure judiciaire ou amiable et prescription extinctive », Mélanges G. Wiederkehr, Dalloz, 2009, spéc. p. 332) :
Civ. 2e, 16 octobre 2014, nº 13-22088, JCP G 2014, 1271, note C. AUCHÉ, RLDC 2015, p. 69, note C. BLÉRY.

(659) Civ. 3e, 4 avril 2013, nº 11-22127.(660) Civ. 3e, 11 mars 2015, nº 14-15198, RLDC 2015, p. 69, note C. BLÉRY.

(661) Sous réserve, bien sûr, qu'aucune forclusion ne soit intervenue et qu'il soit effectivement possible de faire disparaître la cause de la
nullité.

(662) V., contre la régularisation, Com., 25 octobre 1983, Bull. civ. IV, no 276, Gaz. Pal. 1984, Pan. 65, obs. S. GUINCHARD et Civ. 2e,
7 mars 1984, Bull. civ. II, no 45, RTD civ. 1984, p. 777, obs. R. P ERROT , D. 1984, I.R. 421, obs. P. JULIEN, et, pour la régularisation : Civ.
3e, 17 avril 1984, Bull. civ. III, no 86, RTD civ. 1984, p. 777, obs. R. P ERROT , D. 1984, I.R. 413, obs. C. GIVERDON.

(663) V. supra, no 160.

(664) Civ. 2e, 19 janvier 1977, Bull. civ. II, no 13, RTD civ. 1977, p. 817, obs. R. P ERROT , D. 1977, I.R. 410, obs. P. JULIEN. V. aussi Civ.
2e, 15 janvier 2009, no 08-11446, Procédures 2009, no 79, note R. P ERROT .

(665) Cass. Mixte, 7 juillet 2006 (arrêt société KTI), no 03-20026, JCP G 2006, II, 10146, note E. P UTMAN, RTD civ. 2006, p. 820, obs.
R. P ERROT , Dr. et procéd. 2006, p. 346, obs. O. SALATI. Depuis lors, v. not. Civ. 3e, 24 octobre 2007, no 06-19379, Procédures 2007,
no 272, note R. P ERROT .

(666) Civ. 2e, 30 novembre 1977, Bull. civ. II, no 225 ; 15 mars 1989, ibid. no 72 ; Com., 14 novembre 2000, Bull. civ. IV, no 176 ; Civ. 3e,
12 octobre 2005, Bull. civ. III, no 194, Procédures 2005, no 270, note R. P ERROT .

(667) Dans les précédentes éditions de cet ouvrage, l'idée inverse était défendue, conformément à ce que pensait Jacques Héron.

(668) Cass. Mixte, 7 juillet 2006, no 03-20026, préc.

(669) Ex. : Civ. 3e, 4 février 2009, no 08-10723, D. 2009, p. 2657, note J. BEAUCHARD, Dr. et procéd. 2009, p. 211, obs. N. P OISSON : La
troisième chambre civile a jugé qu'étaient affectées d'une nullité de fond des conclusions déposées en lieu et place d'un « mémoire »,
devant le juge des loyers commerciaux. Il n'y avait pourtant pas de problème de capacité ni de pouvoir... V. aussi Civ. 1ère, 9 avril 2015,
nº 14-11853 (à propos d’un acte d’huissier).

(670) Civ. 2e, 20 mai 1976, Bull. civ. II, no 168, D. 1977. 125, note G. CORNU, Gaz. Pal. 1977. 182, note J. VIATTE, RTD civ. 1976, p. 618,
obs. R. P ERROT . Sur le ressort territorial des huissiers, v. R. P ERROT , Institutions judiciaires, Montchrestien, Domat, 15e éd., 2012,
no 469.
(671) La Cour de cassation a retenu la qualification de vice de forme (Civ. 2e, 27 septembre 2012, nº 11-23159 ; 5 juin 2014, nº 13-13765,
RTD civ. 2014, p. 943, obs. Ph. THÉRY), ce qui est contraire à l’évidence et de nature à priver de sanction l’incompétence territoriale de
l’huissier (en effet, où est le grief, dans une telle situation ?). Toutefois, contre toute attente, on retrouve l’essentiel de l’analyse de l’arrêt
du 20 mai 1976, dans Civ. 2e, 6 juin 2013, nº 12-17771, Dr. et procéd. 2013, p. 200, obs. N. FRICERO.

(672) V. J. P ELLERIN, « L'omission de l'acte de procédure », Mélanges Jean Buffet, éd. Petites Affiches, 2004, p. 379.

(673) Civ. 3e, 6 décembre 1978, Bull. civ. III, no 365, RTD civ. 1979, p. 835, obs. R. P ERROT . Divers autres arrêts ont été rendus, depuis
cette date, dans lesquels la Cour de cassation n'évoque même pas expressément l'idée de grief, ce qui montre bien que, pour elle,
l'absence de notification préalable doit être traitée comme une irrégularité de fond. Ex. : Civ. 2e, 27 novembre 1996, Bull. civ. II, no 267.
En revanche, l'irrégularité de la notification qui a bien eu lieu préalablement constitue un simple vice de forme dont la sanction suppose
alors un grief : Civ. 2e, 12 avril 2012, no 11-12017, Procédures 2012, nº 169, note R. P ERROT .

(674) Civ. 2e, 8 juin 1995, Bull. civ. II, no 177. La Cour de cassation a rendu le même jour un autre arrêt rédigé en termes quasiment
identiques à propos d'un jugement qui avait été signifié à deux époux au moyen d'un seul acte d'huissier de justice : Civ. 2e, 8 juin 1995,
Bull. civ. II, no 179.

(675) Cette politique n'est pas systématique. Ex. : Com., 24 avril 2007, no 06-10273, Act. proc. coll. 2007, no 108, obs. P. CAGNOLI, Dr. et
procéd. 2007, p. 274, obs. O. SALATI, Procédures 2007, no 195, note H. CROZE. Dans cette affaire, la Cour retient un vice de forme dans
un cas où une partie avait été convoquée par lettre recommandée alors qu'elle aurait dû l'être par acte d'huissier.

(676) Les cas se sont raréfiés depuis la modification de l'article 932 du Code de procédure civile, par le décret du 20 août 2004, mais il en
existe encore. V., ainsi, l'article 950 CPC en matière gracieuse.

(677) Pour des cas antérieurs à la réforme de l'article 932 CPC en 2004, v. Civ. 2e, 9 mai 1985, Bull. civ. II, no 94 ; 29 mars 1995, ibid.
no 109.

(678) Ex. : Civ. 2e, 17 décembre 2009, no 07-44302 et infra au texte.

(679) Il est permis de se demander si la même solution n'aurait pas pu être donnée dans l'espèce relative à l'acte d'huissier qui n'avait pas
été signé (v. supra, no 223). En effet, un acte d'huissier dépourvu de la signature de l'officier ministériel cesse d'être un acte authentique
et devient un acte sous seing privé, tout autant que l'acte accompli par l'huissier en dehors de son ressort territorial. Il faut bien
reconnaître que la distinction entre les deux situations est très subtile. Ne serait-il pas opportun d'apporter la même sanction ? V. peut-
être en ce sens, à propos d'une notification par huissier audiencier, Civ. 2e, 22 mai 1996, Bull. civ. II, no 105.

(680) V. notamment Civ. 2e, 9 mai 1985, préc.(681) Sur cette question, v. supra, no 214 et infra, no 1111 et s.

(682) Ex. : Civ. 2e, 17 décembre 2009, no 07-44302 ; 22 octobre 1997, no 94-15305.

(683) Civ. 2e, 6 mai 2010, no 09-10974. V. aussi, à propos de l'irrégularité de la saisine d'un tribunal paritaire des baux ruraux pour non-
respect des exigences de l'article 885 CPC : Civ. 2e, 6 janvier 2011, no 09-72506.

(684) Ce qui poserait un problème de cohérence avec les décisions qui proclament le caractère limitatif de la liste de l'article 117 du Code
de procédure civile...

(685) Sur cette identité de nature, cf. supra, no 147.(686) V. supra, no 218 et s.

(687) Civ. 2e, 10 décembre 1986, Bull. civ. II, no 178 ; 23 février 1994, ibid. no 70.

(688) Soc., 22 avril 1982, Bull. civ. V, no 259 ; Soc., 5 février 1987, Bull. civ. V, no 70 ; Civ. 2e, 19 mai 1998, Bull. civ. II, no 157 ; Civ. 2e,
30 septembre 1999, Bull. civ. II, no 145 ; Com., 29 mai 2001, Bull. civ. IV, no 107.

(689) Com., 29 mai 2001, préc. Ceci est vrai aussi quand un recours a été formé rapidement mais irrégulièrement : le délai n’ayant pas
couru, on peut réitérer le recours très tardivement (ex : Civ. 2e, 9 avril 2015, nº 14-18772).

(690) V. Civ. 2e, 22 janvier 1953, Bull. civ. II, no 25, sanctionnant la règle par une nullité pour vice de forme. V. à l'inverse, sanctionnant la
règle par une fin de non-recevoir : Civ. 3e, 27 juin 1972, Bull. civ. III, no 431 ; Civ. 3e, 15 octobre 1974, Bull. civ. III, no 359 ; Civ. 2e,
10 juillet 1991, Bull. civ. II, no 221.

(691) Civ. 3e, 21 décembre 1987, Bull. civ. III, no 215, JCP 1988.II.21012, note J. P RÉVAULT .
(692) Civ. 3e, 23 février 1994, Bull. civ. III, no 31.(693) Civ. 3e, 24 juin 1998, Bull. civ. III, no 134.

(694) Sous réserve de quelques exceptions. Ainsi, le délai pour former appel d'une ordonnance de référé est de quinze jours (art. 490
CPC).

(695) Il est regrettable que les rédacteurs des textes postérieurs au Code de procédure civile de 1975 n'aient pas suivi la route tracée par
les rédacteurs du code. On a vu de nouveau apparaître des délais particuliers à telle ou telle matière que rien ne justifiait vraiment.
Pourquoi les délais des voies de recours sont-ils de dix jours et non de quinze jours dans les procédures collectives que régissait naguère
le décret no 85-1388 du 27 décembre 1985 et, aujourd'hui, le Code de commerce (v. spéc. art. R. 661-3 C. com.) ?

(696) C'est le juge de la mise en état qui fixe les délais de l'instruction devant le tribunal de grande instance (art. 764 CPC). Devant
toutes les juridictions, c'est le juge qui ordonne l'expertise qui fixe le délai dans lequel l'expert devra donner son avis (art. 265 CPC).

(697) Sur la sanction des délais de procédure, v. infra la section III.

(698) Sur la sanction d'actes accomplis par le demandeur pendant le délai, v. infra, no 253.

(699) Sur le référé à heure déterminée, v. infra, no 570.

(700) On en rencontre quelques-uns en matière de saisie. V. aussi, en matière funéraire, le délai de vingt-quatre heures de l'article 1061-
1, alinéa 3 CPC.

(701) Cette affirmation peut paraître un truisme. Elle le serait probablement si elle s'appliquait à tous les délais. Mais on verra qu'il n'en
est rien : par exemple (infra, no 235), les délais en jours ne comportent pas autant de fois vingt-quatre heures qu'il existe de jours.

(702) Littéralement : le jour à partir duquel (le délai commence à courir) et le jour auquel (le délai arrive à expiration).(703) Art. 82 CPC.

(704) V. Civ. 2e, 23 janvier 1985, Bull. civ. II, no 17, Gaz. Pal. 1985, Pan. 120, obs. S. GUINCHARD, cassant un arrêt qui avait compris dans
le délai le jour où s'était produit l'événement.

(705) C'est pour cette raison qu'un délai de quinze jours n'est pas égal à quinze fois vingt-quatre heures.

(706) En effet, dans cet exemple, le délai commence à courir le 7 avril à 0 heure. Le 7 avril est donc le premier jour, le huit est le
deuxième, etc. En comptant sur ses doigts, on arrive au 21 comme quinzième jour.

(707) Si le délai est un délai de 60 ou de 90 jours, la même opération devra être répétée plusieurs fois. Soit un délai de 90 jours
commençant à courir le 23 février. Ce délai arrive à expiration le 113 février, soit le 85 mars, ou encore le 54 avril, c'est-à-dire finalement
le 24 mai, à supposer bien sûr qu'il ne s'agisse pas d'une année bissextile !

(708) Sur la notification des actes par voie postale, v. supra, no 186.(709) Art. R. 1454-26 et R. 1461-1 C. trav.

(710) V. Civ. 2e, 5 octobre 1983 (2 arrêts), Bull. civ. II, no 157 et 158, JCP 1986.II.20560, note A. JOLY, RTD civ. 1984, p. 568, obs.
R. P ERROT , D. 1984, I.R. 239, obs. P. JULIEN, Soc., 5 novembre 1984, Bull. civ. V, no 406, JCP 1986.II. 20560, note A. JOLY.

(711) Pour la liste des jours fériés et chômés, v. supra, no 169. La Cour de cassation a décidé qu'en principe, seuls peuvent être
considérés comme fériés ou chômés les jours qu'une loi ou un règlement qualifie ainsi. V. Civ. 2e, 16 juillet 1976, Bull. civ. II, no 242.
Cependant, pour les actes qui doivent être accomplis dans un greffe, par exemple, une déclaration d'appel, la question s'est posée de
savoir s'il fallait tenir compte aussi des jours officiellement chômés, dans la Fonction publique. La solution est incertaine : pour une
réponse positive, v. Civ. 3e, 13 juin 1984, Bull. civ. III, no 113, RTD civ. 1984, p. 770, obs. R. P ERROT ; pour une réponse négative, v. Civ.
2e, 16 mai 1990, Bull. civ. II, no 99.

(712) Sur la communication électronique, v. supra, no 189.

(713) V. S. GRAYOT -DIRX, « La cause étrangère et l’usage des nouvelles technologies dans le procès civil », Procédures 2013, étude nº 2.

(714) Civ. 2e, 4 octobre 2001, Bull. civ. II, no 149. Mais, à l'inverse, la fermeture des bureaux n'autorise pas à effectuer sa déclaration
d'appel par télécopie : Civ. 2e, 28 février 2006, no 04-15406, Procédures 2006, no 94, note R. P ERROT ; 6 mai 2010, no 09-66523,
procédures 2010, no 258, note R. P ERROT .
(715) Il convient certainement de raisonner différemment lorsque le délai est libellé en heures. Ainsi, on approuvera la Cour de cassation
d'avoir opté pour la prorogation au premier jour ouvrable, dans un cas où un plaideur ayant 24 heures pour former appel d'une décision
rendue en matière funéraire, avait fait constater par un huissier que le greffe était fermé, le lendemain, avant l'expiration du délai (Civ. 1re,
1er juin 2005, no 05-15476, Procédures 2006, no 2, obs. R. P ERROT ). Si, quand un délai est exprimé en jours ou en mois, il importe que le
justiciable ne soit pas privé de la possibilité d'agir le dernier jour, il importe, quand le délai est exprimé en heures, qu'il ne soit pas privé de
la possibilité d'agir la dernière heure.

(716) Art. 838 et 839 CPC.

(717) V., pour le caractère franc du délai à rebours, Civ. 2e, 2 mars 1977, Bull. civ. II, no 58 et, pour la solution inverse, Civ. 3e,
21 décembre 1987, Bull. civ. III, no 215, JCP 1988.II.21012, note J. P RÉVAULT .

(718) Civ. 2e, 14 février 1990, Bull. civ. II, no 32, Audijuris 1991-47, obs. J. HÉRON ; 20 octobre 2005, JCP G 2006, II, 10005, note
A. LEBORGNE ; 13 mars 2008, no 07-16775.

(719) Civ. 2e, 14 février 1990, Bull. civ. II, no 32, Audijuris 1991-47, obs. J. HÉRON ; Civ. 2e, 14 février 1990, Bull. civ. II, no 33, RTD civ.
1990, p. 557, obs. R. P ERROT ; Civ. 2e, 4 février 1998, Bull. civ. II, no 41. V. auparavant, en sens inverse, Civ. 2e, 20 juin 1985,
Bull. civ. II, no 126, JCP 1988.II.20915, note A. BLAISSE, RTD civ. 1986, p. 179, obs. R. P ERROT , Gaz. Pal. 1985, Pan. 286, obs.
M. VÉRON.

(720) R. P ERROT , obs. préc. à la RTD civ. 1986, p. 179.

(721) On ne peut pas en dire autant de celle selon laquelle pour déterminer si un délai de convocation (à une assemblée générale de
société) a été respecté, il faudrait prendre en compte la date d'expédition (et non de réception) de cette lettre (Cass. Mixte, 16 décembre
2005, no 04-10986, RTD civ. 2006, p. 372, obs. R. P ERROT ). Ceci revient à permettre une réduction de fait du délai à rebours que la loi a
instauré dans l'intérêt du destinataire.

(722) Sur la péremption de l'instance, v. infra, no 1205 et s.

(723) En revanche, ces règles présentent un réel intérêt pratique pour les délais de droit substantiel. Il a été indiqué (supra, no 229) qu'à
défaut de disposition contraire, les règles du Code de procédure civile étaient applicables à tous les délais de droit privé.

(724) V. Th. LE BARS, « La computation des délais de prescription et de procédure. Quiproquo sur le dies a quo et le dies ad quem »,
JCP G 2000, I, no 258. Contra : S. GUINCHARD, C. CHAINAIS et F. FERRAND, Procédure civile, Dalloz, Précis, 32e éd., 2014, no 977.

(725) Sur l'allongement des délais de distance, v. infra, no 248 et s.

(726) Sur l'application au délai de contredit de l'allongement prévu par les articles 643 et 644 du Code de procédure civile, v. Civ. 2e,
10 février 1988, Bull. civ. II, no 39, D. 1988.452, note I. FADLALLAH.

(727) Si on commence par compter les jours, le résultat est différent. Le délai de quinze jours prend fin le 35 mai, soit le 4 juin, puisque le
mois de mai compte trente et un jours. Le délai d'un mois qui commence alors expire donc le 4 juillet, au lieu du 5.

(728) Sur le moratoire comme décision législative, v. P. MAYER, La distinction entre règles et décisions et le droit international privé,
Paris, 1973, no 174.

(729) Inversement, que ferions-nous si nous étions cités à comparaître devant un tribunal d'Osaka ? Cette question n'est posée qu'à titre
de comparaison. Il n'appartient pas au droit français, mais au droit japonais d'y répondre, parce que cette question porte sur la procédure
applicable devant un tribunal japonais, et ce tribunal applique la loi de l'État qui l'institue (on dit la lex fori).

(730) On remarquera que le Code de procédure civile ne tient aucun compte de la nationalité du plaideur. L'étranger qui demeure en
France ne bénéficie d'aucun allongement du délai. Inversement, le national demeurant hors de France en bénéficie (quand bien même il
aurait un domicile en France. V. Civ. 3e, 17 novembre 2004, Bull. civ. III, no 206).

(731) Civ. 2e, 10 février 1988, Bull. civ. II, no 39, D. 1988.452, note I. FADLALLAH.

(732) Par exemple, le délai pour faire « opposition » à l'ordonnance d'injonction de payer (v. art. 1415 et s. CPC), qui est une voie de
recours qui n'a rien à voir avec l'opposition de droit commun que régissent les articles 571 et suivants du Code de procédure civile.
(733) Sont ainsi insusceptibles d'allongement, le délai de saisine de la cour de renvoi après cassation (Soc., 4 mars 1999, Bull. civ. V,
no 95 ; Civ. 2e, 27 mai 2004, Bull. civ. II, no 242, Procédures 2004, no 176, note R. P ERROT ) ou le délai pour déclarer des créances au
redressement judiciaire d'un débiteur (Com., 23 novembre 1999, Bull. civ. IV, no 207).

(734) Les territoires d'outre-mer ont été remplacés et englobés en 2003, par les « collectivités d'outre-mer » (v. supra, no 18).
L'article 643 CPC dresse la liste des départements et collectivités concernés.

(735) V. supra, no 170.

(736) Ainsi, la notification d'un jugement au représentant en France d'une société, dont le siège social est situé à l'étranger, la prive du
bénéfice de l'allongement du délai d'appel : Civ. 2e, 12 novembre 1997, Bull. civ. II, no 260.

(737) Cette règle ne prend en compte que le gain de temps par rapport aux notifications opérées par la voie diplomatique. Il reste
l'éloignement juridique qui est tout aussi important. La personne qui est de passage en France pour un court séjour n'a pas toujours le
temps de contacter un avocat français avant de repartir.

(738) Soc., 7 juillet 1986, Bull. civ. V, no 358 ; Com., 15 mai 2001, RTD civ. 2001, p. 952, obs. R. P ERROT ; Civ. 2e, 9 septembre 2010,
no 09-70087.

(739) Art. 279 CPC.(740) Art. 764 CPC.

(741) La sanction n'est expressément énoncée par aucun texte. Il serait raisonnable de déclarer irrecevables les actes accomplis tant que
le délai n'est pas écoulé. Cependant, la jurisprudence s'oriente plutôt en faveur d'une nullité pour vice de forme, laquelle suppose un grief.
Ex. : Com., 15 octobre 1980, Bull. civ. IV, no 337, RTD civ. 1981, p. 208, obs. R. P ERROT ; Civ. 2e, 19 novembre 2009, no 06-20476, RTD
civ. 2010, p. 152, obs. R. P ERROT .

(742) V. infra, no 1193 et s. et infra, no 1205 et s.

(743) Civ. 2e, 16 juillet 1979, Bull. civ. II, no 226, RTD civ. 1980, p. 408, obs. R. P ERROT ; Civ. 2e, 28 novembre 1979, JCP 1980.II.19471,
note R. MARTIN, Gaz. Pal. 1980.I.192, note J. VIATTE, RTD civ. 1980, p. 408, obs. R. P ERROT , D. 1981, I.R. 182, obs. P. JULIEN.

(744) Cependant il faut que les parties aient versé aux débats les pièces qui permettent au juge de déceler la tardiveté de l'acte. Il en va
ainsi en particulier pour l'exercice des voies de recours. Le délai commence normalement à courir à compter de la notification de la
décision qui fait l'objet du recours. Le juge ne peut soulever la fin de non-recevoir s'il n'a pas connaissance de la date à laquelle le
jugement a été notifié. V. Civ. 2e, 24 octobre 1979, Bull. civ. II, no 249, Gaz. Pal. 1980.2.122, note J. VIATTE.

(745) Ainsi, une partie ne peut invoquer la défaillance de l'huissier de justice chargé de signifier son mémoire en cassation, pour échapper
à la déchéance prévue à l'article 978 du Code de procédure civile. Cette solution qui doit être approuvée eu égard aux exigences
minimales de la sécurité juridique, a été posée par la Cour de cassation (Civ. 2e, 12 juillet 2001, Bull. civ. II, no 140), à la suite d'un arrêt
de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH, 11 janvier 2001, Dr. et procéd. 2001, p. 233, obs. J. P. MARGUÉNAUD) qui avait vu
dans le dépassement d'un délai d'appel, par un huissier de justice, une entrave disproportionnée au droit d'accès de son client à un
tribunal !

(746) Sa responsabilité devra être examinée selon le mécanisme de la perte d'une chance.

(747) Sur cette conséquence de l'irrégularité de la notification d'un jugement, v. infra, no 524.

(748) Civ. 2e, 20 janvier 2011, no 09-72180. À rappr. : Civ. 2e, 25 mars 1999, no 97-12911.

(749) Sur la procédure par défaut, v. infra, no 1156 et s.

(750) Compte tenu du fait que la décision du premier président est sans recours, il n'existe aucune décision de la Cour de cassation pour
indiquer comment interpréter l'absence de faute, le temps utile pour former le recours ou encore l'impossibilité d'agir. Les décisions de
premiers présidents de cours d'appel qui ont été publiées font apparaître une raisonnable sévérité de ces magistrats.

(751) Bien sûr, ceci ne vaut que si le jugement gracieux a été rendu en premier ressort. Si, au contraire, il l’a été en dernier ressort,
l’appel est évidemment impossible et le tiers à qui la décision a été notifiée ne pourra que former tierce opposition (art. 583, al. 3, CPC),
dans le délai de deux mois prévu à l’article 586 in fine du Code de procédure civile. Sur cette règle, v. infra, nº 931.

(752) Sur le sens de l'expression « comme en matière de référé », v. infra, no 412.


(753) À cet égard, la règle antérieure au décret no 2005-1678 du 28 décembre 2005 était moins favorable au plaideur défaillant. La
demande de relevé de forclusion était enfermée dans un double délai : un délai « raisonnable » à partir du moment où il avait eu
connaissance du jugement et un délai d'un an qui courait à compter de la notification du jugement. Lorsque la notification était faite à
domicile ou à mairie, il arrivait que l'intéressé n'en ait pas connaissance. Malgré tout, un an après, il ne pouvait plus échapper à la
forclusion.

(754) Ainsi, même un pourvoi en cassation est irrecevable (sauf, bien sûr en cas d'excès de pouvoir : sur la restauration, en cas d'excès
de pouvoir, des voies de recours normalement fermées, v. infra, no 735 et s.) : Civ. 2e, 8 octobre 1997, Bull. civ. II, no 244.

(755) La question s'est posée de savoir si un plaideur qui avait déjà formé appel avant d'être relevé de forclusion par le premier président
devait réitérer l'acte d'appel. C'est en ce sens que s'est prononcée l'Assemblée plénière de la Cour de cassation : Ass. Pl., 20 novembre
1981, JCP 1982.II.19731, note Cl. GIVERDON, D. 1982.121, concl. J. CABANNES, note L. BOYER, RTD civ. 1982, p. 213, obs. R. P ERROT .

(756) Ex. : art. 531 et 532 CPC sur l'interruption des délais de recours par le décès de la partie à laquelle le jugement a été notifié ou par
un changement dans sa capacité.

(757) Civ. 2e, 14 février 1979, Bull. civ. II, no 43, RTD civ. 1979, p. 662, obs. R. P ERROT .(758) Civ. 2e, 8 mai 1980, Bull. civ. II, no 99.

(759) V. G. CORNU, « Les principes directeurs du procès civil par eux-mêmes (Fragments d'un état des questions) », Études P. Bellet,
Litec, 1991, p. 83.

(760) Sur la matière gracieuse, v. infra, no 317 et s.

(761) V. notamment S. GUINCHARD, « Quels principes directeurs pour les procès de demain ? », Mélanges Van Compernolle, Bruylant,
2004, p. 201. En faveur d'une redéfinition des principes directeurs, v. aussi L. CADIET , « Et les principes directeurs des autres procès ?
Jalons pour une théorie des principes directeurs du procès », Mélanges Normand, Litec, 2003, p. 71. En faveur d'un principe de célérité,
v. D. CHOLET , La célérité de la procédure en droit processuel, thèse, LGDJ, 2006, no 392 et s.

(762) L. CADIET et E. JEULAND, Droit judiciaire privé, LexisNexis, 8e éd., 2013, no 524 et s.

(763) Pour une analyse assez proche, mais plus développée, v. E. JEULAND, Droit processuel général, Domat LGDJ, 3e éd., 2014, no 257
et s.

(764) Par exemple, en faisant un petit effort, on pourrait certainement mettre en lumière des principes de transparence, de cohérence ou
d'équilibre, à travers le prisme desquels on revisiterait la procédure, voire l'ensemble du droit positif. Avis aux thésards en mal de sujet de
thèse et que ne rebutent pas les exercices de style.

(765) Pour une illustration : la suppression d'un passage d'un mémoire en cassation jugé, par la Cour de cassation, outrageant pour
l'adversaire : Civ. 1re, 14 novembre 2001, Contrats, conc. consom. 2002, no 36, note obs. G. RAYMOND.

(766) Sur lesquels, v. infra, no 479.(767) Sur lesquels, v. infra, no 1202.(768) Sur lesquels, v. supra, no 202 et s.

(769) Cf. P. HÉBRAUD, « La vérité dans le procès et les pouvoirs d'office du juge », Annales de l'Université des sciences sociales
de Toulouse, tome XXVI, Toulouse, 1978, p. 379, et R. MARTIN, « Réflexion sur l'instruction du procès civil », RTD civ. 1971, p. 279.

(770) V. supra, no 53 et s.

(771) C'est-à-dire de sa propre initiative. Lorsqu'elle est appliquée au ministère public, l'expression « d'office » est malheureuse : elle ne
convient vraiment que lorsqu'elle est appliquée à un juge. Or le magistrat du parquet n'est pas un juge.

(772) L'article 423 du Code de procédure civile donne à tort l'impression que le ministère public peut former une demande chaque fois
que des faits portent atteinte à l'ordre public. Si c'était vraiment le cas, la multiplication des règles d'ordre public ferait que le ministère
public pourrait agir très souvent. En réalité, la jurisprudence a considérablement restreint le domaine dans lequel, en dehors d'un texte
particulier, le ministère public peut être partie principale. Il ne suffit pas que la matière soit d'ordre public pour qu'il puisse agir ;
notamment, le droit de la famille reste assez peu ouvert aux initiatives du ministère public. À l'heure actuelle, on peut penser que la
disposition générale de l'article 423 constitue une soupape de sécurité pour quelques situations exceptionnelles non prévues par les textes,
ce qui paraît raisonnable. Elle permet ainsi au ministère public partie jointe de faire appel du jugement (et de devenir ainsi partie
principale) lorsque celui-ci porte atteinte à l'ordre public : V. not. Com., 20 octobre 2009, no 08-14468, Procédures 2009, no 384, note
R. P ERROT .
(773) Ex. : l'article 375 du Code civil, pour ce qui est des mesures d'assistance éducative.

(774) Cons. const., 7 décembre 2012, déc. 2012-286 QPC, JCP G 2013, 50, note N. GERBAY, RTD civ. 2013, p. 889, obs. Ph. THÉRY.

(775) Cons. Const., 7 mars 2014 (2 décisions), déc. 2013-368 QPC (art. L. 640-5, al. 1er, C. com.) et 2013-372 QPC (art. L. 626-27, II,
seconde phrase, C. com.).

(776) Ord. nº 2014-326 du 12 mars 2014, ord. nº 2014-1088 du 26 septembre 2014.

(777) Sur la limitation progressive des cas de saisine d’office, v. C. BLÉRY, JCL proc. civ., fasc. 150, nº 22 et s.

(778) Sur les causes d'extinction de l'instance à titre principal, v. infra, no 1204.(779) Sur le désistement d'instance, v. infra, no 1210 et s.

(780) V. infra, no 464.

(781) Sur les conséquences abusives qui ont pu être tirées de la nécessité pour le demandeur d'obtenir le consentement du défendeur
pour que le désistement d'instance soit parfait, v. supra, no 129.

(782) Pour ce qui est des défenses procédurales, il n'en va pas toujours de même, en raison des restrictions dont font l'objet les pouvoirs
du juge à leur égard. V. infra, no 288 et s.

(783) L’affirmation selon laquelle « en se fondant sur la nullité de (...) clauses (contractuelles) qu'aucune des parties n'avait invoquée »,
une cour d'appel aurait méconnu l'objet du litige et violé l’article 4 CPC (ex : Com., 10 février 2015, nº 13-24501) nous paraît
indéfendable et contraire à la possibilité de relever d’office un moyen de droit.

(784) On distingue parfois l'ultra petita de l'extra petita. Le premier consisterait à accorder à une partie plus qu'elle n'a demandé (ex :
150 euros octroyés pour 100 euros demandés) ; la seconde expression désignerait le cas dans lequel le juge a accordé ce qui n'a pas du
tout été demandé (ex : 150 euros octroyés alors qu'on sollicitait simplement l'annulation d'un contrat). Sur le fond, les deux hypothèses se
rejoignent : il a été accordé quelque chose que l'on n'avait pas demandé. C'est pourquoi il nous semble plus simple de regrouper les deux
situations sous le vocable « ultra petita ».

(785) Civ. 1re, 5 janvier 1961, Bull. civ. I, no 9.

(786) Par exemple, si le demandeur n'a pas formé de demande contre un tiers que le défendeur a appelé en garantie, le juge ne peut
prononcer de condamnation contre ce tiers au profit du demandeur initial, même s'il estime qu'une telle condamnation serait possible.
V. Civ. 1re, 25 novembre 1986, Bull. civ. I, no 276. Cette situation se rencontre encore plus fréquemment dans les instances de voies de
recours. Supposons, par exemple, que le demandeur originaire ait agi contre deux défendeurs en première instance. Le tribunal
condamne l'un des deux et met l'autre hors de cause. La partie condamnée fait appel. À défaut d'appel incident de l'intimé, la cour
d'appel ne peut condamner le plaideur mis hors de cause en première instance, même si elle estime que le tribunal s'est trompé dans la
détermination du responsable. Elle ne peut qu'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné l'appelant (sur l'appel incident, v. infra, no 750
et s.).

(787) C'est la simple application, aux actes processuels, des principes énoncés par les articles 1156 et suivants du Code civil à propos de
l'interprétation des conventions.

(788) Civ. 1re, 3 juillet 1962, Bull. civ. I, no 339.

(789) Toute la difficulté est de donner une extension raisonnable à ce qui est implicitement mais nécessairement demandé. En voici un
exemple peut-être extrême : le demandeur sollicite du juge des dommages-intérêts pour une construction irrégulière et il demande en
outre la condamnation de son adversaire sous astreinte. Dans cette affaire ancienne, la Cour de cassation a admis qu'en demandant la
condamnation sous astreinte de son adversaire, le demandeur entendait nécessairement obtenir la destruction de la construction ! V. Civ.
1re, 7 avril 1965, Bull. civ. I, no 262.

(790) Civ. 2e, 10 février 2000, JCP G 2000, II, no 10405, note E. DU RUSQUEC.

(791) V. ainsi, dans des domaines tout à fait différents, Com., 24 avril 1972, Bull. civ. IV, no 117 et Civ. 1re, 18 mars 1981, Bull. civ. I,
no 94.

(792) Ex. : À titre exceptionnel, un juge des enfants peut se saisir d'office et ordonner une mesure d'assistance éducative (art. 375
C. civ.).
(793) Sur la théorie du fait constant, v. infra, no 279.

(794) Cf. J. NORMAND, Le juge et le litige, Paris, 1965, no 200 et s. ; J. MIGUET , Immutabilité et évolution du litige, Paris, 1977, no 241
et s. ; Th. LE BARS, Le défaut de base légale en droit judiciaire privé, LGDJ, 1997, no 344 et s. ; R. MARTIN, « Le fait et le droit ou les
parties et le juge », JCP 1974.I.2625. À rappr. : G. BOLARD, « Les faits tirés du dossier », Études J. Normand, Litec, 2003, p. 43, qui
développe l'idée qu'il convient de traiter comme des faits allégués par une partie, ceux qui figurent au dossier pour avoir été révélés, par
exemple, par un rapport d'expertise.

(795) V. ainsi Soc., 5 décembre 2012, Procédures 2013, nº 154, note A . BUGADA, dans un cas où les juges s’étaient renseignés sur
internet, à propos de faits tels que la consommation en électricité et en eau nécessaire au fonctionnement d'un lave linge, l'amortissement
du matériel au prorata du volume lavé ou le coût de la poudre à laver. La Cour de cassation fait même parfois preuve d'une certaine
sévérité, en censurant non seulement les jugements qui se sont emparés de faits qui n'étaient pas du tout dans le procès, mais encore les
décisions utilisant des faits que les parties avaient effectivement allégués, mais dans d'autres phases de leurs procédures. V. notamment
Soc., 26 juin 1986, Bull. civ. V, no 343 et Civ. 2e, 24 février 1988, Bull. civ. II, no 52.

(796) Civ. 1re, 20 juillet 1994, Bull. civ. I, no 257 ; Com., 4 octobre 1994, Bull. civ. IV, no 271, Justices 1996-3, obs. J. HÉRON ; Civ. 1re,
4 janvier 1995, Bull. civ. I, no 12.

(797) C'est mon opinion.

(798) Si l'on considère que les expressions « fait allégué » et « fait dans le débat » sont équivalentes, on doit admettre que l'on peut
alléguer un fait sans même le formuler soi-même. Celui qui produit en justice un document et le communique à son adversaire (comme il
en a l'obligation) introduit dans le débat tous les faits qui sont relatés dans ce document. Par là même, il les allègue.

(799) Th. LE BARS, op. cit., no 324 et s.

(800) Pour décrire le pouvoir que le juge tient de l'alinéa 2 de l'article 7 du Code de procédure civile, on a utilisé une autre comparaison,
selon laquelle le juge peut aller chercher les faits au fond du panier que l'on a posé devant lui : C. P ARODI, L'esprit général et les
innovations du nouveau Code de procédure civile, Paris, 1976.

(801) Pourvu qu'il respecte le principe de la contradiction en invitant préalablement les parties à présenter leurs observations : Civ. 1re,
3 mars 2011, no 10-14041.

(802) Art. 1315 C. civ.

(803) Concevant différemment de nous le rôle du juge dans le procès, Jacques Héron estimait (v. cet ouvrage, 3e éd., no 261) que c'était
avec la charge de la preuve pesant sur les parties que ce pouvoir s'harmonisait mal. Son opinion eût sans doute été différente si, comme
nous et d'autres avant nous (ex : G. GOUBEAUX et Ph. BIHR, « Preuve », Rép. Dalloz pr. civ. 1979, no 105 et s.), il avait vu un « risque de
la preuve » là où l'on voit classiquement une « charge ».

(804) Éventuellement, il peut se faire qu'une partie ne sollicite pas de mesure parce qu'elle croit, à tort, que les preuves qu'elle a avancées
suffisent et qu'elle craint qu'une mesure d'instruction ne vienne retarder l'issue du procès. La mesure ordonnée d'office permettra au juge
de satisfaire une demande fondée, mais insuffisamment prouvée.

(805) J. NORMAND, Le juge et le litige, Paris 1965, no 200 et s. ; J. MIGUET , Immutabilité et évolution du litige, Paris, 1977, no 241 et s.
Cf. aussi R. MARTIN, « Le fait et le droit, ou les parties et le juge », JCP 1974.I.2625 ; Th. LE BARS, op. cit., no 345 et s.

(806) V. J. HÉRON, cet ouvrage, 3e éd., no 262 et, du même auteur, rapport (en matière civile), Le rôle du juge et des parties dans
l'administration de la preuve, XVIIe Colloque des I.E.J., publication de l'Université des sciences sociales de Grenoble, 1989.

(807) Sur ce point, v. not. G. GOUBEAUX et Ph. BIHR, ibid. ; Th. LE BARS, « De la théorie des charges de la preuve et de l'allégation à la
théorie globale des risques processuels », Mélanges G. Goubeaux, LGDJ, 2009, p. 319.

(808) H. MOTULSKY, Principes d'une réalisation méthodique du droit privé, Paris, 1948, rééd. Dalloz, 2002, no 109.

(809) J. NORMAND, Le juge et le litige, Paris, 1965, no 289, J. DEVÈZE, Contribution à l'étude de la charge de la preuve en matière
civile, thèse mult., Toulouse, 1980, no 59, J.-M. LE MASSON, La recherche de la vérité dans le procès civil, thèse mult., Nantes, 1991,
no 291.
(810) Ex. : Civ. 2e, 10 mai 1991, Bull. civ. II, no 142, RTD civ. 1992, p. 447, obs. J. NORMAND ; Civ. 1re, 4 juillet 1995, Bull. civ. I, no 294 ;
Com., 10 octobre 2000, no 97-22399.

(811) On peut nous opposer qu’une présomption de fait ne suffit pas, en principe, pour établir la preuve d’un acte juridique (V. BOLARD,
« Preuve et vérité. Rapport luxembourgeois », Journées internationales 2013 de l’Association CAPITANT , à paraître, nº 13). L’argument est
sérieux. Mais, la théorie du fait constant dérogeant manifestement au droit de la preuve, on peut sans doute admettre qu’elle autorise
l’établissement d’un acte par présomption du fait de l’homme...

(812) Sur l'ensemble de la question, v. Th. LE BARS, « La théorie du fait constant », JCP G 1999, I, 178, p. 1969 ; J. NORMAND, obs. préc.,
sous Civ. 2e, 10 mai 1991.

(813) En ce sens, Th. LE BARS, art. préc. On remarquera cependant que, dans l'arrêt du 10 mai 1991, la Cour de cassation ne fait aucune
référence à l'obligation pour le juge du fond d'inviter la partie à étayer son information. La solution peut sembler de bon sens alors que
l'on insiste sur les lourdeurs de la procédure qui ralentissent le déroulement des procès et font perdre du temps à des magistrats en trop
petit nombre. Elle incite cependant le plaideur précautionneux à submerger le juge d'éléments de preuve inutiles...

(814) Sur le rôle précis, et restreint, que peut jouer la notion de service public de la justice, v. supra, no 263.(815) Art. 3 CPC.

(816) Le pouvoir légitimement reconnu au juge doit se combiner avec celui reconnu aux parties de conduire l'instance. L'Assemblée
plénière de la Cour de cassation en a donné une illustration particulièrement heureuse par l'équilibre qu'elle a su maintenir entre les
préoccupations contraires (et également légitimes) des parties et du juge. L'organisation des audiences relève du bon fonctionnement de
la machine judiciaire. On ne saurait donc reconnaître aux conseils des parties un droit au renvoi systématique d'une audience sur l'autre.
En revanche, il est anormal qu'une affaire, même instruite, puisse être jugée contre la volonté des parties. À défaut de droit au renvoi, la
Cour de cassation leur a reconnu un droit à la radiation de l'affaire (Ass. pl. 24 novembre 1989, JCP 1990.II.21407, note L. CADIET , D.
1990.25, concl. J. CABANNES, RTD civ. 1990, p. 145, obs. R. P ERROT ). Cette solution a été consacrée par le décret du 28 décembre 1998
qui a réformé (notamment) les articles 381 à 383 CPC. Sur les effets de la radiation et du retrait du rôle, v. infra, no 1197.

(817) Sic, H. MOTULSKY, Principes d'une réalisation méthodique du droit privé, Paris, 1948, rééd. Dalloz 2002, no 81. Sur l'office du
juge en général, outre les écrits de H. Motulsky, on consultera en priorité les travaux aujourd'hui classiques de M. J. Normand (v. la
bibliographie sommaire en fin de chapitre).

(818) Le juge n'est pas le destinataire de la règle, il applique la règle dont le destinataire est le particulier. Pour une dénonciation des
erreurs auxquelles conduit en droit transitoire la confusion entre la situation du juge et celle du particulier, v. L. BACH, « Contribution à
l'étude de l'application des lois dans le temps », RTD civ. 1969, p. 405, no 20 et s.

(819) P. HÉBRAUD, « La vérité dans le procès et les pouvoirs d'office du juge », Annales de l'Université des sciences sociales de Toulouse,
tome XXVI, Toulouse, 1978, p. 397.

(820) H. MOTULSKY, Principes d'une réalisation méthodique du droit privé, Paris, 1948, rééd. Dalloz 2002, no 81, « Le rôle respectif
du juge et des parties dans l'allégation des faits », Écrits, études et notes de procédure civile, Paris, 1973, rééd. Dalloz 2010, p. 49, no 17
et s., « Prolégomènes pour un futur Code de procédure civile », ibid., p. 302, no 44.

(821) On peut se demander si cette opinion excessive n'a pas été développée par H. MOTULSKY comme une sorte de réaction contre la
doctrine inverse également critiquable qui déniait toute possibilité d'initiative juridique au juge ; pour asseoir les droits du juge, il a dépouillé
les parties au-delà de ce qui convenait.

(822) V., à propos d'un prétendu cautionnement requalifié en contrat de prêt, Civ. 1re, 22 juin 1982, Bull. civ. I, no 233 et, à propos d'un
prétendu partage requalifié en transaction, Civ. 1re, 7 juillet 1981, Bull. civ. I, no 250.

(823) Sur cette annulation, v. infra, no 307. À vrai dire, cette annulation résulte d'une erreur du Conseil d'État et elle n'a exercé aucune
influence sur le droit positif.

(824) Le texte disait très improprement « de pur droit », alors qu'il s'agissait de moyens mélangés de fait et de droit au sens où on l'entend
devant la Cour de cassation. Sur cette rédaction malheureuse, v. J. NORMAND, obs. à la RTD civ. 1988, p. 816, avec les références.

(825) Précisons que « relever d'office un moyen de droit » signifie, pour le juge, appliquer, de sa propre initiative, une règle de droit
qu'aucune des parties ne lui a proposé d'appliquer. Et pour dire qu'un plaideur invoque une règle de droit, on dit généralement qu'il
« soulève un moyen de droit » (ou « de fait et de droit » puisqu'en pratique les raisonnements présentés par les parties aux juges du fond
articulent quasiment toujours une règle de droit et des faits auxquels il s'agit de l'appliquer).
(826) Civ. 3e, 4 mars 1971, Bull. civ. III, no 159.

(827) On trouve de temps en temps quelques décisions aberrantes dans lesquelles le juge se réfère à l'équité dans un souci d'économie ou
de sentiment de justice primaire. La Cour de cassation les censure à chaque fois. V. ainsi Civ. 2e, 19 janvier 1983, Bull. civ. II, no 10,
Gaz. Pal. 1983.1.somm. 117, obs. S. GUINCHARD ; Soc., 11 mai 1994, D. 1995.626, note C. P UIGELIER ; Soc., 4 décembre 1996,
Bull. civ. V, no 421.

(828) V., en matière de responsabilité, Civ. 2e, 26 avril 1984, Bull. civ. II, no 71 et Civ. 1re, 19 mars 1985, Bull. civ. I, no 96, pour un
passage de la responsabilité contractuelle à la responsabilité délictuelle ou vice versa. Il est vrai que, dans d'autres cas, la Cour de
cassation a censuré des juges du fond qui avaient procédé à une telle substitution, mais la censure n'est pas fondée sur l'interdiction pour
le juge de soulever d'office un moyen. La Cour de cassation reproche aux juges du fond soit d'avoir méconnu le principe de la
contradiction (sur lequel, v. infra, no 292 et s.) soit d'avoir statué en se fondant sur des faits qui n'étaient pas dans le débat. Sur ces
arrêts, v. J. NORMAND, « Le juge et le fondement du litige », Mélanges offerts à Pierre Hébraud, Toulouse, 1981, p. 595 et obs. à la
RTD civ. 1987, p. 390. On cite encore l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 27 octobre 1982 (Civ. 2e, 27 octobre 1982, Bull. civ. II,
no 135, JCP 1984.II.20152, note P. JOURDAIN, D. 1984.292, note R. MARTIN, RTD civ. 1983, p. 378, obs. J. NORMAND). Dans cette décision,
la Cour censure une cour d'appel qui avait statué sur le fondement de l'article 1382, alors que la victime s'était prévalue de l'article 1384,
alinéa 1er, du Code civil. La censure est prononcée non pas en raison du changement de fondement, mais en raison du résultat
défavorable au demandeur sur lequel débouchait en l'espèce ce changement : la victime n'obtenait qu'une indemnisation partielle au lieu
d'une indemnisation totale (sur ce point, v. J. HÉRON, note sous Civ. 2e, 14 février 1985, JCP 1988.II.21030).

(829) Ex : art. L. 141-4 C. conso. : dans les litiges opposant un consommateur à un professionnel, le juge « écarte d'office (...)
l'application d'une clause dont le caractère abusif ressort des éléments du débat ».

(830) Sur la distinction des faits spécialement invoqués et des faits simplement allégués, v. supra, no 276.

(831) Civ. 3e, 4 mars 1971, Bull. civ. III, no 159. L'arrêt est d'autant plus probant que la cassation est prononcée sur un moyen relevé
d'office par la Cour. Sur la recevabilité des moyens de pur droit, régie par l'article 619 du Code de procédure civile, v. infra, no 821.

(832) Civ. 2e, 14 février 1985, Bull. civ. II, no 38, JCP 1988.II.21030, note J. HÉRON, Gaz. Pal. 1985.2.640, note S. GUINCHARD et
T. MOUSSA. Adde J. NORMAND, obs. à la RTD civ. 1988, p. 809. Au passage, nous récusons par avance le reproche qui pourrait nous être
adressé de confondre les deux acceptions généralement retenues du « moyen de pur droit ». On distingue habituellement, en effet, le
moyen de pur droit devant les juges du fond, qui est celui qui ne suppose pas l'appréciation d'autres faits que ceux appréciés par les juges,
du moyen de pur droit devant la Cour de cassation qui est celui reposant sur des faits constatés dans la décision attaquée. Nous ne
méconnaissons pas cette double acception. Mais, à notre sens, on ne peut raisonner sur la question du relever d'office d'un moyen de pur
droit par les juges du fond, sans prendre en compte la recevabilité de ce grief devant la haute Juridiction. La seconde acception, dans ces
conditions, est donc tout aussi importante sinon plus que la première.

(833) Motulsky considérait que cet adjectif était plus précis que l'adjectif pertinent dont le sens lui semblait trop vague. V. H. MOTULSKY,
Principes d'une réalisation méthodique du droit privé, Paris, 1948, rééd. Dalloz 2002, no 84.

(834) En revanche, elle est assez proche de celle adoptée en 2005 par la Cour de cassation belge : v. J. VAN COMPERNOLLE, « Le rôle actif
du juge dans l'application de la règle de droit : la consécration par la jurisprudence belge de la conception factuelle de la cause de la
demande », Mélanges J. Héron, LGDJ, 2008, p. 477, no 6.

(835) Civ. 1re, 14 février 1989, Bull. civ. I, no 83, et Civ. 1re, 13 décembre 1989, Bull. civ. I, no 393, RTD civ. 1991, p. 152, obs.
J. NORMAND ; Civ. 1re, 16 avril 1991, Bull. civ. I, no 144.

(836) Ex. : Civ. 2e, 4 novembre 1988, Bull. civ. II, no 202, D. 1989.609, note M.-A. FRISON-ROCHE, RTD civ. 1991, p. 152, obs.
J. NORMAND ; 27 juin 1990, Bull. civ. II, no 154 ; 8 juin 1995, Bull. civ. II, no 168, D. 1996.247, note F. EUDIER ; 11 juin 1998, Bull. civ. II,
no 181 ; Civ. 3e, 3 avril 1997, Bull. civ. III, no 75 ; 29 octobre 2003, ibid. no 183. Cependant, par le passé, on a parfois trouvé des arrêts
cassant une décision pour n'avoir pas appliqué d'office la règle qui s'imposait, compte tenu des faits relevés par les juges. Ex. : Civ. 1re,
9 juillet 2003, Bull. civ. I, no 174.

(837) Ex. : Civ. 1re, 21 février 2006, no 03-12004.

(838) Cass. Ass. plén., 21 décembre 2007, no 06-11343, JCP G 2008, II, 10006, note L. WEILLER, Dr. et procéd. 2008, p. 96, rapport
D. LORIFERNE, obs. Ch. LEFORT . Pour des critiques de cet arrêt v. O. DESHAYES, « L'office du juge à la recherche de sens », D. 2008,
p. 1102 ; G. BOLARD, « L'office du juge et le rôle des parties : entre arbitraire et laxisme », JCP G 2008, I, 156 ; M. DOUCHY-OUDOT ,
« L'office du juge », Mélanges G. Goubeaux, LGDJ, 2009, p. 99.
(839) Ex. : Cass. Ass. plén., 21 décembre 2007 préc., no 06-11343 ; Civ. 1re, 16 mars 2004, no 01-00.186, Procédures 2004, no 123, note
R. P ERROT .

(840) En ce sens : Com., 23 juin 1992, Bull. civ. IV, no 244, RTD civ. 1993, p. 413, obs. critiques J. NORMAND.

(841) Civ. 1re, 15 février 2000, Bull. civ. I, no 49 (mais, contra, depuis lors : Civ. 1re, 22 janvier 2009, no 05-20176, Dr. et procéd. 2009,
p. 159, obs. E. BAZIN, Procédures 2009, no 84, note L. RASCHEL). Et, à propos d'une requalification d'office d'un contrat de travail à durée
déterminée en contrat à durée indéterminée : Soc., 30 octobre 2002, Bull. civ. V, no 332.

(842) V. ainsi, CJCE 4 juin 2009, aff. C-243/08, JCP G 2009, 336, note G. P AISANT , Procédures 2009, no 275, note C. NOURISSAT , qui
énonce que « le juge national est tenu d'examiner d'office le caractère abusif d'une clause contractuelle dès qu'il dispose des éléments de
droit et de fait nécessaires à cet effet ». V. aussi CJUE, 17 décembre 2009, aff. C-227/08, à propos de la faculté qu'aurait le juge de
relever d'office la nullité d'un contrat relevant du champ d'application d'une directive au motif que le consommateur n'a pas été informé
de son droit de résiliation, alors même que cette nullité n'aurait pas été invoquée par lui. En rapport avec ces questions, v. S. MORACCHIN-
ZEIDENBERG, « Le relevé d’office en droit de la consommation interne et communautaire », Contrats, conc. consom. 2013, étude nº 9.

(843) Sur les traits distinctifs de la défense procédurale, v. supra, no 137.

(844) S'il ne peut empêcher les parties de demander l'application des règles de pure procédure (sauf à les abroger), le législateur ne se
prive pas de soumettre à des conditions draconiennes la présentation des exceptions de procédure (v. supra, no 160).

(845) Sur laquelle, v. infra, no 1005.

(846) Ex. : Civ. 3e, 7 novembre 2001, Bull. civ. III, no 127. Il n'est pas toujours facile de déterminer ce qui est d'ordre public et ce qui ne
l'est pas. L'ordre public fait partie de ces notions floues et au contenu évolutif que l'on appelle les « standards juridiques ». Il en résulte
que le caractère d'ordre public ou d'ordre privé d'une fin de non-recevoir se déduit parfois du régime que la loi lui réserve (ce qui n'est
guère satisfaisant pour l'esprit).

(847) Sur cette taxe, v. infra, no 553.(848) Sur ces fins de non-recevoir, v. supra, no 148.

(849) En droit de la consommation, il semble que la solution soit différente et que le juge puisse relever d'office la prescription biennale de
l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs (art. L. 137-2 C. consom.), car
l'article L. 141-4 du Code de la consommation énonce que le juge peut soulever d'office toutes les dispositions de ce code « dans les
litiges nés de son application ».

(850) Le juge peut vérifier d'office la « recevabilité » de la demande d'ouverture d'une procédure de rétablissement personnel (art.
L. 332-6 C. consom. ; Civ. 2e, 14 décembre 2006, Bull. civ. II, no 355). Dans les autres procédures de surendettement des particuliers, il
ne le peut que si des mesures imposées ou recommandées par la commission de surendettement ont été contestées par une partie (art.
L. 332-2 C. consom. ; Civ. 2e, 12 octobre 2006, no 05-04001, D. 2007, J, p. 61, note G. HENAFF ; Cass. Avis, 13 novembre 2006, no 06-
00013).

(851) La jurisprudence est très pauvre en la matière. Certains arrêts qui touchent à la question ont été rendus sur la prescription en
matière de filiation. La Cour de cassation décide que, par exception à la règle de l'article 2247 du Code civil, le juge doit soulever d'office
ces fins de non-recevoir. V. Civ. 1re, 24 novembre 1987, Bull. civ. I, no 305, D. 1988.101, note D. HUET -WEILLER ; Civ. 1re, 2 juin 1992,
Bull. civ. I, no 171. De la même façon, la Chambre sociale de la Cour de cassation a décidé que le juge devait relever d'office la « fin de
non-recevoir » tirée de l'absence d'action directe du salarié contre l'ASSEDIC : Soc., 19 novembre 1987, Bull. civ. V, no 659. On
remarquera que, dans ces arrêts, la Cour de cassation a soin d'énoncer que la prétendue fin de non-recevoir est d'ordre public. Est-ce le
signe qu'elle entend appliquer la règle de l'article 125 du Code de procédure civile ?

(852) On remarquera cependant qu'aucun texte ne l'énonce expressément, mais sa positivité résulte suffisamment de ce que le législateur
prend soin d'énoncer les exceptions qui lui sont apportées.

(853) Soc., 25 mai 1977, Bull. civ. V, no 348. Dans le cas des nullités pour vice de forme, l'impossibilité pour le juge tient aussi à la
nécessité pour le demandeur à la nullité d'établir le grief que lui cause l'irrégularité. Comment le juge pourrait-il le faire à sa place ? V. sur
ce point Civ. 2e, 21 juillet 1986, Bull. civ. II, no 132 ; Civ. 2e, 23 octobre 1991, Bull. civ. II, no 276.

(854) À l'inverse, la nullité d'un acte d'appel pour défaut de pouvoir d'un avocat (son client n'était pas au courant de l'appel...) n'est pas
d'ordre public (elle ne met pas en cause les intérêts de la société) et ne peut donc pas être relevée d'office par le juge : Civ. 1re,
19 septembre 2007, no 06-17408.
(855) V. infra, no 1027.(856) V. infra, no 1067.

(857) Ce qui ne peut guère s'appliquer, en pratique, qu'aux groupements dénués de personnalité morale : Com., 25 octobre 1983,
Bull. civ. IV, no 276, Gaz. Pal. 1984, Pan. 65, obs. S. GUINCHARD ; Soc., 17 janvier 1996, Bull. civ. V, no 12.

(858) Dans le cas où un incapable fait seul un acte de procédure pour lequel il aurait besoin d'être représenté ou assisté. Ex. : Civ. 1re,
2 novembre 1994, Bull. civ. I, no 313.

(859) Il s'agit des alinéas 3 et 4 actuels de l'article 12, compte tenu de l'annulation de l'alinéa 3 originaire par le Conseil d'État (sur
laquelle, v. infra, no 307). Ce sont donc les anciens alinéas 4 et 5. Il arrive encore assez fréquemment qu'on utilise l'ancienne
numérotation.

(860) V. not. Civ. 2e, 14 septembre 2006, no 05-10086, Procédures 2006, no 229, note R. P ERROT .(861) V. supra, no 281.

(862) L. ASCENSI, Du principe de la contradiction, thèse, LGDJ, 2006 ; L. MINIATO, Le principe du contradictoire en droit
processuel, thèse, LGDJ, 2008.

(863) H. MOTULSKY, « Le droit naturel dans la pratique jurisprudentielle : le respect des droits de la défense en procédure civile »,
Mélanges en l'honneur de Paul Roubier, Paris, 1961, tome 2, p. 175.

(864) Civ., 7 mai 1828, S 1828, 1, 93.(865) Cons. const., 13 novembre 1985, JORF du 20 novembre 1985, p. 13457.

(866) CEDH, 20 février 1996 (« Vermeulen c/Belgique ») (en matière civile), RTD civ. 1997, p. 992, obs. R. P ERROT .

(867) Civ. 1re, 7 juin 2005, RTD civ. 2006, p. 151, obs. R. P ERROT , Dr. et procéd. 2006, p. 35, obs. N. FRICERO, D. 2005, J, p. 2570, note
M.-E. BOURSIER, qui voit dans cet arrêt, sans doute de manière un peu excessive, un nouveau principe directeur du procès. Pour une
critique intéressante de cette opinion, v. L. MINIATO, « L'introuvable principe de loyauté en procédure civile », D. 2007, p. 1035. Sur la
loyauté, v. aussi M.-E. BOURSIER, Le principe de loyauté en droit processuel, thèse, Dalloz, 2003 ; Y. STRICKLER, « La loyauté
processuelle », Mélanges J.-F. Burgelin, Dalloz, 2008, p. 355. Depuis lors, le principe de loyauté des débats a été réaffirmé par la Cour
de cassation : v. not. Com., 12 juillet 2011, no 09-71764.

(868) V. infra, no 821.(869) V. supra, no 160.

(870) Sur lequel, v. N. DUPONT , « L'interdiction de se contredire au détriment d'autrui en procédure civile française », RTD civ. 2010,
p. 459 ; G. BOLARD, « Le droit de se contredire au détriment d’autrui ? », JCP G 2015, 146. V. aussi Cass. Ass. plén., 27 février 2009,
no 07-19841, JCP G 2009, II, 10073, note P. CALLÉ, D. 2009, p. 1245, note D. HOUTCIEFF, Dr. et procéd. 2009, p. 263, note M. DOUCHY-
OUDOT .C'est par cet arrêt que la Cour de cassation a consacré expressément l'existence d'une interdiction de se contredire au détriment
d'autrui en procédure civile. Mais elle avait déjà consacré un principe proche, celui de l'estoppel, en droit de l'arbitrage (Civ. 1re, 6 juillet
2005, Bull. civ. I, no 302), de même qu'elle avait posé un principe d'irrecevabilité des moyens de cassation contraires aux positions
adoptées devant les juges du fond par leur auteur (v. infra, no 822).

(871) Ou « audiatur et altera pars » : l'autre partie doit aussi être entendue.(872) V. supra, no 166.

(873) V. infra, la deuxième partie de cet ouvrage.

(874) Art. 755 CPC, pour ce qui est du délai de comparution devant le tribunal de grande instance.

(875) Sur les particularités que présentera alors la procédure, v. infra, no 1156 et s.

(876) Ex. : Soc., 28 novembre 1984, Bull. civ. V, no 462 ; Soc., 19 juin 1986, ibid. no 326 ; Soc., 16 avril 1991, ibid. no 196. Il appartient
alors au juge de renvoyer l'affaire à une prochaine audience, afin que puisse être respecté le principe de la contradiction : Soc., 18 mai
1999, Bull. civ. V, no 221.

(877) Cependant, il faut préciser que, s'il est psychologiquement exact que le défaut du défendeur s'explique presque toujours par le fait
qu'il sait pertinemment que la demande de son adversaire est bien fondée, la loi considère que la non-comparution du défendeur ne
saurait valoir comme aveu (art. 472, al. 2 CPC). V. infra, no 1160.

(878) Art. 133 CPC.(879) Art. 134 CPC.


(880) Pour une application de cette règle à propos des communications effectuées juste avant l'ordonnance de clôture devant le tribunal
de grande instance, v. infra, no 625.

(881) Cf. B. BOCCARA, « La procédure dans le désordre. I. – Le désert du contradictoire », JCP 1981.I.3004, spéc., no 79 et s.

(882) Sur ce dossier, v. B. DEROYER et R. APÉRY, « Le dossier de plaidoirie. Pour une évolution des pratiques », D. 2010, p. 2074.

(883) Civ. 2e, 20 mai 1978, Bull. civ. II, no 131.(884) Civ. 3e, 10 juin 1976, Bull. civ. III, no 252.

(885) Civ. 2e, 14 novembre 1984, Bull. civ. II, no 167, RTD civ. 1985, p. 446, obs. R. P ERROT . Adde Civ. 2e, 29 juin 1994, Bull. civ. II,
no 177 ; 20 décembre 2001, ibid. no 204.

(886) Art. 457 CPC.

(887) Le bordereau de communication de pièces est une simple feuille sur laquelle est donnée la liste des pièces qui sont communiquées.
Il fait l'objet d'une notification directe ou par acte d'huissier, prévue par les articles 671 et s. du Code de procédure civile. Sur ce
bordereau, v. infra, no 601.

(888) V. infra, no 601.

(889) V. Soc., 8 novembre 1984, Bull. civ. V, no 423, RTD civ. 1985, p. 446, obs. R. P ERROT . À rappr. : Soc., 31 mai 2001, Bull. civ. V,
no 201, qui, en réponse au moyen invoquant un défaut de communication de pièces, répond « que la procédure étant orale, les documents
retenus par la décision attaquée sont présumés (...) avoir été contradictoirement débattus devant le juge ». V. aussi, en matière de
surendettement : Civ. 2e, 11 janvier 2006, no 04-04170.

(890) On sait que, dans les procédures orales, le greffier joue un rôle plus important que dans les procédures écrites. En particulier, il lui
appartient de noter les demandes qui ont pu être formées oralement à l'audience. On pourrait imaginer que les parties demandent au
greffier de noter aussi les pièces communiquées à l'adversaire.

(891) Sur la notion de matière gracieuse et l'absence d'adversaire, v. infra, no 317 et s.(892) Art. 788 CPC. V. infra, no 633 et s.

(893) Ex. : Civ. 1re, 18 novembre 1992, Bull. civ. I, no 285.(894) Sur l'ordonnance sur requête, v. infra, no 427 et s.

(895) Art. 496 CPC. La règle de l'article 17 est mise à mal lorsque la Cour de cassation qualifie la décision du juge saisi sur requête de
« mesure d'administration judiciaire », car alors tout recours est écarté, conformément à l'article 537 CPC. V. ainsi infra, no 634.

(896) V. supra, no 292.

(897) Par exemple, le point de savoir si le juge peut ou ne peut pas fonder sa décision sur des faits qui n'ont pas été allégués par les
parties ne doit pas dépendre du point de savoir si le juge le fera en soumettant son initiative à la discussion des parties. Sur les liens entre
l'office du juge et le principe de la contradiction, v. infra, au texte.

(898) Sur l'élaboration du Code de procédure civile, v. supra, no 13 et s.

(899) Cette position a été exprimée de façon particulièrement autorisée par M. P ARODI (C. P ARODI, « L'esprit général et les innovations du
nouveau Code de procédure civile », Defrénois 1976.31120, no 46).

(900) Comp. A. P ERDRIAU, note sous Com., 4 octobre 1994, JCP 1994.II.22353.

(901) A. BÉNABENT , « Les moyens relevés en secret par le juge », JCP 1977.I.2849.

(902) Il existe quelques exemples bien connus d'arrêts de la cour d'appel de Paris ayant déclaré irrecevable un appel comme tardif, en
commettant une erreur dans la computation des délais ou en oubliant de prendre en compte une loi de moratoire. V. Paris, 22 janvier
1975, 12 octobre 1976 et 13 janvier 1978, Bull. Ch. avoués Paris 1980, 2e trim., p. 1 et s.

(903) On ne voit pas comment (ainsi que l'écrit M. P ARODI, op. cit., supra) l'obligation pour le juge de soumettre ses initiatives à la
discussion des parties pourrait être regardée comme un signe de défiance à son égard.

(904) V. supra, no 282.


(905) Conseil d'État, 12 octobre 1979, Rassemblement des nouveaux avocats de France, D. 1979.606, note A. BÉNABENT , Gaz. Pal.
1980.1.6, note P. JULIEN, JCP 1980.II.19288, Concl. FRANC et note J. BORÉ, RTD civ. 1980, p. 145, obs. J. NORMAND.

(906) Il reste curieux de constater que les garanties essentielles des justiciables se trouvent proclamées par une juridiction qui, elle-même,
respecte si mal le principe de la contradiction.

(907) Conformément à la distinction très critiquable qu'il retient pour les juridictions de l'ordre administratif. V. R. CHAPUS, Droit du
contentieux administratif, Montchrestien, Domat, 13e éd., 2008, no 962.

(908) Contra : Se fondant sur les conclusions du Commissaire du Gouvernement rendues dans cette affaire, on a pu estimer que
l'alinéa 3 de l'article 12 n'avait pas été annulé par ricochet, mais parce qu'il portait atteinte au principe d'égalité des citoyens devant la
justice (R. MARTIN, À nouveau siècle nouveau procès civil, Ed. Edilex Club, 2000, no 59 et s.). Cette opinion ne repose cependant que
sur lesdites conclusions et non pas sur l'arrêt du Conseil d'État lui-même.

(909) V. supra, no 284.(910) V., par exemple, Civ. 2e, 16 juillet 1980, Bull. civ. II, no 186, p. 127.

(911) Cass. mixte, 10 juillet 1981, Bull. civ., no 6, Gaz. Pal. 1981.627, note J. VIATTE, D. 1981.637, concl. J. CABANNES, RTD civ. 1981,
p. 677, obs. J. NORMAND et 1981.905, obs. R. P ERROT .

(912) V. art. 753 CPC et infra, no 601.

(913) Civ. 2e, 11 janvier 2006 (4 arrêts, not. no 04-11129), Dr. et procéd. 2006, p. 157, obs. M. DOUCHY-OUDOT , D. 2006, J, p. 1149, note
N. FRICERO, RTD civ. 2006, p. 374, obs. R. P ERROT .

(914) Civ. 2e, 10 mars 2011, no 10-13796, Procédures 2011, no 164, note R. P ERROT .(915) Civ. 1re, 9 décembre 2010, no 09-15368.

(916) Civ. 1re, 23 mai 1977, Bull. civ. I, no 246, Gaz. Pal. 1978.1.89, note J. VIATTE, RTD civ. 1978, p. 402, obs. J. NORMAND ; Civ. 1re,
8 octobre 1980, Bull. civ. I, no 250, RTD civ. 1981, p. 200, obs. J. NORMAND, Civ. 3e, 25 janvier 1984, D. 1985.117, note J. HÉRON.

(917) Com., 13 décembre 1994, Bull. civ. IV, no 378.

(918) Ex. : Civ. 1re, 22 juin 1982, Bull. civ. I, no 233, p. 199 : un contrat qualifié par les parties de cautionnement est requalifié en contrat
de prêt par le juge.

(919) Ex. : Civ. 3e, 29 juin 2011, no 09-70894 : le juge décide, sans en avertir préalablement les parties, que des articles du Code civil
applicables en l'espèce sont ceux issus d'une réforme législative récemment entrée en vigueur et non pas ceux antérieurs à cette
réforme.

(920) Dans l'exemple tiré de l'admissibilité des preuves testimoniales, on peut imaginer que, si le juge indique au plaideur son intention
d'appliquer l'article 1341 du Code civil, ce plaideur mette dans le débat des faits tendant à établir qu'il s'est trouvé dans l'impossibilité
d'établir un écrit, conformément aux dispositions de l'article 1348 du Code civil, ce qui rend admissibles les témoignages.

(921) CEDH, 13 octobre 2005, « Clinique des acacias et a. c/France ».

(922) Ex. : Com., 17 octobre 1995, Bull. civ. IV, no 234 ; Civ. 1re, 4 mai 1999, Bull. civ. I, no 147 ; Soc., 5 juin 2001, Bull. civ. V, no 210 ;
Civ. 3e, 29 juin 2011, no 09-70894 préc.

(923) V. ainsi Com., 6 mai 2002, Procédures 2002, no 137, note R. P ERROT .

(924) Certes, l'article 56 CPC, dans sa rédaction issue du décret du 28 décembre 1998, énonce que l'assignation doit contenir à peine de
nullité « un exposé des moyens en fait et en droit », ce qui devrait limiter les possibilités de formuler une demande sans en préciser le
fondement juridique. Mais toute saisine du juge ne se fait pas forcément par assignation. Tout dépend de la juridiction saisie. Pareillement,
l'article 753, dans sa rédaction issue du même décret de 1998, dispose que les conclusions doivent formuler « les moyens en fait et en
droit » de la partie. Mais ce texte ne concerne que le tribunal de grande instance et aucune sanction n'est d'ailleurs prévue expressément.
En pratique, c'est surtout devant les juridictions où la représentation n'est pas obligatoire que des plaideurs s'abstiennent de préciser le
fondement juridique de leur demande.

(925) V., par exemple, Civ. 3e, 28 mai 1986, Bull. civ. III, no 82, Gaz. Pal. 1987, somm. 19, obs. H. CROZE et Ch. MOREL, RTD civ. 1987,
p. 390, obs. J. NORMAND ; Civ. 3e, 14 juin 1989, Bull. civ. III, no 138 ; Civ. 3e, 29 janvier 1992, ibid. no 30 ; Civ. 2e, 19 novembre 1998 (a
contrario), Bull. civ. II, no 278.
(926) La Cour de cassation admet encore, et ouvertement, une dérogation au principe de la contradiction dans une situation très
particulière : lorsque le juge entend écarter des pièces ou des conclusions produites au tout dernier moment, au mépris du principe de la
contradiction entre les parties, ou a fortiori après l'ordonnance de clôture, il n'est pas tenu d'en discuter avec les parties. V. Civ. 2e,
2 décembre 1992, Bull. civ. II, no 294 ; Civ. 3e, 7 mai 1997, Bull. civ. III, no 99. La solution se justifie sans doute par la considération que
la solution contraire permettrait, de façon systématique, à un plaideur de gagner quelques mois en déposant des conclusions dénuées de
toute valeur la veille de l'ordonnance de clôture. On peut tout de même trouver étrange qu'à une transgression du principe de la
contradiction par une partie, réponde une autre transgression de la part des juges.

(927) Ex. : Soc., 29 septembre 1988, Bull. civ. V, no 582 ; Com., 31 janvier 1995, Bull. civ. IV, no 30 ; Civ. 1re, 30 juin 1998, Bull. civ. I,
no 233 ; Civ. 2e, 5 février 2009, no 07-20989.

(928) V. supra, no 300.

(929) Ex. : Civ. 1re, 27 janvier 1998, no 95-15297 ; Civ. 3e, 2 octobre 2002, no 01-02355. À l’inverse, le jugement par lequel un juge de
l’exécution « constate » une vente amiable sur autorisation judiciaire est un acte juridictionnel (susceptible, à ce titre, d’une tierce
opposition : Civ. 2e, 6 décembre 2012, nº 11-24443). En effet, le juge doit alors vérifier que l'acte de vente est conforme aux conditions
qu'il a fixées, et que le prix a bien été consigné (art. R. 322-25 CPCE). Il ne se borne pas à un simple constat.

(930) V. not. Civ. 2e, 20 mai 1985, Bull. civ. II, no 99 : « la décision d'adjudication qui ne statue sur aucun incident ne fait que constater un
contrat judiciaire et n'a pas le caractère de jugement ».

(931) Ex. : Civ. 1re, 27 janvier 1998 et Civ. 3e, 2 octobre 2002 préc.

(932) Sauf, bien sûr, s'il statue sur une contestation (v. art. R. 322-60 CPCE). En ce sens, v. not. Civ. 2e, 19 novembre 2009, no 08-20798.
Selon d'autres arrêts, le pourvoi en cassation est cependant ouvert en cas d'excès de pouvoir (v. not. Civ. 2e, 9 novembre 2009, no 08-
70024 ; Civ. 2e, 24 juin 2010, no 08-19974, Dr. et procéd. 2010, p. 323, obs. A. LEBORGNE), ce qui est contestable s'agissant d'un acte qui,
malgré tout, n'est toujours pas une véritable décision de justice.

(933) En ce sens : v. not. Civ. 2e, 4 juillet 2007, no 06-10220.(934) Art. 499 CPC.

(935) Même en cas d'excès de pouvoir commis par le juge. Ex. : Com., 16 juin 2009, no 08-10584.

(936) Ainsi, on ne fait que déplacer le problème, quand on énonce que l'acte administratif du juge est celui qui est pris dans le seul intérêt
du service et non pas dans l'intérêt d'une partie (v., en faveur de ce critère, J. THÉRON, « Mesure d'administration judiciaire, proposition
d'un critère de qualification », D. 2010, p. 2246 et s.). Où commence l'intérêt du service de la justice et où s'arrête l'intérêt d'un plaideur ?

(937) V. infra, no 1193 et s., à propos de la radiation.

(938) Sur cette question, v. D. D'AMBRA, L'objet de la fonction juridictionnelle : Dire le droit et trancher les litiges, thèse, LGDJ,
1994 ; C. BLÉRY, L'efficacité substantielle des jugements civils, thèse, LGDJ, 2000, no 18 à 75 ; M. BANDRAC, « De l'acte juridictionnel,
et de ceux des actes du juge qui ne le sont pas », Mélanges Drai, Dalloz, 2000, p. 171.

(939) V. supra, no 17.

(940) Pour une étude de la notion de litige, v. L. CADIET , J. NORMAND et S. AMRANI-MEKKI, Théorie générale du procès, PUF, 2010, no 71
et 72, p. 291 et s.

(941) La preuve des griefs ne pouvait résulter de l'aveu du défendeur : le juge devait s'assurer par lui-même de la réalité des faits. En
pratique, certains juges faisaient semblant de ne pas déceler la comédie que leur jouaient les époux, leurs conseils et leurs témoins, et
prononçaient un divorce qui était en réalité un divorce convenu. Mais d'autres s'y refusaient et rejetaient la demande, ce qui aurait été
impossible si le divorce avait relevé de la matière gracieuse.

(942) Selon l'expression de P. HÉBRAUD, « Commentaire de la loi du 15 juillet 1944, sur la chambre du conseil », D. 1946, L., p. 333, spéc.,
p. 336.
(943) À ce sujet, nous n'adhérons pas à l'opinion selon laquelle il faudrait retenir une conception étroite du litige, entendu comme un
différend opposant des adversaires devant un juge (G. WIEDERKEHR, « Le rôle de la volonté dans la qualification des actes judiciaires »,
Mélanges Rieg, Bruylant, 2000, p. 894). Cette opinion conduit, en effet à considérer qu'on est « dans le domaine du contentieux chaque
fois que le procès (...) (oppose) deux ou plusieurs parties » et qu'on est « dans le domaine gracieux lorsqu'il n'y (...) (a) pas d'adversaire
dans la procédure même » (G. WIEDERKEHR, ibid.). À notre avis, c'est assimiler les procédures contentieuses aux procédures
contradictoires et les procédures gracieuses aux procédures non contradictoires. À ce compte, la procédure par défaut serait une
procédure gracieuse (en ce sens : G. WIEDERKEHR, ibid. p. 896), ce qui nous paraît contraire à l'évidence.

(944) Ce qui ne signifie nullement que le législateur agisse sans raison. Dans la très grande majorité des affaires gracieuses, des raisons
très puissantes justifient le contrôle du juge qu'impose le législateur. Mais cela ne relève pas de la nécessité.

(945) La règle s'énonce ainsi : si telle personne consent à tel objet déterminé, dans telle condition, et si le juge estime que ce
consentement répond à l'objectif défini par la loi, alors que la manifestation de volonté produise son effet.

(946) Même si elle est entourée aujourd'hui (très légitimement) d'une procédure importante, l'adoption reste avant tout un acte juridique.
C'est la volonté de l'adoptant qui fait l'adoption.

(947) À noter que cette « opposition » n'est pas du tout de même nature que les « oppositions » que l'on forme devant une juridiction. Il
ne s'agit pas d'un recours, mais simplement d'un acte ayant pour effet de transformer la procédure déjudiciarisée de changement de
régime matrimonial en procédure judiciaire. De plus, la procédure ne devient pas contentieuse du seul fait de cette « opposition », car il
n'y a pas « élévation du contentieux » : on est encore dans le domaine de la juridiction gracieuse (comme l'indique d'ailleurs l'article 1301
CPC). La preuve en est que ce sont les époux (et non les créanciers opposants) qui devront saisir le juge en cas d'opposition (art. 1300-1
CPC), afin d'obtenir de lui qu'il homologue leur convention.

(948) Art. 219 C. civ. : « Si l'un des époux se trouve hors d'état de manifester sa volonté, l'autre peut se faire habiliter par justice à le
représenter, d'une manière générale, ou pour certains actes particuliers, dans l'exercice des pouvoirs résultant du régime matrimonial ».

(949) Art. 88 et s. C. civ.

(950) Quant à l'adoption d'enfants mineurs, il est vrai que l'on imagine mal, en l'état actuel des mœurs françaises, qu'elle puisse avoir lieu
sans qu'un contrôle soit effectué par une autorité. Cependant, là encore, on pourrait concevoir que ce contrôle soit purement
administratif.

(951) Par exemple, l'habilitation d'un époux prévue par l'article 219 du Code civil.(952) Par exemple, l'adoption.

(953) Par exemple, l'homologation d'une convention de changement de régime matrimonial prévue par l'article 1397 du Code civil.

(954) V. infra, no 440.

(955) L'intérêt (assez faible) de recourir à une telle simulation est que l'accord sera constaté dans une décision dotée de l'autorité de la
chose jugée (v. infra, au texte) et de la force exécutoire et qu'une fois les délais de recours écoulés, elle sera inattaquable, contrairement
à un contrat ordinaire. La simulation mise en œuvre par les parties fait qu'il est impossible de détecter, à la lecture, le jugement
d'expédient et donc de savoir combien il en est rendu chaque année. On peut penser cependant que de tels jugements n'existent qu'en
très petite quantité. Le recours au jugement d'expédient pourrait être recommandé dans l'hypothèse suivante : au cours d'un procès réel,
l'une des parties reconnaît que son adversaire a raison. On peut imaginer que l'autre partie souhaite néanmoins que l'instance donne lieu à
un jugement pour prévenir toute contestation future. Les deux parties vont alors faire semblant d'être toujours en désaccord pour que le
juge statue.

(956) V. R. COLSON, « Contrat judiciaire », Rép. Dalloz pr. civ. 2007. Comme le relève justement cet auteur, la notion de jugement de
donné acte est plus large que celle de contrat judiciaire, car on peut donner acte à une partie d'une déclaration qu'elle a faite (de
renonciation, de reconnaissance d'un fait...) qui ne s'analyse pas forcément en un accord passé avec l'adversaire. Cela étant, on assimile
fréquemment les deux expressions et le contrat judiciaire est bien une forme de jugement de donné acte.

(957) Le jugement de donné acte constitue une bonne illustration du danger qu'il y a à définir le jugement gracieux de façon négative, par
rapport au jugement contentieux. Il est évident que cette conception indûment extensive du jugement gracieux contribue à fausser la
notion de juridiction gracieuse (sur laquelle, v. infra, no 334).

(958) Sa validité dépend tout de même, évidemment, du respect des conditions posées par le droit des contrats : cause licite, caractère
disponible des droits etc. Sur ce point, v. R. COLSON, art. préc. no 49 et s.
(959) On a pu aussi comparer le rôle du juge, en cas de donné acte, à celui d'un notaire : « il dresse l'instrumentum, mais il n'est pas
l'auteur du negotium » (G. WIEDERKEHR, « Le rôle de la volonté dans la qualification des actes judiciaires », Mélanges Rieg, Bruylant,
2000, p. 891).

(960) V. supra, no 313.(961) Civ. 2e, 14 avril 1988, Bull. civ. II, no 79.(962) Civ. 3e, 4 mars 1998, Bull. civ. III, no 56.

(963) Art. 1397 C. civ. Il ne faut pas confondre cette action avec « l'opposition » que peuvent former un enfant majeur ou un créancier
d'un époux, avant que la convention matrimoniale soit parfaite. Rappelons que cette « opposition » n'élève pas le contentieux : elle n'a
pour but et pour effet que de faire basculer le changement de régime dans la catégorie de ceux qui sont soumis à l'homologation du juge,
c'est-à-dire à sa juridiction gracieuse (v. supra, no 321, en note).

(964) Sur les difficultés posées par cette élévation, v. P. CALLÉ, « L'élévation du contentieux », Procédures 2003, chr. no 6.

(965) V. infra, no 439 et s., pour l'application de ces principes aux ordonnances sur requête.

(966) V., le numéro 9 de la revue Droits, consacré à la fonction de juger. Les articles de MM. S. Rials et O. Gohin sont particulièrement
significatifs des préoccupations et des recherches de la doctrine publiciste.

(967) CARRÉ DE MALBERG, Contribution à la théorie générale de l'État, Paris, 1920-1922, t. 1, p. 268 et s.

(968) DUGUIT , « L'acte administratif et l'acte juridictionnel », RDP 1906.451.

(969) P. HÉBRAUD, « Commentaire de la loi du 15 juillet 1944, sur la chambre du conseil », D. 1946, L., p. 333.

(970) Sur ce point, v., en particulier, I. BALENSI, « L'homologation judiciaire des actes juridiques », RTD civ. 1978, p. 42 et 233.

(971) G. BRULLIARD, « L'évolution de la notion de juridiction dite "gracieuse" ou "volontaire" et de celle de juridiction d'après les récents
travaux de la doctrine italienne », RID comp. 1957, p. 5.

(972) V. supra, no 328.

(973) Cf., en particulier, H. MOTULSKY, « Les actes de juridiction gracieuse en droit international privé », Travaux du Comité français de
droit international privé, 1948-1952, p. 13 et s.

(974) M. BANDRAC, « De l'acte juridictionnel, et de ceux des actes du juge qui ne le sont pas », Mélanges Drai, Dalloz, 2000, p. 174.

(975) V. art. 61-2 et 61-3 C. civ.(976) V. supra, no 314.

(977) Un hommage doit être rendu à Raymond Martin, qui, très tôt, a perçu l'importance de la saisine d'office pour la détermination de la
nature de l'acte du juge : V. R. MARTIN, « La saisine d'office du juge (essai sur sa signification) », JCP 1973, IV, no 6316. Depuis lors,
v. P. CAGNOLI, Essai d'analyse processuelle du droit des entreprises en difficulté, thèse, LGDJ, 2002, no 315 et s. ; G. WIEDERKEHR,
« Le juge gérant », Mélanges D. Tricot, coéd. Dalloz et Litec, 2011, p. 385.

(978) Art. 391 C. civ.

(979) Ou encore l’intérêt des salariés ou des créanciers. Sur les objectifs du droit des procédures collectives, v. art. L. 631-1 C. com.

(980) R. P ERROT , obs. à propos de Civ. 2e, 20 novembre 2003 (Bull. civ. II, no 343), RTD civ. 2004, p. 140. Selon cet arrêt, l'ordonnance
par laquelle le premier président rend exécutoire le rôle des cotisations (v. art. L. 723-9 CSS) n'est pas de nature juridictionnelle.

(981) V. P. CAGNOLI, thèse préc., no 213 et s.

(982) V. P. CAGNOLI, ibid., no 413 et s. Ex. : l'ordonnance rendue sur le fondement de l'article L. 723-9 du Code de la sécurité sociale ne
constitue pas une ordonnance sur requête susceptible d'être rétractée (Civ. 2e, 20 novembre 2003, supra, no 335).

(983) V. P. CAGNOLI, ibid., no 435 et s.

(984) V. art. L. 312-6-1 COJ (issu de la loi no 2009-526 du 12 mai 2009) et art. 1239 et s. CPC (issus du décret no 2009-1628 du
23 décembre 2009).

(985) V. art. 399 et 456 C. civ.


(986) Les auteurs de la réforme n'ont sans doute pas perçu la portée théorique du choix de l'appel comme recours contre les décisions du
conseil de famille. Il est vrai qu'ils ont été précédés dans cette voie hasardeuse par la loi no 2007-308 du 5 mars 2007 qui a permis aux
créanciers de la personne protégée de former tierce opposition contre les autorisations du conseil de famille (v. art. 499 C. civ.), en cas
de fraude à leurs droits.

(987) Sur l'ensemble des questions abordées ci-après, v. C. BLÉRY, L'efficacité substantielle des jugements civils, thèse, LGDJ, 2000 ;
H. P ÉROZ, La réception des jugements étrangers dans l'ordre juridique français, thèse, LGDJ, 2005.

(988) Comp. P. MAYER, La distinction entre règles et décisions et le droit international privé, Paris, 1973, no 21 et s. L'auteur ajoute à
la démonstration ici reproduite cette remarque (op. cit., no 24), sur les jugements déclaratifs, qui nous semble dotée d'une très grande
force : « à moins de les tenir pour inexistants, il faut bien admettre qu'ils (les jugements) ajoutent quelque chose aux règles qu'ils
appliquent ».

(989) H. P ÉROZ, thése préc., no 17.

(990) Mlle P ÉROZ (thèse préc. no 17 et s.) analyse l'efficacité substantielle de la manière suivante : celle-ci comporte d'une part, la
proclamation du droit subjectif (laquelle regroupe l'individualisation et l'inconditionnalisation) et, d'autre part, sa concrétisation, laquelle
n'est pas un élément indispensable. Par exemple, quand un juge condamne l'auteur d'un dommage à indemniser sa victime, il ne peut se
borner à proclamer que celui-là est « responsable » envers celui-ci : cette proclamation appelle une concrétisation consistant en une
condamnation à verser tant d'euros. Mais, à l'inverse, lorsque le juge rend un jugement déclaratif de paternité naturelle, il se borne à
proclamer que X est l'enfant de Y : sauf demande complémentaire de condamnation à une pension alimentaire, il n'opère aucune
concrétisation d'un droit du demandeur.

(991) H. MOTULSKY, Principes d'une réalisation méthodique du droit privé, Paris, 1948, rééd. Dalloz 2002, no 44 et s.

(992) En revanche, ce jugement bénéficie de l'autorité de la chose jugée.

(993) Pour de plus amples explications, v. H. P ÉROZ, thèse préc., no 71 et s.

(994) Dans la majorité des cas, la décision du juge est conforme à ce que prévoit la règle de droit. Éventuellement, elle peut ne pas l'être.
Peu importe dans le présent exemple que le contrat ait été réellement nul au regard de la règle de droit. Ce qui compte, c'est que le juge
ait dit qu'il l'était ; cela suffit pour qu'il le soit par l'effet de la décision.

(995) On remarquera cependant que cette mise à l'écart n'est que partielle. Entre les époux, la dissolution de la communauté remonte,
selon le type de divorce, à la date de l'ordonnance de non-conciliation ou à celle de l'homologation de la convention réglant les
conséquences du divorce (art. 262-1 C. civ.). De la même façon, c'est une raison de commodité qui justifie que le juge qui accorde des
dommages-intérêts compensatoires se place au moment où il statue et non au moment où s'est produit le dommage. Si le jugement était
déclaratif, le juge devrait se placer au moment du dommage pour fixer le montant monétaire de la créance et ensuite soit indexer la
somme, soit calculer les intérêts de la somme. Rien ne justifie une telle complication, puisque la somme ne sera versée qu'après le
jugement.

(996) Art. 260 C. civ.

(997) On ne peut donc souscrire à la solution retenue par un arrêt de la Cour de cassation selon lequel un jugement prononçant la
résiliation judiciaire d'un bail rural n'empêche l'ancien preneur d'exercer son droit de préemption qu'à partir du moment où ce jugement lui
a été notifié : Cass. Mixte, 16 décembre 2005, no 03-12206, JCP G 2006, II, 10093, note K. SALHI, Procédures 2006, no 46, note
R. P ERROT , Dr. et procéd. 2006, p. 154, obs. E. P UTMAN. À rapprocher (en matière de divorce) : Civ. 2e, 14 septembre 2006, no 04-20602,
RTD civ. 2006, p. 824, obs. R. P ERROT , Dr. et procéd. 2007, p. 25, obs. O. SALATI.

(998) Sur la notion de jugement gracieux, v. supra, no 317 et s.(999) V. infra, no 518 et s.

(1000) Lorsque l'action en recouvrement de la créance en cause n'est pas soumise à une prescription plus longue, s'applique la
prescription décennale qui joue de façon uniforme pour tous les jugements quel qu'en soit l'objet (v. art. L. 111-4 CPCE). Jusqu'à la loi
no 2008-561 du 17 juin 2008, les jugements se prescrivaient par trente ans. En réalité, ce sont les droits et obligations proclamés par le
juge qui se prescrivent par dix ans (naguère par trente), car la prescription n'affecte que des droits et des obligations. Si un acte juridique
peut être caduc, il ne peut pas être, à proprement parler, prescrit.

(1001) Sur ces divers attributs, v. C. BLÉRY, thèse préc., no 212 à 350.
(1002) C. BLÉRY, thèse préc., no 168 et s., spécialement no 206 et s. ;

(1003) Ex. : Com., 5 octobre 2010, no 09-70218, RTD civ. 2011, p. 174, obs. R. P ERROT . En l'espèce, il est jugé que la compensation
opérée par un jugement, avant ouverture de la procédure collective d'une des parties, a entraîné immédiatement extinction de la créance
du demandeur, si bien qu'il n'y avait pas lieu à déclaration de cette créance à la procédure collective du débiteur. On voit bien que la
compensation constitue l'effet même du jugement. Malgré tout, la Cour de cassation justifie cette solution par référence au fait que le
jugement avait acquis, dès son prononcé, autorité de la chose jugée et qu'étant assorti de l'exécution provisoire, il avait force exécutoire.
Tout ceci est exact, mais l'autorité de chose jugée n'explique rien. En réalité, c'est parce que le jugement avait produit son
effet substantiel que la créance était éteinte.

(1004) V. infra, no 354.(1005) Art. 488 CPC, sur lequel, v. infra, no 372.

(1006) Soc., 21 juillet 1986, Bull. civ. V, no 406. Dans le même sens, il a été jugé que, même si c'est à tort que le juge des référés a
ordonné la suspension d'une clause résolutoire et accordé des délais de paiement, l'effet substantiel qui s'y attache fait obstacle à ce que
l'on puisse reprocher à une partie d'avoir enfreint les stipulations du contrat, en se conformant à la décision du juge. L'effet substantiel de
la décision apparaît ici de la façon la plus nette qui soit : même si c'est de façon provisoire, le droit issu de la décision a pris la place du
droit issu du contrat (Civ. 3e, 4 juillet 1978, Bull. civ. III, no 275).

(1007) Autrement dit, l'ordonnance de référé entraîne réellement un effet substantiel, mais cet effet substantiel se trouve affecté par le
caractère provisoire de la décision rendue par le juge des référés. Si l'on doit considérer que le salarié fait partie de l'entreprise (c'est
l'effet substantiel du jugement), son droit demeure fragile.

(1008) Sur la force exécutoire du jugement, v. infra, no 518 et s.

(1009) C'est le cas en particulier des jugements relatifs à l'état et à la capacité des personnes. Ces jugements étrangers sont également
dotés de plein droit de l'autorité de la chose jugée. Les deux vont de pair : ces deux effets sont liés au caractère d'acte juridictionnel du
jugement par opposition à la force exécutoire. On remarquera qu'inversement, pour être exécutoires en France, les actes notariés reçus à
l'étranger doivent comme les jugements obtenir l'exequatur. L'exequatur est lié à ce que le jugement est un titre. Sur toutes ces questions,
v. P. MAYER et V. HEUZÉ, Droit international privé, Domat, 11e éd., 2014, no 372 et s.

(1010) Règlement no 2201/2003 du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière
matrimoniale et en matière de responsabilité parentale (droit de visite et autorité parentale). V. spécialement les articles 28 et s.

(1011) Il en va de même pour les décisions étrangères rendues dans le domaine du règlement no 4/2009 du 18 décembre 2008 précité en
note.

(1012) Règlement CE no 805/2004 du 21 avril 2004. V. K. H. BELTZ, « Le titre exécutoire européen (TEE) », D. 2005, chr., p. 2707 ;
C. NOURISSAT , « Le règlement (CE) no 805/2004 du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 portant création d'un titre
exécutoire européen pour les créances incontestées », Procédures 2005, Étude no 10 ; H. P ÉROZ, « Le règlement CE no 805/2004 du
21 avril 2004 portant création d'un titre exécutoire européen pour les créances incontestées », Clunet 2005, p. 637 ; M. NIOCHE, in Droit
processuel civil de l’Union européenne, LexisNexis, 2011, p. 161.

(1013) V. art. 5 règl. CE no 805/2004 préc.(1014) Sur la notion de créance incontestée, v. art. 3, 12 et s. règl. CE no 805/2004 préc.

(1015) V. art. 2 règl. CE no 805/2004 préc.(1016) Protocole du 23 novembre 2007 sur la loi applicable aux obligations alimentaires.

(1017) Art. 17 règl. CE no 4/2009 du 18 décembre 2008. En France, les décisions rendues dans un État membre non lié par le protocole
de La Haye de 2007 relèvent de l'article 509-2 CPC (v. art. 26 régl. no 4/2009).

(1018) Règl. CE no 1896/2006 du 12 décembre 2006, sur lequel, v. les explications de C. NOURISSAT , Procédures 2007, étude no 10.
Adde : E. GUINCHARD, « L'injonction de payer européenne à la recherche de son succès », Dr. et procéd. 2010, supplément au no 10,
p. 46. Sur ce texte, v. aussi S. AMRANI-MEKKI, in Droit processuel civil de l’Union européenne, LexisNexis, 2011, p. 249.

(1019) Sur laquelle, v. infra, no 578 et s.


(1020) Cependant, sur divers points, les procédures d'injonction de payer française et européenne se distinguent l'une de l'autre. Pour ne
donner qu'un exemple, la requête en injonction de payer européenne doit décrire les éléments de preuve invoqués par le demandeur
(art. 7 règl. no 1896/2006. Concrètement, elle indiquera qu'il s'agit de témoignages, d'une reconnaissance de dette, etc.), mais le
demandeur n'a pas à les produire. À l'inverse, dans la procédure française interne, la requête est accompagnée des documents
justificatifs (art. 1407 CPC).

(1021) Art. 1424-14 CPC.(1022) Hormis le Danemark.(1023) Règl. CE no 861/2007 du 11 juillet 2007.

(1024) Art. 5 règl. no 861/2007. Et si une partie demande la tenue d'une audience, le juge peut la lui refuser s'il estime qu'elle est
« manifestement inutile pour garantir le déroulement équitable de la procédure ».

(1025) Ce certificat est établi sur un formulaire spécial (art. 20 règl. no 861/2007). Si la décision est rendue par une juridiction française,
le certificat sera délivré à la partie requérante par le greffier de cette juridiction (art. 1390 CPC).

(1026) Hormis le Danemark.(1027) Art. 15 règl. no 861/2007.(1028) Art. 21 règl. no 861/2007.

(1029) Règlement (UE) no 1215/2012 du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des
décisions en matière civile et commerciale. V. spécialement les articles 36 et s.

(1030) V. anc. art. 509-2 CPC.

(1031) Art. 58 et 60 du règlement 1215/2012 et art. 509-3 CPC. Sur les actes notariés, v. V. LEGRAND, « Justice, notariat : quel est
l’impact du règlement Bruxelles 1 ? », JCP N 2015, 1082. En revanche, il faut encore s’adresser au président de la chambre des notaires
pour que la force exécutoire soit conférée à un acte notarié étranger relevant du domaine du règlement nº 4/2009 du 18 décembre 2008
relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions et la coopération en matière d’obligations
alimentaires.

(1032) Les présents développements s'inspirent largement de la thèse de M. D. TOMASIN, Essai sur l'autorité de la chose jugée en
matière civile, LGDJ, 1975.

(1033) C'est-à-dire : « la chose jugée est considérée comme étant la vérité ».

(1034) V. Th. LE BARS, « Autorité positive et autorité négative de chose jugée », Procédures 2007, étude no 12.

(1035) Sur la genèse et l'évolution des autorités positive et négative de chose jugée, v. P. MAYER, « Réflexions sur l'autorité négative de
chose jugée », Mélanges J. Héron, LGDJ, 2008, p. 331, no 6 et s.

(1036) À supposer, bien sûr, qu'il y ait également identité de parties et d'objet.

(1037) On verra (infra, no 364) que le jugement bénéficie de l'autorité de la chose jugée indépendamment de sa valeur. On peut ainsi
imaginer (même si c'est tout à fait invraisemblable) que le juge dise que la connaissance des vices affectant son titre n'empêche pas le
possesseur d'être de bonne foi et qu'en l'espèce, il l'est pour telle ou telle raison. Il devra être admis désormais que les faits relevés par le
juge ont laissé le possesseur de bonne foi au regard de l'article 2272 du Code civil.

(1038) V. supra, no 342 et s.(1039) V. supra, no 342.

(1040) Cass. Ass. plén., 7 juillet 2006, no 04-10672, RTD civ. 2006, p. 825, obs. R. P ERROT , Dr. et procéd. 2006, p. 348, obs. N. FRICERO,
D 2006, p. 2135, note L. WEILLER, JCP G 2007, II, 10070, note G. WIEDERKEHR. Dans le même sens : Civ. 1re, 16 janvier 2007, Bull. civ. I,
no 18 ; Civ. 2e, 25 octobre 2007, Bull. civ. II, no 241, RTD civ. 2008, p. 159, obs. R. P ERROT . Sur l'arrêt Cesareo, v. les critiques
de G. BOLARD, « L'office du juge et le rôle des parties : entre arbitraire et laxisme », JCP G 2008, I, 156, S. GUINCHARD, « L'autorité de la
chose qui n'a pas été jugée à l'épreuve des nouveaux principes directeurs du procès civil et de la simple faculté pour le juge de « changer
le fondement juridique des demandes » », Mélanges G. Wiederkehr, Dalloz, 2009, p. 379 et Ph. THÉRY, « Le litige en droit judiciaire
privé. Petits exercices de procédure élémentaire », Mélanges S. Guinchard, Dalloz, 2010, p. 853, spéc. no 14 et s. Mais, pour une
défense de l'arrêt Cesareo, v. le remarquable article de P. MAYER, « Réflexions sur l'autorité négative de chose jugée », Mélanges
J. Héron, LGDJ, 2008, p. 331, no 12 et s., ainsi que T. MOUSSA, « La délimitation de la chose jugée au regard de la matière litigieuse
(demande et moyens, objet et cause) », in L’autorité de la chose jugée (dir. L. CADIET et D. LORIFERNE), IRJS Editions, 2012, p. 23 et s.

(1041) Ex. : Civ. 3e, 13 février 2008, no 06-22093, Dr. et procéd. 2008, p. 214, obs. M. DOUCHY-OUDOT ; Com., 12 novembre 2008, no 08-
10138 ; Civ. 1re, 1er juillet 2010, no 09-10364, Dr. et procéd. 2010, p. 271, obs. Ch. LEFORT ; Civ. 2e, 12 juillet 2012, nº 11-20587.
(1042) Com., 28 octobre 2008, no 07-18063. À rapp. : Civ. 2e, 19 février 2009, no 08-11554.

(1043) Civ. 2e, 13 novembre 2014, nº 13-15642, Procédures 2015, nº 2, note H. CROZE. Cette solution est quelque peu choquante au sein
d’une même instance d’appel.

(1044) Ex. : La prise en charge d'un décès au titre de la législation professionnelle (Civ. 2e, 19 février 2009 préc. en note) ou l'annulation
d'une procédure de saisie (Com., 28 octobre 2008 préc. en note).

(1045) Ex. : Un accident intervenu à tel endroit, tel jour...(1046) Civ. 3e, 9 décembre 1981, Bull. civ. III, no 210.

(1047) En ce sens, v. not. G. WIEDERKEHR, note préc., JCP G 2007, II, 10070 et S. GUINCHARD, « L'autorité de la chose qui n'a pas été
jugée... », Mélanges G. Wiederkehr, 2009.

(1048) Com., 29 janvier 1985, Bull. civ. IV, no 37 ; Civ. 3e, 28 octobre 1992, Bull. civ. III, no 280. On remarquera qu'en fait, l'autorité de
la chose jugée joue de façon plus rigoureuse à l'encontre du défendeur que du demandeur qui a pu prendre le temps pour rassembler les
éléments de preuve qui lui sont favorables, alors que le défendeur a dû réunir les siens dans la (relative) précipitation du procès.

(1049) Sous réserve d'un éventuel recours en révision qui suppose des conditions (v. art. 595 CPC) non remplies dans cet exemple.

(1050) Supra, no 355.

(1051) Civ. 3e, 13 février 2008, no 06-22093 préc. ; à rappr : Com., 12 novembre 2008, no 08-10138 préc. ; Com., 25 octobre 2011, no 10-
21383, Procédures 2012, no 15, note B. ROLLAND ; Civ. 1re, 1er juillet 2010, no 09-10364 préc.

(1052) Comme on a pu l'écrire, la cause au sens de la jurisprudence Cesareo a phagocyté l'objet de la demande : I. et
C. DELICOSTOPOULOS, « L'autorité de la chose jugée et les faits », Mélanges S. Guinchard, Dalloz, 2010, spéc. p. 687.

(1053) Civ. 1re, 28 mai 2008, no 07-13266, JCP G 2008, II, 10170, note G. BOLARD, RTD civ. 2008, p. 551, obs. R. P ERROT .

(1054) Ex. : Civ. 2e, 23 septembre 2010, no 09-69730, JCP G 2010, 1052, note E. JEULAND, RTD civ. 2011, p. 586, obs. Ph. THÉRY. Rendu
à propos d'une action en responsabilité contre une banque qui avait obtenu la condamnation de son client à lui verser une certaine somme,
cet arrêt décide que l'action en responsabilité est recevable car elle n'a pas le même objet que la précédente (ceci contredit ouvertement
la solution retenue par Civ. 1re, 1er juillet 2010, no 09-10364 préc. en note et également commenté par MM. Jeuland et Théry). V. aussi
Civ. 2e, 26 mai 2011, no 10-16735, JCP G 2011, 861, note Y.-M. SERINET ; Civ. 3e, 10 novembre 2009, no 08-19756, Procédures 2010,
no 13, note J. JUNILLON, JCP G 2010, 83, note C. BLÉRY. La troisième chambre civile considère, très classiquement, que la décision qui a
statué sur une demande en bornage n'a pas eu à trancher la question de propriété de la parcelle et ne fait pas obstacle à une action en
revendication.

(1055) Sur le rejet, par la jurisprudence, de la théorie des motifs décisoires, v. infra, no 376.

(1056) Cass. Ass. plén., 13 mars 2009, no 08-16033, JCP G 2009, II, 10077, note Y.-M. SERINET , RTD civ. 2009, p. 366, obs. R. P ERROT .

(1057) Civ. 1re, 7 janvier 1976, Bull. civ. I, no 7.

(1058) La possibilité pour le propriétaire du fonds dominant de se prévaloir contre l'acquéreur du fonds de la servitude instituée par le
jugement n'est pas liée à l'autorité de la chose jugée : c'est l'effet substantiel du jugement. En revanche, c'est l'autorité de la chose jugée
qui fait que le nouvel acquéreur ne pourra pas contester toutes les constatations de fait et les déductions juridiques qui en ont été tirées
pour l'établissement de la servitude, l'empêchant ainsi de former une tierce opposition contre le jugement établissant la servitude (sur les
rapports entre la tierce opposition, l'efficacité substantielle et l'autorité de la chose jugée, v. infra, no 913 et s.).

(1059) V., par exemple, Com., 18 novembre 1958, Bull. civ. III, no 397.

(1060) Traditionnellement, on juge aussi que le jugement rendu contre le débiteur principal a l'autorité de la chose jugée à l'encontre des
cautions solidaires (Ex : Com., 18 octobre 1982, Bull. civ. IV, no 316 ; Civ. 1re, 14 février 1990, Bull. civ. I, no 42). Sur cette question,
Ph. SIMLER et Ph. DELEBECQUE, Droit civil. Les sûretés. La publicité foncière, Dalloz, Précis, 6e éd., 2012, no 194. Cependant, cette
solution devrait logiquement être abandonnée, à la suite d’un arrêt de la Cour de cassation qui a ouvert la tierce opposition à la caution
solidaire (Com., 5 mai 2015, nº 14-16644, sur lequel, v. infra, nº 918).

(1061) V. Civ. 2e, 21 janvier 2010, no 08-17707.(1062) V. infra, no 918.


(1063) V. déjà au XIXe siècle, Cass. Civ., 1er décembre 1885, Bull. civ., nº 212. Cette solution ne saurait être approuvée (v. infra,
no 918). Son fondement textuel n'est guère solide. Les articles 1204 et suivants du Code civil n'impliquent absolument pas que les
coobligés solidaires soient « représentés » en justice les uns par les autres comme le décide la Cour de cassation. On devrait considérer
que les dispositions énoncées par ces textes sur l'interruption de la prescription et le point de départ des intérêts moratoires constituent
autant d'exceptions aux principes de droit commun. Or c'est l'inverse que fait la Cour de cassation. Elle considère que ces textes ne font
que manifester un principe général permettant au créancier de ne poursuivre que celui des débiteurs qu'il souhaite (le plus naïf ou le
moins coriace, évidemment) pour qu'ensuite les autres codébiteurs se trouvent dépourvus de tout moyen de se défendre en dehors du cas
de fraude.

(1064) L'analyse des jugements rendus sur l'état des personnes en termes d'autorité absolue de la chose jugée n'a pas complètement
disparu. Ex. : H., L. et J. MAZEAUD et F. CHABAS, Leçons de droit civil. Introduction à l'étude du droit, Montchrestien, 12e éd., 2000,
no 387-2.

(1065) La seule originalité des jugements rendus en matière d'état des personnes est que leur efficacité substantielle est plus
fréquemment invoquée que celle des jugements ordinaires.

(1066) Sur cette question, v. N. FRICERO, « Autorité du jugement », Droit et pratique de la procédure civile, Dalloz Action 2014/2015,
no 421.132.

(1067) V. art. 29-5 C. civ. Le texte énonce maladroitement qu'ils « ont effet » à l'égard des tiers, mais c'est une façon de dire que leur
dispositif leur est opposable.

(1068) Ex. : R. P ERROT , Institutions judiciaires, Montchrestien, Domat, 15e éd., 2012, no 603.

(1069) Ex. : Civ. 1re, 28 mars 1995 (2 arrêts), Bull. civ. I, no 139 : selon la Cour de cassation, la caution (premier arrêt) condamnée par
une décision irrévocable à payer une somme au créancier, ne peut plus, au stade de l'exécution de cette décision, contester en justice la
validité du contrat passé entre le débiteur principal et le créancier. C'est exact, car l'effet substantiel du jugement de condamnation
prononcé contre la caution s'impose désormais à elle. Mais il est inexact de dire, comme le fait en l'espèce la Cour, que c'est l'autorité de
chose jugée qui s'oppose à la demande d'annulation du contrat.

(1070) Civ. 1re, 15 novembre 1978, Bull. civ. I, no 348.

(1071) La décision critiquable peut avoir été rendue par le juge lui-même (au cours de la même instance) ou par un autre juge (au cours
d'une instance précédente).

(1072) Civ. 1re, 22 juillet 1986, Bull. civ. I, no 225. En l'espèce, la Cour de cassation a cassé l'arrêt d'une cour d'appel qui avait tenté de
revenir sur une erreur qu'elle avait commise dans une précédente décision (rendue au cours de la même instance) qui n'avait pas fait
l'objet d'un pourvoi en cassation.

(1073) Signalons, au passage, qu'en vertu des articles 544, alinéa 2, et 545 CPC, ce type de jugement ne peut être frappé d'un appel
immédiat (sans attendre le jugement sur le fond) que s'il met fin à l'instance. Dans le cas contraire, l'appel contre la décision relative à
l'incident ne pourra être formé qu'en même temps que l'appel de la décision au fond.

(1074) Civ. 2e, 30 mars 2000, Bull. civ. II, no 55.

(1075) Sur ce point, v. spécialement D. TOMASIN, Essai sur l'autorité de la chose jugée en matière civile, LGDJ, 1975.

(1076) Civ. 2e, 25 mars 1985, Bull. civ. II, no 74 ; Com., 12 mars 1996, Bull. civ. IV, no 83.

(1077) On parle encore parfois en pratique de l'exception de chose jugée. Ce n'est là qu'un souvenir du droit romain où toutes les
défenses étaient indifféremment qualifiées d'exceptions. Techniquement, cette « exception » est une véritable fin de non-recevoir
(comme l'indique expressément l'article 122 du Code de procédure civile), avec toutes les conséquences qui en résultent pour son
régime : en particulier, elle peut être invoquée en tout état de cause et indépendamment de tout grief.

(1078) Civ. 2e, 24 novembre 1976, Bull. civ. II, no 315 ; Civ. 2e, 10 avril 1995, Bull. civ. II, no 121.

(1079) Civ. 1re, 19 mai 1976, Bull. civ. I, no 184, RTD civ. 1976, p. 820, obs. J. NORMAND.

(1080) Civ. 1re, 7 avril 1976, Bull. civ. I, no 113 ; Civ. 1re, 29 octobre 1990, Bull. civ. I, no 225.
(1081) Civ. 2e, 27 février 1985, Bull. civ. II, no 47.

(1082) Com., 26 juin 1984, Bull. civ. IV, no 205 ; Civ. 1re, 29 octobre 1990, Bull. civ. I, no 225 ; Civ. 2e, 10 mars 1993, Bull. civ. II, no 93.

(1083) Sur la théorie des moyens dans la cause (ou dans le débat), v. supra, no 309.

(1084) L'autorité positive de la chose jugée suppose que le fait soit appréhendé de la même façon dans les deux affaires. Ici, c'est le cas,
le présupposé de l'article 2272 du Code civil retient une notion de mauvaise foi qui recouvre la mauvaise foi de l'article 550 du même
code : si le possesseur connaissait les vices de son titre au moment de son entrée en possession, il les connaissait encore au moment
postérieur à son entrée en possession où il a perçu les fruits.

(1085) Mais l'inverse n'est pas vrai, parce que, pour ce qui est de la prescription acquisitive, la mauvaise foi s'apprécie exclusivement au
moment de l'entrée en possession. Si le possesseur est de mauvaise foi au moment de l'entrée en possession, il le reste nécessairement
par la suite. En revanche, on peut imaginer qu'une personne soit de bonne foi en 1960 lorsqu'elle entre en possession, qu'elle n'apprenne
les vices de son titre qu'en 1965 et qu'elle ne commence à percevoir des fruits qu'en 1970. Ce qui peut être jugé sur sa mauvaise foi en
1970 n'a aucune incidence sur le jeu de la prescription acquisitive abrégée. De cet exemple, peuvent être tirées deux petites leçons. La
première est qu'il faut se méfier des mots. La circonstance que le même mot figure dans deux textes différents ne permet pas de tirer
automatiquement des conséquences pour ce qui est de l'autorité de la chose jugée. Il faut encore que le même mot recouvre la même
réalité dans les deux textes, ce qui n'est pas toujours le cas, tant s'en faut : on ne compte plus les termes qui reçoivent des acceptions
différentes selon le contexte où on les rencontre. La seconde leçon est que, si les principes applicables pour la détermination de l'identité
de cause relèvent du droit judiciaire privé, sa mise en œuvre concrète dans tel ou tel cas repose essentiellement sur la connaissance et la
compréhension de la matière concernée (par exemple le droit immobilier).

(1086) H. VIZIOZ, Études de procédure, p. 254, no 56 ; D. TOMASIN, Essai sur l'autorité de la chose jugée en matière civile, thèse,
LGDJ, 1975, no 287 et s. ; C. BLÉRY, L'efficacité substantielle des jugements civils, thèse, LGDJ, 2000, no 191 et s. ; F. KERNALEGUEN,
Institutions judiciaires, LexisNexis, 5e éd., 2012, no 29 ; S. GUINCHARD, C. CHAINAIS et F. FERRAND, Procédure civile, Dalloz, Précis,
32e éd., 2014, no 1092 et s. ; O. STAES, Droit judiciaire privé, Ellipses, 2006, no 313 ; Th. LE BARS, « Autorité positive et autorité négative
de chose jugée », Procédures 2007, étude no 12.

(1087) Ex. : acte civil ou acte de commerce, contrat de travail ou mandat, etc.

(1088) Tel n'est pas le cas d'une juridiction d'instruction qui trancherait un incident de procédure. En ce sens, v. not. Cass. Mixte,
10 octobre 2008, no 04-16174, JCP G 2008, II, 10199, note J. WALTHER.

(1089) V. J.-H. ROBERT , « L'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil », Procédures 2007, étude no 19 ; A. BOTTON, Contribution à
l'étude de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil, thèse, LGDJ, 2010.

(1090) Ex. : R. P ERROT , Institutions judiciaires, Montchrestien, Domat, 15e éd., 2012, no 603.

(1091) En ce sens : A. BOTTON, op. cit., no 82 et s. En outre, la proclamation de la culpabilité, qui relève selon nous de l'effet substantiel
et non pas de l'autorité de chose jugée (Contra : A. BOTTON, op. cit., no 100, en note), est opposable erga omnes.

(1092) Exemple emprunté à M. P ERROT .

(1093) Pour un autre exemple, v. Soc., 27 mars 2001, Bull. civ. V, no 105, D. 2002, J, p. 1170, note C. P UIGELIER : La juridiction
prud'homale doit tenir pour acquise l'existence d'un contrat de travail liant les parties, dès lors qu'à raison de leur relation, l'une d'elles a
été condamnée pénalement pour avoir employé l'autre clandestinement.

(1094) En ce sens : F. KERNALEGUEN, Institutions judiciaires, LexisNexis, 5e éd., 2012, no 28.

(1095) Ex : l’Autorité de la Concurrence. Sur cette règle, v. supra, nº 110.(1096) Civ. 1re, 4 janvier 1995, Bull. civ. I, no 7.

(1097) Civ. 1re, 18 juillet 1995, Bull. civ. I, no 330. On pourrait être tenté de voir également un cas d'autorité positive à propos d'un arrêt
de cour d'appel qui avait liquidé des astreintes alors que le contrat sur lequel était fondé le prononcé de ces astreintes avait été, entre-
temps, anéanti rétroactivement par une sentence arbitrale (Civ. 2e, 2 juillet 2009, no 08-12171). La Cour de cassation casse en effet cet
arrêt au visa d'un texte qui était relatif à l'autorité de chose jugée attachée aux sentences arbitrales (v. aujourd'hui art. 1484 CPC).
Cependant, en réalité, ce n'est pas l'autorité de la chose jugée qui avait été méconnue par la cour d'appel, mais l'effet substantiel de la
sentence (sur ce type de confusion, v. supra, no 348).
(1098) V. cependant, pour un cas assez évident d’autorité positive : Com., 5 février 2013, nº 12-12808.(1099) V. infra, no 377 et s.

(1100) Sur cette question, v. J. HÉRON, « Localisation de l'autorité de la chose jugée ou rejet de l'autorité positive de la chose jugée ? »,
Mélanges R. Perrot, Dalloz, 1995, p. 137, no 12 et s.

(1101) En ce sens : Soc., 13 décembre 1957, Bull. civ. IV, no 1243, p. 888.

(1102) V. C. BRENNER, « Les décisions dépourvues d'autorité de chose jugée », Procédures 2007, étude no 13.

(1103) Le caractère définitif du jugement s'apprécie dans le cadre de l'instance où il est rendu ; par l'effet de la règle du dessaisissement,
le juge ne peut plus, dans le cadre de cette instance, revenir sur ce qu'il a tranché (sur le dessaisissement du juge, v. infra, no 379 et s.).
Mais le jugement définitif n'est pas irrévocable, dès lors qu'il peut être remis en cause par une voie de recours. Ce n'est que lorsque les
voies de recours ont été épuisées ou qu'en raison de l'expiration des délais, elles ne peuvent plus être exercées que le jugement devient
irrévocable (v. Civ. 2e, 8 juillet 2004, Bull. civ. II, no 352, RTD civ. 2004, p. 775, obs. R. P ERROT ). Le jugement définitif s'oppose
simplement au jugement avant dire droit. Il n'a rien à voir avec le caractère irrévocable ou non de la décision. Sur l'irrévocabilité,
v. C. BOUTY, L'irrévocabilité de la chose jugée en droit privé, PUAM, 2008.

(1104) V. infra, no 376.

(1105) Les comparaisons comportent toujours des dangers. Le danger de celle-ci serait de croire que le juge peut dresser la liste dès le
début du procès. En réalité, le déroulement du procès peut conduire le juge à compléter sa liste au fur et à mesure que l'instance se
déroule et se complique.

(1106) Sur les ordonnances de référé, v. infra, no 411, et, sur les ordonnances du juge de la mise en état, no 578.

(1107) Sur ce thème, v. L. BORÉ, « L’autorité provisoire de la chose jugée », », in L’autorité de la chose jugée (dir. L. CADIET et
D. LORIFERNE), IRJS Éditions, 2012, p. 61.

(1108) Doit être considéré comme nouveau le fait postérieur au prononcé de l'ordonnance, mais aussi le fait antérieur qui n'a été révélé à
une partie qu'après ce prononcé. V., sur ce point, Civ. 3e, 16 décembre 2003, Bull. civ. III, no 230 et le commentaire qu'en fait
M. P ERROT , Procédures 2004, no 23.

(1109) Sur le dessaisissement limité du juge du provisoire, v. infra, no 379.(1110) V. notamment l'article 373-2-6 C. civ.

(1111) On constate ainsi qu'il existe une différence irréductible de nature entre le jugement rendu par un juge du provisoire et la
disposition provisoire qui se trouve dans un jugement rendu par un juge du principal. Le juge des référés ne statue qu'en fonction de faits
qui existent au jour de sa décision. A priori, il n'existe donc aucune raison pour que sa décision ne bénéficie pas de l'autorité de la chose
jugée. Elle ne s'en trouve privée que par l'effet de la loi : c'est le législateur qui, par sa volonté, lui confère ce caractère provisoire. À
l'opposé, le caractère provisoire de la décision du juge du principal sur la résidence des enfants tient à la « nature des choses ». Il ne
serait pas raisonnable de rendre intangible ce que le juge a décidé pour l'avenir en raison des seuls faits connus au jour de sa décision.

(1112) C'est ainsi que la Cour de cassation a justement décidé qu'en l'absence de changement constaté dans les conditions économiques,
le juge ne saurait modifier l'indice retenu pour une pension alimentaire (Civ. 2e, 16 janvier 1985, Bull. civ. II, no 11). La Cour de cassation
a, dans une autre décision, saisi l'occasion d'affirmer expressément qu'un jugement statuant sur une question d'aliments a autorité de
chose jugée relativement aux faits sur lesquels il a statué (Civ. 1re, 25 mai 1987, Bull. civ. I, no 159, D. 1987.605, note J. MASSIP).

(1113) Sur cette évolution et pour une analyse de cette formule, v. G. BOLARD, « Les jugements “en l’état” », JCP G 1997, I, 4003.

(1114) Civ. 3e, 23 mai 1991, nº 89-19318 ; Civ. 2e, 20 décembre 2007, nº 06-20961.

(1115) Ex : Civ. 2e, 3 juillet 2008, nº 07-16398 : une demande avait été déclarée irrecevable car prématurée. Si une nouvelle demande était
recevable, c’était pour cette raison et non parce que le tribunal avait déclaré la première demande « irrecevable en l’état ».

(1116) Sur cette qualification du jugement d'adjudication, v. supra, no 313. Pour une illustration de la confusion entre le jugement gracieux
et le procès-verbal pour l'autorité de la chose jugée, v. Civ. 1re, 14 juin 1988, Bull. civ. I, no 188. Le tribunal avait « homologué » à la
demande de toutes les parties un rapport d'expert rendu en matière successorale. En réalité, il n'avait fait que donner acte aux parties de
leur volonté de retourner devant le notaire liquidateur. On était en dehors de la matière gracieuse et la prétendue homologation n'en était
pas une, puisque le juge n'avait rien examiné.
(1117) En faveur d'une réponse affirmative, v. S. P IERRE, Ordonnance sur requête et matière gracieuse, thèse dact., Strasbourg, 2001.
Sur la nature contentieuse ou gracieuse de l'ordonnance sur requête de l'article 493 du Code de procédure civile, v. infra, no 437 et s.

(1118) Civ. 2e, 19 décembre 1998, non publié au Bulletin, RTD civ. 1999, p. 464, obs. R. P ERROT .

(1119) V. notamment Civ. 1re, 13 mai 1958, D. 1958.446.

(1120) V. I. BALENSI, « L'homologation judiciaire des actes juridiques », RTD civ. 1978, p. 42 et 233, spéc. no 77 et s.

(1121) V. Civ. 1re, 18 octobre 1988, Bull. civ. I, no 292 (à propos d'une convention franco-ivoirienne) ; Soc., 9 juin 1994, Bull. civ. V,
no 195 (à propos d'une convention franco-marocaine).

(1122) Civ. 1re, 27 octobre 1992, Bull. civ. I, no 272 ; Civ. 1re, 6 avril 1994, Bull. civ. I, no 141, Justices 1995, no 2, p. 283, obs.
G. WIEDERKEHR.

(1123) Comp. D. LE NINIVIN, La juridiction gracieuse dans le nouveau Code de procédure civile, Paris, 1983, no 104.

(1124) Sur la jurisprudence antérieure au Code de 1975, v. infra, no 508.(1125) Civ. 2e, 30 juin 1977, Bull. civ. II, no 175.

(1126) Ex. : Com., 14 janvier 1997, Bull. civ. IV, no 15 ; Civ. 2e, 22 janvier 2004, Bull. civ. II, no 15 ; Soc., 16 janvier 2008, Bull. civ. V,
no 2.

(1127) Sur la distinction de l'effet substantiel et de l'autorité de chose jugée des décisions juridictionnelles, v. supra, no 348.

(1128) Il est vrai que, pour dire si un jugement est un jugement définitif ou un jugement avant dire droit, la Cour de cassation utilise un
critère formaliste. Le recours à un tel critère se justifie par l'absence totale, dans le dispositif, d'énonciation tranchant une partie du litige.
La Cour veut que la seule lecture du dispositif permette aux parties de caractériser le jugement rendu. Reconnaître valeur aux motifs
décisoires serait obliger le plaideur à chercher dans les motifs un morceau de décision qui s'y serait éventuellement égaré. Reconnaître
l'autorité de la chose jugée aux motifs décisifs (qui sont le soutien nécessaire du dispositif) n'oblige à rien de tel. La démarche que doit
suivre le plaideur n'est pas la même : le plaideur commence par lire le dispositif et constate que le juge a tranché une partie du litige. Ce
n'est que dans un second temps qu'il va lire les motifs pour comprendre le dispositif, et uniquement pour cela. Alors que les motifs
décisoires seraient dotés d'une valeur qui leur serait propre, les motifs qui sont le soutien nécessaire du dispositif n'ont aucune autre
valeur que celle qu'ils tiennent du dispositif. En d'autres termes, il est légitime de rejeter le motif décisoire parce qu'il tend à combler une
lacune du dispositif, lacune qui peut tromper le justiciable, mais cette raison n'existe pas pour rejeter les motifs qui sont le soutien
nécessaire du dispositif.

(1129) Pour une réponse positive : v. L. CADIET et E. JEULAND, Droit judiciaire privé, LexisNexis, 8e éd., 2013, no 737. Cependant, dans
un sens moins favorable, v. S. GUINCHARD, C. CHAINAIS et F. FERRAND, Procédure civile, Dalloz, Précis, 32e éd., 2014, no 1108 et s. Et dans
un sens encore plus défavorable, P. JULIEN et N. FRICERO, Droit judiciaire privé, LGDJ, 5e éd., 2014, no 765.

(1130) Civ. 3e, 12 juillet 1988, Bull. civ. III, no 128, Audijuris 1989-24, obs. J. HÉRON : « si (...) seul ce qui est tranché dans le dispositif
d'un arrêt peut avoir l'autorité de la chose jugée, il convient, pour apprécier la portée de ce dispositif, de tenir compte des motifs qui sont
le support nécessaire de la décision ».

(1131) Ex. : Cass. Mixte, 6 juillet 1984, Bull. Mixte, no 1.

(1132) V., sur l'état de cette question dans les années 1980, J. NORMAND, RTD civ. 1988, p. 386, avec les références. Depuis lors, v., par
exemple : Civ. 1re, 8 juillet 1994, Bull. civ. I, no 240 ; Com., 14 janvier 1997, Bull. civ. IV, no 15 (cet arrêt précise que les motifs peuvent
« éclairer la portée du dispositif », mais sans avoir autorité de chose jugée. On s'engage dans des subtilités dignes de l'Empire romain
d'orient) ; Civ. 2e, 12 février 2004, Bull. civ. II, no 55 ; Civ. 3e, 8 juin 2010, no 09-66802.

(1133) V. J. HÉRON, « Localisation de l'autorité de la chose jugée ou rejet de l'autorité positive de la chose jugée ? », Mélanges R. Perrot,
Dalloz, 1995, p. 131 et s. Sur la notion d'autorité positive, v. supra, no 367.

(1134) Il est vrai que c'est bien ce qu'a commencé à faire la jurisprudence Cesareo (sur laquelle v. supra, no 355)...

(1135) Ex. : Com., 22 mars 1994, Bull. civ. IV, no 123 ; Cass. Ass. plén., 3 juin 1994, Bull. Ass. plén., no 4, D. 1994.394, concl. M. JÉOL.
Sur l'analyse de ces arrêts, v. J. HÉRON, art. préc., Mélanges R. Perrot, p. 133 et 134.
(1136) Civ. 1re, 12 juillet 2001, Bull. civ. I, no 216. Mais, contra : Civ. 3e, 22 mars 2006, no 05-12178, Procédures 2006, no 93, obs.
R. P ERROT ; Civ. 2e, 24 mai 2007, no 05-21732, RTD civ. 2007, p. 630, obs. Ph. THÉRY. Selon les deuxième et troisième chambres civiles,
la décision rendue sur la compétence n'a autorité de chose jugée sur la question de fond dont dépend la compétence que si cette question
de fond a été tranchée dans le dispositif comme l'exige l'article 77 CPC.

(1137) Civ. 1re, 25 mars 1997, Bull. civ. I, no 104 ; Com., 9 octobre 2001, Bull. civ. IV, no 161 ; Civ. 2e, 5 juin 2008, no 07-13256,
Procédures 2008, no 226, note R. P ERROT .

(1138) Pour une illustration jurisprudentielle éclatante : Civ. 2e, 6 juin 1996, Bull. civ. II, no 144. Dans cette affaire, un magistrat (un
premier président de cour d'appel) ordonne la prolongation du maintien en rétention d'une étrangère en situation irrégulière. Moins de
deux heures plus tard, il apprend que cette femme a de préoccupants problèmes de santé. Il modifie alors son ordonnance et décide de
prononcer la remise en liberté au motif que l'état de cette dame n'est plus compatible avec une rétention administrative. Sur un plan
humain, il a sans doute raison. Mais en droit, il a tort : sa décision est cassée pour violation du principe du dessaisissement (art. 481
CPC).

(1139) L'article 153 du Code de procédure civile répète cette règle à propos des mesures d'instruction en disposant que « la décision qui
ordonne une mesure d'instruction ne dessaisit pas le juge ». La Cour de cassation en a déduit cette conséquence que le juge qui a
ordonné une mesure d'instruction n'est pas tenu de la maintenir. Si, à la réflexion, il estime qu'il dispose d'éléments suffisants, il peut
statuer sur le litige qui lui est soumis sans attendre qu'elle ait été exécutée. V. Civ. 3e, 9 novembre 1977, Bull. civ. III, no 383, RTD civ.
1978, p. 728, obs. R. P ERROT .

(1140) La même solution est donnée par l'article 771 du Code de procédure civile pour les ordonnances du juge de la mise en état : ce
juge peut « modifier ou compléter, en cas de survenance d'un fait nouveau, les mesures qui auraient déjà été ordonnées ». Pour une
application de ces dispositions, v. Civ. 2e, 20 novembre 1985, Bull. civ. II, no 177, Gaz. Pal. 1986, Somm. 334, obs. S. GUINCHARD et
T. MOUSSA.

(1141) La preuve en serait que l'article 496 du Code de procédure civile permet à tout intéressé d'en référer au juge qui a rendu la
décision. En réalité, ce texte n'apporte aucune réponse à la question pour la raison déterminante qu'il ne régit que l'ordonnance sur
requête, qui n'est pas représentative de la matière gracieuse.

(1142) Civ. 1re, 27 octobre 1992, Bull. civ. I, no 272 ; 6 avril 1994, Bull. civ. I, no 141 ; 3 janvier 1996, nº 94.04069.(1143) V. supra, no 375.

(1144) Art. 481 CPC : « (...) le juge a le pouvoir de rétracter sa décision en cas d'opposition, de tierce opposition ou de recours en
révision (...) ».

(1145) Sur la procédure d'appel en matière gracieuse, v. infra, no 772.

(1146) K. SALHI, Contribution à une théorie générale des voies de recours en droit judiciaire privé, thèse, Caen, 2004, no 471 et s.

(1147) Sur la contradiction entre deux chefs du dispositif : Civ. 2e, 24 mars 1993, Bull. civ. II, no 122 ; Civ. 2e, 13 mars 1996, Bull. civ. II,
no 64. Une contradiction au sein des motifs est, au contraire, une ouverture à cassation : la « contradiction de motifs » qui, pour la Cour
de cassation, est rattachable au « défaut de motifs ». Et en cas de contradiction entre le dispositif et les motifs, il y a encore lieu à
cassation (sauf erreur matérielle justifiant l'exercice de l'action visée à l'article 462 CPC), mais à notre avis, l'ouverture à cassation peut
être une violation de la loi ou un défaut de base légale, selon les cas.

(1148) V., par exemple, Com., 19 janvier 1981, Bull. civ. IV, no 36, D. 1982, I.R. 168, obs. P. JULIEN. Dans cette affaire, le juge avait parlé
de jugement « définitif ». Sa décision était ambiguë, en ce qu'on ne pouvait pas déterminer s'il avait entendu utiliser ce mot au sens
propre, où le caractère définitif du jugement s'apprécie par rapport à l'instance, ou au sens impropre de jugement irrévocable. Sur cette
confusion qu'il convient d'éviter, v. supra, no 371.

(1149) V., par exemple, Com., 1er juin 1976, Bull. civ. IV, no 187. En l'espèce, dans un jugement qualifié d'interprétatif, le juge avait
modifié la date à laquelle la condamnation prononcée produirait ses effets. En quoi le chef du jugement fixant la date des effets de la
condamnation présentait-il la moindre obscurité ou la moindre ambiguïté ? En réalité, le juge voulait revenir sur l'erreur qu'il avait
commise, ce qu'il n'avait pas le droit de faire. V. aussi Civ. 2e, 20 novembre 1996, JCP G 1997, II, 22782, note Th. GARÉ.

(1150) Là encore, on parle traditionnellement de « recours », mais c'est une erreur. Cette action ne s'analyse pas en un recours :
v. K. SALHI, thèse préc., no 487 et s.
(1151) L'article 99 du Code civil dispose que la rectification des actes de l'état civil est ordonnée par le président du tribunal (de grande
instance), mais que le procureur de la République « peut procéder à la rectification administrative des erreurs et omissions purement
matérielles des actes de l'état civil ». La lecture de la doctrine révèle que d'un auteur à l'autre, la frontière séparant l'erreur purement
matérielle de celle qui ne l'est pas, ne passe pas au même endroit. Ainsi, concernant l'acte de naissance, l'erreur sur le sexe de l'enfant
est rattachée tantôt à une catégorie d'erreur, tantôt à l'autre. Et parfois même, des auteurs la rattachent aux deux catégories, en
distinguant selon que l'erreur est manifeste ou non (ex : F. TERRÉ et D. FENOUILLET , Droit civil. Les personnes, la famille, les
incapacités, Dalloz, Précis, 7e éd., 2005, no 234 et 235), ce qui revient, de manière extrêmement contestable, à définir l'erreur purement
matérielle comme étant une erreur manifeste.

(1152) Civ. 2e, 8 juin 1974, Bull. civ. II, no 193, JCP 1974.IV.6459, obs. J.A., RTD civ. 1974, p. 859, obs. R. P ERROT . En l'espèce, le juge
prétendait qualifier de rectification d'une erreur purement matérielle la modification des responsabilités encourues par les parties au
procès.

(1153) Civ. 2e, 23 septembre 1998, Bull. civ. II, no 244.(1154) Civ. 2e, 29 juin 1978, Bull. civ. II, no 171.

(1155) Civ. 1re, 1er juin 1976, Bull. civ. I, no 203.

(1156) Même lorsque l'erreur de calcul résulte de l'inattention (par exemple, on a oublié une retenue), elle ne constitue pas une erreur
purement matérielle. C'est le cerveau qui, à tort, a indiqué à la main le chiffre qui figure sur le jugement. En d'autres termes, on a voulu
écrire ce que l'on a effectivement écrit.

(1157) Civ. 2e, 8 octobre 1980, Bull. civ. II, no 202 ; Civ. 2e, 22 janvier 1992, Bull. civ. II, no 24.(1158) V. infra, no 386.

(1159) Civ. 2e, 29 juin 1978, Bull. civ. II, no 171. À rapprocher : Civ. 1re, 18 juillet 2000, Bull. civ. I, no 222, à propos de la prise en compte
des motifs de l'arrêt qui révélaient clairement que les magistrats avaient entendu condamner une partie in solidum, contrairement à ce
qui apparaissait dans le dispositif.

(1160) Civ. 2e, 19 juin 1975, Bull. civ. II, no 192.

(1161) V., à propos d'un arrêt malencontreusement signé par un magistrat n'ayant pas participé au délibéré : Civ. 2e, 10 juillet 2003,
Procédures 2003, no 215, note R. P ERROT .

(1162) On réserve parfois l'expression ultra petita à la seconde hypothèse, pour parler d'extra petita dans la première (v. supra,
no 271). Par souci de simplicité, nous avons fait le choix de nous en tenir, de manière générale, à l'expression ultra petita qui est de loin la
plus courante.

(1163) V. supra, no 271.(1164) En ce sens, v. K. SALHI, thèse préc., no 503 et s. et 578 et s.

(1165) Sur le défaut de réponse à conclusions, v. infra, no 823.

(1166) Civ. 1re, 13 février 1979, Bull. civ. I, no 54. Cependant, par exception au principe posé par les articles 463 et 464 du Code de
procédure civile, la Cour de cassation décide que l'ultra ou l'infra petita donne ouverture à cassation lorsqu'il se double d'une violation
de la loi, c'est-à-dire lorsque le juge a dit, pour une raison erronée, qu'il n'avait pas à statuer sur une prétention qui lui a été soumise ou
inversement qu'il tenait de la loi le pouvoir de statuer ultra petita. V., par exemple, Civ. 2e, 3 mars 1988, Bull. civ. II, no 53. Dans cette
espèce, l'ultra petita constituait une violation de l'article 258 du Code civil.

(1167) Ainsi, le tribunal qui omet de se prononcer sur la prescription soulevée par une partie ne commet pas une omission de statuer
(mais, à notre sens, un défaut de réponse à conclusions). En effet, « la prescription de l'action constitue une fin de non-recevoir, et
comme telle, un moyen de défense » et non pas un chef de demande (Civ. 2e, 21 octobre 2004, Bull. civ. II, no 468, Procédures 2005,
no 3, note R. P ERROT ).

(1168) L'existence d'une action spécifique est plus justifiée en cas d'omission de statuer qu'en cas d'ultra petita. Par définition, le juge
qui statue ultra petita rend une décision dont le dispositif est illégal et ne peut pas être maintenu. Il serait donc logique d'utiliser les voies
de recours normales.

(1169) Ex. : Com., 9 mai 2007, no 05-22033, Procédures 2007, no 178, note R. P ERROT .

(1170) Cass. Ass. plén., 2 novembre 1999, Bull. Ass. plén., no 8, JCP G 1999, II, 10213, concl. J.-F. WEBER, RTD civ. 2000, p. 160, obs.
R. P ERROT .
(1171) A. P ERDRIAU, « Le retour obligé du justiciable devant ses juges », JCP G 2001, I, no 325.

(1172) Dans le cas contraire, v. infra, no 389, sur le cas où un appel est formé.

(1173) Ex. : Civ. 1re, 5 avril 2005, no 02-19559 ; Com., 16 décembre 2008, no 07-19523 ; Civ. 2e, 17 février 2011, no 09-70137.

(1174) Ex. : Soc., 14 juin 2006, no 04-43123 ; Civ. 1re, 24 octobre 2006, no 03-19911 ; Civ. 3e, 29 janvier 2008, no 06-21924 ; Com., 9 mars
2010, no 09-11330.

(1175) Quand un juge a omis de statuer sur une demande, il n'y a, par hypothèse, pas de décision sur ce point. Il n'y a donc rien à casser,
sauf à censurer les autres chefs de décision, alors mêmes qu'ils seraient irréprochables. Ceci n'aurait guère de sens.

(1176) Décret nº 2014-1338 du 6 novembre 2014, art. 9.

(1177) En cas d'omission de statuer, rien n'a été examiné, il n'y a donc pas d'autorité de la chose jugée. En revanche, en cas d'ultra
petita, le juge a constaté certains faits et en a déduit une conséquence juridique sur laquelle il doit revenir.

(1178) V. une illustration particulièrement intéressante de cette règle dans Civ. 2e, 3 janvier 1980, Bull. civ. II, no 2, Gaz. Pal. 1980.241,
note J.V., D. 1981, I.R. 147, obs. P. JULIEN. En l'espèce, le juge avait omis d'examiner une demande reconventionnelle en divorce fondée
sur certains griefs. L'action en omission de statuer ne permettait pas à l'époux de soumettre au juge de nouveaux griefs. Dans un tout
autre domaine, v. Civ. 3e, 16 mars 1994, Bull. civ. III, no 57.

(1179) Cette limite est énoncée par l'article 461 du Code de procédure civile qui régit l'action en interprétation. La question est discutée
de savoir si un appel pourrait être formé uniquement pour demander à la cour de corriger un vice pouvant faire l'objet de l'une des trois
actions particulières. La très large ouverture de l'appel paraît plutôt appeler une réponse positive, mais l'existence d'une voie de droit
spéciale semble commander la solution inverse. De surcroît, on peut douter que le législateur ait voulu laisser une option aux plaideurs.

(1180) Ex. : Civ. 2e, 22 octobre 1997, Bull. civ. II, no 250. En l'espèce, l'appelant avait demandé la réformation et, en même temps,
sollicité de la cour d'appel qu'elle corrige une omission de statuer (art. 463), ce qu'il lui appartenait de faire selon la Cour de cassation.

(1181) L'appel fait obstacle aux trois actions, mais en principe, tel n'est pas le cas du pourvoi en cassation. Cette opposition est liée à la
dévolution limitée qu'opère le pourvoi (sur ce point, v. infra, no 814). Cependant, en cas de pourvoi valablement formé, la Cour doit quand
même pouvoir sanctionner elle-même un ultra petita comme violation des articles 4 et 5 CPC (v. supra, no 388). Pareillement, la Cour
de cassation accepte de rectifier une erreur matérielle (art. 462 CPC) qui entraîne une contradiction entre les motifs et le dispositif de la
décision attaquée (Civ. 1re, 5 février 1991, Bull. civ. I, no 47 ; Cass. Ass. plén., 23 mars 2001, Bull. Ass. plén., no 7). Plutôt que d'obliger
le plaideur à retourner devant le juge du fond, la Cour doit trouver plus simple de procéder à la rectification, en interprétant largement
l'article 462 qui confie la réparation des erreurs et omissions matérielles à la juridiction qui a rendu le jugement ou à « celle à laquelle il est
déféré ».

(1182) En ce sens : Civ. 2e, 22 octobre 1997, Bull. civ. II, no 256 ; Civ. 2e, 21 décembre 2000, Bull. civ. II, no 177.

(1183) En ce sens (à propos d'une action en interprétation) : Soc., 11 octobre 2000, Bull. civ. V, no 321.

(1184) Civ. 1re, 18 janvier 1989, Bull. civ. I, no 22.

(1185) Sur le moment où le jugement passe en force de chose jugée, v. infra, no 525. On verra alors que, selon que le jugement a été
rendu en dernier ressort ou en premier ressort seulement, il ne passe pas au même moment en force de chose jugée. Par exemple, un
arrêt d'appel passe (sauf exceptions) en force de chose jugée dès qu'il a été prononcé : v. Civ. 2e, 3 janvier 1979, Bull. civ. II, no 3, pour
l'application de cette règle à l'ultra ou à l'infra petita.

(1186) En ce sens : Civ. 2e, 23 mars 1994, Bull. civ. II, no 105, RTD civ. 1994, p. 683, obs. R. P ERROT , Justices 1995, no 1, p. 244, obs.
J. HÉRON ; Civ. 2e, 25 juin 1997, Bull. civ. II, no 207, RGP 1998, p. 324, obs. G. WIEDERKEHR.

(1187) Pour l'action en erreur ou omission matérielle, l'article 462 du Code de procédure civile ajoute que le juge peut aussi se saisir
d'office. Il semble que cette possibilité soit très peu employée. Mais elle permet, de fait, à un tiers, de solliciter la rectification (ce que ne
prévoit pas l'article 462) : si le juge estime que la demande est fondée, il pourra, officiellement, se saisir d'office. Certains arrêts
admettent aussi que le juge corrige d’office une omission de statuer (malgré le silence de l’article 463 sur ce point). Ex : Com.,
4 novembre 2014, nº 13-24375.
(1188) V. infra, no 392. On peut être tout aussi réservé à propos de la solution consistant à dénier tout délai de comparution au défendeur,
au motif que l’article 462 CPC ne fixe pas un tel délai (Civ. 2e, 18 octobre 2012, nº 11-24807). La solution nous paraît regrettable, eu
égard à l’importance de ces délais pour le respect du principe de la contradiction.

(1189) Civ. 2e, 21 février 2013, nº 12-15105.

(1190) La solution imposée par les articles 462 et 463 est certes nécessaire pour garantir aux jugements une authenticité indiscutable. Il
faut reconnaître qu'elle conduit à un résultat curieux. Pour faire exécuter la décision, le vainqueur doit notifier deux jugements, le second
disant simplement que, dans le premier, le juge s'est trompé en faisant une addition.

(1191) Art. 463 CPC, pour l'infra ou l'ultra petita. La même règle est appliquée, par la jurisprudence, à l'action en interprétation ; ex :
Soc., 27 janvier 2000, JCP G 2000, 10330, note A. P ERDRIAU.

(1192) Civ. 2e, 18 juillet 1977, Bull. civ. II, no 188 ; Soc., 27 janvier 2000 préc. en note, JCP G 2000, 10330.

(1193) Cette règle particulière posée à l'article 462 CPC n'est applicable que si la seconde décision a effectivement procédé à une
rectification de la première. Inversement, si elle a rejeté la demande en rectification d'erreur ou d'omission matérielle, la règle n'a pas lieu
de s'appliquer (ex : Com., 14 mai 2002, no 98-19061 ; Civ. 2e, 7 juillet 2011, no 09-15852). La seconde décision (de débouté) est donc
susceptible d'appel ou de pourvoi en cassation selon qu'elle a elle-même été rendue en premier ou en dernier ressort, ce qui dépend du
régime initialement applicable à la première décision.

(1194) Civ. 2e, 8 octobre 1986, Bull. civ. II, no 145 ; 9 juin 2011, no 10-19977, Procédures 2011, no 258, note R. P ERROT .

(1195) C'est sans doute pourquoi la Cour de cassation a jugé qu'un appel ne pouvait être formé contre la décision rectificative, lorsque la
décision initialement entachée d'une erreur matérielle n'a pas été notifiée dans les deux ans de son prononcé (Civ. 2e, 22 mars 2006,
no 04-12767) : Comme aucun recours à titre principal ne peut plus être formé contre le jugement initial non notifié (art. 528-1 CPC),
l'appel est fermé contre lui et, par voie de conséquence, contre le jugement rectificatif. Cependant, on peut dire que le jugement initial est
passé en force de chose jugée (il n'est plus susceptible d'un recours suspensif d'exécution). Dès lors, à notre avis, par application de
l'article 462 in fine, le pourvoi en cassation est tout de même ouvert contre le jugement rectificatif. La solution inverse consacrerait une
atteinte au droit à une voie de recours (sur les limites duquel v. E. JEULAND, Droit processuel général, Domat LGDJ, 3e éd., 2014, no 172
et s.).

(1196) Il peut même arriver, mais ce n'est pas la solution normale, que la première décision rende la seconde inutile. Sur cette hypothèse,
v. infra, no 396.

(1197) V. supra, no 372.

(1198) C'est pourquoi on doit dire plutôt qu'il s'agit de jugements contenant des mesures provisoires pour montrer que c'est moins le
jugement qui, par lui-même, est entaché de ce caractère provisoire que la disposition ordonnée par le jugement, si bien que dans le même
jugement peuvent coexister des dispositions provisoires et d'autres qui ne le sont pas. Dans l'exemple cité d'un jugement de divorce, tout
ce qui touche aux causes du divorce n'est pas provisoire v. supra, no 372.

(1199) Sur lesquelles, v. infra, no 616 et no 789.(1200) Sur ce caractère de l'ordonnance de référé, v. infra, no 411.

(1201) Sur l'ordonnance sur requête, v. infra, no 427 et s.(1202) Sur ce schéma et sur sa modification éventuelle, v. infra, au texte.

(1203) Sur ce caractère de l'ordonnance de référé, v. infra, no 410.

(1204) Sur la procédure applicable à l'ordonnance de référé, v. infra, no 566 et s. L'existence d'une procédure spécifique au référé est à
l'origine de ce que l'on peut appeler le « référé procédural », sur lequel, v. infra, no 412.

(1205) Même lorsqu'il a obtenu une provision à 100 % (selon l'expression consacrée par la pratique), le demandeur peut avoir intérêt à
saisir le juge du principal, en raison de l'infériorité juridique de l'ordonnance de référé par rapport au jugement rendu au principal. Sur ce
point, v. infra, no 411.

(1206) Et même parfois dans un autre code : v. art. R. 142-21-1 CSS relatif au référé devant le tribunal des affaires de sécurité sociale ;
art. 9-1 C. civ. relatif à la protection de la présomption d'innocence. Ce second texte ne fait cependant, à notre avis, que renvoyer au
référé ordinaire des articles 808 et 809 CPC.
(1207) V. infra, no 791. Peut-être convient-il d'indiquer immédiatement que le premier président de la cour d'appel n'est pas compétent
pour statuer sur les appels qui sont interjetés contre les ordonnances de référé rendues au premier degré. L'idée pourrait venir à l'esprit,
compte tenu du fait qu'au premier degré, c'est en général le président de la juridiction qui est compétent pour statuer en référé. En réalité,
comme on le verra (infra, no 774), l'appel des ordonnances de référé est jugé en circuit court (« à bref délai » : art. 905 CPC), mais selon
une procédure ordinaire, c'est-à-dire par la cour statuant collégialement.

(1208) V. l'article R. 142-21-1 CSS dont le contenu n'est pas totalement similaire à celui de l'article 809 CPC.

(1209) Sur la notion de compétence, v. infra, no 951. Pour une illustration, en matière de référé, de l'intérêt de distinguer la véritable
notion de compétence, v. infra, no 405.

(1210) Cette différence se traduit dans la rédaction des décisions qu'il rend. Le jugement du tribunal est rédigé ainsi : « Le tribunal,
attendu que... Par ces motifs : Dit que... ». Celui du juge d'instance : « Nous, Juge d'instance, attendu que... Par ces motifs :
Ordonnons... ».

(1211) Sur ce point, v. R. P ERROT , Institutions judiciaires, Montchrestien, Domat, 15e éd., 2012, no 153.

(1212) Ce texte présente un intérêt résiduel lorsque les parties ont conclu un compromis d'arbitrage : Nancy, 23 mai 1995, JCP G 1996,
IV, 1588.

(1213) Il va de soi que, lorsque, dans un endroit donné, il n'existe pas de tribunal de commerce, les demandes en référé doivent être
portées devant le président du tribunal de grande instance. Il ne s'agit pas là à proprement parler d'une exception à la règle qui vient
d'être énoncée. En effet, le juge des référés est désigné par la même règle de compétence que celle qui s'applique au principal, puisqu'en
l'absence de tribunal de commerce, les procès au principal sont portés devant le tribunal de grande instance statuant commercialement.

(1214) Sur les règles de compétence territoriale, v. infra, no 977.(1215) V., par exemple, Civ. 21 février 1906, S. 1906.1.305, note TISSIER.

(1216) Civ. 2e, 10 juillet 1991, Bull. civ. II, no 223 (à propos d'une demande tendant à ce qu'il soit fait interdiction au défendeur de céder
des actions d'une société dont le siège social se trouvait dans le ressort du juge des référés saisi) ; Civ. 2e, 17 juin 1998, Bull. civ. II,
no 200 (à propos d'une demande tendant à ce que soit ordonnée une mesure d'expertise dans le ressort du juge des référés saisi).

(1217) Sur les conditions de validité des clauses attributives de compétence, v. infra, no 1014 et s. et infra, no 1019 et s.

(1218) Civ. 2e, 18 novembre 1992, Bull. civ. II, no 264.(1219) Civ. 2e, 17 juin 1998, Bull. civ. II, no 200.

(1220) Elle est soumise à certaines conditions en droit interne : V. art. 2061 C. civ. et art. L. 721-3 C. com. Sur la forme, v. art. 1443
CPC. La clause compromissoire est plus largement admise en matière internationale, car ce sont généralement des professionnels qui y
recourent. V. art. 1507 CPC. et P. MAYER et V. HEUZÉ, Droit international privé, Domat, 11e éd., 2014, no 317.

(1221) Sur ce décret portant réforme de l'arbitrage, v. Th. CLAY (dir.), Le nouveau droit de l'arbitrage (actes d'un colloque du
28 février 2011), Lextenso éditions, 2011 ; Th. CLAY, « "Liberté, Égalité, Efficacité" : La devise du nouveau droit français de l’arbitrage.
Commentaire article par article », Clunet 2012, p. 443 et 815.

(1222) Art. 1456, al. 1er CPC.(1223) On pense aux mesures d'instruction in futurum (art. 145 CPC), sur lesquelles, v. infra, no 422 et s.

(1224) Étant, en principe, fondées sur un titre exécutoire, une décision de justice non encore exécutoire (y compris une sentence
arbitrale : Civ. 2e, 12 octobre 2006, no 04-19062, RTD civ. 2007, p. 183, obs. P ERROT , Dr. et procéd. 2007, p. 82, note G. CUNIBERTI) ou
une autorisation judiciaire (v. art. L. 511-1 et s. CPCE), les saisies conservatoires et l'inscription des sûretés judiciaires (ex : l'hypothèque
judiciaire conservatoire) ne peuvent être autorisées par un juge privé. C'est, en tout cas, le choix opéré par la loi.

(1225) Ex. : Civ. 2e, 7 mars 2002, Bull. civ. II, no 31 ; Civ. 1re, 25 avril 2006, no 05-13749, Procédures 2006, no 150, note R. P ERROT .

(1226) En revanche, pour obtenir la production forcée d'une pièce par un tiers, le tribunal arbitral ne peut qu'inviter la partie requérante à
assigner ce tiers devant le président du tribunal de grande instance (art. 1469 CPC). Des arbitres n'ont, en effet, d'autorité que sur les
parties qui les ont choisis. Simples juges privés, ils n'en ont aucune vis-à-vis des tiers.

(1227) V. l'article L. 511-3 du Code des procédures civiles d'exécution.

(1228) Ex. : Civ. 2e, 2 avril 1997, Bull. civ. II, no 108, RGP 1998, no 1, p. 96, obs. J. HÉRON et p. 159, obs. M. C. RIVIER ; Com., 29 juin
1999, Bull. civ. IV, no 147 ; Civ. 2e, 13 juin 2002, Bull. civ. II, no 130.
(1229) Sauf à ce que la Cour de cassation maintienne son ancienne jurisprudence dans ce cas précis, en rupture avec l'esprit de
l'article 1449 CPC.

(1230) Les référés existent devant d'autres juridictions que le tribunal de grande instance ou de commerce, mais il est vrai que les
affaires où l'on recourt à l'arbitrage relèvent essentiellement de ces deux juridictions.

(1231) Civ. 3e, 19 mars 1986, Bull. civ. III, no 34. De la même façon, la prétendue incompétence du juge des référés subsiste devant la
cour d'appel. À l'opposé, les véritables questions de compétence qui peuvent exister entre les juridictions de l'ordre judiciaire disparaissent
devant la cour d'appel, qui connaît aussi bien des appels formés contre les jugements rendus par un conseil de prud'hommes que contre
ceux rendus par un tribunal de grande instance. Cette disparition résulte de la plénitude de juridiction que lui reconnaît l'article 79 du Code
de procédure civile (sur laquelle v. infra. no 1044). Celle-ci ne peut jouer entre un juge des référés et un juge du principal v. Soc., 6 juin
1974, Bull. civ. V, no 347, mais elle doit jouer entre un juge de l'exécution et un autre juge du fond (à propos du juge de l'exécution, il faut,
à notre avis, raisonner en termes de compétence et non pas de pouvoirs : v. infra, no 953). Concernant le juge de l'exécution, la
jurisprudence n'est toutefois pas homogène. Certains arrêts raisonnent en termes de pouvoirs (Civ. 2e, 24 septembre 1997, Bull. civ. II,
no 233 ; à rappr. : Civ. 3e, 3 juin 2004, Bull. civ. III, no 112), d'autres en termes de compétence (Civ. 1re, 16 octobre 2001, Bull. civ. I,
no 258 ; Civ. 2e, 8 avril 2004, Bull. civ. II, no 172), ce qui entraîne des solutions différentes sur la question de la plénitude de juridiction de
la cour d'appel. Sur cette question, v. J. NORMAND, « Incompétence du juge de l'exécution et plénitude de juridiction de la cour d'appel »,
RTD civ. 2002, p. 351 ; Ph. THÉRY, obs. à propos de Civ. 2e, 8 avril 2004 et Civ. 3e, 3 juin 2004 préc., RTD civ. 2004, p. 544.

(1232) Sur la notion d'urgence, v. Ph. JESTAZ, L'urgence et les principes classiques du droit civil, Paris, 1968, spéc. no 326.

(1233) V., par exemple, Civ. 1re, 3 janvier 1979, Bull. civ. I. no 2 ; Civ. 1re, 21 juin 1989, Bull. civ. I, no 252 ; Civ. 2e, 8 janvier 1992,
Bull. civ. II, no 10.

(1234) Sans doute pourrait-on souhaiter que la Cour de cassation donne des directives plus précises aux juges du fond. Il demeure
cependant préférable qu'elle exerce un contrôle, même au coup par coup, au lieu d'abandonner la contestation sérieuse à la souveraine
appréciation des juges du fond comme l'a fait la première chambre civile en 2000 et 2001, en matière de référé-provision (v. notamment :
Civ. 1re, 4 avril 2001, Bull. civ. I, no 106). L'Assemblée plénière (Cass. Ass. plén., 16 novembre 2001, Bull. Ass. plén., no 13, JCP G
2001, II, 10646, concl. R. DE GOUTTES, note A. P., D. 2002, J, p. 598, note C. P UIGELIER) s'est heureusement opposée à cette proposition
d'abandon du contrôle de la contestation sérieuse. Sur cette question, v. les observations de J. NORMAND, RTD civ. 2001, p. 428 et s. et
946 et s.

(1235) Ex. : Soc., 9 février 1977, Bull. civ. V, no 126 ; Civ. 1re, 18 avril 1989, Bull. civ. I, no 157 ; Civ. 3e, 25 novembre 1992, Bull. civ. III,
no 310.

(1236) Civ. 1re, 8 mars 1983, Bull. civ. I, no 89.(1237) Civ. 1re, 4 novembre 1987, Bull. civ. I, no 282.

(1238) Sur ce principe, v. supra, no 281.

(1239) Sur cette hypothèse particulière de contestation sérieuse, cf. J. NORMAND, obs. à la RTD civ. 1979, p. 654. V., à titre d'illustration,
Com., 16 novembre 1971, Bull. civ. IV, no 278. V. toutefois, en sens contraire, Civ. 3e, 30 mai 1996, Bull. civ. III, no 125, sauf à
considérer qu'en l'espèce, l'interprétation du nouveau texte s'imposait d'évidence et que les juges du fond ne l'avaient donc pas
« interprété » (ce qui nous paraît inexact).

(1240) En ce sens, J. NORMAND, obs. RTD civ. 1982, p. 192.

(1241) Civ. 1re, 7 novembre 2000, Bull. civ. I, no 286, JCP G 2000, II, 10506, note X. VUITTON, JCP 2001, I, 311, no 10, obs. L. CADIET ,
Procédures 2001, no 36, obs. H. CROZE, D. 2001, p. 256, note Ch. JAMIN et M. BILLIAU, RTD civ. 2002, p. 137, obs. J. NORMAND.

(1242) V. Soc., 5 mars 1987, Bull. civ. V. no 110, pour l'interdiction de prononcer la nullité d'un acte juridique, et Soc., 7 mai 1987,
Bull. civ. V, no 274, pour la possibilité d'ordonner les mesures qui découlent de la nullité de l'acte.

(1243) La demande en référé est seulement exclue lorsque la loi impose aux parties le recours au juge. Ce juge ne peut être que le juge
du principal. Ainsi, on ne peut pas divorcer au provisoire. De même, la Cour de cassation ne permet pas au juge des référés de statuer
sur la résiliation d'un bail, parce que la loi veut que le bail ne puisse être résilié que par le juge du principal. V. Civ. 3e, 25 mars 1987,
Bull. civ. III, no 64 ; Civ. 3e, 27 novembre 1990, Bull. civ. III, no 254 ; Com., 13 octobre 1998, Bull. civ. IV, no 241. En revanche, pour la
Cour de cassation, le juge des référés peut constater la résiliation découlant d'une clause « résolutoire » de plein droit et en tirer des
conséquences telles que le prononcé d'une expulsion (ex : Civ. 3e, 12 octobre 1994, Bull. civ. III, no 174).
(1244) Civ. 3e, 14 décembre 1988, Bull. civ. III, no 184, Audijuris 1989-29, obs. J. HÉRON.

(1245) Sur l'efficacité substantielle de l'ordonnance de référé, v. supra, no 348. Le caractère provisoire de l'ordonnance conduit la Cour
de cassation à dire qu'en principe le juge des référés ne peut prononcer des dommages-intérêts, parce que ce serait proclamer la
responsabilité du défendeur. Mais, de façon générale, elle lui permet de condamner une partie à des dommages-intérêts, à titre provisoire,
pour procédure abusive (Com., 2 mai 1989, Bull. civ. IV, no 143, RTD civ. 1989, p. 806, obs. J. NORMAND ; Civ. 1re, 4 février 1992,
Bull. civ. I, no 43 ; Civ. 2e, 22 mai 1995, Bull. civ. II, no 153). De même, le juge des référés peut condamner une partie sur le fondement
de l'article 700 du Code de procédure civile (Civ. 3e, 10 novembre 1980, Bull. civ. III, no 183) et aussi prononcer une amende civile pour
procédure abusive (Civ. 2e, 20 juillet 1981, préc.). Par ailleurs, aux termes de l'article 491 du Code de procédure civile, le juge des référés
peut statuer sur les dépens de l'instance, il peut même prononcer une astreinte et la liquider. Pour la liquider, il est cependant nécessaire
qu'il s'en soit expressément réservé le pouvoir ou qu'il soit encore saisi de l'affaire, conformément à l'article L. 131-3 du Code des
procédures civiles d'exécution qui attribue compétence de principe au juge de l'exécution en matière de liquidation d'astreinte (cf. infra,
no 962).

À notre sens, la question de savoir si le juge des référés peut ou ne peut pas accorder des dommages-intérêts est une question qui est
mal posée. L'octroi d'une provision n'est rien d'autre que l'octroi de dommages-intérêts à titre provisoire. Peu importe que le juge des
référés dise qu'il accorde des dommages-intérêts ou une provision. Ce qui lui est interdit, c'est seulement de proclamer les
responsabilités : en le faisant, il dirait le droit. En revanche, pour ce qui est de la somme accordée au demandeur, quel qu'en soit le nom,
sa décision ne peut qu'être provisoire, parce qu'il est juge des référés. Comp. Soc., 7 mai 1987, Bull. civ. V, no 274 : « c'est
nécessairement à titre provisoire que la décision (...) a alloué, nonobstant la terminologie employée, une somme déterminée ».

(1246) Même si, en raison de l'interdiction qui pèse sur lui de dire le droit, le juge des référés ne peut pas déclarer que le créancier
remplit toutes les conditions posées par la règle de droit. Cette interdiction, qui est liée au caractère provisoire de ses mesures fait que,
lorsque le juge du principal ne suit pas le juge des référés, il n'existe pas à proprement parler de contradiction entre les deux décisions sur
le plan du droit pur. Le juge du principal se contente de revenir sur la mesure prise en référé.

(1247) Civ. 3e, 14 octobre 1987, Bull. civ. III, no 170 ; Civ. 3e, 12 octobre 1994, Bull. civ. III, no 174 ; Civ. 3e, 6 mars 1996, Bull. civ. III,
no 62.

(1248) Civ. 2e, 18 octobre 1978, Bull. civ. II, no 210.

(1249) En ce sens, v. B. ROLLAND, note sous TGI Saumur (ord. réf.), 13 mars 2002, LPA 2002/199, spéc. p. 19, à propos d'une
ordonnance ayant autorisé l'inhumation de deux corps qui avaient été congelés dans la crypte d'un château dans l'espoir que les progrès
de la science permettraient un jour leur réanimation.

(1250) V. N. CAYROL, Rép. Dalloz proc. civ., « Référé civil », 2011, no 28 et s. Pour une étude très détaillée, v. M. FOULON et
Y. STRICKLER, Les référés en la forme, éd. Dalloz, 2013.

(1251) Pour d'autres exemples, v. art. 540 CPC, art. 1843-4 C. civ., art. 1572 C. civ., art. 19-2 L. 10 juillet 1965 relative à la copropriété
des immeubles bâtis, etc.

(1252) L'article 492-1, 1o CPC (issu du décret no 2011-1043 du 1er septembre 2011) énonce que « la demande est formée, instruite et
jugée » conformément aux « articles 485 à 487 et 490 » CPC. Ces textes régissent le déroulement de la procédure de référé.

(1253) Art. 492-1, 2o CPC.(1254) Art. 492-1, 3o CPC. Sur cette disposition, v. infra, no 535.

(1255) Pour une liste plus fournie, v. M. FOULON et Y. STRICKLER, op. cit., nº 00.02.

(1256) Et il arrive même que le législateur n'indique même pas expressément que le juge statuera « en référé ». C'est alors la
jurisprudence qui est amenée à déterminer la forme procédurale qui convient et, le cas échéant, à décider que le juge statue « en la forme
des référés » (ex : à propos de l'article 815-6 du Code civil, Civ. 1re, 16 février 1988, Bull. civ. I, no 45 ; 20 mai 2009, no 07-21679,
Procédures 2009, no 235, note J. JUNILLON, no 267, note R. P ERROT ).

(1257) L'article 1843-3 du Code civil, en sa rédaction issue de la loi « NRE » du 15 mai 2001, permet d'illustrer cette difficulté : il autorise
le président du tribunal « statuant en référé » à enjoindre sous astreinte aux dirigeants de sociétés de procéder aux appels de fonds pour
réaliser la libération du capital social. S'agit-il d'un vrai ou d'un faux référé ?

(1258) Civ. 2e, 3 janvier 1979, Bull. civ. II, no 6, D. 1979, I.R.291, obs. P. JULIEN.
(1259) Civ. 2e, 28 octobre 1982, Bull. civ. II, no 137 ; Civ. 1re, 16 février 1988, Bull. civ. I, no 45.

(1260) Sur ce type d'ordonnance sur requête, v. infra, no 441.

(1261) V. M. FOULON et Y. STRICKLER, « Le référé-rétractation (art. 496, al. 2, et 497 C. pr. civ.) », D. 2010, p. 456, spéc. no 23 et s.

(1262) Pour une étude approfondie, v. B. GORCHS, « Référés spéciaux et droit commun », RRJ 2003, no spécial, Les procédures
d'urgence en matière judiciaire et administrative, p. 2933 et « Vers un référé de l'Internet autonome », Procédures 2007, étude no 1.
V. aussi J. et X. VUITTON, Les référés. Procédure civile. Contentieux administratif. Procédure pénale, Lexisnexis, 3e éd., 2012, no 379
et s.

(1263) On parle aussi « d'autonomie des référés ».(1264) V. supra, no 409.

(1265) M. FOULON et Y. STRICKLER, « Le référé-différend », RRJ 2014-3, 1277.

(1266) Pour un exposé détaillé des mesures concevables, v. M. FOULON et Y. STRICKLER, ibid., p. 1295 s.(1267) V. infra, no 426.

(1268) L'absence de contestation sérieuse s'apprécie au jour où le juge statue : Civ. 3e, 19 juillet 1995, Bull. civ. III, no 206.

(1269) Civ. 3e, 6 décembre 1977, Bull. civ. III, no 428 ; Soc., 17 octobre 1990, Bull. civ. V, no 483 ; Com., 7 mars 1995, Bull. civ. IV,
no 67.

(1270) Civ. 2e, 18 juin 2009, no 08-14864. En présence d’une contestation sérieuse, une provision ad litem doit pouvoir également être
ordonnée sur le fondement de l’article 808 CPC, pourvu qu’il y ait urgence. En ce sens, v. Y. STRICKLER, « Pour une nouvelle approche de
la provision ad litem », D. 2013, p. 2588.

(1271) Com., 20 janvier 1981, Bull. civ. IV, no 40, Gaz. Pal. 1981.332, note Ph. BERTIN, RTD civ. 1981, p. 679, obs. J. NORMAND ; Civ. 1re,
10 mars 1993, Bull. civ. I, no 100.

(1272) V. supra, no 396.(1273) V. supra, no 417.(1274) Civ. 3e, 14 octobre 1987, Bull. civ. III, no 170.

(1275) Civ. 3e, 19 février 1975, Bull. civ. III, no 72.

(1276) Certains ont imaginé une clause dotée d'une réelle portée : celle permettant au bailleur d'obtenir la résiliation de plein droit du bail
au moyen d'une ordonnance de référé insusceptible d'appel. Depuis une loi du 13 juillet 2006, elle est réputée non écrite dans les baux
d'habitation relevant de la loi no 89-462 du 6 juillet 1989 (v. art. 4 s. de la loi de 1989). De toute façon, même en dehors des baux
d'habitation, une telle renonciation anticipée à l'appel n'est pas valable : v. art. 557 CPC et infra, no 1222.

(1277) Sur ce texte, v. G. CHABOT , « Remarques sur la finalité probatoire de l'article 145 N.C.P.C. », D. 2000, doct., p. 256 ; J. et
X. VUITTON, Les référés. Procédure civile. Contentieux administratif. Procédure pénale, Lexisnexis, 3e éd., 2012, no 483 et s.

(1278) Sur ce point, v. infra, no 435.(1279) C'est pourquoi on parle de mesures d'instruction in futurum.

(1280) Art. 2239 C. civ. (issu de la loi no 2008-561 du 17 juin 2008). La mesure d'instruction in futurum peut même conduire à un
allongement du délai de prescription, car ce texte énonce que la durée du délai qui recommence à courir après exécution de la mesure
« ne peut être inférieure à six mois ».

(1281) Cass. mixte, 7 mai 1982, Bull. civ. mixte, no 2 (1re espèce), D. 1982.541, concl. J. CABANNES, Gaz. Pal. 1982.571, note J. VIATTE,
RTD civ. 1982, p. 786, obs. R. P ERROT et 1983, p. 185, obs. J. NORMAND. À rappr. : Civ. 2e, 8 mars 2006, no 05-15039, Procédures 2006,
no 97, note R. P ERROT .

(1282) Sur la question de la carence du demandeur et des rapports qui peuvent exister entre l'article 145 et l'article 146 du Code de
procédure civile, v. infra, no 1094.

(1283) Ex. : Com., 17 mars 1987, Bull. civ. IV, no 73 ; Civ. 2e, 7 janvier 1999, Bull. civ. II, no 4 ; Civ. 3e, 7 février 2001, Bull. civ. III,
no 14.

(1284) Civ. 2e, 14 mars 1984, Bull. civ. II, no 49.(1285) Civ. 2e, 7 janvier 1999, Bull. civ. II, no 3.

(1286) Civ. 2e, 13 février 2003, Bull. civ. II, no 38, Procédures 2003, no 116, note R. P ERROT , RTD civ. 2003, p. 356, obs. R. P ERROT .
(1287) Civ. 3e, 16 avril 2008, no 07-15486, JCP G 2008, 10193, note M. P OUMARÈDE.

(1288) Ex. : En l'absence de « litige potentiel », il convient de refuser de désigner un expert pour déterminer le montant de l'indemnité
d'éviction dont serait redevable un bailleur s'il décidait de refuser le renouvellement du bail commercial (Civ. 3e, 16 avril 2008 préc.).
Inversement, cette mesure est envisageable si, lorsque le juge statue, le bailleur a opté pour le refus de renouvellement du bail (Civ. 3e,
8 avril 2010, no 09-10226).

(1289) Ex. : Civ. 2e, 21 juin 1995, Bull. civ. II, no 195. Pendant un temps, la Cour de cassation a estimé que les ordonnances sur requête
étaient sujettes à rétractation dès lors qu'ultérieurement le juge du fond avait été saisi (Civ. 2e, 3 octobre 2002, Bull. civ. II, no 205,
Procédures 2002, no 225, note R. P ERROT ; 15 janvier 2004, no 01-149.33, D. 2004, J, p. 2172, note M. FOULON et Y. STRICKLER). Cette
solution fragilisait les mesures prises dans le cadre de l'article 145, car il suffisait de saisir le juge du fond pour obtenir leur remise en
cause. Cependant, cette jurisprudence a été renversée, la Cour considérant désormais que l'absence d'instance au fond doit s'apprécier à
la date de la saisine du juge (Civ. 2e, 28 juin 2006, no 05-19283, Dr. et procéd. 2006, p. 344, obs. E. P UTMAN).

(1290) V. notamment l'art. 771 CPC.(1291) Civ. 2e, 17 juin 1998, Bull. civ. II, no 200.

(1292) Art. 1449 CPC (issu du décret no 2011-48 du 13 janvier 2011). Cette possibilité était déjà admise, avant 2011, par la jurisprudence
(ex : Civ. 2e, 11 octobre 1995, no 92-20496).

(1293) Civ. 3e, 28 mars 2007, no 06-13209, RTD civ. 2007, p. 807, obs. Ph. THÉRY.

(1294) Ex. : Civ. 2e, 26 mai 2011, no 10-20048, Procédures 2011, no 256, note R. P ERROT , à propos de la production forcée de pièces par
des tiers. En revanche, on ne peut pas autoriser la saisie ni la confiscation de ces pièces, ni même de celles que détiendrait une partie, en
dehors des cas prévus par la loi : Com., 16 juin 1998, no 96-20182.

(1295) Civ. 1re, 11 juin 2003, Bull. civ. I, no 139, Procédures 2003, no 216, note R. P ERROT , D. 2004, J, p. 830, note F. AUBERSON, RTD civ.
2003, p. 539, note J. NORMAND.

(1296) Civ. 2e, 15 juin 1994, Bull. civ. II, no 162, RTD civ. 1995, p. 429, obs. J. NORMAND ; Civ. 2e, 24 juin 1998, Bull. civ. II, no 224.

(1297) À tel point que c'est dans l'instance au fond (dans la perspective de laquelle la mesure d'instruction a été ordonnée) que doit être
soulevée une éventuelle nullité du rapport d'expertise : Civ. 2e, 2 décembre 2004, Bull. civ. II, no 513.

(1298) V. J. NORMAND, « Dommage imminent et trouble manifestement illicite », Mélanges P. Julien, éd. Edilaix, 2003, p. 295.

(1299) Ex : Soc., 3 mars 2015, nº 13-22411.

(1300) La frontière entre les mesures conservatoires et les mesures d'anticipation n'est pas toujours facile à tracer. V., par exemple,
l'interdiction de diffuser un journal nouveau sous un titre pouvant susciter une confusion dans l'esprit du public : Civ. 2e, 9 mars 1978,
Bull. civ. II, no 75. Il paraît préférable d'admettre qu'il ne s'agit là que d'une mesure conservatoire.

(1301) Com., 24 mars 1981, Bull. civ. IV, no 161, RTD com. 1981, p. 127, obs. A. BÉNABENT et J. DUBARRY.

(1302) Le trouble manifestement illicite est une notion que contrôle actuellement la Cour de cassation : V. Cass. Ass. plén., 28 juin 1996,
Bull. Ass. plén. no 6, RTD civ. 1997, p. 216, obs. J. NORMAND, qui a mis fin à une divergence jurisprudentielle qui opposait la deuxième
chambre civile aux autres chambres de la haute Juridiction.

(1303) V., par exemple, Soc., 25 janvier 1979, Bull. civ. V, no 13.

(1304) Civ. 3e, 22 mars 1983, Bull. civ. III, no 83 ; Soc., 15 mars 1984, Bull. civ. V, no 99.

(1305) V. notamment Soc., 1er avril 1981, Bull. civ. V, no 297.(1306) V. notamment Civ. 2e, 8 juin 1983, Bull. civ. II, no 123.

(1307) En ce sens, J. NORMAND, obs. à la RTD civ. 1988, p. 167.

(1308) On trouve cependant quelques arrêts de la Cour de cassation qui, contre toute logique, mais en conformité avec la lettre de
l'article 809, alinéa 1er CPC, admettent très clairement qu'il puisse y avoir à la fois contestation sérieuse et trouble manifestement illicite.
En ce sens et prononçant une cassation : Civ. 3e, 22 janvier 1997, Bull. civ. III, no 22. À rapprocher : Com., 31 mai 2011, no 10-13541,
RTD civ. 2011, p. 590, obs. R. P ERROT .
(1309) Un tel pouvoir constituerait la réalisation d'une crainte exprimée par M. R. Perrot (R. P ERROT , « L'évolution du référé »,
Mélanges offerts à Pierre Hébraud, Toulouse, 1981, p. 645, no 25) que le référé devienne une illustration de la loi de Gresham, selon
laquelle la mauvaise monnaie chasse la bonne.

(1310) V. Civ. 1re, 3 juin 1986, Bull. civ. I, no 153, Adde J. NORMAND, obs. préc.

(1311) Trad. : Celui qui a été spolié doit, avant toute chose, être rétabli dans sa situation.

(1312) Sur les ressemblances qui peuvent exister entre le juge des référés et le juge du possessoire, v. infra, no 445. Et sur le
remplacement des actions possessoires par le référé, v. J. BEAUCHARD, « Le voisinage », L'évolution du contentieux du tribunal
d'instance, XXe anniversaire de l'IEJ de Poitiers, Poitiers, 1987.

(1313) Sur la définition de l'ordonnance de référé, v. supra, no 396.

(1314) À l'exception de la procédure de l'ordonnance sur requête qui sera étudiée, infra, no 576 et s.

(1315) Pour une illustration, v. Com., 26 mars 2008, no 05-19782, Dr. et procéd. 2008, p. 275, obs. Ch. HUGON.

(1316) Civ. 3e, 17 novembre 1981, Bull. civ. III, no 191, Gaz. Pal. 1982.106, note J. VIATTE, RTD civ. 1982, p. 463, obs. J. NORMAND et
1982, 474, obs. R. P ERROT .

(1317) Sous réserve, bien sûr, des cas expressément spécifiés par la loi, comme la requête en vue de procéder à une tentative de
conciliation, prévue par l'article 1107 du Code de procédure civile.

(1318) Sur l'effet de ce type de clauses sur la compétence du juge des référés, v. supra, no 404 et s.

(1319) D. no 2011-48 du 13 janvier 2011 portant réforme de l'arbitrage.(1320) Art. 1456 CPC.

(1321) Art. 1448 CPC et art. 1449, al. 1er, a contrario. En ce sens, v. J. BÉGUIN, J. ORTSCHEIDT et Ch. SERAGLINI, « Un second souffle
pour l'arbitrage », JCP G 2011, 322, no 19.

(1322) À cet égard, le fait qu'une sentence arbitrale soit, le cas échéant, dotée de l'exécution provisoire ne suffit pas à en autoriser
l'exécution forcée. Des arbitres peuvent décider qu'un appel ou un recours en annulation n'aura pas d'effet suspensif, mais ils n'ont pas
l'autorité suffisante pour accorder la force exécutoire à leur sentence : ils ne sont ni des juges d'État, ni des officiers publics.

(1323) En matière d'arbitrage interne, il s'agit normalement du tribunal de grande instance (art. 1487 CPC). En cas d'appel ou de recours
en annulation contre la sentence arbitrale, le premier président de la cour d'appel (ou, dès qu'il est saisi, le conseiller de la mise en état)
peut également conférer l'exequatur à la sentence assortie de l'exécution provisoire (art. 1498 CPC). Et si l'appel ou le recours en
annulation est rejeté, l'exequatur est automatiquement conféré à la sentence. Concernant l'arbitrage international, v. art. 1516, 1521
et 1527 CPC.

(1324) Com., 10 mars 1998, Bull. civ. IV, no 102.(1325) Civ. 2e, 18 novembre 1992, Bull. civ. II, no 266.

(1326) Sur la compétence territoriale du juge des référés, v. supra, no 402.

(1327) V. not. Civ. 2e, 30 avril 2009, no 08-15421, Procédures 2009, no 224, note R. P ERROT , Dr. et procéd. 2009, p. 268, obs. O. SALATI.

(1328) Le risque de partialité lié à la qualité d'employeur ou de salarié du président du conseil de prud'hommes est incompatible avec une
procédure non contradictoire telle que la procédure sur requête.

(1329) Soc., 12 avril 1995, Bull. civ. V, no 134. L'hésitation était permise, car l'article 850 du Code de procédure civile dispose qu'en
matière de référé, le juge du tribunal d'instance peut être compétent à défaut de juge prud'homal. Mais ce texte ne vise pas l'ordonnance
sur requête et il eût été hasardeux de « ressusciter » un texte que la généralisation des conseils de prud'hommes a rendu sans objet.

(1330) Pour des exemples plus nombreux, v. P. JULIEN et N. FRICERO, Droit judiciaire privé, LGDJ, 5e éd., 2014, no 513.

(1331) Art. L. 511-1 CPCE.


(1332) D'ailleurs, l'article L. 511-3 du Code des procédures civiles d'exécution prévoit que l'autorisation « peut être accordée par le
président du tribunal de commerce lorsque, demandée avant tout procès, elle tend à la conservation d'une créance relevant de la
compétence de la juridiction commerciale ».

(1333) Civ. 1re, 6 février 1979, Bull. civ. I, no 47.

(1334) Soc., 17 mai 1977, Ferodo, Bull. civ. V, no 327, JCP 1978, II, 18992, note Y. DESDEVISES, D. 1977.645, note A. JEAMMAUD, RTD
civ. 1977, p. 602 et 1979, p. 174, obs. J. NORMAND. Cette jurisprudence a inspiré l'article 56 de la loi no 2003-239 du 18 mars 2003 pour la
sécurité intérieure qui a complété l'article 9 de la loi no 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage :
« Le juge saisi par voie de requête peut étendre les effets de l'ordonnance (d'évacuation forcée de résidences mobiles à la demande du
maire) rendue en la forme des référés à l'ensemble des occupants du terrain non visés par l'ordonnance initiale lorsque le requérant
démontre l'impossibilité de les identifier ».

(1335) Bien entendu, la question n'est pas de savoir s'il est bon que le juge des référés puisse ordonner l'expulsion de grévistes occupant
une usine, donc de savoir si le droit de grève comprend celui d'occuper le lieu de travail. La réponse à cette question ne relève pas du
droit judiciaire privé. La seule question ici posée est de savoir si, à supposer que l'employeur ait le droit d'obtenir l'expulsion des grévistes,
il peut recourir à l'ordonnance sur requête.

(1336) Ex. : Com., 22 mars 1988, Bull. civ. IV, no 123.(1337) Cf. l'article L. 133-4 du Code de commerce, en matière de transport.

(1338) V. supra, no 422 et s.

(1339) Civ. 2e, 15 janvier 2009, no 08-10771, Procédures 2009, no 72, note R. P ERROT , Dr. et procéd. 2009, p. 154, obs. Y. DESDEVISES, D.
2009, p. 1455, note G. MOUY. Cet arrêt revient sur la solution inverse qui avait été retenue par Civ. 2e, 7 mai 2008, no 07-14858, RTD civ.
2008, p. 549, obs. (crit.) R. P ERROT , D. 2009, p. 143, note S. P IERRE-MAURICE.

(1340) En ce sens : Civ. 2e, 13 mai 1987, Bull. civ. II, no 112, RTD civ. 1988, p. 181, obs. R. P ERROT ; Civ. 1re, 10 février 1993, Bull. civ. I,
no 70 ; Civ. 2e, 23 novembre 1994, Bull. civ. II, no 241. Il a déjà été indiqué que les circonstances qui exigent le recours à l'ordonnance sur
requête ne se limitent pas à la seule nécessité d'obtenir un effet de surprise. V., à titre d'exemple, Com., 22 mars 1988, préc.

(1341) Sur l'exécution sur minute, v. infra, no 552.(1342) Art. 17 CPC.(1343) Art. 84 du décret.

(1344) Lorsque le juge des requêtes rejette la demande qui lui est soumise, le demandeur doit utiliser les voies de recours normales, en
principe l'appel (art. 496, al. 1 CPC).

(1345) Civ. 2e, 6 avril 1987, Bull. civ. II, no 85 ; Civ. 2e, 22 janvier 1997, Bull. civ. II, no 19.

(1346) Civ. 1re, 15 mai 2008, no 07-20624, Procédures 2008, no 194, note R. P ERROT .(1347) V. supra, no 412.

(1348) En réalité, la nature du référé-rétractation est double : de manière générale, c'est une voie de recours (dont le seul objet est « de
soumettre à l'examen d'un débat contradictoire les mesures (...) ordonnées (...) en l'absence de (...) (l')adversaire », ce qui interdit de
nouvelles demandes par celui qui a obtenu l'ordonnance sur requête : Civ. 2e, 9 septembre 2010, no 09-69936). Mais le référé-rétractation
se transforme en « voie d'adaptation » quand il repose sur l'évolution de circonstances de fait rendant l'ordonnance sur requête inadaptée
pour l'avenir. Sur ce distinguo, v. K. SALHI, Contribution à une théorie générale des voies de recours en droit judiciaire privé, thèse,
Caen, 2004, no 624 et s.

(1349) Civ. 2e, 3 janvier 1979, Bull. civ. II, no 6, D. 1979, I.R.291, obs. P. JULIEN.

(1350) Civ. 2e, 28 octobre 1982, Bull. civ. II, no 137 ; Com., 1er décembre 1987, Bull. civ. IV, no 258.

(1351) V. D. LE NINIVIN, La juridiction gracieuse dans le nouveau Code de procédure civile, Paris, 1983 ; R. MARTIN, « Matière
gracieuse et ordonnances sur requête unilatérale », JCP 1976.1.2787 ; J. VIATTE, « Matière gracieuse et ordonnance sur requête »,
Gaz. Pal. 1976, doct. 622 ; S. P IERRE, Ordonnance sur requête et matière gracieuse, thèse dact., Strasbourg, 2001.

(1352) V. supra, no 412.(1353) V. infra, no 567.(1354) V. art. R. 145-23 C. com.

(1355) On remarquera, à ce sujet, que l'article 1050 du Code de procédure civile dispose que la demande est instruite et jugée comme en
matière gracieuse.
(1356) La variété des ordonnances sur requête se manifeste aussi à travers l'existence d'ordonnances à caractère contentieux, mais
étrangères à l'article 493 dans la mesure où elles ont un caractère définitif. Ainsi, l'article 465 du Code de procédure civile dispose qu'une
partie peut obtenir du greffier une seconde copie exécutoire du jugement qu'a rendu le tribunal, « s'il y a motif légitime » et qu'en cas de
difficulté, le président de cette juridiction statue par ordonnance sur requête. Une telle ordonnance est contentieuse, car elle tranche un
différend entre un plaideur et le greffier. Mais, en même temps, elle présente un caractère définitif, bien que l'on suive la procédure des
articles 493 et s. CPC. La loi ne fait qu'emprunter les formes de la procédure relative aux ordonnances provisoires sur requête, par souci
de simplicité, pour que soit réglée définitivement une difficulté opposant un administré à l'administration.

(1357) V. supra, no 325.

(1358) Ce sera le cas, par exemple, lorsqu'un immeuble est occupé par un possesseur non propriétaire, depuis plus d'un an. Le véritable
propriétaire n'est plus possesseur (v. art. 2271 C. civ.). Cette distinction de la possession et de la titularité du droit subjectif ne concerne
pas que le droit de propriété. Ainsi, on peut être usufruitier ou simple possesseur d'un usufruit, titulaire d'une servitude de vue ou simple
possesseur de cette vue. Sur ces questions de théorie de la possession, nous renvoyons le lecteur intéressé à la consultation des ouvrages
de droit des biens.

(1359) Mais, rappelons-le, il peut s'agir d'un autre droit (usufruit...). Ce n'est que par souci de simplicité que nous nous en tenons à
l'exemple du droit de propriété.

(1360) Ex. : une action négatoire de servitude.(1361) V., notamment, les art. 2258 et s. C. civ.

(1362) Compte tenu du développement considérable que connaît le contentieux du provisoire, il est permis de se demander s'il est encore
opportun de maintenir tout un corps de règles protégeant la possession pour elle-même, c'est-à-dire indépendamment de tout effet sur la
propriété. Le référé protège la possession aussi bien que les actions possessoires. Et la Cour de cassation admet que la victime d'un
trouble de la possession saisisse le juge des référés pour qu'il y soit mis fin (v. notamment : Cass. Ass. plén., 28 juin 1996,
Bull. Ass. plén., no 6 ; Civ. 2e, 27 novembre 1996, Bull. civ. II, no 269 ; Civ. 3e, 22 mars 1995, Bull. civ. III, no 90). On parle parfois, alors,
de « référé possessoire », ce qui est un abus de langage, car l'action en référé n'est pas une action possessoire, à tel point que le
défendeur à l'action en référé peut agir au principal (au pétitoire) avant même d'avoir cessé de causer le trouble (ex : Civ. 3e, 24 février
1999, Bull. civ. III, no 51), ce que lui interdirait l'article 1267 CPC, s'il s'agissait d'une action possessoire.

(1363) Ex. : quand, sur un terrain voisin, ont été commencés des travaux de construction qui, à terme, conduiront à priver de lumière les
fenêtres du logement du demandeur.

(1364) V. art. 1264 CPC. Il faut aussi, en matière de complainte et de dénonciation de nouvel œuvre, que sa possession dure depuis au
moins un an. Et de manière générale, il faut agir dans l'année qui suit le début du trouble.

(1365) L. no 2005-47 du 26 janvier 2005. V., depuis lors, art. R. 211-4 COJ.

(1366) V. Y. STRICKLER, « La mort des actions possessoires », Études Simler, Dalloz et Litec, 2006, p. 823. On parle d'ailleurs de
supprimer les actions possessoires : v. J.-L. BERGEL, « Réformer la distinction du pétitoire et du possessoire », Mélanges G. Goubeaux,
LGDJ, 2009, spéc. p. 27.

(1367) C'est pourquoi, sur le détail des règles relatives à la protection possessoire, nous renvoyons le lecteur aux ouvrages civilistes :
v. W. DROSS, Droit des biens, Domat, 2e éd., 2014, no 253 et s. ; J.-L. BERGEL, M. BRUSCHI et S. CIMAMONTI, Droit civil. Les biens,
LGDJ, 2e éd., 2010, no 424 et s. ; F. TERRÉ et Ph. SIMLER, Droit civil. Les biens, Dalloz, Précis, 9e éd., 2014, no 196 et s.

(1368) D'ailleurs, encourt la cassation, pour excès de pouvoir, la décision par laquelle un juge des référés accorde le bénéfice de la
protection possessoire à une partie et statue selon les règles des actions possessoires (par exemple la règle de la possession annale) : Civ.
3e, 15 mai 2008, no 07-14759, Procédures 2008, no 200, note R. P ERROT et no 239, note J. JUNILLON.

(1369) Un raisonnement comparable peut être tenu dans un domaine tout différent : si mon adversaire dispose d'un contrat par lequel je
me suis engagé à lui verser une somme d'argent, il peut obtenir un jugement me condamnant à lui payer cette somme. Mais si, par la
suite, je découvre que j'ai été victime d'un dol ou d'une erreur vice du consentement, je pourrai obtenir un jugement d'annulation du
contrat et obtenir le remboursement de la somme versée. On ne doit pas pour autant considérer que le premier jugement avait un
caractère provisoire.

(1370) Ex. : Civ. 3e, 23 novembre 1976, Bull. civ. III, no 411.
(1371) Il peut s'agir aussi de détention (ou possession précaire), car l'article 2278, alinéa 2 du Code civil dispose que « la protection
possessoire est pareillement accordée au détenteur contre tout autre que celui de qui il tient ses droits ».

(1372) Civ. 1re, 20 janvier 1960, Bull. civ. I, no 40.

(1373) La possession constitue, par essence, une contradiction au droit du propriétaire. Il n'y a donc pas de possession à proprement
parler, lorsque le prétendu possesseur n'use de la chose qu'en raison d'une tolérance du propriétaire. C'est ce qu'exprime l'article 2262 du
Code civil, lorsqu'il énonce que « les actes (...) de simple tolérance ne peuvent fonder (...) (une) possession (...) ».

(1374) On dira alors que c'est un « juste titre » (v. art. 2272 C. civ.), c'est-à-dire un acte juridique qui a vocation à transférer des droits,
mais qui, émanant d'un non propriétaire n'en a pas transmis. Ainsi, celui qui, croyant acquérir un droit d'usufruit d'un cocontractant qui, en
réalité, n'en était pas titulaire, est devenu possesseur d'un usufruit, mais pas usufruitier (pas titulaire du droit d'usufruit).

(1375) Civ. 1re, 20 janvier 1960, préc.(1376) Civ. 3e, 5 novembre 1970, Bull. civ. III, no 567, D. 1971.101, rap. CORNUEY.

(1377) Civ. 3e, 9 mars 2005, no 03-18697. Par le passé, la Cour de cassation avait décidé que la disposition de l'article 1267 ne contenait
pas une fin de non-recevoir, mais seulement une exception dilatoire (Civ. 3e, 10 juin 1981, Bull. civ. III, no 110), ce qui était discutable.

(1378) Civ. 3e, 6 janvier 2010, no 08-22068 : « l'action pétitoire engagée postérieurement à l'action possessoire rend celle-ci sans objet ».

(1379) Les textes montrent que ce travers guette le législateur à tout moment. Ceux relatifs aux procédures collectives des entreprises
(naguère la loi no 85-98 du 25 janvier 1985 et le décret no 85-1388 du 27 décembre 1985 ; aujourd'hui les articles L. 620-1 et s. et R. 621-
1 et s. C. com.) en fournissent une excellente illustration. Il est certain que cette matière appelle parfois des règles dérogatoires au droit
commun. On a du mal à croire qu'il fallait s'en écarter sur tant de points. Pourquoi, par exemple, l'exercice des voies de recours est-il
enfermé dans un délai de dix jours au lieu de quinze ? Le sort des entreprises en difficulté en dépendait-il ? Il est clair que le choix de ce
délai insolite ne s'explique que par le fait que les rédacteurs de ces textes ont voulu établir le délai « idéal », au lieu d'avoir la modestie de
puiser dans le fonds commun existant. On ne peut pas dire que le résultat mérite des éloges. Le même constat peut être fait à propos de
la loi no 91-650 du 9 juillet 1991 et du décret no 92-755 du 31 juillet 1992 (désormais codifiés dans le Code des procédures civiles
d'exécution), qui ont réformé les voies d'exécution. Bien que ces textes fussent d'une qualité très nettement supérieure à ceux de 1985, ils
ont produit des complications inutiles que l'on aurait pu éviter, au besoin en modifiant le Code de procédure civile. Sur cette question,
cf. J. HÉRON, « Le nouveau Code de procédure civile », La Codification, Paris, 1996, p. 81 et s.

(1380) V. infra, no 607.

(1381) V. notamment, P. ESTOUP, « Le contrat de procédure en appel », D. 1985.chr.195, « Le contrat de procédure ; illusions et
réalités », Gaz. Pal. 1985, doct. 680, M. CARATINI, « Le contrat de procédure : une illusion ? », Gaz. Pal. 1985, doct. 639.

(1382) D'ailleurs, le décret de 2005 ne l'emploie pas. On peut cependant supposer que l'expression subsistera dans la pratique. À noter
que cette expression est aussi parfois employée pour désigner les « protocoles » passés entre une juridiction et un barreau relativement
aux procédures. On est alors en présence d'accords collectifs dont la valeur juridique nous apparaît douteuse et dont la multiplication nuit
à l'homogénéité des pratiques judiciaires (v. C. BLÉRY, « De la contractualisation à la réglementation unilatérale : dérive des protocoles de
la mise en état », Procédures 2012, focus no 5).

(1383) Sur la distinction de l'instrumentum qui porte la demande, et du negotium qui est porté par l'acte de procédure, v. supra, no 60.

(1384) Art. 829 CPC. Cette juridiction doit disparaître en 2017 : v. infra, no 968.(1385) Art. 854 CPC.(1386) Art. R. 1452-1 C. trav.

(1387) Art. R. 1452-2 C. trav.(1388) Art. 885 CPC.(1389) Tant qu'elle existe (v. infra, no 968). V. art. 843 CPC.

(1390) Sur la raison d’être de cette exigence que l’on retrouve à l’article 56 du Code de procédure civile, à propos de l’assignation,
v. infra, nº 462.

(1391) Ex. : devant le tribunal paritaire des baux ruraux ou le tribunal d'instance, la déclaration contient un exposé (même sommaire) des
motifs de la demande. V. art. 885 et 843 CPC.

(1392) Art. 750 CPC.(1393) Tant qu'elle existe (v. infra, no 968). V. art. 829 CPC.(1394) Art. 854 CPC.

(1395) Sur la saisine du tribunal, v. infra, no 469.(1396) Sur la rédaction des actes d'huissier, v. supra, no 166.

(1397) Art. 752 CPC. Sur l'assignation devant le tribunal de grande instance, v. infra, no 592.
(1398) Sur la raison d'être de cette précision, v. infra, no 599.

(1399) Pour un exemple d'assignation nulle en raison de l'impossibilité pour le défendeur d'identifier la demande formée contre lui,
v. Com., 25 janvier 1994, Bull. civ. IV, no 35.

(1400) L'expression « publication au fichier immobilier » qui figure dans le Code de procédure et même dans le décret du 4 janvier 1955
relatif à la publicité foncière est inadéquate car, en réalité, la formalité de publicité foncière d'un acte juridique ne résulte pas de sa
mention au fichier immobilier, mais de l'insertion d'une copie de l'acte ou d'un bordereau hypothécaire (pour les sûretés réelles
immobilières) dans un des registres tenus au service chargé de la publicité foncière : registre des publications, registre des inscriptions,
registre des saisies immobilières.

(1401) Le défaut de publication d'une assignation au service des hypothèques est sanctionné par une fin de non-recevoir. V. art. 30 5 du
décret du 4 janvier 1955. Il ne faut donc pas confondre ce défaut de publication avec le simple défaut des mentions requises par
l'article 56 du Code de procédure civile, qui n'est sanctionné que par une nullité de forme (ex : Civ. 3e, 6 octobre 2010, no 09-66683).

(1402) Cf. l'article 7 du décret du 4 janvier 1955.

(1403) De plus, la nullité est couverte si l'adversaire fait valoir des moyens de défense au fond avant de soulever cette nullité (v. art. 112
CPC). Ex. : Civ. 3e, 26 novembre 2003, Bull. civ. III, no 205, à propos d'une absence de motivation de l'assignation. Mais pour un
exemple d'annulation d'une assignation défectueuse au regard de l'obligation d'indiquer les moyens du demandeur, v. Civ. 1re, 5 avril 2012,
no 11-10463.

(1404) Sur ce bordereau, v. infra, no 601.

(1405) Les textes ne prévoient pas de sanction et cette formalité n'est pas substantielle ni d'ordre public. V. Civ. 2e, 3 avril 2003,
Bull. civ. II, no 94.

(1406) Sur cette réforme et pour une lecture assez optimiste, v. C. Bléry et J.-P. Teboul, « Une nouvelle ère pour la procédure civile
(...) », Gaz. Pal. 2015/108, p. 7.

(1407) Art. 128 CPC. Avant le décret du 11 mars 2015, ce pouvoir général d’initiative du juge figurait à l’ancien article 127. V. aussi
l’article 131-1 CPC, relatif à la médiation.

(1408) V., pour un exemple de confusion manifeste entre les deux questions, Bourges, 28 mai 1984, D. 1986.236, avec la note justement
critique de Mme D. HUET -WEILLER.

(1409) Art. 1442 et 1445 CPC.

(1410) Cf., pour une bonne illustration des conditions d'utilisation de la requête conjointe, Civ. 1re, 27 mai 1986, Bull. civ. I, no 144, D.
1987.209, note P.-Y. GAUTIER.

(1411) Au pied de la lettre, l'article 57 du Code de procédure civile ne prévoit une telle sanction que pour les mentions relatives à
l'identification des parties, à l'indication de la juridiction et à la désignation des immeubles. Il semble cependant préférable de l'étendre,
par un raisonnement analogique, à l'ensemble des mentions qui sont démarquées de l'assignation.

(1412) V. supra, no 291.

(1413) À défaut de textes généraux régissant cette matière, il faut se reporter aux dispositions propres à chaque juridiction. Les textes
applicables devant le tribunal de commerce en donnent un bon aperçu. L'article 857 du Code de procédure civile dispose que « le tribunal
est saisi, à la diligence de l'une ou l'autre partie, par la remise au greffe d'une copie de l'assignation ». L'article 860 ajoute, pour les autres
actes introductifs, que « le tribunal est saisi soit par la remise de la requête conjointe, soit par la signature d'un procès-verbal constatant
que les parties se présentent volontairement pour faire juger leurs prétentions ».

(1414) Art. 757 CPC. V. infra, no 593. Le rôle de la saisine apparaît encore en cas de litispendance. Sur ce point, v. infra, no 1067.

(1415) Cass. Ass. plén., 3 avril 1987, Bull. Ass. plén., no 2. Cette jurisprudence n'a pas été consacrée lors de la réforme de la
prescription par la loi du 17 juin 2008. Mais cela ne signifie pas qu'elle soit condamnée et divers arguments militent en faveur de son
maintien. Sur ce point, v. L. MINIATO, « La loi du 17 juin 2008 rend-elle caduque la jurisprudence de l'Assemblée plénière de la Cour de
cassation ? », D. 2008, p. 2952.
(1416) Sur ces cas de caducité, v. art. 839 et 857 CPC.

(1417) V., pour le renvoi de l'affaire au juge de la mise en état, devant le tribunal de grande instance, l'article 761 du Code de procédure
civile.

(1418) Sauf à établir un dossier sur support électronique et un autre, complémentaire, sous la forme papier pour recueillir les documents
non dématérialisés. L'intérêt d'une telle solution serait des plus incertains.

(1419) Le décret no 2005-1678 du 28 décembre 2005 a inséré des articles 748-1 à 748-6 dans le Code de procédure civile. Ceux-ci ont
posé les bases d'une communication électronique avec les juridictions (et entre avocats), en vue d'un développement progressif de la
téléprocédure.

(1420) Cass. mixte, 21 juillet 1978, Bull. civ., no 4, Gaz. Pal. 1978.578, note J. VIATTE, RTD civ. 1979, p. 192, obs. R. P ERROT , D. 1979,
I.R. 292, obs. P. JULIEN. Sur la preuve de la communication au ministère public, v. infra, no 517.

(1421) Ex. : En cas de demande tendant à la fixation, par le juge aux affaires familiales, des modalités des relations entre un enfant
mineur et un tiers, lorsque les parents sont en désaccord avec ce dernier (art. 1180 CPC).

(1422) Art. 428 CPC.

(1423) Le législateur indique parfois un délai plus précis. Par exemple, en matière d'ouverture d'une mesure de protection d'un majeur,
l'article 1225 du Code de procédure civile dispose que le dossier doit être transmis au ministère public au moins un mois avant la date
fixée pour l'audience.

(1424) Art. 431, al. 2 CPC.

(1425) Le texte ajoute : « et (il) lui indique s'il entend formuler cet avis à l'audience ». Cette rédaction donne à penser que, contrairement
à ce que décide la loi dans d'autres situations (ex : art. 1187 CPC, en matière d'assistance éducative), le procureur ne peut pas choisir
entre un avis écrit et un avis présenté oralement à l'audience. Il peut simplement s'en tenir à un avis écrit ou cumuler les deux formes
d'expression, ce qui est curieux.

(1426) V., par exemple, l'article 359 du Code de procédure civile, en matière de renvoi pour cause de suspicion légitime.

(1427) Par exemple, le représentant du ministère public peut se borner à dire : « Je demande l'application de la loi », ou encore : « Je
m'en rapporte à la sagesse du tribunal », ce qui n'éclaire pas beaucoup celui-ci.

(1428) V. not. Civ. 3e, 8 octobre 2003, Bull. civ. III, no 174, RTD civ. 2004, p. 137, obs. R. P ERROT ; Com., 30 octobre 2007, no 05-20363,
Procédures 2007, no 277, note R. P ERROT .

(1429) V. Civ. 1re, 23 janvier 2008, no 07-11297.(1430) Note sous Com., 30 octobre 2007, no 05-20363, préc.

(1431) La Cour de cassation en déduit que les parties ne peuvent soutenir, lors des débats oraux, des moyens contraires à ceux qu'elles
ont soumis au juge dans leurs conclusions écrites (Civ. 2e, 25 janvier 1989, Bull. civ. II, no 20), pas plus qu'elles ne peuvent renoncer
oralement à l'une des prétentions exprimées dans leurs écritures (Civ. 3e, 4 mars 1998, Bull. civ. III, no 58).

(1432) Hormis quelques dérogations en faveur des avocats venus d'autres barreaux et parfois du bâtonnier en exercice, l'ordre de
passage des affaires à l'audience dépend de l'ancienneté des avocats au tableau. Le jeune avocat peut perdre ainsi une après-midi
entière lorsqu'il doit plaider contre trois ou quatre confrères d'inégale ancienneté. L'usage même très vénérable doit-il être conservé
quand il conduit à des résultats aberrants ? De façon générale, tous les avocats reconnaissent qu'en raison des audiences, leur temps de
travail est très mal organisé, et que, malgré des horaires de travail excessifs, ils ne peuvent consacrer à l'étude de leurs dossiers tout le
temps qui serait souhaitable.

(1433) Et même devant la Cour de cassation, les affaires de principe donnent presque toujours lieu à des plaidoiries des avocats aux
conseils. C'est aussi l'usage quand une affaire vient devant l'Assemblée plénière.

(1434) En général, l'avocat a plutôt tendance à renforcer ses effets de manche, quand il sait que son client l'écoute. Certains,
prudemment, avertissent les juges et l'avocat adverse de la présence dudit client (comme pour s'excuser par avance de devoir « en
rajouter ») en usant de formules mystérieuses pour le commun des mortels, telles que « je plaide à corps présent » (le « corps » étant, ici,
celui du client...).
(1435) L'appel des causes est la phase initiale d'une audience, durant laquelle on procède à l'appel des parties présentes. Ceci permet de
déterminer non seulement qui est absent ou présent, mais aussi qui sollicite un renvoi, qui souhaite que l'affaire soit « retenue » (et donc
plaidée) et qui se borne à « déposer » son dossier sans plaider.

(1436) Contra : R. MARTIN, « Les avocats sevrés de plaidoirie », JCP G 2006, Actu, no 96, p. 399. L'auteur craint que les avocats ne
subissent les pressions du juge qui leur suggérerait de demander le dépôt sans plaidoirie.

(1437) Art. 10 de la Déclaration universelle des droits de l'homme du 10 décembre 1948 ; art. 14 § 1er du Pacte international relatif aux
droits civils et politiques du 19 décembre 1966 ; art. 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales du 4 novembre 1950.

(1438) Art. 436 CPC. On remarquera que la procédure civile ne connaît pas ou, plus exactement, ne connaît plus le huis clos, qui
n'appartient plus qu'à la procédure pénale.

(1439) CE (sect.), 4 octobre 1974, JCP 1975.II.17967, note R. DRAGO, D. 1975, 369, note J.-M. AUBY, Gaz. Pal. 1975.1.117, note
AMSON, RTD civ. 1975, p. 355, obs. J. NORMAND. Il n'est peut-être pas très heureux de dire que le législateur pourrait « étendre » les
limites du principe de la publicité des débats. À proprement parler, un principe ne peut avoir d'autres limites que des restrictions. La
prétendue extension du principe signifie en réalité que l'on supprime des restrictions qui avaient été antérieurement posées.

(1440) Sur laquelle, v. infra, no 562 et s.(1441) Art. 432, al. 1 CPC.

(1442) Il existe cependant une exception, sur laquelle v. infra, no 630, lorsque l'audience consacrée aux débats oraux est tenue par un
seul juge, alors que la décision demeure collégiale. Le juge qui a entendu seul les plaidoiries en rend compte aux autres au cours du
délibéré.

(1443) Sur le rapport, v. infra, no 631.

(1444) Art. 440 CPC. Le texte ne donne aucune indication pour le cas pourtant banal où il existe plus de deux parties au procès.

(1445) Art. 441, alinéa 2 CPC. La Cour de cassation décide même que le juge peut ne pas donner la parole aux parties (Civ. 1re, 9 avril
1975, Bull. civ. I, no 122), qu'il s'agit d'un pouvoir discrétionnaire et que ceci n'est pas contraire à l'article 6 de la Convention européenne
des droits de l'homme (Civ. 2e, 24 juin 2004, Bull. civ. II, no 318). Cette solution est choquante. L'article 441, sainement interprété, signifie
que les parties ont le droit de s'exprimer personnellement et le président ne devrait pouvoir leur retirer la parole qu'après avoir constaté
qu'elles en faisaient un mauvais usage ; il est anormal qu'il le fasse à titre préventif.

(1446) Art. 445 CPC. Sur le délibéré et les notes en délibéré, v. infra, no 495.

(1447) En matière d'irrégularité dans la composition de la juridiction, l'article 430 CPC est encore plus strict : la contestation doit être
présentée, à peine d'irrecevabilité, dès l'ouverture des débats ou dès la révélation de l'irrégularité si elle survient postérieurement.

(1448) Si le juge statue en premier ressort seulement, la recherche d'une irrégularité ne présente pas d'intérêt, en raison de l'assimilation
de l'appel-nullité à l'appel normal qu'opère le Code de procédure civile. V. infra, no 746.

(1449) Prise à la lettre, la disposition de l'article 446, alinéa 2, est absurde lorsqu'elle vise le changement intervenu dans la composition du
tribunal qui se produit pendant le délibéré, obligeant le président à rouvrir les débats. Comment le commun des mortels, qui n'a pas le don
de prescience, peut-il soulever une telle irrégularité avant la clôture des débats ? Il semble en réalité qu'il s'agisse d'une simple erreur de
plume et que l'article 446 ne s'applique pas dans cette hypothèse. Dans le même esprit, la Cour de cassation décide que si une partie n'a
pas été convoquée à l'audience, elle doit pouvoir invoquer en cassation une des irrégularités visées à l'article 446, alinéa 1er, du Code de
procédure civile, sans que l'on puisse lui opposer la règle de l'alinéa 2 : à propos d'un défaut de publicité des débats, v. Civ. 2e,
20 novembre 1991, Bull. civ. II, no 310 et Cass. Ass. plén., 22 décembre 2000, Bull. Ass. plén., no 12. La solution est logique, puisque,
n'ayant pas été convoqué à l'audience, l'intéressé a été privé de la possibilité de soulever l'irrégularité avant la clôture des débats.

(1450) Sous réserve du cas précédemment évoqué en note où une partie n'a pas été convoquée à l'audience, ce qui l'a empêchée de
dénoncer l'irrégularité avant la clôture des débats (v. notamment Cass. Ass. plén., 22 décembre 2000, Bull. Ass. plén., no 12, préc.).

(1451) Pour une autre application de cette technique, v. infra, no 516.

(1452) Civ. 2e, 3 avril 1979, Bull. civ. II, no 115. La Cour de cassation présume qu'à défaut de preuve contraire, la règle posée par
l'article 443 a été observée. V. ainsi : Soc., 13 novembre 1986, Bull. civ. V, no 522.
(1453) C'est le cas par exemple lorsque l'une des parties n'a pas été régulièrement informée de la date et de l'heure de l'audience à
laquelle l'affaire sera débattue.

(1454) Sur lesquels, v. infra, no 564.

(1455) Les arrêts rendus par la Cour de cassation présentent une originalité plus marquée, en raison de la mission particulière qui lui est
confiée par le législateur. Sur tous ces points, v. infra, no 887.

(1456) Sur cette règle, v. supra, no 482.(1457) Sur ces exceptions, v. infra, no 630.

(1458) Sauf dossier exceptionnellement complexe, le délibéré ne devrait pas excéder quelques semaines. Les délibérés qui durent six
mois ou même parfois dépassent un an sont le signe d'un mauvais fonctionnement de la juridiction.

(1459) L'actuel article 450 CPC précise cependant que s'il décide ainsi de « renvoyer le prononcé du jugement à une date ultérieure, le
président en avise les parties par tout moyen », cet avis comportant « les motifs de la prorogation ainsi que la nouvelle date à laquelle la
décision sera rendue ». En pratique, on imagine qu'il leur fera envoyer une télécopie ou un courrier par le greffe.

(1460) Bien sûr, il n'a pas à l'indiquer lorsqu'un calendrier de procédure (ou « contrat de procédure ») a été adopté (v. art. 764, al. 3 CPC
et infra, no 607), car alors la date du prononcé est d'ores et déjà connue. L'article 450 prévoit d'ailleurs cette exception.

(1461) Civ. 2e, 10 juillet 1978, Bull. civ. II, no 186, Gaz. Pal. 1979.111, note J.V., RTD civ. 1979, p. 669, obs. R. P ERROT , D. 1978.IR.498,
obs. P. JULIEN.

(1462) R. P ERROT , obs. préc.

(1463) Le fait que les parties aient été avisées par le président de la date du prononcé du jugement n'est pas présumé : il doit être établi.
La Cour de cassation exige que l'avis soit mentionné dans le jugement pour que puisse courir le délai du contredit (ex : Civ. 2e, 11 juin
1997, Bull. civ. II, no 172 ; 6 novembre 2008, no 08-10223, Procédures 2009, no 3, note R. P ERROT ). À noter cependant que le délai de
deux ans de l'article 528-1 CPC court à compter du jugement, indépendamment de la connaissance que les parties aient pu avoir de la
date de ce jugement : v. infra, no 713.

(1464) Ex. : Civ. 2e, 5 février 2009, Bull. civ. II, no 34. Éventuellement, le délai peut commencer à courir contre une partie avant la
notification lorsqu'il peut être établi de façon certaine qu'elle a eu connaissance du jugement avant la notification. V. Civ. 2e, 30 novembre
1983, Bull. civ. II, no 189, RTD civ. 1984, p. 166, obs. R. P ERROT , Gaz. Pal. 1984, Pan. 9, obs. S. GUINCHARD.

(1465) Le contredit de compétence en fournit une illustration topique. Les rédacteurs du Code de procédure civile ont voulu, à juste
raison, que l'incident de compétence ne retarde pas excessivement le déroulement du procès. L'inobservation de la règle de l'article 450
CPC va directement à l'encontre de cette volonté.

(1466) Sur la composition et le fonctionnement du conseil de prud'hommes, v. R. P ERROT , Institutions judiciaires, Monchrestien, Domat,
15e éd., 2012, no 139 et s.

(1467) Sur ce point, v. infra, no 673.

(1468) Sous quelques rares exceptions, comme celle instituée en faveur des auditeurs de justice (art. 19 de l'ordonnance no 58-1270 du
22 décembre 1958). Sur les auditeurs de justice, v. R. P ERROT , Institutions judiciaires, 15e éd., 2012, no 353 et s.

(1469) V., par exemple : Civ. 2e, 5 juin 1996, Bull. civ. II, no 125 ; Civ. 3e, 24 juin 1998, Bull. civ. III, no 136. V., toutefois, pour une lecture
bienveillante de l'arrêt attaqué : Cass. Ass. plén., 12 juillet 2000, Bull. Ass. plén., no 7, qui considère que la présence du greffier au
délibéré ne résulte pas de l'indication de son nom sous la mention « composition de la Cour lors des débats et du délibéré ». Dans le
même sens : Civ. 1re, 19 octobre 1999, Bull. civ. I, no 283.

(1470) Telle n'est pas la solution qui prévaut traditionnellement en droit anglo-américain, ni devant la Cour européenne des droits de
l'homme. Les juges minoritaires peuvent faire connaître leur opinion dissidente.

(1471) V. supra, no 484.(1472) Ex. : Civ. 1re, 12 avril 2005, no 03-20029, Procédures 2005, no 151, note R. P ERROT .

(1473) V., notamment : Civ. 3e, 20 novembre 1979, Bull. civ. III, no 209.

(1474) Ex. : Com., 13 avril 1983, Bull. civ. IV, no 114 ; Civ. 2e, 25 juin 1997, Bull. civ. II, no 203.
(1475) Civ. 1re, 7 juin 2005, D. 2005, J, p. 2570, note M.-E. BOURSIER, RTD civ. 2006, p. 151, obs. R. P ERROT , Dr. et procéd. 2006, p. 35,
obs. N. FRICERO.

(1476) Sur la distinction entre le jugement comme negotium et comme instrumentum, v. supra, no 488.

(1477) La pratique parle encore de la grosse, alors que le Code de procédure civile utilise le terme d'expédition du jugement revêtue de la
formule exécutoire (art. 465).

(1478) Sur la sanction des règles de confection du jugement, v. infra, no 512 et s.

(1479) Le jugement est nul s'il est signé par un juge n'ayant pas délibéré de l'affaire. V. Civ. 2e, 30 janvier 1974, Bull. civ. II, no 47. À la
différence des juges, les greffiers sont interchangeables, si l'on peut dire, et le jugement peut être signé par un greffier qui n'a pas assisté
aux débats. V. Civ. 3e, 17 juillet 1978, Bull. civ. III, no 295. Mais il doit, à peine de nullité du jugement, avoir assisté à son prononcé : Civ.
3e, 9 décembre 1998, Bull. civ. III, no 241 ; Civ. 2e, 7 janvier 1999, Bull. civ. II, no 2.

(1480) Un arrêté du 18 octobre 2013 précise les modalités de mise en œuvre de l’article 456 CPC, pour ce qui est des décisions de la
Cour de cassation rendues en matière civile.

(1481) Sur la notion de prétention, v. supra, no 114.(1482) Sur l'infra et l'ultra petita, v. supra, no 385 et s.

(1483) Sur le défaut de réponse à conclusions, v. infra, no 823.(1484) Il s'agissait de l'alinéa 2, jusqu'au 31 décembre 2010.

(1485) Cass. Mixte, 6 avril 2007, Bull. mixte no 2, JCP G 2007, II, 10102, note E. P UTMAN, Dr. et procéd. 2007, p. 335, obs. F. VINCKEL ;
Civ. 3e, 7 janvier 2009, no 07-19753, JCP G 2009, II, 10039, note E. P UTMAN. Il n'y a guère que dans le cas où les dernières conclusions
seraient purement récapitulatives que l'on pourrait espérer échapper à la cassation (v. Civ. 2e, 3 octobre 2002, no 00-21413).

(1486) Cf. B. CHEVALLIER, La motivation des actes juridictionnels, thèse mult., Rennes 1974 ; G. GIUDICELLI-DELAGE, La motivation des
décisions de justice, thèse mult., Poitiers, 1979 ; J.-P. LEGROS, Essai sur la motivation des jugements civils, thèse mult., Dijon, 1987 ;
Th. LE BARS, Le défaut de base légale en droit judiciaire privé, thèse, LGDJ, 1997.

(1487) V. supra, no 26. À noter que l'obligation de motiver les jugements figurait à l'article 208 de la Constitution du 5 fructidor an III.

(1488) CEDH (deux décisions) 9 décembre 1994 (Ruiz Torija c/Espagne ; Hiro Balani c/Espagne), Justices, 1996-3, p. 235, obs.
G. COHEN-JONATHAN et J. F. FLAUSS ; 21 janvier 1999 (Garcia Ruiz c/Espagne), Procédures, 1999, n. 230, note N. FRICERO. Sur l'état de
cette jurisprudence à la fin de l'année 2001, v. L. BORÉ, « La motivation des décisions de justice et la Convention européenne des droits
de l'homme », JCP G 2002, I, no 104.

(1489) Cf. C. BLÉRY, « L'obligation de motiver les décisions de justice était-elle révolutionnaire en 1790 ? », Histoire de la justice, 1991,
no 4, p. 79.

(1490) Par exemple, un arrêt de parlement peut contenir le dispositif suivant : « La Cour a mis et met l'appellation et ce dont est appel à
néant, les parties hors de cour et de procès. » Il faut comprendre que le parlement infirme le jugement rendu au degré inférieur puisqu'il
met ce dont est appel à néant et qu'il déboute le demandeur originaire de ses prétentions, en mettant les parties hors de cour et de procès.
Il estime qu'en donnant satisfaction au défendeur originaire, l'infirmation du jugement suffit à régler le litige qui lui était soumis.

(1491) Sur le développement du contrôle de l'insuffisance de motivation, v. Th. LE BARS, thèse préc., no 86 à 104. Sur le défaut de base
légale, cf. infra, no 823.

(1492) Art. 353, alinéa 5, C. civ.(1493) Art. 245-1 C. civ.(1494) V., par exemple, Civ. 2e, 16 mai 1990, Bull. civ. II, no 103.

(1495) On peut admettre, sans trop de réticences, que le juge ne soit pas tenu de motiver la condamnation qu'il prononce sur le
fondement de l'article 700 du Code de procédure civile. Il n'en va pas de même dans de nombreux autres cas. L'un des plus nets est celui
de la dispense de motivation sur la fixation du point de départ des intérêts moratoires à une date autre que celle du prononcé du jugement.
V. Cass. Ass. plén., 3 juillet 1992, Bull. Ass. plén., no 7, D. 1992.404, note A. P ENNEAU, JCP 1992.II.21898, concl. DONTENWILLE, note
A. P ERDRIAU.

(1496) Sur ce point, v. infra, no 810.


(1497) Aux faits proprement dits, il faut ajouter les notions de droit que ne contrôle pas la Cour de cassation et que, pour cette raison, on
assimile inexactement aux faits, comme l'unité économique de l'attribution préférentielle, la cause réelle et sérieuse de licenciement ou la
violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage : l'absence de contrôle entraîne corrélativement l'impossibilité pour la
Cour de cassation de suppléer une motivation insuffisante.

(1498) En ce sens : Th. LE BARS, thèse préc., no 251 à 294.(1499) V. infra, no 828.(1500) Ex. : Com., 11 février 1986, Bull. civ. IV, no 6.

(1501) Civ. 3e, 27 mars 1991, Bull. civ. III, no 101.(1502) Ex. : Civ. 2e, 18 février 1987, Bull. civ. II, no 50.

(1503) La Cour européenne des droits de l'homme admet d'ailleurs la possibilité, pour la cour d'appel qui rejette un recours, de se borner
à faire siens les motifs de la décision entreprise. Ex. : CEDH, 21 janvier 1999, préc., Procédures 1999, no 230.

(1504) Mais, bien sûr, si elle substitue ses motifs à ceux des premiers juges (par exemple en refusant expressément d'examiner les
éléments de fait sur lesquels ils s'étaient fondés), cette présomption d'adoption de leurs motifs n'a plus lieu de s'appliquer, car il apparaît
que la cour d'appel les a écartés : Civ. 1re, 8 mars 2012, no 11-14811.

(1505) Ex. : Civ. 3e, 18 novembre 2009, no 08-18029, Procédures 2010, no 15, note B. ROLLAND ; Com., 23 mars 2010, no 09-11508, RTD
civ. 2010, p. 289, obs. J.-P. MARGUÉNAUD ; Civ. 2e, 23 septembre 2010, no 09-66812, Procédures 2010, no 369, note R. P ERROT ; Civ. 1re,
17 mars 2011, no 10-10583.

(1506) Civ. 2e, 31 janvier 1985, Bull. civ. II, no 26 ; 14 février 1990, ibid., no 31.

(1507) La France n'est pas seule à connaître ce genre de tentation. Pour la Belgique, v. G. DE LEVAL, « La motivation du jugement et
l'arriéré judiciaire », Liber amicorum Bernard Glansdorff, Bruylant, 2008, p. 129.

(1508) Rapport « Daussy » (non publié) de la Commission sur le fonctionnement et la gestion des cours et tribunaux, remis au garde des
Sceaux, le 29 juillet 1982.

(1509) Rapport « Coulon », « Réflexions et propositions sur la procédure civile » remis au garde des Sceaux, La Doc. Française, 1997.

(1510) V. Com., 29 octobre 1964, Bull. civ. III, no 462, p. 413. Dans cette affaire, il était reproché à la cour d'appel de ne pas avoir statué
sur une demande reconventionnelle en dommages-intérêts. La Cour de cassation rejette le pourvoi au motif que « l'arrêt attaqué a
énoncé "qu'il y a lieu, eu égard aux circonstances de la cause, de faire droit aux demandes réciproques de dommages-intérêts" ; que cette
disposition, encore qu'elle figure dans les motifs, a une valeur décisoire ».

(1511) Sur la qualification du jugement, v. infra, no 733.(1512) Sur l'autorité de chose jugée, v. supra, no 351 et s.

(1513) En revanche, est nul le jugement dont le dispositif est vide de toute décision et qui se borne à se référer aux motifs (Civ. 2e,
14 septembre 2006, no 05-11196, Procédures 2007, no 3, note R. P ERROT ) : S'il est fâcheux d'égarer par mégarde un fragment de dispositif
dans les motifs, il est encore plus grave de placer délibérément dans les motifs la totalité de ce qui devrait figurer dans le dispositif.

(1514) V. infra, no 1039.(1515) V. infra, no 516.(1516) V. supra, no 365.

(1517) En matière gracieuse, le parallèle peut être mené de façon générale. Sur ce point, v. infra, no 564.

(1518) Art. 1082 CPC. Le législateur souhaite protéger de la curiosité du public les affaires de ménage qui conduisent à un divorce, mais
il n'y a pas lieu de cacher le résultat du procès que révèle le prononcé du jugement. Le jugement de divorce est publié en marge des
actes de l'état civil parce que chacun a le droit de savoir si la personne avec qui il envisage de contracter est ou n'est pas mariée.

(1519) Art. 1074, al. 1er CPC, tel qu'interprété par la jurisprudence. V. Civ. 1re, 6 février 2008, no 06-17006, Procédures 2008, no 112, note
M. DOUCHY-OUDOT .

(1520) Civ. 2e, 10 juillet 1978, Gaz. Pal. 1979.111, note J.V., RTD civ. 1979, p. 669, obs. R. P ERROT , D. 1978.IR.498, obs. P. JULIEN.

(1521) Pour la Cour de cassation, le « prononcé » par mise à disposition au greffe n'est pas contraire à l'article 6 de la Convention
européenne des droits de l'homme, dès lors qu'il permet à chacun d'avoir accès à la décision : v. not. Civ. 1re, 6 décembre 2007, no 06-
15258, Procédures 2008, no 38, note R. P ERROT .

(1522) La jurisprudence ne suit pas toujours cette logique. Ainsi l'indication du nom des juges a-t-elle été analysée comme une formalité
ad probationem : Cass. Mixte, 11 décembre 2009, no 08-13643, JCP G 2010, 51, note Th. LE BARS.
(1523) En ce sens, en cas d'omission du nom du greffier ayant assisté aux débats : Cass. Mixte, 11 décembre 2009 préc., no 08-13643,
JCP G 2010, 51, note Th. LE BARS.

(1524) V. supra, no 498.(1525) V. supra, no 475.(1526) Sur cette règle, v. infra, no 746.(1527) Sur l'appel-nullité, v. infra, no 746.

(1528) V. supra, no 486.

(1529) La cassation a cependant été prononcée à propos d'une affaire qui avait été débattue devant le magistrat rapporteur. Les parties
s'étant trouvées dans l'impossibilité de vérifier, lors du prononcé du jugement, la présence des magistrats ayant délibéré, la Cour de
cassation en déduit que, dans une telle hypothèse, l'article 458, al. 2, du Code de procédure civile est inapplicable : v. Civ. 1re, 9 mars
1994, Bull. civ. I, no 92, RTD civ. 1994, p. 421, obs. R. P ERROT .

(1530) V. supra, no 513.(1531) Cass. mixte, 21 juillet 1978, Bull. civ., no 4, RTD civ. 1979, p. 192, obs. R. P ERROT .

(1532) Civ. 1re, 13 octobre 1998, Bull. civ. I, no 296 ; Civ. 2e, 3 juin 1999, Bull. civ. II, no 107.

(1533) En ce sens : Civ. 2e, 23 février 1994, Bull. civ. II, no 69 ; Civ. 2e, 9 juillet 1997, Bull. civ. II, no 228.

(1534) Cass. Mixte, 11 décembre 2009, no 08-13643, JCP G 2010, 51, note Th. LE BARS ; Soc., 12 février 1997, Bull. civ. V, no 60 ; Civ.
1re, 12 octobre 1999, Bull. civ. I, no 263. À l'inverse, plusieurs arrêts de la deuxième chambre civile avaient censuré des jugements ou
arrêts qui étaient affectés de ce vice (ex : Civ. 2e, 6 avril 1987, Bull. civ. II, no 84), allant même parfois jusqu'à déclarer expressément
qu'ils ne pouvaient être réparés (ex : Civ. 2e, 5 juin 1996, Bull. civ. II, no 128).

(1535) Par exemple, un jugement mentionnait seulement les magistrats qui étaient présents lorsque le jugement avait été rendu. Il a été
présumé que c'était ceux-là qui avaient délibéré de l'affaire, pour considérer comme satisfaite l'exigence formelle de l'article 454 du Code
de procédure civile (Civ. 2e, 6 juillet 1978, Bull. civ. II, no 179). De même, la Cour de cassation présume que la signature illisible qui
figure sur le jugement est celle du président (Com., 5 décembre 1977, Bull. civ. IV, no 285, D. 1978, I.R. 411, obs. P. JULIEN) ou, en cas
d'empêchement de celui-ci, celle d'un des magistrats qui ont participé au délibéré (Civ. 2e, 10 novembre 2010, no 09-70712).

(1536) Ex. : Civ. 2e, 2 avril 1979, Bull. civ. II, no 106 ; 4 mars 2004, no 02-12216, Procédures 2004, no 94, note R. P ERROT .

(1537) V. supra, no 339 et s.

(1538) Pour faire ressortir le lien avec l'effet substantiel, il suffit de constater que seuls les jugements de condamnation, qui sont dotés
d'un effet substantiel, peuvent donner lieu à exécution forcée. L'exécution forcée d'un jugement de débouté n'a littéralement aucun sens,
hormis le cas où ce jugement détruit un autre jugement de condamnation, faisant naître une obligation de restitution.

(1539) Selon une tendance que l'on a déjà rencontrée à plusieurs reprises (notamment à propos de l'action), le droit judiciaire privé érige
en réalité autonome ce qui ne constitue que les conditions d'un effet juridique. En l'espèce, la tentation est de dire que, si le jugement peut
être exécuté, c'est parce qu'il est doté de la force exécutoire. Mais, en réalité, la force exécutoire n'a aucune existence autonome sur le
plan normatif, puisque à elle seule, elle ne produit aucun effet de droit. En droit, il faut donc dire que la force exécutoire n'est que le
présupposé de la règle qui a pour effet la mise à exécution du jugement.

(1540) Art. 502 CPC. Cependant, pour la Cour de cassation, l'omission de la mention de la formule exécutoire sur la copie du jugement
signifiée à l'adversaire constitue une simple irrégularité de forme, du moins lorsque le caractère exécutoire du jugement n'est pas
contesté. Ce vice ne peut donc entraîner la nullité de la signification que s'il a causé un grief au destinataire de l'acte : Civ. 2e, 11 février
2010, no 09-65404, Procédures 2010, no 116, note R. P ERROT .

(1541) Pour une étude historique, juridique, économique et politique de cette formule, v. « La formule exécutoire : instrument procédural
ou clause de style ? », actes de la 5e édition des Institutes de l'École Nationale de Procédure, Dr. et procéd. 2010, supplément au no 11 ;
v. spéc. les « Propos conclusifs » de N. FRICERO, p. 22.

(1542) On remarquera que l'article 465 du Code de procédure civile dispose, de façon générale, que chacune des parties peut obtenir la
délivrance d'une expédition du jugement revêtue de la formule exécutoire. Les jugements contiennent très souvent des condamnations au
profit de chacune des parties au procès.

(1543) L'article 465 du Code de procédure civile ajoute encore : « s'il y a un motif légitime, une seconde expédition, revêtue de cette
formule, peut être délivrée à la même partie par le secrétaire de la juridiction qui a rendu le jugement. En cas de difficulté, le président de
cette juridiction statue par ordonnance sur requête ».
(1544) La rédaction de l'article 501 du Code de procédure civile laisse subsister une incertitude portant sur ce qu'est un jugement
exécutoire. Ce texte dispose en effet que « le jugement est exécutoire, sous les conditions qui suivent, à partir du moment où il passe en
force de chose jugée à moins que le débiteur ne bénéficie d'un délai de grâce ou le créancier de l'exécution provisoire... ». Comment
doit-on comprendre la référence faite aux « conditions qui suivent » ? On peut comprendre d'abord que le jugement ne devient exécutoire
que lorsqu'il est passé en force de chose jugée et qu'il répond aussi aux autres conditions posées par la loi, tenant notamment à sa
notification. Une autre lecture est possible : le jugement devrait être qualifié de jugement exécutoire dès qu'il passe en force de chose
jugée, mais sa mise à exécution réelle supposerait en outre qu'il soit notifié. Cette seconde interprétation peut se recommander de la
solution qui est retenue pour l'édiction des textes législatifs et réglementaires. Une loi devient exécutoire dès l'instant où elle a été
promulguée par le président de la République, donc avant même d'avoir été publiée. Mais elle ne peut être exécutée qu'après avoir été
publiée. Le choix de l'une ou de l'autre de ces interprétations présente un intérêt pratique pour l'application de l'article L. 313-3 du Code
monétaire et financier. Ce texte dispose que « le taux de l'intérêt légal est majoré de cinq points à l'expiration d'un délai de deux mois à
compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire, fût-ce par provision ». Si l'on raisonne sur un jugement rendu en dernier
ressort, à partir de quand commence à courir le délai de deux mois ? Si l'on retient la première interprétation, on dira que c'est à partir de
la notification de l'arrêt. Si l'on retient la seconde, on dira que c'est à partir de son prononcé. Après avoir été un temps divisée, la Cour de
cassation opte désormais pour la date de la notification : Civ. 3e, 3 juin 1992, Bull. civ. III, no 189, RTD civ. 1992, p. 645, obs. R. P ERROT ;
Civ. 2e, 4 avril 2002, Bull. civ. II, no 69, Procédures 2002, no 114, note R. P ERROT , RTD civ. 2002, p. 562, obs. R. P ERROT , Dr. et procéd.
2002, p. 298, obs. (crit.) Ph. HOONAKKER.

(1545) Chacun aura compris que nous sommes favorables à la suppression de la dualité des ordres de juridiction. L'idée n'est pas
originale : v. D. TRUCHET , « Fusionner les juridictions administrative et judiciaire ? », Études Auby, Dalloz, 1992, p. 335 ; Ph. LÉGER, « Le
dualisme juridictionnel a-t-il encore une raison d'être ? », Mélanges J.-F. Burgelin, Dalloz, 2008, p. 233.

(1546) L'exécution du jugement peut en effet être paralysée par l'octroi au débiteur d'un délai de grâce dans les conditions prévues par
l'article 1244-1 du Code civil.

(1547) Sur la notification des jugements rendus en matière gracieuse, v. infra, no 564.

(1548) Art. R. 1454-26 C. trav. Le texte prévoit que la même règle s'applique aux arrêts rendus par la cour d'appel en matière
prud'homale.

(1549) Art. 891 CPC.(1550) Art. 676 CPC.

(1551) Il appartient donc à l'huissier instrumentaire ou au secrétaire de la juridiction de déterminer quel est le recours dont le jugement
peut faire l'objet. En pratique, ils suivent les indications fournies par le jugement lui-même, même si ces indications n'ont d'autre portée
que d'exprimer l'opinion du juge, sans faire véritablement partie du jugement.

(1552) Par exemple, dans les procédures ordinaires avec représentation obligatoire, l'acte de notification indiquera que l'appel doit être
formé dans le délai d'un mois à compter de la notification au moyen d'une déclaration effectuée par un avocat près la cour d'appel, que
l'appelant devra choisir. Curieusement, la Cour de cassation a longtemps décidé qu'il n'était pas nécessaire de mentionner dans la
notification quelle était la juridiction territorialement compétente (v. Civ. 2e, 17 décembre 1984, Bull. civ. II, no 201). Heureusement, en
2009, elle est revenue sur cette solution, en décidant que le lieu d'exercice du recours faisait partie des modalités visées à l'article 680 du
Code de procédure civile : Civ. 2e, 10 septembre 2009, no 07-13015, JCP G 2009, 421, note N. FRICERO, Dr. et procéd. 2009, p. 351, obs.
O. SALATI.

(1553) En matière gracieuse, le jugement peut être notifié à d'autres personnes qu'aux parties : v. infra, no 564.

(1554) Civ. 2e, 8 juin 1995 (2 arrêts), Bull. civ. II, no 177 et 179, Justices 1996-3365, obs. J. HÉRON. En l'espèce, les parties étaient deux
époux qui « demeuraient ensemble à la même adresse ».

(1555) V. notamment : Civ. 2e, 13 novembre 1996, Bull. civ. II, no 249 ; Civ. 3e, 9 juin 1999, Bull. civ. III, no 138. En effet, l'article 689
CPC énonce que la notification d'un acte est valablement faite au domicile élu « lorsque la loi l'admet ou l'impose » et, concernant la
notification d'un jugement, l'article 677 prévoit qu'elle est faite à la partie elle-même. On peut en déduire qu'en principe la notification du
jugement à domicile élu n'est ni imposée, ni admise par la loi. Sur la notification à domicile élu, v. supra, no 174.
(1556) Civ. 2e, 2 décembre 2010, no 09-65987, RTD civ. 2011, p. 174, obs. R. P ERROT . Selon cet arrêt, l'élection de domicile imposée par
la loi (en l'espèce l'article 855 CPC) n'emporte pas pouvoir pour la personne chez laquelle domicile a été élu de recevoir la signification
du jugement destinée à la partie elle-même. La signification d'un jugement à domicile élu ne serait donc possible que si le destinataire
demeurant à l'étranger avait volontairement élu domicile en France en dehors de toute exigence légale ou réglementaire. Ceci exclut le
demandeur devant certaines juridictions telles que le tribunal d'instance (v. art. 837 CPC) ou le tribunal de commerce (v. art. 855 CPC).
Que le destinataire soit demandeur ou défendeur, la règle de l'article 682 serait aussi écartée lorsque la constitution d'avocat est
obligatoire et emporte élection de domicile, ce qui est le cas, notamment, devant le tribunal de grande instance (v. art. 751 CPC). On peut
trouver l'article 682 sévère pour la partie qui réside à l'étranger, mais il est regrettable que la Cour de cassation s'autorise à méconnaître
la volonté clairement exprimée par les auteurs du Code.

(1557) Toutefois, en dépit de la lettre de l'article 693, la Cour de cassation semble vouloir écarter la nullité de la notification du jugement
pour cause d'absence d'indication, dans cet acte, des sanctions encourues en cas de recours abusif ou dilatoire : Civ. 2e, 30 mai 2002,
Bull. civ. II, no 112, JCP G 2003, II, 10015, note O. FRADIN.

(1558) V. supra, no 216.

(1559) Si c'est le juge qui a induit en erreur l'agent notificateur en indiquant à tort que le jugement était susceptible d'appel, l'appel ne
devient pas pour autant recevable. L'article 536, alinéa 1er, du Code de procédure civile dispose en effet que « la qualification inexacte
d'un jugement par les juges qui l'ont rendu est sans effet sur le droit d'exercer un recours ». Cependant, en vertu de l'alinéa 2 de ce texte,
le délai pour exercer le recours qui devait être emprunté (dans notre exemple, le délai du pourvoi en cassation) court à nouveau à
compter de la notification de la décision d'irrecevabilité aux parties. Sur cette question, v. infra, no 709. Il n'est donc pas nécessaire, dans
ce cas de figure, de faire juger que l'acte de notification est nul ou irrégulier.

(1560) V., par exemple, Soc., 29 novembre 1979, Bull. civ. V, no 929.

(1561) Ex. : Civ. 2e, 23 février 1994, Bull. civ. II, no 70. Mais, contra : Civ. 2e, 10 septembre 2009, no 08-16828, Dr. et procéd. 2010,
p. 26, obs. L. LAUVERGNAT , énonçant que l'erreur sur le délai pour contester une saisie-attribution « avait eu nécessairement pour effet de
persuader » le débiteur qu'il était forclos.

(1562) Cette jurisprudence ne perd de son intérêt, avec l'apparition de l'alinéa 2 de l'article 536 du Code de procédure civile, en 2004, que
dans l'hypothèse où l'erreur a été provoquée par une qualification inexacte du jugement (ex : « rendu en dernier ressort », alors que ce
n'est pas le cas) par le juge qui l'a rédigé (v. ci-dessus, en note et v. infra, no 709). Dans les autres situations, elle conserve tout son
intérêt.

(1563) Com., 23 mars 1993, Bull. civ. IV, no 116 ; Soc., 27 novembre 1997, Bull. civ. V, no 411 ; Civ. 2e, 4 février 1999, Bull. civ. II,
no 22 ; Civ. 2e, 3 juin 1999, Bull. civ. II, no 108 ; Civ. 2e, 3 mai 2001, Bull. civ. II, no 85 ; Com., 29 mai 2001, Bull. civ. IV, no 107.

(1564) Civ. 2e, 19 mai 1998, Bull. civ. II, no 157 ; 14 février 2008, no 06-20988, RTD civ. 2008, p. 544, obs. Ph. THÉRY.

(1565) V. supra, no 225.

(1566) Civ. 3e, 6 décembre 1978, Bull. civ. III, no 365, Gaz. Pal. 1979.217, note R.D., RTD civ. 1979, p. 835, obs. R. P ERROT ; Civ. 2e,
15 février 1995, Bull. civ. II, no 52.

(1567) Sur l'acquiescement au jugement, v. infra, no 1217 et s.

(1568) Dans l'écrasante majorité des cas, le recours suspensif est en effet l'appel.

(1569) La nullité de la notification peut gripper la mécanique du certificat de non-appel.

(1570) Sur la date qui doit être retenue pour les actes notifiés par voie postale, v. supra, no 187.

(1571) Sous l'ancien Code de procédure civile, le certificat de non-appel émanait toujours de l'avocat (ou de l'avoué) de la partie et non
du greffe. La raison en était que l'acte d'appel consistait en une assignation et non en une déclaration au greffe, si bien que le greffe ne
pouvait savoir si un appel avait été formé.

(1572) L'exécution provisoire écarte l'effet suspensif des deux voies de recours qui en sont dotées, l'appel et l'opposition. En pratique,
cependant, elle n'intéresse guère que l'appel, ce qui explique que, dans les développements qui suivent, il ne sera question que de l'appel,
l'opposition faisant l'objet de quelques indications dans les notes se rapportant à ce développement.
(1573) L'exécution provisoire permettant de mettre à exécution le jugement dès sa notification, comme s'il était passé en force de chose
jugée, on est tenté de considérer que l'exécution provisoire fait passer plus vite le jugement en force de chose jugée. Il n'en est rien :
l'exécution provisoire permet d'exécuter le jugement bien qu'il ne soit pas passé en force de chose jugée. Dans la majorité des cas, cette
précision demeure purement terminologique. Il en va différemment lorsque, par exception, un texte subordonne l'exercice d'un droit à la
condition que le jugement soit passé en force de chose jugée ou, encore, lorsqu'il fait courir un délai (pour faire un acte) à compter du
passage en force de chose jugée. Dans le premier cas, il en résulte que ce droit ne peut pas être mis en œuvre en se fondant sur un
jugement qui bénéficie de l'exécution provisoire. Dans le second cas, le délai pour faire l'acte ne court qu'à compter de l'expiration du
délai d'appel ou d'opposition, quand bien même le jugement serait assorti de l'exécution provisoire. Ces deux situations sont bien illustrées,
en matière d'inscription définitive d'hypothèque judiciaire conservatoire, par : Civ. 3e, 4 janvier 1991, Bull. civ. III, no 5 et Civ. 2e, 24 juin
1998, no 96-14579, RTD civ. 1999, p. 210, obs. R. P ERROT .

(1574) Les mauvais esprits pourraient penser que le nombre de jugements pour lesquels le juge ordonne l'exécution provisoire est en
proportion strictement inverse de ses connaissances juridiques. Il est certain en tout cas qu'il faut une bonne expérience dans la fonction
de juger pour savoir que certains dossiers sont délicats et que l'on est faillible.

(1575) V. Réflexions et propositions sur la procédure civile (rapport au garde des Sceaux, par J. M. Coulon), La documentation
française, rapports officiels, 1997, p. 108 et s. Et, dénonçant un projet de décret en ce sens : S. GUINCHARD, « Un bon exemple de la
France d'en haut contre la France d'en bas : le projet de suppression de l'effet suspensif de l'appel », LPA 5 juin 2002 (no 102), p. 4 ; Th.
LE BARS, « Vers une suppression de l'effet suspensif de l'appel ? », D. 2002, p. 1987 ; J. VILLACÈQUE, « Vers une suppression de
l'effet suspensif de l'appel ? », D. 2002, p. 1989 ; J. MOURY, « De la règle de l'effet suspensif de l'appel en matière civile », Mélanges
Normand, Litec, 2003, p. 353. En faveur de ce projet, v. J. M. COULON, « Quelques remarques sur un projet de décret de procédure
civile », LPA 24 juin 2002 (no 125), p. 4 ; L. CADIET , « Feu l'exécution immédiate des jugements ? Regrets de la France du milieu », JCP G
2002, Actu., 346 ; « L'exécution des jugements, entre tensions et tendances », Mélanges P. Julien, éd. Edilaix, 2003, p. 49, spéc. no 16
et s.

(1576) On peut désapprouver totalement les idées qui animent une législation et néanmoins lui reconnaître d'éminentes qualités techniques
de cohérence et de facilité de mise en œuvre. Ce n'est malheureusement pas le cas de l'exécution provisoire.

(1577) Sur l'évolution de la matière, v. R. P ERROT , « Les métamorphoses de l'exécution provisoire », Mélanges G. Wiederkehr, Dalloz,
2009, p. 611.

(1578) Encore convient-il d'ajouter que l'exécution provisoire fait l'objet dans certaines matières d'une réglementation particulière. Dans
les procédures collectives, l'article R. 661-1 du Code de commerce, après avoir posé que les décisions bénéficient, sauf exceptions, de
l'exécution provisoire de plein droit, dispose que le premier président de la cour d'appel peut arrêter l'exécution provisoire, si « les moyens
invoqués à l'appui de l'appel paraissent sérieux », l'appel du ministère public bénéficiant, de son côté et dans la plupart des cas, de
l'effet suspensif. Dans les procédures civiles d'exécution, le jugement est doté de plein droit de l'exécution provisoire. C'est la demande
soumise au premier président qui arrête l'exécution provisoire jusqu'à la décision de celui-ci (article R. 121-22 CPCE). En matière
d'arbitrage, la compétence pour arrêter ou aménager l'exécution provisoire de la sentence attaquée devant la cour d'appel se partage
entre le premier président et le conseiller de la mise en état (v. art. 1497 CPC).

(1579) La « petite » voie de recours se trouve à côté de l'appel, mais en même temps, elle est liée à l'appel. Il est en effet évident que
tout recours portant sur l'exécution provisoire n'a de sens que dans la perspective d'un appel sur le fond. Sinon le jugement passe en
force de chose jugée et peut être exécuté indépendamment de toute exécution provisoire.

(1580) En matière d'arbitrage, le tribunal arbitral peut, en effet, assortir sa sentence de l'exécution provisoire. V. art. 1484 CPC.

(1581) La Cour de cassation n'exerce aucun contrôle sur la motivation retenue par le juge. V. Civ. 2e, 10 mars 1982, Bull. civ. II, no 41.
La pratique des juges est différente. Certains demandent aux parties de justifier précisément les raisons qui peuvent les décider à
accorder l'exécution provisoire, alors que d'autres se contentent d'apposer la formule préprogrammée en appuyant sur la touche
correspondante, ce qui constitue une façon bien discutable de faire.

(1582) V. infra, no 547.

(1583) Ex : Un jugement d’inscription de faux ne peut pas faire l’objet d’une exécution provisoire (art. 310, al. 3, CPC). Pareillement, en
droit de la publicité foncière, l’ordonnance du magistrat qui statue sur la contestation d’un refus de dépôt ou d’un rejet de formalité n’est
pas susceptible d’exécution provisoire (art. 26 D. nº 55-22 du 4 janvier 1955).
(1584) Pour le divorce lui-même, la solution se déduit de l'article 1086 du Code de procédure civile qui attache un effet suspensif au
pourvoi et au délai pour se pourvoir en cassation. En raison du contenu similaire des articles 1150 et 1178-1 de ce même code, un
raisonnement identique doit être tenu à propos des décisions relatives à l'adoption et de celles qui établissent ou modifient un lien de
filiation. Pour la prestation compensatoire, la solution (qui connaît une exception en cas de conséquences manifestement excessives
lorsque le prononcé du divorce est passé en force de chose jugée) est énoncée par l'article 1079 du Code de procédure civile.

(1585) Lorsque l'exécution provisoire est de droit, par définition, le demandeur n'a pas à la solliciter et il n'est pas davantage nécessaire
que le juge dise que sa décision en bénéficiera. Pourtant, il est encore fréquent que les ordonnances de référé comportent la formule « vu
l'urgence, ordonnons l'exécution provisoire de la présente ordonnance ». Sa présence n'ajoute absolument rien à l'efficacité de la
décision.

(1586) Sur les deux sortes de mesures que peut prendre le juge des référés : mesures d'attente et mesures d'anticipation, v. supra,
no 409.

(1587) Civ. 3e, 20 mai 1985, Bull. civ. III, no 83. Adde Civ. 2e, 5 juin 1996, Bull. civ. II, no 120, Audijuris octobre 1996, obs. J. HÉRON.

(1588) Civ. 2e, 5 octobre 1988, Bull. civ. II, no 186, RTD civ. 1989, p. 143, obs. R. P ERROT . La question présentait un intérêt pratique
déterminant lorsque la mesure d'instruction se trouvait être sous la dépendance d'un chef définitif du dispositif. Jusqu'au milieu des
années 1990, en effet, il était jugé que la participation à l'expertise valait acquiescement au jugement, en application de l'article 410 du
Code de procédure civile (sur l'acquiescement au jugement, v. infra, no 1217 et s.).

(1589) V. infra, no 612.

(1590) Civ. 2e, 18 novembre 1999, Bull. civ. II, no 170, JCP G 2000, II, 10385, note M.-C. P SAUME. Dans le même sens : Civ. 2e,
13 janvier 2000, Bull. civ. II, no 5, Procédures 2000, no 56, obs. R. P ERROT .

(1591) L'article R. 1454-16 C. trav. renvoie aux décisions énumérées par les articles R. 1454-14 et R. 1454-15 : ce sont les décisions qui
ordonnent la délivrance de certificats de travail, de bulletins de paie et de toute autre pièce que l'employeur est tenu légalement de
délivrer, ainsi que celles qui ordonnent, lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le versement de provisions
sur les salaires et accessoires du salaire, sur les commissions et sur les indemnités de congés payés, de préavis et de licenciement et
diverses autres indemnités, sous réserve que le montant total des provisions n'excède pas six mois de salaire calculés sur la moyenne des
trois derniers mois de salaire.

(1592) L'article R. 1454-28 C. trav. vise les jugements qui ordonnent la remise de certificats de travail, de bulletins de paie ou de toute
autre pièce que l'employeur est tenu de délivrer, ainsi que les jugements qui ordonnent le paiement de sommes au titre des rémunérations
et indemnités mentionnées au 2o de l'article R. 1454-14, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois
derniers mois de salaire.

(1593) En disposant que le délai d'appel et l'appel contre les décisions du juge de l'exécution n'ont pas d'effet suspensif, le texte pose leur
caractère immédiatement exécutoire.

(1594) Par exemple, en vertu de l'article 1074-1 du Code de procédure civile, les mesures portant sur l'exercice de l'autorité parentale, la
pension alimentaire ou la contribution aux charges du mariage sont exécutoires par provision.

(1595) Sur ces faux référés ou référés purement procéduraux, v. supra, no 412.

(1596) Ex. : Civ. 3e, 4 janvier 1973, Bull. civ. III, no 20 ; Soc., 24 avril 1985, Bull. civ. V, no 252.

(1597) La solution était naturellement inversée quand on ordonnait une des mesures visées à l'article 514 CPC. Ex. : Com., 8 avril 2008,
no 06-22152, Dr. et procéd. 2008, p. 212, obs. E. P UTMAN, Procédures 2008, no 166, note R. P ERROT , à propos d'une décision rendue « en
la forme des référés » et prescrivant des mesures conservatoires et des mesures provisoires pour le cours de l'instance.

(1598) Le texte utilise ce mot, mais on peut supposer que la solution vaut aussi pour des « jugements » qui seraient rendus en la forme
des référés.

(1599) Sur nos réserves concernant l'exécution provisoire, v. supra, no 528.

(1600) V. M. FOULON et Y. STRICKLER, « Le décret no 2011-1043 du 1er septembre 2011 et la procédure en la forme des référés », D. 2011,
chr., p. 2668, spéc. p. 2670 ; C. BLÉRY, « Le référé procédural entre au Code de procédure civile », JCP G 2011, no 1006, spéc. p. 1683.
(1601) Sur la question des réparations, v. infra, no 548 et s.(1602) Civ. 2e, 19 mai 1999, Bull. civ. II, no 95.

(1603) L'article 520 précise encore que cette décision sans recours est mentionnée sur la minute et sur les expéditions du jugement.

(1604) On peut aussi soutenir que le texte de l'article 489 du Code de procédure civile n'aurait guère de sens si le juge pouvait utiliser cet
aménagement dans tous les cas d'exécution provisoire de droit. L'argument n'est sans doute pas déterminant.

(1605) De lege ferenda, on ne peut s'empêcher de regretter cette solution, même si, de lege lata, on se sent tenu de l'énoncer.

(1606) La consignation d'une somme suffisante présente encore l'avantage d'empêcher la partie condamnée en première instance
d'organiser son insolvabilité en profitant du temps que dure l'instance d'appel.

(1607) Civ. 2e, 6 décembre 2007, nº 06-19134.

(1608) On ne trouve pas d'arrêt qui ait clairement statué sur la question. Les seules décisions que l'on trouve ne portent que sur le second
alinéa de l'article 521 du Code de procédure civile, auquel renvoie expressément l'article 524, en cas d'exécution provisoire de droit. Ex. :
Civ. 2e, 16 juillet 1992, Bull. civ. II, no 215.

(1609) Sous réserve des voies de recours (sur lesquelles, v. infra, no 541), seul le juge qui a ordonné l'exécution provisoire aménagée
peut, par la suite, modifier la garantie primitive ; un autre ne le pourrait pas.

(1610) Sur ce texte, v. infra, no 881 et s.

(1611) Pour une critique de cette « garantie », v. J. BEAUCHARD, « La relativité du dilatoire », Mélanges J. Héron, LGDJ, 2008, p. 101,
spéc. p. 107 et 108. L'auteur démontre ce que cette mesure peut avoir de nuisible pour l'appelant d'une décision erronée tout en ne
gênant nullement l'auteur d'un appel dilatoire. V. aussi Ch. HUGON, « La radiation du rôle sanctionnant l'inexécution d'une décision
judiciaire : un nouveau miroir aux alouettes ? », D. 2006, p. 1640. Pour une approche plus technique des difficultés posées par cette
procédure, v. aussi C. CHAINAIS et G. TAPIE, « La radiation du rôle pour inexécution de la décision frappée d'appel : précautions d'emploi »,
D. 2008, p. 2780.

(1612) Sur laquelle, v. supra, no 538.(1613) Sur la notion de radiation du rôle, v. infra, no 1193 et s.(1614) V. infra, no 548 et s.

(1615) Sur les craintes exprimées par de nombreux professionnels, au sujet de ce qui allait devenir l'article 526 du Code de procédure
civile, v. J. SÉVENO, « Vers la fin du droit à être jugé deux fois ? », Gaz. Pal. 30 octobre 2005, Libres propos, p. 6. V., depuis lors,
Ph. HOONAKKER, « Dernières réformes de l'exécution provisoire : raison et déraison », D. 2006, chr., p. 754.

(1616) V. CEDH, 31 mars 2011, no 34658/07, « Chatellier c/France », JCP G 2011, 735, note L. MILANO, RTD civ. 2011, p. 313, obs. J.-
P. MARGUÉNAUD, Dr. et procéd. 2011, p. 176, obs. Ph. HOONAKKER, Procédures 2011, no 171, note N. FRICERO, dans un cas où le débiteur
appelant n'avait manifestement pas les moyens de payer les sommes fixées par le tribunal. Dans cet arrêt, la Cour européenne juge que
« compte tenu de la gravité de l'atteinte au droit à un tribunal à ce stade de la procédure, (...) l'État disposait en l'espèce d'une marge
d'appréciation plus restreinte que dans les affaires portant sur l'article 1009-1 du Code de procédure civile ».

(1617) Sur la péremption d'instance, v. infra, no 1205 et s.

(1618) La Cour de cassation l'a admis dans un cas où la radiation avait été ordonnée par le conseiller de la mise en état : Civ. 2e, 9 juillet
2009, no 08-15176.

(1619) Art. 525-2 CPC.(1620) Ex. : Civ. 2e, 31 janvier 1985, Bull. civ. II, no 27.

(1621) Civ. 2e, 6 décembre 2007, no 06-19134, RTD civ. 2008, p. 158, obs. R. P ERROT : le défendeur ayant été condamné à verser plus de
douze millions d'euros à son adversaire, l'exécution provisoire a pu être limitée à une somme inférieure par le premier président.

(1622) Cass. Ass. plén., 2 novembre 1990, Bull. Ass. plén., no 11, JCP 1991.II.21631, concl. MONNET , note P. ESTOUP, RTD civ. 1991,
p. 169, obs. R. P ERROT .

(1623) Ex. : Civ. 2e, 12 novembre 1997, Bull. civ. II, no 274.
(1624) La modification des textes contribuerait à unifier les attitudes des premiers présidents sur ce point. Aujourd'hui, la prudence oblige
le plaideur à tenir un double langage au premier président. Dans un premier temps, il faut qu'il fasse valoir les conséquences
manifestement excessives qu'est susceptible d'entraîner l'exécution de l'arrêt. Dans un second temps, il va attirer l'attention de ce
magistrat sur les vices graves qui entachent la décision des premiers juges et qui montrent qu'elle sera certainement réformée par la cour.

(1625) La Cour de cassation a cependant précisé que la décision du premier président était inopposable au bénéficiaire de l'exécution
provisoire, tant qu'elle ne lui avait pas été notifiée. V. Civ. 2e, 20 décembre 2001, Bull. civ. II, no 200, Dr. et procéd. 2002, p. 165, note
Ph. HOONAKKER.

(1626) Civ. 2e, 24 septembre 1997, Bull. civ. II, no 238 ; Civ. 2e, 31 janvier 2002, Bull. civ. II, no 11, Procédures 2002, no 91, note
R. P ERROT .

(1627) Sur le contenu desquelles, v. supra, no 536 et s.

(1628) Art. 524 CPC. L'appelant n'est pas tenu d'exercer a priori un choix irrévocable entre l'arrêt et l'aménagement de l'exécution
provisoire. La Cour de cassation décide justement que ces deux demandes n'ont ni le même objet ni la même cause et que le rejet de la
demande d'arrêt de l'exécution provisoire n'interdit pas à l'appelant de demander dans un second temps l'aménagement de celle-ci.
V. Civ. 2e, 7 janvier 1982, Gaz. Pal. 1983.74, note J. DU RUSQUEC, RTD civ. 1983, p. 390, obs. R. P ERROT .

(1629) Civ. 2e, 23 janvier 1991, Bull. civ. II, no 26.(1630) Civ. 2e, 29 mars 1995, Bull. civ. II, no 112.

(1631) V., par exemple, Civ. 3e, 20 mai 1985, Bull. civ. III, no 83, Gaz. Pal. 1985, Pan. 360, obs. S. GUINCHARD et T. MOUSSA ; Soc.,
12 novembre 1997, Bull. civ. V, no 374 ; Civ. 2e, 13 janvier 2000, Bull. civ. II, no 5.

(1632) Le pourvoi contre les décisions rendues en application de l’article 524 CPC n’est fermé que depuis l’entrée en vigueur du décret
nº 2014-1338 du 6 novembre 2014.

(1633) V. notamment Versailles, 25 avril 1986, D. 1986.521, note P. ESTOUP, RTD civ. 1987, p. 151, obs. R. P ERROT (cassé par Civ. 2e,
17 juin 1987, Bull. civ. II, no 143, D. 1987, Somm. 359, obs. P. JULIEN, Gaz. Pal. 1988, Somm. 36, obs. H. CROZE et Chr. MOREL, RTD civ.
1988, p. 184, obs. R. P ERROT ).

(1634) Sur cette éventuelle obligation, v. supra, no 285 et s.

(1635) À l'appui de cette opinion, v. Paris, ord. 21 avril 2005, JCP G 2005, II, no 10141, note O. SCHMITT ; Grenoble, ord. 16 février 2005,
RTD civ. 2005, p. 453, obs. R. P ERROT .

(1636) V. not. Soc., 18 décembre 2007, no 06-44548, JCP G 2008, II, 10030, note H. CROZE. Pareillement, ne constitue pas une violation
manifeste de l'article 12, la méconnaissance par un juge de son obligation de motiver son jugement (Civ. 2e, 15 octobre 2009, no 08-15489,
Dr. et procéd. 2010, p. 59, obs. Ph. HOONAKKER, Procédures 2009, no 388, note R. P ERROT ).

(1637) Art. R. 202-5 LPF.

(1638) Précisons que notre présentation n'est pas exhaustive : d'autres cas d'arrêt de l'exécution provisoire par le premier président
peuvent se rencontrer. Ex. : l'actuel article 64 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse dispose que « lorsque ont été ordonnées
en référé des mesures limitant par quelque moyen que ce soit la diffusion de l'information, le premier président de la cour d'appel statuant
en référé peut, en cas d'appel, arrêter l'exécution provisoire de la décision si celle-ci risque d'entraîner des conséquences manifestement
excessives ».

(1639) Art. R. 121-21 CPCE : l'appel et le délai d'appel contre une décision du juge de l'exécution n'ont pas d'effet suspensif.

(1640) Le texte utilise un vocabulaire particulier, emprunté à la procédure administrative (« sursis à l'exécution des décisions prises par le
juge de l'exécution »). Mais, quels que soient les mots employés, la réalité demeure strictement la même : il s'agit d'arrêter l'exécution
provisoire d'une décision de justice.

(1641) V. supra, no 544.

(1642) Initialement, la Cour de cassation a écarté la possibilité de sursis à exécution pour les décisions du juge de l'exécution liquidant une
astreinte : Cass. Avis, 27 juin 1994, Bull. avis, no 18 ; Civ. 2e, 25 juin 1997, Bull. civ. II, no 206, D 1997, J, p. 536, note P. JULIEN. Elle a
ensuite étendu cette solution aux décisions de ce juge qui prononçaient l'astreinte : Civ. 2e, 10 février 2000, Bull. civ. II, no 28 ; 14 juin
2001, Bull. civ. II, no 119, Dr. et procéd. 2001, p. 379, obs. Ph. HOONAKKER.
(1643) Art. R. 131-4 CPCE (anciennement art. 37 L. 9 juillet 1991).

(1644) En vertu de l'article L. 131-1 du Code des procédures civiles d'exécution, une astreinte peut être ordonnée soit par le juge qui rend
la décision principale, lorsqu'il souhaite en assurer ainsi l'exécution, soit, ultérieurement, par le juge de l'exécution si les circonstances en
font apparaître la nécessité (la jurisprudence est divisée sur le point de savoir si le premier juge peut être saisi d'une demande de
prononcé d'une astreinte après son dessaisissement, ou si, au contraire, la compétence du juge de l'exécution est exclusive : en faveur de
la première solution, v. Civ. 2e, 18 février 1999, Bull. civ. II, no 32, RTD civ. 1999, p. 465, obs. R. P ERROT , p. 690, obs. J. NORMAND, D.
1999, som. p. 218, obs. P. JULIEN ; contra : v. Com., 28 avril 1998, Bull. civ. IV, no 134). Quant à la liquidation de l'astreinte, elle relève
normalement de la compétence du juge de l'exécution, mais, par exception elle est opérée par le juge qui a prononcé ladite astreinte, s'il
« reste saisi de l'affaire ou s'en est expressément réservé le pouvoir » (art. L. 131-3 CPCE).

(1645) Actuellement art. R. 121-22 CPCE.

(1646) Civ. 2e, 21 février 2008, no 07-17160 (a contrario), à propos d'une astreinte liquidée par un juge de la mise en état.

(1647) Civ. 2e, 10 février 2011, no 10-14424, Procédures 2011, no 128, note (approb.) R. P ERROT .

(1648) Anciennement art. 33 et s. L. no 91-650 du 9 juillet 1991.

(1649) Civ. 2e, 11 avril 2013, nº 12-18255, Dr. et procéd. 2013, p. 142, obs. F. VINCKEL.(1650) V. art. L. 511-3 et R. 512-2 CPCE.

(1651) Civ. 2e, 15 octobre 2009, no 08-15489, Dr. et procéd. 2010, p. 59, obs. Ph. HOONAKKER.

(1652) Il faut supposer que le demandeur originaire a pensé que son adversaire n'interjetterait pas appel, ce qui enlevait tout intérêt à
l'exécution provisoire.

(1653) Celui-ci statue en référé par une décision non susceptible de pourvoi : art. 525-2 CPC.

(1654) Le partage de compétence entre le premier président et le conseiller de la mise en état se fait selon la même règle que celle qui
joue devant le tribunal de grande instance entre le président et le juge de la mise en état pour les mesures provisoires (sur lesquelles,
v. infra, no 613). Mais ce partage de compétence n'a pas lieu pour ce qui est d'arrêter l'exécution provisoire, sauf dans l'hypothèse
particulière, visée par l'article 915 du Code de procédure civile, du jugement qui a été improprement qualifié de jugement en dernier
ressort et que son bénéficiaire entreprend de mettre à exécution parce qu'il le croit exécutoire.

(1655) Il n'est pas nécessaire que la cour d'appel ordonne expressément la restitution. L'obligation de restituer résulte de façon
automatique de la seule décision d'infirmation. V. notamment Soc., 20 mars 1990, Bull. civ. V, no 126 ; Civ. 3e, 19 février 2002,
Procédures 2002, no 86, note R. P ERROT . Et, en cas de réformation partielle par réduction du montant de la condamnation initiale
(remboursement du trop perçu), v. Civ. 2e, 8 mars 2007, no 06-11693, RTD civ. 2007, p. 388, obs. R. P ERROT .

(1656) V., par exemple, à propos d'une décision d'expulsion, Civ. 3e, 2 juillet 1974, Bull. civ. III, no 281.

(1657) L'exécution est incontestablement « poursuivie », lorsque le bénéficiaire de la décision en a obtenu l'exécution forcée, par exemple
par une mesure de saisie ou d'expulsion. L'est-elle lorsqu'il s'est borné à signifier à son adversaire la décision exécutoire, ce qui a conduit
ce dernier à obtempérer ? C'est certain, lorsque la décision exécutoire était assortie d'une astreinte, laquelle constitue un élément de
contrainte pour le débiteur : v. Cass. Ass. plén., 24 février 2006, no 05-12679, D. 2006, J, p. 1085, note R. P ERROT , JCP G 2006, II, 10063,
note H. CROZE, Dr. et procéd. 2006, p. 159, obs. N. FRICERO, RTD civ. 2006, p. 368, obs. Ph. THÉRY. C'est moins évident lorsque la
décision exécutoire n'était pas assortie d'une astreinte, mais la Cour de cassation l'a tout de même admis : Civ. 2e, 9 septembre 2010,
no 09-68120, Dr. et procéd. 2010, p. 327, obs. E. P UTMAN, D. 2011, p. 145, note N. DUPONT , RTD civ. 2011, p. 584, obs. Ph. THÉRY ; Civ.
2e, 8 septembre 2011, no 10-18645, RTD civ. 2012, p. 149, obs. R. P ERROT .

(1658) Anciennement exprimées, sous une forme très légèrement différente, par les articles 31, alinéa 2, de la loi du 9 juillet 1991 relative
aux procédures civiles d'exécution et 19 de la loi du 3 juillet 1967 relative à la Cour de cassation.

(1659) Ex. : pour une ordonnance de référé, v. Civ. 2e, 22 janvier 2004, no 01-00.580. À rappr. : Civ. 2e, 9 septembre 2010, no 09-68120
préc.
(1660) Cette responsabilité pourrait être réduite ou exclue par une faute de l'adversaire ayant contribué à son dommage : v. Civ. 2e,
23 octobre 2008, no 07-17937, RTD civ. 2009, p. 170, obs. R. P ERROT . L’article L. 111-10 s’applique au profit de l’adversaire. En
revanche, si un tiers agit en réparation de son préjudice (par ricochet) consécutif à l’exécution, c’est le droit commun de l’article 1382 du
Code civil qu’il devra invoquer : Com., 10 février 2015, nº 13-20150, Procédures 2015, nº 117, note L. RASCHEL.

(1661) V. Civ. 2e, 9 novembre 2000, non publié au Bulletin, no 97-17713.

(1662) À notre sens, cette distinction entre exécutions « provisoire » et « à titre définitif » est un peu oiseuse. Dès lors qu'une voie de
recours pouvant conduire à l'anéantissement d'un jugement est ouverte, on devrait dire que son exécution n'est que provisoire. Elle ne
devient définitive qu'une fois le délai du recours expiré ou le recours rejeté. Cette vision large de l'exécution provisoire explique notre
choix d'intégrer l'exécution dite « à titre définitif » dans ce développement consacré à l'exécution provisoire.

(1663) Cependant, ce qui a été versé sur le fondement de la décision finalement anéantie doit être restitué. Or, la jurisprudence, par une
compréhension très large du concept de « restitution », parvient parfois à réparer le préjudice de la partie initialement condamnée :
v. infra, no 888.

(1664) Civ. 3e, 9 décembre 1987, Bull. civ. III, no 200, RTD civ. 1988, p. 402, obs. R. P ERROT . Adde Ass. plén. 3 mars 1995, D. 1995.249,
concl. M. JÉOL, JCP 1995.II.22482, note P. DELEBECQUE, RTD civ. 1995, p. 687, obs. R. P ERROT ; Civ. 2e, 9 décembre 1999, Bull. civ. II,
no 188. Il est vrai que, par ailleurs, on trouve encore quelques arrêts qui énoncent que le bénéficiaire de l'exécution provisoire fait
exécuter à ses risques et périls la décision dotée de l'exécution provisoire. La lecture de ces arrêts montre que ce n'est plus qu'une
formule creuse, par laquelle la Cour de cassation justifie la possibilité pour le bénéficiaire de la décision de la faire mettre à exécution
malgré l'appel formé par le perdant (v. ainsi Civ. 2e, 5 avril 1994, Bull. civ. II, no 120).

(1665) Civ. 2e, 15 mai 2003, Bull. civ. II, no 145, RTD civ. 2003, p. 548, obs. R. P ERROT . Le taux légal est majoré de cinq points, en vertu
de l'article L. 313-3 du Code monétaire et financier, deux mois après que l'arrêt est devenu exécutoire, soit deux mois après sa
notification : Civ. 2e, 20 janvier 2011, no 10-11904, Dr. et procéd. 2011, p. 99, obs. L. LAUVERGNAT , JCP G 2011, 377, note J.-J. BARBIÉRI.
Cette décision a été rendue à propos des effets d'une cassation, mais la solution doit logiquement être identique après une infirmation en
appel.

(1666) Civ. 2e, 27 janvier 1993, Bull. civ. II, no 34, D. 1993, somm. 185, obs. P. JULIEN, RTD civ. 1993, p. 651, obs. R. P ERROT .

(1667) Quitte à risquer une radiation de son affaire : v. supra, no 539.(1668) Art. 1061-1 CPC.

(1669) Ainsi que l'énonce l'article 503 du Code de procédure civile, « la présentation de la minute vaut notification ».

(1670) Sur tous ces points, v. supra, no 436.

(1671) L'exemple classique d'exécution sur minute est celui de l'ordonnance de référé qui ordonne la saisie d'un journal. Pour être
efficace, la saisie doit avoir lieu à l'imprimerie. Il ne faut donc perdre aucun instant.

(1672) V. ainsi les articles 4, 6, 9 et s. de la loi de 1977.

(1673) V. ainsi la taxe forfaitaire sur les actes des huissiers de justice, instaurée par une loi du 30 décembre 1993, que régit l'article 302
bis Y du Code général des impôts.

(1674) Il s'agissait d'une taxe de 35 euros, instaurée en 2011 et supprimée fin 2013, qui était destinée au financement de l'aide juridique.

(1675) Cette taxe de 225 euros (et non plus 150) est due par les parties en appel (v. art. 1635 bis P CGI et 963 et s. CPC). Initialement
applicable jusqu'au 31 décembre 2020, elle le sera finalement jusqu’au 31 décembre 2026 (art. 97 L. nº 2014-1654 du 29 décembre
2014). Sa fonction est d'indemniser les avoués dont la profession a été supprimée en 2012.

(1676) La raison en est que les greffes des tribunaux de commerce n'ont pas été « fonctionnarisés » lors de la réforme opérée par la loi
no 65-1002 du 30 novembre 1965. Sur cette question, v. R. P ERROT , Institutions judiciaires, Montchrestien, Domat, 15e éd., 2012, no 480.

(1677) V. l'article 3 de la loi du 30 décembre 1977.(1678) L. CADIET et E. JEULAND, Droit judiciaire privé, LexisNexis, 8 éd., 2013, no 47.

(1679) Pour des exemples d'état de frais et de décompte de dépens, v. H. CROZE et Ch. LAPORTE, Guide pratique de procédure civile,
LexisNexis, 4e éd., 2012, no 930 et 932.
(1680) À titre d'exemple, v. art. 2 et 8 du règlement no 1393/2007 du 13 novembre 2007 relatif à la signification et à la notification dans
les États membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matières civile ou commerciale.

(1681) Sur la rémunération du technicien et en particulier de l'expert, v. infra, no 1137.

(1682) Le décret no 60-323 du 2 avril 1960 a été édicté pour les avoués de première instance. Il s'applique aux avocats en raison du
renvoi qu'y opère (à titre transitoire !) l'article premier du décret no 72-784 du 25 août 1972.

(1683) Les droits de plaidoirie sont réglementés par le Code de la sécurité sociale (art. R. 723-26-1 et s.). Ils servent à alimenter les
caisses de retraite des avocats.

(1684) L'inclusion de cette rémunération dans les dépens suppose donc que la représentation soit obligatoire : Civ. 2e, 2 décembre 1987,
Bull. civ. II, no 258.

(1685) V. aussi : art. 338-1 et s. CPC.

(1686) Civ. 1re, 18 octobre 1977, Bull. civ. I, no 373. Éventuellement, il supportera aussi les frais afférents à un incident d'exécution
provisoire (Soc., 25 mai 1981, Bull. civ. V, no 464). Les dépens afférents aux instances en référé donnent lieu en principe à des dépens
distincts de ceux afférents aux instances au principal : l'article 491 du Code de procédure civile dispose en effet que le juge des référés
statue sur les dépens. À notre avis, il ne serait pas déraisonnable d'autoriser le juge des référés à réserver les dépens, pour qu'ils soient
joints à ceux des instances au principal, surtout lorsque l'instance en référé ne tend qu'à obtenir une mesure d'instruction ou une mesure
provisoire qui n'ont de sens qu'en fonction de la future instance au principal. Toutefois, ce n'est pas l'opinion de la Cour de cassation qui
interprète l'article 491 à la lettre et fait obligation au juge des référés de statuer sur les dépens : Civ. 2e, 29 octobre 1990, Bull. civ. II,
no 222.

Lorsque l'affaire est portée devant la Cour de cassation, il faut distinguer selon la solution qui lui est donnée. En cas de rejet du pourvoi,
la Cour de cassation statue sur les dépens de l'instance de cassation, en vertu de l'article 629 du Code de procédure civile, en suivant la
même règle (avec la même exception) que les juges du fond, les dépens afférents aux instances devant les juges du fond demeurant tels
qu'ils ont été fixés par la décision attaquée. Lorsque la Cour de cassation casse sans renvoi, l'article L. 411-3 du Code de l'organisation
judiciaire dispose qu'elle se prononce sur la charge des dépens afférents aux instances devant les juges du fond, comme le ferait une cour
d'appel. Enfin, en cas de cassation avec renvoi, il résulte de l'article 639 du Code de procédure civile que c'est la juridiction de renvoi qui
statue sur la charge de tous les dépens exposés devant les juridictions du fond y compris sur ceux afférents à la décision cassée. En
revanche, les dépens de l'instance de cassation demeurent en principe à la charge du défendeur à la cassation (art. 629 CPC).

(1687) Ex. : 28 juin 1995, Bull. civ. II, no 219.(1688) Civ. 2e, 28 mai 2003, Bull. civ. II, no 164, Procédures 2003, no 191, note R. P ERROT .

(1689) Civ. 2e, 23 juin 2011, no 09-15572, Lettre Act. proc. coll. 2011/14, no 221, note P. CAGNOLI. En revanche, selon cet arrêt, une
condamnation de l'auxiliaire de justice à des dommages et intérêts suppose qu'il ait été mis en cause personnellement. Concrètement, cela
doit signifier qu'il faut l'assigner comme n'importe quel tiers appelé en intervention forcée, alors que de simples conclusions permettraient
sa condamnation aux dépens. Cette dualité de régimes repose sans doute sur le fait que le juge ne peut pas prononcer d'office des
dommages et intérêts (en ce sens, v. P. CAGNOLI, ibid.).

(1690) CE, 25 mai 2005, JCP G 2005, II, no 10136, note K. SALHI.

(1691) Pour une discussion sur la légalité et l'opportunité de ce texte, v. K. SALHI, note préc.

(1692) A contrario, cette règle est inapplicable lorsque la représentation n'est pas obligatoire. V. notamment, Soc., 20 mai 1985,
Bull. civ. V, no 296, Gaz. Pal. 1985, Pan. 359, obs. H. CROZE et Chr. MOREL ; Civ. 2e, 22 octobre 1997, Bull. civ. II, no 248 ; Civ. 3e,
30 juin 1999, Bull. civ. III, no 160.

(1693) V., par exemple, Civ. 2e, 14 février 1990, Bull. civ. II, no 34. La solution est juridiquement indiscutable. Elle peut être difficile à
comprendre par un défendeur qui triomphe aussi bien en première instance qu'en appel face à un adversaire insolvable qui a demandé
contre lui des sommes extravagantes : les émoluments des avocats étant proportionnels au montant de la demande, le défendeur peut être
contraint d'exposer des frais très importants s'il ne veut pas prendre le risque d'être jugé par défaut.

(1694) Sur laquelle, v. F. ARBELLOT , « Réflexions sur la procédure de vérification et de recouvrement des dépens », Procédures 2004,
Étude no 9.
(1695) Il résulte de l'article 701 du Code de procédure civile que les dépens à recouvrer par le secrétariat sont liquidés par le jugement.
Le reste de ce développement ne portera que sur les autres dépens.

(1696) Art. 705 CPC.

(1697) Art. 706 CPC. Ce texte ajoute que la notification doit mentionner le délai de contestation et les modalités de son exercice et
préciser qu'à défaut de contestation dans le délai indiqué, le certificat de vérification peut être rendu exécutoire.

(1698) Art. 707 CPC.

(1699) S'il entend contester le certificat de vérification, celui qui a demandé au secrétaire de vérifier les dépens doit former la demande
d'ordonnance de taxe sans notifier le certificat. L'article 706 du Code de procédure civile dispose en effet que la notification emporte
acceptation par son auteur du compte vérifié.

(1700) La demande d'ordonnance de taxe peut être formée par l'intéressé lui-même ou par son représentant. Elle peut être faite
oralement ou par écrit au secrétariat de la juridiction qui a vérifié le compte (art. 708 CPC).

(1701) Ce certificat est un acte administratif et non pas juridictionnel. C’est pourquoi la demande de vérification des dépens adressée au
greffier n’est pas une demande en justice et n’interrompt pas le délai de prescription de la créance : Civ. 2e, 11 septembre 2014, nº 13-
24041, Dr. et procéd. 2015, p. 8, obs. F. VINCKEL.

(1702) Ce n'est pas le cas devant les juridictions administratives : v. E. MATUTANO, « La nature juridique des ordonnances liquidant les
dépens devant les deux ordres de juridictions », D. 2005, Point de vue, p. 2404.

(1703) Art. 709 et 711 CPC. L'article 712 du Code de procédure civile précise que le président a la faculté de renvoyer la demande, en
l'état, à une audience du tribunal dont il fixe la date. Les parties sont convoquées quinze jours au moins à l'avance par le secrétaire de la
juridiction. L'article 713 ajoute que l'ordonnance est revêtue sur minute de la formule exécutoire par le secrétaire et que la notification
doit indiquer si l'ordonnance est susceptible d'appel et quelles sont les modalités de son exercice.

(1704) Art. 714 et 715 CPC. Ce dernier texte dispose aussi qu'à peine d'irrecevabilité du recours, une copie de la note est simultanément
envoyée à toutes les parties au litige principal (mais, selon la Cour de cassation, cette règle ne s’applique pas aux recours incidents : Civ.
2e, 16 avril 2015, nº 14-13217).

(1705) Art. 716 et 717 CPC. Deux particularités doivent encore être signalées. D'une part, l'article 714 du Code de procédure civile
dispose que le délai pour former le recours n'est pas allongé en raison des distances ; d'autre part, l'article 718 prévoit que les
notifications et convocations sont faites par lettre recommandée avec demande d'avis de réception (mais le recours n’est pas
nécessairement formé ainsi : Civ. 2e, 21 mai 2015, nº 14-18767).

(1706) Cette formulation traditionnelle signifie qu'il s'agit de frais qui ne peuvent être récupérés auprès de l'adversaire. L'expression, si
elle rendait compte de la réalité autrefois, est aujourd'hui inexacte, puisque précisément ces frais peuvent désormais être répétés dans le
cadre de l'article 700 du Code de procédure civile. Mais on parle encore fréquemment de « frais irrépétibles », par habitude.

(1707) Ceci vaut aussi quand une partie n’est tenue qu’à ses propres dépens, lesquels ont été laissés à sa charge : Civ. 2e, 27 juin 2013,
nº 12-19286, dans un cas particulier où il n’y avait pas de partie perdante (demande de mesure d’instruction in futurum).

(1708) Et si l’adversaire a bénéficié de l’aide juridictionnelle, la partie perdante ou tenue aux dépens est, en principe, également
condamnée à verser à l’avocat de celui-ci une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de
l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Cette somme ne peut être inférieure à la part contributive de l'État. Cet ajout au texte
provient du décret nº 2013-1280 du 29 décembre 2013.

(1709) La condamnation sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile constitue un élément de la décision au même titre
que les autres. Elle peut donc faire l'objet des mêmes voies de recours, sous cette réserve qu'un pourvoi en cassation est voué à l'échec
en raison du pouvoir discrétionnaire que la Cour de cassation reconnaît aux juges du fond.

(1710) Pendant longtemps, la jurisprudence a dispensé le juge de motiver sa décision sur le montant de la somme accordée, tout en
exigeant de lui une motivation purement formelle sur le caractère équitable de sa décision. Aujourd'hui, les choses se présentent plus
simplement : « l'application de l'article 700 relève du pouvoir discrétionnaire du juge » (Civ. 2e, 10 octobre 2002, Bull. civ. II, no 219).
(1711) Sur ce qu'il faut entendre par matière gracieuse, v. supra, no 317. On se contentera de rappeler que la grande majorité des
ordonnances sur requête (celles qui répondent à la définition de l'article 493 du Code de procédure civile) ne relèvent pas de la matière
gracieuse, mais de la matière contentieuse. La procédure qui leur est applicable sera étudiée dans le développement consacré aux
procédures provisoires (infra, no 576). En revanche, le présent développement intéresse les demandes relevant de la matière gracieuse
(au sens de l'article 25 du Code de procédure civile), qui donnent lieu à une ordonnance parce que le législateur a donné compétence à un
juge qui statue en son nom personnel. C'est le cas par exemple de l'ordonnance que rend le président du tribunal de grande instance pour
rectifier les actes de l'état civil en application de l'article 99 du Code civil (sur cet exemple, v. supra, no 441).

(1712) En revanche, l'inverse n'est pas vrai. L'introduction de l'instance par une requête ne signifie pas que la demande relève de la
matière gracieuse (sur ce point, v. supra, no 440 à propos de l'ordonnance sur requête).

(1713) L'article 57 du Code de procédure civile dispose que, dans la requête conjointe, les parties soumettent au juge « leurs prétentions
respectives, les points sur lesquels elles sont en désaccord ainsi que leurs moyens respectifs ». Cette disposition n'a de sens qu'en matière
contentieuse. En matière gracieuse, les parties demandent au juge de faire produire effet à l'acte juridique pour lequel la loi exige le
contrôle du juge et lui exposent les moyens qui leur font penser que l'acte répond à toutes les conditions posées par la loi.

(1714) Art. 7 CPC. Sur les rôles respectifs des parties et du juge en matière contentieuse, v. supra, no 275 et s.

(1715) Civ. 1re, 20 mai 1980, Bull. civ. I, no 153, JCP 1981.II.19549, note D. LE NINIVIN, RTD civ. 1980, p. 803, obs. J. NORMAND, et
1981.212, obs. R. P ERROT , sur la question de savoir si un service de l'état civil existait à la fin du XIXe siècle dans un pays étranger. S'il est
normal que le juge ait pu fonder sa décision sur des faits dont il avait une connaissance personnelle, il est en revanche critiquable qu'il ait
pu le faire sans inviter le requérant à présenter ses observations. Il est vrai que l'arrêt est de 1980 et qu'à ce moment-là (v. supra,
no 307), la Cour de cassation ne veillait guère au respect du principe de la contradiction. Aujourd'hui, elle retient fort heureusement la
solution inverse : Civ. 1re, 13 janvier 1993, Bull. civ. I, no 17.

(1716) V. supra, no 442, pour la question de savoir si la demande d'envoi en possession formée par le légataire universel relève de la
matière gracieuse ou de la matière contentieuse. Si en principe cette demande relève de la matière gracieuse, l'arrêt alors étudié (Civ. 1re,
7 novembre 1979, Bull. civ. I, no 274) a montré que la mise en cause d'un tiers entraîne souvent une transformation de l'instance. La
contestation que forme le tiers crée un litige dont l'existence est incompatible avec le maintien du caractère gracieux de la demande.

(1717) La demande en intervention volontaire suppose seulement que le législateur ne réserve pas le droit d'agir au seul ou aux seuls
requérants.

(1718) Art. 800 CPC. Il ne suffit donc pas que l'affaire ait été communiquée au ministère public.

(1719) Art. 1174 CPC. La raison en est que ce type de jugement est destiné à faire l'objet d'une certaine publicité : il est de l'intérêt des
tiers de savoir que telle personne a été adoptée par telle autre.

(1720) Art. 679 CPC.

(1721) Comme pour la matière gracieuse, il n'est pas question dans ce développement de reprendre ce que sont les contentieux du référé
et de l'ordonnance sur requête. Pour cette dernière, en particulier, il est renvoyé aux analyses qui ont conduit à distinguer l'ordonnance
gracieuse, répondant à la définition de l'article 25 du Code de procédure civile, de l'ordonnance provisoire, de nature contentieuse, que
définit l'article 493 du Code de procédure civile. Seule est ici abordée la procédure relative à cette dernière sorte d'ordonnance sur
requête.

(1722) Sur la date de l'audience de référé, v. infra, no 569.

(1723) L'obligation de déposer une copie de l'assignation au plus tard la veille de l'audience n'est pas mentionnée par les textes du Code
de procédure civile, mais seulement par l'article R. 1455-9 du Code du travail, pour le cas où le demandeur décide de ne pas utiliser les
actes introductifs d'instance applicables au contentieux au principal devant le conseil de prud'hommes. Mais la règle est d'application
générale. En revanche, ni le Code du travail, ni a fortiori le Code de procédure civile n'indiquent comment elle est sanctionnée. À défaut
de texte particulier, il faut retenir que le défaut de placement empêche seulement le juge de statuer, sauf à parler de caducité par analogie
avec les cas visés aux articles 839 et 857 CPC (v. infra, no 649).

(1724) Ex. : S. GUINCHARD, C. CHAINAIS et F. FERRAND, Procédure civile. Droit interne et droit de l'Union européenne, Dalloz, Précis,
32e éd., 2014, no 2100 ; A. LACABARATS, « Référé », Droit et pratique de la procédure civile, Dalloz Action 2014/2015, no 323.61 ;
L. CADIET et E. JEULAND, Droit judiciaire privé, LexisNexis, 8e éd., 2013, no 645. Mais, contra : M. EYMARD et M. DOUCÈDE, « Référé
Tribunal de Grande Instance. Étude sur la représentation (ou assistance) obligatoire par un avocat », Gaz. Pal. 1990, 1, doct. p. 223.
(1725) F. RUELLAN, « À propos de la représentation des parties devant le juge des référés du Tribunal de grande instance », Gaz. Pal.
1992, 1, p. 119 ; H. CROZE et Ch. LAPORTE, Guide pratique de procédure civile, LexisNexis, 4e éd., 2012, no 158.

(1726) Devant le tribunal de grande instance, il ne pourra s'agir que d'un avocat : Si la représentation est facultative dans la procédure de
référé, les avocats conservent leur monopole dès lors que la partie a décidé de se faire représenter.

(1727) Devant les juridictions les plus importantes, il peut s'en tenir plusieurs par semaine, voire une par jour.

(1728) Sur ce mode de signification, v. supra, no 175.

(1729) Lorsque le défendeur comparaît, c'est à lui qu'il incombe de faire valoir qu'il n'a pas disposé d'un temps suffisant que le juge
apprécie souverainement.

(1730) En pratique, on parle souvent, de façon impropre, de référé d'heure à heure, alors qu'il s'agit d'un référé à heure dite.

(1731) V. ainsi Civ. 2e, 19 décembre 1973, Bull. civ. II, no 341. En l'espèce, le défendeur fut cité le matin à 10 h 30 à Rungis pour
comparaître le même jour à 17 heures à Lille. La demande tendait à la nomination d'un expert pour examiner la qualité d'une cargaison
expédiée de Rungis et dont il était prétendu qu'elle était arrivée à destination en mauvais état.

(1732) L'article R. 1455-10 du Code du travail excepte l'article 485 du renvoi qu'il opère aux dispositions du Code de procédure civile, en
raison d'une part de l'absence de juge des requêtes en matière prud'homale et de la difficulté d'organiser une audience en dehors du
tribunal pour une formation paritaire. Pratiquement, cette situation ne pose guère de difficultés, compte tenu de ce que le conseil de
prud'hommes n'est compétent que pour connaître des litiges individuels du travail : les demandes de provision ou même de réintégration
peuvent toujours attendre quelques jours.

(1733) Ces conclusions sont bien entendu échangées, pour respecter le principe de la contradiction, mais leur utilité est presque
exclusivement de rappeler au juge les arguments qui seront développés à la barre.

(1734) Dans le cadre de ses fonctions, le juge peut ordonner une mesure d'instruction. Le plus souvent, en application de l'article 145 du
Code de procédure civile, cette mesure constitue l'objet même de la prétention du demandeur. Plus exceptionnellement, il peut l'ordonner
à titre préalable pour pouvoir statuer sur une demande dont l'objet est différent.

(1735) Art. 488 CPC. V. supra, no 411.

(1736) Art. 489 CPC. Ce texte ajoute que le juge peut même décider, en cas de nécessité, que l'exécution aura lieu au seul vu de la
minute. Sur ces points, v. supra, no 527 et no 552.

(1737) Art. 490 CPC. L'ordonnance de référé rendue par défaut en dernier ressort peut être attaquée par la voie de recours particulière
de l'opposition. Cette solution constitue une innovation du décret no 86-585 du 14 mars 1986. Il a semblé au législateur que le pourvoi en
cassation constituait un recours inadapté lorsque le défendeur n'a pas comparu sans avoir été cité à personne. Sur la procédure par
défaut et la qualification du jugement qui lui est liée, v. infra, no 1156 et s.

En revanche, pour la Cour de cassation, l'ordonnance de référé est insusceptible de recours en révision. V. infra, no 942.

(1738) Art. R. 1455-8 C. trav. Il faut en outre que le tribunal soit doté d'une formation collégiale.

(1739) Selon les modalités prévues par le Code du travail pour le bureau de conciliation.

(1740) J.-B. RACINE, « La technique de la passerelle en droit judiciaire privé », Mélanges P. Julien, éd. Edilaix, 2003, p. 354. Initialement,
la passerelle est née de la pratique, manifestement illégale, de quelques juges des référés. Le décret du 20 juillet 1989, en ajoutant un
quatrième alinéa à l'article 788 relatif à la procédure à jour fixe, est venu lui donner un fondement juridique. Cet alinéa a, ensuite, été
abrogé par le décret du 28 décembre 1998 et son contenu, modifié, a été repris sous la forme d'un article 811 du Code de procédure
civile, dont le numéro était vacant.

(1741) Par exemple parce qu'il est en présence d'une contestation sérieuse.(1742) Cf. les articles 788 et s. du Code de procédure civile.

(1743) Art. 917, al. 2 CPC. Mais le juge d'appel ne peut pas, sur le fondement de l'article 811, saisir celui du premier degré. En effet,
quand ce texte instaure une passerelle, c'est à un même degré et au sein d'une même juridiction. V. Civ. 3e, 8 octobre 2003, Bull. civ. III,
no 175.
(1744) V. art. 849-1, 873-1 et 896 CPC.

(1745) L'absence de débat contradictoire tend à rapprocher la procédure de l'ordonnance sur requête de celle qui est applicable en
matière gracieuse. Nous avons essayé de montrer (supra, no 440) que ce rapprochement est inexact pour ce qui est de la nature des
demandes soumises au juge. En revanche, pour ce qui est du déroulement de l'instance, un rapprochement peut être effectué, qui tient au
fait que, dans l'un et l'autre cas, la décision peut affecter les droits d'un tiers. En matière gracieuse, c'est une simple éventualité. Lorsque
le demandeur sollicite du juge une ordonnance répondant à la définition de l'article 493 du Code de procédure civile, c'est une certitude :
par définition, la demande est présentée contre un adversaire que la loi autorise le demandeur à ne pas appeler devant le juge. Cette
similitude de situation conduit à transposer à la matière de l'ordonnance sur requête le renforcement des pouvoirs du juge que posent les
articles 26 et 27, alinéa premier, du Code de procédure civile (sur lesquels, v. supra, no 562). En revanche, dans l'écrasante majorité des
situations, le recours à l'ordonnance sur requête repose sur la nécessité d'un effet de surprise. Il ne faut donc pas que le juge appelle en
cause le tiers, même si, de toute évidence, la décision à intervenir l'intéresse au premier chef.

(1746) En effet, l'ordonnance est rendue le plus souvent au pied de la requête, c'est-à-dire sur le papier remis au juge par le demandeur.
On verra (infra, au texte) que l'ordonnance sur requête est exécutoire au seul vu de la minute, ce qui conduit le juge à remettre la minute
au requérant. Le second exemplaire de la requête, sur lequel se trouve une copie de la minute, permet ainsi au tribunal de conserver une
trace de la décision qui vient d'être rendue.

(1747) Par ailleurs, si elle se rapporte à une instance en cours, la requête doit indiquer la juridiction saisie (art. 494 CPC).

(1748) La Cour de cassation a même décidé que la requête ne pouvait être présentée que par un avocat inscrit au barreau du tribunal de
grande instance concerné. Elle considère donc que l'avocat agit en tant que mandataire ad litem du requérant, puisqu'elle applique la
règle de la territorialité de la postulation (Civ. 2e, 13 novembre 1985, Bull. civ. II, no 171, Gaz. Pal. 1986.696, note E. DU RUSQUEC).

(1749) Sur ce point, v. supra, no 561.(1750) Art. 498 CPC.(1751) Art. 496 et 497 CPC.

(1752) Sur ce recours original et exclusif de tout autre, v. supra, no 436.

(1753) Il est fait exception à cette règle lorsque c'est une mesure d'instruction (ex : des constatations d'huissier) qui est ordonnée sur
requête. En effet, la contradiction qui doit présider à l'exécution d'une mesure d'instruction appelle une notification préalable de
l'ordonnance à la partie adverse, à défaut de quoi cette exécution ne serait pas contradictoire. V. Civ. 2e, 10 février 2011, no 10-13894,
RTD civ. 2011, p. 387, obs. R. P ERROT , Dr. et procéd. 2011, p. 122, obs. L. LAUVERGNAT . La motivation de cet arrêt nous paraît cependant
dangereuse par sa généralité. En effet, le secret est parfois nécessaire sur la qualité de l’huissier, par exemple quand il s'agit de constater
des comportements irréguliers. D’ailleurs, tempérant cette solution, v. Civ. 2e, 4 septembre 2014, nº 13-22971.

(1754) Rappelons que la requête est motivée et comporte l'indication précise des pièces invoquées (art. 494 CPC). D'ailleurs une requête
n'indiquant pas ces pièces est irrecevable comme attentatoire au principe de la contradiction : Civ. 2e, 11 février 2010, no 08-21469,
Procédures 2010, no 112, note R. P ERROT .

(1755) Décret no 2010-1165 du 1er octobre 2010. La procédure suivie est celle des articles 1407 et suivants du Code de procédure civile
(sur laquelle, v. infra, no 582), à ceci près que le juge compétent est normalement le président du tribunal des affaires de sécurité sociale,
que l'opposition à son ordonnance est portée devant ce tribunal (art. R. 142-10 et R. 142-27-1 CSS) et que les dispositions propres au
tribunal de grande instance ne s’appliquent pas.

(1756) L'IPE est régie par le règlement communautaire no 1896/2006 du 12 décembre 2006 et les articles 1424-1 et suivants du Code de
procédure civile. V. supra, no 350.

(1757) Tant qu'elle existe (v. infra, no 968).

(1758) De surcroît, le domaine de l'injonction de faire est assez étroit : il faut que les parties n'aient pas toutes la qualité de commerçant
et que la valeur de la prestation dont l'exécution est réclamée n'excède pas le taux de compétence du tribunal d'instance (art. 1425-1
CPC). Ceci élimine les litiges entre commerçants et ceux dont l'objet a une valeur supérieure à 10 000 euros.

(1759) L'existence d'une procédure distincte ne signifie pas à elle seule que la nature de la demande (et de la décision qui y répond) soit
différente. On a vu ainsi que le législateur choisissait parfois d'utiliser la procédure de référé pour des demandes qui sont ordinaires,
c'est-à-dire des demandes au principal. Sur ces faux référés ou référés procéduraux, v. supra, no 412.

(1760) Com., 19 mai 1992, Bull. civ. IV, no 192 ; Civ. 1re, 18 janvier 2000, Bull. civ. I, no 11. En ce sens, v. déjà, sous la réglementation
antérieure au décret no 81-500 du 12 mai 1981, Civ. 2e, 29 mai 1979, Bull. civ. II, no 167.
(1761) Inversement, il faut exclure la qualification de gracieuse qui est parfois donnée à la requête en injonction de payer. D'une part, la
demande ne répond pas à la définition de l'article 25 du Code de procédure civile. Quel est l'acte juridique dont la loi exige, pour la validité
de sa formation, qu'en dehors de tout litige, il soit soumis au contrôle du juge ? D'autre part, l'existence d'un litige n'est pas contestable. Si
l'on voit les choses simplement, la procédure de l'injonction de payer est l'une des procédures que la loi met à la disposition du créancier
pour obtenir satisfaction. Suivant les circonstances, il préférera la procédure de l'injonction de payer ou la procédure normale. Quel que
soit le choix effectué, la demande ne varie pas. C'est toujours une demande tendant à la condamnation de son débiteur à lui payer une
certaine somme. L'identité de nature des demandes est évidente. Comme on l'a déjà vu à propos de l'ordonnance sur requête (supra,
no 43), c'est la modalité utilisée pour introduire l'instance qui fait dévier le raisonnement.

(1762) V. infra, au texte, pour une exception possible, tenant à l'émission d'une lettre de change ou d'un autre titre cambiaire.

(1763) L'exclusion ne joue pas seulement pour les dommages-intérêts liés à la responsabilité contractuelle. C'est ainsi que la Cour de
cassation a décidé, de façon certes rigoureuse mais indiscutable, que l'article 1405 du Code de procédure civile ne permettait pas à une
banque d'utiliser cette procédure contre une caution, au moins lorsque l'engagement de la caution n'était pas limité à un montant
déterminé : Civ. 2e, 8 février 1989, Bull. civ. II, no 34, ou Com., 7 juillet 1992, Bull. civ. IV, no 260.

(1764) La rédaction de l'article 1405 du Code de procédure civile ne signifie évidemment pas que le juge perd le droit de modérer le
montant de la clause pénale qui est manifestement excessive (v. art. 1152 C. civ.), lorsque la demande lui est soumise selon la procédure
de l'injonction de payer. L'article 1405 n'est qu'un texte de procédure et, à ce titre, il reste subordonné aux dispositions du droit civil.

(1765) Rien ne s'oppose en droit à ce que l'on demande le paiement d'une commande d'Airbus selon cette procédure (reste à saisir le bon
juge). En pratique, un juge hésiterait peut-être à rendre une ordonnance non contradictoire pour une telle somme et, à supposer qu'il le
fasse, on peut penser que le défendeur ferait opposition. Par cet exemple volontairement excessif, on veut seulement attirer l'attention
des avocats sur l'utilité d'une procédure qu'ils pourraient utiliser plus souvent qu'ils ne le font, en particulier chaque fois que le montant de
la créance est déterminé et indiscutable.

(1766) On ne saurait cependant comprendre dans cette catégorie les dettes de nature fiscale, même si elles sont dues à titre
professionnel.

(1767) Sauf exceptions, en effet, leur montant est fixé par un barème.

(1768) On remarquera que l'article 1405 du Code de procédure civile ne mentionne pas le chèque à côté de la lettre de change et du billet
à ordre. Pour le chèque, en effet, la procédure de l'injonction de payer est inutile. L'article L. 131-73 du Code monétaire et financier
prévoit une procédure encore plus simple (elle est extrajudiciaire), qui permet au bénéficiaire du chèque impayé d'obtenir un titre
exécutoire. Cependant, rien n'interdit au créancier qui n'a pas été payé de ne pas se prévaloir du chèque, mais uniquement du contrat qui
a motivé l'émission du chèque et d'obtenir au titre de ce contrat une ordonnance portant injonction de payer.

(1769) Désormais les articles L. 313-23 et s. du Code monétaire et financier.

(1770) Le refus du tiré d'accepter la lettre de change n'empêche pas le créancier (dont on supposera qu'il est aussi le tireur) d'utiliser la
procédure de l'injonction de payer, mais il ne peut plus se fonder sur la lettre de change, il doit se fonder sur le contrat et produire les
documents contractuels qui justifient sa créance.

(1771) On verra (infra, no 581) les règles de compétence véritables, qui sont applicables aux deux instances auxquelles peut donner lieu
la procédure de l'injonction de payer : elles opèrent une répartition des litiges entre les diverses juridictions.

(1772) C'est ainsi qu'a raisonné la Cour de cassation dans les affaires qui ont été citées dans ce paragraphe. On remarquera cependant
que, dans un premier temps, la Cour avait elle-même commis cette confusion en parlant « d'exception d'incompétence » : v. Com.,
16 juillet 1985, Bull. civ. IV, no 214, RTD civ. 1986, p. 192, obs. R. P ERROT .

(1773) Par une application analogique de l'article 125 du Code de procédure civile.

(1774) Cette extension a d’abord résulté de ce que le chapitre III de la loi no 2011-1862 du 13 décembre 2011 comprenait, dans son
intitulé, « extension au tribunal de grande instance de la procédure d'injonction de payer ». Elle était confirmée par le contenu de
l'article L. 212-3-1 1o introduit par cette loi dans le Code de l'organisation judiciaire, ainsi que par la suppression de l'ancien article L. 221-
7 COJ. Modifié par le décret nº 2012-1515 du 28 décembre 2012, l’article 1406 CPC a encore clarifié les choses.

(1775) Tant qu'elle existe (v. infra, no 968).


(1776) La demande donnant lieu à l'instance non contradictoire est portée devant le président du tribunal de commerce ou de grande
instance et non devant le tribunal lui-même. En revanche, on verra (infra, no 586) qu'en cas d'opposition, c'est le tribunal qui est saisi.

(1777) À compter du 1er janvier 2017, il pourra s’agir aussi d’un juge de proximité intégré au TGI (v. art. L. 212-3-1, 1o, COJ).

(1778) L'article 1406 du Code de procédure civile utilisant la même expression que l'article 42, il convient d'interpréter de la même façon
le lieu où demeure le défendeur (v. infra, no 981).

(1779) Le créancier est ainsi amené à opérer un choix entre la procédure de droit commun, qui lui permet, sous certaines conditions, de
se prévaloir d'une clause attributive de compétence territoriale, et la procédure de l'injonction de payer, qui l'oblige à procéder devant le
juge du lieu où demeure son débiteur. De la même façon, dans l'hypothèse très banale où la marchandise vendue a été livrée à la sortie
des entrepôts du vendeur, le vendeur impayé ne peut pas soumettre au tribunal de ce lieu une requête en injonction de payer, comme le
permet l'article 46 du Code de procédure civile pour les demandes qui suivent la procédure de droit commun.

(1780) On verra (infra, no 1027) qu’en droit judiciaire privé, le juge peut rarement soulever d'office son incompétence et que, lorsqu'il le
peut, il n'est généralement pas tenu de le faire.

(1781) V. supra, no 428, pour un exposé plus complet de cette question à propos des ordonnances sur requête.

(1782) Contre toute logique, la Cour de cassation a jugé que le dépôt de la requête par un autre que le créancier n'exigeait pas la preuve
d'un mandat de représentation en justice, « à défaut d'introduction de l'instance » (!) : Civ. 2e, 27 juin 2002, Bull. civ. II, no 147,
Procédures 2002, no 183, note (crit.) R. P ERROT .

(1783) V. supra, no 581, à propos de la compétence nouvelle du TGI, en matière d'injonction de payer.(1784) V. supra, no 458.

(1785) Art. 1407 CPC.(1786) Sur lesquelles, v. infra, nº 1013 et s.

(1787) Ex. : Com., 9 avril 1991, Bull. civ. IV, no 136 ; Civ. 1re, 3 octobre 1995, Bull. civ. I, no 343. Et, pour un cas de forclusion, v. not.
Civ. 1re, 13 février 2007, no 05-19969.

(1788) Au demeurant, sur ce point, la Cour de cassation va à l'encontre de la solution donnée par tous les textes modernes, qui font
résulter l'introduction de l'instance d'un acte qui n'est pas adressé à l'adversaire et notamment d'une déclaration au greffe : à chaque fois,
le texte prévoit que la prescription est interrompue par la déclaration (v., par exemple, l'article 843 du Code de procédure civile, pour le
tribunal d'instance, l'article R. 1452-1 du Code du travail, en matière prud'homale). La Cour de cassation a admis de la même façon que
la déclaration de créance, parce qu'elle vaut demande en justice, interrompt la prescription (Com., 28 juin 1988, Bull. civ. IV, no 218, ou
Com., 28 juin 1994, Bull. civ. IV, no 240) alors pourtant que la déclaration ne consiste pas en un acte adressé au débiteur lui-même. La
Cour de cassation n'est pas encore parvenue à tirer toutes les conséquences du caractère dérogatoire de la procédure d'injonction de
payer et de l'objet très « ordinaire » de la demande, qui n'a rien de commun avec une requête tendant à une autorisation, par exemple à
une autorisation de saisie (cf. Civ. 2e, 8 juin 1988, Bull. civ. II, no 137), dont il est normal qu'elle n'interrompe pas la prescription.

(1789) Contre toute évidence, la Cour de cassation a pourtant écrit le contraire, dans un arrêt non publié au Bulletin : Civ. 2e,
11 décembre 2008, no 07-16260.

(1790) Le créancier doit donc être très attentif aux délais, surtout lorsqu'il s'agit d'un délai préfix ou même d'une « forclusion », comme
celle que pose l'article L. 311-52 du Code de la consommation en matière de crédit à la consommation. Si le juge tarde à statuer et si le
créancier craint l'expiration du délai, il doit retirer sa requête par une lettre adressée au greffe et entamer une procédure de droit
commun devant le juge du fond, ce qui occasionnera plus de frais pour le débiteur... Que gagne-t-on à imposer ce petit jeu au créancier ?

(1791) L'absence de débat contradictoire fait que le juge peut n'avoir qu'une connaissance incomplète des données du litige. C'est ce qui
explique que l'article 1409 du Code de procédure civile ne dit pas ; « si le juge estime la demande fondée », mais seulement ; « si (...) la
demande lui paraît fondée ». Cette phrase ne signifie nullement que le juge doit se contenter d'un examen superficiel des documents
produits. C'est même le contraire qu'il faut dire. Le juge doit avoir présent à l'esprit qu'il est possible et même probable que le débiteur ne
forme pas opposition, de telle sorte que la créance alléguée ne donnera lieu à aucun autre examen. Le juge est ainsi conduit à jouer à la
fois le rôle de juge et celui d'avocat du débiteur.

(1792) Le défendeur peut faire constater cette caducité en formant opposition : Civ. 2e, 8 juillet 2004, Bull. civ. II, no 366.

(1793) Art. 1422 CPC, sur lequel v. infra, no 585.


(1794) Sauf à ce que l'ensemble de la procédure d'injonction de payer soit frappée de caducité, auquel cas l'ordonnance est censée
n'avoir jamais existé (Civ. 2e, 21 septembre 2000, Bull. civ. II, no 128, RTD civ. 2000, p. 897, obs. R. P ERROT ). Tel est le cas lorsque le
débiteur forme opposition à l'ordonnance et que le créancier omet alors de consigner au greffe les frais de l'opposition dans un délai de
quinze jours (art. 1425 CPC).

(1795) Civ. 2e, 16 mai 1990, Bull. civ. II, no 103. Il est permis de se demander si l'absence de motivation d'une décision aussi importante
que peut l'être l'ordonnance portant injonction de payer ne méconnaît pas les exigences de l'article 6 de la Convention européenne de
sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. En principe, l'ordonnance qui rejette totalement les
demandes du créancier devrait elle aussi être motivée. Mais, en l'absence de recours, l'obligation demeure privée de toute sanction.

(1796) Art. 1416 CPC.

(1797) Ainsi que cela a déjà été indiqué (supra, no 582), c'est à la signification de l'ordonnance que la Cour de cassation attache
l'interruption de la prescription.

(1798) Cependant, dans un souci de commodité, la Cour de cassation décide que le créancier peut, dès le dépôt de la requête, demander
au greffier d'apposer la formule exécutoire si le débiteur ne forme pas d'opposition. Cette jurisprudence est en contradiction ouverte avec
le texte de l'article 1422 du Code de procédure civile (v. Civ. 2e, 23 janvier 1991, Bull. civ. II, no 27, D. 1992, somm. 124, obs. P. JULIEN)
et elle est dangereuse car si le greffe appose malencontreusement la formule avant écoulement du délai d'opposition, l'ordonnance
encourt la cassation (v. Civ. 2e, 10 janvier 2008, no 06-21404, RTD civ. 2008, p. 355, obs. R. P ERROT ).

(1799) Une difficulté est née de ce que l'opposition peut encore être formée dans le mois suivant le premier acte signifié à personne ou
suivant la première mesure d'exécution, quand l'ordonnance n'a pas été signifiée à personne mais, par exemple, à domicile (art. 1416,
al. 2 CPC, infra, no 586). Dans ce cas, le délai pour demander l'apposition de la formule exécutoire court-il de la signification initiale ou
de la signification (à personne) subséquente ? La Cour de cassation a opté pour la première solution : Civ. 2e, 3 novembre 2005, no 04-
11103, RTD civ. 2006, p. 155, obs. R. P ERROT .

(1800) Le texte précise que la demande peut également être formée dans le délai d'un mois qui suit le désistement d'opposition du
débiteur. Bien sûr, là encore, l'ordonnance est non avenue si le créancier laisse s'écouler ce délai sans demander l'apposition de la
formule exécutoire.

(1801) Civ. 2e, 10 janvier 2008, no 07-10508, Dr. et procéd. 2008, p. 153, obs. A. LEBORGNE, RTD civ. 2008, p. 355, obs. R. P ERROT .

(1802) Depuis 1981, le juge n'intervient plus dans le processus d'apposition de la formule exécutoire. Dès lors, la précision de
l'article 1422, alinéa 2, du Code de procédure civile selon laquelle l'ordonnance (revêtue de la formule exécutoire) n'est pas susceptible
d'appel « même si elle accorde des délais de paiement » n'a plus de raison d'être. Autrefois, le juge pouvait accorder un délai de paiement
au débiteur au moment où il délivrait son visa permettant l'apposition de la formule exécutoire sur l'ordonnance. À l'époque, une telle
précision avait un sens, le créancier mécontent des délais accordés à son adversaire pouvant être tenté de faire appel. Le juge
n'intervenant plus à ce stade de la procédure, s'il accorde des délais, ce ne peut être qu'en amont, au moment où il rend son ordonnance
(ou en aval, sur opposition : v. R. P ERROT , « Injonction de payer et délai de grâce », Gaz. Pal. 12 et 13 janvier 2001, p. 2). Mais alors, il
est évident que l'appel n'est pas possible, car l'ordonnance est sans recours pour le créancier (art. 1409 CPC) et elle n'est susceptible que
d'opposition de la part du débiteur.

(1803) Pour une première exception, v. art. 1416, al. 2 CPC, infra, no 586. En outre, la Cour de cassation a décidé que l'ordonnance
revêtue de la formule exécutoire, produisant tous les effets d'un jugement contradictoire insusceptible d'appel, pouvait faire l'objet d'un
pourvoi en cassation. V. Civ. 2e, 6 avril 1987, Bull. civ. II, no 84, RTD civ. 1987, p. 609, obs. R. P ERROT . En l'espèce, l'ordonnance a été
cassée au motif qu'elle n'indiquait pas le nom du magistrat qui l'avait rendu. Cependant, depuis cet arrêt, la Cour de cassation a
strictement limité les moyens que le débiteur peut invoquer : le pourvoi ne peut porter que sur des vices postérieurs à la signification de
l'ordonnance au débiteur, c'est-à-dire sur les conditions dans lesquelles la formule exécutoire a été apposée (Civ. 2e, 5 avril 1993,
Bull. civ. II, no 145, RTD civ. 1993, p. 657, obs. R. P ERROT ). À l'inverse, il ne peut porter sur un vice, même de forme, affectant
l'ordonnance elle-même, parce que ce vice pouvait être détecté lors de la signification et que le débiteur devait donc former opposition
pour le faire sanctionner (Civ. 2e, 29 novembre 1995 (2 arrêts), Bull. civ. II, no 292, RTD civ. 1996, p. 471, obs. R. P ERROT , Justices
1996-4, 258, obs. J. HÉRON). Adde : Civ. 2e, 18 décembre 1996, Bull. civ. II, no 299 ; 2 avril 1997, D. 1997, 411, note P. JULIEN, RTD civ.
1997, p. 741, obs. R. P ERROT . Précisons enfin que le pourvoi en cassation est, évidemment, fermé lorsque l'opposition est encore
recevable (Civ. 2e, 18 février 1999, Procédures 1999, no 90, obs. R. P ERROT ).

(1804) Avant le décret no 81-500 du 12 mai 1981, la voie de recours ouverte au débiteur était appelée contredit.

(1805) Art. 574 CPC, sur lequel, v. infra, no 911.


(1806) La Cour de cassation en tire cette conséquence favorable au débiteur que les énonciations que l'opposition peut contenir sur le
fond ne font pas obstacle à la recevabilité d'une exception de procédure présentée par la suite devant le tribunal, par dérogation à
l'article 74 du Code de procédure civile (Civ. 2e, 14 janvier 1987, Bull. civ. II, no 10, RTD civ. 1987, p. 411, obs. R. P ERROT ). En revanche,
le juge a l'obligation d'examiner les moyens que le débiteur a fait valoir dans l'acte d'opposition (Civ. 2e, 24 avril 1989, Bull. civ. II, no 97).

(1807) Sur l'ordonnance sur requête, v. supra, no 427 et s. Et sur la mise à l'écart du principe de la contradiction, prévue par l'article 17
du Code de procédure civile, v. supra, no 301.

(1808) Tant qu'elle existe (v. infra, no 968).

(1809) La requête en injonction de payer est soumise au président du tribunal de commerce ou de grande instance, mais l'opposition est
portée devant le tribunal lui-même.

(1810) La Cour de cassation a décidé que l'utilisation d'une lettre simple au lieu d'une lettre recommandée pour former opposition
n'entraînait pas la nullité de l'acte. V. Civ. 2e, 1er mars 1989, Bull. civ. II, no 56, RTD civ. 1990, p. 141, obs. R. P ERROT . On ne saurait
cependant préconiser une telle pratique. L'envoi d'une lettre simple peut susciter des difficultés de preuve. De plus, on n'est jamais à
l'abri d'un revirement de jurisprudence.

(1811) Par exemple, le commandement de payer précédant la saisie-vente (s'il a été signifié à personne).

(1812) Cass. Avis, 16 septembre 2002, Bull. civ., no 4, Dr. et procéd. 2003, p. 102, obs. M. DYMANT ; Civ. 2e, 11 décembre 2008, no 08-
10141, Procédures 2009, no 71, note R. P ERROT .

(1813) Contra : R. P ERROT , Procédures 2002, no 224 et RTD civ. 2003, p. 142.

(1814) La disposition de l'article 1416 incite évidemment le débiteur dont le compte bancaire vient d'être saisi à former opposition dès lors
que l'ordonnance ne lui a pas été notifiée à personne. Quel est l'effet de cette opposition sur la saisie-attribution qui a été pratiquée ?
Dans un avis, la Cour de cassation a choisi une solution médiane (Cass. Avis, 8 mars 1996, Bull. civ., no 4) : pour elle, l'opposition ne peut
pas conduire à ordonner la mainlevée de la saisie pratiquée, mais fait obstacle au paiement au créancier des sommes rendues
indisponibles, jusqu'à ce qu'il ait été statué sur l'opposition par la juridiction saisie de la voie de recours : en d'autres termes, seul demeure
l'effet d'indisponibilité attaché à la saisie.

(1815) V. supra, nº 582.

(1816) Art. 1417 CPC. V. ainsi, pour une demande reconventionnelle, Com., 19 février 1985, Bull. civ. IV, no 70, et, pour une demande
additionnelle, Civ. 2e, 18 mars 1992, Bull. civ. II, no 95. Avant le décret no 81-500 du 12 mai 1981, la recevabilité des demandes incidentes
avait soulevé de nombreuses difficultés.

(1817) Civ. 2e, 23 octobre 1991, Bull. civ. II, no 272 ; Civ. 1re, 7 mars 2000, Bull. civ. I, no 80.

(1818) Sur l'appel, v. art. 1421 CPC. Et sur l'opposition en cas de jugement par défaut, v. Civ. 2e, 18 octobre 2007, no 06-17201,
Procédures 2007, no 276, note R. P ERROT .

(1819) V. supra, no 458.

(1820) Cette notification est régulièrement faite à l'adresse indiquée par le créancier lors du dépôt de la requête en injonction de payer.
En cas de retour au greffe de l'avis de réception non signé, la date de notification est, à l'égard du destinataire, celle de la présentation et
la notification est réputée faite à domicile ou à résidence (art. 1418 CPC).

(1821) V. supra, nº 231 et 253.

(1822) Lorsqu'une seule des parties ne comparaît pas, il convient d'appliquer les règles de la procédure par défaut (infra, no 1156). C'est
ainsi que le défaut du demandeur originaire permet au défendeur de requérir du juge qu'il prononce la caducité de la demande, en
application de l'article 468 du Code de procédure civile (v. Civ. 2e, 10 mars 1988, Bull. civ. II, no 62). De même, le défaut de comparution
du débiteur qui a fait opposition ne saurait justifier à lui seul sa condamnation : ce serait une violation de l'article 472 du Code de
procédure civile (v. Civ. 2e, 24 mai 1989, Bull. civ. II, no 116). Ce n'est que la production des pièces justificatives de la créance qui peut
fonder la condamnation du débiteur (v. Civ. 2e, 12 mars 1986, Bull. civ. II, no 37).

(1823) Pour le conseil de prud'hommes, le Code de procédure civile ne comprend qu'un seul article qui accueille les textes du Code du
travail consacrés à la procédure prud'homale.
(1824) Pour la cour d'appel, v. infra, no 772 et s., et pour la Cour de cassation, infra, no 861 et s.

(1825) La représentation obligatoire par le ministère d'un avocat ne comprend que quelques rares exceptions, notamment en matière
domaniale ou fiscale.

(1826) V. supra, no 464.(1827) Art. 793 CPC.

(1828) La nullité sanctionne un vice de forme. Par conséquent, son prononcé est subordonné à l'établissement d'un grief.

(1829) Sur les effets de l'élection de domicile, v. supra, no 174.(1830) Art. 643 et s. CPC.(1831) Sur les délais d'attente, v. supra, no 231.

(1832) Sur ce point, v. infra, no 594.

(1833) Art. 814 CPC, qui reprend les dispositions de l'article 59 du même code. La sanction est également la même : les conclusions du
défendeur sont irrecevables.

(1834) Toutefois, dans certains barreaux, il est d'usage que l'avocat du défendeur fasse déposer sa constitution par l'avocat du
demandeur, parce que le greffe n'accepte les constitutions d'avocats défendeurs que revêtues du numéro de rôle du dossier (que le
défendeur ne connaît que s'il lui a été indiqué par le demandeur). Que se passe-t-il si l'avocat du demandeur s'abstient de procéder à ce
dépôt ? Les juges du fond sont divisés. Pour la Cour de cassation, il incombe à l'avocat du défendeur d'accomplir cette formalité, mais
elle semble admettre l'idée que le jugement pourrait être nul si la constitution de cet avocat n'a été déposée ni par lui, ni par son
adversaire qu'il avait chargé de le faire (v. Civ. 2e, 26 octobre 2006, no 05-10356).

(1835) V. supra, no 469.

(1836) Aussi critiquable qu'ait pu être cette pratique, elle présentait cet avantage que les parties pouvaient prendre le temps de
rechercher une solution transactionnelle à leur litige. Aujourd'hui, pour obtenir le même résultat, elles peuvent emprunter un chemin plus
compliqué en assignant (ce qui interrompt la prescription), puis en plaçant l'affaire pour éviter la caducité, puis en demandant au juge de
la mise en état de prononcer le retrait du rôle pour pouvoir discuter... Bien sûr, on peut aussi éloigner la menace de caducité en concluant
une convention de procédure participative avant de déposer copie de l’assignation au greffe (v. art. 2062 C. civ.), cette procédure
suspendant le délai de quatre mois (art. 757, al. 2, CPC). L’idéal est encore, avant même de délivrer toute assignation, de conclure une
telle convention ou de convenir avec l’adversaire de recourir à la médiation ou à la conciliation, la prescription étant alors suspendue
(art. 2238 C. civ.).

(1837) Sur la caducité et ses effets, v. infra, no 1215 et s. Sur la procédure participative (qui suspend le délai de quatre mois), v. infra,
nº 1202 et 1203.

(1838) Civ. 2e, 21 octobre 1976, Bull. civ. II, no 281, Gaz. Pal. 1977.354, note J. VIATTE, RTD civ. 1977, p. 831, obs. R. P ERROT .

(1839) Civ. 1re, 10 octobre 1995, Bull. civ. I, no 355.(1840) Art. 822 CPC.(1841) Art. 758 CPC.(1842) Art. 759 CPC.

(1843) Sur le choix du type d'instruction, v. infra, no 602.(1844) V. art. 760 CPC.

(1845) En raison de l'ordonnance de clôture qui est rendue pas le président au moment de renvoyer l'affaire à l'audience. Sur
l'ordonnance de clôture, v. infra, no 621 et s.

(1846) D'ailleurs, si par hasard il venait à être informé du déroulement de la procédure, le défendeur ne pourrait pas intervenir
personnellement. Pour pouvoir influer sur le déroulement de l'instance, il doit impérativement constituer avocat.

(1847) Des écritures dépourvues de la signature de l'avocat n'ont pas valeur de conclusions (ex : Civ. 2e, 13 décembre 2001, no 99-
18692). Le régime des vices de forme n'est donc pas applicable à cette lacune.

(1848) Cependant, la Cour de cassation ne soumet pas les conclusions au même formalisme que le jugement et elle reconnaît valeur aux
« motifs décisoires » des conclusions, c'est-à-dire aux prétentions émises par une partie dans les motifs de ses conclusions et non reprises
dans le dispositif. On peut regretter le manque de rigueur qui peut découler de cette tolérance et les difficultés qui peuvent en résulter
pour les juges aussi bien que pour l'adversaire, mais, d'un autre côté, il faut bien constater qu'aucun texte n'exige des conclusions qu'elles
comportent un dispositif bien distinct des motifs (contrairement à l'article 455 CPC relatif aux jugements). Sur cette jurisprudence, v. Civ.
2e, 1er juin 1983, Gaz. Pal. 11983, Pan. 270, obs. S. GUINCHARD, RTD civ. 1983, p. 781, obs. J. NORMAND, et 789, obs. R. P ERROT ; Civ. 3e,
26 mai 1992, Bull. civ. III, no 170, RTD civ. 1993, p. 190, obs. R. P ERROT ; Civ. 3e, 6 novembre 2001, RTD civ. 2002, p. 145, obs.
R. P ERROT .
(1849) Art. 815 CPC. La notification se fait évidemment selon les modalités prévues pour les actes d'avocat à avocat.

(1850) Art. 821 CPC. Il résulte de l'article 816 que les conclusions doivent toujours être notifiées à l'adversaire avant d'être déposées.

(1851) Éventuellement, si l'affaire est communiquée au ministère public, il est prudent de prévoir un exemplaire supplémentaire qu'il
puisse conserver.

(1852) Un moyen est inopérant quand, à le supposer exact, il est insusceptible de fonder la prétention de son auteur. Sur cette notion,
v. infra, no 823.

(1853) Au passage, notons que le fait de développer oralement des moyens n'apparaissant pas dans lesdites conclusions est contraire à la
déontologie des avocats.

(1854) Ex. : Est-on en présence d'une vente ou d'un contrat d'entreprise ?

(1855) Ex. : La demande de dommages et intérêts est-elle fondée sur l'article 1382 ou sur l'article 1147 du Code civil ?

(1856) Ce qu'exprime l'adage Da mihi factum, dabo tibi jus (donne-moi le fait, je te donnerai le droit).

(1857) Pour plus d'explications, v. J. HÉRON, « Réflexions sur le décret no 98-1231 du 28 décembre 1998... », RGP 1999, no 1, p. 80.
Contra : G. BOLARD, « Les écritures qualificatives », JCP G 2000, I, no 214, p. 517, no 6, qui y voit une irrégularité de fond.

(1858) Sur la règle « pas de nullité sans grief », v. supra, no 215 et s.

(1859) Pour une vision très critique de cette réforme, v. R. MARTIN, « Les conclusions uniques », D. 2002, Point de vue, p. 219.

(1860) Cass. Avis no 5, 10 juillet 2000, D 2000, J, p. 837, note A. LACABARATS, JCP G 2000, II, no 10404, note A. P ERDRIAU, RTD civ.
2000, p. 893, obs. R. P ERROT ; Civ. 2e, 10 mai 2001, Bull. civ. II, no 95 ; Civ. 3e, 16 février 2005, Bull. civ. III, no 40. Cet avis et ces arrêts
ont été rendus à propos de l'article 954 du Code de procédure civile, relatif à l'instance d'appel. Mais la solution est également valable
pour l'application de l'article 753, puisque ces deux textes ont, sur la question des conclusions récapitulatives, des contenus identiques sur
le fond.

(1861) À notre sens, une simple compilation (par juxtaposition) des moyens que l'on entend conserver devrait suffire pour satisfaire à la
lettre, sinon totalement à l'esprit, de la réforme du 28 décembre 1998. Certains juges semblent cependant plus exigeants et attendent des
représentants des parties une véritable refonte synthétique de leurs précédentes conclusions. Ex. : Orléans, 2 octobre 2000, JCP G 2001,
II, no 10511, note critique R. MARTIN, RTD civ. 2001, p. 658, obs. critiques R. P ERROT .

(1862) Civ. 2e, 3 mai 2001, Bull. civ. II, no 87.

(1863) Civ. 2e, 20 octobre 2005, no 03-18931, Procédures 2005, no 269, note R. P ERROT , Dr. et procéd. 2006, p. 98, obs. N. FRICERO.

(1864) Civ. 1re, 24 septembre 2002, Procédures 2002, no 223, note R. P ERROT .

(1865) Civ. 2e, 18 décembre 2008, no 07-20238, procédures 2009, no 36, note R. P ERROT .

(1866) Ex. : Civ. 2e, 21 avril 2005, no 02-14.675, Procédures 2005, no 176, note R. P ERROT .

(1867) Ils ont d'autant plus intérêt à le faire que, dans son avis précité du 10 juillet 2000, la Cour de cassation semble exiger que toutes les
conclusions successives d'une partie présentent un caractère récapitulatif. Une telle exigence nous paraît pour le moins discutable. Pour
une critique de cette solution : G. BOLARD, « Les “dernières conclusions” », JCP G 2001, I, no 297, parag. 12 et s.

(1868) Sur tous ces points, v. supra, no 297 et s.

(1869) Il est également possible de procéder aux communications de pièces (ou de conclusions) par l'intermédiaire d'un huissier
audiencier.

(1870) Sur l'ordonnance de clôture, v. infra, no 621 et s.


(1871) Sur les règles applicables au défaut du défendeur, v. infra, no 1160 et s. En particulier, s'il n'existe qu'un seul défendeur,
l'article 471 du Code de procédure civile ne prévoit aucune réassignation chaque fois que le défendeur a été cité à comparaître à
personne. Il est alors certain que son défaut de comparution ne s'explique que par sa négligence.

(1872) Par ailleurs, il n'est pas certain que les avocats aient déjà préparé leur plaidoirie pour cette audience.

(1873) C'est-à-dire lorsque les parties ont échangé plusieurs jeux de conclusions sans que les dernières soient récapitulatives des
précédentes. Sur les conclusions récapitulatives, v. supra, no 600.

(1874) On verra que, de la même façon, le juge de la mise en état peut rendre l'ordonnance de clôture à titre de sanction, infra, no 607.

(1875) Il a même le pouvoir d'homologuer leur accord, à leur demande, ce qui leur évite de devoir s'adresser au tribunal. Sur la
conciliation, v. infra, no 1202.

(1876) Art. 767 CPC. L'audition des parties aux fins de conciliation, que prévoit ce texte, ne doit pas être confondue avec la comparution
des parties qui est une mesure d'instruction ayant pour objet de renseigner le juge, ce qui explique qu'elle soit soumise à des règles
procédurales plus strictes (sur la comparution des parties, v. infra, no 1106 et s.).

(1877) V. supra, no 454.

(1878) Si tant est qu'elle soit utilisée, car nombre de magistrats ne font pas mystère de leur hostilité envers ces calendriers : s'ils
apprécient que les avocats soient tenus par des délais pour accomplir les actes de procédure, ils ne souhaitent pas l'être eux-mêmes pour
ce qui est de rendre leurs décisions.

(1879) Les engagements pris par une partie dans le cadre du calendrier peuvent lui être opposés pour déclarer irrecevables des écritures
déposées au-delà des délais prévus par cet accord. Avant même la consécration du « contrat de procédure » dans les textes, on a
d'ailleurs pu se demander si la Cour de cassation n'appliquait pas avec une rigueur un peu excessive la règle que les parties s'étaient
fixée, au détriment du principe de la contradiction (v. Civ. 1re, 13 janvier 1993, Bull. civ. I, no 8).

(1880) La clôture partielle est une simple faculté, dont il appartient au juge de la mise en état d'apprécier l'opportunité, même si l'avocat
de la partie diligente le lui a demandé. L'article 780 du Code de procédure civile prévoit seulement qu'en cas de refus, le juge de la mise
en état doit statuer sur la demande dans une ordonnance motivée, mais qui reste insusceptible de recours et qui sera adressée à la partie
défaillante à son domicile réel ou à sa résidence (ceci la fera sans doute réfléchir sur ce à quoi elle vient d'échapper). On peut penser
qu'à l'inverse, le juge de la mise en état ne saurait prononcer la clôture partielle à titre de sanction sans avoir préalablement adressé une
injonction à l'avocat de la partie négligente. V., par analogie, un arrêt rendu sous l'empire de l'ancien article 780 qui prévoyait la clôture
pure et simple : Civ. 2e, 25 mars 1985, Bull. civ. II, no 77, Gaz. Pal. 1985, Pan. 254, obs. S. GUINCHARD et T. MOUSSA, RTD civ. 1986,
p. 183, obs. R. P ERROT .

(1881) En vertu de l'article 780 CPC, la clôture ne sera totale que « si aucune autre partie ne doit conclure ». Il est vrai que si la mise en
état fait apparaître que les parties diligentes n'ont rien à ajouter, une clôture partielle n'aurait aucun intérêt : il est temps de mettre fin à
l'instruction et de renvoyer le dossier à l'audience de jugement.

(1882) Sur cette distinction, v. infra, no 838.

(1883) Sur tout ce qui touche à la radiation, v. infra, no 1193 et s. Il faut seulement indiquer ici que l'article 382 CPC, auquel renvoie
l'article 763, alinéa 4, donne également aux parties le droit d'obtenir le retrait de leur affaire du rôle, à condition qu'elles en fassent toutes
la demande écrite et motivée.

(1884) Art. 766 CPC. Les jonctions et disjonctions d'instance sont de simples mesures d'administration judiciaire.

(1885) Le verbe « inviter » doit être pris dans son sens ordinaire. À la différence de ce que prévoit l'article 332 du Code de procédure
civile pour la matière gracieuse, en matière contentieuse le juge ne peut pas ordonner la mise en cause d'un tiers. En pratique, cependant,
il est bien rare que l'une des parties n'ait pas intérêt à suivre l'invitation que lui donne le juge. Sur cette question, v. infra, no 1177.

(1886) C'est-à-dire, pour l'essentiel, à déposer des conclusions récapitulatives.

(1887) L'article 765 du Code de procédure civile ajoute que le juge peut aussi « se faire communiquer l'original des pièces versées aux
débats ou en demander la remise en copie ». La remise des pièces en copie est effectuée spontanément par les parties de façon
systématique. L'article 765 concerne donc surtout les originaux qu'en général les parties conservent.
(1888) Art. 383 et 781 CPC.

(1889) L'article 770 se réfère aux dispositions des articles 132 et suivants du Code de procédure civile. Sur la communication, la
production et l'obtention de pièces, v. infra, no 1072 et s.

(1890) Il est moins fréquent aujourd'hui qu'un plaideur demande une provision ad litem. Cette demande était très banale autrefois lorsque
le mari gérait seul la communauté et que la communauté avait la jouissance des propres des époux, donc des propres de la femme, si bien
que le mari avait entre les mains tout l'argent du ménage. Les maris n'accordaient pas volontiers de l'argent à leurs femmes pour qu'elles
puissent demander le divorce... Il reste cependant l'hypothèse du conjoint qui n'a pas de biens propres et n'exerce pas d'activité
rémunérée ou celle de la victime prétendue d’un dommage qui doit faire face à de substantiels frais d’expertise.

(1891) Art. 779 in fine CPC. Le texte précise aussi que dans le cas où il n'est pas prévu de plaidoirie, le juge de la mise en état reste
saisi jusqu'à la date fixée pour le dépôt des dossiers des avocats au greffe (ce dépôt remplace les plaidoiries).

(1892) V. art. R. 511-1 CPCE.

(1893) Civ. 3e, 17 novembre 1981, Bull. civ. III, no 191, Gaz. Pal. 1982.106, note J. VIATTE, RTD civ. 1982, p. 463, obs. J. NORMAND et
p. 474, obs. R. P ERROT .

(1894) Article L. 511-3 du Code des procédures civiles d'exécution.(1895) Cass. avis, 2 mai 1994, Bull. civ., no 13.

(1896) Sur le principe que le juge des référés ne dit pas le droit, v. supra, no 410.

(1897) Sur la définition du jugement définitif, v. supra, no 371.

(1898) Cette compétence résulte d'une modification de l'article 771 intervenue en 2012. Sur l'article 47 CPC, v. infra, no 988.

(1899) Il est également compétent, tout comme le conseiller de la mise en état en appel, pour statuer sur la transmission d'une question
prioritaire de constitutionnalité (sur laquelle, v. infra, no 1005) à la Cour de cassation (art. 126-3 CPC), sauf à se tourner vers la
formation de jugement de sa juridiction.

(1900) On pense à une expertise ordonnée avant tout procès dans le cadre d’un référé de l’article 145 du Code de procédure civile.

(1901) À rappr. : Civ. 2e, 31 janvier 2013, nº 10-16910, JCP G 2013, 263, note X. VUITTON, Procédures 2013, nº 98, note R. P ERROT . Cet
arrêt est troublant car il énonce de manière assez générale que « la demande de nullité de l'expertise ne constitue pas une exception de
procédure au sens de l'article 73 du même code ». L’affirmation est sans doute trop catégorique, car le moyen tiré de la nullité
d’opérations d’expertise ordonnées dans le cadre de la même instance tend bien « à faire déclarer la procédure irrégulière », comme
l’énonce l’article 73. En revanche, il est vrai qu’il en va différemment quand le rapport d’expertise a été déposé dans le cadre d’une
instance distincte (par exemple en référé, comme en l’espèce) : une éventuelle nullité du rapport n’entacherait pas la procédure en cours.

(1902) En ce sens : Cass. Avis, 13 novembre 2006, no 06-00.012, JCP G 2007, II, 10027, note O. SALATI, RTD civ. 2007, p. 177, obs.
R. P ERROT , Dr. et procéd. 2007, p. 80, obs. E. P UTMAN.

(1903) En revanche, en appel, le conseiller de la mise en état peut se prononcer sur des fins de non-recevoir : l'article 914 du Code de
procédure civile lui donne compétence pour « déclarer l'appel irrecevable et trancher à cette occasion toute question ayant trait à la
recevabilité de l'appel ». Depuis 2011, il s'agit même d'une compétence exclusive (tant qu’il n’est pas dessaisi).

(1904) Sur cette distinction, v. supra, no 554 et no 554.(1905) Art. 775 CPC. V. infra, no 618.(1906) V. supra, no 613.

(1907) Art. 771-1o CPC.(1908) Ex. : Civ. 2e, 10 novembre 2010, no 08-18809, Procédures 2011, no 6, note R. P ERROT .

(1909) Cette solution n’est toutefois pas systématique, la jurisprudence admettant parfois que le magistrat de la mise en état est
valablement saisi par des conclusions au fond qui soulèvent un incident (ex : Civ. 2e, 9 avril 2015, nº 13-28707).

(1910) Art. 779, in fine, CPC.(1911) Sur le sens que donne le Code de procédure civile au jugement, v. supra, no 489.
(1912) L'article 151 CPC ne cite pas expressément la décision ordonnant une expertise, mais c'est bien elle qu'il vise, de façon négative,
en énonçant que les décisions (qui ordonnent ou modifient une mesure d'instruction) peuvent revêtir la forme d'une mention au dossier
lorsqu'elles ne sont pas susceptibles d'un recours indépendamment du jugement sur le fond. En effet, la décision ordonnant une mesure
d'expertise peut être frappée d'appel indépendamment du jugement sur le fond, sur autorisation du premier président de la cour d'appel,
s'il est justifié d'un motif grave et légitime (art. 272 CPC). Elle ne peut donc pas faire l'objet d'une simple mention au dossier et doit être
prise par ordonnance.

(1913) Sur les mesures d'instruction, v. infra, no 1095. Le fait que le juge ordonne les mesures d'instruction autres que l'expertise par une
simple mention au dossier ne signifie pas que sa décision soit une mesure d'administration judiciaire. C'est une décision juridictionnelle
contre laquelle une voie de recours peut être formée, même s'il est vrai qu'en application de l'article 150 du Code de procédure civile, le
recours ne peut pas être formé indépendamment du jugement sur le fond.

(1914) On peut ainsi imaginer que le tribunal de grande instance décide que le demandeur n'est pas créancier alors que le juge de la mise
en état lui aurait accordé une provision en estimant que l'obligation n'était pas sérieusement contestable.

(1915) Civ. 2e, 20 juillet 1987, Bull. civ. II, no 170, D. 1988.128, note M. RÉMY, RTD civ. 1988, p. 186, obs. R. P ERROT ; Civ. 2e, 20 juillet
1988, Bull. civ. II, no 184 ; Civ. 2e, 3 mai 1990, Bull. civ. II, no 90.

(1916) On peut s'interroger légitimement sur l'opportunité de soustraire à la formation collégiale du tribunal des questions aussi
importantes, mais c'est un autre problème, qui relève de la politique réglementaire du ministère de la Justice.

(1917) Civ. 2e, 13 mars 2008, no 07-11384, Procédures 2008, no 134, note R. P ERROT ; Civ. 2e, 18 décembre 2008, no 07-20599, RTD civ.
2009, p. 171, obs. R. P ERROT . Civ. 3e, 30 octobre 2012, nº 11-23019.

(1918) V. art. 907 CPC.(1919) Contra : R. P ERROT , Procédures 2008, no 134 et RTD civ. 2009, p. 171.

(1920) Art. 914 CPC. V. infra, nº 789.(1921) Sur l'interdiction des appels immédiats, v. infra, no 730.

(1922) Pour les décisions nommant un séquestre ou ordonnant le versement d'une provision, un appel différé ne présente plus d'intérêt
(ce qui explique d'ailleurs qu'une exception soit apportée à la règle de principe pour les provisions). En revanche, un appel même différé
conserve de l'intérêt pour les mesures d'instruction. Si le jugement sur le fond s'est fondé exclusivement sur les résultats d'une enquête
ordonnée irrégulièrement, l'annulation de l'enquête conduit nécessairement le juge supérieur à annuler aussi le jugement sur le fond.

(1923) Sur les modalités de l'appel contre ces décisions, v. infra, no 1134 pour l'expertise et no 1192 pour le sursis à statuer.

(1924) Signalons qu'en 1998, un décret avait précisé, dans le texte de l'article 776 du Code de procédure civile, que les ordonnances du
juge de la mise en état n'étaient pas susceptibles de contredit. Le décret du 20 août 2004 a renversé cette solution et autorisé le contredit
contre les ordonnances statuant sur la compétence, la litispendance ou la connexité. Le décret du 28 décembre 2005 est encore revenu
sur cette question en remplaçant le contredit par l'appel et en visant les exceptions de procédure sans précision (et plus seulement
l'incompétence, la litispendance et la connexité). N'aurait-on pas pu réfléchir une bonne fois pour toutes avant de modifier le même texte
(et s'il ne s'agissait que de celui-ci !) deux fois à 16 mois d'intervalle ? Il serait bon que les juristes du ministère de la Justice gardent à
l'esprit que leur rôle consiste normalement à améliorer la vie des usagers, pas à la compliquer par des réformes incessantes et
chaotiques. Au passage, l'article 776 n'énonce plus que le contredit est fermé. Est-ce à dire qu'il est ouvert en matière de compétence, de
litispendance et de connexité ? La réponse est négative ; c'est l'appel qui doit être emprunté : Civ. 2e, 31 janvier 2013, nº 11-25242, Dr. et
procéd. 2013, p. 110, obs. O. SALATI.

(1925) À notre sens, cette expression ambiguë désigne les causes d'extinction de l'instance visées aux articles 384 et 385 du Code de
procédure civile. On doit donc pouvoir faire appel immédiatement d'une décision du juge de la mise en état, dès lors qu'il s'est prononcé
sur ce type d'incident, même s'il a finalement refusé de constater l'extinction de l'instance ou d'y mettre fin, par exemple parce qu'il a
estimé que les conditions de la péremption d'instance n'étaient pas réunies (contra mais avec quelque hésitation : R. P ERROT , « Décret
no 2005-1678 du 28 décembre 2005 », Procédures 2006, Étude, no 3, p. 8). La rédaction de l'article 776 milite d'ailleurs en ce sens, dès
lors que ce texte distingue les décisions qui « statuent sur incident mettant fin à l'instance » de celles qui « ont pour effet de mettre fin à
celle-ci » ou qui « en constatent l'extinction ». L'expression retenue par les auteurs de la réforme de décembre 2005 est tout de même
regrettable : il eût été préférable de parler d'incidents de nature à mettre fin à l'instance, comme l’a fait la Cour de cassation (v. Civ. 2e,
11 juillet 2013, nº 12-15994).

(1926) On imagine le désarroi des parties qui apprendraient au terme de plusieurs mois (voire plusieurs années) d'instruction, que le
tribunal est incompétent comme le pensait le défendeur et qu'il faut tout reprendre à zéro devant une autre juridiction. La possibilité de
former immédiatement une voie de recours contre la décision du juge de la mise en état permet d'éviter ce genre de situation horripilante.
(1927) En revanche, l'ordonnance nommant un séquestre chargé de conserver un bien n'est pas susceptible d'un appel immédiat.

(1928) L'article 514 du Code de procédure civile ne vise pas particulièrement les décisions du juge de la mise en état qui ordonnent des
mesures provisoires pour la durée de l'instance. La règle s'applique quel que soit le juge qui ordonne une mesure de ce type (v. supra,
no 532).

(1929) Il va de soi que tout ce développement n'intéresse que les décisions susceptibles d'un appel immédiat. Ce n'est que pour elles que
la question de l'exécution provisoire a un sens.

(1930) Le rapprochement n'est cependant pas total. En effet, les mesures d'expertise ordonnées dans le cadre d'une instance au principal
ne bénéficient pas de l'exécution provisoire de plein droit à la différence de celles qui le sont dans le cadre d'une instance en référé : Civ.
2e, 5 octobre 1988, Bull. civ. II, no 186, RTD civ. 1989, p. 143, obs. R. P ERROT . Sur cette question, v. supra, no 532.

(1931) V. supra, no 603.(1932) V. supra, no 607 et no 590.

(1933) Indirectement, on verra qu'un contrôle est exercé sur la décision du juge de la mise en état, infra, no 628.

(1934) Lorsque la clôture partielle de l'instruction est demandée par l'une des parties et que le juge de la mise en état rejette cette
demande, il a été indiqué (supra, no 607) que l'article 780 du Code de procédure civile impose au juge de rendre une ordonnance
motivée ; elle reste néanmoins insusceptible de recours.

(1935) Il n'est pas bon non plus que l'ordonnance de clôture soit rendue le jour même de l'audience, comme on le voit parfois. D'une part,
cette pratique contredit la volonté du législateur d'établir une coupure entre l'instruction et les débats. D'autre part, le moindre incident
entraînera nécessairement le renvoi de l'affaire à une audience ultérieure. On perturbe ainsi l'organisation des audiences.

(1936) Soc., 5 juillet 1978, Bull. civ. V, no 560, RTD civ. 1979, p. 829, obs. R. P ERROT .

(1937) On peut dater à un arrêt du 16 juillet 1979 la prise de position de la Cour de cassation en faveur d'une application rigoureuse de
l'article 783 : c'est un arrêt rendu sous la présidence du premier président de la Cour et doté d'une motivation ferme et précise : Civ. 2e,
16 juillet 1979, Bull. civ. II, no 222.

(1938) Civ. 3e, 13 janvier 1981, Bull. civ. III, no 10, Gaz. Pal. 1981. 290, note J. VIATTE, D. 1983, I.R. 157, obs. P. JULIEN, RTD civ. 1981,
p. 898, obs. R. P ERROT . Pour que le dépôt des conclusions soit régulier, il faut aussi qu'elles aient été préalablement notifiées à
l'adversaire. C'est pourquoi la Cour de cassation a déclaré irrecevables des conclusions déposées avant l'ordonnance de clôture, mais
notifiées à l'adversaire postérieurement à l'ordonnance : Civ. 2e, 27 avril 1981, Bull. civ. II, no 111, Gaz. Pal. 1981.646, note J. VIATTE, D.
1983, I.R. 157, obs. P. JULIEN, RTD civ. 1981, p. 898, obs. R. P ERROT .

(1939) Ex. : Civ. 2e, 14 avril 1983, Bull. civ. II, no 93, Gaz. Pal. 1984.5, note E. DU RUSQUEC ; Civ. 2e, 11 janvier 2001, Bull. civ. II, no 6.

(1940) Ex. : Civ. 2e, 9 mai 1983, Bull. civ. II, no 110, Gaz. Pal. 1984.298, note E. DU RUSQUEC.

(1941) Civ. 2e, 20 mars 1991, Bull. civ. II, no 91.

(1942) Civ. 2e, 27 février 1985, Bull. civ. II, no 51, Gaz. Pal. 1985, Pan. 253, obs. S. GUINCHARD et T. MOUSSA, RTD civ. 1985, p. 447, obs.
R. P ERROT .

(1943) Ex. : Civ. 1re, 17 février 2004, Bull. civ. I, no 53, D. 2004, J, p. 1995, note A. BOLZE ; Civ. 2e, 10 juillet 1996 (3 arrêts), Bull. civ. II,
no 208. À rapprocher : Civ. 3e, 12 juin 2002, Bull. civ. III, no 139, qui use d'une formule un peu différente.

(1944) Ex : Civ. 1ère, 5 décembre 2012, nº 11-20552.

(1945) Cass. Mixte, 3 février 2006, no 04-30592, Procédures 2006, no 70, note R. P ERROT , D. 2006, J, p. 1268, note A. BOLZE, JCP G
2006, II, 10088, note O. SALATI, Dr. et procéd. 2006, p. 214, obs. N. FRICERO. La motivation se réfère sobrement aux « constatations
souveraines » des juges du fond, sans évoquer des « circonstances particulières ». La lecture, sur le site de la Cour de cassation, de l'avis
de l'avocat général et du rapport du conseiller rapporteur confirme qu'il s'agit bien d'un revirement de jurisprudence. V. aussi Civ. 1re,
23 mai 2006, no 04-17179.

(1946) V. Civ. 2e, 11 janvier 2001, Bull. civ. II, no 7 ; Civ. 3e, 24 septembre 2003, Procédures 2003, no 249, note R. P ERROT .

(1947) Civ. 3e, 6 mai 1998, RTD civ. 1998, p. 741, obs. R. P ERROT .
(1948) Le terme est employé à dessein : le juge n'est pas tenu de relever d'office le fait que des conclusions ont été déposées trop peu de
temps avant la clôture (à l'inverse de la solution retenue en cas de dépôt véritablement tardif). La victime de la violation du principe de la
contradiction a donc intérêt à s'en plaindre dès qu'elle en a connaissance. Elle ne saurait invoquer ce grief pour la première fois en
cassation. Ex. : Civ. 2e, 20 novembre 2003, Bull. civ. II, no 345. En revanche, il est jugé qu’elle peut déposer des conclusions après le
prononcé de l’ordonnance de clôture, pour demander le rejet des conclusions adverses déposées in extremis. Dans ce cas, le juge est
tenu de répondre : Civ. 1ère, 20 juin 2012, nº 11-12122.

(1949) Civ. 2e, 20 mars 1991, Bull. civ. II, no 92, RTD civ. 1991, p. 798, obs. R. P ERROT ; Civ. 2e, 2 décembre 1992, Bull. civ. II, no 294 ;
Civ. 3e, 7 mai 1997, Bull. civ. III, no 99 ; Com., 27 novembre 2001 (1er arrêt), JCP G 2002, II, 10068, note A. P ERDRIAU.

(1950) La Cour de cassation a précisé que la demande de révocation de cette ordonnance ne pouvait être formée que par voie de
conclusions : Civ. 2e, 1er avril 2004, Bull. civ. II, no 150, Dr. et procéd. 2004, p. 267, obs. F. VINCKEL. Une demande adressée par courrier
ou oralement ne serait donc pas valable. Il faudrait sans doute y voir un vice assimilable à une omission (sur les omissions, v. supra,
no 225).

(1951) Sur l'interruption d'instance et la nécessité d'une formalité de reprise d'instance, v. art. 369 et s. CPC et infra, no 1188.

(1952) Mais il n'est pas possible de demander, dans ce cadre, l'actualisation de la créance à une date antérieure à l'ordonnance de
clôture : Civ. 3e, 13 juin 2001, Bull. civ. III, no 78.

(1953) Il n'en va pas de même pour les demandes en intervention forcée, puisqu'elles sont formées par une partie originaire.

(1954) Sur l'intervention accessoire, v. infra, no 1173.(1955) Civ. 2e, 5 mai 1978, Bull. civ. II, no 117, D. 1979, I.R. 509, obs. P. JULIEN.

(1956) Civ. 1ère, 20 juin 2012, nº 11-12122 préc.

(1957) Le langage de la pratique dit indifféremment : révoquer, rapporter ou rabattre l'ordonnance de clôture. De même, on parle de sa
révocation ou de son rabat (mais non de son rapport).

(1958) La Cour de cassation abandonne à la souveraine appréciation des juges du fond la notion de cause grave légitimant la révocation
de l'ordonnance de clôture. V. Civ. 2e, 10 janvier 1979, Bull. civ. II, no 12 ; Civ. 2e, 21 juillet 1986, Bull. civ. II, no 133 ; Com., 22 octobre
1996, Bull. civ. IV, no 244 ; Civ. 2e, 11 mars 1998, Bull. civ. II, no 82.

(1959) Civ. 2e, 25 mars 1985, Bull. civ. II, no 77, Gaz. Pal. 1985, Pan. 254, obs. S. GUINCHARD et T. MOUSSA, RTD civ. 1986, p. 183, obs.
R. P ERROT . Sur cette question, v. supra, no 607. En revanche, la Cour de cassation décide que le juge n'est pas tenu de rabattre
l'ordonnance de clôture à la demande d'une partie, même lorsque l'autre partie y consent. V. Civ. 3e, 28 octobre 1985, Bull. civ. III,
no 134, D. 1987.534, note H. FÉNAUX, Gaz. Pal. 1986, somm. 245, obs. S. GUINCHARD et T. MOUSSA, RTD civ. 1986, p. 417, obs.
R. P ERROT .

(1960) Et sa décision de révoquer l'ordonnance de clôture, relevant de son pouvoir propre, ne peut pas être remise en cause par le
tribunal : Civ. 2e, 15 février 2001, Bull. civ. II, no 30.

(1961) Civ. 3e, 13 novembre 1997, Bull. civ. III, no 204. La Cour de cassation est fréquemment obligée de rappeler cette règle. Pour aller
plus vite, les juges ont en effet tendance à concentrer les divers moments de la procédure : ils se contentent de « reporter » au jour de
l'audience ou de la clôture des débats la date de l'ordonnance de clôture pour permettre à une partie de conclure sur un point précis ou de
produire certaines pièces déterminées. Ce raccourci n'est pas conforme aux dispositions du Code de procédure civile. V. ainsi Civ. 2e,
20 mai 1992, Bull. civ. II, no 148, et Civ. 2e, 7 octobre 1992, Bull. civ. II, no 236, D. 1993.154, note P. LAROCHE DE ROUSSANE.

(1962) Ex. : Civ. 2e, 14 mai 1997, Bull. civ. II, no 144. Ce n'est donc qu'exceptionnellement, qu'elle en emporte révocation, par exemple
lorsque le juge, tout en prononçant la réouverture des débats, renvoie l'affaire à une audience de mise en état (Civ. 2e, 19 février 2009,
no 07-19504, JCP G 2009, II, 10053, note O. SALATI ; Procédures 2009, no 119, note J. JUNILLON). La révocation de l'ordonnance de
clôture se déduit logiquement de ce renvoi.

(1963) Sur ce point, v. infra, no 730 et s.

(1964) L'arrêt de la deuxième chambre civile du 25 mars 1985 (Bull. civ. II, no 77) illustre parfaitement cette possibilité.

(1965) Cette solution est inspirée d'une pratique du tribunal de commerce de Paris, que l'on appelait très improprement le « délibéré des
parties ». Sur cette pratique commerciale aujourd'hui consacrée par le Code de procédure civile, v. infra, no 658.
(1966) Dans la même perspective, la Cour de cassation décide que les mentions d'un arrêt selon lesquelles les débats ont eu lieu devant
un seul magistrat qui a fait rapport à la formation collégiale suffisent à établir qu'il a été satisfait aux exigences de l'article 786 du Code
de procédure civile (Civ. 2e, 10 juillet 1991, Bull. civ. II, no 218, RTD civ. 1992, p. 640, obs. R. P ERROT ).

(1967) En effet, compte tenu du fait que le Code de procédure civile ne prévoit pas que les avocats doivent être prévenus à l'avance,
l'information peut leur être donnée au moment même de l'audience par le juge qui doit tenir seul l'audience ; il peut alors leur être difficile
d'exprimer leur refus à ce juge. Par ailleurs, un refus entraînera le plus souvent le renvoi de l'affaire à une audience ultérieure, ce qui
n'arrange pas l'avocat qui a fait deux cents kilomètres pour venir plaider.

(1968) Ex. : Civ. 1re, 12 juillet 1994, Bull. civ. I, no 249 ; Civ. 2e, 11 février 1998, Bull. civ. II, no 46.

(1969) Il semble que la pratique ne soit pas toujours conforme à la théorie... Sur ce point, v. A. P ERDRIAU, « Les audiences tenues par un
seul juge sonnent-elles le glas des délibérés collégiaux ? », Gaz. Pal. 1996, 2, p. 1488.

(1970) Jusqu'à l'entrée en vigueur du décret no 2005-1678 du 28 décembre 2005, le rapport était facultatif et il était écrit. Étant devenu
obligatoire et oral, il doit favoriser une certaine interactivité de l'audience, car les juges ont désormais quelques éléments pour engager
une véritable discussion avec les avocats, au lieu d'écouter passivement leurs plaidoiries.

(1971) Et sans doute, par extension, au juge chargé du rapport lorsque ce n'est pas celui de la mise en état.

(1972) Les pièces (éléments de preuve, documents divers et variés...) ne sont généralement remises au juge par les avocats, qu'à la fin
de l'audience des débats, dans leur dossier de plaidoirie.

(1973) C'est une pure question de présentation. Le juge ne doit pas indiquer expressément quels sont les moyens qui emportent son
adhésion, mais leur simple énoncé peut suffire à faire apparaître leur différence évidente de valeur. De toute façon, il a déjà certainement
une opinion sur l'affaire et il est probable que, lors du délibéré, il exerce une influence considérable sur ses collègues en raison de sa
connaissance du dossier.

(1974) Sur la procédure de la passerelle, v. supra, no 574 et s.

(1975) Il arrive aussi, dans des situations particulières, que la loi impose le recours à ce type de procédure. Le jour fixe est alors
« imposé » et non plus « choisi » (Ch. LAPORTE, « La procédure à jour fixe dans tous ses états », Procédures 2014, étude nº 8).

(1976) Même si la Cour de cassation permet au demandeur de déposer des conclusions en réponse à celles du défendeur (Civ. 2e,
10 décembre 1986, Bull. civ. II, no 187), il reste que le défendeur doit pouvoir répondre aux nouvelles conclusions et que cela retarde
l'issue du litige.

(1977) Civ. 2e, 24 juin 2004, no 02-14886 (et devant la cour d'appel : Civ. 2e, 25 février 2010, no 09-10403, Dr. et procéd. 2010, p. 179,
obs. M. DOUCHY-OUDOT ). Cette analyse nous semble inexacte car l'ordonnance en question répond à la définition de l'article 493 du Code
de procédure civile et devrait donc pouvoir faire l'objet d'une demande en rétractation, en application de l'article 496, comme l'a autrefois
décidé la troisième chambre civile : Civ. 3e, 3 mai 1983, Bull. civ. III, no 101, RTD civ. 1983, p. 795, obs. R. P ERROT .

(1978) Com., 9 décembre 1980, Bull. civ. IV, no 418, RTD civ. 1981, p. 449, obs. R. P ERROT .

(1979) La caducité est constatée d'office par ordonnance du président de la chambre à laquelle l'affaire est distribuée, ajoute l'article 791
du Code de procédure civile.

(1980) Du fait qu'elle ne comprend aucune phase d'instruction spécifique, la procédure à jour fixe ne donne pas lieu à la rédaction d'une
ordonnance de clôture.

(1981) Art. 471 CPC. Sur la procédure par défaut, v. infra, no 1160.

(1982) Sur la collégialité, v. R. P ERROT , Institutions judiciaires, Montchrestien, Domat, 15e éd., 2012, no 501 et s. ; Th. LE BARS,
vo « Juge unique/collégialité », Dictionnaire de la Justice (dir. L. CADIET ), PUF, 2004.

(1983) Art. 803 CPC. Si l'affaire est dispensée du ministère d'avocat, les parties en sont avisées au moyen d'une lettre recommandée
avec demande d'avis de réception.

(1984) Notamment le divorce et la séparation de corps.(1985) Sur laquelle, v. supra, no 630.


(1986) Lorsque l'instance est introduite par une requête conjointe, l'article 794 du Code de procédure civile dispose que les requérants
peuvent, dès la requête, demander que l'affaire soit attribuée à un juge unique ou renoncer à la faculté de demander le renvoi à la
formation collégiale.

(1987) Lorsque la représentation n'est pas obligatoire, le délai de quinze jours commence à courir à compter de la réception de la lettre
adressée aux parties.

(1988) Art. 802 CPC.

(1989) Art. 846 CPC pour le tribunal d'instance et la juridiction de proximité (tant qu'elle existe. V. infra, no 968) ; art. R. 1453-3 et
R. 1453-4 C. trav. pour le conseil de prud'hommes ; art. 860-1 CPC pour le tribunal de commerce ; art. 882 CPC pour le tribunal
paritaire des baux ruraux (par renvoi à la procédure applicable devant le tribunal d'instance). Aux termes de ces textes, la procédure est
orale. La même disposition s'applique également devant la cour d'appel lorsque la procédure applicable est la procédure sans
représentation obligatoire (art. 946 CPC).

(1990) Il suffit de penser aux litiges qui peuvent opposer deux sociétés sur l'exécution de contrats de vente, de transport ou d'assurances,
ou aux litiges survenant à la suite d'un licenciement dont il est prétendu qu'il serait abusif.

(1991) Pour une étude générale des difficultés posées par l'oralité des procédures, v. O. SALATI, « Cinq ans d'oralité dans la jurisprudence
de la Cour de cassation », Dr. et procéd. 2006, p. 14 ; B. TRAVIER, « Le principe de sécurité juridique et les procédures orales »,
Procédures 2006, Études no 6. Sur les difficultés liées à la procédure orale pour ce qui est du respect du principe de la contradiction, tant
entre les parties qu'à l'égard du juge, v. supra, no 300 et no 308 et s.

(1992) Art. 446-1, al. 1er, et 446-4 CPC.(1993) Art. 727, al. 4 CPC.(1994) Art. 446-1, al. 1er CPC.

(1995) V. ainsi Civ. 1re, 22 octobre 1974, Bull. civ. I, no 273, JCP 1975.IV.6519, note R. MARTIN. La décision est d'autant plus
remarquable qu'en l'espèce, le moyen de défense était énoncé dans un écrit dont il était établi qu'il avait été communiqué à l'adversaire. Il
fallait encore prouver qu'il avait été soumis au juge.

(1996) Décret no 2010-1165 du 1er octobre 2010.

(1997) Il peut notamment inviter les parties, à tout moment, à fournir les explications qu'il estime nécessaires à la solution du litige et les
mettre en demeure de produire dans le délai qu'il détermine tous les documents ou justifications propres à l'éclairer, « faute de quoi il peut
passer outre et statuer en tirant toute conséquence de l'abstention de la partie ou de son refus » (art. 446-3 CPC).

(1998) V. supra, no 624.

(1999) Ch. GENTILI, « L'utilisation des écrits dans la procédure civile orale », LPA 2001, no 179, p. 4 et s., spéc. p. 7 ; « L'écrit des parties
dans la procédure orale », Procédures 2007, étude no 24, spéc. p. 8.

(2000) Ex. : Pour une lettre : Civ. 2e, 10 février 2005, Bull. civ. II, no 31 ; 8 novembre 2001, Dr. et procéd. 2002, p. 160. Pour un dossier :
Civ. 2e, 26 octobre 1994, Bull. civ. II, no 205. Il en va de même pour les conclusions adressées au tribunal par un avocat, en l'absence de
toute comparution à l'audience. V. Com., 23 novembre 1982, Bull. civ. IV, no 366.

(2001) Soc., 24 avril 1986, Bull. civ. V, no 176 ; Soc., 19 juillet 1994, Bull. civ. V, no 247. De même, faute de comparaître, la partie ne
peut pas soumettre valablement une pièce à l'examen du tribunal : v. Soc., 24 avril 1986, Bull. civ. V, no 174. Avant que l'avocat puisse
produire des pièces ou déposer des conclusions, il est donc nécessaire qu'il fasse juger que la partie ne peut pas comparaître en raison
d'un motif légitime (sur ce point, v. infra, no 659).

(2002) Sur cette notion, v. supra, nº 477.(2003) Civ. 2e, 15 mai 2014, nº 12-27035, JCP G 2014, 840, note C. BLÉRY et J.-P. TEBOUL.

(2004) Ex. : Art. 847-1 CPC pour le tribunal d'instance et la juridiction de proximité ; art. 861-1 CPC pour le tribunal de commerce...

(2005) Art. 446-1, al. 2 CPC. Bien sûr, les parties seront alors considérées comme comparantes, si bien que le jugement sera
contradictoire, ce que précise le texte.

(2006) Art. R. 142-20-2, al. 2, CSS applicable devant les tribunaux des affaires de sécurité sociale. V. aussi art. R. 121-10 CPCE, devant
le juge de l’exécution.

(2007) Tant qu'elle existe, puisqu'elle doit disparaître progressivement entre janvier et juillet 2017 (v. infra, no 968).
(2008) Sur la compétence de la juridiction de proximité, v. infra, no 968 et s. Et sur sa disparition programmée, v. infra, no 968.

(2009) Tant qu'elle existe (v. infra, no 968).

(2010) L'article 828, dernier alinéa, du Code de procédure civile répète la règle de l'article 416, selon laquelle, si le représentant n'est pas
avocat, il doit justifier d'un pouvoir spécial. L'article 828 ajoute encore que « l'État, les départements, les régions, les communes et les
établissements publics peuvent se faire représenter ou assister par un fonctionnaire ou un agent de leur administration ».

(2011) Dès les principes directeurs du procès, l'article 21 du Code de procédure civile pose qu'« il entre dans la mission du juge de
concilier les parties ». Sur la réglementation générale de la conciliation, v. infra, no 1202.

(2012) On verra (infra, no 664) qu'il en va de même devant le conseil de prud'hommes.

(2013) L'acte du demandeur comporte moins de mentions qu'une assignation. Il y manque la date et le lieu de naissance du demandeur,
ainsi que sa nationalité. Le demandeur n'est pas davantage tenu d'exposer les moyens qu'il invoque au soutien de sa demande. Ces
différences se justifient par le caractère précontentieux que revêt encore la demande et par le fait qu'elle émane le plus souvent d'un
simple particulier.

(2014) Art. 831 CPC.

(2015) Le juge peut-il se tourner vers la médiation plutôt que vers la conciliation, alors même que les articles 830 et suivants du Code de
procédure civile sont spécifiques au tribunal d'instance et à la juridiction de proximité ? On peut le penser, en dépit du principe specialia
generalibus derogant, car il existe une différence entre la médiation et la conciliation, de sorte que les deux institutions ne font pas tout
à fait double emploi. Dans les faits, la frontière entre les deux est souvent ténue et les juges d'instance ou de proximité doivent être tentés
de se tourner vers la conciliation qui est plus simple et gratuite. Sur la médiation, v. les articles 131-1 et s. CPC. Pour une présentation de
ces règles, v. P. JULIEN et N. FRICERO, Droit judiciaire privé, LGDJ, 5e éd., 2014, no 1024 et s. ; H. CROZE, Procédure civile, LexisNexis,
5e éd., 2014, no 81 et s. ; D. D'AMBRA, « Conciliation et médiation – Droit interne », Droit et pratique de la procédure civile, Dalloz
Action, 2014/2015, no 325.00 et s.

(2016) Art. 129-3 et s., 130 et 131 CPC.(2017) Art. 129-2 et 832 CPC.(2018) Art. 129-5 CPC.(2019) Art. 836 CPC.

(2020) Ce que permet l'article 129-5 CPC.(2021) Art. 832-1 et 833 CPC.

(2022) Cette précision, que l'on retrouve à l'article 131-12 CPC à propos de l'accord obtenu dans le cadre d'une médiation, nous paraît
incompréhensible. Que le juge soit amené à intervenir pour conférer force exécutoire à l'accord des parties (et qu'à cette occasion il en
vérifie la licéité, ce qui reste à voir) ne pose guère de difficulté (sur l'étendue du contrôle du juge à propos d'une transaction, v. Civ. 2e,
26 mai 2011, no 06-19527). Mais il n'est pas raisonnable, de la part du législateur, de rattacher cet acte du juge à la matière gracieuse. En
effet, pour qu'il y ait matière gracieuse, il faut que la loi exige qu'un acte soit soumis au contrôle d'un juge pour sa validité (sur cette
notion, v. supra, no 318 et s.). Tel n'est pas le cas de l'accord obtenu dans le cadre d'une médiation ou d'une conciliation : celui-ci est un
contrat valablement formé par les parties, sauf à considérer que cet accord n'aurait pas force obligatoire (à ne pas confondre avec la
force exécutoire) en l'absence d'homologation, ce qui reviendrait de manière aberrante à lui donner une portée inférieure à une simple
transaction (v. art. 2052 C. civ.) conclue en dehors de toute médiation ou conciliation et qui, elle aussi, peut être rendue exécutoire par le
juge, suivant la procédure des articles 1565 et s. CPC.

(2023) Art. 834 CPC.(2024) Avocat, conjoint, concubin, parent ou allié en ligne directe, etc. (v. art. 828 CPC).(2025) V. infra, no 1202.

(2026) Art. 130 CPC.(2027) Art. 131 CPC.(2028) Art. 835 CPC.(2029) Art. 836, al. 2 CPC.

(2030) Sur la sanction de ce délai d'attente, v. supra, no 253 en note.(2031) Art. 840 CPC.

(2032) L'intérêt principal de l'obligation qu'a la personne demeurant à l'étranger, d'élire domicile en France, tient à la règle posée par
l'article 682 du Code de procédure civile, selon laquelle « la notification d'un jugement est valablement faite au domicile élu en France par
la partie demeurant à l'étranger ». Il se pourrait que la jurisprudence actuelle prive cette obligation de tout intérêt, en écartant la règle de
l'article 682 lorsque l'élection de domicile est imposée par un texte tel que l'article 837 CPC (v. Civ. 2e, 2 décembre 2010, no 09-65987 et,
supra, no 523).

(2033) Ayant été retenue pour le tribunal de commerce (Civ. 2e, 19 novembre 2009, no 08-14632, Procédures 2010, no 5, note R. P ERROT )
cette solution doit l'être aussi, par analogie, pour le tribunal d'instance. Elle repose sans doute sur le fait que la représentation est
facultative devant ces deux tribunaux, mais plus encore sur le fait que l'article 751 CPC est spécifique au tribunal de grande instance.
(2034) L'assignation doit donc fournir au défendeur la liste qu'énonce l'article 828 du Code de procédure civile (sur laquelle, v. supra,
no 644).

(2035) Art. 839 CPC.(2036) Art. 840 CPC.

(2037) Art. 841 et 842 CPC. Comme la requête conjointe, ce procès-verbal doit donc contenir les mentions énoncées par l'article 57 du
Code de procédure civile, sur lequel, v. supra, no 464.

(2038) V. supra, no 458. Il s'agit de l'objet de la demande et de divers éléments d'identification des parties (noms, prénoms, etc.).

(2039) Il arrive, en effet, que le tribunal d'instance statue à charge d'appel sur une demande dont le montant n'excède pas 4 000 euros :
V. art. R. 221-3 et s. COJ.

(2040) Sur la détermination du montant de la demande et les demandes indéterminées, v. infra, no 722. Le recours à cette modalité n'est
pas sans danger pour le demandeur. À supposer, en effet, que le demandeur ait commis une erreur dans le calcul de sa demande (ce qui
peut arriver, compte tenu de la complexité des règles en la matière), le demandeur aura fait un acte de procédure différent de celui que
prévoit la loi, et il a déjà été indiqué que, dans cette hypothèse, la Cour de cassation décide que l'acte est nul indépendamment de tout
grief (v. supra, no 225). Si le droit est soumis à une courte prescription, la nullité de l'acte introductif peut être irrémédiable.

(2041) Art. 844 CPC.

(2042) La Cour de cassation a décidé, par une argutie de texte d'une rare faiblesse, que le délai de comparution de 15 jours ne
s'appliquait pas à l'instance introduite au moyen d'une déclaration au greffe : le délai de 15 jours est prévu par l'article 838 (anc. art. 837)
du Code de procédure civile, relatif à l'assignation à toutes fins, mais non par l'article 844 (anc. art. 847-2). Il suffit donc que le juge
s'assure que le défendeur a disposé d'un temps suffisant pour préparer sa défense (comme en matière de référé : pourquoi ce renvoi qui
ne peut pas davantage s'appuyer sur un support textuel ?). La seule explication (mais ce n'est pas une justification, tant s'en faut) est que
le litige portait sur un lainage qui aurait été rendu « grisé et feutré » par la blanchisserie à laquelle il avait été confié : Civ. 1re,
17 novembre 1993, Bull. civ. I, no 336. Au moins devrait-on ne pas publier ce genre de décision.

(2043) V. supra, no 458.(2044) V. supra, no 650 et art. 835 CPC.

(2045) Lorsque les parties avaient soumis leur différend à un conciliateur de justice, elles peuvent aussi lui demander de transmettre leur
requête conjointe au greffe : art. 842, al. 3 CPC.

(2046) Art. 837 CPC. Il n'y a pas lieu à une nouvelle tentative.(2047) Art. 847.

(2048) Art. 847 CPC. Le greffe peut donc recourir à la lettre simple (solution retenue jusqu’en 2015, par l’article 847), mais aussi à la
lettre recommandée, la télécopie, le téléphone, la signification (hypothèse d’école...). En revanche, l’usage du courrier éléctronique ou du
SMS suppose une autorisation préalable du destinataire (v. art. 748-8 CPC).

(2049) Tant qu'elle existe (v. infra, no 968).(2050) Art. 860-1 CPC. Sur ce point, v. supra, no 640.(2051) Art. 860-2 et 863 CPC.

(2052) Art. 853 CPC. Ce texte, reprenant l'article 416 du Code de procédure civile, ajoute que « le représentant, s'il n'est avocat, doit
justifier d'un pouvoir spécial ».

(2053) Cette limite a été posée par la jurisprudence (Civ. 1re, 7 avril 1999, Bull. civ. I, no 120 ; 21 janvier 2003, ibid. no 17, Procédures
2003, no 88, note R. P ERROT ), pour ménager le monopole de principe des avocats affirmé par l'article 4 de la loi no 71-1130 du
31 décembre 1971.

(2054) Art. 878-1 CPC et L. 722-4 C. com. L'article L. 721-2 C. com. énonce également que « dans les circonscriptions où il n'est pas
établi de tribunal de commerce, le tribunal de grande instance connaît des matières attribuées aux tribunaux de commerce », mais
l'article R. 312-5 COJ qui précisait que dans ce cas il était « procédé selon les règles applicables devant le tribunal de commerce » a
disparu à l'occasion de l'entrée en vigueur de la nouvelle partie réglementaire du Code de l'organisation judiciaire (D. no 2008-522 du
2 juin 2008). La règle n'a été maintenue, par l'article 12 du décret no 2008-522, que jusqu'au 31 décembre 2008. On a sans doute estimé
qu'à compter de la mise en œuvre, le 1er janvier 2009 (D. 2008-146 du 15 février 2008), de la nouvelle carte judiciaire des tribunaux de
commerce, la situation visée à l'article L. 721-2 C. com. ne se rencontrerait plus. Dans cette optique, il conviendrait peut-être d'abroger
ce texte devenu inutile.
(2055) L'article 855 du Code de procédure civile reproduit en substance l'article 837. Mais, compte tenu des règles différentes sur la
représentation des parties, l'assignation ne contiendra pas les mêmes indications concrètes.

(2056) En 2012, a été instauré un système d'échanges électroniques entre les avocats et les greffes des tribunaux de commerce, via le
Réseau privé virtuel des avocats (RPVA), ce qui doit permettre aux avocats d'enrôler une affaire par voie télématique.

(2057) Les articles 856 à 858 du Code de procédure civile reproduisent en substance les articles 838 à 840 du Code de procédure civile.
L'article 858 ajoute seulement que, « dans les affaires maritimes et aériennes, l'assignation peut être donnée, même d'heure à heure, sans
autorisation du président, lorsqu'il existe des parties non domiciliées ou s'il s'agit de matières urgentes et provisoires ».

(2058) Les articles 859 et 860 du Code de procédure civile reproduisent en substance les articles 841 et 842, al. 1 et 2. En revanche,
l'instance ne peut pas être introduite par une déclaration au greffe, dans les conditions prévues par les articles 843 et 844 CPC pour le
tribunal d'instance et la juridiction de proximité.

(2059) Art. 861 CPC.

(2060) L'absence d'ordonnance de clôture devant le tribunal de commerce est regrettable, mais cette solution est sans doute inévitable en
raison du caractère oral de la procédure.

(2061) Art. 862, al. 1er et 863, al. 1er CPC.

(2062) Plus largement, en vertu de l'article 861-3 CPC, il peut user des possibilités offertes par l'article 446-2 (sur lequel, v. supra,
no 642).

(2063) Art. 446-3 et 862 CPC.(2064) V. art. 781 CPC et supra, no 607.

(2065) Dans la réalité, le juge chargé d’instruire l’affaire peut, même sans prononcer au sens précis du mot, une radiation, mettre de côté
une affaire que les parties négligent. On peut aussi se demander si l'on ne doit pas transposer devant le tribunal de commerce le pouvoir
reconnu aux parties d'obtenir le retrait du rôle devant le tribunal de grande instance (v. art. 382 CPC).

(2066) Art. 446-2 CPC l'affaire peut être rappelée à l'audience pour être jugée ou radiée (par le tribunal).

(2067) Sur les pouvoirs juridictionnels du juge de la mise en état, v. supra, no 611 et s.(2068) Com., 11 mai 1993, Bull. civ. IV, no 185.

(2069) Com., 15 novembre 1983, Bull. civ. IV, no 307, Gaz. Pal. 1984, somm. 79, obs. S. GUINCHARD, RTD civ. 1984, p. 561, obs.
R. P ERROT .

(2070) Art. 866 CPC.(2071) Art. 868 CPC et v. infra, no 1134.

(2072) La solution et la justification sont les mêmes que pour les ordonnances du juge de la mise en état (v. supra, no 620).

(2073) Art. 869 CPC.

(2074) Des prétentions et des moyens nouveaux peuvent même être présentés oralement au cours de l'audience des plaidoiries, sous
réserve du respect du principe de la contradiction.

(2075) Sur cette hypothèse, v. supra, no 642.(2076) V. supra, no 643.(2077) Sur ce point, v. supra, no 630.

(2078) Les deux textes comportent tout de même quelques différences minimes. Par exemple, le rapport oral est demandé par le
président de la formation du tribunal de commerce, alors qu’il est de principe devant le tribunal de grande instance.

(2079) Le motif légitime est souverainement apprécié par les juges du fond. La Cour de cassation n'exige même pas que le conseil de
prud'hommes le caractérise de façon précise. Elle a ainsi décidé qu'en acceptant qu'un salarié soit représenté par un avocat, il avait
implicitement admis l'existence d'un motif légitime (Soc., 26 juin 1986, Bull. civ. V, no 342).

(2080) Soc., 5 juillet 1978, Bull. civ. V, no 577, RTD civ. 1979, p. 195, obs. R. P ERROT . Adde R. P ERROT , obs. sous Paris, 10 mai 1976,
RTD civ. 1976, p. 622.

(2081) V. Soc., 5 mars 1992, Bull. civ. V, no 161.


(2082) Art. L. 1453-2 C. trav. : « les personnes habilitées à assister ou à représenter les parties en matière prud'homale, si elles sont par
ailleurs conseillers prud'hommes, ne peuvent pas exercer une mission d'assistance ou un mandat de représentation devant la section ou,
lorsque celle-ci est divisée en chambres, devant la chambre à laquelle elles appartiennent. Ces mêmes personnes ne peuvent assister ou
représenter les parties devant la formation de référé du conseil de prud'hommes si elles ont été désignées par l'assemblée générale de ce
conseil pour tenir les audiences de référé ». A contrario, le texte autoriserait, par exemple, un conseiller à assister voire représenter son
conjoint devant le conseil de prud'hommes auquel il appartient, pourvu que ce ne soit pas devant la chambre ou la section qui sont les
siennes !

(2083) Soc., 3 juillet 2001, Bull. civ. V, no 247 ; 2 février 2005, Bull. civ. V, no 44 ; 16 septembre 2008, no 06-45334.

(2084) Art. L. 1411-1 C. trav. : « Le conseil de prud'hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s'élever à l'occasion
de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu'ils
emploient. Il juge les litiges lorsque la conciliation n'a pas abouti. »

(2085) Mais il existe des exceptions. Ex. : lorsque le conseil de prud'hommes est saisi d'une demande de requalification d'un contrat de
travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, l'affaire est directement portée devant le bureau de jugement (art. L. 1245-2
C. trav.). Dans ce cas, la jurisprudence décide que le salarié qui présente cette demande peut également présenter devant le bureau de
jugement toute autre demande qui dérive du contrat de travail (en raison du principe d'unicité de l'instance prud'homale). V. not. Soc.,
22 septembre 2010, no 09-42650. Pour d’autres exceptions, v. not. art. L. 1451-1 et L. 1454-5 C. trav.

(2086) V. supra, no 458.

(2087) Comme toute demande, la déclaration interrompt la prescription (art. R. 1452-1 C. trav.). Il en va de même de la présentation
volontaire des parties.

(2088) Art. R. 1452-3 C. trav.(2089) Le même jour, le greffe adresse au défendeur, par lettre simple, une copie de la convocation.

(2090) La convocation informe aussi le défendeur que des décisions exécutoires à titre provisoire pourront, même en son absence, être
prises contre lui par le bureau de conciliation au vu des seuls éléments fournis pas son adversaire. Elle invite le défendeur à se munir de
toutes les pièces utiles. Cette convocation, ou un document qui lui est joint, reproduit les dispositions relatives à l'assistance et à la
représentation des parties ainsi que celles relatives au bureau de conciliation (sur lequel, v. infra, no 664 et s.). Ces exigences recoupent
celles, plus générales, de l'article 665-1 CPC (supra, no 458).

(2091) Sur cette règle, v. I. P ÉTEL-TEYSSIÉ, « L'unicité de l'instance prud'homale », Les notions fondamentales du droit du travail,
éd. Panthéon-Assas, 2009, p. 211 ; V. ORIF, La règle de l'unicité de l'instance, thèse, LGDJ, 2012.

(2092) La Cour de cassation a cependant jugé que l'interruption de la prescription d'une action sous l'effet de la demande en justice
(v. art. 2241 C. civ.) s'étendait aux autres actions liées au même contrat de travail. Ce serait un effet secondaire du principe d'unicité de
l'instance. Cette solution éminemment discutable a été adoptée par Soc., 8 avril 2010, no 08-42307, Procédures 2010, no 316, note
A. BUGADA.

(2093) Pour une présentation critique de cette règle, v. Y. DESDEVISES, note sous Rennes 15 juin 2000, JCP G 2000, II, 10414,
spécialement no 14 et s.

(2094) Le mot instance est employé de façon incorrecte par l'article R. 1452-6 du Code du travail. On verra en effet que
l'article R. 1452-7 dispose que les demandes peuvent encore être présentées au cours de l'instance d'appel. C'est donc l'ensemble du
procès devant les juges du fond que vise ce texte.

(2095) La fin de non-recevoir n'étant pas d'ordre public, ne peut pas être soulevée pour la première fois en cassation (Soc., 2 mai 2001,
Bull. civ. V, no 141) et le juge ne peut pas la relever d'office (Soc., 20 juin 1990, Bull. civ. V, no 311). Bien sûr, devant les juges du fond,
le défendeur peut soulever cette défense en tout état de cause, par application de l'article 123 du Code de procédure civile.

(2096) Sur la portée de cette règle spéciale, v. infra, no 766.

(2097) Sur l'interdiction des demandes nouvelles en appel, v. infra, no 760 et s.

(2098) V. notamment : Soc., 26 mai 1999, Bull. civ. V, no 237 ; Soc., 24 mars 2010, no 09-40938, JCP S 2010, no 1279, note I. P ÉTEL-
TEYSSIÉ.
(2099) Soc., 16 novembre 2010, no 09-70404, JCP S 2010, no 1517, note I. P ÉTEL-TEYSSIÉ, Procédures 2011, no 15, note A. BUGADA, RTD
civ. 2011, p. 173, obs. R. P ERROT . Sur cet arrêt, v. aussi V. ORIF, « Le renouveau de la règle de l'unicité de l'instance », D. 2011, p. 227.

(2100) Soc., 23 mai 2012, nº 10-24033, Procédures 2012, nº 221, note A. BUGADA.

(2101) Ex. : en cas d'annulation de la procédure pour absence d'une mise en cause obligatoire, cette simple erreur de procédure privait
définitivement le salarié du droit de soumettre sa prétention à un juge (Soc., 12 novembre 2003, Bull. civ. V, no 279). La solution était
douteuse au regard des principes de la Convention européenne des droits de l'homme.

(2102) Avant 2010, la jurisprudence appliquait en effet le principe d'unicité, dans ces situations : Soc., 4 janvier 1974, Bull. civ. V, no 16 ;
3 mars 1988, Bull. civ. V, no 159.

(2103) Soc., 9 mars 2011, no 09-65213, Procédures 2011, no 174, note A. BUGADA.

(2104) Sur le taux (assez faible : il oscille globalement entre 8 et 10 %) de réussite des tentatives de conciliation, v. R. P ERROT ,
Institutions judiciaires, Montchrestien, Domat, 15e éd., 2012, no 144.

(2105) Art. R. 1454-8 C. trav.(2106) Art. R. 1454-10 C. trav.(2107) Sur ces dispositions, v. infra, no 1202.

(2108) Art. R. 1454-10 C. trav.

(2109) Cet écrit n’est pas requis si le mandataire est un avocat : v. Cass. Avis, 8 septembre 2014, nº 15009, infra, nº 666.

(2110) L'irrecevabilité de toute demande qui serait présentée ultérieurement doit être analysée en réalité comme une extinction du droit
substantiel du demandeur. Même si l'on admet qu'il demeure une sorte d'obligation naturelle à la charge du défendeur, la sanction
constitue une fausse fin de non-recevoir. On a déjà vu (supra, no 59) que la notion d'obligation naturelle était totalement étrangère au
droit judiciaire privé. Cette irrecevabilité est donc un bon exemple de règle de droit substantiel déguisée en fin de non-recevoir (sur
laquelle, v. supra, no 148). On peut penser, comme pour la règle de l'unicité de l'instance, qu'il s'agit d'une sanction excessive. En tout
cas, sa gravité n'a rien de comparable avec celle de la caducité qui atteint l'assignation, devant le tribunal de grande instance, lorsqu'elle
n'est pas placée dans le délai de quatre mois (sur laquelle, v. infra, no 1215) ; sous réserve de la prescription, l'assignation peut être
réitérée deux, trois ou dix fois. Si l'on craint que le salarié licencié fasse défaut dans une intention vexatoire à l'égard de son ancien
employeur, celui-ci a la possibilité de faire sanctionner ce comportement sur le fondement de l'abus du droit d'agir. Et, s'il s'agit d'éviter un
encombrement du rôle des conseils de prud'hommes, on pourrait envisager comme sanction le prononcé d'une amende civile.

(2111) Rappelons que l'article 670-1 CPC, texte de portée générale, dispose qu'en « cas de retour au secrétariat de la juridiction d'une
lettre de notification dont l'avis de réception n'a pas été signé » par le destinataire ou une personne munie d'un pouvoir à cet effet, « le
secrétaire invite la partie à procéder par voie de signification » (v. supra, no 186). À notre sens, l'article R. 1454-13 C. trav. n'exclut pas
l'application de ce texte général. L'un s'adresse au greffier, l'autre au bureau de conciliation. Au demeurant, leurs conditions d'application
respectives ne sont pas les mêmes.

(2112) Si le mandataire est un avocat, il n’a pas besoin d’un tel écrit, puisqu’il « tient des articles 416 et 417 du Code de procédure civile
une dispense générale » de justification de son mandat : Cass. Avis, 8 septembre 2014, nº 15009.

(2113) Art. R. 1454-15 C. trav. Lorsque le bureau de conciliation rend un jugement, il faut qu'en son sein, il se dégage une majorité. La
composition paritaire du bureau de conciliation est une source de blocages, auxquels il ne peut être remédié que par la procédure du
départage, sur laquelle, v. infra, no 673.

(2114) En revanche, la règle est dangereuse si le bureau de conciliation manque de rigueur juridique (ce qui n'est pas sans exemple) ; elle
permet au salarié de saisir un conseil de prud'hommes manifestement incompétent et ainsi de rendre difficile la comparution du
défendeur.

(2115) C'est le sens de la référence à l'article L. 1226-14 C. trav.(2116) Le texte de l'article R. 1454-14 vise l'article L. 1243-8 C. trav.

(2117) C'est le sens de la référence à l'article L. 1251-32 C. trav.

(2118) V., par exemple, Soc., 29 janvier 1981, Bull. civ. V, no 91, D. 1981, I.R. 435, obs. P. LANGLOIS, RTD civ. 1982, p. 204, obs.
R. P ERROT . V. encore Soc., 16 décembre 1998, Bull. civ. V, no 567, dans une autre hypothèse « d'excès de pouvoir ». Sur l'appel en cas
d'excès de pouvoir, v. infra, no 735 et s.

(2119) Sur le régime des ordonnances du juge de la mise en état, v. supra, no 620.
(2120) Sur les cas dans lesquels l'appel immédiat est ouvert contre une ordonnance du juge de la mise en état, v. art. 776 CPC.

(2121) En l'état actuel du droit positif, la Cour de cassation décide, non sans raisons, qu'en l'absence d'excès de pouvoir, le défendeur ne
peut pas former un appel immédiat contre la décision du bureau de conciliation qui accorde une provision au demandeur. V. Soc., 16 juillet
1987, Bull. civ. V, no 518, p. 328, RTD civ. 1988, p. 399, obs. R. P ERROT ; Soc., 6 juillet 1993, Bull. civ. V, no 193. Dans la même situation,
le défendeur devant le tribunal de grande instance peut former un appel immédiat contre une ordonnance du juge de la mise en état.

(2122) Art. R. 1454-19 C. trav. Ce texte ajoute que le greffe envoie le même jour aux parties une copie de la convocation par lettre
simple. La convocation indique les nom, profession et domicile des parties, les lieu et jour de l'audience, ainsi que les points qui demeurent
en litige.

(2123) Art. R. 1454-18 C. trav.(2124) Art. R. 1454-2 C. trav.(2125) V. supra, no 655.(2126) Sur cette jurisprudence, v. infra, no 1089.

(2127) Le juge départiteur est un juge du tribunal d'instance (v. art. L. 1454-2 C. trav.).

(2128) Art. R. 1454-29 C. trav. Le même délai s'applique lorsqu'un partage des voix affecte le bureau de conciliation. En revanche,
lorsqu'il touche la formation de référé du conseil de prud'hommes, ce texte dispose que l'audience « est tenue sans délai et au plus tard
dans les quinze jours du renvoi ».

(2129) Lorsque le partage de voix affecte la formation de référé, le conseiller prud'homme empêché ne peut se faire remplacer que par
un conseiller appartenant lui aussi à la formation de référé.

(2130) L'article R. 1454-30 du Code du travail ajoute que le conseiller prud'homme ou le président ou le vice-président informe
immédiatement le greffe de ce remplacement.

(2131) Si, dans le conseil de prud'hommes composé paritairement, une majorité absolue a pu se dégager sur certains points, la départition
n'est que partielle, les points sur lesquels la majorité s'est dégagée demeurant acquis. V. Soc., 10 juillet 1986, Bull. civ. V, no 379, RTD
civ. 1987, p. 148, obs. R. P ERROT . Il faut, pour cela, que les juges aient rendu un jugement constatant les points sur lesquels la majorité
absolue a pu se dégager.

(2132) L'article R. 1454-31 du Code du travail dit ; « quel que soit le nombre des conseillers prud'hommes présents et même en l'absence
de tout conseiller prud'homme ».

(2133) Inversement est nul le jugement à la délibération duquel ont pris part des conseillers prud'hommes, lorsque le conseil n'est pas
réuni au complet. La Cour de cassation refuse de poser en la matière une présomption de régularité et casse la décision s'il ne résulte pas
du jugement que le juge départiteur a effectivement statué seul. V. Soc., 1er mars 1989, Bull. civ. V, no 162, RTD civ. 1989, p. 615, obs.
R. P ERROT ; Soc., 20 mars 1996, Bull. civ. V, no 106.

(2134) V. l'article R. 1462-1 du Code du travail, qui contient des dispositions particulières pour ce qui est de la recevabilité de l'appel en
raison de certaines demandes indéterminées.

(2135) Les jugements ne statuant que sur la remise de l'un de ces documents sont rendus en premier et dernier ressort (art. R. 1462-1
C. trav.). L'exécution provisoire n'a donc aucun sens pour eux (sauf le cas où le jugement est rendu par défaut). En revanche, la règle
présente un intérêt évident dans le cas banal où le salarié soumet au conseil de prud'hommes d'autres demandes qui rendent l'ensemble
du jugement susceptible d'appel. Elle signifie alors que le chef du jugement relatif à la remise de ces documents bénéficie de plein droit
de l'exécution provisoire.

(2136) V. supra, no 668.

(2137) Il est d'ailleurs à remarquer que certains de ces articles ne portent pas sur la procédure au sens précis du terme, mais sur la
compétence (art. 880 et 881) ou sur le fonctionnement du tribunal (art. 889 et 890).

(2138) C'est-à-dire pour l'essentiel, les demandes en résolution, révocation annulation ou rescision relatives aux ventes soumises au droit
de préemption du fermier, ou à des baux d'une durée de plus de douze ans (v. les articles 28 et 30 du décret no 55-22 du 4 janvier 1955).

(2139) Ex. : Civ. 3e, 24 novembre 1999, Bull. civ. III, no 224 ; Civ. 3e, 24 janvier 2001, Bull. civ. III, no 6. S'agissant d'une fin de non-
recevoir, l'adversaire n'a pas à justifier d'un grief.

(2140) Jusqu'à une réforme intervenue en 2010, les parties étaient tenues de comparaître en personne, sauf à se faire représenter en cas
de motif légitime. La règle s'est affinée.
(2141) Art. 886 CPC.(2142) Art. 834 CPC, sur lesquels, v. supra, no 648.(2143) Pour la suite de l'instance, v. supra, no 651.

(2144) Il convient peut-être de remarquer que, de même que la peur du procès peut dissuader certaines personnes de méconnaître leurs
obligations, de même l'existence d'une voie de recours peut-elle dissuader certains juges, surtout non professionnels, de s'écarter de
l'orthodoxie juridique comme ils seraient parfois tentés de le faire.

(2145) V. le Rapport de la Cour de cassation 2013 (site de la Cour de cassation), dont il résulte qu'en matière civile, la Cour a rendu,
en 2013, 6 176 arrêts de cassation (avec ou sans renvoi) contre 4 788 arrêts de rejet (en ce non comprises les déclarations de non-
admission, au nombre de 3259, et les décisions d'irrecevabilité, de déchéance et de désistement). Depuis de nombreuses années, le
rapport entre les arrêts de cassation et les arrêts de rejet reste à un niveau suffisamment élevé pour interdire toute idée de restreindre
l'accès aux voies de recours.

(2146) G. CORNU et J. FOYER, Procédure civile, 3e éd., Paris, 1996, p. 382. Ce pouvoir, ajoutent-ils, est « le droit reconnu à une personne
de présenter devant un juge une prétention dirigée contre une autre personne ».

(2147) Sur laquelle, v. supra, no 39 et s.

(2148) Pour des jalons d'une théorie des voies de recours, v. G. WIEDERKEHR, « Le système des voies de recours en droit judiciaire privé
français », RID comp. 1989, numéro spécial, vol. 11, p. 225 et s.

(2149) V. art. 1409 CPC et supra, no 583.

(2150) On remarquera qu'à proprement parler, ce n'est pas le droit de former appel qui est subordonné à autorisation, mais seulement son
exercice immédiat, ce qui n'est pas la même chose.

(2151) V. spécialement CEDH, 31 mars 1998, JCP 1999.II.10074, note S. SOLER. Il est certain que, si demain quelques esprits élevés
avaient l'idée de créer une Cour mondiale des droits de l'homme, on ne manquerait pas d'y déférer les arrêts de la Cour de Strasbourg. À
certains égards, ce serait un spectacle plaisant.

(2152) Civ. 1re, 26 janvier 2012, no 10-24697, Dr. et procéd. 2012, p. 99, obs. E. P UTMAN.(2153) Sur ces faux jugements, v. supra, no 313.

(2154) Ou même la jurisprudence : v. les hypothèses de caducité de plein droit découlant de la théorie jurisprudentielle de la perte de
fondement juridique, infra, no 859.

(2155) Le jugement est nul lorsque son anéantissement est lié à l'inobservation d'une règle de formation de l'acte ; il est caduc lorsqu'il est
lié à la survenance d'un événement postérieur à sa formation (cf. l'exemple donné au texte).

(2156) Sur lequel, v. infra, no 1167.

(2157) Dans un tout autre domaine, est également réputé non avenu (art. 372 CPC) le jugement rendu sur une demande de
condamnation au paiement d'une somme d'argent alors que l'instance, interrompue par l'ouverture d'une procédure collective à l'égard du
défendeur, n'a pas été reprise (la reprise supposant la déclaration de la créance et la mise en cause des mandataires de justice : art.
L. 622-22 C. com.).

(2158) Ex. : Civ. 2e, 23 juin 2011, no 10-20564 ; 26 juin 2008, no 07-14688, Dr. et procéd. 2008, p. 329, obs. F. VINCKEL ; 23 septembre
2004, Procédures 2004, no 225, note R. P ERROT ; 10 juillet 2003, Bull. civ. II, no 245, Dr. et procéd. 2004, p. 26, obs. F. VINCKEL.

(2159) Civ. 2e, 16 mai 2013, nº 12-15101, Procédures 2013, nº 208, note R. P ERROT .

(2160) En ce sens, I BALENSI, « L'homologation judiciaire des actes juridiques », RTD civ. 1978, p. 42 et p. 233, J.-J. BARBIÉRI, « Voies de
nullité ont lieu contre les jugements », Dr. et patr. mars 1997, p. 46 et s.

(2161) Cf., à propos de conventions de divorce par consentement mutuel, Civ. 2e, 6 mai 1987, Bull. civ. II, no 103 et Civ. 1re, 23 novembre
2011, no 10-26802, Famille 2012, no 5, note V. LARRIBAU-TERNEYRE.

(2162) Ainsi, depuis la loi du 23 juin 2006, l'article 1397 du Code civil permet aux créanciers non opposants d'un époux d'attaquer la
convention par laquelle il a changé de régime matrimonial, si le changement a été fait en fraude de leurs droits (action paulienne). Une
solution proche avait été admise en 1997, au profit de l'enfant naturel de l'un des époux : Civ. 1re, 14 janvier 1997, D. 1997.273,
rapp. X. SAVATIER, JCP 1997.II.22912, note E. P AILLET , Procédures, avril 1997, no 89, obs. H. CROZE (action en nullité d'une convention de
changement de régime matrimonial judiciairement homologuée).
(2163) C'est volontairement qu'est utilisé le terme le plus neutre qui soit.(2164) Sur l'effet du jugement, v. supra, no 342 et s.

(2165) La remise en cause peut être effectuée par le défendeur, mais aussi par le demandeur, voire par les deux : le défendeur peut
estimer qu'il n'aurait pas dû être condamné, alors que, de son côté, le demandeur peut estimer que le juge ne l'a pas rempli de ses droits.

(2166) Sur le jugement de débouté, v. supra, no 344.(2167) V. infra, no 783 et s.

(2168) C'est dire que la connaissance de la procédure revêt une importance particulière dans les voies de recours. Les erreurs y sont le
plus souvent irrémédiables et on constate en effet que c'est en appel que surgissent les plus « belles » questions de procédure.

(2169) Pour des développements plus importants sur ce point, v. infra, no 809 et s. Cette conception (un pur recours en légalité) ne
convient qu'au pourvoi très particulier que peut former le procureur général près la Cour de cassation pour excès de pouvoir, en
application de l'article 18 de la loi no 67-543 du 3 juillet 1967 (sur lequel, v. infra, no 900).

(2170) Il est parfois difficile de déterminer exactement les personnes dont les droits sont désormais régis par le jugement : il arrive en
effet, dans quelques cas particuliers, que l'effet du jugement déborde au-delà des parties au procès. On verra (infra, no 912 et s.) que la
tierce opposition est d'abord instituée pour permettre aux tiers impliqués par le jugement de le remettre en cause.

(2171) Sur ces conditions de recevabilité, en particulier pour l'appel, v. infra, no 743.

(2172) En effet, le remplacement d'une décision (et en particulier d'un jugement) par une autre n'a rien de commun avec le
remplacement d'une règle par une autre. La succession de deux décisions s'opère nécessairement par l'annulation de la décision
antérieure, parce qu'à la différence des règles, les décisions n'ont pas de caractère permanent (cf. P. MAYER, La distinction entre règles
et décisions et le droit international privé, Paris, 1973, no 48 et s.), et c'est ce caractère permanent qui permet le simple remplacement,
par abrogation, d'une règle par une autre.

(2173) La formule utilisée par les cours d'appel au début du XIXe siècle (dans la suite des parlements) faisait bien ressortir que la
réformation d'un jugement s'effectue en deux temps. Avant d'énoncer la nouvelle solution qu'elles donnaient au litige, les cours d'appel
disaient d'abord qu'elles mettaient « l'appellation et ce dont est appel à néant ». C'est la même démarche que suit expressément la Cour
de cassation lorsqu'elle casse sans renvoi.

(2174) En termes d'analyse structurale, à supposer que le contenu du jugement soit b, la voie de recours peut être intentée pour que le
second jugement décide non-b (ou éventuellement b1, selon ce qui a été soutenu devant le premier juge. De même il est indifférent que
le premier jugement ne dise pas b, mais non-b ou b1, le raisonnement reste le même). Pour exprimer la première alternative qui peut
être envisagée, on écrira qu'au lieu d'un jugement b, il n'y aura désormais plus de jugement b. Lorsque le législateur retient cette solution,
le contenu du second jugement se réduit à la décision suivante : que le premier jugement n'existe plus.

(2175) Sur l'appel-nullité et sur les quelques dérogations apportées à la solution qui vient d'être indiquée, v. infra, no 746 et s.

(2176) En droit interne, un véritable exemple d'appel-nullité (qui, assez curieusement d'ailleurs, ne porte pas ce nom) se rencontre en
matière d'arbitrage. Lorsque les parties n'ont pas convenu que la sentence arbitrale serait susceptible d'appel, un recours en annulation,
fondé sur un nombre limité de causes d'ouverture (v. art. 1491 et 1492 CPC), peut être formé devant la cour d'appel. L'article 1493 du
Code de procédure civile ajoute alors que, lorsque la cour « annule la sentence arbitrale, elle statue sur le fond dans les limites de la
mission de l'arbitre, sauf volonté contraire des parties ». Si une telle volonté contraire a été exprimée, la cour d'appel se contente de
détruire la sentence arbitrale.

(2177) Il est cependant à remarquer qu'en application de l'article L. 411-3 du Code de l'organisation judiciaire, la Cour de cassation peut
casser sans renvoi la décision qui lui est soumise. Sur cette possibilité et l'analyse qui doit en être faite, v. infra, no 853.

(2178) Pour une définition plus précise du domaine de la procédure de l'injonction de payer, v. supra, no 580.

(2179) Civ. 2e, 8 février 1989, Bull. civ. II, no 34.(2180) Art. 1419 CPC.

(2181) On trouve les mêmes solutions pour d'autres procédures dérogatoires, comme celle de l'appréhension sur injonction du juge
(cf. l'article R. 222-14 du Code des procédures civiles d’exécution).

(2182) V. ainsi, le pourvoi formé contre une décision prononçant un divorce (art. 1086 CPC) ou statuant sur un lien de filiation (art. 1150
CPC). V. également, en matière d'adoption, l'article 1178-1 CPC.

(2183) Cf., sur l'ensemble de cette question, J.-L. BERGEL, « Différence de nature égale différence de régime », RTD civ. 1984, p. 255.
(2184) V. infra, no 1166.

(2185) On hésite aussi parfois sur la classification de la tierce opposition. L'hésitation provient de l'article 583 du Code de procédure
civile qui pose qu'elle est ouverte « à toute personne qui y a intérêt, à la condition qu'elle n'ait été ni partie ni représentée au jugement
qu'elle attaque. » Ne doit-on pas en déduire qu'elle est la voie de recours ouverte a priori à toute personne qui est un tiers au jugement ?
Une telle approche est inexacte, sauf à se laisser abuser par les mots, car a priori une personne n'a pas d'intérêt à attaquer un jugement
auquel elle n'a pas été partie, de sorte que c'est l'existence même de cet intérêt qui constitue l'anomalie en raison de laquelle la tierce
opposition a été créée (sur la tierce opposition, v. infra, no 912 et s.).

(2186) Art. 544, al. 2 CPC : « Il en est de même lorsque le jugement qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir
ou tout autre incident met fin à l'instance », art. 607 CPC : « Peuvent également être frappés d'un pourvoi en cassation les jugements en
dernier ressort qui, statuant sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident, mettent fin à l'instance ».

(2187) Art. 545 CPC : « Les autres jugements ne peuvent être frappés d'appel indépendamment des jugements sur le fond, que dans les
cas spécifiés par la loi », art. 608 CPC : « Hors les cas spécifiés par la loi, les autres jugements en dernier ressort ne peuvent être
frappés de pourvoi en cassation indépendamment des jugements sur le fond (...) ».

(2188) Cf. M. COTTIN, L'accès à la Cour de cassation, étude du droit au pourvoi devant les chambres civiles de la Cour de
cassation, thèse mult. Saint-Étienne, 1998.

(2189) Cette présentation rejoint aussi la position prise par la Cour de justice des Communautés européennes (l'actuelle CJUE), qui a
regroupé l'appel et le pourvoi en cassation dans la catégorie des recours ordinaires au sens de l'article 30 de la Convention de Bruxelles
du 27 septembre 1968. V. CJCE 22 novembre 1977, Riva, Rev. crit. DIP 1979.426, note H. GAUDEMET -TALLON, Clunet 1978.398, obs.
A. HUET .

(2190) Ce standard est aussi celui qui est retenu dans le second ordre de juridictions. La seule différence entre les deux ordres de
juridictions est que le nombre de dérogations à ce standard est plus important dans l'ordre administratif que dans l'ordre judiciaire.

(2191) On affirme trop rapidement qu'à la différence de l'appel, le pourvoi n'a pas d'effet dévolutif. En réalité, on doit dire que le pourvoi
n'a pas le même effet dévolutif que l'appel. Mais on ne saurait nier que le pourvoi opère une certaine dévolution du litige. Si aucune partie
du litige n'est soumise à la Cour de cassation, comment peut-elle statuer sur l'affaire ? La situation est rendue encore plus nette
aujourd'hui par la cassation sans renvoi. Comment peut-on envisager que la Cour de cassation mette fin à un litige dont elle ne connaîtrait
pas ? Pour de plus amples développements sur la notion de dévolution restreinte ou limitée, v. infra, no 812.

(2192) D'un point de vue purement abstrait, on pourrait très bien envisager que le mécanisme soit l'inverse de celui qui a lieu aujourd'hui
devant la Cour de cassation : la juridiction supérieure examinerait uniquement la question de savoir si les faits ont été correctement
déterminés par le juge inférieur. Cependant on sent bien que cette solution serait très inopportune. Il manquerait une juridiction assurant
l'unité de l'interprétation de la règle de droit.

(2193) C'est ainsi qu'en droit français, jusqu'en 2009, les recours contre les décisions du juge des tutelles étaient portés devant le tribunal
de grande instance (il s'agit désormais d'un appel : v. art. L. 312-6-1 COJ). Pareillement, jusqu'aux réformes de 1958, l'appel contre les
jugements rendus par les juges de paix et les conseils de prud'hommes était soumis au tribunal civil : v. R. P ERROT , Institutions
judiciaires, Montchrestien, Domat, 15e éd., 2012, no 166.

(2194) Sur le recours en révision, v. infra, no 936 et s.(2195) Sur la tierce opposition, v. infra, no 912 et s.

(2196) Il faut préciser que les développements qui suivent sont, pour l'essentiel, de la plume de Jacques Héron lui-même et qu'ils ont été
partiellement transcrits par lui dans un article posthume : « Convention européenne des droits de l'homme et théorie des voies de
recours », Mélanges P. Drai, Dalloz, 2000, p. 369 et s. Depuis lors, M. Karim Salhi a critiqué de manière très convaincante la
classification de Jacques Héron et en a proposé une autre qui nous apparaît plus opérationnelle (Contribution à une théorie générale
des voies de recours en droit judiciaire privé, thèse, Caen, 2004, no 718 et s. et no 728 et s.). Cependant, eu égard à l'originalité de la
construction élaborée par le Doyen Héron et compte tenu du caractère purement doctrinal de ce débat, nous avons fait le choix de
conserver sa présentation jusqu'au jour où le temps sera venu d'une refonte globale de son ouvrage.

(2197) La suppression de l'appel et le maintien du pourvoi en cassation montrent au demeurant que le caractère suffisant des voies de
recours est encore plus attaché au pourvoi en cassation qu'à l'appel.
(2198) Pour cela, l'histoire est appelée à la rescousse. On rappelle que le Tribunal de cassation a été institué auprès du corps législatif.
On fait valoir encore que le Tribunal de cassation a succédé au Conseil des parties et que, dans ce conseil, le roi ou son représentant
examinait les recours formés contre les parlements, de sorte que l'on pouvait reconnaître en effet un caractère exceptionnel à un recours
formé contre les arrêts de cours qui se prétendaient souveraines. Mais les temps ont changé : le droit résultait alors de coutumes dont le
ressort était presque toujours compris dans celui d'un parlement. Depuis deux cents ans, pour l'essentiel, il n'existe plus qu'une loi
applicable sur l'ensemble du territoire de la République, et les justiciables, c'est-à-dire les citoyens, ont droit à ce que cette loi soit
appliquée de façon uniforme sur l'ensemble du territoire.

(2199) Cette qualification ne convient qu'au pourvoi dans l'intérêt de la loi, prévu par l'article 17 de la loi no 67-523 du 3 juillet 1967, dont
on peut douter qu'il soit un véritable pourvoi (v. infra, no 899).

(2200) Le vocabulaire n'est pas innocent en la matière. La formule selon laquelle la Cour de cassation n'est pas juge de l'affaire mais
juge de l'arrêt (sur l'inexactitude de laquelle, v. infra, no 809 et s.) contribue à l'idée que le pourvoi en cassation a quelque chose
d'exceptionnel. Tout aussi fausse est l'idée d'un mécanisme « pur » de cassation, qui serait pour ainsi dire indifférent au résultat concret
de l'affaire qui a donné lieu au pourvoi (comp. F. FERRAND, Cassation française et révision allemande, Lyon III, PUF, 1993, no 20.
Contra Th. LE BARS, Le défaut de base légale en droit judiciaire privé, LGDJ, 1997, no 56 et s., pour qui la Cour de cassation est juge
de l'arrêt et non de l'affaire) : cette idée brouille les perspectives, en masquant l'essentiel, qui est que le pourvoi en cassation est une voie
de recours ouverte aux parties dans leur intérêt, et cet intérêt est par nature inséparable de la solution concrète de l'affaire, comme on l'a
vu.

(2201) Autre chose est de s'inquiéter de l'engorgement de la Cour de cassation. Sur ce point, il est permis de penser que le
désengorgement de la Cour de cassation passe avant tout par l'amélioration des décisions soumises à la censure de la Cour (il est notable
en effet que l'augmentation du nombre de pourvois ne s'accompagne pas d'une modification importante du rapport entre les décisions de
cassation et les décisions de rejet), ce qui suppose sans doute une certaine simplification de la loi, mais aussi une plus grande fermeté et
une plus grande stabilité de la Cour de cassation elle-même.

(2202) Si l'on osait, on avancerait encore un argument affreusement simpliste. Lorsqu'en première année, un chargé de travaux dirigés
présente aux étudiants le circuit du procès à l'intérieur des juridictions judiciaires, il trace diverses flèches qui vont du tribunal à la cour
d'appel et de la cour d'appel à la Cour de cassation, pour éventuellement revenir à une deuxième cour d'appel, repartir vers la Cour de
cassation et aboutir enfin à une troisième cour d'appel. Hormis les renvois que peut effectuer la Cour de cassation, ces flèches ne
figurent que des appels et des pourvois en cassation. Le recours en révision n'y a pas sa place, pas plus que l'opposition ou la tierce
opposition. Si on mentionne ces voies de recours, on les présente comme des complications qui seront abordées par la suite. À l'inverse,
le pourvoi en cassation n'est pas une complication, il s'insère dans le déroulement normal des voies de recours ouvertes aux justiciables.

(2203) Sur toutes ces règles qui régissent le recours en révision, v. infra, no 940 et s.

(2204) On peut cependant imaginer d'ouvrir l'appel aux tiers, comme le fait l'article 583 du Code de procédure civile, pour certains d'entre
eux en matière gracieuse. On remarquera qu'alors la tierce opposition devient inutile et qu'en conséquence, le Code ne l'ouvre plus, sauf
lorsque le jugement est rendu en dernier ressort.

(2205) Sur l'ensemble des règles régissant l'opposition, v. infra, no 902 et s. On notera que l'article 613 du Code de procédure civile opère
une combinaison entre l'opposition et le pourvoi en cassation : v. infra, no 815.

(2206) Cf. J. HÉRON, « Éléments de typologie des jugements à partir de l'idée de réalisation du droit », RRJ 1992, p. 961 et s.

(2207) Non seulement la règle est la même, mais encore l'article 614 du Code de procédure civile renvoie explicitement aux dispositions
qui gouvernent l'appel incident. Comment pourrait-on mieux faire ressortir que les deux voies de recours sont bâties sur le même modèle,
hormis bien sûr pour ce qui est de la dévolution ?

(2208) Civ. 2e, 17 novembre 1993, Bull. civ. II, no 326, RTD civ. 1994, p. 173, obs. R. P ERROT .

(2209) On remarquera d'ailleurs que le Code de procédure civile pose un certain nombre de règles dont l'objet est de limiter les
possibilités de création ou d'enchaînement de voies de recours particulières : un bon nombre de jugements sont insusceptibles
d'opposition ; on ne peut former deux oppositions de suite (art. 578 CPC) ; le jugement qui statue sur un recours en révision ne peut être
attaqué à son tour par cette voie (art. 603 CPC) ; et, en principe, les arrêts de cassation ne sont susceptibles d'aucun recours.

(2210) Sur cette question, v. J. NORMAND, obs. à la RTD civ. 1993, p. 874 et N. FRICERO, « Droit à un tribunal indépendant et impartial »,
Droit et pratique de la procédure civile, Dalloz Action 2014/2015, no 211.111 et s.
(2211) On pourrait être tenté d'objecter que le contredit et le recours en révision constituent l'un et l'autre des voies de recours
particulières, en ce sens que le contredit remédie au vice tenant à la compétence, tandis que le recours en révision remédie (brevitatis
causa) au vice tenant au faux. Une telle présentation serait inexacte. Le contredit est ouvert contre le jugement qui statue en matière de
compétence, quel que soit le vice qui l'affecte : ce peut être une erreur de fait ou une erreur de droit. En d'autres termes, lorsqu'une
partie forme un contredit, elle attaque un jugement qui n'a encore statué que sur la compétence, et c'est pour cette raison que sa critique
est limitée à la question de compétence. À l'inverse, on ne forme pas un recours en révision contre un jugement qui a statué en matière
de faux. Le jugement attaqué a statué sur le droit au renouvellement d'un bail, sur la licéité d'un contrat, sur l'existence d'un droit de
passage, et il est soutenu que ce jugement se fonde sur une pièce qui est fausse. Il ne faut pas confondre la matière sur laquelle porte le
jugement et le vice qui affecte le jugement.

(2212) Sur les mesures d'administration judiciaire, v. supra, no 314.

(2213) Pour une critique de ce texte, v. L. LAUVERGNAT , « Quand l'erreur n'est pas forcément irrémédiable... À propos de l'article 536 du
CPC », JCP G 2011, 405.

(2214) En application de ce principe, la Cour de cassation déclare irrecevables, faute d'intérêt, les pourvois dans lesquels une partie ne
critique que la qualification d'un jugement. V. Civ. 2e, 17 octobre 1984, Bull. civ. II, no 153, Gaz. Pal. 1985, Pan. 53, obs. S. GUINCHARD ;
Soc., 19 février 1986, Bull. civ. V, no 6 ; Civ. 2e, 18 octobre 2001, Bull. civ. II, no 157.

(2215) À ceci près qu'un jugement improprement qualifié en dernier ressort est tout de même, de ce fait, exécutoire, comme s'il était
réellement rendu en dernier ressort (en ce sens : Civ. 2e, 8 juillet 2004, Bull. civ. II, no 346). En d'autres termes, l'appel est possible, mais
dépourvu d'effet suspensif. Il appartient alors à l'appelant de demander à la cour d'appel d'arrêter cette exécution (v. art. 915 CPC). Pour
une illustration, v. Civ. 2e, 23 septembre 2004, Bull. civ. II, no 417, Dr. et procéd. 2005, p. 49, obs. O. SALATI.

(2216) Ex. : Civ. 2e, 6 décembre 1991, Bull. civ. II, no 330.

(2217) En revanche, le chef de l'arrêt d'appel qui décide, à tort ou à raison, que le jugement rendu au premier degré a été rendu en
dernier ressort, est revêtu de l'autorité de la chose jugée. La différence est rationnelle, même si elle peut surprendre au premier abord :
en effet, la cour d'appel a tranché un élément procédural du litige qui lui était soumis, celui de la recevabilité de l'appel.

(2218) Précisons que l'annulation de la notification d'un jugement n'empêche pas le plaideur de former une voie de recours plus de deux
ans après le prononcé dudit jugement. V. infra, no 713.

(2219) Sur tout ce qui précède, v. supra, no 524.

(2220) L'expression est étrange car, à proprement parler, l'irrecevabilité n'est pas due à l'erreur du juge. Elle est due à la loi qui prévoit
qu'en l'espèce la voie de recours empruntée n'est pas celle qui est ouverte. Si l'erreur du juge a causé quelque chose, c'est l'erreur du
plaideur, mais pas l'irrecevabilité de l'appel ou du pourvoi en cassation.

(2221) V. infra, no 1039.

(2222) Civ. 2e, 22 février 2007, no 05-21314, RTD civ. 2007, p. 385, obs. R. P ERROT . Cette dualité de délais n'est pas sans poser problème,
comme l'expose M. Perrot.

(2223) La règle ne s'applique pas lorsque la notification est effectuée par le greffe de la juridiction au moyen d'une lettre recommandée
avec demande d'avis de réception. En effet, dans cette situation, ce n'est pas la partie qui notifie elle-même, mais le greffier et, à la
différence de l'huissier, le greffier n'est pas le mandataire d'une partie. Il faut donc que le greffier notifie à toutes les parties (y compris
éventuellement à celle qui lui a demandé de notifier) et le délai commence à courir à l'encontre de chacune des parties selon les règles
indiquées (supra, no 185 et s.) pour ce type de notification. V. Soc., 11 décembre 1980, Bull. civ. V, no 892, Gaz. Pal. 1981.318, note
J. VIATTE, RTD civ. 1981, p. 696, obs. R. P ERROT .

(2224) La Cour de cassation a étendu cette solution au cas où le juge rejette une demande en paiement solidaire formée contre plusieurs
défendeurs. En effet, la décision ne profite pas solidairement ni indivisiblement aux défendeurs. V. Civ. 2e, 10 décembre 1986,
Bull. civ. II, no 178 ; Civ. 2e, 15 novembre 1995, Bull. civ. II, no 278 ; Civ. 2e, 17 janvier 1996, Bull. civ. II, no 4.

(2225) Le délai de la voie de recours peut donc commencer à courir à des dates différentes dans les relations entre Pierre et Paul d'une
part et Pierre et Jean d'autre part. Pour une illustration, v. Com., 13 avril 2010, no 09-13478, Procédures 2010, no 224, note R. P ERROT .

(2226) Ex. : Civ. 2e, 7 juillet 2005, Bull. civ. II, no 182, Dr. et procéd. 2006, p. 33, obs. F. VINCKEL.
(2227) V. Civ. 2e, 6 mai 1998, Bull. civ. II, no 145. La solidarité peut alors résulter aussi bien du jugement que d'une situation préexistante,
notamment, elle peut résulter des stipulations d'un contrat.

(2228) Pour l'appel, par exemple, v. les articles 552 et 553 du Code de procédure civile, infra, no 749.

(2229) CJCE, 3e ch., 9 février 2006 (Plumex), no C-473/04, Procédures 2006, no 66, note R. P ERROT . Le règlement du 29 mai 2000 a été
abrogé et remplacé par celui du 13 novembre 2007 (no 1393/2007), mais l'interprétation retenue en 2006 doit pouvoir être transposée à ce
dernier.

(2230) Ex. : Soc., 14 avril 1999, Procédures 2000, no 143, obs. R. P ERROT ; Com., 19 décembre 2000, Bull. civ. IV, no 197 ; Civ. 2e,
20 décembre 2001, Bull. civ. II, no 197, D. 2002, J, p. 1165, note (crit.) P. JULIEN. Mais tel n'était pas le cas, si la seconde notification avait
lieu après l'expiration du premier délai, car la voie de recours était d'ores et déjà fermée à ce moment (ex : Soc., 27 juin 1990,
Bull. civ. V, no 315).

(2231) Civ. 2e, 30 janvier 2003, Bull. civ. II, no 24, Procédures 2003, no 85 et 112, notes R. P ERROT , Dr. et procéd. 2003, p. 244, obs.
M. DOUCHY. À rappr. : Civ. 2e, 3 avril 2003, Bull. civ. II, no 91, Procédures 2003, no 134, note R. P ERROT , Dr. et procéd. 2003, p. 298,
obs. F. VINCKEL, JCP G 2004, II, 10023, note C. P UIGELIER.

(2232) Com., 7 octobre 2008, no 06-20093 ; Civ. 2e, 5 février 2009, no 07-13589, Procédures 2009, no 107, note R. P ERROT .

(2233) Ex. : Com., 12 janvier 2010, no 08-21032, Procédures 2010, no 67, note R. P ERROT .

(2234) V., par exemple, Soc., 7 juillet 1988, Bull. civ. V, no 431.

(2235) Ce texte ne concerne pas les sentences arbitrales : Civ. 2e, 18 octobre 2001, Bull. civ. II, no 156.

(2236) Ainsi que l'impose le texte, la Cour de cassation décide que le délai commence à courir à compter du jour où le jugement a été
rendu et non à compter du jour où la partie en a eu connaissance : v. Civ. 2e, 11 mars 1998 (2 arrêts), Bull. civ. II, no 81, RTD civ. 1998,
p. 475, obs. R. P ERROT . De plus, en cas de représentation obligatoire, la notification à prendre en compte est celle faite à la partie et non
celle faite à l'avocat, qui n'en est qu'un préalable (et qui, à ce titre, ne compte pas) : v. Civ. 2e, 19 mai 1998, Bull. civ. II, no 156. Enfin,
une notification effectuée après expiration du délai de deux ans ne permet pas de le rouvrir : v. Soc., 17 novembre 1998, Bull. civ. V,
no 493 ; Civ. 2e, 14 octobre 1999, Procédures 1999, no 265, obs. R. P ERROT .

(2237) C'est ce qui explique que ce délai soit lui aussi sanctionné par une fin de non-recevoir d'ordre public : v. Civ. 2e, 19 mai 1998,
Bull. civ. II, no 156. Elle doit donc être relevée d'office par le juge.

(2238) Il est vrai que l'article 596 du Code de procédure civile enferme l'exercice du recours en révision dans un délai de deux mois, mais
le point de départ du délai ne commence à courir qu'à compter du jour où la partie a eu connaissance de la cause de révision qu'elle
invoque. Il peut donc se faire que le délai commence à courir cinq ans après le prononcé de la décision. Le délai de l'article 528-1 ne peut
pas non plus s'appliquer à l'opposition, bien que son exercice soit enfermé dans le délai d'un mois. La raison en est qu'aujourd'hui,
l'opposition suppose toujours que le défendeur n'ait pas comparu. Pour la même raison, il ne s'applique pas non plus à la tierce opposition.

(2239) V., pour l'appel, Civ. 2e, 11 mars 1998 (arrêt no 1), préc., Bull. civ. II, no 81 et, pour le pourvoi, Com., 4 juin 1996, Bull. civ. IV,
no 158 et Civ. 2e, 11 mars 1998 (arrêt no 2), préc.

(2240) La disposition de l'article 528-1 n'intéresse pas directement les jugements qui sont insusceptibles d'un recours immédiat. Pour eux,
le délai de deux ans ne commence à courir qu'à compter du prononcé du jugement au principal avec lequel le recours est concentré.
L'article ne vise pas non plus les jugements qui ne tranchent qu'une partie du principal. Si on prenait le texte de l'article au pied de la
lettre, on devrait décider que ce jugement pourrait faire l'objet d'un appel ou d'un pourvoi au bout de dix ans, ce qui serait absurde. D'où
l'interprétation proposée au texte : ce jugement pourra être attaqué aussi longtemps que pourra l'être le dernier jugement de l'instance.

(2241) La rédaction du texte fait que le délai pourra exceptionnellement ne pas être de deux ans. En effet, l'article 528-1 ne s'applique
qu'au jugement qui n'a pas été notifié dans le délai de deux ans de son prononcé. Il faut en déduire a contrario que, si le jugement est
notifié deux ans moins un jour après son prononcé, il peut faire l'objet d'un appel dans le délai d'un mois à compter de sa notification. Le
délai de deux ans ne tombe comme un couperet que, si, dans ce même délai, aucune notification n'a eu lieu.

(2242) À l'inverse, la règle ne s'applique pas à l'appel incident ni au pourvoi incident.


(2243) V. notamment Com., 1er avril 1997, JCP 1997.II.22896, note A. P ERDRIAU, RTD civ. 1997, p. 996, obs. R. P ERROT ; Soc.,
10 novembre 1998, Bull. civ. V, no 487 ; Civ. 2e, 7 juillet 2005, Bull. civ. II, no 184, Dr. et procéd. 2005, p. 345, note O. SALATI.

(2244) Cass. Ass. plén., 7 octobre 2011, no 10-30191, Dr. et procéd. 2011, p. 301, obs. F. VINCKEL, Gaz. Pal. 2012, no spéc. 62-63, p. 39,
note S. AMRANI-MEKKI.

(2245) C'est dans le même esprit qu'il a été décidé que l'article 528-1 devait être écarté quand une partie a formé une voie de recours,
fût-elle irrecevable pour n'être pas celle qu'ouvre la loi, sans notifier préalablement le jugement : Civ. 2e, 15 mai 2003, Bull. civ. II, no 146,
RTD civ. 2003, p. 547, obs. R. P ERROT . L'exercice de cette voie de recours démontre une volonté de réagir rapidement à ce jugement.

(2246) V. supra, no 711.

(2247) Le changement dans la situation de la partie peut se produire à d'autres moments et il faut soigneusement éviter de confondre
entre elles les différentes situations. On raisonnera pour simplifier les choses sur l'hypothèse du décès d'une partie en cours de procès
dont la première instance s'achève. Si le décès survient au cours de l'instance du premier degré, avant l'ouverture des débats oraux, ce
décès interrompt l'instance à condition cependant d'avoir été notifié (sur l'interruption de l'instance, v. infra, no 1184 et s.). S'il survient
après l'ouverture des débats oraux et avant la notification du jugement, il n'exerce aucune influence directe sur le jugement rendu au
premier degré, mais le jugement ne pourra être valablement notifié qu'aux héritiers individuellement. S'il survient après la notification et
avant l'expiration du délai ou de l'exercice de la voie de recours, nous sommes dans la situation examinée au texte. S'il survient après que
la voie de recours a été exercée, il entraîne l'interruption de l'instance d'appel à compter de sa notification. Enfin, bien entendu, s'il
survient après l'expiration du délai pour exercer la voie de recours, il n'entraîne rien...

(2248) Les délais de trois mois et de quarante jours qui étaient accordés aux héritiers par le droit des successions pour leur permettre de
faire l'inventaire du patrimoine du défunt et de décider d'accepter la succession ou d'y renoncer, ont été remplacés par un délai d'option
de quatre mois, le 1er janvier 2007.

(2249) Il n'est d'ailleurs pas certain que cette attitude soit toujours fondée. On peut imaginer un jugement qui donne satisfaction au
demandeur sur un point et qui le déboute sur un autre. L'intérêt du demandeur n'est pas d'interjeter appel sans avoir préalablement notifié
le jugement. Il est au contraire de notifier le jugement pour rendre irrévocable le chef du jugement qui lui est favorable et de prendre le
temps de la réflexion pour choisir de faire ou de ne pas faire appel du chef qui lui est défavorable.

(2250) En règle générale, ce n'est plus le cas aujourd'hui. En particulier, l'appel et le pourvoi en cassation sont presque toujours formés au
moyen d'une déclaration et non d'une assignation.

(2251) Sur la règle « Nul en France ne plaide par procureur », v. supra, no 199 et s.

(2252) L. CADIET , Droit judiciaire privé, Paris, 1992, no 1095.

(2253) Il existe toutefois des exceptions à ce principe. Ainsi, en matière gracieuse, la voie de l'appel est ouverte aux tiers auxquels le
jugement a été notifié (art. 546, al. 2 CPC). De même, sous réserve de quelques restrictions prévues par des textes, l'appel des décisions
du juge des tutelles (et des délibérations du conseil de famille ! V. supra, no 338) est ouvert à certaines personnes (conjoint concubin ou
partenaire de PACS de la personne protégée, parent ou allié, etc.), « même si elles ne sont pas intervenues à l'instance » (art. 1239
CPC).

(2254) V. infra, no 912 et s.

(2255) P. CAGNOLI, Essai d'analyse processuelle du droit des entreprises en difficulté, thèse, LGDJ, 2002, no 476 et s.

(2256) Tant qu'elle existe (v. infra, no 968).

(2257) Il reste indépendant, mais n'est plus réévalué annuellement, depuis la loi no 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du
droit (art. 58).

(2258) Au sens précis du terme, c'est-à-dire de celui ou de ceux qui forment la demande introductive d'instance.

(2259) Sur cette question, v. infra, no 964.

(2260) Est-il utile de préciser qu'il faut prendre en compte le montant de la demande elle-même et non le montant de ce qu'accordera le
juge ? Un débouté partiel n'exerce aucune influence sur la recevabilité de l'appel.
(2261) Ex. : Civ. 2e, 26 janvier 1994, Bull. civ. II, no 37.

(2262) En revanche, les intérêts déjà échus au jour de la demande doivent être compris dans la demande et en augmentent le montant.
V. Civ. 2e, 17 novembre 1993, Bull. civ. II, no 332.

(2263) Civ. 3e, 6 janvier 1981, Bull. civ. III, no 4, Gaz. Pal. 1981.1.260, note J. VIATTE ; Civ. 2e, 17 novembre 1993, Bull. civ. II, no 331.

(2264) Ce premier système n'appelle aucun exemple chiffré, tant il est simple. Il faut seulement rappeler que ce mode de calcul conduit à
distinguer soigneusement le jugement au sens de negotium et le jugement au sens d'instrumentum : le même instrumentum peut statuer
sur plusieurs chefs, chacune des dispositions constituant un jugement pour ce qui est des voies de recours.

(2265) À supposer que le demandeur demande au juge de lui accorder une somme de 2 000 euros et une autre de 3 000 euros, si l'on
additionne les demandes, selon la deuxième modalité, le jugement sera susceptible d'appel (car le seuil de 4 000 euros sera dépassé),
alors que, si l'on se contente de les joindre, selon la troisième modalité, le jugement sera insusceptible d'appel, aucune des deux demandes
ne dépassant le seuil fatidique.

(2266) Par exemple, sont connexes une demande en résolution d'un contrat de location et une demande en paiement des loyers impayés
relatifs à ce contrat : Com., 10 juillet 1990, Bull. civ. IV, no 202.

(2267) Dans cette figure, qui se rencontre beaucoup plus rarement en pratique, il faut que toutes les demandes soient des demandes
initiales, puisque la connexité est une condition de recevabilité des demandes incidentes (v. art. 70 CPC).

(2268) Civ. 1re, 7 février 1995, Bull. civ. I, no 70 : « la demande en résolution d'un contrat est par nature indéterminée ». À noter,
cependant, que l'appréciation du caractère de la demande ne doit prendre en compte que ce qui est contesté. Ainsi, quand le débiteur ne
fait que contester le montant de la somme due, sans contester la résolution du contrat, la demande n'est pas indéterminée : v. Civ. 2e,
14 octobre 2004, Bull. civ. II, no 454, Dr. et procéd. 2005, p. 94, obs. O. SALATI.

(2269) Ex : Civ. 2e, 6 juin 2013, nº 12-20062. Cette approche atteint ici ses limites, car l’analyse laisse parfois un sentiment de malaise,
notamment quand l’obligation de donner porte sur la remise d’un bien dont la valeur est parfaitement connue.

(2270) Cependant, la Cour de cassation a décidé que, lorsque la demande portait sur une chose dont la valeur était évidemment inférieure
au taux du ressort, la demande donnait lieu à un jugement en dernier ressort. V. Soc., 14 mai 1987, Bull. civ. V, no 333, dans une affaire
où la demande portait sur la remise de deux bleus de travail « dont la valeur n'était pas précisée ». Sur cette question, v. A. JOLY, note
sous Com., 6 novembre 1985, JCP 1987.II.20843.

(2271) Pour ce qui est de la compétence, la demande indéterminée en matière mobilière et personnelle doit être portée devant le tribunal
de grande instance et non devant le tribunal d'instance.

(2272) Sauf disposition contraire. Par exemple, l'article R. 1462-1, 2o, du Code du travail dispose que le conseil de prud'hommes statue en
dernier ressort « lorsque la demande tend à la remise, même sous astreinte, de certificats de travail, de bulletins de paie ou de toute pièce
que l'employeur est tenu de délivrer, à moins que le jugement ne soit en premier ressort en raison du montant des autres demandes ». Il
s'agit là en effet de demandes qui ne sont pas susceptibles d'être directement évaluées en argent. Il faut donc un texte spécial pour que le
jugement ne soit pas susceptible d'appel. Les exceptions étant d'interprétation stricte, la Cour de cassation a décidé que la demande
tendant non à la remise de bulletins de paie, mais à faire porter sur les bulletins de paie des mentions relatives à la date de prise d'échelon
et de grade et à la mention de l'emploi était susceptible d'appel. V. Soc., 21 janvier 1988, Bull. civ. V, no 67 ; à rappr. : Soc., 9 octobre
1996, Bull. civ. V, no 320 ; Soc., 1er juin 1999, Bull. civ. V, no 255. Cependant, la demande tendant à la rectification de bulletins de paie est
sans incidence sur l'ouverture des voies de recours, lorsqu'elle constitue la conséquence nécessaire d'une demande en paiement chiffrée :
Soc., 23 mars 2011, no 09-70827.

(2273) L'hypothèse de départ est toujours la même : toutes les demandes émanent du ou des demandeurs initiaux. L'article 36 du Code
de procédure civile ne s'applique pas lorsque certaines demandes ont été formées par un intervenant volontaire.

(2274) En revanche, il est indifférent que les demandes soient formées contre des défendeurs originaires ou contre des personnes ayant
fait l'objet d'une demande en intervention forcée de la part du ou des demandeurs originaires.

(2275) Civ. 3e, 4 février 1971, Bull. civ. III, no 76, JCP 1972.II.16980, note M. DAGOT et P. SPITERI.

(2276) V., par exemple, Civ. 2e, 5 juin 1991, Bull. civ. II, no 172, et Civ. 2e, 29 avril 1997, Bull. civ. II, no 125.
(2277) Civ. 2e, 7 octobre 1982, Bull. civ. II, no 120, Gaz. Pal. 1983, Pan. 44, obs. S. GUINCHARD.

(2278) Com., 22 janvier 1980, Bull. civ. IV, no 39.(2279) Art. 37 CPC.

(2280) Les voies de recours en matière de procédures collectives présentent une originalité trop marquée pour qu'elles puissent être
étudiées ici. On ne peut que renvoyer aux études qui leur ont été spécialement consacrées. On se permettra encore une fois de regretter
cette originalité qui ne se justifie que pour une très petite part.

(2281) Art. R. 221-23 et s. COJ.(2282) Art. R. 1462-1 C. trav. Sur l'application de cette règle en jurisprudence, v. supra, no 726.

(2283) C'est-à-dire compte tenu du délai qui est imparti par la loi à compter soit du prononcé du jugement lui-même soit, le plus souvent,
de sa notification. L'appel formé à l'issue de l'instance est irrecevable parce que la voie de recours a cessé d'être ouverte. Pour une
application de cette règle, v. Soc., 14 mai 1987, Bull. civ. V, no 332.

(2284) V. supra, no 620.

(2285) Ce qui suppose déjà que le jugement principal soit susceptible d'appel. Si, en raison de la valeur de l'objet du litige, ce jugement est
rendu en dernier ressort, il va de soi que l'appel contre la première décision est irrecevable (que ce soit indépendamment ou non du
jugement principal). V. Civ. 2e, 26 janvier 1994, Bull. civ. II, no 37. Il faut alors se tourner vers le pourvoi en cassation.

(2286) Par exemple parce que le juge relèverait une fin de non-recevoir faisant obstacle à la prétention du demandeur.

(2287) Civ. 2e, 2 décembre 2010, no 09-14596.

(2288) Civ. 2e, 11 janvier 1978, Bull. civ. II, no 15, D. 1978, I.R. 86, obs. P. JULIEN, RTD civ. 1978, p. 736, obs. R. P ERROT .

(2289) Art. 608 CPC.

(2290) Civ. 3e, 11 janvier 1978, Bull. civ. III, no 30. La solution retenue, depuis 2014, par l’article 608 CPC est encore plus libérale :
désormais, le pourvoi peut être formé par le demandeur dans le délai de remise au greffe du mémoire afférent au pourvoi dirigé contre le
jugement sur le fond.

(2291) Civ. 2e, 10 janvier 1985 (à propos d'un pourvoi en cassation), Bull. civ. II, no 7 ; Civ. 2e, 5 avril 2001 (à propos d'un appel),
Bull. civ. II, no 70, RTD civ. 2001, p. 665, obs. R. P ERROT . Ainsi que le relève M. Perrot (ibid.), la solution reste tout de même très
rigoureuse, car on pourrait parfaitement interpréter les textes de manière bien plus libérale et exiger « simplement que l'appel du jugement
avant dire droit soit formé dans le délai imparti pour l'appel du jugement sur le fond ».

(2292) Civ. 3e, 18 mai 1978, Bull. civ. III, no 207, RTD civ. 1979, p. 432, obs. R. P ERROT .

(2293) Cass. mixte 7 mai 1982, Bull. civ., no 2 (3 arrêts), D. 1982.541, note J. CABANNES, Gaz. Pal. 1982.571, note J. VIATTE, RTD civ.
1982, p. 786, obs. R. P ERROT et 1983.185, obs. J. NORMAND.

(2294) Sur la notion de jugement avant dire droit, v. supra, no 371.(2295) Sur les motifs décisoires, v. supra, no 376.

(2296) V. Civ. 2e, 11 avril 1975, Bull. civ. II, no 100, RTD civ. 1975, p. 590, obs. J. NORMAND et 1975.596, obs. R. P ERROT ; pour un autre
exemple, v. Civ. 2e, 5 juin 1996, Bull. civ. II, no 120.

(2297) Civ. 2e, 7 octobre 1981, Bull. civ. II, no 178, RTD civ. 1982, p. 472, obs. R. P ERROT .

(2298) Cass. Mixte, 25 octobre 2004, Bull. Mixte, no 3, Procédures 2004, no 251, note R. P ERROT , RTD civ. 2005, p. 187, obs. R. P ERROT ,
D. 2005, J, p. 757, note Y.-M. SERINET . Cet arrêt a (hélas) tranché en faveur de la troisième chambre civile, la discussion qui l'opposait,
sur ce point, aux première et deuxième chambres civiles.
(2299) Il faut aussi garder présent à l'esprit que, si le jugement mixte est susceptible d'un appel immédiat, c'est parce qu'il tranche une
partie du principal dans son dispositif : le législateur permet aux plaideurs d'en faire aussi appel pour ce qui est de la mesure d'instruction
puisque, de toute façon, un appel a déjà été interjeté par ailleurs. C'est ce qui explique que la Cour de cassation ne permette pas de faire
appel uniquement de la partie avant dire droit du jugement mixte : il n'existe alors aucune raison de permettre la création immédiate d'une
instance d'appel. V. Civ. 2e, 21 novembre 1979, Bull. civ. II, no 270, Gaz. Pal. 1980.141, note J. VIATTE, RTD civ. 1980, p. 417, obs.
R. P ERROT . Dans cette espèce, l'appelant avait cru pouvoir tourner la difficulté en faisant appel du tout, mais, devant la cour, il ne
critiquait que la partie du jugement portant sur la mesure d'instruction, demandant la confirmation du jugement sur le principal (qui lui était
favorable). Son appel a été déclaré irrecevable.

Il a été indiqué (supra, no 732) que, si une partie entendait faire appel d'un jugement qui tranchait une partie du principal, elle devait le
faire immédiatement. Le plaideur se trouve donc placé dans une situation inconfortable. S'il interjette appel trop tôt, son appel sera
déclaré irrecevable, mais, s'il le fait trop tard, le jugement antérieur sera déclaré irrévocable. C'est ce qui conduit parfois les plaideurs, en
cas de doute, à interjeter appel à titre de précaution.

(2300) La jurisprudence rendue sur ce délicat problème portant principalement sur le pourvoi en cassation, l'étude de cette question sera
effectuée ultérieurement : v. infra, no 816 et s.

(2301) Sur ces incidents qui mettent prématurément fin à l'instance, v. infra, no 1198 et s.

(2302) On remarquera que, quelle que soit la solution retenue, le jugement qui tranche une fin de non-recevoir bénéficie de l'autorité de la
chose jugée, en application de l'article 480 du Code de procédure civile (v. supra, no 365). Il en résulte d'abord que, dans le cadre de
l'instance qui se déroule devant lui, le juge qui a statué sur la fin de non-recevoir est tenu de statuer par la suite en se conformant à ce
qu'il a déjà décidé à propos de celle-ci. En second lieu, si le jugement rendu sur la fin de non-recevoir n'est pas susceptible d'appel
immédiat (faute de mettre fin à l'instance), la partie ne pourra le critiquer qu'en faisant appel en même temps de cette décision et du
premier jugement ultérieur susceptible d'appel immédiat. Sinon, le jugement qui a statué sur la fin de non-recevoir deviendra irrévocable.
V. Soc., 13 novembre 1985, Bull. civ. V, no 524 ; Civ. 2e, 30 mars 2000, Bull. civ. II, no 55.

(2303) Au premier abord, la différence peut paraître peu logique. Pour la comprendre, il faut penser que le fait que le jugement statue sur
la fin de non-recevoir dans un sens ou dans l'autre est en soi indifférent. Ce qui compte, c'est qu'il mette fin à l'instance. C'est pourquoi
un jugement qui déclare fondée une fin de non-recevoir opposée à une exception de procédure n'est pas susceptible d'un appel immédiat,
parce qu'il ne met pas fin à l'instance.

(2304) Ces textes restrictifs se rencontrent, en particulier, en droit des procédures collectives. V., par exemple, l'article L. 661-1 C. com.
Sur le régime des voies de recours en droit des entreprises en difficulté, v. J.-P. RÉMERY, « Les voies de recours dans la réforme de la loi
de sauvegarde des entreprises », JCP G 2009, I, 129.

(2305) V. A. P ERDRIAU, « Existe-t-il des « pourvois-nullité » ? », D. 2002, chr., p. 1993.

(2306) Civ. 1re, 15 décembre 2011, no 10-25437, Gaz. Pal. 2012, no spéc. 62-63, p. 45, note C. BLÉRY. Dans cette affaire, le recours a été
restauré au profit d'une personne qui n'était même pas partie à la procédure arbitrale, ce qui paraît d'autant plus contestable qu'il lui
suffisait d'invoquer devant le juge du fond l'absence d'autorité de chose jugée de cette sentence à son égard, pour faire prospérer ses
propres prétentions. Pour une analyse différente, v. C. BLÉRY, note préc.

(2307) P. CAGNOLI, Essai d'analyse processuelle du droit des entreprises en difficulté, thèse, LGDJ, 2002, no 476 et s.

(2308) Pour une illustration, v. Th. LE BARS, « De l'utilité de ne pas confondre appel-nullité et « appel-nullité », à propos de Com.,
3 février 2009, no 07-18931, L'essentiel. Droit des entreprises en difficulté 2009-1, p. 2.

(2309) Ainsi, pour désigner les recours restaurés, on parle fréquemment de recours-nullité, d'appel-nullité, ou d'appel (ou de pourvoi en
cassation) pour excès de pouvoir. L'expression « recours-nullité » n'est pas, en soi, très parlante, car le pourvoi en cassation tend, de
manière générale, à l'annulation d'une décision, qu'il soit restauré ou non. Pareillement, un appel, un pourvoi en cassation ou une
opposition peuvent parfaitement reposer sur un excès de pouvoir commis par le juge, sans que l'on soit pour autant en présence d'une
voie de recours restaurée. Enfin, l'expression « appel-nullité » désigne déjà l'appel tendant à l'annulation (et non pas à la réformation) d'un
jugement, ce qu'envisagent les articles 542 et 562 CPC et ce, indépendamment de tout appel restauré et sans qu'il soit forcément recouru
à la notion d'excès de pouvoir.

(2310) O. BARRET , « L'appel-nullité (dans le droit commun de la procédure civile) », RTD civ. 1991, p. 199 et s., no 25 et s. ; P. CAGNOLI,
op. cit., no 479.
(2311) Civ. 2e, 22 janvier 1997, Bull. civ. II, no 19.

(2312) Art. 496, al. 2 CPC : « S'il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l'ordonnance ».

(2313) Ce sont les hypothèses de concentration de l'appel. v. supra, no 730 et s.(2314) V. Civ. 1re, 28 avril 1998, Bull. civ. I, no 151.

(2315) Civ. 2e, 18 septembre 2003, Bull. civ. II, no 284. La solution, si elle a le mérite de la simplicité, est théoriquement douteuse, dès lors
que l'on est dans une hypothèse où le pourvoi est différé et le déféré normalement fermé. La logique commanderait, en cas d'excès de
pouvoir, d'ouvrir immédiatement le recours simplement différé, plutôt que le recours totalement fermé. Sur cet arrêt, v. D. FOUSSARD, « La
détermination de la voie de recours ouverte en cas d'excès de pouvoir. À propos des ordonnances du conseiller de la mise en état »,
BICC, hors série no 3, Rencontres Université-Cour de cassation du 23 janvier 2004, p. 61.

(2316) Com., 28 mai 1996, Bull. civ. IV, no 150.(2317) Com., 30 mars 1993, Bull. civ. IV, no 132.

(2318) Cass. Mixte, 28 janvier 2005, Bull. Mixte, no 1, Procédures 2005, no 87, note R. P ERROT , Dr. et procéd. 2005, p. 224, obs.
M. DOUCHY-OUDOT . Sur ce thème, v. E. P IWNICA, « Pourvoi en cassation et excès de pouvoir : à propos de l'arrêt de la chambre mixte du
28 janvier 2005 », in Le nouveau Code de procédure civile, (1975-2005), J. Foyer et C. Puigelier (dir.), Economica, 2006, p. 259 ;
B. ROLLAND, « Mauvais temps sur le principe du contradictoire... (à propos de l'admission des recours-nullité par la Cour de cassation) »,
JCP E 2006, no 2534. V., déjà en ce sens, à propos de l'appel : Civ. 1re, 28 avril 1998, Bull. civ. I, no 151.

(2319) V. aussi : Civ. 1re, 17 juin 2009, no 08-11697. V. toutefois, Com., 16 juin 2009, no 08-13565.

(2320) Civ. 2e, 6 décembre 2007, no 06-15178, Dr. et procéd. 2008, p. 160, obs. E. P UTMAN.

(2321) V. not. Com., 26 janvier 2010, no 08-21330, JCP G 2010, 223, note F. ARBELLOT .

(2322) Civ. 2e, 17 novembre 2005, no 03-20815, Procédures 2006, no 12, note J. JUNILLON.

(2323) Com., 12 juillet 2011, no 09-71764, Procédures 2011, no 343, note B. ROLLAND.(2324) V. infra, no 737.

(2325) Pour une présentation détaillée, v. J.-M. SOMMER, « L'excès de pouvoir du juge dans la jurisprudence de la Cour de cassation,
1990-2010 – Étude empirique – », in La réforme de la procédure d'appel (dir. L. CADIET et D. LORIFERNE), actes des « Rencontres de
procédure civile » du 10 décembre 2010, IRJS Éditions, 2011, p. 107.

(2326) V. notamment : N. FRICERO, « L'excès de pouvoir en procédure civile », RGP 1998 (no 1), p. 17 ; F. KERNALEGUEN, « L'excès de
pouvoir du juge », Justices 1996 (no 3), p. 151 ; G. BOLARD, « L'appel-nullité », D. 1988, chr, p. 177.

(2327) P. CAGNOLI, Essai d'analyse processuelle du droit des entreprises en difficulté, thèse, LGDJ, 2002, no 491 et s.

(2328) Ex. : Civ. 1re, 25 mars 2009, no 08-13496 à propos de la remise en cause de la décision d'un préfet en matière de rétention
administrative ; Civ. 3e, 1er mars 2006, no 04-18363, à propos d'un rejet de formalité substitué par le juge au refus de dépôt prononcé à tort
par un conservateur des hypothèques. V. également les exemples cités par F. KERNALEGUEN, ibid.

(2329) On a pu parler, à propos du déni de justice, « d'excès de pouvoir négatif » (F. KERNALEGUEN, art. préc., p. 155). L'expression peut
surprendre, l'idée d'excès, ou de dépassement, étant apparemment incompatible avec celle d'inaction. Cependant, cette analyse n'est pas
dénuée d'une certaine cohérence, dans la mesure où le déni de justice n'est pas une simple omission de statuer. C'est véritablement un
refus de statuer, c'est-à-dire un comportement volontaire que le juge n'a pas le pouvoir d'adopter. Depuis les écrits de M. Kernaleguen,
l'expression a connu un certain succès et a été étendue, par la doctrine, à la méconnaissance de ses pouvoirs par le juge. La
jurisprudence elle-même qualifie d'excès de pouvoir une telle méconnaissance (ex : Com., 31 janvier 2012, no 10-24019, D. 2012, p. 857,
note Th. MONTÉRAN).

(2330) P. CAGNOLI, thèse préc., no 499.

(2331) Ex. : Ainsi a-t-il été jugé que « constitue un excès de pouvoir le fait pour un juge, qui se prononce en matière de réalisation de
l'actif du débiteur en liquidation judiciaire, de statuer sans que le débiteur ait été entendu ou dûment appelé » (Com., 16 juin 2009, no 08-
13565, Act. proc. coll. 2009-13, nº 209, note J. VALLANSAN et P. CAGNOLI, D. 2009, p. 2521, note J. THÉRON, RTD civ. 2009, p. 576, obs.
R. P ERROT , Gaz. Pal. 28 juillet 2009, p. 19, note N. FRICERO, Procédures 2009, no 280, note B. ROLLAND. V. aussi Com. 8 janvier 2013,
nº 11-26059). Après que la Cour ait, en chambre mixte, proclamé que la violation du principe contradictoire n'était pas un excès de
pouvoirs (supra, no 736), la chambre commerciale tempère ce point de vue dans un cas particulier : l'absence de convocation d'une
partie. Quand on pose des solutions excessives, on a du mal à s'y tenir...
(2332) Ex. : Com., 22 mai 2007, no 06-11794, Act. proc. coll. 2007, no 142, obs. P. CAGNOLI.

(2333) Cette approche empirique et au cas par cas ressort assez bien de l'analyse qu'un conseiller à la Cour de cassation a pu faire de
cette notion : Ch. CHARRUAULT , « L'excès de pouvoir du juge civil », Études Ph. Simler, Dalloz et Litec, 2006, p. 857.

(2334) Art. R. 661-3 C. com.(2335) Com., 15 janvier 1991, Bull. civ. IV, no 26 ; Com., 26 avril 1994, Bull. civ. IV, no 154.

(2336) Art. 1460 CPC.(2337) Civ. 2e, 7 novembre 2002, Bull. civ. II, no 241, Procédures 2003, no 57, note R. P ERROT .

(2338) Désormais abrogé.

(2339) Civ. 2e, 2 mai 1984, Bull. civ. II, no 73. Cet exemple illustre bien le mécanisme décrit au texte. La loi mettait à l'abri de tout
contrôle d'un juge supérieur les raisons qui avaient conduit le tribunal de grande instance à accorder un report de l'adjudication. Il était
seul juge des « causes graves et dûment justifiées » visées par l'article 703, mais dans la limite de temps fixée par le texte. S'il sortait de
ce cadre, sa décision devait pouvoir faire l'objet d'une voie de recours. À rappr. : Civ. 2e, 6 mai 1987, Bull. civ. II, no 95.

(2340) Art. 731 Anc. CPC.

(2341) Pour ce qui est de l'effet suspensif d'un appel restauré, la Cour de cassation n'a pas été amenée, à notre connaissance, à prendre
position. À notre avis, l'appel restauré étant véritablement un appel, il doit comporter un effet suspensif, conformément au droit commun
de l'appel. D'ailleurs, cette solution paraît opportune, car si la décision est réellement entachée d'un excès de pouvoir, il n'est pas
souhaitable qu'elle puisse être mise à exécution rapidement.

(2342) Ex. : Com., 28 mai 1996, Bull. civ. IV, no 150, D. 1997, J, p. 538, note G. BOLARD, RTD civ. 1996, p. 985, obs. R. P ERROT . V.,
toutefois, en sens contraire, un arrêt non publié : Com. 24 juin 2014, nº 13-24587.

(2343) Art. 562, al. 2 CPC. V. infra, no 746.

(2344) Au demeurant, il serait sans doute inopportun, en termes de politique jurisprudentielle, de décider le contraire, car un renvoi à un
juge de premier degré engendrerait une perte de temps supplémentaire. De plus, on s'exposerait à un risque de résistance du premier
juge pouvant entraîner un « bras de fer interminable » entre le tribunal et la cour d'appel (Ph. GERBAY, « Nouvelles réflexions sur les
effets de l'appel voie d'annulation », Gaz. Pal. 24-25 janvier 2003, no 48 et s., p. 13).

(2345) V. supra, no 527.(2346) V. art. 561 CPC.

(2347) Sur l'hypothèse où l'appelant soutient que le jugement a été mal élaboré et se trouve entaché d'une cause de nullité, v. infra,
no 746.

(2348) Sur cette notion et sur les menaces qui pèsent sur cette conception de l’appel, v. Th. LE BARS, « Faut-il abandonner l’appel voie
d’achèvement ? » Gaz. Pal. 2014, nº 211-212, p. 41.

(2349) L'alinéa 2 de l'article 546 ajoute qu'en matière gracieuse, « la voie de l'appel est également ouverte aux tiers auxquels le jugement
a été notifié ». En matière gracieuse, l'appel remplit une double fonction. Il est d'abord un appel classique qui permet à la partie, dont la
prétention a été rejetée, de porter sa demande devant le juge du second degré, comme le prévoit l'article 547, alinéa 2, du Code de
procédure civile. Il sert aussi de tierce opposition, sous cette réserve qu'au lieu d'être formée devant le juge qui a rendu la décision, la
voie de recours l'est devant un juge supérieur, d'où sa dénomination d'appel. La raison de l'attribution de la tierce opposition gracieuse au
juge d'appel s'explique par le souci d'éviter que trois juges du fond soient successivement appelés à statuer sur la même affaire. À noter
que la Cour de cassation a assimilé au tiers à qui le jugement est notifié, celui que le juge avait appelé en cause : Civ. 1re, 2 décembre
1997, Bull. civ. I, no 333.

(2350) C'est ainsi que le représentant d'une personne morale ou d'un incapable ne peut pas interjeter appel à titre personnel d'un
jugement rendu à l'issue d'une instance dans laquelle il figurait ès qualités : v., par exemple, Civ. 2e, 23 février 1961, Bull. civ. II, no 153.
De façon plus anecdotique, il a été aussi jugé que l'expert désigné en première instance, dont l'opinion n'a pas été retenue par le
jugement, ne peut interjeter appel (Soc., 16 juillet 1987, Bull. civ. V, no 475). Comp. Civ. 2e, 7 juin 1989, Bull. civ. II, no 125 : dans cette
espèce, le juge du premier degré dont la décision avait été infirmée voulait former tierce opposition contre l'arrêt d'appel ! Il est vrai qu'il
n'était pas « partie » en première instance et que, de toute évidence, il ne pouvait pas former appel. Malgré tout, très sagement, la Cour
de cassation a estimé qu'il était irrecevable à former une voie de recours, quelle qu'elle soit, parce que l'on ne peut pas être juge et partie
(dans la même affaire).
(2351) V. supra, no 64.

(2352) V., pour une illustration de ce principe, Civ. 2e, 8 février 1995, Bull. civ. II, no 102. Le droit d'interjeter appel n'appartient pas
seulement au demandeur dont la prétention a été déclarée irrecevable pour défaut de qualité ; elle appartient aussi au défendeur qui a été
attrait à tort devant le juge du premier degré : ce défendeur peut non seulement soulever en appel son défaut de qualité, mais encore il
peut défendre au fond. V. Civ. 2e, 21 octobre 1987, Bull. civ. II, no 208.

(2353) Et l'intérêt s'apprécie au jour de l'appel, les circonstances ultérieures étant inopérantes. Ex. : Civ. 2e, 6 mai 1998, Bull. civ. II,
no 146 ; 6 avril 2006, no 04-12803, Procédures 2006, no 149, note R. P ERROT .

(2354) Civ. 2e, 19 juin 1980, Bull. civ. II, no 143, D. 1981.531, note J. MASSIP. V. toutefois Civ. 1re, 23 novembre 2011, no 10-19839,
Procédures 2012, no 13, note M. DOUCHY-OUDOT , RTD civ. 2012, p. 151, obs. R. P ERROT . En l'espèce, une femme découvre, après
clôture des débats, certains revenus de son mari. La prestation compensatoire qu'elle a réclamée et que le juge du divorce lui accorde lui
semble dès lors insuffisante. L'appel est admis par la Cour de cassation au motif que cette dame avait un intérêt à former ce recours. La
solution est discutable. À notre sens, la demanderesse aurait dû demander la réouverture des débats ou former un recours en révision
une fois le jugement passé en force de chose jugée (contra : M. DOUCHY-OUDOT et R. P ERROT , ibid.).

(2355) Civ. 1re, 10 mars 1998, Bull. civ. I, no 103, RTD civ. 1999, p. 204, obs. R. P ERROT . Dans une affaire de nationalité, le ministère
public avait formulé des réquisitions que le premier juge avait suivies. Se rendant compte, un peu tard, qu'il avait commis une erreur de
droit, il a interjeté appel du jugement conforme à ses prétentions initiales et obtenu de la cour d'appel un arrêt réformant la première
décision. Cette solution, bien que surprenante de prime abord, se justifie probablement par le fait que le parquet partie principale est,
certes, une partie, mais d'un genre particulier : ce n'est pas son intérêt propre qu'il défend, mais celui de la loi. V. les explications très
convaincantes de M. Perrot, ibid.

(2356) Civ. 2e, 9 juillet 1981, Bull. civ. II, no 155, D. 1983, I.R. 141, obs. P. JULIEN.

(2357) On verra que l'appel peut encore être limité par les conclusions d'appel, infra, no 783.

(2358) Il s'agit, bien sûr, des dernières conclusions de l'appelant. Ainsi, s'il a formé un appel général, peu importe que dans ses premières
conclusions il le cantonne à la question des frais et dépens, dès lors que, dans ses conclusions finales, il sollicite la réformation du
jugement en toutes ses dispositions : Civ. 2e, 26 mai 2011, no 10-18304, Procédures 2011, no 251, note R. P ERROT .

(2359) V. Civ. 2e, 24 juin 2004, Bull. civ. II, no 309, RTD civ. 2004, p. 558, obs. R. P ERROT ; Civ. 1re, 14 décembre 2004, no 02-14937,
Procédures 2005, no 26, note R. P ERROT .

(2360) Civ. 1re, 1er décembre 2011, no 10-16544, Gaz. Pal. 2012, no 62-63, no spécial « Procédure civile », p. 18, note L. MAYER : elle doit
inviter l'appelant (et certainement l'intimé) à statuer sur le fond, s'il ne l'a pas fait.

(2361) Civ. 2e, 8 septembre 2011, no 10-22960.(2362) Com., 25 février 1981, Bull. civ. IV, no 103, RTD civ. 1981, p. 906, obs. R. P ERROT .

(2363) Civ. 2e, 20 octobre 1993, Bull. civ. II, no 288 ; 11 avril 2013, nº 12-15035.

(2364) Les références à l'appel-nullité que l'on trouve dans les articles 542 et 562 du Code de procédure civile constituent aujourd'hui les
témoins de l'état antérieur du droit, mais n'ont plus guère de consistance réelle.

(2365) Civ. 2e, 18 décembre 1996, Bull. civ. II, no 282, Audijuris avril 1997, p. 24 obs. J. HÉRON. Il appartient donc au demandeur initial
d'introduire une nouvelle instance devant le juge du premier degré, ce qui suppose que son action ne soit pas prescrite.

(2366) Ex. : Civ. 2e, 27 février 1985, Bull. civ. II, no 46, Gaz. Pal. 1985, Pan. 196, obs. S. GUINCHARD et T. MOUSSA, D. 1985, I.R. 262,
RTD civ. 1985, p. 451, obs. R. P ERROT ; Com., 6 octobre 1992, Bull. civ. IV, no 282. L'appelant devait donc s'en tenir strictement à des
conclusions tendant à l'annulation du jugement.

(2367) Civ. 2e, 25 mai 2000, Bull. civ. II, no 87, Procédures 2000, no 160, obs. R. P ERROT . Dans le même sens : Civ. 1re, 12 juin 2001,
Bull. civ. I, no 167.
(2368) Les conclusions sur le fond à titre subsidiaire ne reprennent de l’importance que si la nullité de l’acte introductif d’instance est
écartée par la Cour. En effet, dans ce cas, l’appelant ayant déjà conclu sur le fond (cette expression incluant des conclusions tendant
simplement à l’irrecevabilité des demandes adverses : Civ. 2e, 10 avril 2014, nº 12-27144), la Cour n’est pas tenue de l’inviter à conclure
avant de statuer au fond. L’appelant a donc intérêt à énoncer dans ses conclusions, à titre subsidiaire, tout ce qu’il a à dire aux juges,
sans attendre de savoir si l’acte introductif sera ou non annulé.

(2369) Civ. 1re, 17 octobre 2007, no 06-20232. Et déjà certainement dans ce sens : Civ. 2e, 3 avril 2003, Bull. civ. II, no 95, Dr. et procéd.
2003, p. 295, obs. F. VINCKEL. Deux arrêts rendus en 2000 par la Cour de cassation étaient déjà présentés par divers auteurs comme
supprimant cette condition : Civ. 2e, 13 juillet 2000, Bull. civ. II, no 121 et 125, D. 2001, p. 499, note G. BOLARD. Mais ces arrêts ne visent
que l'hypothèse inverse dans laquelle la demande d'annulation est rejetée, auquel cas, la cour d'appel, écartant la nullité, « ne peut statuer
au fond qu'après que les parties ont été invitées à conclure au fond » (ce qui suppose qu’elles ne l’aient pas déjà fait, ne serait-ce qu’à
titre subsidiaire), ce qui paraît de bon goût au regard du principe de la contradiction. La doctrine n'en a d'ailleurs découvert le « sens
caché » qu'après que le rapport de la Cour de cassation pour l'an 2000 l'ait exposé.

(2370) V., par exemple, Civ. 1re, 30 juin 1987, Bull. civ. I, no 213 ; Civ. 2e, 31 mai 1995, Bull. civ. II, no 163 ; Civ. 3e, 27 octobre 2010,
no 09-11160.

(2371) Sur l'indépendance des litisconsorts, v. supra, no 711.

(2372) Littéralement, l'article 552 du Code de procédure civile ne vise que la solidarité. Cependant, pour ce qui est des effets du pourvoi
en cassation, la Cour de cassation a assimilé l'obligation in solidum à l'obligation solidaire (Civ. 3e, 10 mars 1981, Bull. civ. III, no 49, D.
1981.429, note J. BORÉ). Il paraît raisonnable d'adopter la même solution en appel. Statuant implicitement en ce sens : Civ. 1re, 3 janvier
1996, Bull. civ. I, no 14.

(2373) Par dérogation aux dispositions de l'article 332 du Code de procédure civile, qui prévoit qu'en matière contentieuse le juge peut
(simplement) « inviter » les parties à mettre en cause les intéressés dont la présence lui paraît nécessaire à la solution du litige.

(2374) Sur l'indivisibilité, v. infra, no 1057.

(2375) L'article 553 du Code de procédure civile n'exige pas que toutes les parties aient été citées dans l'acte d'appel. Il suffit que l'appel
ait été formé dans le délai contre l'une d'elles et que les autres parties aient été appelées ultérieurement. Cela étant, il convient d’être
assez diligent, car si l’une de ces parties ne constitue pas avocat, l’appelant, invité en cela par le greffe, doit lui signifier sa déclaration
d’appel dans le mois de cette invitation. Signifiée au-delà, la déclaration d’appel sera caduque à l’égard de tous les intimés, en raison de
l’indivisibilité du litige (Civ. 2e, 14 novembre 2013, nº 12-25872, RTD civ. 2014, p. 164, obs. R. P ERROT ).

(2376) Il faut bien sûr réserver la demande rituelle tendant à l'octroi d'une somme au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
mais, à proprement parler, il ne s'agit pas d'un appel incident.

(2377) V. Civ. 1re, 12 octobre 1977, Bull. civ. I, no 363, RTD civ. 1978, p. 935, obs. R. P ERROT . En l'espèce, devant les juges du premier
degré, le demandeur avait assigné un éditeur et un imprimeur. Ayant été débouté, il intime les deux défendeurs. À ce moment-là, l'éditeur
forme pour la première fois une demande en garantie contre l'imprimeur. Cette demande incidente a été déclarée irrecevable, bien que
l'éditeur ait soutenu qu'il ne s'agissait que d'un appel incident (en l'espèce un appel d'intimé à intimé). La modification de la position
procédurale des parties n'autorise pas en soi la présentation de demandes nouvelles.

(2378) Soc., 5 décembre 1974, Bull. civ. V, no 592.

(2379) En effet, l'article 549 réserve la possibilité d'un appel provoqué qui serait formé par une personne qui n'est pas encore partie à
l'instance d'appel, au lieu d'être formé par une personne déjà partie à l'instance d'appel contre une autre qui ne l'est pas encore. En
réalité, l’hypothèse est extrêmement limitée (sauf à qualifier à tort d’appel incident un appel principal. Ex : Civ. 2e, 16 février 1984,
Bull. civ. II, no 32, Gaz. Pal. 1984, Pan. 145, obs. S. GUINCHARD), car l'appel ne pouvant pas en principe modifier le sort d'une personne
qui n'est pas partie à l'instance d'appel, n'est pas normalement de nature à provoquer son appel. Un appel provoqué qui serait formé par
une personne qui n'est pas encore partie à l'instance d'appel n'est donc réellement envisageable que si l'instance d'appel est susceptible
de modifier le sort de cette personne, c'est-à-dire, en pratique, en cas d'indivisibilité.

(2380) V., dans des espèces légèrement différentes Civ. 2e, 9 mai 1985, Bull. civ. II, no 93 ; Civ. 2e, 16 novembre 1988, Bull. civ. II,
no 218.

(2381) De tels appels donneront sans doute lieu à une jonction d'instance en application de l'article 367 du Code de procédure civile.
(2382) Il faut cependant réserver l'appel provoqué qui doit être formé par assignation lorsqu’il est dirigé contre quelqu'un qui n'est pas
encore partie à l'instance d'appel (art. 68 CPC). Il en va de même, et pour la même raison, de l'appel incident formé contre une partie
défaillante. Ex. : Civ. 2e, 13 mars 1996, Bull. civ. II, no 63, D. 1996, som. 357, obs. P. JULIEN.

(2383) Sur les articles 909 et 910 CPC, v. infra, no 787.

(2384) L'appel principal est presque toujours formé dans les derniers jours du délai. Pour que l'appel incident ne soit pas irrecevable,
malgré l'irrecevabilité de l'appel principal, il faut donc, en pratique, que le jugement n'ait pas été notifié à l'auteur de l'appel incident et que
ce dernier n'ait pas non plus pris l'initiative de le notifier (car alors le délai d'appel n'a pas couru à son égard).

(2385) Civ. 2e, 26 novembre 1980, Bull. civ. II, no 241 ; Civ. 2e, 7 décembre 1994, Bull. civ. II, no 253.

(2386) Civ. 2e, 3 octobre 1984, Bull. civ. II, no 139, Gaz. Pal. 1985, Pan. 51, obs. S. GUINCHARD, D. 1985, IR.261, obs. P. JULIEN. Mais, si
l'appelant principal se désiste de son appel avant qu'ait été formé l'appel incident, l'extinction de l'instance qui en résulte empêche la
formation de l'appel incident. Lorsque l'appel incident et le désistement ont lieu le même jour, il appartiendrait à l'auteur de l'appel incident
d'établir l'antériorité de celui-ci : Civ. 2e, 3 octobre 1984, préc. Mais, contra, à propos du désistement d'un pourvoi en cassation principal,
v. Soc., 24 septembre 2008, no 07-41383 (RTD civ. 2009, p. 172, obs. R. P ERROT ) : le pourvoi incident devrait être déclaré recevable.

(2387) Civ. 2e, 13 mai 2015, nº 14-13801.(2388) Sur l'évocation dans le cadre d'un incident lié à la compétence, v. infra, no 1045 et s.

(2389) V. supra, no 733.(2390) Art. 272 CPC.

(2391) Il est généralement indiqué que, l'article 568 du Code de procédure civile visant le cas où la cour d'appel est « saisie d'un jugement
qui a ordonné une mesure d'instruction », la Cour de cassation déciderait que la cour d'appel ne peut évoquer que si elle est saisie d'un
appel concernant la mesure d'instruction. Inversement, si l'appel formé contre un jugement mixte est limité au chef du jugement qui statue
sur le principal, la cour d'appel ne pourrait pas évoquer. On cite à l'appui de cette opinion un certain nombre d'arrêts : Civ. 2e, 12 mars
1980, Bull. civ. II, no 51, Gaz. Pal. 1980.445, note J. VIATTE, Civ. 2e, 16 novembre 1983, Bull. civ. II, no 178. En réalité, cette affirmation
ne résulte que d'une formulation imprécise des arrêts cités. Dans toutes les affaires que l'on cite, la situation était la suivante. Une
demande initiale fait l'objet d'un jugement au fond, tandis qu'une demande reconventionnelle (ou une demande en garantie formée contre
un tiers) ne fait encore l'objet que d'une mesure d'instruction. Le défendeur initial fait appel du jugement qui a statué sur la demande
initiale, ne faisant évidemment pas appel de la mesure d'instruction ordonnée à propos de sa demande reconventionnelle. La Cour de
cassation décide que, dans une telle hypothèse, la cour d'appel n'est saisie que de la demande initiale et ne peut évoquer sur la demande
reconventionnelle. La solution est justifiée, mais pour un motif qui est étranger à l'article 568 du Code de procédure civile : la raison est
que l'instrumentum rendu par les juges du premier degré comprend deux jugements, au sens matériel du terme, un jugement au principal
sur la demande initiale et un jugement avant dire droit sur la demande reconventionnelle. La cour d'appel ne peut évoquer sur la seconde
demande parce qu'elle n'est en aucune façon saisie du jugement qui statue sur elle.

(2392) Civ. 2e, 25 mars 1985, Bull. civ. II, no 73, D. 1985, I.R. 467, obs. P. JULIEN, Gaz. Pal. 1985, Pan. 197, obs. H. CROZE et Ch.
MOREL ; 12 mars 1997, Bull. civ. II, no 69. En revanche, la cour d'appel ne peut évoquer sur ce qui fait l'objet d'un sursis à statuer, lorsque
l'appel a été interjeté contre une décision tranchant une partie du principal : Civ. 2e, 30 janvier 2003, Bull. civ. II, no 21, Dr. et procéd.
2003, p. 246, obs. Ph. HOONAKKER, 8 avril 2004, Bull. civ. II, no 161. La solution est logique, car alors l'appel de la décision de sursis à
statuer n'a pas été autorisé. Permettre une évocation reviendrait à vider d'une bonne partie de sa substance l'exigence d'autorisation
présidentielle de l'article 380. La Cour refuse aussi aux juges du second degré le pouvoir d'évoquer l'affaire lorsque le juge du premier
degré a rejeté la demande de sursis à statuer qui lui était soumise : Civ. 2e, 23 octobre 1991, Bull. civ. II, no 267.

(2393) Civ. 2e, 28 juin 2006, no 05-19156, RTD civ. 2006, p. 828, obs. R. P ERROT ; Civ. 1re, 28 octobre 2009, no 08-20724.

(2394) Pour une illustration : Civ. 3e, 28 octobre 1987, Bull. civ. III, no 176.

(2395) À la réflexion, la distinction que pose l'article 568 du Code de procédure civile prête à hésitation. D'un point de vue purement
rationnel, on pourrait se demander si le même sort ne devrait pas être réservé au jugement qui statue sur une exception de procédure
qu'à celui qui statue sur les mérites de la demande. Dans les deux cas, en effet, le juge décide qu'il a réglé l'affaire. Pour ainsi dire, alors
qu'en ordonnant une mesure d'instruction, il laisse le dossier ouvert, en déclarant nulle l'assignation aussi bien qu'en déclarant la demande
irrecevable ou infondée, il referme le dossier. Mais, d'un autre côté, on peut répondre que le dossier n'a pas été refermé de la même
façon. Dans un cas, rien n'a été jugé sur la demande elle-même, dans l'autre, le juge l'a examinée. Il en résulte une conséquence
importante pour ce qui est de l'autorité de la chose jugée : le jugement qui n'a statué que sur la nullité de l'assignation n'a aucune autorité
de la chose jugée sur la demande. Dans l'autre cas, il a été jugé, par un jugement doté de l'autorité de la chose jugée, que la demande est
infondée ou irrecevable. C'est sans doute cette différence qui a déterminé le législateur.
(2396) La Cour de cassation a même parlé de pouvoir discrétionnaire : Civ. 1re, 2 mai 1989, Bull. civ. I, no 174.

(2397) La seule exigence (élémentaire) que pose la Cour de cassation est que la cour d'appel enjoigne aux parties de conclure sur les
points qu'elle entend évoquer : Civ. 2e, 16 juillet 1992, Bull. civ. II, no 206.

(2398) V. supra, no 135.

(2399) Ex. : En matière d'assistance éducative, la cour d'appel doit « se placer au moment où elle statue pour apprécier les faits » et donc
prendre en compte l'évolution qu'a connue la situation de l'enfant et de ses parents depuis la décision du premier juge (Civ. 1re, 20 octobre
2010, no 09-68141, Famille 2010, no 184, note C. NEIRINCK, D. 2011, p. 574, note M. HUYETTE).

(2400) Sur le relevé d'office des moyens de pur droit, v. supra, no 285 et s.

(2401) Pourvu qu'elles soient encore recevables, ce qui n'est presque plus jamais le cas des exceptions de procédure.

(2402) Civ. 1re, 13 octobre 1976, Bull. civ. I, no 294.

(2403) Civ. 3e, 19 décembre 1977, Bull. civ. III, no 452, RTD civ. 1978, p. 738, obs. R. P ERROT , et Civ. 3e, 21 mai 1979, Bull. civ. III,
no 110, D. 1979, I.R. 474, obs. P. JULIEN, RTD civ. 1980, p. 169, obs. R. P ERROT .

(2404) Civ. 1re, 3 octobre 1984, Bull. civ. I, no 247, JCP 1985.II.20475, note J. P RÉVAULT , Gaz. Pal. 1985, Pan. 18, obs. S. GUINCHARD,
RTD civ. 1985, p. 450, obs. R. P ERROT .

(2405) Civ. 2e, 10 mars 2004, Bull. civ. II, no 99.

(2406) Com., 22 septembre 1983, Bull. civ. IV, no 236, Gaz. Pal. 1984, Pan.33, obs. S. GUINCHARD.

(2407) Com., 24 novembre 1987, Bull. civ. IV, no 245, Gaz. Pal. 1988, somm. 316, obs. S. GUINCHARD et T. MOUSSA.

(2408) Civ. 1re, 2 février 1999, Bull. civ. I, no 33.

(2409) La Cour met ici sur un même plan une défense (tendant au rejet de l'action en paiement d'un prix) et une demande
(d'anéantissement rétroactif d'un acte). En l'espèce, l'exception d'inexécution ne tendait qu'à éviter le paiement du solde du prix d'une
prestation de service, alors que la résolution devait conduire à une remise complète des parties en l'état antérieur : même dans une
approche extrêmement concrète, on a du mal à se convaincre que les deux prétentions tendent aux mêmes fins... On notera, pour finir,
que, de toute façon, le problème était apparemment mal posé : en riposte à une demande de paiement du solde du prix, la demande de
résolution du contrat était une demande reconventionnelle (v. supra, no 117), laquelle était recevable en appel, par application de
l'article 567 CPC (v. infra, au texte) !

(2410) V. not. Com., 14 juin 2005, no 02-18164 ; 16 janvier 2001, Bull. civ. IV, no 10 ; Civ. 3e, 2 mai 1979, Bull. civ. III, no 94. Pour une
solution similaire, mais sans qu'il soit même fait référence à l'article 565 CPC, v. Civ. 3e, 25 mars 2009, no 08-11326, Defrénois 2009,
p. 2319, note E. SAVAUX. Mais, contra : Civ. 2e, 20 novembre 2003, Bull. civ. II, no 341 ; Civ. 3e, 20 janvier 2010, no 09-65272.

(2411) Comp. Civ. 3e, 16 mai 1974, Bull. civ. III, no 204. En l'espèce, le bailleur avait sollicité en première instance l'expulsion du locataire
pour non-paiement des loyers. Devant la cour d'appel, il demandait la résiliation du bail. On ne peut pas parler d'une demande nouvelle.
En réalité, dans une telle hypothèse, le juge peut de lui-même interpréter la demande et lui restituer sa véritable signification, tant il est
évident que l'expulsion d'un locataire suppose que le bail soit éteint.

(2412) Les notions d'accessoire, de conséquence et de complément ne profitent qu'à l'auteur de la demande principale à laquelle elles se
rapportent. Pour la Cour de cassation, une partie n'est pas recevable à présenter pour la première fois devant la cour d'appel des
prétentions qui seraient le prolongement ou l'accessoire des demandes formées en première instance par une autre partie : Civ. 2e, 30 juin
2011, no 10-23537.

(2413) Civ. 3e, 25 juin 1974, Bull. civ. III, no 262.(2414) Civ. 2e, 8 mars 2007, no 05-21627, Dr. et procéd. 2007, p. 212, obs. O. SALATI.

(2415) Civ. 3e, 13 juin 2001, Bull. civ. III, no 73.

(2416) V. Civ. 2e, 4 octobre 1978, Bull. civ. II, no 200 (pour des dommages-intérêts) ; Civ. 2e, 13 juin 1985, Bull. civ. II, no 121 et Civ. 2e,
26 septembre 2002, Bull. civ. II, no 188 (pour une prestation compensatoire).
(2417) Le droit de présenter une telle demande est cependant subordonné à la possibilité d'interjeter appel du jugement rendu au premier
degré. Or l'appel est principalement une voie de recours, ce qui fait que sa recevabilité suppose que l'appelant ait succombé, au moins
partiellement (v. supra, no 743). C'est ce qui explique qu'en matière de divorce précisément, la Cour de cassation ait déclaré irrecevable
un appel formé contre un jugement par une partie qui avait obtenu entièrement satisfaction en première instance et qui ne faisait appel
que pour solliciter de la cour, pour la première fois, une prestation compensatoire : v. Civ. 2e, 19 juin 1980, Bull. civ. II, no 143, D.
1981.531, note J. MASSIP, Gaz. Pal. 1980.758, note J. VIATTE, D. 1980, I.R. 462, obs. P. JULIEN.

(2418) Sur cette règle, v. K. SALHI, « Les spécificités de l'appel en matière prud'homale », Procès du travail, travail du procès, dir.
M. Keller, LGDJ, 2008, spéc. p. 378 et s.

(2419) V. supra, no 662.(2420) V. ainsi Soc., 9 juillet 1996, Bull. civ. V, no 270.(2421) Art. 566 CPC.(2422) Art. 567 CPC.

(2423) Soc., 20 décembre 2006, no 04-48253, RTD civ. 2007, p. 387, obs. R. P ERROT . Cette solution est conforme à la raison d'être de
l'article R. 1452-7 C. trav. Son objectif est de limiter, pour le demandeur, la rigueur de la règle de l'unicité de l'instance qui est très
favorable au défendeur ; cet objectif n'est pas de désavantager des tiers au profit d'une des parties.

(2424) « À peine d'irrecevabilité relevée d'office ».

(2425) Cass. Ass. plén., 11 mars 2005, Bull. Ass. plén., no 4, Procédures 2005, no 118 et RTD civ. 2005, p. 455, obs. R. P ERROT , JCP G
2005, II, 10161, avis av. géné. J. CÉDRAS, Dr. et procéd. 2005, p. 227, obs. N. FRICERO, D. 2005, J, p. 2368, note E. FISCHER. Dans le
même sens, v. not. Cass. Mixte, 9 novembre 2007, JCP G 2008, II, 10070, note Y.-M. SERINET . Logiquement, c'est la révélation qui doit
être née du jugement ou postérieure à celui-ci, et non pas la circonstance objet de cette révélation.

(2426) Civ. 3e, 15 juin 1982, Bull. civ. III, no 155 ; 25 janvier 1995, ibid., no 25 ; 10 janvier 2001, ibid., no 1 ; 1er mars 2011, no 10-11540.
V. aussi Civ. 2e, 9 juillet 1997, no 95-20740 ; 1er juillet 2010, no 09-15594.

(2427) Dans le même sens, G. WIEDERKEHR, obs. sous Civ. 3e, 25 janvier 1995, préc., Justices 1996-3, p. 380.

(2428) Civ. 3e, 31 mai 1978, Bull. civ. III, no 233. Pour un autre exemple, à propos de l'intervention forcée (irrecevable en appel) d'un
assureur de responsabilité, v. Civ. 3e, 15 décembre 2010, no 09-68894.

(2429) De façon générale, l'opinion du juge qu'il s'agisse du juge du premier ou du second degré ne constitue pas une évolution du litige :
ce n'est pas en soi un élément du litige. V. en ce sens Civ. 3e, 1er février 1989, Bull. civ. III, no 29, RTD civ. 1989, p. 623, obs. R. P ERROT .

(2430) On ne voit pas comment une norme nouvelle applicable seulement pour l'avenir pourrait faire évoluer le litige, puisqu'elle ne lui est
pas applicable. En revanche, la Cour de cassation a admis qu'un revirement de jurisprudence, qui est par nature rétroactif, pouvait
constituer l'élément modifiant les données du litige : v. Civ. 1re, 15 janvier 1985, Bull. civ. I, no 21, D. 1985, I.R. 265, obs. P. JULIEN,
Gaz. Pal. 1985, Pan. 172, obs. H. CROZE et Ch. MOREL, RTD civ. 1985, p. 621, obs. R. P ERROT .

(2431) Civ. 1re, 15 mars 1978, Bull. civ. I, no 110, RTD civ. 1979, p. 203, obs. R. P ERROT . Mais la Cour de cassation s'est montrée plus
sévère (trop ?) dans un cas où l'ouverture de la procédure collective était antérieure d'une douzaine de jours au jugement entrepris : Civ.
3e, 28 janvier 2009, no 07-19240, RTD civ. 2009, p. 368, obs. R. P ERROT .

(2432) Civ. 3e, 31 octobre 1978, Gaz. Pal. 1979, Pan. 21 (l'arrêt n'a pas été publié au Bulletin). Mais une telle évolution du litige ne serait
pas caractérisée lorsqu'une nouvelle expertise, sans rien révéler de plus que la première sur la nature et la cause des désordres affectant
un immeuble, n'apporte d'information nouvelle que sur la nature et le coût des réparations nécessaires : Cass. Ass. plén., 11 mars 2005
préc., Bull. Ass. plén., no 4.

(2433) Civ. 2e, 26 février 1986, Bull. civ. II, no 26. En l'espèce, le défendeur avait allégué pour la première fois en appel des faits qui lui
permettaient de contester sa qualité de commettant de l'auteur du dommage, qualité en laquelle il était poursuivi. Le demandeur a pu
former une intervention forcée contre le véritable commettant. La solution n'aurait pas été la même si tous les faits avaient été
parfaitement connus dès la première instance.

(2434) V. Civ. 1re, 28 mars 1977, Bull. civ. I, no 162, D. 1977, I.R. 409, obs. P. JULIEN, RTD civ. 1977, p. 832, obs. R. P ERROT .

(2435) Sur ces deux sortes d'intervention forcée, v. infra, no 1176 et s.

(2436) L'article 564 du Code de procédure civile admet expressément la recevabilité de la demande en compensation judiciaire : « les
parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation... ».
(2437) Ex. : Civ. 2e, 29 mai 1979, Bull. civ. II, no 162, D. 1979, I.R. 473, obs. P. JULIEN, RTD civ. 1980, p. 624, obs. R. P ERROT ; Civ. 3e,
30 juin 1999, Bull. civ. III, no 151.

(2438) Ex. : Civ. 3e, 30 juin 1999 préc.

(2439) Civ. 2e, 11 mars 1981, Bull. civ. II, no 52, RTD civ. 1981, p. 907, obs. R. P ERROT ; Com., 14 juin 1988, Bull. civ. IV, no 197 ; Civ. 2e,
17 octobre 2002, Bull. civ. II, no 229.

(2440) Cf. la lecture très éclairante de Civ. 2e, 11 janvier 2006, no 03-18079.

(2441) Ex. : Civ. 3e, 9 octobre 1991, Bull. civ. III, no 236 ; 6 juillet 1994, no 92-17660.

(2442) Cass. Mixte, 9 novembre 2007, no 06-19508, JCP G 2008, II, 10070, note Y.-M. SERINET , Dr. et procéd. 2008, p. 90, obs.
M. DOUCHY-OUDOT . V., depuis cet arrêt : Civ. 2e, 24 janvier 2008, no 06-15632.

(2443) Sur les deux sortes d'intervention volontaire, v. infra, no 1169 et s.

(2444) V. cependant, Civ. 2e, 15 janvier 2004, Bull. civ. II, no 6, Procédures 2004, no 72, note R. P ERROT , RTD civ. 2004, p. 350, obs.
R. P ERROT . Cet arrêt exclut la nécessité d'une évolution du litige de manière générale et sans distinguer selon que l'intervention est
principale ou accessoire, ce qui rend difficile son interprétation.

(2445) Ex. : Civ. 1re, 11 janvier 1983, Bull. civ. I, no 13, Gaz. Pal. 1983, Pan. 138, obs. S. GUINCHARD, RTD civ. 1983, p. 392, obs.
R. P ERROT . En l'espèce, la victime directe d’un accident était décédée au cours de l'instance d'appel (c’est là que résidait l’évolution du
litige). Ses proches ont été admis à former une demande en intervention principale pour demander réparation de leur propre préjudice.

(2446) Ex. : Civ. 3e, 21 février 1978, Bull. civ. III, no 87 ; Civ. 3e, 22 février 1989, Bull. civ. III, no 40 ; Civ. 2e, 12 octobre 2006, no 04-
11561, Dr. et procéd. 2007, p. 84, obs. Ch. LEFORT ; Civ. 2e, 22 octobre 2009, no 08-20793.

(2447) Ex. : Y.-M. SERINET , « La sanction par l'irrecevabilité des demandes nouvelles en appel », JCP G 2010, 545, no 11.

(2448) Civ. 2e, 10 janvier 2013, nº 12-11667, Dr. et procéd. 2013, p. 109, obs. M. DOUCHY-OUDOT .

(2449) V. J.-L. GALLET , La procédure civile devant la cour d'appel, LexisNexis, 3e éd., 2014.

(2450) L'interprétation des textes, donnée par la jurisprudence, est également identique. On doit même ajouter que, le plus souvent, la
Cour de cassation a été appelée à statuer sur les règles intéressant la procédure d'appel. Ainsi en va-t-il de tout ce qui intéresse le juge
de la mise en état. Les arrêts ont été rendus à propos d'actes du conseiller de la mise en état.

(2451) Art. 950 CPC. L'article 950 du Code de procédure civile dispose encore que l'appel peut être formé par un « officier public ou
ministériel dans les cas où ce dernier y est habilité par les dispositions en vigueur ». Comme cela a déjà été indiqué à propos de la
procédure gracieuse devant le juge du premier degré (supra, no 561), cette disposition ne reçoit aucune application concrète.

(2452) Sur cette exception au dessaisissement du juge, v. supra, no 380.

(2453) Pour une présentation technique de cette réforme, v. G. NARRAN, « La nouvelle procédure d'appel est arrivée », Gaz. Pal. 2009,
no 356, p. 2 ; Ph. GERBAY, « La réforme de la procédure d'appel avec représentation obligatoire en matière civile », Gaz. Pal. 2010, no 12,
p. 12. Pour une réflexion plus générale, v. J. VILLACÈQUE, « Le nouveau procès civil devant la cour d'appel : la technique et les hommes,
paradoxes d'une réforme », D. 2010, p. 663 ; L. CADIET et D. LORIFERNE (dir.), La réforme de la procédure d'appel, actes des
« Rencontres de procédure civile » du 10 décembre 2010, IRJS Éditions, 2011.

(2454) On l'appelait parfois « l'avoué d'appel », pour le distinguer de l'avoué de première instance qui avait assuré la représentation des
parties devant le tribunal de grande instance jusqu'en 1972. Sur la profession d'avoué (d'appel), v. R. P ERROT , Institutions judiciaires,
Montchrestien, Domat, 15e éd., 2012, no 463 ; sur la réforme de 1971 qui a supprimé les avoués de première instance, v. R. P ERROT , ibid.,
no 422 et s.

(2455) Il serait plus exact de dire que, seul parmi les professionnels du droit, l'avocat peut plaider devant la cour. Mais, comme cela a
déjà été indiqué dans les dispositions communes à toutes les juridictions (supra, no 483), le législateur a tenu à ce que les plaideurs
puissent s'adresser eux-mêmes au juge. Les parties peuvent donc plaider leur propre cause.
(2456) V. la loi no 2011-94 du 25 janvier 2011 portant réforme de la représentation devant les cours d'appel, qui a consacré la disparition
des avoués et organisé leur indemnisation.

(2457) Sur cette distinction, v. supra, no 203.

(2458) Comme toujours, il existe quelques textes dérogatoires. C'est ainsi que l'article R. 331-9-3 du Code de la consommation dispose
que l'appel des décisions rendues par le juge du tribunal d'instance en matière de traitement des situations de surendettement est formé,
instruit et jugé selon les règles de la procédure sans représentation obligatoire.

(2459) En matière prud'homale, la même solution est énoncée par l'article R. 1461-1 du Code du travail.

(2460) En matière prud'homale, la même solution est énoncée par l'article R. 1455-11 du Code du travail et, pour l'appel des ordonnances
rendues par un tribunal paritaire des baux ruraux, elle est énoncée par l'article 895 du Code de procédure civile.

(2461) Lorsque la requête est rejetée par le président du tribunal paritaire des baux ruraux, la même solution est donnée par l'article 898
du Code de procédure civile.

(2462) Il faut seulement rappeler qu'aux termes de l'article 868 du Code de procédure civile, le délai pour interjeter appel des
ordonnances du juge chargé d’instruire l’affaire commence à courir non pas à compter de leur notification, mais à compter de leur date,
c'est-à-dire de leur prononcé.

(2463) Sur cette défunte profession, v. supra, no 773.

(2464) Art. 902 CPC. Les déclarations sont datées et visées par le greffier. Rappelons qu'en matière gracieuse, la déclaration d'appel est
faite ou adressée au greffe de la décision qui a rendu la décision (art. 950 CPC) et non pas au greffe de la cour.

(2465) Art. 3 arr. 30 mars 2011 relatif à la communication par voie électronique dans les procédures avec représentation obligatoire
devant les cours d'appel.

(2466) Art. 930-1 CPC issu du décret no 2009-1524 du 9 décembre 2009. Sur ce texte, v. J. P ELLERIN, « La dématérialisation de la
procédure devant la Cour d'appel », in La réforme de la procédure d'appel (dir. L. CADIET et D. LORIFERNE), actes des « Rencontres de
procédure civile » du 10 décembre 2010, IRJS Éditions, 2011, p. 49.

(2467) Sur les difficultés que pourrait susciter cette condition, v. supra, no 239.

(2468) Sur tous ces points, il convient de renvoyer aux indications déjà données à propos de la rédaction des actes de procédure, supra,
no 166.

(2469) Pour la détermination de l'adresse et du siège social de l'intimé, l'appelant peut s'en tenir à l'adresse donnée par son adversaire
dans l'acte de notification du jugement (art. 535 CPC).

(2470) Le texte précise « le cas échéant », parce qu'il arrive fréquemment que l'appelant ne limite pas son appel à certains chefs.

(2471) On pourrait en douter concernant les éléments d'identification des parties, car le texte, modifié en décembre 2005, énonce que la
déclaration d'appel contient « outre les mentions prescrites par l'article 58, et à peine de nullité : 1o La constitution de l'avocat de
l'appelant (etc.) ». La construction grammaticale de ce nouvel article 901 donne à penser que la mention de la nullité se rapporte à ce qui
la suit et non à ce qui la précède. Cependant, nous ne pensons pas que le pouvoir réglementaire ait entendu revenir sur la solution
antérieure qui, elle, était dépourvue d'équivoque. Il s'agit sans doute d'une maladresse rédactionnelle qui démontre, une fois de plus, la
perversité de la technique consistant à légiférer par renvoi.

(2472) Ex. : Civ. 2e, 24 mai 2007 (2 espèces), no 06-12454 et no 06-11006, Procédures 2007, no 157, note R. P ERROT .

(2473) Civ. 2e, 14 juin 2001, Bull. civ. II, no 117, RTD civ. 2001, p. 664, obs. R. P ERROT . V. aussi Civ. 2e, 21 novembre 2002, ibid., no 262.

(2474) V. Civ. 2e, 14 juin 2001, Bull. civ. II, no 118 ; 10 juillet 2008, no 07-17110.(2475) Art. 968 CPC.(2476) Art. 902 CPC.

(2477) Si, en dépit de la signification de l'acte d'appel, l'intimé ne comparaît pas, la procédure se déroulera normalement et, selon les cas,
l'arrêt rendu sera une décision par défaut ou une décision réputée contradictoire. De façon générale, les règles applicables sont celles de
la procédure par défaut, sur laquelle, v. infra, no 1156 et s.
(2478) Selon la Cour de cassation, il faudrait comprendre « un mois à compter de l’envoi (de cet avis) par le greffe » (et non pas à
compter de sa réception par l’avocat) : Civ. 2e, 27 juin 2013, nº 12-19945. Cette lecture littérale de l’article 902 CPC nous paraît
discutable et tranche avec les solutions habituellement retenues en matière de notification.

(2479) D. no 2009-1524 du 9 décembre 2009.(2480) Sur cette notion, v. supra, no 231 et no 294.(2481) V. infra, no 787.

(2482) Art. 960 CPC.

(2483) L'article 961 du Code de procédure civile dispose, comme l'article 59 (supra, no 463) et l'article 815 du Code de procédure civile,
que ces indications sont sanctionnées par l'irrecevabilité des conclusions. La sanction est donc automatique et ne suppose pas de grief,
contrairement à une nullité pour vice de forme. La Cour de cassation a jugé que cette disposition n'était pas contraire aux exigences de
l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme : Civ. 2e, 14 octobre 2004, Bull. civ. II, no 459, Dr. et procéd. 2005, p. 92,
obs. N. FRICERO.

(2484) Art. 962 CPC.

(2485) Art. 903 CPC. Dans sa version initiale (de 2009), cet article faisait peser cette obligation sur le représentant de l'appelant, ce qui
laissait présager des difficultés, dans la perspective du remplacement des avoués par des milliers d'avocats pas toujours très à l'aise avec
les procédures d'appel. Un décret du 28 décembre 2010 a modifié l'article 903 et rétabli la règle antérieure.

(2486) Art. 5 et 15 (mod.) D. no 2009-1524 du 9 décembre 2009, art. 3 arr. 30 mars 2011 relatif à la communication par voie électronique
dans les procédures avec représentation obligatoire devant les cours d'appel.

(2487) V. anc. art. 905 CPC.

(2488) La solution s'expliquait sans doute par la brièveté du délai pour interjeter appel (un mois ou même quinze jours). En conséquence,
le plaideur faisait parfois appel à titre conservatoire, sans avoir encore examiné à fond l'affaire, ou simplement pour bénéficier de son
effet suspensif. Une fois l'appel formé, l'appelant pouvait se désintéresser de l'instance, parce qu'il réalisait que la voie de recours était
vouée à l'échec, ou tout bonnement parce qu'il n'avait jamais eu l'intention de la suivre avec diligence. L'inscription au rôle, que l'ancien
article 905 du Code de procédure civile enfermait dans un délai de deux mois, faisait ainsi office de confirmation de l'acte d'appel.

(2489) À proprement parler, c'est la signature de la requête par les avocats constitués qui forme l'acte introductif d'instance et non sa
remise. Mais, comme elle s'effectue sans participation du greffier ou d'un huissier, il faut que la remise au greffe ait lieu avant l'expiration
du délai d'appel.

(2490) Art. 760 et s. CPC. V. supra, no 603.(2491) Sur la procédure à jour fixe devant le tribunal de grande instance, v. supra, no 633.

(2492) Art. 917 CPC. V. infra, no 795 et s.(2493) Art. 930 CPC.(2494) Art. 905 CPC.

(2495) Ceci ne concerne, bien sûr, que celles des ordonnances de ce juge qui sont susceptibles d'appel immédiat (v. art. 776 1o à 4o ;
v. supra, no 620).

(2496) Y compris quand l'appel porte sur une ordonnance de référé. En ce sens : Paris, 22 avril 2005, JCP G 2005, II, 10141, note
O. SCHMITT .

(2497) Art. 562 CPC.(2498) Civ. 3e, 7 juin 1989, Bull. civ. III, no 127 ; Civ. 1re, 22 juin 1999, Bull. civ. I, no 206.

(2499) Civ. 2e, 28 janvier 1987, Bull. civ. II, no 25 ; Civ. 2e, 10 février 2000, no 98-10713, RTD civ. 2000, p. 407, obs. R. P ERROT . Dans son
arrêt du 10 février 2000, la Cour de cassation tirait des conséquences sans doute excessives de cette possibilité de limiter la dévolution
par le biais des conclusions : selon elle, l'appel immédiat d'un jugement mixte était irrecevable, dès lors que dans ses conclusions,
l'appelant limitait ses critiques aux dispositions qui, par elles-mêmes, n'auraient pas été susceptibles d'un appel immédiat (mais, contra :
Civ. 3e, 13 juin 2007, no 06-11784). C'était, à notre avis, confondre la recevabilité de l'appel, qui est une chose et l'étendue de la dévolution,
qui en est une autre. Heureusement, elle a, depuis, changé d'avis.

(2500) On ne peut donc pas se borner à viser en vrac les pièces que l'on invoque ; il faut les rattacher à chacune des prétentions à l'appui
desquelles elles sont invoquées.

(2501) Sur les conclusions qualificatives, v. supra, no 599.(2502) Sur la technique des bordereaux, v. supra, no 601.

(2503) L'article 954 s'applique indifféremment à l'appelant principal et à l'appelant incident.


(2504) Ex. : Civ. 2e, 9 mai 1985, Bull. civ. II, no 92 ; Civ. 2e, 4 novembre 1987, Bull. civ. II, no 218. Ces arrêts ont été rendus dans des
affaires où l'appelant n'avait pas conclu du tout.

(2505) Ex. : Civ. 1re, 29 juin 1982, Bull. civ. I, no 243 ; Civ. 3e, 5 juillet 1983, Bull. civ. III, no 158.

(2506) Civ. 2e, 14 avril 1988, Bull. civ. II, no 80.

(2507) Civ. 1re, 13 avril 1992, Bull. civ. I, no 117 ; Civ. 1re, 17 janvier 1995, Bull. civ. I, no 31.

(2508) Cass. Avis, 25 juin 2012, nº 01200005, JCP G 2012, 814, note Ph. GERBAY.

(2509) Civ. 2e, 30 janvier 2014, nº 12-24145, JCP G 2014, 161, note B. TRAVIER et R. GUICHARD ; Cass. Ass. plén., 5 décembre 2014,
nº 13-19674, RTD civ. 2015, p. 201, obs. N. CAYROL.

(2510) En ce sens : Ph. GERBAY préc. ; J. JUNILLON et R. LAFFLY, « La communication simultanée des pièces en appel : c’est
maintenant ! », JCP G 2012, 944, spéc. nº 13.

(2511) V. Th. LE BARS, « Les délais applicables à la procédure d'appel », in La réforme de la procédure d'appel (dir. L. CADIET et
D. LORIFERNE), actes des « Rencontres de procédure civile » du 10 décembre 2010, IRJS Éditions, 2011, p. 41.

(2512) Le délai imparti était antérieurement de quatre mois.

(2513) Jusqu'à son dessaisissement, c'est le conseiller de la mise en état qui est seul compétent pour relever d'office cette caducité.
Ensuite, ce sera la cour d'appel elle-même. V. art. 914 CPC. Précisons que ce relevé d’office n’est pas une obligation pour le juge.
Preuve en est que l’on ne peut pas fonder un pourvoi en cassation sur l’absence de relevé d’office (Civ. 2e, 17 octobre 2013, 12-21242,
Procédures 2013, nº 330, note R. P ERROT ), la caducité de l’appel ne pouvant plus, normalement, être invoquée par une partie après le
dessaisissement du conseiller de la mise en état (art. 914 CPC).

(2514) Rappelons que le délai d'appel est normalement d'un mois et qu'il court à compter de la notification du jugement entrepris (art. 528
CPC ; v. supra, no 710 et s.).

(2515) À l'appui de leur opinion, on peut relever que l'article 978 (v. infra au texte) du Code de procédure a visiblement inspiré les
auteurs de la réforme de 2009. À l'inverse, l'article 912, alinéa 2, du même code prévoit que si l'affaire nécessite de nouveaux échanges
de conclusions, le conseiller de la mise en état en fixe le calendrier. On imagine mal que les parties se bornent à échanger de simples
arguments et s'interdisent tout moyen nouveau, car ces nouvelles conclusions présenteraient alors bien peu d'intérêt.

(2516) Cass. Avis, 21 janvier 2013, nº 1300005, Procédures 2013, nº 64, note R. P ERROT .

(2517) Ces conclusions doivent déterminer « l’objet du litige » : Cass. Avis, 21 janvier 2013, nº 1300004.(2518) V. infra, no 869.

(2519) La disposition de l'article 908 du Code de procédure civile résulte du décret du 9 décembre 2009, mais l'exigence d'un délai pour
conclure existait déjà dans l'ancien article 915 qui était issu d'un décret du 20 juillet 1989. Un tel délai est critiquable. Qu'aura-t-on gagné
lorsque l'avocat aura déposé dans les trois mois de l'acte d'appel des conclusions substantiellement identiques à celles qui avaient été
déposées devant les juges du premier degré ? Par ailleurs, ce type de délai introduit une rigidité qui contredit toute l'orientation du droit
judiciaire privé depuis les années 1970, pour ce qui est du déroulement de la procédure. En effet, le Code de procédure civile a confié au
juge (ou conseiller) de la mise en état la mission de donner les impulsions nécessaires au déroulement de l'instance. Les textes de 1989 et
de 2009 apparaissent ainsi comme des mesures de défiance inutiles à l'égard de ces magistrats. L'accélération de la procédure suppose
d'abord un accroissement des moyens de la justice et une concertation permanente et approfondie entre tous les acteurs du procès.

(2520) Ses conclusions doivent contenir des moyens de fond (« déterminer l'objet du litige ») ou soulever un incident de nature à mettre
fin à l'instance : Cass. Avis, 21 janvier 2013, nº 1300004, RTD civ. 2015, p. 199, obs. N. CAYROL. Celles qui se borneraient à invoquer une
cause de suspension ou d’interruption de l’instance ou à solliciter la radiation de l’affaire ne suffiraient donc pas. Il nous paraîtrait logique
d’admettre aussi les conclusions en défense invoquant une exception de procédure telle que la nullité de l’acte d’appel ou l’incompétence
de la juridiction.

(2521) Modifié par un décret du 28 décembre 2010, l'article 909 CPC précise désormais que les conclusions de l'appelant dont la
notification fait courir le délai de deux mois ouvert à l'intimé pour conclure sont celles prévues à l'article 908. Bref, l'intimé doit conclure
dans les deux mois de la notification des conclusions initiales de l'appelant. Mais, une fois qu'il l'a fait, il n'est plus tenu par un tel délai
réglementaire, s'il entend répondre à des conclusions additionnelles de son adversaire.
(2522) Sur les notions d'appels incident et provoqué, v. supra, no 752.(2523) Sur la notion d'intervention forcée, v. supra, no 120 et s.

(2524) Cass. Ass. plén., 5 décembre 2014, nº 13-27501, Procédures 2015, nº 29, note (crit.) H. CROZE.

(2525) Il n'est pas beaucoup plus difficile de signifier un document à une partie que de le notifier à un avocat. La raison d'être de ce délai
supplémentaire réside ailleurs. Il se peut qu'un intimé constitue avocat dans le délai dont dispose son adversaire pour déposer et notifier
ses conclusions. La notification sera alors adressée à son avocat. Mais si le délai s'achève sans constitution d'avocat, il faut bien en
arriver à signifier les conclusions à la partie elle-même (si ce n’est déjà fait) et l'on a besoin, pour cela, d'un délai supplémentaire.

(2526) Assez logiquement, la Cour de cassation précise qu'un intimé « n'est pas tenu de signifier ses conclusions à un co-intimé défaillant
à l'encontre duquel il ne formule aucune prétention, sauf en cas d'indivisibilité entre les parties, ou lorsqu'il sollicite confirmation du
jugement contenant des dispositions qui lui profitent et qui nuisent au co-intimé défaillant » : Cass. Avis, 2 avril 2012, no 01200003P, sur
lequel, v. Ph. GERBAY et C. GERBAY, « Les contours du décret Magendie (suite...) », JCP G 2012, no 472, Dr. et procéd. 2012, p. 176,
obs. E. Putman.

(2527) Civ. 2e, 10 avril 2014, nº 13-11134.(2528) Civ. 2e, 10 avril 2014, nº 12-29333.

(2529) Cass. Avis, 2 avril 2012, no 01200003P préc. : « le conseiller de la mise en état doit d'office prononcer l'irrecevabilité des
conclusions ; en cas d'indivisibilité entre les parties, celles-ci peuvent soulever l'irrecevabilité ».

(2530) Cass. Avis, 3 juin 2013, nº 15011, JCP G 2013, 758, obs. Ph. GERBAY. Sur le circuit court en appel (art. 905 CPC), v. supra,
nº 782.

(2531) L'article 911-2 CPC énumère la liste de ces collectivités territoriales, sur le modèle de l'article 1023 qui constitue son équivalent
dans la procédure du pourvoi en cassation (v. infra, no 869).

(2532) La Nouvelle-Calédonie et la Polynésie ayant leurs propres règles de procédure, il n'appartient pas à notre Code de procédure
civile de fixer d'éventuels allongements de délais devant leurs juridictions.

(2533) Ex. : le moment où la décision d'admission ou de rejet de la demande d'A. J. est devenue définitive, la date de désignation d'un
auxiliaire de justice, en cas d'admission, si elle fait suite à celle-ci...

(2534) V. supra, no 787.

(2535) Art. 912 CPC. Ceci rappelle le dépôt des dossiers au greffe du tribunal de grande instance, à la demande du juge de la mise en
état ou lorsqu'il est prévu qu'il n'y aura pas de plaidoirie (v. art. 779 CPC, supra, no 477 et no 631). Devant la cour d'appel, ce dépôt des
dossiers est cependant le principe et non l'exception.

(2536) V. supra, no 547.(2537) Sur les pouvoirs de contrôle et les pouvoirs juridictionnels du juge de la mise en état, v. supra, no 606 et s.

(2538) Cass. Avis, 2 avril 2007, no 07-00.007, RTD civ. 2007, p. 639, obs. R. P ERROT , Dr. et procéd. 2007, p. 270, obs. O. SALATI ; Civ. 2e,
18 décembre 2008, no 07-17299, Procédures 2009, no 103, note R. P ERROT .

(2539) R. P ERROT , RTD civ. 2007, p. 640.

(2540) Sur le régime particulier de l'irrecevabilité de l'appel en l'absence d'acquittement du droit affecté au fonds d'indemnisation de la
profession d'avoué, v. art. 963 et 964 CPC.

(2541) Y compris s'il s'agit d'un appel restauré (supra, no 735 et s.) fondé sur un excès de pouvoir du premier juge : Com., 14 mai 2008,
no 07-11036, Procédures 2008, no 225, note R. P ERROT .

(2542) Sur les articles 909 et 910, v. supra, no 787. L'article 911-1 CPC précise que le conseiller de la mise en état qui prononce la
caducité de la déclaration d'appel en application des articles 902 et 908 ou l'irrecevabilité des conclusions en application des articles 909
et 910 statue après avoir sollicité les observations écrites des parties.

(2543) Ainsi, le juge peut relever d’office la fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt, du défaut de qualité ou de la chose jugée et il
doit relever d’office celles qui sont d’ordre public, telles que celle tirée de l’écoulement des délais de recours (art. 125 CPC).

(2544) V. Civ. 2e, 16 octobre 2014, nº 13-24575.


(2545) Dans le cas contraire, c'est le premier président qui est compétent sur ces points : art. 957 CPC.

(2546) Si le jugement a été improprement qualifié de jugement en dernier ressort, son bénéficiaire peut le croire exécutoire et donc le
mettre à exécution, quand bien même un appel suspensif serait ouvert. C'est pour s'opposer à cette exécution, que le Code de procédure
civile confie au conseiller de la mise en état le pouvoir de la suspendre.

(2547) Il s'agit principalement du pouvoir d'accorder l'exécution provisoire visé aux articles 525 et s. L'aménagement de l'exécution
provisoire régie par les articles 517 à 522 relève de la compétence du seul premier président (v. art. 523 CPC), sauf en matière
d'exécution provisoire d'une sentence arbitrale, où le conseiller de la mise en état, à partir du moment où il est saisi, a même le pouvoir
d'arrêter l'exécution provisoire (v. art. 1497 CPC).

(2548) V. supra, no 618.

(2549) V., toutefois, Civ. 1re, 4 octobre 2005, no 04-12735, Procédures 2006, no 1 p. 13, note R. P ERROT . De manière très surprenante, la
Cour, dans cet arrêt, décide que le déféré étant le seul recours ouvert contre une ordonnance du conseiller de la mise en état, la décision
de celui-ci statuant sur des mesures provisoires en matière de divorce (une pension alimentaire), ne peut pas, en dehors de ce recours,
être remise en cause devant la formation collégiale de la cour. Ceci revient à accorder une autorité de chose jugée à la décision du
conseiller, en contradiction avec l'article 775 du Code de procédure civile.

(2550) Y compris quand elles ne mettent pas fin à l’instance. Ex : à popos d’une ordonnance déclarant l’appel recevable, Civ. 1ère,
10 avril 2013, nº 12-14939.

(2551) Pour une présentation de l’évolution des règles sur ce point, v. R. P ERROT , « Conseiller de la mise en état, chose jugée et déféré »,
Procédures 2013, étude nº 8.

(2552) V. supra, no 620.

(2553) En ce sens : Cass. Avis, 2 avril 2007, no 07-00.006, RTD civ. 2007, p. 641, obs. R. P ERROT , Dr. et procéd. 2007, p. 270, obs.
O. SALATI ; Civ. 2e, 19 novembre 2008, no 07-12523, Procédures 2009, no 1, note R. P ERROT .

(2554) Sur lesquels, v. supra, no 787.

(2555) C'est là une différence de plus avec le régime de l'article 776 CPC applicable aux ordonnances rendues en première instance par
le juge de la mise en état.

(2556) Civ. 2e, 21 janvier 1998, Bull. civ. II, no 23.

(2557) Civ. 2e, 10 septembre 2009, no 08-14004, Dr. et procéd. 2010, p. 17, obs. M. DOUCHY-OUDOT , Procédures 2009, no 364, note
N. FRICERO. Le contraire avait autrefois été jugé : Civ. 1re, 3 mars 1992, Bull. civ. I, no 73.

(2558) Compte tenu de la nature des décisions susceptibles d'être déférées à la cour d'appel et du fait que le recours devant la formation
collégiale de la cour ne crée pas une nouvelle instance, seuls sont susceptibles d'un pourvoi immédiat les arrêts qui constatent l'extinction
de l'instance ou ont pour effet de l'éteindre. V. art. 606 et s. CPC.

(2559) Civ. 2e, 13 mai 2015, nº 14-13801.

(2560) Sur les pouvoirs du premier président en matière d'exécution provisoire, v. supra, no 540 et s.

(2561) Le texte actuel de l'article 956 du Code de procédure civile résulte du décret no 76-1236 du 28 décembre 1976. Dans sa rédaction
antérieure, l'article 856 disposait qu'une demande ne pouvait être présentée au premier président qu'au cours de l'instance d'appel et la
Cour de cassation en avait déduit que ses pouvoirs ne commençaient qu'à la date de la saisine de la cour d'appel (Civ. 2e, 29 avril 1976,
Bull. civ. II, no 139, RTD civ. 1976, p. 633, obs. R. P ERROT ). Cette solution ne semble pas pouvoir être maintenue aujourd'hui.
L'expression « en cas d'appel » signifie que le premier président peut être sollicité dès qu'un appel est formé.

(2562) Art. 771 CPC (par renvoi de l'article 907).


(2563) Il est parfois soutenu que le premier président ne peut ordonner le versement d'une provision parce que l'article 956 ne reproduit
que les dispositions de l'article 808 du Code de procédure civile, mais non celles de l'article 809, alinéa 2. L'argument n'est pas très
convaincant. D'une part, comme l'article 956, l'article 808 permet au juge des référés d'ordonner « toutes les mesures », ce qui comprend
l'octroi d'une provision, l'apport de l'article 809, alinéa 2, par rapport à l'article 808 n'étant pas de permettre au juge d'ordonner une
provision, mais de le faire en l'absence d'urgence (sur cette question, qui est celle de l'autonomie des référés, v. supra, no 415). D'autre
part, on ne voit pas pourquoi le premier président se verrait refuser un pouvoir que l'article 771 reconnaît au conseiller de la mise en état.

(2564) La Cour de cassation a autrefois admis cette solution en matière de garde d'enfant ; Civ. 2e, 11 décembre 1974, Bull. civ. II,
no 330.

(2565) L'urgence s'apprécie en principe comme au premier degré, sous cette réserve qu'il sera difficile de tenir pour urgente une mesure
qui aurait pu être demandée au juge du premier degré.

(2566) Sur cette distinction, v. supra, no 409.

(2567) Comp. : art. 956 CPC, sur le référé, qui précise « en cas d'appel ». V. supra, les développements qui précèdent.

(2568) Sur ce point, v. supra, no 613.

(2569) Ainsi, lorsque la cour d'appel est saisie d'une demande de paiement de loyers, c'est le juge de première instance qui est compétent
pour désigner un huissier de justice aux fins de vérification de la réalité de l'occupation du local. En effet, cette mesure n'a pas trait au
litige dont la cour d'appel est saisie : la prétention qu'elle est susceptible de justifier n'a pas encore été portée devant la cour. V. Civ. 2e,
6 mai 1999, Bull. civ. II, no 84.

(2570) V. supra, no 784.(2571) V. art. L. 213-6 COJ.

(2572) Ex. : L. CADIET et E. JEULAND, Droit judiciaire privé, LexisNexis, 8e éd., 2013, no 987.

(2573) R. P ERROT , obs. à la RTD civ. 1975, p. 374.

(2574) Civ. 2e, 26 novembre 1990, Bull. civ. II, no 248. À rappr. : Civ. 2e, 25 octobre 1995, Bull. civ. II, no 261 ; Civ. 3e, 15 mai 2002,
Procédures 2002, no 134, note R. P ERROT . À noter, toutefois, que l'article 918 CPC visant « les conclusions sur le fond », la Cour de
cassation autorise l'appelant à soulever en tout état de cause une fin de non-recevoir à l'encontre de son adversaire : v. Civ. 2e, 26 juin
1996, Bull. civ. II, no 185.

(2575) De manière contestable, la Cour de cassation voit actuellement dans cette autorisation une mesure d'administration judiciaire, ce
qui la fait échapper à tout recours : Civ. 2e, 25 février 2010, no 09-10403. V. supra, no 634.

(2576) On remarquera que l'acte d'appel est indépendant de la régularité de l'autorisation donnée par le premier président. À supposer
donc qu'une demande en rétractation de l'ordonnance soit formée et accueillie (ce à quoi s'oppose la deuxième chambre cicile de la Cour
de cassation : Civ. 2e, 25 février 2010, no 09-10403 préc. en note), elle ne peut avoir pour résultat que de faire obstacle à la procédure à
jour fixe, mais non d'entraîner la nullité de l'acte d'appel lui-même ; la voie de recours a été régulièrement formée. V. Civ. 1re, 23 février
1983, Bull. civ. I, no 74, RTD civ. 1983, p. 599, obs. R. P ERROT .

(2577) Comp. art. 930-1, al. 2 (procédure ordinaire) et 919 CPC (procédure à jour fixe).

(2578) Les exemplaires de la déclaration destinés aux intimés ont été conservés par le greffier qui devait les adresser lui-même.

(2579) Art. 924 CPC. Ce texte n'indique pas ce que doit faire l'intimé à la suite de l'autorisation qui lui a été accordée. Il faut sans doute
admettre qu'il doit, lui aussi, assigner les autres parties à l'instance d'appel et saisir la cour avant la date fixée pour l'audience.

(2580) On regrettera seulement que le texte reste muet sur les suites procédurales de l'autorisation de recourir à la procédure à jour fixe.
Il faut tenir compte de l'état d'avancement de la procédure ordinaire. Par exemple, si la cour a déjà été saisie et si toutes les parties ont
constitué avocat, la décision se réduira à l'indication de la date où l'affaire sera débattue et elle sera simplement portée à la connaissance
des avocats des parties.

(2581) Ce terme ne doit pas être pris au pied de la lettre, car c'est par une assignation en référé que le premier président est saisi d'une
demande d'arrêt de l'exécution provisoire.

(2582) Civ. 3e, 3 novembre 2011, no 10-20297, Gaz. Pal. 2012, no spéc. 62-63, p. 43, note M. FOULON et Y. STRICKLER.
(2583) La règle ne s'applique évidemment pas lorsque la cour a déjà été saisie avant que la procédure ne devienne à jour fixe.

(2584) Art. 922 CPC.

(2585) Art. 921 CPC. La règle de l'article 921 constitue une dérogation justifiée aux dispositions de l'article 954 du Code de procédure
civile ; dans la procédure ordinaire, l'intimé qui ne conclut pas ne conserve que le bénéfice des moyens de première instance repris dans
le jugement. L'article 921 n'opère pas la même distinction. Il faut donc en conclure qu'il garde le bénéfice de tous ses moyens présentés
devant le juge du premier degré.

(2586) Art. 923 CPC.

(2587) L'article 925 du Code de procédure civile prévoit même qu'en cas de nécessité, le président de la chambre peut renvoyer l'affaire
devant le conseiller de la mise en état ; la complexité de l'affaire a fait échouer la procédure à jour fixe. La suite de l'instance d'appel va
se dérouler selon les règles de la procédure ordinaire.

(2588) Sur le défaut, v. infra, no 1164 et s.

(2589) Art. R. 1461-2 C. trav. Sur cette règle, v. K. SALHI, « Les spécificités de l'appel en matière prud'homale », Procès du travail,
travail du procès, dir. M. Keller, LGDJ, 2008, spéc. p. 374 et s.

(2590) Art. 892 CPC.(2591) V. aussi l'article R. 331-9-3 C. consom., en matière de surendettement.(2592) Art. R. 1453-1 C. trav.

(2593) Soc., 26 juin 1986, Bull. civ. V, no 342 ; Soc., 22 janvier 1998, no 95‑42719, RTD civ. 1998, p. 474, obs. R. P ERROT . La solution
peut certes se recommander de la lettre de l'article 931 du Code de procédure civile, mais elle n'est plus vraiment justifiée en appel ; la
comparution personnelle répond au souci de concilier les parties, ce qui ne peut guère s'envisager qu'au début du procès. En outre, elle
est inopportune en raison des distances qui peuvent rendre plus difficile la comparution personnelle des parties. On peut toutefois noter
que les deux arrêts cités font preuve de libéralisme en déduisant pratiquement le motif légitime de ce que la cour d'appel a accepté qu'un
avocat représente une partie, ce qui, en toute logique, est un peu surprenant.

(2594) V. supra, no 641.(2595) Civ. 2e, 9 mai 1985, Bull. civ. II, no 94 ; 22 octobre 1997, Bull. civ. II, no 248.

(2596) Dans certaines procédures particulières, on trouve cependant encore des textes prévoyant que l’appel est formé au greffe de la
juridiction de première instance. V., ainsi, en matière de protection des personnes vulnérables, l’article 1242 du Code de procédure civile.

(2597) Il a été admis que l’appel était aussi formé valablement par le dépôt de la déclaration horodatée dans la case du courrier du greffe
(Soc. 28 février 2012, nº 10-23151, Dr. et procéd. 2012, p. 174, obs. D. BOULMIER). Ce serait une façon comme une autre de « faire » la
déclaration au greffe.

(2598) La Cour de cassation a cependant admis que l'appel soit formé par lettre simple, aux motifs que « la lettre recommandée n'est
destinée qu'à régler une contestation sur la date du recours » : v. not. Civ. 2e, 11 juillet 2013, nº 12-23091, Famille 2013, nº 143, note
I. MARIA. En revanche, elle n'accepte pas que l'on procède à la déclaration d'appel par téléphone (Soc., 8 juillet 1992, Bull. civ. V,
no 457), ni par télécopie (Civ. 3e, 19 juin 1996, Bull. civ. III, no 148 ; Civ. 2e, 28 février 2006, no 04-15406, Procédures 2006, no 94, note
R. P ERROT ; 6 mai 2010, no 09-66523).

(2599) Ce mandataire peut être différent de celui qui assistera ou représentera la partie devant la cour. Il peut même s'agir d'une
personne non habilitée à assister ou à représenter la partie en appel. Le texte de l'article 932 du Code de procédure civile vise « tout
mandataire ».

(2600) Soc., 20 octobre 1988, Bull. civ. V, no 549 ; Soc., 27 mai 1999, Bull. civ. V, no 244 ; Civ. 2e, 5 avril 2001, Bull. civ. II, no 71.

(2601) V. art. 1er Arr. du 5 mai 2010. Sur ce mode de communication, v. supra, no 189.

(2602) C'est l'application pure et simple des articles 668 et 669 du Code de procédure civile. Il n'y a lieu de rappeler cette règle qu'en
raison de la rédaction de l'article 934 aux termes duquel « le secrétaire enregistre l'appel à sa date ». En réalité, ce texte n'a pas pour
objet de déterminer la date de l'appel. Il signifie seulement que l'appel doit être enregistré sur les registres de la cour (naguère du tribunal)
à la date où le pli est reçu. En ce sens, Civ. 2e, 5 octobre 1983 (2 arrêts), Bull. civ. II, no 157 et 158, RTD civ. 1984, p. 568, obs.
R. P ERROT ; Soc., 14 mai 1992, Bull. civ. V, no 311 ; Civ. 3e, 9 décembre 1998, Bull. civ. III, no 240 ; Civ. 1ère, 12 octobre 2011, nº 10-
24469.

(2603) Il s'agit donc, notamment, des noms et domiciles de l'appelant et des intimés. V. supra, no 458.(2604) V. supra, no 777.
(2605) Art. 934 CPC.(2606) Art. 936 CPC.(2607) Soc., 14 juin 1989, Bull. civ. V, no 453.

(2608) V. Soc., 8 novembre 1994, Bull. civ. V, no 297.

(2609) Civ. 2e, 30 avril 2002, Bull. civ. II, no 82, Procédures 2002, no 138, note R. P ERROT , RTD civ. 2002, p. 560, obs. R. P ERROT , D.
2002, J, p. 1866, concl. R. KESSOUS, JCP G 2002, II, 10129, note H. CROZE.

(2610) Art. 937 CPC, qui ajoute que « la convocation vaut citation ». L'article 938 du Code de procédure civile dispose en outre que, « s'il
y a lieu de convoquer à nouveau une partie qui n'a pas été jointe par la première convocation, il peut être ordonné (par le président de la
chambre) que la nouvelle convocation sera faite par acte d'huissier de justice ».

(2611) Art. 947 CPC.

(2612) V., sur ce point, P. ESTOUP, « La procédure devant les chambres sociales des cours d'appel », D. 1985, chr. 115.

(2613) Art. 939 CPC.

(2614) Dans un domaine très particulier, il lui revient (à l'instar du juge ou du conseiller de la mise en état) de statuer sur la transmission
d'une question prioritaire de constitutionnalité (sur laquelle, v. infra, no 1005) à la Cour de cassation (art. 126-3 CPC).

(2615) Art. 939 CPC. V. supra, no 642.(2616) Art. 941 et 940 CPC.(2617) Art. 446-3 auquel renvoie l'article 940 CPC.

(2618) Art. 946 CPC qui renvoie à l'article 446-1.

(2619) Ce pouvoir général d'ordonner la production des pièces détenues par une partie est énoncé par l'article 446-3 auquel renvoie
l'article 940 CPC.

(2620) Art. 943 CPC.

(2621) Aucun texte ne dit que le conseiller chargé d'instruire l'affaire peut statuer sur les dépens. Cependant, il paraît difficile de lui
reconnaître compétence pour constater l'extinction de l'instance et de lui refuser compétence pour statuer sur les dépens dans cette
hypothèse.

(2622) Comp. art. 771 CPC.(2623) Comp. art. 914 CPC.(2624) Comp. art. 525, 525-1 et 915 CPC.

(2625) Lorsque les parties sont représentées par un avocat postulant et assistées par un autre avocat, c'est ce dernier qui est habilité à
s'y opposer. La solution a été affirmée (à propos d'un avoué et d'un avocat) dans une affaire où c'est le conseiller rapporteur qui était
chargé de tenir seul l'audience, par application de l'article 910 du Code de procédure civile qui, dans sa rédaction de l'époque, renvoyait à
l'article 786 applicable devant le tribunal de grande instance. On ne voit pas de raison de ne pas la transposer à l'hypothèse de
l'article 945-1. Elle repose sur le fait que la plaidoirie relève de la fonction d'assistance. V. Civ. 3e, 12 décembre 2001, Bull. civ. III,
no 150, Procédures 2002, no 24, obs. R. P ERROT , JCP G 2002, I, 132, no 27, obs. L. CADIET .

(2626) À défaut d'indication contraire, il faut décider que la demande peut être présentée sans forme.

(2627) La voie de recours est régie par les articles 604 à 639 du Code de procédure civile et la procédure par les articles 973 à 1037.

(2628) À vrai dire, le Code de procédure civile contribue pour une part à créer cette image déformée du pourvoi en cassation en classant
les voies de recours en voies ordinaires et extraordinaires et en plaçant le pourvoi en cassation au dernier rang des voies de recours
extraordinaires. Il se trouve ainsi éloigné au maximum de l'appel, alors qu'il devrait être placé juste à sa suite.

(2629) Art. 564 et s. CPC, sur lesquels v. supra, no 760 et s.(2630) Art. 954 CPC.(2631) V. supra, no 784.

(2632) Cette impression se trouve renforcée par la formule qu'utilisent les arrêts de cassation, aux termes de laquelle la Cour « remet
(...) la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt ».

(2633) Sur le défaut de réponse à conclusions, v. infra, no 823.

(2634) Exceptionnellement, il arrive cependant que la Cour de cassation casse un arrêt ou un jugement par lequel les juges du fond n'ont
pas répondu à un moyen de pur droit développé par une partie. Ex. : Civ. 1re, 13 janvier 1987, Bull. civ. I, no 8. Pour d'autres exemples,
v. Th. LE BARS, Le défaut de base légale en droit judiciaire privé, thèse, LGDJ, 1997, no 289 et s.
(2635) V. les exemples donnés par E. P RIEUR, La substitution de motifs par la Cour de cassation, Economica, 1986, spéc., no 38 et s.

(2636) Civ. 1re, 10 mars 1987, Bull. civ. I, no 90.

(2637) À la réflexion, la formule selon laquelle la Cour de cassation casse et annule la décision qui lui est déférée ne présente aucune
spécificité par rapport à la formule utilisée par les cours d'appel selon laquelle la cour infirme le jugement entrepris. D'ailleurs, il a déjà
été dit qu'autrefois les parlements (qui étaient des juges du fond) énonçaient qu'ils mettaient l'appellation et ce dont est appel à néant, ce
qui est strictement synonyme de casser et d'annuler, et chacun sait que les cours d'appel continuaient d'utiliser ce vocabulaire au
e
XIX siècle. Ce qui fait l'originalité de l'arrêt de cassation, c'est qu'après avoir mis à néant l'arrêt attaqué, le plus souvent il renvoie l'affaire
devant un autre juge du fond, alors que la cour d'appel statue à nouveau. Lorsque à son tour, la Cour de cassation statue à nouveau, elle
agit exactement comme une cour d'appel.

(2638) Art. L. 411-3 COJ.

(2639) Dans le même sens et pour une analyse critique de la cassation sans renvoi, v. F. LUXEMBOURG, « La Cour de cassation, juge du
fond », D. 2006, p. 2358.

(2640) Dans le même sens, v. L. BORÉ et J. DE SALVE DE BRUNETON, « Quelques idées sur le pourvoi en cassation », D. 2005, p. 180.

(2641) Il serait donc inexact de déduire de ce qui vient être écrit au texte que la Cour de cassation constitue un troisième degré de
juridiction. À vrai dire, avec un minimum de goût pour le paradoxe, on pourrait même se demander si, au sens strict, la cour d'appel
constitue un second degré de juridiction. S'il est vrai que l'affaire se trouve dévolue en fait et en droit aux juges d'appel, les parties ne
disposent pas en appel des mêmes possibilités que devant les juges du premier degré. En particulier, les demandes nouvelles y sont en
principe interdites. En d'autres termes, les règles de l'instance d'appel ne reproduisent pas celles de l'instance au premier degré. Mais ce
n'est sans doute là qu'une question de mots...

(2642) Pour une illustration supplémentaire de ce que la Cour de cassation est juge de l'affaire, v., sur la question de l'incompétence
relevée d'office, infra, no 1028.

(2643) On notera cependant que l'article 611 du Code de procédure civile dispose qu'en matière contentieuse, « le pourvoi est recevable
même lorsqu'une condamnation a été prononcée au profit ou à l'encontre d'une personne qui n'était pas partie à l'instance ». Ce texte vise
notamment la situation suivante : la victime d'un accident forme en première instance une demande en réparation contre deux
responsables éventuels. Le tribunal met l'un hors de cause et condamne l'autre. Le défendeur condamné fait appel et la victime omet de
former un appel provoqué contre le défendeur mis hors de cause. La cour d'appel infirme le jugement en ce qu'il a retenu la
responsabilité de l'appelant et, malgré l'absence d'appel incident, condamne l'autre responsable possible. L'article 611 permet à ce dernier
de se pourvoir en cassation.

(2644) L'article 609 du Code de procédure civile précise, à ce propos, que « toute partie qui y a intérêt est recevable à se pourvoir en
cassation même si la disposition qui lui est défavorable ne profite pas à son adversaire ». Pour l'essentiel, ce texte vise l'hypothèse où une
partie a été condamnée à une amende civile par la décision attaquée. Cette condamnation ne profite évidemment pas à son adversaire.
C'est néanmoins contre lui que le pourvoi doit être formé et non contre un représentant de l'État, qui en est le bénéficiaire, mais qui n'a
pas été partie à l'instance devant les juges du fond et qui n'a d'ailleurs pas demandé cette condamnation. Pour une illustration, v. Civ. 2e,
16 mars 2000, JCP 2000, II, no 10358, note A. P ERDRIAU. La note de M. Perdriau met bien en lumière les conséquences choquantes de
l'article 609. En particulier, le défendeur au pourvoi peut être amené à engager des frais de représentation, alors même que l'amende
civile à laquelle a été condamné son adversaire ne le concerne en rien.

(2645) V. supra, no 731.

(2646) On verra par exemple qu'un recours en révision ne peut pas être formé contre une décision qui peut encore être frappée d'appel
(infra, no 942). L'effet dévolutif de l'appel permet en effet de soumettre à la cour les faits qui justifieraient l'ouverture de la voie de
recours exceptionnelle qu'est le recours en révision. De même, il a déjà été indiqué (supra, no 389) que l'appel permet de réparer les
vices mineurs, tels que l'erreur ou l'omission matérielle, pour lesquels les articles 461 et suivants du Code de procédure civile ont créé des
voies de droit particulières.

(2647) Sur le principe que la Cour de cassation ne connaît pas des faits du litige (et des exceptions qui lui sont apportées), v. infra,
no 821.
(2648) En particulier, la frontière séparant le pourvoi en cassation de la requête civile manquait de netteté (R. MOREL, Traité élémentaire
de procédure civile, 2e éd., Paris, 1949, no 645), au point qu'il existait un nombre assez important de causes communes d'ouverture aux
deux voies de recours (sur lesquelles, v. P LASSARD, Des ouvertures communes à cassation et à requête civile, thèse Toulouse, 1924).

(2649) Nous utilisons cette expression générale en pensant à l'action en rectification d'erreur ou d'omission matérielles et à l'action en
omission de statuer, que l'on présente habituellement comme des recours, mais qui n'en sont pas (v. supra, no 383 et no 385).

(2650) Art. 601 CPC.(2651) V. supra, no 385.

(2652) On peut même imaginer que le même chef de décision donne lieu à deux recours différents. Par exemple, la cour d'appel rend
une décision dont on peut prétendre qu'elle a été surprise par la fraude et dont on soutient qu'indépendamment même de la fraude, elle
constitue une violation de la loi. V. Civ. 3e, 22 février 1977, Bull. civ. III, no 89, D. 1977, I.R. 262, obs. P. JULIEN ; Soc., 26 septembre
1989, Bull. civ. V, no 543.

(2653) Décret nº 2014-1338 du 6 novembre 2014, art. 8.(2654) V. cet ouvrage, 5e éd., 2012, nº 812.

(2655) Le pourvoi de la partie comparante était irrecevable, s'il était engagé avant écoulement du délai d'opposition dont disposait son
adversaire. En ce sens, v. not. Civ. 2e, 7 novembre 1984, Bull. civ. II, no 159 ; Soc., 20 mai 2008, JCP G 2008, II, no 10162, note (crit.)
L. BORÉ.

(2656) Ex : art. 607-1 CPC : « Peut (...) être frappé de pourvoi en cassation l'arrêt par lequel la cour d'appel se prononce sur la
compétence sans statuer sur le fond du litige ».

(2657) Art. 608 CPC.

(2658) Civ. 3e, 9 décembre 1986, Bull. civ. III, no 173, RTD civ. 1987, p. 601, obs. R. P ERROT , Civ. 3e, 4 novembre 1987, Bull. civ. III,
no 179, D. 1988, somm. 123, obs. P. JULIEN, RTD civ. 1988, p. 189, obs. R. P ERROT .

(2659) Civ. 3e, 13 mars 1996, Bull. civ. III, no 67.

(2660) V. Civ. 2e, 11 juin 1986, Bull. civ. II, no 89, RTD civ. 1987, p. 601, obs. R. P ERROT ; Civ. 2e, 7 octobre 1987 (trois arrêts),
Bull. civ. II, no 185, 186 et 187, RTD civ. 1988, p. 189, obs. R. P ERROT ; Soc., 17 mars 1988, Bull. civ. V, no 192 ; Com., 20 juin 1989,
Bull. civ. IV, no 192.

(2661) Civ. 2e, 16 novembre 1994, Bull. civ. II, no 230.

(2662) Cass. Ass. plén., 2 novembre 1990, Bull. Ass. plén., no 11, JCP 1991.II.21631, concl. MONNET , note P. ESTOUP, RTD civ. 1991,
p. 169, obs. R. P ERROT .

(2663) En ce sens : R. P ERROT , RTD civ. 1996, p. 479.

(2664) Cass. Ass. plén., 5 décembre 1997, Bull. Ass. plén., no 11, RTD civ. 1998, p. 479, obs. R. P ERROT , JCP G 1998, II, 10006, concl.
J. F. WEBER.

(2665) Ex. : Civ. 3e, 27 mars 1996, Bull. civ. III, no 86 ; Soc., 11 mars 2003, no 01-13585 ; Com., 5 février 2008, no 07-14794, RTD civ.
2008, p. 352, obs. R. P ERROT , Procédures 2008, no 116, note B. ROLLAND ; Civ. 2e, 30 mai 2002, no 00-20638 ; Civ. 2e, 23 juin 2005,
Bull. civ. II, no 170, RTD civ. 2005, p. 635, obs. R. P ERROT . Dans cet arrêt de 2005, la Cour ne parle pas d'instance « autonome », mais
d'instance « incidente et indépendante de la procédure principale », ce qui revient au même.

(2666) Ex. : Civ. 2e, 14 septembre 2006, no 05-04024, Procédures 2007, no 18, note H. CROZE.

(2667) Sur cette discussion, v. R. P ERROT , obs. à la RTD civ. 1987, p. 601.(2668) V. art. 544, al. 2 CPC.(2669) Civ. 2e, 11 juin 1986, préc.

(2670) Civ. 2e, 17 juin 1987, Bull. civ. II, no 130.

(2671) Sur l'ouverture d'une voie de recours, en raison d'un excès de pouvoir, v. supra, no 737.

(2672) Cass. Ass. plén., 5 décembre 1997, préc., Bull. Ass. plén., no 11.
(2673) Pour une application manifestement indéfendable de la conception large de l'instance, v. Civ. 1re, 23 juin 1998 (1er arrêt), D. 1999,
J, p. 231, note J. MAROTTE. En l'espèce, la Cour de cassation décide que le juge statuant sur une demande de vérification d'une créance
dans le cadre d'une procédure de surendettement, à la demande de la commission, ne met pas fin à l'instance, ce qui rend irrecevable un
pourvoi en cassation. Ainsi que le relève l'annotateur, on se demande quelle instance subsiste encore, une fois la vérification effectuée :
rappelons que nombre de procédures de surendettement aboutissent à un plan conventionnel de redressement qui échappe au juge et qui
est élaboré sous l'égide d'une commission de surendettement, laquelle n'est pas une juridiction !

(2674) V. supra, section I.(2675) V. supra, no 760.

(2676) Les articles 628 et 629 du Code de procédure civile apportent deux exceptions très limitées à cette règle. Aux termes du premier
de ces textes, « le demandeur en cassation qui succombe (...) ou dont le pourvoi n'est pas admis peut, en cas de recours jugé abusif, être
condamné à une amende civile dont le montant ne peut excéder 3 000 euros et, dans les mêmes limites, au paiement d'une indemnité
envers le défendeur », ce qui suppose que le défendeur en ait sollicité le bénéfice. Le montant plafonné de l'indemnité qui peut être
allouée au défendeur ne résulte pas d'une initiative des rédacteurs du Code de procédure civile. Cette solution insolite est due à un arrêt
d'Assemblée du Conseil d'État (que nous nous garderons bien d'essayer d'expliquer), qui a décidé que « l'indemnité que le juge de
cassation peut allouer au défendeur ne constitue pas des dommages et intérêts destinés à réparer l'intégralité d'un préjudice causé par
l'introduction d'un recours abusif et ne ressortit donc pas aux règles de la responsabilité civile ». Selon le Conseil d'État, l'indemnité a pour
but « de dissuader les auteurs de pourvois téméraires portant atteinte de façon inconsidérée à l'autorité de la chose jugée » et, de ce fait,
revêt « le caractère de mesure de procédure civile ». C'est pourquoi elle doit être « fixée ou limitée dans son montant par le règlement
qui l'institue ». V. CE, 5 juillet 1985, Gaz. Pal. 1985. 742, note S. GUINCHARD et T. MOUSSA, JCP 1985.II.20478, concl. P.-A. JEANNENEY,
RTD civ. 1986, p. 169, obs J. NORMAND. De son côté, l'article 629 réserve la possibilité pour une partie de bénéficier des dispositions de
l'article 700 du Code de procédure civile et prévoit que la Cour de cassation peut laisser tout ou partie des dépens à la charge d'une partie
autre que celle qui succombe.

(2677) Sous réserve cependant du cas particulier régi par l'article 611 du Code de procédure civile, sur lequel v. supra, no 813, en note.

(2678) Sur ces groupements, v. supra, no 76 et s. La Cour de cassation a également déclaré recevable l'intervention volontaire du
directeur général des impôts aux côtés d'un trésorier principal (Com., 22 mai 1978, Bull. civ. IV, no 142, D. 1978, I.R. 497, obs P. JULIEN)
ou de la chambre Nationale des Huissiers de Justice lorsque la décision de la Cour de cassation concerne un intérêt dont cet organisme a
la garde (Com., 20 octobre 1998, Bull. civ. IV, no 252).

(2679) CEDH, 21 mars 2000, « Dulaurans c/France », JCP G 2000, II, no 10344, note A. P ERDRIAU.

(2680) CEDH, 29 août 2000, « Jahnke et Lenoble c/France », JCP G 2000, II, no 10435, note A. P ERDRIAU.

(2681) Sur l'office du juge, tel qu'il résulte de l'article 12 du Code de procédure civile, v. supra, no 285.

(2682) Ex. : Soc., 4 avril 1979, Bull. civ. V, no 312 ; Civ. 1re, 24 janvier 1995, Bull. civ. I, no 50 ; Civ. 2e, 5 juillet 2000, Bull. civ. II,
no 110 ; Civ. 3e, 11 mai 2006, Bull. civ. III, no 121. V. G. BOLARD, « Le moyen contraire aux précédentes écritures », Mélanges J. Buffet,
éd. Petites Affiches, 2004, p. 51 et s.

(2683) Ex. : Com., 27 octobre 1998, no 97-19983 ; Civ. 2e, 23 octobre 2008, no 07-17943.(2684) Sur laquelle, v. supra, no 293.

(2685) On souscrira cependant aux réserves émises par un auteur à propos d'une tendance de la chambre sociale de la Cour de
cassation à appliquer cette jurisprudence dans des cas où il conviendrait plutôt d'appliquer l'article 619 du Code de procédure civile, sur
les moyens nouveaux mêlés de fait et de droit : v. J. ORTSCHEIDT , note sous Soc., 12 mars 2008 et 11 avril 2008, JCP G 2008, II, 10197.

(2686) La rédaction des moyens de cassation traduit cette conception du pourvoi. Ils commencent généralement par la formule « il est
fait grief à l'arrêt attaqué », avant d'énoncer le cas d'ouverture invoqué. En réalité, cette façon de procéder reflète plus le poids de la
tradition qu'une réalité vivante. La preuve en est que le grief adressé à la cour d'appel n'est pas d'avoir commis une irrégularité, mais
d'avoir jugé telle ou telle chose. L'irrégularité n'est pas le reproche lui-même, mais le moyen utilisé permettant de faire prospérer la
critique adressée au dispositif de la décision.

(2687) Par exemple, certains auteurs, reprenant en cela les formules de la Cour de cassation, étudient le défaut de réponse à conclusions
avec le défaut de motif, alors que d'autres auteurs les distinguent. Comp. J. et L. BORÉ, La cassation en matière civile, Dalloz Action,
4e éd., 2009-2010 et M.-N. JOBARD-BACHELLIER et X. BACHELLIER, La technique de cassation, Dalloz, 8e éd., 2013.
(2688) Il existe une querelle célèbre pour savoir si le manque de base légale constitue un vice de forme ou un vice de fond. Sur cette
question, v. l'article de H. MOTULSKY, « Le manque de base légale, pierre de touche de la technique juridique », Écrits, études et notes de
procédure civile, Paris, 1973, rééd. Dalloz 2010, p. 31 et s. Adde, J. et L. BORÉ, op. cit., no 78.31 et s. ; Th. LE BARS, Le défaut de base
légale en droit judiciaire privé, thèse, LGDJ, 1997, no 125 et 126.

(2689) Une violation de la loi procédurale.

(2690) Les expressions « manque de base légale » et « défaut de base légale » sont synonymes.

(2691) Il ne s'agit pas pour nous d'imaginer une sorte de pourvoi en cassation « idéal », mais seulement, il faut le redire, de rendre compte
du droit positif actuel, en le présentant d'une façon qui soit plus exacte et, à notre sens, plus simple. Autrement dit, nous ne disons pas que
la Cour de cassation devrait être juge de l'affaire au lieu d'être juge de l'arrêt. Nous disons qu'aujourd'hui, elle est effectivement juge de
l'affaire, en raison des textes du Code de procédure civile et de l'application qui en est donnée. Sous une présentation différente, ce sont
donc les mêmes solutions que celles données par les auteurs qui sont exposées au texte.

(2692) Comp. J. et L. BORÉ, op. cit., no 82.211, énonçant justement que l'on ne doit pas considérer le moyen de pur droit comme celui qui
« resterait, en quelque sorte, suspendu entre ciel et terre ».

(2693) Par exemple, la Cour de cassation a défini la « faute inexcusable » au sens de l'article 3 de la loi du 5 juillet 1985 relative aux
accidents de la circulation, comme étant « la faute volontaire d'une exceptionnelle gravité, exposant sans raison valable son auteur à un
danger dont il aurait dû avoir conscience ». V. Civ. 2e, 20 juillet 1987 (10 arrêts), Bull. civ. II, no 160.

(2694) Le choix, par la Cour de cassation, de ne pas définir une notion qu'elle contrôle découle généralement de la grande diversité des
situations que peut recouvrir cette notion. En ne la définissant pas, la Cour évite de s'enfermer dans une définition qui, à l'expérience,
pourrait s'avérer trop restrictive.

(2695) Par exemple, en jugeant qu'une bétonnière détachée d'un véhicule terrestre à moteur ne constitue pas une remorque au sens de
l'article 1er de la loi du 5 juillet 1985, la Cour de cassation ne définit pas ce qu'il faut entendre, en droit, par « remorque », mais elle
contribue tout de même à préciser le contenu de ce concept juridique (v. Civ. 2e, 7 juin 1989, Bull. civ. II, no 121).

(2696) La décision rendue dans ces conditions est celle dont il est le plus facile pour le lecteur de dégager l'enseignement juridique. Ce
serait cependant une erreur de croire que seuls ces arrêts ont une valeur doctrinale. Sur ces points, v. infra, no 837 en note.

(2697) L'affirmation doit être nuancée. C'est ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne rend des arrêts de règlement sur
l'interprétation des textes communautaires qui s'imposent à la Cour de cassation comme à toutes les juridictions nationales. Mais il est à
remarquer aussi qu'un plaideur ne peut pas former une véritable voie de recours contre une décision de la Cour de cassation pour la
déférer au juge européen. D'un autre côté, on constate que, si le législateur n'est pas stricto sensu le supérieur hiérarchique de la Cour
de cassation, il peut toujours briser sa jurisprudence. Le risque pour la Cour de cassation d'être désavouée par le législateur contribue
certainement à limiter ses initiatives dans la création du droit.

(2698) Sur l'invocation des principes généraux, v. A. P ERDRIAU, « Visas, "chapeaux" et dispositifs des arrêts de la Cour de cassation en
matière civile », JCP 1986.I.3257, spéc., no 39 et s.

(2699) Sur l'absence de limite technique au pouvoir créateur des juges, v. J. HÉRON, « L'interprétation et le devenir des définitions
législatives et réglementaires », RRJ 1987.1152, spéc., no 18 et s.

(2700) À notre avis, cette précision n'est pas nécessaire, dès lors que la loi nouvelle est rétroactivement applicable aux faits de la cause.

(2701) Ex. : art. 47 de la loi no 85-677 du 5 juillet 1985 relative aux accidents de la circulation. L'annulation d'une décision des juges du
fond en raison d'une loi nouvelle applicable aux instances en cours devant la Cour de cassation constitue l'un des cas de perte de
fondement juridique de la décision attaquée. Un autre cas de perte de fondement juridique sera examiné avec la décision de la Cour de
cassation (infra, no 859), car il se rapporte en réalité à l'étendue des effets d'un arrêt de cassation, ce qui montre bien, une fois encore, la
faible valeur scientifique des cas d'ouverture à cassation.

(2702) Sur la notion et le régime de la perte de fondement juridique, v. Th. LE BARS, « La perte de fondement juridique en droit judiciaire
privé », in Le nouveau Code de procédure civile (1975-2005), Economica, 2006, p. 269. Précisons qu'il ne s'agit pas seulement d'une
ouverture à cassation, mais d'un mécanisme plus large d'anéantissement rétroactif de décisions de justice ou même d'actes administratifs.
V. infra, no 859.
(2703) Pour le Conseil constitutionnel, en principe « la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les
instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel » (Cons. const., 25 mars 2011, nº 2010-108 QPC).
C’est dire que des faits antérieurs à cette « abrogation » échapperont à la loi qui était applicable lorsqu’ils se sont produits. C’est ce que
l’on appelle de la rétroactivité... Pour une illustration, v. Civ. 1ère, 28 janvier 2015, nº 13-20701, JCP G 2015, 361, note P. DEUMIER. À noter
que la Conseil peut écarter cette rétroactivité, en vertu de l’article 62 de la Constitution.

(2704) V. supra, section I.

(2705) Il est très courant que la Cour de cassation censure une décision en reprochant à ses auteurs de ne l'avoir pas suffisamment
motivée sur une question de fait et de droit. C'est le cas lorsque les juges du fond ne se sont pas interrogés sur l'existence de certains
faits importants parce qu'ils ne se sont pas interrogés non plus sur le contenu de telle ou telle règle susceptible de leur être appliquée.
Ceci n'a rien d'original. La situation que nous évoquons au texte est différente : c'est celle dans laquelle l'insuffisance de motivation ne
porte que sur une question de droit.

(2706) Pour une analyse détaillée de cette jurisprudence, v. Th. LE BARS, thèse préc., no 273 et s.

(2707) Ex. : Civ. 2e, 30 janvier 1959, Bull. civ. II, no 114 ; Com., 15 mai 1985, Bull. civ. IV, no 158 ; Civ. 3e, 6 février 1991, Bull. civ. III,
no 48.

(2708) Ex. : Civ. 14 juin 1836, Bull. civ., no 58 ; Civ. 12 juin 1929, Bull. civ., no 124 ; Civ. 1re, 6 janvier 1959, Bull. civ. I, no 7 ; Civ. 1re,
13 janvier 1987, Bull. civ. I, no 8 ; Com., 15 octobre 1985, Bull. civ. IV, no 237. Ce dernier arrêt est sans doute le plus remarquable de
tous ceux que nous citons, puisqu'il casse une décision pour manque de base légale et sans renvoi, au motif que les juges du fond ont omis
de rechercher la légalité d'un texte réglementaire en matière fiscale.

(2709) Si l'examen des faits permet à la Cour de cassation de constater l'inadéquation de la solution retenue dans le dispositif de la
décision qui lui est déférée.

(2710) Si l'examen des faits permet à la Cour de cassation de constater que la solution retenue est correcte eu égard à une règle de droit
qui n'est pas précisée dans la décision attaquée (ou qui est insuffisamment développée), mais que la Cour connaît. Sur la suppléance de
motifs, v. infra, no 848.

(2711) V. supra, no 504.

(2712) L'article 620 CPC, qui porte sur une technique proche, la substitution de motifs, énonce d'ailleurs que la Cour « peut » rejeter le
pourvoi en substituant un motif de pur droit à un motif erroné. Sur le caractère facultatif de la substitution de motifs, v. E. P RIEUR, La
substitution de motifs par la Cour de cassation, Economica, 1986, no 181 et s.

(2713) Ceci ne va pas du tout dans le sens de la conception que nous proposons du pourvoi en cassation. Pour nous, la Cour de cassation
est juge de l'affaire, plus que de l'arrêt. Mais nous ne prétendons nullement que la réalité soit complètement monolithique. Disons que les
cassations purement disciplinaires constituent l'exception qui confirme la règle...

(2714) V., par exemple, Civ. 1re, 4 novembre 1958, Rev. crit. DIP 1959.303, note P. FRANCESCAKIS. Cette espèce est d'autant plus
significative que la loi étrangère était la loi belge, dont le texte (issu du Code civil des Français de 1804) était identique à celui du droit
français. En revanche, la Cour de cassation contrôle l'interprétation des normes, d'origine étrangère, restées applicables dans certaines
parties du territoire devenues ou redevenues récemment françaises, comme la Savoie et le comté de Nice, ou encore les départements
d'Alsace-Moselle recouvrés après la Grande Guerre. V. Civ. 16 mars 1880, S. 1882.1.174. Ainsi, deux textes substantiellement identiques
peuvent être traités différemment par la Cour de cassation, selon qu'il s'agit de droit étranger (en l'espèce de droit sarde) ou de droit
français local. Sur l'application de la loi étrangère par les juges du fond, la Cour de cassation n'exerce qu'un contrôle comparable à celui
qu'elle exerce sur les éléments de fait du litige. En particulier, elle exerce un contrôle de la dénaturation de la loi étrangère. En ce sens,
v. notamment Civ. 1re, 3 juin 2003, Bull. civ. I, no 133.

(2715) V., par exemple, Civ. 12 janvier 1938, D. H. 1938.197. En l'espèce, la Cour de cassation a admis que les juges du fond de la
région de Bordeaux puissent porter sur des usages prétendus une appréciation différente de celle qu'ils avaient pu porter dans des
affaires précédentes.

(2716) Cass. sect. réunies, 2 février 1808, S. série 1791-1830, 2e vol., I, p. 480, Jurisp. gén. Dalloz, vo Cassation, no 1573, concl. Proc.
gén. MERLIN.

(2717) P. MAYER et V. HEUZÉ, Droit international privé, Domat, 11e éd., 2014, no 185 et s.
(2718) La nature normative du contrat (et de l'acte juridique en général) se manifeste de façon plus claire encore lorsqu'il est entièrement
soumis à des règles impératives, si bien que son contenu échappe à la volonté des parties. Le contrat conclu par les parties est alors le
fait générateur de l'application de règles dont la nature normative est indiscutable.

(2719) V., par exemple, Civ. 1re, 6 décembre 1961, Bull. civ. I, no 578. La Cour de cassation reconnaît aux juges du fond un pouvoir
souverain pour déterminer quelle a été la volonté des parties. À partir de là, elle contrôle la qualification donnée au contrat par les juges
du fond, manifestant ainsi le caractère normatif du contrat. La qualification est, par définition, la confrontation du fait à une norme.

(2720) C'est à tort que la doctrine évoque parfois une tendance de la Cour de cassation à contrôler le contenu des contrats-type et des
contrats d'adhésion. Le seul contrôle qu'elle s'autorise est un contrôle de la dénaturation (v. Th. LE BARS, thèse préc., no 212). Sur le
contrôle de la dénaturation, v. infra, no 845.

(2721) Sur ce contrôle, v. infra, nos développements consacrés au contrôle des faits par la Cour.

(2722) En termes de structure de la règle de droit, on dira que la Cour de cassation ne contrôle pas la concordance des faits constatés
par les juges du fond avec l'élément du présupposé de la règle de droit qui a été retenue.

(2723) Ex. : Civ. 3e, 12 juin 1996, Bull. civ. III, no 147.

(2724) Ex. : Civ. 2e, 29 avril 1994, Bull. civ. II, no 123. Pour d'autres exemples, v. J. et L. BORÉ, La cassation en matière civile, Dalloz
Action, 4e éd., 2009-2010, no 67.23.

(2725) Ex. : Civ. 2e, 8 janvier 1992, Bull. civ. II, no 10.(2726) Ex. : Civ. 2e, 5 février 1997, Bull. civ. II, no 36.

(2727) Sur ces indications générales, v. J. et L. BORÉ, op. cit., no 65.121 et s. ; M.-N. JOBARD-BACHELLIER et X. BACHELLIER, La technique
de cassation, Dalloz, 8e éd., 2013, p. 118 et s. ; Th. LE BARS, thèse préc., no 183 et s.

(2728) Cf. M.-N. JOBARD-BACHELLIER et X. BACHELLIER, op. cit., p. 128, qui parlent d'un critère « inavouable ». Il est bien certain, ainsi
que le remarquent ces auteurs, que le procédé est de nature à décourager les plaideurs de se pourvoir en cassation. L'absence
d'effet suspensif du pourvoi rend en effet inutile un recours qui est voué à l'échec. Il n'est pas certain qu'il en aille de même lorsque le
pourvoi en cassation est exceptionnellement doté d'un effet suspensif. La femme dont le mari demande le divorce pour altération
définitive du lien conjugal sait parfaitement que le combat qu'elle mène est sans espoir, si ce n'est d'éviter le titre de divorcée au profit de
celui de veuve. Dans cette perspective, le temps joue un rôle déterminant.

(2729) Il est vrai que la Cour de cassation est engorgée et qu'il faut chercher des remèdes à cette situation. Mais celui-ci est l'un des
pires, sinon le pire.

(2730) Au risque de heurter la sensibilité de certains (tel n'est absolument pas notre propos), l'abandon du contrôle des éléments de la
règle de droit nous fait infailliblement penser à ce passage célèbre du discours préliminaire de Portalis (A. FENET , Recueil complet des
travaux préparatoires du Code civil, Paris, 1836, t. 1, p. 472) : « Il est trop heureux qu'il y ait des recueils, et une tradition suivie
d'usages, de maximes et de règles, pour que l'on soit, en quelque sorte, nécessité à juger aujourd'hui, comme on a jugé hier, et qu'il n'y ait
d'autres variations dans les jugements publics, que celles qui sont amenées par le progrès des lumières et par la force des circonstances.
Il est trop heureux que la nécessité où est le juge, de s'instruire, de faire des recherches, d'approfondir les questions qui s'offrent à lui, ne
lui permette jamais d'oublier que, s'il est des choses qui sont arbitraires à sa raison, il n'en est point qui le soient purement à son caprice
ou à sa volonté. En Turquie, où la jurisprudence n'est point un art, où le bacha peut prononcer comme il le veut, quand des ordres
supérieurs ne le gênent pas, on voit les justiciables ne demander et ne recevoir justice qu'avec effroi. Pourquoi n'a-t-on pas les mêmes
inquiétudes auprès de nos juges ? C'est qu'ils sont rompus aux affaires, qu'ils ont des lumières, des connaissances, et qu'ils se croient sans
cesse obligés de consulter celles des autres. On ne saurait comprendre combien cette habitude de science et de raison adoucit et règle le
pouvoir. »

(2731) Ex. : Civ. 2e, 13 octobre 1982, Bull. civ. II, no 122. En l'espèce, l'arrêt avait dit que la femme avait commis une violation grave des
devoirs et obligations du mariage, mais il avait omis le reste de la formule portant sur ce que la vie commune avait été rendue intolérable.

(2732) Ajoutons que le contrôle formel exercé par la haute Juridiction dans les domaines où elle ne contrôle pas les qualifications
juridiques présente également une utilité purement intellectuelle : il montre que l'absence d'examen de la correspondance des faits avec le
présupposé de la règle de droit est une anomalie, puisqu'elle entraîne ce qu'il faut bien appeler une perversion du contrôle exercé par la
Cour de cassation sur les décisions des juges du fond.
(2733) Civ. 2e, 30 novembre 2000, Bull. civ. II, no 157 (deux arrêts du même jour ont été rendus en ce sens, mais un seul est publié au
Bulletin), JCP G 2001, no 10547, note Th. GARÉ, Famille 2001, no 16, note H. LÉCUYER.

(2734) Civ. 1re, 11 janvier 2005 (7 arrêts), Bull. civ. I, no 8 à 14.

(2735) V. aussi Civ. 1re, 3 octobre 2006, no 05-22105. Contra : V. LARRIBAU-TERNEYRE, Famille 2005, no 53, p. 29.

(2736) Cet examen auquel se livre la Cour de cassation correspond aux deux cas d'ouverture classique que constituent le manque de
base légale et le défaut de réponse à conclusions.

(2737) H. MOTUSLKY, Principes d'une réalisation méthodique du droit privé, thèse, Lyon, 1947, rééd. Dalloz 2002, no 89.

(2738) Sur la corrélation qui existe entre l'office du juge et les risques processuels supportés par les parties, v. H. MOTULSKY, thèse préc.,
no 147 ; F. KERNALEGUEN, L'extension du rôle des juges de cassation, thèse, Rennes, 1979, no 161 et 162 ; J. P. LEGROS, Essai sur la
motivation des jugements civils, thèse, Dijon, 1987, no 419 ; Th. LE BARS, thèse préc., no 396 et s.

(2739) Pour une présentation détaillée de cette théorie, v. Th. LE BARS, thèse préc., no 309 à 433.

(2740) V., par exemple, Com., 7 octobre 1980, Bull. civ. IV, no 325. Cet exemple, pris parmi beaucoup d'autres possibles, montre que la
cassation d'une décision pour manque de base légale peut être tout aussi riche d'enseignements juridiques qu'une cassation pour violation
de la loi. Il en va de même de la cassation pour défaut de réponse à conclusions, que l'on a trop longtemps tenue pour une cassation
doctrinalement mineure. L'intérêt doctrinal du défaut de réponse à conclusions est d'autant plus certain qu'il recoupe bien souvent le
manque de base légale. C'est une des raisons qui expliquent qu'au texte, nous nous abstenions fréquemment de raisonner en termes de
cas d'ouverture : ils manquent vraiment trop de valeur scientifique.

(2741) V. Civ. 1re, 23 mai 1978, Bull. civ. I, no 202 et Civ. 3e, 16 octobre 1979, Bull. civ. III, no 178, JCP 1980.II.19289, note E.-
J. GUILLOT . Sur l'évolution en la matière de la Cour de cassation, v. Civ. 3e, 4 avril 1978, Bull. civ. III, no 149, JCP 1978.II.18917, note
J. BAUDOIN, exigeant encore du juge qu'il motive sa décision.

(2742) Com., 22 février 1983, Bull. civ. IV, no 75.

(2743) La Cour de cassation tire du caractère discrétionnaire du pouvoir reconnu aux juges du fond cette conséquence que leur décision
échappe à la censure même si elle repose sur des motifs erronés. Par principe, ils sont surabondants (Com., 22 février 1983, préc.). D'un
point de vue pratique, cette solution ne présente guère d'inconvénient tant que les juges du fond usent de leurs pouvoirs avec modération.
Il serait intéressant de savoir comment la Cour de cassation réagirait si, dans une affaire minime, le demandeur joignait à sa demande
principale, une demande « accessoire » de quelques dizaines de millions d'euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et si
le juge statuant en dernier ressort (les demandes fondées sur l'article 700 ne constituent pas une prétention dont la valeur doive être prise
en compte pour la recevabilité de l'appel) lui en accordait le bénéfice, sans un mot d'explication, en vertu de son pouvoir discrétionnaire. Il
est permis de penser que la Cour de cassation ne laisserait pas subsister une telle décision et qu'elle trouverait un moyen même détourné
pour censurer un juge aussi peu raisonnable.

(2744) La qualification de force majeure est une question de droit...(2745) Art. 414-3 C. civ.

(2746) Pour quelques exemples de moyens inopérants : v. Soc., 26 juin 2001, Bull. civ. V, no 233 ; Civ. 1re, 15 mai 2001, Bull. civ. I,
no 139 ; Civ. 2e, 9 mars 2000, Bull. civ. II, no 44.

(2747) Sur la distinction du moyen et de l'argument, v. Th. LE BARS, thèse préc., no 328 et s.

(2748) Pour quelques exemples d'utilisation de la notion d'argument par la Cour de cassation : v. Soc., 15 mai 2001, Bull. civ. V, no 168 ;
Com., 29 juin 1999, Bull. civ. IV, no 140 ; Civ. 3e, 18 novembre 1998, Bull. civ. III, no 215.

(2749) En particulier, il faut souligner que l'absence d'obligation pour le juge du fond de soulever les moyens mélangés de fait et de droit
ne modifie en rien les données du problème. Dès l'instant qu'il a pris l'initiative de soulever le moyen, le juge est tenu d'aller jusqu'au bout
de sa démarche : il doit désormais statuer de la même façon que s'il avait été saisi par les parties.

(2750) Civ. 21 février 1860, Bull. civ., no 35.(2751) Civ. 1re, 2 mars 1999, Bull. civ. I, no 76.

(2752) V. A. P ERDRIAU, La pratique des arrêts civils de la Cour de cassation. Principes et méthodes de rédaction, Litec, 1993,
no 235.
(2753) Sur la notion de motif dubitatif, v. P. MIMIN, « Les cassations pour faute de langage », JCP 1946, I, 556.

(2754) Pour quelques exemples, v. Civ. 3e, 21 février 2001, Bull. civ. III, no 22 ; Civ. 2e, 6 décembre 1995, Bull. civ. II, no 302 ;
3 novembre 1993, ibid., no 303. Cependant, il va de soi que l'emploi du conditionnel ne rend pas automatiquement le motif dubitatif. Le
conditionnel est parfois « justifié par des raisons grammaticales » (Civ. 2e, 6 mai 2004, Bull. civ. II, no 209).

(2755) Pour quelques exemples, v. Civ. 3e, 19 mars 1997, Bull. civ. III, no 65 ; Civ. 1re, 15 octobre 1996, Bull. civ. I, no 354 ; Soc., 15 juin
1995, Bull. civ. V, no 199.

(2756) Habituellement, elle casse au visa de l'article 455 CPC.

(2757) V. E. P RIEUR, La substitution de motifs par la Cour de cassation, Economica, 1986, no 104 et s.

(2758) Le renversement de la position de la Cour de cassation remonte, semble-t-il, à un arrêt de novembre 1976 (Civ. 1re, 16 novembre
1976, Bull. civ. I, no 348).

(2759) La raison en est que la mise en œuvre d'une règle de droit suppose toujours un raisonnement en droit. La contradiction dans
laquelle le droit joue un rôle suppose donc une erreur dans le raisonnement. Pour une démonstration plus complète de ce que toute
contradiction qui n'oppose pas deux motifs de fait constitue une mauvaise application de la loi, v. E. P RIEUR, op. cit., no 119 et s.

(2760) Ex. : Civ. 1re, 9 mai 2001, Bull. civ. I, no 129 ; Soc., 13 juillet 1988, Bull. civ. V, no 443.

(2761) V. Civ. 26 octobre 1808, Bull. civ., no 142 ; Civ. 18 décembre 1809, Bull. civ., no 120. Sur l'histoire du contrôle des motifs, v. Th.
LE BARS, Le défaut de base légale en droit judiciaire privé, thèse, LGDJ, 1997, no 86 à 104.

(2762) On retrouve ici toute l'ambiguïté qui s'attache au mot jugement. La procédure intéresse l'instrumentum qui contient le jugement en
tant que negotium. C'est le negotium, autrement dit le contenu de la décision, qui est attaqué devant la Cour de cassation, en raison d'un
vice affectant l'instrumentum qui le contient.

(2763) Sur la confection du jugement et la sanction de ses règles, v. supra, no 513 et s.

(2764) Tous les arrêts de la Cour de cassation cités à propos de l'étude de chacune de ces règles procédurales en constituent l'illustration.

(2765) Il faut aussi tenir compte des présomptions de régularité énoncées par la Cour de cassation, qui font peser sur le demandeur en
cassation le risque de la preuve. Sur ces présomptions, v. supra, no 517.

(2766) F. FERRAND, Cassation française et révision allemande, thèse, PUF, 1993, no 132 et s.

(2767) Sur ce contrôle « minimum » des appréciations souveraines et sur la jurisprudence en ce domaine, v. Th. LE BARS, thèse, préc.,
no 236 à 250.

(2768) Ce contrôle a été consacré ouvertement en 1872 (Civ. 15 avril 1872, D. 1872, I, p. 176), mais il l'a été bien plus tôt, dans des
arrêts qui n'utilisaient pas encore l'expression « dénaturation » (ex : Civ. 22 juillet 1829, Bull. civ., no 57).

(2769) Inversement, un plaideur ne peut invoquer la dénaturation d'un fait autre qu'un document. Pour les éléments de fait autres que les
documents, la Cour de cassation utilise les techniques moins lourdes qui viennent d'être indiquées, à savoir celles relevant du contrôle des
motifs.

(2770) Ce qui suppose que le document ait été produit devant les juges du fond. La dénaturation d'un document par le juge statuant en
dernier ressort peut être invoquée pour la première fois devant la Cour de cassation : on ne peut pas demander aux parties de deviner
que le juge va dénaturer le document qui est soumis à son examen. En revanche, à supposer qu'un juge statuant en premier ressort
seulement dénature un document, un plaideur ne saurait fonder son pourvoi sur cette dénaturation s'il ne l'a pas préalablement invoquée
devant les juges du second degré. Par ailleurs, il ne faut pas confondre la dénaturation d'un document avec son rejet. Par exemple, un
juge peut écarter une expertise qui ne lui paraît pas probante. Ce faisant, il ne commet pas une dénaturation. En revanche, s'il décide de
fonder sur elle sa décision, il doit la prendre telle qu'elle est, il n'a pas le droit de lui faire dire ce qu'elle ne dit pas.

(2771) Ex : Civ. 3e, 22 janvier 2014, nº 12-23893.

(2772) Ex. : Civ. 3e, 26 février 1970, Bull. civ. III, no 154 ; Civ. 1re, 9 juillet 1985, Bull. civ. I, no 212 ; Civ. 1re, 24 mars 1992, Bull. civ. I,
no 91 ; Civ. 1re, 15 mai 2001, Bull. civ. I, no 133.
(2773) Pour un exemple particulièrement éloquent, v. Com., 11 juin 1979, Bull. civ. IV, no 194, dans lequel la Cour de cassation se trahit
en cassant une décision pour dénaturation d'une clause dont elle déclare elle-même qu'elle était ambiguë. Sur cette analyse de la
dénaturation, v. Th. LE BARS, thèse préc., no 225 et s.

(2774) Rien ne le montre mieux que l'obligation qu'a le demandeur en cassation de produire le document dont il soutient qu'il a été
dénaturé. C'est sur le document lui-même que va porter l'examen de la Cour de cassation. Inversement, la Cour de cassation n'exige pas
que le demandeur produise le Journal officiel ou un autre document contenant une norme dont elle contrôle l'application, qu'il s'agisse
d'une convention collective ou d'un traité : jura novit curia.

(2775) Le contrôle de la dénaturation des actes présente encore le mérite de ne pas laisser sans sanction des jugements qui sont de
nature à discréditer la justice dans l'esprit des justiciables. On peut estimer qu'au-delà des règles techniques, il entre dans les missions
essentielles de la Cour de cassation de veiller à cela. Par ailleurs, le contrôle de la dénaturation ne joue qu'un rôle très modeste dans
l'encombrement du rôle de la Cour de cassation. On peut dire que ce contrôle remplit une fonction essentiellement dissuasive.

(2776) Ce sont les décisions provisoires les plus importantes, mais non les seules. On trouve aussi d'autres décisions relatives au
déroulement de l'instance, comme une décision de radiation ou une décision constatant l'interruption de l'instance et impartissant un délai
pour la reprise de l'instance (v. art. 376 CPC).

(2777) Il s'agissait initialement de l'article 177 du Traité de Rome. Devenu l'article 234 à l'entrée en vigueur du Traité d'Amsterdam. Ce
texte porte le numéro 267 depuis l'entrée en vigueur, le 1er décembre 2009, du Traité de Lisbonne du 13 décembre 2007. Sur le sursis à
statuer en matière de droit communautaire, v. infra, no 1006.

(2778) Cependant, il semble que cela ne soit vrai que devant les chambres civiles, car pour la chambre criminelle de la Cour de cassation,
cette expression signifierait, selon un auteur autorisé, que l'on est en présence d'une question relevant de l'appréciation souveraine des
juges du fond. V. A. P ERDRIAU, « Réflexions désabusées sur le contrôle de la Cour de cassation en matière civile », JCP 1991, I, no 3538,
parag. 32.

(2779) V. A. P ONSARD, préface de l'ouvrage de M.-N. JOBARD-BACHELLIER et X. BACHELLIER précité, p. VI ; J. FOSSEREAU,


« L'interprétation des arrêts de la Cour de cassation (en matière civile) », BICC 1er octobre 1987, p. 5 et 10 ; J. BETOULLE, « La distinction
contrôle lourd/contrôle léger de la Cour de cassation. Mythe ou réalité ? », JCP G 2002, I, 171.

(2780) J. FOSSEREAU, art. préc., p. 5.

(2781) La possibilité pour la Cour de cassation de procéder à une substitution de motifs est expressément prévue par l'article 620 du
Code de procédure civile. Ce texte n'a fait que consacrer une solution prétorienne antérieure. La suppléance de motifs, quant à elle, ne
fait l'objet d'aucun texte particulier.

(2782) C'est une question traditionnelle que de s'interroger sur le caractère facultatif ou obligatoire de la substitution ou de la suppléance
de motifs. Les magistrats interrogés répondent ordinairement qu'ils considèrent que ce n'est qu'une simple faculté (v. E. P RIEUR, La
substitution de motifs par la Cour de cassation, Economica, 1986, no 185). La lettre de l'article 620 CPC va dans le même sens. La
cassation est donc possible, alors même que le dispositif est, en lui-même, correct. L'affirmation prend tout son sens quand on considère
que les juges ont une obligation de motiver en droit (et pas seulement en fait). Des motifs de droit erronés ne justifient rien : il y a alors
inexistence ou insuffisance de la motivation en droit qui justifie une cassation purement disciplinaire (sur l'insuffisance de motifs de droit,
v. supra, no 828). Peu importe, d'ailleurs, que la Cour casse alors pour violation de la loi (dans les motifs...) ou insuffisance de motifs : on
sait ce que valent les ouvertures à cassation.

(2783) V. les exemples cités par E. P RIEUR, op. cit., no 64 : Soc., 9 avril 1959, Bull. civ. IV, no 448 et Soc., 6 mai 1960, Bull. civ. IV,
no 463. À ces décisions, on peut ajouter un arrêt de la première chambre civile qui mériterait, si l'on peut dire, de figurer dans un livre des
records. La Cour de cassation a en effet répondu à deux moyens de cassation différents (l'un tiré du droit judiciaire privé, l'autre du droit
international privé) par un seul motif substitué à ceux que critiquait le pourvoi : Civ. 1re, 15 mars 1988, Bull. civ. I, no 76, Rev. crit. DIP
1989.486, note P. COURBE.

(2784) Civ. 1re, 25 mai 1982, Bull. civ. I, no 187. L'arrêt, rendu en matière de régimes matrimoniaux, semble être le premier à avoir ainsi
procédé à une suppléance totale de motifs. V., sur ce point, E. P RIEUR, op. cit., no 129 et s.

(2785) Sous réserve des quelques limites relatives aux faits procéduraux, qui ont été indiquées supra, no 843.
(2786) Les vices affectant l'instrumentum offrent ainsi un caractère automatique (puisque le prononcé de la nullité n'est pas subordonné
à l'établissement d'un grief). Aucun sauvetage ne peut être tenté, quelle que puisse être la conviction de la Cour de cassation sur le fond
de l'affaire. C'est l'une des raisons qui expliquent que le législateur et la Cour de cassation restreignent autant qu'il est possible les cas de
nullité du jugement pour vice de forme (sur les techniques utilisées par le législateur et par le juge, v. supra, no 517).

(2787) Ce qui a été dit de l'irrecevabilité des demandes et des défenses (supra, no 146 et s.) vaut de la même façon pour les voies de
recours qui sont elles aussi des actes processuels. Le droit de les former est subordonné à des conditions dont l'inobservation entraîne le
rejet de la prétention sans examen, comme le prévoit l'article 122 du Code de procédure civile à propos des demandes.

(2788) L'intérêt pratique de distinguer l'irrecevabilité du pourvoi de celle du moyen apparaît lorsque le pourvoi contient plusieurs moyens
de cassation. L'irrecevabilité du pourvoi entraîne le rejet sans examen de tous les moyens, alors que l'irrecevabilité d'un moyen demeure
sans influence sur les autres, qui seront examinés par la Cour de cassation.

(2789) Par exemple, l'un des époux au procès en divorce décède au cours de l'instance de cassation. Le droit au divorce se trouve éteint,
si bien qu'il ne reste plus rien à juger sur la demande qui avait été formée. Rappelons, toutefois, que le décès n'entraîne pas forcément
extinction d'un droit substantiel. Ainsi, le décès d'une partie qui réclamait le paiement d'une somme d'argent emporte transmission de sa
créance à ses héritiers. Il n'y a pas, alors, extinction de l'instance.

(2790) Lorsqu'une décision se trouve sous la dépendance d'une autre décision et que cette dernière est annulée, la seconde est elle aussi
annulée par voie de conséquence. V. infra, no 859.

(2791) En cas de rejet par substitution de motif, l'autorité de la chose jugée qui appartenait à la décision attaquée se trouve elle-même
remplacée par l'autorité de la chose jugée qui s'attache aux motifs de l'arrêt de rejet qui se substituent, en tant que soutien nécessaire du
dispositif, aux motifs du jugement qui a pu être maintenu (sur ce point, v. E. P RIEUR, op. cit., no 219 et s.). Il n'y a là aucune contradiction
avec ce qui est indiqué au texte : l'autorité de la chose jugée constitue plutôt une qualité (ou un attribut) qu'un effet du jugement et est
indépendante de son exécution. Sur ce point, v. supra, no 351 et s.

(2792) Il ne sera nécessaire de notifier l'arrêt de rejet que si les condamnations accessoires qu'il peut contenir (condamnation aux dépens
ou à une indemnité) ne font pas l'objet d'une exécution spontanée par le demandeur à la cassation.

(2793) De même, l'alinéa 3 de l'article 621 ajoute que « le défendeur qui n'a pas formé de pourvoi incident ou provoqué contre le
jugement attaqué dans les délais impartis par l'article 1010 (sur lequel, v. infra, no 871) n'est plus recevable à se pourvoir à titre principal
contre ce jugement ».

(2794) Sur le pourvoi particulier de l'article 618 du Code de procédure civile, v. infra, no 895 et s.

(2795) Cependant, il en va différemment lorsque le demandeur au pourvoi se désiste d'un pourvoi irrégulier, notamment d'un pourvoi
formé contre un arrêt qui n'est pas susceptible d'un recours immédiat. V. Civ. 1re, 23 juin 1987, Bull. civ. I, no 204, D. 1987.613, note
J. MASSIP.

(2796) Cass. Ass. plén., 23 novembre 2007, no 05-17975 et 06-10039, JCP G 2007, II, 10204, note P. CHAUVIN, Dr. et procéd. 2008, p. 93,
obs. A. LEBORGNE, RTD civ. 2008, p. 160, obs. R. P ERROT . En l'espèce, le premier pourvoi étant irrégulier, son auteur en avait formé un
second. La Cour de cassation déclare irrecevable le premier et prononce une cassation sur le second.

(2797) On ne peut concevoir, faute qu'il existe une juridiction supérieure, qu'un appel ou un pourvoi en cassation puisse être formé contre
l'arrêt de la Cour de cassation. Le seul recours pourrait donc consister en une voie de rétractation. L'interdiction de l'opposition implique
à notre sens qu'il en aille de même de toute autre voie de rétractation. La solution, qui résulte indirectement des rares cas où la Cour
admet un recours limité (demande en rabat d'arrêt...), et qui est approuvée par la doctrine majoritaire, ne repose pas sur l'idée que la
Cour serait infaillible (bien qu'ils soient rares, on trouve quelques arrêts qui sont mauvais), mais plus simplement sur l'idée que les procès
doivent prendre fin à un moment donné, quelle que soit la qualité de la solution qui a été retenue.

(2798) Ex. : Soc., 5 juin 1985, Bull. civ. V, no 323.

(2799) Ex. : Soc., 25 janvier 2011, no 09-42315. Pour le reste, si l'on peut admettre qu'une action en interprétation ou même en infra
petita puisse être formée, il est plus difficile d'imaginer qu'un recours en ultra petita puisse l'être. À notre sens, l'ultra petita repose
presque toujours sur une erreur de droit, alors que l'infra petita peut résulter d'une simple étourderie ; à tout le moins, en cas d'infra
petita, rien n'a été jugé, alors qu'il n'en va pas de même en cas d'ultra petita.

(2800) Sur cette technique, v. A. P ERDRIAU, « Les rabats d'arrêt de la Cour de cassation », JCP G 1994, I, 3735.
(2801) Soc., 12 novembre 1969, Bull. civ. V, no 604. À rapprocher : Soc., 25 mars 1985, ibid. no 205 ; 6 mars 1986, ibid. no 83 ; 16 mars
1989, ibid. no 222.

(2802) Civ. 2e, 18 décembre 1995, Bull. civ. II, no 311.

(2803) Com., 8 février 2000, JCP G 2000, II, 10318, note A. P ERDRIAU. En l'espèce, les services de la Cour avaient commis une erreur en
omettant d'adresser au greffe de la CJCE l'arrêt ordonnant le renvoi préjudiciel. Les années ayant passé et la Cour européenne s'étant
prononcée sur la question de droit en cause, il devenait inutile de relancer la procédure de renvoi. On peut se demander si la Cour de
cassation serait allée jusqu'à procéder au rabat si, en l'absence même d'erreur commise par ses services, la CJCE avait répondu à sa
question avant que l'arrêt lui soit adressé.

(2804) Ch. ATIAS, « Le rabat d'arrêt. De la rectification d'erreur matérielle de procédure au repentir du juge », D. 2007, p. 1156. Cet
auteur relève aussi que des cours d'appel ont parfois procédé au rabat de certains de leurs arrêts.

(2805) Civ. 1ère, 28 mars 2012, nº 10-28032. Cette solution a, depuis lors, été consacrée dans l’article 978 CPC (infra, nº 869).

(2806) Civ. 1ère, 11 mai 2012, nº 10-28032.

(2807) Par exemple, le site Legifrance ne recense qu'une dizaine de rabats d'arrêts de la Cour de cassation en 2011 ou en 2014 et
environ la moitié en 2013.

(2808) Sur les suites procédurales du renvoi, v. infra, no 888 et s. À noter toutefois que la fréquence des cassations sans renvoi est assez
variable selon les années. Pour l'an 2000, les cassations sans renvoi représentaient environ 14 % des cassations prononcées en matière
civile. En 2011, elles sont passées à près de 36 % (2 142 pour un total de 5 976). En 2013, elles étaient redescendues à moins de 8,7 %
(535 pour un total de 6 176). V. Rapport de la Cour de cassation 2013, site de la Cour de cassation.

(2809) Le caractère subsidiaire d'une solution est totalement indépendant de sa fréquence statistique. Ce qui fait qu'une solution est
subsidiaire est qu'elle n'est pas dotée d'une vocation de premier rang. Autrement dit, elle n'est retenue qu'en raison de la non-application
d'une autre solution, dont l'applicabilité doit être examinée en premier. Par exemple, l'article 1387 du Code civil dispose que « la loi ne
régit l'association conjugale, quant aux biens, qu'à défaut de conventions spéciales, que les époux peuvent faire comme ils le jugent à
propos... ». De ce texte résulte le caractère subsidiaire du régime légal, puisqu'il ne s'applique qu'à défaut de contrat de mariage : il faut
donc d'abord rechercher si les époux en ont conclu un. Peu importe que l'écrasante majorité des Français se marient sans contrat.

(2810) La cassation sans renvoi fut d'abord une création prétorienne, dont la Cour de cassation ne faisait qu'un modeste usage. Le
premier texte qui lui ait été consacré est l'article 16 de la loi no 67-523 du 3 juillet 1967, qui ne reconnaissait cette possibilité qu'à
l'Assemblée plénière de la Cour de cassation. La règle actuelle a été introduite dans le Code de l'organisation judiciaire par une loi du
3 janvier 1979.

(2811) Ex. : Civ. 2e, 29 octobre 1986, Bull. civ. II, no 156.

(2812) Ex. : Civ. 1re, 10 mars 1987, Bull. civ. I, no 87. Sur l'impossibilité pour le juge d'appel d'aggraver le sort de l'appelant en l'absence
d'appel incident, v. supra, no 748.

(2813) V., pour le versement d'une cotisation : Cass. Ass. plén., 7 novembre 1986, Bull. Ass. plén., no 12 ; pour la fixation d'une
indemnité : Civ. 2e, 9 décembre 1999, Bull. civ. II, no 185 ; pour l'application de l'art. 47 CPC : Com., 28 octobre 2008, no 07-20801.

(2814) V. supra, no 811, le dispositif de l'arrêt cité : Civ. 1re, 10 mars 1987, Bull. civ. I, no 90.

(2815) L'arrêt dont le dispositif a été reproduit montre que, de façon générale, la Cour de cassation peut plus facilement trancher le litige
au fond lorsque la solution consiste à débouter le demandeur ou à limiter la condamnation qu'il recherche. Inversement, la Cour ne peut
pas prononcer la condamnation du défendeur à verser une somme d'argent lorsque son montant dépend de l'appréciation de
circonstances de fait qui lui échappent. Il convient encore d'ajouter que, de même que les vices affectant l'instrumentum font obstacle à
une substitution ou à une suppléance de motifs, ils empêchent la Cour de casser sans renvoi : la Cour ne peut pas s'appuyer sur les faits
relevés par les juges dont la décision est attaquée, leur constatation étant invalide.
(2816) Cf. cependant Soc., 23 février 2000, JCP G 2000, II, no 10300, note A. P ERDRIAU. Dans cet arrêt, la Cour, se déclarant en mesure
de mettre fin au litige par application de la règle de droit appropriée, prononce une cassation sans renvoi pour défaut de motif ! En
l'espèce, un salarié qui exigeait de son ex-employeur la remise d'une attestation Assedic, avait été débouté par un conseil de
prud'hommes qui n'avait pas motivé sa décision. À notre avis, un tel arrêt est incohérent. Soit la Cour de cassation disposait
d'informations de fait suffisantes pour dire que l'attestation était due au salarié, auquel cas les juges du fond avaient violé la règle de droit
substantiel et il fallait casser pour violation de la loi (sans renvoi). Soit elle ne disposait pas de tous les renseignements factuels
nécessaires (en raison du défaut de motif) et elle ne pouvait alors procéder sans renvoi.

(2817) Sur l'identité qui existe entre l'arrêt de cassation et l'arrêt que peut rendre une cour d'appel, v. supra, no 811.

(2818) Art. L. 431-4 COJ. Sur la procédure de saisine de la juridiction de renvoi, v. infra, no 889 et s.

(2819) Chaque fois que le juge statue sur le fond du droit, le chef de la décision correspond à l'effet substantiel du jugement (sur lequel,
v. supra, no 342).

(2820) Soc., 23 septembre 1982, Bull. civ. V, no 526. Il existe donc autant de chefs que de créances dont le demandeur sollicite du juge
qu'il lui en reconnaisse la titularité. Inversement, le chef ne doit pas être pris au sens matériel de paragraphe du dispositif. Peu importe
que la même disposition reconnaisse le droit du demandeur à deux créances (ici, au titre des divers préjudices) ou qu'à l'inverse, une
créance fasse l'objet de deux dispositions : l'une pour constater l'existence d'une condition du présupposé (par exemple l'existence d'une
faute) et l'autre pour dire que l'effet juridique doit jouer. Ces deux paragraphes ne font qu'un chef de la décision. De la même façon, il
importe peu que le chef ou les chefs non attaqués reposent sur des motifs analogues à ceux qui ont entraîné la cassation du chef attaqué
(v. Civ. 1re, 28 avril 1987, Bull. civ. I, no 128).

(2821) Ex. : Soc., 3 juillet 2001, JCP G 2002, II, 10076, note A. P ERDRIAU.(2822) A. P ERDRIAU, note sous Soc., 3 juillet 2001, préc., no 2.

(2823) V., par exemple, Civ. 2e, 25 novembre 1987, Bull. civ. II, no 244.(2824) Ex : Civ. 1ère, 10 septembre 2014, nº 13-19094.

(2825) Civ. 1ère, 2 mai 2001, nº 98-14416.

(2826) V. not. Cass. Ass. plén., 27 octobre 2006, no 05-18977, JCP G 2007, II, 10019, note L. LEVENEUR. Sur l'évolution antérieure de la
jurisprudence, on renverra aux explications de M. Leveneur et à A. P ERDRIAU, note sous Paris 18 novembre 1998, JCP G 1999, II, 10059.

(2827) Ex : Civ. 1ère, 10 septembre 2014, nº 12-29429.

(2828) En cas de doute sur l'étendue de la cassation prononcée, la Cour de cassation admet qu'une demande en interprétation soit
présentée devant elle. V. Civ. 2e, 25 mars 1987, Bull. civ. II, no 75.

(2829) Sur l'indivisibilité, v. infra, no 1057. On verra aussi (infra, no 896) que c'est l'indivisibilité qui fonde la possibilité prévue par
l'article 618 du Code de procédure civile d'attaquer devant la Cour de cassation deux décisions inconciliables.

(2830) Comme l'article 553 du Code de procédure civile, l'alinéa 2 de l'article 615 dispose encore que « le pourvoi formé contre l'une
d'elles n'est recevable que si toutes sont appelées à l'instance ». Ceci a pour conséquence qu’en cas d’indivisibilité, est irrecevable le
pourvoi d’une partie qui, après l’avoir formé à l’encontre de tous ses adversaires, s’est désistée de celui-ci à l’égard de certains d’entre
eux (ex : Civ. 2e, 6 janvier 2011, nº 09-70244, Dr. et procéd. 2011, p. 71, obs. O. SALATI).

(2831) V. Com., 16 février 1993, Bull. civ. IV, no 59 ; 28 avril 2004, ibid. no 76 ; Civ. 1re, 19 janvier 1999, Bull. civ. I, no 19.

(2832) Civ. 3e, 10 mars 1981, Bull. civ. III, no 49, D. 1981.429, note J. BORÉ. La cassation profite de plein droit aux autres débiteurs, sans
même qu'ils aient à se joindre à l'instance. La Cour de cassation réserve cependant l'hypothèse où l'un des débiteurs solidaires ou tenus
in solidum formerait lui-même un recours, sans se joindre à celui de ses coobligés. En cas de rejet de son pourvoi, il ne peut pas profiter
de la cassation prononcée au profit des autres : v. Civ. 1re, 5 juin 1985, Bull. civ. I, no 180, D. 1986.361, note J.-L. AUBERT , Gaz. Pal.
1985, Pan. 296, obs. S. GUINCHARD et T. MOUSSA. Sur la solution retenue pour l'appel, v. supra, no 749.

(2833) Ex. : La cassation de la décision qui a déclaré une partie seule responsable d'un dommage entraîne par voie de conséquence
l'annulation d'une seconde décision qui a fixé l'étendue du dommage et condamné l'intéressé à indemniser la victime (Civ. 2e, 26 octobre
2006, no 05-21398, Dr. et procéd. 2007, p. 78, obs. O. SALATI). Un des exemples classiques de l'annulation par voie de conséquence est
celui de l'annulation du jugement qui s'est fondé sur des faits établis au moyen d'une mesure d'instruction, avant que la décision ordonnant
la mesure d'instruction n'ait été annulée.
(2834) Par exemple, la cassation du jugement obscur ou affecté d'une omission de statuer entraîne la cassation du jugement qui
l'interprète ou le complète. v. Cass. mixte, 6 juillet 1984, Bull. civ., no 2, Gaz. Pal. 1985, Pan. 53.

(2835) La cassation automatique par voie de conséquence ne joue que pour les décisions qui sont la suite, l'application ou l'exécution de la
décision directement cassée. Elle ne touche pas les décisions pour lesquelles peut se poser une question d'inconciliabilité. Pour mettre fin
à une situation d'inconciliabilité, les intéressés doivent exercer le recours spécial prévu par l'article 618 du Code de procédure civile (sur
lequel, v. infra, no 895 et s.).

(2836) Ex. : Civ. 2e, 19 mars 1980, Bull. civ. II, no 62 ; 11 septembre 2003, ibid. no 253. En pratique, on remarquera que la décision de
non-lieu à statuer donne au plaideur la même satisfaction qu'une décision de cassation : grâce au non-lieu, il sait que la décision
postérieure est englobée dans la cassation.

(2837) La Cour de cassation confond d'ailleurs parfois les deux mécanismes, par exemple en prononçant une cassation, au visa de
l'article 625 CPC, dans une hypothèse de perte de fondement juridique ordinaire. Ex. : Com., 20 février 2007, no 03-17150, Rev. arb.
2007, p. 273, note P. CALLÉ. Dans cette affaire, l'erreur est d'autant plus certaine, qu'à lire ce qu'écrit la Cour, la cassation par voie de
conséquence découlerait d'un arrêt de... rejet (!), ce qui est totalement étranger aux conditions de l'article 625.

(2838) Sur laquelle, v. supra, no 827.

(2839) Sur cette théorie, v. Th. LE BARS, « La perte de fondement juridique en droit judiciaire privé », in Le nouveau Code de
procédure civile (1975-2005), Economica, 2006, p. 269.

(2840) Ex. : Civ. 2e, 27 juin 1984, D. 1985, p. 199 ; Soc., 9 mars 1994, no 92-41661 ; 9 novembre 2004, no 03-43850.

(2841) Civ. 2e, 6 janvier 2005 (« Haribo »), Bull. civ. II, no 1. En 2008, la Cour de cassation a opté pour une autre approche théorique,
dans ce type de situation, mais pour aboutir au même résultat : elle a jugé « sans objet » le pourvoi formé contre l'arrêt qui avait ordonné
sous astreinte la cessation d'actes de contrefaçon, « en raison de l'autorité de la chose jugée attachée » au jugement qui avait
ultérieurement annulé la marque contrefaite (Com., 16 décembre 2008, no 0720382 ; sur cet arrêt, v. C. BLÉRY, « Annulation d'une
marque : portée de l'autorité positive de la chose jugée dans l'hypothèse de procédures parallèles », Revue Lamy Droit de l'immatériel
no 50, 2009, p. 51). En droit, l'option retenue n'est pas meilleure : outre qu'elle confond, une fois encore, efficacité substantielle et autorité
de chose jugée (v. supra, no 348), la Cour de cassation consacre l'automatisme de la caducité de l'arrêt désormais privé de fondement
juridique, en évitant simplement de parler de perte de fondement juridique. Elle préfère recourir à l'idée d'autorité de chose jugée, sans
que l'on voie comment l'autorité de la chose jugée par un tribunal pourrait entraîner la disparition de plein droit de la décision antérieure
rendue par un autre ! À rappr : Civ. 3e, 25 avril 2007, no 06-10662 ; Civ. 2e, 2 juillet 2009, no 08-12171.

(2842) Cass. Ass. plén., 17 février 2012, no 10-24282, D. 2012, p. 715, note Th. LANCRENON. Selon cet arrêt, l'anéantissement rétroactif
d'un brevet n'est pas de nature à fonder la restitution des sommes d'ores et déjà payées par une partie en exécution de sa condamnation
du chef de contrefaçon.

(2843) La discussion n'est pas moins juridique lorsque le pourvoi reproche aux juges du fond de ne pas avoir suffisamment motivé leur
décision, que lorsqu'il met en avant la mauvaise application de la règle de droit. Le caractère suffisant ou insuffisant d'une motivation
(même d'une motivation en fait) s'apprécie en grande partie au regard du contenu de la règle de droit en cause.

(2844) Sur les avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation, v. R. P ERROT , Institutions judiciaires, Montchrestien, Domat, 15e éd.,
2012, no 464 et s.

(2845) Art. R. 144-8 CSS.(2846) Art. R. 144-7 CSS.

(2847) Soc., 19 février 1986, Bull. civ. V, no 23 ; Soc., 12 juillet 1989, Bull. civ. V, no 529.

(2848) L'article R. 517-10 du Code du travail a été abrogé par l'article 39 du décret du 20 août 2004.

(2849) L'article 1209 CPC relatif à l'autorité parentale renvoie à l'article 1196 qui, désormais, ne soumet plus l'assistance éducative à la
procédure sans représentation obligatoire.

(2850) Le Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ne déroge plus au principe de la représentation.
(2851) La phrase de l'article R. 333-1 du Code de la consommation qui rattachait cette matière à la procédure sans représentation
obligatoire a été transférée dans un article R. 332-1-2 (aujourd'hui disparu) par un décret du 24 février 2004, avant que toute référence
au pourvoi en cassation en soit effacée par le décret du 20 août 2004.

(2852) Art. 366-5 CPC. Rappelons que la procédure de prise à partie (qui tend à la condamnation d'un juge pour faute personnelle) ne
concerne plus les magistrats de métier (leur responsabilité pour faute personnelle ne peut être engagée que sur l'action récursoire de
l'État : art. 11-1 ord. no 58-1270 du 22 décembre 1958), mais qu'elle peut encore s'appliquer aux juges élus (ex : juges consulaires), en
vertu des articles L. 141-2 et L. 141-3 COJ.

(2853) Ex. : art. R. 492-13 C. rural, concernant le contentieux de l'établissement des listes électorales en vue de l'élection des assesseurs
des tribunaux paritaires des baux ruraux.

(2854) V. art. 996 et s. CPC et art. R. 15-2 et s. du Code électoral.

(2855) V. « Le souci d'une justice égalitaire et efficace », entretien avec J. BARTHÉLÉMY, LPA 1999, no 66, p. 3.

(2856) Pour une critique un peu plus détaillée de ce texte, v. la 5e édition de cet ouvrage (2012), nº 861.

(2857) Le délai pour se pourvoir en cassation est soumis aux règles générales applicables à toutes les voies de recours. En particulier, se
pose la question de l'effet de notifications successives, sur le point de départ du délai pour former un pourvoi en cassation. Sur cette
question, v. supra, no 712.

(2858) Sur le jugement par défaut, v. infra, no 1166.(2859) Art. 613 CPC. Sur le jeu de cette règle, v. supra, no 815.

(2860) V. supra, no 753.(2861) V. infra, no 871.

(2862) Art. 974 CPC. Si la déclaration est effectuée au secrétariat de la juridiction qui a rendu la décision, elle est nulle indépendamment
de tout grief (Civ. 1re, 29 mars 1978, Bull. civ. I, no 124, D. 1978, I.R. 365, obs. P. JULIEN), un acte de procédure ayant été accompli à la
place d'un autre.

(2863) En pratique, le pourvoi est formé à titre conservatoire dans les termes les plus larges. L'indication des chefs attaqués ne se trouve
que dans le mémoire ampliatif du demandeur.

(2864) L'article 975 posant des règles de forme de l'acte de procédure, la nullité ne peut être prononcée que si l'irrégularité a causé un
grief, comme pour tout autre acte de procédure : v. Civ. 1re, 21 janvier 1981, Bull. civ. I, no 24. Il ne faut pas confondre la nullité pouvant
affecter l'acte de procédure en raison d'un vice de forme avec l'irrecevabilité du pourvoi que le demandeur forme contre un autre que
celui qui a qualité pour être défendeur à la cassation. L'exemple classique est celui du pourvoi qu'en matière disciplinaire, un avocat
forme contre le conseil de l'ordre, au lieu de le former contre le procureur général près la cour d'appel. L'indication du conseil de l'ordre
ne résulte pas d'une simple erreur de plume : l'acte énonce ce qu'a vraiment voulu l'avocat. Dès lors, en application de l'article 32 du
Code de procédure civile, le pourvoi est irrecevable (Civ. 1re, 1er mars 1983, Bull. civ. I, no 80, D. 1984, I.R. 116, obs. A. BRUNOIS).

(2865) Art. 976 CPC. Ce texte ajoute que la remise est constatée par la mention de sa date et le visa du greffier sur chaque exemplaire,
dont l'un est immédiatement restitué. Mais la transmission télématique des déclarations de pourvoi simplifie, là encore, les choses
(v. art. 748-3, al. 3 CPC) : l'ordinateur du greffe mentionne la date du dépôt et c'est l'avocat qui, allant consulter les pièces du dossier sur
le réseau intranet, va s'assurer que le dépôt a bien été enregistré.

(2866) V. supra, no 189.

(2867) Art. 977 CPC. Il est curieux que la déclaration ne soit pas adressée à chaque défendeur au moyen d'une lettre recommandée
avec demande d'avis de réception. À supposer même que les lettres simples se perdent moins que les lettres recommandées, il reste que
les cas de perte proprement dite sont très rares et que la lettre recommandée avec demande d'avis de réception présente l'immense
avantage que l'on est raisonnablement sûr qu'elle n'a pas été distribuée à un autre qu'à son destinataire. La lettre simple peut ne pas avoir
été placée dans la boîte aux lettres du destinataire, sans que personne ne le sache.

(2868) Tout au plus, il peut arriver (art. 975 CPC) que la déclaration précise les chefs de la décision auxquels le pourvoi est limité.
(2869) En principe, chaque branche doit se suffire à elle-même, c'est-à-dire constituer une critique complète du chef attaqué par le
moyen, de sorte qu'elle entraîne à elle seule la cassation de ce chef. Cependant, lorsqu'un chef de la décision appelle plusieurs critiques,
elles-mêmes complexes, il arrive que le demandeur divise ses attaques contre le même chef en plusieurs moyens distincts, pour éviter de
soumettre à la Cour de cassation des moyens interminables, divisés en huit ou neuf branches très compactes.

(2870) Sur l'utilisation empirique qui peut être faite de la notion de défaut de base légale, par les magistrats de la Cour de cassation, v. Th.
LE BARS, Le défaut de base légale en droit judiciaire privé, thèse, LGDJ, 1997, no 295 à 308.

(2871) Sur la communication électronique, v. supra, no 189.

(2872) L'article 980 du Code de procédure civile ajoute que l'acte de signification indique alors au défendeur « qu'il doit, s'il entend
défendre au pourvoi, constituer un avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation et l'informe que s'il ne constitue pas avocat, l'arrêt à
intervenir ne pourra pas être frappé d'opposition. Cet acte précise en outre le délai » (sur lequel, v. art. 982 CPC) « dans lequel le
défendeur doit remettre au greffe son mémoire en réponse et former, le cas échéant, un pourvoi incident ».

(2873) L’article 978 dans sa rédaction issue d’un décret du 6 novembre 2014 a consacré cette solution qu’avait retenue la Cour de
cassation (v. not. Civ. 1ère, 5 juillet 2012, nº 11-18132).

(2874) Le texte désigne nommément les collectivités territoriales en question.

(2875) On remarquera ainsi que le demandeur à la cassation bénéficie de deux allongements des délais en raison des distances à
l'intérieur de la même instance, ce qui constitue une dérogation aux règles ordinaires (sur lesquelles, v. supra, no 248 et s.), que justifie
sans doute l'obligation stricte d'indiquer dans le mémoire ampliatif tous les moyens de cassation que l'on veut soumettre à la Cour.

(2876) La dématérialisation des procédures fait que, désormais, ce dépôt est remplacé par un envoi, via un réseau intranet, de ces
documents, sous la forme de fichiers PDF.

(2877) Et l'article 981 CPC ajoute que « le conseiller chargé du rapport peut demander à l'avocat du demandeur qu'il lui communique,
dans le délai qu'il fixe, toute pièce utile à l'instruction de l'affaire ».

(2878) V. supra, no 845.(2879) Sur cette notion, v. supra, no 823.

(2880) Civ. 3e, 20 mai 1985, Bull. civ. III, no 82 ; Civ. 1re, 1er octobre 1985, Bull. civ. I, no 242.

(2881) Le régime applicable aux mémoires additionnels du demandeur en cassation est donc sensiblement différent de celui qui est
traditionnellement appliqué aux conclusions additionnelles devant la cour d'appel : v. supra, no 787.

(2882) Art. 1023 et 1009 CPC. Les règles sont les mêmes que pour le mémoire ampliatif.

(2883) V. ainsi Civ. 2e, 2 décembre 1987, Bull. civ. II, no 256. En l'espèce, l'arrêt a déclaré irrecevable le moyen tiré d'un acquiescement
à la décision attaquée. La tardiveté du mémoire en défense rend aussi irrecevable la demande de condamnation au titre de l'article 700
du Code de procédure civile. V. Civ. 2e, 28 mai 1986, Bull. civ. II, no 84.

(2884) V. art. 1010 et 982 CPC.(2885) Art. 1023 et 1009 CPC. Les règles sont les mêmes que pour le mémoire du demandeur principal.

(2886) Cependant, alors que l'irrecevabilité qui sanctionne le dépôt tardif d'un mémoire en défense n'exerce guère d'influence sur l'issue
du procès, l'irrecevabilité du mémoire contenant le pourvoi incident entraîne évidemment le rejet de celui-ci sans examen.

(2887) Art. 1010 CPC. Le délai peut être allongé en raison des distances ou réduit par le premier président. Par ailleurs, ce texte ne dit
rien sur le cas où le pourvoi incident serait de nature à donner lieu à un nouveau pourvoi incident, qu'il provoquerait. L'hypothèse est sans
doute rare. Si l'on transpose la règle applicable au premier pourvoi incident qui se greffe sur le pourvoi principal, il faut sans doute décider
que le pourvoi provoqué doit être formé dans le même délai d'un mois que le mémoire en défense au premier pourvoi incident et ainsi de
suite.

(2888) V. supra, no 865.(2889) Ex. : Civ. 2e, 10 février 1993, Bull. civ. II, no 52 ; Soc., 14 mai 1998, Bull. civ. V, no 255.

(2890) V., par exemple, pour un pourvoi formé par le chef du contentieux d'une société : Soc., 7 octobre 1987, Bull. civ. V, no 527 ; ou
pour une déclaration de pourvoi effectuée par un avocat associé de celui qui a reçu le pouvoir spécial : Soc., 26 mai 1988, Bull. civ. V,
no 327.
(2891) Sur laquelle, v. supra, no 866.

(2892) Art. 1er et 2 Arr. 17 juin 2008 portant application anticipée pour la procédure devant la Cour de cassation des dispositions relatives
à la communication par voie électronique.

(2893) En revanche, le texte n'exige pas du demandeur à la cassation qu'il joigne à sa déclaration une copie de la décision attaquée, ni
une copie du jugement confirmé ou infirmé par la décision attaquée (comp. : art. 979 CPC relatif à la procédure avec représentation
obligatoire).

(2894) Il suffit que la déclaration soit suffisamment explicite pour rendre intelligibles les critiques adressées à la décision. V. Soc.,
10 décembre 1984, Bull. civ. V, no 473.

(2895) Art. 986 CPC. Ce texte ajoute que le récépissé de la déclaration reproduit la teneur des articles 989 et 994, relatifs à l'obligation
du demandeur de déposer un mémoire (v. infra, no 876).

(2896) Art. 987 CPC. Ce texte ajoute que la notification reproduit la teneur des articles 991 et 994, relatifs à l'obligation du défendeur de
déposer un mémoire (v. infra, no 877).

(2897) Art. 987 in fine CPC.(2898) Art. 988 CPC.

(2899) Civ. 1re, 4 février 1986, Bull. civ. I, no 3, D. 1986, I.R. 122, obs. P. JULIEN ; Soc., 5 octobre 1993, Bull. civ. V, no 222. Il a déjà été
indiqué (supra, no 802 en note) qu'il était regrettable qu'une disposition comparable à l'article 995 n'existe pas pour la procédure d'appel.

(2900) V. supra, no 866.

(2901) Civ. 2e, 17 février 1988, Bull. civ. I, no 45, D. 1988.387, note N.S. Le résultat concret est qu'en cas d'hésitation persistante,
l'avocat aux conseils doit déposer un mémoire ampliatif pour le demandeur dans le délai plus bref de la procédure sans représentation
obligatoire (sur lequel, v. infra, au texte).

(2902) Sur lesquelles v. supra, no 868. Ex. : Soc., 25 mai 1994, Bull. civ. V, no 179 (le rédacteur du mémoire n'est pas tenu de n'invoquer
qu'un seul cas d'ouverture à cassation par moyen ou branche de moyen).

(2903) L'article 989 ajoute que ce mandataire n'est pas tenu de justifier d'un nouveau pouvoir spécial. Mais cette dispense ne joue que si
ce mandataire est le même que celui qui a formé le pourvoi. Dans le cas inverse, le mandataire doit justifier d'un pouvoir spécial : Soc.,
24 février 1983, Bull. civ. V, no 112.

(2904) Art. 1023 et 1009 CPC. Les règles sont les mêmes que dans la procédure avec représentation obligatoire.(2905) Art. 989 CPC.

(2906) Art. 990 CPC.(2907) Art. 993 CPC.

(2908) Lorsque la déclaration de pourvoi contient un exposé des moyens de cassation et que le demandeur ne dépose aucun mémoire
pour compléter cet exposé, le délai de deux mois pour déposer le mémoire en défense commence à courir à compter de l'expiration du
délai de trois mois dont disposait le demandeur.

(2909) Comme pour la déclaration de pourvoi, le dépôt des mémoires doit pouvoir être effectué électroniquement lorsque la partie est
représentée par un avocat aux conseils (v. supra, no 874, 875).

(2910) Art. 1023 et 1009 CPC.(2911) Art. 994 CPC.

(2912) Art. 992 CPC. Par exception, lorsque le défendeur a constitué avocat aux conseils, la notification du mémoire est faite à cet
avocat (art. 993 CPC).

(2913) Art. 991 et 1010 CPC.

(2914) Art. 1010 CPC. Le cas échéant, le délai peut être allongé en raison des distances ou réduit par le premier président.

(2915) V. supra, no 869 et no 876.(2916) Art. 1009 CPC.

(2917) L'article 1011 du Code de procédure civile dispose, sur ce point, que l'affaire est distribuée dès que le demandeur a remis son
mémoire et au plus tard à l'expiration du délai imparti à cette fin.
(2918) On verra (infra, no 887) que le renvoi devant une chambre mixte ou devant l'Assemblée plénière peut encore être ordonné dans
d'autres conditions. Sur les règles applicables à la composition des chambres mixtes et de l'Assemblée plénière, v. R. P ERROT ,
Institutions judiciaires, Montchrestien, Domat, 15e éd., 2012, no 251 et 252.

(2919) Art. L. 431-7 COJ.

(2920) Ce que le texte exprime par la formule : « hors les matières où le pourvoi empêche l'exécution de la décision attaquée ».

(2921) Pour un exposé détaillé des solutions jurisprudentielles retenues en application des articles 1009-1 et suivants CPC,
v. C. FATTACCINI, « Pourvoi en cassation », Droit et pratique de la procédure civile, Dalloz Action 2014/2015, no 553.292 et s.

(2922) L'incidence de l'article 1009-1 en termes de désengorgement de la Cour de cassation est cependant limitée : en 2013, la radiation
a été ordonnée 428 fois, mais la réinscription l'a été 170 fois, tandis que dans le même temps, 19 658 nouveaux dossiers étaient reçus par
la Cour en matière civile, commerciale ou sociale, c'est-à-dire dans les domaines où l'article 1009-1 a vocation à s'appliquer (v. Rapport
de la Cour de cassation 2013, site de la Cour de cassation). De ces chiffres, il ressort que le taux moyen « d'élimination » des dossiers,
par ce biais, est de l'ordre de 1,3 % de la masse des affaires enrôlées.

(2923) Deux mois à compter de la notification qui lui a été faite du mémoire du demandeur : art. 982 et 991 CPC. En revanche, la
demande de radiation formée dans ce délai l’interrompt (art. 1009-1, al. 3, CPC). Il repart donc à zéro après la décision du président ou
de son délégué rejetant cette demande ou, lorsque la radiation est prononcée, à compter de de la notification de la réinscription de
l'affaire au rôle (1009-3, al. 2, CPC).

(2924) Dans la même optique, il nous semble qu'il y a également un risque de conséquence manifestement excessive, lorsque la décision
attaquée a ordonné le versement d'une somme d'argent qui, eu égard à la situation particulière du créancier, ne pourra probablement pas,
dans les faits, être récupérée par le demandeur en cassation en cas de succès de son pourvoi. On pense, bien sûr, à la situation d'un
créancier placé en liquidation judiciaire. On peut donc être surpris par une ordonnance rendue le 7 février 2001 (Bull. ord., no 3) par le
premier président de la Cour de cassation, selon laquelle, dans une situation de ce type (le créancier défendeur en cassation était une
société en liquidation judiciaire), il y a lieu d'ordonner le retrait du rôle (la radiation), aux motifs que cette circonstance « ne saurait à elle
seule constituer une conséquence manifestement excessive de l'exécution de l'arrêt »...

(2925) Quatre mois ou trois mois à compter du pourvoi, selon que la représentation est ou non obligatoire. Cf. articles 978 et 989 CPC. Il
est à noter que le défendeur en cassation est logiquement mieux traité. En effet, en vertu de l'article 1009-3, alinéa 2, le délai dans lequel
il doit déposer son mémoire en défense ne court qu'à compter de la notification de la réinscription de l'affaire au rôle. Cette solution est
parfaitement logique, puisque ce n'est pas sur lui qu'il convient de faire pression.

(2926) Cette possibilité introduite en 2008 dans l'article 1009-2, est dérogatoire au principe posé à l'article 388 CPC.

(2927) Article 1009-3, alinéa 1er CPC.(2928) Cass. ord. 9 mai 2001, Bull. civ. ord. no 14.

(2929) Cass. ord. 23 avril 2003, Bull. civ. ord. no 4.

(2930) Une ordonnance présidentielle est allée très loin dans ce sens, en écartant le jeu d'une péremption d'instance alors que, si
l'impossibilité d'exécution était bien apparue avant écoulement du délai de péremption de deux ans, la demande de réinscription n'avait été
présentée qu'une fois ce délai écoulé (Cass. ord. 9 octobre 2008, Bull. civ. ord no 5). L'ordonnance ne le précise pas, mais cette mise à
l'écart de l'article 386 CPC pourrait reposer sur une volonté (peut-être excessive compte tenu de la tardiveté de la demande de
réinscription au rôle) de faire prévaloir le droit fondamental à un recours.

(2931) Sur cette question, v. V. MAIGNAN, « Le retrait du rôle du pourvoi en cassation et la convention européenne de sauvegarde des
droits de l'Homme et des libertés fondamentales », Procédures 2000, chr. no 12.

(2932) Avant la réforme de décembre 2005, l'article 1009-1 du Code de procédure civile n'écartait la sanction de l'inexécution de la
décision que lorsque l'exécution était de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives. Une interprétation stricte de ce
texte devait conduire au « retrait du rôle » (aujourd'hui la radiation de l'affaire), lorsque l'inexécution reposait sur l'insolvabilité du
demandeur, situation non envisagée par le Code. Mais alors, le mécanisme de l'article 1009-1 revenait à fermer la voie du pourvoi en
cassation aux personnes les plus défavorisées. C'était, de toute évidence, une discrimination intolérable qui consistait à instaurer une
justice à deux vitesses.

(2933) À l'époque, les textes parlaient encore (à tort) de « retrait du rôle » et non de « radiation ». L'instauration d'une terminologie plus
correcte date du décret no 2005-1678 du 28 décembre 2005.
(2934) Ex. : CEDH, 14 novembre 2000, « Annoni di Gussola et autres c/France », Dr. et procéd. 2001, p. 167, note Ch. HUGON,
Procédures 2000, no 41, obs. H. CROZE. ; CEDH, 25 septembre 2003, « Bayle c/France », D. 2004, som. p. 988, obs. N. FRICERO ;
CEDH, 18 janvier 2005, « Carabasse c/France ».

(2935) Outre les incidents qui sont soumis aux dispositions communes à toutes les juridictions, les articles 1024 à 1031 du Code de
procédure civile énoncent des règles particulières pour le désistement, la récusation et la demande en faux.

(2936) Cette possibilité, assez rarement utilisée, résulte de l'article 1015-1 CPC, issu du décret no 99-131 du 26 février 1999, lequel a
consacré une pratique qui existait déjà dans les faits.

(2937) Curieusement, dans sa version initiale, l'article 1015 du Code de procédure civile ne visait que les moyens de cassation et non
ceux qui étaient de nature à faire rejeter le pourvoi. Cette distinction avait conduit le Conseil d'État à annuler ce texte (CE, 5 juillet 1985,
Gaz. Pal. 1985. 742, note S. GUINCHARD et T. MOUSSA, JCP 1985.II.20478, concl. P.-A. JEANNENEY, RTD civ. 1986, p. 169, obs.
J. NORMAND). Il a été rétabli par le décret no 2008-484 du 22 mai 2008, mais il exige désormais de la Cour qu'elle respecte le principe
contradictoire quel que soit le moyen qu'elle envisage de relever d'office et non plus pour les seuls moyens de cassation.

(2938) Art. R. 431-5 COJ.

(2939) On parle aussi de formation « de section », les chambres se divisant en sections. Mais il arrive également qu'une chambre
réunisse tous ses membres, en vue de statuer dans une affaire importante. On parle alors de « plénière de chambre » (à ne pas
confondre avec l'Assemblée plénière de la Cour).

(2940) Sur l'évolution des textes depuis 1979, v. S. GUINCHARD, G. MONTAGNIER, A. VARINARD, Th. DEBARD, Institutions juridictionnelles,
Dalloz, Précis, 12e éd., 2013, no 689.

(2941) C'est pourquoi nous plaçons le mot « ordinaire » entre guillemets : à dire vrai, la formation ordinaire, c'est, depuis la réforme de
1997, la formation restreinte !

(2942) Art. L. 431-1 COJ(2943) Anc. art. 1014 CPC.(2944) Pour plus d’explications, v. cet ouvrage, 5e éd., 2012, nº 882.

(2945) Se prononçant sur la procédure d'admission des pourvois devant le Conseil d'État, puis devant la Cour de cassation, la Cour
européenne des droits de l'homme avait refusé à plusieurs reprises de sanctionner la France au motif qu'une juridiction pouvait écarter un
recours comme dépourvu de chance de succès sans que sa décision soit « motivée en détail » : v. notamment CEDH, 9 mars 1999 (« SA
Immeuble Groupe Kosser c/France ») ; 28 janvier 2003 (« Burg et a. c/France »). Ad. CEDH, 10 mai 2012, nº 26219/08, Procédures
2012, nº 218, note N. FRICERO.

(2946) Pendant un temps, le conseiller rapporteur remplissait une fiche de présentation normalisée dans laquelle il indiquait, en cochant
des cases, les raisons pour lesquelles il y avait lieu, selon lui, de déclarer le pourvoi non-admis. À compter de 2005, les parties ont eu
accès au rapport du conseiller-rapporteur et ont pu lui répondre (L. P OULET , « La pratique des décisions de non-admission. Le point de
vue d’un avocat à la Cour de cassation », Gaz. Pal. 08/02/2014, p. 9).

(2947) Cass. Mixte, 12 avril 2002, JCP G 2002, II, 10100, note M. BILLIAU. Cette pratique était devenue très courante. Ex. :
Cass. Ass. plén., 5 juillet 2002, Bull. Ass. plén., no 2 ; Soc., 15 octobre 2002, JCP G 2003, II, 10060, note A. P ERDRIAU. Dans cette
dernière affaire, ce sont tous les moyens qui avaient ainsi été évincés !

(2948) À rappr. : L. P OULET , ibid. Et v. Com., 8 octobre 2003, JCP G 2004, II, 10096, accompagné des explications de M. F. DESCORPS-
DECLÈRE (v. aussi RTD civ. 2004, p. 778, obs. R. P ERROT ), à propos d'un moyen qui, huit mois plus tôt, avait conduit la première chambre
civile à prononcer une cassation !

(2949) Sur ce thème, v. D. TRICOT , « L'élaboration d'un arrêt de la Cour de cassation », Études en l'honneur de A. Ponsard, Litec,
2003, p. 263 ; et, avec un contenu quelque peu modifié, JCP G 2004, I, 108.

(2950) À signaler qu'en vertu de l'article 1009, al. 2 CPC, lorsque le premier président ou son délégué a réduit les délais prévus pour le
dépôt des mémoires et des pièces, le président de la formation compétente, à l'expiration de ces délais, fixe la date de l'audience.

(2951) Art. 1016 CPC.(2952) Art. 1018 CPC.(2953) Art. 1016 CPC.

(2954) Il est à noter cependant que, l'article 1022 du Code de procédure civile dispose que, dans tous les cas, une copie de l'arrêt est
adressée à la juridiction dont émane la décision attaquée.
(2955) La règle ne s'applique pas lorsque la partie était représentée par un avocat aux conseils. La disposition de l'article 1022-1 du Code
de procédure civile présente le mérite de la simplicité et convient lorsque la cassation de l'arrêt attaqué ne laisse rien à juger. En
revanche, elle est totalement inadaptée au cas où la Cour de cassation casse sans renvoi parce que les faits, tels qu'ils ont été
souverainement constatés et appréciés par les juges du fond lui permettent d'appliquer la règle de droit appropriée. L'arrêt emportant
exécution forcée, il serait souhaitable que sa notification soit effectuée de façon telle que le bénéficiaire de la cassation puisse en établir
la réalité.

(2956) Quelle que soit sa forme, l'acte de notification de l'arrêt de cassation doit, à peine de nullité, indiquer de manière très apparente le
délai mentionné par l'article 1034 du Code de procédure civile ainsi que les modalités selon lesquelles la juridiction de renvoi peut être
saisie (art. 1035 CPC).

(2957) On pourrait penser a priori qu'il en va de même en cas de cassation sans renvoi. Le titre constitué par la décision attaquée
disparaît de la même façon. Il existe cependant une différence entre les deux sortes de décisions. L'arrêt cassant sans renvoi contient un
dispositif qui énonce lui-même quels sont les droits des parties. Il suffit donc de l'appliquer. V. les exemples cités, supra, no 811.

(2958) V. anciennement l'article 19 de la loi no 67-523 du 3 juillet 1967 relative à la Cour de cassation.

(2959) On admet aussi le versement d'une indemnité au titre d'un enrichissement sans cause, ce qui suppose que soient réunies les
conditions de l'action de in rem verso. Ex. : Civ. 3e, 27 mai 2009, no 08-14420, Procédures 2009, no 264, note R. P ERROT .

(2960) Les intérêts moratoires ne commencent à courir qu'à compter de la sommation de payer, c'est-à-dire en pratique à compter de la
notification de l'arrêt de cassation. V. Civ. 2e, 9 novembre 1983, Bull. civ. II, no 173, D. 1985.318, note G. BOLARD, Gaz. Pal. 1984, Pan.
69, obs. S. GUINCHARD.

(2961) Civ. 2e, 14 avril 2005, Bull. civ. II, no 91 (frais exposés pour la réalisation d'un prêt hypothécaire contracté pour payer les sommes
dues en vertu de la décision) ; 30 mai 2002, ibid. no 110, Procédures 2002, no 154, note R. P ERROT , (frais exposés pour retirer des
supports publicitaires).

(2962) V. Civ. 2e, 13 juin 2002, Bull. civ. II, no 124.

(2963) Civ. 3e, 9 mars 2011, no 10-30603, RTD civ. 2011, p. 390, obs. R. P ERROT , Dr. et procéd. 2011, p. 150, obs. O. SALATI (à propos
d'un preneur à bail rural qui n'avait pu exploiter les terres pendant une année).

(2964) Le plus souvent, la juridiction de renvoi étant une seconde cour d'appel, la déclaration prévue par l'article 1033 du Code de
procédure civile est alors une simple répétition de l'acte d'appel régi par l'article 901 du même code. En revanche, la disposition de
l'article 1033 soulève quelques difficultés lorsque la décision cassée est un jugement rendu par un tribunal de commerce en dernier
ressort. La déclaration vient alors se substituer à l'assignation prévue par l'article 854 du Code de procédure civile. Il semble alors
raisonnable de n'inclure dans la déclaration que les mentions qui sont compatibles avec le fait que cette déclaration n'est pas un acte
d'huissier destiné à l'adversaire.

(2965) Soc., 20 février 1991, Bull. civ. V, no 89. Il a depuis été jugé, au contraire, que la déclaration de saisine non conforme à
l'article 1033 CPC était irrecevable, mais l'arrêt a été rendu dans un cas particulier (recours devant la cour d'appel de Paris contre une
décision du Conseil de la concurrence) où un texte spécial (art. 2 du décret du 19 octobre 1987, aujourd'hui remplacé par l'art. R. 464-12
C. com.) frappait d'une fin de non-recevoir les déclarations de recours ne précisant pas l'objet du recours : Com., 26 mars 2002,
Bull. civ. IV, no 59, Procédures 2002, no 118, note H. CROZE. Il n'est donc pas du tout certain qu'il faille y voir un revirement de
jurisprudence par rapport à la solution de 1991.

(2966) Art. 1036 CPC (pour une illustration : Civ. 2e, 19 mai 1998, Bull. civ. II, no 155). Par ailleurs, le secrétaire de la juridiction de
renvoi demande, sans délai, au greffe de la juridiction dont la décision a été cassée, de lui communiquer le dossier de l'affaire (art. 1037
CPC).

(2967) La question était controversée avant 1985 de savoir si la saisine de la juridiction de renvoi pouvait intervenir en l'absence de
notification préalable de l'arrêt de cassation. Le décret no 85-1330 du 17 décembre 1985 a mis fin à la discussion : la saisine peut
intervenir sans notification préalable.

(2968) V. supra, no 249 et s.


(2969) La situation est comparable à celle qui se rencontre lorsqu'un tribunal se dessaisit pour cause d'incompétence et renvoie l'affaire
devant un autre tribunal. C'est la même instance qui continue devant le second juge. Sur les conséquences attachées au fait que c'est la
même instance qui reprend devant le juge de renvoi après cassation, v. infra au texte.

(2970) En pratique, deux actes peuvent interrompre le délai de péremption : la notification de l'arrêt de cassation (Soc., 13 février 1985,
Bull. civ. V, no 110, Gaz. Pal. 1985, Pan. 198, obs. S. GUINCHARD et T. MOUSSA) et la déclaration pour reprendre l'instance devant le juge
de renvoi. En l'absence de notification, l'instance se trouve périmée si la déclaration n'est pas faite dans les deux ans qui suivent le
prononcé de l'arrêt de cassation rendu contradictoirement : v. Civ. 3e, 9 février 1982, Bull. civ. III, no 40.

(2971) L'article 1034 du Code de procédure civile sanctionne l'expiration du premier délai et l'article 390 celle du second dans les mêmes
termes lorsque l'instance périmée est une instance d'appel. En revanche, l'article 390 du Code de procédure civile vise également le cas
de la péremption de l'instance d'opposition, alors que l'article 1034 ne dit rien en cas de cassation d'un jugement rendu sur opposition. Il
faut sans doute donner la même solution qu'en cas de décision rendue sur appel : le jugement rendu sur l'opposition passe en force de
chose jugée.

(2972) Bien sûr, il s’agit du juge qui était initialement compétent et non pas du juge de renvoi désigné par la Cour de cassation, ce renvoi
n’ayant plus de raison d’être. En ce sens, v. Civ. 3e, 11 avril 2012, nº 11-12851, Procédures 2012, nº 171, note R. P ERROT .

(2973) Art. 631 CPC.(2974) Civ. 2e, 15 février 1995, Bull. civ. II, no 50.(2975) Art. 632 CPC.

(2976) Mais sont-elles censées conserver les moyens et prétentions qu'elles ne reprennent pas expressément, lorsqu'elles en exposent de
nouveaux ? Dans les procédures écrites, la rédaction des articles 753 et 954 CPC conduit à dire que ce qui ne figure pas dans les
« dernières conclusions » est réputé abandonné. Mais tel ne devrait pas être le cas dans les procédures orales où, par définition, il n'est
pas exigé de conclusions récapitulatives. Un arrêt rendu par la Cour de cassation en Assemblée plénière a pourtant décidé le contraire,
pour des raisons qui nous échappent eu égard aux textes du Code de procédure civile : selon cet arrêt (Cass. Ass. plén., 26 octobre 2001,
Bull. Ass. plén., no 12, RTD civ. 2002, p. 148, obs. R. P ERROT ), la partie « ayant comparu et conclu devant la juridiction de renvoi, celle-ci
n'était tenue de répondre qu'aux prétentions et moyens formulés devant elle, alors même que la procédure (était) orale ».

(2977) Civ. 1re, 19 juin 2007, no 06-20240, RTD civ. 2007, p. 811, obs. R. P ERROT .

(2978) Art. 633 et 635 CPC. Les articles 636 et 637 du Code de procédure civile ajoutent que les parties qui, ayant été parties à
l'instance devant la juridiction dont la décision a été cassée, ne l'ont pas été devant la Cour de cassation peuvent être appelées à la
nouvelle instance ou y intervenir volontairement lorsque la cassation porte atteinte à leurs droits. Ces personnes peuvent, sous la même
condition, prendre l'initiative de saisir elles-mêmes la juridiction de renvoi.

(2979) Sur le principe de l'interdiction des demandes nouvelles en appel et sur les exceptions qui lui sont apportées, v. supra, no 760 et s.

(2980) Art. L 312-2 et R. 312-9 COJ. La sanction de cette règle est soumise au régime dérogatoire de l'article 430 du Code de
procédure civile (sur lequel v. supra, no 486 en note).

(2981) Sur l'étendue de la cassation, v. supra, no 855 et s.(2982) Art. 638 CPC.

(2983) Art. L. 431-4 COJ. En revanche, si la juridiction de renvoi adopte le même raisonnement juridique que la Cour de cassation, une
partie ne peut pas fonder un nouveau pourvoi sur ce point. La solution n'est affirmée explicitement par aucun texte. La Cour de cassation
l'a d'abord déduite par un raisonnement a contrario (qui n'est pas évident) de l'article 15 de la loi no 67-523 du 3 juillet 1967, devenu
l'article L. 431-6 du Code de l'organisation judiciaire. V. Cass. Mixte, 30 avril 1971, JCP 1971.II.16800, concl. R. LINDON. Elle l'a ensuite
réaffirmée sans plus chercher à lui donner un fondement textuel : Cass. Ass. plén., 21 décembre 2006, no 05-17690, Dr. et procéd. 2007,
p. 158, obs. Y. DESDEVISES.

(2984) Bien que les articles 617 et 618 du Code de procédure civile parlent de contrariété de jugements, il nous paraît préférable de
parler d'inconciliabilité.

(2985) L'arrêt rendu par la Cour de cassation visera l'article 1351 du Code civil.

(2986) Civ. 2e, 17 novembre 1982, Bull. civ. II, no 144, Gaz. Pal. 1983, Pan. 100, obs. S. GUINCHARD. En l'espèce, le recours a été déclaré
irrecevable pour une raison de procédure, mais peu importe pour ce qui est de la notion.

(2987) Com., 12 janvier 1988, Bull. civ. IV, no 10. Dans cette affaire, il était encore question de « règlement judiciaire » et de « liquidation
de biens ». Cela ne change rien à notre propos.
(2988) Soc., 12 mars 1987, Bull. civ. V, no 162. V. aussi, sur l'absence d'identité de parties, Civ. 3e, 6 janvier 1982, Bull. civ. III, no 3,
Gaz. Pal. 1982.388, note J. VIATTE, RTD civ. 1982, p. 790, obs. R. P ERROT .

(2989) J. BORÉ, La cassation en matière civile, Paris, 1re édition, 1980, no 2032.

(2990) Civ. 1re, 18 octobre 1983, Bull. civ. I, no 235, Gaz. Pal. 1984, Pan. 69, obs. S. GUINCHARD.

(2991) Comme le fait l'article 618 du Code de procédure civile, nous raisonnons sur le cas où deux décisions sont inconciliables, mais on
peut imaginer (bien que nous n'en connaissions pas d'exemple) que l'inconciliabilité existe entre trois ou même quatre décisions
différentes.

(2992) V. Th. LE BARS, note sous Cass. Ass. plén., 29 novembre 1996, JCP G 1997, II, 22807, no 25.

(2993) Civ. 2e, 17 novembre 1982, Bull. civ. II, no 144, Gaz. Pal. 1983, Pan. 100, obs. S. GUINCHARD ; Civ. 1re, 13 octobre 1998,
Bull. civ. I, no 292.

(2994) Le principe de la séparation des autorités judiciaires et administratives fait qu'il doit s'agir de décisions émanant de juridictions de
l'ordre judiciaire. V. Soc., 9 décembre 1985, Bull. civ. V, no 578. Quand sont en cause une décision judiciaire et une autre émanant d’une
juridiction administrative, un recours est possible, mais devant le Tribunal des conflits, lequel jugera le litige au fond :
art. 15 (mod.) L. 24 mai 1872 et 42 D. nº 2015-233 du 27 février 2015.

(2995) Rappelons que la procédure pénale relève du domaine législatif.

(2996) Cass. Ass. plén., 29 novembre 1996, JCP G 1997, II, 22807, note Th. LE BARS. V. aussi, not., Cass. Mixte, 11 décembre 2009,
no 09-13944.

(2997) Art. 618, al. 2 CPC.

(2998) Bien que l'article 618 du Code de procédure civile ne l'envisage pas expressément, on peut même imaginer que chacune des
décisions ait fait l'objet d'un pourvoi en cassation qui ait été rejeté, en l'absence d'une violation de la loi. Cependant, en pratique, on
imagine assez mal qu'à ce stade de la procédure les parties n'aient pas encore décelé l'inconciliabilité existant entre les décisions.

(2999) À défaut d'indication contraire de l'article 618 du Code de procédure civile, on doit sans doute décider que l'appel est un appel
normal, c'est-à-dire qu'il n'est formé que contre l'une des deux décisions. L'autre décision peut seulement être invoquée devant la cour.

(3000) Ex. : Soc., 8 novembre 1988, Bull. civ. V, no 571. En l'espèce, les juges du fond avaient décidé qu'aucune des deux sociétés contre
lesquelles le salarié licencié avait agi ne pouvait être tenue pour son employeur. La Cour a cassé celle des décisions qui était contraire à
sa doctrine.

(3001) Ex. : Civ. 1re, 11 février 1986, Bull. civ. I, no 19.

(3002) D'ailleurs, lorsque le ministère public est partie principale, le pourvoi n'est pas formé par le procureur général près la Cour de
cassation mais par le représentant du ministère public près la juridiction qui a rendu le jugement attaqué, le plus souvent donc par le
procureur général près la cour d'appel.

(3003) Pour quelques exemples de cassations dans l'intérêt de la loi, v. Civ. 2e, 1er mars 2001, Bull. civ. II, no 33 ; Cass. Ass. plén., 31 mai
1991, Bull. Ass. plén., no 4. Pour un exemple d'annulation pour excès de pouvoir sur pourvoi du procureur général : Com., 27 novembre
1991, Bull. civ. IV, no 365.

(3004) Peut-on même parler de cassation ? Si les mots ont véritablement un sens, il faut répondre non.(3005) Art. 639-1, al. 4, CPC.

(3006) V. art. 639-4 CPC.(3007) Art. 639-1, al. 5, CPC.(3008) Sur lequel, v. supra, no 735.

(3009) Selon les indications de MM. Boré (La cassation en matière civile, Dalloz Action, 4e éd., 2009-2010, no 142.91), le délai est
généralement de deux mois.

(3010) Art. 639-3, al. 2, CPC.(3011) Ex. : Civ. 1re, 30 mai 1967, Bull. civ. I, no 188.(3012) V. supra, no 385 et s.(3013) V. supra, no 790.

(3014) V. infra, no 1163 et s.


(3015) Même si ce n'est qu'un indice imparfait, on ne peut s'empêcher de constater la rareté des décisions récentes en matière
d'opposition, qui contraste singulièrement avec le nombre des décisions qui intéressent l'appel.

(3016) Jusqu'au décret no 2010-1165 du 1er octobre 2010, l'article 892 du Code de procédure civile disposait également que l'opposition
était exclue contre les jugements des tribunaux paritaires des baux ruraux, sans que la raison de cette exclusion soit bien évidente. Cette
disposition a été supprimée, ce qui est une bonne chose.

(3017) V. supra, no 851.(3018) On l'exprime parfois sous la forme de l'adage : opposition sur opposition ne vaut.

(3019) Le défendeur originaire est demandeur à l'opposition, mais il ne devient pas pour autant (v. infra, no 906) demandeur au regard
des questions de droit substantiel.

(3020) Cette situation ne doit pas être confondue avec celle dans laquelle une première « opposition » a été formée contre une
ordonnance d'injonction de payer. Cette « opposition » au sens des articles 1412 et s. CPC (v. supra, no 586) est d'une tout autre nature
que celle dont il est ici question. L'ordonnance d'injonction de payer n'est pas un « jugement par défaut ». Par conséquent, le défendeur
qui fait « opposition » à une ordonnance d'injonction de payer pourra ensuite faire opposition au jugement qui sera rendu contre lui par
défaut s'il est finalement défaillant. V., ainsi : Civ. 2e, 18 octobre 2007, no 06-17201, Procédures 2007, no 276, note R. P ERROT .

(3021) Art. 539 CPC.(3022) V. supra, no 527 et s.

(3023) Civ. 2e, 17 novembre 1993, Bull. civ. II, no 326, RTD civ. 1994, p. 173, obs. R. P ERROT .

(3024) L'opposition n'est ouverte que contre les jugements rendus en dernier ressort.

(3025) La Cour de cassation en tire très justement cette conséquence que la charge de la preuve ne pèse pas sur le défendeur. Il n'a pas
à apporter la preuve du bien-fondé de ses propres prétentions. V. Soc., 3 avril 1979, Bull. civ. V, no 306, RTD civ. 1979, p. 841, obs.
R. P ERROT .

(3026) Cette situation montre bien que l'opposant n'est pas placé dans la même situation que l'appelant. Une partie ne peut pas être
placée à la fois dans la position de l'appelant et dans celle de l'intimé.

(3027) Sur la question de savoir s'il y a naissance d'une nouvelle instance ou renaissance de l'instance initiale, v. infra, no 909 en note.

(3028) Art. 577 CPC.(3029) Civ. 2e, 18 janvier 1989, Bull. civ. II, no 17.

(3030) L'article 572 du Code de procédure civile dispose expressément que « le jugement frappé d'opposition n'est anéanti que par le
jugement qui le rétracte ».

(3031) On sait que, par exception, « l'opposition » à une ordonnance d'injonction de payer suffit, à elle seule, à remettre en cause
l'ordonnance (v. supra, no 693). Rappelons toutefois qu'en dehors de son appellation, cette voie de recours n'a qu'un lointain rapport avec
l'opposition à un jugement rendu par défaut.

(3032) Art. 390 CPC. Il en va de même si la partie défaillante se désiste de son opposition. Bien sûr, telle n'est pas la solution retenue en
cas d'extinction prématurée d'une instance née d'une « opposition » à ordonnance d'injonction de payer : en vertu de l'article 1419 CPC,
l'ordonnance d'injonction de payer est alors non avenue.

(3033) À notre avis, ceci a pour conséquence qu'en cas de cassation d'un arrêt d'appel rendu sur opposition, la procédure est reprise
devant la cour d'appel de renvoi au stade où l'opposition avait été formée contre l'arrêt d'appel rendu par défaut. Elle ne reprend pas en
l'état antérieur au prononcé de ce premier arrêt d'appel : celui-ci n'a pas pu être cassé car il avait déjà été anéanti par le second arrêt ;
une fois cassé le second arrêt, le premier renaît de ses cendres, les effets de l'arrêt cassé disparaissant rétroactivement avec lui.

(3034) La question est discutée de savoir si l'opposition fait naître une nouvelle instance ou si c'est la première instance qui continue.
Cette seconde opinion nous paraît liée à la doctrine selon laquelle l'acte d'opposition suffisait à entraîner immédiatement l'anéantissement
du premier jugement. En l'état actuel du droit positif, elle ne repose sur aucun fondement solide (le texte de l'article 577 du Code de
procédure civile qui parle de « l'instance qui recommence » nous paraît un indice très fragile) et introduit dans l'opposition un élément de
complication dont on recherche en vain l'utilité. Un arrêt de la Cour de cassation s'est cependant prononcé en faveur d'une reprise de
l'instance initiale : Soc., 16 mars 1999, Bull. civ. V, no 121.

(3035) Art. 540 CPC, sur lequel, V. supra, no 256 et s. et infra, no 1167.
(3036) Il existe évidemment des exceptions dans des domaines particuliers. Ex. : l'article R. 661-2 du Code de commerce dispose que
l'opposition est formée contre les décisions rendues dans certaines matières (ex : en matière de mandat ad hoc, de conciliation, de
sauvegarde, de redressement judiciaire, etc.), « par déclaration au greffe dans le délai de dix jours à compter du prononcé de la
décision ».

(3037) V. art. 857 CPC.

(3038) En vertu de l'article 420 CPC, l'avocat de l'adversaire a cessé de le représenter à compter de l'exécution de la décision ou s'il s'est
écoulé un an depuis son prononcé (lequel coïncide généralement avec son passage en force de chose jugée s'agissant d'un arrêt d'appel)
sans que l'exécution ait été entreprise.

(3039) Devant la cour d'appel, l'opposition peut donc être formée de deux façons différentes. L'avocat du défaillant peut faire opposition
comme on fait appel, au moyen d'une déclaration au greffe ou bien faire opposition par acte d'avocat à avocat, en dénonçant cet acte au
greffe dans le délai d'un mois. En pratique, cette seconde technique est rarement utilisée devant la Cour.

(3040) V. supra, no 802.

(3041) Il est permis de douter de l'utilité de cette disposition, l'opposition étant devenue aujourd'hui d'un usage exceptionnel, ce qui
explique sans doute la clémence de la Cour de cassation en la matière.

(3042) Civ. 2e, 6 octobre 1993, Bull. civ. II, no 280.

(3043) En ce sens, R. P ERROT , obs. à la RTD civ. 1985, p. 619, sous Aix-en-Provence, 5 juillet 1984, Gaz. Pal. 1985.399, note
J. DUBREUIL.

(3044) Sur les diverses opinions émises par la doctrine, v. notamment R. MOREL, Traité élémentaire de procédure civile, 2e éd., Paris,
1949, no 680 et s. et G. CORNU et J. FOYER, Procédure civile, 2e éd., Paris, 1996, p. 637 et s.

(3045) V. supra, no 342.(3046) Art. L. 332-9 C. consom.

(3047) Cette voie de recours est également ouverte (v. art. L. 332-5 C. consom.) contre la décision du juge qui confère force exécutoire
à la recommandation de la commission de surendettement tendant au rétablissement personnel sans liquidation judiciaire. Une telle
mesure entraîne, elle aussi, l'effacement de la plupart des dettes non professionnelles.

(3048) On a vu (supra, no 70) qu'exceptionnellement, la demande pouvait porter sur un ou plusieurs éléments du présupposé de la règle
de droit, ce qui lui conférait un caractère déclaratoire. La tierce opposition formée contre un tel jugement serait à placer dans la seconde
sorte de tierce opposition, qui n'a pour objet que la déclaration de mal jugé du jugement attaqué.

(3049) Ex. : Civ. 1re, 7 janvier 1975, Bull. civ. I, no 6, ou Civ. 1re, 6 juillet 1977, Bull. civ. I, no 316, JCP 1978.II.18817, note R. SAVATIER.

(3050) Ex. : Civ. 1re, 7 mars 1989, Bull. civ. I, no 112.

(3051) Sous la seule réserve, assez théorique il faut bien le dire, qu'une quatrième personne ne vienne à son tour revendiquer la propriété
du terrain. Si c'est le cas, une nouvelle tierce opposition sera formée, qui donnera lieu à un jugement liant les quatre intéressés.

(3052) Sur ce mécanisme, v. infra, au texte.

(3053) Pour une présentation de la jurisprudence sur cette question, v. I. NICOLLE, « Le tiers dans la tierce opposition », in L’autorité de
la chose jugée (dir. L. CADIET et D. LORIFERNE), IRJS Éditions, 2012, p. 137.

(3054) V. Soc., 29 juin 1951, Bull. civ. III, no 540. Une personne reçoit par succession une copropriété indivise. Elle peut former tierce
opposition au jugement auquel elle avait été partie en tant que propriétaire d'une autre part indivise dont elle était déjà propriétaire.

(3055) V., à propos d'une demande en paiement du loyer dû pour le local d'habitation du ménage, Civ. 3e, 9 juin 1982, Bull. civ. III, no 153,
D. 1983, I.R. 158, obs. P. JULIEN.

(3056) Sur l'interruption et la reprise d'instance, v. infra, no 1184 et s. et infra, no 1188.

(3057) Civ. 2e, 7 novembre 1977, Gaz. Pal. 1978.141, RTD civ. 1978, p. 781, obs. R. P ERROT (l'arrêt n'a pas été publié au Bulletin).
(3058) Ex. : Com., 28 avril 2009, no 08-10368 ; Civ. 2e, 2 décembre 2010, no 09-68094.

(3059) Ex. : Civ. 1re, 24 février 1998, Bull. civ. I, no 80.

(3060) Ex. : Civ. 3e, 11 janvier 1977, Bull. civ. III, no 16, Civ. 1re, 13 octobre 1987, Bull. civ. I, no 265, D. 1987, somm. 126, obs. P. JULIEN.

(3061) V. Civ. 2e, 22 mars 2007, no 05-21781, Procédures 2007, no 127, note R. P ERROT . Une autre approche a déjà été adoptée à propos
de la représentation du second acquéreur d'un immeuble par son auteur en procès avec le premier acquéreur (hypothèse d'une double
vente par un même vendeur) : la représentation prendrait fin « à compter de l'accomplissement des formalités de publicité foncière » du
titre du second acquéreur (Civ. 3e, 12 janvier 2011, no 10-10667). La solution nous paraît excessivement compliquée. Pourquoi ne pas s'en
tenir à l'idée qu'il n'y a pas représentation de l'acquéreur lorsque le bien lui a été cédé avant que le litige ne soit tranché ?

(3062) Sur cette sorte de représentation, qui est spécifique à l'autorité de la chose jugée et à l'efficacité substantielle du jugement,
v. supra, no 362. Les cas de « représentation » retenus en jurisprudence sont très divers et ne concernent pas que les coobligés, même si
c'est parfois leur cas qui retient le plus l'attention des auteurs (ex : D. VEAUX et P. VEAUX-FOURNERIE, « La représentation mutuelle des
coobligés », Études A. Weill, Dalloz-Litec, 1983, p. 547 et s.).

(3063) Com., 5 mai 2015, nº 14-16644.(3064) Ex. : Com., 4 octobre 1983, Bull. civ. IV, no 245, JCP 1985.II.20374, note D. VEAUX.

(3065) Civ. 3e, 25 mai 1983, Gaz. Pal. 1983.1, pan. 273, obs. S. GUINCHARD.

(3066) V. not. Civ. 2e, 5 mai 1993, Bull. civ. II, no 169, JCP 1993.II.22171, note E. DU RUSQUEC. V. aussi Civ. 2e, 6 mai 2010, no 08-70191,
Procédures 2010, no 263, note R. P ERROT .

(3067) Pour une analyse critique de la théorie de la « représentation », v. D. VEAUX et P. VEAUX-FOURNERIE, « Les surprises de la tierce
opposition », Mélanges H. D. Cosnard, Economica, 1990, p. 409.

(3068) Le créancier déclare sa créance, qui est d'autant plus facilement admise que la situation du débiteur est obérée et qu'il n'existe
plus d'espoir de sauvegarder l'entreprise en maintenant le débiteur à sa tête. L'examen peut être alors d'une légèreté extrême, ce qui
n'empêche pas le jugement d'être doté de l'autorité de la chose jugée comme tout autre jugement au principal. La disposition de
l'article L. 643-11 du Code de commerce, qui décharge définitivement le débiteur de toute poursuite à la clôture de la procédure, ne peut
qu'aggraver la situation, en incitant les organes de la procédure à une admission encore plus large des créances.

(3069) Civ. 3e, 22 octobre 2003, Bull. civ. III, no 181 ; 23 février 2005, ibid. no 41.

(3070) Ex. : Com., 19 décembre 2006, no 05-14816, D. 2007, p. 1321, note I. ORSINI, BJS 2007-4, no 122, note P. CAGNOLI et J. VALLANSAN,
Procédures 2007, no 43, note F.-X. LUCAS, à propos du droit de l'associé d'une société civile immobilière, tenu indéfiniment des dettes
sociales, de former tierce opposition à l'encontre du jugement ouvrant la liquidation judiciaire de la société (et à l'encontre du jugement de
condamnation d'une SCI à payer une somme d'argent : Civ. 3e, 6 octobre 2010, no 08-20959) ; Com., 30 juin 2009, no 08-11902, D. 2009,
p. 2591, note S. MOREIL, RTD civ. 2009, p. 776, obs. Ph. THÉRY, à propos du droit de créanciers étrangers de former tierce opposition
contre le jugement d'ouverture d'une procédure de sauvegarde (aff. Eurotunnel).

(3071) On remarquera que, pour le créancier chirographaire, la tierce opposition remplit alors à l'égard des jugements la même fonction
que l'action paulienne à l'égard des actes de son débiteur (en ce sens : R. MOREL, Traité élémentaire de procédure civile, 2e éd., Paris,
1949, no 681).

(3072) V. art. 583, al. 2 CPC. Pour une illustration, à propos du locataire d'un immeuble, v. Civ. 3e, 20 avril 2005, no 04-13032,
Procédures 2005, no 152, note R. P ERROT . Sur la notion de moyen propre, v. D. VEAUX et P. VEAUX-FOURNERIE, « Les surprises de la
tierce opposition », Mélanges H. D. Cosnard, Economica, 1990, p. 409, spéc. no 31 et s.

(3073) Est-il besoin de préciser qu'il doit s'agir d'un jugement, au sens du Code de procédure civile, ce qui exclut les mesures
d'administration judiciaire, les simples procès verbaux (v., pour un jugement d'adjudication sur saisie mobilière, en l'absence d'incident,
Civ. 2e, 10 mai 1984, Bull. civ. II, no 80) ou, encore, les accords amiables passés dans le cadre d'une conciliation (v. Civ. 3e, 18 mai 1994,
Bull. civ. III, no 97) ?

(3074) Civ. 2e, 28 avril 1980, Bull. civ. II, no 94, D. 1980, I.R. 471, obs. P. JULIEN.
(3075) Il est permis de se demander si c'est un véritable appel ou au moins un appel ordinaire qui est formé, car il n'en possède pas tous
les traits. Notamment, peut-on concevoir que l'appel formé par le tiers donne lieu à un appel incident de la part des parties originaires ?
C'est davantage le moule procédural de l'appel qui est emprunté que ses traits caractéristiques.

(3076) Pour une illustration, v. Civ. 1re, 5 novembre 2008, no 07-20426, Defrénois 2009, p. 552, obs. J. MASSIP.

(3077) Laquelle n'est, rappelons-le, qu'une forme d'autorité positive de la chose jugée. V. supra, no 368.

(3078) V. not. L. BOYER, « Les effets des jugements à l'égard des tiers », RTD civ. 1951, p. 163, spéc. no 19 ; H. ROLAND, Chose jugée et
tierce opposition, thèse, LGDJ, 1958, no 410 et s. Pour ces auteurs, c'est précisément lorsqu'il y a autorité absolue de la chose jugée que
la tierce opposition se justifierait le plus.

(3079) Civ. 1re, 7 juin 1995, Bull. civ. I, no 237.

(3080) V. Civ. 2e, 7 mars 2002, Bull. civ. II, no 33, JCP G 2003, II, 10050, note B. GABORIAU. En revanche, un tiers peut former tierce
opposition contre le jugement de divorce dans sa partie relative à la fixation d'une prestation compensatoire, car cette partie ne porte que
sur les conséquences patrimoniales du divorce dans les rapports entre époux : v. Civ. 1re, 5 novembre 2008, no 06-21256, Famille 2009,
no 2, note V. LARRIBAU-TERNEYRE.

(3081) Ex. : Soc., 2 février 2006, no 04-41004, Procédures 2006, no 49, note R. P ERROT , à propos d'une clause de non-concurrence.
Pareillement, un mineur, fût-il représenté par un administrateur ad hoc désigné par le juge des tutelles, ne peut pas former tierce
opposition à une ordonnance du juge aux affaires familiales modifiant les conditions d'exercice de l'autorité parentale sur lui. En effet, la
loi « ne mentionne pas l'enfant parmi les demandeurs habilités à obtenir une modification des conditions d'exercice de l'autorité
parentale » : Cass. Mixte, 9 février 2001, Bull. mixte, no 1, Famille 2002, no 1144, obs. (crit.) Th. FOSSIER. À rappr : un tiers ne pouvait
former tierce opposition à un jugement accueillant une action en désaveu de paternité, car il n'avait pas qualité pour agir en défense à une
telle action : Civ. 1re, 11 juin 1991, Bull. civ. I, no 200.

(3082) Civ. 1re, 2 avril 2008, no 07-11.254. L'arrêt parle à tort d'absence d'intérêt à former tierce opposition. Il est pourtant évident que
l'époux non héritier avait un intérêt à agir, les biens reçus en héritage par son conjoint ayant vocation à tomber en communauté, dans le
régime de la communauté universelle. En réalité, c'est un simple défaut de qualité à former tierce opposition qui découlait logiquement de
son défaut de qualité à demander le partage.

(3083) Civ. 1re, 17 juin 1986, Bull. civ. I, no 165 ; Civ. 1re, 21 mai 1974, Bull. civ. I, no 153, JCP 1976.II.18227, note S. BETANT -ROBET , D.
1976.173, note R. LE GUIDEC, RTD civ. 1976, p. 408, obs. R. P ERROT ; Civ. 1re, 27 octobre 1981, Bull. civ. I, no 309. À rappr. : Civ. 1re,
3 décembre 2002, ibid. no 293, à propos de la tierce opposition à une décision judiciaire révoquant le mandat donné par un majeur avant
son placement sous sauvegarde de justice. On retrouve le même type de problème en matière d'intervention volontaire, spécialement
d'intervention volontaire accessoire. V. infra, no 1169 et s.

(3084) On notera aussi le caractère inadapté de la motivation juridique retenue par la Cour de cassation : les grands-parents pouvaient
faire tierce opposition parce qu'ils avaient intérêt. Un oncle ou un cousin, ou même un ami pouvaient avoir eux aussi intérêt. Doit-on pour
autant leur permettre aussi de faire tierce opposition (comp. Civ. 1re, 29 octobre 1979, Bull. civ. I, no 260 : la Cour de cassation a jugé que
l'enfant par le sang des parents nourriciers d'un mineur n'est pas recevable à former tierce opposition contre le jugement qui ordonne la
restitution du mineur à sa famille) ? Il est clair que, derrière l'intérêt, c'est une question de qualité que l'on essaie de dissimuler. En second
lieu, l'admission de la tierce opposition a quelque chose d'artificiel. Pourquoi les grands-parents peuvent-ils former une prétention après
que la décision a été prise (ou intervenir en cours d'instance pour soumettre au juge une prétention), alors que la loi leur interdit de
prendre l'initiative de déclencher la procédure ? Il manque en droit substantiel une situation intermédiaire entre les deux situations
extrêmes, et c'est elle qu'essaie de créer la jurisprudence en détournant la tierce opposition et l'intervention de leur rôle propre. Il serait
sans doute opportun de confier à certaines personnes (en particulier aux grands-parents) une prérogative limitée, qui ferait d'eux des
sortes de conseillers légaux pour les affaires de famille. Une telle innovation permettrait de leur donner une position procédurale plus
cohérente, consistant à les inviter à faire connaître leur opinion avant que la décision ne soit prise.

(3085) La solution inverse permettrait à toute personne de « venir au secours » d'un ami condamné par un juge en formant une tierce
opposition. De la même façon, la Cour de cassation décide, de façon constante, que le simple souci d'une bonne application de la loi ou le
désir de ne pas laisser se créer une jurisprudence contraire aux thèses que l'on soutient ne suffit pas à rendre recevable une tierce
opposition. V., par exemple, Com., 21 novembre 1951, Bull. civ. II, no 346. Éventuellement, s'il existe un risque sérieux que l'on invoque
contre une personne la solution retenue dans le procès, elle peut avoir recours à la seconde sorte de tierce opposition qui ne tend qu'à une
déclaration de mal jugé (sur laquelle, v. infra, no 926 et s.).
(3086) On trouve quelques arrêts dont la rédaction suscite l'ambiguïté. En particulier, la première chambre civile de la Cour de cassation
(Civ. 1re, 16 juillet 1997, Bull. civ. I, no 255, RTD civ. 1997, p. 997, obs. R. P ERROT ) énonce que « l'intérêt auquel est subordonnée la
recevabilité de la tierce opposition n'implique pas nécessairement que la décision attaquée ait statué sur les droits et obligations de
l'opposant ». La lecture de l'arrêt conduit à limiter la portée de l'affirmation. En l'espèce, une personne est placée sous le régime de la
tutelle. Une ordonnance du juge des tutelles autorise le gérant de tutelle à ne pas régler les factures relatives à l'entretien d'un immeuble
dont cette personne était usufruitière et dont son fils, était à la fois nu propriétaire et occupant. La tierce opposition formée par le fils est
déclarée irrecevable au motif que le dispositif du jugement ne prend pas partie dans les obligations des intervenants à l'affaire, ne mettant
pas le fils en cause. C'est cette décision que censure à juste titre la Cour de cassation. La formule utilisée n'en reste pas moins ambiguë,
car s'il est exact que le juge n'avait pas directement statué sur les droits et obligations du fils, indirectement il n'en allait pas de
même. Pour ainsi dire, les droits du nu propriétaire se dessinent en creux par rapport à ceux de l'usufruitier, de sorte qu'en dispensant
l'usufruitière de régler des factures d'entretien du bien, le jugement affecte les droits du nu propriétaire, qu'il en fasse mention ou non.

(3087) Les deux dispositions sont substantiellement identiques. L'une et l'autre prévoient la possibilité pour le juge d'ordonner un sursis à
statuer (v. supra, no 157).

(3088) Naguère en raison, par exemple, de la fraude du débiteur principal ; aujourd’hui en vertu d’une jurisprudence qui a ouvert la tierce
opposition à la caution solidaire : Com., 5 mai 2015, nº 14-16644 (supra, nº 918).

(3089) V. supra, no 918.(3090) Art. 1743 C. civ.(3091) Civ. 3e, 6 novembre 1970, Bull. civ. III, no 595.

(3092) Civ. 3e, 9 juin 1982, Bull. civ. III, no 153, préc.(3093) V. Soc., 13 mars 1980, Bull. civ. V, no 264.

(3094) En ce sens : Soc., 13 mars 1980, Bull. civ. V, no 264 préc.

(3095) L'employeur ne veut pas que la caisse ou le salarié puissent demander à un juge de faire jouer une règle de droit énonçant que, si
un salarié est victime d'un accident de trajet, son employeur est tenu à ceci ou cela.

(3096) Sur la recevabilité limitée des actions déclaratoires en droit français, v. supra, no 73.

(3097) Pour un bel exemple, v. Soc., 13 mars 1980, Bull. civ. V, no 264 préc.

(3098) Faut-il rappeler que l'on ne comprend pas sous cette expression ceux qui sont représentés au sens du droit civil, le mandant,
l'incapable ou la personne morale, par exemple ? Les personnes représentées au sens du droit civil ne sont pas du tout des tiers : ce sont
les véritables parties au procès. À l'opposé, c'est leur représentant qui est tiers au procès et à qui la tierce opposition est ouverte.

(3099) Pour ce qui est de la qualité, la question se pose dans les mêmes termes pour les deux sortes de tierce opposition. Il faut poser en
principe que, quel que soit le risque qu'une demande puisse être formée contre le tiers, la tierce opposition est irrecevable lorsque l'action
ayant donné lieu au jugement est une action attitrée. Un arrêt de la deuxième chambre civile est révélateur de la difficulté à cerner les
termes des questions posées aux juges (Civ. 2e, 3 juin 1970, Bull. civ. II, no 196). En l'espèce, une personne avait formé tierce opposition
contre un jugement de divorce qui s'était fondé sur des relations injurieuses dont il aurait été l'auteur. Son recours a été déclaré
irrecevable par la Cour de cassation au motif que « la tierce opposition n'est ouverte que contre les jugements, c'est-à-dire le dispositif
des décisions de justice ». Cette motivation est dépourvue de valeur. Par définition, toutes les tierces oppositions déclaratoires (qui sont
présentement étudiées) ne s'attaquent pas au dispositif du jugement. Par exemple, l'employeur ne demande pas que la caisse de sécurité
sociale cesse de verser une pension à son salarié victime d'un accident (cela lui est indifférent), il ne critique que le motif sur lequel le
juge s'est fondé, selon lequel l'accident serait un accident de trajet. La solution de l'arrêt de la Cour de cassation est cependant justifiée
parce que le jugement était un jugement de divorce auxquels les tiers ne sont pas admis à participer.

(3100) V. supra, no 74.

(3101) Le fait qu'il était très improbable, compte tenu des données de l'affaire, qu'une autre action soit formée à l'avenir contre l'auteur
de la tierce opposition justifie aussi, au regard de l'intérêt pour agir, la solution de la Cour de cassation donnée dans l'affaire qui vient
d'être citée en note (Civ. 2e, 3 juin 1970, Bull. civ. II, no 196). Il reste que la formulation de la Cour est particulièrement mal venue.

(3102) En revanche, dans leurs propres relations, les parties originaires restent liées par l'autorité de la chose jugée par le premier
jugement.

(3103) Sur l'intervention forcée aux fins de jugement commun et sur l'inexactitude d'un rapprochement entre l'intervention forcée aux fins
de jugement commun et l'intervention volontaire accessoire, v. infra, no 1181.
(3104) Lorsque en matière gracieuse, la tierce opposition emprunte la forme de l'appel (le jugement ayant été rendu en premier ressort :
v. supra, no 919), le délai pour la former est réduit à quinze jours, selon les dispositions de l'article 538 du Code de procédure civile.

(3105) Il peut exister, dans certains domaines, des textes spéciaux, qui, bien sûr, dérogent à la règle générale que nous décrivons. Ex. :
l'article R. 661-2 du Code de commerce dispose que la tierce opposition contre les décisions rendues notamment en matière de
sauvegarde, de redressement et de liquidation judiciaires est formée par déclaration au greffe dans le délai de dix jours à compter du
prononcé de la décision. Ce texte conduit à écarter les modes ordinaires d'introduction d'une demande devant un tribunal de commerce
prévus à l'article 854 CPC.

(3106) Conformément aux articles R. 1452-1 et R. 1452-2 C. trav.

(3107) Cette opinion, à notre avis erronée, repose sur une interprétation discutable d'un arrêt par lequel la Cour de cassation s'est
prononcée sur la saisine d'un tribunal de grande instance, dans une affaire où le droit local d'Alsace-Moselle était applicable. L'article 31
de l'annexe du Code de procédure civile relative à son application dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle,
permet aux parties de former leurs demandes par la remise d'un acte introductif au greffe, cet acte devant être ensuite signifié à
l'adversaire (art. 33). Dans une affaire où une partie avait utilisé cette possibilité pour former tierce opposition à un jugement du tribunal
de Metz, il était prétendu par son adversaire que le recours était irrecevable, la déclaration lui ayant été notifiée plus de deux mois après
le point de départ du délai de tierce opposition (délai de l'art. 586, al. 3 CPC). Ce point de vue est écarté à juste titre par la Cour de
cassation, qui énonce que l'on « n'avait pas, pour l'appréciation de la recevabilité de la tierce opposition ainsi formée, à tenir compte de la
date de signification ultérieure de cet acte au défendeur » (Cass. Ass. plén., 2 novembre 1999, Bull. Ass. plén., no 7, JCP G 2000, II,
10265, note E. DU RUSQUEC). Cet arrêt s'explique parfaitement par le fait qu'en l'espèce, c'est un même acte qui avait pour fonction
d'introduire l'instance et de saisir le tribunal. Sa solution est évidemment transposable dans tous les cas où la tierce opposition doit être
formée au greffe (par déclaration verbale, écrite...), notamment lorsqu'est compétent un conseil de prud'hommes. Mais transposer cette
solution aux hypothèses où l'introduction de l'instance et la saisine du tribunal se font par des formalités séparées (ex : assignation et
dépôt de l'assignation au greffe) n'aurait aucun sens et rien ne permet de penser que la Cour de cassation ait voulu aller jusque-là. Seul
l'acte introductif d'instance interrompt le délai du recours. Contra : v. notamment, E. DU RUSQUEC, note préc. ; S. GUINCHARD, C. CHAINAIS
et F. FERRAND, Procédure civile, Dalloz, Précis, 32e éd., 2014, no 1275.

(3108) Sur la distinction de l'introduction de l'instance et de la saisine de la juridiction, v. supra, no 469.

(3109) À noter, toutefois, que la tierce opposition à titre principal contre un arrêt de cour d'appel est formée par assignation ou requête
conjointe, en l'absence de texte dérogeant à l'article 54 CPC : Civ. 2e, 8 juillet 2004, Bull. civ. II, no 401, Procédures 2004, no 202, note
R. P ERROT . Dans ce cas particulier, ce n'est donc pas l'acte ordinaire (la déclaration au greffe de la cour) que l'on doit utiliser pour
introduire l'instance.

(3110) V. supra, no 325.

(3111) Naguère, elle aurait invoqué, par exemple, une fraude du débiteur principal. Aujourd’hui, la jurisprudence lui ouvre plus librement
la voie de la tierce opposition : Com., 5 mai 2015, nº 14-16644 (supra, nº 918).

(3112) L'article 588 du Code de procédure civile ne distingue pas selon que la règle porte sur la compétence d'attribution ou sur la
compétence territoriale. Il convient sans doute de faire jouer la règle dans l'un et l'autre cas.

(3113) Art. 68 CPC.

(3114) Quae temporalia sunt ad agendum, perpetua sunt ad excipiendum : ce qui est temporaire par voie d'action est perpétuel par
voie d'exception. Cette règle commande que l'on peut invoquer la nullité d'un acte juridique dans le cadre d'une défense au fond (une
« exception » au sens romain du terme), quand bien même l'écoulement d'un délai de prescription interdirait de former une demande en
nullité. Sur cette règle de droit des obligations, v. A. BÉNABENT , Les obligations, LGDJ, Domat, 14e éd., 2014, no 211.

(3115) La lecture de l'article 586 du Code de procédure civile montre de façon très claire que la réserve d'un délai plus bref n'intéresse
que la tierce opposition principale. V., cependant, contra : Com., 14 mai 2002, no 99-10325, Bull. civ. IV, no 86, qui décide que le délai de
dix jours pour former un recours contre une décision rendue dans le cadre d'une procédure de liquidation judiciaire s'applique également à
une tierce opposition incidente. À notre sens, cet arrêt va à l'encontre de la lettre de l'article 586 CPC. Cette solution est, au demeurant,
extrêmement dangereuse pour les tiers qui n'ont pas été informés de l'existence de la décision. Elle manifeste, une fois encore, la
propension du droit des procédures collectives à sacrifier les intérêts des tiers.

(3116) Sur la requête civile dans l'ordonnance de 1667 et le Code de procédure civile, v., par exemple, R. MOREL, Traité élémentaire de
procédure civile, 2e éd., Paris, 1949, no 644 et s.
(3117) Ex. : Civ. 3e, 5 mai 2009, no 08-13661, Procédures 2009, no 228, note R. P ERROT .

(3118) Civ. 2e, 11 mars 2010, no 09-11809, Procédures 2010, no 173, note R. P ERROT .

(3119) Civ. 2e, 21 février 2013, nº 12-14440, à propos du mensonge d’un époux sur ses revenus, à l’occasion d’une demande de prestation
compensatoire formée contre lui.

(3120) Ex. : Civ. 1re, 5 janvier 1999, Bull. civ. I, no 11, à propos du silence gardé par un homme sur l'existence d'un enfant naturel, dans
une procédure de changement de régime matrimonial. Cependant, en principe, moins encore que le mensonge, le silence ne suffit à
caractériser une fraude (ex : Civ. 2e, 24 janvier 1996, Procédures 1996, no 73, obs. R. P ERROT ).

(3121) La « partie » que vise l'article 595 du Code de procédure civile doit être entendue dans un sens plus large que pour la qualité ou
l'autorité de la chose jugée. La fraude peut être non seulement le fait de la partie elle-même, mais aussi du représentant d'une partie, par
exemple, du représentant légal d'une société. De même, il faut sans doute conserver les solutions de la jurisprudence en matière de
requête civile, qui sanctionnaient la complicité de la partie dans le dol accompli par un tiers. Au demeurant, c'est la solution retenue par la
Cour de cassation pour les pièces retenues par un tiers : Civ. 2e, 3 juillet 1985, Bull. civ. II, no 135.

(3122) Inversement, il n'y a pas de rétention lorsque la partie qui a gagné le procès découvre après coup une pièce désastreuse pour elle,
dont elle ignorait jusque-là l'existence. La rétention comporte un élément intentionnel qui fait défaut dans cette situation.

(3123) V. Civ. 2e, 19 novembre 2009, no 07-18281 ; Civ. 1re, 12 juillet 1994, Bull. civ. I, no 254. V. aussi Civ. 2e, 3 juillet 1985, Bull. civ. II,
no 135, cassant un arrêt qui avait admis un recours en révision à la suite du recouvrement d'une pièce retenue par un tiers, sans avoir
relevé l'existence d'une complicité de fraude entre ce tiers et l'autre partie.

(3124) La seule ressource du défendeur est de solliciter du juge un sursis à statuer (sur lequel v. infra, no 1191). Cependant le sursis à
statuer est facultatif pour le juge et celui-ci peut, non sans raison, craindre que la demande de sursis repose sur une intention
essentiellement dilatoire. Par ailleurs, la recherche d'un document peut prendre beaucoup de temps. On imagine mal qu'un juge accorde
un sursis à statuer de deux ans pour la recherche d'une pièce à l'existence hypothétique.

(3125) La solution retenue en droit positif est particulièrement injuste lorsque la pièce est détenue par un tiers et que le défendeur ne peut
y avoir accès. V., pour un cas, où la pièce était détenue par un juge d'instruction, Civ. 2e, 23 octobre 1991, Bull. civ. II, no 279. On
constate de nouveau que l'autorité de la chose jugée joue plus strictement contre le défendeur que contre le demandeur (v. supra, no 357
en note).

(3126) La reconnaissance de la fausseté d'une pièce s'entend « de l'aveu de la partie qui en a fait usage » (v. not. Civ. 2e, 26 juin 2014,
nº 13-21986), tandis que la déclaration de la fausseté émane d’une décision de justice.

(3127) Civ. 2e, 17 février 1983, Bull. civ. II, no 41 ; Civ. 2e, 26 juin 2014, nº 13-21986 préc.

(3128) C'est pour cette raison que l'article 593 du Code de procédure civile exige que le jugement soit passé en force de chose jugée.

(3129) V. Civ. 2e, 21 mars 1979, Bull. civ. II, no 92, D. 1979, I.R. 482, obs. P. JULIEN, RTD civ. 1979, p. 679, obs. R. P ERROT .

(3130) Il n'en va ainsi, à notre avis, que si l'opposition est ouverte à celui qui envisage d'exercer un recours en révision. À l'inverse, dans
les litiges comportant plus de deux parties, une partie non défaillante doit pouvoir agir en révision avant même que ne soit écoulé le délai
d'opposition ouvert à une autre des parties en cause. Cette solution est commandée aussi bien par la brièveté du délai du recours en
révision (l'intéressé ne peut se permettre d'attendre de savoir si une autre partie formera opposition), que par les limites de l'étendue de la
dévolution opérée par l'opposition (v. supra, no 906).

(3131) Art. 595 in fine CPC. V. Civ. 3e, 15 février 1984, Bull. civ. III, no 40.

(3132) Civ. 2e, 27 avril 1988, Bull. civ. II, no 102, RTD civ. 1988, p. 578, obs. R. P ERROT , Audijuris 1988-15, obs. J. HÉRON ; Civ. 2e,
11 juillet 2013, nº 12-22630. Pareillement, en matière de divorce, la Cour de cassation décide que le recours en révision n'est pas ouvert
contre les décisions ayant prescrit des mesures provisoires qui sont susceptibles, jusqu'au dessaisissement de la juridiction, d'être
supprimées, modifiées ou complétées en cas de survenance d'un fait nouveau : Civ. 2e, 3 juin 1999, Bull. civ. II, no 106, 3 octobre 2002,
ibid. no 202, Famille 2003, no 47, note (crit.) H. LÉCUYER.

(3133) Pour une critique convaincante de cette jurisprudence, v. K. SALHI, Contribution à une théorie générale des voies de recours
en droit judiciaire privé, thèse, Caen, 2004, no 460 et s.
(3134) Art. 602 CPC. De même, le recours en révision entraîne l'annulation des décisions, même figurant dans d'autres jugements au
sens d'instrumentum, qui sont sous la dépendance du chef qui est attaqué (Civ. 2e, 27 juin 1984, Bull. civ. II, no 120, D. 1985.199, note
L. CHARBONNIER). Bien évidemment, si la fraude ou le faux ont été déterminants pour plusieurs chefs de la décision, le recours en révision
pourra porter sur chacun d'eux.

(3135) C'est en principe dans la même décision que le juge se prononce sur la recevabilité du recours en révision et statue au fond
(art. 601 CPC).

(3136) Art. 579 CPC : ce texte s'applique à toutes les voies de recours extraordinaires.

(3137) Il a déjà été indiqué (supra, no 157) que, bien que placé dans un développement consacré à l'exception dilatoire, l'article 110 du
Code de procédure civile n'institue qu'un sursis à statuer. À notre sens, les deux articles contiennent la même disposition.

(3138) Il résulte de l'article 599 du Code de procédure civile que la partie peut même demander au juge de surseoir à statuer avant même
d'avoir formé un recours en révision. Il faut penser au cas où le recours en révision repose sur la fausseté d'une pièce. La partie doit, en
principe, d'abord former une demande en faux avant de former, dans un second temps, un recours en révision. Dès qu'elle a formé la
demande en faux, elle peut demander au juge de surseoir.

(3139) Il doit ainsi être possible de provoquer un incident de saisie et de demander au juge compétent pour statuer sur cet incident
d'ordonner la discontinuation des poursuites.

(3140) Civ. 2e, 2 avril 1979, Bull. civ. II, no 108, D. 1979, I.R. 482, obs. P. JULIEN, RTD civ. 1979, p. 674, obs. R. P ERROT .

(3141) Civ. 2e, 28 novembre 1984, Bull. civ. II, no 183.(3142) Civ. 2e, 25 octobre 1995, Bull. civ. II, no 262.

(3143) Civ. 2e, 2 avril 1979, Bull. civ. II, no 108, préc. ; Civ. 2e, 10 février 1993, Bull. civ. II, no 60.

(3144) Civ. 2e, 15 octobre 1981, Gaz. Pal. 1982, Pan. 182. Le point de départ du délai peut même encore être retardé, lorsque la partie
n'a connaissance du jugement établissant le faux qu'après qu'il a été rendu : Civ. 2e, 24 juin 1987, Bull. civ. II, no 141. Inversement, la
Cour de cassation admet que le demandeur en révision demande la révision avant que le jugement statuant sur le faux soit rendu (Civ. 2e,
28 janvier 1998, Bull. civ. II, no 38 : dans cette affaire, elle approuve la cour d'appel d'avoir décidé que l'on ne pouvait reprocher au
demandeur en révision « d'avoir agi prématurément en introduisant son recours au seul vu du rapport d'expertise (...), alors que le bref
délai posé par l'article 596 du (...) Code de procédure civile était de nature à lui faire craindre de se voir opposer l'irrecevabilité du
recours ».)

(3145) Une hésitation existe sur ce point. Elle provient du fait qu'auparavant, la citation était synonyme d'assignation. Cependant, dans le
Code de procédure civile, ce terme désigne tout acte introductif d'instance quel qu'il soit. C'est ce qui nous conduit à penser que, devant
la cour d'appel, le recours en révision ne peut pas être introduit par une assignation.

(3146) La même obligation existe en appel. Ex. : Civ. 2e, 6 janvier 1993, Bull. civ. II, no 4.

(3147) Ainsi, une cour d'appel n'a pas à renvoyer l'affaire au juge de première instance. Dès lors qu'elle accueille le recours en révision,
l'effet dévolutif de ce recours fait qu'il lui appartient de statuer au fond. Ex. : Civ. 2e, 25 mars 2010, no 09-10420, Procédures 2010,
no 221, note R. P ERROT .

(3148) Un arrêt de la Cour de cassation suscite cependant une incertitude. Un recours en révision avait été formé contre un jugement qui
avait validé une saisie-arrêt sur salaire. La Cour de cassation a décidé que le délai pour former appel contre le jugement statuant sur la
demande en révision n'était pas le délai spécifique aux jugements statuant sur la validité d'une saisie-arrêt, mais le délai de droit commun
d'un mois (Civ. 2e, 7 mai 1981, Bull. civ. II, no 117, Gaz. Pal. 1982.2, note J. VIATTE, RTD civ. 1982, p. 215, obs. R. P ERROT ). La solution
apparaît critiquable, mais surtout elle oblige à s'interroger sur sa portée. Est-elle limitée à la seule question du délai ou doit-on l'étendre à
d'autres questions, comme celle de la procédure applicable à l'instance d'appel ? On ne voit aucune raison qui puisse justifier de telles
complications. Aussi, même si l'on admet qu'il faut s'attacher à la solution ponctuelle qu'il énonce, la portée de l'arrêt doit être restreinte
au seul point qu'il a concrètement tranché.

(3149) Inversement, « un jugement, qui statue sur le recours en révision formé contre une décision rendue en dernier ressort, n'est pas
susceptible d'appel » : Civ. 2e, 21 septembre 2000, Bull. civ. II, no 131.
(3150) La disposition de l'article 603 du Code de procédure civile est partiellement inutile. On ne voit pas comment la seconde demande
en révision pourrait ne pas être irrecevable en raison de sa tardiveté. L'intérêt de cette disposition réside dans la fin du texte : si une
seconde cause de révision se révèle par la suite, l'exercice de la première demande en révision ne fait pas obstacle à la présentation
d'une seconde demande.

(3151) Il convient cependant de réserver les problèmes de compétence internationale. La règle française ne régit que la compétence des
seuls tribunaux français. Elle ne dit pas qu'un tribunal étranger, belge ou allemand par exemple, est compétent. Elle se contente de dire
que les tribunaux français sont incompétents pour connaître de tel ou tel litige. V. P. MAYER et V. HEUZÉ, Droit international privé,
Domat, 11e éd., 2014, no 285 et s.

(3152) Sur cette question, v. supra, no 405.(3153) Sur cette question, v. supra, no 760 et s.

(3154) La Cour de cassation étant unique pour toute la France, il n'existe aucune règle de compétence stricto sensu qui régisse son
activité.

(3155) Le juge du tribunal de grande instance qui tranche seul une affaire rend un jugement qui commence par « Le Tribunal... ». Le
président du tribunal rend une ordonnance qui commence par « Nous, Président du Tribunal... ».

(3156) Il n'existe plus guère, en droit interne, de règle qui fasse dépendre la compétence de la qualité de la personne, comme c'était le
cas autrefois où existaient des privilèges de juridiction tels que le committimus. On verra cependant que, dans certains cas, la qualité de
commerçant d'une partie est susceptible de modifier les règles de compétence (v. infra, no 971 et s.).

(3157) V. art. L. 211-10 et s. COJ.(3158) V. art. D. 442-3 et D. 442-4 C. com.(3159) V. art. D. 211-6-1 COJ.

(3160) V. M. CHAGNY, « Restriction de compétence matérielle et droit de la concurrence », Procédures 2011, Dossier no 10 ; C. BLÉRY,
« La notion de spécialisation », in La spécialisation des juges, LGDJ, IFR, Actes de colloques no 14, 2012, p. 13 et s.

(3161) Sur lequel, v. C. BLÉRY, « Plaidoyer pour une simplification des règles internes de compétence en matière judiciaire », Procédures
2008, étude no 3, spéc. no 4.

(3162) V. supra, no 722.

(3163) Par conséquent, toutes les compétences exclusives sont aussi, et a fortiori, d'ordre public, mais l'inverse n'est pas vrai.

(3164) V. infra, no 1027 et s.

(3165) L'indication et l'explication détaillées de toutes les règles de compétence dépasseraient, à elles seules, le volume de ce manuel. On
s'en tiendra donc à celles qui sont d'un usage quotidien. Le praticien ne peut connaître toutes les règles de compétence extrêmement
étroites qui se rencontrent ici ou là (v., par exemple, les dispositions des articles R. 221-6 à R. 221-22-1 du Code de l'organisation
judiciaire). Pour ces compétences lilliputiennes, on doit se reporter aux encyclopédies.

(3166) V., par exemple, R. P ERROT , Institutions judiciaires, Montchrestien, Domat, 15e éd., 2012.

(3167) Depuis le 1er janvier 2013, c’est même le cas en matière d'injonction de payer (de droit interne), la loi no 2011-1862 du
13 décembre 2011 ayant étendu au tribunal de grande instance une procédure qui se partageait jusqu'alors entre le tribunal d'instance, la
juridiction de proximité (qui doit disparaître en 2017) et le tribunal de commerce.

(3168) Art. R. 211-3 COJ.(3169) Sur la plénitude de juridiction de la cour d'appel, v. infra, no 1048.

(3170) Sur ce point, v. M. SEGONDS, « La plénitude de juridiction du tribunal de grande instance », JCP G 2000, I, no 223.

(3171) La compétence exclusive du tribunal de grande instance n'est énoncée par l'article 177 du Code civil qu'à propos de l'opposition à
mariage.

(3172) Art. R. 211-4, 3o, COJ.

(3173) En revanche, la « nationalité » des personnes morales ne relève pas de la compétence exclusive du tribunal de grande instance, ni
même de celle des tribunaux de l'ordre judiciaire. Les tribunaux du second ordre de juridictions peuvent aussi en connaître (Trib. conflits,
23 novembre 1959, Mayol-Arbona, Rev. crit. DIP 1960.180, note Y. LOUSSOUARN, Clunet 1961.442, note B.G., D. 1960.224, note
R. SAVATIER).
(3174) Sur les actions possessoires, v. supra, no 443 et s.

(3175) Sous réserve de l'existence de la sélection qu'opère le législateur entre les divers tribunaux de grande instance (sur laquelle v. les
articles cités au texte et supra, no 954). Ainsi, les actions en matière de marque communautaire relèvent de la compétence du tribunal de
grande instance de Paris (art. R. 211-7 COJ et R. 717-11 C. propr. intell.).

(3176) Art. R. 211-3 COJ.

(3177) Art. R. 145-23 C. com. Ce même texte donne compétence au tribunal de grande instance pour connaître des contestations qui
portent sur le statut des baux commerciaux (ainsi, le droit au renouvellement, l'indemnité d'éviction, la demande en reprise, la sous-
location, la cession de bail, la déspécialisation, la durée du bail et les conditions du bail renouvelé). Lorsque le litige porte sur le
renouvellement du bail, le tribunal de grande instance peut aussi, à titre d'accessoire, fixer le montant du loyer, il n'y a pas lieu de saisir le
président du tribunal.

(3178) Art. 1406 CPC.

(3179) Sous réserve des compétences du président du tribunal de grande instance et du juge des tutelles (des majeurs).

(3180) Sauf en cas de décès ou de déclaration d'absence.(3181) Art. L. 213-3-1 COJ.

(3182) Art. L. 213-4, al. 1er, COJ. Ce texte souligne toute l'ambiguïté de la notion de juridiction fonctionnelle. On voit que la loi n'instaure
pas toujours une frontière étanche entre le juge spécialisé et le tribunal auquel il est rattaché.

(3183) Un important arrêt a opéré un revirement de jurisprudence sur ce point (Civ. 2e, 18 juin 2009, no 08-10843, JCP G 2009, 191, note
Y. DESDEVISES et P.-A. MÉRAND, D. 2009, p. 2525, note J.-J. ANSAULT , Dr. et procéd. 2009, p. 281, obs. Ch. LEFORT ). Il en résulte que le
juge de l'exécution saisi à l'occasion d'une mesure d'exécution, peut même juger du fond d'un acte notarié (sur la solution contraire
antérieure, v. Cass. Avis, 16 juin 1995, Bull. civ. avis, no 9). Il peut aussi se prononcer sur la caducité d’un jugement, même en dehors de
toute mesure d’exécution : Civ. 2e, 16 mai 2013, nº 12-15101.

(3184) V. art. L. 213-6, al. 3, COJ.(3185) Anciennement article 35 de la loi du 9 juillet 1991.

(3186) Ce sera le cas, par exemple, lorsque l'astreinte a été prononcée par un magistrat de la mise en état. La juridiction à laquelle il
appartient sera compétente pour la liquider tant qu'elle n'est pas dessaisie de l'affaire (v. Civ. 2e, 26 mars 1997, Bull. civ. II, no 91).

(3187) V. Civ. 2e, 26 mars 1997 préc., Bull. civ. II, no 91 ; 17 décembre 1997, ibid., no 318 ; 15 février 2001, ibid., no 27.

(3188) V. H. SOLUS et R. P ERROT , Droit judiciaire privé, t. 1, Paris, 1961, no 518.(3189) Art. R. 221-45 COJ.

(3190) Sur les réformes intervenues en 2005, v. C. BLÉRY, « Les aspects civils de la loi no 2005-47 du 26 janvier 2005 relative aux
compétences du tribunal d'instance, de la juridiction de proximité et du tribunal de grande instance », D. 2005, chr., p. 461 ; « Décret
no 2005-460 du 13 mai 2005 relatif aux compétences des juridictions civiles, à la procédure civile et à l'organisation judiciaire », D. 2005,
chr., p. 1891 ; P. CAGNOLI, « La technique de répartition des compétences au sein des juridictions judiciaires », JCP G 2005, act., p. 1103.

(3191) MM. Cadiet et Jeuland critiquent cette distinction qui leur apparaît à la fois discutable et inutile (Droit judiciaire privé,
LexisNexis, 8e éd., 2013, no 140). Sur le fond, nous approuvons leur analyse : il est vrai que la compétence matérielle d'une juridiction
d'exception ne peut être que spéciale, en ce sens qu'elle est liée à un domaine particulier déterminé par la loi. Seule une juridiction de
droit commun peut avoir une compétence générale à proprement parler. Malgré tout, nous continuerons à utiliser cette distinction, en
raison de son caractère pédagogique : elle permet de mettre plus facilement en lumière le fait que le tribunal d'instance est compétent non
seulement dans le domaine « général » des actions mobilières ou personnelles, mais également dans des domaines plus spécialisés tels
que celui des actions en bornage. On raisonnera de la même façon à propos de la compétence du tribunal de commerce : à notre sens, il
n'est pas choquant de qualifier de « générale » sa compétence pour statuer sur les litiges entre commerçants ou sur ceux qui portent sur
un acte de commerce. Intuitivement, on ressent bien que cette compétence n'est pas à mettre sur le même plan que la compétence du
tribunal de commerce en matière de procédures collectives, qui nous semble plus « spéciale ». Cela étant, la distinction à laquelle nous
recourons (avec la majorité des auteurs) est dépourvue de portée juridique. Elle n'a, à notre avis, qu'une vertu pédagogique.

(3192) Tant qu'elle existe (v. infra, no 968). Sur la compétence de la juridiction de proximité, v. infra, no 969.
(3193) V. art. L. 221-8-1 COJ. Cette compétence, qui appartenait jusqu'alors au juge de l'exécution, a été transférée au juge du tribunal
d'instance par la loi no 2010-1609 du 22 décembre 2010 et le décret no 2011-741 du 28 juin 2011. Cependant, dans le ressort de certains
tribunaux de grande instance, cette compétence est réservée à un tribunal d'instance désigné par décret : v. art. L. 221-8-1 et D. 221-1
COJ et le tableau IX-I annexé à ce code.

(3194) Sur cette procédure, v. règlement (CE) no 861/2007 du 11 juillet 2007.(3195) Art. L. 221-4-1 COJ et L. 721-3-1 C. com.

(3196) V. ainsi les articles R. 221-14 et s. COJ. Cependant, ce n'est pas toujours le cas : par exemple, il est seul compétent, à l'exclusion
du juge de proximité, en matière électorale (art. R. 221-24 et s. COJ), en matière de bornage (art. R. 221-12 COJ), de surendettement
(art. L. 221-8-1 COJ) ou de crédit à la consommation (art. R. 221-39 COJ).

(3197) V. infra, no 969.(3198) Tant qu’elle existe (v. infra, nº 968).

(3199) V. art. 1406 et 1421 CPC. Sur la procédure de l'injonction de payer, v. supra, no 578 et s.

(3200) Règlement (CE) no 1896/2066 du 12 décembre 2006. V. supra, no 350.(3201) Art. L. 221-7 COJ et L. 722-3-1 C. com.

(3202) Art. R. 221-38 COJ.(3203) Art. R. 221-5 COJ.(3204) Sur cette question, v. infra, no 976.

(3205) Jusqu'à la réforme du 28 décembre 1998, les baux commerciaux se trouvaient écartelés entre quatre juridictions. Il a déjà été dit
qu'aux termes de l'article R. 145-23 du Code de commerce, le président du tribunal de grande instance est compétent pour trancher les
contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé. Ce même texte donne compétence au tribunal de grande instance
pour connaître des contestations qui portent sur le statut des baux commerciaux. Avant la réforme de 1998, la jurisprudence décidait
cependant que les contestations qui ne relevaient pas du statut particulier des baux commerciaux relevaient du tribunal d'instance. De
plus, en l'absence de texte prévoyant la compétence du tribunal de commerce en matière de baux commerciaux, la Cour de cassation
décidait que les contestations ne relevant pas du tribunal de grande instance ni de son président pouvaient être soumises au tribunal de
commerce (plutôt qu'au tribunal d'instance) lorsque le bail était un acte de commerce pour les deux parties à l'acte. Les baux
commerciaux fournissaient donc une excellente illustration de la complexité des règles de compétence, ainsi que de la logique « shadok »
qui s'y déploie : pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Logiquement, la disparition de la compétence du tribunal d'instance
aurait dû, par voie de conséquence, entraîner celle de la compétence du tribunal de commerce en matière de baux commerciaux
(cependant, v. contra : Paris 11 février 2004, AJDI mai 2004, p. 379). Espérons que l'article R. 211-4, 11o, du Code de l'organisation
judiciaire issu du décret no 2008-522 du 2 juin 2008, qui affirme expressément la compétence exclusive du tribunal de grande instance en
matière de baux commerciaux (hors contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé), permettra de clore le débat.

(3206) Compétence exclusive du tribunal de grande instance : art. R. 211-4, 11o, COJ.(3207) Tant qu'elle existe (v. infra, no 968).

(3208) Art. R. 221-38 et R. 231-4 COJ.(3209) Art. L. 221-3 et L. 221-9 COJ.

(3210) Cette compétence du juge des tutelles est limitée aux actions fondées sur les articles 217 ou 219 du Code civil et uniquement si le
conjoint est hors d'état de manifester sa volonté. L'application de l'article 217, en cas de refus du conjoint relève, en revanche, du juge
aux affaires familiales, tout comme les demandes fondées sur d'autres textes tels que l'article 1426, alinéa 2, du Code civil. V. art. 1286
CPC.

(3211) Art. L. 213-3-1 COJ, issu de la loi no 2009-526 du 12 mai 2009.

(3212) La juridiction de proximité doit disparaître en 2017. V. infra, no 968.(3213) V. infra, no 969.

(3214) V. C. COLENO et J.-J. BARBIÉRI, « De minimis curat praetor. (À propos du juge de proximité) », LPA 2003/145-146, p. 4 et 6 ;
Y. DESDEVISES, « Représentations sociales et juge de proximité », in Le droit des consommateurs et les procédures spécifiques en
Europe, EJT, 2005, no 233 et s.

(3215) V. supra, no 644.(3216) V. art. 41-17 et 41-21 Ord. no 58-1270 du 22 décembre 1958 mod.

(3217) V. art. 35-9 et s. D. no 93-21 du 7 janvier 1993.

(3218) L. nº 2012-1441 du 24 décembre 2012, article unique et L. nº 2014-1654 du 29 décembre 2014, art. 99.

(3219) À moins qu'il s'agisse du 1er août 2017 ? Il est vrai que l'article 70 III de la loi de 2011, même modifié, est particulièrement mal
rédigé.
(3220) V. art. L. 121-5 et s. COJ applicables à compter de janvier 2017. L'Assemblée nationale ayant refusé qu'un juge de proximité
puisse par principe constituer le tribunal d'instance (v. C. BLÉRY, « Répartition des contentieux et allègement de certaines procédures
juridictionnelles. Aspects civils de la loi du 13 décembre 2011 », JCP G 2011, étude 1465, no 6), il est à craindre que ces juges ne puissent
exercer des fonctions au sein de ce tribunal que dans les cas prévus par la loi (ex : pour statuer sur une requête en injonction de payer, en
vertu de l'art. L. 222-1-1 COJ applicable à compter de 2017).

(3221) En vertu des mêmes textes, elle connaît également, mais cette fois-ci à charge d'appel, des demandes indéterminées qui ont pour
origine l'exécution d'une obligation dont le montant n'excède pas ce montant.

(3222) Ex. : art. R. 221-14 et s. COJ.(3223) La plupart, mais pas tous. V. supra, no 964 en note.

(3224) V. art. R. 221-38 et R. 231-4 COJ. La Cour de cassation a précisé que dans cette limite de 4 000 euros, le juge de proximité était
aussi compétent pour connaître de toute demande reconventionnelle liée à la demande principale (Cass. Avis, 10 octobre 2005, no 05-
00.023). Il peut donc se prononcer sur ce qui serait dû par le locataire au titre de loyers impayés ou de dégâts causés au logement, pour
compenser cette dette avec la créance de restitution du dépôt de garantie. La solution, pour opportune qu'elle soit, n'est pas évidente au
regard de l'article 51 CPC. La question ne se posera bientôt plus, avec la disparition des juridictions de proximité (v. supra, no 968).

(3225) V. art. L. 221-6 COJ et, supra, no 967.(3226) Art. 1406 et 1425-1 CPC.

(3227) Art. L. 212-3-1, 1o et L. 222-1-1 COJ (dont l’entrée en vigueur est prévue au 1er janvier 2017) issus de la loi no 2011-1862 du
13 décembre 2011.

(3228) Tant que la juridiction de proximité existe... (v. supra, no 968).(3229) Art. L. 232-2, al. 2, COJ.(3230) Art. L. 232-2, al. 1er, COJ.

(3231) Art. L. 231-5 COJ. L'article 847-4 CPC reprend en substance la même règle, mais semble faire de ce renvoi une obligation. À
notre avis, il faut retenir une simple possibilité, par respect de la hiérarchie des normes (l'article 847-4 n'est que réglementaire, pas
législatif). De plus, il appartient au juge de proximité de déterminer lui-même s'il existe une difficulté sérieuse, ce qui rend assez théorique
la question de la faculté ou de l'obligation.

(3232) C'est à cette conception subjective de la commercialité que se réfère l'article L. 721-3, 1o, du Code de commerce, lorsqu'il donne
compétence au tribunal de commerce pour trancher les « contestations relatives aux engagements entre commerçants ».

(3233) Art. R. 212-8 COJ.

(3234) L'article 631 2o C. com. (ancien) visait les contestations « entre associés, pour raison d'une société de commerce ». Il a été
remplacé par un article L. 411-4 COJ issu de la loi no 2001-420 du 15 mai 2001, lequel a été remplacé à son tour par l'article L. 721-3
C. com., issu de l'ordonnance no 2006-673 du 8 juin 2006. À quand un nouveau transfert vers le Code de l'organisation judiciaire ?

(3235) Com., 10 juillet 2007, no 06-16548, JCP G 2007, II, 10198, note J.-P. LEGROS, D. 2008, p. 518, note D. THÉVENET -MONTFROND,
Procédures 2007, no 223, note H. CROZE.

(3236) Com., 27 octobre 2009, no 08-20384, D. 2010, p. 296, note B. DONDERO, Dr. et procéd. 2010, p. 82, obs. D. GIBIRILA.

(3237) Art. L. 621-2 C. com. L'expression a été substituée, à l'occasion de l'ordonnance du 18 décembre 2008, à celle de commerçant et
de personne inscrite au répertoire des métiers, afin d'englober dans le giron des procédures collectives l'auto-entrepreneur. Une autre
conséquence de ce changement de rédaction est que les tribunaux de commerce sont compétents pour connaître des procédures
collectives des commerçants et artisans de fait. Il est regrettable que les rédacteurs du décret 2009-1693 du 29 décembre 2009 n'aient
pas repris cette nouvelle terminologie, l'article R. 211-4, 8o, du Code de l'organisation judiciaire continuant de se référer aux non
commerçants et aux personnes non immatriculées au répertoire des métiers pour définir la compétence du tribunal de grande instance
(sur ce point, v. C. LEBEL, « Le maintien de la référence à l'immatriculation au répertoire des métiers ! », JCP E 2010, act. 94).

(3238) Il faut, à cet égard, consulter les annexes 6-1 et suivantes du Code de commerce, régulièrement retouchées.

(3239) Art. R. 1423-1 C. trav.

(3240) Sur tous ces points, v. R. P ERROT , Institutions judiciaires, Montchrestien, Domat, 15e éd., 2012, no 150 et s. On notera seulement
que les incidents de compétence, qui ne portent que sur la compétence d'une section à l'intérieur d'un conseil de prud'hommes, font l'objet
d'un règlement simplifié (art. R. 1423-7 C. trav.) : le président du conseil de prud'hommes, après avis du vice-président, renvoie l'affaire à
la section qu'il désigne par une ordonnance insusceptible de recours.
(3241) Art. D. 1462-3 C. trav. Ce taux a été fixé par le décret no 2005-1190 du 20 septembre 2005.(3242) Art. L. 1411-2 C. trav.

(3243) C'est le cas notamment des obligations de non-concurrence qui peuvent peser sur certains salariés. La Cour de cassation a même
décidé qu'un conseil de prud'hommes était seul compétent pour connaître de la validité d'une transaction intervenue entre le salarié et son
ancien employeur. V. Soc., 9 février 1989, Bull. civ. V, no 118 ; 28 février 2007, ibid. no 35.

(3244) Art. L. 1411-3 C. trav.(3245) La compétence exclusive du conseil de prud'hommes fait aussi obstacle à tout compromis.

(3246) Art. L. 492-1 C. rural.(3247) Art. 893 et s. et art. 897 CPC.(3248) Art. R. 492-1 C. rural.

(3249) Art. L. 492-7 C. rural. Dans ce cas, il suit les règles de compétence et de procédure applicables devant le tribunal paritaire :
art. R. 492-2 C. rural.

(3250) En outre, le tribunal paritaire des baux ruraux peut appliquer les dispositions du Code civil qui régissent le bail rural, pourvu que la
demande relève de sa compétence.

(3251) On dirait que le premier ordre de juridictions veut faire concurrence au second ordre, pour ce qui est du fourmillement des
juridictions. N'a-t-il pas mieux à faire ?

(3252) De plus, si l'on connaît un peu les avocats de la ville où l'on habite (excepté Paris), le choix d'un avocat exerçant à cinq cents
kilomètres se fait presque toujours au hasard. Enfin, il est inutile de rappeler que, comme les règles de compétence d'attribution, les règles
de compétence territoriale peuvent donner lieu à un incident de compétence qui, s'il est habilement exploité et si les circonstances s'y
prêtent, retarde le procès de façon parfois considérable. En feuilletant les recueils de jurisprudence, on a même l'impression que les
incidents portant sur la compétence territoriale sont plus nombreux et donnent lieu à des débats plus acharnés que ceux portant sur la
compétence d'attribution.

(3253) Littéralement, le demandeur suit le tribunal du défendeur : ici, rei est le génitif de reus (le défendeur), et non de res (la chose).

(3254) Sur le domicile et la résidence, v. G. CORNU, Droit civil. Les personnes, Montchrestien, Domat, 13e éd., 2007, no 68 et s.

(3255) En ce sens, G. CORNU, op. cit., no 76.

(3256) L'arrêt le plus ancien semble être Req. 19 juin 1876, S. 1877.1.134. Pour des applications plus récentes de la règle, v. Com.,
12 janvier 1988, Bull. civ. IV, no 13, RTD com. 1988.474, obs. R. CABRILLAC et B. TEYSSIÉ ; Com., 21 mars 1995, Bull. civ. IV, no 93.

(3257) La fin de l'alinéa 3 de l'article 42 n'intéresse que la compétence internationale directe des juridictions françaises.

(3258) Civ. 2e, 8 juin 1979, Bull. civ. II, no 171, Gaz. Pal. 1979.2.443, note J. VIATTE, ou Civ. 1re, 8 février 1983, Bull. civ. I, no 51, RTD
civ. 1984, p. 156, obs. J. NORMAND. Sur l'évolution de la jurisprudence, v. J. NORMAND, obs. préc. A fortiori, le demandeur ne saurait être
admis à assigner une personne choisie uniquement en raison de son domicile, dont on devine qu'il rend compétent le tribunal du domicile
du demandeur, alors que cette personne serait en fait étrangère au litige. Le demandeur doit choisir le tribunal du domicile d'un véritable
défendeur (v. Com., 18 novembre 1964, D. 1965.800), la compétence de ce tribunal pouvant, semble-t-il, être remise en question si, à la
suite de désistements, seuls restent en cause des défendeurs non domiciliés ni résidants dans le ressort de cette juridiction (v. Civ. 1ère,
5 décembre 2012, nº 11-18169).

(3259) Com., 20 juillet 1981, Bull. civ. IV, no 324. De même, le demandeur ne peut pas citer les autres défendeurs devant le tribunal qui
n'est compétent à l'égard de l'un d'eux qu'en vertu d'une clause attributive de compétence (Com., 25 mars 1997, Bull. civ. IV, no 79).

(3260) Mais pas quasi contractuelle : v. Civ. 2e, 7 juin 2006, no 04-20316, RTD civ. 2007, p. 174, obs. Ph. THÉRY.

(3261) Cependant l'article 46 CPC ne s'applique pas à certains contrats pour lesquels le législateur a institué des chefs de compétence
spéciaux, comme le contrat d'assurance ou le contrat de travail (sur lequel, v. infra, no 996).

(3262) V. Com., 3 novembre 1988, Bull. civ. II, no 291 ; Com., 14 juin 1994, Bull. civ. IV, no 221.

(3263) Civ. 2e, 18 janvier 2001, Bull. civ. II, no 10.

(3264) À propos d'une vente CAF, la Cour de cassation a retenu, d'une façon très critiquable, le lieu où ont été remis à l'acheteur les
documents contractuels (Com., 1er mars 1994, Bull. civ. IV, no 94, Rev. crit. DIP 1994.672, note V. HEUZÉ).
(3265) V. Civ. 2e, 13 janvier 1982, Bull. civ. II, no 7 ; Civ. 1re, 16 mars 1999, Bull. civ. I, no 96. Adde Com., 21 mars 1989, Bull. civ. IV,
no 95, pour un contrat de cautionnement. En revanche, la Cour de cassation a décidé, de façon tout à fait surprenante, que l'article 46
s'appliquait à un contrat de concession exclusive (Com., 19 juillet 1988, Bull. civ. IV, no 257), alors pourtant que le contrat de concession
ne constitue qu'un contrat cadre et que seuls les contrats ultérieurs donnent lieu à des actes d'exécution.

(3266) Civ. 2e, 9 octobre 1996, Bull. civ. II, no 221, Audijuris 1997-71, p. 28, obs. J. HÉRON. La solution nous semble dangereuse, en ce
qu'elle incite la partie la plus puissante à inclure dans le contrat une prestation secondaire qui s'exécute au lieu où elle demeure, pour
pouvoir plaider « à la maison », et c'est ce qui s'est produit en effet dans l'espèce soumise à la Cour de cassation.

(3267) Civ. 2e, 1er juillet 1999, Bull. civ. II, no 128.

(3268) Le texte actuel de l'article 46 résulte du décret no 81-500 du 12 mai 1981. La rédaction antérieure était moins heureuse : le texte
visait le lieu où le dommage « est subi ». Certains auteurs et quelques juridictions inférieures estimaient que, par cette expression, les
rédacteurs du Code de procédure civile entendaient non pas le lieu où le dommage avait été initialement subi, mais celui où il était
actuellement subi. Cette interprétation présentait un intérêt pratique évident, notamment en matière d'accident d'automobile. Si une
personne était blessée, puis transportée dans un hôpital ou à son domicile, elle pouvait, selon ces auteurs, agir devant le tribunal dans le
ressort duquel se trouvait l'hôpital ou son domicile, ce qui n'était peut-être pas inenvisageable. Mais, en cas d'accident mortel, cette
interprétation rendait compétent le tribunal du domicile des victimes par ricochet, puisque c'était là qu'était subie la douleur. On favorisait
ainsi la douleur ambulatoire. Ces opinions ont été condamnées par la rédaction retenue par le décret no 81-500 du 12 mai 1981.

(3269) Comp. CJCE, 30 novembre 1976, Mines de potasse d'Alsace, Rev. crit. DIP 1977.563, note P. BOUREL, Clunet 1977.728, obs.
A. HUET , D. 1977.613, note G. DROZ. Cet arrêt n'a pas été rendu sur le fondement de l'article 46 du Code de procédure civile, mais sur
celui de l'article 5 de la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968. Mais, sur ce point, le droit communautaire et le droit interne
donnaient les mêmes solutions.

(3270) En ce sens, Civ. 1re, 14 janvier 1997, Bull. civ. I, no 14, Rev. crit. DIP 1997.504, note J.-M. BISCHOFF. L'arrêt a été rendu en
matière de conflit de lois, mais la solution est certainement transposable à la question de compétence.

(3271) V. toutefois les réserves émises par S. P IERRE-MAURICE, « Utilité de l'option de compétence territoriale au profit du
consommateur », Contrats, conc. consom. 2011, étude 2.

(3272) En vertu de la jurisprudence des gares principales. V. supra, no 980.(3273) V. supra, no 44.

(3274) Civ. 1re, 27 octobre 1981, Bull. civ. I, no 310, D. 1982.305, note J. MASSIP.

(3275) V. Civ. 2e, 23 septembre 2010, no 09-17114, à propos d'un juge non encore installé dans ses fonctions, mais déjà nommé.

(3276) C'est pourquoi, pour un avocat, il faut tenir compte non de la commune dans laquelle il est domicilié, mais du barreau où il est
inscrit. C'est l'avocat en tant que tel qui est visé par l'article 47. V. Civ. 2e, 6 décembre 1978, Bull. civ. II, no 265.

(3277) En ce sens, J. NORMAND, obs. sous Civ. 1re, 15 décembre 1993, Bull. civ. I, no 358, RTD civ. 1994, p. 153.

(3278) Selon la jurisprudence, l'article 47 CPC est applicable à l'auxiliaire de justice simplement suspendu, mais il ne l'est pas à celui qui
n'est plus en poste. V. Civ. 3e, 18 janvier 1995 (avocat omis), no 93-10052 ; Com., 2 mars 2010, no 09-10429 (administrateur judiciaire).

(3279) V. B. BEIGNIER, « L'article 47 du Code de procédure civile : une option ou un privilège ? », D. 2012, p. 825. On relèvera
simplement que ce privilège est commun aux deux parties, puisqu'elles peuvent l'une comme l'autre en invoquer le bénéfice.

(3280) Soc., 17 décembre 1987, Bull. civ. V, no 764, D. 1988, somm. 124, obs. P. JULIEN, et Civ. 2e, 6 janvier 1988, Bull. civ. II, no 2.

(3281) Civ. 2e, 20 janvier 1982, Bull. civ. II, no 10.(3282) Civ. 2e, 26 octobre 1978, JCP 1979.II.19060, note J. VIATTE.

(3283) Ex : Soc., 17 décembre 1987 préc. (juge prud'homal président d’une association partie au litige) ; Civ. 2e, 6 janvier 1988 préc.
(juge consulaire président-directeur général d’une société partie au procès) ; Civ. 2e, 18 octobre 2012, nº 11-22374 (bâtonnier agissant au
nom de l’ordre des avocats). En revanche, la règle ne joue pas lorsque le juge ou l’auxiliaire de justice n'est pas le représentant de la
personne morale partie au procès. Ainsi, l'article 47 n'est pas applicable au juge qui est administrateur d'une société (Soc., 24 janvier
1990, Bull. civ. V, no 30) ou qui est le directeur financier d'une entreprise (Soc., 19 juillet 1994, Bull. civ. V, no 246).

(3284) Civ. 2e, 26 octobre 1978, préc. Pour la même raison, la Cour de cassation n'applique pas l'article 47 du Code de procédure civile
au contentieux qui peut opposer un avocat à son client en matière d'honoraires (Civ. 1re, 14 mai 1991, Bull. civ. I, no 149).
(3285) Sur les règles qui régissent l'incident de compétence, v. infra, no 1022 et s. On aurait pu aussi songer aux règles qui régissent le
renvoi pour cause de suspicion légitime, régi par les articles 356 et suivants du Code de procédure civile. À juste titre, la Cour de
cassation a rejeté ce rapprochement : l'article 47 a précisément pour objet de prévenir tout risque de suspicion à l'encontre du tribunal.
V. Civ. 2e, 4 novembre 1988, Bull. civ. II, no 206.

(3286) C'est ainsi que la Cour de cassation écarte l'obligation pour les parties de former contredit lorsque le juge n'a statué que sur la
question de la compétence. Dans tous les cas, la partie peut faire appel : Civ. 2e, 15 février 1995, Bull. civ. II, no 51.

(3287) La Cour de cassation décide, dans le même sens, que le salarié qui a saisi un conseil de prud'hommes et qui s'aperçoit ensuite que
l'article 47 du Code de procédure civile est applicable peut se désister de sa demande et saisir un autre conseil de prud'hommes, par
dérogation au principe de l'unicité de l'instance prud'homale posé par l'article R. 1452-6 du Code du travail (dont l'applicabilité est déjà
incertaine en l'absence de jugement sur le fond ; v. supra, no 662 et s.) : Soc., 21 juin 1989, Bull. civ. V, no 459 ; Soc., 21 juin 1995,
Bull. civ. V, no 208.

(3288) Ex. : Civ. 2e, 26 février 1997, Bull. civ. II, no 59.(3289) Civ. 2e, 20 janvier 1982, Bull. civ. II, no 10.

(3290) En revanche, il a été jugé qu’une exception d’incompétence ratione materiae devait être soulevée avant que ne soit invoqué
l’article 47, en vertu de l’article 74 CPC (Civ. 2e, 26 juin 2014, nº 13-20396). Le doute était permis, compte tenu de la nature particulière
de la demande fondée sur l’article 47.

(3291) En effet, il est possible qu'en première instance, il n'existe aucune raison d'appliquer l'article 47 du Code de procédure civile. Il en
va ainsi, par exemple, lorsqu'un avocat de Cherbourg est assigné devant le tribunal de grande instance de Lisieux. Ce n'est qu'en appel,
devant la cour de Caen, qu'il apparaît utile de « dépayser » le procès. La solution inverse aurait pour effet d'entraîner des demandes de
renvoi en plus grand nombre, alors que l'on ne saurait pas encore si un appel sera formé. Mais le « dépaysement » ne peut pas être opéré
directement par le plaideur, et la Cour de cassation ne permet pas à une partie de former appel devant la cour d'appel limitrophe de celle
que l'on veut éviter en application de la règle de l'article 47 du Code de procédure civile (Civ. 2e, 3 février 1988, JCP 1988.II.21086, obs.
L. CADIET ; l'arrêt n'a pas été publié au Bulletin.).

(3292) Civ. 2e, 21 décembre 2000, Bull. civ. II, no 175.

(3293) Civ. 1re, 15 décembre 1993, Bull. civ. I, no 368, RTD civ. 1994, p. 153, obs. J. NORMAND ; Civ. 2e, 18 décembre 1996, Bull. civ. II,
no 288.

(3294) Sur laquelle, v. supra, no 44.

(3295) Pour la Cour de cassation, la règle ne joue que si tous les enfants mineurs et non pas certains seulement résident avec l'époux
demandeur. V. Civ. 1re, 2 février 1982, Bull. civ. I, no 56, D. 1983, I.R. 37, obs. J.-Cl. GROSLIÈRE.

(3296) Dans cette dernière sorte de divorce, il n'y a effectivement ni demandeur, ni défendeur, puisqu'il relève de la matière gracieuse.

(3297) Il est à noter qu'un chantier est tenu pour un établissement s'il constitue le lieu de travail habituel du salarié.

(3298) Les options supplémentaires s'appliquent aussi lorsque le travail est effectué en dehors de tout établissement, mais elles ne
présentent alors guère d'intérêt.

(3299) Sur le cas particulier d'un travailleur détaché en France, pour une période limitée, par une entreprise établie dans un autre État
membre de l'Union européenne, v. art. R. 1412-5 C. trav.

(3300) En particulier, l'article 49 évite l'ambiguïté que crée l'adage en parlant d'exception. L'exception de l'adage ne doit pas être
comprise au sens étroit d'exception de procédure. Comme en droit romain, elle désigne tout moyen de défense, qu'il s'agisse d'une
défense au fond ou d'une défense procédurale.

(3301) Sur ces défenses procédurales, v. infra, no 1204 et s. Pour une illustration de la règle de l'article 50, en matière de péremption,
v. Civ. 2e, 21 février 2013, nº 12-12751.

(3302) Sous réserve, bien entendu, des voies de recours : la cour d'appel peut décider que la demande soumise au juge du premier degré
était irrecevable. Il ne s'agit pas là d'une exception à la règle énoncée par les articles 49 et 50 du Code de procédure civile. C'est le
procès qui se trouve attribué tel quel au juge devant qui est exercée la voie de recours.
(3303) Cette règle peut ainsi conduire le tribunal d'instance, juge des petites affaires, à statuer sur des moyens de défense qui portent sur
des questions de principe d'une importance considérable, mais qui, au sens précis du terme, ne déterminent pas la valeur du litige. La
même question se pose en matière prud'homale, à propos de la recevabilité de l'appel. Il arrive fréquemment que le conseil de
prud'hommes tranche en premier et dernier ressort une importante question de principe. V. ainsi Soc., 12 novembre 1987, Bull. civ. V,
no 642, D. 1988, somm. 123, obs. P. JULIEN.

(3304) On verra (infra, no 1030) que cette impossibilité n'est pas absolue.

(3305) La suspension de l'instance liée à la question préjudicielle constitue un cas légal de suspension, qui ne doit pas être confondue
avec le sursis à statuer facultatif (sur ce point, v. infra, no 1190).

(3306) Art. L. 441-1 COJ. On notera au passage que depuis la loi no 2001-539 du 25 juin 2001, la saisine pour avis est également ouverte
en matière pénale. Par ailleurs, en vertu de l'article 1015-1 du Code de procédure civile, instauré en 1999, une chambre de la Cour de
cassation peut, elle-même, demander à une autre chambre de formuler un avis sur un point de droit relevant de sa compétence. Il s'agit,
cependant, d'une procédure distincte de la saisine pour avis de la Cour de cassation, celle-ci entraînant la réunion d'une formation
spéciale précisée à l'article L. 441-2 du Code de l'organisation judiciaire.

(3307) V. spécialement, ci-après, la solution inverse retenue dans le cadre des questions préjudicielles communautaires.

(3308) Art. L. 441-3 COJ et 1031-7 CPC. Les parties doivent d'ailleurs avoir été avisées, à l'instar du ministère public, de la volonté du
juge du fond de demander un avis, afin de leur permettre de lui adresser leurs observations avant que la Cour de cassation ne soit saisie
(art. 1031-1 et s. CPC).

(3309) La seule originalité de cette question réside dans la possibilité pour le préfet de soulever l’incompétence des juridictions judiciaires
en appel comme en première instance (art. 18 D. nº 2015-233 du 27 février 2015 : « tant qu’il n’a pas été statué sur la compétence par
une décision passée en force de chose jugée »), par dérogation à la règle de l’article 74 du Code de procédure civile.

(3310) V. TC, 16 juin 1923, « Septfonds », recueil Lebon, p. 498.

(3311) Ainsi, la juridiction pénale a le pouvoir d'interpréter les actes administratifs (même individuels) et d'apprécier leur légalité, lorsque
la solution du procès pénal en dépend (art. 111-5 du Code pénal). De plus, en matière fiscale, selon la jurisprudence du Tribunal des
conflits, les juridictions judiciaires sont compétentes pour apprécier la légalité des actes administratifs réglementaires (TC, 26 mai 1954,
« Société des Hauts Fourneaux de la Chiers », recueil Lebon, p. 706) comme individuels (TC, 16 juin 1923, « Graber », recueil
Lebon, p. 501). Un juge judiciaire peut également, « lorsqu'il s'estime en état de le faire, appliquer le droit de l'Union, sans être tenu de
saisir au préalable la juridiction administrative d'une question préjudicielle, dans le cas où serait en cause devant lui, à titre incident, la
conformité d'un acte administratif au droit de l'Union européenne » (TC, 17 octobre 2011, « SCEA du Chéneau », no C3828, JCP G
2011, no 1423, note B. P LESSIX).

(3312) Pour des illustrations de cette règle classique, v. Civ. 1re, 19 juin 1985, Bull. civ. I, no 200, D. 1985.426, rapport et note P. SARGOS,
Gaz. Pal. 1986, somm. 92, obs. S. GUINCHARD et T. MOUSSA ; Civ. 1re, 4 novembre 2010, no 09-15279.

(3313) Jusqu’en 2015, il n'appartenait pas au juge judiciaire, mais aux parties, de saisir directement le juge administratif de la question
préjudicielle : Civ. 1re, 21 mai 1986, Bull. civ. I, no 131. Cette règle est clairement renversée par l’article 49, alinéa 2, CPC (issu d’un
décret du 27 février 2015).

(3314) Loi organique no 2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution. Pour une présentation
de cette loi, v. B. MATHIEU, « La question prioritaire de constitutionnalité : une nouvelle voie de droit », JCP G 2009, 602 ; H. CROZE, « La
question prioritaire de constitutionnalité. Aspects procéduraux », JCP G 2010, p. 490. V. aussi les actes d'un colloque du 22 septembre
2010 publiés dans un numéro spécial de la Semaine Juridique (éd. générale) le 29 novembre 2010. La question est dite « prioritaire »,
parce que les juges doivent se prononcer sur sa transmission à la juridiction suprême avant de se prononcer sur une éventuelle
inconventionnalité de la loi en cause (art. 23-2 et 23-5 Ord. no 58-1067 du 7 novembre 1958).

(3315) V. aussi les décrets no 2010-148 et 2010-149 du 16 février 2010 et la décision du Conseil constitutionnel du 4 février 2010 portant
règlement intérieur sur la procédure suivie pour les questions prioritaires de constitutionnalité.

(3316) Bien sûr, ce sera le Conseil d'État, si la question est transmise par une juridiction administrative.

(3317) Une décision de transmission à la Cour de cassation est insusceptible de tout recours ; une décision de refus de transmission ne
peut être contestée qu'à l'occasion d'un recours formé contre une décision tranchant tout ou partie du litige (v. art. 126-7 CPC).
(3318) Et le juge du fond n'est pas tenu de transmettre la question à la Cour de cassation si elle met en cause, par des motifs identiques,
une disposition législative dont la Cour de cassation ou le Conseil constitutionnel est déjà saisi (art. 126-5 CPC). Si, dans cette situation, il
décide de ne pas transmettre, il doit surseoir à statuer en l'attente de la décision de la Cour ou du Conseil.

(3319) La question prioritaire de constitutionnalité peut également être soulevée directement devant la Cour de cassation (ou le Conseil
d'État), auquel cas, bien sûr, elle ne fera l'objet que d'un seul filtrage avant sa transmission au Conseil constitutionnel.

(3320) Art. 23-3 Ord. no 58-1067 du 7 novembre 1958.

(3321) On peut, dès lors, déplorer la jurisprudence qui voit dans ce mécanisme une exception de procédure devant être soulevée avant
toute défense au fond, à peine d’irrecevabilité (ex : Com. 28 juin 2005, nº 03-13112 ; Civ. 2e, 27 septembre 2012, nº 11-16361, Dr. et
procéd. 2012, p. 293, obs. M. DOUCHY-OUDOT ). Cette solution n’est guère de nature à lutter contre le risque de contrariété de décisions.

(3322) Art. 4, al. 3, CPP. Par cette réforme, le législateur de 2007 a entendu réagir à la tendance de certains défendeurs au civil à saisir
le juge pénal d'une infraction imaginaire, afin de « bloquer » le procès civil.

(3323) Autrefois, il existait aussi une question préjudicielle diplomatique : Les tribunaux de l'ordre judiciaire refusaient traditionnellement
d'interpréter les traités internationaux portant sur des questions de « droit public international ». L'interprétation était alors demandée au
ministre des Affaires étrangères. Les juges voulaient ainsi éviter de gêner l'activité diplomatique du gouvernement français. Par un arrêt
remarqué (Civ. 1re, 19 décembre 1995, Bull. civ. I, no 470, Rev. crit. DIP 1996.468, note B. OPPETIT ), la Cour de cassation a renversé sa
jurisprudence antérieure. Elle décide aujourd'hui « qu'il est de l'office du juge d'interpréter les traités internationaux invoqués dans la
cause soumise à son examen, sans qu'il soit nécessaire de solliciter l'avis d'une autorité non juridictionnelle. » Le Conseil d'État avait
précédé dans cette voie la Cour de cassation (CE 29 juin 1990, GISTI, Rev. crit. DIP 1991.61, note P. LAGARDE). Sur cette question,
v. D. ALLAND, « Jamais, parfois, toujours, réflexions sur la compétence de la Cour de cassation en matière d'interprétation des
conventions internationales », RGDIP 1996.599 et s.

(3324) Anciennement article 177, puis 234. La numérotation des articles du Traité de Rome du 25 mars 1957 a changé en raison de
modifications introduites par les Traités d'Amsterdam du 2 octobre 1997 et de Lisbonne du 13 décembre 2007.

(3325) En pratique, les juges n'en usent que très modérément.

(3326) V., pour une utilisation audacieuse mais particulièrement heureuse de cette notion, CE (Ass.), 22 décembre 1978, Rev. crit. DIP
1979.647, note (approbative) A. LYON-CAEN.

(3327) L’expression « renvoyer au Tribunal des conflits le soin de décider sur cette question de compétence » est assez explicite. Le
Tribunal des conflits ne rend pas un simple avis qui ne lierait pas le juge à l’origine de la question (contrairement à ce qui se passe en cas
de saisine pour avis de la Cour de cassation : v. supra, nº 1004).

(3328) La multiplication des juridictions, notamment fonctionnelles, augmente en effet les problèmes de frontière, d'autant que ces
frontières sont loin d'être rectilignes.

(3329) Tant qu'elle existe (v. supra, no 968).(3330) Rappelons que cette juridiction doit disparaître en 2017 (v. supra, no 968).

(3331) La lettre de l'article 51 n'exclut pas ces deux juridictions de son champ d'application, mais les articles R. 221-40 et R. 231-5 COJ
impliquent cette exclusion.

(3332) V. cette réserve dans Civ. 3e, 3 mai 1978, Bull. civ. III, no 187 et v. infra, no 1057, et la note, pour un cas d'indivisibilité entraînant
une prorogation de compétence, dans les mêmes conditions.

(3333) V. infra, no 1053 et s.

(3334) Sur la confusion qui est parfois commise entre la véritable prorogation conventionnelle et la prorogation dite volontaire, qui n'est
qu'une manifestation de la limitation des pouvoirs du juge, v. infra, no 1018.

(3335) C’était déjà le cas sous l’empire du règlement nº 44/2001 du 22 décembre 2000 (art. 23) : pour une illustration, v. Civ. 1re,
23 janvier 2008, no 06-21898, JCP G 2008, II, 10092, note C. BOISMAIN.

(3336) C'est l'application pure et simple de l'article 6 du Code civil. Il faut cependant reconnaître que de telles règles sont rares en
matière commerciale en dehors, bien sûr, des règles de compétence applicables en matière de procédures collectives.
(3337) Ceci n'invalide en rien la clause attributive de compétence territoriale. Il a d'ailleurs été jugé, en matière internationale, que la
clause n'était pas incompatible avec le fait que des lois de police étaient applicables au fond du litige : Civ. 1re, 22 octobre 2008, no 07-
15823, Procédures 2008, no 331, note C. NOURISSAT .

(3338) Civ. 1re, 8 juillet 2010, no 07-17788, Procédures 2010, no 336, note R. P ERROT , Dr. et procéd. 2010, p. 293, obs. F. VINCKEL.

(3339) Com., 10 février 1981, Bull. civ. IV, no 75, Gaz. Pal. 1981.2.475, note J. DUPICHOT , D. 1982, I.R. 156, obs. P. JULIEN.

(3340) Ce n'est pas que tous les commerçants soient égaux entre eux. Mais on admet généralement que le monde du commerce est plus
brutal (un univers impitoyable ?).

(3341) Bien que la disposition de l'article 48 trouve son fondement dans un souci de protection de la partie faible, la Cour de cassation
décide que la nullité de la clause peut être invoquée aussi bien par le commerçant que par le non commerçant : Com., 23 juin 1983,
Bull. civ. IV, no 189.

(3342) Ex. : Civ. 1re, 6 février 2007, no 05-12592 (à propos des statuts d'un syndicat de chasseurs), Procédures 2007, no 77, note
R. P ERROT ; Civ. 2e, 4 juillet 2007, no 06-16140 (à propos des statuts d'une caisse de congés payés), ibid. no 213, note R. P ERROT .

(3343) Civ. 2e, 20 février 1980, Bull. civ. II, no 37, Gaz. Pal. 1980.2.494, note J. DUPICHOT . Il faut se référer à la décision des juges du
fond et non à celle de la Cour de cassation, cette dernière ne contrôlant pas la notion de clause spécifiée de façon très apparente.

(3344) Com., 30 novembre 1981, Bull. civ. IV, no 415, D. 1982, I.R. 156, obs. P. JULIEN.

(3345) Il ne faut pas ajouter au texte. Il n'est pas nécessaire que la clause fasse l'objet d'une acceptation spéciale. La signature de l'acte
vaut acceptation de l'ensemble de ses stipulations, y compris donc de la clause attributive de compétence. V. Com., 20 juillet 1981,
Bull. civ. IV, no 324, D. 1982, I.R. 156, obs. P. JULIEN.

(3346) Généralement, en effet, la clause est imposée par le vendeur, alors que le bon de commande émane de l'acheteur. Il faut donc que
le vendeur adresse à l'acheteur un autre bon de commande, contenant la clause, en précisant que seule la signature de ce bon de
commande vaudra commande définitive. Lorsque les relations d'affaires sont habituelles, le vendeur peut adresser à son client une série
de bons de commande contenant la clause, que le client devra impérativement utiliser.

(3347) Civ. 2e, 1er avril 1981, Bull. civ. II, no 78, Gaz. Pal. 1982.2.421, note J. VIATTE, D. 1982, I.R. 156, obs. P. JULIEN. En l'espèce le
demandeur (ou son avocat ?) avait cité le défendeur devant le tribunal de commerce de Pointe-à-Pitre et non devant le tribunal élu qui
était celui de Paris...

(3348) Art. 1165 C. civ. Mais la clause se transmet aux ayants cause des parties. Par exemple, en cas de subrogation, la clause
consentie par la partie originaire se transmet au subrogé et peut être invoquée par lui, comme elle peut lui être opposée.

(3349) Sous réserve de la règle de compétence applicable en cas d'intervention forcée (art. 333 CPC, sur lequel v. infra, no 1170).

(3350) V. L. CADIET et E. JEULAND, Droit judiciaire privé, LexisNexis, 8e éd, no 267 ; C. GOLHEN, « L'assujettissement d'un tiers à une
clause attributive de juridiction », Procédures 2008, étude no 5 et 6. Il est vrai que dans un domaine proche, celui de l'arbitrage, la Cour
de cassation décide que « dans une chaîne de contrats translatifs de propriété, la clause compromissoire est transmise de façon
automatique en tant qu'accessoire du droit d'action, lui-même accessoire du droit substantiel transmis » (V. not. Civ. 1re, 27 mars 2007,
no 04-20842, JCP G 2007, II, 10118, note C. GOLHEN, RTD civ. 2008, p. 541, obs. Ph. THÉRY).

(3351) Com., 16 décembre 2008, no 08-10460 : « une clause attributive de juridiction convenue entre un transporteur et un chargeur et
insérée dans un connaissement, produit ses effets à l'égard du tiers porteur du connaissement pour autant que, en l'acquérant, il ait
succédé aux droits et obligations du chargeur en vertu du droit national applicable ». Dans le même sens : Civ. 1re, 16 décembre 2008,
no 07-18834. En revanche, il a été jugé que, par application de l’article 23 du règlement (CE) nº 44/2001 du 22 décembre 2000 (texte
désormais abrogé, mais dont le contenu était assez similaire à celui de l’article 25 du règlement nº 1215/2012 du 12 décembre 2012
aujourd’hui applicable), une clause attributive de juridiction convenue dans le contrat conclu entre le fabricant d'un bien et l'acquéreur de
celui-ci ne peut pas être opposée au tiers sous-acquéreur qui, au terme d'une succession de contrats translatifs de propriété conclus entre
des parties établies dans différents Etats membres de l’Union Européenne, a acquis ce bien et veut engager une action en responsabilité
à l'encontre du fabricant, sauf s'il est établi que ce tiers a donné son consentement effectif à l'égard de ladite clause : CJUE, 7 février
2013, C-543/10 ; Civ. 1ère, 11 septembre 2013, nº 09-12442.

(3352) Civ. 2e, 17 juin 1998, Bull. civ. II, no 200. V. supra, no 403.
(3353) Sur la présentation de l'exception d'incompétence, v. infra, no 1025. Il peut aussi arriver que le juge soulève d'office son
incompétence, si le défendeur ne comparaît pas (v. infra, no 1029).

(3354) Sur l'incompétence relevée d'office, v. infra, no 1027.

(3355) Ex. : une clause écartant la compétence du tribunal d'instance au profit du tribunal administratif, ou l'inverse.

(3356) Le contraire n'est que partiellement vrai : on ne peut décider par avance, avant tout litige, de renoncer au double degré de
juridiction ; mais, une fois le litige né, l'article 41, alinéa 2 CPC, permet aux parties de convenir, par un accord exprès et pour les droits
dont elles ont la libre disposition, que leur différend sera jugé sans appel.

(3357) L'inverse ne serait pas vrai. L'interdiction pour le juge de statuer ultra petita suffit à dissuader le demandeur.

(3358) Com., 10 juin 1997, Bull. civ. IV, no 185, Audijuris 1997-81, p. 42, obs. J. HÉRON, D. 1998, J, note F. LABARTHE et F. JAULT -
SESEKE : « est inopposable à un défendeur non commerçant une clause attributive de compétence au tribunal de commerce ». Sans doute
faut-il considérer qu'a contrario, la clause lui serait opposable (et serait efficace) s'il était commerçant.

(3359) Si, du moins, le contrat est d'un montant suffisamment important et n'est pas commercial.

(3360) Ce sont de telles situations qu'envisagent notamment les articles 77 et 80 du Code de procédure civile, sur lesquelles v. infra,
no 1037.

(3361) En revanche, l'incompétence ne peut être soulevée par le demandeur qui, réflexion faite, estimerait qu'il aurait dû soumettre sa
demande à un autre juge. Ex. : Civ. 2e, 7 décembre 2000, Bull. civ. II, no 163. Exceptionnellement, une action déclaratoire peut être
engagée par le demandeur afin de faire juger par un tribunal qu'il est incompétent, dès lors qu'il a été contraint de porter son litige devant
cette juridiction qu'il n'a pas choisie : Pour une illustration, v. Civ. 1re, 7 décembre 2011, no 10-30919, JCP G 2012, 241, note L. D'AVOUT .

(3362) Civ. 2e, 25 novembre 1981, Bull. civ. II, no 205 ; Com., 20 octobre 1992, Bull. civ. IV, no 312. Pour une autre application de cette
possibilité, dans une situation particulière, v. Com., 10 juin 1986, Bull. civ. IV, no 119, Rev. arb. 1987.461, note P. BLOCH. Il faut préciser
que, compte tenu de la plénitude de juridiction de la cour d'appel (sur laquelle, v. infra, no 1048), le plaideur ne peut présenter l'exception
d'incompétence que si celle-ci subsiste devant les juges du second degré. Par exemple, il est sans intérêt pour lui de soutenir qu'il aurait
dû être cité devant le tribunal de grande instance alors qu'il l'a été devant le tribunal de commerce.

(3363) Soc., 18 octobre 1979, Bull. civ. V, no 753.

(3364) V., à propos de la motivation d'un contredit, pour lequel la question se pose dans les mêmes termes, Civ. 2e, 7 juin 1974,
Bull. civ. II, no 185. En l'espèce, la partie qui avait formé contredit s'était bornée à énoncer que « contrairement à ce qui a été jugé, elle
(l'affaire) ne relève pas de la compétence d'attribution du conseil de prud'hommes de Tours, déterminée par le décret du 10 janvier 1972,
qu'en conséquence, le tribunal d'instance de Tours est seul compétent ». On ne peut pas dire que le contredit ait été motivé...

(3365) L'indication doit figurer dans le déclinatoire lui-même (ex : Civ. 2e, 29 mai 1979, Bull. civ. II, no 164) et il ne doit désigner qu'une
seule juridiction, sauf si l'intéressé a une option légale de compétence (ex : Civ. 2e, 28 juin 2006, no 05-14085). Cependant, le déclinatoire
n'est pas irrecevable si le tribunal indiqué par le demandeur à l'exception n'est pas celui qui est véritablement compétent.

(3366) Curieusement, il a pourtant été jugé qu'une fois devant la cour d'appel, on n'avait pas à désigner la cour qui serait compétente par
rapport au tribunal que l'on estime compétent : « Les dispositions de l'article 75 du Code de procédure civile ne s'appliquent qu'à
l'exception d'incompétence soulevée en première instance » : Civ. 3e, 6 juillet 2011, no 10-17118, Procédures 2011, no 330, note
R. P ERROT . On s'interroge sur le fondement de cette solution dérogatoire.

(3367) V. supra, no 1025.

(3368) Civ. 2e, 29 mai 1979, Bull. civ. II, no 164 ; Civ. 1re, 8 juillet 2009, no 08-16711, Procédures 2009, no 302, note R. P ERROT . Au-delà
du respect de la lettre du texte, la solution de la Cour de cassation s'explique sans doute par l'idée que l'indication du juge compétent
(même si le tribunal n'aura pas à le désigner) permet de mieux apprécier le sérieux de l'exception d'incompétence.

(3369) V. Soc., 17 mars 1998, Bull. civ. V, no 151. Adde, en présence d'une clause attributive de compétence à une juridiction étrangère :
Com., 25 novembre 1997, Bull. civ. IV, no 310.
(3370) La liberté ainsi donnée au juge de se déclarer ou non d'office incompétent à sa guise est sans doute critiquable, en termes de
logique abstraite. Il convient cependant de rappeler que le législateur n'interdit jamais aux parties de soulever l'incompétence du juge ; il
se contente de réglementer strictement la présentation de l'exception. De plus, si le juge devait relever d'office son incompétence, il en
résulterait une modification complète de la présentation de l'exception. Pour que les mots aient un sens, l'obligation doit être sanctionnée.
Il faudrait donc permettre aux parties de reprocher au juge de ne pas l'avoir fait, donc d'exercer une voie de recours sur ce point. En
réalité, cela revient à donner aux parties la possibilité de présenter en tout état de cause l'exception d'incompétence. C'est précisément ce
que décide l'article 1038 du Code de procédure civile en matière de nationalité. Il n'est pas certain que cette solution doive être étendue à
toutes les règles de compétence.

(3371) V., dans le cas, où le juge s'était déclaré d'office incompétent, alors que le déclinatoire de compétence était irrecevable, Civ. 1re,
2 février 1982, Bull. civ. I, no 56. Inversement, la Cour de cassation ne cesse de répéter que le juge n'est pas tenu de relever d'office son
incompétence en cas de violation d'une règle d'ordre public. La règle s'applique, même si la compétence relève des juridictions de l'ordre
administratif : Civ. 1re, 13 mars 1979, Bull. civ. I, no 89.

(3372) Sur la procédure de l'injonction de payer, v. supra, no 578 et s.

(3373) Rappelons que la juridiction de proximité doit disparaître en 2017 (v. supra, no 968).

(3374) Notre liste n'est pas exhaustive. V., ainsi, l'article 27 du règlement communautaire no 1215/2012 du 12 décembre 2012 qui pose
l'obligation pour le juge de se déclarer incompétent s'il est saisi à titre principal d'un litige relevant de la compétence exclusive d'une
juridiction d'un autre État membre. Et en vertu de l'article 28, lorsque le défendeur domicilié sur le territoire d'un État membre est attrait
devant une juridiction d'un autre État membre et ne comparaît pas, le juge se déclare d'office incompétent, sauf si sa compétence découle
des dispositions du règlement.

(3375) Comme toutes les autres initiatives du juge, la déclaration d'incompétence d'office suppose que les parties aient été préalablement
invitées à présenter leurs observations.

(3376) Ainsi, en vertu de l'article 847-5 CPC, le juge de proximité (tant qu'il existe ; v. supra, no 968) peut toujours relever d'office son
incompétence. Et le tribunal d'instance peut, lui aussi, relever son incompétence, quand c'est au profit du juge de proximité (sa décision
est alors insusceptible de recours si elle concerne seulement sa propre compétence et celle des juges de proximité de son ressort).

(3377) Par exception, en matière de sécurité sociale, certains appels ne sont pas portés devant les cours d'appel, mais devant la Cour
nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail (v. art. L. 143‑3 CSS). L'incompétence subsistant, une
cour d'appel pourrait se déclarer incompétente d'office, sans y être cependant obligée. V. Soc., 4 novembre 1987, Bull. civ. V, no 609.

(3378) Il est certain que les règles attribuant compétence aux juridictions répressives et aux juridictions administratives sont d'ordre
public, ce qui justifie que les juridictions non répressives de l'ordre judiciaire puissent relever d'office leur incompétence. Il n'est pas aussi
évident que le même caractère doive être attribué aux règles qui régissent la compétence internationale des tribunaux français. On aurait
pu penser que cela dépendait de la matière du litige, comme en droit interne. Par ailleurs, il est inexact d'assimiler ces règles à des règles
de compétence d'attribution. Sur ce point, v. P. MAYER et V. HEUZÉ, Droit international privé, Domat, 11e éd., 2014, no 286.

(3379) Art. 74 CPC.

(3380) C'est d'ailleurs ce qu'énonce expressément la Cour de cassation : V., par exemple, Civ. 1re, 16 décembre 1997, Bull. civ. I, no 372 ;
Soc., 20 décembre 2000, Bull. civ. V, no 439 ; Civ. 3e, 16 septembre 2014, nº 12-20764.

(3381) V. supra, no 809.

(3382) À cet égard, on peut regretter que la Cour de cassation « brouille les cartes » en énonçant parfois, non seulement que les juges du
fond ont excédé leur compétence, mais aussi qu'ils ont violé tel ou tel texte (ex : Soc., 19 juillet 2001, Bull. civ. V, no 289 ; Soc.,
14 octobre 1999, Bull. civ. V, no 385). Il est maladroit de dire qu'ils ont violé la loi, dès lors qu'ils n'ont fait qu'exercer une simple faculté
que celle-ci leur reconnaissait. Ceci donne l'impression qu'ils ont commis une faute qui leur est reprochée.

(3383) Encore convient-il d'ajouter que les compétences exclusives sont beaucoup plus rares lorsqu'il s'agit de compétence territoriale
que lorsqu'il s'agit de compétence d'attribution. Par exemple, en matière prud'homale, la compétence d'attribution des conseils de
prud'hommes est exclusive (art. L. 1411-4 C. trav.), alors que la compétence territoriale du tribunal de l'établissement où est effectué le
travail ne l'est pas : elle est seulement d'ordre public (art. R. 1412-4 C. trav.). Un conseil de prud'hommes territorialement incompétent ne
peut se déclarer incompétent d'office.
(3384) À la différence de l'article 92 du Code de procédure civile, l'article 93 ne distingue pas selon le degré de juridiction. La raison en
est évidente : au niveau de l'appel, l'incompétence subsiste fréquemment. Chaque fois que c'est le cas, la cour d'appel peut se déclarer
d'office incompétente.

(3385) V. Civ. 1re, 2 février 1982, Bull. civ. I, no 56.

(3386) De même, à supposer que le conseil de prud'hommes décide, pour la compétence, qu'il s'agit d'un contrat de travail et se déclare
compétent, il ne pourra pas, lorsqu'il tranchera le fond du litige, appliquer les règles du contrat d'entreprise : il devra s'en tenir à la
qualification déjà retenue.

(3387) Civ. 3e, 22 mars 2006, no 05-12178, Procédures 2006, no 93, obs. R. P ERROT ; Civ. 2e, 24 mai 2007, no 05-21732, RTD civ. 2007,
p. 630, obs. Ph. THÉRY ; Soc., 23 septembre 2008, no 07-41954, Procédures 2008, no 321, note R. P ERROT . Mais, contra : Civ. 1re,
12 juillet 2001, Bull. civ. I, no 216, qui fait application de la théorie des motifs soutien nécessaire du dispositif (v. supra, no 378).

(3388) Ou seulement sur une partie de l'affaire. Par exemple, dans un procès en responsabilité, on peut imaginer que, dans un premier
jugement, le juge se déclare compétent, dise que le défendeur est responsable du dommage subi par le demandeur et nomme un expert
pour évaluer le montant du préjudice subi par le demandeur. La condamnation finale résultera d'un second jugement.

(3389) Dans l'exemple déjà utilisé, s'il s'estime compétent, le conseil de prud'hommes rendra le dispositif suivant :« Par ces motifs :

Dit que le contrat conclu entre Paul et Pierre est un contrat de travail ;En conséquence se déclare compétent... »

À noter cependant que la formalité de l'article 77 n'est pas prescrite à peine de nullité du jugement (Civ. 1re, 27 novembre 1985,
Bull. civ. I, no 326). Concrètement, il peut donc arriver que la question de fond n'apparaisse que dans les motifs de la décision, sans qu'il
en découle de conséquence fâcheuse sur sa validité.

(3390) Art. 81 CPC. Le contredit suspend l'instance même s'il est irrecevable : Civ. 2e, 14 décembre 1992, Bull. civ. II, no 311.

(3391) Sauf dans la mesure où il est nécessaire de le faire pour trancher l'incident de compétence.

(3392) Pour une illustration : Civ. 2e, 19 mars 2009, no 08-12814.(3393) On verra que la voie de recours est en l'espèce un contredit.

(3394) On remarquera que le tribunal arbitral est cité par l'article 96 du Code de procédure civile, pour ce qui est de la désignation par le
juge incompétent, alors qu'il ne l'est pas par l'article 92, pour ce qui est de la déclaration d'incompétence d'office. Cette différence
s'explique par le fait que la compétence du juge arbitral ne repose que sur la convention des parties. La règle n'étant pas d'ordre public, le
juge ne peut se déclarer d'office incompétent.

(3395) Ce recours est tantôt un contredit, tantôt un appel. V. infra, no 1037.(3396) Art. 97 CPC.

(3397) Il s'agit d'une simple radiation administrative qui laisse persister l'instance, laquelle peut être reprise après rétablissement de
l'affaire (sauf si la péremption de l'instance est, entre-temps, acquise) : Civ. 3e, 20 février 2002, Procédures 2002, no 85, note R. P ERROT .

(3398) Civ. 3e, 6 avril 2011, no 10-14425, Procédures 2011, no 196, note R. P ERROT .

(3399) Il existe seulement une sanction verbale, en ce sens que la cour d'appel déclare le contredit irrecevable.

(3400) Civ. 2e, 14 mars 1979, Bull. civ. II, no 83 ; Civ. 2e, 15 novembre 1995, Bull. civ. II, no 275.

(3401) Le texte de l'article 94 du Code de procédure civile n'est pas aussi clair qu'on pourrait le souhaiter : il dispose que « la voie du
contredit est seule ouverte lorsqu'une juridiction statuant en premier ressort se déclare d'office incompétente ». Il aurait été préférable
d'écrire « au premier degré », car l'expression « premier ressort » pourrait donner à penser que seuls sont visés les jugements rendus en
premier ressort à charge d'appel (et non pas en premier et dernier ressort), ce qui n'est pas le cas.

(3402) V., par exemple, Soc., 26 juin 1980, Bull. civ. V, no 570. Dans cette affaire, plusieurs demandes sont soumises à un tribunal. Sur
l'une d'elles, il se déclare incompétent, après avoir statué en dernier ressort sur les autres. Le demandeur forme un pourvoi en cassation
contre tous les chefs du jugement sur lesquels il n'avait pas obtenu satisfaction, y compris celui pour lequel le tribunal s'était déclaré
incompétent. La Cour de cassation déclare le pourvoi irrecevable en ce qu'il porte sur ce chef.
(3403) Jusqu'au décret du 12 mai 1981, il existait une autre voie de recours également appelée contredit : c'était la voie de recours
ouverte contre l'ordonnance d'injonction de payer. Aujourd'hui, aucun risque de confusion n'existe plus avec le contredit de compétence,
et c'est tant mieux, puisque ce recours s'appelle opposition, mais on a créé un nouveau risque de confusion avec la véritable opposition
(supra, no 902 et s.), qui est formée contre le jugement rendu par défaut, ce qui ne vaut guère mieux...

(3404) Civ. 3e, 5 novembre 1975, Bull. civ. III, no 314.

(3405) Cependant, si l'une de ces décisions est attaquée au moyen d'un contredit, l'article 91 du Code de procédure civile s'applique et la
cour demeure saisie, si bien que l'erreur n'entraîne aucune conséquence.

(3406) Art. R. 121-3 du Code des procédures civiles d’exécution.

(3407) L’appel est en effet ouvert contre ses ordonnances lorsqu’elles statuent sur une exception de procédure (notamment
l’incompétence) : art. 776, al. 4, 2º, CPC et, supra, nº 620, en note.

(3408) Pour la Cour de cassation, cette fin de non-recevoir est d'ordre public et doit donc être relevée d'office par la cour d'appel : Civ.
2e, 23 novembre 1994, Bull. civ. II, no 238. Mais la haute Juridiction a précisé qu'une régularisation était possible avant l'expiration du
délai du contredit : Civ. 2e, 24 juin 1998, Bull. civ. II, no 209.

(3409) Civ. 2e, 7 juin 1974, Bull. civ. II, no 185.

(3410) Sous réserve cependant que, lorsque le jugement de l'affaire a été renvoyé à une audience ultérieure pour un plus ample délibéré,
le président ait informé les parties de la date à laquelle la décision serait rendue, ainsi que le prescrit l'article 450 du Code de procédure
civile. Sur cette question, v. supra, no 493. À défaut, le délai de contredit ne commence à courir qu'à la date à laquelle la partie qui
entend le former a eu connaissance du jugement. Ex. : Civ. 2e, 6 mai 1997, Bull. civ. II, no 129.

(3411) Civ. 2e, 6 décembre 2012, nº 11-24743. V. supra, nº 187.

(3412) Civ. 2e, 16 avril 1982, Bull. civ. II, no 53. L'interdiction ne joue que pour les moyens mélangés de fait et de droit, mais non pour les
moyens de pur droit, puisque le juge a l'obligation ou au moins la faculté de les relever d'office.

(3413) Ex : Civ. 2e, 21 mars 2013, nº 12-15326.(3414) Com., 7 mai 1974, Bull. civ. IV, no 145.

(3415) Soc., 26 octobre 1982, Bull. civ. V, no 584.(3416) Art. 96 CPC.(3417) V. la 5e édition de cet ouvrage (2012), nº 1039.

(3418) Civ. 1re, 7 mai 2010 (3 arrêts), no 09-14324, 09-11177 et 09-11178, D. 2010, p. 2196, note A. BOLZE, RTD civ. 2010, p. 617, obs.
R. P ERROT et p. 808, obs. Ph. THÉRY ; Com., 7 décembre 2010, no 09-14545 et 09-16811 ; Civ. 1re, 9 mars 2011, no 10-10044 ; Com.,
29 mars 2011, no 10-12272.

(3419) Elles le sont d’autant moins que, lorsque n’est pas en cause la recevabilité immédiate d’un pourvoi, la Cour de cassation voit très
justement dans cette défense une exception d’incompétence internationale : Civ. 1ère, 23 mai 2012, nº 10-26188, RTD civ. 2012, p. 566,
obs. Ph. THÉRY.

(3420) Civ. 1re, 12 décembre 2006 (2 arrêts), no 04-11088 et 04-15099.(3421) Civ. 1re, 9 octobre 1990, no 89-12561.

(3422) Sur l'évocation et sur la dérogation qu'elle apporte au double degré de juridiction, v. supra, no 755 et s.

(3423) En revanche, il importe peu que la juridiction estimée compétente soit celle qui a été initialement saisie du litige ou que c'en soit
une autre, pourvu qu'elle se trouve située dans le ressort de la cour. Éventuellement, lorsqu'ils hésitent sur le choix du tribunal du premier
degré, l'évocation peut éviter aux juges du second degré d'avoir à choisir, pourvu que les deux tribunaux entre lesquels l'hésitation est
permise se trouvent l'un et l'autre dans le ressort de la cour d'appel. V. Com., 14 février 1978, Bull. civ. IV, n 65.

(3424) La cour d'appel ne saurait davantage évoquer l'affaire « pour le compte » de la cour d'appel dont relève le tribunal qu'elle estime
compétent et renvoyer directement à la seconde cour d'appel, comme elle doit le faire en cas d'appel (infra, no 1049) : v. Soc., 17 avril
1985, Bull. civ. V, no 233, Gaz. Pal. 1986, somm. 85, obs. S. GUINCHARD et T. MOUSSA.

(3425) Il est permis de regretter que le texte ultérieur n'ait pas conservé cette solution plus prudente et plus respectueuse des droits des
parties.
(3426) La même démarche doit être suivie lorsque c'est l'appel (et non le contredit) qui doit être formé : v. Soc., 9 février 1999,
Bull. civ. V, no 60.

(3427) Art. 78 CPC.

(3428) Ce régime particulier soulève une interrogation. Que signifie l'appel ? Veut-on dire seulement que le plaideur doit formaliser la voie
de recours selon la procédure applicable à l'appel ou bien veut-on aussi que la cour d'appel examine l'ensemble du litige au cas où elle
s'estimerait compétente ? Bien que séduisante, cette seconde interprétation ne saurait être retenue, en l'absence de volonté formellement
exprimée par le législateur : elle organiserait en réalité un cas nouveau (et peu souhaitable) d'évocation, le juge du premier degré n'ayant
pas examiné le fond de l'affaire. Les juges du second degré ne sont donc saisis que de la seule question de la compétence. Alors
pourquoi le Code de procédure civile dispose-t-il que c'est un appel et non un contredit qui doit être formé ? La réponse n'est peut-être
pas la même dans tous les cas. Pour ce qui est des ordonnances du juge conciliateur, la raison est sans doute qu'en même temps qu'il
statue sur sa compétence, ce juge prend des mesures provisoires contre lesquelles un recours immédiat peut être formé. Dans ces
conditions, il est opportun que la même voie de recours, qui ne peut être que l'appel, soit formée contre le tout. Pour les autres exceptions,
les raisons sont beaucoup moins évidentes (v. H. SOLUS et R. P ERROT , Droit judiciaire privé, t. 2, Paris, 1973, no 737 et s.). Pour le
référé, on peut avancer comme raison la possibilité pour les parties d'avoir recours en cas de besoin à la procédure à jour fixe prévue par
les articles 917 et suivants du Code de procédure civile et le souci de ne pas multiplier les recours dans une procédure marquée par la
simplicité.

(3429) V. supra, no 772 et s.

(3430) Il peut se faire que, pour une demande donnée, le juge du premier degré n'ait tranché qu'une partie du principal. La phrase au
texte ne signifie évidemment pas que la cour va connaître de la partie du litige que le juge du premier degré n'a pas encore tranchée.
L'appel n'opère que la dévolution du litige déjà tranché, il n'entraîne pas l'évocation de l'affaire devant la cour. L'évocation n'est possible
que dans les cas déjà indiqués lors de l'étude générale de l'appel (supra, no 756 et s.).

(3431) Une formule qu'utilise parfois la Cour de cassation est particulièrement explicite : « saisie par l'effet dévolutif de l'appel de
l'ensemble du litige, que le premier juge avait tranché au fond, et investie de la plénitude de juridiction tant en matière civile qu'en matière
commerciale, elle (la cour d'appel) avait le pouvoir et le devoir de garder la connaissance de l'affaire et d'apporter à celle-ci une solution
au fond ». V., à titre d'illustration, Soc., 1er juin 1978, Bull. civ. V, no 426.

(3432) Sur ce point, la situation est donc tout à fait différente de celle qui se rencontre en cas d'évocation par une cour d'appel saisie d'un
contredit de compétence : en cas d'évocation, le fond n'a pas du tout été abordé par un juge du premier degré.

(3433) Il peut se faire qu'en outre une règle de compétence d'attribution ait été également violée, mais la violation d'une telle règle est en
soi insuffisante, puisqu'elle disparaît systématiquement devant la cour.

(3434) La Cour de cassation a jugé qu'il n'y avait pas lieu à renvoi vers une autre cour d'appel lorsque la juridiction du second degré
prononce « l'incompétence » du juge des référés au profit « d'une juridiction du fond » (Com., 19 janvier 1993, Bull. civ. IV, no 12). Cette
solution est justifiée, même si elle est mal exprimée : en réalité, il ne s'agit pas d'un problème de compétence, mais de pouvoir du juge des
référés (v. supra, no 405). Aucune cour d'appel n'ayant le pouvoir de statuer en tant que juge des référés sur une question relevant des
pouvoirs d'un juge du principal, on ne voit pas l'intérêt de renvoyer l'affaire à la cour territorialement compétente. La même raison
explique que la cour d'appel ne puisse pas non plus appliquer l'article 79, alinéa 1er CPC, pour statuer elle-même au fond, dans ce type de
situation (Com., 3 novembre 1992, Bull. civ. IV, no 334).

(3435) Civ. 2e, 7 février 1979, Bull. civ. II, no 38, D. 1979, I.R. 478, obs. P. JULIEN.

(3436) Ainsi, la cour d'appel de renvoi ne peut pas renvoyer, à son tour, à un autre juge et, notamment, à une juridiction de premier degré,
quand bien même cette solution lui paraîtrait de bonne justice. Elle doit statuer au fond. V. Com., 3 juin 1997, Bull. civ. IV, no 162, D.
1997, J, p. 538, note G. BOLARD.

(3437) Le pourvoi en cassation ne peut d'ailleurs pas être formé immédiatement parce que l'arrêt renvoyant à la seconde cour d'appel ne
met pas fin à l'instance. Comme au premier degré, c'est la même instance qui se poursuit devant la seconde cour. V. Civ. 2e, 7 juillet
1983, Bull. civ. II, no 144 ; Civ. 2e, 15 janvier 1992, Bull. civ. II, no 16.

(3438) Tout au plus peut-il avoir « tranché la question de fond dont dépend la compétence », ce qui ne signifie pas « statuer sur le fond du
litige ».
(3439) Une telle situation ne peut pas se rencontrer lorsque la cour d'appel a statué sur la compétence et sur le fond. Sans doute peut-on
imaginer que l'arrêt d'appel soit critiquable pour ce qui est de la compétence et soit irréprochable pour ce qui est du fond. Il reste que la
Cour de cassation examinera en premier la question de la compétence et que, si elle casse du chef de la compétence, elle n'aura pas à
dire ce qu'elle pense du fond de l'affaire.

(3440) Sur l'acquiescement au jugement, v. infra, no 1217 et s.

(3441) L'absurdité d'une application littérale de l'article 79, alinéa 2, du Code de procédure civile a déjà été remarquée par la doctrine. Il
est manifeste que le Code souffre sur ce point d'une malfaçon. On peut souhaiter que la Chancellerie prenne l'initiative d'une modification
des textes.

(3442) V. supra, no 124.(3443) Art. 367 et 368 CPC.(3444) Art. 766 CPC.(3445) Art. 864 CPC.(3446) V. supra, no 1009 et s.

(3447) Sur lesquelles, v. supra, no 1009 et s.

(3448) Sur le régime des demandes incidentes devant ces juridictions, v. supra, no 1010. Sur la disparition programmée de la juridiction de
proximité, v. supra, no 968.

(3449) Com., 19 décembre 1975, Bull. civ. IV, no 276.

(3450) Soc., 22 juin 1977, Bull. civ. V, no 419. En l'espèce, il s'agissait de tirer les conséquences d'une situation complexe qui intéressait
une même personne en qualité d'ancien salarié d'une société et en qualité d'ancien associé. En tant que le litige opposait la société à
l'ancien salarié, il relevait de la compétence du conseil de prud'hommes. En tant qu'il opposait les associés à l'ancien associé, il relevait du
tribunal de grande instance. La chambre sociale de la Cour de cassation a justement décidé que les différends relevant de la compétence
exclusive de la juridiction prud'homale ne pouvaient donner lieu à un renvoi « quelle que puisse être leur connexité avec un autre litige non
susceptible de leur être soumis ».

(3451) Sur la litispendance, v. infra, no 1064 et s.(3452) V. supra, no 895 et s.

(3453) V. Soc., 30 avril 1987, Bull. civ. V, no 251. Dans cette affaire, on peut se demander si, en réalité, il n'y avait pas plutôt
litispendance que connexité ou indivisibilité. En l'espèce, un différend s'était élevé entre un garagiste et l'un de ses vendeurs à propos d'un
véhicule dont ce dernier s'était rendu acquéreur pour son compte personnel, différend qui avait entraîné le licenciement du vendeur. Ce
différend avait donné naissance à deux procès, l'un dont l'objet portait sur le licenciement et l'autre dont l'objet portait sur les
conséquences civiles de la vente. Il existait donc une identité partielle de matière litigieuse entre les mêmes parties, à savoir les conditions
dans lesquelles le salarié s'était rendu acquéreur d'un véhicule appartenant à son employeur. Sur cette situation, v. infra, no 1066.

(3454) Art. 103 CPC. La tardiveté de sa présentation ne suffit pas à elle seule à justifier la mise à l'écart de l'exception. La tardiveté
peut s'expliquer par la complexité de l'affaire.

(3455) Sur cette situation, v. infra, no 1062.

(3456) Ce second examen devant être effectué au regard des règles qui viennent d'être indiquées.

(3457) V. Civ. 2e, 5 juillet 1978, Bull. civ. II, no 174, Gaz. Pal. 1978.2.624, note J. VIATTE.

(3458) À rapprocher : Soc., 21 février 1996, Bull. civ. V, no 61.

(3459) C'est peut-être eu égard à ce caractère peu contraignant que la première chambre civile de la Cour de cassation a parfois posé en
principe le caractère facultatif de l'admission de l'exception de connexité : V. Civ. 1re, 20 octobre 1987, Bull. civ. I, no 275, Rev. crit. DIP
1988.540, note Y. LEQUETTE ; Civ. 1re, 9 octobre 1991, Bull. civ. I, no 257. Le raccourci nous paraît un peu trop rapide.

(3460) V. supra, no 1035. De la même façon, la décision de la cour d'appel s'impose au juge éventuellement désigné, ainsi qu'aux parties,
sauf à celles-ci à former un pourvoi en cassation.

(3461) V., dans une situation particulière, Com., 20 juillet 1981, Bull. civ. IV, no 324.(3462) Art. 105 CPC.

(3463) En droit international, la litispendance se rencontre plus fréquemment, en particulier sous la forme de demandes croisées, chacun
des plaideurs cherchant à plaider devant « son » juge pour des raisons de commodité évidentes. L'existence de demandes croisées est
d'ailleurs à l'origine d'une importante décision de la Cour de justice des Communautés européennes (l'actuelle CJUE), sur laquelle
v. infra, no 1066.
(3464) Ex. : Civ. 2e, 24 avril 1981, Bull. civ. II, no 104, Gaz. Pal. 1981.601, note J. VIATTE.

(3465) Sur l'effet négatif de l'autorité de la chose jugée, v. supra, no 352.

(3466) V. notamment H. SOLUS et R. P ERROT , Droit judiciaire privé, t. 2, Paris, 1973, no 808. Il convient cependant d'ajouter que rares
sont les arrêts qui se sont prononcés sur un cas d'identité partielle de matière litigieuse. En dehors d'une décision du 5 juillet 1978 de la
deuxième chambre civile (sur laquelle v. infra, au texte), on ne trouve guère qu'un arrêt ancien qui ait vraiment eu à statuer sur la
question (Civ. 9 janvier 1878, DP 1878.1.136) : une demande en garantie ayant été formée à la suite d'une demande principale, la Cour
de cassation a estimé qu'il n'y avait pas litispendance avec une autre demande par laquelle le garant demandait la résiliation de l'acte qui
instituait la garantie.

(3467) Sur l'identité partielle de matière litigieuse et l'effet positif de l'autorité de la chose jugée, v. supra, no 367. Il est vrai, cependant,
que la jurisprudence actuelle est assez défavorable à la reconnaissance de l'effet positif de l'autorité de la chose jugée (v. supra, no 378).

(3468) Civ. 2e, 5 juillet 1978, Bull. civ. II, no 174, Gaz. Pal. 1978.2.624, note J. VIATTE.

(3469) CJCE, 8 décembre 1987, Rev. crit. DIP 1988.370, note H. GAUDEMET -TALLON.

(3470) Civ. 2e, 5 juillet 1978, préc., Bull. civ. II, no 174.(3471) Soc., 30 avril 1987, Bull. civ. V, no 251.

(3472) En contrepartie, l'adoption d'une conception plus extensive de la litispendance pourrait conduire, de façon tout à fait
exceptionnelle, à ce que deux demandes partiellement identiques ne relèvent pas de la compétence du même juge. Cela serait susceptible
de compliquer le règlement de la litispendance. Peut-être vaut-il mieux, dans ces cas-là, continuer à parler d'indivisibilité, en raison de la
plus grande souplesse qui s'attache au règlement de cet incident.

(3473) Le dessaisissement d'office demeure pour le juge une simple faculté (art. 100 CPC). On peut penser qu'il serait plus opportun de
l'obliger à se dessaisir. On a vu que, de façon générale, le législateur n'attachait qu'une importance médiocre à ses règles de compétence
et on comprend qu'il n'oblige pas le juge à se dessaisir d'office en cas d'incompétence. Mais la litispendance ne met pas véritablement en
jeu des règles de compétence : derrière la compétence, c'est l'autorité de la chose jugée qui se profile. Pour la même raison, on peut
trouver critiquable l'application à l'exception de litispendance des dispositions de l'article 74 du Code de procédure civile, qui obligent les
parties à la soulever in limine litis à peine d'irrecevabilité. Ne conviendrait-il pas de la soumettre au régime plus souple de la fin de non-
recevoir ?

(3474) Com., 16 janvier 1978, Bull. civ. IV, no 24. Adde Civ. 2e, 24 avril 1981, Bull. civ. II, no 104, Gaz. Pal. 1981.601, note J. VIATTE,
cette dernière décision ajoutant qu'il importe peu de même que l'assignation ait été ou non publiée dans les cas où la loi l'impose (pour les
demandes en matière immobilière).

(3475) Civ. 3e, 10 décembre 1985, Bull. civ. III, no 167, Gaz. Pal. 1986, somm. ann. 328, obs. S. GUINCHARD et T. MOUSSA, D. 1986, I.R.
225, obs. P. JULIEN, RTD civ. 1986, p. 634, obs. R. P ERROT ; Com., 4 octobre 1994, Bull. civ. IV, no 270.

(3476) Si le défendeur n'a pas comparu devant le juge saisi en second, devant la cour d'appel il satisfait encore aux exigences de
l'article 74 du Code de procédure civile, mais ce n'est pas à la cour qu'il peut demander de se dessaisir, c'est au tribunal devant lequel il a
comparu et s'est déjà défendu.

(3477) Art. 311-14 C. civ.

(3478) Sur la preuve en droit international privé, v. P. MAYER et V. HEUZÉ, Droit international privé, Domat, 11e éd., 2014, no 522 et s.

(3479) Art. 1357 C. civ. V. aussi Com., 26 janvier 1981, Bull. civ. IV, no 47. L'article 1360 C. civ. précise qu'il peut être déféré en tout
état de cause.

(3480) De même, le représentant d'une partie doit justifier d'un pouvoir spécial pour référer le serment décisoire (art. 322 CPC).

(3481) Soc., 5 juin 1996, Bull. civ. V, no 231 ; Civ. 3e, 10 mars 1999, Bull. civ. III, no 63. Cette jurisprudence nous paraît contraire à
l'esprit de l'article 1360 C. civ. (« Il peut être déféré [...] encore qu'il n'existe aucun commencement de preuve [...] ») et inopportune : la
procédure du serment est de nature à accélérer et simplifier le dénouement du procès et elle ne fait courir de risque qu'à celui qui le
défère. Pourquoi l'empêcher de faire valoir son bon droit ?

(3482) Art. 318 CPC.


(3483) Cet article précise encore que dans tous les cas, le jugement est notifié à la partie à laquelle le serment est déféré ainsi que, s'il y
a lieu, à son mandataire.

(3484) Si le serment est déféré à une personne morale, c'est son représentant légal en exercice qui seul peut le prêter (et non pas un
préposé qui connaîtrait mieux les faits litigieux, mais n'aurait pas le pouvoir d'engager la personne morale) : Com., 10 février 1987,
Bull. civ. IV, no 41 ; Civ. 2e, 6 mai 1999, Bull. civ. II, no 87.

(3485) Art. 321 CPC. Ce texte ajoute que, si la partie à laquelle le serment est déféré justifie qu'elle est dans l'impossibilité de se
déplacer, le serment peut être prêté soit devant un juge commis à cet effet qui se transporte, assisté du secrétaire, chez la partie, soit
devant le tribunal du lieu de sa résidence.

(3486) Sur ce point, v. supra, no 297.

(3487) Les règles relatives à la communication des pièces n'exercent d'influence sur l'issue du litige que dans le cas où le juge est conduit
à écarter une pièce décisive parce que l'une des parties n'a pas satisfait aux exigences du principe de la contradiction (sur ce point,
v. supra, no 297).

(3488) J.-J. DAIGRE, La production forcée des pièces dans le procès civil, Paris, 1979, spéc. p. 273 et s.

(3489) La règle reposait aussi sur l'idée que la production forcée renversait la charge de la preuve. Sur ce point aussi, la solution
ancienne était critiquable. Il est aujourd'hui admis que la charge de la preuve s'analyse en un risque de la preuve (v. notamment
G. GOUBEAUX, « Le droit à la preuve », La preuve en droit, Études publiées par Ch. Perelman et P. Foriers, Bruxelles, 1981, p. 277 et s.).
Par conséquent, si l'adversaire démontre que la pièce prétendue n'existe pas ou si, la pièce ayant été produite, il apparaît qu'elle n'est pas
concluante, perdra toujours celui qui est désigné pour supporter le risque de la preuve. Pour justifier la solution nouvelle, il suffit
d'admettre l'existence d'une obligation de loyauté, pesant sur les deux parties, et se manifestant par l'obligation de produire les éléments
de preuve. Cf. J.-J. DAIGRE, op. cit., p. 123 et s., p. 123 et s.

(3490) Art. 138 CPC. Cet article, ainsi que l'article 139, réglemente l'obtention des pièces détenues par un tiers. Ils sont également
applicables à la production forcée des pièces détenues par une partie en raison du renvoi effectué par l'article 142.

(3491) Bien que l'article 138 du Code de procédure civile vise les pièces dont une partie entend faire état « dans le cours d'une
instance », la Cour de cassation décide que la production de pièces peut être demandée in futurum au juge des référés. V. ainsi Civ. 1re,
31 mai 1988, Bull. civ. I, no 168, ou Civ. 1re, 20 décembre 1993, Bull. civ. I, no 380. Cette jurisprudence manifeste les liens qui existent
entre la production de pièces et les mesures d'instruction (supra, no 1072).

(3492) Ex. : Civ. 1re, 8 mars 2012, no 11-14405, Procédures 2012, no 144, note R. P ERROT .

(3493) V., par exemple, Civ. 1re, 20 décembre 1977, Bull. civ. I, no 486, JCP 1979.II.19036, note M. DAGOT .

(3494) Civ. 2e, 15 mars 1979, Bull. civ. II, no 88, RTD civ. 1979, p. 664, obs. R. P ERROT . En l'espèce, la partie demandait la production
« des pièces techniques et comptables se rapportant à l'exécution des travaux réalisés dans un ensemble immobilier ». Dans le même
esprit, la Cour de cassation exige que l'existence de la pièce soit établie, sinon avec certitude, du moins avec vraisemblance (Civ. 2e,
17 novembre 1993, Bull. civ. II, no 330).

(3495) V. notamment Civ. 2e, 14 novembre 1979, D. 1980.365, note J. LEMÉE, Civ. 2e, 29 mars 1984, Bull. civ. II, no 59. Au terme d'une
interprétation sans doute un peu audacieuse d'un arrêt rendu en 1995 (Civ. 2e, 31 mai 1995, Bull. civ. II, no 167, Justices 1996, no 3,
p. 362, obs. J. HÉRON), on a pu espérer que la Cour de cassation avait abandonné cette position, au visa de l'article 10 du Code civil.
Apparemment, tel n'est, finalement, pas le cas : v. Soc., 7 mai 1998, no 96-40990 ; Com., 16 février 1999, no 97-16701 ; Civ. 1re,
6 novembre 2002, no 00-15220.

(3496) Art. 139 CPC.

(3497) V., par exemple, sur le caractère discrétionnaire du pouvoir qu'a le juge de refuser d'ordonner la production de pièces détenues
par un tiers : Soc., 3 mars 1999, no 96-45799.
(3498) Ex. : Civ. 1re, 21 juillet 1987, Bull. civ. I, no 248, RTD civ. 1988, p. 393, obs. R. P ERROT . En l'espèce, l'administration des postes
refusait de communiquer l'identité d'une femme dont il était prétendu qu'elle était la maîtresse d'un homme marié et dont l'épouse ne
connaissait que le numéro de téléphone. La Cour de cassation a justement écarté le mauvais argument opposé par l'administration, tiré de
la séparation des pouvoirs. En revanche, il est permis de se demander si la solution est compatible avec le respect de la vie privée, en
l'absence de toute preuve de l'existence des relations adultères.

(3499) V. ainsi Civ. 1re, 21 juin 1988, Bull. civ. I, no 201, RTD civ. 1989, p. 137, obs. R. P ERROT (à propos d'un rapport établi dans le cadre
d'une instance disciplinaire devant un conseil régional de l'ordre des médecins et qui, à ce titre, était couvert par le secret des
délibérations) ; Civ. 2e, 29 mars 1989, Bull. civ. II, no 88 (à propos de pièces détenues par un tribunal ecclésiastique dans le cadre d'un
procès relevant du droit canonique) ; Com., 25 février 2003, Bull. civ. IV, no 26 (à propos des coordonnées d'une personne titulaire d'une
procuration sur un compte bancaire).

(3500) Art. 140 CPC.

(3501) L'article 141 du Code de procédure civile n'est qu'une application du principe général posé par l'article 17 du même code (sur
lequel v. supra, no 301).

(3502) On remarquera que le délai ne commence pas à courir à compter de la notification du jugement, mais de son prononcé. Pour le
reste, l'instance d'appel est soumise aux règles du droit commun. V. Civ. 3e, 21 mars 1984, Bull. civ. III, no 76.

(3503) En revanche, compte tenu de la lettre de l’article 287 CPC, les règles relatives à la vérification d’écriture ne s’appliquent pas
lorsque le document est attribué à un tiers (qui n’est ni le défendeur, ni son auteur). Ex : Com. 5 juin 2012, nº 11-17839, RTD civ. 2012,
p. 571, obs. R. P ERROT .

(3504) Le faux implique un élément intentionnel qui peut ne pas se rencontrer dans la vérification d'écriture. Une partie peut légitimement
croire qu'un acte émane de son adversaire alors qu'il n'en est rien. L'incident qui résultera de cette attribution contestée sera une
vérification d'écriture. À l'opposé, le faux suppose que l'on ait sciemment fabriqué un acte en contrefaisant l'écriture et la signature d'une
autre personne ou que l'on ait altéré un document émanant réellement de cette personne. Le faux est le plus souvent l'œuvre de
l'adversaire de la personne, mais il peut être aussi bien l'œuvre d'un tiers.

(3505) L'article 299 du Code de procédure civile, qui est relatif à l'incident de faux, renvoie aux articles 287 à 295 qui régissent l'incident
de vérification d'écriture.

(3506) V. infra, no 1080 et s.

(3507) Art. 285 CPC. La référence opérée par l'article 285 au « juge saisi du principal » a, par le passé, conduit la Cour de cassation à
décider que le juge des référés n'avait pas le pouvoir de vérifier les écritures qui lui étaient soumises (v. ainsi Civ. 2e, 17 mai 1993,
Bull. civ. II, no 179, RTD civ. 1993, p. 643, obs. R. P ERROT ). La solution n'était guère en harmonie avec l'évolution générale du référé.
Finalement, la Cour a changé de jurisprudence pour reconnaître, désormais, au juge des référés, le pouvoir de procéder incidemment à
une vérification des écritures sous seing privé qui lui sont soumises, dès lors que cette contestation n'est pas sérieuse : Civ. 2e, 21 janvier
1999, Bull. civ. II, no 18 ; Civ. 1re, 27 juin 2000, Bull. civ. I, no 200.

(3508) Ex. : Civ. 1ère, 2 juillet 2014, nº 13-11636, Procédures 2014, nº 262, note H. CROZE.(3509) Art. 287 CPC.

(3510) Art. 1324 C. civ. Autrement dit, le juge a l'obligation de mettre en œuvre d'office les mesures d'instruction qui vont être décrites
au texte pour déterminer la valeur à reconnaître à l'écrit. Le juge ne peut pas rejeter la contestation au seul motif que l'auteur de l'incident
n'a pas prouvé que l'acte n'était pas de sa main. V. not. Civ. 1re, 15 février 1984, Bull. civ. I, no 65. La solution du droit positif est même
en sens contraire. Lorsque, malgré toutes les mesures qui ont pu être diligentées, il n'est pas établi que l'acte émane de la partie qui dénie
son écriture, le document est rejeté. La solution peut surprendre. Elle est pourtant la seule possible. On ne peut pas admettre sur la seule
parole de Paul que l'acte qu'il produit émane de Pierre alors que ce dernier conteste l'avoir écrit. Bien que l'article 1323 du Code civil
n'ait pas toute la netteté souhaitable, c'est la solution admise en jurisprudence (v. Civ. 1re, 13 décembre 1988, Bull. civ. I, no 358, RTD civ.
1989, p. 618, obs. R. P ERROT ; Civ. 1re, 2 mars 1999, Bull. civ. I, no 77).

(3511) Art. 289 CPC.(3512) Par dérogation aux dispositions de l'article 138 du Code de procédure civile, sur lesquelles, v. supra, no 1074.

(3513) Art. 290 CPC. V. ainsi Civ. 2e, 15 mars 1995, Bull. civ. II, no 90.(3514) Art. 291 CPC.(3515) Art. 291 et 293 CPC.

(3516) Art. 292 CPC.


(3517) Art. 294 CPC. Par exemple, le juge prescrit les mesures nécessaires à la conservation, la consultation, la reproduction, la
restitution ou le rétablissement des documents qui ont été versés ou déposés (art. 290) ou encore, il autorise les techniciens qu'il a
nommés à retirer contre émargement l'écrit contesté et les pièces de comparaison ou à se les faire adresser par le secrétaire de la
juridiction (art. 292).

(3518) Par exemple, l'une des parties oppose un écrit dont elle croit qu'il émane de son adversaire. Ce dernier dénie son écriture. Si
l'autre partie s'aperçoit de son erreur et la reconnaît, l'incident peut être réglé par une simple mention au dossier.

(3519) L'article 295 du Code de procédure civile précise encore que, s'il est jugé que la pièce a été écrite ou signée par la personne qui
l'a déniée, celle-ci est condamnée à une amende civile d'un maximum de 3 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient
réclamés.

(3520) Sur les actions déclaratoires, v. supra, no 70.

(3521) Art. 285 et 286 CPC. L'inscription de faux relève de sa compétence exclusive (art. R. 211-4 COJ).(3522) Art. 297 CPC.

(3523) Art. 298 CPC.(3524) Sur ce principe, v. infra, no 1160.(3525) V. supra, no 1079.

(3526) Compte tenu de la rareté de leur application, nous renvoyons le lecteur à ces textes et aux ouvrages spécialisés : J. et L. BORÉ, La
cassation en matière civile, Dalloz Action, 2009-2010, nº 112.21 et s. ; C. P UIGELIER, La pratique de la cassation en matière sociale,
LexisNexis, 2e éd., 2012, nº 1282 et s.

(3527) Art. 66-3-2 L. no 71-1130 du 31 décembre 1971. Cet article est issu de la loi no 2011-331 du 28 mars 2011. L'intérêt d'un acte sous
seing privé contresigné par avocat est assez limité par rapport à un acte authentique (par exemple un acte notarié). En effet, la force
probante de l'acte contresigné n'est renforcée que sur l'écriture et la signature des parties ; cet acte ne fait pas pleinement foi de ce qui a
été convenu en présence de l'avocat. Il faut cependant l'encourager, car la présence d'un avocat lors de la signature de l'acte limite les
risques d'irrégularité et s'accompagne d'une information, par l'avocat, sur les conséquences juridiques de l'acte en cause.

(3528) Pour la Cour de cassation, ce pouvoir spécial doit être joint à la déclaration d'inscription de faux, à peine d'une irrecevabilité qui ne
peut être couverte : Civ. 2e, 13 juillet 1999, Bull. civ. II, no 135.

(3529) L'article 306 ajoute que « l'un des exemplaires est immédiatement versé au dossier de l'affaire et l'autre, daté et visé par le
greffier, est restitué à la partie en vue de la dénonciation de l'inscription au défendeur. La dénonciation doit être faite par notification entre
avocats ou signification à la partie adverse dans le mois de l'inscription ». La Cour de cassation a précisé qu'une fois écoulé ce délai d'un
mois, si la dénonciation n'a pas eu lieu, le tribunal peut passer outre à l'incident et statuer au vu de la pièce arguée de faux : v. Civ. 2e,
25 mai 2000, Procédures 2000, no 213, note J. JUNILLON.

(3530) Art. 307 CPC.

(3531) La faculté qui appartient au demandeur de renoncer à sa demande et aux parties de transiger sur l'acte n'est énoncée
qu'indirectement par les 311 et 312 du Code de procédure civile.

(3532) Il a déjà été indiqué (ci-dessus) que l'incident d'inscription de faux ne prend pas naissance lorsque le juge peut statuer sur la
demande principale sans tenir compte de l'acte argué de faux.

(3533) Art. 316 CPC.(3534) Art. 303 CPC.(3535) Art. 311 CPC.

(3536) Art. 312 CPC. Ce texte ne fait qu'appliquer le principe général selon lequel le criminel tient le civil en l'état (sur lequel v. supra,
no 1005).

(3537) Art. 308 CPC. V. supra, no 1079.

(3538) Art. 304 CPC. En pratique, on imagine mal que l'officier public dont l'acte est argué de faux n'intervienne pas à l'instance, que son
intervention soit volontaire ou forcée.

(3539) C'est l'application pure et simple de l'article 12 du Code de procédure civile.(3540) Art. 305 CPC.

(3541) Par exemple, il est évident que le juge ordonnera que la minute d'un acte notarié soit conservée dans l'office notarial chaque fois
que seule une expédition de l'acte aura été falsifiée par son détenteur.
(3542) Si l'on considère que la production et l'obtention des pièces constituent des mesures d'instruction (supra, no 1072), il faut ajouter
les dispositions du Code de procédure civile qui les régissent.

(3543) Mais, comme les autres textes du Code de procédure civile, les dispositions relatives aux mesures d'instruction ont fait l'objet de
modifications, dont témoigne l'existence de l'article 284-1. Cet article a été introduit dans le Code par le décret no 89-511 du 20 juillet
1989.

(3544) Par dérogation à la règle posée par l'article 160 du Code de procédure civile (sur laquelle v. infra, no 1099) : Civ. 1re, 5 mai 1987,
Bull. civ. I, no 140, D. 1988.77, note J. MASSIP.

(3545) Par dérogation à la règle posée par l'article 242 du Code de procédure civile (sur laquelle v. infra, no 1125) : Civ. 2e, 28 mai 1984,
Bull. civ. II, no 97, Gaz. Pal. 1985.500.

(3546) À défaut de pouvoir les justifier, on peut sans doute trouver quelques raisons de commodité pour expliquer le régime dérogatoire
de l'enquête sociale. On peut admettre en effet que les règles de l'expertise sont parfois délicates à mettre en œuvre dans une matière
qui touche autant à la vie privée. On notera cependant que les résultats de l'enquête sociale ne doivent pas être pris en compte pour les
rapports entre les parents dans le cadre de leur divorce (v. art. 373-2-12 C. civ. et Civ. 2e, 13 janvier 1988, Bull. civ. II, no 19). Les
rapports entre les parents relèvent des mesures d'instruction de droit commun. La solution retenue, consistant à laisser tout faire, n'est
certainement pas la bonne. Même si l'on admet que l'enquête sociale ne peut pas être totalement soumise aux règles de droit commun, il
serait souhaitable d'énoncer de façon très précise quels sont les pouvoirs de l'enquêteur social.

(3547) C'est le terme qu'utilise la Cour de cassation. V. Soc., 31 mars 1978, Bull. civ. V, no 267, RTD civ. 1978, p. 727, obs. R. P ERROT ;
Soc., 11 décembre 1990, Bull. civ. V, no 640.

(3548) V. ainsi Soc., 9 avril 1987, Bull. civ. V, no 222. En l'espèce, les conseillers rapporteurs avaient décidé d'entendre une seule des
parties, sans même avoir convoqué l'autre. La Cour de cassation a décidé que le tribunal pouvait tenir compte de telles déclarations, dès
lors que le rapport des conseillers rapporteurs avait été notifié à l'autre partie avant l'audience : le principe de la contradiction aurait été
satisfait.

(3549) Il nous semble qu'il faudrait un texte plus explicite que ne peut l'être l'article R. 1454-3 du Code du travail pour entraîner la mise à
l'écart des règles applicables à l'audition des parties et des témoins, surtout lorsqu'il n'existe absolument aucune raison de le faire tenant
au contentieux dont les conseils de prud'hommes ont à connaître. Rien n'interdisait de penser qu'en isolant l'audition des autres mesures
d'instruction, le législateur avait seulement voulu attirer l'attention du conseiller rapporteur sur l'intérêt que peut présenter une telle
audition.

(3550) Cette jurisprudence si critiquable de la Cour de cassation sur les enquêtes sociales et les missions d'information donne l'impression
qu'on encourage le juge et ceux qu'il a nommés à écarter les obligations posées par le législateur pour l'accomplissement de leur mission.
Les tribunaux et leurs auxiliaires sont surchargés ; on ne peut pas leur imposer le respect de formalités qui prennent du temps, chaque
fois qu'un texte peut être mis en avant pour cela. À notre sens, c'est une autre démarche qui devrait être suivie, consistant à déterminer
les formalités qui sont nécessaires pour garantir les droits des justiciables. Si le droit actuel paraît excessivement formaliste, la
Chancellerie peut très facilement le réformer. Mais il faut qu'ensuite la Cour de cassation fasse appliquer les principes qui auront été
retenus. L'une des meilleures idées qui ont présidé au Code de procédure civile actuel a été de mettre fin à tous les particularismes qui
émaillaient sans véritables raisons la procédure civile. L'évolution de la législation et de la jurisprudence montre que, décidément, il est
difficile de se soumettre à la discipline commune et que chacun souhaite avoir son statut particulier.

(3551) Littéralement : « l'ami de la Cour ».

(3552) Ass. plén., 31 mai 1991, D. 1991.417, rapp. CHARTIER, et note THOUVENIN, JCP 1991.II.21752, concl. M. DONTENWILLE et note
F. TERRÉ. Adde Paris, 6 juillet 1988, Gaz. Pal. du 16 octobre 1988, note Y. LAURIN, RTD civ. 1989, p. 138, obs. R. P ERROT .

(3553) D. MAZEAUD, « L'expertise de droit à travers l'amicus curiae », Travaux du XXe colloque des Instituts d'études judiciaires,
Dalloz, 1995, p. 109 et s.

(3554) Sur ce point, v. Th. LE BARS, « Positivisme, dogmatisme, réalisme et dérive de la Cour de cassation », Mélanges dédiés à la
mémoire du Doyen Jacques Héron, LGDJ, 2008, p. 297.
(3555) Le Conseil Supérieur du Notariat a, ainsi, adressé une note au premier président de la Cour de cassation, dans l'affaire qui allait
donner lieu aux arrêts rendus en chambre mixte le 23 novembre 2004 (Bull. civ. mixte, no 4), sur la qualification des contrats dits
d'assurance-vie. Sur cet élargissement de la notion d'amicus curiae, v. R. ENCINAS DE MUNAGORRI, « L'ouverture de la Cour de cassation
aux amici curiae », RTD civ. 2005, p. 88.

(3556) Art. 143 CPC.

(3557) Devant le tribunal de grande instance, le juge de la mise en état est seul compétent pour ordonner une mesure d'instruction, aussi
longtemps qu'il est saisi (art. 771 CPC). Devant le tribunal de commerce, elle peut être demandée au juge chargé d’instruire l’affaire
(art. 865 CPC), devant le conseil de prud'hommes au conseiller rapporteur (art. R. 1454-3 C. trav.).

(3558) Art. 143 CPC.

(3559) V., par exemple, Soc., 19 février 1986, Bull. civ. V, no 17. On remarquera cependant que l'on trouvait autrefois d'assez nombreux
arrêts de la Cour de cassation énonçant que, « si les juges du fond ont, en principe, un pouvoir souverain d'appréciation quant à la
pertinence des faits offerts en preuve, il en est autrement quand les faits invoqués, dans le cas où leur existence serait établie,
justifieraient les prétentions de la partie qui les articule ». V., par exemple, Civ. 2e, 30 mars 1971, Bull. civ. II, no 144, Civ. 2e, 28 juin 1972,
Bull. civ. II, no 202, Civ. 3e, 15 juin 1976, Bull. civ. III, no 262. Les arrêts ajoutaient parfois « de façon inéluctable ». La Cour de
cassation semble aujourd'hui s'en tenir au principe de l'appréciation souveraine (voire discrétionnaire).

(3560) Civ. 1re, 16 avril 1991, Bull. civ. I, no 145 ; Civ. 1re, 6 janvier 1998, Bull. civ. I, no 3.

(3561) V., par exemple, Civ. 1re, 28 avril 1986, Bull. civ. I, no 101. Le caractère légal de l'expertise sanguine résultait de ce qu'elle était
érigée en fin de non-recevoir par l'article 340-1 C. civ. (abrogé en 1993). Le juge était tenu de l'examiner avant même les autres
éléments du litige. L'examen des sangs était un exemple parfait de défense au fond transformée artificiellement en fin de non-recevoir
(sur les fausses fins de non-recevoir v. supra, no 148).

(3562) Civ. 1re, 28 mars 2000, Bull. civ. I, no 103 ; Civ. 1re, 29 mai 2001, Bull. civ. I, no 152.

(3563) Cass. mixte, 6 juillet 1984, Bull. civ., no 1, JCP 1985.II.20338, concl. P.-A. SADON.

(3564) Pour une illustration, v. Civ. 1re, 10 mai 1995, Bull. civ. I, no 200.(3565) V. supra, no 422.

(3566) La mesure d'instruction peut aussi être sollicitée sur requête lorsque les circonstances exigent qu'elle ne soit pas prise
contradictoirement (v. supra, no 435).

(3567) Cass. mixte, 7 mai 1982, arrêts no 2 et 3, Bull. civ. no 2, D. 1982.541, concl. J. CABANNES, Gaz. Pal. 1982.571, note J. VIATTE,
RTD civ. 1982, p. 786, obs. R. P ERROT et 1983.185, obs. J. NORMAND. V. aussi not. : Civ. 2e, 10 mars 2011, no 10-11732.

(3568) Civ. 3e, 11 janvier 1978, Bull. civ. III, no 30, RTD civ. 1978, p. 925, obs. R. P ERROT . Dans le même esprit, le juge doit préférer la
simple consultation à l'expertise, qui est plus onéreuse, chaque fois que les circonstances le permettent. Sur la valeur et la portée de
l'article 147 CPC, v. J.-P. GHNASSIA, Le juge civil à la recherche de la mesure d'instruction idoine, thèse dact., Strasbourg, 2009.

(3569) Art. 152 CPC. Le texte précise seulement que « le secrétaire adresse copie de la décision par lettre simple aux parties
défaillantes ou absentes lors du prononcé de la décision ».

(3570) L'article 153 du Code de procédure civile constitue une application pure et simple de la règle générale posée par l'article 483 du
même code : la décision ordonnant une mesure d'instruction entre dans la catégorie des jugements avant dire droit. À ce titre, elle ne
dispose pas non plus de l'autorité de la chose jugée (art. 482 CPC). V. supra, no 371.

(3571) Art. 148 CPC.(3572) Civ. 3e, 9 novembre 1977, Bull. civ. III, no 383, RTD civ. 1978, p. 728, obs. R. P ERROT .(3573) Art. 152 CPC.

(3574) Et encore faut-il préciser que, dans ce cas, on ne peut pas former utilement un recours immédiat contre le seul chef de décision
relatif à la mesure d'instruction (ex : Civ. 2e, 20 janvier 2011, no 10-10132). Lorsqu'une décision a tranché une question touchant au fond
du droit et ordonné une mesure d'instruction, il est rationnel que la partie qui conteste la décision sur le fond s'en prenne sans plus
attendre à la décision avant dire droit qui lui déplaît. Mais si elle ne conteste que cette dernière, elle doit attendre la décision sur le fond à
venir. Rien ne justifierait qu'elle puisse attaquer immédiatement la seule décision avant dire droit. Sur les jugements mixtes et la possibilité
d'interjeter appel de la mesure d'instruction, v. supra, no 733.

(3575) Art. 272 CPC, sur lequel, v. infra, no 1134.


(3576) V. Cass. mixte, 7 mai 1982, Bull. civ. no 2, D. 1982.541, concl. J. CABANNES, Gaz. Pal. 1982.571, note J. VIATTE, RTD civ. 1982,
p. 786, obs. R. P ERROT et 1983.185, obs. J. NORMAND ; Civ. 2e, 20 juin 1996, Bull. civ. II, no 174. En revanche, lorsque le juge des référés
est saisi d'une demande qui a un objet différent et qu'il n'ordonne une mesure d'instruction que pour pouvoir statuer sur cette demande,
l'article 150 du Code de procédure civile s'applique. V. Civ. 3e, 18 mai 1978, Bull. civ. III, no 207, D. 1978, I.R. 366, obs. P. JULIEN, RTD
civ. 1979, p. 432, obs. R. P ERROT ; Civ. 2e, 24 mars 1993, Bull. civ. II, no 127.

(3577) Art. 155 CPC.(3578) Art. 155, al. 1 CPC.(3579) Art. 155, al. 2 CPC.

(3580) C’est même une obligation au sein du tribunal de grande instance : art. R. 213-12-1 COJ. L’article 819 du Code de procédure
civile précise que devant cette juridiction, ce magistrat assure « le contrôle des mesures d'instruction ordonnées en référé, sauf s'il en est
décidé autrement lors de la répartition des juges entre les différentes chambres et services du tribunal » (par l’ordonnance dite « de
roulement » que rend tous les ans le président du tribunal : v. art. L. 121-3 COJ) et qu’il est « également compétent pour les mesures
ordonnées par le juge de la mise en état en application de l'article 771, sauf si ce dernier s'en réserve le contrôle ».

(3581) Art. 155, al. 3 CPC.

(3582) Art. 164 CPC. La règle comporte quelques exceptions, notamment pour la comparution personnelle des parties (sur laquelle,
v. infra, no 1107).

(3583) L'article 165 ajoute que le juge peut se déplacer sans être assisté par le secrétaire de la juridiction.

(3584) Art. 157 CPC, que reproduisent substantiellement les articles 730 à 732 CPC. L'article 157 dispose que, sitôt accomplies les
opérations relatives à la mesure d'instruction, « le secrétariat de la juridiction qui y a procédé transmet à la juridiction commettante les
procès-verbaux accompagnés des pièces et objets annexés ou déposés ».

(3585) Art. 734 et 735 CPC.

(3586) Règlement no 1206/2001 du Conseil du 28 mai 2001, JOCE no L 174, 27 juin 2001, p. 1. Ce règlement ne lie pas le Danemark.

(3587) En substance, il faut que le magistrat requérant obtienne l'assentiment de l'organisme central désigné par l'État requis dans le
cadre de l'application du règlement (la demande peut être rejetée pour certaines causes énumérées par le règlement), et qu'il ne soit pas
nécessaire de recourir à des mesures coercitives (v. art. 17).

(3588) Art. 172 CPC. L'article 172 ajoute que, dans les limites de sa compétence, le juge qui exécute la mesure d'instruction ou en
contrôle l'exécution peut « entendre immédiatement les parties en leurs observations ou plaidoiries, même sur les lieux, et statuer aussitôt
sur leurs prétentions ». Cette disposition, qui ne paraît pas réaliste, n'est guère mise en œuvre.

(3589) Sur ce thème, v. P. JULIEN, « Principe de la contradiction et expertise en droit privé », Mélanges J. Buffet, éd. des Petites
Affiches, 2004, p. 293.

(3590) Lorsque la mesure d'instruction s'exécute en plusieurs fois (en particulier une expertise), les parties ne doivent pas seulement être
convoquées à la première réunion, mais aussi, en principe, à toutes les réunions suivantes (v. Civ. 1re, 9 juin 1981, Bull. civ. I, no 219, RTD
civ. 1983, p. 194, obs. R. P ERROT ). La règle n'est cependant pas appliquée de façon absolue. La Cour de cassation décide qu'un expert
n'est pas tenu de convoquer les parties lorsqu'il procède à de simples constatations matérielles ou à des investigations purement
scientifiques ; il suffit qu'il mette les parties à même de lui faire part de leurs observations avant le dépôt de son rapport (ex : Civ. 2e,
3 novembre 2005, no 03-18705, Procédures 2006, no 3, note R. P ERROT ).

(3591) Art. 161 CPC.

(3592) Pour ce qui est de l'assistance, il peut même s'agir de toute « personne compétente » : Civ. 2e, 23 octobre 1991, Bull. civ. II,
no 275 (en l'espèce, un huissier de justice).

(3593) Mais, bien sûr, la personne chargée d'assister une partie lors des opérations d'expertise ne saurait accomplir des actes que seul un
représentant ad litem pourrait accomplir, si elle n'a pas cette qualité. L'huissier de justice assistant une partie ne peut donc pas formuler
des observations écrites au nom de l'intéressé : Civ. 2e, 23 octobre 1991 préc., Bull. civ. II, no 275.

(3594) Art. 173 CPC.


(3595) La jurisprudence exige même de l'expert qu'il communique aux parties les pièces sur lesquelles il s'est fondé, « afin de leur
permettre d'être à même d'en débattre contradictoirement avant le dépôt de son rapport » : Civ. 3e, 26 mai 2009, no 08-16901, Procédures
2009, no 266, note R. P ERROT ; Civ. 1re, 1er février 2012, no 10-18853.

(3596) Art. 174 CPC.

(3597) V., dans le premier sens, Soc., 4 juin 1986, Bull. civ. V, no 279, et dans le second sens, Civ. 1re, 22 novembre 1989, Bull. civ. I,
no 361.

(3598) On peut donc regretter que la Cour de cassation ait posé en principe que l'assureur, appelé à la procédure en un temps où il peut
encore discuter les conclusions de l'expert, n'est pas fondé, sauf en cas de fraude de l'assuré, à soutenir que l'expertise lui est inopposable
(Civ. 1re, 4 janvier 1991, Bull. civ. I, no 182, arrêt no 2 ; Civ. 3e, 19 juin 1991, Bull. civ. III, no 186 ; Civ. 2e, 4 novembre 1992, Bull. civ. II,
no 258). La Cour se fonde sur le fait que la décision judiciaire, qui condamne un assuré en raison de sa responsabilité, constituerait pour
l'assureur, qui a garanti celle-ci, dans ses rapports avec la victime, la réalisation, tant dans son principe que dans son étendue, du risque
couvert. Il n'en reste pas moins que c'est l'assureur qui devra payer et que, dans ces conditions, on voit mal pourquoi on lui dénie le droit
de faire valoir ses arguments sur le fond, au moment des opérations d'expertise.

(3599) Soc., 4 juin 1986, préc., Bull. civ. V, no 279.

(3600) Civ. 1re, 22 novembre 1989, préc., Bull. civ. I, no 361 : en l'espèce, l'intervenant forcé était d'autant moins fondé à rejeter
l'expertise qu'il avait été convoqué aux opérations d'expertise, alors même qu'il n'était pas encore partie.

(3601) Si l'intervention a lieu alors que la mesure a déjà été ordonnée, mais n'a pas encore été exécutée, l'article 169 du Code de
procédure civile dispose que le secrétaire de la juridiction en avise aussitôt le juge (ou le technicien), pour qu'il convoque la nouvelle partie
à l'exécution de la mesure.

(3602) Civ. 2e, 22 juin 1978, Bull. civ. II, no 167, D. 1978, I.R. 412, obs. P. JULIEN, RTD civ. 1978, p. 925, obs. R. P ERROT et Civ. 2e,
7 décembre 1983, D. 1984.227, note S. GUINCHARD et T. MOUSSA (l'arrêt n'est pas publié au Bulletin).

(3603) Art. 168 CPC.

(3604) Art. 170 CPC. Le choix de l'une ou de l'autre forme dépend de l'importance de l'incident que le juge doit trancher. L'article 171 du
Code de procédure civile précise que ces décisions n'ont pas au principal l'autorité de la chose jugée. Elles sont donc soumises au même
régime que la décision ordonnant une mesure d'instruction, qui est un jugement avant dire droit (art. 482 CPC, sur lequel, v. supra,
no 371).

(3605) L'opposition doit être comprise au sens précis du mot, désignant la voie de recours spécifique ouverte contre le jugement par
défaut. En revanche, s'il arrive qu'à l'occasion d'une difficulté d'exécution, le juge soit saisi d'une demande sur requête et statue (à tort)
sans que les autres intéressés aient été appelés, ceux à qui la décision rendue fait grief peuvent demander au juge de la rétracter (Civ. 2e,
24 avril 1989, Bull. civ. II, no 98, Audijuris 1990-34, obs. J. HÉRON). Mais, une fois la contradiction rétablie, l'article 170 du Code de
procédure civile reprend son empire et la décision rendue sur la demande en rétractation n'est pas susceptible d'un appel immédiat (Civ.
2e, 11 juillet 1979, Bull. civ. II, no 210, Gaz. Pal. 1980.1.5, note J. V., RTD civ. 1980, p. 410, obs. R. P ERROT ).

(3606) L'interdiction de former un appel immédiat est cependant écartée lorsque le juge prononce une astreinte. V. Civ. 2e, 20 avril 1983,
Bull. civ. II, no 96, Gaz. Pal. 1983, Pan. 218, obs. S. GUINCHARD, RTD civ. 1984, p. 163, obs. R. P ERROT . Bien sûr, elle l'est aussi lorsque
l'on se situe dans le cadre d'un référé de l'article 145 CPC (Civ. 2e, 9 septembre 2010, no 09-69613, Procédures 2010, no 370, note
R. P ERROT ) : la mesure ayant été ordonnée avant tout procès, rien ne dit qu'un jugement sur le fond interviendra un jour.

(3607) La disposition de l'article 175 du Code de procédure civile semble ainsi déroger aux règles applicables aux jugements, qui
sanctionnent les irrégularités les affectant indépendamment de tout grief (v. supra, no 512 et s.).

(3608) Art. 114 et 74 CPC (supra, no 213 et s.). Ex. : Civ. 3e, 6 mars 1991, Bull. civ. III, no 83.

(3609) Sur cette technique, v. supra, no 517.


(3610) Durant cette période, la violation du principe contradictoire par l’expert justifiait l’annulation de son avis, même en l’absence de
grief (v. V. T. MOUSSA (dir.), Droit de l'expertise, Dalloz Action, 2011/2012, no 231.134) : Civ. 2e, 24 novembre 1999, Bull. civ. II, no 174.
Sur cet arrêt, v. les appréciations élogieuses et l'interprétation audacieuse de P. JULIEN, « Principe de la contradiction et expertise en droit
privé », Mélanges J. Buffet, 2004, spéc. p. 300. V. aussi Civ. 2e, 24 février 2005, Bull. civ. II, no 46 ; Com., 4 novembre 2008, no 07-
18147, Procédures 2009, no 4, note R. P ERROT .

(3611) V. Com., 18 février 1992, Bull. civ. IV, no 79 ; Civ. 2e, 29 novembre 2012, nº 11-10805, RTD civ. 2013, p. 172, obs. R. P ERROT , Civ.
1ère, 30 avril 2014, nº 13-13579.

(3612) Sur ce texte, qui fixe la liste des irrégularités de fond pouvant entacher un acte de procédure et sur la lecture qu'en fait la Cour de
cassation, v. supra, no 220 et no 221.

(3613) Ainsi, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH, 18 mars 1997, « Mantovanelli c/France », obs. J. RAYNARD et J. P.
MARGUÉNAUD, RTD civ. 1997, p. 1007) a vu dans le respect de la contradiction par l'expert une condition du procès équitable (en matière
administrative).

(3614) Com., 15 février 2000, Bull. civ. IV, no 33. À rapprocher : Civ. 2e, 7 novembre 2002, no 01-03352, Procédures 2003, no 5, note
R. P ERROT , RTD civ. 2003, p. 141, obs. R. P ERROT : Un expert judiciaire peut utiliser « à titre de renseignements » les éléments d'un
précédent rapport d'expertise déposé au cours d'une instance finalement périmée.

(3615) Civ. 2e, 23 octobre 2003, Bull. civ. II, no 323 ; Com., 6 octobre 2009, no 08-15154.

(3616) En l’absence de convocation d’une partie à une opération d’expertise, on a pu, un temps, opter pour l’inopposabilité du rapport de
l’expert à cette partie. Un arrêt rendu en chambre mixte par la Cour de cassation a réorienté la jurisprudence en faveur de la nullité : une
partie (la solution reste certainement différente pour celui qui n’était pas initialement partie à l’instance) ne peut invoquer l’inopposabilité
du rapport « en raison d’irrégularités affectant le déroulement des opérations d'expertise, lesquelles sont sanctionnées selon les
dispositions de l'article 175 du code de procédure civile qui renvoient aux règles régissant les nullités des actes de procédure »
(Cass. Mixte, 28 septembre 2012, nº 11-11381, RTD civ. 2012, p. 771, obs. R. P ERROT ). Est-ce à dire que la qualification de vice de forme
de la violation du principe contradictoire serait implicitement réaffirmée (v. supra, nº 1102) ? C’est possible.

(3617) On souhaiterait pouvoir les désigner de façon positive. Il serait tentant de les qualifier de mesures d'instruction exécutées par le
juge, mais cela n'est pas vrai pour les attestations, que les parties mettent en œuvre elles-mêmes.

(3618) On ne peut que regretter qu'en pratique, les juges ne disposent pas du temps suffisant pour y avoir recours plus souvent.

(3619) Art. 183 CPC.(3620) En particulier, le juge doit veiller au respect du principe de la contradiction.(3621) Art. 181 CPC.

(3622) Sur l'enquête, v. infra, no 1113.

(3623) La prééminence des règles du droit civil est rappelée par l'article 197 lui-même. Par exemple, les règles du droit civil font qu'une
déclaration émanant d'un incapable ou de son représentant ne saurait être tenue pour un aveu judiciaire au sens de l'article 1356 du Code
civil.

(3624) Art. 187 CPC.

(3625) L'article 196 du Code de procédure civile apporte encore cette précision que, « si l'une des parties est dans l'impossibilité de se
présenter, le juge (...) peut se transporter auprès d'elle après avoir, le cas échéant, convoqué la partie adverse ».

(3626) Art. 192 CPC.(3627) Art. 189 CPC.(3628) Art. 190 CPC.(3629) Art. 193 CPC.(3630) Art. 192 CPC.

(3631) Art. 195 CPC. Ce texte n'interdit pas aux défenseurs des parties de soumettre au juge les questions qu'ils estiment devoir être
posées à l'adversaire.

(3632) Art. 194 CPC. Sur les constatations personnelles du juge, v. supra, no 1105.

(3633) Sous réserve cependant de l'expertise amiable ou officieuse (v. infra, no 1121), qui peut être mise en œuvre sans que le juge l'ait
ordonnée.

(3634) Art. 200 CPC.


(3635) La disposition de l'article 203 du Code de procédure civile ne fait qu'appliquer la disposition générale de l'article 148 du même
code (sur lequel, v. supra, no 1095).

(3636) Art. 202 CPC.(3637) Sur ce point, v. infra, no 1114.

(3638) En pratique, on joint une photocopie de la carte nationale d'identité du témoin.

(3639) Ex. : Civ. 2e, 18 mars 1998, Bull. civ. II, no 91 ; Civ. 1re, 14 décembre 2004, Bull. civ. I, no 321.

(3640) Ex. : Civ. 1re, 29 avril 1981, Bull. civ. I, no 143, RTD civ. 1981, p. 900, obs. R. P ERROT .

(3641) V. supra, no 225. Si l'on suivait cette proposition, le juge dirait que la déclaration écrite du tiers, qui ne contient pas l'avertissement
prévu par le texte « ne vaut pas attestation », et il l'écarterait systématiquement.

(3642) V., par exemple, R. MOREL, Traité élémentaire de procédure civile, Paris, 2e éd., 1949, no 488. Il convient cependant de signaler
qu'il existait, à côté de l'enquête en matière ordinaire, l'enquête en matière sommaire, d'un emploi plus facile.

(3643) Art. 131-26 du Code pénal.

(3644) La doctrine cite généralement le cas des mineurs (ex : S. GUINCHARD, C. CHAINAIS et F. FERRAND, Procédure civile, Dalloz, Précis,
32e éd., 2014, no 631 ; G. COUCHEZ et X. LAGARDE, Procédure civile, 17e éd., Sirey Université, 2014, no 357). Il faut sans doute retenir la
même incapacité de témoigner pour les majeurs en tutelle (en ce sens : P. JULIEN et N. FRICERO, Droit judiciaire privé, LGDJ, 5e éd.,
2014, no 633). En revanche, le majeur en curatelle devrait pouvoir témoigner, son incapacité étant limitée aux actes de disposition, de
même que le mineur émancipé et le majeur sous sauvegarde de justice, lesquels sont capables des actes de la vie civile.

(3645) Le juge appréciant librement la valeur probante des témoignages et de ces « quasi-témoignages », la règle de l'article 205 du Code
de procédure civile n'a qu'une portée limitée. Ce n'est guère qu'une recommandation adressée au juge d'accueillir avec circonspection les
déclarations de ces personnes.

(3646) Depuis la loi no 93-22 du 8 janvier 1993, l'audition du mineur est d'ailleurs soumise à des règles particulières, lorsqu'il est entendu
par le juge dans le cadre d'une procédure le concernant (ex : en matière d'exercice de l'autorité parentale). V. art. 388-1 C. civ. et
art. 338-1 et s. CPC.

(3647) La Cour de cassation donne une interprétation large de la règle, pour qu'elle ne soit pas tournée. C'est ainsi qu'elle étend la
prohibition de l'article 205 du Code de procédure civile au conjoint d'un descendant (Civ. 2e, 18 novembre 1987, Bull. civ. II, no 230) et
même à son concubin (Civ. 2e, 10 mai 2001, Bull. civ. II, no 94) ou à son conjoint divorcé (Civ. 1re, 14 février 2006, no 05-14686, Famille
2006, no 90, note V. LARRIBAU-TERNEYRE). De plus, elle interdit qu'une tierce personne relate les propos qu'aurait tenus un descendant des
époux (ex : Civ. 1re, 1er février 2012, no 10-27460) et elle va même jusqu'à considérer que la prohibition des témoignages des descendants,
dans une procédure de divorce, s'oppose à la production de lettres adressées par le père à son fils et remises ensuite par celui-ci à sa
mère (Civ. 1re, 5 juillet 2001, Famille 2002, no 22, note A. GOUTTENOIRE ; Civ. 2e, 23 janvier 2003, Famille 2003, no 73, note H. LÉCUYER).
C'est là une conception des plus extensives de la notion de témoignage...

(3648) Art. 207 CPC. Le texte précise encore que « celui qui justifie n'avoir pas pu se présenter au jour fixé pourra être déchargé de
l'amende et des frais de citation ». Par ailleurs, l'article 217 du Code de procédure civile dispose que, « si un témoin justifie qu'il est dans
l'impossibilité de se déplacer au jour indiqué, le juge peut lui accorder un délai ou se transporter pour recevoir sa déposition ».

(3649) Art. 210 CPC. Ce texte reprend la disposition de l'article 202 du Code de procédure civile applicable aux attestations.

(3650) Art. 211 CPC. Ce texte ajoute que « les personnes qui sont entendues sans prestation de serment sont informées de leur
obligation de dire la vérité ». La violation de cette obligation n'est assortie d'aucune sanction spécifique. Il faut certainement décider
qu'elle engage leur responsabilité délictuelle.

(3651) Art. 214 CPC.

(3652) Art. 213 CPC. Il est parfois soutenu que ce texte permet au juge d'interroger les témoins sur des faits qui ne sont pas dans le
débat, par dérogation aux dispositions de l'article 7 du Code de procédure civile. Sur cette question, v. supra, no 275.

(3653) Art. 215 CPC. Pour cela, l'article 216 du Code de procédure civile dispose qu'« à moins qu'il ne leur ait été permis ou enjoint de se
retirer après avoir déposé, les témoins restent à la disposition du juge jusqu'à la clôture de l'enquête ou des débats » et il précise que,
jusqu'à ce moment, ils peuvent apporter des additions ou des changements à leur déposition.
(3654) Art. 208 et 209 CPC.(3655) Art. 214 CPC.

(3656) Art. 208 CPC. Ce texte dispose encore que s'il existe un risque de dépérissement de la preuve, le juge peut « procéder sans délai
à l'audition d'un témoin après avoir, si possible, appelé les parties ».

(3657) Art. 219 et 220 CPC. Ce dernier texte ajoute que le procès-verbal fait mention des nom, prénoms, date et lieu de naissance,
demeure et profession des personnes entendues ainsi que, s'il y a lieu, du serment par elles prêté et de leurs déclarations relatives à leur
lien de parenté ou d'alliance aves les parties, de subordination à leur égard, de collaboration ou de communauté d'intérêts avec elles.

(3658) Art. 219 CPC.

(3659) Art. 225 et 226 CPC. L'article 225 précise qu'en cas de nécessité, l'enquête peut avoir lieu devant un autre juge de la formation.
Dans ce cas, la décision qui ordonne l'enquête peut se borner à indiquer le délai dans lequel il devra y être procédé. Lorsqu'en application
de l'article 157 du Code de procédure civile (sur lequel, v. supra, no 1098), l'exécution de l'enquête est confiée à une autre juridiction, la
décision précise le délai dans lequel il devra être procédé à l'enquête. Ce délai peut être prorogé par le président de la juridiction commise
qui en informe le juge ayant ordonné l'enquête, et c'est le juge commis qui fixe les jour, heure et lieu de l'enquête (art. 227 CPC).

(3660) Art. 228 à 230 CPC.

(3661) V., par exemple, Civ. 2e, 8 mai 1980, Bull. civ. II, no 101, Gaz. Pal. 1980.559, note J. VIATTE. En l'espèce, l'un des plaideurs ne
comparaissant pas, bien qu'ayant été régulièrement convoqué, le tribunal a procédé, à la demande de l'autre partie, à l'audition des
témoins présents à l'audience. Certes, une partie a toujours tort de ne pas comparaître devant le juge. Il reste que, si elle avait su que son
adversaire allait produire des témoins, elle aurait peut-être adopté une attitude différente.

(3662) Sur ces règles communes, v. supra, no 1087. On verra cependant (infra, no 1132) qu'il existe des règles particulières à la décision
ordonnant l'expertise. Elle ne peut pas faire l'objet d'une simple mention au dossier.

(3663) La considération de la personne qui préside au choix du technicien implique aussi (comme on le verra, infra, no 1125) que le
technicien remplisse personnellement la mission que le juge lui a confiée.

(3664) Art. 233, al. 2 CPC.

(3665) Art. 1er (mod.) de l'ordonnance no 45-2592 du 2 novembre 1945. Sur l'exception indiquée v. infra, no 1129.

(3666) V., par exemple, l'art. 431 C. civ. : Le juge ne peut prononcer l'ouverture d'un régime de protection judiciaire d'un majeur (ex :
tutelle) que si l'altération des facultés mentales ou corporelles de ce dernier a été constatée par un médecin choisi sur une liste établie par
le procureur de la République. Pour d'autres exemples et sur l'ensemble de la question, v. G. BOURGEOIS, P. JULIEN et M. ZAVARO, La
pratique de l'expertise judiciaire, Litec, 1999, no 48 et 49.

(3667) V., sur ces points, la loi no 71-498 du 29 juin 1971 et le décret no 2004-1463 du 23 décembre 2004.

(3668) Les diverses décisions auxquelles donne lieu l'inscription sur l'une des deux listes peuvent faire l'objet de recours que réglemente
l'article R. 411-5 COJ. Depuis 2012, la loi nº 71-498 du 29 juin 1971 (art. 2 IV) exige que les décisions de refus d’inscription soient
motivées (v. antérieurement, CJUE, 17 mars 2011, (C-372/09 et C-373/09, « Peñarroja »), Procédures 2011, no 170, note C. NOURISSAT ;
Civ. 2e, 12 juillet 2012, nº 12-60002).

(3669) Art. 265 CPC.

(3670) Les parties peuvent seulement convenir de charger un technicien d'une expertise amiable ou conventionnelle (v. infra, nº 1132).

(3671) V. infra, no 1142.

(3672) Art. 235 CPC. Le texte n'énonce qu'indirectement cette possibilité (qui ne figure en termes exprès que dans l'article 267 du Code
de procédure civile, relatif à l'expertise) en disposant que, si le technicien refuse la mission, il est pourvu à son remplacement comme en
cas de récusation. La lecture de l'article 235 montre encore que le refus peut être motivé par toutes sortes de raisons et pas seulement
parce que le technicien s'estime récusable ou qu'il peut invoquer un empêchement légitime. Le refus du technicien qui ne repose sur
aucun motif légitime n'entraîne aucune responsabilité pour le litige en cours.

(3673) L'interdiction de confier au technicien une mission de recherche portant sur le droit ne joue pas si le droit applicable est un droit
étranger. V. P. MAYER et V. HEUZÉ, Droit international privé, Domat, 11e éd., 2014, no 194.
(3674) L'application de la règle de droit constitue, on l'a vu (supra, no 281) l'élément essentiel de l'office du juge. Cela étant, le juge peut
prendre en compte la consultation juridique rédigée par un juriste à la demande d'une partie et produite par celle-ci. Cette consultation,
généralement effectuée par un professeur de droit ou un praticien spécialisé, est recevable au même titre qu'un article de doctrine que le
plaideur invoquerait à l'appui de son argumentaire juridique. Plus largement, sur les possibilités de développement de l'expertise juridique
dans des cadres conventionnels, v. Ch. JARROSSON, « L'expertise juridique », Liber amicorum Claude Reymond, Litec, 2004, p. 127.

(3675) V., par exemple, Civ. 1re, 8 janvier 1980, Bull. civ. I, no 16. Corrélativement, l'article 238 du Code de procédure civile dispose que
le technicien ne doit jamais porter d'appréciation d'ordre juridique, mais pour la Cour de cassation la violation de cette règle n'entraîne pas
la nullité de l'expertise. Il appartient seulement au juge de retrancher de l'expertise tout ce qui ne devrait pas y figurer (ex. : Civ. 2e,
16 décembre 1985, Bull. civ. II, no 197 ; Civ. 1re, 7 juillet 1998, Bull. civ. I, no 239), étant précisé qu’il peut aussi s'approprier l'avis de
l'expert, quand bien même celui-ci aurait exprimé une opinion (juridique ou non) excédant les limites de sa mission (ex : Civ. 3e,
17 octobre 2012, nº 10-23971, Procédures 2012, nº 346, note R. P ERROT ).

(3676) Les connaissances techniques auxquelles on pense en premier sont celles qui relèvent traditionnellement des facultés des sciences
ou de médecine. Mais, à vrai dire, le recours au technicien peut être envisagé dans toute discipline quelle qu'elle soit (autre que celle du
droit), chaque fois que la résolution du litige suppose des connaissances dépassant celles que peut avoir le juge : ces connaissances
peuvent se rapporter à l'économie, à la gestion, aux langues et ainsi de suite. V. ainsi Civ. 1re, 13 janvier 1982, Bull. civ. I, no 23, à propos
d'un préjudice commercial.

(3677) Compte tenu de l'imprécision inévitable de toutes ces notions, la Cour de cassation abandonne à la souveraine appréciation des
juges du fond le soin de fixer l'étendue de la mission de l'expert. V. ainsi Civ. 1re, 26 novembre 1980, Bull. civ. I, no 308.

(3678) Civ. 2e, 21 juillet 1986, Bull. civ. II, no 131, Gaz. Pal. 1987, somm. 173, obs. S. GUINCHARD et T. MOUSSA. Il faut conseiller aux
parties de ne pas se contenter d'un accord qui ne serait constaté que par l'expert. Pour que leur accord bénéficie des dispositions
avantageuses des articles 130 et 131 du Code de procédure civile, il doit être constaté dans un procès-verbal signé par le juge et les
parties.

(3679) Civ. 1re, 3 juillet 1996, Bull. civ. I, no 285. L'article 341 CPC renvoie à l'article L. 111-6 COJ.

(3680) En ce sens : Ph. MURY, « Le "notaire" judiciairement commis en matière de divorce est-il un expert ? », D. 2005, chr. p. 329.

(3681) Art. 238 CPC. Bien sûr, ce texte n'est pas de ceux visés à l'article 1121 CPC.(3682) V. art. 1364 CPC.

(3683) Art. 237 CPC. En cas de violation de ces obligations, le technicien engage sa responsabilité envers les parties, et cela même dans
le cas où le juge a suivi son avis. V. Civ. 2e, 8 octobre 1986, Bull. civ. II, no 146.

(3684) Art. 233 CPC. C'est pourquoi ce texte ajoute que, lorsque le juge désigne comme technicien une personne morale, le représentant
légal de celle-ci soumet à l'agrément du juge le nom de la personne ou des personnes physiques qui assureront, au sein de celle-ci et en
son nom, l'exécution de la mesure. L'obligation qu'a l'expert de remplir lui-même sa mission a les mêmes limites que les connaissances
dont il dispose. V. infra, no 1135, pour l'expertise.

(3685) Art. 239 CPC. La règle n'est pas toujours respectée. D'une part, le juge peut toujours proroger le délai qu'il a accordé au
technicien (v. l'article 279 du Code de procédure civile pour l'expertise). D'autre part, le dépassement du délai n'entraîne pas de plein
droit la caducité de la décision, ni la nullité de l'expertise.

(3686) Art. 235 CPC. Le juge doit permettre au technicien de s'expliquer avant de procéder à son remplacement.

(3687) Art. 245 et 167 CPC. Sur ce dernier texte, v. supra, no 1101.

(3688) Art. 243 CPC. Il va sans dire que la communication des documents à l'expert ne permet pas de tourner les règles relatives à la
production et à l'obtention des pièces (sur lesquelles, v. supra, no 1072 et s.).

(3689) V. supra, no 1115.

(3690) Lorsque la personne est entendue par le juge, elle l'est selon les règles applicables à l'enquête (sur lesquelles v. supra, no 1113).
(3691) Art. 245, alinéa 3 CPC. Ces possibilités ne sont qu'une application des principes généraux énoncés par les articles 149 et 153 du
Code de procédure civile (sur lesquels, v. supra, no 1095). L'article 245, alinéa 3, du Code de procédure civile précise que le juge ne peut
pas étendre la mission du technicien ou confier une mission supplémentaire à un autre technicien sans avoir préalablement recueilli les
observations du technicien commis.

(3692) V. ainsi l'article 282 du Code de procédure civile pour l'expertise.(3693) Art. 244 CPC.

(3694) La mission du technicien est entourée d'une certaine confidentialité. D'une part, si le technicien doit faire connaître dans son avis
toutes les informations qui apportent un éclaircissement sur les questions à examiner, l'article 244 du Code de procédure civile ajoute qu'il
lui est interdit de révéler les autres informations dont il pourrait avoir connaissance à l'occasion de l'exécution de sa mission. D'autre part,
l'article 247 du Code de procédure civile dispose que, si la divulgation de l'avis du technicien est de nature à porter atteinte à l'intimité de
la vie privée ou à tout autre intérêt légitime, cet avis ne peut être utilisé en dehors de l'instance, si ce n'est sur autorisation du juge ou
avec le consentement de la partie intéressée.

(3695) Art. 1er (mod.) ord. no 45-2592 du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers. Il n'y a plus qu'en matière pénale où ces
constatations ont encore valeur de simples renseignements.

(3696) Doit-on aller plus loin et considérer que le constat d'huissier a la force d'une preuve littérale au sens de l'article 1341 du Code civil,
auquel cas on ne pourrait en principe le combattre que par une autre preuve littérale (un autre constat...), un serment décisoire ou un
aveu judiciaire ? Nous ne le pensons pas. Il est vrai que le constat est généralement analysé comme un acte juridique. Mais il est d'une
nature très particulière et son élaboration ne suppose pas l'intervention de celui à qui on l'oppose. De plus, on sait que l'article 1341 ne lie
que les parties à un acte juridique. Pour les tiers, la preuve est libre. À l'égard de l'adversaire comme du juge, le constat d'huissier doit
donc être traité comme un fait juridique, ce qui autorise à le combattre par tous moyens de preuve. Dans ces conditions, la portée de la
réforme de décembre 2010 apparaît limitée, voire symbolique. Comme par le passé, dès lors que le juge disposera du moindre élément de
preuve contraire au constat (témoignage, présomption de fait...), il pourra écarter celui-ci.

(3697) Cette règle n'est pas énoncée dans les dispositions communes à toutes les mesures d'instruction confiées à un technicien, mais
l'est à propos de chacune d'elles : article 255 du Code de procédure civile pour les constatations, article 262 pour la consultation,
article 284 pour l'expertise.

(3698) Civ. 1re, 21 décembre 1987, Bull. civ. I, no 347, Gaz. Pal. 1988.149, note G. SELLON et note M. CARATINI, D. 1988.578, note
T. MOUSSA, RTD civ. 1988, p. 397, obs. R. P ERROT . La Cour de cassation a seulement réservé la possibilité pour le technicien d'exercer
un recours fondé sur la faute du service public de la justice. Il est surprenant de constater que le Conseil d'État donne la solution inverse :
CE, 10 février 1967, Aragon, RDP 1967.779, note J. WALINE.

(3699) V. infra, no 1137.

(3700) Si le constatant peut être chargé de voir à la place du juge, il ne peut pas être chargé d'entendre à sa place. La Cour de cassation
a décidé qu'un huissier commis pour procéder à des constatations ne doit pas se livrer à une enquête déguisée au moyen de sommations
interpellatives (Civ. 2e, 6 février 1980, Bull. civ. II, no 24, Gaz. Pal. 1980.434, note J.V., RTD civ. 1980, p. 615, obs. R. P ERROT ). De
façon générale, la Cour de cassation refuse d'assimiler les paroles relatées par un huissier à des déclarations faites devant le juge : ainsi,
les réponses faites à un huissier par l'une des parties ne sauraient être assimilées à celles qui peuvent être données lors d'une
comparution personnelle, et elles ne valent pas commencement de preuve par écrit (Civ. 3e, 10 avril 1986, Bull. civ. III, no 40).

(3701) Civ. 2e, 23 juin 2011, no 10-18540, JCP G 2011, 931, note N. FRICERO, RTD civ. 2012, p. 147, obs. R. P ERROT .

(3702) Art. 251 CPC. En la forme, la décision peut se limiter à une simple mention au dossier, comme le prévoit l'article 151 du Code de
procédure civile (sur lequel, v. supra, no 1095).

(3703) Art. 250 et 252 CPC.

(3704) Civ. 2e, 5 mars 2009, no 08-11650, Procédures 2009, no 135, note R. P ERROT . Il faut certainement réserver les hypothèses dans
lesquelles un effet de surprise est nécessaire (examen du disque dur de l'ordinateur d'une partie, etc.), ainsi que les mesures d'instruction
in futurum ordonnées sur requête avant tout procès (v. supra, no 435).

(3705) Art. 250 et 253 CPC.

(3706) Art. 254 CPC. Sur l'obligation pour le juge de rouvrir les débats, v. a contrario Civ. 2e, 30 novembre 1978, Bull. civ. II, no 261, D.
1979, I.R. 510, obs. P. JULIEN (cet arrêt a été rendu en matière de consultation, mais les textes sont identiques dans l'un et l'autre cas).
(3707) Art. 253 CPC.(3708) Art. 255 CPC.

(3709) Bien que le mot utilisé pour les désigner soit identique, il n'existe aucun point commun entre la consultation régie par les
articles 256 à 262 du Code de procédure civile, qui est une mesure d'instruction portant sur les faits d'un litige, et celles données par les
professeurs de droit ou les avocats, à la demande des particuliers, qui étudient, sur un plan principalement juridique, une affaire
contentieuse ou non contentieuse.

(3710) Sur ce point, v. les explications de R. MORTIER, JCL Banque-Crédit-Bourse, fasc. 1658, 2011, nº 37.

(3711) Ex. : Civ. 3e, 23 mars 2005, Bull. civ. III, no 73, Procédures 2005, no 177, note R. P ERROT .

(3712) V. Cass. Mixte, 28 septembre 2012, nº 11-18710, RTD civ. 2012, p. 769, obs. R. P ERROT . Sur cet arrêt (notamment), v. S. AMRANI-
MEKKI, « Expertise et contradictoire, vers une cohérence procédurale ? », JCP G 2012, 1200. V. aussi X. VUITTON, « Longue vie à
l’expertise officieuse. État des lieux et perspectives », Dr. et procéd. 2013, p. 50.

(3713) Art. 151 CPC.

(3714) On verra (infra, no 1136) en effet que ces experts ne déposent qu'un seul rapport, qui indique éventuellement leurs opinions
divergentes, ce qui est bien la preuve qu'ils ont reçu la même mission. Il en va différemment, bien sûr, lorsque chacun a reçu une mission
spécifique, distincte de celle des autres, chaque expert devant alors rédiger son propre rapport : v. G. BOURGEOIS, P. JULIEN et M. ZAVARO,
La pratique de l'expertise judiciaire, Litec, 1999, no 197.

(3715) Art. 267 CPC.

(3716) Est-il utile d'indiquer que ce premier dépôt de documents n'est pas définitif ? Le déroulement de l'expertise conduira sans doute
l'expert à demander de pouvoir consulter d'autres documents.

(3717) En vertu de l'actuel article 6 de la loi no 71-498 du 29 juin 1971, les experts judiciaires ne prêtent serment qu'au moment de leur
inscription initiale sur la liste de la cour d'appel. Si, comme il en a le droit, le juge nomme un expert qui n'est pas inscrit sur une liste, ce
dernier devra prêter serment avant le début de sa mission.

(3718) Art. 150 CPC, sur lequel, v. supra, no 1096.

(3719) Il s'agit d'un exemple de référé purement procédural. Sur les référés du premier président, v. supra, no 791.

(3720) Le point de départ du délai pour demander l'autorisation peut cependant être retardé lorsque le président n'a pas indiqué aux
parties la date à laquelle le jugement serait rendu comme le prévoit l'article 450 du Code de procédure civile (sur lequel, v. supra, no 493).

(3721) L'autorisation donnée par le premier président ne vaut pas en soi acte d'appel. Elle ne fait qu'autoriser la partie à effectuer l'acte
dans un délai d'un mois à compter de l'ordonnance (Soc., 22 juillet 1986, Bull. civ. V, no 475, RTD civ. 1987, p. 402, obs. R. P ERROT ).
Réciproquement, l'appel qui n'a pas été autorisé est irrecevable, l'irrecevabilité étant d'ordre public, en application de l'article 125 du Code
de procédure civile (Com., 2 octobre 1984, Bull. civ. IV, no 247, Gaz. Pal. 1985, Pan. 18, obs. S. GUINCHARD, RTD civ. 1985, p. 215 obs.
R. P ERROT ).

(3722) Selon les cas, il s'agira de la procédure avec représentation obligatoire ou sans représentation obligatoire, régie par l'article 948 du
Code de procédure civile (bien que le Code ne la qualifie pas ouvertement de procédure à jour fixe).

(3723) V. supra, no 1096.(3724) V. supra, no 732.(3725) V. supra, no 1037.

(3726) Sur l'absence d'exécution provisoire de plein droit, v. supra, no 532 et, sur l'acquiescement au jugement, v. infra, no 1219.

(3727) Sur lesquelles, v. supra, no 1087 et no 1115.

(3728) Sauf « cause grave et dûment justifiée, auquel cas il en fait rapport au juge ». Cette disposition de l'article 276 CPC n'est pas
techniquement irréprochable, car s'il appartient à l'expert d'apprécier la gravité et la réalité de la cause invoquée par une partie, on voit
mal l'intérêt de l'obliger à se tourner vers le juge pour qu'il soit décidé de la recevabilité des observations ou réclamations tardives.

(3729) Cette règle, instaurée par le décret no 2005-1678 du 28 décembre 2005, s'inspire du mécanisme des conclusions récapitulatives
des avocats (sur lesquelles, v. supra, no 600).
(3730) Art. 275 CPC.

(3731) L'article 275 CPC reprend ici la solution plus générale de l'article 11 du même code, lequel impose aux parties d'apporter leur
concours aux mesures d'instruction. Concrètement, la demande d'une partie peut être rejetée au motif qu'elle a refusé de communiquer
des informations à l'expert. Ex. : Civ. 2e, 17 juin 2010, no 09-68096, Procédures 2010, no 309, note R. P ERROT .

(3732) V. supra, no 1073.(3733) Art. 279 CPC.(3734) Art. 277 CPC.(3735) Civ. 2e, 16 décembre 1964, Bull. civ. II, no 820.

(3736) Civ. 3e, 23 octobre 1984, Bull. civ. III, no 172, Gaz. Pal. 1985, Pan. 58, obs. S. GUINCHARD.

(3737) Ce mot vient apparemment du bas latin « sapere », verbe signifiant « savoir ». Sur le rôle et le statut des sapiteurs,
v. G. BOURGEOIS, P. JULIEN et M. ZAVARO, La pratique de l'expertise judiciaire, Litec, 1999, no 198.

(3738) En revanche, l'expert peut faire exécuter certaines opérations par ses subordonnés « sous son contrôle et sa responsabilité »
(art. 278-1 CPC). Il serait absurde de lui interdire d'utiliser les services de ses assistants dans l'accomplissement de sa mission.
Cependant, il devra alors mentionner leurs nom et qualités dans son rapport (art. 282 CPC).

(3739) Ex. : Civ. 2e, 27 avril 2000, Bull. civ. II, no 68. Adde Civ. 2e, 11 janvier 1995, Bull. civ. II, no 11.

(3740) Art. 279 CPC. Il a cependant été jugé que les juges du fond étaient en droit de s'approprier l'avis de l'expert, même si celui-ci
avait exprimé une opinion excédant les limites de sa mission : Civ. 3e, 5 mars 2003, Bull. civ. III, no 55, JCP G 2003, II, 10106, note
J. JUNILLON.

(3741) Art. 245 CPC. Par ailleurs, l'article 281 du Code de procédure civile dispose que, « si les parties viennent à se concilier, l'expert
constate que sa mission est devenue sans objet ; il en fait rapport au juge. Les parties peuvent demander au juge de donner force
exécutoire à l'acte exprimant leur accord. » Cependant, ce constat de l'expert ne fait pas foi de l'existence d'un accord, qu'il appartient au
juge de constater : Civ. 1re, 11 mars 2003, Bull. civ. I, no 71.

(3742) Art. 282 CPC.(3743) Art. 246 CPC, sous réserve des constatations de l'huissier de justice : v. supra, no 1126.

(3744) V. supra, no 321.

(3745) Cependant, le fait de reprendre les constatations et les conclusions du rapport de l'expert ne dispense le juge d'une plus ample
motivation sur ces points que si le rapport n'est pas discuté par les parties. Mais le juge doit répondre aux moyens des parties, y compris
en ce qu'ils critiquent le contenu du rapport. V. Soc., 18 mars 1960, Bull. civ. IV, no 284.

(3746) Civ. 3e, 25 mars 1971, Bull. civ. III, no 222. Par ailleurs, si le juge peut adopter ou rejeter les constatations, les analyses ainsi que
les conclusions de l'expert, il doit les adopter ou les rejeter telles qu'elles sont. Il ne saurait faire dire au rapport ce qu'il ne dit pas, sous
peine de dénaturation (sur laquelle, v. supra, no 845).

(3747) Il faut enfin signaler que l'article 284-1 du Code de procédure civile dispose que, « si l'expert le demande, une copie du jugement
rendu au vu de son avis lui est adressée ou remise par le greffier ».

(3748) Pour une illustration, v. Civ. 2e, 13 septembre 2012, nº 11-16216. Plus largement, v. A. ROBERT , « La responsabilité civile de
l’expert », D. 2013, 855.

(3749) Il a été indiqué que l'État n'a pas à se substituer au débiteur défaillant (supra, no 1127).

(3750) L'article 270 du Code de procédure civile ajoute que le greffier invite les parties qui en ont la charge, en leur rappelant les
dispositions de l'article 271 (sur lequel, v. au texte), à consigner la provision au greffe dans le délai et selon les modalités impartis.

(3751) Art. 280 CPC. Le législateur entend ne pas retarder à l'excès la rétribution d'un expert qui a déjà consacré beaucoup d'énergie à
sa mission.

(3752) L'article 271 dit improprement que c'est la « désignation » de l'expert qui est caduque.

(3753) Assez logiquement, cette caducité ne peut pas être invoquée par la partie à la charge de laquelle avait été mise l'obligation de
consigner la provision : Civ. 2e, 29 juin 1994, Bull. civ. II, no 176.
(3754) Sur ce point, l'article 271 du Code de procédure civile ne fait, là encore, que reprendre le principe général posé par l'article 11 du
même code.

(3755) Civ. 2e, 27 février 2014, nº 12-35439.

(3756) Le complément de provision ne sera donc pas toujours mis à la charge de la partie qui avait été conduite à verser la provision
initiale. Il est vrai que la poursuite de l'expertise ne va pas forcément dans son sens.

(3757) Art. 282, al. 5, CPC.

(3758) La rédaction actuelle de ce texte, issue principalement du décret du 28 décembre 1998, a été assez mal accueillie par les experts,
qui y ont vu une marque de défiance à leur égard et une pression supplémentaire peu compatible avec la sérénité nécessaire à
l'accomplissement de leur difficile mission. Il faut cependant reconnaître que, comme dans toute corporation, on trouve chez les experts
des gens moins diligents et consciencieux que d'autres. C'est à leur intention que le texte a été « durci ». Une fois de plus, ce sont tous
les membres d'un groupe qui supportent les conséquences des errements de quelques-uns.

(3759) Sous réserve d'un recours contre la décision fixant sa rémunération.(3760) Art. L. 1457-1 C. trav.(3761) Art. L. 492-5 C. rural.

(3762) Pour un exposé détaillé des cas de récusation des conseillers prud'homaux et des assesseurs du tribunal paritaire des baux ruraux,
v. I. P ÉTEL-TEYSSIÉ, « Incidents relatifs au personnel judiciaire », Droit et pratique de la procédure civile, Dalloz Action, éd. 2014/2015,
no 353.61 et s.

(3763) D'autres textes poursuivent le même objectif. Ainsi, l'article R. 111-4 COJ exclut de la formation de jugement tout juge dont le
conjoint (ou le partenaire de PACS) ou un parent ou allié jusqu'au troisième degré inclus représente ou assiste l'une des parties. Un
magistrat ne doit pas statuer sur un dossier dans lequel son conjoint, son frère ou son neveu intervient comme avocat...

(3764) Art 1456, al. 2 et 3 et 1473 CPC. Notons que la récusation d'un arbitre n'est pas possible lorsque la cause de récusation s'est
révélée antérieurement à sa désignation, parce qu'alors, les parties ont agi en connaissance de cause en désignant cette personne comme
arbitre. Elles seraient mal venues à contester ensuite un choix qu'elles ont effectué librement et de manière éclairée. Quant aux causes
de récusation des arbitres, la jurisprudence décidait, avant la réforme opérée par le décret no 2011-48 du 13 janvier 2011, que c'était, sauf
convention particulière, celles visées à l'article 341 du Code de procédure civile qui renvoie actuellement à l'article L. 111-6 du Code de
l'organisation judiciaire (v. Com., 29 octobre 1991, Bull. civ. IV, no 313). Le nouvel article 1456 précité donne à penser que la récusation
de l'arbitre peut désormais reposer sur tout défaut d'impartialité ou d'indépendance (en ce sens : J.-B. RACINE, « Le nouvel arbitre », in Le
nouveau droit français de l'arbitrage, dir Th. CLAY, Lextenso éditions, 2011, spéc. p. 121 et s.).

(3765) Art. 1456 CPC. Le juge d'appui est le président du tribunal de grande instance (art. 1459 CPC).

(3766) V. N. FRICERO, « L'impartialité de l'expert, un élément clef d'une expertise équitable », Mélanges D. Tricot, coéd. Dalloz et Litec,
2011, p. 355.

(3767) Et, dans ce cas, avant le dépôt du rapport d'expertise : Soc., 14 avril 1999, no 97-41073 ; Civ. 2e, 18 novembre 2010, no 09-13265.

(3768) Art. 342 CPC.

(3769) Civ. 2e, 8 janvier 2009, Bull. civ. II, no 12. En l'espèce, il s'agissait d'une demande de renvoi pour cause de suspicion légitime.

(3770) Art. 343 CPC. Cette exigence d'un pouvoir spécial s'explique, là encore, par la gravité d'un tel acte.(3771) Art. 344 CPC.

(3772) Art. 345 et 346 CPC.(3773) Art. 347 CPC.

(3774) V. Civ. 2e, 8 juillet 1999, Bull. civ. II, no 133 ; 28 juin 2001, ibid. no 126. Et si la demande de récusation vise un magistrat de la
Cour de cassation, elle est examinée par une chambre autre que celle à laquelle l'affaire est distribuée. C'est le premier président qui la
désigne (art. 1027 CPC).

(3775) Art. 349 CPC.

(3776) Civ. 2e, 26 juin 1996, Bull. civ. II, no 186 ; sur l'information relative à la date de l'audience : Civ. 2e, 10 juin 1998, ibid. no 179. En
revanche, « en l'absence de débat et de toute disposition en ce sens », le ministère public n'a pas à communiquer ses conclusions ni à les
mettre à la disposition des parties (v. not. Civ. 2e, 15 décembre 2005, no 04-17166).
(3777) Art. 354 CPC.(3778) Art. 353 CPC.

(3779) Et il est exclu qu'elle le devienne, ce qui a pour conséquence qu'elle ne peut effectuer une intervention volontaire : v. (à propos
d'un expert) Civ. 2e, 7 janvier 2010, no 08-19129.

(3780) Sur cette double impossibilité, v., à propos d'un expert, Civ. 2e, 24 juin 2004 (2 arrêts), JCP G 2004, II, 10141, note H. CROZE, RTD
civ. 2004, p. 555, obs. R. P ERROT . Sur l'irrecevabilité du pourvoi formé par un conseiller prud'homme récusé : Soc., 19 décembre 2003,
Bull. civ. V, no 320.

(3781) Soc., 21 novembre 2012, nº 11-22455, JCP S 2013, 1064, note I. P ÉTEL-TEYSSIÉ.(3782) Civ. 2e, 7 janvier 2010, no 08-19129 préc.

(3783) Pour une excellente étude de l'impartialité en procédure civile, v. J. NORMAND, « L'impartialité du juge en droit judiciaire privé
français », L'impartialité du juge et de l'arbitre. Étude de droit comparé, Bruylant, 2006, p. 63.

(3784) Civ. 1re, 28 avril 1998, Bull. civ. I, no 155, RTD civ. 1998, p. 744, obs. R. P ERROT . V. également Cass. soc., 18 novembre 1998,
Bull. civ. V, no 506. Et, à propos d'un expert : Civ. 2e, 5 décembre 2002, Bull. civ. II, no 275, Procédures 2003, no 37, note R. P ERROT .

(3785) Il arrive cependant que la Cour de cassation se prononce directement sur l’impartialité objective de juges du fond. Ex : Soc.,
24 juin 2014, nº 13-13609.

(3786) R. P ERROT , obs. préc., RTD civ. 1998, p. 746.

(3787) Civ. 2e, 6 mai 1999 (deux arrêts), Bull. civ. II, no 77 et 78, RGP 1999, p. 622, obs. G. WIEDERKEHR. Ces deux arrêts ne précisent
pas expressément que la récusation doit être demandée dès que la partie a connaissance de sa cause. Mais la référence expresse qu'ils
font, l'un et l'autre, à l'application de l'article 341 du Code de procédure civile implique que c'est la procédure de récusation, dans son
ensemble, qui est applicable (y compris l'article 342 relatif au moment où elle doit intervenir).

(3788) Cass. Ass. plén., 24 novembre 2000, Bull. Ass. plén., no 10, RTD civ. 2001, p. 192, obs. J. NORMAND, RTD civ. 2001, p. 204, obs.
R. P ERROT , Dr. et procéd. 2001, p. 109, obs. D. JACOTOT . V., depuis, not. : Civ. 3e, 18 novembre 2009, no 08-18029.

(3789) En faveur d'une telle analyse, v. J. NORMAND, obs. préc., p. 201.

(3790) En ce sens : B. BEIGNIER et C. BLÉRY, « L'impartialité du juge, entre apparence et réalité », D. 2001, p. 2427.

(3791) La Cour de cassation fait preuve d'un certain libéralisme pour décider si une partie pouvait ou non légitimement ignorer une cause
de récusation. Ainsi a-t-elle estimé que l'on ne saurait reprocher à un plaideur de n'avoir pas fait usage de la procédure de récusation dès
lors qu'en raison de l'ancienneté de l'affaire (plusieurs années séparaient les deux audiences) et de son changement d'avoué, il ne pouvait
avoir une connaissance suffisante du fait qu'un des magistrats avait précédemment connu de l'affaire : Civ. 2e, 12 juillet 2001, Dr. et
procéd. 2002, p. 36, obs. N. FRICERO.

(3792) V. art. 430 CPC. Ce texte permet à une partie de dénoncer la composition irrégulière de la juridiction jusqu'à l'ouverture des
débats, lors même que cette irrégularité lui aurait été révélée bien plus tôt. En présence d'un magistrat qui aurait « précédemment connu
de l'affaire comme juge », la partie a donc le choix entre demander la récusation, dès qu'elle a connaissance de cette circonstance (art.
L. 111-6, 5o, COJ et 342 CPC), ou demander la modification de la formation de jugement à l'ouverture des débats (art. 430 CPC). Sur ce
point, v. Civ. 2e, 10 septembre 2009, no 08-14004, JCP G 2009, 352, note E. P UTMAN. L'arrêt vise l'article 6-1o de la Convention
européenne des droits de l'homme, mais se fonde sur les conditions de l'article 430 CPC.

(3793) C'est le juge compétent pour résoudre les difficultés liées à la composition de la juridiction arbitrale.

(3794) Civ. 2e, 24 janvier 2002, no 00-01224 ; Douai, 4 mai 2011, Dr. et procéd. 2012, p. 128, obs. L. MONGIN-ARCHAMBEAUD.

(3795) Art. 356 CPC.

(3796) V. toutefois, infra, no 1150, l'influence des règles tirées de la Convention européenne des droits de l'homme sur ce point.

(3797) V. art. 342 et s. CPC.(3798) Art. 357 CPC.(3799) Civ. 2e, 9 juillet 1998, no 98-01036 ; 9 septembre 2010, no 09-65651.

(3800) L’article 358, alinéa 1er, CPC est mal rédigé : le président ne « renvoie » pas lui-même à une autre juridiction de même nature ;
comme l’indique l’alinéa 2, c’est le président de la juridiction supérieure qui la désignera.
(3801) Art. 358 CPC.

(3802) Mais la méconnaissance de ce délai d'un mois n'est assortie d'aucune sanction : Civ. 2e, 10 juin 2010, no 09-15445, Dr. et procéd.
2010, p. 267, obs. N. FRICERO.

(3803) Civ. 2e, 25 mars 1998, Bull. civ. II, no 111. Seul le requérant se voit reconnaître la qualité de partie à la procédure de récusation ou
de renvoi pour cause de suspicion légitime : Civ. 2e, 22 mars 2012, no 11-11476.

(3804) Civ. 2e, 10 juin 2010 préc., no 09-15445.

(3805) La demande de renvoi est donc irrecevable lorsqu'elle tend à faire écarter, non pas une juridiction bien précise, mais un type de
juridiction (ex : les tribunaux des affaires de sécurité sociale) : Civ. 2e, 15 avril 2010, no 09-13127, Procédures 2010, no 223, note
R. P ERROT .

(3806) Art. 360 CPC.(3807) Art. 363 CPC.

(3808) Art. 361, al. 1er CPC. C'est là une différence non négligeable avec la procédure de récusation, puisqu'en vertu de l'article 346
CPC, le juge visé par une demande de récusation doit s'abstenir jusqu'à ce qu'il ait été statué sur celle-ci.

(3809) Art. 361, al. 2 CPC.

(3810) Civ. 1re, 16 juillet 1991, no 89-19286. Tout aussi logiquement, l'ordonnance de clôture sera considérée comme automatiquement
révoquée, puisque la procédure y conduisant n'aurait, en fin de compte, pas dû se dérouler devant la juridiction en cause : v. Civ. 2e,
20 octobre 2011, no 10-21053.

(3811) Supra, no 1144.(3812) Civ. 1re, 31 mars 1998, Bull. civ. I, no 133.(3813) Civ. 2e, 15 mars 2012, no 11-01194.

(3814) Cf. I. P ÉTEL-TEYSSIÉ, « Incidents relatifs au personnel judiciaire », Droit et pratique de la procédure civile, Dalloz Action,
2014/2015, no 353.161 ; P. JULIEN et N. FRICERO, Droit judiciaire privé, LGDJ, 5e éd., 2014, no 592.

(3815) Art. 355, al. 2 et art. 364 CPC.

(3816) Le plus souvent les parties originaires sont au nombre de deux. Mais il arrive assez fréquemment que, dès le départ, l'instance
comprenne plus de deux plaideurs. Par exemple, plusieurs membres d'une même famille victimes d'un accident de la circulation
demandent ensemble réparation à l'auteur de l'accident. Inversement, le maître de l'ouvrage peut assigner dès le départ l'architecte, le
bureau d'études, le ou les entrepreneurs et éventuellement les fournisseurs de matériaux.

(3817) Si le droit judiciaire privé français n'a jamais admis, de façon générale, que le défaut du défendeur puisse être tenu pour un aveu
de sa part, on trouve parfois une application ponctuelle de cette idée. L'illustration la plus nette en est donnée par l'article 296 du Code de
procédure civile, aux termes duquel « lorsque la vérification d'écriture est demandée à titre principal, le juge tient l'écrit pour reconnu si le
défendeur cité à personne ne comparaît pas ».

(3818) La même distinction peut être opérée en appel entre la procédure avec ou sans représentation obligatoire (sur laquelle, v. supra,
no 772 et s.).

(3819) Le défendeur a intérêt à choisir la seconde branche de l'option dans tous les cas où il peut faire valoir des moyens suffisants pour
obtenir une décision qui sera dotée de l'autorité de la chose jugée, ce qui empêchera son adversaire de former une nouvelle demande par
la suite.

(3820) Le renvoi de l'affaire à une audience ultérieure suppose en pratique que le juge puisse penser que le défaut de comparution du
demandeur repose sur une cause légitime que celui-ci n'a pas pu faire connaître en temps utile.

(3821) Ex. : Civ. 2e, 10 mars 1988, Bull. civ. II, no 62 ; 4 juillet 2007, no 06-15933, Procédures 2007, no 237, note R. P ERROT .

(3822) Le jugement est qualifié de jugement contradictoire par l'article 468 du Code de procédure civile. Sur cette qualification, v. infra,
no 1164.

(3823) La Cour de cassation a jugé que la décision prononçant la caducité de la citation ne pouvait faire l'objet d'un appel : le demandeur
doit user du recours spécial en rétractation prévu à l'article 468 quitte à faire appel, ensuite, de la décision rejetant son recours (Civ. 2e,
17 juin 1998, Bull. civ. II, no 193, RTD civ. 1998, p. 743, obs. R. P ERROT ).
(3824) Peu importe que ce désintérêt soit lié à une volonté délibérée de ne pas comparaître ou à la négligence.

(3825) On verra en effet (infra, no 1165) que, lorsque la citation a été délivrée à personne, le jugement n'est jamais un jugement par
défaut.

(3826) V. supra, no 666, pour le conseil de prud'hommes et supra, no 778, pour la cour d'appel.

(3827) Ce sont les dispositions des articles 472 et 473 du Code de procédure civile. L'article 471 dispose encore que le juge peut, par
lettre simple, informer le défendeur des conséquences de son abstention.

(3828) Sur la qualification du jugement, v. infra, no 1164 et s.

(3829) Les trois adjectifs régulière, recevable et bien fondée font évidemment référence aux exceptions de procédure, aux fins de non-
recevoir et aux défenses au fond qui peuvent s'opposer au succès de la demande. L'obligation qu'a le juge d'examiner ces points doit être
combinée avec les règles déjà indiquées qui régissent les pouvoirs du juge. C'est ainsi que, même si le défendeur ne comparaît pas, le
juge n'a pas le pouvoir, dans la majorité des cas, de soulever d'office les exceptions de procédure. Il faut seulement réserver les cas où
un texte particulier prévoit que le défaut de comparution du défendeur confère ce pouvoir au juge, comme le font les articles 92 et 93 du
Code de procédure civile en matière de compétence (sur ces textes, v. supra, no 1027). Le juge ne peut pas davantage soulever les fins
de non-recevoir qui ne sont pas d'ordre public. Par ailleurs, pour les règles de droit substantiel, le juge ne peut pas fonder sa décision sur
des faits qui ne sont pas dans le débat, en application de l'article 7 CPC.

(3830) V., par exemple, Civ. 2e, 2 mars 1977, Bull. civ. II, no 59.

(3831) Ex. : Civ. 2e, 21 octobre 1982, Bull. civ. II, no 131. L'arrêt a été rendu, il est vrai, dans des circonstances un peu particulières. Il
s'agissait, en l'espèce, d'une demande en garantie formée devant les juges du premier degré à laquelle il avait été fait droit. Le garant fait
appel et le demandeur en garantie fait défaut en appel. Néanmoins, la cour confirme le jugement en vérifiant d'office le bien-fondé de
l'appel. L'article 472 n'a donc pas joué à propos d'une demande portant directement sur le droit substantiel, mais d'une demande de
réformation.

(3832) Sur l'identité de matière litigieuse, v. supra, no 354 et s. V., par exemple, Com., 15 novembre 1983, Bull. civ. IV, no 304, D. 1984,
I.R. 242, obs. P. JULIEN. En l'espèce, il s'agissait de demandes en comblement de passif formées contre deux dirigeants d'une même
société et qui reposaient au moins en partie sur les mêmes agissements dont on prétendait tirer des conséquences comparables au regard
des mêmes règles de droit.

(3833) La logique de l'article 474 reposait initialement sur l'utilité de faire en sorte que le jugement ayant le même objet à l'égard de tous
les défendeurs reçoive la même qualification à l'égard de chacun d'eux, pour qu'il soit susceptible du même recours à l'égard de tous. Il
n'est pas certain que les auteurs de la réforme de décembre 2005 aient conservé à l'esprit cet objectif (v. infra, no 1166).

(3834) En cas de défaut d'un défendeur unique, ce n'était et ce n'est encore qu'une simple faculté (v. art. 471 CPC).

(3835) Cette dernière règle n'est cependant pas absolue. L'article 475 du Code de procédure civile réserve le cas où « les circonstances
exigent qu'il soit statué à l'égard de certains d'entre eux seulement », en raison de l'urgence notamment. Sur la qualification du jugement
qui sera rendu, v. infra, no 1166.

(3836) Le défaut faute d'accomplir les actes de procédure était appelé autrefois défaut faute de conclure. Sa désignation actuelle est plus
exacte. Ce défaut se réfère à la disposition de l'article 2 du Code de procédure civile, qui dispose que les parties conduisent l'instance
sous les charges qui leur incombent. Ce texte ajoute qu'elles doivent « accomplir les actes de la procédure dans les formes et délais
requis ». Les charges qui leur incombent comprennent l'obligation de déposer les conclusions, mais aussi celle de communiquer les pièces
ou de participer à une comparution ou à une autre mesure d'instruction.

(3837) On notera en ce sens qu'à la différence de l'article 468 du Code de procédure civile, l'article 469 ne fait aucune référence à ce
que le juge pourrait décider d'office.

(3838) En pratique, il faut supposer que les parties cherchent à conclure une transaction qui mettrait fin au litige.

(3839) Sur la radiation, v. infra, no 1193 et s.


(3840) Cette solution est évidemment à relier avec les autres règles manifestant une certaine dévalorisation de l'instance au premier
degré, que l'on a rencontrées précédemment, comme la disparition de l'appel-nullité (supra, no 746) ou le règlement de l'incident de
compétence en appel lorsque le juge du premier degré a déjà statué au fond (supra, no 1048).

(3841) On suppose évidemment que les demandes formées contre eux avaient le même objet. Dans le cas inverse, la qualification du
jugement sera distributive, comme on l'a vu précédemment.

(3842) En effet, avant la réforme de 2005, le jugement était réputé contradictoire à l'égard de tous dès lors que l'un des défendeurs
comparaissait ou avait été cité à personne.

(3843) Civ. 2e, 4 septembre 2014, nº 13-16703.(3844) Sur l’article 613 CPC, v. supra, nº 815.

(3845) Il va de soi qu'il n'est question ici que du jugement auquel la loi confère la qualification de jugement par défaut et non du jugement
rendu à la suite du défaut d'une partie.

(3846) Il n'en va pas de même dans l'autre sens. Un jugement peut être susceptible d'appel et l'arrêt d'appel être susceptible d'opposition.

(3847) La règle (sur laquelle, v. supra, no 687) vaut aussi pour « le jugement réputé contradictoire au seul motif qu'il est susceptible
d'appel », c'est-à-dire celui qui a été rendu contre un défendeur défaillant qui n'avait pas été cité à personne.

(3848) Com., 20 février 2001, no 97-18491 ; Civ. 2e, 9 novembre 2006, no 05-18675, Procédures 2007, no 32, note R. P ERROT ; Civ. 3e,
20 juin 2007, no 06-12569.

(3849) Civ. 2e, 27 juin 2013, nº 11-23256, RTD civ. 2013, p. 667, obs. R. P ERROT .

(3850) Si l'on peut s'exprimer ainsi, la loi ne veut pas que le demandeur profite de l'ignorance dans laquelle est demeuré son adversaire
pour se fabriquer une bombe à retardement. À noter cependant que la Cour de cassation juge que l'article 478 n'est pas applicable aux
arrêts rendus par elle : Civ. 2e, 2 mars 2000, Bull. civ. II, no 37, JCP G 2000, II, no 10285, note A. P ERDRIAU, RTD civ. 2000, p. 637, obs.
R. P ERROT ; Civ. 3e, 13 octobre 2004, Bull. civ. III, no 172. Une telle solution est cohérente dès lors que l'instance en cassation est d'une
nature particulière et qu'il n'est pas possible de former opposition contre un arrêt de la haute Juridiction (article 622 CPC).

(3851) La situation du demandeur n'est pas pour autant inextricable : Il ne peut invoquer la caducité pour faire écarter l'autorité de chose
jugée de la décision non notifiée et engager une nouvelle action. Mais, s'il demande l'exécution de cette décision (après l'avoir fait
signifier tardivement), son adversaire non comparant pourra invoquer la caducité. Celle-ci étant constatée, le demandeur pourra alors
(et seulement alors) reprendre la procédure en réitérant la citation primitive, comme le permet l'article 478, alinéa 2, du Code de
procédure civile, à condition, toutefois, qu'il n'y ait ni prescription, ni forclusion. Sur ce point, précisons que l'interruption de la prescription
a pris fin au prononcé du jugement (art. 2242 C. civ.). Une fois la caducité rétroactive du jugement acquise, il faut donc considérer qu'un
nouveau délai de prescription a couru à partir de son prononcé.

(3852) Ex. : Civ. 2e, 23 septembre 2004, no 02-14200.

(3853) Lorsque l'appelant obtient d'être relevé de forclusion, il doit former appel dans le délai légal à compter de la décision du premier
président. S'il avait déjà formé un acte d'appel avant de demander le relevé de forclusion, il doit réitérer l'acte, le premier étant dénué de
valeur, compte tenu du moment où il a été effectué. V. Ass. plén., 20 novembre 1981, JCP 1982.II.19731, note Cl. GIVERDON, D.
1982.121, concl. J. CABANNES, note L. BOYER, RTD civ. 1982, p. 213, obs. R. P ERROT .

(3854) Il n'est pas certain qu'il soit toujours exact de définir l'intervention comme une demande. Nous verrons en effet (infra, no 1173)
que l'intervention accessoire se caractérise par le fait que l'intervenant n'élève aucune prétention à son profit, se contentant d'appuyer les
prétentions d'une partie.

(3855) Le placement d'une personne sous un régime d'incapacité est une cause d'interruption de l'instance en cours et appelle une « mise
en cause » du tuteur ou du curateur. V. infra, no 1187.

(3856) Pas plus qu'il n'y a intervention stricto sensu lorsque le ministère public « intervient » à l'audience en tant que partie jointe, pour
donner son avis sur un dossier.
(3857) Il arrive aussi qu'il y ait à la fois intervention au sens large et au sens strict. Ainsi, le liquidateur judiciaire d'un entrepreneur faisant
l'objet d'une procédure collective représente ce dernier dans le litige qui l'oppose à l'un de ses créanciers. Il y a donc intervention du
liquidateur au sens large, car en tant que représentant du débiteur, il n'introduit aucune demande personnelle. Mais, parallèlement, le
liquidateur a également pour fonction de défendre les intérêts de la collectivité des créanciers (il a, en quelque sorte, deux casquettes) et,
à ce titre, son but est d'obtenir que le droit du créancier en cause soit jugé inopposable à la procédure collective, alors que le but de ce
créancier est d'obtenir que son droit soit rendu opposable à celle-ci. Dans cette seconde fonction, le liquidateur est bien une nouvelle
partie au procès, qui agit personnellement pour le compte des autres créanciers (il défend leur « intérêt collectif » : v. art. L. 622-20
C. com.), à l'instar du mandataire judiciaire qui, dans le redressement judiciaire, va agir pour le compte d'autrui sans pour autant
représenter qui que ce soit (sur cette question, v. supra, no 92). À ce titre, il y a bien intervention stricto sensu : quand le liquidateur est
attrait devant la juridiction par le créancier demandeur, ce dernier lui adresse une demande en opposabilité de son droit (sur cette notion,
v. supra, no 73).

(3858) L'intervention dans le cadre d'une instance d'appel et de pourvoi en cassation est soumise à des règles particulières qui ont déjà
été indiquées (supra, no 767 et no 817).

(3859) En outre, devant le tribunal de grande instance, l'intervention forcée doit être formée avant l'ordonnance de clôture, en application
de l'article 783 du Code de procédure civile. Le droit positif est plus souple à l'égard de l'intervention volontaire (v. supra, no 626).

(3860) En revanche, une clause compromissoire ne met pas en jeu une règle de compétence territoriale. C'est pourquoi la Cour de
cassation a décidé que l'article 333 ne jouait pas pour une telle clause (v. Com., 8 novembre 1982, Bull. civ. IV, no 337, Gaz. Pal. 1983,
Pan. 99, obs. S. GUINCHARD). Elle juge également que l'article 333 CPC n'est pas applicable dans les litiges internationaux, lorsque le
garant invoque une clause attributive de compétence (ex : Com., 30 mars 1993, Bull. civ. IV, no 122 ; Civ. 1re, 12 mai 2004, Bull. civ. I,
no 129, Procédures 2004, no 146, note R. P ERROT , RTD civ. 2004, p. 553, obs R. P ERROT ).

(3861) Tant qu'elle existe (v. supra, no 968).

(3862) Sur ces règles applicables à toutes les demandes incidentes et non seulement aux demandes en intervention, V. supra, no 1009
et s.

(3863) S'agissant de demandes incidentes formées à l'encontre de parties à l'instance, les demandes en intervention volontaire principale
ou accessoire sont formées de la même manière que sont présentés les moyens de défense (art. 68 CPC).

(3864) La prétention est semblable, par son fondement et son objet, de celle formée par le demandeur originaire, mais néanmoins
différente, puisque ce n'est pas le même préjudice dont la réparation est demandée : l'intervenant volontaire fait valoir un autre droit de
créance, dont le sort est distinct de celui que fait valoir le demandeur originaire.

(3865) À l'inverse de l'exemple précédent, ici, le droit invoqué est le même. C'est le droit de propriété sur ce bien déterminé, qui est
nécessairement exclusif de tout autre. Pour trouver une situation comparable à celle de l'exemple précédent, il faut imaginer qu'à la suite
d'une première action en revendication formée par l'acheteur d'un lot, un second acheteur se joigne pour revendiquer la parcelle voisine
qui lui aurait été vendue par le même acte ou par un acte similaire.

(3866) V. supra, no 70.(3867) V. supra, no 78 et s.(3868) V. supra, no 81.

(3869) À titre d'illustration, v., par exemple, Civ. 1re, 31 janvier 1956, JCP 1956.II.9298, note A. B., D. 1956.589, note P. HÉBRAUD, pour
une intervention de l'ordre des avocats dans un litige opposant un assuré à son assureur sur la validité d'une clause du contrat limitant la
liberté de choisir son avocat.

(3870) Le fait que l'intervention accessoire soit plus largement ouverte que la demande ordinaire autorise-t-il une telle intervention pour
les actions attitrées ? On répond généralement de façon négative. Il faut cependant remarquer que la Cour de cassation a expressément
admis l'intervention accessoire d'un comité d'entreprise dans une instance dont l'objet était la révocation d'une donation pour cause
d'ingratitude (Civ. 1re, 8 mars 1988, Bull. civ. I, no 67). Un élargissement de cette solution pourrait renverser les digues qui empêchent
toutes sortes d'associations à l'idéologie forcenée de faire irruption dans les affaires de divorce ou de filiation.

(3871) Sur l'effet substantiel du jugement, v. supra, no 342. V., par exemple, Civ. 3e, 3 mai 1973, Bull. civ. III, no 306, pour une
intervention accessoire de porteurs de parts d'une SCI aux côtés de cette société qui avait intenté une action paulienne contre l'ancien
gérant.

(3872) V., par exemple, Req. 9 juillet 1934, Gaz. Pal. 1934.2.475, pour une intervention accessoire d'une mère intervenant aux côtés de
son fils majeur qui avait intenté une action en recherche de paternité naturelle.
(3873) Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité. La HALDE a été remplacée, en 2011, par le Défenseur des
droits.

(3874) Soc., 2 juin 2010, no 08-40628. Le droit accordé à la HALDE d'être entendue par les juridictions civiles, pénales ou
administratives, résultait de la loi no 2004-1486 du 30 décembre 2004 (art. 13 mod.), désormais abrogée.

(3875) Une prérogative similaire à celle dont disposait la HALDE a été instaurée au profit du Défenseur des droits, par la loi organique
no 2011-333 du 29 mars 2011 (art. 33).

(3876) V. supra, no 1090, en note, à propos du Conseil Supérieur du Notariat.

(3877) Mais il ne peut former de demande. S'il en formait une pour le compte de la partie originaire, elle serait irrecevable pour défaut de
qualité. L'extension de qualité qu'accorde l'article 330 du Code de procédure civile ne vaut que dans les limites de l'intervention
accessoire. Il est vrai qu'il peut former une demande pour son propre compte, mais alors son intervention est une intervention principale.

(3878) On affirme généralement que le jugement a autorité de la chose jugée à son égard. La solution n'est pas si évidente. On
remarquera d'abord que les auteurs ne citent aucun arrêt en ce sens. De notre côté, nous n'avons pu en trouver aucun. On cite, à titre
indirect, un arrêt qui aurait décidé qu'une intervention accessoire interrompait la prescription à l'encontre de l'intervenant accessoire, ce
qui montrerait que, d'une certaine façon, le jugement aurait un effet substantiel à son égard. En réalité, dans l'affaire citée, l'intervention
n'était pas accessoire, mais principale (Civ. 1re, 17 décembre 1958, Bull. civ. I, no 569). Quels arguments peut-on avancer dans un sens
ou dans l'autre ? D'un côté, il est vrai que l'intervenant accessoire peut proposer des moyens différents de ceux que propose la partie
principale. N'est-il pas juste que ce que va décider le juge sur ces moyens, comme sur les autres, soit pourvu à l'égard de l'intervenant, de
l'autorité de la chose jugée ? D'un autre côté, cependant, il n'est pas normal qu'un jugement soit doté de cette autorité à l'égard d'une
personne qui ne peut pas exercer contre lui une voie de recours. Si, malgré tout, la Cour de cassation vient à décider que le jugement a
vraiment autorité de la chose jugée contre l'intervenant accessoire, cela constitue pour lui un véritable piège et il faut dissuader les
particuliers d'y avoir recours.

(3879) Com., 8 décembre 1980, Bull. civ. IV, no 411 ; Civ. 1re, 17 mars 1993, Bull. civ. I, no 114.

(3880) Les diverses expressions peuvent être utilisées de façon indifférente, sauf peut-être à éviter la dernière lorsque l'intervention
forcée est formée en appel : il n'est pas très heureux de parler d'appel en cause en cause d'appel.

(3881) Sur l'inexactitude d'un tel rapprochement, v. infra, no 1181.

(3882) Ce n'est là que l'application à la demande en intervention des principes directeurs du procès. Les parties disposent du monopole de
l'introduction de l'instance et de la détermination de leurs prétentions (v. supra, no 268 et no 269).

(3883) Ce n'est qu'en matière gracieuse que le juge peut ordonner la mise en cause d'un tiers, comme le prévoit le second alinéa de
l'article 332 du Code de procédure civile, ou encore dans des cas particuliers prévus par la loi : v. ainsi l'article 552 CPC.

(3884) Sur l'opposabilité des mesures d'instruction à ceux qui n'y ont pas participé, v. supra, no 1100.

(3885) Ne serait-ce qu'en raison de la règle de compétence territoriale posée par l'article 333 du Code de procédure civile, qui permet au
demandeur en garantie d'éviter d'avoir à agir devant le tribunal du lieu où demeure le défendeur.

(3886) Selon l'angle sous lequel les personnes sont envisagées, chacune des parties peut être désignée de plusieurs façons : le défendeur
originaire est en même temps le demandeur en garantie et le garanti ; le tiers le défendeur en garantie et le garant. Il n'y a que le
demandeur originaire qui soit toujours le demandeur originaire.

(3887) La preuve en est que, si pour une raison ou pour une autre, l'assureur ne doit pas sa garantie, l'auteur de l'accident devra
indemniser la victime sur sa fortune personnelle. Les explications concernant l'exemple ne tiennent pas compte de l'action directe que la
loi donne à la victime contre l'assureur et dont le jeu modifie évidemment les données de la situation : si elle utilise l'action directe, la
victime agit elle-même contre l'assureur, soit dès le début du procès, soit en cours de procès en formant une demande en intervention
forcée qui n'est pas un appel en garantie.

(3888) La seule obligation qui pèse sur le défendeur est l'obligation négative qui pèse sur chacun à l'égard du titulaire du droit réel et qui
oblige à laisser le bien à la disposition du propriétaire.
(3889) La recevabilité de l'intervention accessoire de l'ancien défendeur n'est pas contestable. On peut cependant se demander si une
telle attitude est opportune, compte tenu de ce que le jugement à intervenir peut être exécuté contre lui (v. infra, au texte). Dès lors, il est
préférable pour lui soit de se retirer complètement pour ne plus avoir les soucis du procès, soit d'y rester comme partie au sens plein du
terme. En se retirant, puis en formant une intervention accessoire, le défendeur originaire garde les soucis du procès et se prive des voies
de recours.

(3890) Sur la notion d'action déclaratoire, v. supra, no 70.

(3891) Les adversaires naturels du demandeur sont bien les héritiers du testateur, puisqu'ils auraient qualité à agir en révocation du legs,
en cas d'inexécution des charges.

(3892) Ce recours suppose cependant qu'une fraude soit imputable au légataire : art. 900-6 C. civ.(3893) V. supra, no 74.

(3894) Comme pour toute action déclaratoire, l'utilité de l'intervention aux fins de jugement commun peut présenter deux visages
différents. Le demandeur à l'intervention peut d'abord, comme dans l'action déclaratoire pure, souhaiter qu'il soit jugé que, le jour où les
circonstances le permettront, il pourra faire jouer l'effet juridique de la règle à l'égard du tiers. Il peut aussi craindre que le tiers ne
prétende faire jouer à son encontre la règle de droit qui fait l'objet du litige entre les parties originaires. La demande en intervention prend
alors un aspect préventif (v. supra, no 71).

(3895) L'article 332 du Code de procédure civile ne fait aucune distinction entre l'intervention aux fins de condamnation et l'intervention
aux fins de jugement commun. Dans un cas comme dans l'autre, le juge ne peut en principe qu'inviter les parties à mettre un tiers en
cause. Toutefois, le caractère purement déclaratoire de l'intervention aux fins de jugement commun fait que l'on peut envisager plus
facilement une exception à ce principe, puisque le juge n'aura pas à se substituer à l'une des parties pour déterminer l'effet juridique
concret de la règle de droit que la partie est en droit de solliciter. Ainsi, aux termes de l'article 324, alinéa 2, du Code civil, en matière de
filiation, « les juges peuvent d'office ordonner que soient mis en cause tous les intéressés auxquels ils estiment que le jugement doit être
rendu commun ».

(3896) V. Civ. 2e, 19 mai 1980, Bull. civ. II, no 118, Gaz. Pal. 1980.622, note J. VIATTE, D. 1982, I.R. 169, obs. P. JULIEN, RTD civ. 1981,
p. 211, obs. R. P ERROT . Le début des débats oraux est le moment où, à l'audience des plaidoiries, l'affaire en question commence à être
débattue, c'est-à-dire le moment où la parole est donnée à l'une des parties ou à son conseil (ou encore au moment où le président donne
la parole au juge rapporteur pour qu'il donne lecture de son rapport).

(3897) Sans être tout à fait exceptionnelles, les affaires prud'homales ou de baux ruraux concernant les mineurs demeurent assez rares.

(3898) En revanche, lorsque la représentation n'est pas obligatoire, l'instance n'est pas interrompue, puisque les parties peuvent se
défendre elles-mêmes. Il est bien certain que, même lorsque la représentation n'est pas obligatoire, le décès soudain de l'avocat en plein
procès est de nature à perturber sérieusement le plaideur et qu'il lui faut sans doute quelque temps de répit. Ce répit devra être demandé
au juge sous la forme d'un sursis à statuer (sur lequel v. infra, no 1191).

(3899) V. supra, no 207.

(3900) C'était déjà le parti pris par la Cour de cassation, avant la réforme du droit des procédures collectives par la loi no 2005-845 du
26 juillet 2005. Jusqu'alors, les articles L. 621-40 et L. 621-41 (désormais abrogés) du Code de commerce parlaient de suspension. Mais,
pour la Cour, cette « suspension » était, au sens procédural, une interruption d'instance et non une suspension : Com., 29 octobre 1991,
Bull. civ. IV, no 319 ; Com., 22 juin 1993, ibid. no 260.

(3901) Sur le cas où le droit (et non l'action, comme l'indique à tort l'article 370 du Code de procédure civile) est intransmissible, v. infra,
no 1200.

(3902) Ex. : Com., 21 octobre 2008, no 07-19.102, RTD civ. 2009, p. 363, obs. Ph. THÉRY. Selon la Cour, « en sa qualité d'ayant cause
universel de la société absorbée, la société absorbante acquiert de plein droit, à la date d'effet de la fusion, la qualité de partie aux
instances antérieurement engagées par la société absorbée ». V. aussi, dans le cas d'un apport partiel d'actif selon le régime des
scissions : Civ. 2e, 7 janvier 2010, no 08-18619, JCP G 2010, 349, note J.-J. BARBIÉRI.

(3903) Le terme d'incapable ne désigne ordinairement que les personnes physiques. Cependant, les personnes morales sont elles aussi
des incapables en ce sens qu'elles ne peuvent rien faire sans leur représentant. La cessation des fonctions du représentant légal d'une
personne morale soulève à peu près les mêmes difficultés. De lege ferenda, il serait sans doute opportun d'élargir ce cas d'interruption
de l'instance, mais, de lege lata, il paraît difficile de l'appliquer aux personnes morales.
(3904) Il est parfois délicat de parler de la reprise d'instance parce que le même mot désigne à la fois l'acte de procédure et l'effet qui s'y
attache.

(3905) À noter que l'on peut, dans un même jeu de conclusions, procéder à la notification de la cause d'interruption à l'adversaire et
procéder à la reprise volontaire de l'instance : Civ. 1re, 6 mars 2001, Bull. civ. I, no 59.

(3906) L'article 375 du Code de procédure civile ajoute que, « si la partie citée en reprise d'instance ne comparaît pas, il est procédé
comme il est dit aux articles 471 et suivants », qui régissent la procédure par défaut. Sur ces dispositions, v. supra, no 1158 et s.

(3907) Ex. : Civ. 1re, 28 mars 2012, no 10-30713, à propos de cohéritiers assignant l'un d'eux en reprise d'une instance engagée par le
défunt contre un tiers.

(3908) Sur l'influence qu'exercent l'interruption de l'instance et la radiation sur le délai de péremption, v. infra, no 1206.

(3909) Sur cette règle, v. supra, no 746. L'adversaire de celui pour qui joue l'interruption est placé dans une situation délicate, s'il
découvre après le jugement que l'instance s'est trouvée interrompue et donc que le jugement est non avenu. S'il a obtenu entière
satisfaction, on doit lui conseiller de citer son adversaire en reprise d'instance, car il est à peu près certain que l'ancien mineur, par
exemple, se prévaudra de la cause d'interruption. En cas de succès partiel, il est plus difficile de déterminer quelle attitude adopter. Tout
dépend en effet de l'appréciation que son adversaire portera sur le jugement : il peut, à son choix, le ratifier ou en opposer le caractère
non avenu. Face à ce dilemme, le mieux est sans doute de le citer en reprise d'instance et de former appel, pour le forcer à choisir.

(3910) Art. 381 CPC.(3911) Art. 382 CPC.(3912) V. supra, no 157.

(3913) Civ. 1re, 19 juin 1985, Bull. civ. I, no 200, D. 1985.426, rapp. P. SARGOS, Gaz. Pal. 1986, somm. 92, obs. S. GUINCHARD et
T. MOUSSA ; Civ. 1re, 19 avril 1988, Bull. civ. I, no 113 ; Soc., 11 mai 2001, Bull. civ. V, no 163.

(3914) Soc., 22 novembre 1978, Bull. civ. V, no 787, à propos d'une question préjudicielle pénale.

(3915) Pour autant, nous ne pouvons approuver la qualification d'exception de procédure retenue par un arrêt dans un cas où une partie
soulevait l'illégalité d'un décret et sollicitait, en conséquence, un « sursis à statuer » (Civ. 2e, 1er octobre 2009, no 08-14135). Le moyen tiré
de l'illégalité du décret est un moyen de fond (et non de procédure) et la suspension de l'instance s'impose au juge dès lors que ce moyen
de fond est recevable. On ne voit pas, ici, une « exception de procédure » qui devrait être soulevée avant toute nouvelle défense au fond
ou fin de non-recevoir.

(3916) Com., 22 février 1983, Bull. civ. IV, no 75 ; Civ. 1re, 16 juin 1987, Bull. civ. I, no 196 ; Civ. 2e, 24 novembre 1993, Bull. civ. II,
no 338.

(3917) Civ. 1re, 4 octobre 1983, Bull. civ. I, no 216.

(3918) Art 537 CPC. On trouve cependant, retenant la qualification de mesure d'administration judiciaire, un arrêt de la chambre sociale
de la Cour de cassation (Soc., 3 février 1986, Bull. civ. V, no 3) qui est doublement critiquable. Non seulement, de façon générale, le
sursis à statuer n'est pas une mesure d'administration judiciaire, mais encore, en l'espèce, il ne s'agissait pas d'une vraie décision de sursis
à statuer (facultative) : le juge était saisi d'une demande de suspension de l'instance en raison de l'existence d'une question préjudicielle
pénale. Cette seconde erreur est extrêmement courante, les praticiens parlant très souvent de « sursis à statuer » pour désigner des cas
légaux de suspension de l'instance.

(3919) La disposition de l'article 379 du Code de procédure civile illustre bien la nécessité de distinguer les cas de suspension légaux du
sursis à statuer qui est facultatif. Le juge peut modifier librement le délai qu'il a accordé dans le second cas, mais on ne peut pas
envisager que le juge décide de révoquer sa décision de surseoir à statuer motivée par l'existence d'une question préjudicielle pénale au
motif que la juridiction pénale met trop de temps à rendre sa décision.

(3920) V. supra, no 1134.

(3921) Et non à compter de sa notification, comme c'est généralement le cas. Cependant, la Cour de cassation décide que le délai pour
saisir le premier président ne peut commencer à courir qu'autant que la décision a été prononcée en présence des parties ou que la date à
laquelle celle-ci devait être rendue a été portée à leur connaissance : Civ. 2e, 30 septembre 1998, Bull. civ. II, no 252 ; à rappr. : Civ. 2e,
16 juillet 1992, Bull. civ. II, no 214. Pour une solution similaire en matière de contredit, v. supra, no 1039.
(3923) L'appel ne porte en principe que sur la question du sursis à statuer, mais il a déjà été indiqué que la Cour de cassation permet à la
cour d'appel d'évoquer l'ensemble de l'affaire et donc de statuer sur le fond. V. supra, no 756.

(3924) Civ. 2e, 13 février 2003, Bull. civ. II, no 35, JCP G 2003, II, 10074, note H. CROZE et J. JUNILLON, Procédures 2003, no 87, note
R. P ERROT .

(3925) L'une des rares hypothèses à laquelle on puisse penser est celle où le juge (statuant en dernier ressort) déciderait de surseoir à
statuer sans indiquer dans sa décision au bout de combien de temps ou à la survenance de quel événement l'instance doit reprendre. Pour
un autre exemple, v. Com., 26 juin 1990, Bull. civ. IV, no 194.

(3926) V. supra, no 816.

(3927) En ce sens : Soc., 1er février 1989, Bull. civ. V, no 87 ; Civ. 2e, 6 mars 1991, Bull. civ. II, no 73. La seconde décision pourrait, en
première lecture, donner à penser que la Cour de cassation adopte le point de vue inverse. Tel n'est, en réalité, pas le cas. En effet, la
Cour prend soin, après avoir énoncé la règle de l'article 608 CPC, de rappeler que la décision de sursis à statuer rendue en dernier
ressort peut être attaquée par la voie du pourvoi en cassation pour violation de la règle de droit et elle précise qu'en l'espèce, la décision
de surseoir à statuer n'était pas critiquée (par le pourvoi). Si le pourvoi est déclaré irrecevable, c'est parce qu'il ne contestait l'arrêt que
sur son contenu relatif à une fin de non-recevoir et une exception de procédure.

(3928) V. supra, no 1162 et no 593.(3929) V. supra, no 1045.(3930) V. supra, no 1042.(3931) V. supra, no 539 et 881 et s.

(3932) V. supra, no 1188.

(3933) La décision de retrait du rôle peut être analysée comme un simple donné acte d'une décision qui, en réalité, est prise par les
parties elles-mêmes.

(3934) Mais la demande peut également reposer sur des considérations très différentes, voire totalement étrangères aux parties elles-
mêmes. Il a ainsi été jugé qu'une demande de retrait du rôle pouvait être motivée par un mouvement de grève des représentants des
parties : Civ. 2e, 17 février 2011, no 10-14863, Procédures 2011, no 165, note R. P ERROT .

(3935) Civ. 2e, 17 février 2011, no 10-14863 préc.

(3936) En ce sens : R. P ERROT , RTD civ. 2009, p. 574 ; J. THÉRON, « Mesure d'administration judiciaire, proposition d'un critère de
qualification », D. 2010, p. 2246 et s., spéc. p. 2252.

(3937) Civ. 2e, 18 juin 2009, no 08-15424, Dr. et procéd. 2009, p. 349, obs. M. DOUCHY-OUDOT , RTD civ. 2009, p. 574, obs. R. P ERROT .

(3938) Civ. 2e, 21 janvier 1981, Bull. civ. II, no 14, RTD civ. 1982, p. 469, obs. R. P ERROT .

(3939) On verra (infra, no 1206) que la radiation fait courir le délai de péremption.(3940) V. supra, no 45 et s.(3941) V. supra, no 59.

(3942) V. supra, no 148.(3943) Il est d'ailleurs régi par les articles 2044 à 2058 du Code civil.(3944) V. supra, no 127.

(3945) En cas de décès du titulaire d'un droit intransmissible, la décision de dessaisissement ne signifie pas seulement que le juge renonce
à statuer dans l'instance qui lui est soumise. Le jugement constate l'extinction du droit lui-même. Il en résulte qu'en cas de décès en
cause d'appel, c'est tout le procès qui s'écroule. Il n'en subsiste rien, pas même les jugements qui avaient pu être rendus en première
instance. La Cour de cassation a cependant statué en sens contraire, dans une affaire antérieure, il est vrai, au Code actuel. V. Civ. 1re,
4 février 1981, Bull. civ. I, no 44, Gaz. Pal. 1981.577, note J. VIATTE. En l'espèce, il s'agissait d'une demande en révocation d'une
adoption, que le juge du premier degré avait déjà prononcée et qui était pendante en appel au moment du décès de l'adoptant. Il n'est sans
doute pas immoral que la Cour de cassation ait dit que le jugement du premier degré produirait effet, mais c'était juridiquement infondé.
Depuis l'entrée en vigueur de l'actuel Code de procédure civile, la Cour de cassation a eu de nouveau l'occasion de statuer sur cette
question. Elle a décidé que « l'action en révocation, si elle est personnelle à l'adoptant et à l'adopté, peut, lorsqu'elle a été intentée par eux,
être poursuivie par leurs héritiers » (Civ. 1re, 21 juin, 1989, Bull. civ. I, no 249. À rappr., en matière de placement d'un majeur sous un
régime d'incapacité : Civ. 1re, 14 février 1995, Bull. civ. I, no 82). Le droit de révoquer l'adoption (et non l'action, bien sûr) entre
désormais dans la catégorie des droits personnels que la demande en justice rend transmissibles. Pour le processualiste, cette décision est
d'une parfaite orthodoxie.
(3946) Il est assez difficile de distinguer les notions de conciliation et de médiation. Sur le fond, les différences de nature qui séparent ces
modes alternatifs de règlement des conflits sont malaisées à percevoir. Seules les procédures applicables permettent de les distinguer
clairement l'une de l'autre. En substance, on considère classiquement que si la conciliation peut être effectuée par le juge ou par un
conciliateur, la médiation l'est forcément par un tiers (le médiateur). La difficulté est renforcée par l'article 21 de la loi du 8 février 1995
(issu de l'ordonnance no 2011-1540 du 16 novembre 2011) donnant de la médiation une définition très large qui englobe clairement la
conciliation (v. aussi art. 1530 CPC). Sur la conciliation et la médiation, v. P. JULIEN et N. FRICERO, Droit judiciaire privé, LGDJ, 5e éd.,
2014, no 1006 et s. ; H. CROZE, Procédure civile, LexisNexis, 5e éd., 2014, no 39 et s. ; D. D'AMBRA, « Conciliation et médiation – Droit
interne », Droit et pratique de la procédure civile, Dalloz Action, 2014/2015, no 325.00 et s. ; E. et M. BROCHIER, « Pour une
clarification des procédures de médiation et de conciliation dans le code de procédure civile », D. 2015, 389. V. aussi L. CADIET ,
E. JEULAND et Th. CLAY (dir.), Médiation et arbitrage, Litec, 2005.

(3947) Bien sûr, les parties à un litige peuvent aussi régler leur différend dans le cadre d'une médiation ou d'une conciliation
conventionnelles (sur lesquelles, v. art. 1530 et s. CPC issus du décret no 2012-66 du 20 janvier 2012), avant toute instance judiciaire,
mais alors l'article 384 CPC est hors de propos, précisément parce qu'il n'y a pas d'instance qui pourrait s'éteindre.

(3948) Sur la phase de conciliation en matière prud'homale, v. supra, no 664.(3949) Art. 129 CPC.(3950) Art. 129-2 CPC.

(3951) Il faut signaler ici la convention de procédure participative (infra, no 1203), car elle rappelle la conciliation et la médiation.
Cependant, la procédure participative n'est possible que dans le cas d'un « différend qui n'a pas encore donné lieu à la saisine d'un juge
ou d'un arbitre » (art. 2062 C. civ.) et, tant qu'elle est en cours, elle « rend irrecevable tout recours au juge », sauf inexécution par une
des parties (art. 2065 C. civ.). L'accord éventuellement obtenu au terme de cette procédure amiable n'est donc pas susceptible d'éteindre
une instance déjà engagée.

(3952) Sur le caractère incompréhensible de cette précision, v. supra, no 647, en note.(3953) Art. 2044 et s. C. civ.

(3954) L. no 2010-1609 du 22 décembre 2010. V. art. 2062 et s. C. civ. et art. 1542 et s. CPC. Sur cette procédure : B. P ONS, Contrat de
transaction. Solutions transactionnelles, Dalloz Action 2014, nº 313.00 et s.

(3955) Art. 2062 C. civ.(3956) Art. 1567 CPC.(3957) Art. 1565 CPC.

(3958) Sur laquelle, v. B. BOVAL, « Observations sur la péremption d'instance », in La réforme de la procédure d'appel (dir. L. CADIET et
D. LORIFERNE), actes des « Rencontres de procédure civile » du 10 décembre 2010, IRJS Éditions, 2011, p. 85.

(3959) Ex. : Dans une procédure en contestation d'honoraires d'avocats, v. Civ. 2e, 16 octobre 2003, Bull. civ. II, no 310, Procédures
2003, no 250, note R. P ERROT ; 12 juillet 2007, no 05-14655, Procédures 2007, no 240, note R. P ERROT . V. également Com., 10 janvier
2006, no 03-14923, JCP G 2006, II, 10080, note D. CHOLET : Selon cet arrêt (dont la motivation est par ailleurs très discutable), une
procédure collective ne peut être atteinte par la péremption. À rappr. : Com., 7 juillet 2009, no 07-14455, Procédures 2009, no 324, note
B. ROLLAND.

(3960) La même disposition se retrouve devant le tribunal des affaires de sécurité sociale (art. R. 142-22 du Code de la sécurité sociale).
En matière prud'homale, la Cour de cassation a cependant précisé que ne constituaient pas des diligences expressément mises à la
charge des parties par la juridiction, « les indications relatives à la fixation des délais données aux parties par le bureau de conciliation en
application de l'article R. 1454-18 du Code du travail » (Soc., 29 septembre 2010, no 09-40741, Procédures 2010, no 399, note
R. P ERROT ). La solution est difficilement compréhensible, eu égard à la nature juridictionnelle du bureau de conciliation.

(3961) Civ. 2e, 17 mars 1986, Bull. civ. II, no 43, Gaz. Pal. 1986.425, note E. du RUSQUEC, RTD civ. 1986, p. 639, obs. R. P ERROT . En
l'espèce, c'était le délibéré qui avait duré plus de deux ans.

(3962) Civ. 2e, 12 février 2004, Bull. civ. II, no 61, Procédures 2004, no 50, note R. P ERROT ; 28 juin 2006, no 04-17992, RTD civ. 2006,
p. 822, obs. R. P ERROT . Jusqu'en 2004, elle jugeait en sens contraire (ex : Civ. 2e, 9 novembre 2000, Bull. civ. II, no 150, Dr. et procéd.
2001, p. 114, obs. Y. DESDEVISES).

(3963) On regrette que ce bon sens ne prévale pas toujours. Il a ainsi été jugé que la seule comparution à une audience au cours de
laquelle l'examen de l'affaire est renvoyé pour permettre à l’adversaire de conclure ne constituait pas, par elle-même, une diligence
suffisante, alors même que la procédure étant orale, les parties n’étaient pas tenues de déposer des conclusions écrites ! : Civ. 2e,
25 septembre 2014, nº 13-19583.

(3964) M. P ERROT (RTD civ. 1996, p. 704) avait très justement parlé de « gesticulations formelles ».
(3965) Civ. 2e, 15 janvier 2009, no 07-22074, RTD civ. 2009, p. 365, obs. R. P ERROT . Cet arrêt revient sur la solution inverse qui avait été
retenue par Civ. 2e, 6 juillet 2000, no 98-17893.

(3966) Par exception, la Cour de cassation admet que le délai de péremption peut être interrompu par des actes se rapportant à une autre
instance, lorsqu'il existe entre les deux instances un lien de dépendance direct et nécessaire, comme entre une instance en référé et une
instance au principal (Civ. 2e, 12 juin 1985, Gaz. Pal. 1985, Pan. 363, obs. S. GUINCHARD et T. MOUSSA) ou entre une instance devant le
juge du premier degré et une instance d'appel portant sur un des éléments tranchés par le juge du premier degré (Civ. 2e, 8 décembre
1977, Gaz. Pal. 1978, Pan. 77, RTD civ. 1978, p. 733, obs. R. P ERROT ). V. aussi Civ. 2e, 11 juillet 2013, nº 12-15994.

(3967) Civ. 3e, 20 décembre 1994, Bull. civ. III, no 227.(3968) Civ. 3e, 29 octobre 1979, Bull. civ. III, no 191.

(3969) Civ. 2e, 3 juin 1999, Bull. civ. II, no 109, RTD civ. 1999, p. 695, obs. R. P ERROT ; Civ. 1re, 14 février 2006, no 05-14757, Procédures
2006, no 71, note R. P ERROT .

(3970) Ex : Civ. 2e, 29 janvier 2015, nº 13-21675, RLDC 2015, p. 68, note L. RASCHEL.

(3971) Civ. 2e, 17 mars 1982, Bull. civ. II, no 46, Gaz. Pal. 1982.405, note J. VIATTE, RTD civ. 1983, p. 195, obs. R. P ERROT .

(3972) Ex. : sont inefficaces des conclusions dans lesquelles l'appelant se borne à demander qu'il lui soit donné acte de ce qu'il entend
« suivre sur son appel » (c'est-à-dire poursuivre la procédure) et déclare que lesdites conclusions sont interruptives de la péremption :
Civ. 2e, 13 novembre 1996, Bull. civ. II, no 250. De même, ne constitue pas une diligence interruptive du délai de péremption une simple
demande de renvoi, même sollicitée par toutes les parties (Civ. 2e, 17 juin 1998, Bull. civ. II, no 198), contrairement à une demande de
renvoi motivée par l'intention du demandeur d'étudier un élément de droit étranger applicable au litige (Civ. 2e, 18 janvier 2007, no 06-
11610, Procédures 2007, no 80, note R. P ERROT ).

(3973) R. P ERROT , obs. sous Civ. 2e, 8 novembre 2001, Procédures 2002, no 3.(3974) Ex : Civ. 2e, 28 juin 2012, nº 11-17873.

(3975) Soc., 28 février 2012, no 10-26562, Procédures 2012, no 150, note A. BUGADA. Sur l'article R. 1452-8 du Code du travail, v. supra,
au texte.

(3976) Littéralement, l'article 392 vise la suspension de l'instance qui « n'a lieu que pour un temps ou jusqu'à la survenance d'un
événement déterminé », ce qui correspond exactement au sursis à statuer et aux cas légaux de suspension de l'instance (v. supra,
no 1190 et s.).

(3977) Et non pas à compter de la connaissance qu'ont les parties de la réalisation de cet événement : Civ. 2e, 15 septembre 2005,
Bull. civ. II, no 219, Procédures 2005, no 271, RTD civ. 2005, p. 823, notes R. P ERROT .

(3978) Toutefois, la radiation ou le retrait du rôle est sans effet sur l'interruption du délai de péremption découlant du prononcé antérieur
d'un sursis à statuer jusqu'à un certain événement : Civ. 2e, 18 décembre 2008, no 07-21140, D. 2009, p. 536, note Ch.-P. LOUBIÈRE,
Procédures 2009, no 73, note R. P ERROT .

(3979) Ex. : Civ. 2e, 16 mars 2000, Bull. civ. II, no 47.(3980) V. art. 383, al. 2 CPC.

(3981) Ex. : Civ. 1re, 9 décembre 1992, Bull. civ. I, no 308 ; Civ. 2e, 10 mars 2005, Bull. civ. II, no 63.

(3982) Sur l'article 369 CPC, v. supra, no 1186.

(3983) Mais, contra : Civ. 2e, 28 juin 2006, no 04-16316, Act. proc. coll. 2006, no 192, obs. P. CAGNOLI. De manière extrêmement
discutable, cet arrêt semble considérer que la péremption peut être invoquée par la partie soumise au redressement judiciaire dont le
prononcé a interrompu l'instance (donc le délai de péremption), mais qu'elle ne pourrait l'être par son adversaire, l'interruption d'instance
n'étant pas intervenue au profit de ce dernier. Ceci reviendrait à instaurer des délais de péremption dont les points de départ seraient
différents, à l'égard des deux parties à une même relation...

(3984) V. Civ. 3e, 12 mai 1999, Bull. civ. III, no 114, RTD civ. 1999, p. 696, obs. R. P ERROT . V. aussi (à propos d'une interruption par
notification du décès d'une partie) : Civ. 2e, 4 février 1999, Bull. civ. II, no 23.

(3985) La Cour de cassation en déduit, sans doute de manière excessive, que le juge « ne peut retenir un temps de péremption qui n'est
pas invoqué par les parties » (alors même que l'une d'elles invoque la péremption) : V. not. Civ. 2e, 24 janvier 2008, no 06-19022,
Procédures 2008, no 102, note R. P ERROT .
(3986) Bien entendu, l'acte tendant à faire constater la péremption n'est pas une diligence qui couvrirait la péremption elle-même (Civ. 2e,
2 décembre 1982, Bull. civ. II, no 159, D. 1983, I.R. 398, obs. P. JULIEN).

(3987) V., par exemple, Civ. 2e, 17 mars 1982, Bull. civ. II, no 46, Gaz. Pal. 1982.405, note J. VIATTE, RTD civ. 1983, p. 195, obs.
R. P ERROT .

(3988) Cette irrecevabilité doit être relevée d'office : Civ. 2e, 31 janvier 1996, Bull. civ. II, no 28 ; 8 avril 2004, ibid. no 186.

(3989) À ceci près qu'elle doit être soulevée « avant tout autre moyen » et non pas simultanément avec les autres exceptions de
procédure (comp. art. 388 et 74 CPC).

(3990) Mais les ordonnances du juge de la mise en état intervenues au cours de l'instance périmée, lorsqu'elles n'ont pas autorité de la
chose jugée au principal, sont elles-mêmes atteintes par cette péremption : V. Civ. 1re, 26 novembre 1996, Bull. civ. I, no 422 ; Civ. 2e,
23 septembre 1998, Bull. civ. II, no 245, à propos de décisions accordant des provisions.

(3991) Civ. 2e, 4 mars 1987, Bull. civ. II, no 62, RTD civ. 1987, p. 595, obs. R. P ERROT .

(3992) L'article 385 CPC fait référence à cette situation en disposant que « la constatation de l'extinction de l'instance (...) ne met pas
obstacle à l'introduction d'une nouvelle instance, si l'action n'est pas éteinte par ailleurs ». Le Code de procédure civile qualifiant le moyen
tiré de la prescription de fin de non-recevoir, l'article 385 vise l'extinction de l'action au lieu de l'extinction du droit substantiel.

(3993) Sur les motifs pour lesquels le Code de procédure civile parle de désistement d'action et non de renonciation au droit substantiel,
v. supra, no 1200.

(3994) Le Code de procédure civile n'énonce pas expressément ces conditions pour le désistement d'action, il ne le fait que pour
l'acquiescement à la demande (sur lequel, v. infra, no 1217).

(3995) Art. 394 CPC.

(3996) Sur les conséquences abusives que l'on a déduites de l'exigence de l'acceptation du défendeur sur la nature du lien juridique
d'instance, v. supra, no 129.

(3997) Civ. 2e, 12 juin 1976, Bull. civ. II, no 194.

(3998) Inversement, la présentation d'une simple exception de procédure ne suffit pas à faire obstacle à un désistement unilatéral (à
rappr. : à propos d'une demande tendant à ce que soit constatée la péremption de l'instance, celle-ci n'étant ni une défense au fond, ni une
fin de non-recevoir : Civ. 2e, 29 mai 1991, Bull. civ. II, no 167). Il convient également de rappeler que dans les procédures orales, la
présentation d'une demande ou d'une défense ne résulte pas des conclusions éventuellement échangées avant l'audience, mais de leur
présentation orale devant le juge. Pour déterminer dans quel ordre ont été formulés la demande de désistement d'instance d'une partie et
les moyens de défense de son adversaire, il faut donc s'en tenir au déroulement des débats et ne tenir aucun compte des conclusions
antérieurement adressées par l'adversaire à l'auteur du désistement (Civ. 2e, 26 novembre 1998, Bull. civ. II, no 285).

(3999) Art. 396 CPC.

(4000) En effet, il arrive fréquemment que l'acte de désistement d'instance énonce que le demandeur se réserve la faculté de présenter à
nouveau la même demande, marquant par là que son désistement n'est pas un désistement d'action.

(4001) Art. 397 CPC.

(4002) En dépit de son nom, le jugement de donné acte n'est pas un véritable jugement. Ce n'est qu'un procès-verbal, dans lequel le juge
constate l'accord des parties. Il n'est donc susceptible d'aucun recours (Com., 4 octobre 1966, Bull. civ. III, no 371). Sur les jugements de
donné acte, v. supra, no 324. Il n'en va pas de même des décisions par lesquelles le juge tranche une difficulté relative à un désistement
litigieux. Par ailleurs, il a déjà été indiqué que le retrait du rôle, comme la radiation, n'entraîne pas l'extinction de l'instance (v. supra,
no 1197). Les praticiens doivent donc éviter de confondre les deux institutions et de demander le retrait du rôle lorsqu'ils veulent éteindre
l'instance.
(4003) Il a été indiqué (supra, no 1209) qu'une instance se trouvait à l'abri de la péremption lorsqu'elle avait déjà donné lieu à un jugement
tranchant une partie du principal. L'existence d'un tel jugement fait-il obstacle à un acte de désistement ? La question ne se pose pas
dans les mêmes termes, en raison du rôle que tient la volonté dans le désistement. Lorsqu'une partie se désiste d'une instance qui a déjà
donné lieu à un jugement tranchant une partie du principal, elle renonce par là même à cette décision. La manifestation de volonté a donc
deux objets distincts : d'une part, la renonciation au jugement intervenu, d'autre part, la renonciation à poursuivre l'instance actuellement
pendante.

(4004) Sous la seule réserve que le droit substantiel n'ait pas été éteint par la prescription (la demande qui a fait l'objet du désistement
n'ayant pu l'interrompre). Cependant, sur ce point, la Cour de cassation fait preuve de souplesse. La citation interruptive de la
prescription n'est réputée non avenue que si le désistement d'instance est pur et simple. Tel n'est pas le cas lorsqu'une partie se désiste
tout en énonçant qu'elle entend reprendre sa demande ultérieurement devant un autre juge, la juridiction initialement saisie n'étant pas en
mesure d'accueillir sa prétention pour des raisons procédurales (incompétence, nouveauté de la demande en appel...). V. notamment
Com., 12 juillet 1994, Bull. civ. IV, no 266, JCP G 1995, II, 22494, note A. P ERDRIAU. À rappr. : Soc., 9 juillet 2008, no 07-60-468, RTD civ.
2008, p. 721, obs. R. P ERROT .

(4005) Civ. 3e, 24 janvier 1978, Bull. civ. III, no 50, RTD civ. 1978, p. 732, obs. R. P ERROT .(4006) Civ. 2e, 20 mars 2014, nº 13-11273.

(4007) On remarquera que le désistement d'appel ou d'opposition ne s'apprécie pas par rapport à la demande initiale, mais par rapport à
la voie de recours. C'est le « demandeur à l'appel » qui se désiste, même s'il est défendeur à l'égard de la demande initiale.

(4008) V. infra, no 1219.

(4009) On peut ainsi imaginer que l'appelant subordonne son désistement à l'octroi de délais pour le paiement des sommes au paiement
desquelles il a été condamné par le juge du premier degré.

(4010) Il faut que la demande ou l'appel incidents aient été effectivement formés avant le désistement. Il ne suffit pas que, dans un
imprimé-type, l'intimé se soit réservé la possibilité de former de telles prétentions. V. Civ. 2e, 10 mars 1982, Bull. civ. II, no 37, Gaz. Pal.
1982.406, note J. VIATTE, RTD civ. 1983, p. 197, obs. R. P ERROT . De la même façon, la Cour de cassation décide qu'une demande de
condamnation de l'appelant au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ne l'empêche pas de se désister unilatéralement. V. Civ.
2e, 10 décembre 1986, Bull. civ. II, no 179. La demande formée au titre de l'article 700 ne serait pas une demande incidente, car elle « ne
tend qu'à régler les frais de l'instance auxquels est tenu l'appelant et (...) n'implique pas pour la juridiction la nécessité d'examiner le
fond » (Cass. Mixte, 13 mars 2009, no 07-17670). Cette solution a le mérite de faciliter les désistements, donc de désencombrer le rôle
des cours d'appel. Et l'intimé n'en souffre pas, car la jurisprudence l'autorise à demander la condamnation de son adversaire au titre de
l'article 700, en dépit du désistement de celui-ci : v. Civ. 2e, 9 novembre 2006, 05-16611.

(4011) Mais, selon la Cour de cassation, il n'a pas besoin d'être notifié aux autres parties pour produire son effet, lorsqu'il n'a pas à être
accepté : Civ. 2e, 10 juillet 2008, no 07-17042, Dr. et procéd. 2009, p. 29, obs. Ch. LEFORT . Une notification à l'une d'entre elles suffirait
(ou même un dépôt au greffe de conclusions de désistement).

(4012) V. supra, no 641.

(4013) Cass. Mixte, 13 mars 2009, no 07-17670, JCP G 2009, II, 10085, note B. TRAVIER et R. CROS, RTD civ. 2009, p. 369, obs.
R. P ERROT , Dr. et procéd. 2009, p. 219, obs. O. SALATI.

(4014) V. notamment Soc., 19 décembre 2002, no 00-12712, JCP G 2003, II, 10031, note A. P ERDRIAU. À rappr. : Civ. 2e, 12 juin 2008,
no 07-12976, RTD civ. 2008, p. 554, obs. R. P ERROT : « le désistement de l'appel formé prématurément contre un jugement (...) (avant
dire droit) n'implique pas renonciation à interjeter appel de ce jugement avec le jugement sur le fond ».

(4015) Civ. 2e, 27 février 2014, nº 13-11199. Il s’agissait de se désister d’un appel formé devant un juge incompétent pour réitérer ce
recours devant la juridiction compétente.

(4016) Civ. 1re, 14 mars 2012, no 10-10006.

(4017) Sur ce thème et, plus largement, sur la caducité en droit judiciaire privé, v. P. CALLÉ, « Caducité », Rép. Dalloz pr. civ., 2010.
(4018) Sur ce cas de caducité, v. supra, no 593. D'autres exemples de caducité ont déjà été rencontrés. Par exemple, en matière
prud'homale, l'article R. 1454-12 du Code du travail dispose que si, « au jour fixé pour la tentative de conciliation, le demandeur ne
comparaît pas sans avoir justifié en temps utile d'un motif légitime, le bureau de conciliation déclare la demande et la citation caduques ».
De façon générale, d'ailleurs, les articles 468 et 469 du Code de procédure civile disposent que le défaut du demandeur est susceptible
devant toutes les juridictions de conduire à la caducité de la citation. V. supra, no 665 et no 1155.

(4019) Art. 908 CPC.(4020) Civ. 2e, 21 octobre 1976, Bull. civ. II, no 284.

(4021) À défaut de justification, on peut avancer l'explication purement circonstancielle suivante. L'article 407 a été rédigé en 1975, à un
moment où le principe de la contradiction à l'égard du juge se trouvait ouvertement répudié par la Chancellerie et les rédacteurs du Code
de procédure civile. Il n'en reste pas moins qu'outre le fait qu'elle contredit sans aucune raison le principe général posé par l'article 16
CPC, la solution qu'édicte l'article 407 constitue une complication aberrante. Une modification serait la bienvenue.

(4022) Cass. Ass. plén., 3 avril 1987, Bull. Ass. plén. no 2. Sur le probable maintien de cette jurisprudence après la réforme du droit de la
prescription par la loi du 17 juin 2008, v. supra, no 469, en note.

(4023) Théoriquement, il le peut même lorsque c'est l'acte d'appel qui est frappé de caducité. En effet, à la différence de la péremption
de l'instance d'appel ou du désistement d'appel, la caducité de l'acte d'appel ne fait pas, en soi, disparaître le droit de former à nouveau
une voie de recours contre le jugement rendu au premier degré. En pratique, cependant, le résultat est presque toujours le même. La
notification du jugement fait courir le délai d'appel qui est d'un mois. Quand l'acte d'appel devient caduc, le délai d'appel est largement
arrivé à expiration. La formation d'un nouvel acte d'appel n'est envisageable que lorsque le jugement au premier degré n'a pas été notifié.

(4024) Littéralement, l'article 408 du Code de procédure civile dispose que l'acquiescement à la demande « emporte » reconnaissance du
bien-fondé des prétentions de l'adversaire. Mais, en réalité, la reconnaissance du bien-fondé n'est pas un effet de l'acquiescement à la
demande, c'est sa définition. L'un n'entraîne pas l'autre, l'un est équivalent à l'autre.

(4025) Le demandeur ne peut donc plus présenter des demandes incidentes. Il ne lui reste qu'à engager une nouvelle instance dans
laquelle elles constitueront des demandes initiales. C'est possible même en matière prud'homale, la Cour de cassation écartant alors la
règle de l'unicité de l'instance (dont l'applicabilité est déjà incertaine en l'absence de jugement sur le fond ; v. supra, no 662 et s.) : Soc.,
4 octobre 2011, no 10-15249, Procédures 2011, no 372, note A. BUGADA.

(4026) Le rapport à justice peut également s'exprimer à travers d'autres formules : l'intéressé peut ainsi demander aux juges de « statuer
ce que de droit » ou déclarer « s'en remettre à leur sagesse » ou « à leur appréciation ».

(4027) Sur les « réserves d'usage », v. Civ. 2e, 18 septembre 2008, no 07-18111, Procédures 2008, no 289, note R. P ERROT .

(4028) Ex. : Civ. 1re, 21 octobre 1997, Bull. civ. I, no 283 ; Civ. 2e, 3 juin 2010, no 09-13842.

(4029) Sur cette question, v. A. P ERDRIAU, « Conséquences d'un rapport à justice au regard du juge de cassation », JCP G 2001, actu,
p. 349.

(4030) Civ. 2e, 3 mai 2001, no 98-23347 ; Soc., 25 octobre 2007, no 06-42661, JCP S 2007, no 1965, note I. P ÉTEL-TEYSSIÉ ; Civ. 3e,
30 octobre 2013, nº 12-21128.

(4031) Cependant, on verra (infra, au texte) que l'acquiescement unilatéral au jugement ne devient véritablement irrévocable que si les
autres parties ne forment pas de recours.

(4032) En tant qu'il est une renonciation à un droit, l'acquiescement au jugement suppose chez son auteur la capacité de disposer. V. Civ.
1re, 6 décembre 1988, Bull. civ. I, no 342.

(4033) Rappelons aussi les articles 403 et 404 CPC, sur le désistement de l'appel ou de l'opposition. V. supra, no 1214.

(4034) En revanche, l'exécution d'un jugement exécutoire, même par provision, ne vaut pas acquiescement. Il est, dès lors, essentiel de
savoir quelles sont les décisions bénéficiant automatiquement de l'exécution provisoire. Rappelons que tel est le cas de la condamnation
au paiement d'une provision prononcée par un juge du fond. Le paiement de la provision ne peut donc valoir acquiescement : Civ. 2e,
18 novembre 1999, JCP 2000, II, no 10385, note M-C. P SAUME.
(4035) Civ. 2e, 14 octobre 1981, Bull. civ. II, no 184, Gaz. Pal. 1982.1.122, note J. VIATTE, RTD civ. 1982, p. 211, obs. R. P ERROT . Pour
un exemple d'acquiescement légal : le paiement par une partie des dommages et intérêts au paiement desquels elle a été condamnée
(sans exécution provisoire). Autre exemple : le fait de saisir le tribunal désigné par le juge qui s'est déclaré incompétent vaut
acquiescement au jugement et interdit de former contredit (Soc., 20 janvier 1982, Bull. civ. V, no 29) : il importe peu que cette saisine ait
été inutile, compte tenu des règles relatives au règlement de l'incident de compétence. La saisine même effectuée à tort constitue un acte
d'exécution du jugement non exécutoire.

(4036) Notamment une expertise.

(4037) V. Civ. 2e, 14 octobre 1981, Bull. civ. II, no 184, préc. et Civ. 2e, 14 octobre 1981, Bull. civ. II, no 183, pour la distinction entre les
deux situations.

(4038) Civ. 2e, 22 mai 1995, Bull. civ. II, no 146, RTD civ. 1995, p. 685, obs. R. P ERROT ; Civ. 2e, 5 juin 1996, Bull. civ. II, no 120.

(4039) Civ. 2e, 23 novembre 1994 (2 arrêts), Bull. civ. II, no 235, RTD civ. 1995, p. 187, obs. R. P ERROT ; Civ. 2e, 26 février 1997,
Bull. civ. II, no 57.

(4040) Ex. : Civ. 2e, 10 janvier 2008, no 07-13370, Procédures 2008, no 98, note R. P ERROT .

(4041) V. ainsi Civ. 2e, 14 janvier 1999, Bull. civ. II, no 6, à propos de la participation d'un époux aux opérations de liquidation de son
régime matrimonial, qui ne vaudrait pas acquiescement au jugement de divorce ayant ordonné ces opérations.

(4042) V., par exemple, Civ. 2e, 27 mai 1988, Bull. civ. II, no 122, Audijuris 1988-17, obs. J. HÉRON.

(4043) Civ. 3e, 13 juin 1979, Bull. civ. III, no 130, D. 1979, I.R. 473, obs. P. JULIEN, RTD civ. 1980, p. 171, obs. R. P ERROT .

(4044) Civ. 2e, 27 mai 1988, Bull. civ. II, no 121, Audijuris 1988-17, obs. J. HÉRON ; 15 décembre 2005, no 04-10847, Procédures 2006,
no 24, note R. P ERROT .

(4045) L'irrecevabilité de la voie de recours montre que l'acquiescement au jugement ne constitue pas normalement une cause
d'extinction de l'instance, mais un obstacle à la création d'une nouvelle voie de recours. Il peut être cependant une cause d'extinction
d'une instance régulièrement créée lorsque la voie de recours est formée avant l'acte qui vaut acquiescement. L'acquiescement joue
alors le rôle d'une cause de caducité de l'instance de recours.

(4046) Au moins lorsque l'acquiescement n'est pas intervenu en connaissance de l'erreur invoquée : Civ. 2e, 7 juillet 2011, no 10-21061.

(4047) La demande de rectification d'erreur matérielle ne constitue pas un véritable recours : v. supra, no 383.

(4048) Civ. 2e, 20 juin 1996, Bull. civ. II, no 173.

(4049) La Cour de cassation fournit ici un bel exemple d'application du principe d'interprétation du droit objectif que l'on exprime
classiquement sous la forme de l'adage cessante ratione legis, cessat ejus dispositio.

(4050) Lorsqu'elle intervient après le jugement, la renonciation à l'appel vaut acquiescement au jugement.

(4051) Rien n'interdit à une partie de renoncer unilatéralement à l'appel (cf. le texte de l'article 558 du Code de procédure civile). En
pratique, cependant, la renonciation ne se conçoit guère que si elle résulte d'un accord entre les diverses parties au litige et s'applique à
toutes ces parties.

(4052) Cette restriction frappe essentiellement des personnes morales de droit public.

(4053) V. supra, no 464. On remarquera d'ailleurs que les deux vont de pair dans l'une des rares illustrations publiées de cette possibilité :
Civ. 1re, 27 mai 1986, Bull. civ. I, no 144, p. 144, D. 1987.209, note P.-Y. GAUTIER.

(4054) V. supra, no 291.

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